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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la deuxième réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 16 juin 2025, le Comité entreprend une étude du projet de loi , Loi édictant la Loi sur le libre‑échange et la mobilité de la main‑d'œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride. Comme le prévoit le Règlement, les membres du Comité y participent en présentiel et à distance, sur la plateforme Zoom. Je demanderais à tous les participants en présentiel de prendre connaissance des consignes inscrites sur les cartes devant eux. Ces mesures ont pour but d'éviter les incidents acoustiques et les retours de son et de protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris, bien entendu, les interprètes. Vous y verrez également un code QR, qui ouvre une courte vidéo de sensibilisation.
J'aurais quelques indications pour les témoins et les membres du Comité. Avant d'intervenir, veuillez attendre que je vous donne la parole. Aux participants à distance, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez le désactiver quand vous n'avez pas la parole. Dans le bas de votre écran, vous pouvez sélectionner le canal désiré, soit l'anglais, le français ou l'original. Si vous êtes en présentiel, vous pouvez porter l'oreillette et sélectionner le canal souhaité. Je vous rappelle qu'il faut en tout temps s'adresser à la présidence. Si vous aimeriez prendre la parole, levez la main ou utilisez la fonction « main levée » sur Zoom. Le greffier et moi allons faire de notre mieux pour tenir une liste de ceux qui souhaitent intervenir. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension.
J'aimerais maintenant présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui: M. Francis Bradley, président‑directeur général d'Électricité Canada; Mme Yiota Kokkinos, conseillère exécutive principale du Forum des politiques publiques; et, à distance, M. David Robitaille, professeur titulaire, section de droit civil, faculté de droit à l'Université d'Ottawa.
Bienvenue à tous nos témoins.
Allez‑y, monsieur Albas.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Francis Bradley et je suis le PDG d'Électricité Canada.
Électricité Canada est l'association nationale de l'industrie de l'électricité. Nos membres produisent, transportent et distribuent de l'électricité dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada.
[Traduction]
Merci de m'avoir invité à donner mon avis sur le projet de loi . Je vais m'exprimer aujourd'hui uniquement sur la Loi visant à bâtir le Canada.
Nous estimons que ce projet de loi va accélérer l'approbation de grands chantiers au Canada, ce qui va contribuer à construire l'infrastructure dont le Canada a besoin pour renforcer sa souveraineté et sa sécurité économiques.
L'électricité est au cœur du succès économique du Canada. La disponibilité et l'abordabilité de l'énergie ont été essentielles à nos parents et grands-parents pour bâtir un pays prospère. L'infrastructure électrique que nous construisons aujourd'hui en fera autant pour nos enfants et nos petits-enfants.
On prévoit que la demande d'électricité propre, fiable et abordable pourrait facilement doubler dans certaines régions, propulsée par la croissance démographique, l'augmentation de la demande industrielle et les nouvelles technologies comme les véhicules électriques et les centres de données. Ce besoin ne fera que croître à mesure que le Canada mettra en œuvre des stratégies industrielles pour devenir plus concurrentiel à l'échelle mondiale.
Au cours des deux prochaines décennies, nous devrons construire plus d'infrastructures de production, de transport et de distribution que nous n'en avons construit depuis des générations. Malheureusement, le processus d'approbation des grands projets au Canada n'est pas à la hauteur, comme en témoigne le fait que nous nous classons à l'avant-dernier rang des pays de l'OCDE pour ce qui est du temps requis pour la délivrance d'un permis de construction. La simplification des approbations réglementaires est une étape nécessaire pour que la construction se fasse à un bon rythme et à grande échelle. En approuvant plus rapidement les projets énergétiques comme les installations nucléaires, les barrages hydroélectriques et les lignes de transmission, nous pourrions accélérer leur entrée en service, et en réduire les coûts et les risques afférents.
La Loi visant à bâtir le Canada est une étape clé pour accélérer les projets d'intérêt national. On ne se demande plus si on doit le faire, mais comment le faire. Nous pouvons agir plus rapidement en forgeant de solides partenariats avec les Autochtones et en protégeant l'environnement. La Loi a le potentiel d'offrir une plus grande certitude aux investisseurs. Elle reprend les principales recommandations que nous avons faites au gouvernement et qui figurent dans le rapport annuel sur l'état de l'industrie que nous vous avons remis.
Électricité Canada préconise depuis longtemps un délai maximal de deux ans pour l'approbation d'un projet et l'adoption par le gouvernement d'une approche « un seul examen par projet ». Nous croyons également qu'un bureau central des grands projets peut favoriser une meilleure coordination entre les ministères et servir de principal point de contact pour l'industrie dans un système fédéral souvent lourd. Après l'approbation d'un projet, le bureau pourrait aussi jouer un rôle dans la coordination du financement et du soutien financier.
Ce projet de loi aura un impact direct sur les projets désignés d'intérêt national — et je ne sais pas ce qui peut être d'un intérêt national plus grand qu'un réseau électrique solide —, et les leçons apprises pourraient déclencher le changement de culture qui est nécessaire au sein de nos organismes de réglementation et ouvrir la voie à d'autres améliorations. Un objectif explicite du projet de loi devrait être d'appliquer les leçons apprises à tous les projets.
En fin de compte, il est essentiel que le cadre réglementaire soit amélioré pour tous les projets. Les retards dans l'obtention des permis et des approbations ajoutent des coûts pour l'industrie, quelle que soit la taille du projet. Et ce sont les clients qui au bout du compte paient la note.
Le gouvernement doit aussi se pencher sur la façon de mieux préserver les infrastructures existantes. Si la demande doit doubler, nous devrons préserver et optimiser ce que nous avons déjà. Il arrive trop souvent que les règles fédérales compliquent l'entretien ou l'expansion des infrastructures électriques, même si elles sont en place depuis des décennies. La Loi sur les pêches en est le meilleur exemple. Les changements apportés en 2019 ont compliqué leur entretien même le plus élémentaire.
Il faut aussi s'assurer que les règles d'exploitation ne nuisent pas à la fiabilité. Le Règlement sur l'électricité propre ajoutera des coûts importants et risque de diminuer la fiabilité dans plusieurs régions au pays, sans pour autant réduire les émissions de manière significative.
De plus, la mise en place du système nécessitera des investissements importants que les contribuables ne pourront sans doute pas assumer seuls. Le Parlement doit adopter le crédit d'impôt à l'investissement pour l'électricité propre afin de soutenir les projets. Il doit également en élargir la portée pour inclure tous les investissements dans le transport et la distribution.
L'électricité est un avantage canadien. Nous avons l'un des réseaux électriques les plus propres du monde, constitué à 84 % de sources non émettrices. Il est fiable et concurrentiel, et un élément-clé du succès économique futur du Canada.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité.
Je m'appelle Yiota Kokkinos, et je suis conseillère exécutive principale au Forum des politiques publiques et ancienne directrice générale à Ressources naturelles Canada. C'est un honneur d'être parmi vous aujourd'hui.
Je pense que nous pouvons tous convenir que le Canada est à la croisée des chemins. Nous disposons des ressources et des talents nécessaires, et la demande mondiale est là, mais les grands projets d'énergie, de minéraux critiques et d'infrastructure sont lents à voir le jour. Le rapport Construire grand est un appel à l'action du Forum des politiques publiques, une feuille de route pour débloquer des milliards de dollars d'investissements, attirer des capitaux mondiaux et accélérer la construction des projets d'intérêt national.
Nous avons publié ce rapport en réponse à une baisse marquée des investissements et au besoin urgent d'une stratégie audacieuse et coordonnée pour faire avancer les projets. Ce que nous appelons le « plan de match » décrit 10 actions essentielles qui, combinées, feront en sorte que les projets clés progresseront rapidement. Le plan de match repose sur la prémisse voulant que si nous construisons grand, le Canada peut réduire sa dépendance à l'égard du marché américain, devenir un fournisseur mondial fiable d'énergie et de minéraux critiques, atteindre ses objectifs climatiques et renforcer les infrastructures qui relient notre pays et contribuent à notre souveraineté.
Permettez-moi de commencer par expliquer pourquoi il est important de construire grand. Donald Trump a donné au Canada l'électrochoc dont il avait besoin. Le Canada doit élargir son accès aux marchés et renforcer la coopération fédérale-provinciale pour rester concurrentiel. Pourtant, et malgré notre énorme potentiel, les investissements dans les grands projets sont en baisse. Navius Research a modélisé plus de 600 milliards de dollars de projets qui sont actuellement dans les livres et qui pourraient ajouter 1,1 billion de dollars au PIB d'ici 2035, soit une augmentation de 4,5 %. C'est une croissance réelle qui repose sur les ressources canadiennes, les travailleurs canadiens et le leadership canadien.
J'ajouterais qu'il ne s'agit pas seulement de croissance, car ce que nous voulons aussi, c'est disposer d'une énergie fiable et abordable pour stimuler les activités industrielles, les investissements et la création d'emploi au pays afin de pouvoir exporter dans le monde entier. Nous voulons disposer de chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques solides et atteindre nos objectifs climatiques. Et nous voulons agir de manière audacieuse et stratégique pour être concurrentiels à l'échelle mondiale.
La bonne nouvelle, c'est que les gouvernements se mobilisent pour accélérer la désignation et l'approbation de projets d'intérêt national. Le Forum des politiques publiques a réuni les gouvernements fédéral et provinciaux, les organismes de réglementation, les groupes autochtones et l'industrie dans le cadre de sa plus vaste consultation jamais menée, et nous avons cerné quatre leviers qui, s'ils sont bien arrimés, stimuleront les investissements et la croissance.
Le premier est la coordination du financement pour réduire les risques inhérents aux projets et attirer des capitaux privés. Le financement fait l'objet d'une concurrence mondiale actuellement. Certains pays prennent les devants. Nous devons donc simplifier la réglementation pour la rendre claire, agile et écologiquement efficace. Nous devons nous doter d'infrastructures clés — comme des lignes de transport, des routes, des ports — et de la main-d'œuvre nécessaire pour soutenir les grands projets de construction. Enfin, nous avons besoin de la participation économique des Autochtones. C'est un élément essentiel, qui doit être assorti d'une réelle équité et d'un accès au capital dès le premier jour.
