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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 20 septembre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1630)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 53e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre. Les membres du Comité sont présents dans la salle, et un témoin se joint à nous au moyen de l'application Zoom.
    Je vais donner quelques consignes au témoin. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Vous devez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Je vous prie de parler lentement et clairement pour faciliter le travail des interprètes. Quand vous ne parlez pas, votre micro doit être désactivé. Vous avez aussi accès aux services d'interprétation. Vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français.
    Même si la salle est équipée d'un système audio puissant, les réactions acoustiques sont possibles. Je vous prie donc d'être très prudent avec votre oreillette et votre microphone: gardez-les à une bonne distance pour éviter de causer des blessures aux interprètes. Je suis ravi de constater que le témoin utilise un appareil approuvé par la Chambre des communes; c'est maintenant obligatoire. Les tests de son ont été faits; il ne devrait donc pas y avoir de problème de ce côté‑là. Conformément à la motion de régie interne sur les tests de connexion adoptée par le Comité, je confirme que le témoin a effectué tous les tests requis.
    Je rappelle aux membres du Comité de s'adresser à la présidence.
    Je souhaite la bienvenue à M. Larry Maguire. Nous sommes heureux de vous accueillir au Comité comme membre substitut. M. Heath MacDonald se joint aussi à nous comme membre substitut.
    Je remercie les témoins d'avoir fait le nécessaire pour se joindre à nous, en personne ou virtuellement, afin de nous aider à réaliser notre étude.
    Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 6 juin 2023, le Comité entreprend son étude sur l'utilisation des subventions, fonds et contributions du gouvernement fédéral en matière de recherche et de développement par les universités et les établissements de recherche canadiens dans le cadre de partenariats avec des entités liées à la République populaire de Chine. J'aimerais avoir une version abrégée de ce titre, mais même utiliser une seule lettre me prendrait du temps.
    Je suis heureux d'accueillir nos témoins d'aujourd'hui. Nous recevons Mme Cherie Wong, directrice exécutive de l'Alliance Canada Hong Kong. Bienvenue encore une fois comme témoin à la Chambre des communes. Je souhaite également la bienvenue à M. Benjamin Fung, titulaire d'une chaire de recherche et professeur à l'Université McGill. C'est la première fois que M. Fung témoigne à la Chambre des communes.
    Nous recevons aussi M. Gordon Houlden. Je crois vous avoir entendu dire que vous étiez en Colombie-Britannique en ce moment. M. Houlden est professeur à l'Université de l'Alberta. Il travaille également pour l'Institut de la Chine.
    Vous disposerez de cinq minutes chacun pour faire une déclaration préliminaire. Je crois que les premiers témoins se partageront les cinq minutes.
    Je vous invite à présenter votre déclaration.
    Bonjour, monsieur le président, bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je suis professeur et titulaire d'une chaire de recherche du Canada à l'Université McGill. Mes domaines d'intérêt comprennent l'intelligence artificielle, la cybersécurité et l'analyse de logiciels malveillants.
    Le Parti communiste chinois, ou le PCC, et des entreprises affiliées à l'État chinois ont manifesté un vif intérêt pour mon travail de recherche. Au cours des dernières années, une grande entreprise chinoise oeuvrant dans le domaine de la 5G m'a invité à collaborer avec elle à plusieurs reprises.
    En 2018, une entreprise chinoise a tenté de m'engager comme consultant pour son équipe d'intelligence artificielle. Les représentants de l'entreprise m'ont offert trois fois — je répète: trois fois — mon salaire pour que je travaille pour eux tout en demeurant professeur à l'Université McGill. Par curiosité, je leur ai demandé ce qu'ils voulaient que je fasse. Ils m'ont répondu que je n'avais qu'à répondre à leurs courriels.
    En chinois, cette stratégie de recrutement s'appelle « nourrir, piéger, tuer ». D'abord, l'entreprise emploie des offres généreuses pour attirer sa proie. Ensuite, une fois qu'un professeur dépend des fonds qu'elle lui fournit, elle commence à lui faire des demandes déraisonnables, y compris transférer des droits de propriété intellectuelle, obtenir des données sensibles ou faire de fausses affirmations.
    Après que j'ai rejeté son offre, l'entreprise en question est entrée en contact avec moi à des intervalles d'un an ou deux pour m'offrir différents types de collaborations. Elle a aussi commencé à courtiser mes étudiants diplômés. Heureusement, aucun d'entre eux ne s'est joint à elle.
    Le China Scholarship Council, ou le CSC, défraie entièrement de nombreux étudiants chinois pour qu'ils étudient et participent à des travaux de recherche au Canada. Peu de gens comprennent que ces étudiants subissent des pressions indues de la part du gouvernement chinois en vertu de ces ententes de financement. Lorsqu'un étudiant viole une règle ou refuse de suivre une consigne, le gouvernement chinois peut demander à sa famille de rembourser la bourse d'études.
    Moi qui suis professeur, je comprends parfaitement et je respecte l'importance de la liberté universitaire. Toutefois, il incombe aux universités d'expliquer les risques aux professeurs qui incluent des étudiants parrainés par le CSC dans leurs équipes de recherche. On peut réduire ces risques en apprenant aux agents de recherche des universités à déceler l'ingérence étrangère et à identifier les entités étatiques étrangères. Je vous donnerai volontiers d'autres exemples d'infiltrations du PCC dans le milieu universitaire. Je vous remercie.
    Je cède la parole à Mme Wong.

  (1635)  

    Monsieur le président, j'ai été témoin de l'influence de Pékin dans le milieu universitaire et le secteur de la recherche du Canada. J'en ai pris connaissance par l'intermédiaire de membres du milieu s'étant adressés à l'Alliance Canada Hong Kong. Je l'ai aussi constatée de mes propres yeux à l'époque où j'étais étudiante diplômée au Département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Carleton.
    À première vue, les sciences molles ne semblent pas servir directement les ambitions technologiques et militaires de Pékin. Cependant, ce que nous constatons, c'est que l'État-parti chinois tisse des liens entre ces domaines et d'autres objectifs du régime en matière de sécurité, comme l'emprise sur les élites, la censure, la désinformation et les récits discursifs.
    Je tiens à insister sur un fait important: le Canada examine peut-être de plus en plus attentivement l'ingérence de la Chine, mais Pékin n'est pas la seule entité étrangère qui s'intéressera au secteur canadien de la recherche. Par conséquent, il faut trouver des solutions faisant abstraction du pays d'origine pour réduire la vulnérabilité du milieu universitaire.
    Qu'ils soient canadiens ou étrangers, les étudiants d'origine tibétaine, ouïgoure, chinoise, taïwanaise et hongkongaise font l'objet de surveillance transnationale et sont menacés de représailles sur les campus. De plus, des étudiants étrangers se disent inquiets de se voir retirer leur permis ou leurs bourses d'études par l'ambassade, le consulat ou le gouvernement de leur pays d'origine en raison de leurs opinions défavorables, de leurs actions ou de leur inaction.
    Pour préserver la liberté universitaire, il faut travailler sans relâche et de manière proactive en vue de s'adapter et de faire face aux nouveaux défis à mesure qu'ils se présentent. Le Canada doit renforcer son milieu universitaire et son secteur de la recherche. Pour y arriver, l'ensemble de la société doit collaborer avec les universités, les établissements de recherche, le secteur privé et les associations étudiantes. En outre, lorsqu'il y a collaboration avec des personnes de l'extérieur du Canada, il faut aussi tenir compte des risques posés par nos partenaires internationaux, ainsi que de leurs intentions.
    En renforçant les mesures législatives sur la protection de la vie privée et des données, on préviendra le transfert, l'exportation et la vente des données sensibles des Canadiens à des acteurs étrangers. De plus, on encouragera les universités et les établissements de recherche canadiens à conserver leurs serveurs et leurs données de recherche au Canada, ainsi qu'à adopter des mesures et des politiques plus strictes à l'égard de la cybersécurité sur les campus.
    J'encourage fortement le Comité à prendre connaissance du rapport précédent de l'Alliance Canada Hong Kong, intitulé In Plain Sight, en particulier du chapitre portant sur l'influence universitaire et la vulnérabilité du transfert de propriété intellectuelle.
    Merci beaucoup. Je vous invite à l'envoyer à la greffière pour qu'il soit ajouté à notre documentation.
    Nous passons maintenant à M. Houlden, professeur à l'Université de l'Alberta. Vous disposez de cinq minutes.
    Monsieur le président, je compte employer les cinq minutes à ma disposition, si possible. Bien entendu, vous pourrez m'interrompre au besoin.
    Je remercie le président et les membres du Comité. C'est toujours un honneur de pouvoir m'adresser à la Chambre des communes.
    L'attention et l'importance accordées à la question de la sécurité de la recherche croissent au même rythme que l'ascension de la République populaire de Chine vers un statut, à l'échelle mondiale, se rapprochant de celui des États-Unis sur le plan du pouvoir national. Étant donné la possibilité que la Chine soit un adversaire du Canada, ainsi que les différences notables entre nos systèmes politiques, nous nous devons d'examiner les risques que pourrait entraîner la fuite de propriété intellectuelle et de savoir-faire provenant des principaux établissements postsecondaires et des laboratoires de recherche d'entreprises du Canada.
    En mai dernier, j'ai présenté au gouvernement de l'Alberta un rapport exhaustif et confidentiel sur la sécurité de la recherche universitaire. Ce rapport, commandé par le gouvernement de l'Alberta, a pris plusieurs mois de recherche. Comme vous le savez et comme vous l'avez déjà entendu ce matin, il s'agit d'un enjeu complexe. Il en est souvent ainsi lorsqu'il est question de relations internationales. Nos alliés du G7 examinent aussi la question de plus en plus étroitement.
    Cela étant dit, il faut réfléchir longuement et attentivement à notre réponse stratégique pour éviter les conséquences imprévues. En ce qui concerne nos relations avec la Chine dans le milieu universitaire, l'accent devrait être placé non seulement sur la protection, mais aussi sur la promotion des intérêts du Canada. Ces intérêts comprennent les progrès continus du Canada en sciences et en technologie, ainsi que la protection et la sécurité de nos réalisations dans le domaine de la recherche.
    Moi qui travaille à temps plein sur le dossier de la Chine depuis 37 ans et comme diplomate et comme universitaire, je me méfie des approches simplistes à l'égard d'un État aussi complexe que la Chine.
    Aujourd'hui, la Chine forme environ deux fois plus de diplômés universitaires que les États-Unis, mais approximativement huit fois plus de diplômés en sciences, en technologie, en génie et en mathématiques. Ces chiffres, étalés sur plusieurs années, ont doté la République populaire de Chine d'une capacité de recherche de calibre mondial, renforcée par le réseau d'entreprises privées de haute technologie et de laboratoires de recherche appartenant à l'État et à des entreprises. L'avantage de la Chine dans ce domaine continuera de croître.
    L'État offre un soutien financier très généreux aux universités et aux laboratoires de recherche de la Chine. Les avancées scientifiques et technologiques de la République populaire de Chine les plus en vue sont peut-être celles liées au programme spatial chinois, qui comprend une future base lunaire, une station spatiale permanente en orbite terrestre et des missions sur Mars. Toutefois, les recherches de la Chine dans le domaine de la santé sont aussi l'une des raisons pour lesquelles l'espérance de vie des Chinois dépasse maintenant celle des Américains. Il y a plusieurs décennies, quand je travaillais pour la mission canadienne à Hong Kong, si mon fils a retrouvé l'usage de sa main après avoir subi une blessure, c'est grâce aux techniques de microchirurgie qui ont été conçues en République populaire de Chine et qui sont utilisées aujourd'hui partout dans le monde.
    Ce que je veux dire, c'est qu'il faut puiser de la Chine le plus de connaissances avancées possible, tout en minimisant les risques associés aux technologies sensibles soit qui menacent la sécurité du Canada, soit qui sont nécessaires pour protéger nos propres réalisations contre le vol. D'après moi, en supprimant entièrement le financement fédéral de la coopération avec la Chine dans le domaine de la recherche, on risque de couper l'accès des chercheurs canadiens aux progrès scientifiques et technologiques importants accomplis par la Chine, au détriment de nos propres travaux de recherche. Ce risque sera d'autant plus grand si les mesures que nous prenons ne correspondent pas à celles de nos alliés.
    Le plus difficile, ce n'est pas de décider si nous devrions financer des projets faits conjointement avec des chercheurs chinois; c'est plutôt d'établir au cas par cas si la coopération sert l'intérêt supérieur du Canada. À mon avis, le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire d'ISDE, a la capacité d'évaluer les propositions de financement en travaillant avec le SCRS, AMC, le MDN et d'autres organismes, ainsi qu'en demandant conseil aux chercheurs canadiens et à nos alliés au besoin.
    Je considère comme urgent qu'ISDE établisse une liste d'entités chinoises problématiques. Ce travail est peut-être déjà en cours. Cette liste comprendrait, par exemple, l'Université des sciences et de la technologie, qui est contrôlée par l'Armée populaire de libération et avec laquelle il est manifestement risqué de collaborer. Il faudrait également dresser une liste de sujets de recherche à exclure de tout projet de recherche conjoint, peu importe le partenaire chinois.
    C'est le genre de mesures que prennent nos alliés. Quand j'ai communiqué avec le Département d'État américain à Washington à la fin de 2022, on m'a dit que l'approche globale du gouvernement américain à l'égard de la coopération scientifique avec la Chine était centrée sur la promotion et la protection. Autrement dit, le gouvernement continue à promouvoir la recherche universitaire faite en collaboration avec la République populaire de Chine, mais tout en protégeant avec vigilance la recherche et les chercheurs américains.
    Le National Institutes of Health des États-Unis, le plus important bailleur de fonds pour la recherche médicale au monde, n'a pas supprimé le financement des projets de recherche médicale menés conjointement par les États-Unis et la Chine. Cet organisme a plutôt mis en place des mesures de contrôle sur la nature des travaux de recherche, ainsi que des mesures administratives visant à veiller au respect de ses règles par les chercheurs américains et chinois, règles qui ont déjà été violées dans le passé.

