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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 décembre 1999

• 1133

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite à tous la bienvenue ce matin.

C'est notre deuxième réunion de la journée. Nous sommes heureux d'accueillir des représentants du Bloc québécois. Je souhaite la bienvenue à M. Gilles Duceppe, chef du parti, à M. Yvan Loubier, le porte-parole du parti en matière de finances, ainsi qu'à M. Antoine Dubé.

Vous êtes évidemment tous des anciens du Comité des finances et des consultations prébudgétaires et donc je ne pense pas nécessaire de vous donner des instructions. Vous disposez de tout le temps nécessaire pour faire votre exposé et ensuite, nous passerons à une période de questions et réponses.

[Français]

M. Gilles Duceppe (député de Laurier—Sainte-Marie, BQ, chef du Bloc québécois): Monsieur le président, je vous remercie de nous entendre ce matin. Comme vous venez de le mentionner, je suis accompagné par deux de mes collègues. Je tiens d'ailleurs à souligner le travail rigoureux qu'ont fait les députés du Bloc québécois dans tous les comtés et dans toutes les régions du Québec, travail qu'ils font d'ailleurs chaque année lorsque vient le temps de procéder aux consultations prébudgétaires.

Je remercie également tous ceux et toutes celles qui ont participé à ces consultations partout au Québec et dont le nombre s'élève à 3 000. Parmi les documents que nous vous avons remis, vous retrouverez une liste où figurent une multitude d'organismes locaux ainsi que 13 organismes nationaux qui représentent à eux seuls des milliers de membres, monsieur le président.

À la suite des audiences que nous avons tenues et des propositions qui nous ont été soumises, nous avons dégagé un certain nombre de recommandations, que M. Loubier vous expliquera de façon plus approfondie. Les consultations que nous avons menées nous ont prouvé la justesse des propositions que nous faisions, quoique nous en ayons bien sûr modifié quelques-unes et que nous ayons ajouté certains nouveaux éléments.

Avant que M. Loubier ne prenne la parole, j'aimerais souligner que paraissait en début de semaine un sondage fait au Québec au sujet des surplus budgétaires d'Ottawa. Cinquante-quatre pour cent de la population québécoise nous informait qu'on devait accorder la priorité au rétablissement des paiements de transfert qui avaient été sabrés et qui touchaient les services directs à la population, à savoir les services de santé, l'enseignement postsecondaire et le soutien au revenu.

• 1135

Je sais que les membres du parti gouvernemental aiment bien les sondages ces temps-ci. Ils devraient donc tenir compte de cette réponse passablement claire qu'a donnée la population du Québec. Ces questions touchent les Québécois très, très intimement et ils ont indiqué, comme l'a d'ailleurs fait la population des autres provinces, que la priorité devait être accordée à la santé.

Les gens commencent à se rendre compte que s'il y a des problèmes dans le système de santé, c'est avant tout parce que le fédéral a sabré odieusement ou sabrera, entre 1994 et 2003, la somme de 33 milliards de dollars. Bien qu'on nous dise qu'on a investi 11 milliards de dollars de plus l'an passé, on a plutôt sabré 33 milliards de dollars au lieu de 44 milliards de dollars. Telle est la réalité. Lorsqu'on regardera les chiffres du ministre Martin au fil des années, on s'apercevra qu'entre 1994 et 2003, il manque 33 milliards de dollars au chapitre des paiements de transfert. C'est cela, la réalité. Qu'on ne nous chante pas toutes sortes d'hymnes à la grandeur du gouvernement quant à son intérêt pour la santé, l'enseignement et le soutien au revenu. Il n'a pas investi dans ces domaines; il a sabré.

Sur ce, je laisse M. Loubier nous expliquer de façon plus précise et rigoureuse, comme il le fait toujours, la proposition du Bloc québécois quant à l'utilisation des surplus tout en maintenant le déficit zéro.

M. Yvan Loubier (député de Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ, porte-parole des Finances): Merci, monsieur Duceppe.

D'entrée de jeu, j'aimerais m'excuser de l'absence de version anglaise en ce moment. La version anglaise vous sera remise au cours de la journée et vous pourrez jeter un coup d'oeil d'une façon plus précise sur les points dont je vais vous faire la présentation.

M. Gilles Duceppe: Mais les chiffres sont en anglais.

M. Yvan Loubier: Les chiffres sont en anglais; il n'y a donc aucun problème au point de départ.

J'aimerais d'abord ouvrir une parenthèse sur les surplus budgétaires réels de cette année et de l'an prochain. Je pourrais peut-être aussi traiter des années subséquentes, bien que ce genre d'exercice de prévision soit plutôt périlleux.

Si on s'en tient à cette année et à l'an prochain, il semble que M. Martin ait un grave problème. Il ne sait pas à quel endroit utiliser ses énormes surplus. Voilà le premier problème. Il s'agit des surplus qu'il a accumulés en coupant dans les programmes sociaux, c'est-à-dire en coupant dans le Transfert social canadien pour le financement de l'enseignement supérieur, de la santé et de la sécurité du revenu, et en maintenant un système fiscal injuste pour les particuliers et plus précisément pour la classe moyenne.

Si on a, en partant, une suggestion à faire à M. Martin, c'est qu'il doit regarder là où il a puisé ces énormes surplus année après année et là où il s'apprête à puiser au cours des prochaines années. Il aura la grande partie de la réponse et saura à quel endroit il doit réinjecter ces énormes surplus. Il doit les réinjecter dans les fonds en santé—M. Duceppe a mentionné qu'il s'agit là de la priorité numéro 1 des Québécois et des Canadiens—réinvestir en enseignement postsecondaire et, de façon générale, dans les programmes sociaux. Il doit également s'assurer que le système fiscal soit plus juste pour la catégorie des gens à faibles et moyens revenus.

Ces surplus sont considérables, beaucoup plus considérables que ne le laisse entendre M. Martin. Je vous rappellerai d'ailleurs qu'au cours des dernières années, M. Martin a été très parcimonieux et très, très, très conservateur lorsqu'il a été question d'évaluer les surplus et qu'à toutes les fois, il s'est trompé de plus de 100 p. 100 dans ses prévisions en l'espace de quelques mois. Et là, monsieur le président, je suis persuadé que le ministre des Finances s'est trompé d'au moins 50 p. 100 dans ses prévisions de surplus en l'espace de quelques semaines.

On pourrait facilement, dès cette année, doubler les prévisions de surplus de M. Martin et faire la même chose pour l'année prochaine. Je ne me risquerais pas à aller jusqu'en 2001-2002, comme certains l'ont fait, mais pour cette année et l'année prochaine, vous pouvez facilement multiplier par deux le surplus estimé par le gouvernement fédéral.

D'ailleurs, ce matin, dans l'Ottawa Citizen, on fait mention d'une analyse d'un groupe d'économistes de CIBC World Markets qui fait justement état du conservatisme de M. Martin à l'égard de ces surplus.

• 1140

On y lit le titre:

[Traduction]

«Selon les économistes, l'excédent est supérieur de 50 p. 100 à ce qui a été annoncé».

[Français]

Déjà, monsieur le président, je ne suis plus le seul à prétendre que, dès le jour où M. Martin a déposé ses prévisions de surplus, on pouvait facilement doubler le surplus estimé pour cette année. Il y a même des gens qui parlent de prévisions sur cinq ans qui dépasseraient les 150 milliards de dollars, et non pas 95 milliards de dollars, comme M. Martin en a fait état.

Il y a donc un surplus immense, de possibilités immenses et une marge de manoeuvre énorme si M. Martin est capable de gérer et de reporter à l'année prochaine une partie des surplus accumulés cette année, s'il fait également une véritable réforme de la fiscalité, réforme que nous lui demandons de faire depuis 1993, et s'il dégage 5 milliards de dollars additionnels par année afin de porter dès l'année prochaine la marge de manoeuvre disponible du gouvernement fédéral à tout près de 25 milliards de dollars.

Monsieur le président, nous n'avons pas attendu pour consulter la population du Québec sur l'utilisation efficace de cette marge de manoeuvre du gouvernement fédéral. Comme l'a mentionné mon chef, M. Duceppe, le vice-président du parti, M. Pierre Paquette, lui et moi avons sillonné pendant une semaine, du 22 au 30 août, tous les coins du Québec pour sensibiliser la population à l'importance d'un processus de consultation prébudgétaire, que le Bloc québécois a effectivement réalisé dans la semaine du 27 septembre au 4 octobre. Durant cette semaine, partout à la grandeur du Québec, mes collègues du Bloc québécois ont mené cette consultation qui a pris différentes formes, dont des journées portes ouvertes, des tables rondes avec des organismes socioéconomiques et des retours postaux en fonction d'un document dont nous avions fait circuler 15 000 exemplaires au Québec. On retrouvait dans ce document l'analyse de la situation budgétaire et les prévisions quant à la véritable marge de manoeuvre dont disposera le gouvernement fédéral au cours des prochaines années.

