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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités


NUMÉRO 002 
l
1re SESSION 
l
45e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 17 juin 2025

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la deuxième réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 16 juin 2025, le Comité entreprend une étude du projet de loi C‑5, Loi édictant la Loi sur le libre‑échange et la mobilité de la main‑d'œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride. Comme le prévoit le Règlement, les membres du Comité y participent en présentiel et à distance, sur la plateforme Zoom. Je demanderais à tous les participants en présentiel de prendre connaissance des consignes inscrites sur les cartes devant eux. Ces mesures ont pour but d'éviter les incidents acoustiques et les retours de son et de protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris, bien entendu, les interprètes. Vous y verrez également un code QR, qui ouvre une courte vidéo de sensibilisation.
    J'aurais quelques indications pour les témoins et les membres du Comité. Avant d'intervenir, veuillez attendre que je vous donne la parole. Aux participants à distance, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez le désactiver quand vous n'avez pas la parole. Dans le bas de votre écran, vous pouvez sélectionner le canal désiré, soit l'anglais, le français ou l'original. Si vous êtes en présentiel, vous pouvez porter l'oreillette et sélectionner le canal souhaité. Je vous rappelle qu'il faut en tout temps s'adresser à la présidence. Si vous aimeriez prendre la parole, levez la main ou utilisez la fonction « main levée » sur Zoom. Le greffier et moi allons faire de notre mieux pour tenir une liste de ceux qui souhaitent intervenir. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension.
    J'aimerais maintenant présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui: M. Francis Bradley, président‑directeur général d'Électricité Canada; Mme Yiota Kokkinos, conseillère exécutive principale du Forum des politiques publiques; et, à distance, M. David Robitaille, professeur titulaire, section de droit civil, faculté de droit à l'Université d'Ottawa.
    Bienvenue à tous nos témoins.
    Allez‑y, monsieur Albas.
    Merci de me donner la parole.
    Quand le gouvernement dépose un projet de loi et que ce texte est renvoyé à un comité, il est de coutume de pouvoir interroger les ministres. J'aimerais exprimer ma profonde déception à cet égard, qui n'est pas dirigée contre vous, monsieur le président, ni contre le greffier. Je sais que vous avez eu peu de temps pour organiser ces séances. Le gouvernement nous a toutefois dit que ce projet de loi était, cette semaine, sa priorité absolue. Or, sa motion ne prévoit pas la comparution des ministres en comité, et je trouve cela déplorable. Je vais le faire savoir aux ministres quand ils décideront de venir rendre des comptes.
    Merci de m'avoir donné la parole, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Albas.
    Je peux vous dire que, grâce aux efforts faits par notre greffier, les ministres vont comparaître demain, à 15 h 30. Je crois que nous avons obtenu la confirmation du ministre LeBlanc et de la ministre Freeland. Le greffier s'emploie également à obtenir celle de beaucoup d'autres témoins pour la séance de demain. Je peux vous l'assurer.
    Nous allons passer aux déclarations liminaires des témoins.
    Si cela vous va, monsieur Bradley, nous allons vous entendre en premier. Vous avez la parole pour cinq minutes, monsieur.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je m'appelle Francis Bradley et je suis le PDG d'Électricité Canada.
    Électricité Canada est l'association nationale de l'industrie de l'électricité. Nos membres produisent, transportent et distribuent de l'électricité dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada.

[Traduction]

    Merci de m'avoir invité à donner mon avis sur le projet de loi C‑5. Je vais m'exprimer aujourd'hui uniquement sur la Loi visant à bâtir le Canada.
    Nous estimons que ce projet de loi va accélérer l'approbation de grands chantiers au Canada, ce qui va contribuer à construire l'infrastructure dont le Canada a besoin pour renforcer sa souveraineté et sa sécurité économiques.
    L'électricité est au cœur du succès économique du Canada. La disponibilité et l'abordabilité de l'énergie ont été essentielles à nos parents et grands-parents pour bâtir un pays prospère. L'infrastructure électrique que nous construisons aujourd'hui en fera autant pour nos enfants et nos petits-enfants.
    On prévoit que la demande d'électricité propre, fiable et abordable pourrait facilement doubler dans certaines régions, propulsée par la croissance démographique, l'augmentation de la demande industrielle et les nouvelles technologies comme les véhicules électriques et les centres de données. Ce besoin ne fera que croître à mesure que le Canada mettra en œuvre des stratégies industrielles pour devenir plus concurrentiel à l'échelle mondiale.
    Au cours des deux prochaines décennies, nous devrons construire plus d'infrastructures de production, de transport et de distribution que nous n'en avons construit depuis des générations. Malheureusement, le processus d'approbation des grands projets au Canada n'est pas à la hauteur, comme en témoigne le fait que nous nous classons à l'avant-dernier rang des pays de l'OCDE pour ce qui est du temps requis pour la délivrance d'un permis de construction. La simplification des approbations réglementaires est une étape nécessaire pour que la construction se fasse à un bon rythme et à grande échelle. En approuvant plus rapidement les projets énergétiques comme les installations nucléaires, les barrages hydroélectriques et les lignes de transmission, nous pourrions accélérer leur entrée en service, et en réduire les coûts et les risques afférents.
    La Loi visant à bâtir le Canada est une étape clé pour accélérer les projets d'intérêt national. On ne se demande plus si on doit le faire, mais comment le faire. Nous pouvons agir plus rapidement en forgeant de solides partenariats avec les Autochtones et en protégeant l'environnement. La Loi a le potentiel d'offrir une plus grande certitude aux investisseurs. Elle reprend les principales recommandations que nous avons faites au gouvernement et qui figurent dans le rapport annuel sur l'état de l'industrie que nous vous avons remis.
    Électricité Canada préconise depuis longtemps un délai maximal de deux ans pour l'approbation d'un projet et l'adoption par le gouvernement d'une approche « un seul examen par projet ». Nous croyons également qu'un bureau central des grands projets peut favoriser une meilleure coordination entre les ministères et servir de principal point de contact pour l'industrie dans un système fédéral souvent lourd. Après l'approbation d'un projet, le bureau pourrait aussi jouer un rôle dans la coordination du financement et du soutien financier.
    Ce projet de loi aura un impact direct sur les projets désignés d'intérêt national — et je ne sais pas ce qui peut être d'un intérêt national plus grand qu'un réseau électrique solide —, et les leçons apprises pourraient déclencher le changement de culture qui est nécessaire au sein de nos organismes de réglementation et ouvrir la voie à d'autres améliorations. Un objectif explicite du projet de loi devrait être d'appliquer les leçons apprises à tous les projets.
    En fin de compte, il est essentiel que le cadre réglementaire soit amélioré pour tous les projets. Les retards dans l'obtention des permis et des approbations ajoutent des coûts pour l'industrie, quelle que soit la taille du projet. Et ce sont les clients qui au bout du compte paient la note.
    Le gouvernement doit aussi se pencher sur la façon de mieux préserver les infrastructures existantes. Si la demande doit doubler, nous devrons préserver et optimiser ce que nous avons déjà. Il arrive trop souvent que les règles fédérales compliquent l'entretien ou l'expansion des infrastructures électriques, même si elles sont en place depuis des décennies. La Loi sur les pêches en est le meilleur exemple. Les changements apportés en 2019 ont compliqué leur entretien même le plus élémentaire.
    Il faut aussi s'assurer que les règles d'exploitation ne nuisent pas à la fiabilité. Le Règlement sur l'électricité propre ajoutera des coûts importants et risque de diminuer la fiabilité dans plusieurs régions au pays, sans pour autant réduire les émissions de manière significative.
    De plus, la mise en place du système nécessitera des investissements importants que les contribuables ne pourront sans doute pas assumer seuls. Le Parlement doit adopter le crédit d'impôt à l'investissement pour l'électricité propre afin de soutenir les projets. Il doit également en élargir la portée pour inclure tous les investissements dans le transport et la distribution.
    L'électricité est un avantage canadien. Nous avons l'un des réseaux électriques les plus propres du monde, constitué à 84 % de sources non émettrices. Il est fiable et concurrentiel, et un élément-clé du succès économique futur du Canada.
    Je vous remercie.
(1540)
    Merci beaucoup, monsieur Bradley.
    Nous passons maintenant à Mme Kokkinos.
    Madame Kokkinos, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité.
    Je m'appelle Yiota Kokkinos, et je suis conseillère exécutive principale au Forum des politiques publiques et ancienne directrice générale à Ressources naturelles Canada. C'est un honneur d'être parmi vous aujourd'hui.
    Je pense que nous pouvons tous convenir que le Canada est à la croisée des chemins. Nous disposons des ressources et des talents nécessaires, et la demande mondiale est là, mais les grands projets d'énergie, de minéraux critiques et d'infrastructure sont lents à voir le jour. Le rapport Construire grand est un appel à l'action du Forum des politiques publiques, une feuille de route pour débloquer des milliards de dollars d'investissements, attirer des capitaux mondiaux et accélérer la construction des projets d'intérêt national.
    Nous avons publié ce rapport en réponse à une baisse marquée des investissements et au besoin urgent d'une stratégie audacieuse et coordonnée pour faire avancer les projets. Ce que nous appelons le « plan de match » décrit 10 actions essentielles qui, combinées, feront en sorte que les projets clés progresseront rapidement. Le plan de match repose sur la prémisse voulant que si nous construisons grand, le Canada peut réduire sa dépendance à l'égard du marché américain, devenir un fournisseur mondial fiable d'énergie et de minéraux critiques, atteindre ses objectifs climatiques et renforcer les infrastructures qui relient notre pays et contribuent à notre souveraineté.
    Permettez-moi de commencer par expliquer pourquoi il est important de construire grand. Donald Trump a donné au Canada l'électrochoc dont il avait besoin. Le Canada doit élargir son accès aux marchés et renforcer la coopération fédérale-provinciale pour rester concurrentiel. Pourtant, et malgré notre énorme potentiel, les investissements dans les grands projets sont en baisse. Navius Research a modélisé plus de 600 milliards de dollars de projets qui sont actuellement dans les livres et qui pourraient ajouter 1,1 billion de dollars au PIB d'ici 2035, soit une augmentation de 4,5 %. C'est une croissance réelle qui repose sur les ressources canadiennes, les travailleurs canadiens et le leadership canadien.
    J'ajouterais qu'il ne s'agit pas seulement de croissance, car ce que nous voulons aussi, c'est disposer d'une énergie fiable et abordable pour stimuler les activités industrielles, les investissements et la création d'emploi au pays afin de pouvoir exporter dans le monde entier. Nous voulons disposer de chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques solides et atteindre nos objectifs climatiques. Et nous voulons agir de manière audacieuse et stratégique pour être concurrentiels à l'échelle mondiale.
    La bonne nouvelle, c'est que les gouvernements se mobilisent pour accélérer la désignation et l'approbation de projets d'intérêt national. Le Forum des politiques publiques a réuni les gouvernements fédéral et provinciaux, les organismes de réglementation, les groupes autochtones et l'industrie dans le cadre de sa plus vaste consultation jamais menée, et nous avons cerné quatre leviers qui, s'ils sont bien arrimés, stimuleront les investissements et la croissance.
    Le premier est la coordination du financement pour réduire les risques inhérents aux projets et attirer des capitaux privés. Le financement fait l'objet d'une concurrence mondiale actuellement. Certains pays prennent les devants. Nous devons donc simplifier la réglementation pour la rendre claire, agile et écologiquement efficace. Nous devons nous doter d'infrastructures clés — comme des lignes de transport, des routes, des ports — et de la main-d'œuvre nécessaire pour soutenir les grands projets de construction. Enfin, nous avons besoin de la participation économique des Autochtones. C'est un élément essentiel, qui doit être assorti d'une réelle équité et d'un accès au capital dès le premier jour.
    Ce sont des mesures concrètes. Elles sont réalisables et tout à fait conformes à l'orientation du projet de loi C-5. Ce projet de loi est une première étape cruciale, mais sa mise en œuvre passe par l'établissement de partenariats solides entre les gouvernements et avec les peuples autochtones. C'est ce qui a fait le succès des grands projets dans le passé.
    Notre plan de match propose une voie à suivre, mais les détails sont importants. Nous recommandons 10 actions essentielles. Je vais en mentionner trois qui amélioreraient la mise en œuvre du projet de loi.
    Premièrement, nous avons besoin d'une gouvernance forte et responsable, à commencer par le premier ministre. Ces projets sont vastes et complexes et, pour réussir, nécessitent un degré élevé de surveillance. Nous suggérons la création d'un comité de sous-ministres qui se réunirait régulièrement, avec l'appui d'un comité du Cabinet, pour assurer la coordination et l'exécution. Lorsque les gouvernements sont disciplinés, concentrés, engagés et collaborent, nous pouvons réussir. Nous l'avons fait pendant la COVID, et nous pouvons le faire à nouveau.
    Deuxièmement, nous devons démêler la myriade de programmes de financement fédéraux. À l'heure actuelle, les promoteurs de projets et les peuples autochtones font la navette entre la Banque de l'infrastructure du Canada, le Fonds de croissance propre et bien d'autres, au nombre d'une dizaine. Ce processus doit être coordonné. Nous avons besoin d'une porte d'entrée unique pour offrir la bonne combinaison de prêts, de garanties et d'incitatifs aux intéressés.
    Troisièmement, nous avons besoin d'un bureau d'investissement stratégique — et pas seulement d'un bureau de réglementation —, soit d'une équipe pangouvernementale qui s'occupe de tout sous un même toit: financement, approbations réglementaires, infrastructure globale, participation des Autochtones, et qui possède l'expertise financière nécessaire pour évaluer les projets et optimiser les fonds publics.
(1545)
    En conclusion, les résultats seront tributaires de la façon dont ce projet de loi sera mis en œuvre. Il faudra un leadership fort et soutenu de la part de tous les ordres de gouvernement et un changement de culture au sein de la fonction publique pour faire tomber les cloisonnements, prioriser la collaboration, la rapidité et la résolution des problèmes, et miser sur les occasions à saisir plutôt que sur l'évitement des risques.
    La mise en œuvre n'est pas une simple formalité; elle est garante du résultat.
    Je vous invite à lire le rapport Construire grand sur le site Web du Forum des politiques publiques. Nous l'avons joint à notre dossier.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
    Merci beaucoup, madame Kokkinos.
    Nous passons maintenant à M. Robitaille, qui se joint à nous en ligne.
    Vous avez la parole pendant cinq minutes.