Ce sont des mesures concrètes. Elles sont réalisables et tout à fait conformes à l'orientation du projet de loi . Ce projet de loi est une première étape cruciale, mais sa mise en œuvre passe par l'établissement de partenariats solides entre les gouvernements et avec les peuples autochtones. C'est ce qui a fait le succès des grands projets dans le passé.
Notre plan de match propose une voie à suivre, mais les détails sont importants. Nous recommandons 10 actions essentielles. Je vais en mentionner trois qui amélioreraient la mise en œuvre du projet de loi.
Premièrement, nous avons besoin d'une gouvernance forte et responsable, à commencer par le . Ces projets sont vastes et complexes et, pour réussir, nécessitent un degré élevé de surveillance. Nous suggérons la création d'un comité de sous-ministres qui se réunirait régulièrement, avec l'appui d'un comité du Cabinet, pour assurer la coordination et l'exécution. Lorsque les gouvernements sont disciplinés, concentrés, engagés et collaborent, nous pouvons réussir. Nous l'avons fait pendant la COVID, et nous pouvons le faire à nouveau.
Deuxièmement, nous devons démêler la myriade de programmes de financement fédéraux. À l'heure actuelle, les promoteurs de projets et les peuples autochtones font la navette entre la Banque de l'infrastructure du Canada, le Fonds de croissance propre et bien d'autres, au nombre d'une dizaine. Ce processus doit être coordonné. Nous avons besoin d'une porte d'entrée unique pour offrir la bonne combinaison de prêts, de garanties et d'incitatifs aux intéressés.
Troisièmement, nous avons besoin d'un bureau d'investissement stratégique — et pas seulement d'un bureau de réglementation —, soit d'une équipe pangouvernementale qui s'occupe de tout sous un même toit: financement, approbations réglementaires, infrastructure globale, participation des Autochtones, et qui possède l'expertise financière nécessaire pour évaluer les projets et optimiser les fonds publics.
En conclusion, les résultats seront tributaires de la façon dont ce projet de loi sera mis en œuvre. Il faudra un leadership fort et soutenu de la part de tous les ordres de gouvernement et un changement de culture au sein de la fonction publique pour faire tomber les cloisonnements, prioriser la collaboration, la rapidité et la résolution des problèmes, et miser sur les occasions à saisir plutôt que sur l'évitement des risques.
La mise en œuvre n'est pas une simple formalité; elle est garante du résultat.
Je vous invite à lire le rapport Construire grand sur le site Web du Forum des politiques publiques. Nous l'avons joint à notre dossier.
Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Le projet de loi édictant la Loi visant à bâtir le Canada, qui est l'objet de mon allocution aujourd'hui, pourrait avoir un effet important sur les compétences provinciales et le fédéralisme canadien. Le a exprimé publiquement le souhait que les compétences et les besoins des provinces soient respectés par ce projet de loi.
Or, tel qu'il est rédigé actuellement, celui-ci ne permet pas de concrétiser cette intention. La Loi visant à bâtir le Canada ne se limite pas explicitement aux ouvrages, aux projets ou aux infrastructures de compétence fédérale exclusive. La notion d'intérêt national est formulée de manière suffisamment large pour inclure des projets situés entièrement dans une province.
Par exemple, le préambule prévoit que sont d'intérêt national des projets qui, notamment:
renforcent la capacité du Canada de faire du commerce,
renforcent le développement des ressources naturelles du Canada ainsi que la production énergétique du Canada et ses infrastructures;
Or le développement des ressources naturelles et le renforcement de la capacité énergétique du Canada impliquent en grande partie des projets qui relèvent normalement des provinces en vertu des paragraphes 92A(1) et 92(10) de la Loi constitutionnelle de 1867. L'exploration, l'extraction et la production des ressources naturelles non renouvelables, forestières et hydroélectriques, ainsi que les considérations environnementales qui y sont liées, ont en effet été attribuées aux provinces par le constituant. Le préambule de la Loi paraît donc, à première vue, viser des ouvrages fédéraux, mais aussi provinciaux, contrairement au partage constitutionnel des compétences.
Au surplus, le projet de loi accorde un pouvoir discrétionnaire très large au gouverneur en conseil pour désigner un projet d'intérêt national. En vertu du paragraphe 5(6), cette désignation peut être faite par décret, sur recommandation du ministre, en tenant compte de certains facteurs qui ne sont ni cumulatifs ni limitatifs. Bien que le projet de loi prévoie une consultation des provinces au paragraphe 5(7), il ne conditionne pas la désignation de projets d'intérêt national à leur consentement. Cela laisse donc la porte ouverte à ce que le gouvernement fédéral impose aux provinces des décisions unilatérales dans leurs propres champs de compétence.
En ce qui concerne les conditions qui seraient imposées aux projets d'intérêt national, le projet de loi ne prévoit aucune obligation de consultation des provinces. Selon le paragraphe 7(2), le ministre responsable doit consulter les ministres fédéraux compétents ainsi que les Premières Nations concernées. Il appert donc qu'après avoir été consultées préalablement à l'inscription d'un projet à l'annexe énumérant les projets d'intérêt national, les provinces ne sont plus associées à l'élaboration des projets et au respect des conditions qui leur sont imposées. Les projets semblent donc échapper alors au contrôle des provinces et, en particulier, à l'application des normes provinciales comme celles prévues par la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec et son équivalent dans les autres provinces.
Enfin, le projet de loi utilise fréquemment l'expression « intérêt national ». Cela pourrait signifier que le Parlement considère que la Loi visant à bâtir le Canada serait un exercice valide de la doctrine de l'intérêt national en droit constitutionnel. Or, en droit constitutionnel canadien, la doctrine de l'intérêt national répond à des critères assez bien balisés par la Cour suprême du Canada, et ce, même très récemment. Pourront être d'intérêt national les matières d'importance pour le Canada dans son ensemble qui, selon une preuve claire, transcendent véritablement les intérêts provinciaux. Selon la Cour suprême, ces matières doivent être spécifiques, se distinguer nettement des matières de compétence provinciale et avoir des répercussions qui dépassent les frontières provinciales et la capacité d'agir de manière pérenne des provinces. Ce sont des critères imposés et élaborés par la Cour suprême du Canada dans son plus récent renvoi sur la tarification du carbone.
Ont notamment été reconnus comme des matières d'intérêt national: l'établissement de normes nationales minimales de tarification rigoureuse des gaz à effet de serre; la pollution de la mer intérieure des provinces; la création de la zone verte de la Commission de la capitale nationale; l'énergie nucléaire et l'aéronautique. Il s'agit de matières particulières et distinctes qui, de par leur nature et leurs effets, sont intrinsèquement de nature extraprovinciale. Les matières très larges et vagues qui constituent des agrégats de compétences provinciales ne sont donc pas d'intérêt national. C'est le cas, par exemple, de l'inflation, de l'environnement et des gaz à effet de serre en général, que la Cour a jugés comme n'étant pas d'intérêt national.
Comme vous pouvez le constater, l'intérêt national au sens constitutionnel est assez spécifique et balisé et ne correspond pas à ce qui peut être généralement considéré comme étant d'intérêt national sur les plans économique et commercial. Compte tenu de tout cela, il est loin d'être certain que la Loi visant à bâtir le Canada serait jugée valide par les tribunaux sur la base de la doctrine de l'intérêt national. Alors qu'elle comportait plusieurs références aux compétences fédérales, la Loi sur l'évaluation d'impact a néanmoins été jugée partiellement inconstitutionnelle par la Cour suprême en raison de son champ trop large et imprécis et de son empiètement sur les compétences provinciales.
En ne prévoyant pas expressément que ses objectifs sont restreints aux projets relevant des compétences fédérales, le projet de loi est ainsi exposé à un risque d'invalidité.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence, en personne ou virtuellement, et de leurs témoignages.
Cela fait 10 ans que nous, les conservateurs, réclamons du gouvernement plus de certitude, de clarté, de prévisibilité et d'équité pour que les promoteurs puissent investir et lancer des projets de construction, et que nous lui demandons d'accélérer les approbations.
Monsieur Bradley, si je peux me permettre de commencer par vous, quelles sont vos principales préoccupations face au projet de loi en ce qui concerne la clarté et la certitude?
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de voir les membres du Comité.
Je remercie les témoins d'être avec nous.
Je souligne aussi la présence de Mme May, plus loin à ma droite.
Mes questions s'adressent à vous, monsieur Bradley, et je vous remercie tous de vos témoignages, car ils soulèvent beaucoup de questions.
Nous avons parlé du projet de loi du point de vue du développement économique. Nous en avons même parlé du point de vue de l'abordabilité. Nous y reviendrons si j'ai le temps, mais je veux parler de la modélisation de la main-d'œuvre, faite ou à faire, dans votre secteur. Avons-nous une idée des possibilités d'emplois et de perfectionnement de la main-d'œuvre?
Je viens du Canada atlantique. De toute évidence, l'électricité est une source d'énergie prioritaire pour les quatre premiers ministres, qu'il s'agisse d'hydroélectricité, d'énergie nucléaire ou d'énergie éolienne extracôtière ou terrestre. J'aimerais avoir une idée de ce que ce projet de loi pourrait représenter en matière d'emplois, à court et à long terme.
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C'est une excellente question, monsieur le président.
Notre association et l'une de nos associations partenaires, Ressources humaines, industrie électrique du Canada, se sont penchées sur le défi en particulier auquel fait face le secteur de l'électricité, soit celui de combler ses besoins en main-d'œuvre. Nous avons fait des projections sur nos besoins futurs, et ils sont considérables.
J'ai mentionné plus tôt que nous nous attendons à ce que la demande d'électricité double d'ici 2050. Avons-nous suffisamment de gens pour y répondre? Non. Y aura‑t‑il une croissance importante de leur nombre dans notre secteur? Certainement.
Nous sommes très préoccupés par le bassin de talents et par la nécessité de veiller à ce qu'il suffise à la demande. Nous en avons déjà parlé. Nous avons quelques recommandations à ce sujet, tout comme Ressources humaines, industrie électrique du Canada.