Lors de ces consultations, nous posions essentiellement trois questions. Nous leur demandions d'abord s'ils étaient d'accord sur les propositions émises par le Bloc québécois.

Nous disions que si, au cours de la prochaine année, le ministre pouvait dégager une marge de manoeuvre de tout près de 25 milliards de dollars, il lui serait possible de réduire les impôts de 6 milliards de dollars par année dès l'année prochaine.

Nous leur proposions l'instauration d'un véritable régime d'assurance-emploi avec un taux de couverture de plus de 42 p. 100, ce qui correspond à la situation actuelle puisque 42 p. 100 des chômeurs et des chômeuses qui, avant d'être frappés par le fléau du chômage, versaient des contributions ont droit à des prestations d'assurance-emploi, tandis que les autres n'y ont pas droit. Nous recommandions que le surplus, qui se situe à 6 ou 7 milliards de dollars par année, soit réinvesti pour élargir le régime d'assurance-emploi ainsi qu'en augmenter la portée et surtout la couverture.

Nous leur proposions de rétablir les transferts sociaux au Québec et aux provinces en les accroissant de 3,7 milliards de dollars, faisant en sorte qu'on retrouve le niveau de Transfert social canadien qui existait en 1993-1994, avant que le ministre des Finances ne sabre de façon sauvage les transferts aux provinces visant à financer la santé, l'enseignement supérieur et la sécurité du revenu.

Nous avons également fait un test lorsque nous avons proposé à la population l'allocation de 3 milliards de dollars au soutien de projets structurants, dans les domaines des infrastructures, de la construction navale et du logement social. Nous reviendrons à cette question un peu plus tard.

Enfin, nous suggérions qu'on affecte un minimum de 3 milliards de dollars par année de cette marge de manoeuvre de 25 milliards de dollars à la réduction de la dette. De façon parallèle à cette proposition de réduction de la dette, nous disions à la population qu'il y aurait possibilité, en effectuant une véritable réforme de la fiscalité, notamment des sociétés, de dégager beaucoup plus que 3 milliards de dollars et d'en arriver à allouer un montant annuel variant entre 3 et 7 milliards de dollars au remboursement d'une partie de la dette.

Nous demandions aussi à la population s'il y avait lieu de compléter ou d'enrichir ces propositions. Finalement, nous lui demandions si dans leurs régions particulières, on avait en tête des priorités par rapport à certains projets structurants et quelles étaient ces priorités.

Comme l'a mentionné M. Duceppe, 3 000 personnes ont été rejointes directement et ont participé au processus de consultation au cours de la semaine de consultations prébudgétaires. Treize organismes nationaux, représentant 10,7 millions de personnes, et des organismes régionaux ont, comme ce fut le cas l'année dernière, fait preuve d'un enthousiasme certain pour cette consultation.

Permettez-moi, monsieur le président, de vous faire part de cinq consensus qui sont ressortis de cette consultation et qui deviennent autant de priorités des Québécoises et des Québécois, étant donné l'importance de cet exercice démocratique réalisé par le Bloc québécois.

• 1145

La première de ces priorités à l'égard de laquelle un consensus s'est dégagé est une réduction importante des impôts des particuliers. La proposition que nous avions soumise à la population a été très bien reçue puisque j'estime qu'elle a été appuyée par 95 p. 100 des personnes consultées. Les gens veulent que ce soient ceux et celles qui ont contribué à l'assainissement des finances publiques, c'est-à-dire ceux qui gagnent entre 30 000 $ et 70 000 $ et qui font partie de la catégorie des revenus moyens, qui bénéficient majoritairement des dividendes des premiers surplus réalisés en partie sur leur dos par le gouvernement fédéral. Il ne faut pas oublier qu'alors que le PIB a augmenté de façon cumulative de 24 p. 100 de 1993 à aujourd'hui, les impôts sur le revenu des particuliers, principalement dans cette catégorie de revenus, ont augmenté de 40 p. 100. Autrement dit, on a appauvri cette catégorie, tant et si bien que les familles qui touchent des revenus de 30 0000 $ à 70 000 $ constituent à peu près le quart de la population, mais contribuent environ la moitié des revenus d'impôt des particuliers que touche le gouvernement fédéral. Il y a là un déséquilibre auquel il faut s'attaquer.

Monsieur le président, il y a une voie très démocratique sur le plan fiscal, qui témoignerait d'une certaine justice fiscale, qu'on a perdue au Canada et qui consisterait à éliminer ce qu'on pratique depuis 1991, à savoir la non-indexation des tables d'impôt. Monsieur le président, c'est un vol que de ne pas indexer chaque année la structure fiscale au Canada. Lorsqu'on compare la fiscalité des provinces et du Québec et la fiscalité fédérale, on constate qu'il y a des distorsions terribles entre les deux structures fiscales. Prenons simplement le seuil d'imposition nul. Si on compare le seuil d'imposition nul du Québec à celui du gouvernement fédéral, on constate qu'un couple qui a deux enfants et un seul revenu de travail commence à payer de l'impôt fédéral lorsque son revenu atteint 13 719 $, monsieur le président. Au niveau du Québec, cette même famille ayant deux enfants et ayant un seul revenu de travail ne commence à payer de l'impôt qu'à un niveau de revenu de 30 316 $. Vous voyez la distorsion créée entre autres pas la non-indexation de la structure fiscale au Canada. Vous voyez ce que cela donne. Les familles pauvres, les familles à faibles et à moyens revenus commencent à payer de l'impôt dès que leur revenu atteint 13 719 $, alors qu'au Québec, dans la structure fiscale, on parle de 30 316 $. Il faut corriger cela. L'élimination de la non-indexation serait la première priorité dans le processus de réduction du fardeau fiscal des particuliers. Autrement dit, il faut indexer la structure fiscale.

Le discours du ministre des Finances et celui du premier ministre par la suite ont fait surgir certaines craintes. Si je me rappelle bien, le lendemain de la mise à jour économique d'il y a quelques semaines, le ministre des Finances et le premier ministre disaient, et je cite: «Nous avons commencé à réduire les impôts et nous allons continuer.»

Monsieur le président, si on continue dans la même veine que celle dans laquelle on a commencé l'exercice, ce ne sera pas rassurant pour les personnes à faibles et moyens revenus. Jusqu'à présent, ceux et celles qui ont bénéficié des mesures fiscales présentées par le ministre des Finances, notamment lors du dernier budget, sont des personnes qui touchent de très hauts revenus.

Prenons l'exemple de l'abolition de la surtaxe de 3 p. 100. À partir de cette année, ceux qui gagnent 20 000 $ par année vont réaliser 60 $ d'économies liées à la disparition de la surtaxe de 3 p. 100. Ceux qui gagnent 30 000 $ et plus réaliseront des économies de 163 $ en raison de l'abolition de la surtaxe. Ceux qui gagnent jusqu'à 70 000 $ bénéficieront d'économies d'impôt de 200 $ à 250 $. Par contre, les 60 000 contribuables canadiens qui gagnent plus de 250 000 $ par année réaliseront des économies d'impôt de 3 794 $. Les millionnaires pourront bénéficier d'environ 8 600 $ d'économies d'impôt en raison de l'abolition de la surtaxe de 3 p. 100.

• 1150

Ce ne sont pas de telles mesures que souhaite la population, monsieur le président. Ce n'est pas ce que la population du Québec nous a demandé de promouvoir auprès du gouvernement fédéral. Ce sont vraiment des mesures qui touchent les personnes à faibles et moyens revenus. Je vous en ai indiqué une tout à l'heure, soit l'indexation totale des tables d'impôt. Ce serait une bonne idée de commencer par celle-là.

Donc, les Québécois se sont montrés d'accord sur la proposition du Bloc québécois voulant que les premiers 6 milliards de dollars de surplus soient alloués strictement à l'allégement du fardeau fiscal des particuliers à revenus moyens.

Le deuxième grand consensus portait sur l'humanisation du régime d'assurance-emploi. J'en ai fait mention plus tôt; il n'y a que 42 p. 100 des personnes qui paient de l'assurance-emploi qui peuvent bénéficier des prestations. Lorsqu'une politique gouvernementale, fédérale ou autre, n'arrive pas à couvrir une majorité de la clientèle qu'elle vise, c'est que cette politique ne fonctionne pas et doit être réformée pour en éliminer les vices les plus profonds, entre autres les iniquités et les injustices qui touchent les jeunes et les femmes, et même les femmes enceintes qui, dans le cas d'un retrait préventif, se trouvent pénalisées par un régime qui doit absolument être corrigé.

