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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 023 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 21 novembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1830)  

[Traduction]

     Bonsoir à tous. La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 23e séance du Comité permanent des sciences et de la recherche de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres sont présents dans la salle et à distance par Zoom. Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 26 septembre 2022, nous poursuivons l'étude des programmes internationaux ambitieux.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous donne la parole en vous désignant par votre nom avant de parler. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro quand vous parlez. Veuillez le désactiver quand vous ne parlez pas. Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais et le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal voulu.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Si vous voulez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour ceux qui participent par Zoom, veuillez utiliser la fonction « main levée ». Le greffier et moi-même nous occuperons de notre mieux de l'ordre des interventions. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension.
    Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les essais de connexion nécessaires avant la réunion.
    Je vois aussi que Mme Sonia Sidhu se joint à nous ce soir. Bienvenue à vous, madame.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à tous nos témoins.
    Nous sommes absolument ravis d'accueillir ce soir le très honorable David Johnston, ancien gouverneur général du Canada. Nous accueillons également M. Alan Bernstein, président émérite du CIFAR, et M. Seth Klein, chef d'équipe de la Climate Emergency Unit.
    Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous et nous vous souhaitons la bienvenue.
    Chaque témoin disposera de cinq minutes. Au bout de quatre minutes et demie, je lèverai un carton jaune. Par souci d'équité, c'est donc cinq minutes et pas plus. Vous serez avertis quand il vous restera 30 secondes.
    Sur ce, nous allons entendre le très honorable David Johnston pour cinq minutes. Je vous en prie, monsieur.

[Français]

    Je suis honoré d'être ici aujourd'hui et d'avoir l'occasion de m'adresser au Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.

[Traduction]

    On ne saurait trop insister sur l'importance de votre sujet d'étude: l'ambition dans l'innovation. L'innovation va de la curiosité à la créativité, mais cela signifie très simplement qu'il faut faire mieux.
    Compte tenu des contraintes de temps, permettez-moi de faire une énumération rapide.
    Ma recommandation est très simple: l'ambition du Canada est de devenir l'Athènes de la nouvelle Rome.
     Nous y arriverons en pratiquant ce que j'appelle la « diplomatie du savoir », en nous engageant par le biais de l'éducation et de la recherche internationales, avec des étudiants et des chercheurs de l'étranger et avec nos étudiants et nos chercheurs qui voyagent et s'engagent à l'étranger. Nous serons des citoyens du monde, et notre capacité de recherche s'enrichira de la collaboration internationale.
    Je vous ai laissé trois documents.
     Le premier est l'allocution que j'ai prononcée à Vancouver le 16 février 2012 devant l'American Association for the Advancement of Science au sujet de la diplomatie du savoir. Le deuxième est tiré d'un chapitre de mon livre intitulé Je vous écris: Lettres aux Canadiens. C'est une lettre adressée à Son Altesse l'Aga Khan au sujet de l'importance du pluralisme et de la pratique de la diplomatie du savoir. Le troisième est la « Stratégie du Canada en matière d'éducation internationale (2014‑2019) », rédigée à l'intention du ministre du Commerce international de l'époque par un groupe de travail présidé par M. Amit Chakma, alors président de l'Université Western. Je vous recommande de prendre connaissance de ce rapport remarquable — et mis à jour — et d'élaborer une stratégie renouvelée pour la prochaine décennie.
    Pour gagner du temps, je me contenterai de formuler cinq propositions tirées de mon allocution devant l'AAAS.
    Premièrement, dans notre monde moderne et mondialisé, le bien-être des pays sera surtout défini par la façon dont ils élaborent et font progresser les connaissances. Deuxièmement, la possibilité de partager l'information n'a jamais été aussi omniprésente et aussi bon marché. Troisièmement, les communications sont si rapides et faciles qu'elles nous transforment. Quatrièmement, les idées s'affinent lorsqu'elles sont partagées et éprouvées par l'action. Cinquièmement, nous devons promouvoir des pratiques indépendantes qui nous ont bien servis, mais nous devons aussi élargir ce que nous apprenons et la façon dont nous apprenons.
    Permettez-moi maintenant de vous offrir quelques points de vue selon quatre types d'avantages.
    Le premier est l'avantage que représentent les étudiants étrangers recrutés au Canada.
     Premièrement, ils paient des frais de scolarité internationaux, ils dépensent de l'argent pendant leur séjour ici, et ils sont une importante source de soutien pour des emplois de grande qualité. Deuxièmement, ils représentent le septième secteur d'exportation en importance du Canada, alors que, en Australie, ils en sont le troisième. Nous devrions aspirer à en faire le plus important secteur d'exportation du Canada.
     Troisièmement, ils fournissent une main-d'œuvre hautement qualifiée comme assistants à l'enseignement et à la recherche et ils sont de ceux à qui il est le plus souhaitable d'offrir la résidence permanente. La totalité de la croissance démographique du Canada provient des immigrants, dont nous avons besoin pour soutenir notre population vieillissante, et leurs enfants dépassent les jeunes Canadiens « de souche » sur le plan de l'éducation et de l'entrepreneuriat.
    Enfin, les changements climatiques et les perturbations démographiques qui caractériseront les prochaines décennies entraîneront une augmentation de l'émigration ailleurs et donc de l'immigration au Canada. Le Canada, qui possède la deuxième masse terrestre en importance dans le monde et 20 % des ressources en eau douce de la planète, devra faire face à d'importantes pressions internationales pour accroître considérablement sa population, qui est actuellement de 38 millions d'habitants.
    Le deuxième avantage concerne les étudiants canadiens résidant à l'étranger pour y étudier ou pour y faire de la recherche ou du bénévolat.
     Premièrement, ils deviennent des citoyens du monde avec une perspective beaucoup plus large. Mes cinq filles, qui ont commencé des échanges internationaux à l'adolescence, sont une preuve que cette expérience est transformatrice. Ces jeunes deviennent plus curieux, plus tolérants, plus réfléchis, plus empathiques, plus autonomes, plus créatifs et plus résilients. Comme ils saisissent les choses dans une perspective plus large et acquièrent un nouvel esprit d'entreprise, ils font la promotion des valeurs culturelles canadiennes et des entreprises canadiennes à l'étranger.
    Deuxièmement, de concert avec les étudiants étrangers installés ici, ils font la promotion de l'harmonie interculturelle que nous constatons dans notre système d'éducation public, où des jeunes de différents milieux culturels sont éduqués ensemble. Nous pouvons projeter l'expérience canadienne sur la scène mondiale comme exemple de pluralisme pacifique et collaboratif.
    Le troisième avantage concerne le commerce et l'investissement. Les étudiants étrangers qui rentrent chez eux et les Canadiens à l'étranger deviennent nos meilleurs ambassadeurs et nos délégués commerciaux bénévoles. Les contacts interpersonnels et les amitiés permettent au Canada de puiser dans une réserve de talents beaucoup plus vaste. Les Canadiens sont ainsi encouragés à développer des points de vue plus larges et plus inclusifs.
    Enfin, il y a les avantages liés à l'amélioration de la recherche.
     La recherche et le développement dépendent de réserves de talents de première qualité. L'éducation internationale est une base magnifique. À partir de cette base, des partenariats collaboratifs sont créés et élargis, institution par institution, alignement par alignement et pays par pays à travers le monde.
     Le Canada représente déjà un choix collaboratif. Nous représentons moins de 2 % de la population mondiale et nous sommes à l'origine de plus de 4 % des articles scientifiques et techniques examinés par des pairs dans les principales revues scientifiques. Plus de la moitié de ces articles ont des coauteurs étrangers. Cette base croissante de talents collaboratifs aide grandement le Canada à contribuer à la capacité de recherche des États‑Unis et à en tirer parti, et notre partenariat bilatéral est déjà le plus avantageux au monde. Notre capacité à attirer d'autres partenaires étrangers aide à égaliser la contribution du Canada.