[Français]

    Le projet de loi édictant la Loi visant à bâtir le Canada, qui est l'objet de mon allocution aujourd'hui, pourrait avoir un effet important sur les compétences provinciales et le fédéralisme canadien. Le premier ministre a exprimé publiquement le souhait que les compétences et les besoins des provinces soient respectés par ce projet de loi.
    Or, tel qu'il est rédigé actuellement, celui-ci ne permet pas de concrétiser cette intention. La Loi visant à bâtir le Canada ne se limite pas explicitement aux ouvrages, aux projets ou aux infrastructures de compétence fédérale exclusive. La notion d'intérêt national est formulée de manière suffisamment large pour inclure des projets situés entièrement dans une province.
    Par exemple, le préambule prévoit que sont d'intérêt national des projets qui, notamment:
    
renforcent la capacité du Canada de faire du commerce,

renforcent le développement des ressources naturelles du Canada ainsi que la production énergétique du Canada et ses infrastructures;
    Or le développement des ressources naturelles et le renforcement de la capacité énergétique du Canada impliquent en grande partie des projets qui relèvent normalement des provinces en vertu des paragraphes 92A(1) et 92(10) de la Loi constitutionnelle de 1867. L'exploration, l'extraction et la production des ressources naturelles non renouvelables, forestières et hydroélectriques, ainsi que les considérations environnementales qui y sont liées, ont en effet été attribuées aux provinces par le constituant. Le préambule de la Loi paraît donc, à première vue, viser des ouvrages fédéraux, mais aussi provinciaux, contrairement au partage constitutionnel des compétences.
    Au surplus, le projet de loi accorde un pouvoir discrétionnaire très large au gouverneur en conseil pour désigner un projet d'intérêt national. En vertu du paragraphe 5(6), cette désignation peut être faite par décret, sur recommandation du ministre, en tenant compte de certains facteurs qui ne sont ni cumulatifs ni limitatifs. Bien que le projet de loi prévoie une consultation des provinces au paragraphe 5(7), il ne conditionne pas la désignation de projets d'intérêt national à leur consentement. Cela laisse donc la porte ouverte à ce que le gouvernement fédéral impose aux provinces des décisions unilatérales dans leurs propres champs de compétence.
    En ce qui concerne les conditions qui seraient imposées aux projets d'intérêt national, le projet de loi ne prévoit aucune obligation de consultation des provinces. Selon le paragraphe 7(2), le ministre responsable doit consulter les ministres fédéraux compétents ainsi que les Premières Nations concernées. Il appert donc qu'après avoir été consultées préalablement à l'inscription d'un projet à l'annexe énumérant les projets d'intérêt national, les provinces ne sont plus associées à l'élaboration des projets et au respect des conditions qui leur sont imposées. Les projets semblent donc échapper alors au contrôle des provinces et, en particulier, à l'application des normes provinciales comme celles prévues par la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec et son équivalent dans les autres provinces.
     Enfin, le projet de loi utilise fréquemment l'expression « intérêt national ». Cela pourrait signifier que le Parlement considère que la Loi visant à bâtir le Canada serait un exercice valide de la doctrine de l'intérêt national en droit constitutionnel. Or, en droit constitutionnel canadien, la doctrine de l'intérêt national répond à des critères assez bien balisés par la Cour suprême du Canada, et ce, même très récemment. Pourront être d'intérêt national les matières d'importance pour le Canada dans son ensemble qui, selon une preuve claire, transcendent véritablement les intérêts provinciaux. Selon la Cour suprême, ces matières doivent être spécifiques, se distinguer nettement des matières de compétence provinciale et avoir des répercussions qui dépassent les frontières provinciales et la capacité d'agir de manière pérenne des provinces. Ce sont des critères imposés et élaborés par la Cour suprême du Canada dans son plus récent renvoi sur la tarification du carbone.
    Ont notamment été reconnus comme des matières d'intérêt national: l'établissement de normes nationales minimales de tarification rigoureuse des gaz à effet de serre; la pollution de la mer intérieure des provinces; la création de la zone verte de la Commission de la capitale nationale; l'énergie nucléaire et l'aéronautique. Il s'agit de matières particulières et distinctes qui, de par leur nature et leurs effets, sont intrinsèquement de nature extraprovinciale. Les matières très larges et vagues qui constituent des agrégats de compétences provinciales ne sont donc pas d'intérêt national. C'est le cas, par exemple, de l'inflation, de l'environnement et des gaz à effet de serre en général, que la Cour a jugés comme n'étant pas d'intérêt national.
    Comme vous pouvez le constater, l'intérêt national au sens constitutionnel est assez spécifique et balisé et ne correspond pas à ce qui peut être généralement considéré comme étant d'intérêt national sur les plans économique et commercial. Compte tenu de tout cela, il est loin d'être certain que la Loi visant à bâtir le Canada serait jugée valide par les tribunaux sur la base de la doctrine de l'intérêt national. Alors qu'elle comportait plusieurs références aux compétences fédérales, la Loi sur l'évaluation d'impact a néanmoins été jugée partiellement inconstitutionnelle par la Cour suprême en raison de son champ trop large et imprécis et de son empiètement sur les compétences provinciales.
(1550)
     En ne prévoyant pas expressément que ses objectifs sont restreints aux projets relevant des compétences fédérales, le projet de loi C‑5 est ainsi exposé à un risque d'invalidité.
     Merci beaucoup, monsieur Robitaille.

[Traduction]

    Nous allons commencer aujourd'hui la période des questions par Mme Stubbs.
    Madame Stubbs, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence, en personne ou virtuellement, et de leurs témoignages.
    Cela fait 10 ans que nous, les conservateurs, réclamons du gouvernement plus de certitude, de clarté, de prévisibilité et d'équité pour que les promoteurs puissent investir et lancer des projets de construction, et que nous lui demandons d'accélérer les approbations.
    Monsieur Bradley, si je peux me permettre de commencer par vous, quelles sont vos principales préoccupations face au projet de loi C‑5 en ce qui concerne la clarté et la certitude?
    Mes principales préoccupations concernent ce qui n'est pas couvert par le projet de loi C‑5. Le problème que j'entrevois, c'est qu'un petit nombre de projets seront considérés comme étant « d'intérêt national », mais qu'un grand nombre d'autres qui seront nécessaires pour répondre à nos besoins futurs dans le secteur de l'électricité — et probablement dans d'autres secteurs d'infrastructures essentielles — se trouveront à l'extérieur de ce petit sous-ensemble.
    Le projet de loi C‑5 ne règle pas certains problèmes fondamentaux du secteur concernant, par exemple, le Règlement sur l'électricité propre, la Loi sur l'évaluation d'impact, la Loi sur les pêches, etc.
    Ce qui nous préoccupe vraiment, c'est ce qui n'est pas couvert par le projet de loi et les projets qui ne seront pas considérés comme d'intérêt national.
    Oui, et pour revenir sur ce que vous avez dit, je me demande si vous pourriez nous parler de certaines des préoccupations de vos membres qui sont en première ligne et qui doivent fournir une énergie abordable et fiable aux Canadiens partout au pays. Pourriez-vous nous parler des différences entre les provinces et de la nature punitive d'une réglementation de l'électricité uniformisée?
    De plus, avez-vous des commentaires à faire à propos des échéanciers pour les décisions à ce jour concernant les projets en attente d'approbation?
    Oui. En ce qui concerne le Règlement sur l'électricité propre, nous avons été très clairs au cours de la dernière année, tant avec les fonctionnaires du ministère qu'avec les élus, au sujet de nos préoccupations. Nous avons dit très clairement qu'elles concernent les répercussions sur la fiabilité et le coût dans certaines provinces au pays, surtout en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario, mais pas exclusivement dans ces provinces. Nos préoccupations ne sont pas de nature politique, comme je l'ai répété à maintes reprises au cours de la dernière année. C'est une question de physique, une simple question de physique.
    Le Règlement sur l'électricité propre a été élaboré en fonction de modèles économiques. Les gens de mon secteur sont responsables de la fiabilité, et leurs projections de fiabilité ne sont pas fondées sur des modèles économiques. Elles sont fondées sur des modèles de fiabilité.
    Les principales préoccupations que nous avons soulevées sont celles des exploitants du réseau et des personnes qui doivent livrer l'électricité aux clients. Nous croyons qu'il y aura une incidence, potentiellement directe, sur la fiabilité et les tarifs dans de nombreuses régions au pays.
(1555)
    C'est notamment pourquoi les conservateurs demandent l'abrogation de la réglementation sur l'électricité, d'autant plus que le gouvernement dit vouloir accélérer les mises en chantier et offrir clarté et certitude aux promoteurs comme les membres que vous représentez.
    Au risque de me répéter, êtes-vous préoccupé par le manque de clarté, comme vous l'avez mentionné, dans la définition de l'« intérêt national »? Qui plus est, le projet de loi C‑5 confère au gouvernement le pouvoir de supprimer de la liste un projet préalablement désigné comme étant d'intérêt national. Ce manque de clarté nuit‑il à la capacité de vos membres à prendre des décisions à long terme?
    La pièce manquante dans ce projet de loi — et, bien sûr, compte tenu des délais serrés, ce n'est pas très surprenant —, c'est que l'annexe 1 est vide. On ne sait pas ce qui y figurera, ce qui en sera exclu, et ce qui y demeurera d'intérêt national. Ce sont certainement des éléments qui nous inquiètent.
    Toutefois, nous pensons que le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Nous espérons, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, que cela signale un changement dans les façons de faire des différents organismes de réglementation, car le secteur de l'électricité — en théorie de compétence provinciale — est régi par quelque 90 lois et règlements fédéraux. La capacité de faire avancer un projet achoppe sur une foule de ces lois et règlements. Nous espérons que c'est le signal d'une approche plus efficace pour les projets d'intérêt national, mais aussi pour la réglementation dans son ensemble.
    Au lieu d'avoir un projet de loi temporaire pour contourner les diverses politiques et lois avec lesquelles vos membres doivent composer, ne serait‑il pas plus logique que l'annexe 1, les conditions que doivent respecter les promoteurs et la définition de l'« intérêt national » soient claires?
    Ne serait‑il pas également plus logique de simplifier le processus et de régler les problèmes fondamentaux de lourdeurs administratives et d'incertitude qui nuisent à vos membres?
    Veuillez répondre en 20 secondes, s'il vous plaît, monsieur.
    Oui, ce serait formidable que l'on apporte des changements à ces 90 lois et règlements, mais on ne s'attend pas à cela d'un gouvernement dans sa première semaine.
    Je sais que nous avons peu de temps.
    Merci, monsieur Bradley.
    Merci, madame Stubbs.
    Nous passons maintenant à M. Kelloway.
    Vous avez six minutes, monsieur. Allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux de voir les membres du Comité.
    Je remercie les témoins d'être avec nous.
    Je souligne aussi la présence de Mme May, plus loin à ma droite.
    Mes questions s'adressent à vous, monsieur Bradley, et je vous remercie tous de vos témoignages, car ils soulèvent beaucoup de questions.
    Nous avons parlé du projet de loi C‑5 du point de vue du développement économique. Nous en avons même parlé du point de vue de l'abordabilité. Nous y reviendrons si j'ai le temps, mais je veux parler de la modélisation de la main-d'œuvre, faite ou à faire, dans votre secteur. Avons-nous une idée des possibilités d'emplois et de perfectionnement de la main-d'œuvre?
    Je viens du Canada atlantique. De toute évidence, l'électricité est une source d'énergie prioritaire pour les quatre premiers ministres, qu'il s'agisse d'hydroélectricité, d'énergie nucléaire ou d'énergie éolienne extracôtière ou terrestre. J'aimerais avoir une idée de ce que ce projet de loi pourrait représenter en matière d'emplois, à court et à long terme.
(1600)
    C'est une excellente question, monsieur le président.
    Notre association et l'une de nos associations partenaires, Ressources humaines, industrie électrique du Canada, se sont penchées sur le défi en particulier auquel fait face le secteur de l'électricité, soit celui de combler ses besoins en main-d'œuvre. Nous avons fait des projections sur nos besoins futurs, et ils sont considérables.
    J'ai mentionné plus tôt que nous nous attendons à ce que la demande d'électricité double d'ici 2050. Avons-nous suffisamment de gens pour y répondre? Non. Y aura‑t‑il une croissance importante de leur nombre dans notre secteur? Certainement.
    Nous sommes très préoccupés par le bassin de talents et par la nécessité de veiller à ce qu'il suffise à la demande. Nous en avons déjà parlé. Nous avons quelques recommandations à ce sujet, tout comme Ressources humaines, industrie électrique du Canada.
    J'ajouterais que le bassin de main-d'œuvre me préoccupe, mais aussi l'équipement. La chaîne d'approvisionnement est un enjeu très important et demeurera une préoccupation importante dans l'avenir.
    Je vous remercie de ces commentaires, et en particulier, d'avoir mentionné qu'il faut avoir, je présume, un plan de formation et un plan de perfectionnement à l'échelle du pays dans le secteur de l'électricité et d'autres liés à l'énergie.
    J'aimerais passer à un autre sujet. C'est lié, bien sûr. À la lumière de votre modélisation et de vos discussions avec les gens de l'industrie, avez-vous une idée de l'incidence qu'aura l'intensification des initiatives et des projets sur les changements climatiques au Canada?
    Avez-vous un exemple de modélisation que vous pourriez nous fournir sur les pronostics en ce moment?
    Oui. Nos membres et le secteur sont déterminés à travailler pour atteindre la carboneutralité dans l'ensemble de l'économie d'ici 2050. Nous sommes conscients que la seule façon d'y arriver passe d'abord par des efforts d'électrification très importants.
    L'électricité est le secteur vers lequel beaucoup d'autres secteurs se tourneront pour se décarboner. Dans le secteur des transports, par exemple, comment allons-nous réduire nos émissions? Encore une fois, ce sera grâce à l'électricité, et c'est pourquoi la demande devrait augmenter considérablement à l'avenir.
    Le secteur examine donc toutes les avenues possibles et une approche globale de la décarbonation. De nouvelles technologies vont voir le jour pour continuer à réduire les émissions. À l'heure actuelle, 84 % de nos émissions sont non émettrices, et ce pourcentage continuera d'augmenter.
    Les émissions globales du secteur vont continuer à diminuer progressivement.
    Nous sommes entre amis, et il y a des caméras, alors nous avons d'autres amis qui nous regardent également. Lorsqu'on parle d'initiatives à grande échelle dans le secteur de l'électricité, y a‑t‑il des projets particuliers qui vous viennent à l'esprit? On pense à la réglementation, bien sûr. Ce sera un élément essentiel. Comment la simplifier en demeurant rigoureux et en faisant preuve de diligence raisonnable? Avez-vous des projets qui vous viennent à l'esprit?
    Je ne veux pas orienter votre réponse, mais vous avez assurément quelque intérêt lorsque vous regardez où se trouvent les possibilités au Canada. Y a‑t‑il des projets qui vous viennent à l'esprit et dont vous pourriez nous parler?
    Plutôt que de vous parler de projets précis, je peux vous parler de catégories de projets qui, nous le savons, seront là demain.
    Très bien.
    Les petits réacteurs modulaires seront là demain. Le premier sera mis en service à la fin des années 2020. Dans diverses régions du pays, on mise sur les petits réacteurs modulaires, comme potentiellement, sur la production d'énergie nucléaire traditionnelle. Il y aura aussi les petites et grandes centrales hydroélectriques, et sans doute le captage du carbone, et plus de lignes de transmission seront nécessaires. Toutes ces technologies, y compris l'éolien en mer et terrestre, feront partie du bouquet énergétique de demain.
    On trouve des promoteurs dans la plupart de ces régions. Ce n'est pas une utopie. J'ai parlé des petits réacteurs modulaires. Ontario Power Generation travaille activement à la construction d'un petit réacteur modulaire. La Saskatchewan examine la question de très près aussi. Ils veulent être les prochains.
    Ce sont des projets qui vont déjà de l'avant.
    Merci beaucoup de votre temps. Je vous en suis reconnaissant.
    Merci beaucoup, monsieur Kelloway.
    Merci, monsieur Bradley.