  (1640)  

    En Europe, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Union européenne elle-même n'ont pas mis un terme à la coopération avec la Chine en matière de recherche. À la place, ils ont proposé ou adopté des mesures visant à réduire les risques liés aux technologies sensibles essentielles soit à la sécurité de l'Europe, soit à la prospérité des entreprises de haute technologie et des établissements de recherche européens.
    Je vous invite à prendre connaissance de l'excellente...
    Je suis désolé, mais je dois vous demander de vous arrêter là.
    D'accord, je m'arrête là.
    Merci, monsieur le président.
    Nous nous sommes presque rendus à la fin de votre déclaration. Avec un peu de chance, vous pourrez présenter le reste de ce que vous aviez à dire en réponse aux questions. Je vous remercie.
    Je remercie les témoins d'avoir ouvert le bal.
    Je donne maintenant la parole à M. Corey Tochor, du Parti conservateur, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Je vais poser une série de questions. Je vous invite toutes et tous à nous fournir des réponses écrites si vous n'avez pas l'occasion de donner vos réponses ici aujourd'hui.
    Monsieur Fung, d'après vous, le Canada devrait‑il, oui ou non, créer un registre des agents étrangers?
    Oui, absolument. Un registre des agents étrangers serait utile.
    Étant donné l'urgence manifeste de la situation, trouvez-vous que le gouvernement fédéral agit assez rapidement pour mettre en place un tel registre?

  (1645)  

    À ma connaissance, il y a déjà des discussions à ce sujet à différents échelons. Je ne saurais vous dire si le travail est fait assez rapidement.
    Durant votre déclaration, vous avez parlé de la stratégie « nourrir, piéger, tuer ». Vous l'avez vécue en partie lorsqu'on vous a offert une rémunération équivalant à trois fois votre salaire. Est‑ce que cela correspond à l'étape « nourrir »?
    Oui. Je vois des professeurs succomber aux deux autres étapes.
    Veuillez nous fournir plus de détails sur les deux autres étapes.
    Le gouvernement chinois a souvent recours à cette stratégie pour recruter des chercheurs. Une fois qu'un professeur reçoit des fonds, il commence à élargir son équipe, par exemple en engageant plus d'étudiants au doctorat ou d'étudiants diplômés. Normalement, il faut quatre à cinq ans pour terminer un doctorat. Après un an ou deux, les professeurs comptent sur les fonds. Nous comptons sur le soutien financier de l'entreprise, car sans ces fonds, nous ne pouvons plus soutenir les étudiants au doctorat. C'est à ce moment‑là que le piège est tendu: c'est là que l'entreprise ou le gouvernement du CPP demande au professeur de faire quelque chose contre son gré.
    Malheureusement, la dernière étape, c'est « tuer ».
    Je ne parle pas vraiment de faire du mal physiquement au professeur, mais au fond, il s'agira de répandre des faussetés pour ruiner sa réputation.
    L'ancien agent de contre‑ingérence du SCRS Michel Juneau-Katsuya a dit que si le bureau national de lutte contre l'ingérence étrangère promis dans le budget ce printemps voit le jour, il devrait relever directement de la Chambre des communes plutôt que d'un ministre. C'est un peu de la cuisine interne, mais la différence, c'est que la Chambre des communes représente les 338 circonscriptions et tout le Canada. Un ministre serait tenu de rendre des comptes à son patron: le premier ministre.
    Êtes‑vous d'accord que si ce bureau est mis sur pied, il devrait être imputable envers tous les députés au Parlement, et pas seulement envers un ministre et le parti au pouvoir?
    Étant donné que le processus interne ne m'est pas familier, je ne peux pas faire de commentaire. Toutefois, j'aimerais que le Service canadien du renseignement de sécurité agisse davantage et ne serve pas qu'à recueillir de l'information de manière unidirectionnelle.
    Durant les dernières élections, nous avons beaucoup entendu parler de WeChat et de communications qui se faisaient sur cette plateforme.
    Utilisez‑vous ce réseau social?
    Je n'utilise pas WeChat, mais j'ai examiné cette plateforme. Une partie de mes recherches porte sur ce genre de désinformation.
    Nous constatons que durant les élections, certains groupes sur WeChat sont très actifs. Bien des groupes sur cette plateforme ne sont que des groupes ordinaires qui parlent d'aller souper, d'aller à un barbecue ou de faire d'autres activités de loisir. Cependant, durant les élections, un groupe de personnes différent va parfois émerger et parler de candidats précis, pour en faire la promotion ou au contraire, chercher à ternir leur réputation. C'est ce que nous avons observé sur ce réseau social.
    Je comprends que vous êtes un expert en cybersécurité et qu'un de vos champs d'expertise est l'extraction de données.
    Les renseignements personnels et institutionnels des étudiants sont‑ils à risque quand la Chine a une présence sur le campus?
    Cela dépend. Lorsque les étudiants arrivent au Canada... Cela dépend d'où provient leur financement. Si leurs bourses d'études viennent du Conseil des bourses d'études de la Chine, alors là le risque est plus grand.
    Le sujet d'étude a aussi une influence. Par exemple, j'accueille parfois des étudiants chinois. Parmi la panoplie de projets que je peux choisir, je serai prudent dans les sujets que j'assigne à divers types d'étudiants. Voilà comment je travaille, mais je ne suis pas certain pour les autres professeurs. Lorsque les étudiants reçoivent l'aide du Conseil des bourses d'études de la Chine, certains vont travailler comme des étudiants de troisième cycle réguliers venant du Canada. Je ne constate aucune différence entre les deux groupes.
    Avez‑vous vu des agents ou des employés de Huawei sur le campus, qui interagissaient avec le personnel ou avec des étudiants sur divers projets de recherche?

  (1650)  

    Oui. Il y a plusieurs années, Huawei était bien plus active et finançait directement nombre d'activités dans des domaines comme l'ingénierie et l'informatique. Ses représentants faisaient parfois des demandes déraisonnables aux organisateurs de certaines activités. Récemment, j'ai vu des étudiants carrément refuser une bourse de Huawei.
    Mais on ne s'est pas adressé directement à vous... Je ne vous demande pas d'en dire plus sur les liens entre Huawei et d'autres professeurs ou les étudiants, mais concernant votre exemple...
    En fait, le temps est tout juste écoulé.
    Puis‑je bénéficier de 20 secondes?
    Non, le temps est écoulé.
    M. Corey Tochor: D'accord.
    Le président: Je vous remercie.
    Merci également pour les réponses.
    Nous cédons maintenant la parole à Charles Sousa, du parti libéral; vous avez six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, chers collègues. Je ne ferai plus partie de ce comité à l'avenir, mais je vous exprime mes remerciements à tous pour nos discussions et nos délibérations.
    Je tiens à remercier les témoins d'être ici aujourd'hui et de répondre aux questions.
    J'ai deux questions à poser. Si vous me le permettez, je vais commencer par M. Houlden.
    Comme vous l'avez mentionné, monsieur le professeur, la question est plutôt complexe. Il importe que l'écosystème de recherche soit le plus ouvert et le plus sécuritaire possible. Notre gouvernement travaille indéniablement à améliorer la sécurité en recherche au Canada depuis un certain temps. En 2021, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a publié ses « Lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenariats de recherche », qui visent à soutenir les chercheurs et à « intégrer les questions de sécurité nationale dans l’établissement, l’évaluation et le financement des partenariats de recherche. »
    Pouvez‑vous réaffirmer vos préoccupations quant à notre façon de procéder pour limiter notre collaboration avec certains pays, tout en faisant abstraction du pays d'origine pour favoriser des recherches ouvertes, afin de nous permettre de bénéficier des compétences qui se trouvent dans d'autres régions du monde?
    Eh bien, les ressources et le temps sont toujours limités.
    Je ne suis pas certain qu'on puisse toujours faire abstraction du pays d'origine. C'est assez clair que la Chine, la Corée du Nord, l'Iran et la Russie posent des risques, contrairement à d'autres pays. Je dirais donc qu'il est rationnel de mettre l'accent sur les problèmes le plus immédiats.
    Il y a toutes sortes de raisons pour nous de collaborer avec la Chine, surtout le fait que les Chinois ont beaucoup progressé et l'ont fait rapidement. La Chine se taillera sans doute la part du lion. Par contre, à ma connaissance, il n'y a pas de collaboration de recherche avec la Corée du Nord, par exemple. Par ailleurs, il n'y a pour ainsi dire aucune collaboration avec l'Iran et très peu avec la Russie dans les circonstances actuelles. Je pense qu'il faut choisir ses cibles.
    À mon avis, le défi consiste à respecter l'autonomie des universités. Lorsqu'il y a une préoccupation valable en matière de sécurité — et il en existe —, c'est là que le gouvernement du Canada peut légitimement porter son attention. S'il est maître du financement d'un projet de recherche et qu'il croit que ce projet ne sert pas l'intérêt supérieur du pays, le gouvernement doit certainement exercer son pouvoir de retenir les fonds.
    J'insiste pour dire qu'il est évident qu'il est à l'avantage du Canada que nos chercheurs travaillent avec les chercheurs chinois sur certains sujets de recherche — que ce soit les changements climatiques, les préoccupations environnementales ou la santé. Si vous fermez les vannes complètement, vous constaterez que certains de nos meilleurs chercheurs vont simplement lever le camp pour aller aux États‑Unis ou en Europe, où de telles contraintes sont soit absentes, soit quelque peu plus libérales. Avec nos alliés, nous pouvons trouver des approches communes et réduire le risque.
    De manière plus générale, il y a aussi le risque d'isoler la Chine, qui a connu de très longues périodes d'isolement dans l'histoire, y compris à la fin de la révolution culturelle... Je dirais que les allers‑retours des étudiants chinois aident à développer et à ouvrir la société chinoise. Les étudiants chinois que je côtoie le plus souvent sont bien mieux renseignés sur le monde extérieur et les autres modes de vie que les étudiants chinois précédents.
    Je vous remercie.
    Je m'adresse maintenant à M. Fung et à Mme Wong.
    Il s'agit évidemment d'un enjeu très grave. Vous avez souligné ce qu'est une menace réelle à la sécurité et ce qui n'en est pas... Vous avez dit qu'il y a présentement certains de vos collègues qui sont pris pour cibles d'ingérence, comme vous l'avez déjà été. C'est un problème très grave.
    J'ai aussi entendu — de la part de membres de la diaspora, de membres de la communauté chinoise, d'étudiants, etc. — qu'il y a certaines préoccupations et inquiétudes en matière de racisme, de discrimination et de préjugés contre des chercheurs d'origine chinoise. Bon nombre de personnes demandent même un boycottage complet. Ces gens demandent quelque chose qui semblerait peut-être inefficace, mais certaines personnes voudraient couper tous les liens avec certains Chinois.
    Pouvez‑vous en dire plus sur l'équilibre à trouver entre l'accueil d'étudiants qui n'ont rien à se reprocher, qui veulent véritablement faire de leur mieux et qui ont de bonnes intentions, et les craintes d'influence et de torts indus?

  (1655)  

    Je pense que ce qu'on entend par solution faisant abstraction du pays d’origine, c'est le début d'une approche antiraciste pour protéger la sécurité nationale dans le milieu universitaire. Comme je l'ai dit, il y a aussi d'autres mesures de sécurité que le régime de Pékin souhaite mettre en place dans les universités.
    Je pense que d'une part, il faut examiner la conduite des entreprises, des personnes et des entités avec lesquelles nous collaborons. Par exemple, si une entité qui cherche à collaborer avec un chercheur canadien viole activement le droit international en matière de droits de la personne, nous ne devrions peut-être pas collaborer avec elle. C'est ce que je veux dire lorsque je parle d'examiner la conduite plutôt que le pays d'origine.
    Un autre problème, en ce qui concerne la collaboration internationale, c'est que les lois des autres pays sur la protection des renseignements personnels et des données sont différentes de celles du Canada, de sorte que nous pouvons collaborer avec un acteur chinois qui a obtenu des données légalement en Chine, mais d'une façon qui ne serait peut-être pas légale au Canada. Cela crée un genre de zone grise morale où nous devons nous demander s'il est éthique que des chercheurs canadiens continuent de collaborer avec une personne qui a peut-être obtenu des données par des moyens qui ne sont pas légaux au Canada, mais qui le seraient ailleurs. Comment les données de recherche seront-elles stockées? Seront-elles conservées en Chine ou au Canada?
    Tous ces facteurs entrent en jeu dans l'équilibre à trouver entre la liberté universitaire nécessaire pour assurer une collaboration libre et transparente, dans laquelle les chercheurs peuvent prendre leurs propres décisions et reconnaissent...
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant céder la parole à Maxime Blanchette-Joncas pour six minutes.

