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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 29 mars 1995

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

LA VILLE DE HULL

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 11183

«BOB'S BIRTHDAY»

LA FÊTE DE L'INDÉPENDANCE DE LA GRÈCE

LE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

LES MINES TERRESTRES

    Mme Stewart (Brant) 11184

L'ALGÉRIE

LA DETTE

LES SPÉCULATEURS FINANCIERS

LE FÉDÉRALISME

LA DÉPUTÉE DE RIMOUSKI-TÉMISCOUATA

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 11185

LA DÉPUTÉE DE RIMOUSKI-TÉMISCOUATA

LA FÉDÉRATION CANADIENNE

LES PENSIONS DE RETRAITE DES DÉPUTÉS

    M. Breitkreuz (Yellowhead) 11186

LA DÉPUTÉE DE RIMOUSKI-TÉMISCOUATA

LA VILLE DE HULL

QUESTIONS ORALES

L'AÉROPORT PEARSON

LA POLITIQUE MONÉTAIRE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 11187
    M. Martin (LaSalle-Émard) 11187

LA DÉFENSE NATIONALE

LE TRANSPORT AÉRIEN

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

    M. Harper (Simcoe-Centre) 11189
    M. Harper (Simcoe-Centre) 11190

LE CODE CRIMINEL

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

LA TURQUIE

L'OUTAOUAIS QUÉBÉCOIS

LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 11192
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 11192

LA JUSTICE

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 11192
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 11193

LA SANTÉ

L'ÉDITION

    Mme Gagnon (Québec) 11193
    Mme Gagnon (Québec) 11193

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

L'ENVIRONNEMENT

HOMMAGE À JEAN-CLAUDE DEVOST

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

LES MINES

    Mme Stewart (Brant) 11195

LES ARMES À FEU

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 11196

PÉTITIONS

LES DROITS DES GRANDS-PARENTS

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 11196

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 11196

LA FISCALITÉ

LA DÉFENSE D'IVRESSE

LA CÂBLODISTRIBUTION

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE PROJET DE LOI C-41

LA FISCALITÉ

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 11196

LE PROJET DE LOI C-41

    M. Harper (Simcoe-Centre) 11197

L'IMPOSITION

    M. Harper (Simcoe-Centre) 11197

LE DÉFICIT

LES FORCES ARMÉES

L'ARMÉNIE

LA JUSTICE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11197

LES JEUNES CONTREVENANTS

L'IMPÔT SUR LE REVENU

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES DROITS DE LA PERSONNE

L'EUTHANASIE

LA JUSTICE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES ARMES À FEU

L'IMPÔT SUR LE REVENU

LES PHARES

QUESTIONS AU FEUILLETON

DEMANDES DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    Projet de loi C-69. Motion de troisième lecture 11199

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR L'ÉVALUATION DES PROGRAMMES LÉGISLATIFS

    Projet de loi C-289. Motion de deuxième lecture 11217
    M. Speaker (Lethbridge) 11222
    M. Harper (Calgary-Ouest) 11223
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11224

LE MAINTIEN DE LA PAIX

    M. Mills (Red Deer) 11238
    Mme Gagnon (Québec) 11241
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 11252

ANNEXE


11183


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 29 mars 1995


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

M. Jim Jordan (Leeds-Grenville, Lib.): Monsieur le Président, les habitants de la circonscription de Leeds-Grenville ont exprimé de vives inquiétudes au sujet des coûts de la santé qui montent en flèche.

Une quarantaine de personnes de la collectivité de Merrickville ont signé une lettre qu'elles m'ont adressée pour me dire qu'elles sont favorables à une plus grande accessibilité aux médicaments génériques comme moyen de réduire les coûts des soins de santé.

On estime que, dans 36 p. 100 des cas, les médicaments prescrits aux Canadiens sont maintenant génériques. Les médicaments génériques coûtent en moyenne 40 à 50 p. 100 moins cher, et ces économies ne nuisent pas à la qualité des soins.

Ce qui préoccupe le plus les personnes âgées, c'est que, avec la conjoncture économique actuelle, elles n'auront pas les moyens de se payer des soins appropriés lorsqu'elles seront malades.

Les citoyens de ma circonscription demandent que les fabricants de médicaments réagissent devant la diminution des ressources de la santé en ajoutant davantage de médicaments d'ordonnance à la liste des médicaments génériques.

* * *

[Français]

LA VILLE DE HULL

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, hier, lors de la comparution de M. Marcel Beaudry, président de la Commission de la capitale nationale, au Comité permanent du patrimoine canadien, j'ai caricaturé au sujet de la ville de Hull, pour faire comprendre à M. Beaudry que les choix faits par la CCN défavorisaient constamment Hull en faveur d'Ottawa.

Pris hors contexte, mes propos ont offusqué des citoyens et citoyennes de Hull. Je tiens à m'en excuser en cette Chambre. Ce n'était vraiment pas mon intention de blesser qui que ce soit.

Cette inflation verbale, qui peut parfois être le lot de personnes impliquées en politique, a été occasionnée par le fait que j'ai voulu m'assurer que M. Beaudry, qui ne fait pas la distinction entre un dîner bénéfice du Parti libéral et un dîner bénéfice du Comité du non, saisisse vraiment l'explication que je m'efforçais de lui donner.

À mes concitoyens et concitoyennes de Hull, je réitère mes plus humbles excuses.

* * *

[Traduction]

«BOB'S BIRTHDAY»

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui au nom des électeurs d'Okanagan-Similkameen-Merritt pour féliciter les cinéastes Alison Snowden et David Fine qui ont remporté un prix, à la soirée des Oscars de lundi, pour leur film intitulé «Bob's Birthday». Leur succès témoigne que les oeuvres cinématographiques canadiennes peuvent soutenir la concurrence sur le marché mondial.

Les réformistes croient qu'il est grand temps que le gouvernement fédéral se retire de ce champ et laisse les entrepreneurs canadiens assumer leur rôle, en tant que réalisateurs d'oeuvres cinématographiques canadiennes.

Le Canada a prouvé que nous pouvions gagner des Oscars. Faisons-le sans les fonds fédéraux. Les contribuables canadiens veulent savoir pourquoi les libéraux continuent de dépenser de l'argent dans les films. Notre industrie cinématographique est capable de se tirer d'affaire toute seule et devrait être financée grâce aux investissements des entrepreneurs canadiens et non des subventions gouvernementales.

Les députés de ce côté-ci de la Chambre tiennent à souligner le succès de «Bob's Birthday» qui prouve, une fois de plus, que les oeuvres cinématographiques canadiennes peuvent s'imposer sur le marché international.

* * *

LA FÊTE DE L'INDÉPENDANCE DE LA GRÈCE

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, le week-end dernier, une mer de drapeaux grecs, canadiens et québécois a inondé la circonscription de Saint-Denis que je représente, pendant que plus de 50 000 Canadiens d'origine grecque célébraient la Fête de leur indépendance.

Il s'agissait d'un grand rassemblement de personnes, toutes générations confondues, qui étaient vêtues de leur costume national et qui célébraient leur riche patrimoine. C'était également une journée propice pour manifester sa fierté de vivre dans un


11184

pays qui reconnaît les immenses contributions que les Canadiens d'origine grecque ont faites au fil des ans.

Nous vivons dans un pays qui célèbre sa diversité, ce qui lui vaut d'être envié partout dans le monde.

[Français]

Nous sommes tous chanceux de vivre dans un pays où la diversité est quelque chose à célébrer. Je pense que je parle pour tous les Canadiens d'origine grecque qui veulent continuer de vivre et de participer à part entière au développement d'un pays comme le Canada, modèle mondial de générosité et d'ouverture.

[Note de l'éditeur: La députée s'est exprimée en grec.]

* * *

[Traduction]

LE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui dans le Ottawa Citizen, un ancien conseiller de M. Ed Broadbent écrit que le NPD devrait être réanimé ou déclaré mort. Je voudrais répondre à cette affirmation en déclarant que j'ai le triste devoir d'annoncer que le NPD est mort.

Le Nouveau Parti démocratique a, dans le passé, apporté une contribution valable au débat politique canadien. Toutefois, récemment, il s'est montré de plus en plus divisé et hors de propos.

Le NPD actuel semble à court d'idées pour relever les défis de l'économie mondiale. Comme le dit l'auteur de l'article en question, il y a longtemps qu'un député du NPD a proposé une idée innovatrice à propos de l'économie canadienne. Il poursuit en déplorant que les députés du NPD donnent l'impression de n'avoir aucune mission à l'esprit pour le pays, de n'avoir jamais réfléchi intelligemment aux conséquences de leurs marmonnements et de ne pas saisir du tout les questions contemporaines.

Ceux qui espèrent voir le NPD se renouveler seront déçus. Un parti sans candidat visionnaire à sa tête n'est pas en mesure de se renouveler. Aucune idée, aucun leadership, aucun renouvellement, aucun parti.

* * *

LES MINES TERRESTRES

Mme Jane Stewart (Brant, Lib.): Monsieur le Président, un des plus grands obstacles aux efforts de développement international réside dans les répercussions catastrophiques des mines terrestres encore enfouies. Je voudrais signaler à la Chambre qu'il y a 110 millions de mines terrestres enfouies dans 62 pays du monde et que, à chaque mois, 800 personnes, dont beaucoup d'enfants, perdent la vie après avoir marché sur une de ces mines.

Le problème s'aggrave, car la communauté internationale ne peut dégager qu'environ 100 000 mines par année. Durant la même période, on enfouit près de deux millions de nouvelles mines.

Les mines terrestres nuisent à la reconstruction d'après-guerre. En Angola, on perd 25 p. 100 de la production alimentaire parce que les agriculteurs sont incapables d'aller travailler dans les champs. Au Mozambique, ce phénomène n'a fait que donner plus d'ampleur à une grave sécheresse.

Les mines terrestres continuent leur travail, même une fois la paix rétablie. L'aide extérieure et les travaux de développement ne changent rien à cela. Les mines sont toujours prêtes à frapper. J'exhorte notre gouvernement à collaborer étroitement avec nos partenaires internationaux pour trouver une solution à ce fléau moderne.

* * *

(1405)

[Français]

L'ALGÉRIE

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, Mohamed Abder Rahmani, directeur du quotidien algérien El Moudjahid a été inhumé, hier, à Alger. Il s'agit du 35e journaliste assassiné en Algérie dans la foulée de la lutte que se livrent les forces islamiques et les forces gouvernementales.

M. Abder Rahmani, doyen des journalistes du pays, critiquait ouvertement les actions des groupes islamiques armés. Intimidés et menacés, plus de 200 journalistes algériens auraient déjà fui leur pays.

Ces meurtres commis à l'égard de tous ceux et celles qui ont le courage d'exprimer leurs opinions, leurs idées et leurs valeurs et ce, au péril de leur vie, nous interpellent tous. Trop souvent demeurons-nous muets et insensibles lorsque s'abattent l'obscurantisme et l'intolérance. L'assassinat de M. Abder Rahmani doit être dénoncé, ses coupables condamnés.

Voltaire a dit: «Je puis ne point partager vos opinions, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez les exprimer.» La liberté d'expression est une valeur fondamentale de nos sociétés. Puissent tous les Canadiens. . .

* * *

[Traduction]

LA DETTE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, j'ai reçu, ces derniers temps, de nombreuses suggestions sur la façon d'amener les Canadiens à racheter la dette du gouvernement que des étrangers détiennent en ce moment. Même si des allégements fiscaux ou des taux d'intérêt spéciaux peuvent inciter les Canadiens à acheter des obligations, le Canada demeurera vulnérable face à des taux d'intérêt et de change soumis à des baisses et à des fluctuations.

Tout d'abord, l'achat de ces obligations d'État à des étrangers nuira au marché intérieur des valeurs mobilières. Ainsi, en chiffres nets, notre endettement à l'égard des étrangers ne changera pas.

De plus, nous serions vulnérables, même si des étrangers ne détenaient aucune obligation canadienne. Les étrangers et les Canadiens continueraient, en effet, de spéculer sur les marchés au comptant et à terme.


11185

Le fait est que les taux de change et d'intérêt du Canada fluctuent selon les nouvelles qui circulent au sujet de la capacité du gouvernement de rembourser sa dette. Si l'on veut que les taux de change cessent d'être à la baisse, que les taux d'intérêt arrêtent de monter et que les fluctuations soient moins grandes, il faut que le gouvernement élimine son déficit.

Même si nous souhaitons tous que ce soit possible, ce ne sont pas quelques expédients financiers qui pourront changer quoi que ce soit à cette vérité fondamentale.

* * *

LES SPÉCULATEURS FINANCIERS

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'ai trouvé intéressant que le gouverneur de la Banque du Canada dise qu'il s'opposait à la taxe Tobin et qu'il ne voyait rien de répréhensible dans l'influence qu'exercent les spéculateurs financiers sur les économies nationale et régionale.

Je me demande si cela correspond à la position du gouvernement. J'ai récemment demandé au gouvernement de faire preuve de leadership devant le G-7, à Halifax, en tentant d'imposer une taxe qui aurait pour effet d'atténuer ce genre de spéculation et de faire des propositions en vue d'établir un nouvel ordre mondial financier, en quelque sorte un second Bretton Woods qui empêcherait les spéculateurs financiers d'exercer ce genre d'influence sur notre économie, sur notre devise et sur qui que ce soit, finalement.

Qu'est-ce que le gouverneur de la Banque du Canada a en commun avec un spéculateur financier? Je crois qu'il faudrait poser la question suivante à l'un et à l'autre: Qui vous a élu? Qui a élu le gouverneur de la Banque du Canada pour établir les politiques qu'il adopte? Et qui a élu les spéculateurs financiers?

Cette question concerne la démocratie. Qui dirige vraiment le monde? Les spéculateurs financiers et les banques ou les parlements élus démocratiquement comme celui-ci?

* * *

[Français]

LE FÉDÉRALISME

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, une nouvelle étude entreprise par deux économistes de l'Université de Calgary, qui sera publiée prochainement dans le Canadien Business Economic Journal démontre que la province de Québec est la grande gagnante du fédéralisme canadien.

Les auteurs de cette recherche ont examiné les sommes totales acheminées par les provinces vers Ottawa, sous forme de taxes et autres paiements, au cours des 32 dernières années en comparaison avec l'argent qui leur est directement transféré.

Entre 1961 et 1992, le Québec a reçu 168 milliards de plus du fédéral que ce qu'il a contribué en taxes et autres paiements à Ottawa. Le Québec a retiré un bénéfice net moyen de 803 $ par personne annuellement.

Les Québécois et les Québécoises ne sont pas dupes. Tous les sondages le prouvent. Les arguments boiteux dont se gargarise l'opposition ne trouvent pas preneur car, malgré ses imperfections, le fédéralisme canadien fonctionne et il est profitable pour le Québec.

* * *

LA DÉPUTÉE DE RIMOUSKI-TÉMISCOUATA

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Monsieur le Président, la population de l'Outaouais, et plus particulièrement celle de Hull, est encore sous le choc de la déclaration faite hier par la députée bloquiste de Rimouski-Témiscouata.

(1410)

Cette dernière a en effet déclaré, et je la cite: «Derrière le mur, à Hull, c'est la ville la plus laide que j'aie vu au monde. C'est plein de taudis derrière les édifices.» De toute évidence, la piètre performance de la stratégie de propagande souverainiste est en train de faire perdre le sens à la députée bloquiste.

Plutôt que de continuer à cracher son venin, elle a décidé d'offrir ses excuses aux gens de Hull. Je l'en remercie.

* * *

LA DÉPUTÉE DE RIMOUSKI-TÉMISCOUATA

M. Denis Paradis (Brome-Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, les paroles qu'a prononcées la députée de Rimouski-Témiscouata au sujet de la ville de Hull ont sans aucun doute dépassé son esprit. Elle s'en est excusée et nous l'en remercions.

Il est dommage que la radicalisation des options politiques incite certains élus à faire ce genre de commentaires ou à prendre une telle attitude quand des gens-et dans ce cas-ci, c'est toute une région-ne partagent pas leur avis sur l'avenir.

Doit-on rappeler aux députés bloquistes que Hull est une ville qui fait la fierté, non seulement de ses citoyens, mais aussi de toute la région.

Mme la députée de Rimouski-Témiscouata a erré. La région n'est pas chapeautée par la Commission nationale sur l'avenir du Québec, mais bien par la Commission de la capitale nationale.

Je salue haut et fort son président, Me Beaudry, pour son attachement à sa ville, à sa région et à son pays.

* * *

LA FÉDÉRATION CANADIENNE

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, jamais dans l'histoire du Québec a-t-on vu des députés du Québec, en l'occurrence les députés libéraux, refuser une motion visant à protéger le poids politique du Québec au sein de la fédération canadienne.

11186

Oui, monsieur le Président, des députés libéraux et réformistes ont fait front commun hier pour battre une motion du Bloc québécois visant à faire reconnaître au Québec le droit à un minimum de 25 p. 100 des sièges à la Chambre.

La motion du Bloc aurait garanti le quart des sièges à l'un des deux peuples fondateurs du Canada et aurait répondu aux demandes historiques et légitimes des Québécois de conserver un poids politique minimal au sein de la fédération canadienne.

L'attitude affichée hier par les députés du Parti libéral relève du double langage, car. . .

* * *

[Traduction]

LES PENSIONS DE RETRAITE DES DÉPUTÉS

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Monsieur le Président, les libéraux ne comprennent vraiment rien. Ils n'ont pas respecté la promesse qu'ils avaient faite de réformer le fameux régime qui assure à ses bénéficiaires une retraite plus que dorée, autrement dit le régime de retraite des députés. Malgré les changements qu'ils avaient promis d'apporter à ce régime, les prestations de retraite des députés jouissent encore d'une protection illimitée contre l'inflation et verront leur valeur augmenter à un taux deux fois plus élevé que le maximum autorisé dans le secteur privé.

Si la vice-première ministre prend sa retraite dans trois ans, elle touchera la coquette somme de 2,7 millions de dollars jusqu'à l'âge de 75 ans. Elle s'est débattue pour conserver son régime de retraite extrêmement confortable que lui paient les travailleurs canadiens.

Si elle s'est tant débattue pour conserver son régime de retraite, c'est peut-être parce qu'elle craignait d'être obligée de tenir sa promesse et de démissionner. Comme tous les députés le savent, la vice-première ministre a dit qu'elle démissionnerait si son gouvernement n'abolissait pas la TPS. Heureusement pour elle, elle a un patron compréhensif qui va lui permettre de conserver son poste, même si des millions de contribuables canadiens dénoncent la TPS et le scandaleux régime de retraite des députés.

* * *

[Français]

LA DÉPUTÉE DE RIMOUSKI-TÉMISCOUATA

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le Président, hier, la députée de Rimouski-Témiscouata nous a fait part de son fin jugement en matière d'urbanisme et plus particulièrement en évaluation de la beauté urbaine, une science qui aurait sans doute connu un essor suite à cette déclaration, n'eut été de ses excuses aujourd'hui, que les Hullois acceptent de bonne grâce.

Ce dont la députée ne s'était pas rendu compte, c'est que dans le quartier de Hull dont elle parle, on retrouve des maisons «allumette», un style, semble-t-il, unique au Canada.

Les journalistes doivent à la députée une fière chandelle pour le brio avec lequel elle réussit, coup sur coup, semaine après semaine, à créer la nouvelle et à choquer en même temps. La députée a mentionné, lors d'une récente entrevue à la radio, qu'elle avait voulu faire du théâtre. Eh bien, elle réussit, dans ce cas-ci, à nous donner un bel exemple du style comique.

Si Mme la députée de Rimouski-Témiscouata n'existait pas, il faudrait sans doute l'inventer.

* * *

LA VILLE DE HULL

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, laissez-moi vous parler d'une des plus importantes villes du Québec, la ville de Hull.

Par ses nombreux parcs, le Musée des civilisations, la Maison du citoyen, ses terrains de golf et ses excellents restaurants, Hull est une très belle ville, habitée par des gens fort sympathiques. C'est tellement bien, qu'il y a même une rue Boudria, à Hull.

(1415)

J'invite les députés bloquistes à s'y rendre de temps à autre et à rendre visite à ma ville natale et celle de mes ancêtres, et de la voir avec les yeux grands ouverts. Ils verront une communauté digne d'éloges, là où il fait bon vivre.

[Traduction]

Le Président: Avant de passer à la période des questions, je voudrais faire remarquer qu'en général la présidence a toujours laissé pas mal de latitude aux députés pour ce qui est de leurs déclarations. Je demande cependant à tous les députés de faire attention aux mots qu'ils utilisent et à ne pas s'en prendre personnellement à leurs collègues.

Je voudrais aussi rappeler aux députés qu'ils ne doivent pas faire dans leurs déclarations de remarque sur une question déjà mise aux voix. Ils voudront bien en tenir compte à l'avenir.

_____________________________________________


11186

QUESTIONS ORALES

[Français]

L'AÉROPORT PEARSON

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, ma question va s'adresser à la vice-première ministre, en l'absence du premier ministre.

Diverses accusations s'accumulent sur le rôle joué par des libéraux dans la privatisation de l'aéroport Pearson, y compris des allégations parues récemment dans le Financial Post, quant à une possible implication du premier ministre lui-même. Aujourd'hui, c'est au tour de l'influent quotidien Globe and Mail d'exiger une enquête publique et indépendante pour faire toute la lumière sur cette sombre affaire.

Compte tenu des allégations troublantes qui mettent en cause l'intégrité du premier ministre et celle de son gouvernement, le gouvernement entend-il instituer une véritable commission d'enquête sur le contrat de privatisation de Pearson, comme l'opposition officielle le réclame depuis maintenant plus d'un an


11187

et comme le réclame aujourd'hui un important éditorial du Globe and Mail?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre lui-même, hier, a clairement démontré que les allégations écrites dans le Financial Post étaient absolument fausses, et il n'y a plus rien à dire à ce propos.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, cela ne devait pas être si clair que cela, puisque cela n'a pas convaincu le Globe and Mail qui, la journée même, a répliqué par un éditorial sur la question.

Je demande à la vice-première ministre si elle reconnaît que seule une enquête publique, une véritable et authentique enquête publique, permettra de dissiper les doutes, non seulement sur les circonstances entourant le contrat de privatisation de Pearson, mais également sur la décision du gouvernement et de l'enquêteur Robert Nixon, d'escamoter-ce qui veut dire cacher-un important rapport préparé en novembre 1993 par des hauts fonctionnaires du ministère des Transports?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le ministre des Transports, hier, a clairement fait la lumière sur tous les événements qui précédaient ce rapport. Et si le chef de l'opposition est si intéressé par l'avis du Globe and Mail, pourquoi ne déclenche-t-il pas le référendum tel que demandé par ce quotidien?

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, il ne s'agit pas d'une question de diversion dans un jeu de la Chambre. Il s'agit d'une question d'éthique du gouvernement. Il s'agit d'une question fondamentale.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: C'est une honte pour un gouvernement de se cacher derrière le référendum au Québec pour empêcher que la vérité sorte.

Ma question est simple et c'est celle que tous les Canadiens et les Québécois se posent, pourquoi le premier ministre s'entête-t-il à refuser une telle commission d'enquête si lui ou son gouvernement n'ont rien à cacher?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je pense que le chef de l'opposition a toujours eu la réputation d'être un homme d'honneur. Alors, s'il a des accusations à porter auprès du premier ministre, qu'il les fasse ici, en Chambre. Et s'il n'a pas d'accusations, prétendre qu'il y a des choses de cachées, c'est dangereux et, de sa part, c'est de l'irresponsabilité absolue et totale.

* * *

LA POLITIQUE MONÉTAIRE

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, permettez-moi d'entrée de jeu une citation: «Les politiques économiques ne doivent pas s'acharner sur une difficulté à l'exclusion de toute autre considération. Obnubilés par l'inflation, les conservateurs ont pris des mesures qui ont plongé le pays dans la récession, annulé la croissance pendant trois ans, fait baisser les revenus et fait exploser le chômage.»

(1420)

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Doit-on comprendre de cette citation du livre rouge du Parti libéral du Canada que le ministre des Finances ne partage pas la position émise hier par le gouverneur de la Banque du Canada qui fait de la lutte à l'inflation par des hausses de taux d'intérêt la seule et unique priorité de la politique monétaire canadienne?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, il n'y a pas de doute que le Parti libéral, du temps qu'il formait l'opposition officielle, a critiqué la position prise par le gouverneur de la Banque du Canada à l'époque.

Lors d'une période de chômage et de décroissance économique, il n'y a pas de doute que nous avons eu des commentaires à faire à l'égard de la politique monétaire du temps. Lorsqu'on regarde aujourd'hui, on voit le Canada comme un pays qui domine le G-7 en ce qui a trait à la croissance, un pays qui vient de créer 433 000 emplois. Donc, ce que nous voyons, c'est une situation fort différente.

Ce que le gouverneur de la Banque du Canada a dit hier, je l'endosse.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances répond exactement la même chose que ses prédécesseurs conservateurs auraient pu répondre à la même question et il fait exactement la même chose avec la politique monétaire. Il a déchiré une garde-robe complète de chemises lorsque les conservateurs appliquaient la médecine qu'il sert à l'heure actuelle aux Canadiens.

Réalise-t-il qu'en appuyant une telle politique centrée uniquement sur la lutte à l'inflation, il nuit délibérément à la création d'emplois et, de ce fait, considère comme acceptables des taux de chômage de 9,5 p. 100 au Canada et de près de 12 p. 100 au Québec, 417 000 chômeurs, au Québec seulement?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, nous venons de voir que la création d'emplois au Québec, au cours des mois de janvier et février, a aussi été très forte. D'ailleurs, même le premier ministre de la maison mère a confirmé que la création d'emplois au Québec était très forte, ce qui contredit les propos du député.

Mais la question est de savoir si le Bloc québécois accepte qu'il y ait des objectifs au point de vue de retenir l'inflation. Nous, nous avons des objectifs de 1 à 3. Si le député ne veut pas accepter ces objectifs, qu'il nous dise quel niveau d'inflation il est prêt à accepter.


11188

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, Anne-Marie Doyle ne siège peut-être plus à la commission d'enquête sur la Somalie, mais il reste une grande question à éclaircir, soit la façon dont elle a été nommée commissaire.

Le ministre de la Défense nationale a déclaré à la Chambre qu'il a personnellement nommé Mme Doyle à cette commission après avoir étudié le curriculum vitae de plusieurs candidats. Par conséquent, il ne devrait avoir aucun mal à répondre à ma question.

Qui a inscrit le nom d'Anne-Marie Doyle sur la liste des candidats du ministre?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu l'occasion de lire le hansard et le député reprend l'une des questions qui m'a été posées hier. Je croyais y avoir répondu du mieux que je le pouvais. Le député de Calgary-Sud-Ouest a peut-être jugé que je n'avais pas été assez clair. Je tenterai donc de clarifier la situation.

Hier, j'ai affirmé que le nom d'Anne-Marie Doyle m'a été communiqué, car elle avait servi avec beaucoup de distinction à l'OCDE. C'est moi qui ai proposé son nom, parce que je pensais que c'était un bon choix.

Auparavant, le député m'avait demandé d'assurer à la Chambre que l'ancien sous-ministre, Bob Fowler, n'avait rien eu à voir avec la préparation du mandat de la commission d'enquête et n'avait joué aucun rôle dans la proposition du nom d'Anne-Marie Doyle comme membre possible de la commission. J'ai répondu à ces questions, mais peut-être pas de façon assez claire aux yeux du député. Aux deux questions, la réponse est non.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le ministre vient juste d'admettre que ce nom lui avait été communiqué.

Voici ma question: Qui vous a communiqué le nom de cette candidate?

Le Président: Je rappelle aux députés qu'ils doivent toujours adresser leurs questions à la présidence et non directement aux députés. La même chose s'applique pour les réponses.

(1425)

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je l'ai dit hier et je le répète aujourd'hui, en citant le hansard: «Le nom d'Anne-Marie Doyle m'a été communiqué, car elle avait servi avec beaucoup de distinction à l'OCDE.»

En tant que ministres, nous connaissons de nombreux éminents fonctionnaires et anciens fonctionnaires qui ont servi le gouvernement. J'ai pensé qu'il serait bon de nommer un juge à la présidence de cette commission d'enquête. J'ai aussi cru bon de nommer à cette commission un journaliste à la retraite qui posséderait une certaine crédibilité ainsi qu'une personne connaissant bien les rouages du gouvernement et en particulier la façon dont le gouvernement applique sa politique étrangère et sa politique de défense. Je me suis donc mis à chercher ce genre de candidats parmi les fonctionnaires et les ex-fonctionnaires.

Je savais que Mme Doyle avait eu l'occasion, pendant son séjour au Bureau du Conseil privé, d'étudier ce dossier. J'ai demandé de plus amples renseignements sur sa carrière et il m'est alors apparu évident qu'il s'agissait d'une personne qui jouit d'une excellente réputation et qui pourrait exercer les fonctions de commissaire.

Si elle avait continué de siéger à la commission, elle se serait, je crois, acquittée de ses fonctions dans la pleine mesure de ses moyens et aurait fait honneur à la commission.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, en refusant de répondre à ma question, le ministre ne fait que miner la confiance que nous pouvons avoir dans cette commission d'enquête.

Hier, le ministre a également affirmé que le juge-avocat général l'avait aidé à formuler le mandat de la commission d'enquête sur la Somalie.

Comme le ministre le sait fort bien, le juge-avocat général collabore avec le chef d'état-major de la défense et le sous-ministre de la défense et relève même d'eux. Autrement dit, le juge-avocat général fait partie des militaires hauts gradés qui font l'objet de cette enquête.

Dans quelle mesure les militaires hauts gradés ont-ils collaboré à la préparation du mandat de la commission d'enquête sur la Somalie? Comment peut-on assurer aux Canadiens que la participation des militaires hauts gradés n'a pas déjà nui à l'impartialité de l'enquête?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député de Calgary-Sud-Ouest manifeste sa profonde ignorance de la Loi sur la défense nationale.

Tout d'abord, le juge-avocat général est nommé par le premier ministre du Canada. Il fait l'objet d'une nomination par décret, pour la simple raison que cette personne, en tant que principal juriste des Forces canadiennes, doit pouvoir fournir des avis indépendants aux ministres.

Aux termes de la Loi sur la défense nationale, cette personne entretient des contacts quotidiens avec le ministre de la Défense nationale. Il était donc tout à fait normal que, au cours de la dernière année, je discute de divers aspects des incidents survenus en Somalie avec le juge-avocat général, puisqu'il est explicitement tenu, selon la Loi sur la défense nationale, de donner des avis juridiques au ministre.

J'ai vérifié certaines choses auprès du juge-avocat général ce matin pour m'assurer que les déclarations que je ferais à la Chambre des communes correspondraient à la pure vérité. Dans l'intérêt de tous les Canadiens, le gouvernement tient à faire la lumière sur les événements qui se sont déroulés en Somalie en 1993.


11189

Le juge-avocat général m'a confirmé que l'ancien sous-ministre n'avait rien eu à voir avec la préparation du mandat de la commission. Le mandat a été remis au Bureau du Conseil privé. Il a été examiné par le ministère de la Justice, et tout le monde l'approuve.

* * *

[Français]

LE TRANSPORT AÉRIEN

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, lundi, à une question en Chambre du chef de l'opposition, le ministre des Transports liait sa décision de retarder l'entrée d'Air Canada sur le marché de Hong Kong à celle de Canadian sur le marche de l'Allemagne. Ces deux dossiers sont distincts et, dans le cas de Hong Kong, les négociations ont été couronnées de succès. Donc, Air Canada s'est dit prête à commencer ses opérations dès l'été et a même négocié des créneaux à cet effet.

Ma question s'adresse au ministre des Transports. Dans le cas de Hong Kong, le ministre peut-il nous expliquer quelles sont les raisons autres que celles de l'entrée de Canadian sur le marché de l'Allemagne qui l'empêchent de permettre à Air Canada de débuter ses opérations sur ce marché dès l'été 1995, alors que tout est en place pour procéder?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, mon honorable collègue sait très bien que les négociations avec les autorités de l'aéroport de Hong Kong ont été conclues il y a quelques jours.

(1430)

Lorsque nous avons déterminé l'établissement d'un niveau de 300 000 passagers avant de définir une deuxième désignation, nous nous sommes assurés qu'il y aurait deux endroits sur la planète où cette règle entrerait en vigueur cette année: en Allemagne et à Hong Kong.

Je tiens à souligner, comme je l'ai déjà fait, que depuis 14 mois, Air Canada a eu accès au Japon, un marché que cette compagnie convoitait depuis très longtemps. Maintenant elle se voit en mesure de préparer son arrivée à Hong Kong, un autre marché très important, mais aussi pour Canadian Airlines International qui doit se rendre en Allemagne et dans d'autres destinations en Asie. Il est aussi très important de planifier, d'avoir une certaine planification, une certitude de la façon de négocier les ententes, non seulement avec ces pays, mais aussi avec les institutions financières qui supportent ces transporteurs aériens.

Je me fie toujours aux déclarations publiques de M. Hollis Harris, président d'Air Canada, qui est très heureux du travail fait par ce gouvernement qui a ouvert ces marchés à Air Canada pour la première fois dans l'histoire.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, le ministre ne convient-il pas plutôt que c'est sa complaisance évidente à l'endroit de Canadian qui l'incite à retarder l'entrée d'Air Canada sur le marché de Hong Kong, retardant ainsi la création de 500 emplois chez ce transporteur, dont une bonne partie au siège social de Montréal et à la base d'entretien de Dorval?

[Traduction]

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je crois que l'industrie canadienne de l'aviation expliquerait à mon collègue que, au cours des 14 ou 15 derniers mois, nous avons fait des progrès comme jamais auparavant dans l'histoire de l'aviation au Canada.

Nous avons organisé un système faisant que, à la fin de cette année, le processus d'attribution de toutes les routes aériennes de notre pays sera absolument transparent. Des conditions et des critères établis permettront aux Lignes aériennes Canadien International et à Air Canada de planifier leurs opérations, d'acheter des avions, d'en louer et de faire leur marketing avec une certitude qui n'avait jamais été possible auparavant, dans l'industrie de l'aviation au Canada.

La preuve, c'est qu'avant même l'annonce de la deuxième désignation fondée sur le niveau de 300 000 passagers, Air Canada avait déjà signalé qu'elle était en train d'engager près de 1 000 nouveaux employés-des pilotes, des agents de bord, des chargés d'entretien et du personnel basé au sol.

Je comprends que le député voie d'un mauvais oeil tous les progrès que nous sommes parvenus à faire. L'industrie aérienne du Canada est en meilleure forme aujourd'hui qu'elle ne l'a été depuis 20 ans.

* * *

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, de nouvelles questions sans réponse ont fait surface au sujet de l'entente concernant l'aéroport Pearson. Un rapport de Transports Canada daté du 4 novembre 1993 contredit le rapport Nixon. Un rapport de Deloitte & Touche, ainsi qu'un rapport de Price Waterhouse contredisent également le rapport Nixon.

Des questions ont aussi été soulevées à propos d'une rencontre privée entre le premier ministre et MM. Jack Matthews et Charles Bronfman, deux figures clés de l'accord Pearson.

Il est temps de dissiper le brouillard qui plane au-dessus de cette affaire. Le gouvernement va-t-il ordonner une enquête judiciaire indépendante sur l'accord annulé concernant l'aéroport?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre lui-même s'est exprimé très clairement sur ces allégations à la Chambre, hier.

Je voudrais mettre au défi le député, ainsi que le chef de l'opposition. S'ils ont des allégations à faire, qu'ils se lèvent et qu'ils les fassent, au lieu de se camoufler derrière des articles de journaux calomnieux qui ne sont absolument pas fondés sur des faits.


11190

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je défie le gouvernement de s'expliquer à la Chambre et de répondre aux questions que la population canadienne se pose.

Si le gouvernement n'a rien à cacher, pourquoi l'ancien cabinet d'avocats du premier ministre refuse-t-il de donner à M. Matthews la documentation concernant sa rencontre avec le premier ministre? La seule chose qui soit claire dans tout cela, c'est que les contribuables canadiens paient une fois de plus le prix des jeux politiques des éminences grises conservatrices et libérales.

Je demande une fois de plus à la vice-première ministre si, par souci d'intégrité, elle va ordonner une enquête judiciaire indépendante. Est-ce que la vice-première ministre peut prendre cet engagement vis-à-vis de la population qui l'exige?

(1435)

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, en toute logique, pensez-vous que si le premier ministre était dans la poche de ces compagnies, il aurait eu le courage de rejeter l'accord?

* * *

[Français]

LE CODE CRIMINEL

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, hier, le ministre de la Justice déclarait que si l'ajout d'une loi antigang permettait de donner aux forces policières de vrais outils pour combattre les groupes criminalisés, il le ferait. Or, les spécialistes de la SPCUM, de la Sûreté du Québec et de la section québécoise de la GRC réclament cette législation depuis un an.

Plutôt que de se contenter de manifester un certain intérêt du bout des lèvres, comme il l'a fait hier, comment le ministre de la Justice peut-il se réfugier derrière les dispositions actuelles du Code criminel pour refuser d'inclure des dispositions antigang, comme l'a fait l'Italie, la France et les États-Unis?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce qui est important c'est que le travail se fasse, et qu'on donne aux forces de police et aux procureurs les outils pour déceler, poursuivre et punir les criminels.

On nous a demandé de modifier le Code criminel pour y inclure les gangs qui se prêtent à des activités criminelles. Comme je l'ai dit hier à la Chambre en réponse à une question sur ce même sujet, j'étudie la question avec le solliciteur général.

Nos ministères envisagent certaines modifications qui pourraient être utiles. Lorsque nous aurons terminé notre évaluation, nous serons en mesure de fournir une réponse. Entre-temps, j'ai demandé au député s'il avait des modifications précises à me proposer. Il m'a assuré qu'il allait le faire.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, doit-on comprendre que le ministre de la Justice refuse des mesures visant à faciliter le travail des autorités policières, puisqu'il se sent incapable de livrer la marchandise, comme il n'a pu le faire dans d'autres dossiers qui relèvent de sa responsabilité, comme les mutilations génitales, les pensions alimentaires et la discrimination basée sur l'orientation sexuelle?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce petit jeu est ennuyeux et m'étonne de la part du député. Il ferait mieux de chercher une solution à la question qu'il a soulevée. C'est un sujet grave.

Les forces de police nous ont demandé d'étudier la possibilité de modifier le Code criminel afin de criminaliser certaines organisations. Ce n'est pas quelque chose qui se fait en un clin d'oeil. Il faut peser chaque mot.

Il faut également tenir compte des groupes de motocyclistes qui n'ont rien de criminel et dont les activités sont parfaitement légitimes. Il ne faut pas non plus perdre de vue que le Code criminel contient déjà plus de 800 articles dont la police doit tenir compte.

Nous étudions sérieusement la question. Nous procéderons de façon responsable. Comme je le lui ai déjà demandé, si le député pense à un libellé en particulier, je l'invite à m'en faire part. Je tiendrai compte de sa proposition.

* * *

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, on a dévoilé hier l'existence d'un document que le gouvernement avait camouflé, selon lequel l'annulation du contrat de mise en valeur de l'aéroport Pearson pourrait coûter aux contribuables canadiens jusqu'à deux milliards de dollars.

Dans un autre document secret, qui avait été fourni à Robert Nixon en octobre 1993, on peut lire ce qui suit: «Le taux de rendement pour l'État, qui est considérablement supérieur à celui de l'option de construction par l'État et au rendement du capital investi par la Pearson Development Corporation, a été jugé comme étant raisonnable à la fois par le ministère des Finances et par un conseiller financier indépendant.»

Voici ma question au ministre des Finances: Si tous ces documents sont erronés, où sont les documents qui le démontrent? Quand le ministre déposera-t-il ces documents à la Chambre?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député est évidemment le seul à considérer le document auquel il fait allusion comme ayant été camouflé. Il n'a pas pris la peine de consulter les documents rendus publics en décembre dernier sur l'affaire qui est actuellement devant les tribunaux.

Il est certain que le député aurait intérêt à lire ces documents et les opinions qui y sont exprimées. Il constaterait que les personnes qui ont conclu qu'il convenait d'accepter l'offre de Paxport


11191

dans le cadre des plans de privatisation de l'aéroport Pearson devraient également tenir compte du fait que, à peine quelques mois après cette recommandation, cette société ne pouvait pas exécuter l'accord parce qu'elle en était financièrement incapable.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, en répondant à la question que je lui ai posée hier, le ministre a laissé entendre que je m'étais informé auprès du sous-ministre adjoint qui n'avait pas accès au rapport.

(1440)

Non seulement ce SMA avait accès au rapport d'octobre, mais c'est lui qui l'a fourni à M. Nixon. Les faits ne corroborent pas les dires du ministre.

Quand le ministre cessera-t-il de dissimuler la vérité dans cette affaire et ordonnera-t-il une enquête publique exhaustive? Qu'est-ce qu'il. . .

Le Président: À l'ordre! À la période des questions, tout ce que nous disons est la vérité. Je prie donc le député de reformuler sa question.

M. Gouk: Monsieur le Président, je retire ma question telle que je l'ai posée et je demande simplement au ministre de nous dire quand toute la vérité sera dévoilée. . .

Le Président: La question est irrecevable. Le député de Verchères.

* * *

[Français]

LA TURQUIE

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Alors que la Turquie poursuit son offensive militaire contre les Kurdes dans le nord de l'Irak, le gouvernement canadien n'a toujours pas de politique officielle relativement à cette offensive. Par ailleurs, au moment même où le gouvernement canadien amorce des négociations avec la Turquie pour la vente de ses CF-5, on apprend que l'Allemagne a suspendu la livraison de matériel militaire destiné à la Turquie.

Ma question est fort simple: le gouvernement entend-il, à l'exemple de l'Allemagne, suspendre toute livraison ou toute vente de matériel militaire à la Turquie et interrompre toute négociation en ce qui a trait à la vente de ses CF-5 à la Turquie?

[Traduction]

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, deux ou trois fois déjà, on m'a posé cette question à la Chambre et j'ai répondu chaque fois qu'il n'y a pas de négociations officielles en cours, comme c'est effectivement le cas. Le gouvernement turc a manifesté un certain intérêt pour les CF-5. Cela n'a rien d'exceptionnel, étant donné que la Turquie a reçu de nous des avions excédentaires, il y a un certain nombre d'années.

En tant qu'alliés de la Turquie au sein de l'OTAN, nous devons au moins tenir compte de l'intérêt qu'elle manifeste. Mais il n'y a pas de négociations officielles en cours. Il n'y a pas de transaction en vue. Le ministre des Affaires étrangères a bien assuré à la Chambre que si nous décidions éventuellement de vendre des armements, quels qu'ils soient, ces ventes seraient soumises aux contrôles les plus stricts.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, vous conviendrez avec moi qu'il y a lieu de s'interroger lorsque le ministre nous dit qu'il y a des négociations mais qu'elles ne sont pas formelles.

Compte tenu de la gravité de la situation qui prévaut actuellement et plutôt que de continuer à tergiverser sur l'attitude à prendre suite à l'offensive turque contre les Kurdes, le gouvernement reconnaît-il qu'il devrait saisir l'OTAN et le Conseil de sécurité de l'ONU de cette délicate question?

[Traduction]

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne les mesures que prend actuellement le gouvernement turc à l'égard de la minorité kurde qui se trouve dans le nord de l'Irak, je crois que mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, a répondu à cette question à la Chambre en établissant clairement la position du Canada à cet égard.

Pour ce qui est des chasseurs CF-5, il est un peu trop tôt pour en parler, car il n'y a pas de transaction, pas de vente en vue, mais seulement une manifestation d'intérêt de la part du gouvernement turc.

* * *

[Français]

L'OUTAOUAIS QUÉBÉCOIS

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales et a trait aux propos tenus hier par la députée de Rimouski-Témiscouata concernant la ville de Hull, et suite aux excuses qu'elle a tenues aujourd'hui dans cette Chambre. Le ministre peut-il confirmer à cette Chambre que l'Outaouais québécois n'est pas victime de discrimination économique?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, la Commission de la capitale nationale consacre 30 p. 100 de ses ressources aux investissements du côté Outaouais, alors que le Parti québécois refuse d'investir dans l'Ouest du Québec et ne consacre que .4 p. 100 de ses investissements pour la région.

Dans un sondage de l'Actualité en 1993, Hull a été élue la deuxième meilleure ville du Québec au point de vue de la qualité de vie et la première en termes des indicateurs économiques. Si vous parlez aux gens qui vivent à Hull, si vous parlez à ceux qui y font affaires, vous allez vous rendre compte que les gens de Hull sont très fiers de leur ville et pour de bonnes raisons. Lorsqu'elle fait des déclarations semblables, la députée démontre sa méconnaissance de la ville de Hull et son arrogance à l'endroit d'une


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population qui ne partage pas ses convictions politiques et qui croit au Canada.

Des voix: Bravo!

* * *

(1445)

[Traduction]

LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a admis hier que Travaux publics avait installé au moins une caméra de surveillance dans le plafond d'un bureau de la commission, à Montréal.

Hier, la présidente a déclaré, et le ministre l'a répété, que cela faisait partie d'une enquête de la GRC. Cependant, la GRC a nié avoir installé des caméras.

Ma question s'adresse au ministre de l'Immigration: Si la GRC n'a pas autorisé l'installation de caméras, est-ce que le ministre ou la présidente de la CISR l'a fait? Et si ce n'est ni l'un ni l'autre, qui l'a fait?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, une plainte formelle a été déposée contre la CISR. La présidente de la CISR a ensuite consulté les services de sécurité de Travaux publics, responsables de l'immeuble, et la GRC pour obtenir une enquête officielle. L'appareil de surveillance était approuvé.

L'enquête criminelle suit son cours et je crois qu'il ne convient pas de commenter l'affaire pour le moment.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier, le ministre a déclaré que les caméras avaient été installées par la GRC dans le cadre d'une enquête. Le directeur général de la CISR a déclaré que les caméras avaient été installées pour enquêter sur des rapports inopportuns entre des employés et une personne intéressée aux affaires de l'organisme.

Cela pourrait vouloir dire que quelqu'un de l'extérieur influençait les décisions concernant les réfugiés ou qu'il y a eu une tentative pour cacher certains renseignements sur la CISR.

Quelle était la nature exacte de l'enquête qui a justifié l'installation de caméras pour surveiller quelqu'un pendant quatre mois?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le député qui est porte-parole pour les questions d'immigration a déjà été agent de police. J'aurais cru qu'il aurait été en mesure de saisir certains aspects délicats de toute enquête. Qu'il suffise de dire qu'un fonctionnaire faisait l'objet de cette enquête. Il ne s'agissait pas d'un membre de la commission nommé par le gouvernement actuel. Il ne s'agissait pas non plus d'un agent d'audience. L'enquête ne visait pas non plus à espionner des fonctionnaires pour voir comment ils font leur travail.

Les consultations qui s'imposent ont eu lieu. Il s'agit d'une enquête criminelle. Je ne souhaite pas émettre des hypothèses à la place des corps policiers du Canada. Je laisserai l'enquête suivre son cours normal.

* * *

[Français]

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse. . .

M. Young: Bienvenue à Hull!

Des voix: Oh, oh!

Mme Tremblay: Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine.

La semaine dernière, les députés du Bloc ont interrogé le ministre du Patrimoine au sujet des perspectives d'avenir de la Société Radio-Canada pour les trois prochaines années. À chaque question, le ministre a refusé de confirmer les budgets dévoilés à M. Manera par son sous-ministre, M. Rochon.

Maintenant que Radio-Canada a un président par intérim et que le ministre a eu le temps de s'informer, peut-il nous confirmer l'ampleur des coupures que son gouvernement entend imposer à Radio-Canada au cours des trois prochaines années?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, tous les chiffres sont dans le budget et ils concernent une année. Alors, je l'ai déjà dit, je le répète et il me fait plaisir de le répéter, j'espère que notre collègue va bien comprendre le message.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, le ministre du Patrimoine confirme-t-il que l'ampleur des coupures qu'il entend imposer à Radio-Canada est telle qu'elles entraîneront à nouveau la fermeture de stations régionales?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je ne peux naturellement pas confirmer des conséquences de chiffres que je n'ai pas avancés.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, lundi, en réponse à une question à propos d'un jugement sur la légalité des décrets pris pour interdire les armes à feu, le ministre de la Justice a affirmé par deux fois que le jugement du tribunal de l'Alberta était erroné. Il s'agit de l'affaire Simmermon. D'autres ministres ont dit à maintes reprises à la Chambre qu'ils ne pouvaient pas faire de commentaires sur les causes en instance devant les tribunaux.

(1450)

Pourquoi fait-il donc des commentaires? Essaie-t-il d'influencer les tribunaux en la matière?


