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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 avril 2023

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bienvenue à cette 38e réunion du Comité permanent des sciences et de la recherche de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Les membres du Comité assistent à la réunion en personne ou à distance à l'aide de l'application Zoom.
    L'horaire d'aujourd'hui est assez chargé. Dans un premier temps, nous entendrons les témoins que nous avons invités dans le cadre de notre étude sur le soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle, puis, durant la dernière heure, nous discuterons à huis clos des travaux du Comité.
    J'aimerais formuler quelques consignes à l'intention des témoins et des membres.
    En ce qui concerne l'interprétation pour ceux qui sont sur Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais et le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal de leur choix. Toutes vos interventions doivent être adressées à la présidence. Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Nous commencerons par les déclarations liminaires des témoins, d'une durée maximale de cinq minutes chacune. Viendront ensuite les séries de questions. Sans tarder, je cède la parole à M. Hinton, pour cinq minutes.
    Veuillez faire de votre mieux pour ne pas dépasser les cinq minutes imparties. Je vous ferai signe lorsqu'il ne vous restera environ qu'une minute.
    Monsieur Hinton, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci au Comité de m'avoir invité à prendre la parole.
    Je suis Jim Hinton, avocat en propriété intellectuelle et agent de brevets et de marques auprès d'Own Innovation. Je suis chercheur principal au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, cofondateur du Collectif d’actifs en innovation et professeur adjoint à l'Université Western.
    Je commencerai par expliquer pourquoi le Canada a raté le train avec sa politique en matière d'innovation, puis je formulerai des propositions concrètes sur la façon dont le Canada pourrait repositionner correctement cette politique.
    La mauvaise orientation de notre politique en matière d'innovation a créé un risque important pour la prospérité économique du Canada. Si nous ne changeons pas de cap, le Canada risque de devenir un pays à revenu moyen.
    La propriété intellectuelle et les données ne sont pas tout, mais elles sont presque tout. Aujourd'hui, plus de 90 % de la valeur des entreprises est constituée d'actifs incorporels. La propriété intellectuelle enregistrée, comme les brevets et les marques, n'est que la partie émergée de l'iceberg. Alors que les États-Unis, la Chine, l'Europe et d'autres pays avisés optent depuis des décennies pour l'acquisition d'actifs incorporels, le Canada néglige d'accorder à la possession et à la commercialisation de la propriété intellectuelle l'importance prioritaire requise.
    On ne peut pas commercialiser ce que l'on ne possède pas et, en tant que pays, le Canada possède peu de propriété intellectuelle. Par exemple, dans le domaine des technologies propres, nous possédons moins de 1 % de la propriété intellectuelle mondiale. Personne n'attend de nous que nous soyons la Chine ou les États-Unis, mais nous sommes à peine dans la course, et les choses empirent. Nous devons obtenir notre propre part du gâteau.
    Comme l'ont dit d'autres témoins, la propriété intellectuelle donne la liberté d'agir, ce qui empêche ou décourage les autres de s'emparer de votre marché. Or, et c'est important, la propriété intellectuelle des autres limite votre liberté d'action, même si vous ne volez rien intentionnellement. En effet, les autres tirent parti de leur position en matière de propriété intellectuelle pour limiter votre capacité à vous développer et à vous adapter. À bien des égards, la propriété intellectuelle est à somme nulle. Vous détenez la propriété intellectuelle et vous êtes payé. Si vous ne l'avez pas, c'est vous qui finissez par payer.
    Actuellement, nous permettons que notre propriété intellectuelle financée par des fonds publics soit cédée. Nous faisons le dur travail de financer la recherche et de mettre au point de grandes idées, mais nous cédons ensuite les droits de cette propriété intellectuelle à des entreprises étrangères. Or, ces entreprises gagnent de l'argent grâce à notre propriété intellectuelle; elles nous revendent les produits élaborés à partir de ces idées et, ce qui est plus grave encore, elles utilisent la propriété intellectuelle financée par le Canada contre nous.
    Plus de la moitié de la propriété intellectuelle attribuée à l'industrie par les universités canadiennes est cédée à des entreprises étrangères. Les universités canadiennes limitent en fait la liberté d'action des entreprises canadiennes. Elles ne vont pas aimer que je dise cela, mais en ce qui concerne les résultats de la recherche, les universités canadiennes font partie du problème. Un exemple particulièrement flagrant est celui de la soi-disant stratégie canadienne en matière d'intelligence artificielle. Cette dernière a bénéficié de centaines de millions de dollars de financement public, mais en fin de compte, c'est seulement 7 % de la propriété intellectuelle ainsi générée qui s'est retrouvé entre les mains de l'industrie canadienne, alors que 75 % de la propriété intellectuelle générée a été accaparé par des entreprises étrangères. Un tel résultat ne peut pas être celui que nous souhaitions.
    Quoi qu'il en soit, assez parlé des problèmes. Ils sont bien documentés. Passons maintenant aux solutions.
    Tout d'abord, nous devons comprendre ce que signifie le succès dans l'économie de l'innovation. Le succès, c'est la commercialisation à l'échelle mondiale et à grande échelle de la propriété intellectuelle appartenant à des Canadiens. Nous avons besoin d'une approche pangouvernementale pour intégrer la propriété intellectuelle et les données canadiennes dans les chaînes de valeur mondiales. Nous devons réduire notre déficit en matière de propriété intellectuelle et passer du statut de loueur de propriété intellectuelle à celui de propriétaire de propriété intellectuelle.
    Pour ce faire, nous devons nous donner les mécanismes et les infrastructures requis pour soutenir la prospérité économique et l'augmentation de la productivité.
    Tout d'abord, il faut mettre en place une formation complète et coordonnée en matière de propriété intellectuelle, afin que les entreprises aient une bonne compréhension des règles du jeu dans ce domaine. Nous avons des programmes comme le Collectif d'actifs en innovation, les activités de sensibilisation de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, les cliniques de droit de la propriété intellectuelle, l'aide à la propriété intellectuelle du Programme d'aide à la recherche industrielle, ainsi que de nouveaux programmes comme le Programme de rehaussement de la propriété intellectuelle, Propriété intellectuelle Ontario et d'autres initiatives provinciales. Ces programmes ont besoin d'un bon coup d'éperon.
    Deuxièmement, il faut générer de la propriété intellectuelle pour s'assurer que les entreprises mettent la main sur ce qu'elles créent. Il s'agit de fournir des ressources pour aider les entreprises canadiennes à mettre en place des stratégies de propriété intellectuelle et de veiller à ce que tous les programmes d'innovation rendent admissibles tous les coûts liés à cette propriété intellectuelle.
    Troisièmement, il faut miser sur la conservation de la propriété intellectuelle, car la richesse revient au détenteur de cette dernière. Nous devons veiller à ce que ce soient les entreprises canadiennes qui commercialisent la propriété intellectuelle et en tirent profit. Il faut obliger les universités et les instituts de recherche à donner la priorité aux entreprises canadiennes et à faire en sorte que la propriété intellectuelle financée par des fonds publics soit générée dans l'intérêt de l'économie canadienne. Lorsque nous examinons la recherche scientifique et le développement expérimental, nous devons veiller à ce que la propriété intellectuelle financée soit détenue par des entreprises canadiennes.
    Quatrièmement, l'action collective. Même si nous nous focalisons sur l'éducation en matière de propriété intellectuelle, sur la création de propriété intellectuelle et sur la conservation de cette dernière, cela ne suffira pas. Le monde de la propriété intellectuelle a déjà ses propriétaires. Nous devons rattraper notre retard. Nous devons faire un effort collectif pour accroître la liberté d'exploitation avec les sociétés de gestion collective des brevets, les sociétés de gestion collective des données et dans tous les secteurs d'importance stratégique. Chaque secteur est désormais un secteur de propriété intellectuelle.
    Fondamentalement, nous devons adopter une approche pangouvernementale pour accroître la liberté d'action des entreprises canadiennes. Si nous réussissons, nous assurerons la prospérité économique de plusieurs générations. Si nous échouons, nous serons incapables de financer les programmes sociaux dont les Canadiens dépendent.
    Je serai heureux d'en discuter avec vous.