[Français]

    Je salue les témoins qui se joignent à nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à vous, professeur Houlden.
    On ne peut pas douter de votre expérience, puisque vous travaillez aux affaires étrangères canadiennes depuis 1976. Vous avez également parlé de votre mandat à l'Université de l'Alberta.
    Je veux m'assurer de bien comprendre la situation, et je veux m'assurer que mes collègues et le public la comprennent bien aussi. Sur une échelle de 1 à 10, quel niveau d'inquiétude devrait-on avoir pour ce qui est de l'ingérence chinoise dans l'écosystème scientifique de la recherche au Canada?

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de la question et de vos aimables commentaires.
    Sur une échelle de 1 à 10, je présume... Encore une fois, je dirais qu'il faut tenir compte des questions nationales. Les collaborations de recherche avec les États-Unis ou la France ne présentent pas les mêmes risques que celles avec la Chine ou la Russie. Je ne suis pas certain que l'approche neutre fonctionne pleinement. J'attribuerais probablement un huit à la Chine, mais cela ne veut pas dire que la porte est fermée ou qu'elle devrait l'être; cela signifie qu'il faut prendre des précautions.
    Je recommande cet excellent rapport du MIT, qui a été publié en novembre dernier. Neuf éminents chercheurs ont participé à cette étude, et il leur a fallu près de 18 mois, je crois, pour rédiger leur rapport. On peut le consulter en ligne. Il y a une phrase qui m'a sauté aux yeux; elle se lit comme suit:
Mais nous croyons que les États-Unis auraient plus à perdre qu'à gagner si des restrictions générales radicales étaient imposées à la recherche universitaire d'une manière susceptible d'affaiblir ou de détruire le système américain de science ouverte.
    Dans le même document, l'organisation parle de laboratoires ayant la cote secrète qui travaillent pour le département de la Défense et qui sont essentiellement fermés à tous les étrangers. On peut marcher et mâcher de la gomme en même temps. On peut mener des recherches essentielles, utiles et approfondies et collaborer avec la Chine dans les domaines de la santé et de l'environnement. On peut aussi essayer de garder la porte bien verrouillée sur les technologies sensibles.

[Français]

     Je vous remercie, professeur Houlden.
    Je comprends bien la nuance que vous apportez au sujet de la compétitivité et l'atténuation des risques relatifs à la sécurité nationale. Je veux vous entendre davantage à cet égard.
    Mme Margaret McCuaig‑Johnston, une haute fonctionnaire au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, a déclaré que nous devrions avoir un ensemble de règles qui s'appliqueraient dans le cadre de collaborations scientifiques, notamment avec des chercheurs issus de régimes autoritaires comme la Chine et la Russie. Il s'agirait donc d'une approche différenciée.
    Que pensez-vous d'une telle approche? Par ailleurs, quels critères devraient guider la catégorisation des pays?

  (1700)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Oui, Margaret McCuaig-Johnston a été agrégée supérieure de recherches au China Institute de l'Université de l'Alberta. Je la connais bien.
    Je pense qu'il est clair qu'il devrait y avoir une première catégorie regroupant nos alliés de l'OTAN et les pays qui sont les plus près de nous, où il n'y a aucun risque. Il y a tout un groupe de pays démocratiques indépendants, principalement en Europe, mais aussi sur d'autres continents, qui présentent des risques modestes, puis il y a les pays qui, en raison de leur taille — comme c'est le cas de la Chine — et parce qu'ils ont des systèmes politiques radicalement différents, non démocratiques, avec des armées importantes, méritent que nous fassions preuve d'une plus grande prudence.
    Voilà pour la perspective nationale, mais même au‑delà de cela, il faut établir des distinctions entre les divers types de recherche. Il est tout à fait possible qu'un chercheur canadien travaille avec un chercheur allemand qui, à l'insu du chercheur canadien, a un partenaire chinois. Il faut donc faire preuve de prudence. Si j'étais le chercheur canadien, je demanderais: « Qui sont vos partenaires? Avec qui d'autre travaillez-vous? » À partir du moment où il y a une fuite du laboratoire canadien ou de la propriété intellectuelle de la personne, il est plus difficile de contrôler où l'information se rendra. Cependant, il y a des enjeux liés à la santé, à la santé des enfants, au vieillissement, à la biodiversité, où il est clair qu'il est dans l'intérêt de la planète, de la Chine autant que du Canada, que nous collaborions à l'avancement de la science.
    C'est là qu'il faut faire des distinctions, non seulement entre les pays, mais aussi entre les enjeux qui présentent des risques élevés, moyens ou nuls pour les gouvernements, les universités et les chercheurs, parce qu'il peut y avoir de grands avantages pour toutes les parties aux collaborations là où il n'y a pas de risque.

[Français]

    Merci beaucoup, professeur.
    Vous avez mentionné plus tôt que, sur une échelle de 1 à 10, notre niveau d'inquiétude quant à l'ingérence chinoise dans la science au Canada devrait être de 8.
     En vous appuyant sur votre expertise, pouvez-vous nous dire comment le Canada se compare aux autres pays du G7 et de l'OCDE en matière de sécurité nationale pour les partenariats de recherche?

[Traduction]

    Eh bien, je pense que les choses évoluent très rapidement. Je dirais que les Américains ont été les premiers à cerner les risques et à les gérer. C'est eux qui ont le plus à protéger, que ce soit dans le domaine militaire, scientifique ou technologique; ils ont de très grandes institutions nationales. Mais encore une fois, à Washington, d'après mes rencontres avec huit personnes différentes de divers organismes, je sais qu'ils font aussi très attention de respecter l'autonomie des universités, d'intervenir le plus légèrement possible.
    Ils croient, comme moi, qu'il y a trop peu de Nord-Américains qui étudient en Chine. Nous devons comprendre cet univers. Ce sera une force dominante du XXIe siècle. Nous devrions y envoyer plus de chercheurs. Beaucoup de gens ne courraient pas de risque pour autant, selon la discipline. Encore une fois, des études en paléontologie ne présenteront aucun risque, mais on apprendra à connaître le fonctionnement et la façon de penser des Chinois. Les Français et les Allemands viennent de se rendre compte du risque.
    Merci.
    J'aimerais bien vous laisser continuer, mais pour répartir le temps équitablement, je vais donner la parole à Richard Cannings, du NPD, s'il vous plaît.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais m'adresser d'abord à Mme Wong et revenir à son commentaire sur les solutions faisant abstraction du pays d'origine. Après avoir écouté M. Houlden, je me demande si c'est un peu la sémantique qui fait la différence ici. Je suppose que par « faisant abstraction du pays d'origine », vous ne voulez pas dire que la Chine ne serait pas prise en compte. Vous diriez: examinons le projet de recherche, le sujet de recherche, l'entité visée — comme le disait M. Houlden —, examinons le niveau de risque et utilisons cela. Est‑ce le genre d'approche dont vous parliez, plutôt que de mettre tous les pays dans des cases différentes dès le départ?
    Oui, d'une certaine façon, mais je pense que si nous collaborions avec une entité américaine connue pour violer des droits de la personne, notre réaction devrait être la même que celle que nous aurions si nous collaborions avec une entité chinoise connue pour violer des droits de la personne. C'est ce que je veux dire par « faisant abstraction du pays d'origine ». Nous devons examiner la conduite et les activités de l'entité avec laquelle nous collaborons ou pourrions collaborer.
    Est‑ce que cette conduite est toujours connue à l'avance? S'il s'agit d'une nouvelle organisation ou d'un nouveau chercheur, comment évalue‑t‑on cela?

  (1705)  

    Le fait que beaucoup d'acteurs malveillants cachent leurs affiliations constitue effectivement un autre problème. Ils cachent délibérément qu'ils sont liés à une entité étatique ou militaire, il faut donc faire quelques recherches et fouiller un peu. Je pense que c'est ce que Mme Fung disait, c'est‑à‑dire que les bureaux de recherche des universités pourraient assumer une partie de cette responsabilité et vérifier quelles entités sont à risque.
    Cependant, en définitive, rien ne serait plus percutant que des lignes directrices fédérales sur les entités ayant des liens avec des entités étatiques ou militaires et susceptibles de leur fournir des renseignements utiles.
    Madame Fung, vous avez parlé des leurres que ces entités utilisent pour essayer de piéger les gens, et cela tient souvent à de grosses sommes d'argent, ou à plus d'argent, en tout cas. Diriez-vous que cela fait partie de la solution? J'imagine que ce n'est pas l'unique partie de la solution, mais est‑ce que cela ferait partie de la solution que les chercheurs canadiens soient mieux financés et que les étudiants canadiens soient mieux financés afin que les avantages qu'on leur fait miroiter ne soient pas aussi attrayants?
    Oui, assurément. Pour s'attaquer à ce problème, on peut notamment augmenter le financement de la recherche afin que les étudiants canadiens, d'origine locale, aient plus d'occasions de faire de la recherche active au Canada.
    On peut également s'y attaquer en informant les enseignants pour essentiellement sensibiliser les professeurs de génie et de sciences. Je vois que Sécurité publique Canada protège les programmes scientifiques et tente de sensibiliser les universités. Lors d'une des réunions auxquelles j'ai assisté lorsque ses représentants sont venus à McGill, ces deniers ont présenté un excellent exposé, mais j'ai constaté que les participants ne venaient pas vraiment du milieu de l'ingénierie et des sciences. Une façon de s'attaquer au problème est, je dirais, d'éduquer les professeurs, de les sensibiliser et de leur faire connaître les risques potentiels. C'est très important.
    Il y a aussi le bureau de recherche. Nous devons former les agents de recherche pour qu'ils puissent déterminer quelles sont les entités d'ingérence étrangère potentielles. Parfois, cela peut nécessiter des renseignements supplémentaires de la part des organismes gouvernementaux.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Houlden.
    Vous avez parlé de la façon dont ISDE pourrait diriger le programme d'évaluation des risques, avec l'apport du SCRS et d'Affaires mondiales Canada. Pouvez-vous nous en dire plus sur la capacité d'ISDE à cet égard? Vous pensez qu'il pourrait s'en charger, mais de quoi a‑t‑il besoin et quel genre de renseignements devrait‑il recueillir?
    Merci, monsieur Cannings. Je dois souligner que je parle en ce moment depuis votre circonscription de Penticton. Je suis un de vos électeurs.
    Votre question est importante. ISDE participe à ce processus et a embauché quantité de nouveaux employés. J'en ai rencontré un grand nombre quand j'étais à Ottawa. Il injecte également des fonds dans les grandes universités de recherche pour créer des postes de sécurité de la recherche, lesquels sont financés à la fois par l'université et par Ottawa et sont souvent pourvus par des gens qui ont des antécédents dans le domaine de la sécurité, dont certains au SCRS. C'est un énorme pas en avant. Quelle différence par rapport à la situation antérieure.
    Cependant, ce que j'attends toujours, c'est une liste d'institutions problématiques à l'étranger — certaines seront chinoises et d'autres, iraniennes ou russes — et une liste de domaines problématiques. Ce qui est difficile, c'est que ces domaines changent constamment. Ce qui est à la fine pointe et potentiellement à double usage aujourd'hui pourrait être courant et dans tout ce qu'on touche en l'espace de quelques jours, alors ce travail doit se faire à un rythme vif.
    L'autre problème, que j'ai relevé dans ma recherche pour le gouvernement de l'Alberta, c'est que pendant que le gouvernement fédéral et ISDE... Le gouvernement du Canada contrôle le financement versé aux chercheurs, mais les provinces contrôlent les universités en tenant les cordons de la bourse. À mon avis, il doit y avoir une collaboration très étroite entre les gouvernements provinciaux et fédéral pour faciliter une approche commune, parce qu'autrement, une puissante université pourrait suivre ou non les conseils du gouvernement fédéral, et ce dernier a... Je crois que le financement fédéral de la recherche dans les universités — c'est une supposition de ma part — est d'environ 20 %. La majeure partie du financement provient de l'université elle-même.