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L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le fait est qu'un appel a été interjeté de ce jugement. Nous soutenons en appel que le jugement était erroné.

Je ferai remarquer, en toute déférence pour le député, qu'il n'y a absolument rien d'incorrect de la part du gouvernement à dire qu'il n'est pas d'accord sur le jugement et qu'il en appelle.

Nous allons faire valoir nos arguments devant le tribunal d'appel et nous sommes sûrs d'avoir gain de cause.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, cela confirme ce que je dis.

C'est le gouvernement de l'Alberta, non le gouvernement fédéral, qui en appelle de ce jugement. Je crois savoir que le gouvernement fédéral n'a même pas demandé la qualité d'intervenant. Or, le ministre ne cesse de répéter: «Nous sommes persuadés que nous allons gagner en appel.»

Le procureur général du Canada s'est publiquement juré d'aller en appel et d'obtenir gain de cause. Comment le défendeur pourra-t-il jamais obtenir un procès équitable?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Tout d'abord, monsieur le Président, ce qui est en litige, c'est la validité d'un instrument créé dans le cadre de la compétence fédérale. Je suis persuadé que l'interprétation fédérale du droit l'emportera.

Deuxièmement, le gouvernement de l'Alberta, comme le député vient de le faire remarquer, est d'accord sur notre position. C'est lui qui interjette appel. Il va défendre la cause en appel et il va démontrer que le jugement devrait être infirmé.

Troisièmement, il existe une immense différence entre faire des commentaires sur les faits de l'espèce en se prononçant par implication sur la culpabilité ou l'innocence de l'accusé, et faire des commentaires sur la légitimité d'une loi dont la validité est contestée en justice. Il y a donc une immense différence entre les deux, et il ne s'est absolument rien produit d'incorrect.

* * *

LA SANTÉ

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

Une récente étude menée par Statistique Canada révèle que les femmes du comté de Cumberland ont le plus haut taux d'hystérectomie au Canada. Comme le taux est deux à trois fois plus élevé dans cette région que la moyenne nationale et comme l'hystérectomie est une intervention chirurgicale effractive coûteuse qui consiste en l'ablation de l'utérus, la ministre de la Santé fera-t-elle enquête pour déterminer si ces statistiques alarmantes signifient que des interventions chirurgicales sont pratiquées inutilement?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, des phénomènes de ce genre se produisent d'un bout à l'autre du pays. Bien que la question de la pratique médicale relève en grande partie des gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral a pris certaines initiatives à cet égard.

Avec la collaboration des gouvernements provinciaux et des groupes médicaux nationaux, Santé Canada a élaboré des lignes directrices pour la médecine clinique au Canada. Par ailleurs, le Forum national sur la santé cherche aussi à déterminer pourquoi il existe de telles divergences dans la pratique médicale d'une région à l'autre.

Nous avons mis sur pied des centres d'excellence qui se pencheront sur toute la question de la santé des femmes. Notre gouvernement est déterminé à examiner certains aspects de la santé des femmes sur lesquels on a fermé les yeux pendant très longtemps.

* * *

[Français]

L'ÉDITION

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine. Alors que faisait rage la controverse de Ginn Publishing, le ministre du Patrimoine, on s'en rappellera, a démontré son incapacité à défendre adéquatement les intérêts des éditeurs canadiens. Or, un an plus tard, le ministre récidive en annonçant une coupure de plus de 33 p. 100 dans l'aide au développement de l'édition canadienne et de 71 p. 100 dans l'aide à la distribution de nouvelles publications.

Comment le ministre peut-il justifier l'ampleur de pareilles coupures qui feront mal aux éditeurs, après son cafouillage lamentable dans le dossier de Ginn Publishing?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, n'allons pas trop vite en affaires. Nous sommes en train de regarder les programmes, voir comment nous pouvons les amalgamer pour les rendre plus efficaces, et nous le ferons en consultation avec les milieux intéressés.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre peut-il prétendre défendre les éditeurs, alors qu'il sabre dans des programmes mis sur pied expressément dans le but de compenser les pertes occasionnées par l'abolition du tarif postal sur les livres et par l'entrée en vigeur de la TPS, mesures qui sont toujours en vigueur?

(1455)

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, tout cela était de très belles inventions du gouvernement précédent. Ce que je suis en train de dire, c'est que nous regardons comment nous allons pouvoir remplacer ces différents programmes pour rendre plus efficaces des programmes nouveaux.

* * *

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, étant donné l'affaire somalienne, et l'affaire des vidéos de Petawawa, et la détérioration du moral au sein des forces armées, ainsi que le fait que les membres de nos forces armées sont poussés à performer davantage avec des moyens réduits, qu'est-ce que le ministre de la Défense entend faire au sujet des dix suicides dans nos forces armées à Valcartier? Qu'est-ce qu'il


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fait actuellement pour identifier la cause principale de cette situation inquiétante?

[Traduction]

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, lorsque la question des suicides dans les forces armées a été soulevée, il y a quelques mois, je me suis penché sur le problème et j'en ai discuté avec le chef d'état-major de la défense. Nous avons constaté que le taux de suicides était inférieur dans les forces armées à ce qu'il est dans l'ensemble de la population.

Il y a eu récemment des préoccupations au sujet d'un certain nombre de suicides, surtout parmi le personnel qui rentre de Bosnie et de Croatie. J'ai demandé un complément d'information pour savoir s'il y a là une tendance préoccupante.

Tout suicide, toute mort est tragique, mais le député parle du moral et du leadership dans les forces armées. J'espère que, étant ancien officier général distingué dans les forces armées, il discutera avec ses collègues des moyens qu'ils peuvent prendre pour raffermir le moral et le leadership dans les forces armées, ce qu'ils ne font pas par les observations qu'ils font dans leurs questions.

Le moral et le leadership dans les forces armées sont pas mal meilleurs que dans le Parti réformiste.

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je serais extrêmement heureux de l'aider, lui ou les soldats directement, par tous les moyens possibles.

Pour l'instant, la question que je pose au ministre, par votre entremise, est la suivante: Que faites-vous au juste. . .

Le Président: Je suis sûr que le député aura l'obligeance de reformuler sa question.

[Français]

M. Ringma: Monsieur le Président, dans ce cas, j'ai une question supplémentaire. Les soldats canadiens et leur famille sont conscients que la mort est un des risques du métier. Par contre, on s'attendrait à ce qu'un décès survienne dans le cadre des activités professionnelles, mais dix suicides, il faut expliquer cela.

Quelles démarches le ministre entreprendra-t-il afin de rassurer les familles des autres soldats qu'il est assez compétent pour prendre cette situation en main et initier un plan d'action pour rectifier tous les problèmes au sein des forces?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le taux de suicide dans les forces canadiennes est moindre que dans la population en général.

* * *

[Traduction]

L'ENVIRONNEMENT

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, une rencontre des dirigeants du monde entier commence à Berlin. Je crois que la ministre de l'Environnement s'y rendra la semaine prochaine pour participer à des pourparlers visant à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre qui menacent actuellement le climat de la planète.

La plupart des pays qui produisent les plus fortes concentrations de gaz à effet de serre par habitant, y compris le Canada, ont déposé des rapports déplorables qui indiquent qu'ils ne respecteront pas les engagements pris lors du Sommet de Rio sur le climat de 1992.

Étant donné qu'il est clair que le monde est aux prises avec un problème dont les conséquences sont particulièrement importantes et irréversibles et que les délégués à Berlin ne peuvent se permettre de rater cette chance de commencer à renverser la vapeur, pourquoi le Canada adopte-t-il, à l'égard des changements climatiques, des mesures timides qui ne sont pas aussi énergiques que celles que nous prenons pour préserver les stocks de poisson au large de la côte atlantique?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je veux d'abord remercier le député de sa question. C'est l'une des rares questions de l'opposition sur un problème qui menace la planète beaucoup plus que tout autre, y compris ceux qui menacent les stocks de poisson.

(1500)

En fait, la destruction des stocks de morue résulte en partie de l'effet de serre qui a fait augmenter les températures de la planète de trois degrés depuis le début des temps, et qui risque de les faire grimper encore de trois degrés au cours des 50 prochaines années.

Des voix: Oh, oh!

Mme Copps: Cela n'intéresse peut-être pas les députés d'en face, mais le député a parfaitement raison. Il nous faut adopter une position plus ferme à l'échelle internationale.

Nous espérons que la proposition avant-gardiste que nous présentons, relativement au jumelage technologique, nous permettra d'aider les pays en développement à réduire, conformément aux objectifs qu'ils se sont fixés, leurs émissions de gaz à effet de serre et ce, en utilisant la technologie canadienne, mais surtout, de nous assurer que nous atteignons nos objectifs, non seulement pour stabiliser, mais aussi pour réduire ces émissions aux terribles conséquences.

* * *

[Français]

HOMMAGE À JEAN-CLAUDE DEVOST

Le Président: Chers collègues, cela termine la période des questions orales, mais je désire souligner cet après-midi que Jean-Claude Devost, greffier au Bureau et greffier principal adjoint de la Direction des journaux nous quittera cette semaine pour une retraite bien méritée.

[Traduction]

Jean-Claude est assis au bureau maintenant. Jean-Claude, auriez-vous l'obligeance de vous lever pendant que je lis ceci à la Chambre?

11195

Jean-Claude prend sa retraite cette semaine, après 28 années de loyaux services à la Chambre des communes. Il a commencé sa carrière en travaillant pour le caucus du Crédit social, du temps de Réal Caouette, puis il a exercé diverses fonctions à la Chambre. Il fait partie des services du greffier depuis 1991.

[Français]

Je sais, mes collègues, que vous voudrez saluer avec moi la longue et fructueuse carrière de Jean-Claude. Je désire te souhaiter, Jean-Claude, et aussi souhaiter à ta femme Suzanne, la santé et tout le bonheur possible pour les années à venir.

Des voix: Bravo!

* * *

[Traduction]

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, mon recours au Règlement a trait à la période des questions. Pendant la période des questions, le député de Kootenay-Ouest-Revelstoke a fait allusion à un document concernant la question des travaux à l'aéroport Pearson. Je voudrais savoir si, avec le consentement de la Chambre, nous pourrions demander au député de déposer le document en cause à la Chambre.

Le Président: Chers collègues, il est inhabituel de demander à un simple député de déposer un document. Cependant, avec le consentement des députés, la Chambre peut prendre toutes les décisions qu'elle veut. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

Le Président: Il n'y a pas consentement unanime.

LES MINES

Mme Jane Stewart (Brant, Lib.): Monsieur le Président, plus tôt aujourd'hui, dans une déclaration à la Chambre, j'ai par inadvertance et erronément dit qu'il y avait 110 mines enfouies dans 62 pays de par le monde. En fait, il ne s'agit pas de 110 mines, ni de 110 000, mais bien de 110 millions de mines. Je tenais à être parfaitement claire à la Chambre quant à l'ampleur de ce terrible fléau.

Le Président: Je suis sûr que le compte rendu sera corrigé.

LES ARMES À FEU

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais corriger une erreur que j'ai commise en répondant à une question du député de Yorkton-Melville, le 23 mars dernier.

Le député me parlait de l'enregistrement des armes à feu. J'ai cité des chiffres de Statistique Canada dans ma réponse et j'ai déclaré que, en Saskatchewan, le taux de mortalité attribuable à l'utilisation d'une arme à feu était de 50 p. 100 plus élevé que la moyenne nationale et que le taux de suicides commis à l'aide d'une arme à feu était le double de la moyenne nationale. Je me trompais.

Les statistiques montrent, en réalité, que le taux de suicides commis à l'aide d'une arme à feu, en Saskatchewan, est un tiers plus élevé que la moyenne nationale. C'est le taux de décès dus à des accidents survenus durant la manipulation d'une arme à feu qui équivaut à deux fois celui de la moyenne nationale. Le nombre total de décès attribuables à l'utilisation d'une arme à feu, en Saskatchewan, est de 25 p. 100 plus élevé que la moyenne nationale. Je donnerai au député une copie des statistiques qui confirment ces chiffres.

_____________________________________________


11195

AFFAIRES COURANTES

(1505)

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 31 pétitions.

* * *

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 92 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter le 70e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui porte sur le choix des affaires qui font l'objet d'un vote. Ce rapport est adopté d'office dès son dépôt.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre au sujet de la motion suivante. Je propose:

Que, nonobstant tout article du Règlement et immédiatement après la période consacrée aux Affaires émanant des députés, le mercredi 29 mars 1995, la Chambre continuera à sièger pour une période n'excédant pas trois heures et ce, afin de débattre une motion «Que cette Chambre, à la lumière de la prise en considération par le Conseil de sécurité de l'ONU du renouvellement du mandat des forces de l'ONU dans l'ancienne Yougoslavie, prenne note de la rotation des troupes canadiennes servant sous la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine et en Croatie»;
[Français]

Que les trois premiers députés ne pourront parler pour plus de 20 minutes et tous les autres députés qui prendront ensuite la parole seront limités à un temps de parole n'excédant pas 10 minutes;

Que, durant ce débat, le Président n'acceptera aucune motion dilatoire ou appel de quorum; et

Que, lorsque les trois heures de débat sur la motion auront été écoulées, ou lorsqu'aucun autre député désirera prendre la parole, peu importe laquelle de ces situations se réalisera en premier, le Président ajournera la Chambre jusqu'au prochain jour de séance.


11196

Le vice-président: Les honorables députés ont entendu l'énoncé de la motion. Y a-t-il consentement unanime de la Chambre pour présenter cette motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est présentée et adoptée.)

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

LES DROITS DES GRANDS-PARENTS

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je prends la parole aujourd'hui pour présenter deux pétitions au nom d'électeurs. La première est signée par 63 électeurs de Fredericton-York-Sunbury qui demandent au Parlement de modifier la Loi sur le divorce afin d'assurer la protection des grands-parents en cas d'action en divorce.

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, les signataires de la deuxième pétition demandent que des modifications soient apportées à la Charte des droits pour que les habitants d'une collectivité soient avisés quand un délinquant sexuel récidiviste est relâché dans leurs quartiers afin d'assurer la sécurité des enfants. Cette pétition comporte 500 signatures.

LA FISCALITÉ

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter une pétition signée par un certain nombre d'électeurs de la région de la capitale nationale.

Les pétitionnaires aimeraient attirer l'attention de la Chambre sur le fait que les personnes qui s'occupent de la maison et qui prennent soin des enfants d'âge préscolaire exercent une profession honorable dont on ne reconnaît pas la valeur dans notre société. Ils ajoutent que la Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire à l'endroit des familles qui choisissent de garder des enfants d'âge préscolaire à la maison, ainsi qu'à l'égard de ceux qui offrent des soins à la maison à des handicapés, à des malades chroniques et à des personnes âgées.

Les pétitionnaires prient donc humblement le Parlement de prendre des mesures pour supprimer toute discrimination fiscale à l'endroit des familles qui décident de s'occuper, à la maison, d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de personnes âgées.

(1510)

LA DÉFENSE D'IVRESSE

Mme Susan Whelan (Essex-Windsor, Lib.): Monsieur le Président, j'ai des pétitions contenant les signatures de plus de 6 000 résidents de la circonscription d'Essex-Windsor qui demandent au Parlement d'annuler la décision de la Cour suprême du Canada d'inclure l'ivresse ou l'incapacité extrême parmi les défenses dans les cas d'infractions criminelles.

Dans ces pétitions lancées par la Victims for Justice Coalition for Windsor-Essex County, on demande en outre que le Parlement reconnaisse que la société est dans l'obligation de punir ceux qui s'enivrent volontairement et qui causent du tort à d'autres personnes.

Je tiens à féliciter la coalition pour les efforts qu'elle a déployés à cet égard. Je suis heureuse de présenter ces pétitions. Je me réjouis également que le gouvernement ait répondu aux préoccupations de tous les Canadiens sur cette question en déposant le projet de loi C-72, qui est étudié rapidement à la Chambre.

LA CÂBLODISTRIBUTION

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter des pétitions signées par 667 résidents de Calgary, Toronto, Ottawa, Ajax, Pickering et Whitby.

Les pétitionnaires demandent au CRTC de revoir toute la question de l'introduction, par les sociétés de câblodistribution, du nouveau service de canaux spécialisés.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, je désire présenter quatre pétitions différentes signées par mes électeurs de Capilano-Howe Sound.

Le premier groupe de pétitionnaires demande que la Chambre s'oppose à des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte des droits et libertés qui prévoient d'y insérer l'expression «orientation sexuelle».

LE PROJET DE LOI C-41

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, le deuxième groupe de pétitions venant de mes électeurs exhorte le Parlement à s'opposer à l'adoption de l'article 718.2 du projet de loi C-41.

LA FISCALITÉ

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, dans le troisième groupe de pétitions, mes électeurs de Capilano-Howe Sound demandent au Parlement de réduire les dépenses gouvernementales, au lieu d'accroître les impôts et de mettre en oeuvre une loi sur la protection du contribuable pour limiter, à l'avenir, les dépenses du gouvernement fédéral. J'ai le plaisir d'appuyer cette demande.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, les signataires du quatrième groupe de pétitions, des habitants de Bowen Island dans ma circonscription, invitent le Parlement à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour protéger les gens contre toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais présenter aujourd'hui trois groupes de pétitions au nom de mes électeurs de Simcoe-Centre.


11197

Le premier groupe de pétitionnaires demande que le gouvernement du Canada ne modifie pas la Loi canadienne sur les droits de la personne pour inclure l'expression «orientation sexuelle». Les pétitionnaires craignent que, à la suite de cette inclusion, les homosexuels puissent profiter des mêmes avantages et des mêmes privilèges dans la société que les couples mariés.

LE PROJET DE LOI C-41

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition porte sur l'article 718.2 du projet de loi C-41. Les pétitionnaires craignent que, en nommant certains groupes dans la mesure législative, on n'exclue d'autres groupes qui, de ce fait, ne seraient pas protégés et que la détermination de la peine, dans le cas d'une infraction motivée par la haine, ne soit très subjective et ne nuise à notre système judiciaire.

L'IMPOSITION

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la troisième et dernière pétition vient de ma circonscription et porte 474 signatures qui ont été recueillies par de petits entrepreneurs de ma circonscription, dont M. Garry Valley, M. John Ough, M. Barry Bertram, M. Devon Smith, M. Bryan Greig, Mme Jean Baker Pearce et M. Paul Jamieson.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de réduire les dépenses publiques au lieu d'augmenter les taxes, étant donné que les Canadiens croulent déjà sous les taxes à cause des dépenses publiques très élevées.

LE DÉFICIT

M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville, Lib. ind.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter une pétition signée par des habitants de Markham-Whitchurch-Stouffville.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de réduire le déficit en mettant fin au gaspillage et en diminuant d'au moins 5 p. 100 les dépenses totales de tous les ministères fédéraux.

LES FORCES ARMÉES

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, je voudrais présenter une pétition signée par environ 200 personnes qui s'inquiètent du moral dans les Forces canadiennes.

La décision de démanteler le Régiment aéroporté canadien a attiré l'attention des médias et du public sur les Forces canadiennes.

Les pétitionnaires réclament une enquête approfondie dont les résultats seraient rendus publics. Ils estiment que le public serait ainsi mieux informé des conditions qui existent au sein des forces armées et de la contribution de celles-ci au bien-être et à la réputation de notre pays, tant ici qu'à l'étranger.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'entreprendre dans les meilleurs délais une vaste enquête publique sur les problèmes que connaissent actuellement les Forces canadiennes.

L'ARMÉNIE

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter à la Chambre, conformément à l'article 36 du Règlement, des pétitions signées par 100 Canadiens qui vivent à North York, Scarborough et Richmond Hill dans le Grand Toronto.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de reconnaître et de condamner le génocide arménien commis par les Turcs. On célébrera, cette année, le 80e anniversaire du génocide et les pétitionnaires demandent à la Chambre de reconnaître ce crime contre l'humanité, comme l'ont déjà fait les parlements d'Israël, de la Russie, de la France et de l'Uruguay. Les parlements du Québec et de l'Ontario reconnaissent aussi ce crime contre l'humanité.

(1515)

LA JUSTICE

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je désire présenter une pétition qui s'inscrit dans le cadre des démarches que j'ai déjà entreprises au nom d'électeurs qui s'opposent à la mise en liberté anticipée de Robert Paul Thompson.

Soucieux de rendre nos rues plus sûres, les pétitionnaires que je représente s'opposent à la pratique actuelle qui consiste à accorder des mises en liberté anticipées à des criminels violents.

Les pétitionnaires souhaitent que nos rues deviennent des endroits plus sûrs pour les honnêtes citoyens, leurs familles et les familles des victimes d'actes criminels.

LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je désire présenter deux pétitions.

La première, qui porte 788 signatures, concerne les jeunes contrevenants. Les Canadiens de toutes les régions demandent que des modifications soient apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils souhaitent que la loi soit suffisamment rigoureuse pour enrayer la criminalité juvénile et garantir vraiment que justice soit faite.

Par conséquent, les pétitionnaires demandent que le Parlement entame une révision en profondeur de la loi actuelle et qu'il donne suite à leurs attentes.

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par 68 habitants de ma circonscription. Les pétitionnaires estiment qu'ils paient déjà trop d'impôts par suite des dépenses publiques.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de faire en sorte de réduire les dépenses publiques au lieu d'augmenter les impôts. J'appuie cette pétition.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter quatre pétitions au nom de 1 880 habitants de la circonscription de Végréville.

Dans les quatre pétitions, les pétitionnaires estiment que la sécurité publique est la priorité numéro un du système de justice pénale. Ils estiment aussi que les mesures de contrôle dont font


11198

déjà l'objet les propriétaires d'armes à feu responsables et respectueux de la loi sont amplement suffisantes.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'appuyer les mesures législatives qui prévoient des sanctions sévères à l'égard de tous les criminels violents qui utilisent des armes pour commettre un crime, d'appuyer les nouvelles dispositions du Code criminel sur le contrôle des armes à feu qui reconnaissent et protègent le droit des citoyens respectueux de la loi de posséder et d'utiliser des armes à feu à des fins récréatives, et d'appuyer toute mesure législative visant à abroger ou à modifier les mesures législatives existantes sur le contrôle des armes à feu qui n'améliorent pas la sécurité publique, qui ne sont pas rentables ou qui sont d'une complexité telle qu'elles sont inefficaces ou inapplicables.

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je veux présenter une pétition qui m'a été envoyée par des électeurs de ma circonscription, Athabasca, qui habitent surtout dans le secteur Westlock.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer toute loi dont l'objet est de punir sévèrement les criminels violents qui utilisent des armes à feu lors de la perpétration d'un crime, d'appuyer l'adoption de nouvelles dispositions du Code criminel sur le contrôle des armes à feu qui reconnaissent et protègent le droit des citoyens respectueux de la loi de posséder et d'utiliser des armes à feu, et d'appuyer des mesures qui révoqueront ou modifieront les lois actuelles sur le contrôle des armes à feu qui n'ont pas amélioré la sécurité du public, qui se sont avérées non rentables ou qui sont trop complexes pour être efficaces ou applicables.

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai le devoir de présenter cette pétition au nom de Mme Dorothy Polhill, de ma circonscription, Mississauga-Ouest.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de rejeter toute modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de la Charte canadienne des droits et libertés qui viserait à y ajouter l'expression «orientation sexuelle».

L'EUTHANASIE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, je prends la parole en vertu de l'article 36 du Règlement pour présenter trois groupes de pétitions.

Le premier groupe concerne l'euthanasie et a été signé par 151 personnes de ma circonscription. Les pétitionnaires prient le Parlement de faire en sorte que les dispositions actuelles du Code criminel du Canada interdisant le suicide assisté soient appliquées rigoureusement et que le Parlement ne fasse aucune modification à la loi qui sanctionnerait ou permettrait l'aide au suicide ou toute activité conçue pour mettre fin à la vie d'une personne.

LA JUSTICE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, le deuxième groupe de pétitions concerne la libération des délinquants sexuels récidivistes. Les pétitionnaires prient le Parlement d'adopter une mesure législative qui ferait que les gens seraient avertis de la libération d'un délinquant sexuel récidiviste dans leur communauté.

Cette mesure législative ferait de la sécurité de nos enfants une priorité.

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, le troisième et dernier groupe de pétitions est signé par 209 personnes de ma circonscription et d'autres parties du Nouveau-Brunswick.

Ces pétitionnaires prient le Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte des droits et libertés d'une façon qui indiquerait que la société approuve les relations entre personnes de même sexe, ou l'homosexualité, et de ne pas modifier non plus le Code criminel pour inclure dans les motifs de distinction illicite l'expression non définie «orientation sexuelle». J'approuve toutes ces pétitions.

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je présente aujourd'hui deux pétitions au nom des électeurs du Lower Mainland de Colombie-Britannique et de la circonscription de New Westminster-Burnaby.

(1520)

Dans les deux cas, les pétitionnaires font savoir qu'ils sont écrasés par les impôts à cause des dépense excessives du gouvernement.

Par conséquent, ils prient le Parlement de réduire les dépenses du gouvernement au lieu d'augmenter les impôts, et d'adopter une loi protégeant les contribuables et limitant les dépenses gouvernementales.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai aujourd'hui trois pétitions à présenter à la Chambre.

La première demande au gouvernement de ne pas inclure, dans le Code des droits de la personne, l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

LES ARMES À FEU

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, la seconde pétition vient d'un groupe de personnes réparties dans toute la Colombie-Britannique qui demandent au Parlement d'appuyer des lois punissant sévèrement tous les criminels violents qui utilisent des armes dans la perpétration d'un crime.

Les pétitionnaires sont en faveur de nouvelles dispositions du Code criminel sur le contrôle des armes à feu reconnaissant et protégeant le droit des citoyens respectueux des lois de posséder et d'utiliser des armes à feu à des fins récréatives, et des dispositions législatives abrogeant ou modifiant les lois actuelles sur le contrôle des armes à feu qui n'ont pas amélioré la sécurité publique.

11199

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, la troisième pétition porte 753 signatures, qui viennent s'ajouter aux dizaines de milliers que j'ai présentées depuis quelques semaines.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de comprimer les dépenses gouvernementales, de ne pas hausser les impôts et de mettre en application une loi de protection des contribuables, afin de garantir qu'à l'avenir, on n'inflige pas des hausses d'impôts aux Canadiens.

LES PHARES

M. John Cummins (Delta, Réf.): Monsieur le Président, je présente aujourd'hui une pétition où l'on peut lire, entre autres choses, que le ministre des Transports a ordonné à la garde côtière canadienne de mettre en oeuvre les plans détaillés d'un programme visant à retirer le personnel de toutes les stations de phare de la côte ouest. Les économies que la garde côtière en tirera sont minimes et les usagers des services de ces stations seront très lésés par l'élimination des services de météorologie locale et d'assistance aux fins de recherche et de sauvetage, ainsi que par le retrait du personnel des stations isolées le long de cette côte accidentée.

À ces causes, les pétitionnaires demandent humblement qu'il plaise au Parlement de revenir immédiatement sur cette décision et d'ordonner qu'une enquête publique exhaustive se tienne, en Colombie-Britannique, sur la nécessité de maintenir du personnel dans les stations de phare de la côte ouest.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

[Traduction]

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement, conformément à l'article 39 du Règlement.

J'ai une question qui est inscrite au Feuilleton depuis le 4 octobre 1994, soit depuis 179 jours. Elle vise l'aide financière fournie par l'APECA dans chaque circonscription électorale du Canada atlantique.

Je crois comprendre que le gouvernement s'efforce vraiment de répondre à toutes les questions inscrites au Feuilleton en moins de 45 jours. Mais c'est inacceptable qu'il n'ait pas encore répondu à la mienne au bout de 179 jours. C'est à croire qu'il ne peut pas ou ne veut pas y répondre.

Le député aurait-il l'obligeance de me dire quand on répondra à la question que j'ai posée il y a plus de cinq mois?

M. Milliken: Monsieur le Président, je sais que la question concerne l'aide financière totale fournie dans chaque circonscription fédérale par l'APECA, du 4 novembre 1993 jusqu'à maintenant.

Je sais que le ministre des Approvisionnements et Services a travaillé assidûment à la rédaction d'une réponse à la question de la députée. Tout ce que je puis dire, c'est que si la réponse n'est pas encore prête, elle est sur le point de l'être et je serai bientôt en mesure de répondre à la question de la députée.

Le vice-président: Les questions qui restent sont-elles réservées?

Des voix: D'accord.

* * *

DEMANDES DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que les motions portant production de documents soient reportées.

Le vice-président: D'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


11199

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

L'hon. Raymond Chan (pour le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) propose: Que le projet de loi C-69, Loi portant sur la création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et la révision des limites des circonscriptions électorales, soit lu pour la troisième fois et adopté.

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Formation et Jeunesse), Lib.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole ici aujourd'hui au sujet du projet de loi C-69, Loi portant sur la création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et la révision des limites des circonscriptions électorales.

(1525)

J'accueille ce projet de loi dans une perspective différente de celle qui a été présentée jusqu'à maintenant à la Chambre. Je voudrais parler plus particulièrement du paragraphe 30(a), qui a une incidence directe sur Western Arctic, ma circonscription.

Une fois que cette loi sera promulguée, ma circonscription comptera quatre localités de plus. Sa population s'accroîtra de 1 700 personnes. Sa superficie gagnera quelque 200 000 kilomètres carrés, c'est-à-dire plus que bien d'autres circonscriptions au Canada. Ma circonscription deviendra ainsi la deuxième en importance au Canada du point de vue de la superficie.

C'est une circonscription qui compte peu de routes. En fait, 90 p. 100 de la circonscription ne sont pas accessibles par la route. L'été, les gens peuvent voyager par bateau sur le fleuve Mackenzie, mais, durant le long hiver, il faut prendre l'avion ou emprunter une route d'hiver plutôt dangereuse dans des conditions très rigoureuses.


11200

Je ne suis pas venue ici aujourd'hui pour parler de l'immensité de ma circonscription et de la difficulté des déplacements dans cette région. Ces préoccupations vont de soi. Les gens diraient que cela fait partie des règles du jeu.

Cependant, je voudrais profiter de cette occasion aujourd'hui pour accueillir quatre nouvelles localités dans ma circonscription, soit Sachs Harbour, Holman Island, Paulatuk et Tuktoyaktuk, et pour encourager les autochtones, y compris les femmes et les jeunes, à participer plus activement au processus électoral dans le Nord et à Ottawa.

Les quatre localités qui feront désormais partie de la circonscription de Western Arctic sont des localités inuvialuit. Elles sont représentées à l'assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest par la première ministre, dont la circonscription s'appelle Nunakput. C'est avec beaucoup d'enthousiasme que je travaillerai en étroite collaboration avec elle pour représenter le mieux possible cette région. Les quatre localités sont situées sur la côte de l'océan Arctique, le troisième grand océan au Canada.

Ces localités font actuellement partie de la circonscription de Nunatsiaq. Après le redécoupage de la carte électorale, elles feront partie de la circonscription de Western Arctic. Je tiens à dire qu'elles ont été bien servies par mon collègue, le député de Nunatsiaq, qui les représente depuis qu'il a été élu au Parlement pour la première fois en 1968.

La population de ces quatre localités est composée majoritairement d'Inuvialuit. Les Inuvialuit sont des Inuit de l'ouest de l'Arctique. Ils sont différents des Inuit de l'est de l'Arctique. Les Inuvialuit sont des descendants des Karngmalit, ou Inuit du Mackenzie, qui habitaient un riche territoire de chasse comprenant à la fois des forêts, des zones où la végétation est plutôt rare et de vastes étendues d'eau. Cette région est encore très attachée à la culture Thulé, où le béluga est la principale source de nourriture et de combustible. La peau et les os sont utilisés également.

Les jeunes forment au moins le tiers de la population de toutes ces localités. Il s'agit d'un ensemble de très jeunes localités en pleine croissance. Le coût de la vie y est très élevé, comme c'est le cas dans toutes les localités nordiques. La différence de coût de la vie entre une ville du sud comme Edmonton, en Alberta, et ces localités oscille entre 185 et 190 p. 100. Cela veut dire qu'un produit alimentaire coûtant 1 $ à Edmonton en coûtera de 1,85 $ à 1,90 $ dans ces localités.

Bien qu'il existe beaucoup de similitudes entre les quatre localités inuvialuit, chacune a sa propre histoire. L'une d'elles, Sachs Harbour, ou Ikaahuk, est située sur l'île la plus occidentale de l'archipel arctique canadien, l'île Banks. Les archéologues ont découvert des traces d'habitation de Thulé en plusieurs endroits dans l'île Banks, ce qui révèle que les Inuit ont habité dans ces îles pendant plusieurs siècles.

Sachs Harbour doit son nom au navire Mary Sachs, de l'expédition arctique canadienne de 1913. L'occupation permanente n'a pas commencé avant 1929, lorsque trois familles inuit du delta sont arrivées à cet endroit à bord de leurs schooners. L'attrait principal de l'île était le renard blanc, et pendant plus de 50 ans, l'île a été considérée comme l'une des meilleures zones de trappage de tout l'Arctique nord-américain. Les habitants de l'île Banks étaient particulièrement à l'aise et instruits au moment où le commerce des fourrures était très florissant, dans les années 30. Le premier médecin inuit appartenait à la famille Carpenter, fort bien connue à l'île Banks. L'instruction est demeurée un facteur puissant à Sachs Harbour.

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Au recensement de 1991, on comptait une population de 85 personnes âgées de 15 ans et plus; là-dessus, 30 avaient fait des études universitaires ou non universitaires sanctionnées par un diplôme. Les habitants de Sachs Harbour sont demeurés très autarciques, si l'on compare leur situation à celle de nombreuses collectivités de l'Arctique. Ils ont continué à pratiquer le piégeage. Il y a également des services de pourvoyeurs pour la chasse au gros gibier comme l'ours polaire et le boeuf musqué. À Sachs Harbour, le taux de participation à la population active atteint 88 p. 100, et le revenu moyen est le plus élevé des quatre localités: plus de 25 000 $ en 1991.

Holman Island, autre localité qui doit s'ajouter à ma circonscription, est située sur la péninsule Diamond Jenness, du côté ouest de l'île Victoria, île qui est la terre ancestrale des Inuit du cuivre. Pendant l'hiver, ils chassaient dans l'île Banks et, à l'été, ils se rendaient dans le centre de l'île Victoria pour chasser le caribou. Les habitants de Holman ont appris l'imprimerie du révérend Henri Tardi, missionnaire oblat venu chez eux en 1939 de Viviers, en France.

En 1961, la Holman Inuit Cooperative a été mise sur pied pour vendre au détail la production, et l'imprimerie est maintenant une source importante de revenus pour la collectivité. Parmi les artistes de Holman, la regrettée Helen Kalvak est la plus connue. Dans cette localité, le taux de participation à la population active n'est que de 59 p. 100.

Paulatuk est une autre des localités visées. Ce débat est intéressant pour tous les Canadiens, car comme ils posent rarement des questions sur le Nord, c'est une excellente occasion de leur expliquer que la circonscription dans laquelle nous exerçons un droit de suffrage démocratique comprend toutes ces merveilleuses localités. Paulatuk, l'autre collectivité qui s'ajoutera à ma circonscription à la suite de la révision des limites, est située entre le littoral marin et un lac intérieur sur la côte de l'Arctique. Paulatuk vient du mot inuit qui désigne la suie ou le charbon. Les Inuvialuit utilisaient, pour se chauffer, le charbon que l'on trouve à proximité.

Les premiers habitants de la région de Paulatuk ont beaucoup souffert des nombreuses influences extérieures venant de certains chasseurs de baleine étrangers. Cependant, en raison des contacts importants qu'elle a eus très tôt avec de nombreuses cultures européennes, la population a moins subi l'influence des missionnaires et a moins dépendu des commerçants que les Inuit


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de l'Est. Bon nombre pouvaient faire des affaires en anglais et lire et écrire leur propre langue en caractères romains.

Paulatuk est réputée pour ses sculpteurs. La majeure partie de sa population a entre zéro et 14 ans. Le taux d'activité de la population active est de 14 p. 100. Par ailleurs, 30 p. 100 de ceux qui font partie de la population active sont sans emploi. Le revenu moyen à Paulatuk est d'environ 17 000 $.

Tuktoyaktuk est la quatrième localité dont je vais parler. C'est la dernière qui sera ajoutée à ma circonscription. Tuktoyaktuk veut dire «qui ressemble à un caribou». Selon une légende, à l'époque où les caribous étaient très nombreux, une femme a regardé ces bêtes s'avancer dans l'eau et celles-ci se sont pétrifiées. On a aperçu, à marée basse, des récifs ressemblant à des caribous.

Autrefois, les Inuit du Mackenzie qui chassaient la baleine étaient généralement originaires de Tuktoyaktuk. Cette localité est la plus grande des quatre et la plus diverse sur le plan ethnique, bien que les Inuvialuit représentent près de 90 p. 100 de la population.

Tuktoyaktuk est maintenant la base maritime pour l'exploration gazière et pétrolière dans la mer de Beaufort. J'ai d'excellents souvenirs de cette localité. J'y ai passé trois ans quand j'étais une jeune enseignante dans les années 70. Plus de la moitié de la population ayant 15 ans ou plus n'a pas terminé ses études secondaires.

Ces localités sont différentes. Le paysage qui les entoure est impressionnant et magnifique, et il s'en dégage une grande sérénité. La vie marine, la vie animale, la composition de l'écosystème maritime de cette région ont de quoi faire rêver les touristes. C'est en fait un rêve pour les touristes écologiques. C'est un paysage que des gens de partout dans le monde sont prêts à payer très cher pour voir. Ils en ont pour leur argent.

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En hiver et à la fin de l'automne, on peut voir les aurores boréales dont tout le monde parle. En été, on peut voir des bélugas des maisons qui donnent sur l'océan Arctique. C'est vraiment très beau. En hiver, le sol est couvert de neige et les gens vont dehors pendant toute la saison pour se rencontrer.

Le député qui représente la région, le député de Nunatsiaq, estime que c'est un honneur que de la représenter et il le fait avec grâce. Je suis impatiente de voir ces communautés se joindre à la circonscription de Western Arctic, lorsque les nouvelles limites des circonscriptions électorales auront été établies.

À l'origine, les circonscriptions avaient été délimitées sans tenir compte des répercussions sur les communautés autochtones de la région. C'était le cas de Western Arctic. Les Inuvialuit qui habitaient la région la plus septentrionale du Canada étaient répartis dans deux circonscriptions électorales fédérales. En 1984, les Inuvialuit ont été les premiers autochtones au nord du 60e parallèle à signer un accord territorial général.

Les Inuvialuit, qui vivent dans les six communautés côtières, demeurent néanmoins encore divisés en deux circonscriptions. Après avoir récemment célébré le dixième anniversaire de la signature de l'entente finale historique et l'adoption du projet de loi C-69, ils seront finalement regroupés en une seule circonscription électorale.

Les documents qui ont été déposés font état d'un fait très intéressant concernant les obstacles à la participation électorale. On y apprend que les Inuit n'ont obtenu le droit de vote qu'en 1950, mais que les premiers bureaux de scrutin n'ont été installés dans leurs hameaux qu'en 1962. Cette situation était regrettable. Il serait impensable, à notre époque et dans une démocratie comme la nôtre, que des citoyens ne puissent pas exercer leur droit de vote. C'est pourtant ce qui s'était produit.

Ces communautés apporteront une contribution enrichissante à la circonscription de Western Arctic, dont la population est déjà variée. Les Inuvialuit d'Inuvik et d'Aklavik seront réunis aux autres communautés inuvialuit de Sachs Harbour, Paulatuk, Holman Island et Tuktoyaktuk. Toutes ces communautés feront partie de la même circonscription de Western Arctic.

La commission Lortie s'est penchée, il y a un certain nombre d'années, sur des questions touchant la réforme électorale. J'avais notamment été chargée, avec des collègues, dont le sénateur Len Marchand, l'ancien député Gene Rhéaume et une autre personne très compétente, M. Marc LeClair, qui avait travaillé auprès de la commission libérale sur les autochtones, d'examiner les obstacles systémiques et structurels que devaient surmonter les peuples autochtones sur le chapitre de la distribution des sièges à la Chambre des communes, ainsi que certains autres obstacles historiques. Ce fut un exercice très intéressant.

Nous avions constitué un sous-comité de la commission royale et nous avions réussi à rencontrer, dans diverses régions, de nombreux groupes qui avaient exprimé leur point de vue sur les questions à l'étude. Nous nous étions livrés à un exercice approfondi.

Pendant les guerres mondiales, les autochtones ont défendu leur pays parce qu'ils y étaient attachés et voulaient faire leur part. Ils ont consenti de grands sacrifices. Ils n'en ont pas moins dû attendre les années 60 pour obtenir le droit de vote. Ils pouvaient donner leur vie pour leur pays et lui faire honneur, mais ils ne pouvaient pas exercer le droit de vote qu'avaient tous les autres Canadiens.

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C'était là une grande injustice. Il a fallu composer avec ce genre de choses. Cela devrait intéresser certains députés de savoir que 13 autochtones, qui se sont identifiés comme tels, ont été élus à la Chambre des communes, dont le député de Nunatsiaq, le député de Lethbridge, le député de Churchill et moi-même.

Sur 11 000 députés qui ont été élus depuis la Confédération, on compte 13 autochtones, dont 10 au cours de ce siècle. Seulement trois ont été élus dans des circonscriptions où les autochtones ne sont pas majoritaires.


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Six étaient originaires de ma région, là où les autochtones sont majoritaires, soit les Territoires du Nord-Ouest. Dans le cas de Churchill, qui est représenté par le député, on compte 42 p. 100 d'autochtones au sein de la population.

Pensez donc, seulement 13 sur 11 000 députés ont été des autochtones! C'est pourtant la terre des premiers peuples qui, avant tous les autres Canadiens, ont vécu ici.

C'est un honneur inestimable, en tant que parlementaire, que de pouvoir prendre la parole à la Chambre et parler au nom des gens qui nous ont élus, présenter leurs vues, leurs convictions, leur passion, leur vision et les valeurs qu'ils attachent à leur pays, le Canada.

Seulement 13 autochtones ont eu cet honneur, depuis la Confédération. L'un d'eux a été Louis Riel, et on connaît la suite. Nous n'allons pas y revenir. Voilà un concours de circonstances qui mérite réflexion.

Je prends la parole au sujet du projet de loi C-69 pour encourager plus d'autochtones, plus de femmes et plus de jeunes à participer de façon active au processus électoral.

Les autochtones occupent 16 des 24 sièges de l'assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest. Malheureusement, ils sont beaucoup moins représentés à la Chambre des communes. Seuls trois députés sont autochtones et ils sont tous trois libéraux.

Cela n'empêche pas les autres partis d'inclure des autochtones dans leurs rangs. Regardez les députés de la loyale opposition de Sa Majesté. Il y a de grandes populations autochtones dans le nord de leur province. On retrouve, à la baie James, certains des plus remarquables leaders autochtones. Je pense ici à Billy Diamond, à Matthew Coon-Come et à Ted Moses, ainsi qu'au chef Violet Pachanos.

Beaucoup d'autochtones de cette région pourraient facilement se mesurer à n'importe quel député de cette province. Dans d'autres régions, dans le nord de la Colombie-Britannique par exemple, il y a une prédominance de députés libéraux et de députés réformistes. Il y a beaucoup de néo-démocrates. Nous pourrions facilement élire, dans ces régions, des Gitksan et des Witsewitan et faire en sorte que les autochtones représentent non seulement leur peuple, mais aussi les non-autochtones.

Il serait faux de penser que, parce qu'elle est de telle ou telle race ou qu'elle possède tels ou tels antécédents, une personne ne peut bien représenter des personnes d'autres races. Les portes sont ouvertes à tous. Les possibilités sont là.

J'invite les jeunes, les femmes, les membres de minorités ethniques et les handicapés à participer. Il y a, dans cette chambre de la démocratie, dans cette communauté de communautés, dans ce foyer, des pratiques démocratiques réelles. En effet, quiconque désire se porter candidat et réussit à se faire élire peut prendre la parole au nom des personnes qui l'ont élu.

Les femmes, qui constituent 52 p. 100 de la population, ne sont pas représentées proportionnellement dans les assemblées législatives ou à la Chambre des communes. Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a seulement trois femmes députées et l'une d'elles est première ministre. Et quelle première ministre! La première ministre des Territoires du Nord-Ouest est vraiment remarquable!

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Nous, les habitants des Territoires du Nord-Ouest, sommes fiers de la première ministre, lorsqu'elle visite d'autres pays, se rend au Parlement ou nous représente quelque part. Nous savons que l'appartenance à un sexe ou à un autre ne détermine pas la compétence d'une personne, quand celle-ci pense de la bonne façon, s'exprime bien, formule adéquatement ses opinions et représente les siens avec passion.

Il n'y a que 53 femmes au Parlement, soit 18 p. 100 de tous les députés à Ottawa. Pour assurer une meilleure représentation des femmes et des autochtones, il faut participer activement au processus. J'invite tous les autochtones, surtout les gens des quatre nouvelles collectivités qui s'ajouteront à la circonscription de l'Ouest, à participer au processus politique pour s'assurer que des personnes compétentes iront défendre les dossiers qui les préoccupent à Ottawa ou à Yellowknife, peu importe le palier gouvernemental.

Nos jeunes font partie intégrante du processus et sont essentiels à la démarche politique. Ils ont l'énergie et l'enthousiasme qui assurent la victoire à tout candidat, dont un des leurs. En examinant la liste des jeunes élus à la Chambre des communes au cours des ans, on constate que le père Sean O'Sullivan a été élu à l'âge de 21 ans, si je ne m'abuse. Mon plus jeune enfant a 21 ans. N'est-il pas magnifique de penser que quelqu'un d'aussi jeune pourrait siéger ici, à la Chambre des communes?

Richard Cashin a été élu à 21 ans, le député de Sherbrooke, à 24 ans, Lorne Nystrom, à 22 ans, l'honorable Perrin Beatty, à 22 ans, Maurizio Bevilacqua, à 28 ans, le premier ministre, à 29 ans. Ils étaient tous des jeunes qui ont contribué, qui ont donné les meilleures années de leur vie à ce processus honorable. Il est fort possible pour certains jeunes Canadiens qui nous écoutent aujourd'hui d'occuper un jour un siège de député à la Chambre des communes.

Nous sommes ici pour quelques années seulement ou pour toute notre vie. Mais nous ne serons pas ici éternellement, et il faut encourager les jeunes, les femmes, les personnes handicapées, les membres des minorités visibles, les gens aptes et compétents à participer. Le Nord, où la population est jeune, déborde de vitalité. J'encourage les jeunes Canadiens à se regrouper et à participer au processus électoral afin de s'assurer qu'on entende leurs préoccupations.

Récemment, nous avons entendu bien des préoccupations au sujet de l'enseignement postsecondaire, de l'emploi, des programmes et des services destinés aux jeunes. Nous avons également entendu celles des personnes handicapées. Participer et devenir député est une façon de défendre ses points de vue. Il y a des avantages à être député, à pouvoir exprimer son point de vue, à siéger dans la plus haute cour du pays pour représenter des citoyens. C'est un moyen de faire avancer certaines causes.


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J'espère que le projet de loi C-69 encouragera plus de gens à participer au processus électoral et que, lorsqu'on délimitera les circonscriptions électorales à l'avenir, on fera en sorte que des collectivités autochtones comme les Inuvialuit n'aient pas à attendre 10 ans pour être regroupées en une seule circonscription électorale fédérale.

Je voudrais prendre le temps qui me reste pour parler des propositions principales du projet de loi C-69 qui auront un effet sur les Canadiens qui vivent au sud du 60e parallèle. Tout d'abord, le projet de loi C-69 élimine les révisions décennales inutiles dans les provinces où il n'y a pas eu suffisamment de changements dans la population pour conduire à des écarts inacceptables par rapport au quotient provincial.

Le projet de loi tel qu'il est revenu du comité prévoit ce qui suit. On n'établira plus de commission de délimitation dans les provinces où, après le dernier recensement décennal, le nombre de sièges auxquels la province a droit reste le même et aucune des circonscriptions ne s'écarte de plus de 25 p. 100 du quotient provincial. Cela éliminera des redécoupages inutiles et entraînera des économies pour les contribuables.

(1550)

Le projet de loi C-69 prévoit également des modifications quinquennales en plus des redécoupages décennaux actuels. Des modifications quinquennales ne seraient faites que si plus que 10 p. 100 des circonscriptions s'écartent de plus de 25 p. 100 du quotient provincial.