  (1110)  

    Merci beaucoup de ce témoignage.
    Nous aurons une deuxième déclaration liminaire de cinq minutes, puis nous passerons aux séries de questions.
    Madame Gagné, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, je suis Marie Gagné, présidente-directrice générale de Synchronex, le réseau des centres collégiaux de transfert de technologies et de pratiques sociales novatrices.
    Un CCTT est un centre d'innovation et de recherche appliquée. Au Québec, nous en avons 59, soit 49 en technologie et 10 en innovation sociale. Chaque centre se spécialise dans un domaine d'activité qui va de l'aérospatiale à l'intégration des personnes en situation de handicap, en passant par l'agriculture et l'intelligence artificielle. Chaque centre a son domaine de compétence. Au total, ils regroupent 2 400 experts répartis sur le territoire du Québec. Ils sont l'équivalent des centres d'accès à la technologie ou des polytechniques ailleurs au Canada. Annuellement, nos experts travaillent avec 6 000 entreprises dans la réalisation de 11 000 projets d'innovation. Nous parlons ici aujourd'hui de soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle.
    Commercialiser une invention, c'est en faire une innovation et l'intégrer sur un marché. Commercialiser une invention, c'est l'utiliser. L'étude du Comité pourrait s'intituler « Soutien à l'utilisation de la propriété intellectuelle ». Puisque plus de 50 % du PIB du Canada est lié à l'activité des petites et moyennes entreprises, nous devons développer un modèle qui répond aux besoins de ces PME. Ces dernières ont besoin d'un modèle qui est à la fois simple, permettant de surmonter leur résistance à innover, et rapide, démontrant rapidement les avantages de l'innovation. Les PME ont besoin aussi d'un système qui est peu onéreux, afin de protéger les marges bénéficiaires, qui ont été mises à mal pendant la pandémie et le sont actuellement par la poussée inflationniste.
    Il est certain que la gestion classique des brevets n'est ni simple, ni rapide, ni peu onéreuse. Nous soutenons qu'il faut travailler la propriété intellectuelle et la céder. Dans 99 % des cas, lorsque nous effectuons des travaux avec des entreprises, nous leur cédons les droits d'utilisation pour leur domaine d'activité. Je vous donne un exemple. Si nous développons un nouvel alliage pour une entreprise en dentisterie, nous lui cédons les droits d'utilisation de cet alliage à des fins de dentisterie. Nous pouvons ensuite continuer à travailler sur cet alliage et à l'adapter, par exemple pour une entreprise dans le domaine des batteries ou de l'aérospatiale. Nous appliquons une gestion souple, simple, efficace de la propriété intellectuelle.
    Nous ne sommes certainement pas dans la rupture. Nous sommes dans l'innovation progressive. Quand nous arrivons à une rupture, nous travaillons en collaboration avec des universités, et il s'agit alors d'une forme de propriété intellectuelle qui est plus formelle, fondée sur un brevet et sur laquelle travaille le bureau de valorisation de l'université en cause. Au Québec, cela se fait en collaboration avec Axelys, une agence qui s'occupe de la propriété intellectuelle.
    Ma recommandation au Comité est donc assez simple et porte sur le financement. Si nous voulons que nos entreprises puissent utiliser cette propriété intellectuelle, donc la commercialiser, il faut soutenir encore plus le financement de la recherche appliquée, et donc les centres d'accès à la technologie et les polytechniques. Ce sont des experts de l'innovation de proximité, qui permettent cette utilisation de la propriété intellectuelle.
    Dans le dernier budget, nous avons reçu plus de 100 millions de dollars supplémentaires pour le Programme d'innovation dans les collèges et la communauté, qui est administré par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Ces fonds seront disponibles pendant trois ans. Or, une période de trois ans ne permet pas de développer de stratégies à long terme, ni d'attirer les meilleurs talents, de les embaucher et de les retenir. Nous avons donc besoin d'un financement récurrent et pérennisé, et les 170 millions de dollars demandés constituaient un minimum.

  (1115)  

    Il faut soutenir nos PME dans l'innovation pour que la propriété intellectuelle soit utilisée. Il faut aussi soutenir plus adéquatement le maillage, le rapprochement entre la recherche appliquée qui se fait dans les collèges et le milieu universitaire. Nous devons raccourcir le temps entre l'idée, l'invention et l'innovation, ce moment où une nouvelle technologie est lancée sur les marchés et utilisée. Pour cela, il faut soutenir plus adéquatement les relations entre les universités et les organismes de recherche appliquée dans la réalisation de projets, en amont de l'implication des entreprises, afin de réduire le risque pour celles-ci. Il faut que ce qu'on offre à ces dernières soit facile à intégrer et favorise la création de richesse pour le Canada.
    Je suis prête à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de questions, à raison de six minutes par député.
    Nous commençons par le député Mazier, pour six minutes.
    Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Hinton, d'être ici aujourd'hui.
    Le Globe and Mail a rapporté que le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, a demandé aux universités canadiennes de se méfier des liens qu'il pourrait y avoir entre le milieu de la recherche et Huawei. Êtes-vous au courant de ce conseil du SCRS?
    Oui, le SCRS surveille activement les établissements de recherche canadiens et les transferts de propriété intellectuelle qui pourraient s'y produire. Il examine aussi les liens que ces établissements peuvent avoir avec des acteurs gouvernementaux étrangers. Du reste, nous avons vu l'interdiction d'organisations qui œuvrent dans la 5G, comme Huawei, notamment.
    Merci.
    Malgré cet avertissement, l'Université de la Colombie-Britannique a admis devant ce comité qu'elle travaillait toujours avec les technologies Huawei. Nous savons également que de nombreuses universités canadiennes ont transféré de la propriété intellectuelle à Huawei. Avez-vous une idée du nombre d'universités qui, malgré les mises en garde du SCRS, ont des partenariats de recherche en cours avec cette entreprise?
    Il y a au moins 20 universités canadiennes qui ont travaillé avec Huawei.
    Plus récemment, j'ai consulté des données de fraîche date sur les brevets, et j'ai pu constater que l'Université de Toronto, l'Université McGill, l'Université d'Ottawa, l'Université Laval, l'Université de Waterloo, l'Université de la Colombie-Britannique, l'Université Carleton, l'École polytechnique, la Western University, l'Université de Regina et l'Université McMaster continuent toutes de travailler avec Huawei. Personne ne leur a dit d'arrêter. Elles reçoivent de l'argent et elles ne sont pas embêtées, alors elles continueront de le faire.
    Les universités canadiennes reçoivent des fonds publics pour la recherche. Cela signifie que la propriété intellectuelle transférée à Huawei par les universités canadiennes pourrait être financée par ces fonds de recherche. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Les universités canadiennes reçoivent de l'argent. Je pense qu'elles ont reçu 3,34 milliards de dollars de financement fédéral, et Huawei serait l'un des bénéficiaires de ce financement.
    Huawei a été en mesure de générer des centaines de brevets dans les universités canadiennes au fil des ans.
    Merci.
    Le gouvernement actuel a‑t‑il fait quelque chose pour garantir que les fonds de recherche du gouvernement ne sont pas utilisés pour développer la propriété intellectuelle de Huawei ou des autres entités contre lesquelles le SCRS nous a mis en garde?
    Non, c'est le contraire. Par l'intermédiaire du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, il existe des programmes d'incitatifs pour encourager les universités canadiennes à s'associer à des organisations comme Huawei. Rien n'empêche un chercheur ou une université de continuer à travailler avec ces entreprises. Comme nous l'avons vu, les universités continueront à le faire à moins que quelqu'un n'intervienne pour dire qu'il faut réévaluer la situation. Il y a bien eu le gouvernement de l'Alberta qui a dit que c'en était assez et que les universités devaient cesser d'agir de la sorte.
    Il ne fait aucun doute que les universités ne se gouvernent pas assez bien. Il faut que quelqu'un intervienne et dise qu'il est temps de gérer cela de manière plus appropriée.
    Merci.
    Le gouvernement de l'Alberta l'a fait. À votre connaissance, est‑ce que d'autres gouvernements l'ont fait?
    Au début de l'année, nous avons appris que des chercheurs canadiens travaillaient avec des scientifiques de l'armée chinoise, et cette collaboration a très vite été annulée. Cependant, des entreprises comme Huawei continuent de se montrer ouvertes à des partenariats, et beaucoup d'universités ont des accords à long terme avec ces entreprises et reçoivent des millions de dollars en cours de route pour renvoyer la propriété intellectuelle et toute la valeur commerciale à Huawei.