[Français]

     Monsieur Barsalou‑Duval, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
(1605)
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Robitaille, dans ses déclarations publiques, le premier ministre du Canada a principalement mentionné deux choses. La première, c'est que les projets ne se feraient pas sans l'accord des provinces et celui des Premières Nations. La seconde, c'est qu'il sera important qu'il y ait un seul projet, une seule évaluation.
    J'aimerais savoir de quelle façon ces deux éléments du discours du premier ministre se retrouvent dans le projet de loi actuellement devant nous.
    En fait, ils ne s'y trouvent pas.
    En ce qui concerne l'accord des provinces, celles-ci sont effectivement consultées pour la désignation des projets comme étant d'intérêt national, mais il s'agit seulement d'une consultation. Les gens qui ont rédigé le projet de loi n'ont peut-être pas bien concrétisé l'intention du premier ministre, puisque, si on consulte les provinces pour la désignation des projets de loi, on n'a pas besoin de leur consentement.
    Par ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'on trouve, dans une loi fédérale, la tentative de ne faire qu'une seule évaluation pour un seul projet. C'est louable de faire des évaluations conjointes, auxquelles participent des gens des paliers fédéral et provincial, mais l'idée d'avoir un projet ou une évaluation fédérale ne respecte pas le fédéralisme canadien. En effet, plusieurs projets qui pourraient être touchés par cette loi sont de compétence exclusivement provinciale. Les aspects environnementaux liés aux compétences fédérales relèvent du Parlement fédéral, tandis que les effets environnementaux des projets de compétence provinciale relèvent des provinces. Or le projet de loi actuel semble vouloir remplacer les évaluations provinciales, alors que, selon le droit constitutionnel, ce n'est pas possible.
     Merci beaucoup. Votre réponse est très éclairante.
    Un autre élément m'est venu en tête au cours de votre témoignage. Il s'agit de la notion d'intérêt national, qu'on retrouve dans le projet de loi auquel on fait référence.
    Dans le projet de loi, la définition d'« intérêt national », on mentionne simplement un projet dont le nom figure à l'annexe 1. Selon le projet de loi, la définition de « projet d'intérêt national » est la suivante: « projet dont le nom figure à l'annexe 1 ». Il s'agit donc de tout ce qui figure à l'annexe 1 et qui serait désigné par le gouverneur en conseil. Ce que je comprends de vos propos, c'est que ce n'est pas conforme à ce que la Cour suprême définit comme étant un projet d'intérêt national.
    Avez-vous l'impression qu'on crée une certaine confusion entre deux types de projets d'intérêt national ou qu'il s'agit du même genre de projet d'intérêt national?
    Il est difficile de dire si l'intention du législateur est de créer une confusion. Toutefois, à la lumière du projet de loi, il y a certainement une confusion entre la notion d'intérêt national qui est utilisée dans ce projet de loi, et celle du droit constitutionnel.
    On entend souvent l'expression « intérêt national ». Il y a plusieurs années, l'ancien premier ministre Paul Martin avait dit que les garderies étaient d'intérêt national. Il faut faire attention. En droit constitutionnel, ce qui est d'intérêt national est bien balisé par la Cour suprême; ce sont des projets qui transcendent les intérêts provinciaux sur des matières ou des questions bien définies, sur des questions précises, qui se distinguent nettement des compétences provinciales. Or le projet de loi actuel ne semble pas respecter ces conditions. Le risque qu'il soit invalidé par les tribunaux est quand même important, si on tient compte du renvoi relatif à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre et du plus récent renvoi relatif à la Loi sur l'évaluation d'impact, qui a été invalidée en partie.
     Merci.
    Je ne vous ai pas entendu parler des articles 21, 22 et 23 du projet de loi C‑5. À mon sens, ce sont des articles particulièrement préoccupants, parce qu'ils donneraient au gouverneur en conseil un pouvoir absolu lui permettant carrément de ne pas respecter la loi qui est devant nous présentement, ou n'importe quelle autre loi, relativement à tous les grands projets ou à un seul grand projet.
    Cela vous préoccupe-t-il? Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?
     Oui, certainement.
    C'est à tout le moins préoccupant, puisque cela constitue une concentration assez importante de pouvoirs entre les mains du gouverneur en conseil. Il y a des lois environnementales, à la fois du côté fédéral et du côté des provinces, qui visent à faire respecter des principes importants, comme la protection de la biodiversité et la protection des espèces menacées. Il est donc pour le moins préoccupant qu'un ministre puisse décider, presque d'un coup de baguette, d'écarter des normes environnementales adoptées de longue date.
    Le projet de loi devrait énoncer plus clairement que les lois environnementales des provinces et du Parlement canadien doivent être respectées par les promoteurs de projets.
(1610)
    Merci.
     Je pense qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.
    Monsieur le président, si vous pouviez ajouter le temps qu'il me reste à mon prochain tour de parole, je vous en serais reconnaissant.
    D'accord.
     Merci beaucoup, monsieur Barsalou‑Duval.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à notre deuxième série de questions, en commençant par M. Lawrence.
    Monsieur Lawrence, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Je remercie le président et le greffier d'avoir organisé la réunion aussi rapidement.
    Je remercie aussi les témoins d'être là malgré — nous en sommes conscients — le court préavis.
    Monsieur Bradley, je vais commencer par vous. Nous parlons beaucoup, bien sûr, de la Loi visant à bâtir le Canada, mais la première partie du projet de loi C‑5 porte sur le commerce interprovincial. Vous avez parlé des 90 lois fédérales.
    Pouvez-vous ajouter à ce nombre les lois provinciales? Combien de lois provinciales — si vous en avez une idée — les fournisseurs d'électricité doivent-ils respecter? Y a‑t‑il des conflits entre les lois ou des problèmes — qu'on qualifierait d'obstacles au commerce interprovincial — qui touchent également votre industrie?
    C'est une excellente question, mais à laquelle je n'ai pas de réponse précise. Il serait certainement difficile de calculer, dans les 10 provinces et les 3 territoires, toutes les lois qui ont une incidence sur le secteur de l'électricité.
    Serait‑il utile pour votre industrie que des fonctionnaires de toutes les provinces, ainsi que des fonctionnaires fédéraux, se réunissent et mettent en place un système de reconnaissance mutuelle ou d'harmonisation de la réglementation? Est‑ce que ce serait avantageux, et est‑ce que cela procurerait des avantages économiques aux Canadiens?
    Oui.
    Merci.
    C'est sans doute un élément qui aurait pu être inclus dans le projet de loi C‑5. Est‑il juste de dire cela?
    Comme je l'ai dit plus tôt, je suis conscient que le temps presse. Il y a beaucoup de problèmes, comme je l'ai dit, que j'aimerais voir être réglés.
    Toutefois, je dois dire qu'il est encourageant de voir une ouverture. Nous semblons arrivés à un moment dans le temps où les capitales provinciales et Ottawa sont ouverts à la collaboration et cherchent des moyens de l'accroître et de réduire les obstacles au commerce. On pourrait certainement prendre des mesures qui bénéficieraient à l'ensemble du secteur, qu'il s'agisse de la reconnaissance des titres de compétence dans les métiers ou de la simplification du commerce transfrontalier.
    Merci, monsieur Bradley.
    Je pense que c'est une période incroyable et que le gouvernement, en prenant des mesures très limitées pour stimuler le commerce interprovincial, rate la coche.
    Je vais passer à la Loi visant à bâtir le Canada. Je crains notamment que le gouvernement n'inscrive pas suffisamment de projets sur la liste des projets d'intérêt national pour que cela ait un impact.
    Je sais que vous n'avez pas de chiffres exacts, mais pouvez-vous nous dire ce qui, selon vous, serait un montant conséquent pour les projets de votre industrie qui pourrait être approuvé par le gouvernement. S'agirait‑il d'un demi-milliard de dollars, d'un milliard de dollars, d'un demi-billion de dollars? Quel montant espérez-vous pour des projets qui seraient classés d'intérêt national au sein de votre industrie?
    Nous n'avons pas de chiffre. Encore une fois, comme c'est tout nouveau, nous n'avons pas d'indication claire quant à la taille de cette liste.
    Nous savons que les investissements qui seront nécessaires dans le secteur jusqu'en 2050 sont de l'ordre de 1,7 billion de dollars. Les investissements seront très importants, mais je n'ai pas de chiffre sur ce que nous voudrions voir inclus dans les projets d'intérêt national.
    Merci. C'est très utile.
    Je vais poser la même question à Mme Kokkinos.
    En fait, il en a été question lors de nos consultations. À l'époque, nous parlions de 15 à 20 projets, et ce n'est pas vraiment une question de valeur. Je pense que c'est une question de nombre. La fonction publique va devoir repenser le processus et presque remonter à la source, en tenant compte de cette fenêtre de deux ans. Il y a beaucoup d'éléments à prendre en considération et à régler avec les provinces.
    Je recommanderais un nombre gérable. Nous avons parlé de 15 à 20 pendant nos consultations. Nous allons apprendre beaucoup de choses au cours de cette première vague qui vont éclairer les projets futurs, mais nous voulons aussi que cela éclaire le processus réglementaire pour tous les projets à venir. Ils veulent se donner les moyens de réussir. En voyant trop grand, ils risquent d'échouer.
(1615)
    Rapidement, parce que je n'ai plus de temps, lorsque vous parlez de 15 à 20 projets, voulez-vous dire d'ici la fin de l'année? Quel est l'échéancier?
    Non, il s'agirait de les approuver d'emblée au cours des prochains mois, puis il y aurait la fenêtre de deux ans.
    Merci beaucoup, madame Kokkinos.
    Merci, monsieur Lawrence.

[Français]

     Monsieur Lauzon, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins, tant ceux qui sont en ligne que ceux qui sont présents en personne.
    Je vais m'adresser à vous, madame Kokkinos. Vous avez dirigé plusieurs projets intergouvernementaux et vous nous avez démontré votre expérience.
    Croyez-vous que le projet de loi C‑5 pourra faciliter le travail de notre gouvernement? Pouvez-vous nous expliquer davantage comment il va harmoniser notre travail avec celui des provinces et des territoires? Par ailleurs, on a peu parlé des municipalités, qui auront pourtant un rôle à jouer. Les trois ordres de gouvernement sont concernés, ainsi que les peuples autochtones.
    Pouvez-vous définir l'harmonisation que le projet de loi C‑5 va permettre dans le cadre des prochains projets?

[Traduction]

    Merci beaucoup de la question.
    Ce que le projet de loi C‑5 tente de faire, c'est de réunir toutes les autorisations sous un seul ministre, mais ce n'est pas quelque chose d'unilatéral. Ce ministre — le gouverneur en conseil, comme on l'appelle, je crois — devra consulter les provinces et les territoires concernés par les projets en question, ainsi que les communautés autochtones ou les titulaires de droits concernés. Il peut aussi s'agir de municipalités. Cela ne se fera pas en vase clos; c'est ainsi que j'interprète le projet de loi.
    Ce que j'aime à ce sujet, c'est que nous sortons des sentiers battus, parce que la situation l'exige. Nous ne pouvons plus envisager l'approbation de projets comme nous le faisions auparavant. Il y a un véritable élan en ce moment avec les provinces, les territoires et les titulaires de droits autochtones qui veulent travailler en collaboration pour faire avancer ces projets, parce que cela ne se produira pas autrement, vraiment pas.

[Français]

    M. Bradley nous a parlé de délais parfois longs, qui seront désormais plus courts. Vous, vous avez un engagement personnel envers l'environnement. Pensez-vous que la réduction des délais pourrait avoir une incidence sur notre capacité à réaliser nos projets? Croyez-vous que nous sommes capables de les mener à bien en respectant à la fois l'environnement et des délais plus raisonnables?

[Traduction]

    Oui, selon mon interprétation du projet de loi C‑5, toutes les protections environnementales actuellement en place seront respectées. L'idée est d'examiner les améliorations que nous pouvons apporter aux processus pour nous assurer de ne pas dédoubler les efforts — si nous pouvons faire les choses en parallèle, par exemple, et non successivement —, mais l'idée n'est pas de contourner les lois environnementales. C'est ainsi que j'interprète le projet de loi, et c'est ainsi que les choses devront se passer, à mon avis.

[Français]

     Madame Kokkinos, comme vous le savez, il y a beaucoup de chevauchement des compétences. Des gens de tous les ordres de gouvernement sont impliqués dans ces projets, ce qui fait qu'il y a beaucoup de répétition. M. Bradley a aussi parlé de la création d'un bureau des grands projets qui s'occuperait spécifiquement des projets d'intérêt national et qui les ferait avancer.
    Vous n'avez pas parlé d'un tel bureau, mais, selon vous, M. Bradley est-il sur une bonne piste lorsqu'il parle de la mise sur pied d'un bureau des grands projets, qui respecterait aussi l'environnement et les acteurs du milieu, que ce soit les communautés autochtones, les municipalités, les provinces, les territoires ou le gouvernement fédéral?
(1620)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Oui, nous avons abordé la question d'un bureau des grands projets lors de nos consultations, car nous considérons qu'un tel bureau est d'une importance capitale. En effet, le gouvernement aura besoin d'un organe central pour coordonner ces projets.
    Cependant, nous pensons que le gouvernement pourrait aller plus loin en intégrant également les éléments relatifs au financement, aux infrastructures habilitantes essentielles et à la consultation et à la participation économique des populations autochtones. Ces éléments ne devraient pas être dispersés à l'échelle du bureau, et ce serait une occasion manquée s'ils étaient traités à l'extérieur du bureau. Selon notre expérience, cette intégration a permis à des projets comme LNG Canada — qui a réuni ces quatre éléments dès le départ, y compris le financement — d'être approuvés en deux ans et d'accélérer l'approbation du financement.
    Je vous remercie encore une fois, madame Kokkinos.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Lauzon.
    Monsieur Barsalou‑Duval, vous avez la parole pour trois minutes et quinze secondes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse encore une fois à M. Robitaille.
     Vous êtes constitutionnaliste, si je ne me trompe pas, mais vous êtes d'abord et avant tout avocat de formation. Dans le processus qui nous est présenté dans le projet de loi C‑5, on voit que les projets seraient préapprouvés, de façon un peu secrète, en somme, sans qu'il y ait eu nécessairement une consultation publique au préalable. Ensuite, les évaluations seraient faites, mais on saurait à l'avance que les projets seraient approuvés. Ce serait toujours le gouvernement, voire le ministre, qui établirait les conditions. Tout cela se ferait dans un processus assez opaque.
    Dans un processus normal, plusieurs instances donnent différentes approbations. Or, dans ce cas-ci, comme il n'y a qu'une seule instance, il n'y a qu'une approbation à obtenir.
    Est-ce risqué, sur le plan de l'éthique?
    Le risque est qu'on ne respecte pas et qu'on escamote les lois des provinces ainsi que celles adoptées par le Parlement fédéral en matière environnementale.
    M. Lauzon mentionnait qu'il y avait un chevauchement des compétences dans le fédéralisme canadien, et c'est vrai. Par contre, on ne peut pas, en raison de ce chevauchement, vouloir écarter les compétences provinciales à tout prix. Les provinces ne sont pas subordonnées au Parlement fédéral dans un partage constitutionnel des compétences. La Cour suprême l'a dit à de nombreuses reprises. Comme le Parlement, les provinces disposent de compétences exclusives. Or, dans ce projet de loi, tel qu'il est rédigé, on ne voit pas l'intention de respecter le partage des compétences. C'est cela qui pose problème.
     Des évaluations conjointes ont déjà été menées. C'est rare, mais cela s'est déjà fait. Cela permet justement de considérer les provinces et les Premières Nations comme des partenaires égaux du gouvernement fédéral et non comme étant subordonnées à une autorité centrale. Il est important de prendre cela en considération dans le cadre de ce projet de loi.
     Merci. Cela ne répond pas tout à fait à ma question, mais je comprends que vous vouliez renchérir là-dessus.
    Vous avez dit, par exemple, que des projets qui sont situés exclusivement dans une province pourraient être inclus dans le projet de loi C‑5. On évoque également des projets qui sont de compétence provinciale exclusive, notamment ceux qui touchent aux ressources naturelles. On mentionne que ces projets seraient automatiquement approuvés.
    Ne vient-on pas ainsi outrepasser les compétences fédérales? Est-ce que je me trompe?
     En effet, on escamote des processus déjà prévus dans des lois fédérales et des lois provinciales. On escamote la participation du public; on escamote la participation citoyenne; on escamote la participation des Premières Nations, on escamote celle des municipalités.
    Ce n'est pas pour rien que des processus rigoureux d'évaluation et de participation publique sont mis en place dans les lois environnementales. Dans ce cas-ci, on veut à tout prix aller très vite, mais il y a effectivement un risque que des projets soient réalisés et qu'on en regrette ensuite certaines conséquences.
     Merci beaucoup, monsieur Robitaille.
     Merci, monsieur Barsalou‑Duval.