Cela ne toucherait pas le nombre total de sièges, c'est-à-dire que le nombre de sièges attribué à chaque province resterait le même. Tout ce que l'on ferait, c'est modifier les limites des circonscriptions à l'intérieur de la province. En permettant que les limites soient modifiées plus que tous les 10 ans à l'intérieur d'une province, on minimise les effets des déplacements importants de population dans certaines provinces.

La nomination des commissions de délimitation sera plus transparente. Le président de chaque commission continuera d'être nommé par le juge en chef de la province. Avant de nommer les deux autres commissionnaires, le Président de la Chambre des communes devra lancer des invitations, solliciter des candidatures et consulter largement avant de procéder aux nominations.

Un autre changement c'est que les nominations du Président de la Chambre peuvent être revues et annulées par la Chambre. Les nouvelles dispositions concernant l'avis dans la Gazette, la sollicitation de candidatures et les consultations rendront le processus beaucoup plus transparent.

Le processus de délimitation sera lui aussi beaucoup plus transparent. Le projet de loi C-69 prévoit qu'au début du processus, les commissions transmettent un avis donnant les dénombrements de population, un plan de travail et une invitation au public pour qu'il participe. Je suis certaine que cela encouragera une plus grande participation du public au processus de délimitation des circonscriptions.

Le projet de loi C-69 permettra la tenue d'un débat public mieux informé. Le comité a demandé que les commissions présentent trois cartes différentes, au lieu d'une seule, comme c'est la pratique actuellement, montrant les différentes façons de diviser une province donnée en circonscriptions électorales. Les commissions pourront encore indiquer leur préférence, mais elles seront dorénavant tenues de justifier leur choix. Les deux cartes supplémentaires aideront les citoyens désireux de soumettre un mémoire. Je suis convaincue que ces nouvelles exigences favoriseront la tenue de débats plus éclairés et encouragera une plus grande participation du public.

Le projet de loi C-69 prévoit la possibilité, le cas échéant, de tenir une seconde série d'audiences publiques. En effet, lorsqu'en réponse aux commentaires du public, la commission apporte des modifications au tracé proposé d'une circonscription touchant 25 p. 100 de la population de cette circonscription, il est prévu qu'une nouvelle série d'audiences doit avoir lieu. Ce changement reflète l'importance de la participation du public au processus. Après tout, les citoyens sont au centre du processus électoral.

Le projet de loi C-69 fixe les circonstances dans lesquelles les commissions de délimitation des circonscriptions électorales peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire pour créer des circonscriptions à titre exceptionnel et demande à ces dernières de justifier leur décision dans leur rapport. C'est d'une importance capitale. Reconnaissant qu'il peut être nécessaire, dans le cas de certaines circonscriptions, de ne pas s'en tenir à l'écart de 25 p. 100 par rapport au quotient provincial, le comité a maintenu le pouvoir des commissions de créer des circonscriptions à titre exceptionnel. Notre pays est très diversifié. Il existe des circonstances exceptionnelles, comme dans ma région, où les distances sont tellement grandes. Parcourir de telles étendues de terre est un exercice fastidieux pour tout représentant élu.

Toutefois, dans la version du projet de loi qu'il nous renvoie, le comité limite l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire à des circonstances exceptionnelles précises, à savoir lorsque la population est inférieure à 75 p. 100 du quotient provincial et que la circonscription est isolée du reste de la province ou difficilement accessible. En outre, le projet de loi exige que la commission indique les raisons de cette dérogation dans son rapport. Je suis convaincue que cela encouragera les commissions à faire usage de leur pouvoir discrétionnaire de façon responsable et uniforme.

Le projet de loi élimine l'obligation qui est faite à l'heure actuelle aux commissions de déposer leurs propositions à la Chambre.

(1555)

Étant donné que les députés devraient participer aux audiences publiques comme les autres Canadiens, le projet de loi élimine l'examen supplémentaire par un comité parlementaire des propositions présentées par les commissions. De toute façon, nous avons vu que les interventions des députés n'avaient pas beaucoup d'effet sur le rapport final des commissions. Les dépu-


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tés auront, autant que tout autre citoyen, le droit de présenter leurs demandes dans le cadre des consultations publiques.

Cette façon de faire concorde avec le but visé, qui est de confier le processus de révision des limites électorales à des commissions indépendantes plutôt qu'au Parlement, et garantit que ce processus restera non sectaire et indépendant.

Le projet de loi C-69 établit des critères détaillés dont les commissions devront tenir compte dans le tracé qu'elles feront de la carte électorale. Le projet de loi proposé par le comité établit des lignes directrices claires à l'intention des commissions, quant aux critères qu'elles devront appliquer dans la révision de la carte électorale, notamment la communauté d'intérêts des habitants, les prévisions de croissance future de la population et une superficie de proportion raisonnable, ainsi que les limites naturelles.

Le nouveau tracé entrerait en vigueur plus rapidement qu'en vertu de la loi actuelle. En vertu du projet de loi C-69, on croit que le processus de révision exigerait deux ans et demi, soit trois mois de moins qu'en vertu du processus actuel.

J'espère que les autochtones profiteront des possibilités que leur offre la commission, comme l'ensemble des Canadiens. Il faut noter que tout ce processus électoral coûte assez cher. L'administration du processus électoral exige, je crois, la participation de 450 000 personnes et coûte approximativement 100 millions de dollars. Ce n'est pas bon marché de faire élire des députés. C'est une entreprise importante, il faut le faire remarquer. Cependant, très peu d'autochtones participent à ce processus.

C'est notamment le cas au niveau des postes supérieurs comme celui de directeur de scrutin, qui est chargé d'administrer la machine électorale dans sa circonscription et de subdiviser la circonscription en sections de vote. Les recherches n'ont pas permis de recenser un seul directeur de scrutin d'origine autochtone, que ce soit par le passé ou aujourd'hui.

Le manque d'expérience n'est une excuse ni valable, ni légitime étant donné qu'Élections Canada a fait remarquer que 253 des 295 directeurs de scrutin nommés pour les 34e élections générales n'avaient pas d'expérience. Je plaide donc, dans un sens, en faveur de la participation à la fois du gouvernement, des particuliers et des collectivités à ce processus public.

La commission est tenue de présenter ses projets et d'entendre ce qu'a à dire le public. C'est une façon de participer au processus électoral, mais aussi, ce qui est plus important, de veiller à ce que les limites des circonscriptions électorales tiennent mieux compte des liens qui peuvent exister entre des collectivités voisines. J'espère, qu'à l'avenir, les autochtones pourront élire au Parlement des personnes des régions où les autochtones sont en majorité.

Je voudrais profiter de cette occasion afin de féliciter pour ses efforts le comité qui a examiné le processus actuel et a proposé des changements. La tâche n'a pas dû être facile.

J'espère également que les autochtones, femmes et autres groupes, en particulier nos jeunes qui ne sont pas adéquatement représentés à la Chambre des communes, prendront part aux consultations publiques sur la délimitation des circonscriptions électorales de façon à s'assurer que les circonscriptions sont délimitées de façon juste et que l'on tienne compte des liens qui peuvent exister entre des collectivités voisines, comme c'est le cas des collectivités autochtones mais aussi celui de toutes les collectivités partout au pays.

(1600)

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, le processus dont nous entreprenons la phase finale aujourd'hui a débuté hier, plus d'un an après la présentation en cette Chambre du projet de loi C-18 qui suspendait le processus de révision électorale alors en cours et qui prévoyait une période d'attente de 24 mois avant qu'une nouvelle discussion sur la redistribution ne débute.

Malheureusement, le Parti réformiste s'est, à l'époque, objecté au projet de loi C-18 et au délai de 24 mois qui était initialement dans ce projet de loi C-18. Cependant, la Chambre des communes a adopté le projet de loi prévoyant une suspension de 24 mois pour tout le processus de redistribution électorale.

Par la suite, lorsque le projet de loi C-18 a été pris en considération par le Sénat, les honorables sénateurs ont exactement fait ce que le Parti réformiste voulait faire en cette Chambre. Le Sénat a inclus dans le projet de loi C-18 un amendement prévoyant qu'un nouveau projet de loi devait être déposé au plus tard en juin 1995, sinon l'ancienne loi revivrait et les commissions qui étaient suspendues par l'application du projet de loi C-18 revivraient.

Le gouvernement aurait dû, lorsque le projet de loi est revenu du Sénat, se tenir debout et affirmer la volonté de la population, représentée ici par les députés, d'accepter le projet de loi tel qu'il avait été présenté et avec les amendements pertinents qui avaient été faits en cette Chambre.

Mais non, le gouvernement a choisi, à l'époque, de suivre la voie sénatoriale, de suivre un amendement qui nous a mis dans un goulot d'étranglement en compressant le temps pendant lequel nous aurions à travailler. C'était, à mon avis, une concession inacceptable, une concession que le Parti réformiste a réussi à avoir par l'entremise du Sénat.

Suite à l'adoption finale et à la sanction royale du projet de loi C-18, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a été saisi du mandat de préparer une ébauche de projet de loi qui devait être soumise à cette Chambre. Nous y avons travaillé fort longtemps. J'ai assisté à toutes les séances, y compris celles de l'été 1994, en juillet 1994, pendant lesquelles nous avons entendu une foule de témoins: représentants de partis politiques, députés de cette Chambre qui sont venus témoigner, experts universitaires et autres. Nous avons obtenu la collaboration continuelle du Bureau du directeur général des élections et, bien sûr, de son personnel pour travailler à ce projet de loi.

C'est un projet de loi sur lequel, finalement, on a travaillé bien longtemps mais qui accouche aujourd'hui d'un peu plus que


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d'une souris, mais guère plus. Bien sûr que l'on retrouve dans le projet de loi qui est devant nous, le C-69, quelques bonbons. Ces quelques bonbons sont des améliorations par rapport à la situation qui existe à l'heure actuelle.

Ainsi, à titre d'exemple, mentionnons quelques-uns de ces bonbons. Les commissions provinciales devront désormais tenir des auditions avant de commencer leur travail, ce qui est manifestement une amélioration sur ce qui existe actuellement. Les commissions devront produire trois cartes pour les régions qu'elles couvrent, trois projets de découpage électoral. S'il y a une demande suffisante de la population, les commissions devront tenir de nouvelles auditions. Le processus a été, admettons-le, amélioré de ce côté.

On a aussi établi des critères dans la loi qui obligent les commissions à tenir compte de certaines contraintes lorsqu'elles établissent des circonscriptions électorales.

(1605)

Les contraintes, les critères sont établis à l'article 19b) de la loi qui stipule, en parlant de la Commission provinciale, que la Commission, lorsqu'elle fixe des circonscriptions électorales, prend en considération les éléments suivants dans la détermination de limites satisfaisantes pour les circonscriptions électorales: premièrement, la communauté d'intérêt; deuxièmement, le souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province, ne soit pas trop vaste; troisièmement, la probabilité que la population des circonscriptions augmentera considérablement au cours des cinq prochaines années. Et, finalement, elle ne recommande des changements aux limites existantes des circonscriptions électorales que si les éléments mentionnés plus haut sont suffisamment importants pour les justifier.

C'est bien beau de faire un énoncé de principe comme celui-là que la communauté d'intérêt doit être le guide principal d'une commission. Cependant, on se heurte inexorablement à une autre disposition de la loi qui, elle, établit qu'une circonscription électorale ne peut pas varier de plus ou moins 25 p. 100 du quotient provincial. Exemple, si au Québec, le quotient provincial est de 100 000 électeurs ou 100 000 de population, la commission pourra établir des circonscriptions allant jusqu'à 125 000 électeurs ou des circonscriptions comptant au moins 75 000 électeurs ou une population équivalente.

La commission peut constater qu'il y a une communauté d'intérêt mais que le nombre d'électeurs ne le justifie pas, et je profite de l'occasion pour vous citer un cas qui n'est pas fictif, celui de la circonscription de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine qui, actuellement, est en dessous du quotient provincial, qui est de 50 000 ou 51 000, une déviation de 43 p. 100 mais avec un immense territoire. Cette circonscription, actuellement, pourrait, et serait même appelée à disparaître. Le projet de loi prévoit cependant une possibilité pour les commissions de ne pas tenir compte de façon absolue de ces 25 p. 100. Mais les circonstances sont tellement restrictives que je me demande dans quel cas on pourra l'utiliser.

Les seules possibilités où la Commission provinciale peut déroger de la déviation de 25 p. 100, ce sont les cas où, c'est l'article 19(3) de la loi qui le stipule, lorsqu'une circonscription ou un territoire est géographiquement isolé du reste de la province ou qu'on ne peut s'y rendre facilement. Qui va définir «géographiquement isolé»? D'abord, les commissions, bien sûr, et les tribunaux. On ne nous a pas défini ce que c'est. Je pense que les Îles de la Madeleine sont géographiquement isolées, personne ne va le contester. Est-ce que le critère de la population va être retenu? Je suggère aux commissions d'en tenir compte. Les Madelinots ont eu leur circonscription électorale jusqu'en 1968. La loi québécoise leur garantit une circonscription à l'heure actuelle, une circonscription qui leur soit propre. Non pas que je remette en question la qualité de l'honorable député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine de représenter le territoire, mais que les îles de la Madeleine puissent avoir un député uniquement pour les îles, je pense que ce serait éminemment souhaitable.

Les Madelinots devront donc faire valoir qu'ils sont géographiquement isolées. Je pense qu'ils peuvent satisfaire à ce critère. Il faudra ensuite démontrer aux commissions provinciales que la variation de la population aux îles n'est pas de façon trop disproportionnée pour justifier l'établissement d'une nouvelle circonscription. Mais je vois déjà l'effet pervers. Si les îles de la Madeleine ont droit à leur propre député, la circonscription de Bonaventure est amputée du même nombre d'électeurs qu'on attribuerait à la nouvelle circonscription des îles. Qu'advient-il de la péninsule gaspésienne?

(1610)

Qu'advient-il des circonscriptions de Gaspé, Matapédia-Matane, Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine et Rimouski-Témiscouata? Qu'est-ce qu'on fait? Il y a un problème dans la péninsule gaspésienne. Est-ce que le paragraphe 19(3) permet d'en traiter globalement? Je n'en suis pas convaincu. On n'a pas assez de précisions. C'est une région en dépeuplement où les députés, quelle que soit leur allégeance politique, ont une grande étendue de territoire à couvrir. Ils doivent faire face à des problèmes qui n'existent pas ou existent de façon différente à l'intérieur du pays ou de la province représentée. La péninsule gaspésienne est un premier sujet d'inquiétude.

Possiblement que le paragrapahe 19(3) pourra couvrir la circonscription de Manicouagan, qui est géographiquement isolée, oui, et où les moyens de communication y sont particulièrement difficiles, suivant la brillante démonstration que mon honorable ami de Manicouagan est venu faire devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre et qu'il a reprise ici en Chambre, lorsqu'il est intervenu à l'étape du rapport, si ma mémoire est fidèle.

Il pourra en être aussi de même des régions septentrionales du Québec et de l'Ontario aussi. On parlait, lundi dernier, des circonscriptions de Cochrane-Supérieur et de Nickel Belt, circonscriptions du nord de l'Ontario.

Il y a une immensité de territoire, un bassin de population qui va, avec certaines variations, habituellement à la baisse. Est-ce qu'on va faire une ligne de partage en s'en tenant strictement aux chiffres? Est-ce qu'on va pouvoir varier davantage?

Le paragraphe 19(3) est beaucoup trop restrictif, à mon avis, pour qu'il nous soit acceptable.

Nous avions proposé de maintenir dans la législation actuelle, le projet de loi qui est devant nous, les critères qui guident les commissions provinciales à l'heure actuelle en matière de dérogation. Quels sont ces critères?


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Actuellement, une commission provinciale peut déroger du critère de déviation de 25 p. 100 chaque fois que cela lui paraît souhaitable pour des raisons tenant au caractère spécial d'une collectivité ou à la diversité particulière des intérêts des habitants des différentes régions de la province. Donc, il existe, actuellement, une norme beaucoup plus large pour les commissions provinciales, lorsqu'elles ont à traiter de cas particuliers.

Je pense qu'une région comme celle de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, même le Bas-Saint-Laurent, aurait bénéficié bien davantage de son application que du texte extrêmement restrictif que l'on nous propose à sa place. C'est peut-être moins pire que l'annexe qui avait été suggérée au début, c'est-à-dire de placer des circonscriptions en annexe de la loi et de les geler là sans autre forme de justification ou de procès, ce qui aurait amené une forme de statisme dans la loi et dans la distribution électorale avec laquelle il aurait été extrêmement difficile de travailler.

Alors l'article 19 est sûrement, pour nous, de l'opposition officielle, un empêchement majeur pour lequel nous ne pouvons appuyer le projet de loi.

Il y a également l'article 16 qui nous paraît discutable, et non seulement discutable mais inacceptable, autant par ce qu'il dit que par ce qu'il ne dit pas. Le silence de l'article 16 est particulièrement éloquent.

Après les représentations que nous avons eues cet été au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre-représentations qui ont été faites par le député de Mégantic-Compton-Stanstead, par le président du Parti conservateur du Canada et représentations qui avaient été faites au préalable, le 21 juin 1994, par le sénateur Jean-Claude Rivest, sénateur pour la division de Stadacona-nous avions compris qu'on prêterait une oreille attentive à la demande traditionnelle des Québécois, des Québécoises et de leur gouvernement d'avoir une représentation minimale à la Chambre des communes du Canada, comme l'ont d'ailleurs certaines provinces atlantiques.

La représentation des provinces atlantiques, vous le savez bien, est garantie par la clause sénatoriale qui remonte à 1915. Une clause que nous ne contestons pas.

(1615)

Cette clause sénatoriale permet à une population de 120 000 personnes à l'Île-du-Prince-Édouard d'avoir quatre députés en cette Chambre, puisque la clause sénatoriale spécifie qu'une province ne peut avoir à la Chambre des communes moins de députés qu'elle n'a de sénateurs au Sénat. Or, comme il y a quatre sièges de garantis à l'Île-du-Prince-Édouard au Sénat canadien, à cause de la clause sénatoriale, l'Île-du-Prince-Édouard a droit à quatre députés en cette Chambre. C'est la même règle qui s'applique pour la province du Nouveau-Brunswick ou une garantie de dix sièges au Sénat est accordée en vertu de la Constitution canadienne.

Le Nouveau-Brunswick, bien que sa population ne justifie pas dix sièges, a droit à dix sièges, nous en convenons. La loi sur les conditions de l'entrée de Terre-Neuve dans la Fédération canadienne de 1949 touchait également ce point et elle pourra s'appliquer pour garantir une représentation adéquate de la province de Terre-Neuve, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat. C'est ce qu'elle a garanti, effectivement, six sièges au Sénat canadien à la province de Terre-Neuve.

Alors, si nous acceptons la clause sénatoriale que des garanties soient données à l'Île-du-Prince-Édouard, à la Nouvelle-Écosse, et à Terre-Neuve, pourquoi en arrive-t-on devant une véritable Muraille de Chine lorsqu'on parle de garanties à donner à la province de Québec, lorsqu'on parle d'assurer un minimum de représentation pour le Québec?

Le Québec est, comme peuple, comme nation, un des deux peuples fondateurs de ce pays. On nous l'a dit assez longtemps; nos historiens, nos historiennes nous l'ont enseigné assez longtemps. La mémoire collective des Québécois et des Québécoises se rappelle qu'en 1867 les Québécois et les Québécoises étaient l'un des deux peuples fondateurs. Vous me permettrez de vous rappeler, qu'au 30 juin 1867, la veille de l'entrée en vigueur de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, le Québec, le Bas-Canada d'alors, avait droit à 65 sièges sur 130 au Parlement du Canada-Uni, la moitié des sièges, 50 p. 100.

Nous l'avons accepté, par personnes interposées, par les élus qui devaient nous représenter à ce moment-là. Il n'y a pas eu de référendum ou de consultation populaire qui ont été menés auprès des citoyens et citoyennes du Québec, sûrement pas auprès des citoyennes du Québec, puisqu'on ne leur reconnaissait même pas le droit de vote à ce moment-là, et les Pères de la Confédération étaient tous des mâles. Il n'y a pas eu de disposition constitutionnelle pour prévoir une représentation minimale pour le Québec. La seule garantie qui a été obtenue, c'est que le Québec compterait 65 sièges, mais 65 sièges sur combien?

Au 1er juillet 1867, c'était 65 sièges sur 181. Et puis, à cause de l'expansion du territoire canadien, de l'addition de nouvelles provinces telles le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan, l'Alberta, la Colombie-Britannique bien sûr, et finalement Terre-Neuve, la proportion de la représentation québécoise à la Chambre des communes a sans cesse diminué, pour se stabiliser au cours des dernières décennies à quelque chose qui était légèrement au-dessus du quart. Il est manifeste qu'il y a eu une erreur de la part des Pères de la Confédération de ne pas garantir une clause pour le Québec, une clause de représentation minimale qui, à l'époque, aurait dû être de 50 p. 100.

Il est bien difficile de refaire l'histoire et de vouloir aujourd'hui réclamer 50 p. 100. On va nous dire: Pour qui vous prenez-vous? On n'est pas dans un pays qui permet de telles dérogations. Ce raisonnement pourrait être valable, mais nous ne demandons pas la représentation qui était là en 1867, c'est-à-dire 50 p. 100 de la population. Ce que nous avons demandé, c'est une garantie minimale de 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes. Si d'aventure le Québec devait participer à la prochaine élection, et mon bon ami de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine conviendra que c'est fort douteux que nous puissions y participer, mais si le Québec devait participer à l'élection du 36e Parlement, le Québec, pour la première fois de son histoire, tombera sous cette barre, sous cette masse critique de 25 p. 100, puisqu'il ne comptera que 75 sièges sur 301.

(1620)

De là notre proposition qui, au fond, rejoignait la proposition libérale de 1992. J'ai pu me permettre, lundi dernier, de lire comment l'honorable député de Papineau-Saint-Michel et mi-


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nistre des Affaires étrangères était heureux de pouvoir garantir au Québec une représentation minimale de 25 p. 100, disant que c'était un gain majeur pour le Québec. L'honorable député de Papineau-Saint-Michel a représenté l'octroi au Québec d'une garantie de 25 p. 100 comme étant un pas incroyable que le Québec avait fait.

Eh bien, en ce qui concerne cette demande que nous avons faite, sur laquelle nous avons voté hier, aucun des députés libéraux qui siégeaient en cette Chambre en 1992 et qui y siègent encore n'a appuyé, encore une fois, cette mesure. Pourquoi, en l'espace de trois ans, les députés ont-ils changé d'idée? Pourquoi refuser au Québec quelque chose de si minimal? Je me permets, en passant, de souligner la grande ouverture d'esprit avec laquelle l'honorable député de Burnaby-Kingsway a envisagé la chose et a voté avec l'opposition officielle pour garantir au Québec cette représentation minimale de 25 p. 100, tout comme l'a fait naturellement l'honorable député de Beauce, qui a voté avec l'opposition officielle sur cette question, comme cela allait de soi.

Cela va, effectivement, de soi, puisque l'immense majorité des députés québécois présents en cette Chambre, hier, ont voté en faveur de cette garantie minimale de 25 p. 100. Donc, on peut dire qu'il y a un très large consensus au Québec, débordant toutes les lignes de parti, pour garantir au Québec cette garantie minimale de 25 p. 100. Quand vous voyez le Parti progressiste-conservateur, l'opposition officielle, le Bloc québécois, le député de Burnaby-Kingsway, le député indépendant de Beauce qui appuient une telle motion pour inclure, dans le projet de loi C-69, une garantie d'une représentation de 25 p. 100, on voit le très large consensus qu'il y a au Québec sur cette question. Inutile d'ajouter l'appui que le sénateur Rivest avait donné à cette disposition. Même l'appui des gouvernements du Québec, qui ont réclamé l'ajout, à nos lois, d'une telle disposition, ne s'est pas démenti, et que je sache, le gouvernement actuel n'a jamais reculé sur ce qui avait été antérieurement accordé.

Comme il est bizarre de voir que le gouvernement, finalement, ait reculé sur quelque chose qu'il avait appuyé au mois de septembre 1992-le vote a été tenu le 10 septembre 1992-et sans trop de justification. J'ai entendu les arguments qu'a présentés l'honorable député de Kingston et les Îles, ceux de l'honorable député de Scarborough-Rouge River, avant-hier, lors du débat de lundi, sans grande conviction. Et pourtant, ce sont des personnes qui, habituellement, ont un grand pouvoir de conviction. Mais pour avoir le pouvoir de conviction, il faut croire à ce que l'on avance.

Il est sûr que lorsqu'on se lève pour faire des représentations qu'on n'a pas le choix de faire-parce qu'il faut se trouver une raison pour voter contre un amendement-on n'est pas convaincant. On ne peut pas être convaincant quand on n'est pas convaincu. C'est l'impression que m'a laissée, l'autre jour, l'honorable député de Kingston et les Îles. Finalement, il m'a laissé l'impression de ne pas croire aux arguments qu'il avançait, se réfugiant derrière quelques arguties constitutionnelles pour refuser une motion qui avait été tout à fait acceptée par la Présidence et déclarée recevable à la suite d'un débat de procédure. Il est un peu étrange de voir que le débat ait dévié de cette façon.

(1625)

Vous comprendrez donc, qu'en bout de piste, on arrive avec un projet de loi incomplet, pour les raisons que je mentionnais plus tôt, quant aux critères de déviation qui peuvent être appliqués dans les circonscriptions, quant aux circonscriptions spéciales, mais surtout incomplet parce que le sort d'un des deux peuples fondateurs de ce pays n'y est pas traité. Est-ce que le gouvernement a voulu, sciemment, l'exclure du projet de loi?

C'était la question qu'on pouvait se poser au début. Mais lorsque nous avons eu à voter, hier, sur la motion de l'opposition officielle garantissant au Québec 25 p. 100 des sièges en cette Chambre, nous avons pu constater qu'effectivement le gouvernement n'avait pas, par erreur, omis d'inscrire quelque chose, mais que, sciemment, le gouvernement ne voulait pas garantir au Québec une représentation équitable dans cette Chambre et reconnaître surtout le critère et la qualité de peuple fondateur que représente la nation francophone du Québec, le foyer national des francophones en Amérique. C'est un jour bien triste que le jour où nous avons pris une telle décision.

Est-ce que les Canadiens et les Canadiennes auraient été malheureux que le gouvernement agissse en ce sens, qu'il reconnaisse au Québec, enfin, ce statut de société distincte, de peuple fondateur, de nation qui est à l'origine de ce pays? Je suis convaincu que non. Et pourtant il aurait suffi, hier, d'un vote de la majorité de cette Chambre pour l'affirmer. On nous l'a refusé. C'était la demande la plus minimale à être formulée au cours des 50 dernières années.

On peut remonter, sans aller jusqu'à la préhistoire, dans les années 1930, la Commission Rowell-Sirois au Québec; dans les années 1950, la Commission Tremblay qui a étudié les questions constitutionnelles, elle aussi; la Commission Laurendeau-Dunton qui a également étudié ce qui se passait dans ce pays au plan constitutionnel, tout au cours des décennies.

J'invite nos amis réfomistes à lire ce qui se passait à cette période, eux qui pensent que l'histoire du Canada a commencé avec leur élection. Il serait bon de faire un retour aux sources pour comprendre que l'histoire du Canada a débuté, on ne sait trop quand, avec les premiers habitants à arriver ici, probablement avec les Vikings qui sont arrivés quelque part près de Terre-Neuve, au début du millénaire. Ensuite, avec l'arrivée de Jacques Cartier en 1534, à Gaspé, la fondation de Québec, en 1608, par Samuel de Champlain, la fondation de Trois-Rivières et de Montréal dans les décennies qui suivront, et finalement, l'établissement en Nouvelle-France, le Canada de l'époque, d'un premier gouvernement public.

Au début, on avait un gouvernement de compagnies. Vous vous rappelerez, sans doute, l'époque de la Compagnie des cent associés, l'époque de la Compagnie des Indes occidentales où le roi de France avait confié à des compagnies privées-il faut le faire-l'administration du territoire. Et le roi d'Angleterre, pour ne pas être en reste, avait donné à la Compagnie de la baie d'Hudson la portion anglaise du territoire de ce qui est devenu


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plus tard l'Amérique du Nord britannique. Donc, des compagnies qui administraient des territoires à l'échelle d'un continent.

En 1663, nous avons eu pour la première fois des institutions. Non pas des institutions démocratiques, mais des institutions publiques. En 1663, par l'établissement du Conseil souverain de la Nouvelle-France, le roi de France octroyait des institutions publiques pour le Canada. Ces institutions étaient représentatives des valeurs de l'époque: un gouverneur, un intendant, l'évêque de Québec et les personnes cooptées par ces derniers, pour un total qui s'établira à sept, vers la fin de la colonnie, mais sans aucune garantie démocratique.

Nous avons eu de la difficulté nous, francophones en terre d'Amérique, à les gagner, nos droits démocratiques. Notre mère patrie ne nous les a jamais accordés.

(1630)

On a voulu copier, en Nouvelle-France, le pouvoir absolu qui existait sur le territoire de la vieille France. Et tranquillement, nous avons cessé d'être des Français, tout en gardant, bien sûr, de bonnes relations avec ce qui était alors la mère patrie et qui est finalement devenu un peuple qui se différenciait de plus en plus.

Nous nous sommes définis tout d'abord comme des Canadiens, ou ce que les gens appelaient à l'époque de véritables «Canayens». C'était nous, et à côté, il y avait les Anglais qui étaient là et qui occupaient une portion du territoire.

De 1663 à 1759, nous avons fonctionné avec ces institutions. En 1759, il y a eu les événements des Plaines d'Abraham qui, pour certains, ont été une victoire, mais qui, pour nous, furent une défaite. Cela a amené des changements constitutionnels encore: un gouvernement militaire en 1759, une proclamation royale en 1763 qui cédait la Nouvelle-France à l'Angleterre en compensation pour la Guadeloupe et la Martinique. On comprendra qu'il y a eu quelque part des erreurs de jugement parce que, bien que les anglophones aient été gagnants sur le territoire américain, donc ici, les Anglais ont gagné sur le vieux continent la guerre qui les opposait à la France, et lorsque le Traité de Paris fut signé, l'échange a été fait: on vous donne la Nouvelle-France, laissez-nous la Guadeloupe et la Martinique.

C'est un excellent lieu de séjour, mais je pense que lorsqu'on compare les deux situations et le poids réel de ce que tout cela représente, il y a eu un marché de dupes à ce moment-là.

Donc, toujours pas d'institution démocratique. En 1774, l'Acte de Québec qui nous a été donné-parce qu'on ramassait les miettes, alors, on prenait ce qui était donné-a quand même permis de rétablir le droit civil public au Québec qui nous a permis d'être administrés par un conseil législatif, mais un conseil législatif qui n'était pas élu. On a eu peur de donner aux francophones, pourtant si pacifiques, des institutions démocratiques, des institutions où les Québécois pourraient choisir leurs représentants. On a préféré nous maintenir avec un conseil législatif nommé par le gouverneur.

Et pourtant, les Québécois, les Québécoises, les Canadiens de l'époque avaient fait preuve d'un très grand pacifisme, d'une très grande ouverture d'esprit. Au moment de la conquête, il y avait 63 000 francophones au Québec, et il est resté environ 3 000 à 4 000 personnes du régiment de Wolfe. Si nous avions été le moindrement vindicatifs, vous voyez un peu le rapport de force, il n'aurait pas été nécessaire de jouer des supplémentaires pour décider du sort des 3 000 personnes. Nous avons accepté une situation de fait et, guidés par les élites qui nous gouvernaient à l'époque, nous avons accepté, de bon ou de mauvais gré, on ne refera pas l'histoire, et nous avons vécu dans cette situation.

Finalement, en 1791, grâce à l'Acte constitutionnel, nous avons eu pour la première fois le droit d'élire nos représentants, notre première Chambre d'assemblée au Québec. Bien sûr qu'on n'a pas pris de chances. Quand on a un accélérateur, c'est un peu comme dans une voiture, il est bien rare qu'il n'y ait pas un frein à côté. Mais le gouvernement de Westminster nous a donné une Chambre d'assemblée qu'on pouvait élire, mais a aussi maintenu un Conseil législatif nommé par le gouverneur et qui pouvait faire obstacle aux décisions de l'Assemblée.

En 1791, nous pouvons contrôler une partie de nos institutions, cela évoluera assez rapidement, sauf qu'on divise le Canada en deux: le Haut-Canada et le Bas-Canada. L'Assemblée que nous élisons au Bas-Canada n'a aucune compétence extra-territoriale, ne peut donc pas légiférer pour le Haut-Canada et vice-versa. Jusqu'à ce qu'arrivent les événements des années 1830, la Rébellion des Patriotes, le fameux Rapport Durham qui recommandait l'union des deux Canada pour finalement assimiler et angliciser la nation francophone en terre d'Amérique, ce qui ne sera pas réussi.

(1635)

Pendant huit ans, alors que dans la Chambre d'assemblée du Parlement du Canada-Uni, l'anglais était la seule langue officielle, les Canadiens français de l'époque ont lutté dans leur langue pour pouvoir obtenir que le droit leur soit reconnu d'utiliser le français comme langue officielle. Et, finalement, grâce à leur ténacité, en 1848, justice leur fut faite parce qu'ils ont obtenu le droit d'utiliser le français, et le français est également devenu langue de la législation. Je boucle la boucle et je vais terminer avec cela, en 1867, il y eut de nouvelles institutions.

Lorsqu'on nous tient des discours simplistes, des discours à la réformiste nous laissant croire que le Canada a commencé au mois d'octobre 1993, vous comprendrez un peu pourquoi, monsieur le Président, je ne peux pas embarquer, je ne peux pas suivre. Le Canada existe depuis trop longtemps. Comme nation fondatrice de la Constitution actuelle dans le Canada, je soumets respectueusement que de réclamer 25 p. 100 avec tout ce bagage historique que nous avons, avec ce que nous avons en commun, avec ce qui nous différencie, cette masse critique de 25 p. 100 c'est l'oxygène dont le Québec a besoin, dans l'éventualité, qui j'espère ne se produira pas, où le Québec devrait continuer à faire partie de la Fédération canadienne.

Mais, il vaut toujours mieux prendre ses précautions, il vaut toujours mieux attacher sa ceinture de sécurité en voiture même si on espère ne pas faire d'accident. C'est dans ce sens-là que je suis intervenu en parlant de la clause du 25 p. 100. Vous comprendrez que l'élément du 25 p. 100 est tellement fondamental, que bien qu'il y ait des améliorations dans le projet de loi C-69, l'absence d'une garantie pour le Québec d'avoir un plancher en tout temps de 25 p. 100 des députés de la Chambre des communes est en soi un motif suffisant et le motif en tout état de cause qui fait que le Bloc québécois ne peut pas appuyer ce projet de loi à


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l'étape de la troisième lecture, et nous voterons contre l'adoption du projet de loi.

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui, nous débattons pour la dernière fois le projet de loi C-69 à la Chambre. Cette mesure fait suite au projet de loi C-18, présenté il y a quelque temps déjà, et à l'impression qu'il fallait un nouveau texte législatif permettant aux commissions de remanier les limites des circonscriptions électorales des diverses provinces.

Le projet de loi dont nous sommes saisis résulte du fiasco auquel ont abouti les libéraux quand ils ont tenté de suspendre le remaniement des limites des circonscriptions électorales au moyen du projet de loi C-18. Le problème, c'est que les députés libéraux appréciaient peu les nouvelles cartes des commissions. En insistant haut et fort pour une révision complète du processus de remaniement, les ministériels ont ordonné le dessin de nouvelles cartes selon de nouvelle règles, ce qui a entraîné pour les Canadiens des coûts supérieurs à cinq millions de dollars pour d'inutiles rapports de commissions.

Même si le projet de loi C-69 propose de légères améliorations au processus de sélection des commissaires et à l'annonce de ce processus, il n'apporte aucune modification importante ni à la composition des commissions de délimitation des circonscriptions électorales, ni aux pouvoirs de ces commissions, ni au mode de délimitation. On aurait pu réaliser toutes les modifications législatives nécessaires sans se débarrasser des cartes qui avaient coûté si cher.

Tout cet exercice est une grossière manoeuvre politique de la part des libéraux qui veulent des limites électorales plus avantageuses. La révision aurait pu se faire sans qu'il soit nécessaire de suspendre le processus de remaniement et de se débarrasser de cartes coûteuses.

Nonobstant les petites améliorations techniques apportées à la loi, le projet de loi devrait être rejeté par la Chambre pour deux raisons principales. Le projet de loi C-69 ne fait rien pour remédier au problème de la croissance rapide de la taille de la Chambre des communes et il remet en question le fait que le partage des voix soit un principe directeur du processus de remaniement. Il n'aide pas la Chambre des communes à exécuter son mandat consistant à assurer une représentation selon la population, principe fondamental d'une Chambre basse dans un régime bicaméral.

Ces deux échecs sont intéressants du fait qu'au tout début, les libéraux qui siègent au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre étaient favorables à des écarts plus serrés et au plafonnement ou à la réduction du nombre de députés. Le plafonnement ou la réduction étaient des éléments importants du mandat que la Chambre a confié au comité.

(1640)

Des témoins sont venus de toutes les régions du pays pour discuter de cette question. Les députés libéraux siégeant au comité étaient nombreux à approuver le plafonnement du nombre de sièges à la Chambre des communes.

Permettez-moi d'illustrer mes propos au moyen de quelques exemples. Remontons jusqu'aux séances qu'a tenues le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre l'été dernier. Le 7 juillet 1994, le député de Scarborough-Rouge River, qui a participé très activement aux délibérations du comité, a déclaré: «J'ai toujours estimé que la Chambre devait limiter le nombre de ses sièges et qu'il fallait trouver une façon quelconque de le plafonner. Je suis favorable au plafonnement. Peu importe que le nombre de sièges soit de 250, 300 ou plus. Ce n'est pas un gros problème.»

Il m'apparaît très clair que le député de Scarborough-Rouge River était prêt à s'attaquer au problème que pose la taille de la Chambre. Il n'était d'ailleurs pas le seul parmi les députés libéraux siégeant au comité. Toujours à la séance du 7 juillet, le député d'Ontario a déclaré: «Je suis moi aussi d'accord pour limiter ou plafonner le nombre de sièges.»

Le député de Vancouver Quadra, qui possède une vaste expérience dans le domaine du remaniement des circonscriptions électorales et en matière constitutionnelle, a ajouté: «Je n'ai aucune objection au plafonnement.» Il a précisé qu'il nous fallait toutefois reconnaître les difficultés que cela pouvait entraîner.

Les réformistes siégeant au comité ont pu apaiser ces craintes de façon satisfaisante. À l'automne, la proposition visant à réduire ou à plafonner le nombre de sièges à la Chambre recevait toujours l'appui de bien des gens. À la séance du 20 octobre, le député de Scarborough-Rouge River a fait savoir à nouveau qu'il appuyait la notion, et je cite: «Je m'oppose à une augmentation incontrôlée de l'effectif de la Chambre des communes. Je pencherai en faveur d'un certain plafonnement à un moment donné, et je tiens à ce que cette question soit réglée.»

Il est très étrange alors que le député ait défendu et appuyé le projet de loi à toutes les étapes même si la question n'avait absolument pas été réglée.

Le président du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, le député de Kingston et les Îles, voulait décliner toute responsabilité pour le plafonnement de l'effectif de la Chambre et laisser à un futur Parlement le soin de régler le problème.

Il est dit ceci dans le 51e rapport du comité qui est très majoritairement libéral: «Plusieurs des membres du comité en sont venus, à regret, à la conclusion qu'il serait impossible, pour le moment, de plafonner ou de réduire la représentation à la Chambre des communes.»

J'ai reçu, aux délibérations du comité, une impression bien différente de beaucoup de députés libéraux. Nous, réformistes, avons montré qu'une Chambre composée de 265 députés plus quelques autres compensant pour les limites sénatoriales, est faisable, et nous l'avons signalé dans notre opinion minoritaire, que les huiles libérales ont déclaré rejetée.

Toujours le 20 octobre, le député de Vancouver Quadra a ajouté ceci: «Je crois que nous sommes nous-mêmes nombreux à favoriser une représentation plus limitée. Je pense que les limites physiques de cette Chambre étant ce qu'elles sont, nous avons pratiquement atteint le point de rupture.»


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Tout cela est bien intéressant mais, lorsque cette question a été mise aux voix à cette même séance, tous les députés libéraux ont voté contre une réduction de la représentation ou le plafonnement de la Chambre à 295 députés. Ils se sont tous prononcés pour l'accroissement de la représentation à 301 députés, le statu quo pour une croissance continue.

Individuellement, ils ont continué à appuyer le plafonnement de l'effectif de la Chambre. Pas plus tard que le 1er novembre, le député de Scarborough-Rouge River a dit ceci au comité: «J'estime que nous devrions aborder dans notre rapport le problème de la croissance anarchique de la Chambre. Je crois que le comité ne s'est toujours pas attaqué à cette question-là.» Plus tard, soit à la séance du 22 novembre, il ajoutait ceci: «Il faudrait être naïf pour abandonner cette question sans avoir discuté de la taille de la Chambre.»

C'est à ce moment-là que le président, parlant au nom du gouvernement, a fait savoir qu'il vaudrait mieux laisser à quelque Parlement futur le soin de régler le problème de la croissance de la Chambre. Cette observation a semblé préoccuper les députés libéraux qui voyaient une bonne solution dans le plafonnement ou la réduction de l'effectif de la Chambre.

La députée de Mississauga-Ouest, qui participait aussi à nos délibérations, a demandé pourquoi le prochain Parlement devrait examiner le problème et s'il y avait une bonne raison pour que nous ne le fassions pas nous-mêmes.

La réponse à cette question est carrément non. Il n'y a aucune bonne raison qui aurait empêché qu'on inclue dans ce projet de loi des dispositions visant à limiter ou à réduire la taille de la Chambre des communes, si ce n'est le manque de volonté politique de la part du gouvernement qui n'est pas prêt à s'attaquer à une question aussi controversée même s'il se trouvait à accéder aux désirs des Canadiens.

(1645)

Les remarques de la députée ont été renforcées par son collègue de Vancouver Quadra, qui a dit qu'on devrait commencer dès maintenant à s'attaquer au problème de la taille de la Chambre des communes. Toutes ces remarques figurent dans le compte rendu des délibérations du comité.

Les membres du comité, quel que soit leur parti, étaient d'accord pour dire qu'il fallait limiter et réduire le nombre de députés à la Chambre. Les membres libéraux du comité étaient de cet avis, et les membres réformistes aussi. Ma collègue de Mississauga-Ouest avait absolument raison lorsqu'elle a dit: «Je crois que les Canadiens veulent que nous limitions la taille de la Chambre.» Il semble que les seuls à ne pas être d'accord sont ceux qui tirent les ficelles au sein du gouvernement.

Il est toujours intéressant d'entendre l'opinion d'un ministériel sur une question en particulier et de voir ensuite ce qu'il pense de cette même question après une réunion du caucus ou après que le whip a eu une chance de lui parler. Chaque fois, les ministériels changent mystérieusement d'idée au sujet de ce qui est bon pour les Canadiens.

J'ai remarqué que le député de Bellechasse était surpris que les libéraux aient changé d'idée. Je ne comprends pas cela. Les libéraux changent d'idée depuis que notre pays a vu le jour en 1867. Ils n'ont pas d'opinion ferme sur quoi que ce soit. Ils penchent d'un côté ou de l'autre, selon ce qui convient le mieux dans les circonstances.

Il est grand temps que la Chambre et le gouvernement basent leurs décisions sur des principes, sur ce qui est bon pour les Canadiens. Le gouvernement devrait consulter la population au lieu de changer d'idée constamment selon les caprices de ceux qui forment le noyau du Parti libéral.

Un net consensus semblait se dégager parmi les libéraux en faveur de la limitation du nombre de députés. Pourquoi cela a-t-il soudainement et étrangement disparu du rapport du comité, du projet de loi du gouvernement et de tous les discours des députés libéraux? Pourquoi, tout à coup, cela a-t-il perdu toute espèce d'importance?

La réponse est claire. Les députés ont été rappelés à l'ordre par les huiles du parti. Les promesses faites dans le livre rouge de donner aux simples députés plus d'autonomie et d'autorité au sein des comités de la Chambre et pendant les affaires courantes sont manifestement mortes. Cela prouve une fois de plus que les promesses faites dans le livre rouge d'instaurer un gouvernement plus ouvert et de rétablir l'intégrité n'étaient que des ruses destinées à gagner l'appui d'une population écoeurée par les politiciens sans scrupules. Sinon, comment les libéraux peuvent-ils expliquer qu'après avoir défendu une position ferme une journée ils aient fait volte-face et voté contre le lendemain?

Ce fut la même chose avec le projet de loi de retour au travail que nous avons étudié la semaine dernière. Beaucoup de députés ministériels s'étaient prononcés en faveur de lois empêchant les grèves coûteuses qui nuisent à l'économie, mais ont voté contre le projet de loi du député de Lethbridge qui visait justement ce but. Moins de 24 heures après ce vote, les mêmes députés ont voté en faveur d'un projet de loi mettant fin à la grève qui paralysait le transport ferroviaire. C'est tout à fait illogique. C'est de la politicaillerie la plus vile.

Nous voyons là une décision imposée à la base par les dirigeants selon le modèle descendant dont tous les Canadiens ont ras le bol. Ce fut la même chose dans le cas de l'Accord de Charlottetown: les dirigeants ont voulu imposer leur volonté aux Canadiens. Les libéraux prouvent qu'ils ont une bien piètre opinion des idées de leurs députés de l'arrière-ban. Ils veulent qu'ils agissent comme des chiens savants qui obéissent toujours à la discipline du parti et votent comme et quand on leur dit de voter.

Nous en avons eu un autre exemple lorsque nous avons discuté de l'écart admissible par rapport au quotient de population d'une province, ce qui est aussi dans le projet de loi C-69. Plusieurs députés ministériels se sont dits favorables à l'idée de délimiter des circonscriptions électorales dont la population serait aussi égale que possible.

La députée de Mississauga-Ouest est même allée jusqu'à voter en faveur d'une suggestion du Parti réformiste visant à réduire à 15 p. 100 l'écart permis par rapport au quotient de population par circonscription. À la séance de notre comité du 20 octobre, elle a avoué qu'elle avait eu de gros ennuis parce qu'elle avait voté comme nous sur cette proposition. Elle a eu de gros ennuis parce qu'elle avait exprimé son opinion personnelle lors d'une séance d'un comité de la Chambre. La députée a avoué


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qu'on lui avait reproché d'avoir voté de façon contraire à la position du parti. On ne peut parler dans ce cas de gouvernement transparent; il s'agit plutôt d'un gouvernement autoritaire, à démarche descendante.

Je sais que le député libéral de Vancouver Quadra sera d'accord avec moi quand je dis que le monarque est souverain en régime parlementaire et que les députés partagent cette souveraineté. Les députés ne devraient pas être de simples pantins aux ordres de la direction du parti. Cette attitude est mauvaise, aussi bien pour le Parlement que pour le Canada.

Les Canadiens élisent les députés pour représenter leurs intérêts au Parlement. Il est honteux que le gouvernement ne permette pas à ses députés de s'acquitter de cette responsabilité. Il existait un soutien pour créer un projet de loi de redistribution des sièges qui réponde aux besoins et aux voeux de la majorité des Canadiens, mais la direction du parti ministériel a forcé ses députés à respecter la ligne du parti pour mettre en oeuvre son propre programme d'action.

(1650)

Le Parlement du Canada ne devrait pas être mené par un processus de prise de décision autoritaire, à démarche descendante. On ne devrait pas considérer chaque vote dans chaque comité comme une question de confiance. Chacun des députés ne devrait pas être forcé de suivre la ligne du parti par les dirigeants du parti. Ce genre de pratique réduit la Chambre des communes à rien de plus qu'une simple chambre d'enregistrement pour entériner ce que le Cabinet a déjà décidé à huis clos.

Je doute que le gouvernement ait tenu un débat libre sur ces questions au caucus avant de décider d'ajouter des sièges à la Chambre des communes et de permettre le grand écart par rapport au quotient de population par circonscription qui est prévu au projet de loi C-69. Je doute beaucoup qu'on ait tenu un débat très libre à ce sujet au caucus libéral. Il est probable que les dirigeants ont pris la décision et que les députés libéraux ont reçu la consigne d'appuyer le projet de loi C-69. On leur a probablement fourni quatre ou cinq arguments pour qu'ils essaient de faire accepter la proposition du gouvernement.

Nous tenions là une rare occasion d'améliorer notre système de révision des limites des circonscriptions. Le gouvernement n'a pas permis à ses députés d'apporter des changements comme le plafonnement ou la réduction du nombre de députés et un pourcentage d'écart plus faible pour faire en sorte que tous les votes aient la même valeur.