  (1835)  

     Monsieur, je suis vraiment désolée.
    Bernard Shaw a écrit un jour : « Certains voient les choses telles qu'elles sont et se demandent pourquoi; je rêve de choses qui devraient être et je me dis pourquoi pas. »
    Merci.
    J'espère que vous me pardonnerez.
    J'ai eu les conversations les plus merveilleuses chez lui et je me sens très mal à l'aise de l'interrompre. Je dois cependant être juste envers tout le monde.
    Monsieur Bernstein, vous avez la parole pour cinq minutes. Je vous en prie.
     Merci, madame la présidente. Je vais essayer d'être bref.
    Je dirai d'abord que je suis d'accord avec ce que David Johnston vient de dire. Deuxièmement, je félicite le Comité d'avoir axé cette réunion sur l'importance des programmes internationaux ambitieux. Je dis cela compte tenu de la fin de la COP27 et des préoccupations de tous concernant les changements climatiques.
     Nous savons tous que la question des changements climatiques dans le monde ne sera réglée — et je cite ici Gordon Brown, l'ancien chancelier de l'Échiquier au Royaume‑Uni — que par la science et la recherche. Seules la science et la recherche nous donnent espoir. C'est un peu comme la pandémie, dont nous aimerions nous débarrasser, mais qui est encore là. La science et la recherche ont offert de l'espoir, et pas seulement de l'espoir, mais des médicaments, des vaccins et des diagnostics qui ont vraiment sauvé le monde de ce nouveau virus.
    Permettez-moi d'aborder quelques autres questions.
    Je pense que la pandémie a brillamment démontré ce que la science — en transcendant les frontières politiques et disciplinaires et en étant alimentée par la collaboration mondiale et les décennies précédentes de science fondamentale — peut faire en un laps de temps remarquablement court. Les vaccins à ARN ont changé la donne de façon inattendue et ils ont effectivement permis de sauver des centaines de millions de vies dans le monde, dont probablement un million au Canada. Les changements climatiques ne seront également réglés que par des décennies de science antérieure, alimentée par la collaboration mondiale.
    J'insiste sur le mot « ambitieux ». Les changements climatiques ne seront pas réglés au moyen de données scientifiques cumulatives. Comme la COVID, ils ne seront réglés que par des moyens scientifiques ambitieux. C'est pourquoi je pense que le terme retenu par les membres du Comité est louable. Et judicieux.
    Reste maintenant la question de savoir si le Canada peut contribuer à ces moyens scientifiques ambitieux. C'est une question importante que le Comité et nous tous devons régler. Ma réponse est très claire. Il y a eu récemment deux inventions qui ont changé le monde: l'intelligence artificielle et les vaccins à ARN. Je crois que personne ne dirait le contraire.
    L'intelligence artificielle, l'apprentissage profond ou apprentissage par renforcement ont été développés ici même au Canada par Geoff Hinton, à Toronto, avec ses étudiants, et par Rich Sutton et ses stagiaires, à Edmonton, avec ses étudiants. Cela a complètement transformé toutes sortes de sciences et a attiré des billions de dollars d'investissements de partout dans le monde. Cela a vraiment changé la donne.
    Comment est‑ce arrivé? C'est arrivé parce que Geoff et Rich travaillaient aux États‑Unis. Pour faire suite à ce que vous disiez, madame la présidente, ils ont envisagé de quitter les États‑Unis pour le Canada en raison de nos valeurs, de l'état de notre démocratie et de l'état de nos villes. Et ils ont déménagé ici, avec l'aide du CIFAR, l'organisation que j'ai l'honneur de diriger depuis 10 ans. Ils ont déménagé à Toronto et à Edmonton, respectivement.
    Je voudrais revenir sur un point soulevé par David Johnston.
    Toronto, Edmonton et Montréal — parce que Yoshua Bengio était l'un des stagiaires formés par Geoff — sont maintenant en plein essor grâce au boom de l'intelligence artificielle créé par la science fondamentale financée par le gouvernement fédéral par l'entremise du CIFAR, puis par le CRSNG au début des années 2000. Il y a une leçon importante à tirer concernant ce dont nous sommes capables et le rôle du gouvernement dans la stimulation de ces recherches de pointe.
    Il y a également les vaccins à ARN, et c'est peut-être quelque chose que les membres du Comité ne savent pas. Permettez-moi de rappeler quatre contributions vraiment essentielles des Canadiens à ces vaccins.
    Le vaccin d'Oxford-AstraZeneca — qui a été administré à plus de gens sur la planète que tout autre vaccin contre la COVID — et le vaccin de Johnson & Johnson-Harvard s'appuient sur une technologie de vecteur d'adénovirus. Cette technologie a été mise au point par Frank Graham quand il était professeur à l'Université McMaster.
    Moderna, la brillante entreprise qui a créé les vaccins ARN, a été fondée par Derrick Rossi, un autre Canadien. Je suis également très fier de dire qu'il est un de mes anciens étudiants diplômés.
    Les nanoparticules lipidiques, qui sont essentielles pour protéger l'ARN d'un vaccin à ARN, ont été mises au point par Pieter Cullis, de l'Université de la Colombie‑Britannique. Chaque vaccin à ARN administré sur la planète utilise maintenant la technologie brevetée mise au point par Pieter Cullis à Vancouver.

  (1840)  