J'ajouterais que le bassin de main-d'œuvre me préoccupe, mais aussi l'équipement. La chaîne d'approvisionnement est un enjeu très important et demeurera une préoccupation importante dans l'avenir.
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Oui. Nos membres et le secteur sont déterminés à travailler pour atteindre la carboneutralité dans l'ensemble de l'économie d'ici 2050. Nous sommes conscients que la seule façon d'y arriver passe d'abord par des efforts d'électrification très importants.
L'électricité est le secteur vers lequel beaucoup d'autres secteurs se tourneront pour se décarboner. Dans le secteur des transports, par exemple, comment allons-nous réduire nos émissions? Encore une fois, ce sera grâce à l'électricité, et c'est pourquoi la demande devrait augmenter considérablement à l'avenir.
Le secteur examine donc toutes les avenues possibles et une approche globale de la décarbonation. De nouvelles technologies vont voir le jour pour continuer à réduire les émissions. À l'heure actuelle, 84 % de nos émissions sont non émettrices, et ce pourcentage continuera d'augmenter.
Les émissions globales du secteur vont continuer à diminuer progressivement.
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En fait, ils ne s'y trouvent pas.
En ce qui concerne l'accord des provinces, celles-ci sont effectivement consultées pour la désignation des projets comme étant d'intérêt national, mais il s'agit seulement d'une consultation. Les gens qui ont rédigé le projet de loi n'ont peut-être pas bien concrétisé l'intention du premier ministre, puisque, si on consulte les provinces pour la désignation des projets de loi, on n'a pas besoin de leur consentement.
Par ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'on trouve, dans une loi fédérale, la tentative de ne faire qu'une seule évaluation pour un seul projet. C'est louable de faire des évaluations conjointes, auxquelles participent des gens des paliers fédéral et provincial, mais l'idée d'avoir un projet ou une évaluation fédérale ne respecte pas le fédéralisme canadien. En effet, plusieurs projets qui pourraient être touchés par cette loi sont de compétence exclusivement provinciale. Les aspects environnementaux liés aux compétences fédérales relèvent du Parlement fédéral, tandis que les effets environnementaux des projets de compétence provinciale relèvent des provinces. Or le projet de loi actuel semble vouloir remplacer les évaluations provinciales, alors que, selon le droit constitutionnel, ce n'est pas possible.
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Merci, monsieur Bradley.
Je pense que c'est une période incroyable et que le gouvernement, en prenant des mesures très limitées pour stimuler le commerce interprovincial, rate la coche.
Je vais passer à la Loi visant à bâtir le Canada. Je crains notamment que le gouvernement n'inscrive pas suffisamment de projets sur la liste des projets d'intérêt national pour que cela ait un impact.
Je sais que vous n'avez pas de chiffres exacts, mais pouvez-vous nous dire ce qui, selon vous, serait un montant conséquent pour les projets de votre industrie qui pourrait être approuvé par le gouvernement. S'agirait‑il d'un demi-milliard de dollars, d'un milliard de dollars, d'un demi-billion de dollars? Quel montant espérez-vous pour des projets qui seraient classés d'intérêt national au sein de votre industrie?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins, tant ceux qui sont en ligne que ceux qui sont présents en personne.
Je vais m'adresser à vous, madame Kokkinos. Vous avez dirigé plusieurs projets intergouvernementaux et vous nous avez démontré votre expérience.
Croyez-vous que le projet de loi pourra faciliter le travail de notre gouvernement? Pouvez-vous nous expliquer davantage comment il va harmoniser notre travail avec celui des provinces et des territoires? Par ailleurs, on a peu parlé des municipalités, qui auront pourtant un rôle à jouer. Les trois ordres de gouvernement sont concernés, ainsi que les peuples autochtones.
Pouvez-vous définir l'harmonisation que le projet de loi C‑5 va permettre dans le cadre des prochains projets?
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Merci beaucoup de la question.
Ce que le projet de loi tente de faire, c'est de réunir toutes les autorisations sous un seul ministre, mais ce n'est pas quelque chose d'unilatéral. Ce ministre — le gouverneur en conseil, comme on l'appelle, je crois — devra consulter les provinces et les territoires concernés par les projets en question, ainsi que les communautés autochtones ou les titulaires de droits concernés. Il peut aussi s'agir de municipalités. Cela ne se fera pas en vase clos; c'est ainsi que j'interprète le projet de loi.
Ce que j'aime à ce sujet, c'est que nous sortons des sentiers battus, parce que la situation l'exige. Nous ne pouvons plus envisager l'approbation de projets comme nous le faisions auparavant. Il y a un véritable élan en ce moment avec les provinces, les territoires et les titulaires de droits autochtones qui veulent travailler en collaboration pour faire avancer ces projets, parce que cela ne se produira pas autrement, vraiment pas.
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Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse encore une fois à M. Robitaille.
Vous êtes constitutionnaliste, si je ne me trompe pas, mais vous êtes d'abord et avant tout avocat de formation. Dans le processus qui nous est présenté dans le projet de loi , on voit que les projets seraient préapprouvés, de façon un peu secrète, en somme, sans qu'il y ait eu nécessairement une consultation publique au préalable. Ensuite, les évaluations seraient faites, mais on saurait à l'avance que les projets seraient approuvés. Ce serait toujours le gouvernement, voire le ministre, qui établirait les conditions. Tout cela se ferait dans un processus assez opaque.
Dans un processus normal, plusieurs instances donnent différentes approbations. Or, dans ce cas-ci, comme il n'y a qu'une seule instance, il n'y a qu'une approbation à obtenir.
Est-ce risqué, sur le plan de l'éthique?
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Le risque est qu'on ne respecte pas et qu'on escamote les lois des provinces ainsi que celles adoptées par le Parlement fédéral en matière environnementale.
M. Lauzon mentionnait qu'il y avait un chevauchement des compétences dans le fédéralisme canadien, et c'est vrai. Par contre, on ne peut pas, en raison de ce chevauchement, vouloir écarter les compétences provinciales à tout prix. Les provinces ne sont pas subordonnées au Parlement fédéral dans un partage constitutionnel des compétences. La Cour suprême l'a dit à de nombreuses reprises. Comme le Parlement, les provinces disposent de compétences exclusives. Or, dans ce projet de loi, tel qu'il est rédigé, on ne voit pas l'intention de respecter le partage des compétences. C'est cela qui pose problème.
Des évaluations conjointes ont déjà été menées. C'est rare, mais cela s'est déjà fait. Cela permet justement de considérer les provinces et les Premières Nations comme des partenaires égaux du gouvernement fédéral et non comme étant subordonnées à une autorité centrale. Il est important de prendre cela en considération dans le cadre de ce projet de loi.
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Meegwetch, chef Williams. Nous vous sommes très reconnaissants.
Chers collègues, avant d'entamer la deuxième série de questions d'aujourd'hui, j'aimerais formuler quelques commentaires à l'intention des nouveaux témoins.
Veuillez attendre que je vous reconnaisse par votre nom avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Pour ceux qui participent par l'entremise de Zoom, vous pouvez sélectionner le canal approprié pour l'interprétation au bas de votre écran. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et sélectionner le canal souhaité. Nous vous rappelons que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Chers collègues, j'aimerais maintenant accueillir nos témoins.
Tout d'abord, nous accueillons Cindy Woodhouse Nepinak, cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations. Bienvenue.
Je tiens également à souligner la présence de nombreux autres chefs qui représentent des communautés des Premières Nations de partout au pays. Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
Deuxièmement, nous accueillons, par vidéoconférence, Catherine Swift, présidente de la Coalition of Concerned Manufacturers and Businesses of Canada. Chers collègues, nous espérons pouvoir résoudre certains problèmes audio et techniques que nous éprouvons actuellement. J'espère que nous y parviendrons. En attendant, nous ne pourrons poser aucune question à Mme Swift.
Troisièmement, à titre personnel, nous accueillons Maxime St‑Hilare, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Bienvenue, monsieur.
Nous entendrons maintenant les déclarations préliminaires. Je suis heureux de vous céder la parole, cheffe nationale. Vous avez cinq minutes.
Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, bien sûr, et à souligner que nous nous trouvons sur le territoire du peuple algonquin Anishinabe.
Chi meegwetch, chef Ted, pour votre prière d'ouverture.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les membres des Premières Nations qui sont assis derrière moi. Vous savez pourquoi ils sont ici. Ils veulent vous parler. Ils veulent s'adresser à chacun et chacune d'entre vous. Je pense que notre pays peut faire mieux en procédant de cette façon.
Nous voulons parler de la façon d'accélérer les choses dans notre pays et j'aimerais que nous soyons ici, aujourd'hui, pour parler de la construction d'écoles modernes pour les enfants des Premières Nations. Il y a longtemps que nous attendons qu'on comble les lacunes en matière d'infrastructure des Premières Nations. Vous avez lu les rapports du Conference Board du Canada sur l'importance de combler les lacunes en matière d'infrastructure dans notre pays et sur les progrès que le Canada pourrait réaliser en investissant dans les peuples des Premières Nations. Cela nous donnerait un élan considérable. Une réunion du G7 se déroule en ce moment même. Le Canada occupe l'un des derniers rangs au sein des pays du G7. Si nous investissions en vue de combler ces lacunes en matière d'infrastructure, nous serions propulsés au premier rang. Je vous laisse y réfléchir de façon plus approfondie.
J'aimerais également que nous soyons ici pour accélérer le processus qui permettra d'améliorer l'accès à l'eau potable et à des logements de qualité pour les Premières Nations ou pour accélérer la construction de routes praticables en toutes saisons et assurer un accès fiable à Internet pour nos enfants. Toutefois, ce n'est pas le cas, et c'est vraiment dommage.
Hier, l'Assemblée des Premières Nations a organisé un forum d'urgence sur le projet de loi . Ce forum était la première occasion pour les dirigeants des Premières Nations d'obtenir une analyse technique du projet de loi. De nombreux chefs de tout le pays nous ont indiqué que le projet de loi n'était pas sur la bonne voie. Nous avons tous besoin de plus de temps et d'occasions pour parler du projet de loi et pour obtenir des réponses à nos questions.