[Traduction]

    Nous entendrons maintenant Mme Lewis.
    Madame Lewis, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Bradley, vous avez parlé de l'importance de l'électricité. Que pensez-vous de la capacité du réseau électrique? Selon vous, notre infrastructure électrique est-elle suffisante pour répondre aux besoins du projet de loi C‑5?
(1625)
    Je ne pense pas que le projet de loi C‑5ait des exigences précises en ce qui concerne la capacité électrique. Il faudra attendre de voir si les projets qui s'appuieront sur l'infrastructure électrique du pays seront effectivement visés et considérés comme étant des projets d'intérêt national. Nous espérons certainement que certains d'entre eux le seront.
    J'aimerais maintenant m'adresser à Mme Kokkinos. Vous avez parlé d'un échéancier de deux ans. Cet échéancier se trouve‑t‑il dans le projet de loi ou parlez-vous de façon générale?
    Dans notre rapport intitulé Construire grand, nous avons recommandé un échéancier de deux ans pour les processus d'approbation réglementaire et de délivrance des permis. Le gouvernement s'est engagé à respecter un délai de deux ans indépendamment du projet de loi et il a donc décidé de ne pas légiférer sur ce point.
    Ce n'est pas dans le projet de loi?
    Non, ce n'est pas dans le projet de loi, mais c'est un engagement que le gouvernement a pris indépendamment du projet de loi.
    Je vous remercie.
    Je suis désolée de passer de l'un à l'autre, mais j'aimerais revenir à vous, monsieur Bradley.
    Selon vous, des projets de ressources comme l'extraction du pétrole et du gaz seraient-ils au service de l'intérêt national dans le cadre du projet de loi C‑5?
    Je représente ici le secteur de l'électricité, et je ne parlerai donc que des projets liés à l'électricité. Mes collègues qui travaillent pour les associations pétrolières et gazières ont sûrement des opinions bien arrêtées à ce sujet.
    D'accord. Je peux pose cette question au constitutionnaliste.
    Je reviens à vous, madame Kokkinos.
    J'ai trouvé très intéressant que vous parliez d'un bureau d'investissement stratégique. Un tel bureau compterait‑il un organisme de surveillance des appels d'offres et des réalisations attendues? Pendant la pandémie de COVID‑19, il y a eu beaucoup de gaspillage et de mauvaise getion. Selon vous, faut‑il accroître la transparence de ce bureau et peut-être l'opérationnaliser?
    Un bureau d'investissement stratégique et la coordination du financement auront pour avantage réel de permettre au gouvernement d'optimiser les dépenses fédérales pour un projet donné, car il sera en mesure de choisir le meilleur type de financement pour chaque projet. Ainsi, les promoteurs de projets n'auront plus à s'adresser à un bureau pour leur proposition, puis à un autre bureau pour connaître le montant de fonds fédéraux qu'ils pourraient obtenir. Cela permettrait au gouvernement fédéral, probablement par l'entremise d'ententes de confidentialité, par exemple — c'est ce que nous envisagerions —, de travailler avec les promoteurs pour déterminer les facteurs qui justifieront la décision d’investissement finale pour le projet en vue de minimiser le montant que le gouvernement fédéral doit investir. Cette solution offre de grandes possibilités.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Robitaille.
    Qui détermine si un projet est dans l'intérêt national, en gardant à l'esprit les considérations constitutionnelles prévues aux articles 91 et 92?
    Cela dépend de ce que l'on entend par « intérêt national ». Si nous parlons de l'intérêt national au sens constitutionnel, la décision reviendrait au tribunal. Le Parlement a rendu le premier jugement en adoptant une loi qu'il estime être conforme au droit constitutionnel, mais au bout du compte, il revient au tribunal de déterminer si la Constitution est respectée.
    Êtes-vous essentiellement en train de dire que le projet de loi est inconstitutionnel?
    Il risque d'être déclaré inconstitutionnel. Il revient au tribunal de se prononcer sur cette question, mais il y a effectivement un risque à cet égard.
    À votre avis, un projet de ressources comme l'extraction de pétrole et de gaz serait‑il dans l'intérêt national, comme vous en avez parlé, en vertu de l'article 7 proposé?
    C'est une décision politique. Ce n'est pas à moi de décider si un projet d'extraction est dans l'intérêt national, mais je peux toutefois affirmer qu'un projet d'extraction relève clairement de la compétence provinciale en vertu de la Constitution.
    Je vous remercie, madame Lewis.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Robitaille.
    C'est maintenant au tour de Mme Nguyen de prendre la parole.

[Traduction]

    Madame Nguyen, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais remercier le greffier d'avoir travaillé aussi rapidement.
    Je remercie les trois témoins qui comparaissent aujourd'hui.
    J'aimerais poser ma première question à Mme Kokkinos. Je vous remercie de prendre le temps de nous faire profiter de votre expertise et de votre expérience en matière d'énergie, de commerce et de politique publique dans le cadre de notre examen du projet de loi.
    Dans la partie 2 du préambule de la Loi visant à bâtir le Canada, on fait référence à des normes rigoureuses en matière de protection de l’environnement. Comme nous recevons des commentaires des électeurs, j'aimerais savoir quels types de critères d'évaluation nous pourrions mettre en œuvre pour nous assurer que les projets respectent nos engagements en matière de climat.
(1630)
    Je vous remercie beaucoup de votre question. Je ne suis pas une experte en matière de réglementation, mais tout projet qui passe par le processus réglementaire, si je comprends bien le projet de loi C‑5, devra respecter tous nos règlements sur l'environnement.
    En ce qui concerne le respect de nos engagements en matière de changement climatique, le choix des projets sélectionnés sera déterminant. Comme l'a mentionné M. Bradley, l'agrandissement de notre réseau de distribution d'électricité et l'intégration des énergies renouvelables dans le réseau — des technologies comme les PRM, ou petits réacteurs modulaires, c'est‑à‑dire l'énergie nucléaire — sont des types de projets qui nous aideront à respecter nos engagements liés au climat.
    J'aimerais maintenant poser une question de suivi à M. Bradley. Dans le projet de loi, nous indiquons que nous souhaitons adopter des critères comme la croissance propre et l’atteinte des objectifs en ce qui a trait au changement climatique pour les projets d'édification de la nation. Avez-vous des réflexions ou d'autres commentaires sur la façon dont cela nous aidera à accélérer l'aménagement de l'infrastructure d'énergie propre au Canada?
     Comme je l'ai dit plus tôt, pour y arriver, il faudra adopter une approche plus globale. Encore une fois, c'est ce que nous espérons voir lorsque les projets visés par l'annexe 1 seront connus.
    Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.
    Merci beaucoup, madame Nguyen.
    C'est ce qui met fin à la première partie des témoignages d'aujourd'hui. J'aimerais remercier nos témoins, M. Bradley, Mme Kokkinos et, bien entendu, M. Robitaille. Nous vous sommes reconnaissants de vos témoignages.
    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes afin d'accueillir le groupe de témoins suivant. La séance est suspendue.
(1630)

(1645)
    La séance reprend.
    Nous aimerions commencer cette partie de la réunion par une prière prononcée par le chef Ted Williams.
    Nous vous sommes reconnaissants d'être ici aujourd'hui, monsieur. Je vous cède la parole.
    J'accepte la responsabilité et l'honneur de prononcer une prière d'ouverture.
    Créateur, nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous réunir en tant qu'amis de cette grande terre. Nous vous demandons de nous accompagner, de nous guider et de veiller sur nous, afin que nous puissions veiller sur les créatures à quatre pattes, les créatures ailées et les giigoonh qui nagent dans nos océans, nos rivières et nos lacs. Nous vous demandons d'être bienveillant à l'égard de chacun d'entre eux. Nous nous présentons avec respect et compassion à titre de premiers peuples de cette terre.
    J'aimerais dire meegwetch dans les quatre directions: Meegwetch. Meegwetch. Meegwetch. Meegwetch.
    Meegwetch, chef Williams. Nous vous sommes très reconnaissants.
    Chers collègues, avant d'entamer la deuxième série de questions d'aujourd'hui, j'aimerais formuler quelques commentaires à l'intention des nouveaux témoins.
    Veuillez attendre que je vous reconnaisse par votre nom avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    Pour ceux qui participent par l'entremise de Zoom, vous pouvez sélectionner le canal approprié pour l'interprétation au bas de votre écran. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et sélectionner le canal souhaité. Nous vous rappelons que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Chers collègues, j'aimerais maintenant accueillir nos témoins.
    Tout d'abord, nous accueillons Cindy Woodhouse Nepinak, cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations. Bienvenue.
    Je tiens également à souligner la présence de nombreux autres chefs qui représentent des communautés des Premières Nations de partout au pays. Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
    Deuxièmement, nous accueillons, par vidéoconférence, Catherine Swift, présidente de la Coalition of Concerned Manufacturers and Businesses of Canada. Chers collègues, nous espérons pouvoir résoudre certains problèmes audio et techniques que nous éprouvons actuellement. J'espère que nous y parviendrons. En attendant, nous ne pourrons poser aucune question à Mme Swift.
    Troisièmement, à titre personnel, nous accueillons Maxime St‑Hilare, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Bienvenue, monsieur.
    Nous entendrons maintenant les déclarations préliminaires. Je suis heureux de vous céder la parole, cheffe nationale. Vous avez cinq minutes.
    Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, bien sûr, et à souligner que nous nous trouvons sur le territoire du peuple algonquin Anishinabe.
    Chi meegwetch, chef Ted, pour votre prière d'ouverture.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les membres des Premières Nations qui sont assis derrière moi. Vous savez pourquoi ils sont ici. Ils veulent vous parler. Ils veulent s'adresser à chacun et chacune d'entre vous. Je pense que notre pays peut faire mieux en procédant de cette façon.
    Nous voulons parler de la façon d'accélérer les choses dans notre pays et j'aimerais que nous soyons ici, aujourd'hui, pour parler de la construction d'écoles modernes pour les enfants des Premières Nations. Il y a longtemps que nous attendons qu'on comble les lacunes en matière d'infrastructure des Premières Nations. Vous avez lu les rapports du Conference Board du Canada sur l'importance de combler les lacunes en matière d'infrastructure dans notre pays et sur les progrès que le Canada pourrait réaliser en investissant dans les peuples des Premières Nations. Cela nous donnerait un élan considérable. Une réunion du G7 se déroule en ce moment même. Le Canada occupe l'un des derniers rangs au sein des pays du G7. Si nous investissions en vue de combler ces lacunes en matière d'infrastructure, nous serions propulsés au premier rang. Je vous laisse y réfléchir de façon plus approfondie.
    J'aimerais également que nous soyons ici pour accélérer le processus qui permettra d'améliorer l'accès à l'eau potable et à des logements de qualité pour les Premières Nations ou pour accélérer la construction de routes praticables en toutes saisons et assurer un accès fiable à Internet pour nos enfants. Toutefois, ce n'est pas le cas, et c'est vraiment dommage.
    Hier, l'Assemblée des Premières Nations a organisé un forum d'urgence sur le projet de loi C‑5. Ce forum était la première occasion pour les dirigeants des Premières Nations d'obtenir une analyse technique du projet de loi. De nombreux chefs de tout le pays nous ont indiqué que le projet de loi n'était pas sur la bonne voie. Nous avons tous besoin de plus de temps et d'occasions pour parler du projet de loi et pour obtenir des réponses à nos questions.
    En l'absence d'une résolution précise m'autorisant à vous parler du projet de loi C‑5, comme le veut la pratique habituelle de l'Assemblée des Premières Nations, je m'adresse à vous aujourd'hui en situation d'urgence, en m'appuyant sur le mandat général de la Charte de l'Association des Premières Nations, qui désigne le chef national comme porte-parole national, et sans préjudice aux droits de tout détenteur de droits des Premières Nations, et surtout ceux‑là. Tout un chacun, d'un bout à l'autre du pays, a sa propre voix et sa propre façon de faire les choses. Nous devons respecter cela.
    Le projet de loi C‑5est l'un des projets de loi fédéraux les plus importants sur lesquels les Premières Nations ont dû se pencher ces dernières années. En effet, les pouvoirs conférés par ce projet de loi sont considérables. Ils présentent un risque substantiel pour de nombreux droits collectifs des Premières Nations en vertu de nos propres lois, de la Constitution et du droit international. Par conséquent, la Couronne a des obligations importantes en matière de consultation et de consentement. Il y a peut-être des renseignements à ce sujet qui ne nous ont pas été communiqués. Pour l'instant, je vous rappelle que la Déclaration des Nations unies ne manque pas de références aux consultations menées « par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives ». Les personnes nommées par le gouvernement ne sont pas clairement des représentants des peuples autochtones sur les questions relatives à nos droits inhérents et à nos droits issus de traités, à nos titres et à nos champs de compétence.
    Dans le discours du Trône prononcé le 27 mai dernier, la Couronne a déclaré ce qui suit: « Tout en mettant de l’avant ses projets d’intérêt national, le gouvernement restera résolument guidé par le principe du consentement libre, préalable et éclairé. » Malgré cet engagement explicite communiqué par le souverain lui-même, les détenteurs de droits et les organismes des Premières Nations ont profité d'une période déraisonnablement courte, avant et après le dépôt du projet de loi, et d'un engagement encore plus réduit à l'égard d'un échange de points de vue. Il semble que très peu de détenteurs de droits auront l'occasion de s'adresser directement au pouvoir exécutif ou aux parlementaires avant que le Parlement ne décide du sort et de la forme de ce projet de loi.
    En ce qui concerne les représentants qui ont l'occasion de comparaître, comment un détenteur de droits ou un organisme des Premières Nations peut‑il, en cinq minutes, ne serait‑ce qu'énumérer les questions juridiques en jeu, et encore moins communiquer une analyse et des conclusions sur les enjeux déterminants? Cela signifie que la Couronne ne tient pas compte de décennies d'orientation judiciaire sur les éléments nécessaires à une consultation approfondie lorsque les droits des Premières Nations sont exposés à un risque important. La Couronne ne tient pas compte de l'obligation en matière de consentement qui lui incombe en vertu de l'article 19 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    En résumé, mes amis, l'honneur de la Couronne n'est pas respecté. Une consuation approfondie nécessite un échange de renseignements dans les deux sens et s'accompagne d'un dialogue de fond. Il ne s'agit pas simplement d'inviter les détenteurs de droits des Premières Nations à s'exprimer pendant cinq minutes ou à présenter des mémoires écrits à distance. Une consultation ne signifie pas que la Couronne se contente d'écouter, de s'en aller et de décider toute seule, sans dialogue et sans échanges, du contenu et de la portée des droits des Premières Nations et des obligations correspondantes de la Couronne en vertu de la Constitution, des traités et du droit international.
(1650)
    La Couronne n'a fourni les détails exacts du projet de loi que le 6 juin 2025, après en avoir donné un aperçu très limité le 23 mai. Nous avons eu sept jours pour répondre.
    En ce moment même, le monde des 34 Premières Nations brûle littéralement à cause du changement climatique d'origine humaine. Les Premières Nations touchées, leurs chefs et leurs conseillers n'ont aucun répit pour donner leur avis ou consulter la Couronne au sujet du projet de loi, à moins qu'ils ne parviennent par enchantement à figurer sur votre liste de témoins ainsi qu'à préparer un mémoire à votre intention tout en se protégeant pendant les évacuations qui ont lieu au pays. On s'attend à ce qu'elles subissent les répercussions de la nouvelle normalité, celle des évacuations de collectivités entières en juin, et qu'elles acceptent que le Canada souhaite imposer un projet de loi encore plus important sans même les consulter, et encore moins obtenir leur consentement.
    L'article 19 de la déclaration des Nations unies prévoit que l'on applique la norme juridique relative au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause avant d'adopter des mesures législatives. Cette norme a une signification profonde. Elle est sensée et tout le monde comprend ce qu'elle signifie. Par exemple, un médecin ne peut pas opérer un patient simplement parce qu'il lui a dit que c'était nécessaire de le faire. Il doit obtenir son consentement explicite. Trop souvent, les mots utilisés au sujet des droits des peuples autochtones ont un sens différent de leur sens courant.
    Je voudrais souligner certains aspects du projet de loi qui peuvent être améliorés.
     Premièrement, le paragraphe 5(6) proposé contient un certain nombre de facteurs dont le gouverneur en conseil peut tenir compte pour déterminer si un projet est d'intérêt national. Les cinq facteurs énoncés devraient obligatoirement être pris en compte pour tout projet devant être désigné comme projet d'intérêt national.
    Deuxièmement, l'alinéa 5(6)d) proposé devrait rendre obligatoire l'obtention du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Premières Nations lorsqu'on veut déterminer si un projet peut promouvoir les intérêts des peuples autochtones.
    Je suis désolée, mais j'ai quelques difficultés techniques. Donnez-moi un instant.
(1655)
    Je tiens à vous informer, cheffe, que nous n'avons pas retranché de temps à votre intervention.
    Prenez tout le temps nécessaire pour présenter vos observations.
    Merci.
    Deuxièmement, l'alinéa 5(6)d) proposé devrait rendre obligatoire l'obtention du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Premières Nations lorsqu'on veut déterminer si un projet peut promouvoir les intérêts des peuples autochtones.
     Troisièmement, pour limiter les répercussions sur les droits des Premières Nations, on pourrait ajouter ou modifier plusieurs dispositions afin que les Premières Nations soient protégées comme il se doit. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de participer de façon adéquate à la rédaction du projet de loi et de nous assurer que les droits des Premières Nations sont respectés.
     Quatrièmement, on ne doit pas modifier ou exempter la Loi sur les Indiens unilatéralement sans le consentement des Premières Nations. La Loi sur les Indiens doit être retirée de l'annexe 2.
    Enfin, en ce qui concerne le conseil consultatif autochtone, il est assez déconcertant que le gouvernement continue d'en parler comme s'il s'agissait d'une forme de réponse à son obligation de consultation. Un conseil consultatif composé de personnes nommées par le gouvernement, même s'il s'agit de membres des Premières Nations ou d'Autochtones, ne peut constituer une entité avec laquelle le gouvernement peut mener des consultations au nom des Premières Nations. Le gouvernement devrait se garder de laisser entendre qu'il pense le contraire.
    Pour conclure, je rappelle que le droit à l'autodétermination des Premières Nations est un droit établi. Le Canada l'a reconnu à maintes reprises dans ses politiques et ses déclarations sur la scène internationale, ainsi que par son acceptation sans réserve de la déclaration des Nations unies. Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et la souveraineté permanente des Premières Nations sont des éléments du droit à l'autodétermination, lequel fait partie du droit international coutumier qui est juridiquement contraignant au Canada.
    Sans égard à la vision coloniale qui la sous-tend, la Loi sur les Indiens a le mérite d'intégrer les exigences et les protections prévues dans la Proclamation royale de 1763. On ne peut traiter ainsi la Loi sur les Indiens sans violer la Proclamation royale, ainsi que nos droits garantis par l'article 35 et la déclaration des Nations unies. Toute mesure législative qui le propose ou l'autorise n'est pas conforme à la Constitution et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
     Chi meegwetch de m'avoir écoutée aujourd'hui.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup de votre déclaration préliminaire, cheffe nationale Woodhouse Nepinak.
     C'est maintenant au tour de M. Maxime St‑Hilaire.