  (1120)  

    Monsieur Hinton, CNN Business a rapporté que Huawei a fait marche arrière sur une demande de brevet qu'elle a déposée pour un système de reconnaissance faciale destiné à repérer les Ouïghours parmi d'autres groupes ethniques. Comme vous le savez, le Parlement a déclaré que le traitement des Ouïghours par Pékin constituait un génocide.
    Comment savoir si les technologies développées avec Huawei dans les universités canadiennes ne sont pas utilisées par le Parti communiste chinois à des fins telles que la surveillance des populations minoritaires?
    Nous ne le savons pas.
    Ce qui sort des universités en matière de propriété intellectuelle se retrouve entre les mains d'organisations comme Huawei. Il s'agit d'intelligence artificielle, de photonique et de traitement avancé. Il faut que quelqu'un comprenne cela et que nous allions au fond des choses.
    Il y a un problème de transparence. Nous ne savons pas ce qui est fait avec la recherche canadienne financée par des fonds publics ni entre les mains de qui elle aboutit. Il y a des exemples flagrants dont nous devons nous assurer qu'ils ne se produisent pas. Des politiques sont en place, mais c'est le renard qui est chargé du poulailler. Le chercheur qui veut obtenir l'argent est celui qui coche les cases pour dire qu'il n'y a pas de problème. Ce ne sont pas non plus des experts en matière de sécurité. Ils ne sont donc pas au fait des questions géopolitiques qu'ils doivent prendre en considération. Ils n'ont pas cette expertise. Nous avons besoin de quelqu'un pour veiller à ce que ces enjeux soient gérés correctement.
    Je pense qu'il me reste environ une minute.
    Voulez-vous ajouter quelque chose à votre déclaration liminaire ou aux questions que j'ai posées?
    Oui. Je pense que Huawei est un exemple. C'est un exemple flagrant puisque nous travaillons avec eux de façon frontale alors que nous nous inquiétons de les voir passer par nos réseaux de données sécurisés.
    Toutefois, ce phénomène est généralisé. En fait, nous donnons systématiquement notre propriété intellectuelle à des entreprises internationales. Nous sommes tout simplement heureux de participer, et ce 75 % de la propriété intellectuelle en matière d'intelligence artificielle est tout simplement abyssal. Personne ne devrait penser que nous devons financer et donner notre propriété intellectuelle de cette manière. Ils profitent de nous. Ils utilisent ces données. Il n'y a aucun contrôle sur ces données. Ce n'est pas comme cela que fonctionne l'innovation.
    Merci.
    C'est tout, monsieur le président.
    Il vous restait 21 secondes. Je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole.
    Nous passons maintenant à Mme Diab, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
    Madame Gagné, j'ai quelques questions pour vous et je commence en vous félicitant pour votre expérience dans ce domaine.
    Comme femme, je m'intéresse beaucoup aux difficultés que les femmes rencontrent dans le domaine de la commercialisation de la propriété intellectuelle. Est-ce que vous pouvez nous parler de ce sujet, ce matin?
    Est-ce qu'il y a des écueils particuliers dans la commercialisation de la propriété intellectuelle pour les femmes? Je dirais que c'est le combat des femmes de façon générale que de prendre la place qui leur revient dans la société.
    Est-ce que les questions liées à la propriété intellectuelle sont plus importantes? En innovation sociale — la porte que j'ai envie d'ouvrir —, quand on parle de commercialisation de nouvelles façons de faire et de nouvelles approches, tout ce qui touche l'équité, la diversité, l'inclusion et la décolonisation s'inscrit dans ces nouvelles pratiques. On l'oublie très souvent quand on parle de commercialisation de la propriété intellectuelle. C'est pourquoi j'aime mieux parler d'utilisation de la propriété intellectuelle.
    De plus, la propriété intellectuelle qui est créée en innovation sociale est génératrice de richesses multiples, parce qu'on peut la transférer dans plusieurs organisations. Souvent, on veut que le savoir se démultiplie et soit partagé très largement. Alors, si on veut aider les femmes et les minorités à prendre leur place, il ne faut pas oublier les mécanismes à mettre en place pour soutenir l'utilisation de la propriété intellectuelle en innovation sociale. Une des façons de le faire serait de créer, aux Instituts de recherche en santé du Canada, mais aussi au Conseil national de recherches en sciences humaines, un programme de financement consacré à la recherche appliquée collégiale et adapté à la réalité de celle-ci, en se basant sur le même modèle que le Programme d'innovation dans les collèges et la communauté du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Ce serait le début de l'appropriation de nouvelles pratiques sociétales innovantes, plus largement.

  (1125)  

    Vous avez touché à un sujet très important. Selon vous, au Québec et ailleurs au Canada, quelles sont les mesures de soutien qui sont présentement en place? De plus, pouvez-vous donner au Comité des suggestions d'améliorations que le gouvernement pourrait apporter en matière de recherche?
    On parle souvent de la valeur économique de la propriété intellectuelle, alors qu'on devrait parler de sa valeur socioéconomique. Au Québec et au Canada, il y a des chercheurs en sciences sociales de haut niveau, tant dans les collèges et les polytechniques que dans le milieu universitaire. Il faut soutenir la création de ponts entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. De plus, il faut mettre en place des fonds additionnels pour soutenir le transfert du savoir vers les milieux preneurs, c'est-à-dire vers les organismes à but non lucratif et les organisations qui ont peu de moyens financiers, mais qui ont la capacité d'entrer en contact avec de grands pans de la population, s'agissant souvent de gens plus vulnérables qu'on a laissés un peu de côté, mais aussi de milieux professionnels où beaucoup d'améliorations sociales et sociétales peuvent et doivent être faites. Je pense au milieu de la santé, notamment, dans lequel on ne gère pas la santé, mais la maladie. Alors, si on veut gérer la santé, il faut parler d'innovation sociale en amont de la technologie.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Hinton, en ce qui a trait à la propriété intellectuelle, vous avez dit qu'il fallait former, générer et conserver. Je voudrais vous poser une question précise sur la formation.
    Vous avez parlé de nombreux programmes. Parmi ceux que vous avez cernés et utilisés ou que certains de vos clients ont utilisés, y en a‑t‑il qui s'adressent en particulier aux femmes ou aux personnes issues de communautés autochtones ou de communautés marginalisées? Selon vos connaissances en la matière, quels sont ceux que vous pourriez recommander?
    Le Collectif d'actifs en innovation, un organisme que j'ai cofondé, est un programme pilote que le gouvernement fédéral finance à hauteur de 30 millions de dollars. Il propose un excellent rapport sur les femmes et les groupes sous-représentés. Nous y avons travaillé pendant un bon moment. Ma collègue, Myra Tawfik, de l'Université de Windsor, et l'équipe ont préparé un rapport formidable à ce sujet ainsi qu'une série de mesures à prendre.
    Au Collectif d'actifs en innovation, il y a un programme de financement particulier à l'intention des femmes et d'autres groupes sous-représentés, mais il est limité, très limité, et limité dans le temps puisqu'il s'arrêtera à la fin du mois de mars, à moins que le financement ne soit renouvelé. Cela nécessite un financement complet. Idem pour la mise en œuvre des recommandations. Mme Tawfik et l'équipe du Collectif d'actifs en innovation ont formulé un certain nombre de recommandations visant à accroître les ressources pour les femmes et les autres groupes sous-représentés.
    Je vous remercie. C'est tout le temps que j'avais.
    Merci beaucoup.
    Merci de cette série de questions.
    Je donne maintenant la parole au député du Bloc, M. Blanchette-Joncas.