En l'absence d'une résolution précise m'autorisant à vous parler du projet de loi , comme le veut la pratique habituelle de l'Assemblée des Premières Nations, je m'adresse à vous aujourd'hui en situation d'urgence, en m'appuyant sur le mandat général de la Charte de l'Association des Premières Nations, qui désigne le chef national comme porte-parole national, et sans préjudice aux droits de tout détenteur de droits des Premières Nations, et surtout ceux‑là. Tout un chacun, d'un bout à l'autre du pays, a sa propre voix et sa propre façon de faire les choses. Nous devons respecter cela.
Le projet de loi est l'un des projets de loi fédéraux les plus importants sur lesquels les Premières Nations ont dû se pencher ces dernières années. En effet, les pouvoirs conférés par ce projet de loi sont considérables. Ils présentent un risque substantiel pour de nombreux droits collectifs des Premières Nations en vertu de nos propres lois, de la Constitution et du droit international. Par conséquent, la Couronne a des obligations importantes en matière de consultation et de consentement. Il y a peut-être des renseignements à ce sujet qui ne nous ont pas été communiqués. Pour l'instant, je vous rappelle que la Déclaration des Nations unies ne manque pas de références aux consultations menées « par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives ». Les personnes nommées par le gouvernement ne sont pas clairement des représentants des peuples autochtones sur les questions relatives à nos droits inhérents et à nos droits issus de traités, à nos titres et à nos champs de compétence.
Dans le discours du Trône prononcé le 27 mai dernier, la Couronne a déclaré ce qui suit: « Tout en mettant de l’avant ses projets d’intérêt national, le gouvernement restera résolument guidé par le principe du consentement libre, préalable et éclairé. » Malgré cet engagement explicite communiqué par le souverain lui-même, les détenteurs de droits et les organismes des Premières Nations ont profité d'une période déraisonnablement courte, avant et après le dépôt du projet de loi, et d'un engagement encore plus réduit à l'égard d'un échange de points de vue. Il semble que très peu de détenteurs de droits auront l'occasion de s'adresser directement au pouvoir exécutif ou aux parlementaires avant que le Parlement ne décide du sort et de la forme de ce projet de loi.
En ce qui concerne les représentants qui ont l'occasion de comparaître, comment un détenteur de droits ou un organisme des Premières Nations peut‑il, en cinq minutes, ne serait‑ce qu'énumérer les questions juridiques en jeu, et encore moins communiquer une analyse et des conclusions sur les enjeux déterminants? Cela signifie que la Couronne ne tient pas compte de décennies d'orientation judiciaire sur les éléments nécessaires à une consultation approfondie lorsque les droits des Premières Nations sont exposés à un risque important. La Couronne ne tient pas compte de l'obligation en matière de consentement qui lui incombe en vertu de l'article 19 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
En résumé, mes amis, l'honneur de la Couronne n'est pas respecté. Une consuation approfondie nécessite un échange de renseignements dans les deux sens et s'accompagne d'un dialogue de fond. Il ne s'agit pas simplement d'inviter les détenteurs de droits des Premières Nations à s'exprimer pendant cinq minutes ou à présenter des mémoires écrits à distance. Une consultation ne signifie pas que la Couronne se contente d'écouter, de s'en aller et de décider toute seule, sans dialogue et sans échanges, du contenu et de la portée des droits des Premières Nations et des obligations correspondantes de la Couronne en vertu de la Constitution, des traités et du droit international.
La Couronne n'a fourni les détails exacts du projet de loi que le 6 juin 2025, après en avoir donné un aperçu très limité le 23 mai. Nous avons eu sept jours pour répondre.
En ce moment même, le monde des 34 Premières Nations brûle littéralement à cause du changement climatique d'origine humaine. Les Premières Nations touchées, leurs chefs et leurs conseillers n'ont aucun répit pour donner leur avis ou consulter la Couronne au sujet du projet de loi, à moins qu'ils ne parviennent par enchantement à figurer sur votre liste de témoins ainsi qu'à préparer un mémoire à votre intention tout en se protégeant pendant les évacuations qui ont lieu au pays. On s'attend à ce qu'elles subissent les répercussions de la nouvelle normalité, celle des évacuations de collectivités entières en juin, et qu'elles acceptent que le Canada souhaite imposer un projet de loi encore plus important sans même les consulter, et encore moins obtenir leur consentement.
L'article 19 de la déclaration des Nations unies prévoit que l'on applique la norme juridique relative au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause avant d'adopter des mesures législatives. Cette norme a une signification profonde. Elle est sensée et tout le monde comprend ce qu'elle signifie. Par exemple, un médecin ne peut pas opérer un patient simplement parce qu'il lui a dit que c'était nécessaire de le faire. Il doit obtenir son consentement explicite. Trop souvent, les mots utilisés au sujet des droits des peuples autochtones ont un sens différent de leur sens courant.
Je voudrais souligner certains aspects du projet de loi qui peuvent être améliorés.
Premièrement, le paragraphe 5(6) proposé contient un certain nombre de facteurs dont le gouverneur en conseil peut tenir compte pour déterminer si un projet est d'intérêt national. Les cinq facteurs énoncés devraient obligatoirement être pris en compte pour tout projet devant être désigné comme projet d'intérêt national.
Deuxièmement, l'alinéa 5(6)d) proposé devrait rendre obligatoire l'obtention du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Premières Nations lorsqu'on veut déterminer si un projet peut promouvoir les intérêts des peuples autochtones.
Je suis désolée, mais j'ai quelques difficultés techniques. Donnez-moi un instant.
Deuxièmement, l'alinéa 5(6)d) proposé devrait rendre obligatoire l'obtention du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Premières Nations lorsqu'on veut déterminer si un projet peut promouvoir les intérêts des peuples autochtones.
Troisièmement, pour limiter les répercussions sur les droits des Premières Nations, on pourrait ajouter ou modifier plusieurs dispositions afin que les Premières Nations soient protégées comme il se doit. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de participer de façon adéquate à la rédaction du projet de loi et de nous assurer que les droits des Premières Nations sont respectés.
Quatrièmement, on ne doit pas modifier ou exempter la Loi sur les Indiens unilatéralement sans le consentement des Premières Nations. La Loi sur les Indiens doit être retirée de l'annexe 2.
Enfin, en ce qui concerne le conseil consultatif autochtone, il est assez déconcertant que le gouvernement continue d'en parler comme s'il s'agissait d'une forme de réponse à son obligation de consultation. Un conseil consultatif composé de personnes nommées par le gouvernement, même s'il s'agit de membres des Premières Nations ou d'Autochtones, ne peut constituer une entité avec laquelle le gouvernement peut mener des consultations au nom des Premières Nations. Le gouvernement devrait se garder de laisser entendre qu'il pense le contraire.
Pour conclure, je rappelle que le droit à l'autodétermination des Premières Nations est un droit établi. Le Canada l'a reconnu à maintes reprises dans ses politiques et ses déclarations sur la scène internationale, ainsi que par son acceptation sans réserve de la déclaration des Nations unies. Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et la souveraineté permanente des Premières Nations sont des éléments du droit à l'autodétermination, lequel fait partie du droit international coutumier qui est juridiquement contraignant au Canada.
Sans égard à la vision coloniale qui la sous-tend, la Loi sur les Indiens a le mérite d'intégrer les exigences et les protections prévues dans la Proclamation royale de 1763. On ne peut traiter ainsi la Loi sur les Indiens sans violer la Proclamation royale, ainsi que nos droits garantis par l'article 35 et la déclaration des Nations unies. Toute mesure législative qui le propose ou l'autorise n'est pas conforme à la Constitution et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Chi meegwetch de m'avoir écoutée aujourd'hui.
Merci.
Le plan de mon allocution sera le suivant. Je vais rapidement présenter mon interprétation du projet de loi; à la lumière des meilleures pratiques mondiales dans le domaine, je vais relever des lacunes du projet; et je vais présenter rapidement des amendements qui, à mon avis, seraient les bienvenus.
Je ne pourrai pas entrer dans le détail des amendements, mais je pourrai vous en expliquer l'esprit.
En somme, le projet de loi C‑5, qui nous occupe et qui vise à bâtir le Canada, consiste à attribuer à l'exécutif le pouvoir de dérober largement des projets de son choix, à la législation fédérale ordinaire, qui sert quand même à protéger le bien commun ou l'intérêt public. Cela veut dire que l'exécutif pourra choisir des projets et les dérober à la législation normalement applicable. Là où je veux en venir, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi qui attribue un pouvoir d'exception. On déroge au droit commun. C'est donc un projet de loi qui recourt à des mesures exceptionnelles et qui investit le pouvoir exécutif de ces pouvoirs d'exception au droit commun. C'est un premier indice.
De plus, ce projet de loi est assorti d'une disposition crépusculaire. J'en reparlerai tout à l'heure, mais cela veut malheureusement dire que la limite de cinq ans ne s'applique pas à tous les pouvoirs prévus par la loi, mais, peut-être au pouvoir principal, celui du gouvernement de décréter qu'un projet est d'intérêt national. Il y a donc une disposition crépusculaire. C'est un deuxième indice.
Le troisième indice, c'est la procédure actuelle; en effet, ce projet de loi est adopté de manière accélérée, sous le bâillon.
Ce projet de loi prévoit le recours à des mesures d'urgence. C'est un projet de loi d'urgence. Ce n'est pas un projet de loi qui consiste à exercer la compétence fédérale d'urgence en tant que compétence qu'a le seul pouvoir central d'intervenir dans des domaines de compétence provinciale.
Tout à l'heure, j'ai pu entendre brièvement mon collègue le professeur Robitaille. À mon avis, le projet de loi actuel prévoit une dérogation à la législation fédérale, mais il ne prévoit pas explicitement intervenir dans des domaines de compétence provinciale, ce qui est la compétence fédérale d'urgence. Toutefois, plusieurs moyens d'urgence sont quand même envisagés, parce qu'il s'agit d'écarter des lois qui, normalement, visent à protéger l'intérêt public.
Les États de droit démocratique moderne doivent pouvoir répondre à des situations urgentes. C'est vrai. C'est vrai aussi qu'il relève de l'exécutif de prendre cette décision. Normalement, un coût politique est assorti à ça, mais il relève de l'exécutif de décider si une situation est urgente ou non.