La très grande majorité, sinon la totalité de la population consultée, sauf quelques représentants des gens d'affaires, veut qu'on ait une amélioration du régime d'assurance-emploi pour en augmenter la portée et pour faire en sorte que les aberrations qu'on y trouve en soient éliminées.

Parmi ces aberrations, il y a l'utilisation des taux de chômage régionaux. Il y a à l'heure actuelle un déséquilibre dans ce qu'on appelle le territoire desservi à partir des statistiques régionales de chômage. Ainsi, dans une région où le taux de chômage régional est de 17 p. 100, on exige un nombre d'heure beaucoup moins élevé pour avoir droit aux prestations de l'assurance-emploi que dans le village situé à un kilomètre et demi, où le taux de chômage régional est de 4 p. 100 et où on exige presque deux fois plus d'heures de travail pour être admissible à l'assurance-emploi.

Il faut revoir le découpage régional. D'ailleurs, j'en profite pour souligner la contribution de mon collègue responsable du développement régional et rural, Odina Desrochers, député de Lotbinière, qui effectue à l'heure actuelle une croisade pour qu'on redécoupe les territoires en fonction de taux de chômage régionaux afin qu'il y ait une moins grande différence entre les sous-régions représentées.

La suggestion que l'on a faite à la population du Québec d'utiliser les surplus annuels de la caisse d'assurance-emploi, surplus de 6 à 7 milliards de dollars, pour en hausser la couverture, en éliminer les injustices pour les jeunes et les femmes et en arriver à régulariser les distorsions qui existent dans le régime, a été appuyée en très grande majorité, sinon à l'unanimité, par les Québécois et les Québécoises consultés.

Les Québécois et les Québécoises consultés ont demandé aussi qu'il y ait une hausse inconditionnelle des transferts sociaux, c'est-à-dire qu'on en arrive, dès cette année, dès 2000-2001, à rétablir les transferts aux provinces pour financer la santé, l'éducation supérieure et la sécurité du revenu au niveau qui existait avant les coupures draconiennes du ministre des Finances de 1994.

Il ne faut pas mêler les gens. Quand le ministre des Finances dit que le gouvernement a remis de l'argent dans le circuit, ce n'est pas tout à fait exact. Je vais employer des termes parlementaires et tenter de me retenir. Ce n'est pas tout à fait exact. Certaines coupures ont été décrétées dès le budget de 1994, ont été confirmées dans le budget de 1995 de M. Martin et doivent se poursuivre jusqu'en 2003. Ces coupures, comme mon chef l'a mentionné plus tôt, vont totaliser 33 milliards de dollars.

Le ministre a annoncé cet été qu'il annulait pour 2000-2001 des coupures de l'ordre de 900 millions de dollars qu'il avait commandées. Mais les coupures qu'il a commandées et qui se poursuivent année après année vont avoir cours jusqu'en 2003, malgré les énormes surplus dont dispose le ministre des Finances. Il ne faut pas leurrer la population.

La population a demandé, ce qui nous a confortés dans notre analyse, qu'on rétablisse les transferts au niveau d'avant 1993-1994.

• 1155

Les gens se rendent compte, bien plus que vous ne le pensez, que lorsqu'un hôpital ferme quelque part, lorsque des lits restent fermés, lorsqu'il manque des infirmières, lorsqu'il manque des médecins, ces lacunes et ces effets dévastateurs sont attribuables aux coupures dans le Transfert social canadien du gouvernement fédéral.

Je vais vous donner un exemple de ce que pourraient représenter pour un gouvernement provincial les coupures de cette année en termes de réinvestissement en santé, en éducation et en sécurité du revenu.

Le Québec, qu'on connaît le plus, enregistrera cette année un manque à gagner de 1,7 milliard de dollars au Transfert social canadien par rapport à ce qu'il obtenait en 1993-1994 en contributions du gouvernement fédéral. Si on prend ces 1,7 milliard de dollars et qu'on les répartit entre les trois postes dont je vous ai fait mention, c'est-à-dire la santé, l'éducation et la sécurité du revenu, en fonction des proportions qui existaient dans les transferts fédéraux avant 1994, c'est-à-dire avant qu'on nomme «Transfert social canadien» ces transferts bien particuliers à chacun de ces postes, voici ce que cela peut représenter.

Sur ces 1,7 milliard de dollars de manque à gagner, il y aurait 875 millions de dollars de plus qui seraient injectés dans le secteur de la santé au Québec. Savez-vous ce que cela permettrait, monsieur le président? Cela permettrait la création de plus de 3 000 postes de médecins. Il y a pénurie de médecins un peu partout, que ce soit en Ontario, dans les provinces de l'Ouest, en Colombie-Britannique ou au Québec. Au Québec, avec 875 millions de dollars, ce qui est la partie des 1,7 milliard de dollars du manque à gagner de transferts fédéraux pour le Québec, on engagerait 3 000 médecins. On pourrait aussi engager 5 000 infirmières supplémentaires. Ce n'est pas peu, monsieur le président. Ajoutez 3 000 médecins ou 5 000 postes d'infirmières et vous verrez que cela pourra permettre de régler bien des problèmes du secteur de la santé au Québec. Ce pourrait aussi être aussi le cas de l'Ontario et de toutes les autres provinces. Ces problèmes seraient de beaucoup atténués.

Ce serait la même chose si on prenait ce manque à gagner de 1,7 milliard de dollars et qu'on allouait au réseau de l'éducation le montant qui devrait normalement lui être dévolu. Cela donnerait 500 millions de dollars de plus dans le réseau de l'éducation supérieure au Québec. Savez-vous ce que cela permettrait de faire, monsieur le président? Au lieu d'augmenter les quotas d'étudiants année après année dans des classes universitaires, on pourrait engager 5 800 professeurs supplémentaires.

Lorsqu'on pose des questions au ministre des Finances ou au premier ministre, on dirait que les coupures draconiennes des dernières années ont été sans effets, qu'elles n'ont pas eu d'effets négatifs sur le secteur de la santé ou sur le secteur de l'éducation.

Enfin, dans le domaine de la sécurité du revenu, 325 millions de dollars seraient investis, ce qui ferait—tenez-vous bien, monsieur le président—que 500 $ de plus seraient donnés à chacun des bénéficiaires de l'aide sociale au Québec. On dit que les coupures du ministre des Finances n'ont eu que des effets marginaux. Il ne faut pas charrier! Elles ont eu des effets majeurs.

Les Québécois ont entériné la proposition du Bloc québécois voulant qu'il faille rajuster les paiements du gouvernement fédéral pour le Transfert social canadien au niveau qui existait en 1993-1994. Nous parlions à ce moment-là d'un montant de 4,6 milliards de dollars supplémentaires dès 2000-2001. Depuis ce temps, le ministre des Finances a annoncé qu'il annulait une partie des coupures prévues pour 2000-2001 à raison de 900 millions de dollars, ce qui fait que pour rétablir le niveau des allocations du gouvernement fédéral dans le Transfert social canadien, il faudrait qu'on réinjecte 3,7 milliards de dollars dès cette année. Et ces 3,7 milliards de dollars concordent avec la demande des premiers ministres des provinces et du gouvernement du Québec, qui se sont réunis cet été.

Le quatrième consensus, monsieur le président, portait sur la réduction de la dette. La très grande majorité, sinon la totalité de la population consultée au Québec a démontré une grande sensibilité à la question de la réduction de la dette, mais pas à n'importe quel prix. Il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, pour certains disent dans leur sagesse paysanne. On a dit qu'il fallait rembourser la dette le plus possible, mais qu'il fallait aussi garder en tête les principales priorités, dont la santé qui est la priorité incontournable.

• 1200

Il faut faire des investissements en santé, puis en éducation et en sécurité du revenu, et réduire les impôts avant de consacrer une portion importante du surplus à la réduction de la dette. Nous avons suggéré qu'on réduise la dette d'au moins 3 milliards de dollars par année pour les première et deuxième années. L'évolution de la croissance économique et des rentrées fiscales du gouvernement fédéral pourrait sans doute lui permettre d'aller au-delà de 3 milliards de dollars.

Comme nous le mentionnions plus tôt, ce n'est pas 95 milliards de dollars que le gouvernement va aller chercher en surplus au cours des sept prochaines années, mais plutôt une somme pouvant dépasser 150 milliards de dollars. Il m'est difficile de croire qu'on ne peut pas en prendre une partie plus importante pour rembourser la dette.