    Enfin, le fonctionnement du système immunitaire et le rôle des cellules sentinelles présentées par les vaccins à ARN — dites cellules dendritiques — ont été identifiés pour la première fois par le regretté Ralph Steinman, qui a remporté le prix Nobel pour ce travail quand il travaillait à l'Université Rockefeller.
    Les Canadiens sont tout à fait compétents.
    Monsieur Bernstein...
    Je vais en rester là. Je me ferai un plaisir de répondre du mieux possible à vos questions.
     C'est la partie la plus difficile de ce travail — être obligé d'interrompre —, mais les membres du Comité auront d'excellentes questions à vous poser.
    Merci beaucoup de votre témoignage. Nous sommes très heureux que vous soyez tous ici.
    Monsieur Klein, vous avez cinq minutes.
    Soyez le bienvenu.
     Merci beaucoup de votre invitation, madame la présidente Duncan.
    Je vous parle depuis les territoires non cédés des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh, aussi connus sous le nom de Vancouver.
    C'est un honneur pour moi de me retrouver en aussi distinguée compagnie. En vérité, je ne sais pas trop pourquoi vous m'avez invité. Je ne suis ni scientifique ni ingénieur, bien que je m'intéresse au déploiement rapide de la recherche et de la technologie. Je fais des recherches et publie des ouvrages dans le domaine des politiques d'intérêt public. Pendant 22 ans, j'ai été le directeur fondateur du Centre canadien de politiques alternatives en Colombie‑Britannique. Plus récemment, en 2020, j'ai publié un livre que certains d'entre vous connaissent bien, je crois, et qui s'intitule A Good War : Mobilizing Canada for the Climate Emergency. Ce sont sans doute les idées avancées dans ce livre qui m'ont valu cette invitation.
    À propos de la crise climatique, il y a lieu d'emprunter une phrase qui convient parfaitement: « Houston, nous avons un problème. » Je ne suis pas le premier à assimiler la pressante nécessité des mesures énergiques que réclame l'urgence climatique à la course vers la lune. David Suzuki l'a souvent fait. La semaine dernière encore, un éditorial du Guardian destiné aux dirigeants mondiaux réunis pour la COP en Égypte et repris par 30 organisations médiatiques réparties dans 20 pays, disait ceci:
Le temps presse. Au lieu de délaisser les combustibles fossiles pour se tourner vers les énergies propres, de nombreux pays riches réinvestissent dans le pétrole et le gaz, échouent à réduire leurs émissions assez rapidement et se disputent au sujet de l'aide qu'ils sont prêts à accorder aux pays pauvres. Tout cela à un moment où la planète se dirige vers un point de non-retour, un chaos climatique irréversible.
    L'éditorial ajoute:
Résoudre la crise, c'est la grande ambition de notre temps. Nous avons réussi à nous rendre sur la lune en une décennie en y mettant d'énormes ressources. Un engagement du même ordre s'impose maintenant.
    Permettez-moi de parler plus précisément du contexte canadien.
    Depuis 20 ans, malgré toutes nos promesses, tous nos engagements en matière climatique, le mieux que notre pays ait pu faire, c'est stabiliser ses émissions à un sommet historique. Nous n'avons pas réussi à infléchir la courbe. La dernière année pour laquelle nous avons des données sur les GES est 2020, et nous avons constaté une baisse notable cette année‑là. Toutefois, rappelons-nous qu'il s'agissait de l'année du confinement, pendant laquelle tant de déplacements ont été annulés et tant d'activités économiques mises en veilleuse. La plupart des analystes prévoient que, lorsque les données seront disponibles, nous constaterons une nouvelle augmentation des émissions en 2021.
    Le gouvernement fédéral prend maintenant des mesures en matière climatique, mais elles sont loin d'être aussi rapides et énergiques que ce que la crise exige. Dans les prochaines années, nous assisterons sans doute à un fléchissement lent de la courbe de notre pollution par le carbone, mais rien qui soit aussi rapide ni aussi important que ce que justifieraient les données scientifiques. Les politiques de lutte contre les changements climatiques du gouvernement fédéral connaîtront un succès modeste, mais rien qui soit comparable à celui d'un effort audacieux comme la course vers la lune. Ce n'est pas rassurant. Comme l'a dit le grand auteur en climatologie Bill McKibben, gagner lentement sur le plan climatique, c'est échouer.
    Pourquoi y a‑t‑il eu si peu de progrès? L'une des principales raisons, à mon avis, c'est que nos politiques fédérales et provinciales sur le climat jusqu'à maintenant sont presque toutes d'application volontaire. Nous en sommes toujours à essayer d'encourager les efforts qui nous mèneraient au succès. Nous encourageons le changement en donnant des signaux de prix, en proposant des rabais, des réductions d'impôt et des crédits, mais le changement n'est pas obligatoire et il n'est pas favorisé par des investissements directs de l'État.
    La politique phare du gouvernement en matière de climat demeure la hausse progressive de la tarification du carbone, qui, espère‑t‑il, incitera le privé à investir dans la bonne direction. Pour être clair, je suis en faveur de la tarification du carbone. Cependant, si c'est là l'élément central de la stratégie, celle‑ci condamnera nos enfants et nos petits-enfants à de profonds bouleversements et à des catastrophes. Ce n'est pas une façon de mener une bataille dont nos vies sont l'enjeu.
    Mon livre revisite une histoire d'une autre époque où notre civilisation était menacée. Il s'agit de la transformation de la société canadienne et le réoutillage complet de notre économie rendus nécessaires par la Seconde Guerre mondiale.
    Je voudrais vous faire part rapidement de quelques enseignements tirés de ces efforts ambitieux. Lorsque je donne des conférences et des entrevues, on me demande invariablement: « Comment savez-vous quand un gouvernement est aux prises avec une situation d'urgence? » En réfléchissant à notre expérience du temps de guerre, et maintenant à notre expérience de la pandémie, j'ai résumé ma réponse à ce que j'appelle « les six critères de l'urgence ». Ce sont les critères qui révèlent — quand on le sait — qu'un gouvernement est vraiment passé en mode d'urgence.
    Premièrement, il dépense tout ce qu'il faut pour réussir. Deuxièmement, il crée de nouvelles institutions économiques pour faire le travail. Troisièmement, il remplace les politiques incitatives ou d'application volontaire par des mesures obligatoires. Quatrièmement, il dit la vérité sur la gravité de la crise et communique un sentiment d'urgence quant aux mesures nécessaires pour la combattre. Cinquièmement, il s'engage à ne laisser personne en rade. Et sixièmement, il met l'accent sur les droits et les titres des dirigeants autochtones, car ils sont également essentiels au succès dans notre contexte.

  (1845)  

     Pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement du Canada a répondu aux cinq premiers critères. De même, au cours de la première année de l'urgence pandémique, il a en grande partie répondu aux quatre premiers. Mais devant l'urgence climatique, jusqu'à maintenant au moins, nos gouvernements ne respectent aucun des six.
    Je suis prêt à répondre à vos questions. Je me ferai un plaisir de vous donner plus de détails sur ces critères de l'urgence.
    Merci.

  (1850)  

    Merci, monsieur Klein. Merci beaucoup.
    Encore une fois, merci aux témoins. Nous sommes ravis de vous accueillir. Passons aux questions. Vous avez devant vous un comité engagé et enthousiaste.
    M. Mazier entamera le tour de six minutes.
    La parole est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Johnston, j'ai lu les propos que vous avez tenus à Vancouver. Vous avez parlé de la capacité de développer et de faire progresser les connaissances. Ce sera la nouvelle devise et le nouveau passeport de la réussite. Vous avez ensuite parlé de la facilité avec laquelle il est possible de mettre en commun l'information dans le monde d'aujourd'hui grâce à Internet. Vous avez dit: « Cette diffusion de l'information est rendue possible par la révolution des communications provoquée par la montée d'Internet. »
    Pouvez-vous expliquer davantage en quoi Internet et la connectivité cellulaire sont importants pour l'avancement des connaissances?
    Premièrement, il s'agit d'un changement radical dans notre façon de communiquer. Ce qui a permis à l'Europe de l'Ouest d'émerger du Moyen-Âge pour entrer dans la révolution industrielle des XVe et XVIe siècles, c'est le développement de la presse à imprimer. D'autres pays l'avaient déjà. La Chine l'avait. L'islam aussi. Cette presse a transformé l'Europe de l'Ouest en démocraties, elle a permis d'apprendre en lisant et en étudiant, etc., mais il a fallu trois siècles pour que la majorité de la population de l'Europe de l'Ouest en profite.
    Internet, qui fait tout cela et plus encore, s'est étendu à la majorité de la population mondiale en moins d'une décennie. C'est un changement radical dans nos modes de communication, et c'est vraiment une période merveilleuse de l'histoire parce que nous avons tellement d'occasions de communiquer largement nos connaissances.
    J'ajouterais que ce que je recommande aujourd'hui se rattache à la culture de l'innovation. C'est une question de culture.
    Je me souviens que John Evans, ce merveilleux chef de file dans le milieu universitaire et ailleurs, m'a un jour demandé, car nous aimons tous les deux le hockey: « David, pensez-vous que nous pourrions un jour intéresser les Canadiens à la recherche autant qu'au hockey? » J'ai répondu: « John, c'est probablement trop demander, mais il vaut la peine d'essayer. »
    C'est là que je veux en venir: l'éducation est le fondement des initiatives ambitieuses, et je veux dire par là l'éducation ayant une dimension internationale. Le Canada a la possibilité d'être le meilleur dans ce domaine, en utilisant la nouvelle révolution numérique pour lui permettre de prendre les devants, comme certains pays d'Europe de l'Ouest l'ont fait avec la presse à imprimer.
     Excellent.
    Nous parlons également d'une approche pancanadienne, mais malheureusement, comme vous le savez, de nombreux Canadiens des régions rurales et éloignées n'ont pas vraiment accès à Internet. En fait, le rapport de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet a révélé que les vitesses Internet en milieu urbain sont 380 % plus rapides qu'en milieu rural, sans compter que le prix en milieu rural est exorbitant par rapport à ce que paient les autres Canadiens pour les services d'Internet et de téléphonie cellulaire. Cela empêche de nombreux Canadiens des régions rurales de profiter des possibilités de croissance économique dont vous avez parlé.
    Un bon programme ambitieux pour le Canada consisterait à brancher tous les Canadiens à des services Internet fiables. Qu'en pensez-vous?
    J'ai eu l'insigne honneur d'étudier cette question il y a plus de 20 ans, lorsque j'ai présidé le Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information, qui a produit deux rapports, l'un en 1993‑1994 et l'autre en 1994‑1995. John Manley était le ministre responsable. Kevin Lynch était alors sous-ministre de l'Industrie, et Mike Binder était sous-ministre délégué au spectre. C'est la meilleure mission à laquelle il m'a été donné de participer avec un groupe de travail du secteur public. Nous nous sommes fixé comme objectif que le Canada soit le chef de file mondial en matière de communication numérique. Le fait de l'étendre pour assurer l'égalité des chances dans toutes les régions du pays était un objectif tout à fait fondamental parce que le Canada est un pays qui préconise l'égalité des chances, surtout en ce qui concerne l'éducation.
    Notre rapport a été déposé et un certain nombre de recommandations ont été suivies. Il a été donné suite à cette recommandation‑là, mais beaucoup trop lentement. Si le Canada veut répondre à ma grande conviction au sujet de l'égalité des chances et de l'excellence, nous devons vraiment mettre ces appareils de communication à la disposition de tous dans tous les coins du pays. Sinon, nous raterons une belle occasion.
     Merci.
    Comme vous le savez, les États‑Unis appliquent leurs programmes ambitieux avec beaucoup d'énergie.
    Que pensez-vous de la façon dont nous — le Canada, leur voisin — nous livrons concurrence en matière de programmes très ambitieux? Que devrait faire le gouvernement pour aller de l'avant et agir de façon concurrentielle?