La jurisprudence constitutionnelle canadienne et de nombreux pays reconnaissent aussi que l'urgence peut être de nature économique. C'est vrai. Chez nous, il en est ainsi depuis 1976.
Cela dit, les meilleures pratiques en matière d'urgence dans les États de droit démocratique moderne, à mon sens, s'entendent notamment de l'accompagnement de pouvoirs d'urgence d'un contrôle parlementaire resserré. L'idée est la suivante. Certes, il faut être capable de répondre à une situation d'urgence par des pouvoirs exceptionnels; certes, dans une telle situation, le contrôle judiciaire est réduit; en contrepartie, le pari selon lequel l'urgence peut rester dans les limites du droit, c'est qu'on doit quand même prévoir un contrôle parlementaire de l'exercice des pouvoirs d'urgence.
Par exemple, à cet égard, la Loi fédérale sur les mesures d'urgence est exemplaire. D'ailleurs, si elle avait été mobilisée lors de la dernière grande situation d'urgence, le gouvernement, par exemple, n'aurait pas pu gouverner aussi longtemps sans Parlement.
C'est le paradoxe de la situation: lorsque des mesures d'urgence sont employées, il y a normalement un contrôle parlementaire resserré. C'est l'esprit des amendements que je voudrais proposer ou que j'aimerais voir proposer. Un peu sur le modèle de la Loi sur les mesures d'urgence du Canada, la loi qui nous occupe devrait d'abord prévoir que tous les pouvoirs exceptionnels qu'elle attribue à l'exécutif ne peuvent être exercés plus de cinq ans. Elle devrait aussi prévoir, à mon avis, que ces pouvoirs ne peuvent pas être exercés lorsque le Parlement est dissous ou prorogé.
Ensuite, le recours à des mesures d'urgence doit se faire dans la transparence. Il faut donc admettre plus ouvertement qu'il s'agit de moyens d'urgence. Un des problèmes qu'ont les démocraties libérales modernes est celui de la pérennisation de l'urgence et de la normalisation de l'exception. En effet, on a tendance à faire un brouillage. Les pouvoirs publics tendent à brouiller la frontière entre la normalité et l'exception.
Or ce projet de loi, à mon sens, se présente un peu comme de l'urgence inavouée ou déguisée. C'est normal qu'un gouvernement pense qu'il y a une situation d'urgence. Je laisse cela aux élus. Il y a un débat politique à tenir là-dessus. Or, pour que le débat puisse avoir lieu, encore faut-il que l'urgence soit faite dans la transparence...
:
Merci, monsieur St‑Hilaire.
[Traduction]
Je cède maintenant la parole à Mme Swift.
Nous allons faire un test de son pendant sa déclaration préliminaire. Je demanderai à nos interprètes de nous confirmer que le son est bon.
Malheureusement, si ce n'est pas le cas, madame Swift, nous devrons vous demander de nous envoyer votre déclaration par courriel et peut-être un autre mémoire, si vous le souhaitez.
Cela dit, je vous cède la parole, madame. Vous disposez de cinq minutes.
Excusez-moi. Votre micro est en sourdine. Nous allons devoir vous demander de réactiver le son et de recommencer, s'il vous plaît. Je veillerai à ce que vous ne perdiez pas de temps de parole.
:
Je suis désolée. Je vais répéter ce que j'ai dit.
Je m'appelle Catherine Swift. Je suis présidente de la Coalition of Concerned Manufacturers and Businesses of Canada. C'est un groupe composé de nombreux fabricants — mais pas exclusivement de fabricants. Il s'agit d'un organisme de pression qui est en faveur de l'adoption de bonnes politiques économiques, d'une réduction de la taille de l'État et d'une utilisation judicieuse des deniers publics.
Tout d'abord, en ce qui concerne le projet de loi, je sais que beaucoup d'autres personnes l'ont déjà dit, mais je tiens à souligner que la période de consultation a été trop brève. On parle ici d'un projet de loi qui aura des effets très importants et il mérite d'être examiné plus en profondeur.
Pour l'essentiel, la deuxième partie du projet de loi donne aux libéraux le pouvoir de passer outre à un certain nombre de mesures législatives très importantes qu'ils ont mises en place au cours de la dernière décennie. Il me semble quelque peu ironique qu'ils veuillent soudainement avoir le pouvoir de bafouer cet ensemble de mesures législatives très libérales.
Je vais vous dire ce qui serait préférable, à mon avis. Concernant les mesures telles que le plafonnement des émissions de l'industrie pétrolière et gazière, la taxe sur le carbone pour les industries en particulier, l'interdiction des pétroliers dans les eaux du Nord de la Colombie-Britannique et même certaines choses qui ont été proposées comme le mécanisme d'ajustement à la frontière pour le carbone, dont il a été question, il vaudrait mieux les supprimer ou il aurait mieux valu ne pas les introduire du tout, plutôt que de se donner le pouvoir d'y passer outre. Principalement, c'est que les investisseurs...
Nous savons que les investissements étrangers et canadiens ont chuté au pays ces 10 dernières années en raison de la mise en place de mauvaises politiques qui ont eu pour effet de décourager les investisseurs et de créer de l'incertitude. Pourquoi ne pas éliminer ces mesures législatives? Si j'étais investisseuse, je me dirais « d'accord, ils ont le pouvoir de passer outre à ces mesures législatives, mais elles demeurent toutes en vigueur. » Si elles posent tant de problèmes, pourquoi ne pas simplement les éliminer au lieu d'y passer outre ou de se donner le pouvoir de le faire de temps à autre?
Il y a également le risque de dépenses colossales. Nous savons que les infrastructures coûtent extrêmement cher. Au cours de la dernière décennie, le gouvernement libéral a dépensé d'énormes sommes en fonds publics pour ses copains. De plus, on a pu constater l'incompétence flagrante de la bureaucratie fédérale, qui est incapable de dépenser efficacement l'argent des contribuables. Les exemples sont nombreux. L'affaire ArriveCAN est l'un des plus récents et des plus scandaleux, mais il y en a eu beaucoup d'autres, surtout pendant la pandémie, durant laquelle l'argent coulait à flots sans que cela donne souvent grand-chose en retour.
En outre, le libellé du projet de loi est trop vague. D'autres personnes l'ont également souligné. se voit accorder un pouvoir décisionnel prépondérant. Il est député du gouvernement libéral depuis une dizaine d'années et il a vraisemblablement appuyé l'adoption de nombreuses mesures législatives que le projet de loi vise à bafouer. La situation n'inspire pas confiance au milieu des affaires.
Vous précipitez les choses. La Chambre ne siège que quelques semaines, puis elle fait une pause estivale. Le secret entourant le processus suscite de nombreuses inquiétudes chez les gens. Il y a eu des choses dans le passé, comme la caisse noire environnementale, l'ingérence dans les élections et le fiasco de l'organisme UNIS. Il y a beaucoup de problèmes que le gouvernement... et bon nombre des députés élus aujourd'hui faisaient partie de ce gouvernement. Il n'y a aucune confiance. Précipiter les choses n'aide en rien.
À mon avis, la période de cinq ans est trop courte pour un projet de loi qui accorde d'énormes pouvoirs à n'importe quel gouvernement, quel qu'il soit. Je pense que l'on devrait diviser le projet de loi en deux parties. Le volet sur le commerce interprovincial est tout à fait différent et il est fortement appuyé par le milieu des affaires, contrairement au deuxième volet du projet de loi, qui modifierait les pouvoirs du gouvernement.
Notre organisme est très favorable à la mise en œuvre de projets qui aideront énormément notre économie à sortir du marasme dans lequel elle se trouve depuis une décennie — la situation économique au Canada est catastrophique —, mais aussi à l'amélioration du niveau de vie du Canadien moyen. Cela ne doit toutefois pas signifier qu'il faut accorder à un gouvernement, quel qu'il soit, les pouvoirs vagues et mal définis que prévoit le projet de loi .
Enfin, nous avons besoin de pipelines. Nous avons besoin d'oléoducs et de gazoducs au pays pour exploiter nos abondantes ressources pétrolières et gazières. S'il y avait une seule mesure que le gouvernement pourrait prendre pour stimuler rapidement notre économie et nous sortir de la morosité dans laquelle nous sommes depuis si longtemps, ce serait de construire des pipelines et d'exporter notre gaz naturel — notamment le gaz naturel liquéfié. Ce qui est paradoxal, c'est que cela aiderait aussi énormément l'économie mondiale, car les pays moins développés pourraient ainsi abandonner des sources d'énergie plus polluantes.
Puisque le gouvernement libéral semble être très pressé, que la Chambre ne siège que trois semaines et que très peu de consultations sur un projet de loi aussi important ont lieu, nous devons donner la priorité au secteur pétrolier et gazier. C'est ce qu'il faut faire si nous voulons vraiment obtenir d'importants résultats le plus rapidement possible, plutôt que d'opter, par exemple, pour un projet de corridor électrique traversant le pays qui augmenterait considérablement la capacité du réseau pour les Canadiens, mais qui serait par ailleurs très difficile à mettre en œuvre et qui reposerait sur des sources d'énergie peu fiables.
Merci beaucoup. Je serai ravie de répondre à toutes vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Chef Williams, je vous remercie de votre prière d'ouverture. Cheffe nationale Woodhouse Nepinak, je vous remercie de votre présence. Merci à tous les témoins.
Je suis certainement fière de travailler avec les collectivités autochtones visées par le Traité no 6. Ce dont vous avez parlé au début, quant à ce que vous aimeriez voir se concrétiser sans tarder, correspond à ce que disent les dirigeants des cinq Premières Nations et des quatre établissements métis avec lesquels je travaille là‑bas.
Vous avez mentionné que vous avez eu une première occasion d'assister à une séance d'information technique sur le projet de loi hier, et vous en avez d'ailleurs parlé. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus sur vos préoccupations concernant la capacité d'un cabinet de passer temporairement outre aux dispositions de la Loi sur les Indiens, ou à d'autres dispositions que vous souhaitez mentionner, par voie de règlement sans consulter les Premières Nations ni obtenir leur consentement.