Mais si on s'en tenait à ces 3 milliards de dollars par année, en 2010, à la fin de la dixième année, on aurait un ratio dette sur PIB d'en-deçà de 40 p. 100, soit de quelque 39,4 p. 100, selon les prévisions et les réserves qu'on peut avoir sur les prévisions à long terme. Il s'agit donc d'un pourcentage du ratio dette sur PIB qui serait en-deçà du pourcentage jugé idéal par l'ensemble des pays européens lorsqu'on a formé l'Union européenne, ce qui n'est pas peu dire. On en arriverait à quelque chose de respectable tout en investissant dans des secteurs qui constituent des priorités pour la population du Québec et, si on se fie aux consultations faites à la grandeur du Canada, pour la population du Canada. Nous avons laissé une ouverture pour qu'on puisse consacrer au remboursement de la dette une somme plus élevée que les 3 milliards de dollars que nous proposons.

Il y a six ans que nous disons au ministre des Finances que notre régime fiscal est désuet et dépassé et qu'il faut le réformer. En 1996, notre petite équipe du Bloc québécois a réalisé une analyse. Ce n'était pas une analyse exhaustive, mais on a fait une analyse des grandes dispositions de la fiscalité fédérale et en particulier des dépenses fiscales qui s'offrent aux entreprises et aux particuliers pour économiser de l'impôt. Nous nous sommes rendu compte que certaines de ces dépenses fiscales étaient désuètes et dépassées, ne correspondaient plus aux réalités des années 1990 et 2000 et ne nous préparaient pas aux réalités de l'an 2000.

Nous avons fait des suggestions de réforme qui nous permettraient d'arriver à réaliser des économies de 5 milliards de dollars récurrentes par année, en dépoussiérant le régime fiscal. Cinq milliards de dollars, c'est beaucoup d'argent. Si on arrivait à aller chercher seulement la moitié de cette somme, soit 2,5 milliards de dollars, avec cette réforme et qu'on l'appliquait au remboursement de la dette, on aurait déjà 5,5 milliards de dollars qu'on pourrait utiliser à cette fin, soit à peu près le montant que le ministre des Finances a affecté au remboursement de la dette au cours du dernier exercice financier. La très grande majorité de la population consultée estimait que c'était une excellente idée que de lier le remboursement accéléré de la dette à une réforme de la fiscalité.

Je vais vous donner un exemple frappant qui remonte à 1995. Le ministère des Finances a depuis lors cessé de publier ce genre de données fiscales parce que, d'après moi, c'était trop honteux de présenter comme cela des faits et une augmentation, année après année, de privilèges apparents.

Vous savez qu'il y a dans la fiscalité deux dispositions fort importantes pour les grandes entreprises, soit les impôts reportés et le taux d'amortissement accéléré pour les investissements en capital. Lorsque vous conjuguez ces deux mesures, vous en arrivez à la situation suivante. Bien qu'on ait dit qu'on pouvait reporter des impôts jusqu'à sept ans dans l'avenir et même jusqu'à quatre ans en arrière, je crois, les impôts reportés le sont indéfiniment, monsieur le président. Il y a même des entrepreneurs et de grandes sociétés qui viennent se vanter de ce qu'ils ne paieront jamais d'impôt au gouvernement fédéral. Ce ne sont pas des entreprises qui ne seront pas rentables. D'ailleurs, vous vous rappellerez que j'ai déposé la semaine dernière auprès du Comité des finances une liste de 200 à 250 grandes entreprises rentables du Canada qui réalisent des profits mirobolants et qui ne paient pas un cent d'impôt, ou qui ne paient que des poussières, monsieur le président. Ces entreprises accumulent année après année des montants astronomiques.

Comme je vous le disais, le ministère des Finances a cessé de compiler ces données en 1995. En 1995, il y avait 36,5 milliards de dollars d'impôts reportés impayés par les grandes sociétés, lesquelles étaient en majorité très rentables. Je ne peux pas croire qu'on nous saigne à blanc, nous les particuliers, pour participer à l'effort collectif.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le président, puis-je demander une précision s'il vous plaît?

En ce qui concerne les 35 milliards de dollars, s'agit-il d'impôts dus et reportés ou s'agit-il d'impôts qui devront être versés à l'avenir?

• 1205

[Français]

M. Yvan Loubier: Si vous me le permettez, monsieur Szabo, je vais terminer mon allocution parce qu'il ne me reste qu'un seul point à ajouter, après quoi j'aurai le plaisir de répondre à votre question en me basant sur l'analyse que j'ai déposée auprès du Comité des finances et dont chacun des membres du comité aurait dû recevoir copie parce qu'elle est fort intéressante.

Sans tenter de récupérer tous les impôts reportés, on devrait faire l'effort d'aller en récupérer une petite partie pour faire en sorte que les grandes sociétés fassent leur contribution et arrêtent d'envoyer comparaître au Comité des finances des représentants qui nous disent qu'il faut absolument réduire la dette et les impôts des personnes qui touchent de hauts revenus parce qu'il y a un exode des cerveaux. Si ces grandes sociétés faisaient leur contribution, elles seraient peut-être plus crédibles lorsqu'elles comparaissent ici.

Je pense en particulier à M. Thomas d'Aquino, qui nous disait la semaine dernière qu'il ne fallait pas baisser les impôts des personnes qui touchent des revenus moyens, mais qu'il fallait se soucier de celles qui touchent de hauts revenus afin de prévenir l'exode des cerveaux et qu'il fallait consacrer tout le reste au remboursement de la dette. Je lui ai suggéré de dire à ses membres qu'ils devaient d'abord faire leur devoir avant de venir nous suggérer des façons de leur faire profiter du surplus.

Monsieur le président, je suis déçu que le représentant du Parti réformiste, l'opposition officielle, qui devrait être très sensible à ce genre de consultation, nous quitte, mais que voulez-vous. Quand il était l'opposition officielle, le Bloc québécois était beaucoup plus assidu que ne l'est le Parti réformiste, mais ça, c'est une autre question. Je n'amorcerai pas de conflit ici.

Il y a une dernière grande priorité, de l'avis de tous, et ce sont les projets d'infrastructures. Les gens pressent le gouvernement fédéral de s'asseoir avec les gouvernements provinciaux afin qu'on puisse établir les modalités d'un programme d'infrastructures encore plus large que celui qu'on a connu en 1994-1995.

Deux priorités sont clairement ressorties de cette consultation. La première concerne le logement social. Les gens, même ceux du secteur des affaires, considèrent que la situation est dramatique à l'heure actuelle. Seulement au Québec, il y a 518 000 personnes qui, à cause de leur faible revenu et de la portion de ce revenu qu'ils consacrent au logement, devraient pouvoir bénéficier d'un logement social, alors qu'il y a seulement 63 000 logements disponibles. Il y a de plus en plus de gens qui consacrent jusqu'à 50 p. 100 de leur revenu pour le paiement du loyer. Il y a quelques années, on avait établi à 30 p. 100 le seuil qui appauvrissait les gens. C'était la limite à ne pas franchir, sinon on sacrifiait de l'argent pour la nourriture, les vêtements, le soin des enfants, etc. Mais actuellement, monsieur le président, plusieurs milliers de personnes dépensent jusqu'à 50 p. 100 de leur revenu pour se loger.

Il y a également la politique de construction navale. Il est incroyable que le gouvernement d'un pays entouré d'eau, où on retrouve pratiquement les plus grandes surfaces d'eau du monde et notamment les plus grandes surfaces fluviales, ne se soit pas doté d'une véritable politique de construction navale. M. Dubé, qui est un ardent promoteur de cette politique, pourra vous donner des précisions. Il me semble qu'il serait temps qu'on se dote de ce type de politique. Je vous rappellerai que les chantiers navals ont déjà occupé plus de 12 000 personnes, tandis qu'à l'heure actuelle, ils n'en embauchent que de 4 000 à 5 000, ou même encore moins. Certains chantiers sont également menacés de fermeture à plus ou moins brève échéance. Les gens ont réclamé qu'on alloue 3 milliards de dollars aux projets d'infrastructures, notamment dans les domaines du logement social et de la construction navale.

J'ose espérer, comme mes collègues et le chef du Bloc québécois, que cet exercice éminemment démocratique entrepris par le Bloc aura un écho auprès du gouvernement et que les suggestions que nous avons faites se retrouveront dans le prochain budget.

J'en profite aussi pour remercier tous ceux et celles qui ont contribué à cet exercice, soit tous les Québécois et toutes les Québécoises de toutes les régions du Québec, de même que tous mes collègues du Bloc québécois. Cet exercice a été très fructueux et enrichissant à tous points de vue. Je vous souhaite de réaliser un jour une consultation aussi large que celle-là, auprès de 3 000 personnes et de maints organismes régionaux et nationaux. C'est un exercice très enrichissant pour la vie parlementaire. Merci.