[Français]

     La parole est à vous. Vous disposez de cinq minutes.
    Le plan de mon allocution sera le suivant. Je vais rapidement présenter mon interprétation du projet de loi; à la lumière des meilleures pratiques mondiales dans le domaine, je vais relever des lacunes du projet; et je vais présenter rapidement des amendements qui, à mon avis, seraient les bienvenus.
     Je ne pourrai pas entrer dans le détail des amendements, mais je pourrai vous en expliquer l'esprit.
    En somme, le projet de loi C‑5, qui nous occupe et qui vise à bâtir le Canada, consiste à attribuer à l'exécutif le pouvoir de dérober largement des projets de son choix, à la législation fédérale ordinaire, qui sert quand même à protéger le bien commun ou l'intérêt public. Cela veut dire que l'exécutif pourra choisir des projets et les dérober à la législation normalement applicable. Là où je veux en venir, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi qui attribue un pouvoir d'exception. On déroge au droit commun. C'est donc un projet de loi qui recourt à des mesures exceptionnelles et qui investit le pouvoir exécutif de ces pouvoirs d'exception au droit commun. C'est un premier indice.
    De plus, ce projet de loi est assorti d'une disposition crépusculaire. J'en reparlerai tout à l'heure, mais cela veut malheureusement dire que la limite de cinq ans ne s'applique pas à tous les pouvoirs prévus par la loi, mais, peut-être au pouvoir principal, celui du gouvernement de décréter qu'un projet est d'intérêt national. Il y a donc une disposition crépusculaire. C'est un deuxième indice.
    Le troisième indice, c'est la procédure actuelle; en effet, ce projet de loi est adopté de manière accélérée, sous le bâillon.
    Ce projet de loi prévoit le recours à des mesures d'urgence. C'est un projet de loi d'urgence. Ce n'est pas un projet de loi qui consiste à exercer la compétence fédérale d'urgence en tant que compétence qu'a le seul pouvoir central d'intervenir dans des domaines de compétence provinciale.
     Tout à l'heure, j'ai pu entendre brièvement mon collègue le professeur Robitaille. À mon avis, le projet de loi actuel prévoit une dérogation à la législation fédérale, mais il ne prévoit pas explicitement intervenir dans des domaines de compétence provinciale, ce qui est la compétence fédérale d'urgence. Toutefois, plusieurs moyens d'urgence sont quand même envisagés, parce qu'il s'agit d'écarter des lois qui, normalement, visent à protéger l'intérêt public.
     Les États de droit démocratique moderne doivent pouvoir répondre à des situations urgentes. C'est vrai. C'est vrai aussi qu'il relève de l'exécutif de prendre cette décision. Normalement, un coût politique est assorti à ça, mais il relève de l'exécutif de décider si une situation est urgente ou non.
    La jurisprudence constitutionnelle canadienne et de nombreux pays reconnaissent aussi que l'urgence peut être de nature économique. C'est vrai. Chez nous, il en est ainsi depuis 1976.
     Cela dit, les meilleures pratiques en matière d'urgence dans les États de droit démocratique moderne, à mon sens, s'entendent notamment de l'accompagnement de pouvoirs d'urgence d'un contrôle parlementaire resserré. L'idée est la suivante. Certes, il faut être capable de répondre à une situation d'urgence par des pouvoirs exceptionnels; certes, dans une telle situation, le contrôle judiciaire est réduit; en contrepartie, le pari selon lequel l'urgence peut rester dans les limites du droit, c'est qu'on doit quand même prévoir un contrôle parlementaire de l'exercice des pouvoirs d'urgence.
    Par exemple, à cet égard, la Loi fédérale sur les mesures d'urgence est exemplaire. D'ailleurs, si elle avait été mobilisée lors de la dernière grande situation d'urgence, le gouvernement, par exemple, n'aurait pas pu gouverner aussi longtemps sans Parlement.
(1700)
     C'est le paradoxe de la situation: lorsque des mesures d'urgence sont employées, il y a normalement un contrôle parlementaire resserré. C'est l'esprit des amendements que je voudrais proposer ou que j'aimerais voir proposer. Un peu sur le modèle de la Loi sur les mesures d'urgence du Canada, la loi qui nous occupe devrait d'abord prévoir que tous les pouvoirs exceptionnels qu'elle attribue à l'exécutif ne peuvent être exercés plus de cinq ans. Elle devrait aussi prévoir, à mon avis, que ces pouvoirs ne peuvent pas être exercés lorsque le Parlement est dissous ou prorogé.
    Ensuite, le recours à des mesures d'urgence doit se faire dans la transparence. Il faut donc admettre plus ouvertement qu'il s'agit de moyens d'urgence. Un des problèmes qu'ont les démocraties libérales modernes est celui de la pérennisation de l'urgence et de la normalisation de l'exception. En effet, on a tendance à faire un brouillage. Les pouvoirs publics tendent à brouiller la frontière entre la normalité et l'exception.
    Or ce projet de loi, à mon sens, se présente un peu comme de l'urgence inavouée ou déguisée. C'est normal qu'un gouvernement pense qu'il y a une situation d'urgence. Je laisse cela aux élus. Il y a un débat politique à tenir là-dessus. Or, pour que le débat puisse avoir lieu, encore faut-il que l'urgence soit faite dans la transparence...
(1705)
    Monsieur St‑Hilaire, je dois vous couper la parole. Il ne vous reste malheureusement plus de temps pour votre présentation, mais vous aurez l'occasion de reprendre vos propos en répondant aux questions.
     Je vous remercie, mais j'ai fait le tour.
     Merci, monsieur St‑Hilaire.

[Traduction]