Je voudrais revenir brièvement sur quelques observations du député de Bellechasse. Il s'est chargé de donner aux réformistes une leçon d'histoire du Canada. Les réformistes, je tiens à rassurer le député, connaissent très bien l'histoire de leur pays. Nous sommes très fiers de notre passé, très fiers de ceux qui ont bâti le Canada et en ont fait le grand pays qu'il est aujourd'hui.

Je voudrais rappeler au député de Bellechasse, ainsi qu'aux autres qui s'inquiéteraient comme lui de notre conception de l'histoire canadienne, qu'il y a des raisons qui ont poussé nos ancêtres à venir au Canada. Ils sont venus, en tout cas dans ma région, l'Ouest, mais je crois aussi au Québec, en Ontario et dans l'Atlantique, parce qu'ils voulaient échapper à certaines contraintes dans leur pays d'origine. Ils fuyaient des régimes répressifs, des gouvernements qui leur imposaient des principes antidémocratiques.

La position des députés bloquistes sur le projet de loi C-69 me laisse songeur. Ils veulent imposer un principe qui, selon moi et mes collègues, n'est pas démocratique. Ils réclament en effet que 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes soient réservés à une province, sans égard à l'évolution démographique du pays.

C'est pour échapper à des lois oppressives de ce genre qu'une foule de personnes ont quitté leur pays pour venir dans un autre où sont respectés les principes démocratiques de la représentation selon la population. Je crois que ce sont là des valeurs chères aux Québécois. Je pense aussi que c'est l'une des raisons pour lesquelles bien des Québécois ont voté contre l'Accord de Charlottetown.

Les Canadiens, tant au Québec qu'à l'extérieur de cette province, trouvent odieux qu'on réclame un statut spécial pour quiconque au Canada. Ce principe n'était pas accepté dans l'Accord de Charlottetown. Les Canadiens trouvaient ce principe inacceptable à l'époque et sont encore de cet avis aujourd'hui.

Il convient de se demander ceci: Pourquoi une province voudrait-elle un statut spécial? Pourquoi voudrait-elle la garantie qu'elle disposera de 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes, que sa population le justifie ou non?

Je crois qu'on peut avancer deux ou trois explications à ce sujet. Peut-être la province se dit-elle que ses élus ne sont pas aussi compétents que ceux des autres régions du Canada et qu'il lui faut donc ce niveau de protection? Je n'accepte toutefois pas cette explication. Les Québécois peuvent élire à la Chambre des communes des députés compétents et en mesure de les représenter adéquatement, comme nous pouvons le faire dans les autres régions de notre pays. Je conteste donc cette hypothèse.

Un autre argument qu'on peut faire valoir, c'est celui selon lequel les Québécois sont supérieurs aux autres Canadiens et méritent d'avoir 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes. Je ne souscris pas non plus à cet argument, car il n'est pas fondé. Tous les Canadiens doivent se considérer comme des citoyens égaux, ayant les mêmes responsabilités et privilèges et assujettis à des lois qui les touchent tous de la même manière.

L'autre argument que les Québécois pourraient faire valoir, c'est celui selon lequel ils sont l'un des deux peuples fondateurs, ce qui leur conférerait un privilège particulier. Or, nous savons tous que les autochtones étaient ici avant les Canadiens d'origine anglaise ou française.

Le week-end dernier, j'ai pu participer à un déjeuner au cours duquel un leader métis a pris la parole. Il a souligné de nouveau ce point-là, à savoir que, dans la plupart des régions du pays, les Canadiens ne sont pas d'avis que leur pays est composé de deux peuples fondateurs. C'est du moins ce que pensent, notamment, les membres des premières nations et les Métis.


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(1655)

Je termine en disant que je suis heureux d'avoir l'occasion de faire mes dernières observations sur le projet de loi C-69. Pour toutes les raisons que j'ai données dans mon discours à l'étape de la troisième lecture, j'exhorte la Chambre à ne pas adopter le projet de loi C-69. Nous n'avons pas livré la marchandise. Si nous ne sommes pas prêts à faire résolument face au problème et si nous continuons à différer les décisions difficiles, celles-ci seront encore plus difficiles à prendre.

Si nous laissons le nombre de sièges augmenter à 320, il y aura quelque 20 députés de plus qui auront tout intérêt à maintenir leur siège à la Chambre des communes et à ne pas faire pression pour la réduction du nombre de sièges. Cela aura un effet boule de neige néfaste pour le pays. Malheureusement, il y a trop de politiciens qui veillent à leurs intérêts et qui ne sont pas capables de mettre le bien-être du pays devant leurs intérêts personnels.

J'exhorte les députés à faire ce qui s'impose, comme les libéraux eux-mêmes l'ont dit au comité, soit réduire le nombre de sièges, respecter la représentation fondée sur la population et voter contre le projet de loi C-69.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais passer brièvement en revue les aspects très constructifs du projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui. J'ai bien peur que, comme à son habitude, l'opposition se soit attardée sur les aspects négatifs.

Le député de Kindersley-Lloydminster s'est plaint de ce que deux questions n'auraient pas été abordées dans le projet de loi. Nous devons examiner les dispositions que renferme cette mesure. Il s'agit d'un excellent projet de loi et le député aurait dû le reconnaître dans son discours et y souscrire.

[Français]

L'honorable député de Bellechasse a plusieurs plaintes au sujet de choses qui ne sont pas dans le projet de loi, mais les choses qui sont là sont évidemment très acceptables à tout le monde et il doit l'appuyer à cause de cela.

[Traduction]

Ce projet de loi prévoit un processus de nomination nouveau et meilleur pour les commissions et les commissaires. Il restreint la nécessité de nommer des commissions dans des provinces, en l'absence d'un changement important dans la population. C'est une modification essentielle qui nous fera épargner de l'argent. Ce projet de loi nous donnera la possibilité de réaliser de grandes économies. À la suite de son adoption, le remaniement de la carte électorale sera moins coûteux.

Nous avons prévu un examen quinquennal, c'est-à-dire un remaniement quinquennal de la carte électorale des provinces dont la population a beaucoup varié, afin d'éviter que des modifications importantes ne soient apportées qu'à tous les 10 ans.

De plus, un nouvel article donne de nouvelles directives aux commissions sur la façon de procéder au remaniement de la carte électorale dans les limites fixées. Nous proposons de nouvelles façons de procéder qui, selon moi, sont plus restrictives que les règles en vigueur jusque-là. Nous avons demandé précisément aux commissions de s'occuper de questions comme les limites municipales et les limites des circonscriptions électorales existantes. Je pense que c'est une amélioration marquée et tous les membres du comité se sont entendus là-dessus.

On restreint, selon moi, beaucoup plus le droit des commissions de dépasser l'écart de 25 p. 100 par rapport au quotient provincial. Contrairement à ce qu'elles faisaient dans le passé, elles ne peuvent plus maintenant créer une circonscription supérieure aux limites en question. Elles n'ont plus le pouvoir de dépasser l'écart de 25 p. 100 dans la création de circonscriptions. On limite ce droit énormément, car la circonscription visée doit être isolée du reste de la province ou très éloignée. C'est un changement important! Là encore, le député de Kindersley-Lloydminster, qui revient sans cesse sur ce point particulier, a beaucoup moins de motifs de se plaindre qu'il n'en avait dans le projet de loi précédent. Il devrait souscrire à cette mesure.

La publication des plans est différente. Elle se fera en trois étapes. Les gens auront l'occasion de donner leur point de vue avant que les cartes ne soient publiées pour la première fois. Le député de Kindersley-Lloydminster affirme qu'on jette aux rebuts les cartes que les commissions établissent actuellement. C'est tout à fait faux. Les nouvelles commissions pourraient s'en servir comme l'une des trois cartes. Rien n'empêche de les utiliser comme l'une des trois solutions proposées par la commission au moment de publier les cartes.

Les députés, tout comme les Canadiens en général, auront l'occasion d'exprimer leur point de vue avant qu'on ne publie ces cartes, après leur publication et après qu'on y aura apporté des modifications importantes.

C'est un meilleur processus, un processus plus transparent. Nous avons abandonné l'examen parlementaire.

(1700)

Nous avons supprimé le processus de publication de ces cartes, qui était très coûteux. Nous les offrons aux personnes qui en désirent au lieu de les publier dans les journaux, ce qui coûtait très cher à l'État. Nous économisons ainsi des millions de dollars.

Les commissions justifieront désormais leurs décisions, ce qui n'était pas le cas auparavant. La population saura ainsi pourquoi les commissions ont déterminé des limites à certains endroits. Le projet de loi abrège la période de mise en oeuvre, de sorte que la démarche sera plus rapide.

Ce sont là neuf ou 10 améliorations très positives que ce projet de loi apporte aux anciennes lois. Je ne cesse d'entendre les députés de l'opposition se plaindre dans de longs discours. Ils n'ont mentionné aucun de ces aspects très positifs. Je les invite à regarder le bon côté des choses au lieu de s'attarder à ce qui fait défaut.


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Je voudrais aborder certaines choses qui ne figurent pas dans le projet de loi. Je parlerai d'abord des plaintes qu'a formulées le député de Kindersley-Lloydminster, puis celles du député de Bellechasse.

Le député s'est plaint à maintes reprises que les députés n'étaient pas libres d'exprimer leur opinion au sein du comité. De toute évidence, nous avions toute la liberté voulue pour le faire. Dans ses observations, il a cité abondamment des discours, surtout ceux de députés de ce côté-ci-et je comprends pourquoi il l'a fait-affirmant qu'ils partageaient un point de vue un certain jour et changeaient d'avis un autre jour.

Les travaux en comité sont avantageux, entre autres, parce que nous pouvons entendre des témoins et étudier diverses options. Les membres du comité ont examiné ce que nous pourrions faire. Il l'a peut-être oublié, mais nous avons passé trois jours, en juillet dernier, à entendre des témoignages. Il était là. Nous avons entendu des témoins. Les séances étaient longues et duraient toute la journée.

Les témoignages que nous ont livrés les témoins et les spécialistes ont exercé sur nous diverses influences. Certains d'entre nous ont été influencés par certains témoins et ont dit qu'il faudrait peut-être faire ceci une journée et, après avoir lu d'autres documents et avoir réfléchi à la chose, ont ensuite changé d'idée. C'est arrivé à bon nombre de membres du comité.

En tant que président du comité, si j'avais exprimé mon point de vue au comité, je suis sûr qu'il m'aurait accusé d'avoir dit une chose une journée et peut-être une autre le lendemain, parce que mon opinion a changé aussi, à mesure que cette question me devenait plus familière et que je me laissais convaincre par divers témoins, par des discussions avec mes collègues du comité et par la lecture de documents sur la question, comme le rapport de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis.

Après avoir pris connaissance de tous ces documents et s'être fait une opinion, bon nombre de députés ont probablement changé d'idée. Le député de Kindersley-Lloydminster attribue à cela toutes sortes de raisons qui sont loin d'être toujours exactes et qui ne sont sûrement pas justes, en général, envers les députés qui se sont fait une opinion. Il ne devrait pas faire de telles suppositions sur les raisons qui amènent les gens à avoir l'opinion qu'ils ont.

Bien sûr, il y a des discussions au sein du parti. Bien sûr, un consensus se fait sur des dossiers de ce genre. On trouve même dans le projet de loi un changement important que le député réclamait, à savoir l'élimination des circonscriptions figurant dans l'annexe. Cette mesure vise à redonner aux commissions le pouvoir de prendre les décisions qui pourraient avoir été arrêtées ici, à la Chambre, en raison des diverses plaintes formulées par des députés. Telle est la réponse aux doléances du député. Les députés de ce côté-ci ont examiné le processus et ont jugé qu'il était possible de l'améliorer, d'où ce projet de loi. Je n'ai entendu aucune critique de la part du député, au cours de son intervention, à propos de cet aspect du projet de loi.

Le comité a examiné les faits, les a pesés et a tiré des conclusions. Comme en témoignent les discours de cet après-midi, nous n'en sommes pas tous arrivés aux mêmes conclusions. Néanmoins, nous avons arrêté des conclusions sur un projet de loi qui, je crois, présente des aspects extrêmement positifs qui auront un effet marqué sur les modalités du remaniement électoral au Canada et qui auront une influence très positive à cet égard.

Le remaniement électoral qui sera régi par ce projet de loi sera un bon processus, un processus meilleur que celui que nous avions jusqu'ici, en partie parce qu'il sera plus ouvert, en partie parce que les commissaires seront plus attentifs aux voeux des députés puisque, en gros, ils sont choisis par les députés, en partie parce que ce projet de loi fait une place plus grande à l'apport de la population.

J'invite les députés, alors qu'ils se demandent s'ils doivent appuyer ce projet de loi, à bien peser tous ces éléments, à considérer son côté positif et à oublier son côté très négatif.

L'autre doléance du député avait trait à la taille de la Chambre. À vrai dire, ce n'est pas l'objet d'un projet de loi sur le remaniement électoral. Il faut plutôt apporter des modifications à la Constitution du pays. Je crois que le comité était fort peu disposé à discuter de changements constitutionnels. Le nombre de sièges attribués aux provinces, en vertu de la Constitution, est stipulé dans la Loi constitutionnelle. Il faut donc un amendement constitutionnel pour le modifier.

(1705)

Le député voulait soit plafonner ou diminuer le nombre de sièges à la Chambre. Je crois que la plupart des députés de notre côté ont étudié la question et que l'idée leur a plu, au début. L'été dernier, les médias ont fait grand cas de la taille de la Chambre des communes et de la légitimité du nombre de sièges à la Chambre. Je crois qu'ils ont réfléchi et décidé que, pour un pays de l'envergure géographique de celle du Canada, le nombre de 295 représentants à la Chambre des communes n'était pas trop élevé.

La population s'accroît. La plupart des députés de l'Ontario représentent environ 100 000 personnes. C'est un nombre imposant. Il est pratiquement impossible de rencontrer tous ces gens au cours d'un mandat.

Puisqu'il est à la Chambre depuis un an et demi maintenant, je suis convaincu que le député de Kindersley-Lloydminster a constaté lui-même à quel point il est difficile de rencontrer les électeurs. Les députés n'ont pas tant de temps que ça pour séjourner dans leur circonscription. Il n'est pas facile de faire du porte à porte pour rendre visite à nos électeurs dans nos circonscriptions lorsqu'on veut en même temps faire notre travail de représentant et rencontrer les groupes et les particuliers dans nos bureaux. Parfois, on ne peut pas rencontrer des gens qui souhaiteraient nous voir, mais qui n'ont pas l'occasion de le faire.


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M. Bélair: Le téléphone est un outil utile.

M. Milliken: Le député de Cochrane-Supérieur dit que le téléphone est utile. Il vit une situation bien spéciale, étant donné l'étendue géographique de sa circonscription. Ce pays est immense, et je crois que les parlementaires ont un rôle particulièrement difficile à jouer, un rôle multiple qui ne se limite pas aux heures de présence ici, à Ottawa, et au travail qu'ils doivent accomplir ici, à la Chambre.

Je veux maintenant parler de la Constitution.

[Français]

Je voudrais réfléchir sur les commentaires qui ont été faits par l'honorable député de Bellechasse lors de son discours, aujourd'hui, de même que sur ceux qui ont été faits lundi lorsqu'il a présenté un amendement à ce projet de loi.

Il est bien évident que ce qu'il a voulu changer, c'est vraiment un article de la Constitution du Canada, et pas de ce projet loi. Il a proposé un changement permettant à la province de Québec une représentation minimale d'au moins 25 p. 100 des députés de la Chambre des communes. Un tel changement demandait une modification à la Loi constitutionnelle du Canada. Il est bien évident que deux articles sont touchés par cette question, dont l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1867. Je voudrais en faire lecture à l'honorable député, même si je sais qu'il l'a sans doute déjà lu: «Le nombre des membres de la Chambre des communes pourra de temps à autre être augmenté par le Parlement du Canada pourvu que la proportion établie par la présente loi dans la représentation des provinces reste intacte.»

Un changement comme il a proposé modifierait sans doute la proportion établie par la présente loi dans la représentation des provinces. Alors, il faut modifier la Constitution pour effectuer le changement qu'il désirait.

L'autre article important à ce sujet, c'est l'article 42(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui se lit comme suit: «Toute modification de la Constitution du Canada portant sur les questions suivantes se fait conformément au paragraphe 38(1)a), que je cite: «Le principe de la représentation proportionnelle des provinces à la Chambre des communes est prévu par la Constitution du Canada.»

Donc, on ne peut apporter de modifications, sauf conformément à l'article 38. L'article 38(1) stipule: «Qu'il y aura une résolution du Sénat et de la Chambre des communes et une résolution des assemblées législatives d'au moins deux tiers des provinces dont la population confondue représente, selon le recensement général le plus récent à l'époque, au moins cinquante pour cent de la population de toutes les provinces.»

(1710)

Alors, il serait très difficile d'apporter un tel changement dans la Constitution. Nous avons essayé de le faire pendant le débat et le référendum sur l'Accord de Charlottetown, et cela n'a pas été adopté par le peuple canadien. Je suis surpris, aujourd'hui, que l'honorable député de Bellechasse et son parti aient appuyé un tel changement à la Constitution du Canada, alors qu'ils étaient opposés à l'Accord de Charlottetown.

L'Accord de Charlottetown aurait garanti au Québec 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes, mais ils s'y sont opposés. Que s'est-il passé ici? Pourquoi appuie-t-on aujourd'hui, en Chambre, cette modification à la Constitution? Ce n'est simplement qu'un jeu pour eux. Ils ne sont pas sincères en proposant une telle motion en cette Chambre. Oh oui, et regardez qui a proposé cela; c'est un parti qui a décidé de ne pas être ici après le référendum.

Si ce parti gagne le référendum, le Québec se séparera du Canada et s'il le perd, le leader du Bloc québécois a promis de démissionner et tous ses députés feraient de même. Comment peut-on proposer un changement comme ceci pour garantir au Québec un minimum des sièges ici, en Chambre, quand on ne veut pas y rester? Quel est le problème ici? Je ne peux pas comprendre la position du Bloc québécois sur cette question. Je peux aussi suggérer que les propos de l'honorable député de Bellechasse sont une autre tentative pour brouiller les cartes et pour promouvoir la campagne des séparatistes qui traîne de la patte.

Il est bien évident qu'ils ont des problèmes et il faut trouver une autre question pour soulever quelque chose parmi les électeurs du Québec, quelque chose qui n'est pas important pour eux et pour tout le monde.

[Traduction]

Tout le monde au Canada serait heureux d'obtenir une représentation adéquate pour toutes les parties du pays. Le député de Bellechasse, dans son discours, a critiqué le fait que l'Île-du-Prince-Édouard a la garantie d'avoir quatre sièges. Il a utilisé cela comme argument pour prétendre que d'autres provinces devraient aussi avoir des garanties.

Si nous avions tous la garantie d'un pourcentage minimum, nous n'aurions jamais à faire des modifications à la représentation. Tout le monde dans cette Chambre, y compris le député de Bellechasse, a appuyé le principe de la représentation en fonction de la population lors des discussions en comité. L'article 19 du projet de loi garantit une représentation valable, basée sur la population. C'est le principe qui guidera l'établissement des limites de circonscription et qui a l'appui de tous les députés. Même le député de Bellechasse appuie ce principe, il ne peut le nier.

Ce qu'il essaie de faire avec cet amendement c'est de soulever quelque chose qui n'a rien à voir avec le projet de loi. Ce qu'il propose c'est réellement une modification de la Constitution du Canada. Il s'oppose à quelque chose qu'a obtenu une province qui est très petite.

Je partage son opinion. Je ne pense pas que qui que ce soit puisse avoir un nombre minimum de sièges à la Chambre. Ce que nous devrions faire, c'est rechercher une représentation équitable, essayer d'avoir les meilleures cartes possibles, de sorte que les députés aient une zone qu'ils peuvent représenter, qui soit


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gérable et qui leur permette de faire un bon travail dans cette Chambre pour tout le monde. Tel est notre but.

Je dirais avec beaucoup de respect que j'invite tous les députés d'en face à repenser leurs opinions négatives au sujet de ce projet de loi, à regarder ses bons côtés et à l'appuyer.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le Président, le député de Kingston et les Îles a fait quelques errements. À un moment donné, j'avais l'impression d'entendre Mme Flora MacDonald. Alors, on comprend un peu que la circonscription demeure, mais les personnes changent. Mme MacDonald a occupé le fauteuil, maintenant, c'est l'honorable député de Kingston et les Îles qui siège et quelqu'un d'autre, un jour, occupera son siège. Si les électeurs ne s'en chargent pas, un jour, la Providence va s'en charger, comme elle s'en chargera pour moi-même d'ailleurs.

(1715)

Il y a quand même une situation à clarifier et à rétablir. Le député de Kingston et les Îles a parlé de l'amendement présenté par l'opposition officielle sur la représentation minimale du Québec. Il disait qu'on modifierait la Constitution du Canada de façon irrégulière et qu'il ne fallait pas procéder de cette façon. On devrait plutôt procéder avec la règle du 7-50, c'est-à-dire 7 p. 100 représentant 50 p. 100 de la population canadienne, plus les deux Chambres fédérales. C'est la voie qu'il suggérait de prendre, alors qu'il est clairement établi que ce n'est pas la voie à suivre dans cette circonstance-ci.

L'amendement que le Bloc québécois a déposé aurait fait en sorte que l'article 16(2) de la loi se lise de la façon suivante-je suis sûr que l'honorable député de Kingston et les Îles va m'écouter: «Dès qu'il reçoit l'état visé au paragraphe (1) concernant un recensement décennal, le directeur général des élections procède au calcul du nombre de sièges de députés à attribuer à chaque province, compte tenu des règles de l'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867.» Ajoutons notre amendement maintenant: «, et par dérogation à ce qui précède, lorsque, par l'application du présent paragraphe, le nombre de sièges attribués à la province de Québec est inférieur à 25 p. 100 du nombre total de sièges à la Chambre des communes, le directeur général des élections attribue au moins 25 p. 100 de ces sièges à la province de Québec.» Voilà l'amendement qui nous aurait garanti 25 p. 100 des sièges.

Notre amendement fait directement référence à une modification constitutionnelle; nous modifions l'article 51. C'était dans le texte de l'amendement. Avions-nous le droit de proposer cet amendement-là au point de vue constitutionnel? La question a été soulevée devant les tribunaux. Je remettrai à mon honorable ami de Kingston et les Îles la décision dans Campbell vs. Attorney General of Canada rapportée à 1985-49BLR, 4e édition, page 321. Cinq juges de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont décidé qu'il était de l'autorité du Parlement fédéral, sous l'empire de l'article 44, la Loi constitutionnelle de 1982, de légiférer et qu'il pouvait légiférer relativement au critère de la proportionnalité en tenant compte que la proportionnalité doit être vue dans le sens canadien du terme, que ce n'était pas une norme rigide et mathématique, mais qui devait tenir compte de toute l'histoire canadienne. C'est ce que les honorables juges de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont décidé dans la décison Campbell.

L'autorité législative sur laquelle l'amendement de l'opposition officielle se basait, c'est l'article 44 de la Constitution de 1982. Je rappellerai que l'article 44 ne précise pas de quelle façon on doit utiliser, ici au Parlement fédéral, notre pouvoir de modifier la Constitution du Canada dans les sphères de notre compétence. Est-ce que c'est en changeant directement le texte ou en y faisant référence? Nous faisons référence au texte. La Constitution n'imposant pas de voie obligatoire, l'une ou l'autre façon est, à mon avis, tout à fait acceptable.

En terminant, je voudrais demander à l'honorable député de Kingston et les Îles, au niveau des principes, au-delà de toute l'argumentation constitutionnelle que nous pourrions avoir pendant des heures et des heures, pourquoi l'honorable député de Kingston et les Îles, sur la question du principe, ne veut-il pas reconnaître que le peuple québécois, comme peuple fondateur de ce pays tel qu'il existe depuis 1867, ne pourrait pas avoir cette masse critique de 25 p. 100 des sièges qui lui donne un pouvoir d'influencer certaines décisions?

M. Milliken: Monsieur le Président, à mon avis, la position prise par l'honorable député concernant l'article 44 de la Constitution n'est pas correcte. Il est bien évident que les mots «le principe de représentation proportionnelle» sont les mots «operative» dans ce cas, et il n'est pas nécessaire pour moi de citer encore l'article à la Chambre, mais les mots sont très clairs. Nous pouvons changer certaines choses concernant la représentation ici, mais pas la proportionnalité entre les provinces. Cela peut être changé seulement par les chiffres du recensement, après l'application des règlements, si c'est dans l'article 51 de la Constitution.

(1720)

[Traduction]

Je crois fermement dans le concept des deux peuples fondateurs, dont le député a parlé. Je considère que le partenariat qui est à l'origine de notre pays et qui lui a permis de prospérer et de se développer est un élément fondamental de notre Constitution. Je n'ai absolument aucune réticence à reconnaître ce principe.

Je ne partage pas le point de vue du député qui dit que la seule façon de le faire est d'accorder un nombre de sièges garanti à une province en particulier. Je n'aime pas le principe du minimum garanti en ce qui a trait au nombre de sièges par province, à la Chambre. Il y aurait peut-être d'autres moyens d'y arriver. On


11216

pourrait avoir un nombre de sièges minimum au Sénat, ou un autre système.

Je crois fermement que le nombre d'élus à la Chambre devrait être fonction de la population. J'ai toujours fermement défendu ce principe. Je m'y tiens toujours.

Il arrive de temps en temps que les principes que nous appliquons ici entrent en conflit. Le député de Kindersley-Lloydminster a parlé du principe d'une représentation fondée sur la population. J'y crois fermement et je sais que le député y croit tout autant, au fond de lui-même. Je sais qu'il n'aime pas les minimums déjà établis et je suis d'accord là-dessus. Je préférerais que ça change.

Je reconnais que nous devons respecter certaines réalités politiques au Canada. Je ne tiens pas à ce qu'on s'engage dans une transformation de ces réalités sans avoir d'abord fait un examen d'ensemble des diverses modifications qu'on pourrait apporter à la Constitution elle-même.

L'Accord de Charlottetown était une tentative en ce sens. Le député a voté contre. Moi, je l'ai appuyé avec une certaine réticence. Certains éléments de cet accord me déplaisaient. Le minimum de 25 p. 100 y figurait cependant. J'ai appuyé l'Accord de Charlottetown. Je serais prêt à le faire de nouveau s'il le fallait. Je préférerais toutefois ne pas avoir à le faire. J'aimerais mieux obtenir une meilleure entente. Je crois que nous pourrons en obtenir une meilleure un jour.

Pour le moment, nous ne sommes pas en train de réviser la Constitution. Les Canadiens sont fatigués de la Constitution. À mon avis, nous ne devons pas tenter ici de changer la Constitution d'une manière détournée, comme le député le proposait. Selon moi, ce serait illégal.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, dans la réponse qu'il a formulée au député de Bellechasse, le député de Kingston et les Îles s'est contredit. Il a répété ce que j'avais dit.

Il a fait allusion à certains changements constitutionnels qui seraient nécessaires si nous devions réduire le nombre de députés à la Chambre. Je voudrais faire remarquer au député que nous avons discuté de cette question en comité. Comme le député de Calgary-Ouest l'a très bien expliqué au député de Kingston et les Îles, les changements constitutionnels mineurs pourraient être faits à la Chambre sans qu'il soit besoin d'une formule d'amendement très compliquée pour autoriser l'apport de ces changements à la Constitution. Il serait nécessaire de modifier la clause de droits acquis qui interdit une réduction équitable du nombre de députés.

Le député de Calgary-Centre, qui a participé aux travaux du comité sur ce projet de loi, a utilisé la Californie comme exemple d'un État aux États-Unis qui, avec près de 30 millions d'habitants, a une population égale à la population totale du Canada et qui, au niveau fédéral a, si mes souvenirs sont exacts, 56 représentants.

Qu'on nous dise que nous avons besoin de 294 députés au niveau fédéral pour bien administrer ce pays ne tient pas debout. Je pense que nous avons un système et des capacités au moins égaux sinon supérieurs à ceux de la Californie.

Il est un point dont le député n'a pas parlé et sur lequel j'aimerais connaître sa réponse. Nous avons dépensé cinq millions de dollars, nous les avons jetés par la fenêtre. Une fois ce projet de loi adopté, nous allons tracer de nouvelles cartes. Étant donné le déplacement de population dans la province d'Ontario, je suis à peu près certain que les résultats risquent d'être très similaires à ceux que nous avons observés la dernière fois que les cartes ont été tracées et que le nord de l'Ontario avait perdu un siège. Peut-être qu'avec les changements démographiques, l'Ontario va perdre deux sièges. Peut-être que la circonscription du député de Cochrane-Supérieur va être plus grande et qu'un autre député va perdre la sienne.

Que va dire le gouvernement si les nouvelles cartes sont encore moins favorables pour les députés de son parti qu'elles ne l'étaient la fois précédente et ont encore besoin d'être modifiées? Le gouvernement va-t-il encore une fois retarder le processus et introduire une nouvelle mesure législative pour obtenir que les cartes soient tracées comme le veulent les membres de son parti?

(1725)

M. Milliken: Monsieur le Président, certaines des affirmations faites par le député au cours de son intervention sont extrêmes. Bien qu'il ne m'ait pas posé de question à ce sujet, j'aimerais revenir sur la Californie qu'il a citée en exemple.

Selon lui, nous devrions faire comme en Californie dont les élus à la Chambre des représentants représentent une population énorme. Je ne pense pas que nous devions imiter le modèle politique américain. Dans les grandes lignes, nous ne l'avons encore jamais fait, et je ne vois aucune raison de le faire maintenant.

Je pense qu'à la réflexion, le député conviendra qu'il n'y a pas que du bon dans le modèle politique américain. Il donne en exemple les éléments qui lui plaisent et dit que nous devrions les imiter, mais il choisit d'ignorer les désavantages d'un système qui ne sont pas négligeables, tant aux États-Unis qu'au Canada.

Les Canadiens ne s'attendent pas à ce que leurs députés représentent une population très nombreuse. Ils trouvent qu'ils sont bien servis par une Chambre d'une taille raisonnable. Dans ce pays, contrairement aux États-Unis, il y a toujours eu une Chambre assez importante par rapport à la population et je suis certain qu'il va en être ainsi pendant encore longtemps.

La deuxième partie de sa question portait sur les nouvelles propositions dont nous sommes saisis et sur le fait que, si les commissions présentent un deuxième ensemble de cartes, est-ce qu'on va encore les rejeter. Je ne le pense pas. Je n'ai aucune raison de croire que ça puisse être le cas.

Toutefois, le député ne devrait pas perdre de vue que ces cartes seront toujours utiles au gouvernement. Les commissions seront libres de choisir une des trois séries de cartes présentées à la population aux fins d'examen. On n'aura pas à tracer de nouveau

11217

toutes les limites de chaque carte. On devra peut-être le faire pour une série, mais je rappelle au député que trois séries doivent désormais être produites. Ces cartes pourraient vraiment se révéler très utiles.

Les données du recensement, qui ont été recueillies sur la base géographique partout au Canada, seront mises à la disposition des nouvelles commissions, comme c'était le cas pour les anciennes. Il n'y aura donc pas de double emploi à cet égard.

Le député fait erreur quand il laisse entendre qu'avec ce projet de loi, nous faisons table rase et gaspillons sept millions de dollars. En fait, plusieurs choses pourront être utiles. Évidemment, une partie de l'argent déjà dépensé à des fins de publicité ne pourra plus servir. Nous n'allons pas tout jeter et gaspiller tout cet argent. C'est précisément dans le but d'économiser que nous procédons à un remaniement. Des dépenses déjà engagées donneront certainement lieu à des pertes.

Cependant, si le député avait vigoureusement appuyé le premier projet de loi au lieu d'appuyer les sénateurs, qui l'ont bloqué et qui ont causé des dépenses de millions de dollars aux contribuables, nous serions plus avancés. Si les commissions avaient été dissoutes dès la présentation du projet de loi, nous aurions économisé des millions de dollars. Cet argent a été gaspillé, parce que le député et les sénateurs se sont unis pour bloquer l'adoption de la mesure et causer de fortes dépenses. . .

Le vice-président: Il reste deux minutes de débat. Je doute que la députée de Rimouski-Témiscouata tienne à entamer son discours. Je me demande s'il y a consentement pour déclarer qu'il est 17 h 30.

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


11217

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LOI SUR L'ÉVALUATION DES PROGRAMMES LÉGISLATIFS

M. John Williams (St-Albert, Réf.) propose: Que le projet de loi C-289, Loi pourvoyant à l'évaluation des programmes législatifs, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Malheureusement, il a été décidé que la motion ne ferait pas l'objet d'un vote. Par conséquent, ce projet de loi ne sera pas renvoyé au Comité permanent des comptes publics.

Toutefois, il y a dans les affaires des hommes des courants qui, si l'on sait en profiter, peuvent mener à la fortune. C'est ce que Shakespeare a dit il y a 400 ans. Il y a aujourd'hui, je crois, un courant qui pousse le gouvernement à remettre en question son extrême prodigalité et à revenir au bon sens de la responsabilité financière, assurant ainsi la prospérité des générations futures de Canadiens.

Les contribuables canadiens ont vu leurs impôts monter considérablement au cours des 15 à 20 dernières années au nom de la lutte contre le déficit. Et pourtant, ce déficit n'est pas moins grand aujourd'hui qu'il l'était il y a plusieurs années. Toute une série de ministres des Finances sont venus annoncer ici que la bataille serait gagnée grâce aux hausses d'impôts qu'ils proposaient. Ce n'étaient que de vaines promesses. Les uns après les autres, des ministres des Finances nous ont dit qu'il fallait restreindre les dépenses afin de réduire le déficit. Et pourtant, chaque année, lorsqu'on fait le calcul, on s'aperçoit que les dépenses ont augmenté.

Où est le problème? Lorsque des hausses d'impôts répétées ne servent qu'à contenir le déficit insoutenable, on a l'impression que le problème est insurmontable. Le vrai problème réside peut-être dans la façon dont on dépense l'argent des contribuables et dont le gouvernement cerne les besoins à satisfaire.

Au fil des ans, les gouvernements ont élaboré des programmes répondant à pratiquement tous les besoins apparents des Canadiens, ce qui va de la santé à l'assurance-chômage en passant par le transport des céréales, le secours aux victimes de catastrophes, la condition autochtone, l'éducation des jeunes, la lutte à la pauvreté, le patrimoine, le développement industriel et le contrôle international. La liste est très longue.

Certains de ces programmes sont très bien connus. Les Canadiens en profitent chaque jour. D'autres, par contre, restent invisibles aux contribuables, mais pourtant, nous pensons qu'ils sont utiles. D'autres encore sont dépassés et inutiles ou tout simplement obsolètes. Quelques-uns existent encore parce que personne n'a pris la peine de les abolir. Ils ont été oubliés. Ils sont coûteux et permanents. Sont-ils avantageux? Non.

À une époque où nous tentons de justifier chaque dollar dépensé, il est capital que nous prenions le temps d'évaluer ce que nous faisons, programme par programme, et de déterminer pourquoi nous le faisons.

Le président du Conseil du Trésor a annoncé que 45 000 fonctionnaires allaient perdre leur emploi. Est-ce parce que nous avons tout à coup constaté que leur travail ne servait à rien? J'en doute.

Pourtant, le Conseil du Trésor nous dit que le gouvernement peut faire le travail qu'il a à faire avec 45 000 fonctionnaires en moins. Nous n'avons pas de réponses, seulement des questions et des craintes. Comment se traduira cette décision pour le Canadien qui a besoin d'un programme? Ce programme existera-t-il encore demain?

Et qu'en est-il des fonctionnaires dont la carrière prendra fin abruptement? Comment avons-nous déterminé que nous pouvions nous passer de 45 000 fonctionnaires? L'an dernier, et l'année d'avant, rien ne nous permettait de croire que nous pouvions nous passer de tous ces fonctionnaires ni même de 30 000, de 20 000 ou de 10 000. Pourquoi le pouvons-nous maintenant?


11218

Depuis 10 ou 15 ans, le secteur privé se rend compte que la technologie transforme le monde et que les marges de profit diminuent. Il faut accroître l'efficience pour assurer la rentabilité. L'innovation est la clé du succès.

Parce qu'elle a reconnu ces signes et qu'elle a réagi sans tarder, l'industrie canadienne connaît la plus forte croissance de productivité dans le monde. Nous lui devons beaucoup. Si l'industrie avait été aussi paresseuse et traînarde que le gouvernement du Canada, notre pays aurait été victime d'une crise financière il y a longtemps.

Le secteur privé examine constamment ce qu'il fait, comment il le fait, comment il peut devenir plus efficient et comment il peut innover. Le gouvernement échappe-t-il à ce genre de remise en question? La réponse est évidemment non. Il n'a simplement pas la volonté politique de le faire.

Mon projet de loi d'initiative parlementaire représente une tentative sérieuse en vue de corriger ce problème. J'y ai mis l'accent sur les dépenses législatives, des dépenses qui totaliseront 112 milliards de dollars au cours du présent exercice. Elles sont incluses dans le budget à titre d'information seulement.

Les députés ne peuvent pas tenir de débat sur ces dépenses. Ils ne peuvent pas voter sur ces dépenses. Ils ne peuvent pas les réduire. Ils ne peuvent pas les éliminer. C'est comme la rivière qui, jour après jour, continue de couler. Je veux qu'on examine ces dépenses de 112 milliards de dollars.

Comme le secteur privé, je veux qu'on le fasse de façon rationnelle, exhaustive, objective et surtout cyclique, soit tous les sept à 10 ans.

(1735)

Je propose, dans mon projet de loi d'initiative parlementaire, que toutes les dépenses législatives, importantes ou non, soient évaluées toutes les décennies en fonction de quatre critères. Le programme est-il encore utile? Répond-il efficacement aux besoins définis? Est-il exécuté de manière efficiente? Est-il possible d'atteindre les mêmes résultats par un autre moyen? Ce sont là les quatre critères qui doivent servir à évaluer chacun des programmes législatifs autorisés par le gouvernement du Canada au cours des années.

Regardons ces critères encore une fois. Le programme est-il utile? Nous savons tous que nous vivons dans une société en constante évolution. Statistique Canada mesure continuellement les changements qui s'opèrent dans notre société, notamment, le nombre des citadins pauvres, celui des enfants pauvres, la richesse, la taille de nos maisons, les produits que nous achetons, les appareils ménagers que nous possédons, notre niveau d'instruction. Le Répertoire des publications de Statistique Canada a un pouce d'épaisseur. Qui dit qu'un programme conçu il y a 20 ou 30 ans répond bien aux besoins d'aujourd'hui, à moins de se demander quels sont les besoins auxquels nous cherchons à répondre aujourd'hui?

C'est pourquoi je veux qu'on se pose la question de savoir si le programme est encore utile. Cela exigera des mandarins de la fonction publique et des dirigeants politiques qu'ils définissent clairement et de façon précise quels sont les besoins d'aujourd'hui, et non ceux de l'année dernière ou de la dernière décennie. À quoi servent les programmes aujourd'hui? La question est bien simple. Le secteur privé se la pose constamment. Je suis étonné de voir que cela passe pour une idée nouvelle aux yeux du gouvernement du Canada.

Le deuxième critère d'évaluation tient à la question de savoir si le programme répond efficacement au besoin qui a été constaté. Cela me paraît encore une fois une question assez simple à laquelle nous voudrions connaître la réponse. Si nous avons défini un besoin en examinant l'utilité du programme, il est sûrement de notre devoir de savoir si on y répond efficacement, si on ne répond pas seulement à 60 p. 100 du besoin en en négligeant 40 p. 100, ou quelle que soit la proportion retenue.

Par ailleurs, pourquoi voudrait-on répondre à un besoin avec un chevauchement de 20 p. 100? Ce serait gaspiller l'argent des contribuables que de ne pas examiner les programmes pour en évaluer l'efficacité. Pire encore, que dirions-nous si nous constations qu'un programme s'occupe de problèmes qui n'ont pas grand chose à voir avec l'objet fondamental du programme et qu'on y dépense largement les fonds publics alors que le besoin qu'on a relevé demeure négligé?

À titre de parlementaires, il nous incombe sûrement de poser ces questions pour veiller à obtenir les réponses au nom des contribuables.

Le troisième critère d'évaluation a trait à l'efficience avec laquelle les programmes sont appliqués. Le service est-il satisfaisant, ou faut-il attendre des mois pour obtenir une pension d'invalidité du RPC, par exemple? J'ai découvert, dans le cadre de mon travail au Comité des comptes publics, que les fonctionnaires du Régime de pensions du Canada ne répondent qu'à quatre appels téléphoniques sur 11. Autre exemple, le ministère de la Défense nationale a fait construire un entrepôt à Halifax pour y entreposer du matériel. Or, une fois les travaux achevés, le ministère a examiné le matériel qu'il voulait entreposer dans le bâtiment et s'est rendu compte qu'il était en grande partie désuet et ne servait plus.

Par conséquent, quand on se pose la question de savoir si les programmes sont appliqués avec efficience, j'espère que la question sera la plupart du temps positive. Nous voulons cependant connaître tous les cas où la réponse est négative.

(1740)

Le dernier principe du projet de loi se résume en une question simple, mais fondamentale: Y a-t-il un meilleur moyen? Nous sommes trop souvent tentés de répéter au lieu d'innover. Nous avons de nouveaux moyens, une nouvelle technologie pour définir nos besoins, qui sont en évolution. Nous devons toujours nous demander, dans notre recherche d'efficacité, s'il n'y aurait pas un meilleur moyen.

L'entretien préventif permet d'éviter beaucoup de travaux de rénovation. Un point à temps en vaut cent. L'évaluation de programme proposée dans mon projet de loi est un processus constant qui sera précieux pour le contribuable canadien. Il n'est pas inspiré par des motifs politiques, il est ouvert et transparent.


11219

Mon projet de loi exigerait le dépôt à la Chambre de toutes les évaluations de programme et leur renvoi à un comité permanent qui les commenterait, tiendrait un débat public et des audiences, et formulerait des recommandations. Tout se passerait au grand jour.

Un examen des programmes se déroule en ce moment au ministère du Développement des ressources humaines. Tout se fait en coulisse. Selon le vérificateur général, les examens sont présentés sans une information colligée. Dans son dernier rapport, il disait qu'il nous faudrait davantage d'informations. Ce que je propose est un processus public, et le gouvernement devrait répondre au rapport du comité dans les 150 jours.

Un autre aspect important est que nous devons avoir foi dans la qualité des évaluations et, pour cette raison, mon projet de loi propose que les programmes dont les dépenses dépassent 250 millions de dollars par année soient examinés par le vérificateur général du Canada et que son rapport d'évaluation soit déposé à la Chambre également.

L'évaluation de programme est une idée dont l'heure est venue. Dans sont rapport de 1993, le vérificateur général a déploré la lenteur des progrès sur ce chapitre. Dans d'autres démocraties occidentales, cette formule a remporté un grand succès et a permis au contribuable de réaliser des économies. La même chose peut, va et doit se passer ici.

Comme parlementaires aux prises avec un grave déficit budgétaire et une dette accumulée presque impossible à maîtriser, nous avons le devoir, envers le contribuable, d'adopter l'évaluation de programme. Pour nous qui devons veiller sur les deniers publics, l'évaluation de programme est sans doute le meilleur outil qui se présente à nous depuis des décennies.

Le vérificateur général a dit: «Notre vérification nous a permis de constater que l'histoire de l'évaluation de programme du gouvernement du Canada est remplie de grands espoirs et de perspectives prometteuses restés en partie sans lendemain.» Cette citation est tirée du rapport du vérificateur général pour 1993, au paragraphe 84.4.

Nous n'avons pas besoin de géants à la tête d'or et aux pieds d'argile. Il faut utiliser à fond l'évaluation de programme, qui peut jouer un rôle très réel et important dans la gestion des programmes gouvernementaux.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre dans le cadre du débat sur le projet de loi d'initiative parlementaire C-289.

Ce projet de loi a pour objet de «pourvoir à l'évaluation régulière des programmes du gouvernement financés par des crédits législatifs selon une procédure d'évaluation des programmes établie par le président du Conseil du Trésor». Les ministres responsables devraient soumettre à la Chambre les résultats de ces évaluations.

[Français]

En outre, le projet de loi demande au vérificateur général d'examiner les principales évaluations et de présenter un rapport à ce sujet à la Chambre des communes.

[Traduction]

À un moment où le déficit et la dette nationale nous préoccupent, j'estime très important que tous les parlementaires et tous les Canadiens sachent quels programmes gouvernementaux fonctionnent bien et lesquels ne fonctionnent pas. Nous voulons aussi savoir comment nous pouvons les améliorer pour qu'ils soient abordables et qu'ils respectent les objectifs qui leur ont été attribués.

L'évaluation des programmes est une excellente façon d'examiner les programmes. Elle nous permet de nous interroger périodiquement sur la raison d'être de chaque programme gouvernemental et elle suppose la collecte systématique de données vérifiables sur un programme. Ces informations devraient comprendre des preuves démontrables des résultats et de la rentabilité d'un programme. Cet exercice fournirait des données plus nombreuses et meilleures pour la prise de décisions.

(1745)

Le gouvernement a déjà dit qu'il croyait à la nécessité d'évaluer régulièrement les programmes. Bon nombre des documents que nous avons publiés accordent une place prépondérante aux évaluations. Ainsi, notre livre rouge, intitulé Pour la création d'emplois Pour la relance économique, souligne l'importance des données provenant des évaluations, et des examens de programmes fédéraux d'une vaste portée étaient prévus dans le budget de 1994.

[Français]

Ces examens importants des programmes fédéraux étaient axés sur deux objectifs. Ils visaient, en premier lieu, à cerner les programmes et services que le gouvernement continuera à fournir dans la limite des ressources disponibles et, en second lieu, à veiller à ce que les programmes en question soient fournis de la façon la plus judicieuse possible. Nous constatons déjà les résultats de ces examens.

[Traduction]

En outre, en mai 1994, le Conseil du Trésor a approuvé une nouvelle politique d'examen. Cette politique visait à renforcer la capacité d'examen courante des ministères et du gouvernement en général. Les résultats d'évaluations et d'examens plus nombreux et améliorés seront rendus publics.

Le projet de loi C-289 recommande que l'on évalue périodiquement les programmes législatifs. C'est une approche louable, mais il faut nous poser la question suivante: À quel point est-elle pratique? Il n'y a qu'une quantité donnée de ressources à consacrer à l'évaluation des programmes. Nous devons employer celles-ci judicieusement.

Les grands programmes législatifs sont certes importants, mais il est parfois beaucoup plus rentable d'évaluer les éléments qui ont des répercussions sur plus d'un programme, voire sur


11220

plus d'un ministère. Les évaluations qui visent de nombreux ministères sont souvent davantage stratégiques et ont plus de chances d'être utiles.

Le gouvernement doit conserver sa souplesse à cet égard. Les évaluations périodiques de programmes législatifs distincts pourraient ne pas toujours produire la base d'informations plus vaste nécessaire à la prise de décisions gouvernementales importantes. Il n'y a rien de mal à faire des évaluations périodiques à l'appui, mais il faut se demander si cette approche est la meilleure dans tous les cas.

En fin de compte, nous voulons nous assurer que l'examen des activités entreprises par les ministères et les organismes centraux dépend davantage des priorités gouvernementales que d'un calendrier prédéterminé.

[Français]

Les besoins et les aspirations de la population évoluent rapidement. Il arrive parfois qu'il se présente des questions que l'on n'avait pas prévues. Les décisionnaires et les gestionnaires doivent s'adapter rapidement à l'évolution des conditions.

[Traduction]

Une période d'évaluation à long terme fixe ne convient pas toujours. Il faut examiner les programmes en fonction d'une analyse du risque, de leur importance pour les Canadiens et des renseignements requis pour la prise de décisions. Faire une évaluation pour le plaisir de la chose n'est ni rentable ni sage.

Les évaluations ne sont pas les seules sources de renseignements auxquelles les parlementaires et les Canadiens peuvent recourir pour évaluer si les programmes et services du gouvernement sont efficaces et offerts à un coût abordable. Il existe une foule d'activités au sein du gouvernement qui peuvent nous aider tous non seulement à déterminer dans quelle mesure nos programmes rendent service aux Canadiens, mais encore à déterminer les pratiques qui pourraient nous aider à améliorer les services au besoin.

Plus tôt cette semaine, le président du Conseil du Trésor a révélé des détails sur le nouveau système de gestion des dépenses du gouvernement du Canada. Le nouveau système vise à nous aider à atteindre l'objectif qui consiste à fournir à meilleur coût des services de qualité aux Canadiens. Le nouveau système se fonde sur les prévisions ministérielles relatives aux priorités et aux dépenses de programmes. Ces prévisions seront communiquées aux divers comités de la Chambre.