  (1710)  

    Merci beaucoup.
    Je vous ai accordé un peu plus de temps en raison de la réaction du Comité au fait que vous êtes un électeur. Il est toujours bon d'avoir des électeurs dans la salle. Ce que je veux dire, c'est que tout le monde est l'électeur de quelqu'un.
    Michelle Rempel Garner, bienvenue au sein de notre comité. C'est un plaisir de vous compter parmi nous. Vu votre expérience, j'ai hâte que vous soyez membre du Comité.
    Vous disposez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais utiliser mon temps en... Pour mettre brièvement les choses en contexte, j'ai géré le portefeuille de recherche parrainé d'une grande université canadienne. Le bureau des services de recherche dont M. Fung parle relevait de moi.
    J'aimerais essayer de résumer certaines des recommandations et des thèmes communs qui ont été abordés lors des témoignages, puis obtenir une certaine confirmation pour savoir si nous pensons ou non de la bonne façon. Je pense qu'il existe au Canada quelques cadres qui pourraient être appliqués aux principes dont vous parlez, des cadres qui ne sont pas nécessairement liés.
    Tout d'abord, il y a le Régime d'intégrité de l'approvisionnement, ainsi que l'Entente sur les tiers pays sûrs. Ces deux éléments ont des points en commun, en ce sens qu'ils sont neutres concernant les pays et les entités. Le gouvernement a établi une liste de lignes directrices qui lui permettront de faire des affaires dans le domaine de l'approvisionnement et de déterminer s'il y a lieu d'accorder le statut de réfugié et comment cela se fera.
    Recommanderiez-vous que toute approche adoptée par le gouvernement fédéral soit neutre au chapitre des pays et soit fondée sur des paramètres quantitatifs et objectifs en ce qui concerne la collaboration avec des pays et des entités, et que la liste soit évaluée, disons, de façon annuelle ou régulière?
    Allez‑y, monsieur Fung.
    Je suis d'accord pour dire qu'il devrait y avoir une approche neutre par rapport aux pays. Oui, il devrait y avoir des paramètres aux fins de mesure, mais parfois, vous savez, ce n'est pas suffisant comme information.
    Bien sûr.
    Allez‑y, madame Wong. Vous portez le même prénom que ma soeur, avec la même épellation.
    Oui, il est vraiment important de rester neutre sur le plan des pays. Je conviens que les entités doivent être réévaluées en fonction de leur conduite et de leurs activités, mais une fois que les entités étatiques s'en rendent compte, elles changent de nom et d'affiliation. Il faut évoluer en fonction des défis auxquels nous sommes confrontés.
    Notre comité devrait donc recommander un examen continu de l'admissibilité. D'accord.
    Par ailleurs, le gouvernement fédéral a déposé des lignes directrices en matière de sécurité nationale pour les partenariats de recherche. Je pense que cela nous permet de faire peut-être 10 % du chemin que nous devons accomplir dans ce dossier. Ce qui me frappe, c'est qu'il n'y a pas de critères ou de règles d'application dans cet ensemble de lignes directrices. Pensez-vous que tout critère d'admissibilité lié au financement fédéral de la recherche ou au soutien des partenariats de recherche devrait s'accompagner de critères d'application si les règles ne sont pas respectées, oui ou non?
    Monsieur Fung?
    Bien sûr. Oui.
    Madame Wong?
    Certainement.
    L'autre chose que je sais, c'est qu'à l'heure actuelle, les universités canadiennes n'ont pas vraiment de moyen de déterminer, dans un contexte en constante évolution, quelles sont les règles. Je dirais qu'il est en fait impossible pour un bureau des services de recherche de prendre une décision à cet égard. Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait avoir pour rôle de dresser une liste des pays et des entités qui participent à des partenariats de recherche avec des institutions auxquelles le gouvernement fédéral accorde du soutien, afin de les assujettir à un ensemble de règles et de règlements conçu pour protéger des éléments comme la sécurité nationale, prévenir le vol de propriété intellectuelle et assurer la sécurité des Canadiens — cette liste pourrait être augmentée — et que des contrôles ou des mesures de protection prescrites devraient être en place avant que le financement fédéral soit affecté à ce type de partenariat, ce système étant ensuite évalué de façon continue?
    Est‑ce là ce que vous avez en tête pour le cadre que le gouvernement devrait élaborer?
    Il vous reste environ une minute.
    Oui. Certainement.
    Madame Wong?
    Oui, ce serait la façon idéale de procéder.
    C'est excellent.
    Pensez-vous, oui ou non, que pour les conseils subventionnaires comme le CRSNG, les IRSC, la FCI et d'autres entités, il importe que ce type de cadre soit intégré dans leurs critères d'admissibilité institutionnelle une fois qu'il sera établi par le gouvernement fédéral?

  (1715)  

    Oui.
    Madame Wong?
    Je n'ai jamais présenté de demande de subvention de recherche aux trois conseils, alors je ne suis pas en mesure de le dire.
    L'admissibilité institutionnelle est importante. Dans un cadre, je pense qu'il doit y avoir un certain lien avec l'admissibilité institutionnelle.
    Considérez-vous que le gouvernement doive étoffer substantiellement les Lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenariats de recherche, étant donné qu'elles ne prévoient pas de délais de mise en œuvre?
    Vous avez en fait dépassé le temps qui vous était alloué.
    Merci à vous deux, et merci de vos questions.
    Nous allons maintenant accorder la parole à Lena Metlege Diab pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leur présence.
    Nous parlons de recherche, et évidemment, notre comité a été fondé en fonction du programme de science et de recherche parce que nous admettons l'importance de la recherche pour le Canada. Nous parlons aussi des universités. Avant de devenir parlementaire fédérale, j'étais députée provinciale dans ma province. Je reconnais l'importance des provinces et le rôle qu'elles jouent auprès des universités et des collèges dans chacune des provinces.
    Monsieur Fung, vous travaillez à McGill. La province du Québec a évidemment beaucoup d'autonomie et d'indépendance dans la façon dont elle gère son propre système d'éducation. Pouvez-vous me dire comment le Québec, par l'entremise du gouvernement, par exemple, travaille avec les universités pour les informer et transmettre de l'information sur les risques à votre établissement ou à vos chercheurs? Selon vous, quel rôle les provinces devraient-elles jouer par rapport à celui au Canada, par exemple?
    Le [inaudible] provincial offre aussi des fonds de recherche que nous pouvons demander. Parfois, une entreprise étrangère peut s'adresser à un enseignant pour demander une subvention, comme une du CRSNG. Ainsi, le même niveau de sécurité qui s'applique pour le centre de sécurité de la recherche devrait être appliqué à l'échelle provinciale. C'est ce que je dirais.
    Madame Wong, vous êtes étudiante des cycles supérieurs et étudiez ici, à Ottawa. Qu'avez-vous observé dans le cadre de vos études supérieures, de votre expérience personnelle et de vos échanges avec d'autres professeurs ou étudiants?
    Je suis très chanceuse. J'ai autour de moi un groupe de professeurs et d'étudiants qui me soutiennent beaucoup, mais je ne pense pas que ce soit le cas pour beaucoup de mes collègues. Des étudiants ont dit qu'ils craignaient de ne pas obtenir certaines bourses d'études au Canada parce que leurs points de vue pourraient différer de ceux des professeurs qui octroient les bourses. C'est particulièrement préoccupant pour des gens qui, comme moi, travaillent en sociologie. Mes recherches portent sur la répression transnationale, un sujet qui est très délicat. Si je présentais une demande de subvention de recherche, je craindrais de ne pas en obtenir si un professeur a des opinions favorables à Pékin. Je pense que les personnes qui travaillent dans le domaine des sciences humaines vivent une expérience fort semblable lorsqu'elles demandent des bourses et des subventions pour leurs recherches.
    Je vous remercie de cette réponse.
    Monsieur Houlden, vous êtes en Alberta. Je sais que vous assumez de nombreuses fonctions, mais qu'avez-vous constaté de votre point de vue dans cette province, par exemple?
    Eh bien, je peux parler des provinces de façon plus générale, car j'ai réalisé un sondage lors de la préparation de l'étude que j'ai menée pour le gouvernement de l'Alberta cette année.
    J'ai observé deux ou trois choses. Premièrement, comme je l'ai peut-être déjà indiqué, la majeure partie du financement de la recherche ne vient pas du gouvernement fédéral. Ce dernier aura beau imposer toute une série de critères et se montrer d'une rigidité implacable, le matériel pourrait quand même sortir. Ce qu'il faut... Les provinces, à l'exception des plus grandes, comme le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique et peut-être l'Alberta, disposent peut-être des ressources nécessaires pour analyser les risques en matière de sécurité. Cependant, cela coûte des milliards de dollars. C'est de l'argent des contribuables que dépense le gouvernement fédéral et des organismes comme le SCRS, le CST et d'autres organismes gouvernementaux.
    À mon avis, il n'est pas nécessaire que 13 organismes de sécurité effectuent des analyses. La réponse, c'est une collaboration étroite entre les provinces et le gouvernement fédéral afin d'échanger des informations et d'établir des approches communes. À mon avis, c'est ce qu'il y a de mieux. Autrement, si une province est rigide et une autre est clémente, par exemple, les gouvernements, les organismes ou les particuliers étrangers iront là où la résistance est moindre et profiteront de ce laxisme. Selon moi, c'est seulement si on adopte une vision nationale unifiée des universités avec le plein appui des provinces qu'il y a...

  (1720)  

    Je suis entièrement d'accord avec vous. Voyez-vous cela se produire quelque part?
    Tout est difficile dans les relations fédérales-provinciales, et je l'accepte, mais j'aurais abandonné il y a des décennies si je croyais que c'est le cas. Les provinces et le gouvernement fédéral peuvent toujours collaborer, et il est dans leur intérêt de le faire.
    Pour ce qui est des différentes provinces, certaines seront plus avancées que d'autres. Je ne dis pas qu'il s'agit simplement de suivre les directives d'Ottawa. Il y a moyen de faire partie de comités organisés qui se réunissent régulièrement pour trouver des approches communes, faire connaître ces approches, mettre des bâtons dans les roues de nos ennemis et favoriser nos intérêts.
    C'est excellent. Merci.
    C'est très bien. Merci beaucoup. C'était une excellente discussion.
    Maintenant, nous accordons la parole pour deux minutes et demie à monsieur Blanchette-Joncas.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais continuer à poser mes questions au professeur Houlden.
    Vous avez bien évoqué, tout à l'heure, l'inquiétude que nous devrions avoir concernant l'ingérence chinoise dans la recherche scientifique au Canada. Je vous ai demandé comment nous nous comparions aux autres pays. On sait que le Royaume‑Uni, les États‑Unis et les Pays‑Bas, notamment, ont déjà pris des mesures pour freiner l'ingérence de la Chine.
    Selon vous, comment nous comparons-nous aux autres pays de l'OCDE et du G7?
    Pourrions-nous adopter ici de bonnes pratiques qui se font ailleurs?

[Traduction]

    Parle‑t‑on ici de sécurité de la recherche ou d'ingérence politique?

[Français]

    Je parle de la sécurité nationale pour les partenariats de recherche.
    D'accord, merci.

[Traduction]