On peut en partie comprendre pourquoi les ministres devraient venir témoigner devant le Comité au sujet de ce projet de loi puisqu'ils sont aussi des décideurs et que c'est leur obligation et leur devoir de consulter les Premières Nations.
Madame la cheffe Woodhouse Nepinak, vous prônez ardemment les possibilités de propriété et de partenariat, et les communautés de Lakeland sont sans contredit des propriétaires et des productrices d'énergies, tant conventionnelles que propres.
Compte tenu de la diversité des points de vue, des valeurs, des aspirations et des ambitions des plus de 600 Premières Nations d'un bout à l'autre du Canada, je me demande si vous pourriez, dans l'intérêt des députés ici présents et des Canadiens, parler un peu des droits, des détenteurs de titres et de l'obligation de les consulter. Pouvez-vous aussi décrire, selon vous, la forme que prendrait une réelle consultation fructueuse.
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Tout d'abord, je pense que de nombreux chefs derrière moi devraient être entendus sur le projet de loi . Certains chefs sont favorables aux possibilités de développement économique que ce projet de loi pourrait offrir, tandis que d'autres s'opposent complètement au texte de loi. Je pense que le principal problème que j'entends au sujet de ce projet de loi, c'est qu'il est adopté à toute vapeur sans consultation ni consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations. Si je peux m'adresser à vous tous, je vais demander à Mme McGregor de nous en dire un peu plus à ce sujet.
Scindez ce projet de loi. Renvoyez le projet de loi pour une étude plus approfondie et permettez aux titulaires de droits des Premières Nations d'assister aux audiences afin qu'ils vous disent directement leurs opinions sur leurs droits, leurs titres, leurs communautés et leurs modes de vie. Je pense que notre pays se trouve à un moment charnière. Cela a toujours été... surtout pour les Premières Nations. Nous formons le seul peuple au monde à être assujetti à la Loi sur les Indiens. Aucun autre groupe — pas même les Inuits ou les Métis — n'est assujetti à des lois comme celles qui nous régissent.
Bien sûr, cela vient avec... Le Canada n'a pas toujours été tendre envers les Premières Nations. Il semble que nous ayons maintenant fait des progrès au fil des ans. Nous essayons de mieux communiquer. Nous essayons de nous réunir à différents forums. Le sort de certaines communautés s'améliore alors que d'autres communautés tentent d'obtenir le strict minimum pour leurs enfants, et il y a cet énorme déficit d'infrastructure. Cependant, lorsque vous adoptez des projets de loi à toute vapeur à la Chambre sans tenir compte du moment... et je l'ai dit au et à la ministre. Je continue à tous vous encourager à scinder ce projet de loi. Arrêtons le processus pendant un certain temps et permettons aux Premières Nations d'être consultées comme il se doit.
Je ne veux pas parler au nom des titulaires de droits. On ne m'a pas donné ce mandat. Nous nous réunirons les 3, 4 et 5 septembre. Je suis impatiente d'écouter mes chefs et d'obtenir des précisions sur ce que je pourrai et ne pourrai pas dire à ce moment‑là. Entretemps, je pense que vous avez tous l'occasion cet été de vous rendre dans les communautés de vos régions et de discuter avec nos dirigeants et les membres de nos Premières Nations d'un océan à l'autre. Il y a des Premières Nations dans chacune des régions que vous représentez.
Encore une fois, je vous félicite tous de votre élection récente, mais ne commençons pas la législature ainsi. Débutons sur de meilleures bases en nous respectant les uns les autres et en coopérant plus étroitement au lieu de nous diviser et d'avoir un Canada très morcelé à un moment où nous devons être unis. Les Premières Nations ont toujours défendu ce pays, mais le fait de nous tenir à l'écart et d'empêcher certaines voix d'être entendues n'est pas la façon appropriée de faire avancer ce projet de loi. Je vous demande de scinder ce projet de loi, de suspendre les travaux pendant l'été et de permettre une consultation en bonne et due forme de nos nations.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, chers collègues.
Je vous remercie de votre présence, madame la cheffe nationale.
Je remercie les autres témoins, chefs et dirigeants présents dans la salle aujourd'hui. C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous alors que j'assiste pour la première fois à une réunion en personne d'un comité du Parlement du Canada.
Madame la cheffe nationale, si vous me le permettez, étant donné, comme vous l'avez souligné, le temps limité qui a été accordé aux Premières Nations et aux autres peuples autochtones pour se prononcer sur le contenu de ce projet de loi, je me demande si nous pourrions aborder certaines des améliorations qui pourraient être apportées aux dispositions à la lumière des commentaires que vous avez faits.
Vous avez fait remarquer que l'alinéa 5(6)d) proposé dans le projet de loi pourrait être étoffé en y ajoutant que le consentement libre, préalable et éclairé est une composante obligatoire pour les Premières Nations, qui va au‑delà de l'idée de consultation. Je me demande si vous pensez que l'inclusion du consentement libre, préalable et éclairé ailleurs dans le projet de loi — notamment aux alinéas 7(2)c) et 8(3)b) tel qu'ils sont proposés — pourrait, au même titre, étoffer le libellé et l'engagement à garantir non seulement la consultation, mais aussi le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.
Est‑ce que des changements en ce sens permettraient un début de solution aux préoccupations que vous soulevez aujourd'hui? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Je dirai ceci: je n'ai pas d'amendements précis à proposer, car l'assemblée des chefs ne m'a pas confié le mandat de présenter une position sur la façon d'amender ce projet de loi. Cependant, j'ajouterai que vous devriez entendre directement les titulaires de droits des Premières Nations et que nous sommes préoccupés par le pouvoir absolu du Cabinet de déterminer quels projets sont d'intérêt national en fonction de ce que le Cabinet estime être dans l'intérêt supérieur des Premières Nations. Nous sommes également inquiets du pouvoir du Cabinet de décider unilatéralement que les lois ne s'appliquent pas, comme la Loi sur l'évaluation d'impact.
Nous sommes préoccupés de voir que l'obligation de consulter et la Déclaration des Nations unies ne sont pas appliquées dans le projet de loi. Nous sommes préoccupés par l'inclusion de la Loi sur les Indiens à l'annexe 2 du projet de loi, qui devrait être supprimée de la liste. Voilà les grandes lignes que nous ont dites les chefs de partout au pays lors de notre discussion de lundi.
Ils ont aussi besoin de temps pour demander à leurs avocats d'examiner le projet de loi, et pour consulter leurs analystes des politiques, les sages de leurs communautés, les aînés et les jeunes. Or, ils n'ont pas eu le temps de le faire. Beaucoup d'entre eux combattent encore des incendies. Ils n'ont probablement même pas eu le temps d'examiner ce texte de loi.
Je ne sais pas, madame McGregor, si vous avez quelque chose à ajouter.
Je vais changer quelque peu de sujet, mais vous venez d'y faire allusion, madame la cheffe nationale, comme vous l'avez fait au début de votre déclaration: les incendies qui font actuellement rage dans une grande partie du centre du Canada — dans une grande partie des Prairies — et la crise climatique que nous vivons. Il est urgent de passer à une économie axée sur l'énergie propre et d'essayer d'éliminer certaines des causes qui contribuent à la dégradation de l'environnement naturel.
Dans ce contexte, qui s'ajoute à l'absence d'infrastructures essentielles qui perdure dans de nombreuses communautés des Premières Nations, comme vous l'avez souligné — le besoin criant d'investissements continus en logement, en éducation et dans d'autres services essentiels dans de nombreuses régions du pays —, pourriez-vous nous dire ce que vous ou les chefs avec qui vous travaillez si étroitement pensez de la possibilité que des projets d'importance nationale, tels qu'ils sont décrits dans ce projet de loi, puissent être un moyen d'accélérer les solutions à ces problèmes?
Indépendamment des questions sur la consultation que vous avez très clairement décrites, pourriez-vous nous dire si les projets eux-mêmes pourraient être un moyen d'accélérer le rythme auquel nous relevons ces défis pour les communautés autochtones?
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Des projets voient le jour dans ce pays depuis sa création. Comment profitent-ils aux membres des Premières Nations alors que nos jeunes enfants n'ont pas d'eau potable, de maisons adéquates et qu'ils n'ont pas accès à de bonnes écoles fiables? Nous avons besoin de construire beaucoup d'écoles dans les communautés des Premières Nations partout au pays. Si on attend des projets dans nos régions qui n'ont pas fonctionné par le passé... S'ils sont si fructueux, pourquoi ne fonctionnent-ils pas pour les Premières Nations du Canada?
Nous sommes à un moment charnière — j'en suis consciente — où nous pouvons essayer de changer notre avenir. Cependant, ce changement de trajectoire ne sera pas possible si on ne donne pas une voix à notre peuple pour qu'il exprime ses besoins et la façon d'améliorer notre pays ensemble. Nous ne voulons pas nous y prendre en disant que nous aurons peut-être un projet ici, ou une école ou une maison. Si on essaie de croire que tous ces grands projets d'intérêt verront le jour — que, du jour au lendemain, les Premières Nations auront toutes ces infrastructures... Je pense que notre peuple n'y croira pas: le passé est garant de l'avenir.
Je pense que nous avons l'occasion de repenser la façon dont le Canada traite les Premières Nations. Discutons‑en. Nous demandons à tous les membres du Cabinet, à tous les députés, ainsi qu'au de venir rencontrer nos membres en personne; discutons‑en pendant l'été. Je l'ai dit au premier ministre, et il s'est engagé à rencontrer nos dirigeants partout au pays. Ce sont les conversations que nous devons avoir sur l'environnement et sur la façon de faire de notre pays un meilleur endroit pour tout le monde, y compris les Premières Nations.
Nous sommes exclus du système bancaire, par exemple. Nous devons obtenir des garanties de prêts ministérielles pour demander du soutien dans certaines de nos communautés. Les gens ont toujours... Le dicton « loin des yeux, loin du cœur » s'applique à notre situation. Eh bien, nous sommes ici maintenant, et nous gagnons en force et sens de l'organisation. Le statu quo ne suffit plus. Le fait de parler de projets et de la possibilité qu'ils accélèrent les choses, ou pas... Cependant, je pense que nous devons poser la question aux titulaires de droits, et ils ont besoin d'une place à cette table, comme n'importe qui d'autre.