Le président: Thank you. Monsieur Dubé.

M. Yvan Loubier: M. Dubé pourra vous donner certaines précisions sur la politique de construction navale.

M. Antoine Dubé (député de Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je serai bref afin de vous laisser le temps de poser des questions.

Il y a depuis très longtemps un chantier naval dans ma circonscription, et mon chef m'a demandé, il y a deux ans, de m'occuper particulièrement de ce dossier et de l'aborder dans la perspective la plus large possible, l'étendant à tout le Canada. J'ai visité tous les chantiers maritimes importants au Canada et rencontré tous les intervenants dans ce secteur, y compris l'Association de la construction navale du Canada, qui regroupe les propriétaires de ces chantiers. J'ai également visité de plus petits chantiers et rencontré des représentants syndicaux et des armateurs.

• 1210

Le 8 décembre de l'an dernier, on convoquait ici, à Ottawa, une réunion à laquelle participaient le député du Parti réformiste M. Epp, M. Duceppe, le chef parlementaire du Parti conservateur, la chef du Nouveau parti démocratique, le président de l'Association de la construction navale et tous les syndicats d'une coalition. Il s'agissait sûrement de l'une des premières fois où se réunissaient les trois grands syndicats qui couvrent l'ensemble du pays et qui s'entendent bien entre eux, et l'association des patrons. Ils déposaient, au terme de cette réunion, une demande conjointe contenant sept mesures, dont trois qui sont de portée fiscale et dont j'aimerais vous parler aujourd'hui.

J'ai repris presque mot à mot les trois mesures que revendiquaient ces associations dans le projet de loi C-213 que j'ai déposé l'automne dernier. J'aimerais souligner le fait que ces mesures ont été appuyées lors de la Conférence des premiers ministres provinciaux qui a eu lieu à Québec en août dernier.

Je lisais ce matin un rapport de la Chambre de commerce du Canada où l'on indique que nos chantiers navals ne peuvent pas concurrencer de façon équitable ceux des autres nations constructrices de navires. Au Canada, nos chantiers sont affectés par l'absence de garanties de prêts, l'absence de subventions pour la recherche et le développement, l'absence de subventions directes à la construction, l'absence de taux préférentiel pour le financement des exportations et l'absence d'avantages fiscaux.

La Chambre de commerce recommande:

    Que le gouvernement fédéral appuie les industries de la construction navale, de la réparation navale, de l'exploitation sous-marine ainsi qu'autres connexes en convoquant ensemble sans délai les ressources de ces industries pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de construction navale, laquelle va assurer la viabilité à long terme d'une industrie de la construction navale faite au Canada et concurrentielle.

Lors de leur congrès tenu en mars 1998, les militants du Parti libéral, y compris certains députés libéraux, adoptaient la résolution suivante:

    IL EST RÉSOLU QUE le Parti libéral du Canada invite instamment le gouvernement canadien à mettre immédiatement au point une politique nationale de construction navale pour venir en aide à cette industrie et ainsi maintenir et renforcer le degré d'excellence et les technologies qui nous ont valu une grande réputation et que nous risquons de perdre.

Puisque je parle ici de pertes, je relaterai les propos que nous avons entendus hier soir de la part des représentants de plusieurs chantiers navals lors des audiences du Comité des finances, où je remplaçais M. Loubier. Pendant un an et peut-être même deux ans, les 1 200 travailleurs du chantier de Lévis n'ont eu aucun contrat. La même situation prévalait à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, et on a dû fermer les portes du chantier au mois de décembre. Je ne répéterai pas tous les arguments qu'ils ont invoqués. Ces témoins nous disaient également que leurs salaires n'étaient pas plus élevés qu'ils le sont ailleurs dans le monde et qu'ils disposent d'équipements de haute technologie.

Le projet de loi que j'ai déposé a fait l'objet d'une première heure de débat en deuxième lecture et il reste encore deux autres heures de débat. Selon la liste, il devrait revenir au Feuilleton à la fin février pour une deuxième heure, tandis que la troisième heure aura peut-être lieu en avril. Le prochain budget sera donc déposé avant que nous ne passions à ces étapes, et c'est pour cette raison que je soulève aujourd'hui cette question. Il est absolument essentiel et impérieux que vous, membres du comité, recommandiez au ministre des Finances d'inscrire dans son prochain budget des mesures en vue de favoriser la construction navale au Canada.

Une de ces trois mesures porte sur la mise en oeuvre d'un programme de garanties de prêts. Nous devons modifier les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu régissant le crédit-bail afin que l'industrie navale puisse se prévaloir de cette possibilité. Un bateau ne coûte pas 25 000 $, mais bien des millions de dollars. Le gouvernement fédéral devrait, comme l'a fait le gouvernement du Québec, prévoir un crédit d'impôt remboursable qui puisse être étalé sur plusieurs années, surtout dans le cas du premier bateau d'une série. En n'harmonisant pas sa politique à celle du Québec, le gouvernement fédéral fait en sorte que les profits des chantiers navals du Québec sont imposables au niveau fédéral, ce qui, à mon avis, n'est pas normal.

• 1215

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Dubé, monsieur Duceppe et monsieur Loubier.

Avant de passer à la période des questions et réponses, je tiens personnellement à vous remercier infiniment de votre mémoire et de votre contribution au processus des consultations prébudgétaires. Vous avez certainement beaucoup réfléchi à la question pour préparer ce mémoire et je vous en suis très reconnaissant.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je m'excuse de m'être absenté pendant un instant. Je devais prendre la parole en Chambre, mais grâce à mes excellents talents de négociateur, j'ai changé de place avec un collègue.

Je tiens, moi aussi, à féliciter nos collègues du Bloc québécois du travail qu'ils ont fait. À mon avis, c'est une meilleure représentation ou un meilleur modèle de ce que devrait être nos consultations prébudgétaires, au lieu de parcourir le pays et d'écouter un grand nombre de groupes d'intérêts prédéterminés. Je dit cela sans mépris pour ces groupes d'intérêts particuliers, car j'estime qu'ils occupent aussi une place tout à fait légitime à la table, mais ils ont certainement des députés dans leur circonscription. S'adresser à la population et lui demander quelles sont ses aspirations me semblent une façon tout à fait appropriée de mener ce processus. Je vous en félicite et vous en remercie.

J'ai quelques questions. Je veux vider mon sac. Depuis six ans, je vous entends dire «Québecois et Canadiens». Vous faites toujours une distinction entre les Québécois et les Canadiens. Je pense savoir ce à quoi vous voulez en venir et je comprends—j'essaie vraiment de comprendre—mais ici, il est question du gouvernement fédéral, du régime fiscal fédéral. Les habitants du Québec, tout comme les citoyens de ce pays, versent des impôts à Ottawa et ont donc un rôle aussi légitime à jouer ici que tout autre citoyen du pays dans la détermination de la répartition de ce budget, de la perception de ces impôts et de la façon de les dépenser.

Ce n'est pas un problème, mais je voulais déballer ce que j'ai sur le coeur. J'aimerais vraiment que vous disiez simplement «Canadiens» au lieu de «Québécois et Canadiens». Je sais que je ne vous en persuaderez pas aujourd'hui, mais je vous remercie de m'avoir laissé m'épancher.

Je veux vous poser une question précise sur l'assurance- emploi. Vous avez mentionné qu'en ce qui concerne l'AE, on devrait inclure dans le budget une dépense de 7 milliards de dollars. J'ai probablement raté cela—malheureusement je ne suis pas à la hauteur en français—donc je vous demande une précision. Cette dépense devrait-elle prendre la forme d'une réduction des cotisations? Ou devrait-on augmenter les prestations aux chômeurs? Si c'est le cas, dans quelle proportion?

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur Epp, je suis très heureux que vous soyez de retour. J'étais très déçu lorsque je vous ai vu partir. Je pensais que ce qu'on présentait ne vous intéressait pas. Je comprends toutefois maintenant le contexte. Je m'excuse d'avoir été un peu agressif à votre égard parce que je sais que vous êtes très intéressé par tout ce processus-là et par tout ce que fait le Bloc québécois.

En ce qui a trait au régime d'assurance-emploi, on s'est aperçu à l'usage, et même à partir de données gouvernementales fournies par Développement des ressources humaines Canada, qu'à l'heure actuelle, malgré le fait que tout le monde paie des cotisations à l'assurance-emploi—je pense ici aux jeunes, aux femmes aux travailleurs saisonniers, etc.—il y a moins de la moitié des gens qui peuvent en bénéficier lorsqu'ils sont frappés par le fléau du chômage. À l'heure actuelle, seulement 42 p. 100 des gens qui ont déjà contribué à la caisse d'assurance-emploi peuvent, dans les faits, bénéficier du régime.