    Nous pouvons toujours apprendre de nos homologues. J'ai été agent canadien pendant de nombreuses années, mais je n'ai jamais pensé que les Canadiens agissaient nécessairement toujours pour le mieux. Je voulais trouver le meilleur ailleurs.
    Certains des pays que vous avez évoqués, comme les Pays-Bas ou même la France ou le Royaume-Uni, sont d'une envergure comparable à la nôtre. Les États-Unis constituent un cas particulier à maints égards. L'Australie est un cas intéressant. Tous ces pays, à l'exception partielle des États-Unis, sont des néophytes en la matière. Il y a une décennie, la collaboration et la coopération avec la Chine soulevaient très peu de préoccupations. Si quelque chose figurait sur notre Liste des marchandises d'exportation contrôlée, c'était correct. S'il s'agissait d'armements, c'était correct, mais à part cela... À l'heure actuelle, toutefois, une grande partie des recherches est à double usage. Ce qui peut servir à des fins civiles peut avoir une application militaire dans le secteur des communications ou dans un éventail de domaines.
    Je pense que nous devrions examiner attentivement ce que les Pays-Bas ont fait. L'Allemagne prend des mesures fort intéressantes, commençant en fait tout juste à renforcer les mesures de contrôle cet été. Je souligne que le durcissement observé dans chacun de ces pays et dans l'Union européenne ne signifie pas qu'il n'y a pas de collaboration avec la Chine. Ces pays gardent les yeux ouverts, collaborent avec circonspection et examinent où les chercheurs chinois travaillent, dans quel organisme et dans quel domaine. En cas de doute, ils opposent un refus et proposent peut-être d'aller ailleurs.
    Une partie du problème exigerait une législation. Si on veut obliger les universitaires à ne pas collaborer avec certaines entités, on peut utiliser l'argent comme carotte, même dans le cadre d'initiatives fédérales-provinciales, mais c'est un tout autre degré d'intervention que d'interdire à un professeur de collaborer avec une entité étrangère, et nous ne disposons pas des outils pour le faire actuellement.
    Merci beaucoup.
    Vous avez parlé des universités. J'ai eu l'occasion de participer à ces discussions, qui portaient notamment sur la sécurité, lors de la rencontre des membres du Regroupement des universités de recherche du Canada et de leurs homologues de l'Allemagne cet été.
    Pour les deux dernières minutes et demie avec ce groupe de témoins, je donne la parole à M. Richard Cannings.
    Merci.
    Je vais poursuivre avec M. Houlden sur le dernier sujet, soit la façon dont nous gérons les chercheurs et la recherche.
    Selon vous, nous faudrait‑il une loi pour réglementer les cas de chercheurs qui obtiendraient un important financement directement d'une entité de Chine ou de n'importe quel autre pays? Le cas échéant, à quel échelon cette loi serait-elle nécessaire, au fédéral ou au provincial?
    Simple curiosité; cela semble plutôt chaotique.
    Merci beaucoup, monsieur Cannings.
    Ce serait en rupture avec l'ordre habituel des choses. Une des grandes forces du secteur de la science aux États‑Unis et au Canada, comme le démontre l'étude du MIT, c'est son caractère ouvert. Je pense qu'il faut procéder prudemment si l'on veut imposer un marteau législatif aux universités, qui ont beaucoup d'excellentes raisons de vouloir être indépendantes et autonomes.
    Je dirais plutôt que le financement a une importance primordiale, selon l'objet de la recherche. Si les Chinois aident les chercheurs canadiens... Je connais deux ou trois chercheurs de l'Université de l'Alberta qui ont mis au point, parfois avec leurs collaborateurs chinois, un vaccin contre l'hépatite C qui sauvera, disons, des centaines de milliers, voire des millions de vies. Je dirais que je ne me soucie guère d'où vient cet argent.
    C'est une autre affaire s'il s'agit de recherche de pointe à double usage. À mon avis, c'est là qu'une combinaison de lois fédérales et provinciales serait probablement utile. Je sais à quel point les provinces sont sensibles — à juste titre — au fait que l'éducation relève de leur compétence. Ce serait un cauchemar sur les plans diplomatique et législatif, mais ne laissons pas la perfection être l'ennemi du bien. Sensibiliser les universités, les chercheurs, les parlementaires et le public comporte des avantages et des risques, et c'est un mélange des deux, sans l'ombre d'un doute.
    Une des grandes forces de l'étude du MIT, si vous choisissez de la lire, c'est qu'elle souligne le nombre peu élevé de scientifiques diplômés aux États‑Unis comparativement à la Chine, mais l'ingrédient secret, du côté des États‑Unis et du Canada, c'est la capacité de recruter de formidables talents à l'étranger. Des chercheurs étudiants chinois, indiens, iraniens et même russes viennent ici, avec leurs connaissances. C'est un des facteurs qui nous permet de pallier le manque de candidatures internes pour les postes de recherche de haut niveau.

  (1725)  

    Très bien. Merci beaucoup.
    La discussion de cet après-midi était fascinante. J'aimerais bien pouvoir continuer, mais le temps est écoulé.
    Je remercie nos témoins, M. Benjamin Fung, Mme Cherie Wong et M. Gordon Houlden, directeur émérite du China Institute à l'Université de l'Alberta. Je constate que votre service est très précieux, non seulement pour l'université, mais aussi pour notre pays. Donc, je vous remercie de votre service là‑bas.
    Si vous avez des renseignements supplémentaires à fournir dans la foulée de notre discussion d'aujourd'hui, veuillez les envoyer à notre greffière, qui les transmettra aux analystes. Les analystes m'assurent qu'ils peuvent trouver le rapport du MIT qui a été évoqué à quelques reprises ici, mais si vous avez d'autres renseignements, veuillez nous les faire parvenir.
    Nous allons suspendre la séance brièvement afin de permettre à notre prochain groupe de témoins de prendre place. Des tests doivent être effectués pour les trois témoins qui comparaissent par vidéoconférence.
    Je demanderais aux témoins de se déconnecter, mais avant, je vous remercie de votre présence. Merci d'avoir été des nôtres et d'avoir participé à cette précieuse discussion.

[Français]

     Merci, et au revoir.

  (1725)  


  (1730)  

[Traduction]

    Bienvenue encore une fois.
    Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 5 décembre 2022, le Comité entreprend son étude sur les répercussions à long terme de l'écart salarial entre les sexes et des groupes en quête d'équité dans le corps professoral des universités canadiennes.
    Il y a eu une petite difficulté technique. Je vois qu'une des témoins vient de se joindre à nous. J'espère que le redémarrage de son ordinateur a réglé le problème.
    Deux personnes qui témoignent à titre personnel feront une présentation ensemble; il est convenu qu'elles se partageront les 10 premières minutes. Il s'agit de Mme Tracy Smith-Carrier, titulaire de la Chaire de recherche du Canada, niveau 2, sur la promotion des objectifs de développement durable des Nations unies, à l'Université Royal Roads, et de Mme Marcie Penner, professeure agrégée au Département de psychologie du King’s University College de l'Université Western. Elles témoignent toutes deux par vidéoconférence.
    Également par vidéoconférence, nous accueillons Mme Dina Al‑khooly, directrice principale, Impact et apprentissage, de Visions of Science.
    Vous aurez chacune cinq minutes. Comme je l'ai dit, les deux personnes qui témoignent à titre personnel se partageront 10 minutes.
    Si vous êtes prêtes à commencer, je pourrais donner la parole à Mme Al‑khooly ou à Mme Smith-Carrier, à la personne qui commence.

  (1735)  

    Bonjour. Nous remercions le Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes de nous avoir invitées à témoigner aujourd'hui et d'avoir facilité cette importante discussion.
    Je m'appelle Tracy Smith-Carrier. Je suis professeure agrégée à la School of Humanitarian Studies de l'Université Royal Roads, à Victoria, en Colombie-Britannique, et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la promotion des objectifs de développement durable des Nations unies. Je suis accompagnée de ma collègue Marcie Penner, professeure agrégée au Département de psychologie du King’s University College de l’Université Western.
    Mme Penner et moi avons collaboré à des recherches sur l'équité salariale dans le milieu universitaire, notamment à la publication d'un article sur les répercussions à long terme de l'écart de rémunération et de pension entre les sexes au sein du corps professoral des universités canadiennes.
    Il y a un écart salarial important et persistant entre les hommes et les femmes au sein du corps professoral des universités canadiennes. En 2023, selon Statistique Canada, les professeures à temps plein gagnent en moyenne 7,4 % de moins que leurs homologues masculins pour le même travail. L'écart salarial entre les sexes varie d'un établissement à l'autre et se situe entre 150 $ par année et près de 25 000 $ par année, ce qui représente un écart salarial de 0 % à 15 %.
    Mme Momani et ses collègues ont démontré que l'écart salarial varie également selon la discipline — l'écart entre les sexes étant plus important dans les domaines des STIM — et que l'écart salarial se creuse à mesure que les femmes progressent dans le milieu universitaire et double chez les femmes qui sont doyennes.
    L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, l'ACPPU, a quantifié l'écart salarial chez certains groupes du corps professoral issus de la diversité, notamment les Autochtones et les personnes racisées, en plus d'examiner le recoupement avec le sexe. À partir des données du Recensement de 2016, l'ACCPU a démontré que les professeurs universitaires autochtones — hommes et femmes — gagnent 26 % de moins que les professeurs non racisés masculins. L'ACPPU a également constaté que les personnes racisées gagnent en moyenne 12 % de moins que les membres du corps professoral en général. L'écart salarial pour l'ensemble des groupes racisés et issus de la diversité varie de 3 % à 28 %. En outre, dans le corps professoral universitaire canadien, l'écart de rémunération chez les femmes racisées est deux fois plus élevé que chez les femmes non racisées.
    Beaucoup d'universités canadiennes ont utilisé les études sur les anomalies salariales pour examiner l'écart salarial au sein de leurs établissements et ont apporté des rajustements salariaux positifs, soit pour l'ensemble des femmes du corps professoral, soit individuellement. Ces rajustements salariaux n'ont été rétroactifs dans aucune université. Les études sur les anomalies salariales et les corrections salariales découlent de négociations collectives entre les associations de professeurs et les employeurs universitaires plutôt qu'en réponse à une loi. Cependant, même après plusieurs séries d'ajustements, des écarts salariaux subsistent dans les universités, car l'absence de mesures concrètes pour éliminer les préjugés systémiques menant aux écarts salariaux a pour effet de perpétuer ces écarts dans la structure salariale de départ et les décisions relatives aux promotions et au mérite.
    Quatre facteurs contribuent à la disparité salariale entre les sexes dans les universités: les disparités des salaires de départ, les différences dans la rémunération au rendement et au mérite, les différences dans les taux de promotion et le temps avant une promotion, et les incongruités liées aux congés parentaux et aux autres congés de proche aidant. Même si les conventions collectives établissent un salaire minimum pour des grades universitaires précis, les salaires de départ sont encore souvent négociés et interprétés par des administrateurs d'université pouvant ou non être conscients de l'existence d'un préjugé sexiste implicite. Dans le milieu universitaire et dans d'autres contextes, l'expérience, le rendement et le mérite des femmes sont souvent sous-évalués. La recherche a démontré que dans des expériences où un curriculum vitae identique était présenté, mais soit avec un nom typiquement masculin ou un typiquement féminin, les candidats ayant un nom masculin étaient jugés plus compétents et se voyaient offrir un salaire de départ plus élevé.
    Au moment de la présentation d'une demande de financement auprès d'un conseil national de recherche, les femmes doivent avoir plus du double de la production universitaire que les hommes pour avoir la même note de compétence. De plus, contrairement aux femmes, le salaire des hommes augmente considérablement en fonction de la production universitaire. Les hommes sont également plus susceptibles d'avoir une promotion. Les femmes qui sont promues attendent, en moyenne, plus longtemps que les hommes pour obtenir leur promotion, malgré les recherches qui confirment que les femmes sont tout aussi susceptibles que les hommes de demander une promotion et une augmentation de salaire.
    Le recours aux congés parentaux et pour proches aidants a également des effets punitifs qui ont une incidence sur le moment où les femmes entreprennent leur carrière, les pauses qu'elles prennent durant leur carrière et leurs décisions sur le moment et la possibilité de demander une promotion.

  (1740)  