En imposant ce projet de loi, vous... Respectez vos propres lois. J'ajouterai que vous bafouez les droits et les lois de nombreux autres Canadiens. Ils ont besoin d'une voix, et ils ont besoin des lois adoptées à la Chambre pour améliorer le sort de chacun. Cela signifie que chacun doit faire de la place pour les autres et que nous devons nous respecter les uns les autres. Ce que nous voyons en ce moment n'est pas synonyme de respect mutuel. Nous n'avons pas besoin de plus de colonialisme alors que celui de Trump sévit déjà à la frontière. Aucun projet de loi ne devrait être imposé.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à vous, monsieur St‑Hilaire.
Vous avez mentionné, dans votre allocution d'ouverture, qu'on a l'impression de voir le gouvernement s'attribuer, sans l'admettre, des pouvoirs qui correspondent à ce qu'on appellerait des pouvoirs d'urgence selon la Constitution canadienne.
On voit donc le gouvernement s'attribuer ce genre de pouvoir, sans l'admettre clairement et ouvertement et sans qu'il y ait un débat en profondeur.
Comment cela devrait-il être perçu d'un point de vue démocratique et légal?
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En effet, c'est le problème que j'ai voulu relever. Le problème est celui de l'urgence qui ne s'avoue pas et qui passe pour de l'ordinaire, alors que, normalement, il devrait y avoir un débat sur le recours aux mesures d'urgence. Dans une société démocratique, c'est le rôle des oppositions de le demander. Ce n'est pas une tâche juridique. Le droit ne peut que vérifier s'il existe des motifs raisonnables de croire en l'urgence. Le contrôle doit donc être politique et, politiquement, il incombe à l'exécutif de faire la démonstration que les lois en place ne permettent pas de faire face à la situation. C'est la preuve qui devrait être faite.
On joue sur les concepts: on fait adopter une telle loi comme s'il s'agissait d'une loi normale, on ne qualifie pas la situation d'urgente et on invoque des vertus sur lesquelles tout le monde est d'accord. Ce qu'on est en train de faire, c'est mettre de côté une bonne partie de la législation qui est là dans l'intérêt public. Une mesure d'urgence comme celle-ci consiste toujours à choisir certaines valeurs ou certains objectifs aux dépens d'autres. C'est pour cela qu'on fait une exception au régime normalement applicable. Le régime normalement applicable est là pour protéger le bien commun. Quand on prend des mesures d'exception, on met l'accent sur quelque chose de très précis. Dans ce cas-ci, l'accent est mis sur la prospérité économique. La sécurité nationale, c'est l'article 4 de la loi. C'est là.
Or il y a un coût à cela, et il touche la protection de l'environnement, la santé publique, la reconnaissance et la protection des droits des peuples autochtones, la sécurité énergétique et la sécurité civile.
Il y a donc une autre lacune — je vais conclure ma réponse là-dessus — en ce qui concerne l'examen de la loi qui est prévu. Cet examen ne prévoit pas mettre dans la balance les avantages et les coûts. Il n'y a pas de calcul avantage-coût. Autrement dit, on veut évaluer la loi sur la base des seuls objectifs de l'urgence sans évaluer le coût sur le plan de la protection du bien commun, qui se décline de manière très large.
Il devrait y avoir un débat là-dessus.
Merci, monsieur le président.
Encore une fois, je tiens à vous remercier, madame la cheffe Woodhouse Nepinak, d'être parmi nous. En raison de l'échéancier que vous avez mentionné, je vais adresser mes questions à Mme Swift, mais pour revenir à vos commentaires, je dirai que si le gouvernement continue dans cette voie, je pense que les partisans de ce projet de loi devraient s'inquiéter. Bien qu'il puisse y avoir de la bonne volonté et des tentatives d'en arriver à des approbations pour les grands projets en suivant des processus adéquats, il semble probable que les décisions seront contestées, ce qui irait alors à l'encontre de l'objectif même de vouloir accélérer l'approbation des projets. J'espère que le et les ministres vont vous écouter, car ce sont aussi les décideurs.
Madame Swift, j'aimerais savoir si vous pourriez nous en dire plus sur les lacunes du projet de loi que votre coalition a relevées. Je m'intéresse particulièrement à la façon dont les projets seront approuvés ou non, qui demeure un mystère. Les décisions seront prises en secret et derrière des portes closes, entre politiciens, si on se fie à ce qu'on sait jusqu'à présent.
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La formulation du projet de loi est extrêmement vague et générique. Par exemple, il est question d'approuver des projets qui vont profiter à l'économie du Canada. Franchement. Je suis désolée, mais c'est tellement... On ne dirait quand même pas que les projets vont nuire au Canada. Tout cela me paraît absurde. Cela indique selon moi que le projet de loi a été improvisé à la hâte. Le gouvernement ne fait au fond qu'énoncer des platitudes au lieu de donner des détails, comme le secteur qui serait visé.
Comprenez‑moi bien, on a beaucoup d'information au pays sur les types de projets nécessaires. Pourquoi le projet de loi n'est‑il pas plus précis? À mon avis, c'est parce qu'on l'a improvisé en toute hâte. Le gouvernement veut se donner énormément de marge de manœuvre, et c'est un problème.
Voyons les choses en face. C'est un problème. Comment pourrait‑on adopter un projet de loi quand on ne sait même pas de quoi il en retourne?
Le secteur de la fabrication a malheureusement beaucoup souffert durant la dernière décennie, et pourtant comme pays nous disons que nous voulons conserver un secteur fort. Une partie du problème — et je suis économiste de formation — c'est notre énorme problème de productivité au Canada. Le principal secteur qui va aider notre productivité, c'est la fabrication; en plus du pétrole et du gaz, en fait. Ces secteurs sont si productifs qu'ils relèvent de la productivité générale de tout le pays. Pourtant, le gouvernement fédéral les néglige terriblement, tout comme certaines provinces, il faut le reconnaître.
Le manque de détail, le caractère vague du projet de loi... je pense que c'est là un problème majeur. Le gouvernement nous demande de lui accorder toute notre confiance, mais ne nous donne pas assez de détails pour que les gens d'affaires ou les électeurs en général se sentent en confiance.
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Ce serait extrêmement important, oui. Pourquoi la Loi sur l'évaluation d'impact, le plafond des émissions et autres seraient‑ils en place? À quoi nous servent toutes ces lois? Si vous voulez obtenir le pouvoir de les contourner, vous admettez au fond que ce sont de mauvaises lois. Et si c'était le cas, pourquoi les garderions‑nous? Débarrassez‑vous‑en.
Comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, un investisseur étranger serait très méfiant, et le Canada dépend beaucoup de l'investissement étranger. Même pour les investisseurs au pays, si on veut conserver ces lois problématiques, mais qu'on prévoit les contourner de temps en temps pour réaliser un projet particulier...
Comprenez‑moi bien, nos règlements sont assez laxistes. Si j'étais un investisseur étranger, je les fuirais comme la peste, mais nous avons désespérément besoin d'investissement. L'investissement a chuté au Canada ces dernières années. Sans lui, notre économie demeurera faible, au bas du classement du G7 comme c'est le cas présentement, et le niveau de vie de tous les Canadiens en pâtira. Parce que si l'économie se porte mal, personne ne passe un bon moment.
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C'est très aimable à vous. Merci beaucoup.
Écoutez, quand nous parlons de projets d'intérêt national, je pense qu'une chose que les Premières Nations ont en commun, et cela devrait être le cas pour les Canadiens aussi, c'est qu'en comblant l'écart en matière d'infrastructure des Premières Nations, nous pourrions avoir une plus grande incidence sur l'économie que toutes les mesures tarifaires négatives de Trump si elles restaient en vigueur. C'est la bonne chose à faire, mais sur le plan économique, des projets d'une telle ampleur entraîneraient d'énormes retombées pour les Premières Nations et le pays. C'est exactement ce que le a dit durant le forum virtuel des dirigeants de l'APN le 25 avril 2025, durant les élections.
Le Canada peut aussi montrer au monde que nous pouvons réussir en étant inclusifs et en respectant les droits et les traités, puisque le produit intérieur brut du Canada repose sur l'utilisation des terres et des ressources des Premières Nations. On prévoit réaliser des projets dépassant les 560 milliards de dollars sur nos terres traditionnelles au cours des 10 prochaines années. Les retombées potentielles se chiffrent dans les billions de dollars, mais rien ne se fera sans l'appui des Premières Nations.
Il y a l'eau potable, le logement de qualité, les routes et les sources d'énergie fiables, les écoles et les établissements de soins de santé modernes, Internet haute vitesse. Selon le Conference Board du Canada, des investissements de 350 milliards de dollars pour combler le déficit en infrastructure des Premières Nations d'ici 2030 vont générer plus de 635 milliards de dollars en productivité économique sur les sept prochaines années et créer plus de 300 000 emplois par année. Et cela ne concerne pas que les Premières Nations; bien des Canadiens vont en profiter. Cela signifie que le Canada passera de la dernière à la première place au G7 en matière de croissance annuelle moyenne du PIB par habitant. Investissons dans nos routes et dans nos écoles. S'il y a une chose par laquelle nous devrions commencer, c'est celle‑ci.
Par ailleurs, il faut scinder le projet de loi et attendre l'été avant de continuer. Commencez par investir dans les projets d'infrastructure des Premières Nations dans nos communautés, partout au pays, pour combler cet écart pour tous nos enfants. C'est décourageant de voir la situation jour après jour. Je pense que tous nos enfants au Canada — les vôtres, les miens, nos petits‑enfants — méritent de meilleures conditions de vie qu'à l'heure actuelle. Nous pouvons y arriver en travaillant ensemble et en veillant à ce que les voix des peuples autochtones soient entendues.
Si vous pouvez me donner un instant, monsieur le président, j'aimerais parler du consentement libre, préalable et éclairé. Les gens posent toujours des quesions là‑dessus. Si vous lisez la déclaration attentivement, la norme pour consentement libre, pralable et éclairé, c'est de l'obtenir, et pas seulement de le demander.
C'est un consentement dit libre, car le processus pour consulter les Premières Nations et obtenir leur consentement doit être libre de toute intimidation, coercition ou autre forme de contrôle.