[Français]

    Je remercie les témoins de participer à cette importante étude aujourd'hui.
    Madame Gagné, du réseau des CCTT, Synchronex, c'est toujours un plaisir de vous retrouver. Dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé des investissements que le gouvernement a annoncés dans le budget pour le Programme d'innovation dans les collèges et la communauté et qui s'étaleront sur trois ans.
    J'ai moi aussi fait l'analyse de ce budget, et j'ai remarqué le montant suivant: 0 $. Il n'y a rien du tout, malgré le consensus qui se dégage dans la communauté scientifique et parmi tous les acteurs, y compris ceux autour de cette table et tous les témoins que nous avons entendus, depuis l'année et demie que ce nouveau comité existe. Le gouvernement a fait la sourde oreille et a même ignoré les recommandations du rapport qu'il avait pourtant commandé sur l'écosystème scientifique. Je fais évidemment ici allusion au rapport Bouchard, qui a été publié le 20 mars.
    J'aimerais entendre plus précisément votre point de vue sur cette absence d'investissement dans la recherche, qui constituerait pourtant la première étape de la chaîne d'innovation. Pendant ce temps, nos compétiteurs et voisins américains ont, dans le cadre de la CHIPS and Science Act, doublé le financement de base de la National Science Foundation, leur plus gros programme, pour les prochaines années.
    Le Canada continue donc de reculer au classement mondial des pays en matière d'investissements en recherche. Partagez-vous ce constat et, concrètement, quels sont les risques pour vos activités, à terme?

  (1130)  

    Je vous remercie.
    Le développement du savoir est la base de la création de richesse. Comme nous le savons, nos entreprises et nos organisations doivent innover pour se positionner sur les scènes locale, nationale et internationale. Autant dans la gouvernance municipale qu'au sein des entreprises, l'innovation est aujourd'hui un incontournable. Si on veut innover, il faut aller chercher du savoir et obtenir de nouveaux résultats de recherche, qui pourront ensuite être appliqués. Je ne peux donc qu'être d'accord avec vous.
    Il faut vraiment soutenir davantage la recherche, et ce, dans son sens large, pas juste la recherche fondamentale. Quand on regarde les niveaux de maturité technologique, les NMT, on se rend compte qu'il faut aussi être en mesure d'apporter du soutien à chacun des maillons de la chaîne, parce que la chaîne n'est aussi forte que son maillon le plus faible. Ainsi, si on veut accéder à des innovations et à du savoir, puis faire que ce savoir se rende jusqu'à nos entreprises, et donc qu'il passe du NMT 1 pour se rendre jusqu'au NMT 8 ou 9, il faut très bien financer tant la recherche fondamentale que la recherche appliquée.
    Cela permettra au savoir développé dans les universités de se rendre jusqu'aux milieux preneurs, aux organisations et aux entreprises, parce que c'est là que la richesse se crée. Elle se crée quand l'invention devient innovation et que le savoir devient utilisé. Par conséquent, il faut mieux financer l'ensemble de la recherche à tous les NMT.
    Merci, madame Gagné.
    J'en profite pour poursuivre sur la question du budget. Comme vous le savez, l'argent est le nerf de la guerre. Le président du Comité consultatif national sur la recherche à Collèges et instituts Canada, M. Jeffrey Taylor, a comparu dernièrement devant le Comité et nous a dit que les collèges canadiens n'avaient reçu en 2020 que 2,39 % du financement que les trois conseils subventionnaires consacrent habituellement à la recherche.
    Pourriez-vous nous donner votre avis sur cela et renchérir sur la question du financement à court terme sur trois ans que vous avez soulevée tout à l'heure? Quelles en sont les conséquences concrètes sur votre organisation et les membres que vous représentez?
    Il est sûr que nous saluons le financement additionnel qui a été accordé au Programme d'innovation dans les collèges et la communauté, qui est administré par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Comme je le disais, il s'agit toutefois d'un financement ponctuel, ce qui soulève un problème, puisque ce type de financement ne permet pas de développer de stratégie à long terme, ni d'acheter ou de mettre en place du nouvel équipement. Il ne permet pas non plus d'attirer et de retenir les plus grands talents. En effet, il est bien évident que, quand on offre des contrats à durée déterminée, on n'est pas compétitif sur le marché.
    Le fait de très bien soutenir la recherche fondamentale, mais de ne pas soutenir suffisamment la recherche appliquée, a une incidence importante pour le Canada, parce que c'est à l'étape de la recherche appliquée qu'on crée de la richesse et de la valeur. Il faut donc vraiment rééquilibrer les investissements en recherche et les augmenter, et ce, tout au long de la chaîne. Il faut réussir à financer adéquatement la recherche à chacun des maillons de la chaîne, chacun des NMT, pour ne pas perdre d'invention en cours de route, qui risquerait alors de ne jamais être intégrée par une entreprise ou une innovation.

  (1135)  

    Merci, madame Gagné.
    Le financement pérennisé, c'est le nerf de la guerre.
    Exactement. Je suis tout à fait d'accord.
    Dans le contexte inflationniste...
    Excusez-moi, je vais vous laisser parler.
    Il n'y a pas de problème.
    Revenons à la propriété intellectuelle. De votre point de vue, comment peut-on soutenir le développement d'un continuum de recherche? Je précise davantage la question: comment peut-on créer des relations plus étroites entre les acteurs de la recherche fondamentale, les universités, et les acteurs de la recherche appliquée, notamment les centres collégiaux de transfert de technologie, afin que les inventions deviennent des innovations?

[Traduction]

    Je suis désolé, le temps imparti pour cette série de questions est terminé. Je demanderais à la témoin de bien vouloir soumettre une réponse écrite à cette dernière question.
    Nous passons maintenant à notre député invité de la journée.
    Député Angus, soyez le bienvenu au sein de notre comité. Vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. C'est un honneur de participer à la réunion aujourd'hui.
    Monsieur Hinton, je voudrais commencer par vous. Vous avez piqué ma curiosité en mentionnant comment la propriété intellectuelle est utilisée contre nos entreprises, contre notre potentiel d'innovation. Nous savons bien que les Google, Amazon, Meta et Apple créent une sorte de nuage qui tue l'innovation. Ces entreprises ont des bases de données sans égal. Elles ont des capacités d'anticipation. Elles disposent d'armes légales imposantes et contrôlent le marché.
    Comment les Canadiens peuvent-ils espérer tirer leur épingle du jeu quand on voit ce nuage au‑dessus des entreprises en démarrage qui tue l'innovation?
    Ces grandes entreprises ont accumulé des dizaines de milliers de brevets. Leurs bases de données sont inégalées dans le monde, et les utilisateurs que nous sommes continuent de les alimenter. Ils répètent sans cesse avoir généré plus de données au cours de l'année écoulée qu'au cours de toutes les années précédentes, alors leurs bases de données continuent de croître. Ce que nous devons faire, c'est réduire cette asymétrie.
    La liberté d'action est grandement restreinte quand on entre sur les marchés où se trouvent ces gros joueurs, alors ce qu'il faut faire, c'est réduire l'asymétrie liée à la propriété intellectuelle et aux données. Il faut se doter d'une position que l'on peut utiliser contre eux. L'idée n'est pas tant d'obtenir des brevets pour protéger nos inventions que d'obtenir des brevets pour pouvoir neutraliser la menace que ces gros joueurs représentent. Ils doivent être neutralisés. Si nous le faisons une entreprise à la fois, iIs vont continuer à nous racheter, à nous détruire ou à limiter notre capacité de croître.
    On a parlé notamment d'une politique antitrust, mais cela vise habituellement la concurrence par les prix, alors qu'il s'agit d'une chose tout à fait différente ici. Ces entreprises cherchent à limiter le potentiel et les possibilités futurs en procédant à des rachats ou en empêchant l'innovation. Comme leur part de marché et la puissance de leurs données sont imposantes, vous avez parlé des collectifs de propriété intellectuelle. Est‑ce l'outil que devrait utiliser le Canada?
    J'aimerais beaucoup que l'on adopte une politique antitrust, mais je ne pense pas que cela plairait à nos voisins américains. Il faudrait que cette politique soit adoptée aux États-Unis — ou en Europe —, mais je ne sais pas si nous pourrions le faire. Les collectifs seraient-ils une façon pour nous de tenter d'équilibrer un peu les règles du jeu?
    Un politique antitrust, une politique de concurrence, est assurément un levier stratégique pour intégrer les entreprises canadiennes dans les chaînes de valeur mondiales. Les Américains utilisent leur politique antitrust de cette façon. Ils font croître leurs entreprises en utilisant, ou en n'utilisant pas, leur politique de concurrence pour s'assurer qu'elles s'intégreront dans les chaînes de valeur mondiales. Nous pouvons assurément utiliser ce levier pour accroître la liberté d'action des entreprises canadiennes, à condition de le faire de manière stratégique.
    Comme vous l'avez mentionné, les collectifs de propriété intellectuelle — je suis le cofondateur du Collectif d'actifs en innovation dont Mike McLean vous a déjà parlé — doivent être financés et leur portée élargie. À l'heure actuelle, cela ne s'applique qu'aux entreprises des technologies propres axées sur les données. Il faut que cela s'applique à beaucoup d'autres domaines.
    En ce qui concerne les données, nous avons vu ce qui s'est passé avec Sidewalk Labs. Si vous lisez le livre qui a été publié à ce sujet, on mentionne brièvement mon nom parce que j'ai aidé l'équipe de Waterfront Toronto à réorienter la politique. L'idée est de réduire l'asymétrie des données et de permettre à des entreprises canadiennes d'accéder aux données recueillies au Canada et de s'en servir comme d'un bien commercial.
    Les problèmes liés à la protection de la vie privée doivent être cernés et gérés. Toutefois, au bout du compte, si les données sont un bien et que ces grandes entreprises peuvent les utiliser pour nous doubler à la vitesse grand V sur le plan commercial parce qu'elles ont accès à ces informations, alors nous devons être en mesure d'atteindre ce niveau. Comme nous sommes une petite économie ouverte, nous ne pouvons vraiment y arriver qu'en procédant de manière collective, c'est‑à‑dire en mettant en commun les données auxquelles les entreprises canadiennes peuvent avoir accès et commercialiser.
    Je trouve très intéressant que vous ayez soulevé la question de Sidewalk Labs, parce que j'ai assurément poussé pour l'enquête au niveau fédéral. Serait‑ce que nous sommes naïfs dans nos relations avec ces entreprises? Nous cédions un immense terrain de grande qualité à l'une des plus grandes entreprises du monde pour qu'elle y fasse ce qu'elle veut. On nous disait que ce serait très bon pour Toronto de céder ce grand terrain, tout son potentiel, et, oh, l'entreprise obtiendrait toutes nos données, mais elle les placerait dans une sorte de fiducie, sans doute dans une bibliothèque quelque part.
    Tout cela, du début à la fin, a soulevé de sérieuses questions au sujet de l'intérêt public, de l'espace public et du droit du public à savoir, mais toutes ces questions ont semblé passer à la trappe parce qu'il s'agissait de Google et que ces gens étaient censés être d'arrangement. Y a‑t‑il une certaine naïveté dans l'approche du Canada à cet égard?