Lorsqu'un régime ne rejoint même plus la moitié de la population visée, il faut le réformer. On ne dit pas qu'il faut revenir au régime antérieur, qui était très permissif. On demande que le régime soit guidé par le gros bon sens. Lorsque vous arrivez dans une situation où 42 p. 100 des gens sont couverts, cela n'a plus de bon sens. On vise 70 ou 75 p. 100, ce qui est un pourcentage normal.

Il y a dans le régime des aberrations qu'il faut corriger. Je pense entre autres au traitement qu'on fait notamment aux femmes, aux jeunes et aux femmes enceintes. Cela n'a aucun sens. On propose d'utiliser la grande partie des surplus générés. Cette année, les surplus de la caisse, malgré les taux de cotisation réduits annoncés par le ministre des Finances, pourraient dépasser 6 milliards de dollars. Utilisons une partie de ces surplus pour réformer le régime de façon à en arriver à quelque chose de plus humain et de plus efficace dans notre lutte contre le fléau du chômage.

Au niveau de la réduction des taux de cotisation, il y a certains représentants, notamment des représentants patronaux, qui ont suggéré durant nos consultations une nouvelle réduction des taux de cotisation. Nous disons oui. Par contre, pour ce qui est de l'utilisation des surplus, la grande priorité devrait être de corriger les graves lacunes du régime d'assurance-emploi. C'est ce que nous voulons faire.

• 1220

Quant à votre première question, je ne sais pas si M. Duceppe voudrait y répondre.

M. Gilles Duceppe: Non.

M. Yvan Loubier: Pour ce qui est de votre première question, on est fiers d'être Québécois, ça c'est sûr. Vous savez qu'on rêve d'un jour où toutes nos taxes et tous nos impôts seront payés à Québec, avec un grand partenariat avec le reste du Canada. C'est pour cela qu'on fait déjà des distinctions. On se prépare pour l'avenir.

[Traduction]

M. Ken Epp: Je sais que c'est ce que vous voulez. Ce n'est pas mon cas, mais ça ne fait rien. Nous tentons de nous comprendre les uns les autres.

Puis-je donc résumer en disant que pour vous, l'augmentation des prestations d'AE doit l'emporter sur la réduction des cotisations? C'est ce que j'ai cru comprendre.

[Français]

M. Yvan Loubier: Sans avoir fait de consultations précises sur les proportions, nous proposons, étant donné ce qui est ressorti lors des discussions, qu'on en attribue les trois quarts à l'amélioration du régime. Attribuer l'autre quart aux baisses de cotisations serait une excellente idée.

Si vous saviez combien de gens passent par nos bureaux de comté—et vous avez probablement aussi les mêmes demandes—croyant avoir droit au prestations du régime d'assurance-emploi. Ce sont des gens qui veulent travailler, qui se cherchent de l'emploi tous les jours, qui n'arrivent pas à en trouver pendant une certaine période de temps et qui ont été complètement mis de côté parce qu'ils ne conformaient plus aux nouvelles normes très serrées du régime d'assurance-emploi qui ont cours depuis deux ans. Ces gens-là sont coincés entre l'arbre et l'écorce parce que lorsqu'ils se tournent du côté de l'aide sociale, ils n'y ont pas droit non plus, ayant des actifs trop élevés. Alors, ils s'appauvrissent, s'appauvrissent et s'appauvrissent.

On est en train de faire de la classe des personnes ayant des revenus moyens une classe de plus en plus pauvre. Ce sont ces mêmes gens qui cotisent le plus au régime d'assurance-emploi.

M. Gilles Duceppe: Ceux qui ont un revenu inférieur à 35 000 $.

M. Yvan Loubier: C'est cela. Ceux qui sont le plus frappés par le fléau du chômage sont souvent dans la même catégorie. Ceux qui sont frappés de plein fouet depuis 1994 par des impôts trop élevés, ce sont encore eux. À un moment donné, il faut les ménager parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont les gens qui ont la plus grande propension marginale à consommer. C'est-à-dire que si vous leur donnez un dollar d'économie d'impôt supplémentaire, ils vont le consommer, l'investir et contribuer à la croissance économique et à la création d'emplois.

[Traduction]

Le président: Merci.

M. Ken Epp: Je me souviens, il y a de nombreuses années, lorsque j'étais étudiant, j'ai eu maille à partir avec ce qui s'appelait était à l'époque la Commission d'assurance-chômage. J'ai écrit pour dire à la commission qu'il était injuste de me forcer à cotiser à un régime d'assurance auquel je ne voulais pas participer et qu'il était immoral de me forcer à cotiser à un régime dont je ne pouvais absolument pas bénéficier puisque je quittais mon emploi pour retourner à l'école à l'automne. On m'a répondu que cela n'avait rien à voir avec moi, mais avec mon employeur qui serait emprisonné s'il ne prélevait pas et ne remettait pas les cotisations prévues.

Est-ce ce à quoi vous songez lorsque vous parlez des jeunes? Voulez-vous que le ministre des Finances déclarent qu'à partir de cette année, les étudiants n'auront pas à cotiser à l'assurance- emploi? Est-ce ce que vous voulez?

[Français]

M. Yvan Loubier: Non, ce n'est pas cela du tout, monsieur Epp. Comme vous, nous nous préoccupons de la réinsertion ou de l'insertion des jeunes sur le marché du travail. Un avenir, cela se construit avec un emploi et la dignité qui vient avec. Il est inéquitable d'avoir deux classes de citoyens, soit une classe de citoyens qui est traitée d'une façon plus favorable qu'une autre pour une question d'âge. Ce qu'on veut, c'est qu'on revoie le régime afin de voir s'il n'y a pas moyen de corriger les iniquités qui peuvent exister entre les classes d'âge et également entre les sexes, parce que les femmes sont très mal traitées par ce régime. Nous suggérons donc qu'on apporte certaines améliorations et qu'on fasse en sorte que ce qui s'apparente à une grosse clause orphelin pour les jeunes dans le régime de l'assurance-emploi soit corrigé et que ce qui est inéquitable pour les jeunes soit aussi corrigé.

Comme je vous le mentionnais plus tôt, il n'est pas question pour nous d'avoir un régime qui soit tout à fait relâché, où on laisse les gens aller et où c'est le bar ouvert, comme on dit. Il n'est pas question de cela.

M. Gilles Duceppe: Il faudrait peut-être préciser que les cotisations payées par une personne qui retourne aux études lui reviennent jusqu'à concurrence d'un certain montant. De mémoire, je pense que c'est 2 000 $.

M. Yvan Loubier: Il y a un certain plafond.

M. Gilles Duceppe: Je pense qu'on devrait augmenter ce plafond à 3 000 $ et récupérer cela lors du rapport d'impôt. On devrait augmenter le plafond, sinon on prend simplement dans les poches des gens de l'argent dont ils ne verront jamais la couleur.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Epp.

Monsieur Discepola.

• 1225

[Français]

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): J'étais dans mon bureau et j'écoutais la transmission de votre présentation. J'ai eu des doutes sur quelques chiffres que vous lanciez. Monsieur Loubier, vous voulez tout avoir, mais vous n'avez pas précisé comment nous pouvions payer tout cela. Je m'explique à ce sujet.

Vous voulez 6 milliards de dollars de baisses d'impôt pour les particuliers. Vous voulez 3 milliards de dollars de réduction de la dette. Vous voulez un projet d'infrastructures de 3 milliards de dollars. Vous voulez que l'assurance-emploi remette de l'argent aux employeurs et aux employés. Il faut toutefois savoir une chose, et c'est qu'il n'y a pas 100 milliards de dollars à répartir.

Depuis votre arrivée à Ottawa, vous avez toujours critiqué les prévisions du ministre des Finances. Je crois que le ministre des Finances a été prudent et que cela a été sage de sa part.

Je crois que nous allons entendre cet après-midi les témoignages de sept ou huit économistes. Je suis persuadé qu'on va avoir également sept fois huit, soit 56 opinions sur les prévisions.

Vous avez souligné deux choses. D'abord, vous avez indiqué que notre priorité était censée être le rétablissement des niveaux des transferts aux provinces, surtout dans le domaine de la santé. Dans notre province, le gouvernement provincial a récemment injecté environ 1,4 milliard de dollars dans la santé. Cela n'a pas réglé du tout le problème des engorgements dans les urgences. Quand je vois que le gouvernement du Québec a pris la décision d'agir selon ses priorités, je me demande si c'est uniquement de l'argent qu'il faut redonner au secteur de la santé ou s'il n'y aurait pas d'autres choses à faire.