  (1855)  

    Premièrement, il faut reconnaître que c'est une ressource importante, cette proximité des États‑Unis. Beaucoup d'entre nous y ont fait leurs études. Beaucoup d'entre nous ont eu l'occasion de travailler à des projets de recherche conjoints avec les Américains. Un grand nombre de nos institutions ont bénéficié de l'apport des Américains qui sont venus dans le Nord, comme deux des personnes qu'Alan Bernstein vient d'évoquer. C'est un grand privilège.
    Je dirais qu'il faut continuer d'établir des partenariats de recherche avec les grands projets américains, qu'il s'agisse de grands programmes très ambitieux ou non, tandis que nous développons les nôtres. Nous aurons nos propres projets ambitieux. Alan Bernstein nous a donné un exemple de ce qui s'est passé en ce qui concerne la mise au point de vaccins. Le Canada a joué un rôle important dans ce genre de programme.
    Ce que je propose, c'est un programme ambitieux plus large. Il s'agit d'inculquer l'esprit d'innovation chez tous les Canadiens, à commencer par les très jeunes. Pour moi, la chose la plus facile à faire est relativement peu coûteuse. Il s'agit de faire venir des étudiants étrangers ici et d'envoyer nos jeunes à l'étranger. À partir de ce bassin de talents, d'excellents travaux de recherche seront réalisés et nous concevrons une série de programmes audacieux.
    Monsieur Bernstein, votre organisation fait-elle des recherches sur les nouvelles technologies susceptibles de brancher les Canadiens des régions rurales et éloignées à des services Internet et cellulaires de qualité?
    Votre temps de parole est écoulé. Je suis désolé, monsieur Bernstein.
     Monsieur Mazier, vous pourriez peut-être demander à M. Bernstein s'il est prêt à déposer sa réponse.
     Si vous avez une réponse, veuillez avoir l'obligeance de la déposer. Ce serait formidable.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Collins. Six minutes, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Par votre entremise, je m'adresse à M. Bernstein. Je suis très heureux que vous ayez parlé de l'Université McMaster et de sa participation, de sa contribution à la création du vaccin. J'ai récemment visité cet établissement et ses locaux consacrés aux nouvelles solutions en matière de mobilité. J'ai examiné les études sur l'intelligence artificielle et les programmes sur les véhicules autonomes qui sont en cours.
    Pendant ma tournée, j'ai été frappé de constater que le gouvernement fédéral ne semblait jouer aucun rôle en matière de financement. Il y a eu des investissements du secteur privé, l'université avait ses propres fonds et je pense même qu'il y avait des fonds du gouvernement américain. Voici ma question: quels rôles les universités peuvent-elles jouer dans les programmes ambitieux?
    J'ai une question complémentaire. Quel rôle le gouvernement fédéral joue‑t‑il pour soutenir ces programmes lorsque l'université prend le relais?
     Voilà une excellente question, monsieur Collins.
    De l'histoire de l'innovation en toutes sortes de domaines — certainement, plus récemment dans la lutte contre la pandémie et sur d'autres fronts — on peut conclure que la grande majorité des innovations ont leur source dans la recherche fondamentale réalisée par les universités et financée par les gouvernements fédéraux.
     Je ferai remarquer que la récente CHIPS and Science Act adoptée aux États-Unis prévoit un montant énorme — le montant exact m'échappe pour l'instant — pour la recherche fondamentale là‑bas. Pourquoi? Il s'agit précisément de ce dont nous discutons: la conviction profonde que le moteur de l'innovation est la recherche universitaire, la recherche fondamentale. Il faut d'abord former les jeunes qui auront l'esprit d'entreprise dont M. Johnston a parlé. Il s'agit de cette culture de l'innovation.
    Voici un exemple concret. Une jeune femme, Raquel Urtason, a suivi une formation sur l'intelligence artificielle auprès de Geoff Hinton. Elle possède maintenant une entreprise à Toronto qui emploie une cinquantaine de titulaires d'un doctorat en intelligence artificielle qui mettent au point des véhicules autonomes et semi-autonomes, en commençant par des camions. Le Globe and Mail a publié un certain nombre d'articles sur son entreprise sous la rubrique « Report on Business ».
    Cette recherche et cette entreprise ont leur origine dans la recherche fondamentale à l'Université de Toronto. L'entreprise s'implante maintenant sur le marché. Mme Urtason a donc recueilli près de 100 millions de dollars du secteur privé pour lancer l'entreprise, qui s'appelle Waabi. Voilà un exemple.
    Je comprends ce que vous dites au sujet de McMaster. Il se fait énormément de recherches fabuleuses dans cet établissement, ce qui mène exactement au genre d'innovation dont nous parlons ce soir.
    Ce n'est pas que je préconise la recherche fondamentale en soi dans les universités. L'histoire nous enseigne, si je peux dire, que seuls les gouvernements peuvent financer la recherche fondamentale. Il faut y mettre trop de temps et les risques sont trop élevés. C'est pourquoi la CHIPS and Science Act des États-Unis le reconnaît explicitement. Ce que le président Biden dit, c'est qu'il investira dans la recherche fondamentale, mais il s'attend aussi à ce que l'industrie reprenne ensuite le produit des recherches universitaires et franchisse l'étape suivante.
    Sur ce point, les États-Unis excellent. Nous avons encore beaucoup à apprendre de nos collègues et amis au sud de la frontière sur la façon de mieux faire les choses, notamment en ce qui concerne les belles recherches qui se font à McMaster, dont vous avez parlé. Je pourrais vous donner d'autres exemples des recherches réalisées à l'Université McMaster qui, à mon avis, sont vraiment fabuleuses.