  (1140)  

    Oui, certainement. Nous avons été totalement ignorés et dupés dans cet accord. Heureusement que nous nous en sommes sortis, car nous aurions perdu des possibilités économiques pendant des générations. Il s'agissait d'un accaparement de terres, mais aussi d'un accaparement de données, ce qui est encore pire. Il y avait des contrats prédateurs et toutes sortes de clauses. J'ai déjà dit que les conditions de brevets étaient ridiculement stupides. Ils essayaient de faire accepter aux Canadiens des choses qui étaient tout simplement insensées. Ils ont dit qu'ils n'allaient pas nous poursuivre au Canada, mais que si nous entrions sur le marché américain, ils utiliseraient leurs brevets pour nous poursuivre. Il ne s'agissait pas d'un partenariat. Ils venaient... Et nous avons vu cela aux trois échelons de gouvernement: municipal, provincial et fédéral.
    Tout le monde a vu la marque Google... Peut-être qu'à l'époque, la marque Google était plus forte qu'elle ne l'est aujourd'hui en raison de ce qui se passe pour d'autres aspects des données, mais il s'agissait d'un échec du leadership politique à tous les échelons.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie des questions.
    Nous passons à la série de cinq minutes et à M. Soroka du côté conservateur.
    Vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais commencer par M. Hinton. Diriez-vous qu'au fond, nous ne faisons pas grand-chose pour essayer de breveter quoi que ce soit au Canada?
    Il semble que nous créons des emplois dans nos universités pour faire de la recherche. C'est à peu près tout, et nous laissons ensuite l'argent filer. Est‑ce une bonne évaluation de la situation?
    Oui, et c'est à deux points de vue.
    Si vous regardez nos établissements de recherche, nous faisons de la philanthropie. Nous donnons leur travail. Nous avons d'excellentes universités. Nous faisons deux choses bien, la formation et la recherche fondamentale, mais nous donnons tout cela ensuite.
    Pour ce qui est de la recherche appliquée et de la commercialisation, rien ne se passe. En 2018, les universités ont consacré 4,5 milliards de dollars à la recherche et au développement. Devinez combien la commercialisation leur a rapporté? Un montant de 54,4 millions de dollars. N'importe qui peut transformer 4,5 milliards de dollars en 54 millions de dollars. C'est simple. Vous pouvez faire plus d'argent: simplement n'en dépensez pas plus qu'avant.
    Cela ne se produit pas. Les universités ne font pas de commercialisation. Elles font de la recherche fondamentale ou de la philanthropie. Nous devons mieux nous réorienter vers le soutien aux entreprises canadiennes et faire en sorte que les entreprises ayant leur siège au Canada commercialisent leurs produits et se développent à l'échelle mondiale.
    Si vous regardez certaines des initiatives de financement, vous voyez qu'encore hier on a accordé des fonds publics à Ericsson, à Nokia. Il s'agit d'entreprises mondiales. Nous leur donnons de l'argent pour qu'elles génèrent de la propriété intellectuelle, et nous allons ensuite la leur racheter. C'est peut-être un peu mieux que Huawei, mais ce n'est toujours pas bon.
    Ce n'est pas ce que les économies innovantes doivent faire. C'est nous qui devons créer des filiales canadiennes en Finlande ou en Suède, ou partout ailleurs où il y a de grands talents, récolter des données et la propriété intellectuelle et les commercialiser ensuite à l'échelle mondiale. Nous faisons le contraire.
    D'accord. Et comme nous travaillons avec ces grandes entreprises technologiques depuis si longtemps et qu'elles ont tant de brevets, reste‑t‑il vraiment des brevets qui ne vont pas enfreindre les leurs dans une certaine mesure? Sommes-nous maintenant obligés de travailler avec elles parce que nous n'avons pas nos propres brevets?
    Je travaille avec des entreprises canadiennes. Dans le domaine des logiciels en particulier, vous enfreindrez le brevet de quelqu'un d'autre parce qu'il y a tellement de brevets en circulation. Jusqu'à l'année dernière, IBM déposait 9 000 demandes de brevet, soit plus que dans tout le Canada. Il y a donc une trajectoire ascendante.
    Aujourd'hui, les Chinois déposent eux aussi des millions de demandes de brevet par année. Il n'y a pas de limite à la production de propriété intellectuelle. Il suffit de continuer à déposer de plus en plus de demandes de brevet.
    Les entreprises canadiennes ne le font pas autant, ne le font pas au même rythme. L'écart se creuse et s'aggrave. Si l'on tient compte des actifs incorporels comme les données, cet écart commence à monter en flèche en raison de la valeur des données et de la façon opaque de les commercialiser et de les utiliser.
    Le gouvernement actuel s'en rend compte, évidemment, et c'est pourquoi il commence à apporter beaucoup de changements.
    L'une de nos collègues a soulevé la question des fonds disponibles pour les femmes, les Autochtones et les personnes sous-représentées. Va‑t‑il y avoir des brevets de déposer et une stabilité à long terme, ou s'agit‑il simplement d'une création d'emplois rapide pour donner l'impression que le gouvernement fait quelque chose?
    Il y a des initiatives, oui, mais elles sont nettement sous-financées. On ne peut pas d'un côté donner 40 millions de dollars à Nokia et de l'autre 10 000 $ à une entreprise canadienne dans le cadre du Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherche du Canada, le PARI. Vous augmentez alors l'asymétrie au lieu d'essayer de rattraper le retard. Vous mettez du vent dans les voiles des entreprises étrangères et vous mettez des bâtons dans les roues des entreprises canadiennes.