     Je cède maintenant la parole à Mme Swift.
    Nous allons faire un test de son pendant sa déclaration préliminaire. Je demanderai à nos interprètes de nous confirmer que le son est bon.
    Malheureusement, si ce n'est pas le cas, madame Swift, nous devrons vous demander de nous envoyer votre déclaration par courriel et peut-être un autre mémoire, si vous le souhaitez.
     Cela dit, je vous cède la parole, madame. Vous disposez de cinq minutes.
    Excusez-moi. Votre micro est en sourdine. Nous allons devoir vous demander de réactiver le son et de recommencer, s'il vous plaît. Je veillerai à ce que vous ne perdiez pas de temps de parole.
    Je pensais que c'était vous qui alliez réactiver le son, compte tenu des restrictions qu'applique le gouvernement, et tout le reste.
    Bonjour. Je m'appelle Catherine Swift. Je suis présidente de la Coalition of Concerned Manufacturers and Businesses of Canada. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif qui plaide pour...
    Madame Swift, je m'excuse sincèrement de devoir vous interrompre encore.
    Pourriez-vous rapprocher le microphone de votre bouche? Nous avons un peu de mal à vous entendre.
     Je suis désolée. Je vais répéter ce que j'ai dit.
    Je m'appelle Catherine Swift. Je suis présidente de la Coalition of Concerned Manufacturers and Businesses of Canada. C'est un groupe composé de nombreux fabricants — mais pas exclusivement de fabricants. Il s'agit d'un organisme de pression qui est en faveur de l'adoption de bonnes politiques économiques, d'une réduction de la taille de l'État et d'une utilisation judicieuse des deniers publics.
     Tout d'abord, en ce qui concerne le projet de loi, je sais que beaucoup d'autres personnes l'ont déjà dit, mais je tiens à souligner que la période de consultation a été trop brève. On parle ici d'un projet de loi qui aura des effets très importants et il mérite d'être examiné plus en profondeur.
    Pour l'essentiel, la deuxième partie du projet de loi donne aux libéraux le pouvoir de passer outre à un certain nombre de mesures législatives très importantes qu'ils ont mises en place au cours de la dernière décennie. Il me semble quelque peu ironique qu'ils veuillent soudainement avoir le pouvoir de bafouer cet ensemble de mesures législatives très libérales.
    Je vais vous dire ce qui serait préférable, à mon avis. Concernant les mesures telles que le plafonnement des émissions de l'industrie pétrolière et gazière, la taxe sur le carbone pour les industries en particulier, l'interdiction des pétroliers dans les eaux du Nord de la Colombie-Britannique et même certaines choses qui ont été proposées comme le mécanisme d'ajustement à la frontière pour le carbone, dont il a été question, il vaudrait mieux les supprimer ou il aurait mieux valu ne pas les introduire du tout, plutôt que de se donner le pouvoir d'y passer outre. Principalement, c'est que les investisseurs...
     Nous savons que les investissements étrangers et canadiens ont chuté au pays ces 10 dernières années en raison de la mise en place de mauvaises politiques qui ont eu pour effet de décourager les investisseurs et de créer de l'incertitude. Pourquoi ne pas éliminer ces mesures législatives? Si j'étais investisseuse, je me dirais « d'accord, ils ont le pouvoir de passer outre à ces mesures législatives, mais elles demeurent toutes en vigueur. » Si elles posent tant de problèmes, pourquoi ne pas simplement les éliminer au lieu d'y passer outre ou de se donner le pouvoir de le faire de temps à autre?
    Il y a également le risque de dépenses colossales. Nous savons que les infrastructures coûtent extrêmement cher. Au cours de la dernière décennie, le gouvernement libéral a dépensé d'énormes sommes en fonds publics pour ses copains. De plus, on a pu constater l'incompétence flagrante de la bureaucratie fédérale, qui est incapable de dépenser efficacement l'argent des contribuables. Les exemples sont nombreux. L'affaire ArriveCAN est l'un des plus récents et des plus scandaleux, mais il y en a eu beaucoup d'autres, surtout pendant la pandémie, durant laquelle l'argent coulait à flots sans que cela donne souvent grand-chose en retour.
    En outre, le libellé du projet de loi est trop vague. D'autres personnes l'ont également souligné. Dominic LeBlanc se voit accorder un pouvoir décisionnel prépondérant. Il est député du gouvernement libéral depuis une dizaine d'années et il a vraisemblablement appuyé l'adoption de nombreuses mesures législatives que le projet de loi vise à bafouer. La situation n'inspire pas confiance au milieu des affaires.
     Vous précipitez les choses. La Chambre ne siège que quelques semaines, puis elle fait une pause estivale. Le secret entourant le processus suscite de nombreuses inquiétudes chez les gens. Il y a eu des choses dans le passé, comme la caisse noire environnementale, l'ingérence dans les élections et le fiasco de l'organisme UNIS. Il y a beaucoup de problèmes que le gouvernement... et bon nombre des députés élus aujourd'hui faisaient partie de ce gouvernement. Il n'y a aucune confiance. Précipiter les choses n'aide en rien.
    À mon avis, la période de cinq ans est trop courte pour un projet de loi qui accorde d'énormes pouvoirs à n'importe quel gouvernement, quel qu'il soit. Je pense que l'on devrait diviser le projet de loi en deux parties. Le volet sur le commerce interprovincial est tout à fait différent et il est fortement appuyé par le milieu des affaires, contrairement au deuxième volet du projet de loi, qui modifierait les pouvoirs du gouvernement.
     Notre organisme est très favorable à la mise en œuvre de projets qui aideront énormément notre économie à sortir du marasme dans lequel elle se trouve depuis une décennie — la situation économique au Canada est catastrophique —, mais aussi à l'amélioration du niveau de vie du Canadien moyen. Cela ne doit toutefois pas signifier qu'il faut accorder à un gouvernement, quel qu'il soit, les pouvoirs vagues et mal définis que prévoit le projet de loi C‑5.
    Enfin, nous avons besoin de pipelines. Nous avons besoin d'oléoducs et de gazoducs au pays pour exploiter nos abondantes ressources pétrolières et gazières. S'il y avait une seule mesure que le gouvernement pourrait prendre pour stimuler rapidement notre économie et nous sortir de la morosité dans laquelle nous sommes depuis si longtemps, ce serait de construire des pipelines et d'exporter notre gaz naturel — notamment le gaz naturel liquéfié. Ce qui est paradoxal, c'est que cela aiderait aussi énormément l'économie mondiale, car les pays moins développés pourraient ainsi abandonner des sources d'énergie plus polluantes.
(1710)
    Puisque le gouvernement libéral semble être très pressé, que la Chambre ne siège que trois semaines et que très peu de consultations sur un projet de loi aussi important ont lieu, nous devons donner la priorité au secteur pétrolier et gazier. C'est ce qu'il faut faire si nous voulons vraiment obtenir d'importants résultats le plus rapidement possible, plutôt que d'opter, par exemple, pour un projet de corridor électrique traversant le pays qui augmenterait considérablement la capacité du réseau pour les Canadiens, mais qui serait par ailleurs très difficile à mettre en œuvre et qui reposerait sur des sources d'énergie peu fiables.
     Merci beaucoup. Je serai ravie de répondre à toutes vos questions.
    Merci beaucoup de votre déclaration préliminaire, madame Swift.
    Nous allons maintenant commencer...
    Oui, allez‑y, madame Gazan.
    J'invoque le Règlement. Merci, monsieur le président.
    Je voudrais demander le consentement unanime pour qu'on m'accorde du temps à la fin de la réunion afin que je puisse poser des questions.
    Ai‑je le consentement unanime des membres du Comité pour lui accorder du temps?
    Peut-être qu'au dernier tour, nous pourrions prendre trois minutes, et pas cinq, et lui donner le temps qu'il reste. Nous avons une série de questions dont les interventions sont de cinq minutes. Nous pourrions simplement lui donner six minutes.
     Je pense que cela convient. Je dirais que nous pourrions simplement ajouter cinq minutes à la fin, avec trois minutes pour Mme Gazan...
    Trois minutes et trois minutes.
    ... et deux minutes pour Mme May, si elle le souhaite.
    Je vais céder mes deux minutes à Mme Gazan.
     Nous pourrions peut-être simplement ajouter cinq minutes à la fin. Je ne veux pas réduire le temps, mais j'ai cinq minutes de plus ce soir.
    Merci.
    Je pense que nous avons le consentement unanime, madame Gazan. Nous vous accorderons donc cinq minutes.
    C'est très gentil de votre part. Merci.
    Merci de votre souplesse, chers collègues.
    Mme Stubbs sera la première à poser des questions.
    Madame Stubbs, vous disposez de six minutes. La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Chef Williams, je vous remercie de votre prière d'ouverture. Cheffe nationale Woodhouse Nepinak, je vous remercie de votre présence. Merci à tous les témoins.
     Je suis certainement fière de travailler avec les collectivités autochtones visées par le Traité no 6. Ce dont vous avez parlé au début, quant à ce que vous aimeriez voir se concrétiser sans tarder, correspond à ce que disent les dirigeants des cinq Premières Nations et des quatre établissements métis avec lesquels je travaille là‑bas.
    Vous avez mentionné que vous avez eu une première occasion d'assister à une séance d'information technique sur le projet de loi hier, et vous en avez d'ailleurs parlé. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus sur vos préoccupations concernant la capacité d'un cabinet de passer temporairement outre aux dispositions de la Loi sur les Indiens, ou à d'autres dispositions que vous souhaitez mentionner, par voie de règlement sans consulter les Premières Nations ni obtenir leur consentement.
    Absolument. Merci de votre question.
     Je ne sais pas. Il n'y a pas d'autre façon de le décrire. Prenez l'article 115 de la Loi sur l'évaluation d'impact. Il ne permet la non-application de la loi que pour des raisons liées à la sécurité nationale ou dans des situations où la Loi sur les mesures d'urgence est invoquée. Le projet de loi C‑5 va bien au‑delà de cette disposition relative à la Loi sur les mesures d'urgence dans la Loi sur l'évaluation d'impact. Il ne prévoit aucune des garanties contenues dans la Loi sur les mesures d'urgence en matière de transparence et de surveillance parlementaire. Les projets seraient approuvés par décret de l'exécutif. Toute loi ou tout règlement peut être mis de côté par le Cabinet.
    Je suis accompagnée de Julie McGregor. Elle est ma ressource quant aux connaissances techniques à l'Assemblée des Premières Nations. C'est notre experte juridique.
    Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose à cet égard.
    Nous sommes particulièrement préoccupés par les dispositions proposées dans les articles 19 à 21 — qu'on appelle les clauses Henri VIII — qui confèrent au Cabinet le pouvoir discrétionnaire de passer outre à des lois importantes pour les Premières Nations, en particulier la Loi sur les Indiens.
    On ne nous a pas indiqué l'intention derrière le pouvoir de passer outre à la Loi sur les Indiens. Nous n'avons pas été consultés sur la raison pour laquelle elle a été incluse dans l'annexe 2. Nous ne pouvons que spéculer sur les intentions du gouvernement par rapport à la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens régit de nombreuses questions administratives liées aux Premières Nations, mais elle traite aussi des terres et des terres de réserve. Nous voulons vraiment connaître l'intention du législateur derrière cette décision.
(1715)
    Merci.
    On peut en partie comprendre pourquoi les ministres devraient venir témoigner devant le Comité au sujet de ce projet de loi puisqu'ils sont aussi des décideurs et que c'est leur obligation et leur devoir de consulter les Premières Nations.
    Madame la cheffe Woodhouse Nepinak, vous prônez ardemment les possibilités de propriété et de partenariat, et les communautés de Lakeland sont sans contredit des propriétaires et des productrices d'énergies, tant conventionnelles que propres.
    Compte tenu de la diversité des points de vue, des valeurs, des aspirations et des ambitions des plus de 600 Premières Nations d'un bout à l'autre du Canada, je me demande si vous pourriez, dans l'intérêt des députés ici présents et des Canadiens, parler un peu des droits, des détenteurs de titres et de l'obligation de les consulter. Pouvez-vous aussi décrire, selon vous, la forme que prendrait une réelle consultation fructueuse.
    Tout d'abord, je pense que de nombreux chefs derrière moi devraient être entendus sur le projet de loi C‑5. Certains chefs sont favorables aux possibilités de développement économique que ce projet de loi pourrait offrir, tandis que d'autres s'opposent complètement au texte de loi. Je pense que le principal problème que j'entends au sujet de ce projet de loi, c'est qu'il est adopté à toute vapeur sans consultation ni consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations. Si je peux m'adresser à vous tous, je vais demander à Mme McGregor de nous en dire un peu plus à ce sujet.
    Scindez ce projet de loi. Renvoyez le projet de loi pour une étude plus approfondie et permettez aux titulaires de droits des Premières Nations d'assister aux audiences afin qu'ils vous disent directement leurs opinions sur leurs droits, leurs titres, leurs communautés et leurs modes de vie. Je pense que notre pays se trouve à un moment charnière. Cela a toujours été... surtout pour les Premières Nations. Nous formons le seul peuple au monde à être assujetti à la Loi sur les Indiens. Aucun autre groupe — pas même les Inuits ou les Métis — n'est assujetti à des lois comme celles qui nous régissent.
    Bien sûr, cela vient avec... Le Canada n'a pas toujours été tendre envers les Premières Nations. Il semble que nous ayons maintenant fait des progrès au fil des ans. Nous essayons de mieux communiquer. Nous essayons de nous réunir à différents forums. Le sort de certaines communautés s'améliore alors que d'autres communautés tentent d'obtenir le strict minimum pour leurs enfants, et il y a cet énorme déficit d'infrastructure. Cependant, lorsque vous adoptez des projets de loi à toute vapeur à la Chambre sans tenir compte du moment... et je l'ai dit au premier ministre et à la ministre. Je continue à tous vous encourager à scinder ce projet de loi. Arrêtons le processus pendant un certain temps et permettons aux Premières Nations d'être consultées comme il se doit.
    Je ne veux pas parler au nom des titulaires de droits. On ne m'a pas donné ce mandat. Nous nous réunirons les 3, 4 et 5 septembre. Je suis impatiente d'écouter mes chefs et d'obtenir des précisions sur ce que je pourrai et ne pourrai pas dire à ce moment‑là. Entretemps, je pense que vous avez tous l'occasion cet été de vous rendre dans les communautés de vos régions et de discuter avec nos dirigeants et les membres de nos Premières Nations d'un océan à l'autre. Il y a des Premières Nations dans chacune des régions que vous représentez.
    Encore une fois, je vous félicite tous de votre élection récente, mais ne commençons pas la législature ainsi. Débutons sur de meilleures bases en nous respectant les uns les autres et en coopérant plus étroitement au lieu de nous diviser et d'avoir un Canada très morcelé à un moment où nous devons être unis. Les Premières Nations ont toujours défendu ce pays, mais le fait de nous tenir à l'écart et d'empêcher certaines voix d'être entendues n'est pas la façon appropriée de faire avancer ce projet de loi. Je vous demande de scinder ce projet de loi, de suspendre les travaux pendant l'été et de permettre une consultation en bonne et due forme de nos nations.
    Merci beaucoup, madame la cheffe nationale.
    Merci, madame Stubbs.
    Nous passons maintenant à M. Greaves.
    Monsieur Greaves, vous avez la parole. Vous avez six minutes pour poser vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, chers collègues.
    Je vous remercie de votre présence, madame la cheffe nationale.
    Je remercie les autres témoins, chefs et dirigeants présents dans la salle aujourd'hui. C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous alors que j'assiste pour la première fois à une réunion en personne d'un comité du Parlement du Canada.
    Madame la cheffe nationale, si vous me le permettez, étant donné, comme vous l'avez souligné, le temps limité qui a été accordé aux Premières Nations et aux autres peuples autochtones pour se prononcer sur le contenu de ce projet de loi, je me demande si nous pourrions aborder certaines des améliorations qui pourraient être apportées aux dispositions à la lumière des commentaires que vous avez faits.
    Vous avez fait remarquer que l'alinéa 5(6)d) proposé dans le projet de loi pourrait être étoffé en y ajoutant que le consentement libre, préalable et éclairé est une composante obligatoire pour les Premières Nations, qui va au‑delà de l'idée de consultation. Je me demande si vous pensez que l'inclusion du consentement libre, préalable et éclairé ailleurs dans le projet de loi — notamment aux alinéas 7(2)c) et 8(3)b) tel qu'ils sont proposés — pourrait, au même titre, étoffer le libellé et l'engagement à garantir non seulement la consultation, mais aussi le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.
    Est‑ce que des changements en ce sens permettraient un début de solution aux préoccupations que vous soulevez aujourd'hui? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1720)
    Je dirai ceci: je n'ai pas d'amendements précis à proposer, car l'assemblée des chefs ne m'a pas confié le mandat de présenter une position sur la façon d'amender ce projet de loi. Cependant, j'ajouterai que vous devriez entendre directement les titulaires de droits des Premières Nations et que nous sommes préoccupés par le pouvoir absolu du Cabinet de déterminer quels projets sont d'intérêt national en fonction de ce que le Cabinet estime être dans l'intérêt supérieur des Premières Nations. Nous sommes également inquiets du pouvoir du Cabinet de décider unilatéralement que les lois ne s'appliquent pas, comme la Loi sur l'évaluation d'impact.
    Nous sommes préoccupés de voir que l'obligation de consulter et la Déclaration des Nations unies ne sont pas appliquées dans le projet de loi. Nous sommes préoccupés par l'inclusion de la Loi sur les Indiens à l'annexe 2 du projet de loi, qui devrait être supprimée de la liste. Voilà les grandes lignes que nous ont dites les chefs de partout au pays lors de notre discussion de lundi.
    Ils ont aussi besoin de temps pour demander à leurs avocats d'examiner le projet de loi, et pour consulter leurs analystes des politiques, les sages de leurs communautés, les aînés et les jeunes. Or, ils n'ont pas eu le temps de le faire. Beaucoup d'entre eux combattent encore des incendies. Ils n'ont probablement même pas eu le temps d'examiner ce texte de loi.
    Je ne sais pas, madame McGregor, si vous avez quelque chose à ajouter.
    Je pense que la cheffe nationale a très bien résumé la situation. Je sais que vous faites référence à l'alinéa 7(2)c) proposé, qui porte sur « les peuples autochtones dont les droits reconnus et confirmés par l’article 35 [pourraient être lésés] » et la délivrance du document.
    Vous devez discuter avec les titulaires de droits pour savoir lesquels de leurs droits sont touchés, et c'est à cette étape que le consentement libre, préalable et éclairé doit s'appliquer. Merci.
    Je vous remercie.
    Je vais changer quelque peu de sujet, mais vous venez d'y faire allusion, madame la cheffe nationale, comme vous l'avez fait au début de votre déclaration: les incendies qui font actuellement rage dans une grande partie du centre du Canada — dans une grande partie des Prairies — et la crise climatique que nous vivons. Il est urgent de passer à une économie axée sur l'énergie propre et d'essayer d'éliminer certaines des causes qui contribuent à la dégradation de l'environnement naturel.
    Dans ce contexte, qui s'ajoute à l'absence d'infrastructures essentielles qui perdure dans de nombreuses communautés des Premières Nations, comme vous l'avez souligné — le besoin criant d'investissements continus en logement, en éducation et dans d'autres services essentiels dans de nombreuses régions du pays —, pourriez-vous nous dire ce que vous ou les chefs avec qui vous travaillez si étroitement pensez de la possibilité que des projets d'importance nationale, tels qu'ils sont décrits dans ce projet de loi, puissent être un moyen d'accélérer les solutions à ces problèmes?
    Indépendamment des questions sur la consultation que vous avez très clairement décrites, pourriez-vous nous dire si les projets eux-mêmes pourraient être un moyen d'accélérer le rythme auquel nous relevons ces défis pour les communautés autochtones?
    Des projets voient le jour dans ce pays depuis sa création. Comment profitent-ils aux membres des Premières Nations alors que nos jeunes enfants n'ont pas d'eau potable, de maisons adéquates et qu'ils n'ont pas accès à de bonnes écoles fiables? Nous avons besoin de construire beaucoup d'écoles dans les communautés des Premières Nations partout au pays. Si on attend des projets dans nos régions qui n'ont pas fonctionné par le passé... S'ils sont si fructueux, pourquoi ne fonctionnent-ils pas pour les Premières Nations du Canada?
    Nous sommes à un moment charnière — j'en suis consciente — où nous pouvons essayer de changer notre avenir. Cependant, ce changement de trajectoire ne sera pas possible si on ne donne pas une voix à notre peuple pour qu'il exprime ses besoins et la façon d'améliorer notre pays ensemble. Nous ne voulons pas nous y prendre en disant que nous aurons peut-être un projet ici, ou une école ou une maison. Si on essaie de croire que tous ces grands projets d'intérêt verront le jour — que, du jour au lendemain, les Premières Nations auront toutes ces infrastructures... Je pense que notre peuple n'y croira pas: le passé est garant de l'avenir.
    Je pense que nous avons l'occasion de repenser la façon dont le Canada traite les Premières Nations. Discutons‑en. Nous demandons à tous les membres du Cabinet, à tous les députés, ainsi qu'au premier ministre de venir rencontrer nos membres en personne; discutons‑en pendant l'été. Je l'ai dit au premier ministre, et il s'est engagé à rencontrer nos dirigeants partout au pays. Ce sont les conversations que nous devons avoir sur l'environnement et sur la façon de faire de notre pays un meilleur endroit pour tout le monde, y compris les Premières Nations.
    Nous sommes exclus du système bancaire, par exemple. Nous devons obtenir des garanties de prêts ministérielles pour demander du soutien dans certaines de nos communautés. Les gens ont toujours... Le dicton « loin des yeux, loin du cœur » s'applique à notre situation. Eh bien, nous sommes ici maintenant, et nous gagnons en force et sens de l'organisation. Le statu quo ne suffit plus. Le fait de parler de projets et de la possibilité qu'ils accélèrent les choses, ou pas... Cependant, je pense que nous devons poser la question aux titulaires de droits, et ils ont besoin d'une place à cette table, comme n'importe qui d'autre.
    En imposant ce projet de loi, vous... Respectez vos propres lois. J'ajouterai que vous bafouez les droits et les lois de nombreux autres Canadiens. Ils ont besoin d'une voix, et ils ont besoin des lois adoptées à la Chambre pour améliorer le sort de chacun. Cela signifie que chacun doit faire de la place pour les autres et que nous devons nous respecter les uns les autres. Ce que nous voyons en ce moment n'est pas synonyme de respect mutuel. Nous n'avons pas besoin de plus de colonialisme alors que celui de Trump sévit déjà à la frontière. Aucun projet de loi ne devrait être imposé.
    Merci.
(1725)
    Merci beaucoup, madame la cheffe nationale.
    Je vous remercie également, monsieur Greaves.

[Français]