[Français]

Grâce à ces documents, les comités parlementaires auront en main une information de meilleure qualité qui leur permettra d'évaluer les priorités et les tendances futures des dépenses des ministères et des programmes et de formuler leurs observations à ce sujet.

[Traduction]

La fonction publique travaille actuellement à l'établissement de normes de service pour ses programmes. Ces normes visent à fournir des réponses à des questions comme: Combien de temps faudra-t-il pour offrir un service? À quelle fréquence sera-t-il fourni? Qu'est-ce que les gens peuvent faire s'ils ne sont pas satisfaits? Créer des normes de service qui posent ce genre de questions peut inciter les gens à donner leur avis. Ces réactions de la clientèle du gouvernement constituent un élément important des efforts du gouvernement pour offrir des services de qualité qui soient abordables et efficaces et répondent aux besoins des Canadiens.

(1750)

La vérification interne est un autre moyen important qui permet de recueillir des renseignements sur le succès des programmes et des activités. Les vérifications internes sont conçues pour aider les gestionnaires à atteindre leurs objectifs d'entreprise en déterminant les carences ou les possibilités d'amélioration de l'efficacité, de l'efficience et du caractère économique globaux des pratiques de gestion des programmes.

[Français]

Il est également important de noter que l'information sur le rendement des programmes doit être disponible de façon permanente. Les gestionnaires, les députés et les sénateurs aussi bien que les Canadiens ne sauraient être pleinement satisfaits d'apprendre longtemps après le fait que les programmes ne donnent pas les résultats attendus.

[Traduction]

Il doit donc exister des mesures de rendement qui procurent des réponses en permanence. Depuis plusieurs années, le vérificateur général encourage le gouvernement à améliorer la qualité des informations dans ce domaine. Les gestionnaires de programmes doivent être incités à démontrer les résultats de leurs programmes, au moment opportun.

La majorité des mécanismes de présentation d'informations sur le rendement des programmes, comme tout ce dont j'ai déjà parlé, devraient être décidément intégrés au cadre de gestion du gouvernement. D'ailleurs, ils servent déjà à évaluer les programmes législatifs.

[Français]

J'ai cherché à démontrer que même si l'évaluation est un important instrument de gestion, il n'est pas le seul. Aucun instrument comme l'évaluation ne peut répondre à tous les besoins d'information qui conditionnent l'efficacité des programmes. Chaque instrument d'examen et chaque instrument d'information doivent être utilisés au moment opportun et à bonne fin.

[Traduction]

J'ai tenté de démontrer les principaux aspects de ce qui se fait au gouvernement sur le plan de la transmission des informations aux parlementaires. La Chambre a récemment adopté un projet de loi d'initiative parlementaire modifiant la Loi sur le vérificateur général pour autoriser ce dernier à faire rapport plus souvent à la Chambre. Grâce à ce changement, nous obtiendrons, à un moment plus opportun, les informations concernant les activités du gouvernement, mais je suis convaincu que cette mesure augmentera le travail du vérificateur général.

Jusqu'à quel point pouvons-nous alourdir la tâche du vérificateur général sans que nos exigences ne nuisent à son efficacité? Voilà un des problèmes que nous aurions à résoudre.


11221

[Français]

Le projet de loi qui a été déposé devant la Chambre est le fruit d'un effort admirable qu'un député s'est imposé pour faire en sorte que nous disposions tous d'une information de bonne qualité sur le rendement des programmes. Je suppose que nous ne pouvons jamais avoir assez d'information. Cependant, il nous faut tenir compte du facteur coût.

[Traduction]

Tout compte fait, nous avons normalement accès à de nombreuses sources d'information fiables et nous devons les utiliser pleinement. S'il nous faut des informations supplémentaires, plusieurs options s'offrent à nous. Devrions-nous inscrire un nouveau processus d'examen dans la loi sans étudier d'abord attentivement toutes les options et les coûts en jeu? Je ne le crois pas.

Je suis prêt à analyser toutes les options valables qui sont proposées dans ce projet de loi. Celles qui pourront être intégrées aux mécanismes déjà en place le seront certainement.

[Français]

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Monsieur le Président, je profite de mon intervention devant cette Chambre pour féliciter mon collègue, le député de St-Albert, pour cette initiative de déposer ce projet de loi C-289. Incidemment, le député est membre du Comité des comptes publics dont j'assume la présidence, et je comprends et partage son intérêt pour l'adoption d'une loi pourvoyant à l'évaluation des programmes législatifs.

L'importance de l'évaluation des programmes législatifs au gouvernement fédéral n'est plus à démontrer, autant dans le secteur public que dans le secteur privé, à une époque de contrôle serré des coûts où il faut tirer le meilleur parti de ressources limitées. Seul un gouvernement obtus et dépassé par l'évolution actuelle en retarde l'adoption et l'implantation à l'échelle des programmes majeurs.

Le Comité des comptes publics a déjà consacré plusieurs rencontres à l'évaluation de programmes. Le vérificateur général a consacré également les chapitres 8, 9 et 10 de son rapport de 1993 à cette évaluation de programmes, et ce dernier affirme encore en 1993, et je cite: «Notre vérification nous a permis de constater que l'histoire de l'évaluation de programmes du gouvernement du Canada est remplie de grands espoirs et de perspectives prometteuses restés en partie sans lendemain. Le Cabinet s'intéresse de manière soutenue depuis plus de dix ans aux données tirées de l'évaluation de programmes.»

(1755)

Mais cet intérêt n'est demeuré jusqu'ici que voeu pieux, il faut bien l'admettre. Le sixième rapport du Comité des comptes publics, déposé le 21 novembre dernier, a encore démontré la pertinence de l'évaluation des programmes. Le vérificateur général a fait la preuve que la majorité des programmes évalués n'étaient pas les programmes comportant un budget élevé.

En 1991-1992, l'examen des programmes supérieurs à un milliard de dollars, c'est-à-dire l'examen des 16 programmes totalisant 124,5 milliards de dollars a démontré que seulement deux avaient été évalués de manière exhaustive. Les autres avaient été peu évalués, sinon pas du tout. En 1991-1992, les évaluations portaient sur 24 p. 100 des dépenses de programmes du gouvernement. Cette même année, 480 des programmes évalués avaient une valeur de 250 millions de dollars ou moins, tandis que seulement 18 programmes avaient une valeur supérieure à ce même montant de 250 millions de dollars.

Il faut donc éliminer ce laxisme dans l'administration gouvernementale qui fait porter l'évaluation sur des programmes à budget peu élevé. Je souscris donc au paragraphe 8.(2) de ce projet de loi C-289 qui stipule que le vérificateur général pourra examiner toute évaluation et soumettre un rapport à la Chambre des communes relativement à toute évaluation d'un programme législatif dont les dépenses sont égales ou supérieures à 250 millions de dollars par année.

Je souscris également à l'ensemble de ce projet de loi car il s'appuie directement sur les principales recommandations du sixième rapport du Comité des comptes publics que j'ai signé en novembre dernier.

L'adoption d'un tel projet de loi permettrait d'objectiver la prise de décision dans le maintien ou l'abandon de certains programmes gouvernementaux et diminuerait l'arbitraire politique au sein du processus décisionnel. Des décisions mieux documentées et plus objectives augmenteraient le rôle des gestionnaires et des députés. Une meilleure évaluation de programmes amènerait un meilleur contrôle des coûts, alors que le déficit actuel dépasse encore les 37 milliards de dollars et la dette accumulée atteint près de 550 milliards de dollars.

L'évaluation de programmes se veut un outil de gestion moderne, le député de St-Albert l'a mentionné. Pourquoi à l'ère de l'autoroute électronique et à l'ère d'une technologie poussée qui s'implante dans tant de domaines, le gouvernement ferait encore fi de toute analyse coûts-bénéfices, ignorerait tout critère objectif pour appuyer ses décisions, préférant s'en tenir à la mode du moment, au pif ou à des considérations carrément politiques ou partisanes?

L'évaluation de programmes est un rempart certain contre l'explosion des coûts qui deviennent incontrôlables avec le temps. J'aimerais souligner ici, que l'explosion des coûts qui deviennent incontrôlables avec le temps, c'est l'histoire du Parti libéral depuis 25 ans.

Le projet de loi C-289 est une rare tentative de ce Parlement de nous sortir enfin du cercle vicieux dans lequel les libéraux ont enfermé ce pays depuis deux décennies, cercle vicieux de dépenser, d'endetter et de subventionner les amis du régime.

Ce projet de loi a pour objet l'évaluation régulière des programmes gouvernementaux selon une procédure d'évaluation des programmes établie par le Conseil du Trésor en vertu d'un cycle fixé par arrêté. Le président du Conseil du Trésor y fixerait le cycle d'évaluation des programmes législatifs. Nous abondons dans ce sens-là.

Les nouveaux programmes n'échapperaient pas non plus à cette procédure, dans les six mois suivant l'entrée en vigueur d'une loi autorisant la création d'un programme législatif, le président du Conseil du Trésor déterminerait, par arrêté, l'exercice au cours duquel doit être faite la première évaluation du


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programme législatif et fixerait également le cycle d'évaluation de ce programme législatif. Toute cette procédure vise à diminuer l'arbitraire, et nous appuyons aussi cet article 3 du projet de loi.

En conclusion, j'aimerais faire deux suggestions au député de St-Albert: premièrement, au paragraphe 7.(4), le député propose une période de 150 jours pour compléter l'évaluation d'un programme législatif après la fin de l'exercice d'évaluation. Quatre-vingt-dix jours m'apparaîtrait un délai plus raisonnable. Le dépôt à la Chambre surviendrait donc au terme d'un processus total de 120 jours au lieu de 180 jours dans la proposition initiale du député.

Deuxièmement, étant donné le rôle stratégique du vérificateur général dans l'évaluation de programmes, je suggère au député de St-Albert que le rapport d'évaluation de programmes et le rapport du vérificateur général qui y est relié soient référés au Comité des comptes publics plutôt qu'à un comité quelconque désigné par la Chambre, tel que stipulé à l'article 9.

(1800)

J'endosse le projet de loi C-289 et invite cette Chambre à appuyer ce projet, afin que le gouvernement mette fin à cette spirale de l'endettement encouru par des coûts inutiles et des programmes non performants maintenus depuis trop longtemps.

[Traduction]

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole en faveur de ce projet de loi très éclairé et d'une grande importance. Comme l'a dit le député de St-Albert, le projet de loi C-289 vise à assujettir les dépenses législatives aux mêmes critères d'imputabilité que le Parlement applique aux dépenses discrétionnaires. Voilà un objectif noble et très valable.

Bien que je dispose de peu de temps, je voudrais insister sur deux choses. Premièrement, puisque les programmes législatifs représentent une part toujours croissante des dépenses du gouvernement, l'incapacité du Parlement de faire une évaluation efficace et objective de ces programmes fait qu'il est de plus en plus difficile pour les députés d'exiger des comptes du gouvernement. C'est pourquoi le projet de loi d'initiative parlementaire C-289 répond assurément à un besoin.

Deuxièmement, les contraintes budgétaires énormes engendrées par des décennies de dépenses gouvernementales trop élevées font qu'un examen et une évaluation plus rigoureux des programmes sont non seulement souhaitables, mais indispensables dans le contexte historique actuel.

Au sujet du premier point, je voudrais rappeler aux députés comment notre système de gouvernement est censé fonctionner. La Constitution confère trois pouvoirs très importants aux députés. Premièrement, il nous appartient de décider combien le gouvernement est autorisé à dépenser. Deuxièmement, il nous faut décider comment il doit dépenser. Troisièmement, nous devons demander au gouvernement de nous rendre compte de ses dépenses.

Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à soutenir et à renforcer le troisième des pouvoirs qui nous sont conférés, en proposant d'assujettir les programmes législatifs aux mêmes évaluations périodiques que les programmes non législatifs.

Ces évaluations de programmes visent à répondre à quatre questions fondamentales. Premièrement, le programme est-il utile? Deuxièmement, atteint-il ses objectifs? Troisièmement, est-il exécuté de façon efficace et efficiente? Quatrièmement, peut-il atteindre son but par des moyens autres que ceux qui sont utilisés?

À l'heure actuelle, les programmes législatifs ne sont pas soumis à ce genre d'examen. Lorsqu'on détermine s'il convient d'étendre l'évaluation des programmes à ce domaine, il faut tenir compte de ce qui suit. Cette année, l'exercice 1995-1996, le gouvernement fédéral va dépenser quelque 164 milliards de dollars. Sur cette somme, à peine 48 milliards de dollars seront soumis à un examen du Parlement. Ainsi, on va dépenser automatiquement quelque 71 p. 100 de ce montant, ou 116 milliards de dollars de deniers publics, sans essayer d'évaluer le succès de ces programmes. Il ne s'agit pas seulement de la reddition des comptes. Cela doit changer. C'est le principal objectif du projet de loi C-289.

Étant donné l'envergure de ces dépenses annuelles, il semble plutôt ridicule qu'on ne fournisse pas aux députés les renseignements voulus pour déterminer si ces programmes permettent bien de réaliser les objectifs visés. Il est difficile de croire que les députés n'aient aucun moyen de déterminer s'il existe une meilleure façon de faire. Pourtant, c'est la situation actuelle. Les députés n'ont pas les renseignements nécessaires pour évaluer l'efficacité des programmes législatifs.

(1805)

Cela m'amène à mon second point. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral est confronté à une crise financière. Il est soumis à d'énormes pressions pour réduire les dépenses gouvernementales. Même après avoir sabré dans les dépenses discrétionnaires dans son dernier budget, le gouvernement aura encore un déficit de 25 milliards de dollars en 1997.

De simples calculs nous apprennent que s'il veut, un jour, parvenir à un budget équilibré, le gouvernement devra alors effectuer le gros des compressions dans le domaine des dépenses législatives. On a déjà sabré dans les programmes discrétionnaires. Le seul endroit où l'on peut encore réaliser des économies importantes, c'est dans le domaine des programmes législatifs et des programmes comme l'assistance-vieillesse.

C'est pourquoi le projet de loi C-289, qui prévoit périodiquement un examen et une évaluation des programmes législatifs, est si important. Dans les années à venir, les députés devront prendre des décisions beaucoup plus difficiles que les parlements précédents. Ils n'auront d'autre choix que de réduire ou même d'éliminer des prestations que des millions de Canadiens considèrent pratiquement comme un droit de naissance.


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En tant que parlementaires, si nous voulons nous acquitter de cette tâche de façon réfléchie, nous devrons alors avoir toute l'information nécessaire pour prendre des décisions intelligentes. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. Le projet de loi C-289 cherche à combler cette lacune.

En conclusion, ce projet de loi est une mesure législative extrêmement utile qui répond à deux préoccupations fondamentales. Il s'agit, tout d'abord, de mieux examiner les dépenses législatives en redonnant au Parlement le soin de contrôler les dépenses gouvernementales.

Ensuite, les renseignements qu'on pourra obtenir, grâce à ces évaluations et à ces examens, donneront aux députés les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions intelligentes au sujet des dépenses. À une époque où l'on évalue tous les programmes gouvernementaux, on remet en question les programmes les plus sacrés du gouvernement et les gens chargés de sabrer dans les budgets examinent de très près toutes les dépenses, une mesure comme le projet de loi C-289 est non seulement souhaitable, mais tout à fait essentielle.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je désire appuyer le projet de loi C-289, comme l'a fait l'orateur précédent de Lethbridge. Je tiens d'abord à remercier le député de St-Albert d'avoir présenté ce projet de loi, qui fait partie d'un ensemble de mesures législatives qu'il a proposées afin d'améliorer la responsabilité financière du Parlement.

[Français]

Je voudrais aussi remercier le député de La Prairie de son appui. Il donne à son parti une perspective financière nécessaire à la Chambre. Par sa présidence au Comité des comptes publics, il aide la cause des finances publiques au Canada.

[Traduction]

Il y a une question que j'aurais envie de poser au sujet de ce projet de loi: Est-ce que nous faisons autre chose ici que de donner une apparence de démocratie à des décisions que prend cet appareil monstrueux qu'est le gouvernement du Canada?

Vous vous rappellerez, monsieur le Président, que tout n'a pas commencé avec le Parlement. Tout a commencé avec la Couronne. Le monarque convoquait périodiquement le Parlement pour lui demander son avis sur des questions importantes. S'il agissait ainsi, c'était parce qu'il avait besoin de recettes fiscales et estimait qu'une consultation des lords et des Communes aiderait à obtenir leur consentement pour recueillir les recettes nécessaires au gouvernement du pays.

(1810)

Avec le temps, le Parlement britannique a affirmé de plus en plus ses droits, non seulement de donner son approbation ou d'apporter sa participation, mais en fait de contrôler tout le processus, de contrôler le programme politique, de choisir des ministres, d'assurer en fin de compte un gouvernement responsable et de surveiller de façon démocratique les affaires de l'État.

Ce qui est amusant dans cela, c'est qu'au cours de l'histoire, le processus s'est pratiquement inversé. Le Parlement a graduellement écarté la Couronne en tant que force dirigeante des pays démocratiques inspirés du modèle britannique. Ce qu'il y a d'amusant dans tout cela, c'est que, dès que ça s'est produit, le gouvernement est devenu de plus en plus une force très indépendante du Parlement, jusqu'à ce que nous en arrivions à la situation d'aujourd'hui, où des budgets représentant des centaines de milliards de dollars sont approuvés par le Parlement, sans examen sérieux, presque rituellement. Nous avons vu cela ici même, la semaine dernière.

Les vérificateurs généraux ont souligné à maintes et maintes reprises et de bien des façons que le Parlement n'était plus maître du processus budgétaire. La question va se faire de plus en plus insistante, surtout en cette période de compressions des dépenses gouvernementales, de suppression des faveurs et des cadeaux qu'on donne à la population, ce qui amène les gens à croire que ce processus protège leurs intérêts, protège leurs dollars fiscaux et protège leurs intérêts financiers.

Nous parlons du budget des dépenses et d'un projet de loi visant à étendre le pouvoir de vérification du Parlement au-delà des prévisions budgétaires. Avant de me lancer en politique, j'ai consacré quelque temps, à titre d'étudiant, puis à titre de professionnel, à l'étude de l'histoire des dépenses gouvernementales.

Une des choses qui nous frappent quand nous examinons ce qui s'est passé depuis la Deuxième Guerre mondiale, c'est la baisse relative des programmes non législatifs par rapport au montant total et l'augmentation des programmes législatifs qui deviennent l'élément clé des dépenses du gouvernement fédéral. Il y a 30 ans, seul un tiers de l'ensemble des dépenses étaient de nature législative. Aujourd'hui, elles représentent plus des deux tiers, comme d'autres orateurs l'ont déjà souligné. Cette situation n'est pas simplement attribuable à l'augmentation de notre dette et des paiements législatifs d'intérêt. Elle est aussi attribuable au fait que l'on accorde de plus en plus d'importance à un petit nombre de programmes législatifs, surtout dans le domaine des dépenses sociales.

On a du mal à comprendre que cette portion des dépenses échappe totalement au processus budgétaire. On y fait à peine allusion dans le budget. L'information est fournie, mais elle n'est pas du tout contrôlée. En fait, aucun mécanisme officiel d'examen du Parlement n'est prévu pour 70 p. 100 des dépenses.

Le secrétaire parlementaire a parlé encore une fois de l'efficacité de ces mesures de contrôle des coûts. Je trouve dommage que l'on ne parle d'efficacité que lorsqu'il est question des mesures de contrôle des coûts et que l'on n'en parle jamais lorsqu'il est question des programmes de dépenses.

Le député de St-Albert a donné l'exemple du problème qui se pose en ce qui concerne les questions d'invalidité dans le Régime de pensions du Canada, qui est un programme législatif. Je sais que dans ma propre circonscription, il y a eu récemment des problèmes graves concernant l'administration des programmes


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et concernant l'application et l'administration de ce programme en particulier. Cependant, comme il s'agit d'un programme législatif, il ne fait pas l'objet d'un examen régulier par l'intermédiaire du processus parlementaire.

Le secrétaire parlementaire a aussi parlé des ressources nécessaires pour examiner ces programmes. Il faut dire ici que nous parlons de sommes importantes mais d'un petit nombre de programmes. Je tiens à le souligner à la Chambre. Il y a, en fait, 11 programmes législatifs importants. Il y a les paiements versés en vertu de la Loi sur la protection du revenu agricole et ceux versés en vertu de la Loi sur les organisations financières internationales.

(1815)

Il y a le programme de la dette publique, le programme de transferts aux provinces, les pensions de service militaire au ministère de la Défense nationale, les paiements versés aux provinces au titre de la santé et des soins médicaux, les paiements versés aux provinces au titre du RAPC, le Régime d'assistance publique du Canada, le programme de la Sécurité de la vieillesse, les subventions versées aux municipalités et aux autres autorités en vertu du Programme des biens immobiliers du ministère des Travaux publics, les paiements versés au titre de l'enseignement postsecondaire et enfin, les paiements que l'Office national des transports verse aux compagnies de chemins de fer en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

Ces 11 programmes représentent 97 p. 100 de toutes les dépenses législatives. En fait, ils représentent plus des deux tiers de toutes les dépenses du gouvernement fédéral. Ce sont les 11 programmes pour lesquels le projet de loi propose un mécanisme d'examen continu.

C'est tout nouveau. Cette proposition vise à régler certaines difficultés par trop évidentes. J'espère qu'aucune personne saine d'esprit, y compris au sein du gouvernement, ne prétendra que la façon dont nous avons administré les finances publiques de ce pays au cours de la dernière génération est un exemple de gestion saine.

L'expérience nous a appris que nous ne pouvons diriger le gouvernement canadien comme si nous formions un comité de 295 personnes. Nous savons ce qui se passe lorsqu'un comité essaie de gérer quoi que ce soit, à plus forte raison un comité composé de 295 personnes.

Ce projet de loi propose que le Parlement, au lieu de tenir de vagues débats politiques et d'entreprendre de vagues examens politiques, se serve de ses pouvoirs pour mettre en place un mécanisme officiel en vue d'évaluer correctement les aspects non politiques des principaux programmes de dépenses, mécanisme qui sera suivi des inévitables débats au Parlement qui en étudiera les aspects techniques selon un processus officiel.

Je ne vois pas comment cela pourrait consommer beaucoup de ressources, et ne pas être efficace et rentable. Cela me semble logique maintenant que ces programmes représentent un fort pourcentage de nos dépenses.

Je sais que le député de St-Albert n'ignore pas qu'en adoptant ce projet de loi, on colmaterait une petite brèche dans notre navire. Ce n'est pas la seule. Je pense qu'il n'est pas exagéré de dire que non seulement nous prenons l'eau, mais qu'en fait notre navire est tombé depuis belle lurette dans un abîme financier sans fond.

Peut-être qu'un projet de loi de ce genre, qui fait preuve d'un peu plus d'imagination et d'initiative, nous aidera à édifier la grue géante dont nous avons besoin pour tirer notre navire de l'abîme financier dans lequel il a sombré et le remettre à flot.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais participer au débat du point de vue d'une députée qui est ici pour représenter les habitants de Calgary-Sud-Est.

Je sais porquoi je suis ici. Je suis ici pour veiller à ce que les choses se fassent de façon responsable et pour changer les choses. C'est pour moi extrêmement important.

Tandis que j'écoutais mes collègues ce soir, j'étais abasourdie de constater la faible influence que j'ai sur les dépenses gouvernementales, car je n'en aurai aucune dans 71 p. 100 des cas.

J'ai été à la fois terriblement surprise et profondément déçue. Je veux représenter les habitants de Calgary-Sud-Est et pourtant, quand je vois les questions qu'a posées mon collègue de Saint-Albert, je me demande si ce que je fais est utile. Cette question s'applique à tous mes travaux ici. Quand je vois les demandes de subventions et les demandes d'aide pour accroître les possibilités d'emploi qui viennent du ministère du Développement des ressources humaines, je me demande toujours si c'est bien utile.

(1820)

En quoi cela sera-t-il utile pour les électeurs que je représente et l'ensemble des Canadiens? Comme tous les députés, je reçois toutes sortes de lettres d'électeurs extrêmement choqués des habitudes de dépenses non seulement de notre gouvernement actuel, mais aussi des précédents. Si ce n'est pas utile, on peut se demander pourquoi. Que peut-on faire pour améliorer les choses? Comment peut-on arranger cela?

Au sujet de l'efficacité et du respect des objectifs, il faut se demander si des objectifs ont bien été établis. Je ne peux pas dire le nombre de fois où j'ai examiné des projets ou des propositions qui ne faisaient l'objet d'aucune planification à long terme.

On a tellement souvent défié, au cours des derniers mois, notre pauvre ministre de la Défense nationale de veiller à atteindre ses objectifs et à établir des objectifs de dépense. Tous ces éléments sont manquants. Même dans le budget, j'ai été absolument stupéfaite de constater que, bien qu'on nous ait fait part d'objectifs à court terme et d'objectifs qu'on allait bientôt atteindre, l'objectif à long terme semble être absent, si l'on pense à tous les


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changements qui ont été apportés au budget après sa présentation.

On s'en est pris aussi un certain nombre de fois au ministre du Patrimoine canadien au sujet de changements apportés dans les relevés de la situation budgétaire et des révisions faites dans les dépenses de programmes. Si nous ne sommes même pas efficaces dans l'établissement des objectifs, comment pouvons-nous espérer les atteindre, surtout s'ils sont carrément absents?

Je suis venue ici pour voter sur absolument tout. Pour chaque mesure législative qui a été présentée à la Chambre, j'ai voulu exprimer ce qui me semblait important. Je suis vraiment troublée de voir que 71 p. 100 de toutes les décisions de la Chambre des communes ne font pas l'objet d'un vote. Et les Canadiens doivent être stupéfaits d'entendre cela. J'ai certainement été stupéfaite moi-même d'entendre que l'on faisait toutes ces dépenses sans que personne ne soit tenu de rendre des comptes.

Où est la transparence? Où est l'efficacité d'utilisation de l'argent que je donne au gouvernement en tant que contribuable? Où est la responsabilité financière?

Lorsque je reçois des demandes d'aide je demande souvent si le service est efficace. S'il ne l'est pas, comment se fait-il que nous continuions à donner de l'argent aux mêmes programmes, sans même nous soucier de leur efficacité?

Une fois de plus nous devons en revenir aux objectifs. Est-ce qu'il existe des objectifs? Est-ce que les objectifs sont atteints? Dans l'entreprise privée, tout le monde évalue toujours ce qu'il fait, parce qu'une entreprise ne survivrait pas si elle ne faisait pas ce processus d'analyse des dépenses à la fin de chaque année.

Mon mari travaille dans le secteur privé. Croyez-moi, il est responsable auprès de ses supérieurs qui eux-mêmes sont responsables à l'échelon au-dessus et ils veulent un système efficace pour leurs produits. S'il ne l'est pas, c'est la faillite certaine.

Nous en venons à la dernière question: Y a-t-il une meilleure façon de procéder? Mon collègue de St-Albert, en toute bonne foi, a présenté un projet de loi qui ne fera pas l'objet d'un vote. Il s'agit simplement de procéder à un débat raisonné et rationnel. C'est une occasion de parler des questions du jour, d'avoir une large discussion à laquelle tout le monde puisse participer.

Mais qu'avons-nous? Une poignée de personnes, ici, à la Chambre, pour parler d'une des préoccupations principales des Canadiens: la responsabilité financière. Je suis déçue d'entendre que ça marche assez bien et que nous pouvons défendre le statu quo. Pourtant, nous sommes à une nouvelle époque, une nouvelle époque qui demande un point de vue différent, une façon différente de procéder. Si l'on entreprend de procéder différemment, si l'on regarde les choses honnêtement et directement, d'un point de vue différent, nous serons en mesure de tenir le gouvernement pour responsable. En tant que parlementaires, nous pourrons alors nous tenir droit devant nos électeurs et leur dire: «Oui, nous avons contribué au changement au cours de la 35e législature.»

(1825)

Le vice-président: Comme aucun autre député ne désire prendre la parole au sujet de ce projet de loi et comme il ne doit pas faire l'objet d'un vote, la période prévue pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant terminée et le projet de loi est rayé du Feuilleton.

[Français]

Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre procédera maintenant à un débat spécial.

* * *

[Traduction]

LE MAINTIEN DE LA PAIX

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.) propose:

Que cette Chambre, à la lumière de la prise en considération par le Conseil de sécurité de l'ONU du renouvellement du mandat des forces de l'ONU dans l'ancienne Yougoslavie, prenne note de la rotation en avril des troupes canadiennes servant sous la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine et en Croatie.
-Monsieur le Président, je suis sincèrement heureux qu'un débat ait lieu ce soir, avant que le gouvernement ne prenne une décision sur une autre position difficile que doit adopter le Canada quant au déploiement de ses troupes dans l'ex-Yougoslavie.

[Français]

Je voudrais commencer en attirant l'attention de la Chambre sur les efforts déployés par la communauté internationale en vue de parvenir à un règlement diplomatique du conflit en ex-Yougoslavie. La communauté mondiale a fait d'importants efforts pour résoudre le conflit dans les Balkans et elle a utilisé des moyens variés, soit la diplomatie en temps de crise, l'imposition de sanctions, l'établissement de zones d'interdiction de vol et, bien sûr, le déploiement de la FORPRONU.

[Traduction]

À l'heure actuelle, la FORPRONU regroupe 38 contingents nationaux et unités spécialisées totalisant 39 000 militaires. Comme il y a en outre quelque 5 300 civils qui sont affectés à cette force spéciale, cette mission de maintien de la paix est la plus importante jamais organisée par les Nations Unies. Onze pays membres de l'OTAN fournissent environ 44 p. 100 de tout le personnel. Le Canada est au premier rang de ces pays.

La FORPRONU a été créée en février 1992 précisément pour surveiller le cessez-le-feu entre les forces serbes de Croatie et de Krajina, superviser cette zone démilitarisée et protégée par l'ONU, et tenter d'apporter un semblant de vie normale aux habitants de cette région.

En septembre 1992, à mesure que la situation se détériorait au sud de la Bosnie-Herzégovine, le mandat de la FORPRONU a été élargi pour assurer la sécurité des efforts de l'aide humanitaire dans la région. Comme nous le savons, un élément de la FOR-


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PRONU a été déployé dans l'ex-république yougoslave de Macédoine pour aider à prévenir une agression possible.

Au cours des brefs moments dont je dispose ce soir, je voudrais traiter de la situation en Croatie, étant donné le resserrement de son rapport avec le Canada et notre position dans l'ex-Yougoslavie.

Je rappelle que le conflit qui oppose les Serbes de Croatie et de Krajina est dans une impasse depuis 1992. À l'origine de cette impasse, il y a la détermination de la Croatie à recouvrer la souveraineté d'environ 30 p. 100 du territoire occupé par les Serbes de Krajina qui refusent de rendre les armes.

On a tenu des pourparlers sous les auspices de la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie, en novembre 1993, et on a élaboré une stratégie en trois points pour aider à résoudre ce problème.

[Français]

Il s'agissait tout d'abord d'établir un cessez-le-feu, puis de mener des discussions sur des questions économiques et enfin, d'en arriver à une forme de réconciliation politique. L'application de cette stratégie a en fait permis d'accomplir certains progrès.

En décembre 1993, le gouvernement croate et les représentants des Serbes de l'endroit ont conclu un accord sur la mise en oeuvre d'une série de cessez-le-feu. À la fin de mars 1994, un cessez-le-feu général a été signé entre le gouvernement croate et les autorités serbes de la Krajina. La FORPRONU a réussi à faire appliquer cette entente, ce qui constitue l'une de ses quelques réalisations en Croatie.

(1830)

En même temps, cette attente a fait naître de véritables préoccupations au sein de la population de Croatie. Celle-ci craint, en effet, d'être victime d'une situation semblable à celle qui perdure à Chypre et s'inquiète de la possibilité que le pays soit divisé en permanence par la FORPRONU.

[Traduction]

Néanmoins, le cessez-le-feu général nous a laissé croire qu'il était possible d'en arriver à une entente économique et par la suite à un accord politique. Les efforts déployés pour négocier un accord durable en Croatie ont essuyé un dur coup le 12 janvier 1995, lorsque le président de la Croatie, Franjo Tudjman, a informé le secrétaire général de l'ONU que son gouvernement n'allait pas prolonger la mission de la FORPRONU en Croatie au-delà du 31 mars.

Le président Tudjman a affirmé que les événements qui ont secoué la Croatie au cours des deux dernières années l'ont amené à conclure: «Même si la FORPRONU joue un rôle important et vise à mettre un terme à la violence et aux grands conflits qui sévissent en Croatie, il est indéniable que la nature actuelle de la mission de la FORPRONU ne favorise pas la création des conditions nécessaires à l'établissement d'une paix durable et au rétablissement de l'ordre dans la République de Croatie.»

[Français]

Avant d'examiner les événements survenus en Croatie et au sein des Nations Unies depuis l'affirmation choc de M. Tudjman, je tiens à me pencher sur la situation diplomatique en Bosnie-Herzégovine. Les efforts déployés pour régler le conflit dans cette région ont évolué parallèlement à la guerre elle-même.

Au début de 1994, les musulmans et les Croates bosniaques ont conclu une entente qui a entraîné un cessez-le-feu et constitué une étape importante de l'établissement d'une fédération englobant les deux groupes.

[Traduction]

Le cessez-le-feu est toujours respecté. Il est surveillé par la FORPRONU. Dans le centre de la Bosnie, CANBAT II doit notamment surveiller ce cessez-le-feu. Naturellement, nous avons également des troupes, CANBAT I, dans la région de Krajina. Nous avons un autre groupe en mission dans la zone de service située à Split.

Le conflit à trois volets qui sévit en Bosnie-Herzégovine s'est stabilisé dans une certaine mesure. La communauté internationale se concentre désormais sur la résolution du conflit entre les musulmans bosniaques et les Serbes de Bosnie.

Comme nous le savons, pour donner plus d'élan au processus, la Grande-Bretagne, la France, l'Union européenne, les États-Unis et la fédération russe ont créé un groupe de contact en avril 1994. Ce groupe a travaillé sans relâche pour tenter de trouver une solution au conflit.

Sa première démarche a consisté à dresser la carte de la Bosnie après les conflits, où les musulmans et les Croates bosniaques obtiendraient environ 51 p. 100 du territoire et les Serbes de la Bosnie, environ 49 p. 100. On a utilisé la politique de la carotte et du bâton pour inciter les deux parties à accepter le nouveau plan.

Tout comme les offres internationales précédentes, ce plan a été rejeté, plus de 90 p. 100 de la population s'étant prononcée contre ce projet au cours d'un référendum tenu par les Serbes de Bosnie. Malgré ces revers, le groupe de contact et les parties en cause ont poursuivi les pourparlers.

Il y a eu du nouveau, avant la fin de l'année 1994, lorsque l'ex-président américain, Jimmy Carter, a rencontré des représentants des deux camps à Sarajevo et à Pale et a réussi à négocier un accord visant l'établissement d'un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine et le début de négociations en vue de mettre un terme aux hostilités avant le 1er janvier 1995.

Le 31 décembre 1994, le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine et les Serbes de Bosnie ont conclu un accord de cessez-le-feu le long des lignes de confrontation pour une période de quatre mois se terminant en avril 1995.

Le respect de cet accord est surveillé et contrôlé par la FORPRONU, dont nos troupes font partie. L'accord prévoit une séparation des forces, une entière liberté de mouvement, l'ouverture de l'aéroport de Sarajevo, le rétablissement des services publics, des échanges de prisonniers de guerre et le retrait de toutes les troupes étrangères.


11227

Les deux premiers mois de 1995, l'accord a été respecté à quelques petites violations près. À la fin de février, les violations s'étaient multipliées et la plupart des observateurs ne s'attendent pas à ce que le cessez-le-feu dure au-delà des deux prochaines semaines. Nous avions escompté que les deux parties puissent trouver un terrain d'entente et que l'accord se prolonge. On ne peut qu'espérer que des négociations à cet égard débutent très bientôt.

Il est utile de donner le ton de la situation diplomatique actuelle à l'ONU. C'est la toile de fond qui nous permettra peut-être de redéployer nos troupes à partir de la semaine prochaine.

(1835)

Après avoir subi d'énormes pressions, le président Tudjman a très courageusement décidé de réévaluer sa position originale et a accepté la continuation de la présence de l'ONU, quoique sous une forme réduite et reformulée et en fonction d'un mandat différent allant davantage dans le sens des missions traditionnelles de maintien de la paix auxquelles le Canada a participé pendant des années, à Chypre notamment, dont le but est de garder la ligne entre les deux factions hostiles.

Le président Tudjman envisage la création d'une nouvelle force indépendante qui contribuerait à faire respecter l'accord de cessez-le-feu, mais qui aiderait à la mise en oeuvre de l'accord économique dont il a été question plus tôt. Elle devrait aussi mettre en place des éléments de l'actuel plan onusien de maintien de la paix en Croatie. Cela continue d'être accepté par les deux parties, y compris le maintien d'une présence de l'ONU sur les frontières internationales ainsi que des mesures humanitaires et de rétablissement de la confiance, telles l'aide aux réfugiés et aux personnes déplacées, la protection des minorités ethniques, le déblaiement des mines et l'accompagnement des convois, etc.

Comme le mandat actuel de la FORPRONU expire dans deux jours, l'ONU doit en arriver à un certain accord sur le renouvellement de sa présence. Les Nations Unies collaborent étroitement avec toutes les parties intéressées afin d'en arriver à un accord applicable sur cette présence continue de l'ONU, et le Canada a participé à nombre des discussions à cet égard.

Le secrétaire général de l'ONU a proposé d'envoyer trois missions distinctes dans la région afin de satisfaire aux besoins uniques de la Croatie, de la Bosnie et de l'ancienne république yougoslave de Macédoine.

Notre position consiste à dire aux Canadiens que nous savons qu'ils sont fiers de voir leur pays s'efforcer de jouer un rôle utile dans une région troublée du coeur de l'Europe et qu'ils ont été heureux de faire leur part en assurant une présence ininterrompue en Croatie et en Bosnie. Mais nous devons comprendre que les Canadiens commencent à craindre de ne jamais voir la fin de notre mission.

Nous avons été à Chypre 29 ans, je crois. Nous ne prévoyons pas rester 29 ans en Bosnie et en Croatie. Il est évident que le gouvernement réévalue le maintien d'une force canadienne dans la région. Nous ne voulons pas laisser tomber nos alliés et les Nations Unies. Nous logeons tous à la même enseigne dans cette affaire. Nous croyons que la situation peut être réglée par des négociations.

Le Canada espère pouvoir commencer à rapatrier une partie de ses troupes tout en s'efforçant de continuer le bon travail qu'il a fait jusqu'ici. En d'autres mots, nous pensons qu'en donnant un nouveau mandat aux troupes basées en Croatie et en y accroissant la présence canadienne, notre intervention dans la région pourrait peut-être être plus efficace. Cependant, il appartient aux Nations Unies de décider si oui ou non nous demeurerons sur les deux théâtres d'opérations, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, ou si nous concentrerons nos efforts en Croatie.

Nous en sommes là dans nos interrogations. Il ne fait aucun doute que le Canada est prêt à continuer de jouer un rôle dans la région, mais nous croyons que le gouvernement doit entendre les vues des députés.

Je le répète, deux bataillons du Royal 22e Régiment sont prêts à être déployés. Nous avons environ 2 100 militaires en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Nous avons aussi de 400 à 500 autres Canadiens dans la région. Ils participent à des missions d'observation pour les Nations Unies, au blocus maritime sur nos navires et aux vols d'approvisionnement sur Sarajevo. Nous sommes donc très présents dans la région.

Avant de terminer, je tiens à réitérer la volonté du Canada de faire preuve de souplesse pour aider les Nations Unies à faire ce qu'il faut dans la région. Cependant, je répète aussi que la participation du Canada à la mission ne peut pas durer indéfiniment.

(1840)

Nous croyons que les Canadiens veulent que nous réévaluions notre participation. Ils veulent connaître les opinions des parlementaires pour voir si nous devrions poursuivre la rotation pendant encore six mois et envisager peut-être de réduire notre participation à l'automne, lorsque l'idée d'une force croate sera peut-être un peu mieux définie.

La meilleure décision à prendre pour nous est peut-être de poursuivre la rotation. Comme je l'ai dit à la Chambre l'autre jour, nous avons le choix. Nous pourrions décider de ne pas poursuivre la rotation. Nous pourrions laisser certains de nos soldats là-bas pendant quelques semaines en attandant que d'autres arrangements soient pris. Évidemment, étant si près de la limite et avec les divers scénarios qui se dessinent, particulièrement la nouvelle force en Croatie, nous pensons qu'il serait peut-être difficile de ne pas poursuivre la rotation du point de vue de l'ONU. Nous ne voulons pas laisser tomber l'ONU.

Cependant, nous croyons sincèrement que nous en sommes presque arrivés au point où le Canada doit modifier de façon importante son engagement dans la région. Nous sommes ouverts à toutes les idées que l'ONU pourrait avoir afin de montrer aux Canadiens que nous ne serons pas là-bas indéfiniment pour exécuter les mêmes fonctions essentielles, mais bien que nous


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progressons vers un règlement pacifique dans la région et que la participation canadienne est cruciale à cet égard.

J'aimerais beaucoup entendre les opinions des députés d'en face. Malheureusement, je ne pourrai pas rester jusqu'à la fin du débat. Mon secrétaire parlementaire et celui du ministre des Affaires étrangères sont ici pour prendre des notes et pour participer au débat.

Je tiens à assurer aux députés que les opinions qu'ils exprimeront ici ce soir seront prises en considération. Le gouvernement examinera demain matin les opinions exprimées au cours du débat et nous aurons des informations à donner sur la question du déploiement de nos troupes plus tard dans la journée de demain.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je pense que nous pouvons tous dire qu'il y a lieu d'être très fier du travail qui a été accompli par les militaires canadiens au cours des missions qui ont été faites notamment en Bosnie et en Croatie.

Cela étant dit, je ne pense pas qu'on puisse être fier de ce que le gouvernement canadien a fait et surtout de ce qu'il n'a pas fait en rapport avec l'exécution de ces missions de paix, car la situation n'est pas rose présentement en Bosnie et en Croatie, au moment où expire le mandat de l'ONU, et au moment où l'on voit expirer très bientôt un cessez-le-feu très important en Bosnie.

Au plan diplomatique, la situation stagne, l'impasse perdure, et les efforts du groupe de contact n'ont abouti à aucun résultat sérieux. Donc, par rapport à l'an dernier, c'est une situation qui n'a pas d'issue, qui perdure. Il n'y a aucune espèce de lueur à l'horizon nous permettant de croire qu'on arrivera à un règlement pacifique.

Au plan militaire, ce n'est pas mieux, c'est même pire que cela n'a jamais été; récemment la situation vient de se détériorer encore très rapidement. On sait que, depuis quatre jours à peu près, pas moins d'une douzaine d'affrontements ont eu lieu en Bosnie, où c'est surtout le gouvernement bosniaque, maintenant, qui se livre à des attaques sur des positions qu'il estime stratégiques afin d'améliorer sa situation de négociation, j'imagine, avec, bien entendu, des répliques des Serbes, de sorte qu'on a eu de 12 à 14 engagements dans les quatre derniers jours.

Les Serbes ont lancé des tirs d'artillerie sur quatre positions de zones protégées, contrairement à tous les engagements qui avaient été contractés, et ce, tout récemment. Dimanche dernier, les Serbes bosniaques ont lancé un appel à la mobilisation générale, ce qui n'annonce pas une diminution de la tension là-bas. Au même moment, le nouveau général de la FORPRONU, le général britannique Rupert Smith, a menacé de lancer des frappes aériennes sur les positions serbes dans les cas où ils ont pilonné les zones protégées. Les Serbes ont répliqué, bien sûr; ils viennent de répliquer en disant qu'ils traiteront comme des ennemis les Casques bleus qui se trouvent là-bas si l'OTAN lance des raids sur leurs positions.

(1845)

On sait que les Serbes sont très sérieux quand ils font des menaces de ce genre puisque, la dernière fois que nous avons utilisé les frappes aériennes, ils ont pris des otages, en particulier une cinquantaine de Casques bleus canadiens qui ont été pris et détenus en otage par les Serbes.

En réalité, on se trouve en face des Serbes, d'un côté, qui ont décidé de faire une guerre d'usure, guerre d'usure qu'ils livrent surtout contre les missions de paix. Les Serbes savent que nous sommes là-bas temporairement, que cela coûte cher, que l'opinion publique risque de s'affaisser au soutien de la présence des Casques bleus en Yougoslavie, qu'un jour ou l'autre il faudra partir et qu'à ce moment-là ils pourront assouvir leurs appétits contre les Bosniaques, et que donc, pour eux, qui ont le temps, qui se battent depuis des centaines d'années, ce n'est qu'une question d'horloge.

Laissons les aiguilles courir sur le temps, parce qu'à la fin, la volonté serbe prévaudra et après avoir dépensé tout cet argent, après avoir gaspillé des vies humaines, malheureusement aussi, dans l'humiliation probablement, les Forces alliées de l'ONU devront se retirer, laissant la place nette aux Serbes. Le calcul serbe est très évident. Ils ne négocient pas, ils ne négocient que lorsqu'ils sont sous la menace d'une frappe aérienne immédiate, et aussitôt que la pression est tombée, avant qu'on puisse remonter le ressort de la volonté de la coalition, ils reprennent des positions antérieures, ils rompent des cessez-le-feu, ils attaquent des zones protégées. C'est une partie qui n'en finira plus jamais, une partie du chat et de la souris.

Quant aux Croates, maintenant qu'on est à l'aube de l'expiration du mandat, ils ont toutes sortes d'exigences: une redéfinition du mandat, un fractionnement des unités-apparemment, l'ONU s'apprête à céder à cela-qu'il y ait maintenant, non plus une seule force de l'ONU, mais qu'il y en ait trois, une en Macédoine, en Bosnie et en Croatie, avec un commandement qui serait diversifié, qui peut être un général de l'ONU qui pourrait coordonner tout cela en haut. Mais ils ont des exigences en plus sur les contingents. Alors qu'on n'arrive pas, maintenant, à remplir les missions qui s'imposent, alors qu'il n'y a pas assez de monde pour remplir toutes les tâches qu'il faut remplir, ils exigent de diminuer à 5 000 les contingents qui sont maintenant à 12 000 et là, nous voici en train de négocier avec des gens qui ont besoin de notre présence pour maintenir la paix, pour avoir un minimum de personnes qui puissent arriver au résultat.

Tout cela, après maintenant près de deux ans de présence, sinon plus, et pour nous, les Canadiens, après 314 millions de dollars de dépensés, dix Canadiens morts dans les opérations, sans compter les suicides qui sont survenus récemment, on n'en sait pas trop là-dessus, mais on peut penser qu'il y en a quelques-uns qui sont liés aux opérations qui ont eu lieu là-bas ou qui sont anticipées par des gens qui ne veulent pas y aller.

Voilà le contexte, donc, où le gouvernement invite les partis de l'opposition à faire un débat. Mais un débat sur quoi? Je regarde la formulation: «. . .de prendre note de la rotation en avril des troupes canadiennes». Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que cela veut dire que c'est déjà décidé, qu'il y aura une rotation? Est-ce que le gouvernement va prétendre aujourd'hui que la rotation n'est pas déjà décidée? Est-ce à dire que c'est dans la


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nuit de demain à après-demain que le gouvernement pourrait remplacer, prendre les dispositions qui s'imposent pour remplacer 1 600 personnes là-bas, deux contingents de 800 personnes, les avions, la logistique, les transports, les choix? Est-ce qu'on va nous faire croire que ce n'est pas déjà décidé?

La formulation même de la motion le montre. Ils ont ri du Parlement, aujourd'hui. On rit de nous.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Un débat sur quoi, mais quelle sorte de débat? Comment pouvons-nous débattre sérieusement de la question, alors que le gouvernement n'a même pas dressé de bilan de ce qui s'est passé là-bas, alors qu'on n'a pas d'évaluation, qu'on n'a pas d'information? Tout ce qu'on sait, on le sait par l'entremise des journaux. Jamais le gouvernement n'a transmis des informations importantes, précises et claires sur ce qui s'est passé là-bas. Jamais le gouvernement ne nous a dit comment il évaluait les opérations. Jamais il ne nous a dit quels sont les pronostics. Jamais il ne nous a dit si nous y serons tout le temps ou pour un temps déterminé et lequel. On ne sait rien, on est dans le noir.