  (1145)  

    Oui. Le gouvernement impose beaucoup de restrictions ou cause beaucoup de problèmes... ou n'en fait pas assez.
    Que devrait‑il améliorer d'autre à votre avis?
    Lorsqu'une entreprise canadienne souhaite bénéficier du Fonds stratégique pour l'innovation, elle doit respecter des conditions liées à la conservation de la propriété intellectuelle. Si elle part, elle doit rembourser les fonds versés ou laisser la propriété intellectuelle derrière elle. Ce n'est pas le cas avec Nokia. La Finlande obtient la propriété intellectuelle immédiatement. Les brevets portent l'adresse de Nokia en Finlande.
    Nous accordons aux entreprises canadiennes des conditions moins favorables qu'à ces grands joueurs établis. Ce sont nos entreprises que nous voulons intégrer dans la chaîne de valeur pour obtenir une partie de cette valeur, mais nous faisons le contraire.
    Diriez-vous que ces entreprises étrangères savent à quel point il est facile de faire de la recherche à nos dépens? Sachant qu'elles vont en tirer un grand profit, viennent-elles ici à dessein pour travailler avec nous?
    Oui. Il y a une raison pour laquelle l'Ohio ne veut pas de l'usine de fabrication de batteries de Volkswagen dans le Sud-Ouest de l'Ontario. Ce n'est pas rentable. Il n'y a pas de retombées. S'il y avait 100 emplois dans une usine il y a 10 ans, il n'y en a plus que 10 aujourd'hui, et 8 sont occupés par des gens qui viennent de Volkswagen en Allemagne. Il reste deux personnes pour passer le balai dans l'usine.
    J'ai déjà travaillé dans le Sud-Ouest de l'Ontario pour un fabricant de camions lourds. Ce sont des stationnements maintenant. Les Mexicains ont pris les emplois. Les Canadiens ne veulent pas de ces emplois. Personne ne veut de ces emplois, mais nous finançons des entreprises pour qu'elles donnent l'impression de créer des emplois.
    Nous avons donné 30 millions de dollars à l'usine Michelin. Michelin possède 10 000 brevets. C'est une question de propriété intellectuelle. Ce n'est pas une question d'emplois.
    Il s'agit plus d'avoir l'air de faire quelque chose que de faire réellement quelque chose.
    Pouvez-vous nous donner d'autres exemples où le gouvernement devrait changer de direction, et nous dire comment il pourrait procéder pour s'assurer que les brevets restent chez nous?
    C'est simple. Il s'agit de donner la priorité aux entreprises canadiennes et de faire tout ce qui est possible dans la politique fiscale, la politique d'innovation et la politique de concurrence pour accroître la liberté des entreprises canadiennes de se déployer à l'échelle mondiale. Il s'agit de mettre le vent dans les voiles des entreprises canadiennes et d'utiliser les marchés nationaux. Les achats stratégiques sont un autre exemple. Il existe de nombreux leviers.
    Les Américains le font. Les Chinois et les Coréens le font. Les Scandinaves le font, ainsi que d'autres pays européens. Nous ne le faisons pas, et on profite de nous.
    Cela semble très...
    D'accord. Mon temps est écoulé.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous passons à M. Lauzon pendant cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Madame Gagné, on nous a fait part aujourd'hui de certaines inquiétudes concernant la sécurité nationale et le transfert de brevets à des pays étrangers. Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a présenté un certain nombre de mesures en lien avec les questions de sécurité nationale, ce dont on a beaucoup parlé pendant la dernière année. Cela comprend une collaboration directe avec les établissements universitaires pour les conscientiser quant au risque lié au transfert de la propriété intellectuelle. Cela comprend aussi la création de nouvelles lignes directrices en matière de sécurité nationale, de recherche et de financement, qui permettent de soutenir les établissements postsecondaires, afin qu'ils puissent mieux déceler, évaluer et atténuer les risques.
    De plus, la Loi sur Investissement Canada exige que les investisseurs étrangers soient soumis à un examen, y compris dans tous les secteurs névralgiques qui font l'objet d'un examen approfondi, dont les universités. Je ne sais pas si vous le saviez, mais le gouvernement a présenté le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada. Pouvez-vous commenter l'importance de ce genre d'examen pour protéger la propriété intellectuelle canadienne?
    Ayant siégé à plusieurs comités et travaillé en collaboration avec les universités, j'aurais envie de nuancer un peu les propos de M. Hinton.
    Les universités sont de plus en plus sensibles et sensibilisées à l'importance de mettre en place des mécanismes pour analyser les risques soulevés par des partenariats avec des entreprises étrangères, notamment les risques en matière de sécurité nationale. À mon avis, les choses avancent à bonne vitesse. Au Québec, on est même en train de mettre en place des pratiques en vue de limiter les risques lorsqu'on fait des investissements en recherche et en innovation dans le cadre des réseaux stratégiques de recherche industrielle. Bien sûr, les choses ne changent pas du jour au lendemain.
    Cela dit, dans les deux dernières années, le changement a été radical. Comment évalue-t-on le risque lié aux partenaires industriels? Les mécanismes sont de plus en plus serrés. Ce qui est complexe, et qu'a soulevé M. Hinton, c'est que, souvent, on a le nom de la première entreprise, mais il est très difficile de savoir qui est derrière. Si des gens se penchaient sur la question et si on avait un bureau centralisé qui nous permet de déterminer si le partenaire potentiel présente un risque, ce serait une valeur ajoutée.

  (1150)  

    Tout près de ma circonscription, il y a des centres de recherche relevant du domaine de l'éducation, soit des établissements universitaires et collégiaux, comme le Cégep de Saint‑Jérôme. Ces derniers ont innové, et travaillent notamment beaucoup au développement de matières dérivées du plastique, en pleine collaboration avec les universités et les entreprises privées. Ces dernières ont un rôle hyper important, parce que ce sont elles qui créent cette demande.
    Hier, j'étais chez Lion Électrique, une entreprise qui a ouvert la première usine québécoise de fabrication de batteries. À 1 000 pieds de la bâtisse, il y a un centre de recherche en plein développement, qui collabore avec les universités.
    Monsieur Hinton, selon vous, est-ce un bon modèle que de financer ces industries qui travaillent en collaboration avec les universités et avec le secteur privé pour s'assurer que le Canada développe de la propriété intellectuelle avant-gardiste?

[Traduction]

    Oui, comme vous l'avez mentionné, l'harmonisation stratégique est essentielle: il faut s'assurer d'avoir des universités canadiennes qui génèrent de la propriété intellectuelle et que des entreprises canadiennes soient là pour la recevoir. Ensuite, du point de vue de la chaîne de valeur — des minéraux critiques, aux batteries, aux véhicules électriques et même aux véhicules à conduite autonome —, il faut s'assurer d'avoir des entreprises canadiennes tout au long de la chaîne de valeur qui détiennent de la propriété intellectuelle et qui sont intégrées au bout de la chaîne de valeur mondiale pour sa commercialisation. Nous devons nous assurer que l'entreprise canadienne qui reçoit cette propriété intellectuelle a le vent en poupe et qu'elle sera en mesure de commercialiser et d'élargir ses débouchés.
    Je vous remercie.
    Nous reste‑t‑il du temps?
    Il vous reste quatre secondes.
    Très bien, juste le temps pour une dernière question.
    Une voix: Oh, oh!
    M. Stéphane Lauzon: Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup.
    Sur ce, nous passons à une série de deux minutes et demie. Monsieur Blanchette-Joncas, allez‑y.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Gagné, j'ai une question rapide et j'aimerais que la réponse le soit tout autant: comment peut-on soutenir davantage le développement d'entreprises technologiques émergentes?
    Je vais prêcher pour ma paroisse.
    Les centres de recherche appliquée peuvent aider les entreprises émergentes à en arriver rapidement à un produit minimum viable. Il faut aider ces jeunes entreprises à développer en accéléré un premier produit qui pourra être commercialisé.
    Il est donc extrêmement important de rapprocher les acteurs de la recherche appliquée et ces entreprises en démarrage, sachant qu'il faut rapidement mettre un premier produit sur le marché pour ensuite l'optimiser rapidement pour en avoir un deuxième, de meilleure qualité. Ce rapprochement est extrêmement important, parce que les équipes de recherche dans ces jeunes entreprises sont très restreintes et que ces dernières ont peu de moyens pour acheter de l'équipement. Il serait donc extrêmement important qu'elles aient accès aux infrastructures de recherche de pointe des acteurs de la recherche appliquée.
    Merci, madame Gagné.
    Monsieur Hinton, je salue votre présence. Ce que vous avez dit est très important, à savoir qu'à peine 7 % de la propriété intellectuelle produite dans le cadre de la Stratégie pancanadienne en matière d'intelligence artificielle est détenue par des intérêts canadiens. Je vous avoue que c'est assez inquiétant.
    D'autres experts qui sont venus témoigner avant vous nous ont dit que le Canada se trouvait à une croisée des chemins: veut-il être un consommateur net d'innovation produite et inventée à l'étranger, ou veut-il être un exportateur net de solutions développées ici?
    J'aimerais que vous nous disiez concrètement quels sont les risques et les conséquences de notre inaction, s'il n'y a pas de stratégie et si on ne redresse pas la barre pour corriger la situation. Que risque-t-il d'arriver pour les entreprises canadiennes, voire pour la prospérité économique du Canada?