     Nous passons à M. Barsalou‑Duval.
    Vous avez la parole pour six minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur St‑Hilaire.
    Vous avez mentionné, dans votre allocution d'ouverture, qu'on a l'impression de voir le gouvernement s'attribuer, sans l'admettre, des pouvoirs qui correspondent à ce qu'on appellerait des pouvoirs d'urgence selon la Constitution canadienne.
    On voit donc le gouvernement s'attribuer ce genre de pouvoir, sans l'admettre clairement et ouvertement et sans qu'il y ait un débat en profondeur.
    Comment cela devrait-il être perçu d'un point de vue démocratique et légal?
     En effet, c'est le problème que j'ai voulu relever. Le problème est celui de l'urgence qui ne s'avoue pas et qui passe pour de l'ordinaire, alors que, normalement, il devrait y avoir un débat sur le recours aux mesures d'urgence. Dans une société démocratique, c'est le rôle des oppositions de le demander. Ce n'est pas une tâche juridique. Le droit ne peut que vérifier s'il existe des motifs raisonnables de croire en l'urgence. Le contrôle doit donc être politique et, politiquement, il incombe à l'exécutif de faire la démonstration que les lois en place ne permettent pas de faire face à la situation. C'est la preuve qui devrait être faite.
    On joue sur les concepts: on fait adopter une telle loi comme s'il s'agissait d'une loi normale, on ne qualifie pas la situation d'urgente et on invoque des vertus sur lesquelles tout le monde est d'accord. Ce qu'on est en train de faire, c'est mettre de côté une bonne partie de la législation qui est là dans l'intérêt public. Une mesure d'urgence comme celle-ci consiste toujours à choisir certaines valeurs ou certains objectifs aux dépens d'autres. C'est pour cela qu'on fait une exception au régime normalement applicable. Le régime normalement applicable est là pour protéger le bien commun. Quand on prend des mesures d'exception, on met l'accent sur quelque chose de très précis. Dans ce cas-ci, l'accent est mis sur la prospérité économique. La sécurité nationale, c'est l'article 4 de la loi. C'est là.
    Or il y a un coût à cela, et il touche la protection de l'environnement, la santé publique, la reconnaissance et la protection des droits des peuples autochtones, la sécurité énergétique et la sécurité civile.
    Il y a donc une autre lacune — je vais conclure ma réponse là-dessus — en ce qui concerne l'examen de la loi qui est prévu. Cet examen ne prévoit pas mettre dans la balance les avantages et les coûts. Il n'y a pas de calcul avantage-coût. Autrement dit, on veut évaluer la loi sur la base des seuls objectifs de l'urgence sans évaluer le coût sur le plan de la protection du bien commun, qui se décline de manière très large.
    Il devrait y avoir un débat là-dessus.
(1730)
    C'est un élément très intéressant. En effet, si on évalue la loi, advenant qu'elle soit adoptée, ce qu'on peut supposer compte tenu du contexte actuel, on ne doit pas tenir compte seulement des objectifs de la loi, mais aussi des conséquences qu'aura cette loi sur toutes les autres sphères de la société.
    J'ai une autre question à vous poser. Ce projet de loi contient-il quelque chose qui limiterait l'usage abusif de ces dispositions? On prétend qu'on va invoquer l'exception pour autoriser ou accélérer certains projets. Qu'est-ce qui nous garantit, dans ce projet de loi, que l'exception ne deviendra pas la norme?
    C'est exactement le risque, celui de la normalisation des moyens d'urgence. On n'insiste pas sur la gravité du geste, on ne le souligne pas, on n'est pas transparent, on joue sur la zone d'ambiguïté et on brouille la différence entre exception et normalité. On crée ainsi un nouveau régime. D'ailleurs, dans ce cas-ci, il s'agit d'un transfert du Parlement vers l'exécutif. C'est ainsi que la loi fonctionne: elle délègue à l'exécutif le pouvoir de dérober des projets aux normes qui ont été adoptées par le législateur. Il y a quelques années, des travaux très intéressants sur un autre problème qui accompagne celui de la normalisation de l'urgence ont été faits par Tom Fleming. C'est le problème de l'inflation de la législation déléguée et de la gouverne exécutive.
    Paradoxalement, alors que vous avez tous entendu parler d'inflation législative, en réalité, c'est presque le contraire. Le problème, c'est que, de plus en plus, les Parlements se désistent et attribuent les pouvoirs d'adopter des normes de portée générale à la branche exécutive. C'est le cas dans presque tous les pays du Commonwealth. C'est un des dangers. On a un régime d'exception qui délègue à l'exécutif énormément de pouvoirs réglementaires et de possibilités d'échapper à la législation ordinaire. On crée ainsi de nouvelles habitudes, et ce qui est censé être exceptionnel devient la norme. Le justiciable, le citoyen, ne sait plus faire la distinction entre ce qui est normal et ce qui est exceptionnel.
    Merci beaucoup. C'est très intéressant.
    Malheureusement, je n'ai plus de temps de parole.
     Merci beaucoup, messieurs Barsalou‑Duval et St‑Hilaire.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Lawrence.
    La parole est à vous pendant cinq minutes.
    Je vais céder mon temps de parole à Mme Stubbs.
    Madame Stubbs, vous avez la parole.
    Merci, cher collègue.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, je tiens à vous remercier, madame la cheffe Woodhouse Nepinak, d'être parmi nous. En raison de l'échéancier que vous avez mentionné, je vais adresser mes questions à Mme Swift, mais pour revenir à vos commentaires, je dirai que si le gouvernement continue dans cette voie, je pense que les partisans de ce projet de loi devraient s'inquiéter. Bien qu'il puisse y avoir de la bonne volonté et des tentatives d'en arriver à des approbations pour les grands projets en suivant des processus adéquats, il semble probable que les décisions seront contestées, ce qui irait alors à l'encontre de l'objectif même de vouloir accélérer l'approbation des projets. J'espère que le premier ministre et les ministres vont vous écouter, car ce sont aussi les décideurs.
    Madame Swift, j'aimerais savoir si vous pourriez nous en dire plus sur les lacunes du projet de loi C‑5 que votre coalition a relevées. Je m'intéresse particulièrement à la façon dont les projets seront approuvés ou non, qui demeure un mystère. Les décisions seront prises en secret et derrière des portes closes, entre politiciens, si on se fie à ce qu'on sait jusqu'à présent.
    La formulation du projet de loi est extrêmement vague et générique. Par exemple, il est question d'approuver des projets qui vont profiter à l'économie du Canada. Franchement. Je suis désolée, mais c'est tellement... On ne dirait quand même pas que les projets vont nuire au Canada. Tout cela me paraît absurde. Cela indique selon moi que le projet de loi a été improvisé à la hâte. Le gouvernement ne fait au fond qu'énoncer des platitudes au lieu de donner des détails, comme le secteur qui serait visé.
     Comprenez‑moi bien, on a beaucoup d'information au pays sur les types de projets nécessaires. Pourquoi le projet de loi n'est‑il pas plus précis? À mon avis, c'est parce qu'on l'a improvisé en toute hâte. Le gouvernement veut se donner énormément de marge de manœuvre, et c'est un problème.
     Voyons les choses en face. C'est un problème. Comment pourrait‑on adopter un projet de loi quand on ne sait même pas de quoi il en retourne?
    Le secteur de la fabrication a malheureusement beaucoup souffert durant la dernière décennie, et pourtant comme pays nous disons que nous voulons conserver un secteur fort. Une partie du problème — et je suis économiste de formation — c'est notre énorme problème de productivité au Canada. Le principal secteur qui va aider notre productivité, c'est la fabrication; en plus du pétrole et du gaz, en fait. Ces secteurs sont si productifs qu'ils relèvent de la productivité générale de tout le pays. Pourtant, le gouvernement fédéral les néglige terriblement, tout comme certaines provinces, il faut le reconnaître.
    Le manque de détail, le caractère vague du projet de loi... je pense que c'est là un problème majeur. Le gouvernement nous demande de lui accorder toute notre confiance, mais ne nous donne pas assez de détails pour que les gens d'affaires ou les électeurs en général se sentent en confiance.
(1735)
    À ce propos, les secteurs économiques qui ont perdu le plus d'emplois l'an dernier sont en fait la fabrication et tous les secteurs clés liés aux ressources naturelles. Craignez‑vous que les délais de deux ans n'existent pas, en fait, dans le projet de loi? On affirme que les décisions seraient prises dans ces délais.
    Si vous pouviez nous en dire plus là‑dessus, à quoi sert toute cette procédure temporaire compliquée si le projet de loi C‑5permet de contourner 13 los et 5 règlements? Ne vous semble‑t‑il pas plus raisonnable que le gouvernement corrige ces fondements pour apporter une solution prévisible à long terme aux investisseurs?
    Ce serait extrêmement important, oui. Pourquoi la Loi sur l'évaluation d'impact, le plafond des émissions et autres seraient‑ils en place? À quoi nous servent toutes ces lois? Si vous voulez obtenir le pouvoir de les contourner, vous admettez au fond que ce sont de mauvaises lois. Et si c'était le cas, pourquoi les garderions‑nous? Débarrassez‑vous‑en.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, un investisseur étranger serait très méfiant, et le Canada dépend beaucoup de l'investissement étranger. Même pour les investisseurs au pays, si on veut conserver ces lois problématiques, mais qu'on prévoit les contourner de temps en temps pour réaliser un projet particulier...
     Comprenez‑moi bien, nos règlements sont assez laxistes. Si j'étais un investisseur étranger, je les fuirais comme la peste, mais nous avons désespérément besoin d'investissement. L'investissement a chuté au Canada ces dernières années. Sans lui, notre économie demeurera faible, au bas du classement du G7 comme c'est le cas présentement, et le niveau de vie de tous les Canadiens en pâtira. Parce que si l'économie se porte mal, personne ne passe un bon moment.
    Merci beaucoup, madame Swift, et merci, madame Stubbs.
    Monsieur Kelloway, la parole est à vous. Vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    C'est un honneur d'être ici aujourd'hui, parmi vous.
    Cheffe Woodhouse Nepinak, mon père a travaillé dans les mines de charbon d'Unama'ki pendant environ 35 ans. Il ne parlait pas énormément, mais il me disait qu'il n'apprenait pas guère en parlant. C'était une question d'écoute. Je tiens vraiment à vous remercier ainsi que les gens ici aujourd'hui avec qui nous avons eu des discussions informelles. J'espère que nous aurons l'occasion de discuter plus amplement.
    Cheffe nationale, je saisis cette occasion de vous donner le temps de nous parler un peu plus. Vous voulez peut‑être nous parler davantage des articles 5 et 6 proposés. Vous avez parlé de consentement libre, préalable et éclairé. Vous n'avez peut‑être pas pu nous entretenir là‑dessus. Je tiens à prendre le temps qui m'est imparti pour vous entendre à ce propos. Je pourrais vous poser une ou deux questions, sinon prenez le temps de nous expliquer cela.
    C'est très aimable à vous. Merci beaucoup.
    Écoutez, quand nous parlons de projets d'intérêt national, je pense qu'une chose que les Premières Nations ont en commun, et cela devrait être le cas pour les Canadiens aussi, c'est qu'en comblant l'écart en matière d'infrastructure des Premières Nations, nous pourrions avoir une plus grande incidence sur l'économie que toutes les mesures tarifaires négatives de Trump si elles restaient en vigueur. C'est la bonne chose à faire, mais sur le plan économique, des projets d'une telle ampleur entraîneraient d'énormes retombées pour les Premières Nations et le pays. C'est exactement ce que le premier ministre Carney a dit durant le forum virtuel des dirigeants de l'APN le 25 avril 2025, durant les élections.
    Le Canada peut aussi montrer au monde que nous pouvons réussir en étant inclusifs et en respectant les droits et les traités, puisque le produit intérieur brut du Canada repose sur l'utilisation des terres et des ressources des Premières Nations. On prévoit réaliser des projets dépassant les 560 milliards de dollars sur nos terres traditionnelles au cours des 10 prochaines années. Les retombées potentielles se chiffrent dans les billions de dollars, mais rien ne se fera sans l'appui des Premières Nations.
    Il y a l'eau potable, le logement de qualité, les routes et les sources d'énergie fiables, les écoles et les établissements de soins de santé modernes, Internet haute vitesse. Selon le Conference Board du Canada, des investissements de 350 milliards de dollars pour combler le déficit en infrastructure des Premières Nations d'ici 2030 vont générer plus de 635 milliards de dollars en productivité économique sur les sept prochaines années et créer plus de 300 000 emplois par année. Et cela ne concerne pas que les Premières Nations; bien des Canadiens vont en profiter. Cela signifie que le Canada passera de la dernière à la première place au G7 en matière de croissance annuelle moyenne du PIB par habitant. Investissons dans nos routes et dans nos écoles. S'il y a une chose par laquelle nous devrions commencer, c'est celle‑ci.
    Par ailleurs, il faut scinder le projet de loi et attendre l'été avant de continuer. Commencez par investir dans les projets d'infrastructure des Premières Nations dans nos communautés, partout au pays, pour combler cet écart pour tous nos enfants. C'est décourageant de voir la situation jour après jour. Je pense que tous nos enfants au Canada — les vôtres, les miens, nos petits‑enfants — méritent de meilleures conditions de vie qu'à l'heure actuelle. Nous pouvons y arriver en travaillant ensemble et en veillant à ce que les voix des peuples autochtones soient entendues.
    Si vous pouvez me donner un instant, monsieur le président, j'aimerais parler du consentement libre, préalable et éclairé. Les gens posent toujours des quesions là‑dessus. Si vous lisez la déclaration attentivement, la norme pour consentement libre, pralable et éclairé, c'est de l'obtenir, et pas seulement de le demander.
    C'est un consentement dit libre, car le processus pour consulter les Premières Nations et obtenir leur consentement doit être libre de toute intimidation, coercition ou autre forme de contrôle.
    Le consentement préalable, c'est la consultation et la collaboration qui précèdent la prise de décisions. On ne parle pas d'adopter un projet de loi avec des projets préapprouvés avant même de mener des consultations et de tenir un dialogue sur le consentement.
    Le consentement éclairé signifie que les peuples autochtones doivent avoir accès à toute l'information pertinente avant de prendre leurs propres décisions. Point essentiel, les peuples autochtones doivent avoir le temps et les moyens nécessaires pour prendre ces décisions, selon leurs propres processus. Pour que le consentement soit éclairé, il faut aussi que les Premières Nations soient informées sur les grands projets et aient accès à des évaluations adéquates des conséquences potentielles, comme des évaluations d'impact environnemental et social, y compris celles des Premières Nations. Cela peut comprendre les évaluations d'impact sur les droits de la ersonne, tant pour les droits collectifs que pour les droits individuels. Enfin, il pourrait s'avérer nécessaire de traduire l'information en langues autochtones.
    Nous arlons toujours de consentement libre, préalable et éclairé. Je tenais simplement à apporter ces précisions pour vous tous. Merci.
(1740)
    Merci, cheffe nationale. Je vous en suis reconnaissant.
    Merci beaucoup, cheffe nationale.

[Français]

     C'est au tour de M. Lemire de prendre la parole.
    Monsieur Lemire, vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie d'abord notre témoin Maxime St‑Hilaire. Je pense que ce qu'il a mis en lumière est particulièrement pertinent.
    On me permettra de poser ma question à la cheffe nationale Woodhouse Nepinak.
    Je vais rapporter ce qu'a dit votre conseillère juridique, hier, au Sénat, parce que j'ai trouvé particulièrement intéressante son intervention.
    À propos du projet de loi C-5, elle a dit que l'obligation de consulter et la norme de consentement libre, préalable et éclairé n'étaient pas mises en œuvre dans la mesure législative. Elle est donc interprétée et n'est pas présente de façon concrète. Une consultation plus appropriée aurait peut-être permis de répondre à ces exigences. Il faudrait des amendements, mais nous n'avons pas pris le temps de consulter les Premières Nations.
    Est-il plausible que l'adoption du projet de loi C-5, dans les circonstances actuelles, soit sous bâillon, puisse nous conduire encore à des décennies de querelles juridiques avec les Premières Nations?

[Traduction]

    Parce que vous n'entendez pas les Premières Nations directement, je pense que cela va causer de la division dès le départ, comme on le voit. Il y a une manifestation sur la Colline parlementaire cet après‑midi. Je pense qu'il y en aura plus.
    Rien n'est exclu. Les Premières Nations vont envisager toutes leurs options, comme toujours. Elles ont toujours pris soin de se protéger et ont toujours dû se défendre. C'est tellement inutile; nous sommes en 2025. Nous ne devrions pas nous traiter ainsi les uns les autres. Trump traite peut‑être les Américains de cette façon de l'autre côté de la frontière, mais n'en faisons pas autant. Soyons le bon pays que nous sommes censés être en nous respectant mutuellement.
    Une relation issue de traités, cela va dans les deux sens. Nous devons travailler ensemble. Y aura‑t‑il des poursuites judiciaires plus tard? Certainement, si vous ne vous adressez pas aux titulaires de droits. Je suis certaine qu'ils vont prendre tous les outils à leur disposition pour se protéger, et cela se comprend.
    Comme je l'ai dit, je pense que c'est une réelle occasion de discuter avec les Premières Nations pour commencer à voir comment améliorer ce projet de loi, en rédiger un autre ou apporter leurs solutions. Quoi qu'il en soit, il faut les écouter. C'est vrai même pour les Canadiens. Il y aura des contestations judiciaires interminables si vous ne vous y prenez pas de la bonne manière et dans le respect pour ce projet de loi. Je pense que le Canada pourrait s'éviter des années de litiges en procédant ainsi.
    Merci.
(1745)

[Français]