Tout ce qu'on nous demande, c'est de boire les paroles du ministre de la Défense et de faire des actes de foi, de signer des chèques en blanc et de permettre que nous continuions d'envoyer des militaires là-bas qui sont dans des conditions d'extrême frustration, qui ne savent pas quel est leur mandat, qui n'obtiennent pas l'autorisation militaire pour faire les opérations qu'il faut faire et qui assistent, impuissants, à des choses ignobles: des enfants martyrisés, des enfants qui meurent, des personnes déchiquetées, des civils qui sont des cibles vivantes de tirs aveugles à partir des collines. On envoie nos militaires dans des conditions épouvantables. Est-ce qu'on va le faire tout le temps et à quelles conditions?

(1850)

Je crois que le gouvernement se trouve aujourd'hui dans la position de nous dire «nous n'avons pas le choix.» Le seul argument que le gouvernement peut utiliser, c'est «nous n'avons pas le choix, nous devons rester là-bas.» Le pire, c'est que c'est vrai que nous n'avons pas le choix.

Nous n'avons pas le choix parce que le gouvernement s'est mis dans un engrenage, par son inaction, sa négligence, le caractère superficiel de ses engagements, il s'est placé dans une position où nous n'avons pas le choix. Un gouvernement, un État qui fonde ses politiques sur des arguments comme «nous n'avons pas le choix» est dans une très mauvaise situation.

Je crois que lorsqu'on pose des gestes comme ceux-là, c'est parce qu'on décide qu'on a le choix, qu'on le fait volontairement, pour des raisons de civilisation, pour des raisons de compassion, de solidarité. Mais dans le cas actuel, c'est la résignation. Le gouvernement n'a pas de politique.

Je défie quiconque d'obtenir une réponse sérieuse du gouvernement, en lui demandant quelle est la politique canadienne en matière de mission de paix, quels sont les critères, quelle est la grille des critères à partir desquels on s'engage dans de pareilles opérations? Il n'y a pas de réponse, parce qu'on ne le sait pas.

On sait très bien d'ailleurs que le gouvernement, par ses représentants au sein du Comité des affaires extérieures qui a révisé la politique extérieure, a reconnu avec l'opposition qu'il fallait dorénavant se donner des critères, des normes, qu'on ne pouvait plus s'engager au cas par cas, au goutte-à-goutte, à la va-comme-je-te-pousse, dans des opérations comme celles-là où des gens meurent, où on dépense des sommes folles, sans jamais de succès, sans jamais de progrès. Car nous n'avons pas progressé d'un pouce, d'un millimètre, depuis l'an dernier. Au contraire, la question est de plus en plus insoluble, l'impasse est de plus en plus claire.

Nous aurions voulu obtenir des informations du gouvernement. Nous aurions voulu que le gouvernement dépose des documents, convoque un comité de la Chambre. Tout ce que nous avons eu, c'est un préavis de quelques heures, hier. Tout à coup, hier après-midi, on nous donne un préavis: il y aura un débat sur la Bosnie et la Croatie. Tout à l'heure, nous avons réussi à avoir un briefing d'une heure avec les gens de la Défense qui se sont comportés très correctement et ont répondu à nos questions. Mais, on n'a pas eu les dossiers, l'information fondamentale requise.

Je pense que si le gouvernement est sérieux, il devrait permettre à un comité de la Chambre de siéger sur la question, permettre qu'on interroge des gens, permettre qu'on ait accès à des documents. S'il faut observer le secret parlementaire, s'il faut que les membres de ce comité s'engagent à garder le secret, on le fera, on est des gens responsables, les députés du Parti réformiste, de l'opposition et les députés du Parti libéral aussi. On pourrait, je crois, faire une opération importante de révision et d'examen sérieux de ce qui se passe là-bas, car on ne le sait pas.

Ainsi donc, puisque le gouvernement s'est laissé dicter sa politique par les événements, c'est vrai que nous devons rester là-bas, que nous devons continuer. Et puisqu'il n'y a rien de réglé, c'est le même dilemme. Au plan humanitaire, nous savons bien que si, dans les conditions actuelles, on retirait les troupes, les Casques bleus, y compris les troupes canadiennes, on sait bien, par exemple, que toute la population de la ville de Sarajevo serait exposée à mourir de faim.

Tous les aliments qui entrent dans la ville viennent des ponts aériens des forces de l'ONU, l'eau, le gaz, les médicaments, tout. Les gens ne survivent que d'une façon extrêmement limitée, dans un inconfort total, dans des conditions hygiéniques presque inacceptables, mais ne survivent, au minimum, que grâce à la présence humanitaire des Casques bleus en Bosnie.

Nous savons bien que la mission de l'ONU en Bosnie est de nature essentiellement humanitaire. Elle est militaire en Croatie puisqu'il y a une zone de séparation qui empêche les belligérants


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de se tirer les cheveux, avec au milieu, le «buffer» que représentent les forces de l'ONU. Mais dans le cas de la Bosnie, c'est beaucoup plus que cela encore, c'est humanitaire, c'est une des conditions de survie.

Alors, est-ce que quelqu'un peut dire que maintenant que nous y sommes, nous allons pouvoir nous retirer? Mais non, on sait bien qu'on ne peut pas. Le gouvernement le savait. Le gouvernement a pensé qu'en instaurant le débat, il recevrait, comme il le recevra, un appui obligé de la part de l'opposition.

Mais, tout obligés que nous soyons d'appuyer cette position, nous savons bien que le gouvernement a des torts, que le gouvernement n'ouvre pas ses dossiers, ne nous permet pas de prendre des décisions lucides. En démocratie, on aime bien prendre des décisions éclairées, avec des motifs, parce qu'on l'a voulu, parce qu'on a fait des choix. En l'espèce, il n'y a plus de choix possible.

Au point de vue militaire, on sait bien ce qui arriverait si on partait immédiatement. On sait bien qu'en Croatie, ce serait le coup de sifflet pour une guerre immédiate. Les gens n'attendent que cela pour se jeter les uns sur les autres. Et bien sûr qu'en Bosnie, les Serbes essaieraient, et probablement réussiraient, à régler leurs derniers comptes avec les Bosniaques de la façon dont on peut le penser.

(1855)

Or, sans la présence des caméras de télévision et des forces de l'ONU, on peut imaginer à quelles atrocités on assisterait là-bas. On sait bien que ce serait une guerre totale dans ce pays et, en plus, une guerre qui ne serait pas contenue, qui s'en irait dans la poudrière des Balkans, du côté de la Grèce. On sait par exemple que les Grecs ont des sympathies avec les Serbes, des sympathies centenaires avec les Serbes, et que, donc, les Serbes pourraient compter sur l'appui des Grecs qui, probablement, seraient tentés de le leur donner. Les Turcs, eux, appuient les Bosniaques.

Enfin, il y a tout un chassé-croisé de raisons qui font qu'on assisterait à une explosion extraordinaire avec toutes les conséquences qui pourraient en résulter sur les rapports entre les grandes puissances. Que serait la position de l'Union soviétique s'il y avait l'éclatement d'une conflagration armée de cette ampleur? On peut penser que cela tendrait les relations internationales encore davantage. Donc, on est pris dans une souricière.

Ce que nous souhaiterions, c'est que le gouvernement d'abord s'engage, avec l'aide de l'opposition qui le fera volontiers, à définir des critères, dorénavant, avant de s'engager dans ce genre de piège et, deuxièmement, à poser des conditions en ce qui concerne le renouvellement du mandat. Je crois que le gouvernement devrait poser des conditions. Il a déjà dit qu'il n'accepterait pas que l'embargo des armes soit retiré. Je pense que le gouvernement en a déjà fait une position de politique, et nous l'appuyons là-dessus. Je pense que cela va être une condition que l'embargo ne disparaisse pas parce que, du côté américain, la tentation est forte de lever l'embargo.

Deuxièmement, il faudrait s'assurer que les cessez-le-feu vont se prolonger. Parce que l'histoire des cessez-le-feu n'est pas rose. La longévité des cessez-le-feu n'est pas très élevée dans ce coin, il y a eu des dizaines et des dizaines de bris de cessez-le-feu. Il faudrait que l'on puisse poser des conditions. Il faudrait que l'ONU accepte de définir en plus des mandats plus précis. Il faudrait que l'on sache davantage ce qu'on va faire. Quelle est l'extension même de ce qu'on peut faire en réaction? Quelles sont les missions précises qui nous sont confiées?

Il faudrait aussi et surtout, par rapport aux frappes aériennes, qu'on en sache davantage. Est-ce que, par exemple, il est du ressort du général Smith de mettre à exécution la menace qu'il a faite récemment sans que le Canada ait un mot à dire? Est-ce qu'il peut y avoir des frappes aériennes là-bas sans que le gouvernement canadien soit consulté? Il semble que oui, dans certains cas. Il semble que pour des raisons défensives, par exemple, le général Smith ait toute latitude pour déclencher des frappes aériennes, ce qui est moins clair dans le cas des interventions de nature offensive où, apparemment, le Canada aurait un mot à dire, ne serait-ce que pour des raisons défensives-qu'on comprendrait d'ailleurs-pour préserver les vies des Casques bleus.

Cela veut dire que l'escalade peut arriver, parce qu'on sait bien ce qu'ils vont faire, les Serbes, si jamais il y a des raids aériens contre leur position. Et puis les gens qui sont sur place vont payer pour. Qui va être sur place? Nos soldats. Et puis, il y a toute la question du moral de l'armée canadienne qui se pose aussi en arrière-plan. On en reparlera d'ailleurs dans cette Chambre.

Il me semble que l'armée canadienne traverse une crise. Il me semble que ces missions de paix ont durement mis à contribution sa capacité de relever ces défis. On peut penser que, pour les militaires, ce sont des missions exotiques dans les pays lointains. Ils n'ont pas à affronter l'adversaire, apparemment en tout cas, a priori, donc cela peut se faire assez agréablement. Mais nous nous rendons compte que ces missions sont très dures et probablement peut-être plus dures, au point de vue psychologique, que les missions classiques, parce que l'objectif n'est pas clair, parce que ces gens-là ne savent pas au fond pourquoi ils sont là, souvent, parce qu'ils doivent accepter, par leur inaction, de laisser se dérouler des gestes absolument incompréhensibles, absolument non civilisés et inacceptables.

Je crois que de ce côté, le ministre de la Défense nationale aurait intérêt à en dire plus à cette Chambre. Je suis convaincu qu'il a entre les mains des rapports sur le moral de l'armée canadienne, et je crois que nous aurions tous intérêt à ce que cette Chambre soit saisie des impératifs et des interventions qu'il y a lieu de faire dans ce domaine-là.

Donc, la réponse de l'opposition, et celle que le gouvernement escomptait, celle qu'il nous oblige à donner, c'est oui. Oui, mais très conditionnel, oui, avec beaucoup de questions, oui, avec beaucoup de doutes, et pas un oui très heureux.

Des voix: Bravo.

(1900)

[Traduction]

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais dès le départ vous prévenir que nous partagerons notre temps de parole. . .


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Le vice-président: Il semble y avoir une certaine confusion à ce sujet. Après les trois premiers orateurs, nul ne pourra intervenir plus de 10 minutes; il n'y aura donc pas lieu de partager le temps de parole. Le député dispose de 20 minutes.

M. Frazer: Monsieur le Président, je déteste commencer une intervention en me plaignant, mais je dois le faire. Je voudrais parler en effet du moment choisi pour tenir ce débat. J'aurais bien préféré intervenir en décembre pour parler de notre engagement en Bosnie et en Croatie, et nous aurions même accepté d'en discuter en janvier.

Tenir pareil débat deux jours avant l'expiration de notre engagement me semble bien tard. De plus, jusqu'à très tard cet après-midi, le gouvernement ne nous a proposé absolument aucune consultation ni aucune séance d'information. Cela me paraît un oubli très dramatique de sa part.

Même s'ils représentent des positions différentes, les partis d'opposition cherchent certainement eux aussi à représenter les Canadiens et à exprimer leurs points de vue à la Chambre.

Nous avons par ailleurs deux comités permanents, celui de la défense nationale et des anciens combattants et celui des affaires étrangères, qui auraient très bien pu servir de tribunes pour discuter des possibilités de prolongement de notre engagement, des difficultés de nos troupes et des implications que présente la reconduction de notre mandat en Bosnie.

Nous avons entendu dire que cela pourrait se faire, mais cela ne s'est pas encore fait. Il s'agit là d'un oubli dramatique de la part du gouvernement. Je lui demande très fermement de reconsidérer sa façon de procéder et d'inviter à l'avenir les partis d'opposition à participer plus activement à ce genre de négociation.

Pour passer maintenant au sujet du débat, le contexte en Croatie en est un de véritable opération de maintien de la paix au sens classique de l'expression. Il s'agit essentiellement d'occuper une zone intermédiaire pour tenir les antagonistes séparés. Encore une fois, je tiens à rendre hommage à notre contingent non seulement en Croatie mais aussi en Bosnie. Il a accompli un travail remarquable, et nos troupes sont sans aucun doute sinon les plus professionnelles du moins parmi les plus professionnelles à remplir une mission dans le cadre du mandat de l'ONU.

Dans le cas de la Bosnie, le mandat est totalement différent, car, pour reprendre la terminologie officielle, il s'agit d'assistance humanitaire. Nos soldats de la paix doivent s'interposer entre trois groupes qui ont des inimitiés. Nos Casques bleus font là aussi un excellent travail dans des circonstances extrêmement difficiles, dans des conditions qui ont considérablement limité leurs activités.

Grâce à leur souplesse, à leur professionnalisme, nos soldats ont réussi à créer un climat plus détendu ou amical-le terme est peut-être un peu fort-en somme un climat acceptable grâce à des contacts personnels avec les dirigeants locaux. Ils ont été parfaitement à la hauteur de la situation en se montrant absolument impartiaux et en se refusant à toute forme de favoritisme.

On peut dire sans crainte de se tromper que le Canada et un ou deux autres pays sont les seuls à pouvoir se prétendre complètement impartiaux.

La difficulté, c'est qu'il y a eu de nombreuses violations aux accords conclus là-bas. Il y a eu des viols, des meurtres, des atrocités inouïes. Ces actes sont commis par des personnes vouées à la haine. C'est une vraie honte. Ce pays est si beau et il a tant d'atouts pour être prospère. Malheureusement, il est plongé dans une vilaine guerre.

Il y a eu des prises d'otages lorsque l'OTAN a tenté de forcer les belligérants à respecter les ententes qu'ils avaient signées et qu'ils se refusaient à honorer.

(1905)

Les Canadiens sont, à mon avis, dans une position particulièrement vulnérable dans ce cas parce qu'ils sont, à ma connaissance, les seuls à occuper des positions en territoire serbe. Les autres forces de l'ONU ne sont pas ainsi déployées.

Par conséquent, si l'ONU demande le soutien aérien de l'OTAN pour décourager l'agression serbe, les Serbes pourraient fort bien faire ce qu'ils ont déjà fait et prendre des Canadiens en otages. C'est arrivé deux fois déjà, et j'estime que nous nous leurrons en pensant que cela ne se reproduira plus.

Des coups de feu ont été tirés sur des patrouilles de l'ONU tant en Bosnie qu'en Croatie. En Croatie, le premier de l'an, deux Casques bleus canadiens ont été blessés, et ce n'est que grâce à des efforts extraordinaires de l'un d'entre eux et à de bonnes installations hospitalières qu'aucun Canadien n'est mort dans ce cas-là.

Neuf soldats de l'ONU ont été tués dans l'ancienne Yougoslavie. Si la situation actuelle persiste, et il semble bien que la tension monte, d'autres Casques bleus pourraient être tués ou blessés.

Nous avons vu déjà que la Bosnie a failli être complètement coupée du monde. L'aéroport de Sarajevo a été fermé pendant un bon bout de temps. Tout récemment, il y a quelques jours à peine, on a tiré sur les avions de l'ONU pendant leur atterrissage et leur décollage. Cela influe sur la capacité de l'ONU et de la FORPRONU de remplir leur mission, soit fournir de l'aide humanitaire en approvisionnant la population concernée.

Le problème, c'est que les belligérants ne semblent pas vraiment vouloir respecter les accords qu'ils ont conclus. Des zones déclarées sûres par l'ONU ont été la cible d'attaques dramatiques par les forces ennemies, notamment les Serbes dans ce cas.


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Il semble que l'ONU n'ait aucun mordant. Elle conclut des ententes et obtient l'accord des belligérants, puis ces derniers décident auxquelles ils vont adhérer. Comme je l'ai déjà dit, des atrocités ont été commises et, en ce moment même, des groupes ethniques se livrent d'autres combats dans la région.

En ce qui concerne tout accord sur un cessez-le-feu, et nous sommes maintenant dans un secteur où un cessez-le-feu a été déclaré il y a quelque temps, il n'y a pas de cessez-le-feu parce que, comme le leader de l'Opposition officielle l'a dit, depuis quatre jours, on a noté 14 violations différentes. D'après ce que j'ai compris de la séance d'information à laquelle nous avons assisté il y a une heure, ce sont les incidents relativement graves qui sont déclarés, car le cas d'un tireur isolé qui fait feu sur quelqu'un à Sarajevo n'est pas considéré comme un incident digne de mention. On me dit qu'il y a, en moyenne, entre 80 et 200 incidents signalés quotidiennement. Cela finit par être une situation de guerre très explosive.

Tout cela s'est produit à cause des lacunes du mandat. Premièrement, nous-mêmes ou les Nations Unies n'avions pas l'accord de toutes les parties concernées pour intervenir dans la région. Nous avons décidé d'y imposer notre présence et on nous a dit ceci: «Vous êtes ici, mais nous n'approuvons pas votre présence pour autant.» Rien ne nous permet de penser que les parties concernées ont changé d'avis sur cette question. Elles vont accepter les dispositions qui leur conviennent, mais dès qu'elles ne font pas leur affaire, elles recommencent à agir à leur guise. Il y a indiscutablement un manque de volonté d'en arriver à un règlement pacifique du conflit.

Je dois dire que s'il y avait une lueur au bout du tunnel, un espoir à l'horizon qu'on puisse trouver une solution durable, la situation serait très différente.

Nous avons vu qu'il est impossible de mettre en application les accords des Nations Unies. Celles-ci établissent une entente, les parties viennent la signer et il suffit parfois de quelques heures ou de quelques jours pour que l'accord soit enfreint et rompu.

(1910)

Il est bien évident que, malgré l'embargo, des armes parviennent quand même à destination. Le bruit court que les Bosniaques sont maintenant armés au point de se sentir relativement capables de tenir tête aux forces serbes. On s'interroge beaucoup sur la capacité des diverses forces en présence, mais tout porte à croire qu'il y aura ce que l'on appelle une offensive du printemps. J'espère sincèrement qu'il n'en sera rien, mais tout indique que les combats dans la région s'intensifient au lieu de s'atténuer.

Il y a des problèmes particuliers aux Forces canadiennes dont il faudrait discuter, à mon avis. Je vais commencer par parler du matériel. Le gouvernement et le chef d'état-major de la défense ont dit que le matériel est fonctionnel et adéquat, comme se doit d'ailleurs de le dire le chef d'état-major de la défense. Je le qualifierais d'obsolescent, sinon d'obsolète. Chose sûre, lorsque nous étions sur le terrain en Bosnie et en Croatie, surtout en Croatie, à bord des véhicules de transport de troupes M-113, il était évident que les gens qui utilisaient le matériel étaient loin d'être satisfaits. Il n'était pas fiable. Les chenilles cassaient régulièrement et les véhicules n'étaient pas assez blindés pour jouer leur rôle.

La solution était d'ajouter du blindage. Le problème, c'était que, en ajoutant du blindage, on augmentait le poids du véhicule. Avec un poids accru, le train d'entraînement connaîtrait des ennuis, la suspension céderait et la consommation de carburant augmenterait considérablement. Ce n'est pas une bonne solution.

Les postes de radio ont une importance vitale dans ce cas, vu les postes d'observation et les troupes déployées dans divers secteurs. Les soldats veulent pouvoir parler à la personne dont ils ont besoin et quand cela est nécessaire. On nous a dit à maintes et maintes reprises que les radios étaient tombées en panne. Tout le monde est à réparer son équipement de transmission. C'est inacceptable!

Les gilets pare-balles que portent les militaires sont lourds et inconfortables. En Croatie, un nouveau modèle est à l'essai, mais les exemplaires qui ont été distribués à nos soldats étaient, à leur avis, inacceptables.

Nous disposons de très mauvais dispositifs de vision nocturne. Je le répète, c'est inacceptable parce que beaucoup de nos postes d'observation participent à des observations nocturnes et, si on ne peut pas voir ou les utiliser comme il se doit, ça n'a pas de sens.

Je crois que la question des casques a été soulevée à quelques reprises et c'est à se demander s'il faut en rire ou en pleurer. Quand on les a reçus, les casques en kevlar n'étaient pas bleus. Voulant les peindre, on est allé acheter de la peinture. Le problème, c'était que la peinture réagissait au kevlar et les casques devenaient mous et donc inutiles. Les autres contingents des Nations Unies qui utilisent de tels casques les ont recouverts de toile. Encore une fois, à mon avis, on a pas fait le nécessaire.

À mon avis, nos gens sont aussi une source de problèmes. Je voudrais avant tout rendre hommage à la coopération, au professionnalisme, au dévouement, à l'intérêt sincère et au comportement de nos soldats. Toutefois, je crois qu'ils sont trop souvent déployés dans la zone des opérations. Certains d'entre eux l'ont été trois fois. À ce rythme, si nous renouvelons notre engagement, certains soldats devront se rendre en zone d'opérations pour une quatrième fois.

Il se trouve de nombreux volontaires parmi eux, je le sais bien, mais, du point de vue de la gestion de l'effectif, ce n'est pas souhaitable. Les soldats qui se trouvent sur place s'accommodent de la situation, mais leur éloignement perturbe énormément leurs familles. Le père ou la mère, dans certains cas, n'est plus à la maison. Les enfants et les familles en souffrent et le moral tombe un peu.


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Les cas d'alcoolisme ont augmenté dans les unités qui ont été déployées. Il y a eu des problèmes de discipline. C'est naturel, car les gens subissent un stress énorme qui produit indéniablement des effets.

(1915)

Le tout se résume à une baisse du moral, une situation qu'il ne serait pas facile de résoudre, même dans les meilleures circonstances. Toutefois, étant donné les autres problèmes qui accablent les Forces canadiennes, à l'heure actuelle, le résultat global est écrasant. En réalité, nous demandons à nos troupes de vivre dans un état d'épuisement général. Nous ne pouvons nous permettre une telle exigence.

Pour ce qui est du mandat en Bosnie et en Croatie, le Parti réformiste a énuméré, en décembre dernier, quatre conditions raisonnables que le Canada devrait imposer pour ne pas retirer ses troupes. Il faut d'abord qu'on cesse d'importuner les Casques bleus, de les prendre en otages, d'entraver leur travail. Ensuite, il faut que l'aéroport de Sarajevo soit rouvert et demeure ouvert afin que l'aide humanitaire puisse être acheminée. De plus, il faut que les convois d'aide puissent se déplacer sans difficulté. Enfin, nous avons exigé qu'il y ait un cessez-le-feu et qu'on le respecte, mais non pas seulement en apparence.

Les parties en cause ne se sont pliées qu'à une seule de ces quatre exigences et encore, tout récemment. Elles cessent d'importuner les Casques bleus. L'aéroport de Sarajevo a été fermé à de nombreuses reprises. On a tiré sur des avions. On a retenu des convois aériens ou on leur a carrément refusé le passage. Bien entendu, il est évident qu'il n'y a aucun cessez-le-feu en place.

Selon le Parti réformiste, le Canada devrait accepter le fait que ce conflit n'est pas réglé et qu'il est fort probable qu'il ne le sera pas dans un avenir rapproché. De plus, tous les groupes ethniques de la région, qu'il s'agisse des Croates, des musulmans ou des Serbes, ont commis des atrocités. Certains sont peut-être plus portés à le faire que d'autres, mais tout le monde est coupable dans une certaine mesure.

Je le répète, on utilise nos ressources au maximum. Nous devrions en être conscients et accepter cette réalité. On peut affirmer, sans crainte de se tromper, que le Canada a fait sa part. Nous avons des troupes sur le terrain depuis maintenant trois ans. Nous accomplissons un travail exemplaire, et je ne pense pas que quiconque puisse nous accuser de ne pas jouer notre rôle.

Il y a d'autres forces des Nations Unies présentes sur place qui sont beaucoup moins efficaces ou qui, dans certains cas, ne font absolument pas leur travail. Une unité en particulier, que je ne nommerai pas, a reçu de tout nouveaux véhicules blindés de transport de troupes que les Nations Unies ont achetés en Corée, mais elle refuse de les utiliser. Ces militaires veulent limiter le kilométrage le plus possible, car les Nations Unies amortissent ces véhicules et ils vont pouvoir ainsi ramener chez eux des véhicules pratiquement neufs.

D'autres contingents refusent d'aller au front. Ils ne veulent appuyer qu'une partie ou l'autre dans le conflit. Il n'y a que le Canada et quelques autres pays que les antagonistes considèrent comme impartiaux.

Le Parti réformiste propose que le Canada dise qu'il a fait sa part. Il est temps que nous retirions nos soldats de la Bosnie et de la Croatie. Nous devrions dire aux Nations Unies que nous savons qu'il leur faudra un certain temps avant de trouver des remplaçants. Je propose qu'on leur accorde, au départ, trois mois de grâce, après quoi le Canada se retirera de la région.

Je pense que cela peut se faire en Croatie. Ce pourrait être plus difficile en Bosnie. Je ne pense pas que le Canada se montre déraisonnable, si cela devait se prolonger. Ça pourrait arriver, mais il faudrait que les périodes de prolongation soient très courtes.

Pour terminer, j'espère que nous aurons tiré une leçon importante de notre engagement en Bosnie et en Croatie. Nous sommes allés là-bas dans le but de faire une bonne action et nous avons fait de notre mieux. Le problème, c'est qu'il n'y avait pas d'entente.

Le Canada devrait insister, par exemple, pour que l'on fixe une limite à son engagement. Il devrait s'assurer que les gens, là-bas, veulent bien qu'on aille les aider, qu'ils veulent en arriver à une solution pacifique et qu'ils veulent en arriver à une entente.

Il faut que les règles de l'engagement soient très clairement établies et que le Canada les juge acceptables avant de consentir à participer à une mission. Il faudrait aussi discuter de l'aspect financier et être d'accord là-dessus.

(1920)

Sinon, le Canada pourrait encore une fois se retrouver dans un engagement comme celui-ci où le retrait de nos troupes entraînera à coup sûr une intensification du conflit. Je ne vois pas de moyen d'éviter cela et, en laissant des Canadiens là-bas, nous ne faisons que le prolonger.

Comme le chef de l'opposition officielle l'a dit, nous avons passé 29 ans à Chypre et nous ne pouvons sûrement pas rester 29 ans en Bosnie et en Croatie.

Par conséquent, le Parti réformiste recommande au Canada de dire aux Nations Unies que nous voulons mettre fin à notre engagement et que nous leur accordons un délai de grâce de trois mois, après quoi nous retirerons nos troupes.

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes témoins aujourd'hui de la démocratisation de la politique étrangère du Canada. Elle a commencé lorsque le comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes a examiné cette politique et a présenté certaines recommandations au gouvernement. Le gouvernement y a réagi en déclarant vouloir que le Parlement prenne part aux décisions importantes concernant la politique de défense et la politique étrangère. Je suis donc très heureux que nous tenions ce débat ce soir. Je recommande qu'il y en ait d'autres de ce genre.


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Il y a deux semaines, le ministre des Affaires étrangères a comparu devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Il désirait alors connaître les points de vue de l'opposition officielle et du Parti réformiste. J'y reviendrai plus tard.

Bien que je sois heureux que nous tenions ce débat, je suis vraiment choqué et déçu que le chef de l'opposition ait dit au début de ses observations qu'il ne pouvait pas être fier de ce que le Canada a fait ou n'a pas fait. Eh bien, nous, de ce côté-ci, sommes très fiers de ce que le Canada a fait dans ce conflit, et nous continuons d'en être fiers et de soutenir les gens qui sont là-bas.

Il a continué de blâmer le Canada en disant qu'il n'avait rien fait. Le chef de l'opposition ne se rend-il pas compte que nous faisons partie d'une équipe et que nous ne pouvons pas agir unilatéralement? Je présume que la notion d'équipe lui est étrangère.

Ne se rend-il pas compte qu'environ 35 pays et 43 000 soldats participent à cette mission? N'eût été de toutes les négociations qui ont eu lieu au cours de toutes ces années, et de la participation de tous ces pays et de tous ces soldats, qui sait si nous ne serions pas aux prises avec une troisième guerre mondiale aujourd'hui?

Oui, des vies ont été perdues. Oui, cela a coûté cher. Cependant, remercions le ciel, des pays comme le Canada participent, car nous avons peut-être évité une autre guerre mondiale.

Le chef de l'opposition s'est ensuite plaint que tout ce que nous débattions ici était la rotation et qu'elle a déjà été décidée. Je lui demande de lire la motion que nous débattons. Le texte est le suivant:

«Que cette Chambre, à la lumière de la prise en considération par le Conseil de sécurité de l'ONU dans l'ancienne Yougoslavie. . .»
C'est la raison du débat actuel. Il s'agit de voir si le Canada doit maintenir ou non ses troupes sur place. La rotation se fait automatiquement. Les troupes sont remplacées tous les six mois. Toutefois, si le gouvernement décidait de retirer ses troupes un mois après leur arrivée, ce serait des troupes fraîches et en forme et non pas des troupes fatiguées qui reviendraient.

C'est le mandat que nous débattons. La rotation se fait automatiquement tous les six mois. Je suis déçu que le député n'ait pas vu la différence.

(1925)

Il a déclaré que nous n'avions pas le choix. Je croyais qu'il allait dire que nous n'avions pas le choix de rester ou de partir. Nous avons un choix et c'est pourquoi nous tenons le débat actuel.

Le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense nationale ont dit que, avant de prendre une décision aussi importante, à savoir renouveler ou non le mandat de nos troupes, le Parlement serait consulté. C'est ce que nous faisons actuellement. Le fait de se limiter à dire que nous n'avons pas le choix n'aide guère le gouvernement. Nous attendons une preuve de leadership de la part de l'opposition pour aider les Canadiens à prendre cette importante décision.

Le chef de l'opposition a dit: «Quelle est la politique du Canada au sujet des missions de maintien de la paix?» Je lui recommande de lire les livres d'histoire et de remonter à l'époque où le premier ministre, M. Lester B. Pearson, avait recommandé l'utilisation de forces de maintien de la paix. Nous continuons de jouer ce rôle. Nous voulons le modifier en ayant davantage recours à des actions préventives et d'autres mesures du genre, mais ce rôle est maintenu. C'est ce qui explique que le Canada jouit d'une réputation aussi enviable dans le monde.

Le chef de l'opposition ne semble pas se rendre compte que les conflits sont très différents depuis la fin de la guerre froide. À l'époque, lorsqu'un État en attaquait un autre, la paix était finalement conclue et des gardiens de la paix étaient chargés d'en assurer le maintien. Nous assistons maintenant à des conflits internes, à des conflits ethnoculturels. Les guerres tribales, les massacres et les génocides dans un même pays posent des problèmes et des défis bien différents.

J'étais heureux que le chef de l'opposition termine en disant qu'il fallait renouveler le mandat, mais il y a mis certaines conditions. Il a sans doute donné une approbation conditionnelle. Pour être honnête, disons que ses propos n'ont pas beaucoup aidé le gouvernement à décider si nous devions renouveler notre mandat de maintien de la paix en ex-Yougoslavie ou non.

Le porte-parole officiel du Parti réformiste se plaignait que nous ne faisions pas de consultations. Nous avons mené des consultations durant tout le processus d'examen de la politique étrangère. Le gouvernement réagit. Le ministre des Affaires étrangères comparaissait devant le Comité permanent des affaires étrangères, il y a à peine deux semaines. Nous avons discuté du conflit en Bosnie-Herzégovine. Le ministre a carrément demandé aux députés de l'opposition officielle ce qu'ils pensaient de la situation. Il voulait connaître leur avis. Leur réponse ressemblait à ce que nous avons entendu ce soir.

Quand le ministre a demandé au Parti réformiste quelle était sa position, il s'est fait répondre que le caucus était partagé en deux sur cette question. J'ai été heureux de constater qu'aujourd'hui, le Parti réformiste a clairement énoncé sa position, qui veut que nous retirions nos forces de cette région. Ainsi, nous savons au moins quelle est la position de ce parti.

Pour répondre au chef de l'opposition officielle, je veux lui rappeler que le Canada demeure l'un des plus grands défenseurs d'un renforcement de la capacité de l'ONU de prévenir et de régler les conflits. Nous avons travaillé en collaboration avec des pays qui défendent le même point de vue, à l'ONU, pour adopter des réformes qui donneront à l'organisation les outils politiques, financiers et militaires dont elle a besoin pour s'acquitter de ses responsabilités croissantes.

Le Canada effectue actuellement une étude sur la capacité d'intervention rapide de l'ONU. Il présidera la semaine prochaine une conférence internationale sur la question. Nous organisons des colloques sur le maintien de la paix avec nos partenaires


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dans le cadre du PAC, du forum régional et de l'Organisation des États américains.

Nous collaborons aussi avec l'Organisation de l'unité africaine pour améliorer la capacité des pays africains à contribuer aux opérations de maintien de la paix et à pratiquer la diplomatie préventive.

Je ne veux pas terminer mon intervention sur la Bosnie-Herzégovine sans mentionner à tous les députés que nous avons dépassé le stade du maintien de la paix. Nous entendons passer à la prévention des conflits. Nous examinons les possibilités de réforme des Nations Unies afin que nos gardiens de la paix puissent être envoyés en mission avec un mandat beaucoup mieux défini.

(1930)

J'exhorte tous les députés qui participeront au débat ce soir, tous les députés indépendants, tous les ministériels, tous les députés du Bloc québécois et les députés du Parti réformiste à aider le gouvernement à prendre cette importante décision. Oublions pour un temps la politique partisane, qu'on entende simplement quels sont les voeux des électeurs de chacun. Ensuite, nous pourrons prendre une décision éclairée, intelligente et appropriée pour le Canada et pour-espérons-le-le rétablissement de la paix dans cette région.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, c'est un honneur et un privilège pour moi de prendre la parole aujourd'hui relativement au rôle que joue le Canada dans les missions de maintien de la paix et tout particulièrement en ce qui a trait à celle qui est en cours actuellement en ex-Yougoslavie.

Cependant, avant d'aller plus loin, vous me permettrez, comme l'a fait le chef de l'opposition à juste titre, de réfléchir tout haut à la convocation par le gouvernement de ce débat d'urgence.

D'abord, sur quelle motion sommes-nous appelés à bien nous prononcer? Une motion qui nous dit: «Que cette Chambre, à la lumière de la prise en considération par le Conseil de sécurité de l'ONU-ce qui n'est pas encore fait d'ailleurs-du renouvellement du mandat des forces de l'ONU dans l'ancienne Yougoslavie, prenne note de la rotation en avril des troupes canadiennes servant sous la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine et en Croatie.

Monsieur le Président, l'échéance est le 31 mars, dans deux jours, et le gouvernement décide de convoquer un débat d'urgence deux jours avant, à moins de vingt-quatre heures d'avis, pour que nous discutions de cette question.

On n'a pas la moindre idée des modalités d'un éventuel nouveau mandat qui serait décidé par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Comme je vous l'ai dit, celui qui prévaut actuellement en Croatie tombe à échéance le 31 mars, et le Conseil de sécurité ne s'est pas encore prononcé sur un éventuel nouveau mandat. On n'a pas la moindre idée de ce que cela voudrait dire. On ne sait pas s'il y aurait réduction des forces, comme le laisse entendre le gouvernement croate. On ne sait pas s'il y aurait des déplacements de troupes. On ne sait rien du tout. Mais ce qu'on sait, par contre, c'est que les dispositions logistiques sont déjà prises pour que la rotation des troupes canadiennes se fasse dès lundi. Cela, nous le savons.

Étant confronté à l'obligation de devoir tenir ce débat, puisque le gouvernement a décidé de le convoquer à quelques heures d'avis, nous avons réussi, pour le préparer, à obtenir une réunion de quelques minutes, à peine une heure, il y a deux heures de cela, avec des fonctionnaires du ministère de la Défense et du ministère des Affaires étrangères. Et encore, c'est parce que nous avions demandé cette rencontre parce que, sans cela, je me demande si on aurait pu obtenir quelque information. Comble de bonheur, nous avons pu obtenir quelques notes qui nous sont parvenues il y a quelques minutes seulement de la part du ministère de la Défense.

Comment voulez-vous qu'on participe d'une façon sérieuse à un débat aussi fondamental que celui-ci dans des conditions pareilles?

Ce débat visant à la reconduction, si je puis dire-même si la motion mentionne «vise à prendre note»-du mandat du Canada en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix en ex-Yougoslavie va un peu en contradiction avec les conclusions du rapport du Comité mixte spécial chargé de la révision de la politique de défense du Canada et particulièrement du rapport dissident qui avait été produit par le Bloc québécois à l'époque et qui visait à faire en sorte qu'on puisse définir un certain nombre de modalités et de critères quant à notre participation aux opérations de maintien de la paix et ne pas avoir à décider à la pièce, au compte-goutte, comme disait le chef de l'opposition, de notre participation aux opérations de maintien de la paix. Encore une fois, on y va au cas par cas et c'est déplorable, compte tenu des recommandations qui avaient été faites dans le rapport.

On voit là toute l'arrogance du gouvernement qui tenait pour acquis le support bienveillant de l'opposition à cette motion. Pourquoi tenait-il pour acquis cet appui? Il le tenait pour acquis parce que, comme le disait le chef de l'opposition, on n'a pas le choix. Comment pourrions-nous, à ce stade-ci, nous retirer de l'ex-Yougoslavie?

(1935)

Alors, le gouvernement voguant sur le dessus de la vague a décidé de convoquer un débat, à la dernière minute, juste avant la fin du mandat et d'obliger les parlementaires à se prononcer sur cette question en pensant qu'il obtiendrait l'appui bienveillant et unanime de cette Chambre.

Ce débat est d'autant plus surprenant que le 14 mars dernier, comme le soulignait à juste titre le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, le ministre des Affaires étrangères comparaissait devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Et comme le soulignait, encore à juste titre le secrétaire parlementaire, le ministre a demandé aux représentants du Parti réformiste et à ceux du Bloc québécois de lui exprimer leurs positions sur un renouvellement du mandat des troupes canadiennes, des Casques bleus canadiens, dans l'ex-Yougoslavie.

Il voulait, disait-il, faire l'économie d'un débat en cette Chambre. Nous lui avons livré, de façon très spontanée, notre position, sans avoir pu la préparer et, malgré tout, on nous revient avec un débat. Je comprends mal la logique du gouvernement actuellement.


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Nous avons, bien sûr, accordé notre appui au renouvellement du mandat des Casques bleus canadiens en ex-Yougoslavie, mais avec quelques réserves, toutefois. Il fallait s'assurer que notre présence soit toujours requise et s'assurer aussi de pouvoir garantir la sécurité de nos Casques bleus sur les théâtres d'opération.

On peut également soulever la question des suicides. Il y a des informations très troublantes quand à l'émergence d'un phénomène de suicide, soit chez des soldats qui ont participé aux opérations de maintien de la paix en ex-Yougoslavie, ou qui ne veulent pas y participer et qui pourraient, éventuellement, s'être suicidés pour ne pas y participer. C'est très troublant. Il y a là des faits qui devront être examinés à fond.

Ayant cela en tête, je suis un peu surpris de me retrouver ici, aujourd'hui, pour parler de la présence de nos troupes en ex-Yougoslavie, à moins de deux jours de la fin du mandat des Forces de l'ONU en ex-Yougoslavie, particulièrement en Croatie.

Cela dit, lors des débats antérieurs sur le maintien de la présence des Casques bleus canadiens dans ce qu'il est convenu d'appeler l'ex-Yougoslavie, il nous a été permis d'exprimer notre opinion tout en prenant connaissance des analyses et des points de vue différents des nôtres.

Je ne crois pas qu'il nous faille revenir sur tout ce qui a été dit à ce sujet, mais on doit plutôt tenter de voir pourquoi le gouvernement devrait, ou ne devrait pas, se retirer de l'ex-Yougoslavie.

À cet égard, un premier élément à envisager concerne le danger auquel font face nos troupes stationnées en ex-Yougoslavie. J'en ai rapidement fait état tout à l'heure. Cette question a été abordée dans les débats antérieurs et il faut y revenir aujourd'hui.

En effet, étant donné les nombreuses violations des accords de cessez-le-feu, nos troupes cantonnées dans cette région risquent chaque jour d'être prises au milieu, non pas d'une mission de maintien de la paix conventionnelle, mais au milieu d'une guerre chaque jour plus meurtrière. À ce titre, rappelons qu'on déplore depuis l'envoi des premiers Casques bleus canadiens en ex-Yougoslavie, dix pertes de vie et de nombreux blessés.

De même, depuis quelques semaines, une trève signée entre le gouvernement bosniaque et les différentes factions bosniaques est maintes fois rompue. En outre, les Serbes bosniaques ont menacé, il y a peu de temps, la communauté internationale de représailles auprès des Casques bleus si jamais les forces serbes bosniaques étaient victimes d'attaques aériennes de la part de l'OTAN.

En un sens, et on le constate à travers les médias d'information, depuis le début du conflit frappant l'ex-Yougoslavie, la situation sur le terrain ne s'est guère améliorée, bien au contraire. Ainsi, aujourd'hui encore, des combats font rage un peu partout dans les territoires convoités par les divers belligérants. Aujourd'hui encore, des gens souffrent de la faim, du froid, du manque de médicaments et de soins de santé, de logement adéquat, de sécurité et de paix.

D'autre part, il faut également envisager et prendre en considération l'excellent travail que nos troupes font sur le théâtre d'opérations. Il faut mentionner que nos troupes continuent d'apporter aux peuples de l'ex-Yougoslavie abris, nourriture, vêtements, protection et réconfort. Ainsi, depuis l'automne 1991, près de 60 millions de dollars ont servi à l'achat et à la livraison de vivres, de médicaments et de vêtements, à loger les sans-abri et à venir en aide aux réfugiés, aux personnes déplacées et aux victimes de violence.

(1940)

Aussi, j'estime que dans la mesure où la présence des troupes canadiennes est toujours requise et toujours utile, il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'elle doive être maintenue. En envoyant des troupes dans l'ex-Yougoslavie, le Canada a fait un choix important, à mon avis. Ce choix, c'est celui de ne pas fermer les yeux devant une situation où des êtres humains vivent une tragédie incommensurable. Certes, l'aide apportée par nos soldats ne peut guérir tous les maux, mais au moins, elle a le mérite d'atténuer la souffrance.

Rapatrier nos Casques bleus, dans ces circonstances, serait non seulement abdiquer devant nos responsabilités et nos obligations morales en tant qu'êtres humains, mais ce serait également tuer l'espoir qui sommeille en ces gens et qui, pour la très grande majorité, sont d'innocentes victimes de la barbarie humaine. Ce serait également les livrer à une escalade tragique du conflit auquel nous assistons actuellement. Non, on ne peut faire marche arrière aujourd'hui, on n'a pas le choix, comme disait le chef de l'opposition.

Cependant, il y a des questions qui demeurent, des questions quant à la sécurité de nos troupes, dans l'éventualité d'une levée de l'embargo, dans l'éventualité de frappes aériennes. Il y a des questions qui demeurent quant à la volonté des autorités locales de voir nos troupes se maintenir sur le terrain. Il y a des questions quant au phénomène de suicides qui semble entourer, actuellement, les opérations de maintien de la paix. Alors, on doit explorer plus à fond cette situation troublante. Bien sûr, nous appuyons le maintien des troupes canadiennes dans l'ex-Yougoslavie, mais contrairement à l'année dernière, je pense que le gouvernement ne doit pas prendre pour acquis, chaque année, cet appui de l'opposition.

Le gouvernement doit revenir avec un bilan, nous expliquer quelle est l'évolution de la situation. On n'a pas eu ce bilan, on ne nous a pas expliqué l'évolution de la situation. Nous ne savons pas du tout, outre les quelques informations que nous avons pu avoir à la sauvette cet après-midi, nous n'avons pu prendre, de façon plus exhaustive, connaissance de ce qui se passe sur le terrain et je pense que si on veut véritablement avoir un débat sérieux en cette Chambre, il faut que le gouvernement nous donne ces informations.

[Traduction]

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part à ce débat ce soir. Pour commencer, j'aimerais mettre en perspective ce que font les soldats canadiens.

Il y a actuellement dans l'ancienne Yougoslavie, et je parle principalement de la Croatie et de la Bosnie, à peu près 40 000 contingents des Nations Unies envoyés par 35 pays pour participer à diverses opérations. Le Canada a déployé à peu près 2 100 soldats dans le cadre de la cinquième opération en importance. Ces soldats participent à ce qui est selon moi quatre grandes opérations. En Bosnie, nous avons environ 820 soldats. Ils s'occupent en grande partie des convois humanitaires et de la protection des vies humaines.


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En Croatie, nous avons 770 Casques bleus, des troupes de combat employées aux opérations de maintien de la paix traditionnelles, qui surveillent les zones de cessez-le-feu et cherchent à empêcher les échauffourées.

Nous avons, dans la partie sud-ouest de la Croatie, sur la côte, dans un endroit qui s'appelle Promostene et qui se trouve juste au nord de la grande ville de Split, un autre contingent d'environ 265 soldats qui font partie du bataillon chargé de la logistique.

Nous avons une cinquième opération, distincte celle-ci. Elle consiste à envoyer des Hercules d'Italie à Sarajevo pour maintenir l'aéroport ouvert. En gros, il y a eu 1 600 vols qui ont assuré le transport de près de 11 500 personnes à destination et en provenance de Sarajevo. Jusqu'ici, ces avions ont transporté 26 000 tonnes métriques. À mon avis, c'est quelque chose.

Enfin, tout aussi important, nous avons sur la côte adriatique un destroyer canadien avec, à son bord, 265 Canadiens, ceci dans le cadre d'une force constituée de 21 navires envoyés par 15 nations pour appliquer l'embargo sur les armes. Cette opération est l'une de celles dont, malgré ce que disent les partis de l'opposition, nous sommes et continuerons d'être très fiers.

(1945)

Nous participons à cette mission depuis le tout début, soit le 21 septembre 1991, comme nous avons participé à presque toutes les autres missions des Nations Unies. Notre réputation est enviable, c'est le moins qu'on puisse dire. Il en a déjà été question à la Chambre à maintes reprises.

La question que nous débattons ce soir est la suivante: Devons-nous poursuivre notre mandat? Avant de répondre à cette question, j'aimerais revenir sur les propos du chef de l'opposition et du député de Saanich-Les Îles-du-Golfe.

Le chef de l'opposition officielle a dit déplorer le fait que ce débat avait lieu trop tard, ne laissant aucun choix au Parlement. Le député de Verchères a dit qu'il aimerait que ce côté-ci de la Chambre lui explique pourquoi ce débat avait lieu si tard.

Je rappellerai à la Chambre que le chef de l'opposition faisait partie du gouvernement qui a engagé le Canada dans la guerre du Golfe sans qu'on en dise un mot à la Chambre des communes. Une véritable honte. Tous les Canadiens ont trouvé qu'il dépassait les bornes.

Et maintenant le chef de l'opposition se permet de critiquer le gouvernement qui débat le maintien de la paix pour la quatrième fois en 18 mois, sans parler des autres débats dont celui qui a eu lieu la semaine dernière sur la défense. Je trouve cela absolument scandaleux, choquant, malhonnête et intolérable.

Quant au député de Saanich-Les Îles-du-Golfe qui se plaint que l'on ne tient pas de débat à ce sujet, il paraît que lorsqu'on a proposé ce débat à une réunion, hier soir, les réformistes se sont demandé s'ils voulaient d'un débat sur cette question. Je ne sais s'ils se sont montrés aussi puérils à cause de la date. C'est seulement tard hier soir qu'ils ont décidé d'accepter le débat. Je n'accepte donc pas leurs récriminations.

L'autre point que je voulais soulever en ce qui concerne l'opposition, c'est au sujet de l'intervention du député de Saanich-Les Îles-du-Golfe, qui a parlé de renouveler le mandat. Il n'a cessé de se plaindre au sujet des Forces canadiennes et de parler de leur moral.

Si les députés de l'opposition, mais en particulier du troisième parti, voulaient bien arrêter d'accepter des enveloppes brunes de la part d'employés mécontents et de les utiliser contre le gouvernement, dans le but de réduire la crédibilité de gestes très crédibles, je pense que le moral des Forces canadiennes, quel que soit son état actuel, s'améliorerait considérablement.