  (1155)  

[Traduction]

    Oui. Si vous regardez la composition de l'économie canadienne, si nous n'avons pas nos champions mondiaux, notre prospérité va continuer à s'éroder. Nous continuerons à payer de plus en plus cher pour la propriété intellectuelle dans le monde. De plus, si les entreprises délocalisent leur propriété intellectuelle, c'est notre assiette fiscale qui rétrécira de plus en plus, de sorte que nous ne pourrons pas financer les programmes sociaux que nous voulons et dont nous avons besoin. L'érosion va se poursuivre.
    Nous devons faire en sorte que les entreprises canadiennes commercialisent leurs produits à l'échelle mondiale et ramènent de la richesse dans le pays, au lieu de faire le contraire. C'est une question existentielle. C'est un transfert de la richesse entre les générations que nous sommes en train de perdre, et rattraper le retard prend des décennies. Il faut 20 ans pour que le brevet suive son cours. Nous devons mettre en place les éléments nécessaires, comme l'ont fait les Chinois il y a 15 ans pour générer et ensuite développer leurs stratégies de propriété intellectuelle.

[Français]

[Traduction]

    Nous procéderons maintenant à notre dernier tour de questions de la part des députés.
    Monsieur Angus, vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Nous avons vu la loi sur la réduction de l'inflation de Joe Biden. Quand je parle aux gens de l'industrie, ils sont enthousiasmés par cette approche pangouvernementale s'appuyant sur une stratégie économique globale qui ne se limite pas à accorder des crédits d'impôt. Les États-Unis sont en guerre mondiale avec la Chine sur le plan de la PI afin de déterminer qui sera l'innovateur et qui dominera le marché. Ils ont donc intégré toutes ces facettes pour s'assurer que les technologies vertes leur permettent d'atteindre leurs objectifs économiques, sociaux et climatiques.
    Le budget récent du gouvernement Trudeau comprend des investissements verts à hauteur de 85 milliards de dollars, ce qui est excellent. Nous avons réussi à obtenir un certain nombre d'engagements afin d'offrir des emplois et des stages d'apprentissage. Cependant, considérez-vous que le Canada essaie d'effectuer des investissements dans le cadre d'une stratégie globale de PI pour que nous bénéficiions de la PI au lieu d'être de traditionnels défricheurs?
    Non. Le récent budget et ceux qui l'ont précédé... Il faut agir en amont. Ce n'est pas parce qu'on fournit du financement pour que tout le monde achète un véhicule électrique que cela se traduit par une valeur économique. Nous avons constaté qu'avec les éoliennes en Ontario, il y a eu un transfert de richesse considérable vers les propriétaires de la PI, comme Samsung, Siemens ou des compagnies coréennes.
    Cela ne signifie pas nécessairement qu'il y aura des retombées économiques. Du point de vue de la demande, nous finirons par acheter des automobiles et des véhicules électriques américains, et il ne nous restera rien. Nous ferons le travail difficile en assemblant les pièces que les robots n'installent pas, et nous paierons pour tout le reste. On procède à l'envers, car on ne réussit pas à tirer parti de la PI. Il faut intégrer les entreprises canadiennes dans la chaîne de valeur des véhicules électriques. Voilà ce qu'il faut faire.
    C'est ce que font les Américains. Le département américain de l'Énergie le fait systématiquement depuis 15 ans. Chaque fois qu'une entreprise canadienne dépose une demande de brevet pour une batterie, des Chinois appellent pour dire qu'ils veulent investir dans l'entreprise parce qu'ils veulent posséder ce maillon de la chaîne de valeur. Nous manquons le bateau à cet égard.
    Nous pouvons agir ainsi sans trahir nos accords commerciaux internationaux, comme le font les Américains.
    Absolument. Ce sont toutes des approches et des politiques courantes que d'autres pays ont adoptées. Nous avons conçu le Collectif d'actifs en innovation en nous inspirant des approches de la France, de la Corée et du Japon, qui gèrent brillamment la propriété intellectuelle.
    Il n'y a rien en dehors des accords commerciaux qui permettent aux Canadiens de participer à l'économie mondiale.
    Je vous remercie.
    Comme nous sommes légèrement en avance sur l'horaire, nous ajouterons deux interventions de quatre minutes.
    Nous accorderons maintenant la parole à monsieur Lobb pour quatre minutes.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Hinton.
    Je voulais vous interroger sur le critère de l'avantage net de 2023 qui, une fois indexé, s'établit à un peu moins de 2 milliards de dollars. L'ennui, c'est que la plupart des petites entreprises de technologie ne font pas de premier appel public à l'épargne pour un tel montant au Canada. Leur valeur sur le marché est loin d'atteindre 2 milliards de dollars.
    Pensez-vous que le Canada doive réévaluer le critère de l'avantage net? Nous investissons énormément dans les universités, dans la recherche scientifique et le développement expérimental et au titre du Programme d'aide à la recherche industrielle, mais quand la technologie est sur le point de porter fruit, une société d'investissement privée intervient pour s'approprier le tout et consolider le marché qui a été créé.
    Devons-nous revoir le critère de l'avantage net?
    Les pays interviennent de plus en plus en amont pour acquérir des entreprises qui combleront les manques entre les maillons de leur chaîne de valeur. Si nous voulons bien performer dans les domaines des véhicules électriques ou des minéraux critiques ou dans d'autres secteurs, nous devons adopter une approche coordonnée pour retenir les entreprises. Ces entreprises vont et viennent, sont acquises et vendues, mais nous devons en retenir le plus grand nombre possible. Si elles s'enfoncent parce qu'elles sont mauvaises, nous veillons à ce que cela se fasse également.
    Nous devons pouvoir continuer d'alimenter le pipeline et aider les entreprises à prendre de l'expansion, car tout est une question d'envergure. On ne peut pas croître si les fondations sur lesquelles on s'appuie appartiennent déjà à quelqu'un d'autre. Voilà ce qui arrive quand on possède 1 % de la PI d'une technologie verte, par exemple. De façon générale, nous possédons 1 % de la PI mondiale dans tous les secteurs.

  (1200)  