    Évidemment, l'écart salarial entre les sexes a des répercussions financières à long terme pour les professeures tout au long de leur carrière et de leur retraite, mais l'effet cumulatif n'a pas encore été rapporté. Dans le cadre de notre recherche en collaboration avec M. Aaron Cecala — qui est maintenant au Collège universitaire Brescia — et Mme Carol Agocs, de l'Université Western, nous avons estimé les effets combinés de l'écart salarial entre les sexes sur les salaires et les gains au titre du régime de retraite de l'employeur sur toute la durée de la carrière et de la retraite d'une professeure. Un établissement canadien a servi d'exemple pour cette étude de cas. Partant de l'écart salarial entre les sexes relevé par Statistique Canada pour cet établissement — environ 9 000 $ en 2020 — pour ce qui est du salaire de départ, nous avons effectué une simulation du parcours de carrière de deux membres du corps professoral, une femme et un homme, qui entament leur carrière au sein de l'établissement. Nous avons calculé l'écart cumulatif à l'aide des formules de calcul de la rémunération et de la pension de l'établissement. Nos calculs sont basés sur des hypothèses fondées sur des données pour ce qui est de la durée prévue de la carrière, l'âge de la retraite et l'espérance de vie. Nous avons également fait une estimation conservatrice des augmentations salariales, à savoir 1 % par année, conformément au projet de loi 124 de l'Ontario.
    Nous avons constaté que la seule différence du salaire de départ, pour deux professeurs — une femme et un homme — promus au rang de professeur agrégé au même moment, entraînait un écart cumulatif de 454 000 $ en salaire et pension au cours de leur carrière et de leur retraite, et de 468 000 $ si les deux professeurs étaient promus au rang de professeur titulaire. Cependant, les hommes sont plus susceptibles d'être promus professeurs titulaires que les femmes. En effet, seulement trois professeurs titulaires sur dix au Canada sont des femmes. En fonction de la même différence du salaire de départ, si la femme n'était pas promue professeure titulaire, mais que son collègue masculin l'était, l'écart en salaire et pension pour la carrière et la retraite passait à 660 000 $. Nos recherches démontrent que le fait de tenir uniquement compte du salaire nous amène à sous-estimer considérablement les effets à long terme de l'écart salarial. À la retraite, l'écart entre les sexes pour ce qui est du régime de retraite de l'employeur était de l'ordre de 7 000 $ à 12 250 $ par année, ou de 580 $ à 1 020 $ par mois.
    Nos calculs sont une estimation conservatrice de l'incidence de l'écart salarial entre les sexes dans les universités canadiennes. Il importe de souligner que contrairement à beaucoup d'universités, l'établissement utilisé pour cette étude de cas n'offre pas de rémunération au rendement ou au mérite ni d'ajustement selon le marché, ce qui élimine plusieurs points de décision potentiellement empreints de préjugés.
    Nos travaux portaient uniquement sur le genre, car la race n'était pas l'une des variables des données de Statistique Canada que nous avons utilisées. Nos valeurs étaient fondées sur l'ensemble des femmes du corps professoral. Nous savons, d'après les travaux d'autres personnes, que l'écart salarial chez les professeures racisées au Canada est deux fois plus élevé que chez les femmes non racisées, ce qui signifie que l'incidence financière à long terme de l'écart salarial entre les sexes et de l'écart salarial pour les professeures racisées sera plus importante que ce que nous avons calculé pour les professeures en général.
    Nous aimerions vous soumettre les recommandations suivantes.
    Premièrement, des études sur l'équité salariale entre les sexes demeureront nécessaires afin de corriger les disparités salariales qui perdurent. Ces études devraient porter non seulement sur les écarts salariaux, mais aussi sur les répercussions à long terme de cet écart, y compris l'incidence sur les revenus ouvrant droit à pension, tant sur le plan professionnel que sur le plan des politiques. À titre d'exemple, il y a le RPC ou le RRQ.
    Deuxièmement, intensifier la recherche sur les façons de remédier aux préjugés systémiques contre les groupes privés d'équité dans les universités et la société en général contribuera considérablement à réduire l'écart de façon significative et permanente.
    Troisièmement, comme cela a été reconnu et introduit dans diverses mesures législatives en matière de transparence des salaires partout au Canada — y compris dans le projet de loi 13, en Colombie-Britannique —, il est essentiel de promouvoir la transparence dans les négociations salariales et les structures de rémunération afin de réduire le risque que des préjugés influencent indûment les décisions relatives aux salaires, à l'évaluation du rendement et aux promotions.
    Quatrièmement, il est impératif de viser à étendre aux groupes privés d'équité les dispositions relatives à l'équité des salaires et des régimes de retraite. Pour ce faire, il faut accroître la collecte de données, la recherche et le nombre d'études sur l'équité salariale axées sur les conséquences à court et à long terme non seulement des écarts de salaire et de pension, mais aussi des caractéristiques de l'emploi — la syndicalisation ou la capacité d'obtenir la permanence, par exemple — et sur le fait que le travail informel, comme les responsabilités parentales et de soignant, entraîne des désavantages plus importants sur la carrière de certains membres du corps professoral comparativement à d'autres.
    Cinquièmement, des recherches indépendantes sont nécessaires pour déterminer si les études des établissements sur l'équité salariale et les interventions en la matière qui y sont énoncées permettent réellement de corriger les inégalités salariales. Nous recommandons que Statistique Canada publie et rende accessible au public les données adéquatement ventilées sur l'écart salarial entre les sexes et dans certains groupes issus de la diversité.
    Enfin, nous recommandons que les établissements soient tenus de fournir des renseignements sur l'écart salarial entre les sexes et les groupes issus de la diversité lors de la présentation d'une demande de financement fédéral.
    Pour terminer, nous félicitons le Comité permanent de la science et de la recherche d'avoir appuyé l'article 108(3)i) du Règlement, qui, à notre avis, est essentiel pour assurer un salaire plus équitable aux professeures d’université et universitaires issues de groupes privés d'équité. Nos recherches montrent que tenir uniquement compte des salaires mène à une sous-estimation considérable de l'incidence à long terme de l'écart salarial. Nous estimons que l'écart de rémunération et de pension entre les sexes représente de 454 000 $ à 660 000 $ sur la carrière universitaire et la retraite d'une personne.
    Merci.

  (1745)  

    Je vous remercie toutes les deux de votre témoignage.
    Madame Penner, je suis désolé de vous avoir manquée au début. Sur Zoom, vous vous trouvez sur une autre partie de l'écran, alors je n'avais pas mis les deux bonnes personnes ensemble.
    Je vous remercie toutes les deux de votre témoignage.
    Nous passons maintenant à Mme Dina Al-khooly, de Visions of Science, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Bonjour à tous. Je suis Dina Al-khooly. Je représente aujourd'hui Visions of Science, où je suis la directrice principale de l'apprentissage. Je vais vous faire part du point de vue d'un organisme qui travaille avec des jeunes issus de communautés à faible revenu et racisées, et qui met l'accent sur les jeunes Noirs. Nous nous efforçons d'encourager la participation des jeunes et la poursuite d'une carrière dans les domaines des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques.
    Tandis que de solides preuves illustrent et quantifient l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes, nous disposons de peu de données sur d'autres dimensions de la marginalisation, comme les autres témoins l'ont mentionné. Une étude réalisée par l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université a révélé que les professeurs d'université racisés sont payés près de 15 % de moins que leurs homologues blancs. Une autre étude évaluée par des pairs a également révélé que les professeurs racisés et autochtones touchent des salaires inférieurs, même après avoir évalué des variables telles que le nombre d'années de service et le niveau académique. La Revue canadienne d'enseignement supérieur a publié une étude qui examine les différences dans la titularisation et la promotion parmi les membres du corps professoral de huit universités canadiennes. Cette étude a permis de découvrir que les professeurs racisés avaient 54 % moins de chances d'être titularisés et 50 % moins de chances d'être promus professeurs agrégés que leurs homologues non racisés.
    Cela a également une incidence sur la prochaine génération de scientifiques qui commenceront dans le domaine. Il y a notamment un manque de représentation. Puisque les professeurs sont rémunérés de manière inéquitable et sont poussés vers la sortie de diverses façons, il ne reste que peu de personnes qui peuvent être des sources d'inspiration, d'appartenance et de soutien pour les futurs professeurs de leurs communautés. Il y a aussi l'accès à des salaires élevés. Les jeunes de nos communautés sont motivés par le revenu qu'ils pourraient gagner pour sortir leur famille et eux-mêmes de la pauvreté. Un salaire inadéquat a un effet dissuasif important sur nos jeunes qui veulent poursuivre une carrière.
    Ce n'est pas seulement une question d'équité. L'expérience vécue est à la fois pertinente et essentielle pour faire prendre de l'expansion à notre économie du savoir. Des études ont révélé que des groupes sous-représentés produisent des taux plus élevés de nouveautés scientifiques, et pourtant, leurs contributions novatrices sont reprises par d'autres chercheurs à des taux inférieurs à ceux de leurs pairs. Les contributions tout aussi importantes des minorités raciales et de genre sont moins susceptibles de mener à des carrières scientifiques réussies. Le Canada en paie le prix au final en ayant des recherches plus restreintes et une expertise sous-utilisée, ainsi qu'en étouffant des façons de penser qui sont essentielles à l'innovation.
    Ces écarts sont causés par des obstacles à l'éducation et à l'emploi. Les obstacles à l'éducation poussent les étudiants, surtout les étudiants noirs et autochtones, à quitter l'école à tous les niveaux et les empêchent d'avoir les conditions préalables requises pour faire des études universitaires en STIM. Les obstacles dans le milieu de travail sont dus à une discrimination ouverte et inconsciente, au népotisme, à une culture du travail qui aliène les professeurs marginalisés et à des obstacles structurels qui punissent le travail essentiel de l'enseignement, du mentorat, de la sensibilisation et du service qui est assumé de manière disproportionnée par les professeurs marginalisés.
    Sur le lieu de travail, il y a de nombreuses mesures que les universités peuvent prendre. Elles peuvent désigner des postes de professeurs pour les personnes issues de communautés marginalisées. Elles peuvent s'efforcer de valoriser leur travail et de leur offrir des possibilités de promotion et d'adoption. Ils peuvent refléter l'expérience vécue et les responsabilités, telles que l'enseignement, la sensibilisation, le mentorat, les comités et le travail en matière d'équité — qui bénéficient en fait à l'université et à l'ensemble du pays en fin de compte — dans leur structure salariale, leur charge de travail et leurs attentes relatives au rôle. Elles peuvent accroître la transparence entourant la rémunération, les promotions et les décisions en matière de titularisation. Elles peuvent investir dans le perfectionnement professionnel des professeurs sous-représentés afin de diversifier leur leadership.
    Les données dont nous disposons sont si limitées que cela fait en sorte que les gens continuent à nier l'existence de ces problèmes et que les recherches sur ces enjeux sont insuffisantes. Les universités devraient être tenues de publier des données sur leur population étudiante et leur corps professoral par genre, race, identité autochtone, handicap, orientation sexuelle et identité sexuelle.
    Pour terminer, nous ne pouvons pas nous limiter à la partie visible de l'iceberg. Des investissements précoces et continus sont essentiels. Cela signifie d'investir dans l'éducation par l'entremise de soutien financier pour l'apprentissage postsecondaire et à l'extérieur de l'école qui s'adresse précisement aux personnes issues de communautés marginalisées. Nous avons constaté que c'est absolument essentiel pour renforcer leurs capacités et leur appartenance aux STIM en dehors du contexte souvent aliénant de la salle de classe.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

  (1750)  

    Je vous remercie de votre déclaration.
    Nous allons commencer avec M. Soroka pour six minutes, je vous prie.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je vais adresser ma première question à Mme Penner et à Mme Smith‑Carrier.
    Il y a de nombreuses statistiques, et parfois... Je déteste utiliser le terme « manipuler », mais j'ai vérifié sur Internet et il y a peu d'universités qui disent, « Quand vous commencez à comparer des pommes avec des pommes, notre équité salariale est très proche, alors cela ne change pas trop. » Mais à la lumière des renseignements que vous avez fournis, je pense que vous avez beaucoup mieux approfondi le sujet. Il y a beaucoup plus de renseignements et ils sont beaucoup plus précis.
    Avez-vous constaté des différences entre les provinces? Certaines provinces étaient-elles plus équitablement représentatives, c'est‑à‑dire qu'elles paient de manière équitable, ou étaient-elles toutes à peu près identiques?
    Je ne sais pas si Mme Penner veut intervenir, mais l'étude de cas que nous avons utilisée concernait un établissement précis en Ontario, Canada. Nous n'avons pas fait notre modélisation dans l'ensemble des universités. Nous avons tiré ces données d'autres sources.
    J'ajouterais aux observations de Mme Smith‑Carrier que les données existent par établissement. La fourchette que j'ai fournie était fondée sur les établissements canadiens. Je n'ai pas vu ces données ventilées par province, mais c'est certainement quelque chose qui pourrait être fait avec les données existantes.
    Si vous avez ces renseignements ou que vous pouvez les trouver, nous vous serions très reconnaissants si vous pouviez nous les fournir plus tard.
    Chaque établissement est censé avoir des lignes directrices pour s'assurer qu'il n'est pas discriminatoire ou qu'il rémunère tout le monde de manière égale et équitable. Avez-vous découvert dans votre étude que ces lignes directrices sont en place? Le cas échéant, sont-elles respectées ou non?
    Je pense que les lignes directrices sont en place, mais c'est l'interprétation qui en est faite. Lorsqu'un administrateur s'assoit pour examiner le CV d'une personne et déterminer le nombre d'années d'expérience qu'elle possède, c'est là que ce genre de parti pris subjectif entre en jeu. Ce n'est pas que les planchers salariaux n'existent pas ou que les lignes directrices n'existent pas; c'est l'interprétation qui permet d'introduire le parti pris dans les négociations salariales.
    De plus, pour ce qui est de la Loi sur l'équité salariale en Ontario, le terme « professeur » étant une profession masculine, les universités ne sont pas tenues de veiller à ce que les femmes membres du corps professoral reçoivent le même salaire que les professeurs masculins.
    Je trouve très surprenant que les universités affirment qu'elles sont là pour traiter tout le monde également et équitablement et qu'il ne devrait jamais y avoir de différences, alors que vous avez prouvé exactement le contraire. Avez-vous une raison ou une justification qui expliquerait pourquoi elles agissent de la sorte? Comme vous le dites, elles interprètent les renseignements comme elles le veulent.