Le consentement préalable, c'est la consultation et la collaboration qui précèdent la prise de décisions. On ne parle pas d'adopter un projet de loi avec des projets préapprouvés avant même de mener des consultations et de tenir un dialogue sur le consentement.
Le consentement éclairé signifie que les peuples autochtones doivent avoir accès à toute l'information pertinente avant de prendre leurs propres décisions. Point essentiel, les peuples autochtones doivent avoir le temps et les moyens nécessaires pour prendre ces décisions, selon leurs propres processus. Pour que le consentement soit éclairé, il faut aussi que les Premières Nations soient informées sur les grands projets et aient accès à des évaluations adéquates des conséquences potentielles, comme des évaluations d'impact environnemental et social, y compris celles des Premières Nations. Cela peut comprendre les évaluations d'impact sur les droits de la ersonne, tant pour les droits collectifs que pour les droits individuels. Enfin, il pourrait s'avérer nécessaire de traduire l'information en langues autochtones.
Nous arlons toujours de consentement libre, préalable et éclairé. Je tenais simplement à apporter ces précisions pour vous tous. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie d'abord notre témoin Maxime St‑Hilaire. Je pense que ce qu'il a mis en lumière est particulièrement pertinent.
On me permettra de poser ma question à la cheffe nationale Woodhouse Nepinak.
Je vais rapporter ce qu'a dit votre conseillère juridique, hier, au Sénat, parce que j'ai trouvé particulièrement intéressante son intervention.
À propos du projet de loi , elle a dit que l'obligation de consulter et la norme de consentement libre, préalable et éclairé n'étaient pas mises en œuvre dans la mesure législative. Elle est donc interprétée et n'est pas présente de façon concrète. Une consultation plus appropriée aurait peut-être permis de répondre à ces exigences. Il faudrait des amendements, mais nous n'avons pas pris le temps de consulter les Premières Nations.
Est-il plausible que l'adoption du projet de loi C-5, dans les circonstances actuelles, soit sous bâillon, puisse nous conduire encore à des décennies de querelles juridiques avec les Premières Nations?
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Parce que vous n'entendez pas les Premières Nations directement, je pense que cela va causer de la division dès le départ, comme on le voit. Il y a une manifestation sur la Colline parlementaire cet après‑midi. Je pense qu'il y en aura plus.
Rien n'est exclu. Les Premières Nations vont envisager toutes leurs options, comme toujours. Elles ont toujours pris soin de se protéger et ont toujours dû se défendre. C'est tellement inutile; nous sommes en 2025. Nous ne devrions pas nous traiter ainsi les uns les autres. Trump traite peut‑être les Américains de cette façon de l'autre côté de la frontière, mais n'en faisons pas autant. Soyons le bon pays que nous sommes censés être en nous respectant mutuellement.
Une relation issue de traités, cela va dans les deux sens. Nous devons travailler ensemble. Y aura‑t‑il des poursuites judiciaires plus tard? Certainement, si vous ne vous adressez pas aux titulaires de droits. Je suis certaine qu'ils vont prendre tous les outils à leur disposition pour se protéger, et cela se comprend.
Comme je l'ai dit, je pense que c'est une réelle occasion de discuter avec les Premières Nations pour commencer à voir comment améliorer ce projet de loi, en rédiger un autre ou apporter leurs solutions. Quoi qu'il en soit, il faut les écouter. C'est vrai même pour les Canadiens. Il y aura des contestations judiciaires interminables si vous ne vous y prenez pas de la bonne manière et dans le respect pour ce projet de loi. Je pense que le Canada pourrait s'éviter des années de litiges en procédant ainsi.
Merci.
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Je pense que c'est un bon début.
Je suis d'accord avec la cheffe que nous devrions scinder ces deux parties du projet de loi, parce qu'elles sont très différentes et nécessitent des examens différents. De les assembler et... Tout le monde est contre les projets de loi omnibus quand on est dans l'opposition, mais une fois au gouvernement, on inclut tout cela dans des projets de loi omnibus, parce qu'on veut faire adopter les mesures controversées avec celles que les gens accepteraient normalement.
Je pense que c'est un bon début, pour être honnête, mais sapristi, cela fait longtemps, des dizaines d'années que je m'occupe de la question. Tout le monde est d'accord, mais rien ou presque ne se fait. J'aimerais connaître plus de détails. Tout le monde est bien intentionné, mais quand on en vient aux détails, on voit les provinces s'accrocher à leurs fiefs, et le gouvernement fédéral ne fait pas grand‑chose en la matière. J'aimerais que l'on aille bien plus loin. Je répète que les solutions génériques sont politiquement acceptables, parce que l'on « cherche à prendre des mesures ». Mais tout le monde qui connaît l'histoire des obstacles au commerce interprovincial sait que nous avons besoin de bien plus de précisions que ce que l'on trouve dans le projet de loi.
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Oui, je crois, par exemple, que Tim Houston a posé certains gestes intéressants en Nouvelle-Écosse. Il y a quelques années, des provinces de l'Ouest — notamment l'Alberta et la Saskatchewan — se sont réunies au sein d'une alliance et ont éliminé les barrières commerciales entre elles.
En fait, les deux plus grandes provinces du pays, l'Ontario et le Québec, sont parmi les cancres en la matière. Elles devraient donc en faire beaucoup plus... Récemment, nous avons entendu de bonnes choses en provenance de ces deux provinces, mais c'est l'action qui compte, comme nous le savons tous. Je pense que nous avons pour l'instant eu droit à de belles paroles, mais j'aimerais que tout cela se concrétise.
Malheureusement, les lois à ce sujet n'ont fait que s'accumuler au fil des ans, de sorte que bon nombre d'entreprises qui, comme il se doit, se sont conformées à toutes ces lois, l'ont fait dans une mesure telle que, si ces lois en venaient à être modifiées, elles s'y opposeraient. C'est donc une situation fort délicate.
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Merci, monsieur le président.
Je vais continuer sur cette lancée, madame Swift. Je n'avais pas l'intention de poser cette question, mais je reprends ce que vous avez répondu aux questions.
Vous nous dites qu'on va trop rapidement, mais on ne va pas assez rapidement pour ce qui est du pétrole. Nous avons reçu des témoins intéressants qui nous ont parlé de corridors énergétiques avec des bonnes idées, comme l'électrification ou de petits modules nucléaires.
Ma question est bien simple, madame Swift. Croyez-vous sincèrement que le fait d'avoir une coalition de provinces, de territoires et de municipalités peut faire en sorte que les projets vont aller mieux grâce à l'adoption du projet de loi ?
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C'est une bonne question, mais il n'y a pas de réponse facile. Pour être honnête, je ne le sais vraiment pas.
Je pense simplement qu'il s'agit d'un coup de force de la part du gouvernement fédéral, parce que tout cela est tellement mal défini et trop vague. Nous avons entendu dans le discours du Trône, par exemple... La question du pétrole et du gaz est importante. Si certains estiment que nos politiques, qui ont freiné le développement de ce secteur au cours de la dernière décennie, sont efficaces, je les inviterais à jeter un coup d'œil sur les données économiques de base. Ils comprendront vite que ce n'est pas le cas. Il s'agit vraiment de savoir dans quelle mesure nous pouvons rapidement...
Par ailleurs, cela ne fera pas du jour au lendemain. Tous ces projets ont besoin de beaucoup de temps. Je trouve la filière nucléaire très prometteuse, et le fait est que plus de gens la voient comme une solution sensée parce qu'il s'agit d'une forme d'énergie très propre. Il faut toutefois compter de 15 à 20 ans pour mettre en service une centrale nucléaire, si bien que ce ne sera pas la solution rapide recherchée pour redresser l'économie canadienne.
Pour être honnête avec vous, je ne pense pas que le projet de loi va permettre d'améliorer les choses. Je crois qu'il s'agit de mesures trop vagues qui s'apparentent davantage à un abus de pouvoir de la part du gouvernement. De mon point de vue de Canadienne et d'économiste, je n'ai aucune idée de ce que cela va donner. Le projet de loi fait intervenir beaucoup de subjectivité en nous demandant de faire confiance au gouvernement actuel pour qu'il voie à la mise en œuvre de ces dispositions...
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Je vais me tourner vers M. St‑Hilaire.
Vous avez beaucoup fait référence à une mesure d'urgence.
La loi est claire: ce qui la lie, c'est l'importance de bâtir une économie canadienne plus forte. On ne parle pas d'état d'urgence, mais de compétitivité compte tenu de tout ce qui se passe internationalement, notamment de ce qu'on vit avec les États‑Unis.
Le Canada doit élargir ses marchés. Il doit être meilleur. Il doit en faire davantage avec ce qu'il a en ce moment. Je ne considère pas que c'est une mesure d'urgence. Dans chacune de vos interventions, vous parlez de mesure d'urgence dans cette loi. Le Canada est à la croisée des chemins. Nous devons contrer les mesures commerciales et légales que nous avons avec les États‑Unis. Si ça, ce n'est pas une façon de faire différente du pays, je pense que rien d'autre ne pourrait définir notre pays pour bâtir ces projets.
Comment pouvez-vous faire la nuance sans que ce soit une urgence? Le projet de loi va améliorer la capacité de production du Canada.
L'une des choses qui me choquent dans le projet de loi, c'est ce pouvoir excessif qu'il confère au Cabinet et aux ministres. L'un des articles que je trouve particulièrement stupéfiant stipule que le gouverneur en conseil « peut tenir compte de tout facteur qu'il estime pertinent, notamment dans quelle mesure le projet peut »... et parmi les facteurs énumérés... « promouvoir les intérêts des peuples autochtones ».
Il est vraiment troublant de constater que les mêmes arguments ont été invoqués lors de la création des pensionnats, alors que l'on soutenait que c'était dans l'intérêt supérieur des Autochtones. Voilà qui nous ramène au colonialisme des années 1700.
Le projet de loi en soi est néfaste, mais seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il est particulièrement préoccupant que le gouverneur en conseil, plutôt que les Autochtones eux-mêmes, ait le pouvoir de décider de ce qui est dans l'intérêt des peuples autochtones?