Je ne voudrais pas que le député de Saanich-Les Îles-du-Golfe pense que je l'ai particulièrement dans le collimateur, car c'est un bon ami. Il s'est plaint de l'état de l'équipement des Forces canadiennes. Nous venons de terminer une discussion de 10 mois sur la défense, où tout cela a été présenté. Cela fait partie du Livre blanc. C'est mentionné dans le rapport au Parlement et dans le Livre blanc.

Je sais qu'il veut que l'on sache officiellement qu'il connaît bien la défense, mais il a déjà fait valoir son point de vue. Je dirai, en ce qui me concerne, que nous sommes conscients de cela et que le gouvernement s'attaquer aux carences, ce qui comprend la formation de 3 000 soldats supplémentaires pour les troupes du maintien de la paix, de façon à ce que les rotations soient meilleures qu'elles l'étaient.

En ce qui concerne le mandat, il est plus difficile de porter un jugement. Je rappelle, monsieur le Président, que je suis du côté du gouvernement. L'appui aux opérations de maintien de la paix, dans ma circonscription et dans les autres parties du Canada où je suis allé, notamment pendant les 10 mois qu'a duré l'examen de la politique de défense au comité permanent, était très fort. Je sens qu'aujourd'hui il n'est pas aussi fort qu'il l'était il y a six mois. Je prétends que la raison de cela c'est l'impression que nous ne faisons pas de progrès.

Comment peut-on s'attendre à faire des progrès considérables dans un pays secoué par des conflits depuis presque mille ans? Je ne prétends pas comprendre tous les éléments politiques en jeu. Même si nous nous y mettions tous à la Chambre, je ne crois pas que nous parviendrions à bien comprendre la situation.

Où cela nous mène-t-il? En tant qu'un des 35 pays participants, le Canada devrait-il refuser de renouveler son mandat, parce qu'il croit qu'on n'a fait aucun progrès vers la paix?

(1950)

Les choses ne sont pas aussi simples. Nous offrons de l'aide humanitaire. Nous offrons de l'espoir à un pays où l'espoir se fait rare.

Je tiens à rappeler aux députés, et en particulier à ceux qui m'accompagnaient il y a 10 mois au cours d'un bref séjour en Bosnie et en Croatie, notre visite à un établissement psychiatri-


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que, situé dans une ville appelée Bakovici, où bon nombre de patients avaient été tués, violés, torturés et mutilés. Nous les avons vus, ces pauvres malheureux. Les membres des Forces canadiennes les protégeaient. Si les députés avaient le moindrement de compassion, cette opération ne les laisserait pas indifférents. Il y a bien d'autres exemples du genre.

L'aspect humanitaire de notre intervention fera grandement défaut. De plus, étant donné la réputation dont jouit le Canada dans le domaine du maintien de la paix, je crains que notre décision de retirer nos troupes ne favorise la stabilité dans le monde et en particulier dans les Balkans.

Je suis d'accord avec le député de Saanich-Les Îles-du-Golfe qui nous dit que, idéalement, nous devrions avoir un mandat clair. Nous devrions avoir des directives claires. Idéalement, nous devrions avoir des règles d'engagement claires et être acceptés par les pays où nous intervenons. Ces questions et ces principes sont abordés dans le Livre blanc. Malheureusement, ils ne sont pas tous pris en considération lorsque vient le temps d'examiner notre mission en ex-Yougoslavie.

Nous ne vivons pas dans un monde parfait. Le groupe de contact a été mis sur pied par cinq pays l'an dernier pour tenter de négocier un accord. Fait-il des progrès? Je crois que si, mais très lentement. Si nous décidons de renouveler notre mandat pour six mois, il faudra nous poser la question suivante: Pendant combien de temps sommes-nous prêts à intervenir? Je ne peux répondre à cette question. À l'instar du ministre de la Défense, je dirais que les députés n'ont sûrement pas l'intention de prendre envers l'ex-Yougoslavie des engagements qui pourraient durer 29 ans?

Nous ne voulons pas rester dans ce pays pendant 29 ans, loin de là. Oui, il y a des risques. Oui, il y a des mines terrestres. Oui, il y a des tireurs embusqués. Oui, parfois, les combats s'intensifient. Mais d'après les soldats, malgré les 14 violations du cessez-le-feu, la situation actuellement en ex-Yougoslavie n'est pas tellement différente de ce qu'elle était il y a trois ans.

Tenons le coup cette fois encore. Continuons d'offrir de l'aide humanitaire. Collaborons le plus possible aux négociations de paix et continuons d'espérer que la situation aille en s'améliorant et même que le conflit prenne fin.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je suis vraiment heureux de prendre la parole au sujet de la mission de paix dans l'ex-Yougoslavie.

Je tiens à souligner que nous sommes notamment préoccupés de ce que ce débat ait tant tardé et qu'il ne reste plus que deux jours avant l'échéance du mandat. J'ai discuté de la question avec le ministre, il y a un mois, pensant que nous aurions incessamment l'occasion de participer à des séances d'information et de déterminer si un débat comme celui-ci était nécessaire. Nous étions d'avis que tous les partis avaient certainement leur mot à dire avant qu'une décision soit prise. Nous étions disposés à accepter cela et à faire des efforts dans ce but. Nous voulions collaborer de toutes les manières possibles.

Nous pouvons nous interroger sur le sérieux d'un débat de dernière minute comme celui-ci ou encore sur l'utilité véritable de notre présence ici. Donnons toutefois le bénéfice du doute au gouvernement et disons qu'il veut vraiment entendre ce que nous avons à dire.

Pour en venir à la question même, en ma qualité de porte-parole du Parti réformiste concernant les affaires étrangères, je déclare fermement et clairement, comme l'orateur précédent l'a fait, que le Canada ne devrait pas renouveler son engagement à l'égard d'une mission de paix en Bosnie et en Croatie.

Les Canadiens servent honorablement depuis trois ans maintenant, c'est assez. Le Canada a donné un rendement nettement supérieur à ce qu'on attendait de lui dans tous ses engagements envers les Nations Unies. Aucun pays ne peut donc dire que nous n'avons pas fait de notre mieux pour rétablir la paix et faciliter un règlement durable et négocié aux conflits.

(1955)

La réalité est triste, mais évidente. Les parties belligérantes n'ont pas montré qu'elles tenaient à négocier pour trouver une solution pacifique au conflit. Au cours de l'hiver, de nombreux groupes ont réarmé et réapprovisionné leurs soldats afin qu'ils puissent recommencer les combats au printemps. Il y a peu d'espoir de paix à moyen et à long terme, et la présence des gardiens de la paix canadiens là-bas, quel que soit leur nombre, ne changera rien à cela. Si nous pouvions seulement voir la lumière au bout du tunnel, mon discours pourrait être très différent.

Le Parti réformiste croit que le temps est venu de quitter l'ancienne Yougoslavie. S'il est vrai qu'on peut s'attendre à une intensification des combats à la fin du printemps et au cours de l'été, nous devons retirer nos troupes sans plus tarder. Ce ne sera peut-être pas facile, mais c'est maintenant que nous devons agir si nous voulons rapatrier nos soldats sans incident. Si nous attendons et que la situation s'aggrave, nous exposerons inutilement nos troupes à des risques encore plus grands.

L'automne dernier, l'intensification des combats a entraîné une augmentation des incidents où des soldats de l'ONU étaient pris en otages. Cela pourrait se produire de nouveau si nous n'agissons pas maintenant. Les conditions en Bosnie au plus fort des hostilités me rappellent la chanson «Hotel California» des Eagles. Je ne la chanterai pas parce que la Chambre se viderait certainement, mais il y a un passage qui dit essentiellement qu'on peut régler la note quand on le veut, mais qu'on ne peut jamais partir.

Si le Parlement tourne en rond sur cette question, nous pourrions nous retrouver dans une situation où nous voudrions quitter la région, mais où nous ne pourrions pas le faire sans nous battre contre des milices et peut-être même des civils. Si nous voulons agir de façon responsable, nous devons rapatrier nos troupes dès maintenant.

En ce qui concerne la Croatie, le président de ce pays ne veut plus de soldats de la paix de l'ONU. Bien qu'il n'exige plus le départ des troupes de l'ONU, il leur a quand même demandé de réduire de beaucoup l'ampleur de leurs opérations. Tandis que ce processus suit son cours, les troupes canadiennes tiennent l'occasion parfaite de mettre fin à leur engagement là-bas sans même nuire à la capacité de l'ONU de remplir son nouveau et plus modeste mandat.

Parlant en termes plus généraux du rôle du Canada en matière de maintien de la paix dans le monde, je pense qu'il est grand temps que le Parlement réfléchisse à nouveau à la façon dont nous pouvons remplir le plus efficacement nos engagements


11239

envers l'ONU, et qu'il définisse des critères précis pour décider de notre participation à de futures missions. Nous ne recommandons pas de ne plus nous occuper de maintien de la paix, mais d'établir des critères à cet égard.

Les Canadiens ne sont pas disposés à abandonner leurs fières traditions de souci humanitaire et d'intervention en faveur de la paix. On ne peut cependant pas considérer ces questions selon une perspective purement internationale. Nos engagements à l'étranger doivent concorder avec nos besoins intérieurs. Quand nous appuyons des activités de maintien de la paix, nous devons nous assurer que nous agissons dans l'intérêt supérieur du Canada et dans les limites de l'austérité financière très réelle qui doit être le souci primordial de tout bon gouvernement.

Nous devons choisir nos terrains d'intervention, et le faire judicieusement. Le débat d'aujourd'hui devrait constituer un pas dans cette direction. Une chose est claire: le Canada ne peut plus être le service de secours d'urgence pour le monde et pour l'ONU. Nous voulons bien venir en aide aux autres, mais ce désir est tempéré par le fait que nous ne pouvons pas être tout à tous. Il est donc préférable que nous apportions un secours efficace dans un nombre limité de cas au lieu de trop disperser nos efforts. Le Canada pourra ainsi protéger ses propres intérêts vitaux et apporter l'aide la plus efficace à la communauté internationale.

En discutant de la question du maintien de la paix, il vaut la peine de noter que depuis la fin de la guerre froide, la demande de Casques bleus autour du monde a augmenté en flèche. Si ces dernières années nous ont appris une chose, c'est que l'instabilité n'est pas près de cesser. De nouveaux points chauds vont continuer d'apparaître sur le globe, et le Canada doit se tenir prêt.

Si d'autres demandes nous viennent d'Afrique, d'Asie du Sud-Est ou des anciennes républiques soviétiques, comment le Canada répondra-t-il? Il est clair que le Canada doit établir des critères pour évaluer l'importance de chaque demande d'aide. C'est une question délicate, et je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais je crois que le Parlement pourrait prendre en considération les facteurs suivants quand il a à approuver des missions de maintien de la paix.

Tout d'abord, les répercussions du conflit sur la stabilité internationale constituent un critère évident d'intervention du Canada. Si le conflit risque sérieusement de s'intensifier ou de déstabiliser une région entière, nous devrions prendre ce fait en sérieuse considération en prenant notre décision.

(2000)

Deuxièmement, les liens géographiques sont très importants. Pour des raisons de stabilité régionale, le monde serait plus vivable si les pays collaboraient pour s'assurer que leur partie du monde demeure stable. Et, là où la paix est compromise, les organisations régionales devraient s'organiser ensemble pour rétablir les choses. Après tout, ce sont les pays membres qui font partie de ces groupes régionaux qui ont le plus intérêt à rétablir la stabilité. Pour des raisons logistiques aussi, la proximité est un facteur important lorsqu'il s'agit de savoir si un pays peut réagir à une crise de façon opportune et efficace.

Troisièmement, des considérations humanitaires doivent aussi être prises en compte. Même si les Canadiens en veulent pour leur argent, ils souhaitent aussi que le Canada maintienne sa tradition de compassion.

Quatrièmement, il faut tenir davantage compte de nos engagements antérieurs avant de déterminer ce que nous allons faire encore. Nous disposons d'effectifs limités et d'un nombre restreint de matériel de haute qualité. Par conséquent, nous devons à nos troupes d'être justes lorsque nous décidons de l'endroit où les envoyer et de nous assurer que nous ne leur en demandons pas trop. Ce sont les Forces canadiennes, non la légion étrangère du Canada.

Cinquièmement, les liens économiques du Canada constituent un facteur important lorsqu'il s'agit de déterminer dans quelle mesure les Canadiens devraient engager leurs ressources.

Bref, le temps est venu pour nous de prendre du recul et de nous réorganiser. La première chose à faire, c'est de retirer nos troupes de l'ancienne Yougoslavie. Cela fait trois ans que les Canadiens attendent une paix négociée là-bas, mais aucune ne pointe à l'horizon.

Si l'ONU trouve qu'il vaut la peine de poursuivre la mission de maintien de la paix, alors qu'un autre pays de l'ONU aille à son tour tenir le fort que le Canada a si admirablement défendu pendant tellement d'années! Nos soldats méritent des félicitations et d'être ramenés auprès de leur famille.

Une fois que nous aurons retiré nos troupes de la Bosnie et de la Croatie et avant de leur confier une autre mission indéfinie, présentant des dangers incertains et un coût inconnu, établissons une série de critères valables nous permettant de choisir sagement les endroits où intervenir! Le Canada peut encore être un innovateur et un chef de file dans le domaine du maintien de la paix. Mais il nous faut faire des choix difficiles et cela, dès maintenant.

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, c'est motivé par le sens du devoir que je participe au débat de ce soir qui porte sur un sujet extrêmement important et j'estime aussi que c'est un privilège.

Je me sens particulièrement concerné étant donné le rôle incroyable que nos troupes jouent dans l'ancienne Yougoslavie. Comme tous les autres députés, je me sens responsable envers ces hommes et ces femmes merveilleux qui font un travail difficile dans cette région du monde.

En essayant de comprendre les enjeux, je me suis posé quatre questions auxquelles, à mon sens, il faut répondre avant de décider s'il convient de retirer nos troupes dès maintenant ou s'il est préférable de rester sur place jusqu'à ce que l'on puisse envisager un retrait plus ordonné, que ce soit avec l'ensemble des forces des Nations Unies ou seuls.

Ces quatre questions sont les suivantes: Nos troupes jouent-elles un rôle important là où elles sont? Apportent-elles une contribution particulière? Quelles seraient les conséquences de leur retrait? En quoi leur présence là-bas sert-elle nos intérêts? Je voudrais prendre le temps d'examiner ces questions.


11240

Nos troupes jouent-elles un rôle important dans l'ex-Yougoslavie? Je crois que tous les députés répondront sans aucune espèce d'hésitation oui à cette question. Nos troupes ont fourni un travail exemplaire dans la mission de maintien de la paix et, je dirais, au coeur du dispositif des Nations Unies dans l'ancienne Yougoslavie. Elles ont remporté beaucoup de succès. Bien sûr, il y a eu des problèmes, mais, en gros, il faut tenir compte des accomplissements de la mission de maintien de la paix.

Nos troupes sont très près de Sarajevo. Elles sont dans une région de l'ex-Yougoslavie qui recoupe les territoires des trois belligérants. Elles sont les seules dans cette région sensible. Nos troupes jouent un rôle important, primordial même, dans le maintien de la paix, et elles assurent une assistance humanitaire, rôle qui a été si bien décrit par le député de Bonavista-Trinity-Conception que je ne vais pas y revenir. Il ne faut toutefois pas perdre ce rôle de vue.

[Français]

La deuxième question que je me suis posée: Est-ce que notre contribution est spéciale? Nous sommes parmi 35 pays dans l'ex-Yougoslavie avec 2 000 soldats parmi 43 000.

(2005)

Le chef de l'opposition nous a dit qu'il n'est pas fier de la contribution de nos troupes. Tout comme le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, moi, je suis fier de ce que nos troupes ont pu accomplir en ex-Yougoslavie. Je suis fier de leur humanité et fier de leur professionnalisme.

J'ai vu à la télévision l'autre soir un jeune sergent qui avait une énorme responsabilité. Jour après jour, avec dévouement, avec intelligence et avec un professionnalisme qui n'a pas d'égal ailleurs dans le monde, il résolvait des questions et des problèmes extrêmement difficiles.

Les régiments qui relèveront ceux qui sont là actuellement, tel le Royal 22e Régiment de Québec, serviront, j'en suis certain avec la tradition qu'ils ont établie au cours d'une longue et glorieuse histoire.

Donc, je n'accepte pas les propos du chef de l'opposition. Je n'accepte pas les propos du député de Verchères. Je crois qu'il ne s'agit pas ici d'une question partisane, ce débat devrait aller au-delà de la partisanerie déplacée. Il devrait examiner des questions sérieuses pour le bien-être de nos troupes et celui de notre pays.

[Traduction]

Permettez-moi de poser une question. Quelles seraient les conséquences d'un retrait en ce moment? Nous savons que la situation est tendue. Nous avons lu ce que lord Owen a dit de la situation difficile qui existe là-bas. Que se passera-t-il si nous retirons nos troupes maintenant? Quel serait l'effet sur les autres troupes de l'ONU qui restent sur le terrain? Songez à l'effet démoralisant pour ces autres contingents. Songez à l'effet sur les belligérants.

Tout comme nos alliés, nous nous sommes insurgés lorsque le dirigeant de la Croatie a dit que les troupes de l'ONU devraient quitter le pays. Nous lui avons répondu qu'il fallait les maintenir, sans quoi la poudrière risquait de sauter, un même conflit embrasant toute la région.

Après être intervenus auprès de ce dirigeant croate, allons-nous retirer nos troupes? Allons-nous laisser recommencer le nettoyage ethnique et laisser resurgir les autres problèmes que nous avons vus par le passé? Quel serait l'effet de notre retraite. Selon moi, cela reviendrait à déclencher une crise.

Le député de Red Deer ne semble pas en tenir compte. Il propose en quelque sorte que nous filions discrètement, avec armes et bagages, disant que nous ne manquerons à personne et qu'il n'y aura aucune conséquence. Il y aura des conséquences. Il se pourrait même que, en nous retirant, nous provoquions un état de guerre qui nous empêche de nous retirer de façon ordonnée. De surcroît, nous laisserions sans défense, en ex-Yougoslavie, les admirables représentants de la police montée qui y travaillent en ce moment comme civils, ce qui est un exemple extraordinaire de dévouement.

Enfin, est-il dans notre intérêt général de rester dans l'ancienne Yougoslavie jusqu'à ce qu'un retrait ordonné soit organisé? Il est vrai que nous pouvons dire, comme le député de Red Deer l'a dit, que nous avons fait notre part. Personne à la Chambre ne peut dire que nous n'avons pas fait notre part. Je suis convaincu aussi que personne, dans la population civile de l'ancienne Yougoslavie, ne dira que les troupes canadiennes n'ont pas fait leur part.

Là n'est pas la question. La question est de savoir si cela sert nos intérêts généraux de rester dans l'ancienne Yougoslavie, de continuer de faire notre part, de continuer d'aider la population de cette région et d'aider la cause de la paix. Je suis d'avis que notre départ aurait des effets extrêmement dévastateurs sur nos alliés. Nos alliés européens comptent sur nous là-bas.

Les questions liées à la sécurité mondiale sont inséparables de celles qui intéressent la politique étrangère. Qui, dans cette enceinte, peut nier le fait que l'une des raisons pour lesquelles, à mon avis, nous avons obtenu autant de succès auprès des Européens dans l'affaire des Grands Bancs est précisément notre présence dans l'ancienne Yougoslavie et notre poids en Europe? Nos amis européens ne peuvent pas se retourner et nous dire qu'ils peuvent nous traiter comme bon leur semble.

(2010)

Nous avons fait une contribution en Europe. Nous aidons les Européens à régler leurs problèmes. Nous contribuons à sauver la paix mondiale dans notre intérêt, mais aussi dans le leur. Cela nous donne un certain poids dans les affaires mondiales. Cela nous donne un certain poids lorsque nous traitons avec les Européens de toute autre question. On appelle cela de la stratégie.


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C'est ça la politique étrangère. Nous ne pouvons pas ignorer ces questions plus globales.

Par ailleurs, qu'en est-il des Américains? Si nous nous retirons au sol, les Américains en ce moment adoptent l'attitude selon laquelle ils peuvent rester au-dessus de la mêlée. Ils peuvent voler à 30 000 pieds d'altitude et ne pas envoyer de militaires au sol. Nous avons actuellement une supériorité morale dans nos rapports avec nos collègues américains, en raison de l'extraordinaire contribution de nos forces, qui nous confère une crédibilité dans nos rapports avec les États-Unis. Il ne faut jamais oublier cela.

Nous le devons à nos forces, à nos merveilleux militaires qui sont sur place.

Enfin, nous le devons à notre participation comme membre des Nations Unies. Il a souvent été question à la Chambre de la nécessité de revivifier les Nations Unies, d'accroître leur efficacité pour que les intérêts du Canada et les valeurs qui lui sont chères soient protégés dans le monde entier. Ces intérêts et valeurs seront protégés si nous demeurons un membre fiable des forces des Nations Unies et si nous poussons celles-ci à améliorer la situation.

En terminant, je crois que nos intérêts nous obligent à rester pour l'instant. De plus, nos militaires qui sont là-bas mettent en pratique des valeurs qui sont chères aux Canadiens, en effectuant une tâche humanitaire difficile dans des circonstances épouvantables, mais avec un dévouement et un professionnalisme magnifique dont nous pouvons tous être très fiers.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, avant de commencer mon discours, j'aimerais répondre à mon collègue de Rosedale. Quand il dit que le chef de l'opposition a dit qu'il n'était pas fier des troupes canadiennes, je regrette, mais on déforme ses paroles.

Moi, j'ai entendu, mes collègues ont entendu le discours de M. Bouchard. C'est un homme responsable, il s'inquiète plutôt des conditions de vie des troupes canadiennes quand elles sont en mission de paix. Il s'inquiète aussi du suivi qu'on leur donne à leur retour. Il s'inquiète de l'état de la situation quant au problème de suicides au sein des troupes canadiennes. J'aimerais rectifier le tir. C'est un homme honnête et responsable que nous estimons tous.

Dans le cadre de ce débat, c'est avec beaucoup de tristesse et d'émotion que je vais tenter de brosser un portrait peu reluisant de la situation en ex-Yougoslavie: Zvornik, Srebrenica, Bratunac et Grobnica ont été le théâtre de massacres ayant fait jusqu'à 3 000 victimes civiles; Omarska, dont le camp a été le site d'exécutions de masse et de tortures; le camp de Celebici où au moins 15 Serbes ont été battus à mort en août dernier; 230 civils anonymes ayant perdu la vie aux mains d'un dénommé Borislav Herak; et 50 femmes et enfants serbes tués par deux paramilitaires croates, en août dernier.

Varjanta fut le site du massacre de plus de 200 musulmans par la police serbe. Il y a aussi eu le meurtre de 2 000 à 3 000 musulmans par des irréguliers serbes dans une usine d'élevage de porcs près de Brcko, en mai et juin. Il y eu le viol d'innombrables musulmanes par les Croates.

Voilà l'autre portrait du conflit en ex-Yougoslavie. Voilà la réalité que les grands débats oratoires ont parfois l'heur d'éclipser. Voilà cependant la raison d'être de l'implication de nos soldats au sein des forces de l'ONU.

Comment en est-on arrivés là? Comment en est-on arrivés à une situation, ma foi, fort courante dans le cadre de tout conflit armé: le massacre des civils innocents, le viol des femmes, les purifications ethniques? Je n'ai nullement le goût ou la prétention de m'ériger en experte stratégique. Je ne me préoccupe, ce soir, que d'un aspect du conflit, soit le plus important à mon avis, celui de son impact sur la population civile et sur nos soldats.

Pour revenir à la question de la dégradation des droits de la personne, voilà comment on peut en faire l'historique. Il faut d'abord préciser que toutes les parties au conflit ont commis, et ce, dès le début, des violations des droits de leurs minorités. Permettez-moi de citer un document produit par le gouvernement canadien.

(2015)

«Lorsque la république fédérale s'est désintégrée, les Serbes ont voulu faire en sorte que leur «nation» reste groupée dans un même territoire. Pour ce faire, ils ont cherché à étendre leur domination à des régions où vivent d'importantes minorités ethniques ainsi qu'à de nouveaux États dirigés par des non-Serbes. D'autres groupes, comme les Croates et les musulmans, ont voulu consolider leur position dans les nouveaux États en privant de leurs droits les autres minorités, y compris les Serbes.»

La purification ethnique à laquelle visent autant un groupe que l'autre a été la justification pour les meurtres, viols, tortures et autres formes d'intimidation ayant comme objectif de chasser les membres d'un groupe ethnique de leur foyer et de leur village, dans les zones revendiquées par un autre groupe ethnique. Ces tentatives de purification ethnique ont eu, à ce jour, des conséquences terribles: plus de 100 000 morts, des centaines de milliers de blessés, des milliers de musulmanes violées, trois millions de personnes déplacées ou forcées de se réfugier dans les pays voisins. Tout ceci sans compter les actes de torture, les arrestations illégales, les détentions arbitraires.

J'aimerais ici ouvrir une parenthèse sur l'impact des viols, particulièrement dans le contexte de la société musulmane. Les journaux nous ont rapporté que les femmes violées par des hommes d'autres ethnies faisaient souvent l'objet de représailles de la part de leur propre famille. On peut imaginer que c'est presque toute une génération de femmes qu'on vient ainsi de sacrifier puisque, outre les séquelles physiques et psychologiques avec lesquelles elles auront à composer, tout l'équilibre de leur vie familiale et sociale a été détruit. L'amplitude de cette situation nous laisse sans mots.


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C'est donc pour aider cette population civile que les troupes de l'ONU ont été déployées, avec raison. La paix est le bien le plus précieux de toute nation. Le droit à la vie, à l'intégrité physique sont les droits les plus chers aux humains. La communauté internationale, via l'ONU, s'est reconnu une obligation de maintenir cette paix au prix d'énormes efforts, autant financiers que militaires. Le Canada y a contribué dès le départ et a décidé de poursuivre sa mission, oui, mais avec des questions et des doutes. Nous sommes d'accord et nous n'avons pas le choix. En effet, les conséquences d'un retrait des forces onusiennes seraient catastrophiques pour la population. Les bombardements reprendraient de plus belle. On sait que, pas plus tard que la semaine dernière, on comptait 14 foyers d'affrontement en Bosnie.

Les génocides continueraient, l'aide communautaire cesserait, avec les conséquences que l'on peut imaginer. Il faut cependant penser aussi à l'impact que l'implication de chacun et chacune de nos soldats canadiens et québécois aura sur eux. Il semble que, dans certains cas, cet impact soit de taille. Certains problèmes ont déjà été identifiés. Il y a bien sûr les conditions de vie sur le terrain qui peuvent entraîner certaines conséquences physiques. Il y a ensuite les conditions qu'on pourrait qualifier d'environnementales, tels les bombardements, les prises d'otages, l'hostilité d'une partie de la population, les attaques armées dont les soldats sont la cible et l'humiliation.

Le plus traumatisant, c'est l'impuissance, puisqu'ils ne peuvent intervenir de façon proactive devant tant d'horreurs. Il y a aussi le contact quotidien avec la misère humaine, avec les conséquences bien tangibles de la guerre sur la population civile. Il y a la peur et l'ennui. Et c'étaient là aussi les interrogations de mon chef, le chef de l'opposition.

Tous ces facteurs contribuent, à un degré plus ou moins grand, à la détérioration de la santé physique, psychologique et mentale de nos combattants et combattantes. Je m'interroge sur certains aspects de la situation. Tout d'abord, avaient-ils fait l'objet d'une préparation et d'une formation adéquates avant leur départ? Deuxièmement, avait-on procédé à une juste évaluation des tâches qui leur seraient confiées, afin de permettre une meilleure connaissance de ce qui les attendait? À leur retour, ont-ils eu accès au soutien et aux services dont ils ont besoin pour réintégrer leur communauté, pour reprendre une vie soi-disant normale? Il semble bien que non, puisqu'on a dénombré chez les onusiens et leurs camarades un pourcentage de suicides plus élevé que la normale.

Voilà autant de questions qui doivent être soulevées et étudiées en profondeur si nous voulons que notre implication dans les missions de paix ait un caractère humanitaire pour ceux et celles qui en bénéficient et ceux et celles qui la dispensent. Je ne peux que déplorer que ce gouvernement ait omis de déposer un bilan des conditions dans lesquelles nos soldats ont exercé à ce jour leur mandat de maintien de la paix. Nous sommes donc placés devant un fait accompli. Notre réponse à la demande du gouvernement, quant au renouvellement du mandat des Forces canadiennes pour le maintien de la paix, est oui, mais avec des doutes et des conditions.

(2020)

[Traduction]

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, le débat actuel est non seulement utile, mais il innove sur le plan du droit constitutionnel parlementaire.

La constitution américaine, qu'ont invoquée des députés de l'opposition, prévoyait que les questions concernant la guerre et la paix et l'engagement des forces armées devaient toujours être soumises à une décision du Congrès.

On sait que les présidents américains ont contourné cette exigence en invoquant les pouvoirs présidentiels. Ce qui est fascinant dans le débat actuel, c'est que le gouvernement consulte le Parlement au sujet du renouvellement du mandat. Nous venons d'instituer une pratique parlementaire qui est peu susceptible d'être changée à l'avenir.

Conformément à notre droit constitutionnel, les Forces canadiennes pourront pas être engagées sur un simple appel téléphonique fait aux petites heures du matin par un chef d'État étranger au premier ministre canadien et sans que ne soient déterminés le rôle et la mission que rempliront nos forces armées.

Des erreurs ont été commises, et nous pouvons facilement les reconnaître en faisant un rappel historique du mandat des missions de maintien dans la paix, telles qu'elles ont été conçues par le ministre canadien des Affaires étrangères de l'époque, M. Lester B. Pearson. On sait qu'il avait obtenu le prix Nobel de la paix en raison de l'interposition de forces non armées des Nations Unies entre des combattants armés qui avaient décidé de cesser les hostilités, mais sans perdre la face.

Le cas classique était celui de Suez en 1956. La situation s'est cependant embourbée au Congo, en 1960-1961, lorsque le secrétaire général des Nations Unies, adoptant une ligne de conduite qui a finalement entraîné sa perte, a fait intervenir l'ONU sans avoir préalablement fait approuver les motifs de son intervention. Beaucoup d'entre nous auraient cru que les décisions politiques étaient bonnes, mais c'était sans compter l'intention politique.

Si l'on se penche sur les deux opérations auxquelles nous avons participé, ces dernières années, en Croatie et en Somalie, on constate qu'on a formulé l'engagement politique de déployer les Forces canadiennes de maintien de la paix sans se préoccuper au préalable de définir correctement les objectifs et les missions.

On connaît la tragédie qu'a été la Somalie. Une opération de maintien de la paix traditionnelle a été convertie en un mission aux objectifs politiques discutables et même contestables parce qu'ils ne tenaient pas compte de la hiérarchie de ce pays, ce qui aurait été nécessaire pour assurer le bon déroulement de l'opération des forces des Nations Unies.

En Croatie, les ordres du jour politiques ont été établis par les puissances européennes qui, à certains égards, reprenaient leurs querelles d'avant 1914. Je ne voudrais pas réprimander le gouvernement qui a pris ces décisions avant de consulter le Parlement, sans examiner préalablement nos rôles et les missions dans lesquelles nous nous sommes engagés, mais il est évident qu'il a agi à rebours.


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L'enjeu réel, aujourd'hui, c'est que le Canada s'est engagé dans des opérations, a déployé ses forces, a donné sa parole et doit assumer les conséquences de cet engagement. Nous ne pouvons pas filer sans qu'il n'y ait des répercussions. Autrement dit, une nouvelle situation politique est créée par notre acte, quand bien même le gouvernement actuel et les partis d'opposition voudraient contester les prémisses politiques initiales qui ont servi de fondement à l'engagement du gouvernement précédent.

J'ai quelques suggestions à formuler pour la suite de l'opération des soldats canadiens de la paix en Croatie. De toute évidence, notre présence doit absolument s'inscrire dans le cadre d'une mission de maintien de la paix traditionnelle. Nous ne sommes pas là en vertu du chapitre VII de la Charte, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'une opération de rétablissement de la paix où nous avons un objectif politique bien défini dont la réalisation exige le recours à la force militaire.

Cela n'a jamais été notre rôle. Ce n'est pas notre but aujourd'hui. C'est peut-être l'objectif de certaines gens qui participent actuellement à la même opération. Un des problèmes, dans le cas présent, réside dans la succession d'États à l'ancienne république communiste de Yougoslavie. Elle était sur le point de se disloquer, comme la Turquie au XIXe siècle. On a créé alors la Serbie et le Montenegro, qui a précédé la Yougoslavie. Au départ, les puissances européennes se sont réunies et ont compris qu'on ne pouvait reconnaître de nouveaux États sans définir les frontières avec précision et équité.

(2025)

On ne l'a pas fait, dans le cas présent, et c'est vraiment une erreur d'essayer d'y parvenir sous le couvert d'une opération de maintien de la paix. Ainsi, je pense que notre message au gouvernement devrait être celui-ci: le gouvernement précédent a engagé le Canada dans cette opération. Nous ne pouvons, en toute conscience, nous retirer. Nous sommes responsables, dans une certaine mesure, de ce qui s'est produit depuis. Cependant, nous devrions limiter notre responsabilité au mandat des Nations Unies, à savoir le maintien d'une situation militaire et politique créée et acceptée par les parties dans le cadre d'un cessez-le-feu et pas plus.

Pour parvenir à un règlement, il faut établir un objectif politique, il faut convoquer un autre congrès de Berlin. Le traité de Versailles, qui a été la première convention internationale que nous ayons jamais signée, établit des mécanismes de ce genre.

S'il s'agit de définir des frontières, organisons une conférence européenne plus large et décidons d'y participer. Définissons ces frontières. Cependant, n'essayons pas de le faire sous le couvert d'une opération militaire de maintien de la paix. Ne demandons pas à nos soldats d'assumer la responsabilité de prendre des décisions politiques. Cela dépasse leur compétence, ainsi que leur mandat, et c'est manifestement injuste à leur égard.

Je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir établi, je l'espère, un précédent en déclarant que, à l'avenir, avant que les Forces canadiennes ne soient engagées, le Parlement sera saisi de la question. Ensuite, nous devons insister pour qu'on continue de respecter la Charte des Nations Unies et les opérations de maintien de la paix définies au chapitre VI de la Charte.

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais, tout d'abord, répéter la motion:

Que cette Chambre, à la lumière de la prise en considération par le Conseil de sécurité de l'ONU du renouvellement du mandat des forces de l'ONU dans l'ancienne Yougoslavie, prenne note de la rotation en avril des troupes canadiennes servant sous la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine et en Croatie.
Nous prenons note, et les Canadiens aussi prennent note. Les Canadiens sont généralement fiers du rôle des Forces canadiennes dans le maintien de la paix. Ils respectent leur fonction humanitaire. Cependant, je ne crois pas qu'ils connaissent vraiment les deux termes de l'équation du point de vue militaire.

À un niveau très élémentaire, lorsqu'on dit aux troupes qu'elles sont déployées, comme on l'a fait récemment à Valcartier, leur moral bondit, les soldats sont fiers d'avoir une tâche à accomplir. Ils sont heureux de partir. S'ils ont reçu l'entraînement approprié, et c'est le cas pour la majorité d'entre eux, tout va bien. Ils peuvent faire un travail honorable.

Le problème vient du fait que leur mission a trop duré. Après la vague subite qui gonfle le moral, ils doivent absorber le choc du reflux. Certains problèmes surgiront forcément, si la rotation des troupes est trop fréquente, si les soldats ne disposent pas du matériel nécessaire pour accomplir leur travail, si, selon la perception générale, le leadership fait défaut au ministère de la Défense nationale ou dans les forces armées ou si le mandat était inadéquat dès le départ.

La population canadienne a raison d'appuyer ses Casques bleus, et je les appuie entièrement aussi. Néanmoins, je dois sonner l'alarme, car tout ne va pas parfaitement bien. Il y a de très nombreux problèmes et obstacles à surmonter. Et ils deviennent de plus en plus évidents à mesure que notre contribution se prolonge. Je suis quelque peu d'accord avec le député de Vancouver Quadra, qui faisait l'éloge du gouvernement en disant qu'il fait la chose honorable en consultant le Parlement. Je conviens que c'est une bonne chose.

(2030)

Le gouvernement a commencé à agir ainsi il y a un peu plus d'un an, au début de la présente législature. Cependant, je dois mettre sa sincérité en doute lorsque nous examinons les événements actuels. Bien que le mandat de nos soldats expire dans deux jours, ce n'est qu'hier que le gouvernement a annoncé que nous tiendrions ce débat spécial aujourd'hui. C'est totalement inacceptable. Cependant, ses intentions sont peut-être honorables. Pour parler en termes généraux, comme le député de Vancouver Quadra l'a fait, il est bon de consulter le Parlement. J'en conviens de tout coeur. Il est bon de consulter le Parlement, mais faisons-le efficacement, et non pas superficiellement.

La position qu'adoptent actuellement les réformistes sur cette question découle en bonne partie des discussions que nous avons eues entre nous et au cours desquelles nous avons établi les conditions qui devraient être réunies, à notre avis, avant de faire participer des soldats à des missions de maintien de la paix. La première condition était qu'on laisse les Casques bleus faire leur travail en Bosnie. La deuxième était que l'aéroport de Sarajevo demeure ouvert. La troisième était que les convois puissent


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circuler sans entrave. La quatrième était qu'il y ait un cessez-le-feu durable.

Toutes ces conditions ont été violées. On assiste à des atrocités, des Canadiens ont été pris en otages, on a ouvert le feu sur des patrouilles des Nations Unies, des coups de feu ont été tirés dans des zones prétendues sûres, les atterrissages à Sarajevo ont cessé et, pendant tout ce temps, les querelles ethniques se poursuivent. En fait, les conflits ethniques sont à la source même de notre objection à toute cette situation, étant donné qu'il ne pourra pas y avoir de paix en ex-Yougoslavie, tant que les habitants n'en voudront pas. Le conflit va durer, tant que les groupes ethniques continueront de s'affronter et que se poursuivra la lutte entre religions.

Nos Casques bleus ont passé 29 ans à Chypre. Nous avons finalement réussi à nous en sortir et la situation, là-bas, n'est pas pire aujourd'hui qu'elle ne l'était avant. Je n'essaie pas de simplifier la situation, car elle est dangereuse.

Regardons l'envers de la médaille. Parlons un peu du danger. Il y a à peu près une semaine, j'ai croisé le major-général Lewis Mackenzie, réputé pour son implication en Yougoslavie. Il m'a envoyé un article qu'il avait publié dans le New York Times. Je voudrais vous en lire un extrait. Soit dit en passant, il est en faveur d'un retrait des Casques bleus, du moins en Croatie. Voici ce qu'il a écrit:

Si le président Tudjman obtient ce qu'il veut et que les Nations Unies se retirent de la Croatie, la guerre continuera et ce ne sera pas une petite guerre locale entre la Croatie et les Serbes de Krajina. Les Serbes de Krajina ont «aidé» les Serbes bosniaques dans la bataille pour l'enclave de Bihac et ils ont récemment signé un accord de coopération qui leur assure une défense commune et qui renferme des dispositions en vue de la création d'un conseil interarmées.
Le général Mackenzie, qui a été là-bas, connaît bien mieux cette région que moi.

(2035)

En conclusion, il se prononce en faveur du maintien des troupes.

Pour les Nations Unies, c'est le test ultime de sa crédibilité dans ce nouvel ordre mondial. C'est aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité, sous la direction des États-Unis, qu'il revient de s'assurer que les Nations Unies sont capables de relever ce défi. Faute de quoi, les Balkans seront condamnés à un avenir encore plus sanglant.
C'est un jugement éclairé de la part d'un individu qui en sait long sur la situation. J'y lis en filigrane: Pourquoi le Canada devrait-il s'interposer comme il le fait maintenant et dire qu'il est entièrement responsable du maintien de la paix dans cette région? C'est la responsabilité des Nations Unies. Je suis tout à fait d'accord avec le général MacKenzie pour dire qu'on devrait exercer des pressions, les États-Unis en tête, sur les Nations Unies pour qu'elles remédient à la situation.

J'irais même plus loin. Je demanderais quel devrait être le rôle de l'OTAN là-dedans. L'OTAN a sûrement un rôle à jouer en exerçant son influence dans cette région. Et qui plus est, je demanderais quel devrait être le rôle des pays voisins dont la Grèce, la Turquie, l'Albanie et tous ceux qui sont touchés. Où sont-ils? Ils doivent assumer une certaine responsabilité dans toute cette affaire.

Nous nous retrouvons avec le problème suivant: à moins que la situation ne soit prise en main par les Nations Unies, l'OTAN, les pays de la région, et la population-les différents groupes ethniques de cette région déchirée-et à moins qu'ils ne disent eux-mêmes vouloir la paix, nous, les Canadiens, nous ne pouvons la leur imposer.

La situation de nos troupes dans cette région est bien connue. Leur rotation est trop fréquente, leur équipement est inadéquat, leurs responsabilités trop lourdes par rapport aux ressources qu'on leur donne. Petawawa a produit le rapport Jeffries. Le FMC, le rapport Oehring révélant qu'il existe de nombreux problèmes au sein des Forces canadiennes. Il s'agit de problèmes de moral et de commandement. Nous ferions mieux de redresser la situation chez nous.

En conclusion, je dirais que s'il n'y a aucune chance de paix, s'il n'y a aucun désir de paix chez les populations locales, nous ne pouvons l'imposer. Ce serait peut-être tout à l'avantage de notre pays, de l'OTAN, des Nations Unies et des pays de cette région, si on nous voyait tirer notre épingle du jeu maintenant, si on sonnait l'alarme en disant: «Ça suffit. On arrête et on recommence. Évaluons ce que nous faisons là-bas, et on verra ensuite.»

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole ce soir, pour parler une fois de plus de la question du rôle du Canada dans les opérations de maintien de la paix en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

En me préparant pour cette intervention, j'ai passé en revue mes notes des deux précédents discours sur cette même question. J'en suis venu à la conclusion que peu de choses avaient changé. Les Nations Unies ne sont pas plus proches aujourd'hui de la mise en oeuvre de leur mandat qu'elles ne l'étaient le 25 janvier 1994, lorsque j'ai pris la parole pour la première fois sur cette question.

Un quart de million de personnes déplacées, en Croatie seulement, ne sont pas plus proches aujourd'hui du jour où elles retrouveront leur foyer. Les frontières internationales de la Croatie restent menacées. Un tiers du territoire de la nation est actuellement occupé. On me dit que, depuis janvier, l'armée yougoslave a déplacé plus de 900 hommes, 25 chars et des missiles sol-sol, et tout cela sous l'oeil attentif des Nations Unies.

Même si la guerre ouverte est moins violente depuis l'arrivée de la première force de protection des Nations Unies, en 1992, pas grand-chose d'autre n'a changé. Il faut se demander s'il est vraiment surprenant que le gouvernement de Croatie veuille en terminer avec le mandat des Nations Unies. Demandons-nous si nous avons accompli suffisamment de choses en Croatie pour justifier notre présence là-bas et les dépenses qui en résultent pour le contribuable canadien?

(2040)

Je suis certain que la plupart des députés comprennent le mécontentement de la Croatie. Je ne suis pas sûr que l'on puisse répondre facilement à la deuxième de mes questions.


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Le mois dernier, les membres du groupe parlementaire Canada-Croatie et Bosnie-Herzégovine recevaient des parlementaires de la République de Croatie. Pendant cette visite on m'a dit clairement, ainsi qu'à mes collègues, que le gouvernement de Croatie ne voulait pas de renouvellement du mandat des Nations Unies. En fait, M. Ivica Racan, chef du parti social démocrate, le parti de l'opposition, m'a dit une chose sur laquelle tous les parlementaires et tous les citoyens de la Croatie sont d'accord, à savoir qu'il était temps pour la FORPRONU de partir.

Après les réunions que j'ai eues avec M. Racan et MM. Domljan et Greguric, je pense vraiment que nos Casques bleus devraient rentrer au Canada. Pour être franc, je dois dire cependant que mes sentiments à ce sujet sont très partagés. Je pouvais comprendre la frustration du gouvernement et du peuple croates, mais je craignais qu'il n'y ait une intensification des combats, ce qui encore une fois mettrait en danger la sécurité de nombreux civils innocents.

Et puis, le 12 mars est arrivé ce qui semblait être une bonne nouvelle. Le président croate, M. Franjo Tudjman, a tenu une conférence de presse conjointe avec le vice-président américain, Al Gore, au cours de laquelle il a été annoncé que la Croatie accepterait que la présence internationale soit maintenue sur son territoire à condition que le Conseil de sécurité s'entende sur un nouveau mandat qui respecterait certaines conditions.

Les conditions rattachées au nouveau mandat sont entre autres: premièrement, contrôler les frontières internationales entre la République de Croatie et la République fédérale de Yougoslavie, et entre la Croatie et la République de Bosnie-Herzégovine, aux endroits où les principaux passages frontaliers ne sont actuellement pas contrôlés par les autorités croates; deuxièmement, surveiller, pour la FORPRONU et d'autres opérations internationales humanitaires, les accès et les voies de communication vers la Bosnie-Herzégovine qui passent par les régions qui ne sont pas actuellement contrôlées par les autorités croates; troisièmement, faciliter et maintenir la mise en oeuvre d'un accord de cessez-le-feu intervenu le 29 mars 1994 et d'un accord économique intervenu le 7 décembre 1994; quatrièmement, faciliter la mise en oeuvre de futurs accords visant la réintégration de la Croatie et faciliter la mise en oeuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations Unies.

L'accord de Copenhague, mis au point par le vice-président Al Gore, qui était si prometteur, est aujourd'hui menacé. La semaine dernière, le secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, a fait parvenir le nouveau mandat des Nations Unies qui était proposé au gouvernement de la Croatie. Le problème, c'est que ce qu'on qualifie de nouveau mandat n'est somme toute qu'une reprise du vieux plan de paix Vance-Owen. Or, ce n'est pas ce que la République de Croatie a accepté à Copenhague.

Dans une lettre datée du 27 mars 1995, c'est-à-dire il y a tout juste deux jours, M. Mate Granic, le ministre des Affaires étrangères de Croatie, écrit au secrétaire général de l'ONU, M. Boutros Boutros-Ghali:

J'ai le devoir de vous informer, ainsi que les membres du Conseil de sécurité, que la République de Croatie n'acceptera pas le nouveau mandat des nouvelles forces de maintien de la paix sur son territoire, à la fin du mandat actuel de la FORPRONU en Croatie, à moins que les conditions suivantes soient respectées:
Un: Le mot Croatie figurera dans le nom de la nouvelle opération, ce qui confirmera explicitement le fait que celle-ci sera entièrement réalisée sur le territoire souverain de la République de Croatie;
Deux: Les mécanismes de surveillance active des frontières internationales de la République de Croatie par la nouvelle force dans les secteurs qui sont actuellement inaccessibles pour les autorités croates seront négociés en détail au moyen de résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et devront être approuvés au préalable par le gouvernement de Croatie; par conséquent, les mécanismes de surveillance active des frontières internationales de la Croatie dans le cadre du nouveau mandat devront avoir été reconnus comme tout à fait conformes au paragraphe 12 de la résolution no 820 (1993).
(2045)

Les termes employés par le ministre des Affaires étrangères de Croatie ne laissent aucun doute dans mon esprit: la Croatie est sérieuse. Ou bien on change le mandat de la force pour qu'il corresponde à l'accord de Copenhague, ou on s'en va. Je garde un certain espoir qu'une nouvelle entente puisse être conclue, mais le Canada doit décider s'il a intérêt à garder des militaires en Croatie.

Si nous décidons de rester en Croatie, nous devrons absolument jouer un rôle dans la négociation d'un nouveau mandat. C'est une question qui m'a extrêmement troublé tout au long de cette mission en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Le Canada semble avoir exercé bien peu d'influence dans tout le processus décisionnel. Notre contingent de troupes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine est le cinquième en importance, le nombre de soldats étant de 2 100, et pourtant le Canada est totalement exclu du prétendu groupe de contact qui prend les décisions stratégiques dans la région.

Nos voisins du sud qui ont seulement 890 soldats et la Russie avec ses 1 400 gardiens de la paix décident du sort des Canadiens dans ce conflit international qui n'en finit plus; nous ne pouvons plus tolérer cette situation. Nous sommes seuls responsables de la sécurité et de l'intégrité de nos troupes. Si nous maintenons notre engagement, nous devrons exiger un rôle plus actif dans les négociations, qui influeront au bout du compte sur le bien-être de nos Casques bleus.