  (1900)  

    Merci, monsieur Bernstein, de cette réponse.
    Madame la présidente, il doit me rester environ deux minutes.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à mon amie et collègue, Mme Sidhu.
    Merci, monsieur Collins.
    Madame la présidente, je n'ai qu'une question à poser et elle s'adresse au très honorable David Johnston.
    Monsieur Johnston, je viens de Brampton, où on trouve de nombreuses entreprises novatrices de renommée mondiale. Nous avons MDA, qui a reçu l'aide du gouvernement fédéral. L'entreprise est établie à Brampton et met au point des technologies de pointe à partir de l'emblématique Canadarm3.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont l'investissement stratégique dans le secteur spatial canadien fait progresser une recherche et une innovation ambitieuses? Quelles peuvent être les répercussions?
    Vous avez aussi parlé du programme Citoyen du monde. Quel rôle la diversité et l'inclusion jouent-elles dans la production de recherches audacieuses et ambitieuses?
    Permettez-moi de m'intéresser expressément à l'Agence spatiale canadienne. Il y a plusieurs choses à dire. Premièrement, ce qui m'impressionne, c'est la collaboration internationale qui a découlé de la participation du Canada à de grands projets avec un certain nombre de pays, dont certains ne sont pas nécessairement les plus amicaux. C'est vraiment un grand triomphe de la collaboration scientifique.
    Lorsque j'étais à McGill, nous avons eu l'honneur d'accueillir l'Institut de droit aérien et spatial, qui a été créé à McGill parce qu'il s'agissait d'un centre de réglementation du trafic aérien international où il y a aussi une association. Il s'agissait de profiter des talents qui étaient là. L'élaboration de nouvelles lois qui régiraient l'espace extra-atmosphérique, y compris l'emplacement des stations spatiales, a également été le fruit d'une collaboration internationale très importante.
    Je suis très réconforté par le fait que le Canada a été en mesure, dans un certain nombre de domaines de l'exploration et du développement de l'espace, de jouer dans la cour des grands en évaluant les talents que nous avons et en étant prêt à travailler en collaboration. Pour moi, c'est le grand apport de l'Agence spatiale et de notre participation.
    Il ne s'agit pas de sommes énormes par rapport à ce qu'avancent d'autres pays, mais nous avons très judicieusement cherché à faire une contribution exceptionnelle pour nous.
    Merci, monsieur Collins. Merci, madame Sidhu.
    Merci aux témoins. C'est très intéressant.
    Nous passons maintenant à M. Blanchette‑Joncas.

[Français]

     Monsieur Blanchette‑Joncas, vous avez la parole pour six minutes.
    Je me permets de saluer les témoins qui se joignent à nous pour l'étude de ce soir.
    Monsieur Johnston, c'est un plaisir de vous accueillir au Comité permanent de la science et de la recherche.
     Dans votre allocution, vous nous avez fait part d'une stratégie visant notamment à stimuler l'innovation. Cette stratégie consisterait à faire venir des étudiants étrangers au Canada et à envoyer des étudiants canadiens étudier à l'extérieur du pays.
    Je tente de comprendre le portrait que vous dressez actuellement de la situation. Celui que je dresse de mon côté est basé sur les faits suivants. Le Canada est le seul pays du G7 à avoir réduit ses investissements en recherche et développement entre 2000 et 2020. Il est également le seul pays du G7 à avoir perdu des chercheurs au cours des six dernières années, qui sont des étudiants potentiels. De plus, les bourses d'études supérieures pour la maîtrise et le doctorat des étudiants étrangers n'ont pas été indexées depuis 2004. Alors, comment est-il possible de faire du vélo s'il y manque une roue ou si vous n'avez tout simplement pas de vélo?
     Le Canada se trouve dans une position très spéciale. En effet, un sondage ayant évalué différentes villes du monde pour ce qui est de la vie étudiante a jugé que Montréal était la meilleure, ce qui est bien. Or, il n'y a pas que Montréal. Au Québec et au Canada, il règne un esprit d'accueil et de qualité.
    Nous devons fournir de très grands efforts pour encourager les échanges étudiants avec d'autres pays. À mon avis, il est important que nous fassions un effort extraordinaire pour que le Canada représente le premier choix pour un étudiant international qui cherche un endroit où il est possible d'évoluer.

  (1905)  

    Je vous remercie de votre point de vue.
    Vous comprendrez que, pour permettre au Canada d'être un endroit accueillant, favorable et intéressant où étudier, il faut des conditions gagnantes. Or, lorsque nous comparons les investissements en recherche et en développement du Canada à ceux des autres pays, nous arrivons au constat factuel que le Canada n'occupe pas la première place, mais se trouve plutôt dans les dernières.
    Dans votre allocution, vous avez beaucoup parlé des étudiants internationaux et, dans votre réponse à ma question, de l'esprit d'accueil du Canada et de l'ouverture des gens.
     Permettez-moi de vous parler d'une situation bien précise qui existe au Québec actuellement. Au Canada, il y a supposément deux langues officielles, dont l'une est le français. Bien sûr, le Québec peut accueillir des étudiants étrangers qui parlent français. Or, nous remarquons un taux de refus anormalement élevé des demandes de visa d'étudiant présentées par des étudiants africains francophones.
     Dernièrement, le gouvernement fédéral a même révélé que les pratiques, les politiques, les programmes et le traitement des demandes au sein du ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté seraient empreints de racisme et de discrimination.
     Auriez-vous des commentaires à ce sujet? Que pensez-vous du fait qu'un gouvernement comme celui du Canada fait manifestement preuve de racisme envers les étudiants francophones africains?
    Un des atouts très importants pour le Canada est qu'il possède des établissements francophones et anglophones formidables. Donc, les étudiants ont le choix, ce qui influence ceux qui veulent pouvoir étudier en français ou en anglais et les attire au Canada. C'est une richesse de très grande valeur.
    Je comprends donc que vous ne condamnez pas cela. Vous n'avez pas d'opinion quant au fait que le gouvernement adopte ce genre de pratiques discriminatoires.
    Je n'ai pas grand-chose à ajouter.
    D'accord. C'est parfait.
    Monsieur Bernstein, l'Institut canadien de recherches avancées, ou CIFAR, coordonne la Stratégie pancanadienne en matière d'intelligence artificielle, lancée en 2017. Comme vous le savez, cette stratégie repose sur trois pôles situés respectivement à Edmonton, à Toronto et à Montréal. Nous avons d'ailleurs eu la chance de recevoir, lors de la dernière réunion du comité, M. Yoshua Bengio, sommité mondiale en intelligence artificielle, professeur à l'Université de Montréal et titulaire d'une chaire de recherche en intelligence artificielle Canada‑CIFAR.
    Selon certains, la Stratégie pancanadienne en matière d'intelligence artificielle réunit certaines caractéristiques qui pourraient permettre de la qualifier de programme international ambitieux. Que pensez-vous de cette affirmation?
    Quelles caractéristiques possède-t-elle qui la rapprochent ou l'éloignent de la possibilité d'être désignée comme programme international ambitieux en intelligence artificielle?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Les informaticiens rêvent d'intelligence artificielle depuis l'apparition des ordinateurs, après la Seconde Guerre mondiale. Ils rêvaient d'avoir des machines capables de « penser », entre guillemets, et de faire certaines choses de façon autonome au lieu d'être limitées par leur programmation. Elles apprendraient par l'expérience plutôt que machinalement.
    Ce que MM. Hinton, Bengio et Sutton et leurs collègues et étudiants ont mis au point, c'est une technologie transformatrice, une science transformatrice qui, d'une certaine façon, imite, d'une manière naïve, le mode de fonctionnement que nous prêtons au cerveau, c'est‑à‑dire l'apprentissage et l'expérience, pour changer...