Pour ce qui est des priorités du gouvernement du Québec, celui-ci a voulu donner 360 millions de dollars pour venir en aide à l'usine de la General Motors, à Boisbriand, même si la demande n'avait pas été faite. Je regarde notre propre ministre, Mme Marois, qui a décidé de dépenser, non pas une fois mais deux fois, 400,000 $, ce qui veut dire 800,000 $, pour rénover ses bureaux à à Québec et à Montréal et installer des toilettes silencieuses.

Je me demande si vous avez fait allusion au nombre de postes de médecins que ces sommes d'argent pourraient créer. Quand je fais la même analyse que vous avez faite, je constate que le Québec dépense 9,2 p. 100 de son produit intérieur brut pour la santé. Quand des spécialistes ont fait une analyse il y a deux ans, ils nous ont dit qu'il fallait réinjecter un tel montant d'argent pour les soins de santé. C'est ce que le gouvernement a fait dans le dernier budget. Je me demande s'il faut toujours injecter de l'argent pour régler les problèmes de la santé ou s'il n'y a pas d'autres manières de régler ces problèmes.

M. Gilles Duceppe: Une bonne manière de régler un des problèmes serait d'éliminer la bureaucratie à Ottawa, qui se mêle de santé, alors que vous ne gérez aucun hôpital, aucune école, et que vous vous mêlez de donner des leçons à ceux qui donnent les services à la population. La première des choses à faire serait peut-être de vous retirer de là où vous n'avez pas affaire. Ce serait la première des choses.

Deuxièmement, vous vous demandez s'il y a des besoins financiers ou non. Il est assez effronté de nous dire cela alors qu'Ottawa, pour ses besoins financiers, est venu couper 33 milliards de dollars aux provinces dans les domaines de la santé, de l'enseignement postsecondaire et du soutien du revenu. Ce n'est pas compliqué. Si vous voulez trouver les chiffres, prenez les budgets de Paul Martin chaque année ainsi que les prévisions jusqu'en 2003, et vous allez arriver à 32,5 milliards de dollars. It's on the record, très clairement.

Quand on me dit des choses comme celle-là, je pense qu'il y a de l'irresponsabilité. Vous prenez des décisions à Ottawa, vous vous en lavez les mains et vous demandez aux provinces de subir l'odieux des coupures dans les services essentiels, alors que vous n'avez rien à faire dans ces domaines. Vous n'avez aucune expertise dans ces domaines. Je trouve ces remarques passablement effrontées. Vous parlez de dépenses et soulevez le cas de Pauline Marois. Si on faisait le bilan des dépenses ici, je peux vous dire qu'on pourrait en trouver, des 400,000 $, et on en trouve. Ce n'est pas la façon dont vous gérez l'armée canadienne et les services dits secrets, dont à peu près tout le monde connaît les secrets, qui est un très bon exemple. Ce ne sont pas non plus toutes ces parades de la Gouverneure générale, qui ne paie pas un cent d'impôt, qui sont un très bon exemple pour la bonne gestion de ce pays. Vous n'avez aucune leçon à donner dans ce domaine.

Il y a même des aberrations. Pendant trois ans, 4 000 chapeaux de trop ont été achetés par la GRC. J'imagine que la solution que vous avez trouvée a peut-être été d'embaucher 4 000 personnes pour aller sous ces chapeaux. C'est tout à fait le style des décisions d'Ottawa. Peut-être que M. Loubier pourrait faire un commentaire à ce sujet.

M. Yvan Loubier: Oui.

M. Gilles Duceppe: Pour qu'il soit plus instruit.

• 1230

M. Yvan Loubier: Oui, je peux apporter d'autres précisions. Depuis 1994, depuis le premier budget de M. Martin, l'ensemble des coupures cumulatives a fait en sorte que, jusqu'à présent, on a enlevé 21 milliards de dollars aux provinces canadiennes pour financer l'aide sociale, la santé et l'enseignement supérieur.

M. Nick Discepola: M. Duceppe parlait de 33 milliards de dollars.

M. Yvan Loubier: Attendez une seconde.

M. Nick Discepola: Quel est le vrai chiffre?

M. Yvan Loubier: Pour le Québec seulement, il manque 6,3 milliards dans les coffres...

M. Nick Discepola: Sur combien d'années?

M. Yvan Loubier: ...du gouvernement du Québec pour financer...

M. Nick Discepola: Sur combien d'années?

M. Yvan Loubier: Écoutez, vous voulez avoir une réponse, on vous en donne une.

M. Nick Discepola: C'est sur cinq ans.

M. Yvan Loubier: Si vous n'êtes pas d'accord sur la réponse, c'est un autre problème.

M. Gilles Duceppe: Prenez des notes et vous allez mieux comprendre.

M. Yvan Loubier: C'est cela, prenez des notes, et vous ne me poserez pas ce genre de question.

Depuis 1994, de façon cumulative, au Québec, il manque 860 $ par personne. Vous êtes un député du Québec et vous devriez donc vous soucier du bien-être des Québécois. Il y a 860 $ de moins par Québécois à cause des coupures dans les trois domaines que j'ai mentionnés et 711 $ par personne dans l'ensemble du Canada. Comment se fait-il que nous ayons subi plus de coupures? Pour l'Ontario, c'est 677 $.

J'ai une autre réponse à vos questions. Vous posez beaucoup de questions, mais nous avons beaucoup de réponses.

M. Nick Discepola: Mais vous n'avez pas répondu à ma question primordiale, monsieur Loubier, qui était à de savoir...

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, la prudence des prévisions du ministre des Finances, qu'est-ce que c'est?

M. Nick Discepola: Est-ce un dialogue ou un...

M. Yvan Loubier: On a fait des prévisions.

[Traduction]

Le président: Permettez-lui de répondre.

[Français]

M. Yvan Loubier: On a fait des prévisions sur les surplus et on en faisait auparavant sur les déficits. M. Martin nous disait: «Mais qu'est-ce que c'est que ces prévisions?» C'est ce qu'il nous disait au mois de février, lorsqu'on les a rendues publiques. En juin, quelques mois plus tard, il faisait exactement ou à peu près les mêmes prévisions que nous.

Je me rappelle avoir fait des calculs année après année depuis 1994. M. Martin s'est trompé, en moyenne, de plus de 100 p. 100 en trois ou quatre mois dans ses prévisions. Où va-t-on prendre l'argent? Vous avez là la réponse de Paul Martin: selon lui, c'est 95 milliards de dollars; selon moi, il s'agit de 150 milliards de dollars au minimum. Selon une équipe d'économistes de la Banque de commerce canadienne impériale, c'est 150 milliards de dollars au cours des sept prochaines années. Les surplus doivent être rajustés de 50 p. 100 à la hausse.

Vous voulez savoir où on va prendre l'argent? C'est là qu'on va le prendre. Savez-vous comment on obtient cet argent-là? On l'obtient des provinces, en retranchant 33 milliards de dollars du Transfert social canadien, et des particuliers à revenu moyen, ceux qui gagnent de 30 000 $ à 70 000 $.

M. Nick Discepola: C'est la preuve concrète. Monsieur le président, est-ce que je peux parler maintenant?

Le président: Oui.

M. Yvan Loubier: Une dernière réponse, monsieur le président.

Au sujet de Boisbriand, est-ce que le député est en train de dire qu'il reproche au ministre Landry d'être passé par des programmes réguliers du gouvernement du Québec, par des programmes de prêts à long terme et de changement technologique pour essayer d'aider ces travailleurs, alors que son collègue John Manley, le ministre de Toronto, lui, n'a pas levé le petit doigt pour sauver Boisbriand jusqu'à présent? Est-ce qu'il est en train de dire qu'il n'est pas d'accord avec Bernard Landry, qui veut sauver des centaines d'emplois à Boisbriand?

[Traduction]

Le président: M. Discepola peut dire un mot, puis nous passerons à Mme Guarnieri et à Mme Leung.

[Français]

M. Nick Discepola: Est-ce que je peux avoir autant de temps, monsieur le président?

La question, monsieur Loubier, c'est que tout le monde vient ici pour dire qu'il faut injecter d'autres sommes d'argent. La preuve concrète, dans notre province...

Une voix: Oh, oh!

M. Nick Discepola: Est-ce que je peux parler, s'il vous plaît?

La preuve concrète, c'est que notre gouvernement a injecté 1,4 milliard de dollars et que cela n'a pas réglé le problème.