En plus de jouer un rôle plus actif dans le processus de négociation, nous devrions aussi encourager nos voisins du sud à confirmer leurs dires par des gestes concrets, en intensifiant leur présence dans la région.

Le Canada est un pays fier de son rôle à l'égard du maintien de la paix. Compte tenu des possibilités qu'ils avaient, nos soldats ont accompli de l'excellent travail en Croatie. Le gouvernement croate peut le confirmer.

Toutefois, s'il n'y a pas de nouveau mandat, si nous aidons simplement à maintenir le statu quo et si nos gardiens de la paix ne sont que plus exposés, cessons de gaspiller l'argent que les contribuables canadiens gagnent si durement et rappelons nos troupes.


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[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, c'est plus par devoir que par plaisir que je participe au débat sur le maintien des Casques bleus en Bosnie et en Croatie.

(2050)

C'est plus par devoir, parce qu'on ne peut demeurer indifférents au drame qui se vit en ex-Yougoslavie. Ce n'est pas par plaisir, parce que le gouvernement nous place dans des conditions extrêmement difficiles. Il prétend qu'il nous consulte, alors que nous savons que le mandat de l'ONU se termine dans 24 heures.

De plus, le gouvernement n'a jamais véritablement pris les moyens pour informer cette Chambre des résultats des missions de paix précédentes. Ajoutons, enfin, que le gouvernement a sans doute pris sa décision de reconduire le mandat, il y a déjà plusieurs semaines.

Qu'on ne vienne pas nous dire que le ministre des Affaires étrangères, le 14 mars dernier, nous consultait sérieusement, alors qu'il l'a fait sur un bout de table, en venant chercher, à la sauvette, une opinion. Qu'on ne vienne pas non plus nous dire que les critiques que l'on fait à l'endroit du gouvernement sont des critiques envers les Casques bleus canadiens.

Le chef de l'opposition a été très clair sur cette question. Il a rendu hommage aux Casques bleus canadiens pour leur courage, leur dévouement et leur professionnalisme. Je demande donc au député du parti ministériel de faire la nuance entre des critiques adressées au gouvernement et des critiques qui s'adressent aux Casques bleus. En fait, des critiques envers les Casques bleus, il n'y en a pas.

Nous venons de procéder à la révision de la politique étrangère du Canada. Tout au long de nos rencontres, l'ex-président du Comité permanent des Affaires étrangères, maintenant sénateur, a toujours un peu ridiculisé la situation canadienne en disant que le Canada était le «911» de l'ONU. On vient de publier l'énoncé de politique. À l'automne, le gouvernement a publié sa politique sur la défense. Qu'y a-t-il de changé véritablement dans le processus que nous amorçons aujourd'hui? Strictement rien, c'est la même chose qu'avant.

À la Conférence de San Francisco qui donnait naissance à l'ONU, le 26 juin 1945, suite à la Seconde Guerre mondiale, on a voulu s'assurer que l'histoire ne se répète pas. Malheureusement, nous sommes obligés de constater que l'histoire s'est répétée. Cette charte a ainsi introduit une nouvelle idée de sécurité collective universelle et c'est un homme politique canadien, il faut le rappeler, Lester B. Pearson, qui est à l'origine, finalement, de la création des missions de paix telles que nous les connaissons aujourd'hui.

Le nouveau visage de la guerre et la multiplication des foyers de conflit à travers le monde exigent l'action de la communauté internationale. La recherche de mécanismes de régulation et de moyens d'assurer la paix et la sécurité internationale est une responsabilité qui incombe aussi au Canada. En tant que chef de file reconnu mondialement des opérations pour le maintien de la paix, le Canada ne peut pas se défiler aujourd'hui.

Ce débat nous permet aussi de réfléchir sur un certain nombre de sujets plus ou moins périphériques au coeur de la présente question. Je veux, dans un premier temps, réfléchir avec vous sur le rôle que joue la télévision dans toute cette question de la responsabilité de la communauté internationale. Autant nous dénonçons la violence gratuite que nous constatons à la télévision, autant il est nécessaire de reconnaître que les journalistes qui couvrent les questions internationales jouent un rôle extrêmement important pour sensibiliser la communauté internationale, donc les Canadiens, à la situation des pays où il y a des conflits.

À ce point de vue, je pense que les députés ne peuvent pas être seulement à la remorque de l'opinion publique canadienne. Il serait trop facile de faire des sondages et ensuite d'appliquer la décision qui correspond exactement à ce que les Canadiens et les Québécois voudraient entendre. Les députés ont un rôle à jouer pour façonner l'opinion publique et ils ne peuvent pas indéfiniment se défiler.

Le Bloc québécois est donc favorable à la reconduction du mandat des Casques bleus en Bosnie et en Croatie, mais j'adhère totalement aux réserves exprimées précédemment par mes collègues. Je pense que nous devons intervenir de la même façon que, personnellement, si nous sommes témoins d'un drame qui arrive à une personne, nous avons l'obligation d'intervenir.

(2055)

Si je suis chez nous, dans mon appartement, et que j'entends tirer des coups de feu dans l'appartement voisin, je ne peux pas demeurer indifférent. Pourquoi faudrait-il que, sur la scène internationale, nous fermions les yeux et nous refusions d'intervenir?

Le rôle des Casques bleus est extrêmement important. Il est essentiel en Bosnie-Herzégovine. Il sert entre autres à acheminer l'aide alimentaire et les fournitures médicales aux populations qui, il faut le reconnaître, sont victimes de la situation.

Il sert aussi à maintenir un minimum de liens, de réseaux de communication, sans quoi la vie devient aussi impossible. Il sert aussi à apporter un soutien logistique aux ONG, comme la Croix-Rouge et le Haut-Commissariat pour les réfugiés qui ont un rôle essentiel à jouer et qu'ils ne pourraient pas jouer si les Casques bleus n'étaient pas là.

Enfin, sur la nécessité, tous reconnaissent que si l'on devait quitter la Bosnie, on créerait une espèce de feu d'artifice absolument incroyable. Ce serait un peu l'enfer qu'on créerait de toutes pièces.

Je disais tout à l'heure que nous avons procédé à la révision de la politique étrangère canadienne. Il faut reconnaître que les frontières ont maintenant sauté. On ne peut pas ne pas reconnaître l'interdépendance qu'il y a entre les peuples. Lorsqu'on attaque l'environnement, nous sommes touchés ici. La pauvreté qu'il y a dans les pays en développement nous rejoint aussi, parce que nous sommes tous responsables de ce qui se passe sur la planète. La violation des droits de la personne, on ne peut pas y être indifférents. Les déplacements de population finissent toujours par nous toucher aussi.

Dans mon comté, récemment, on recevait une cinquantaine de Bosniaques, des réfugiés qui immigraient chez nous. On ne peut pas se fermer les yeux et dire: «Cela ne nous concerne pas. Si les gens veulent se battre, qu'ils se battent entre eux.» Non. Nous avons une responsabilité morale et éthique dans ces questions.


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L'action humanitaire, j'insiste encore, est une responsabilité de la communauté internationale. Dernièrement, je participais à un colloque à Sainte-Adèle, dans le nord de Montréal, où des spécialistes essayaient de mettre en parallèle la souveraineté des États en regard de l'obligation d'intervenir lorsque les droits de la personne sont violés d'une façon massive. Nous nous dirigeons vers un droit d'ingérence et la communauté internationale devra composer avec ces éléments à l'avenir.

Bien sûr que nous avons un certain nombre de réserves quant à la présence des Casques bleus là-bas. Mes collègues ont parlé des traumatismes psychologiques que vivent nos soldats avant leur départ et à leur retour. Je suppose que l'armée canadienne pourra poser un certain nombre de gestes, peut-être mieux choisir les militaires, peut-être mieux les préparer. Mais je ne pense pas que nous puissions baser notre refus de nous impliquer sur un élément comme celui-là, si tragique soit-il.

Nous entendons aussi souvent des Canadiens dire: «Les finances publiques ne nous permettent pas d'intervenir.» Je rappelle à cette Chambre que le Canada dépense 10 milliards pour la défense nationale. Je pense que c'est un faux argument de prétendre que nous n'avons pas les moyens.

Les forces canadiennes devraient se donner une nouvelle vocation. Dans le rapport sur l'énoncé de politique, nous avons suggéré au gouvernement de revoir la configuration des Forces armées canadiennes, puisque c'est véritablement dans les missions de paix que nous réussissons le mieux, c'est ce que nous faisons le plus souvent, et toute l'organisation de la défense nationale devrait graviter autour de cette nouvelle configuration.

Monsieur le Président, je manque de temps. Cependant, je veux simplement rappeler que s'il y a des belligérants qui se battent et qui se tuent, c'est qu'il y a quelque part dans le monde des gens qui fabriquent des armes. Sur ce point, je veux dénoncer le fait que quatre des membres permanents du Conseil de sécurité fabriquent 80 p. 100 des armements dans le monde. Il y a là une hypocrisie que nous ne dénoncerons jamais assez.

Je veux terminer sur une citation du 21 janvier 1994 du chef de l'opposition: «[..] l'essentiel, pour le moment, c'est de garder à l'esprit que nous devons continuer, à la mesure de nos moyens, d'assumer notre juste part des obligations que nous impose notre allégeance aux valeurs de démocratie, de paix et de justice, et que nous devrons nous rappeler que ces valeurs, puisqu'elles sont universelles, méritent que l'on fasse des efforts pour en favoriser le respect ailleurs.»

(2100)

[Traduction]

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse de participer au débat de ce soir qui porte sur une question qui revêt une importance particulière aux yeux des habitants d'Etobicoke-Lakeshore et évidemment de l'ensemble des Canadiens.

Étant donné que le Conseil de sécurité de l'ONU étudie actuellement le renouvellement du mandat des forces de l'ONU dans l'ancienne Yougoslavie et la rotation prochaine des troupes servant sous la FORPRONU dans cette région, le débat de ce soir s'imposait.

Nous vivons dans un village planétaire où très souvent les événements qui se déroulent ailleurs dans le monde ont des répercussions directes et indirectes sur le Canada. Nous avons pu en constater les répercussions sur notre économie, notre politique sociale et même notre sécurité. Nous avons des responsabilités envers ce village planétaire, surtout lorsqu'il y a violation des droits de la personne.

Les Canadiens attachent beaucoup d'importance au maintien de la paix, comme le prouvent les trois débats spéciaux que le gouvernement a tenus, depuis janvier 1994, sur le rôle du Canada en tant que gardien de la paix partout dans le monde. Au cours de la dernière année, nous avons débattu notre participation aux missions de l'ONU au Rwanda, en Haïti et dans l'ancienne Yougoslavie.

Au cours de ces débats, les députés ont immanquablement parlé avec fierté de la participation des Canadiens à d'anciennes missions de maintien de la paix en Corée, en Égypte, au Viêt Nam, au Moyen-Orient et en Amérique latine, pour n'en nommer que quelques-unes.

De nombreux habitants de la circonscription d'Etobicoke-Lakeshore ont participé à des missions de maintien de la paix un peu partout dans le monde depuis la création de la force de maintien de la paix de l'ONU. Mes électeurs et moi-même leur serons toujours reconnaissants de leur contribution à la sécurité de notre pays et à la paix dans le monde.

Qualifié de «travailleur imaginatif pour la paix», Lester B. Pearson a reçu le prix Nobel de la paix pour son leadership à l'égard de la création de la force de maintien de la paix de l'ONU. Le Canada a fièrement participé à de nombreuses opérations de maintien de la paix, sous les auspices tant de l'ONU que d'autres organisations. Peu de pays, s'il y en a, affichent un dossier plus impressionnant de contribution dévouée et professionnelle à cette activité essentielle.

Ce dévouement et ce professionnalisme ne sont nulle part plus évidents que chez nos troupes de maintien de la paix actuellement en train d'aider les victimes de la guerre dans l'ancienne Yougoslavie. Quelque 2 080 militaires canadiens contrôlent actuellement des régions protégées par l'ONU en Croatie, protègent les convois d'aide humanitaire et les réfugiés en Bosnie-Herzégovine et surveillent le respect des accords de cessez-le-feu dans les deux pays.

Le Canada a appuyé la participation de ses forces à cette mission de l'ONU afin de promouvoir un règlement pacifique du conflit et de secourir les nombreuses victimes de celui-ci. Constituant l'un des plus forts contingents de la Force de protection de l'ONU, les Canadiens n'ont pas hésité à accepter des missions difficiles au mépris du danger. Des militaires des deux sexes ont participé à la Mission de surveillance de la Communauté européenne, à des missions à l'étranger ne relevant pas de l'ONU et au contrôle du cessez-le-feu dans toute l'ancienne Yougoslavie, et ont contribué à faire ouvrir l'aéroport de Sarajevo pour la livraison des secours humanitaires.

Le Canada a aussi fourni un navire pour appliquer l'embargo en mer Adriatique et a déployé un bâtiment de soutien et l'avion patrouilleur Aurora à cette fin. En outre, les AWACS de l'OTAN


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qui protègent la zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Bosnie sont aussi pilotés par des Canadiens.

Il faudra toujours reconnaître les actes quotidiens de bravoure de chaque Casque bleu, car nous, ici, ne pouvons qu'imaginer les dangers qui menacent quotidiennement les militaires canadiens. Ils risquent constamment leur vie dans cette région dévastée par la guerre, ce qui ne cesse d'inquiéter les membres de leur famille restés au Canada.

(2105)

On doit toujours se demander si nous pouvons continuer à jouer un rôle utile. Nous savons que notre présence dans les Balkans a servi à quelque chose pour les enfants, les personnes âgées, les femmes et toutes les innocentes victimes de ce cruel conflit.

Est-ce que la présence de l'ONU sert encore à quelque chose dans le processus de paix? Si la réponse est oui, alors nous devons rester dans la région. Si le processus de paix n'avance pratiquement pas, alors le gouvernement doit réexaminer sérieusement notre engagement actuel.

La mission des Casques bleus canadiens en Bosnie et en Croatie ne s'est pas déroulée sans incident. Au cours des six derniers mois, le danger auquel nos soldats de la paix sont exposés a augmenté quotidiennement. Beaucoup de Canadiens ont été la cible de tireurs isolés ou de soldats autres que ceux des Nations Unies. Plusieurs d'entre eux ont été gravement blessés.

En novembre, 55 soldats canadiens ont été pris en otages et détenus contre leur gré pendant plus de deux semaines derrière la ligne de combat dans ce pays déchiré par la guerre. Le temps est venu de réexaminer notre participation à cette mission en Bosnie et en Croatie. C'est le but du débat que nous tenons ici aujourd'hui.

À la lumière des risques accrus auxquels nos soldats sont exposés, nous devons décider s'il convient d'envoyer d'autres troupes pour participer à la mission de maintien de la paix des Nations Unies et nous devons réexaminer notre rôle.

Nous n'avons pas réussi à mettre fin aux combats, mais nous avons empêché le conflit de se propager. Nous avons fait des choses importantes dans la région et avons aidé de nombreuses familles prises au milieu de cette horrible guerre.

On dit que la participation du Canada donne aux diplomates et aux dirigeants politiques la marge de manoeuvre nécessaire pour qu'ils puissent négocier une solution pacifique à cette guerre sanglante. De nouveaux événements se sont produits depuis la dernière fois que nous avons débattu cette question à la Chambre.

Comme le ministre de la Défense l'a mentionné, le président croate, M. Tudjman, a dit qu'il voulait que la FORPRONU quitte la Croatie. Cependant, on en est arrivé à une entente dont on est en train de négocier les détails.

La dynamique du conflit est donc en train de changer, et les forces de l'ONU sont soumises à un processus de restructuration qui touchera tous les participants à la mission des Nations Unies. En vertu de la nouvelle entente, le rôle du Canada devrait être de continuer d'aider à la mise en vigueur d'un cessez-le-feu, à surveiller les frontières et à assurer l'aide humanitaire si importante.

Dans le moment, nous avons environ 2 100 soldats qui se préparent à remplacer le personnel qui est en Bosnie et en Croatie depuis six mois. Nous savons qu'ils continueront l'excellent travail accompli dans la région, même si c'est un travail dangereux.

Nous avons également profité de l'excellent leadership dont le ministre de la Défense et le ministre des Affaires étrangères ont fait preuve dans cette affaire. Je tiens à les féliciter. Beaucoup de mes électeurs m'ont fait part de leurs commentaires sur l'efficacité du Canada en matière de maintien de la paix et sur le travail des ministres pour promouvoir le respect des droits de la personne dans le monde et fournir une aide humanitaire aux pays balkans.

En terminant, les Canadiens continuent de voir les gardiens de la paix comme une importante contribution au maintien de l'ordre et de la stabilité dans le monde. Les habitants de la circonscription d'Etobicoke-Lakeshore continueront, après mûre réflexion, d'appuyer la participation des Forces canadiennes à cette mission de maintien de la paix. Après tout, nous nous trouvons à soulager les souffrances de millions de gens innocents.

Je suis certaine que nous continuerons de nous acquitter de nos obligations internationales et que nous arriverons, grâce à la négociation et au maintien de la paix, à rétablir le calme dans les pays balkans.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer au débat de ce soir au nom des électeurs d'Okanagan-Similkameen-Merritt.

De ce côté-ci de la Chambre, nous sommes conscients que la décision finale sera prise par le gouvernement et que c'est à lui qu'il incombe de la prendre. Nous tenons à lui exprimer notre gratitude pour nous avoir donné la possibilité de faire connaître notre point de vue sur cette question importante.

Le gouvernement a déclaré qu'il tenait à connaître notre opinion pour l'aider à décider si nous devons maintenir nos troupes dans l'ancienne Yougoslavie.

(2110)

Il est intéressant de souligner que, dans le débat de ce soir, il s'agit, pour le gouvernement, de prendre acte de nos avis au sujet de la rotation des Forces canadiennes. Tout à l'heure, le député de Red Deer a repris les mots d'une chanson des Eagles, l'un de mes groupes favoris. Je ne suis pas sûr quel groupe a écrit cette chanson, mais je parle de «Leaving on a Jet Plane». En fait, nos militaires ont fait leurs sacs et sont prêts à partir. Lundi, ils s'envoleront pour la Bosnie et la Croatie où ils remplaceront les troupes qui y sont déjà.

Nous sommes aujourd'hui le 29 mars et notre engagement dans l'ex-Yougoslavie se termine le 1er avril. Pourtant, le gouvernement veut consulter les Canadiens en tenant ce soir, à la dernière minute, un débat spécial. Je pense que nous savons tous que nous ne pouvons rien faire pour empêcher la rotation.


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Le Parti réformiste a très clairement exposé sa position: le Canada devrait annoncer officiellement qu'il a l'intention de retirer ses troupes de l'ancienne Yougoslavie et donner un préavis de trois mois aux Nations Unies. Nous avons adopté cette position parce que nous savons qu'il serait très difficile pour le Canada de tout simplement se retirer immédiatement en laissant un vide jusqu'à ce qu'une autre nation puisse aller prendre notre place.

À mon sens, nous devrions donc discuter de la question de savoir si le Canada doit s'engager à long terme à continuer de participer à la mission de maintien de la paix dans l'ex-Yougoslavie. Si nous ne le faisons pas maintenant, quand le ferons-nous?

Tout en reconnaissant que ce débat aurait dû avoir lieu il y a des semaines, je tiens à dire sans aucune équivoque que nous devrions nous retirer et donner un préavis de trois mois à l'ONU. Beaucoup de députés d'en face se demandent peut-être pourquoi nous devrions prendre cette décision. Il y a un certain nombre de raisons.

Malgré nos antécédents dans le maintien de la paix dans tous les points chauds de la planète, je suis convaincu que, dans ce nouvel ordre mondial, où les conflits régionaux, ethniques et tribaux se multiplient partout, et au moment où les ressources du Canada en matière de défense fondent à un rythme alarmant, le gouvernement doit se donner des critères pour décider de l'engagement à venir de nos troupes de maintien de la paix.

Le 1er décembre 1994, le groupe parlementaire réformiste a publié une déclaration dans laquelle il a énuméré quatre conditions à satisfaire pour que les soldats de la paix du Canada restent en ex-Yougoslavie. Si nous avons élaboré ces critères, c'est à cause des nombreuses violations des ententes et du fait que nos soldats ont été pris en otages.

Nous avons dit à l'époque: premièrement, que tous les membres des forces de l'ONU soient relâchés immédiatement; deuxièmement, les belligérants doivent accepter de mettre un terme à toutes les agressions contre les troupes de la FORPRONU; troisièmement, l'aéroport de Sarajevo doit être rouvert immédiatement, et toute l'aide humanitaire doit pouvoir être acheminée sans intervention d'aucune des factions belligérantes; quatrièmement, un cessez-le-feu doit être instauré et respecté par toutes les parties.

Passons chacun de ces points en revue. Même s'il est vrai que tous les membres ont été libérés, rien ne garantit que les belligérants ne les prendront pas de nouveau en otages. Il est tout à fait plausible que cela se produise en Bosnie, là où nous sommes tous les jours en étroit contact avec les troupes serbes.

La FORPRONU a fait l'objet de moins d'actes d'agression depuis deux mois. Des incidents se produisent cependant. Il n'existe aucune garantie de la part des factions belligérantes pour prévenir la répétition d'actes d'agression à l'avenir. L'aide humanitaire ne réussit pas toute à passer. Quiconque prétend le contraire ne dit tout simplement pas la vérité.

La Gazette de Montréal rapportait il y a deux semaines que les vivres faisaient cruellement défaut dans la poche de Bihac à cause de l'intensité des combats entre les troupes gouvernementales et l'alliance des Serbes bosniaques, des Serbes croates et des musulmans bosniaques rebelles. Je voudrais citer un passage d'une dépêche de l'Associated Press:

Les Serbes refusent généralement de permettre aux forces de l'ONU de faire passer des convois dans la région en empruntant les routes traversant les territoires qu'ils occupent. L'ONU n'a pas le pouvoir de recourir à la force pour faire passer son aide humanitaire.
D'après le Programme alimentaire mondial des Nations Unis, basé à Rome, seulement 5 000 personnes dans l'enclave bénéficient de repas réguliers préparés par les cuisines publiques. Les patients dans les hôpitaux mangent seulement un repas par jour.
On évalue à 20 p. 100 seulement la proportion des gens coincés dans la région qui ont reçu de l'aide alimentaire depuis six mois, a déclaré l'agence.
(2115)

Si les trois premières conditions n'ont pas été respectées, c'est parce que la quatrième énoncée par le Parti réformiste ne l'a pas été elle non plus. Il n'y a pas de cessez-le-feu en Bosnie qui soit honoré par toutes les parties. Les factions en guerre souhaitent-elles même la paix? Sont-elle disposées à faire une trêve durable à partir de laquelle un accord de paix pourra être négocié?

Dans le cas de la Bosnie, la réponse semble être un non retentissant. Les combattants ne veulent pas la paix. Les trêves de courte durée ne sont respectées que le temps que les combattants se réorganisent et remettent leur équipement en état. Comme nous pouvons le voir, la dernière trêve entre le gouvernement bosniaque et les rebelles serbes est en train de s'effriter. Elle s'effrite alors que nous discutons de la question, ce soir, à la Chambre. Comme l'a dit hier le porte-parole des Nations Unies Alexander Ivanko: «Nous croyons comprendre que les deux parties continuent de privilégier l'option militaire.»

Nous devons tenir compte des faits. Sans une négociation sérieuse entre les combattants, la paix n'est qu'un voeu pieux. Le rôle d'un soldat chargé du maintien de la paix, c'est d'empêcher les hostilités pendant qu'on négocie la paix. Or, il n'y a ni paix ni négociation. Les soldats canadiens ressemblent davantage à des pions dans une partie d'échecs que se disputent les parties en désaccord. La menace d'interférence par les Serbes et les Bosniaques n'est pas moins grande.

Il est dangereux de former et d'équiper les militaires canadiens en vue de missions de maintien de la paix traditionnelles et de les placer dans des situations vouées à l'échec, où il n'y a pas de paix ni de volonté de paix entre les parties.

Bien des députés diront que nous devons continuer de jouer un rôle humanitaire parce que les civils seraient dans une situation bien pire sans les soldats chargés du maintien de la paix. Je peux comprendre cela, car je suis allé là-bas. Nous devrions être très fiers de nos soldats. Ils ont fait un excellent travail.

À court terme, c'est peut-être vrai que la présence des forces de maintien de la paix de l'ONU en Bosnie a pu empêcher une famine généralisée. En même temps, la présence de l'ONU a peut-être fait durer les dissensions, la misère et les combats de faible intensité plus longtemps que cela n'aurait été le cas


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autrement. Nous devons nous demander si le bourbier actuel est un succès ou si les Nations Unies ne sont pas devenues une partie du problème malgré leurs très bonnes intentions.

Il reste que la présence des Nations Unies en Bosnie est compromise et que les Canadiens risquent fort de se trouver dans l'obligation d'établir la paix. Si la communauté internationale veut vraiment la paix, il faudrait peut-être transférer le rôle militaire à l'OTAN, en lui confiant le mandat de mettre un terme aux combats par des moyens militaires. Oui, je sais que cette solution pose aussi un problème. Encore une fois, il est possible que cela ne règle rien. Les parties en guerre n'auront pas réglé leurs différends, et les hostilités reprendront aussitôt que l'OTAN se retirera.

La Chambre doit reconnaître que nous ne devrions envoyer des troupes dans des missions de paix que si les belligérants ont déposé les armes et qu'ils sont prêts à négocier, qu'ils sont prêts à discuter de l'établissement d'une paix durable.

Ce que nous faisons, c'est mettre nos soldats et notre pays devant un dilemme. Nous devons rester éternellement parce que, si nous partons, nous serons responsables de la reprise des hostilités. Le Canada n'a pas les moyens et n'a pas le pouvoir moral de devenir non seulement le gendarme du monde, mais encore le bienveillant occupant permanent de régions aux prises avec des troubles.

(2120)

Notre engagement en Bosnie va-t-il se transformer en une autre mission de 29 ans ou plus comme celle de Chypre? Rappelez-vous que ces événements ne sont qu'un autre épisode d'un conflit remontant à plusieurs siècles qui ne semble pas avoir de fin.

Pendant que nous débattons cette question à la Chambre ce soir même, nous pouvons clairement constater qu'aucun des quatre critères mentionnés par le Parti réformiste n'a été rempli et que l'appui au maintien de notre présence en Bosnie décline aussi chez nous au Canada.

J'ai entendu un député d'en face dire à la Chambre: «Que disent vos électeurs?» Dans ma circonscription, où nous avons fait un sondage téléphonique, 68 p. 100 des personnes qui ont répondu ont dit qu'elles voudraient que nous nous retirions le plus vite possible.

Pour seulement 30 secondes, monsieur le Président, je voudrais parler de la Croatie, où le président Tudjman a bien dit qu'il aimerait que les Casques bleus se retirent de. . .

Le vice-président: Je regrette, mais votre temps de parole est écoulé, à moins qu'il y ait consentement unanime à ce qu'il soit prolongé. Il y a au moins six autres députés qui veulent prendre la parole dans ce débat, à ma connaissance. Y a-t-il consentement unanime à ce que le député dépasse son temps de parole de 10 minutes?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Très bien, il y a consentement unanime.

M. Hart: Monsieur le Président, je tiens à remercier les députés.

Le président Tudjman de la Croatie a changé d'idée et a dit qu'il voudrait que quelques Casques bleus restent en Croatie. Le problème, c'est qu'il a dit qu'il ne garderait que des observateurs non armés. Ce n'est pas suffisant dans cette situation explosive. J'estime que nous devrions retirer nos troupes avant que d'autres combats éclatent et donner aux Nations Unies un avis de trois mois sur notre intention pour qu'elles aient le temps de combler le vide que créera notre départ.

Enfin, je voudrais dire que tous les Canadiens peuvent être fiers des troupes canadiennes qui ont servi leur pays avec courage et compétence dans l'ex-Yougoslavie.

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, nous avons assisté à un excellent débat ce soir. Je veux féliciter tous ceux qui ont pris la parole pour leur sincérité et leur franchise et les remercier d'avoir fait valoir leur point de vue.

Nous ne devons pas oublier, ici à la Chambre ce soir, que le Canada a largement contribué à la fondation de l'Organisation des Nations Unies et qu'il a même joué un rôle central dans la création de cet organisme.

Comme les députés l'ont souligné, les problèmes sont nombreux et considérables, à l'heure actuelle, mais ils pâlissent grandement à la lumière des guerres et des catastrophes qu'a connues le genre humain au cours de son histoire. Les pays fondateurs ont créé les Nations Unies justement pour prévenir la répétition de tels désastres. Cet objectif exige que chaque nation responsable, membre des Nations Unies, fasse sa part et consente tous les efforts nécessaires à la paix, malgré les frustrations et même si la route semble parfois tortueuse.

Il y avait de nombreux soldats canadiens de la paix dans l'ancienne Yougoslavie, notamment en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, et, aujourd'hui, ils sont plus de 2 080 à agir au nom du Canada et au nom de la communauté internationale.

Je pense qu'il appartient à chacun d'entre nous qui sommes dans cette enceinte, ce soir, de remercier ceux et celles qui ont déjà servi là-bas et dans d'autres missions de maintien de la paix ailleurs dans le monde et d'affirmer haut et fort qu'ils ont bien servi le Canada et continueront de le faire. Je pense qu'il nous appartient également, à nous qui sommes ici ce soir, de remercier la population canadienne dans son ensemble pour l'appui qu'elle a manifesté à nos soldats canadiens pendant qu'ils accomplissent leur formidable mission en faveur de la paix dans le monde.

Nous avons appris, récemment, que les dirigeants serbo-bosniaques avaient décrété la mobilisation générale. C'est une mauvaise nouvelle. Avec l'arrivée de l'été, il est à prévoir que le temps sera plus propice aux combats. Pauvre genre humain!

(2125)

La haine est vieille comme le monde, mais elle est là et il nous faut composer avec elle. Ce sont les nations responsables qui gardent leur calme et qui établissent des objectifs bien précis, des objectifs tournés vers l'avenir, qui doivent faire face à ce phénomène.


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C'est non seulement un grand défi pour les Nations Unies, mais également un motif d'exaspération pour beaucoup. Nous devons dire aujourd'hui que c'est la plus importante opération des Nations Unies, jusqu'à maintenant. Ainsi, cela exige sans aucun doute la plus grande cohésion jamais vue dans le cadre d'une opération des Nations Unies depuis probablement la guerre de Corée.

Depuis un demi-siècle que les Nations Unies existent, nous avons dû régler de nombreux conflits, mais ce n'est certes pas le temps de cesser de jouer un rôle à cet égard et d'arrêter de chercher à établir, dans le monde, la paix que nous souhaitons tous.

Selon un proverbe chinois, la colère n'est que le début de la faiblesse. La situation actuelle dans l'ancienne Yougoslavie en est le meilleur exemple. Selon un autre proverbe, l'ignorance ne règle jamais une question. Elle ne fait qu'exacerber les passions.

J'adore lire l'histoire et j'ai en main un chapitre du livre de J.M.S. Careless intitulé Canada, A Story of Challenge, le Canada, une histoire de défis. Le XIXe chapitre porte sur une nation qui mûrit. Nous devons nous rappeler, ce soir, que beaucoup de gens sont venus de ces pays d'Europe au premier jour de la colonisation de notre pays. Ils souhaitaient trouver un endroit où vivre en paix et assurer l'avenir de leur famille. Pendant que nous sommes ici ce soir, à la Chambre, nous pouvons très bien comprendre que beaucoup de gens qui vivent dans des régions troublées du monde espèrent ardemment que la paix soit rétablie un jour.

Le Canada a travaillé en faveur des réfugiés, il a participé au fonds pour enfants, il a apporté une aide humanitaire. Nous avons placé nos soldats dans des situations fort difficiles. Depuis juillet 1992, un pont aérien international a été établi depuis l'Italie jusqu'à Sarajevo. Les 130 avions de transport Hercules des Forces canadiennes ont effectué 1 600 vols, transportant 11 300 passagers et apportant 26 600 tonnes de nourriture et de fournitures médicales à Sarajevo. Ce n'est là qu'une infime partie des activités de nos Forces canadiennes.

Ce soir, je pense qu'il nous incombe à tous de prendre en considération le travail qui a été accompli jusqu'à maintenant. Nous devons rester fermes et collaborer avec nos partenaires des Nations Unies à la mission qu'elles se sont donnée au moment de leur création, il y a un demi-siècle, c'est-à-dire de tenter d'apporter la paix et un peu d'humanité dans le monde.

Le vice-président: La période de trois heures réservée au débat est écoulée.

M. de Jong: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je demande le consentement unanime de la Chambre pour prolonger le débat et me permettre, à moi et au député d'Esquimalt-Juan de Fuca, d'être entendus.

(2130)

M. Flis: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Il y a deux députés qui sont restés ici toute la soirée et qui ont suivi attentivement le débat. Je me demande si vous ne pouvez pas demander le consentement unanime de la Chambre pour permettre aux députés qui le désirent de prendre la parole, à condition de limiter la durée de leurs discours à cinq minutes chacun pour que le débat ne se prolonge pas au-delà de 21 h 50 ou 22 heures.

Le vice-président: Des députés ont manifesté l'intention de prendre la parole. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, ce n'est pas de gaieté de coeur que je participe à ce débat. Je suis sûr que tous les députés ici présents ne sont pas très heureux de débattre cette question. Nous en avons discuté plusieurs fois et nous avons même prolongé nos heures de séance pour discuter du rôle que nous devrions jouer dans l'ancienne Yougoslavie.

Cette fois, alors que j'écoutais les députés des différents partis politiques, j'ai senti comme une lassitude face au rôle que nous avons joué. On sent plus de lassitude dans ce débat que dans les précédents.

Le Parti réformiste demande le retrait de nos troupes. Le ministre de la Défense nationale a dit clairement que, s'il acceptait de nouveaux engagements pour nos troupes, ce ne serait que pour un temps limité.

Le chef de l'opposition a parlé de renouveler notre mandat et précisé que nous n'avions pas tellement d'autres choix. Les points de vue exprimés par les députés nous donnent vraiment le pouls du pays, d'un océan à l'autre.

L'absence de progrès dans la mission visant à mettre fin aux hostilités, les violations flagrantes des droits de la personne les plus élémentaires sous les yeux de nos troupes impuissantes au sein du commandement de l'ONU, les incidents au cours desquels des militaires canadiens ont été détenus et humiliés ainsi que nos difficultés budgétaires sont autant de causes de découragement.

Qu'est-ce qu'on est allé faire là-bas? C'est la question qu'on se pose généralement. Il importe que la Chambre et tous les Canadiens prennent conscience de tout ce que les troupes canadiennes ont réalisé. Il y aurait eu beaucoup plus de morts, de destruction, de carnage, de viols et de violations des droits élémentaires des être humains civilisés si les Nations Unies et les militaires canadiens n'avaient pas été présents dans cette région.

Il est difficile de mesurer les résultats, mais on ne doit pas douter que les militaires canadiens ont sauvé des vies innocentes. Il est important que tous les Canadiens tirent leur chapeau aux hommes et aux femmes de la GRC et de nos forces militaires en hommage au travail très professionnel qu'ils ont accompli. Le Canada peut être fier d'eux.

La frustration que nous ressentons, le peuple croate la ressent aussi. En juin 1994, je me suis rendu en Croatie avec deux autres députés. Nous avons parlé au ministre croate des Affaires étrangères ainsi qu'à des parlementaires. Ils se sont tous dits en faveur de mettre fin au plan de paix Vance de 1994, autrement dit au mandat des forces de la FORPRONU en Croatie.

Les Croates craignent, comme le ministre de la Défense, que la situation ne devienne permanente. En vertu de l'accord initial, les groupes serbes locaux devaient être désarmés. Une surveillance devait être exercée par les Nations Unies et les armes lourdes devaient être saisies. On permettrait aux non-Serbes de


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retourner chez eux. Rien de cela ne s'est produit. On craint que l'occupation actuelle de presque un tiers de la Croatie par les forces serbes ne devienne permanente.

Si l'on regarde sur une carte les régions contrôlées par les Serbes, on s'aperçoit qu'ils empêchent toute communication et tout transport entre le nord et le sud, l'est et l'ouest. La Croatie ne peut se développer économiquement si la situation se poursuit. Le sentiment de frustration est énorme.

Lorsque le président Tudjman a demandé qu'il soit mis fin au mandat, il ne parlait pas seulement en son nom propre, mais également au nom du parlement croate, unanime sur cette question. Sous la pression internationale, le gouvernement croate a accepté de revenir sur sa décision.

(2135)

Un accord a été conclu entre M. Tudjman et le vice-président des États-Unis, Al Gore, à Copenhague. Cet accord n'a pas été mis en oeuvre sous forme de mandat. Au stade où en sont les choses actuellement, il n'y a pas d'accord pour un nouveau mandat. C'est pourquoi le gouvernement est plutôt mal placé pour demander à la Chambre son avis sur le renouvellement d'un mandat, puisqu'il n'existe pas de mandat.

L'accord qui a été conclu à Copenhague n'a pas été finalisé sous une forme qui permette un nouveau mandat en Croatie. Une partie de ce dont nous parlons ici pourrait être sans objet. Le gouvernement croate accorde jusqu'au milieu de mai pour conclure cet accord. Si je comprends bien, la situation va rester la même qu'actuellement jusqu'à la fin de mai.

Il n'existe actuellement pas d'accord qui puisse permettre de maintenir des troupes canadiennes en Croatie. Espérons que quelque chose sera conclu avant la fin de mai. Si c'est le cas, j'invite le gouvernement canadien à permettre que nos troupes restent là-bas pour des raisons humanitaires dans l'espoir, que nous partageons tous, que la paix puisse venir dans cette partie du monde. Nos prières accompagnent ces pauvres gens.

Le vice-président: Les députés acceptent-ils de laisser partir les pages?

Des voix: D'accord.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Monsieur le Président, je peux affirmer sans crainte de me tromper que tous les députés respectent et honorent nos soldats de la paix qui sont en mission partout dans le monde. Nous savons tous que c'est à Lester B. Pearson que nous devons ce que nous appelons aujourd'hui le maintien de la paix, mais certains ignorent peut-être que le Canada a participé à tous les efforts militaires entrepris par les Nations Unies depuis la guerre de Corée.

C'est ainsi que nous en arrivons au débat de ce soir sur l'avenir des Casques bleus canadiens dans l'ex-Yougoslavie. Depuis le début, le Canada a pris une part active pour favoriser le règlement des conflits qui se déroulent dans cette partie de l'Europe et ailleurs dans le monde. Grâce à notre participation à l'OTAN, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, et au groupe de contact international sur l'ex-Yougoslavie, nous avons cherché à rétablir la sécurité dans ce pays ravagé par la guerre.

Le Canada a fourni une aide humanitaire de près de 60 millions de dollars, par l'intermédiaire de diverses organisations internationales et non gouvernementales. Notre présence en Bosnie et en Croatie a permis de sauver de milliers de vies. Nos programmes d'aide ont aidé à alléger les souffrances de ceux qui sont prisonniers de ces conflits.

De nombreux Canadiens s'interrogent sur notre rôle dans l'ex-Yougoslavie et sur la nécessité de notre présence là-bas. Personnellement, je crois que nous devons y être; nous devons y rester.

Comme on l'a dit, 2 100 Canadiens accomplissent aujourd'hui des tâches de maintien de la paix et de surveillance dans l'ex-Yougoslavie. Dans le cadre de son engagement comme membre de l'OTAN, le Canada doit aider à protéger la sécurité dans l'ouest de l'Europe. En maintenant cet engagement, nous favorisons l'expansion de l'OTAN et nous contribuons à empêcher la crise yougoslave de se répandre ailleurs en Europe.

La paix est toujours possible, je crois. Elle est encore possible dans l'ancienne Yougoslavie. Toutefois, pour que la paix règne là-bas, il faut que les diverses factions mettent fin à leurs combats incessants. Nos efforts humanitaires contribuent à leur faire comprendre qu'elles peuvent s'entendre dans un esprit de collaboration et de compréhension mutuelle.

Nos Casques bleus sont là-bas pour empêcher que ne soient commis des actes qui risqueraient de compromettre tout esprit de compréhension. Après tout, ce sont les balles qu'un assassin a tirées dans les rues de Sarajevo qui ont déclenché la Première Guerre mondiale.

(2140)

Si nos Casques bleus peuvent empêcher que quelque chose d'aussi grave ne se produise, ils doivent rester sur place pour s'assurer que la paix s'installe éventuellement. Notre présence est très nécessaire.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de nous permettre de prolonger le débat de ce soir.

Je tiens à exprimer ma vive reconnaissance envers les hommes et les femmes qui sont membres de nos forces armées. Ces derniers temps, ils ont essuyé de nombreuses critiques, pour la plupart non justifiées. Ils se sont toutefois comportés pendant des décennies de façon professionnelle, efficace et courageuse. N'oublions pas qu'ils nous ont dignement représentés. Certains membres du PPCLI proviennent de la circonscription que je représente, Esquimalt-Juan de Fuca, et je leur suis particulièrement reconnaissant.

L'opinion que je vais exprimer ce soir est la mienne seulement. Elle ne représente pas l'opinion de mon caucus. Nous nous entendons sur de nombreuses questions, mais non sur le retrait des troupes canadiennes de la Bosnie, de l'Herzégovine et de la Croatie. Je ne crois pas que nos troupes devraient se retirer et je vais vous dire pourquoi.

Tout d'abord, il faut comprendre ce que nos troupes font là-bas. Depuis trois ans, sous le commandement de la FORPRONU, elles ont permis au HCR d'apporter de l'aide à des gens qui

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n'ont rien. En ce moment, plus de six millions de personnes reçoivent une aide qui ne leur parviendrait pas si ce n'était des troupes de la FORPRONU et des travailleurs du HCR.

De plus, les troupes désamorcent chaque jour des situations tendues qui risquent de dégénérer et de provoquer des morts, elles établissent une liaison entre les belligérants, elles participent à des échanges de prisonniers et leur seule présence sur le terrain a empêché que des centaines de milliers de personnes soient tuées. J'invite quiconque n'est pas d'accord de s'imaginer dans les souliers d'un habitant de Srebrenica, de Gorazde ou de Bihac et de se demander ce qu'il aimerait voir faire la communauté internationale.

Si nous partions, nos alliés nous suivraient et nous pouvons être certains qu'il y aurait un carnage, des scènes de torture et des tueries en masse à une échelle encore jamais vue. Le sang coulerait à flots dans les rues et dans les champs. Nous pourrions compter sur CNN pour nous montrer tout cela.

En outre, nous verrions le conflit prendre de l'expansion. Nous ne devons pas un seul instant nous leurrer en imaginant que les Croates ne se jetteraient pas sur les Serbes de la Krajina. N'osons même pas imaginer que les musulmans bosniaques et les Serbes bosniaques ne s'attaqueraient pas les uns les autres. Ne nous trompons pas en croyant que la République fédérale de Yougoslavie n'irait pas à la rescousse des Serbes de la Krajina ou que la Bosnie ne lancerait aucune attaque.

Que se passerait-il alors? Compte tenu de notre appartenance à l'OTAN, nous serions entraînés dans le conflit. Nous serions plongés dans un conflit élargi qui nous coûterait très cher en vies humaines et en dollars. C'est exactement ce qui se passera si nous nous retirons et si nous laissons cela se produire. Actuellement, il n'existe aucun plan d'urgence en cas de retrait.

Je propose donc, avec l'appui de mes collègues, d'exercer des pressions sur les belligérants afin de tâcher de garder ouvert l'aéroport de Sarajevo. Faisons en sorte que nos Casques bleus soient là pour acheminer l'aide et la distribuer par l'intermédiaire du HCR. Travaillons également de concert avec les États-Unis pour exercer des pressions sur l'UE et la CSCE afin de trouver une solution régionale à ce problème, car c'est au niveau régional qu'on doit la trouver.

On a dit de l'ex-Yougoslavie qu'elle était la honte de l'Occident. Nous n'avons pas fait ce qui s'imposait au moyen de la diplomatie préventive pour prévenir cette tragédie. Cela devrait servir de leçon aux pays qui pourraient éclater à l'avenir.

Je ne pense pas qu'il y ait de solution diplomatique à ce problème. C'est une tragédie. Ce qui va arriver, c'est que les belligérants, les Serbes, les Croates et les musulmans, se battront jusqu'au bout, et puis la diplomatie interviendra. Il n'est absolument pas question pour eux de régler le problème autrement qu'au bout du fusil d'assaut.

Je me préoccupe avant tout des civils qui, encore et toujours, souffrent le plus de ces guerres civiles. Nous devons offrir aux civils une zone de sécurité que les troupes internationales défendront par la force, afin d'y accueillir les civils qui choisissent de s'y réfugier et de pourvoir à leurs besoins essentiels. Il est tragique de constater que les belligérants continueront de se battre. Au lieu de laisser nos troupes exposées à ces combats, nous devrions tâcher de les retirer de la région pour les faire remplacer par des troupes de l'UE.

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer ce soir à cet important débat.

Tout comme le gouvernement, j'estime que nos soldats de la paix doivent poursuivre leur mission en ex-Yougoslavie. Le Canada a un important rôle à jouer dans la recherche de solutions et l'instauration de la paix dans cette région.

Le Canada a des états de service exceptionnels pour ce qui est de préserver la paix mondiale et favoriser la sécurité dans le monde. Depuis la création de la première force d'urgence de l'ONU, en 1956, il y a eu 26 missions de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU. Le Canada a participé à toutes d'une façon ou d'une autre. Notre présence en ex-Yougoslavie a donné encore plus d'éclat à nos réalisations. Dès le départ, le Canada a participé pleinement aux efforts pour promouvoir le règlement pacifique du conflit et soulager les victimes.

En septembre 1991, nous avons réclamé que le Conseil de sécurité de l'ONU se saisisse de ce problème. Il y en a toutefois qui sont d'avis que le Canada devrait se retirer. Nous ne pensons pas que le problème soit encore loin de se régler, que, malgré notre présence là-bas, le conflit se poursuit de plus belle sans espoir de règlement.

Il est vrai que nous n'avons pas été capables de rétablir la paix dans la région. Pour les gardiens de la paix concernés, pour les députés et pour tous les Canadiens, c'est une grave préoccupation. Même s'il est frustrant de voir que le conflit se poursuit, nous ne devons pas oublier que le Canada et d'autres pays ont apporté beaucoup aux habitants de cette région. Comme on l'a mentionné plusieurs fois ici, ils leur ont apporté de la nourriture, des fournitures médicales, des vêtements, des abris et ainsi de suite.

Soyez certains que, pour les personnes qui vivent dans certaines de ces régions déchirées par la guerre, la présence du Canada est essentielle. Nous avons protégé la vie des innocentes victimes de ce conflit et nous avons la responsabilité, l'obligation morale de continuer à les aider.

Nos efforts se poursuivent aussi sur le front diplomatique. Nous continuons de consulter tous les pays qui fournissent des troupes à la force de protection des Nations Unies. En prolongeant notre engagement envers la FORPRONU, nous ne nous engageons certainement pas à maintenir le statu quo. Le travail utile que nos troupes continuent d'accomplir dans la région ne peut être considéré séparément de nos efforts visant à trouver des solutions novatrices pour la paix.

Notre expérience des quelques dernières années nous incite à explorer plus d'options inédites. Les récentes missions de maintien de la paix ont montré que la démarche habituelle ne convient plus. Il est clair que notre engagement à long terme envers la paix et la sécurité internationales est étroitement lié à nos efforts visant à faire du maintien de la paix et, ce qui importe encore plus, de la pacification un mécanisme de sécurité efficace.

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Compte tenu de son engagement de longue date au maintien de la paix internationale, le Canada dispose d'une grande expérience pour participer aux discussions futures à ce sujet. En renouvelant notre engagement, nous envoyons le message non équivoque aux intéressés que la principale priorité du Canada est de trouver un règlement pacifique à ce conflit.

En terminant, je voudrais lire à la Chambre un extrait d'une lettre que j'ai reçue d'un de mes électeurs qui faisait partie de la FORPRONU pour le Canada. Voici cet extrait: «Je vous dis bonjour du sud de la Croatie. J'espère que les gens chez nous savent à quel point leurs soldats sont dévoués. D'après ce que j'ai vu jusqu'à maintenant, tout le monde ici considère les Canadiens comme de vrais professionnels.»

Je voudrais signaler l'excellent travail qu'accomplissent les Casques bleus du Canada dans l'ancienne Yougoslavie.

[Français]

Le vice-président: Je remercie tous les employés de la Chambre qui ont travaillé jusqu'à près de 22 heures.

La Chambre s'ajourne jusqu'à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 21 h 49.)