  (1910)  

    Monsieur Bernstein, je suis désolée de vous interrompre. J'espère que d'autres poseront des questions du même ordre.
    Je suis désolée, monsieur Blanchette‑Joncas, mais votre temps de parole est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Cannings. Six minutes.
    Merci aux témoins d'être là. Nous avons toujours des témoins intéressants, mais il semble que ce soir, nous avons vraiment la chance d'avoir un groupe formidable à interroger.
    Je voudrais bien discuter avec M. Johnston de ses idées sur l'éducation et les études universitaires. Je suis issu de ce monde‑là aussi.
     Monsieur Bernstein, je voudrais vous poser des questions au sujet de mon collègue Pieter Cullis.
    Cependant, je vais m'adresser à M. Klein.
    Vous avez parlé de la Seconde Guerre mondiale pour illustrer ce que le Canada peut faire et a fait lorsqu'il a été confronté à l'exigence réelle d'un programme très ambitieux.
    Pourriez-vous nous parler davantage de l'ampleur de la production militaire et de la transformation économique du Canada à l'époque? Comment s'y est‑on pris? Comment cela peut‑il nous éclairer aujourd'hui, face aux changements climatiques?
    Je vous remercie de votre question.
    Cette imposante production militaire de la Seconde Guerre mondiale est évidemment antérieure au voyage sur la Lune, mais c'est un exemple de programme de même ampleur.
     Au début de la Seconde Guerre mondiale, le Canada n'avait à peu près aucune production militaire, mais pendant le conflit, l'économie canadienne et sa main-d'œuvre ont fourni un volume d'équipement militaire tout simplement ahurissant. En six ans, le Canada, avec une population de moins du tiers de ce qu'elle est aujourd'hui, a produit 800 000 véhicules militaires, soit plus que l'Allemagne, l'Italie et le Japon réunis, et 16 000 aéronefs militaires, ce qui a fini par constituer la quatrième force aérienne en importance au monde à l'époque.
     Ici, dans ma province et la vôtre, où nous semblons encore avoir du mal à construire un seul transbordeur en Colombie-Britannique, nous avons produit environ 350 navires, encore une fois à partir de presque rien. Il a fallu faire venir les architectes navals des États-Unis et du Royaume-Uni, et recruter et former toute une main-d'œuvre. La section locale du syndicat des travailleurs des chantiers navals de Vancouver est passée d'une petite section locale de 200 hommes à la plus grande section locale au Canada regroupant hommes et femmes.
    Pour vous donner une idée de l'échelle, sur une population d'environ 11 millions de Canadiens à l'époque, plus d'un million de Canadiens se sont enrôlés et plus d'un million travaillaient directement à la production militaire.
    La majeure partie de cette transformation a eu lieu sous la direction de C.D. Howe, le ministre le plus puissant du gouvernement de guerre de Mackenzie King. Fait intéressant, Howe a été un ingénieur qui s'est tourné vers la politique. Il a fait fortune dans le secteur privé avant de se présenter aux élections. Il a été captivé par son travail. Je le décris comme un ingénieur pressé. Fait remarquable, sous la direction de Howe, le gouvernement du Canada a mis sur pied, pendant ces années de guerre, 28 sociétés d'État pour répondre aux besoins en approvisionnement et en munitions de l'effort de guerre. Le ministère de Howe a également entrepris une planification économique détaillée et coordonné soigneusement les chaînes d'approvisionnement afin de prioriser les besoins de la production en temps de guerre.
    En réponse à l'urgence climatique, nous n'avons rien vu de tel. Si le gouvernement voyait vraiment l'urgence climatique comme une urgence, il agirait de la même façon, comme Howe l'a fait. Il ferait rapidement un inventaire de tous nos besoins de conversion afin de déterminer combien de thermopompes, de panneaux solaires, de parcs éoliens et d'autobus électriques nous avons besoin pour électrifier à peu près tout et nous affranchir des combustibles fossiles. Ensuite, il établirait une nouvelle génération de sociétés publiques pour s'assurer que ces articles sont fabriqués et déployés à l'échelle requise.
    Voilà l'enseignement à retenir.
    Comment devons-nous nous y prendre pour harmoniser ce que le gouvernement, ce que l'industrie et ce que le secteur privé doivent faire chacun de leur côté, pour déterminer les dépenses à engager? Comment se ferait l'interaction entre les différents acteurs?
    Comme vous le disiez, nous ne sommes pas en train de gagner en ce moment, et nous devons déployer beaucoup plus d'efforts. Que doit faire le gouvernement? Quel rôle doit‑il jouer? Vous y avez fait allusion dans votre dernière réponse, mais pourriez-vous nous en dire un peu plus?
    Nous avons besoin du gouvernement et du secteur privé, et les deux ont un rôle important à jouer, mais en cas d'urgence — c'est l'un des grands enseignements —, nous ne permettons pas au secteur privé de déterminer l'affectation des ressources vitales. Permettez-moi de vous donner un exemple américain tiré de la période de guerre. Pensez‑y: Pearl Harbor a eu lieu en décembre 1941. En février 1942, deux mois plus tard, la dernière automobile civile est sortie de la chaîne de montage de Detroit, et pendant les quatre années suivantes, la production et la vente de voitures étaient essentiellement illégales.
    Ces usines étaient occupées et tous ces travailleurs étaient employés, mais ils faisaient autre chose. Ce n'est pas grâce à la bonne volonté ou au patriotisme des trois grands constructeurs d'automobiles qu'ils le faisaient; ils le faisaient parce qu'on leur ordonnait de le faire.
    Nous l'avons vu aussi dans l'histoire du Canada en temps de guerre. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, plus d'une centaine de chefs d'entreprise canadiens de premier plan sont devenus des acolytes de C.D. Howe rémunérés à un dollar par année. Ils ont joué un rôle déterminant à la tête de certaines de ces sociétés d'État, agissant comme contrôleurs de ces chaînes d'approvisionnement. Fait intéressant, ils ont renoncé à leurs postes dans le secteur privé pour devenir des collaborateurs de Howe payés un dollar par année. Ils ont compris que pour agir avec la célérité et l'ampleur exigées par l'urgence, il faut un leadership de l'État. C'est encore vrai aujourd'hui.
    En ce moment, nous perdons du terrain. Nous dépensons beaucoup moins que ce qu'il faut. Sir Nicholas Stern soutient que...

  (1915)  