     Meegwetch.
     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Muys.
    Monsieur Muys, la parole est à vous. Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins et à ceux qui sont venus à cette réunion aujourd'hui.
    Mes questions s'adressent à Mme Swift. Je pense connaître la réponse à cette question, mais je vais vous la poser pour vous permettre d'en dire plus.
    Compte tenu de toutes les difficultés économiques auxquelles le Canada est confronté, ce projet de loi est‑il à la hauteur?
    Je crois que non. Le problème, c'est qu'il est si vague: à peu près n'importe quel projet pourrait être envisagé. Nous aimerions beaucoup y voir plus de détails et une meilleure reconnaissance des grands problèmes auxquels le Canada fait face.
    Danielle Smith m'a dit quelque chose que j'ai trouvé très pertinent, il y a quelque temps. Elle disait au fond que, parce que nous n'exploitons pas les ressources canadiennes à notre avantage... Ce n'est pas vrai seulement pour le pétrole et le gaz, mais aussi pour les minéraux. Nous pouvons compter sur une abondance de ressources au pays, et le gouvernement les a mis en veilleuse depuis 10 ans. Cela ne fait aucun doute. Pensons à une famille qui pourrait profiter de quelque chose, mais ne le fait pas. C'est tout simplement idiot. Selon elle, le monde entier nous regarde et se dit que nous avons perdu la tête. C'est bien vrai. Les autres pays nous observent. D'autres pays se sont tournés vers nous pour notre gaz naturel liquéfié...
    Permettez‑moi de vous poser une question.
    Monsieur Muys, avant que vous posiez votre question... J'arrête votre temps ici.
    Madame Swift, pourriez‑vous encore relever votre micro sur tige un peu? C'est une demande des interprètes. Ils pourront mieux vous entendre.
    Je suis désolée.
    Nul besoin.
    Il semble toujours redescendre pour une raison ou une autre.
    Quoi qu'il en soit, non, j'aimerais voir des cibles pour cette politique.
    Permettez‑moi de poser une question, si je puis. Je suis désolé.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous que le Canada a tout ce que le monde veut et que nous devrions être en plein essor.
    Voici ma question, qui concerne votre point de vue en tant que coalition de fabricants.
    Je représente la région d'Hamilton et du Sud‑Ouest de l'Ontario. Évidemment, le secteur de la fabrication y a beaucoup d'importance et était une grande force économique pour nous. L'homologation et les normes interprovinciales peuvent être tout aussi coûteuses et frustrantes que les normes internationales. Est‑ce que le projet de loi permet de résoudre ce problème d'une quelconque manière?
    Je pense que c'est un bon début.
    Je suis d'accord avec la cheffe que nous devrions scinder ces deux parties du projet de loi, parce qu'elles sont très différentes et nécessitent des examens différents. De les assembler et... Tout le monde est contre les projets de loi omnibus quand on est dans l'opposition, mais une fois au gouvernement, on inclut tout cela dans des projets de loi omnibus, parce qu'on veut faire adopter les mesures controversées avec celles que les gens accepteraient normalement.
    Je pense que c'est un bon début, pour être honnête, mais sapristi, cela fait longtemps, des dizaines d'années que je m'occupe de la question. Tout le monde est d'accord, mais rien ou presque ne se fait. J'aimerais connaître plus de détails. Tout le monde est bien intentionné, mais quand on en vient aux détails, on voit les provinces s'accrocher à leurs fiefs, et le gouvernement fédéral ne fait pas grand‑chose en la matière. J'aimerais que l'on aille bien plus loin. Je répète que les solutions génériques sont politiquement acceptables, parce que l'on « cherche à prendre des mesures ». Mais tout le monde qui connaît l'histoire des obstacles au commerce interprovincial sait que nous avons besoin de bien plus de précisions que ce que l'on trouve dans le projet de loi.
(1750)
    C'est un progrès minime. C'est sans doute plus un geste symbolique qu'autre chose.
    Jusqu'à présent, oui. Je serais très heureuse que les choses bougent, mais je répète que je m'occupe de cette question depuis des dizaines d'années. Vous savez peut‑être que j'ai été présidente de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, et j'ai vu les gouvernements de diverses affiliations politiques dirent les uns après les autres qu'ils allaient agir, etc. Honnêtement, cela m'encourage plus que les provinces aient amorcé le travail en demandant la levée de toutes les barrières avec la province X. C'est ce qu'a fait Tim Houston, par exemple.
    Pouvez-vous nous donner un exemple d'une province qui a pris des mesures en ce sens?
    Oui, je crois, par exemple, que Tim Houston a posé certains gestes intéressants en Nouvelle-Écosse. Il y a quelques années, des provinces de l'Ouest — notamment l'Alberta et la Saskatchewan — se sont réunies au sein d'une alliance et ont éliminé les barrières commerciales entre elles.
    En fait, les deux plus grandes provinces du pays, l'Ontario et le Québec, sont parmi les cancres en la matière. Elles devraient donc en faire beaucoup plus... Récemment, nous avons entendu de bonnes choses en provenance de ces deux provinces, mais c'est l'action qui compte, comme nous le savons tous. Je pense que nous avons pour l'instant eu droit à de belles paroles, mais j'aimerais que tout cela se concrétise.
    Malheureusement, les lois à ce sujet n'ont fait que s'accumuler au fil des ans, de sorte que bon nombre d'entreprises qui, comme il se doit, se sont conformées à toutes ces lois, l'ont fait dans une mesure telle que, si ces lois en venaient à être modifiées, elles s'y opposeraient. C'est donc une situation fort délicate.
    Merci beaucoup, madame Swift.
    Merci, monsieur Muys.

[Français]

     C'est maintenant votre tour, monsieur Lauzon. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais continuer sur cette lancée, madame Swift. Je n'avais pas l'intention de poser cette question, mais je reprends ce que vous avez répondu aux questions.
    Vous nous dites qu'on va trop rapidement, mais on ne va pas assez rapidement pour ce qui est du pétrole. Nous avons reçu des témoins intéressants qui nous ont parlé de corridors énergétiques avec des bonnes idées, comme l'électrification ou de petits modules nucléaires.
    Ma question est bien simple, madame Swift. Croyez-vous sincèrement que le fait d'avoir une coalition de provinces, de territoires et de municipalités peut faire en sorte que les projets vont aller mieux grâce à l'adoption du projet de loi C‑5?

[Traduction]

    C'est une bonne question, mais il n'y a pas de réponse facile. Pour être honnête, je ne le sais vraiment pas.
    Je pense simplement qu'il s'agit d'un coup de force de la part du gouvernement fédéral, parce que tout cela est tellement mal défini et trop vague. Nous avons entendu dans le discours du Trône, par exemple... La question du pétrole et du gaz est importante. Si certains estiment que nos politiques, qui ont freiné le développement de ce secteur au cours de la dernière décennie, sont efficaces, je les inviterais à jeter un coup d'œil sur les données économiques de base. Ils comprendront vite que ce n'est pas le cas. Il s'agit vraiment de savoir dans quelle mesure nous pouvons rapidement...
    Par ailleurs, cela ne fera pas du jour au lendemain. Tous ces projets ont besoin de beaucoup de temps. Je trouve la filière nucléaire très prometteuse, et le fait est que plus de gens la voient comme une solution sensée parce qu'il s'agit d'une forme d'énergie très propre. Il faut toutefois compter de 15 à 20 ans pour mettre en service une centrale nucléaire, si bien que ce ne sera pas la solution rapide recherchée pour redresser l'économie canadienne.
    Pour être honnête avec vous, je ne pense pas que le projet de loi C‑5 va permettre d'améliorer les choses. Je crois qu'il s'agit de mesures trop vagues qui s'apparentent davantage à un abus de pouvoir de la part du gouvernement. De mon point de vue de Canadienne et d'économiste, je n'ai aucune idée de ce que cela va donner. Le projet de loi fait intervenir beaucoup de subjectivité en nous demandant de faire confiance au gouvernement actuel pour qu'il voie à la mise en œuvre de ces dispositions...
    Merci.
    ... dans l'intérêt des Canadiens et pas seulement pour donner plus d'argent à ses amis libéraux.
    Je ne pense pas que l'objectif sera atteint. J'estime qu'il nous faut beaucoup plus de détails sur ce qui est proposé et que nous avons besoin de davantage de temps pour étudier le tout. Le projet de loi a été préparé à la hâte. Quiconque connaît un tant soit peu le processus législatif comprend à quel point les mesures mises de l'avant ont été élaborées rapidement. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elles sont aussi génériques. On n'entre pas dans les détails comme on devrait le faire.

[Français]

     Monsieur le président, malheureusement, l'interprétation ne se fait plus. Je crois que la témoin est difficile à entendre.
    L'interprétation est-elle arrêtée?

[Traduction]

    Nous allons faire une courte pause pour nous assurer que l'interprétation fonctionne bien.
    Assurez-vous que votre micro est au bon endroit et que vous n'êtes pas en sourdine. Quand avons-nous perdu l'interprétation?
(1755)

[Français]

    Je vais consulter le greffier.
    Monsieur le président, j'ai constaté que, quand la témoin s'exprimait plus lentement, l'interprétation continuait de se faire. Cela dit, je comprends que de l'information ne pouvait pas être interprétée adéquatement par les interprètes.
    C'est difficile, parce que j'écoutais l'interprétation.
    D'accord.

[Traduction]

    La réponse courte est non. Je ne crois pas que le projet de loi C‑5 permette d'atteindre cet objectif.
    C'est vraiment une brève réponse.
    Merci.
    L'interprétation devrait fonctionner. Je vais juste consulter mon...
    Tout fonctionne bien.
    D'accord. Il vous reste une minute, monsieur Lauzon.

[Français]

    Je vais me tourner vers M. St‑Hilaire.
    Vous avez beaucoup fait référence à une mesure d'urgence.
    La loi est claire: ce qui la lie, c'est l'importance de bâtir une économie canadienne plus forte. On ne parle pas d'état d'urgence, mais de compétitivité compte tenu de tout ce qui se passe internationalement, notamment de ce qu'on vit avec les États‑Unis.
    Le Canada doit élargir ses marchés. Il doit être meilleur. Il doit en faire davantage avec ce qu'il a en ce moment. Je ne considère pas que c'est une mesure d'urgence. Dans chacune de vos interventions, vous parlez de mesure d'urgence dans cette loi. Le Canada est à la croisée des chemins. Nous devons contrer les mesures commerciales et légales que nous avons avec les États‑Unis. Si ça, ce n'est pas une façon de faire différente du pays, je pense que rien d'autre ne pourrait définir notre pays pour bâtir ces projets.
    Comment pouvez-vous faire la nuance sans que ce soit une urgence? Le projet de loi C‑5 va améliorer la capacité de production du Canada.
     En droit, une urgence est une mesure dérogatoire au droit commun. Or des lois ont été adoptées. Vous êtes parlementaire. Des lois ont été adoptées dans le but de protéger le bien commun. Il y a toutes sortes d'objectifs, y compris l'environnement, la sécurité énergétique, la transparence et la participation des collectivités. Toutes sortes de biens communs sont recherchés par le législateur. Une mesure d'urgence consiste, par exemple, à mettre de côté la loi, si vous me permettez l'expression. Il s'agit de donner des pouvoirs à l'exécutif qu'il n'a pas, en temps normal.
    Or, juridiquement, que fait le projet de loi qui nous occupe? Il met la législation de côté...
    Il le fait pour briser les barrières commerciales. Le projet de loi veut briser les mesures des barrières commerciales qui existent entre les provinces et les territoires. Ce n'est pas nécessairement une mesure d'urgence, comme vous l'interprétez. Vous interprétez la Loi sur les mesures d'urgence.
    Dans le projet de loi C‑5, il s'agit de briser les barrières interprovinciales et de travailler avec une ouverture pour créer des corridors énergétiques afin d'être plus efficaces.
    Est-ce une question que vous me posez?
    Malheureusement, il ne reste plus de temps.
    Merci beaucoup, monsieur Lauzon.

[Traduction]

    Je veux m'assurer que nous gardions du temps pour Mme Gazan.
    Je suis d'accord pour qu'il n'y ait pas de réponse, car je veux également laisser du temps à notre collègue.
    Nous avons dépassé de 40 secondes le temps prévu pour M. Lauzon, et je veux m'assurer que nous avons le temps d'entendre Mme Gazan.
    Madame Gazan, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
    Je tiens d'abord à remercier le Comité de me donner l'occasion de poser mes questions sur ce projet de loi fort important. Je vous en suis très reconnaissante.
    L'article 5 du projet de loi C‑15 se lit comme suit: « Le gouvernement du Canada, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration. » Le projet de loi C‑15 avait pour but de faire en sorte que toutes les lois du Canada soient conformes à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    À votre avis, le projet de loi C‑5 est‑il conforme à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones?
    La question s'adresse‑t‑elle à moi?
    Oui. Je suis désolée. J'aurais dû le préciser.
(1800)
    J'inviterais Mme McGregor à bien vouloir nous dire ce qu'il en est du point de vue juridique.
    Merci.
    En vertu de l'article 5 de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, cela n'est pas laissé à l'interprétation du gouvernement. Il s'agit en fait d'une disposition exécutoire, c'est‑à‑dire que les lois du Canada doivent exiger le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Ce n'est donc pas seulement à titre d'exemple ou pour guider l'interprétation; il faut que ce soit une exigence obligatoire.
    Le projet de loi C‑5 rend‑il exécutoire le consentement préalable, libre et éclairé? Pour guider notre interprétation, nous pouvons nous en remettre uniquement aux « attendu que » figurant en préambule. Au sens de ce que prévoit l'article 5 de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui exige que cela soit exécutoire, nous ne pouvons pas dire que c'est le cas pour le projet de loi C‑5. C'est plutôt un simple instrument d'interprétation.
    Merci beaucoup.
    L'une des choses qui me choquent dans le projet de loi, c'est ce pouvoir excessif qu'il confère au Cabinet et aux ministres. L'un des articles que je trouve particulièrement stupéfiant stipule que le gouverneur en conseil « peut tenir compte de tout facteur qu'il estime pertinent, notamment dans quelle mesure le projet peut »... et parmi les facteurs énumérés... « promouvoir les intérêts des peuples autochtones ».
    Il est vraiment troublant de constater que les mêmes arguments ont été invoqués lors de la création des pensionnats, alors que l'on soutenait que c'était dans l'intérêt supérieur des Autochtones. Voilà qui nous ramène au colonialisme des années 1700.
    Le projet de loi en soi est néfaste, mais seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il est particulièrement préoccupant que le gouverneur en conseil, plutôt que les Autochtones eux-mêmes, ait le pouvoir de décider de ce qui est dans l'intérêt des peuples autochtones?
    Absolument, et nous n'avons bien sûr pas eu le temps d'examiner toutes les considérations juridiques associées à cette mesure législative. Nous n'avons eu que sept jours pour que quelques avocats se penchent sur la question. Il faudrait que d'autres spécialistes examinent le tout pour que nous puissions nous assurer d'éviter les erreurs du passé. J'estime que les pouvoirs prévus vont trop loin, ce qui ne manque pas de nous inquiéter vivement.
    Comme je l'ai dit, j'aimerais que vous puissiez entendre ce que nos dirigeants ont à dire à ce sujet. Nous n'avons pas eu la chance d'en débattre en profondeur. Nous vous demandons donc de ralentir un peu les choses en marquant une pause pour que nous puissions, comme il se doit, en discuter avec vous tous les intéressés pendant l'été.
    Je pense que je vais conclure ma réponse ainsi.
    Vous avez parlé de l'article 19 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui exige des États qu'ils demandent et obtiennent le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones avant d'adopter une mesure législative. Le gouvernement fédéral a‑t‑il respecté cette obligation dans le cas du projet de loi C‑5, oui ou non?
    Il ne l'a pas fait.
    Il ne l'a pas fait.
    En tant que cheffe nationale représentant plus de 600 Premières Nations, vous venez de nous confirmer que vous n'êtes pas d'accord avec la proposition du projet de loi C‑5 suivant laquelle le Cabinet peut déterminer ce qui est dans l'intérêt supérieur des peuples autochtones, mais pensez-vous que des modifications peuvent être apportées pour rectifier les choses? Pour revenir à l'article 19 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il est notamment précisé que l'on doit agir « de bonne foi ». Selon vous, ce projet de loi reflète‑t‑il une telle bonne foi?
    Pas du tout.
    Je dirais que le Parlement et, bien sûr, le Sénat lui-même... C'est ce que j'ai fait valoir devant le Sénat hier. J'ai dit aux sénateurs de respecter leurs propres lois et de se conformer à toutes ces lois pour lesquelles nous nous sommes battus avec acharnement devant les tribunaux. C'est malheureusement le lot des Premières Nations depuis de nombreuses années. Nous avons sans cesse gain de cause devant les tribunaux aux dépens des provinces et du gouvernement fédéral.
    En avons-nous terminé avec le système judiciaire? Allons-nous pouvoir en discuter ici avec vous pour commencer à faire bouger les choses, ou allons-nous devoir nous en remettre aux tribunaux encore une fois? Nous nous retrouvons encore et encore devant les tribunaux, et nous nous battons d'arrache-pied pour chaque élément permettant de faire avancer notre cause et de consolider notre place en tant que peuple dans ce pays.
    Je pense que tout doit commencer par le respect. Il n'y a pas de respect ici, mes amis.
    Merci beaucoup, madame Gazan, d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
    Merci.
    Au nom de tous les membres du Comité, je tiens à vous exprimer notre sincère gratitude, cheffe nationale Woodhouse Nepinak, monsieur St‑Hilaire et madame Swift, de vous être joints à nous pour nous faire part de vos points de vue sur ce projet de loi très important.
    C'est une discussion qui n'est pas terminée.
    La séance est levée.
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