    Je ne veux pas verser dans la théorie du complot, mais quand Magnet Forensics a été vendue à Kitchener-Waterloo, j'ai remarqué que le prix était juste en dessous du seuil qu'il aurait fallu atteindre pour que le critère de l'avantage net s'applique. Je ne dis pas que le ministre de l'Industrie aurait dû se prononcer contre cette vente, mais j'ai trouvé assez intéressant que le prix ait été juste en dessous du montant prévu pour l'application du critère.
    BlackBerry a récemment vendu certains de ses vieux brevets — prétendument non essentiels — à une société d'investissement privée américaine pour la somme de 32 000 $. Or, des dizaines de millions de dollars en fonds publics ont été investis dans la recherche scientifique et le développement expérimental, dans le cadre du Programme d'aide à la recherche industrielle et dans toutes sortes d'initiatives pour certains de ces brevets. Ce n'est pas le cas pour tous les brevets, mais pour certains d'entre eux.
    Pensez-vous que le gouvernement du Canada ou les contribuables aient le moindre droit par rapport à cet argent quand les entreprises sont vendues, ou est‑ce que cela fait simplement partie des affaires du gouvernement?
    Il est beaucoup trop tard pour se pencher sur cette affaire maintenant.
    Quelles sont les conditions de l'accord dans le cadre duquel 40 millions de dollars en fonds publics sont fournis à Nokia? C'est aujourd'hui qu'il faut commencer à s'interroger, pas après coup.
    D'après ce que je comprends, la PI et la valeur du portefeuille de BlackBerry ont été en grande partie extraites. L'entreprise a accordé des licences et se contente maintenant de convertir sa pile de brevets en une pile de billets de banque. La commercialisation...
    J'ai une dernière brève question à poser avant que mon temps soit écoulé.
    Quand l'Office de la propriété intellectuelle du Canada a témoigné devant nous il y a un mois, il a affirmé que tout va bien et qu'il est plus rapide et plus solide que jamais. Je sais que vous ne voulez pas vous mettre l'Office à dos en raison de vos demandes, mais sans vous tirer dans le pied, avez-vous l'impression que c'est le cas? Considérez-vous que l'Office s'améliore ou qu'il a encore du travail à faire?
    L'Office était voué à l'échec dans une certaine mesure. Il lui faut trois ans pour examiner une demande de marque de commerce. Il s'agit d'un document d'une ou deux pages. C'est relativement simple. Les arriérés sont considérables. L'Office a donc besoin de soutien administratif afin de traiter ces documents.
    Du point de vue stratégique, comment pouvons-nous utiliser l'Office de la propriété intellectuelle du Canada pour aider les Canadiens à mieux déposer des demandes au pays, mais surtout là où se trouvent les marchés mondiaux?
    Je vous remercie beaucoup de cette réponse.
    Madame Bradford, vous disposez de quatre minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Gagné, de témoigner de nouveau devant le Comité.
    Monsieur Hinton, bienvenue à Ottawa. Je pense que notre dernière rencontre remonte à décembre, quand nous avons annoncé le programme ÉleverlaPI et l'investissement de 90 millions de dollars que le gouvernement fédéral effectue dans les accélérateurs et d'autres incubateurs comme Communitech, qui a reçu 38 millions de dollars. Ces fonds aideront les entreprises de l'Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan. Bien entendu, vous avez assisté à cette annonce. En cette occasion, vous nous avez affirmé que sans protection, la PI quittera le pays, que la valeur découlant de la commercialisation de la PI nous échappera à jamais et que nous devrons payer pour utiliser la technologie même si c'est nous qui l'avons créée. Ces propos s'apparentent à ceux que vous avez tenus ce matin lors de votre allocution d'ouverture.
    À titre de fondateur d'Own Innovation, vous serez appelé à intervenir directement en conseillant les nouvelles entreprises dans le cadre du programme ÉleverlaPI. Pouvez-vous nous dire comment vous et votre entreprise en bénéficiez et comment le programme ÉleverlaPI contribuera à résoudre certains des problèmes que vous avez mentionnés au cours de votre témoignage ce matin?
    Oui. Le programme ÉleverlaPI est une initiative relativement nouvelle. Je pense qu'un certain nombre d'intervenants ont travaillé avec Communitech et l'ont consultée afin de savoir comment élaborer le meilleur programme possible à l'intention des entreprises canadiennes. Je pense que l'éducation est un élément clé, car il faut veiller à ce que les entreprises connaissent les règles du jeu, notamment au sein de certains secteurs afin de savoir comment y gérer la propriété intellectuelle. Je considère que c'est essentiel de le faire, car les gens doivent savoir comment gérer la PI.
    Pour ce qui est de la prochaine étape, j'espère qu'une bonne partie du financement ira aux entreprises pour leur permettre de créer de la PI, de la conserver et d'obtenir les brevets ou les autres formes de protection de la PI dont elles ont besoin. Je suis optimiste à cet égard.
    D'accord. Il semble que ce programme contribuera à résoudre le fait que 90 % de la valeur réside dans des actifs intangibles comme la PI. Pouvez-vous me dire comment vous utilisez ce fait dans votre entreprise, Own Innovation, pour aider les compagnies à tirer parti de ce programme?

  (1205)  

    Nous faisons de l'éducation, mais nous agissons également du point de vue des ressources pour que les compagnies obtiennent les brevets dont elles ont besoin. Les entreprises qui font leurs premiers pas parlent d'une vallée de la mort quand il s'agit de passer de l'idée à la commercialisation et d'obtenir un brevet. La plupart du temps, elles doivent faire une demande de brevet avant de passer à la commercialisation. Or, c'est souvent à cette étape qu'elles ont le plus besoin de ressources. Par la suite, quand elles prennent de l'expansion, elles doivent avoir la liberté de gérer le risque auxquelles elles s'exposent en utilisant la PI et en naviguant dans le milieu de la PI afin de comprendre qui sont les acteurs sur le marché et à qui elles auront nécessairement affaire. Elles doivent ensuite commencer à établir, à compter d'aujourd'hui, la position qu'elles devront avoir dans 5 à 10 ans.
    À votre avis, le programme ÉleverlaPI contribuera‑t‑il à résoudre certains des problèmes à long terme que vous avez évoqués?
    De plus, j'ai trouvé intéressant et quelque peu alarmant que vous affirmiez, dans votre allocution d'ouverture, que les universités facilitent la vente de la PI créée sur leur campus à des étrangers. Savez-vous pourquoi elles agissent ainsi? Pourquoi feraient-elles cela?
    C'est parce que rien ne les incite à agir autrement. Elles sont heureuses de travailler avec des entreprises étrangères, car cela contribue à leur rayonnement. Les universités canadiennes ont un double mandat, qui concerne à la fois la recherche fondamentale et l'éducation. Dans des pays comme la Finlande, le développement économique constitue une priorité. Si c'était une priorité dans le mandat des universités canadiennes, avec des mesures de contrôle appropriées, il y aurait du développement économique.
    À l'heure actuelle, les universités canadiennes vendent trop et ne font pas d'innovation. Ce sont les entreprises canadiennes qui innovent et nous devrions les y aider. Les universités canadiennes devraient soutenir les entreprises canadiennes. Nous ne devrions pas avoir à tenter de trouver des manières d'obtenir un meilleur rendement des universités canadiennes.
    D'accord. Je pense qu'une bonne partie des programmes de MITACS et des collèges font plutôt de la recherche appliquée, dans le cadre de laquelle ils s'allient à des entreprises existantes pour les aider à résoudre des problèmes concrets. Il ne s'agit par de recherches théoriques, mais de résolution de problèmes auxquels ils sont confrontés. Je pense que c'est parfois une approche plus directe que la recherche théorique.
    Les collèges canadiens rongent leur frein...
    En effet...
    ... car ils veulent obtenir plus de ressources sur le plan de la propriété intellectuelle. Ils ont été négligés et ont besoin de plus de ressources et de soutien. Propriété intellectuelle Ontario est un organisme relativement nouveau qui commence à combler certains manques, mais il ne suffit pas à la tâche. Même dans le cadre du programme ÉleverlaPI, vous avez annoncé que quelque 90 millions de dollars seraient investis sur quatre ans à l'échelle du pays. Deux jours plus tard, voilà que Nokia se voit accorder 40 millions de dollars. Il peut être très facile d'oublier de nombreuses petites entreprises alors que de grandes entreprises obtiennent la plus grosse part du gâteau afin de poursuivre leur expansion.
    Tout est une question d'envergure, et nous devons aider les entreprises à prendre de l'expansion. Il est bon d'avoir une stratégie de démarrage, mais nous avons besoin d'une stratégie d'expansion. Des entreprises verront le jour; certaines disparaîtront et d'autres prospéreront. Les idées ne sont pas si bonnes, mais une fois que les entreprises sont sur le marché et savent d'où leur viendra l'argent, nous devons leur fournir plus de ressources, car je dirais que la forme la plus précieuse de PI, c'est de savoir ce pour quoi les gens sont prêts à payer et d'agir en conséquence.
    Oui, et je pense que le programme ÉleverlaPI vise à aider les entreprises à prendre de l'expansion. Comme vous l'indiquez, ce n'est pas de lancer une entreprise qui est difficile; c'est de croître et de passer à l'autre étape avant d'être rentable. C'est ce qui est arrivé...
    Veuillez m'excuser. Vous avez dépassé le temps accordé d'une minute et 30 secondes.
    Je vous remercie.
    Je voudrais remercier les témoins d'avoir comparu en personne et en ligne.
    Nous suspendrons maintenant la séance pendant une minute avant d'amorcer la partie qui se tiendra à huis clos. Nous suspendons la séance avant de reprendre nos travaux, alors ne vous éloignez pas trop.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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