    Je suis désolée de vous interrompre, monsieur Klein.
    Monsieur Cannings, votre temps de parole est écoulé. Encore une fois, je tiens à saluer la présence des témoins et à les remercier de leur temps, de leurs compétences et de leur générosité.
    Passons aux questions de cinq minutes.
     M. Lobb a la parole. Je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Lors de notre dernière séance, nous avons eu une bonne discussion. J'ai fait valoir notamment que pour bien des choses que nous devons faire, nous n'avons tout simplement pas ce qu'il faut pour l'instant. Les professeurs parlent des efforts herculéens de la Seconde Guerre mondiale, etc.
     Ma question s'adresse à vous, monsieur Johnston.
     Vous venez du milieu universitaire. Prenez par exemple la question des soins de santé, des besoins en infirmières et en médecins. Dans ma circonscription, il arrive sans cesse que des gens me parlent de leurs enfants, de leurs petits-enfants ou d'autres jeunes qui ont des notes largement supérieures à 90 % à l'école secondaire. Ils vont à l'université et là encore, ils dépassent encore allègrement les 90 %. Nous avons besoin de médecins de famille dans les régions rurales et d'urgentistes un peu partout. Ces jeunes peuvent aller à l'université, mais pas en faculté de médecine pour devenir médecins.
    Vous qui avez travaillé presque toute votre vie dans le milieu universitaire, pouvez-vous nous donner une idée des raisons de cet état de fait?
    C'est tout simplement parce que les gouvernements provinciaux ont décidé qu'ils ne voulaient pas augmenter le nombre de places en faculté de médecine ou en formation pour les autres disciplines de la santé. En fait, lorsque j'étais à McGill, nous avons dû faire diminuer le nombre de places et le ramener de 160 à 101.
    À l'époque, nous pensions produire suffisamment de médecins qualifiés, y compris des médecins de famille et des spécialistes, et nous comptions sur les immigrants pour combler d'autres postes. Nous avons eu des difficultés avec les titres de compétences des immigrants, par exemple. C'est un cas où nous n'avons tout simplement pas répondu à la demande du réseau ni offert à un plus grand nombre de jeunes la possibilité d'exercer une profession en sciences de la santé.
    Merci.
    Nous sommes probablement tous d'accord pour dire qu'il faut augmenter le financement de la santé aux niveaux provincial et universitaire.
    Un autre projet ambitieux, selon le point de vue qu'on adopte, serait de régler la question des titres de compétence étrangers et de leur reconnaissance. Vous avez parlé des étudiants étrangers, etc. Pourrions-nous nous donner comme objectif ambitieux de reconnaître ces titres de compétence pour que les immigrants ne soient pas exaspérés par la tournure des choses et qu'ils finissent par travailler dans le domaine dans lequel ils ont étudié?
     Nous ne travaillons pas beaucoup là‑dessus, profession par profession. Un peu, mais c'est loin d'être assez. Il faut faire une évaluation adaptée des antécédents des candidats qui souhaitent exercer leur profession chez nous, offrir des stages de formation adaptés, mettre au besoin l'accent sur la théorie, offrir des possibilités d'apprentissage pour faire en sorte que ces personnes aient les compétences voulues pour exercer leur profession.
    J'ajouterais qu'à mon avis, nous devrions faire un bien meilleur travail au plan de la reconnaissance interprovinciale des compétences des diverses professions. Il est très préjudiciable pour le Canada que tout soit concentré au niveau provincial et qu'il soit impossible d'aller exercer sa profession dans d'autres provinces ou territoires. C'est simplement un autre obstacle qui nous empêche d'avoir suffisamment de gens qualifiés pour répondre aux besoins de l'ensemble du pays.

  (1920)  

    J'aborde un autre sujet avant que mon temps de parole ne se termine. Les témoins ont parlé de technologies propres, d'énergie propre et d'énergie renouvelable. Je suis en faveur de l'énergie nucléaire, mais quand on veut construire un réacteur ou une usine de production d'hydrogène, par exemple, il faut tout un temps pour obtenir une approbation et une évaluation environnementales et pour construire des installations respectueuses de l'environnement. S'agit‑il d'un domaine où il faudrait lancer un programme ambitieux ou constituer un groupe de travail pour trouver une façon d'abréger l'évaluation des projets?
    Oui, nous devrions faire beaucoup mieux sur le plan de la réglementation. Il faudrait faire les choses intelligemment, en profondeur, mais rapidement, dans un souci de diligence. J'écris des livres à ce sujet. J'en suis à la sixième édition de Canadian Securities Regulation. La recherche du juste équilibre entre ce qui est nécessaire et ce qui est efficace en matière de réglementation est un travail de la plus haute importance.
    Il vous reste 20 secondes. Voulez-vous céder votre temps de parole?
    Je vais le céder à mes collègues.
    Merci, monsieur Lobb.
    Passons à Mme Bradford. Cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci aux trois fascinants témoins de ce soir. Je leur suis très reconnaissante des points de vue intéressants qu'ils apportent au débat.
    Monsieur Johnston, d'après votre exposé liminaire, je dirais que vous êtes toujours un recteur d'université dans l'âme. Vous avez fait bien des choses depuis, mais je pense que c'est toujours votre nature profonde. Il est merveilleux de pouvoir recueillir votre point de vue.
    Vous nous manquez encore beaucoup dans la région de Waterloo. Nous avons été désolés que vous quittiez la présidence de l'Université de Waterloo, mais Équipe Canada a acquis un nouveau membre. Vous avez été un gouverneur général extraordinaire. Merci d'avoir été au service du Canada. Nous nous souvenons de vous et de votre charmante épouse, Sharon, chaque fois que nous passons devant l'université et que nous voyons le David Johnston Research and Innovation Park, dont je sais que vous n'étiez pas très content, mais c'est quand même un beau rappel quotidien lorsque nous passons par là.
    Nous sommes là pour étudier des objectifs de recherche ambitieux qui, nous l'espérons, permettront de relever certains des plus grands défis sociaux et environnementaux du Canada et du monde. Dans votre exposé initial, vous avez parlé de la curiosité, de l'importance de la curiosité. Quel rôle la recherche motivée par la curiosité joue-t-elle dans la poursuite de ces objectifs ambitieux?
    C'est le début, le milieu et la fin. La curiosité alimente tout, et va de pair avec le courage de penser de façon indépendante.
    Je devrais dire ceci au sujet de l'enseignement. Mon discours d'installation au poste de gouverneur général portait sur le thème d'une « nation éclairée et bienveillante ». J'ai dit que si on ne devait retenir que trois mots de mon discours, ce devrait être: « Chérir nos enseignants », parce que, mis à part notre famille, ce sont eux qui ont le plus d'influence sur nous. J'ai dit que si nous passions trois heures ensemble au Sénat, je vous raconterais une centaine d'histoires au sujet d'enseignants, d'entraîneurs et de mentors qui ont eu une influence bénéfique dans ma vie. C'est pourquoi j'insiste tant sur le fait que l'éducation est au cœur de tout, y compris dans ce monde où les données sont à portée de main. La curiosité et la capacité de poser des questions pénétrantes, c'est en fait le rôle de l'enseignant aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'être la source de toutes les connaissances, mais de fournir les méthodes de recherche, etc.
    À mon avis, c'est là que le Canada a des avantages considérables. Nous avons un bon système public d'éducation. Il peut être meilleur, mais nous voulons l'améliorer. Il est fondamental de susciter la curiosité et d'apprendre à apprendre. Notre cinquième fille a fait son doctorat en psychologie de l'éducation. Elle a un trouble d'apprentissage. Elle travaille maintenant comme chercheuse principale pour une entreprise créée par son professeur de Harvard, qui a supervisé sa thèse sur la façon dont l'esprit apprend, en combinaison avec la révolution numérique. C'est merveilleux de voir comment nous pouvons élaborer des programmes d'études personnalisés qui répondent aux besoins particuliers de chaque enfant, l'un ayant un handicap et l'autre pouvant suivre des cours extrêmement enrichis. Pour moi, c'est une merveilleuse occasion qui s'offre à nous.
    Le simple avantage de ce genre de curiosité, qui est à portée de la main et dont j'ai parlé ce soir, c'est de déployer cela à l'échelle internationale. Nous gagnons beaucoup en développant ces réseaux de collaboration partout dans le monde.