  (1755)  

    Cela découle des préjugés implicites ou inconscients que les gens ont envers les femmes. Ces préjugés sont omniprésents dans la société et se retrouvent certainement dans le monde universitaire. Lorsque nous regardons les données, lorsque quelqu'un lit le nom sur le CV d'une personne, l'expérience d'une femme est automatiquement sous-évaluée par rapport à celle d'un homme.
    Je trouve cela très choquant, car j'ai toujours traité tout le monde de la même manière, et pour moi, le fait d'être un homme ou une femme n'avait pas d'importance. Peu importe le rôle ou le travail que j'occupais, j'essayais de payer tout le monde équitablement, si bien que cela ne posait pas de problème. C'est pourquoi je trouve tout à fait consternant qu'une université fasse la promotion de cette équité, mais ne joigne pas le geste à la parole. Quoi qu'il en soit, je vais conclure ma petite diatribe.
    Je vais m'adresser à Mme Al-khooly. Vous avez mentionné que même après avoir corrigé d'autres facteurs, les professeurs racisés semblent encore être rémunérés sensiblement moins que les professeurs blancs. Croyez-vous que ce soit purement discriminatoire, ou y a‑t‑il d'autres facteurs qui causent cet écart salarial?
    Je vous remercie de la question.
    Comme d'autres témoins l'ont mentionné, il y a des façons extérieures de discriminer les gens et des façons implicites qui font partie de notre vie quotidienne, et nous ne nous rendons même pas compte de la façon dont nous marginalisons les gens. Par exemple, si dans le cadre de conversations que nous avons avec un pair, nous apprenons qu'il a vécu des expériences semblables aux nôtres, nous aurons peut-être plus d'affinités avec cette personne. Nous sommes plus cordiaux avec cette personne. Lorsqu'une possibilité de promotion se présente, nous sommes plus susceptibles de penser à cette personne parce que nous avons cette relation avec elle.
    Tout revient à la discrimination, qu'elle provienne de mauvaises intentions ou qu'elle soit attribuable à la façon naturelle où nous évoluons dans le monde. Il y a des exemples dans les deux cas, bien entendu. Ce n'est pas en partie dû au fait que les gens se disent, « Eh bien, je veux m'assurer que les femmes professeures et les professeurs racisés ne progressent pas », mais si je suis plus à l'aise auprès de certaines personnes et que c'est le type de personnes que j'ai côtoyées toute ma vie, je vais, en raison de la façon dont j'évolue dans le monde, m'aliéner des personnes qui sont différentes de moi.
    Cela dépend beaucoup du leadership de l'organisation et de la fréquence à laquelle ces voix marginalisées se voient accorder le pouvoir de prendre ces décisions. Si ce n'est pas le cas, les personnes qui détiennent le pouvoir continueront à reproduire ces inégalités, simplement en raison de la façon dont ils évoluent dans le monde.
    Merci des questions. Le temps passe vite.
    Nous allons céder la parole à Mme Bradford pour six minutes.
    Je vous remercie d'avoir suggéré cette étude. J'ai hâte d'entendre vos questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux trois témoins de se joindre à nous aujourd'hui. Vous êtes les premiers témoins que nous recevons dans le cadre de cette étude très importante.
    Bien que l'équité salariale relève principalement de la compétence des provinces, le gouvernement fédéral dispose d'un certain nombre de programmes qui traitent de l'équité salariale. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont ces programmes appuient les lois provinciales?
    Je pense que je vais commencer avec Mmes Smith‑Carrier et Penner à ce sujet.
    Il y a la loi fédérale sur l'équité. Toutefois, elle s'applique aux employés sous réglementation fédérale et ne concerne donc qu'un certain groupe d'employés et non pas l'ensemble des employés. Il serait utile d'étendre cette loi aux employés d'autres secteurs et d'autres compétences, y compris le milieu universitaire.
    Comme Mme Penner l'a mentionné plus tôt, la division des emplois en fonction de catégories d'emplois destinés aux hommes ou destinés aux femmes perpétue, à mon avis, une partie du problème. La question de savoir quels sont les secteurs dominés par les hommes et quels sont ceux dominés par les femmes suppose que les hommes devraient travailler dans ces domaines et les femmes dans d'autres.
    Bien qu'il y ait des dispositions dans la loi, je pense qu'elles sont quelque peu limitées et pourraient certainement être élargies ou reconceptualisées pour mieux répondre aux besoins en matière d'équité.

  (1800)  

    Je veux maintenant traiter des répercussions, des conséquences à court et à long terme de cet écart salarial pour la recherche au Canada. Nous savons qu'il existe et que c'est injuste, mais quelle incidence cet écart a‑t‑il sur nos capacités de recherche?
    Premièrement, les femmes sont moins susceptibles d'obtenir du financement. C'est un problème, comme on l'a mentionné plus tôt. Elles doivent produire deux fois et demie plus de publications que les hommes pour être considérées comme compétentes. Cela nuit à leur capacité d'obtenir du financement.
    Madame Penner, voulez-vous intervenir à ce sujet?
    Oui. Le montant et la durée du financement... Elles ont moins de chances que leurs articles soient publiés ou qu'elles soient acceptées à faire des conférences.
    Les femmes apportent une perspective différente, à l'instar des professeurs autochtones et racisés. Ces gens apportent une perspective différente et abordent les questions liées à la recherche en utilisant également des méthodologies différentes, qui sont perdues. Si nous sommes à la recherche de la vérité, il nous manque une partie de la réponse.
    Je vous remercie.
    Madame Al-khooly, la diversité au sein de la communauté de recherche canadienne est est très bénéfique aux travaux de recherche qui se font au Canada. Quelle incidence cet écart salarial a‑t‑il, non seulement sur la capacité d'avoir une communauté de recherche diversifiée, mais aussi pour tenir compte de l'accès aux postes de recherche et de la qualité et de la quantité de recherches réalisées au Canada?
    Qu'en pensez-vous?
    Merci de la question.
    En outre, les femmes noires, plus particulièrement, obtiennent les pires résultats en matière de santé maternelle parmi toutes les femmes du Canada. Nous savons qu'il y a de nombreux problèmes liés à l'intelligence artificielle à cause de préjugés raciaux précis. Nous savons que les changements climatiques touchent les communautés marginalisées de manière disproportionnée par rapport aux autres communautés.
    Tout cela découle implicitement du fait que nous n'avons pas de chercheurs qui reflètent la diversité de la population canadienne. Ils ne sont pas en mesure d'étayer ces recherches. Ils ne sont pas en mesure d'éclairer les innovations qui voient le jour pour résoudre les problèmes qui touchent précisément nos communautés, ce qui a une incidence non seulement sur la communauté de recherche, mais aussi sur l'ensemble de notre société.
    Je vous remercie.
    Encore une fois, madame Al-khooly, cette question s'appuie sur une étude précédente que nous avons réalisée à ce comité.
    Comment de faibles allocations aux étudiants diplômés et aux boursiers postdoctoraux auraient-elles une incidence sur l'équité, la diversité et l'inclusion au sein de la communauté des chercheurs?
    Merci.
    Une chose que nous avons clairement constatée chez nos jeunes, c'est qu'ils ont besoin de gagner de l'argent tout de suite. C'est un véritable défi dans le milieu universitaire, car il faut de nombreuses années de bas salaires, à survivre avec des allocations et de très petites subventions pour atteindre le niveau de carrière suivant.
    Ils sont très rebutés par l'idée de devoir occuper leur poste universitaire pendant 10 ans avant de commencer une véritable carrière qui leur permette de survivre. Bon nombre d'entre eux cherchent des moyens plus rapides d'entrer sur le marché du travail afin de gagner de l'argent pour subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille.
    Madame Penner, maintenant que nous savons que ces écarts de rémunération existent, pouvez-vous expliquer pourquoi et dire ce que les établissements postsecondaires font pour régler ce problème?
    Vous avez environ 10 secondes.
    Oui. Nous avons parlé des préjugés systématiques dans le processus de prise de décisions. Je pense que c'est en grande partie implicite. Les études sur les problèmes de rémunération et les corrections salariales sont principalement ce qui est fait, en plus d'examiner les politiques et pratiques en matière d'embauche...
    Merci. Vous vous en êtes bien tirée. Je suis désolé de vous avoir interrompu, mais nous devons poursuivre.
    La parole est à Maxime Blanchette-Joncas.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
    Mes questions s'adressent à Mmes Penner et Smith‑Carrier.
    Je trouve très intéressante l'étude qui a été menée, mais je pense qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. On voit qu'il y a eu une amélioration, mais qu'il reste encore beaucoup à faire.
    Je veux comprendre concrètement qui est responsable des actuels écarts salariaux entre les hommes et les femmes dans les corps professoraux des universités.

  (1805)  

[Traduction]

    Bien des universités remédient à la situation depuis un certain temps déjà, c'est‑à‑dire depuis 50 ans. Le chemin parcouru a été lent et, comme vous le mentionnez, l'écart s'est considérablement réduit. Or, il subsiste toujours.
    Comme Mme Penner l'a souligné, les universités font ces démarches grâce à leur bonne volonté. Aucune loi ne recommande qu'elles améliorent la situation, quoique je crois qu'elles sont nombreuses à subir des pressions pour corriger le tir étant donné les plans actuels en équité, en diversité, en inclusion et en décolonisation. Je crois que les associations des facultés et les administrateurs collaborent en ce sens.
    En outre, je crois que le phénomène touche également les employés à temps partiel. Nous n'avons pas encore parlé d'eux. L'écart dans ce groupe est encore plus marqué. Nous savons que les membres non syndiqués ou les membres qui ne font pas partie d'une association pâtissent encore plus de cette inégalité. Il faut nous intéresser à un plus grand groupe pour tenir compte de ces membres, et pas seulement des membres d'associations de professeurs d'université.

[Français]

    Je vous remercie de ces précisions.
    Tout à l'heure, vous avez évoqué une piste de solution, qui consisterait à élargir la portée de la Loi sur l'équité salariale, qui ne s'applique présentement qu'aux fonctionnaires, donc aux employés du gouvernement fédéral.
    Je veux bien comprendre votre point de vue. Personnellement, c'est la première fois que j'entends parler d'une telle solution. Je sais que différentes politiques d'équité salariale existent déjà, notamment au Québec et dans différentes provinces.
    Y a-t-il un mouvement ou une mobilisation? Cette recommandation a-t-elle été appuyée par différents représentants des gouvernements provinciaux, notamment?

[Traduction]

    Eh bien, il y a beaucoup de divergences par rapport à la législation sur l'équité salariale et la transparence salariale. On trouve à certains endroits des commissions sur la transparence et des conseils sur l'équité salariale.
    Idéalement, le pays entier serait visé. Ces éléments pourraient faire l'objet de négociations. Il faudrait que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires les négocient ensemble. Ils pourraient envisager de se détourner de certaines classifications d'emplois.

[Français]

    D'accord.
    Je vous remercie de ces précisions.
    Je veux comprendre l'autre angle d'intervention qu'on peut également présenter à cet égard. Comme je l'ai mentionné, il existe déjà des politiques d'équité salariale, notamment dans des universités ou dans des institutions gouvernementales. De votre point de vue, ces politiques ne sont pas parfaites, présentement, et c'est ce qui amène ces iniquités, ces écarts de salaires entre les genres.
    J'essaie de voir ce qu'un gouvernement provincial ou le gouvernement du Québec ne pourrait pas faire et que le gouvernement fédéral, lui, serait en mesure de faire.

[Traduction]

    À qui s'adresse la question?

[Français]

    Ma question s'adresse aux professeures Penner et Smith‑Carrier.

[Traduction]

    Je crois que les provinces ont un rôle à jouer, et potentiellement le gouvernement fédéral. Les universités reçoivent du financement fédéral grâce à un certain nombre de programmes. Dans les demandes de financement fédéral, le gouvernement pourrait demander aux universités des renseignements sur les écarts de salaire entre les sexes et entre les groupes issus de la diversité. C'est le rôle qu'a joué le gouvernement fédéral dans une plainte sur les droits de la personne concernant les chaires de recherche au Canada et d'autres iniquités entre les sexes et les groupes issus de la diversité. Je crois que les deux niveaux de gouvernement ont un rôle à jouer.
    Dans certaines provinces, en l'absence de lois sur l'équité salariale, il faut déposer une plainte sur les droits de la personne pour corriger cette situation.

  (1810)  

[Français]

     D'accord, merci.
    Présentement, le fédéral octroie du financement aux universités, notamment aux chaires de recherche et aux programmes de subvention. Existe-t-il des mécanismes concrets permettant d'éviter les iniquités salariales entre les genres?