  (1925)  

     Merci.
    Tous ceux qui sont ici présents se souviennent certainement d'un enseignant spécial qui les a influencés. Ce peut être au niveau du primaire, ou peu importe. Pour chacun d'entre nous, à bien y penser, il y a un enseignant spécial qui a vraiment eu une influence marquante.
    Le Canada n'a, à proprement parler, aucun programme aux objectifs ambitieux en la matière, mais une grande partie des fonds et des orientations ont des caractéristiques propres à ce type de programme. À votre avis, dans quels domaines le Canada accomplit‑il un travail qui se rattache à des recherches aux objectifs ambitieux?
     Je commencerai par l'Institut canadien de recherches avancées, qu'Alan Bernstein a servi avec distinction pendant 10 ans. J'ai eu l'immense honneur d'en être le président par le passé. C'était une vision remarquable de Fraser Mustard, principalement — avec l'aide de gens comme John Evans — que de cerner les domaines où les besoins étaient grands en s'appuyant sur des approches interdisciplinaires. Il s'agissait d'approches inhabituelles et non classiques. Il a tendu la main au‑delà des frontières du Canada pour amener les meilleurs du monde à faire partie des comités consultatifs, à faire une partie du travail et à collaborer.
    Si je devais énumérer les domaines où le Canada a le plus de possibilités, je commencerais par poser la question à Alan Bernstein. Comment avez-vous établi vos priorités pour les programmes que vous avez mis sur pied au cours des 10 années où vous étiez là, monsieur Berstein? Où en êtes-vous aujourd'hui et qu'envisagez-vous pour l'avenir?
    L'intelligence artificielle est un très bon exemple. Lorsque Geoff Hinton travaillait dans ce domaine, il y a 25 ans, il n'était pas financé par les organismes subventionnaires parce que cela semblait trop extravagant. Imiter le fonctionnement du cerveau humain? Comment diable pouvez-vous faire cela? Grâce à l'Institut canadien de recherches avancées, qui l'a financé très tôt parce qu'il voyait des possibilités dans cette recherche très peu conventionnelle, cette discipline est devenue extrêmement importante à l'échelle mondiale. Devinez quoi. Comme nous venons de le dire, le Canada est l'un des deux ou trois grands chefs de file dans ce domaine.
    Merci.
    Mme Ducan brandit le carton jaune. C'est mauvais au soccer et c'est mauvais signe pour nous aussi.
    Madame Bradford, votre temps de parole est écoulé.
    Voulez-vous demander à M. Bernstein de déposer...
    Oui, excellente idée.
    Monsieur Bernstein, si vous pouviez répondre par écrit à la question à laquelle M. Johnston a fait allusion, ce serait très utile au Comité. Merci.
    Avec plaisir.
    Merci à vous trois.
    Passons à M. Blanchette-Joncas, qui aura deux minutes et demie. Je vous en prie.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Monsieur Klein, j'ai bien écouté votre allocution d'ouverture. J'ai trouvé intéressant que vous mentionniez qu'il y a peu de progrès actuellement quant à l'urgence climatique, car le gouvernement adopte des politiques volontaires et non contraignantes. Évidemment, j'ai également pris connaissance de votre livre, qui est très intéressant. Vous y comparez cette situation à l'effort de guerre mené par nos grands-parents et nos arrière-grands-parents pendant la Seconde Guerre mondiale.
    Selon vous, quel effort de guerre devrions-nous mener aujourd'hui pour lutter contre les changements climatiques, et comment pourrions-nous nous inspirer de projets ambitieux pour le faire?
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Je reverrais avec vous les six critères dont je vous ai parlé.
    Il faut consentir les dépenses nécessaires pour gagner. Je commençais à en parler en réponse à l'autre question. Nous n'en sommes pas encore là. Sir Nicholas Stern dit que nous devrions dépenser environ 2 % du PIB pour faire face à l'urgence climatique. Dans le contexte canadien, cela représenterait environ 56 milliards de dollars par année. Si vous calculez nos dépenses actuelles pour l'infrastructure climatique et la lutte contre les changements climatiques, vous constaterez qu'elles s'élèvent à environ 12 milliards de dollars par année. Nous sommes loin du compte. Il faudrait dépenser de quatre à cinq fois plus.
    Créer de nouvelles institutions pour faire le travail. J'ai expliqué comment C.D. Howe a mis sur pied 28 sociétés d'État. Soit dit en passant, C.D. Howe n'était pas de gauche. Il faisait partie de l'aile droite du Cabinet de Mackenzie King. Ce que j'essaie de faire, entre autres choses, c'est d'appliquer la logique qu'il a utilisée lorsqu'il a dit que nous avions besoin d'une société de la Couronne pour favoriser le changement, puis de l'adapter à la situation actuelle. Je peux vous donner une liste de trois pages de ce que je pense de ces sociétés d'État.
    La question des mesures obligatoires est vraiment importante. Le fait est que nous en sommes toujours à proposer des encouragements pour atteindre les objectifs. J'ai parlé de la tarification du carbone. D'après les derniers budgets, une grande partie de ce que nous essayons de faire dans le domaine des technologies propres est une réduction de 50 % de l'impôt sur le revenu des sociétés. Le dernier énoncé économique de l'automne offre un nouveau crédit d'impôt pour les immobilisations. Tout cela aura un certain impact. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas utiles...

  (1930)  

[Français]

     Pouvez-vous nommer des pays desquels nous pouvons nous inspirer, qui ont mis en place des politiques obligatoires visant à lutter contre les changements climatiques?

[Traduction]

     Monsieur Blanchette-Joncas, je crains que votre temps de parole ne soit écoulé. Pourriez-vous demander que la réponse soit déposée?

[Français]

    J'aimerais avoir une réponse par écrit, madame la présidente.

[Traduction]

    C'est excellent. Merci.
    Nous allons maintenant accorder deux minutes et demie à M. Cannings.
    Je vous en prie.
     Merci.
    J'avais en fait l'intention de poser exactement la même question à M. Klein. Nous faisons face à une crise climatique internationale. Y a‑t‑il d'autres pays qui font des choses inspirantes? Si le Canada allait de l'avant, nous ne pouvons qu'espérer, avec un véritable programme très ambitieux, que cela inspirerait d'autres pays. Comment pouvons-nous amener le monde entier à s'engager dans cette voie? C'est un problème tellement grave auquel fait face le monde entier.
    Y a‑t‑il des avantages pour le Canada à prendre ces mesures dès maintenant dans le contexte mondial, dans notre commerce international et dans notre économie?
    Merci de m'avoir épargné les devoirs.
    Je ne crois pas qu'un autre pays respecte ces six critères, mais il y a certainement d'autres pays qui s'en tirent mieux que nous. Parmi les pays du G7, le Canada a le pire taux de réduction des émissions et, chose curieuse, les progrès des pays qui s'en tirent le mieux — le Royaume-Uni en particulier, et l'Allemagne — ont été accomplis sous des dirigeants de toutes les allégeances politiques. Leur engagement a été plus marqué dans tout le spectre politique.
    Certaines administrations municipales sont en train d'atteindre tous les critères. Permettez-moi d'illustrer par un exemple tiré de ma ville ce que j'entends par mesures obligatoires. Je suis à Vancouver. À partir de cette année, aucun nouveau bâtiment n'est autorisé à utiliser des combustibles fossiles pour le chauffage des locaux et de l'eau. C'est 10 ans plus tôt que la cible provinciale ou d'autres cibles que nous avons vues partout au Canada. Voilà ce qui provoque le changement. Cela stimule les investissements d'une façon que nous ne voyons pas ailleurs. Il y a là un modèle à suivre.
    Je suis désolé, mais je viens d'être pris au dépourvu. Pour revenir au dernier point concernant Vancouver et l'élimination du gaz naturel dans les nouveaux immeubles, voilà le genre de choses que nous devons faire. Ce sont les règlements obligatoires dont vous parlez, ou du moins certains d'entre eux.
    Ce serait un exemple du troisième critère, les mesures obligatoires, oui.
    D'accord. Je vais donc en rester là. Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Cannings.
    Je remercie tous les témoins. Avec des témoignages aussi extraordinaires, il est difficile d'accepter que les échanges doivent prendre fin. Tout le monde tenait à vous entendre. Les thèmes abordés ont été très vastes. Merci de nous avoir accordé du temps et de nous avoir fait profiter de vos compétences. Nous espérons que votre comparution a été une bonne expérience et que vous voudrez vous joindre de nouveau à nous.
    Chers collègues, nous allons suspendre la séance pour siéger à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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