[Traduction]

    Tout à fait. À mon avis, le volet de financement pour les chaires de recherche du Canada constitue un modèle à suivre. Un des critères est d'améliorer l'équité. Pour ce faire, chaque demandeur est sondé, ce qui permet de déterminer si les seuils énumérés dans l'affaire sur les droits de la personne sont respectés.
    La même méthode pourrait s'appliquer dans les organismes subventionnaires fédéraux pour que des critères d'équité soient inclus, et on pourrait se servir...
    D'accord, merci.
    Je vous interromps, mais vous pouvez nous envoyer des commentaires par écrit pour fournir plus de détails sur tout sujet, à la fin de la période des questions. Je précise toutefois que nous sommes un peu à la course aujourd'hui.
    Nous passons maintenant à M. Cannings qui dispose de six minutes.
    Merci.
    Je remercie tous les témoins d'être parmi nous.
    Je vais commencer par Mme Al-khooly. Je vous remercie tout particulièrement d'être ici. Je sais que j'ai discuté avec votre groupe, Visions of Science, auparavant. Il s'agit d'un groupe ou d'une organisation qui cherche à encourager les personnes de couleur — surtout les femmes de couleur — à occuper des postes de recherche et d'enseignement en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques, ou STIM.
    J'aimerais laisser de côté les écarts salariaux pour discuter du manque de femmes racisées dans ce domaine. Dans le cadre d'une de nos dernières études, Mme Andrade, de l'Université de Toronto, nous a affirmé:
Notre système actuel est un énorme filtre qui écarte les gens en fonction de leurs finances, et non pas en fonction de leur excellence ou de la probabilité qu'ils soient le prochain lauréat [...] du prix Nobel. On écarte ceux qui n'arrivent pas à vivre avec la charge mentale de la pauvreté...
    Elle a ensuite décrit avec éloquence les difficultés auxquelles les gens sont confrontés.
    Je me demande si vous pourriez nous expliquer en quelques minutes ce que Visions of Science fait pour inciter les gens aux prises avec ces défis à travailler en recherche.
    Merci énormément.
    Dès l'école secondaire — parce que, quand ils atteignent l'âge de travailler, les jeunes risquent de s'écarter des STIM —, nous essayons notamment de créer des stages avec nos partenaires à partir de la 10e année afin que les jeunes puissent participer à notre programme estival de STIM plutôt que de travailler à l'épicerie, par exemple.
    Je crois que l'apprentissage en milieu de travail est crucial parce que ces jeunes doivent se faire rémunérer pour poursuivre dans la voie des STIM. Dès qu'ils sont en âge de travailler, nous devons trouver des moyens pour qu'ils apprennent les STIM tout en étant payés. Sinon, ils se tourneront vers des postes de débutants et, même s'ils s'intéressent aux STIM, d'autres influences les auront écartés de cette trajectoire lorsqu'ils commenceront leurs études postsecondaires.
    Merci.
    J'aimerais m'adresser rapidement à Mme Smith‑Carrier pour aborder certains des préjugés.
    Je crois que c'est là notre plus grand défi. J'ai été estomaqué de vous entendre dire, entre autres, qu'une femme doit faire deux ou deux fois et demie plus de recherches et de publications pour obtenir le même salaire qu'un homme. C'est ahurissant. Bien entendu, on ne peut pas faire d'évaluations à l'aveugle, c'est‑à‑dire en biffant le nom des candidats au début de leurs curriculum vitæ parce qu'il se trouve dans le document une liste de publications avec leurs noms.
    Quelle est la solution? Faudrait‑il structurer différemment les groupes d'évaluations ou les comités qui prennent les décisions?
    Oui, c'est une des mesures qui pourraient être prises. Un représentant de l'association des professeurs d'université pourrait participer aux négociations afin de garantir la présence d'une personne indépendante pouvant également contribuer à la discussion. Je crois que ce serait une démarche possible.
    Pour ce qui est des noms et des autres détails sur les CV, comme vous l'avez dit, la situation n'est pas simple, mais on pourrait effacer les noms des CV pour n'indiquer que le nombre de publications ou l'expérience de la personne. Le CV serait ainsi en quelque sorte anonymisé. Je crois que ce serait une possibilité.

  (1815)  

    Dans des recherches ultérieures, Mme Smith‑Carrier et moi… Nous nous sommes également posé la question: nous avons quantifié un problème, mais comment le résoudre? Il existe bien peu de données fiables sur les politiques et les programmes fondés sur des données probantes pour régler les enjeux d'équité, de diversité et d'inclusion. En ce moment, nous faisons un examen systématique des données existantes, et c'est avec plaisir que nous vous ferons part de nos constats. Vous soulevez effectivement une question très importante.
     Oui, absolument.
    À vrai dire, le périodique Harvard Review a conclu que certaines formations sur la diversité qui sont offertes actuellement ne sont pas efficaces. Par conséquent, il sera crucial à l'avenir que les politiques et les modalités de nos programmes tiennent compte des données et que nous nous dotions d'une démarche éprouvée.
    Merci.
    Je vais en rester là. Je poursuivrai la discussion pendant mon prochain tour.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La prochaine série de questions sera un peu écourtée. Par conséquent, les intervenants auront quatre minutes, quatre minutes, deux minutes et deux minutes. Nous terminerons ainsi peut-être à l'heure.
    Nous donnons la parole à Corey Tochor pendant quatre minutes.
    Veuillez débuter.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de comparaître devant nous.
    J'ai été étonné d'apprendre que la recherche co‑écrite, je crois, par Mmes Penner et Smith‑Carrier, a cerné une différence totalisant près d'un demi-million de dollars. L'étude mentionne toutefois que Statistique Canada ne demande toujours pas tous les types de renseignements dont vous avez besoin.
    Quelles sont les données dont vous avez besoin et que Statistique Canada ne demande pas?
    Eh bien, si on ne veut pas se limiter aux sexes, il faut aussi des renseignements sur la diversité pour les groupes privés d'équité. Aucun établissement n'offre l'équité salariale aux groupes privés d'équité, hormis les groupes qu'on distingue par le sexe. Ce serait donc un point de départ de faire la collecte obligatoire de ces données.
    Par le passé, au Canada, avons-nous déjà consigné ces renseignements?
    Je crois que Statistique Canada collige certaines de ces informations dans les données du recensement, mais il faut payer pour y avoir accès. Ces renseignements ne sont pas rendus publics. Nous recommandons, entre autres, de recueillir ces données et de les rendre publiques. Ainsi, nous y aurons accès, ainsi que les établissements et les particuliers, et ce, sans devoir payer d'importantes sommes.
    Merci beaucoup.
    Je sais que nous sommes pressés par le temps, alors passons au prochain membre.
    Merci, monsieur Tochor.
    Il faut parfois miser sur la qualité plutôt que sur la quantité de questions, alors je vous remercie.
    Passons maintenant à M. Talbot pendant quatre minutes.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous. Merci pour vos exposés. L'étude est des plus importantes.
    Je remercie ma collègue, Mme Bradford, d'avoir proposé la motion pour entreprendre cet important travail. Il est évidemment stupéfiant de voir que, en 2023, les écarts de salaire sont toujours aussi marqués entre les sexes et les races.
    En réponse à une autre question, vous avez commencé à décrire ce que font les établissements postsecondaires pour corriger la situation. J'aimerais que Mme Smith-Carrier ou Mme Penner nous donne plus de détails, parce que je crois comprendre que… Vous avez mentionné plus tôt que les établissements postsecondaires étudient la question et examinent leurs politiques. Il me semble que vous avez mentionné les processus d'embauche, mais il y a probablement de nombreux autres aspects où on peut changer la donne dans les établissements postsecondaires. J'aimerais donc simplement savoir si vous pouvez donner plus de détails à ce sujet.

  (1820)  

    Oui. Par rapport aux examens sur l'équité salariale qu'ont menés des établissements, plusieurs d'entre eux ont fait les ajustements salariaux qu'a mentionnés Mme Penner tout à l'heure. Dans certains cas, une augmentation d'un montant fixe a été versée à toutes les professeures alors que, dans d'autres cas, une augmentation en pourcentage a été versée. Là où le bât blesse, bien entendu, c'est que certaines universités n'ont pas intégré l'augmentation dans la structure salariale. C'est un paiement unique qui n'est pas intégré au salaire de base. Il faudra continuer à offrir des hausses au fil du temps parce que l'augmentation n'est pas intégrée dans la structure salariale.
     Jusqu'à ce jour, aucune des interventions — ou très peu d'entre elles — n’a eu un effet tel qu'elle a pu combler l'écart. Ces mesures ne représentent qu'une portion des augmentations nécessaires. Il faudra donc continuer à faire des ajustements à l'avenir et, bien entendu, plus le temps passe, plus l'écart se creuse, et plus les coûts augmentent pour tenter de régler la situation. Si les universités essayaient vraiment de corriger le tir de façon permanente pour éliminer l'écart… Bien entendu, je n'entends pas par là que le dossier serait réglé. Tant et aussi longtemps que le sexisme sera omniprésent dans la société, nous devrons lutter contre le fléau. Nous affirmons cependant qu'il faut prendre de véritables mesures pour combler l'écart.
    Pourrais‑je vous demander de clarifier votre réponse? Je crois qu'il est question ici d'un préjugé systémique. Manifestement, les établissements sont entachés de racisme systémique, comme on le voit dans de nombreuses universités. Le problème en fait partie intégrante.
    Comment changer les comportements dont de nombreuses décisions dépendent? Des décisions sur la mobilité ascendante et sur les promotions sont prises. Je pense bien évidemment aussi aux décisions sur l'embauche. J'ai évolué dans des établissements postsecondaires — dans plus d'un — et je sais que de nombreux étudiants deviennent chercheurs. On obtient différents diplômes, puis on se fait un jour embaucher comme professeur. Puis, bien entendu, on fait son chemin parmi les possibilités de promotion à chacun des échelons franchis.
    Vous dites — ou vous nous avez dit aujourd'hui — que des réalités nuisent aux femmes, aux femmes racisées en particulier, et que des préjugés existent bel et bien. Comment changer le comportement au sein de ces organisations?
    Je suis désolé, mais nous allons devoir en rester là parce que la question a accaparé tout le temps. Cependant, si vous désirez envoyer une réponse à la greffière, nous vous en saurions gré.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Blanchette‑Joncas pendant deux minutes.

[Français]

     Monsieur Blanchette‑Joncas, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais aller droit au but. Je veux être en mode solution. J'aimerais que les témoins puissent nous faire part d'autres pistes de solution.
    Quels leviers le gouvernement fédéral pourrait-il utiliser pour contrer l'iniquité salariale qu'il y a actuellement dans les institutions universitaires?

[Traduction]

    Je crois que la première étape consiste à fournir de l'information sur le problème. Plus nous comprendrons le problème, et plus nous pourrons le régler. En ayant ces renseignements dans les données du recensement… Les données du Système d'information sur le personnel d'enseignement dans les universités et les collèges pourraient aussi fournir cette information. Comme première étape, il serait bénéfique de demander aux établissements de fournir ces renseignements et de les rendre publics. On ne sait pas encore quels programmes et politiques réussiront à enrayer le problème, et c'est donc là la question à laquelle la recherche actuelle tente de répondre.

[Français]

    Merci beaucoup.
    D'autres témoins voudraient-ils nous parler de leurs pistes de solution et des leviers réels d'intervention du gouvernement fédéral quant à cette question?

[Traduction]

    J'aimerais renchérir sur mes propos sur l'apprentissage en milieu de travail. On dirait que cet élément a été abordé dans d'autres études. Il faut le répéter: les effets de la pauvreté sur la participation à la vie universitaire sont énormes. Ce parcours est impossible pour quelqu'un souffrant d'insécurité économique. Il faut bonifier les allocations aux étudiants de cycle supérieur en plus de financer l'apprentissage en milieu de travail pour les étudiants des communautés défavorisées, en particulier pour les communautés racisées et les femmes qui y vivent.

  (1825)  

    Voilà d'excellentes réponses. Je vous félicite de les avoir formulées aussi rapidement.
     Les deux dernières minutes reviennent à M. Cannings.
    Merci.
    Je demanderai rapidement à Mmes Smith‑Carrier et Penner si un élément dans leurs recherches donne une lueur d'espoir. Je crois que nous sommes tous surpris de l'ampleur du problème, mais une tendance se dessine‑t‑elle au fur et à mesure que davantage de femmes gravissent les échelons? Vous avez mentionné les écarts salariaux avec les doyens, mais certaines de mes amies sont doyennes ou rectrices. La composition des comités d'embauche, dont plus de membres seront peut-être des femmes, entraînera‑t‑elle une tendance pour réduire l'écart salarial?
    Je dirais que la représentation des femmes, des professeurs autochtones et des professeurs racisés nous donne de l'espoir — c'est surtout vrai aux échelons inférieurs, mais également aux échelons plus élevés. L'étude de Momani et al. a démontré que les écarts se creusent plutôt que de s'amenuiser; c'est donc une source de préoccupation. Pour ce qui est de la représentation — qui ne peut suffire, mais qui fait partie de la solution —, nous constatons une certaine amélioration.
    Merci. Je vais m'arrêter ici.
    Je suis déçu de vous entendre dire ces faits, mais espérons que les choses s'amélioreront.
    Merci. La vérité fait parfois mal, mais je remercie Mme Penner, Mme Smith‑Carrier et Dina Al-khooly de leur présence parmi nous et de leurs excellents témoignages.
    Merci aux membres du Comité pour leurs questions. C'est une excellente étude pour nous retrousser les manches.
    Nous devons régler certaines questions de régie interne avant de nous quitter. Si le Comité souhaite voyager à l'hiver 2024, la date limite est le 10 novembre. Si tel est votre souhait, réfléchissez‑y, et nous pourrons en discuter davantage pour rédiger un budget de voyage détaillé. Nous pourrions en reparler la semaine prochaine.
    Par ailleurs, la greffière va fixer une date butoir dans les prochaines semaines pour la liste de témoins pour l'étude sur le savoir autochtone. Ces travaux vont débuter. Réfléchissez aux témoins que vous pouvez convoquer à ce sujet.
    Le lundi 25 septembre 2023, nous allons reprendre les études sur les deux sujets abordés aujourd'hui. Toujours ce même lundi, un événement de Soutenez notre science aura lieu à la salle 306 de l'édifice de la Bravoure de 17 h 30 à 19 heures. L'activité commence à 17 heures, mais notre réunion de comité se terminera à 17 h 30, alors tenez‑en compte dans votre horaire.
    Je remercie encore une fois tous les participants pour la réunion d'aujourd'hui.
    Plaît‑il au Comité de lever la séance? D'accord. Merci.
    Soyez prudents, et nous nous reverrons la semaine prochaine.
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