Pour ce qui est de Boisbriand, c'est drôle que le gouvernement offre 360 millions de dollars à une compagnie qui n'en a pas fait la demande alors qu'il y a des problèmes dans le secteur de la santé. C'est une question de priorité pour le gouvernement. C'est le choix de la province.

Vous avez aussi donné l'exemple d'une famille de quatre personnes ayant deux enfants qui commence à payer des impôts au Canada alors que son revenu atteint 13 779 $ tandis que cette famille ne paie de l'impôt au Québec qu'à partir d'un revenu familial de 30 316 $.

Pouvez-vous alors m'expliquer comment il se fait que notre province soit l'État le plus taxé en Amérique du Nord? Est-ce la faute du fédéral encore une fois?

M. Yvan Loubier: Attendez un peu!

On a commencé une réforme de la fiscalité des particuliers dès 1994. Ce n'est pas difficile. C'est depuis que le Parti québécois est au pouvoir à Québec, parce que le Parti libéral s'est mis le doigt dans l'oeil pendant toutes ces années où il a été au pouvoir. Il nous a donné en héritage un déficit de cinq milliards de dollars. On a redressé les finances publiques et, malgré toutes les décisions difficiles que le gouvernement du Québec a prises, on a enclenché dès cette année-là, en fonction des années suivantes, une véritable réforme de l'impôt des particuliers. On a justement relevé les seuils d'imposition nulle. On a commencé à le faire.

Ici, notre ministre fédéral des Finances, Paul Martin, le monsieur des bateaux, est très rapide sur la gâchette lorsque vient le temps de modifier des dispositions fiscales concernant les bateaux à propriété canadienne qui évoluent dans des eaux autour des paradis fiscaux. Mais quand vient le temps de prendre ses responsabilités et de réduire les impôts des particuliers, d'éliminer une aberration, un scandale terrible qui a son origine dans la non-indexation des tables d'impôt, il nous félicite en Chambre en disant qu'on fait de belles études et de bonnes propositions de réforme sur la fiscalité, mais ensuite il ne fait rien. Nous aurions préféré qu'il nous félicite moins et qu'il se mette au travail pour commencer à régulariser la situation au niveau des seuils d'imposition et de la non-indexation.

• 1235

On commence un travail au Québec. On l'a bien commencé en s'attaquant d'abord aux revenus faibles et moyennement faibles. Savez-vous où M. Martin a commencé sa réforme de la fiscalité? Il l'a commencée cette année en éliminant la surtaxe de 3 p. 100, ce qui favorise les gens ayant des revenus de 250 000 $ et plus.

Au Québec, la structure fiscale est éminemment démocratique. Nous avons eu la décence de commencer par les faibles revenus pour faire en sorte que les familles ayant un faible revenu, qui en arrachent déjà, ne commencent à payer de l'impôt que lorsque leur revenu atteint 30 000 $. Commencez donc par faire vos devoirs avant de cracher comme cela sur le Québec.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Il y a trois autres intervenants et je vous demanderais de vous en tenir à de courtes entrées en matière et à des réponses plus brèves aussi. Ce serait très bien.

Madame Guarnieri.

[Français]

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Si j'ai bien compris, vous avez dit que le problème qui se pose est de savoir comment on va dépenser les surplus.

Vous avez souligné également qu'on devait réinvestir l'argent pour soulager ceux qui étaient au chômage. Vous nous avez aussi dit que vous aviez tenu beaucoup de consultations. Je pense qu'il ne fait aucun doute que le surplus doit revenir aux travailleurs du Québec et de partout au Canada.

Quand je faisais partie du Comité permanent du développement des ressources humaines, nous avions fait un rapport unanime à propos des personnes âgées. Dans ce rapport, il y avait une recommandation demandant au gouvernement d'envisager l'établissement d'un fonds pour les travailleurs qui serait géré par les provinces.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais les États-Unis ont déclaré qu'ils ont une crise de main-d'oeuvre et que 90 millions de personnes devront suivre des cours de formation pendant les cinq ou dix prochaines années. Nous aurons sûrement le même phénomène. Vu ces faits, êtes-vous prêts à appuyer les recommandations du Comité du développement des ressources humaines?

M. Gilles Duceppe: Pour ce qui est de la question de l'assurance-emploi, les quatre partis de l'opposition, à l'initiative du Bloc québécois, ont proposé la création d'une caisse autonome d'assurance-emploi gérée par les employeurs et les employés, donc ceux qui paient des cotisations, pour faire en sorte que le gouvernement ne vienne pas piger—et je suis poli—dans cette caisse, qui contient des surplus qui atteindront 25 milliards de dollars.

Il faut se rendre compte qu'on a pris de l'argent dans les poches de ceux et celles qui gagnent moins de 39 000 $, parce qu'on ne paie pas de cotisations après 39 000 $, qu'on a également imposé une taxe sur l'emploi aux employeurs et qu'on utilise l'argent à d'autres fins, ce qui est proprement inacceptable.

S'il existait une telle caisse autonome gérée par ceux qui contribuent, puisque le fédéral ne contribue plus un sou à l'assurance-emploi, on pourrait dégager, avec les provinces qui sont responsables de la main-d'oeuvre, certains de ces fonds pour préparer les travailleurs et les travailleuses en fonction des besoins actuels mais aussi des besoins futurs de l'économie, ce qui ne se fait pas actuellement puisqu'on utilise cet argent à d'autres fins. Je pense qu'il y a beaucoup de points qui vont dans le sens de ce que vous proposez.

Mme Albina Guarnieri: Au Comité du développement des ressources humaines, on a eu l'idée de donner des outils aux travailleurs pour qu'ils se préparent au millénaire. On ne voulait rien changer au fait qu'il appartient aux provinces de livrer les programmes. Dans cet esprit-là, est-ce que vous êtes à même d'appuyer notre recommandation?

• 1240

M. Gilles Duceppe: Si ces fonds, qui doivent servir aux employeurs et aux employés, étaient remis aux provinces dans le cadre des paiements de transferts, elles pourraient faire ce travail, étant plus près de la réalité que ne l'est le fédéral.

Mme Albina Guarnieri: Le travailleur connaît les besoins. Par exemple, nous donnons beaucoup d'argent quand quelqu'un est en chômage, mais je trouve que c'est un pis-aller pour quelqu'un qui est désespéré et qui essaie de s'accrocher à quelque chose.

Par exemple, prenez le cas d'un concierge d'école qui sait que son emploi prendra fin dans deux ans. S'il a un fonds personnel, il peut penser que s'il apprend le français, cela améliorera ses chances de se trouver un autre emploi. Il peut prendre la décision et choisir un cours à suivre. Ce sera géré par la province. Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Gilles Duceppe: Je pense qu'on pourrait étudier cela à fond, mais au départ, cela suppose une chose, soit que le ministre des Finances cesse de piger dans cette caisse pour s'en servir à d'autres fins. C'est une condition préalable.

Mme Albina Guarnieri: Oui, mais vous êtes d'accord sur la raison pour laquelle on parle d'un surplus aujourd'hui. C'est parce qu'on a un ministre qui agit de façon sage et responsable. On n'a jamais eu la chance de discuter de la façon de dépenser l'argent.

M. Gilles Duceppe: Oui, mais si mon agent d'assurance me faisait payer deux ou trois fois le montant de ma prime, mettait les profits dans ses poches et me disait, alors que ma maison a brûlé: «Je regrette, mais c'était pour le deuxième feu seulement», je pourrais bien discuter avec lui en me disant que c'est fantastique, que cet homme a de l'argent, mais il m'aurait quand même volé de l'argent. C'est exactement ce qui se passe dans le cas du ministre des Finances.

Mme Albina Guarnieri: Je pense que le ministre a toujours agi de façon prudente et responsable.

M. Gilles Duceppe: Oui, mais je veux vous poser une question. Est-ce qu'on appelle un homme responsable quelqu'un qui fait en sorte que seulement 42 p. 100 de ceux et celles qui paient des cotisations d'assurance-emploi ont droit aux prestations quand ils sont au chômage? C'est tellement vrai que cette année, dans le rapport du ministère du Développement des ressources humaines, on a enlevé cette statistique.

C'est un peu cela, la tactique libérale. On pense qu'en ne parlant pas d'une chose, on règle le problème. On ne parlera pas de cette statistique et il n'y aura plus de problème. On ne parle pas du référendum et il n'y a plus de problème. On ne parle pas du chômage et il n'y a plus de chômage. C'est la pensée magique.

Je vous soumets que ce n'est pas très honnête de masquer la réalité, de prendre de l'argent dans les poches des plus démunis et ensuite de jouer au grand prince capable d'être un homme raisonnable, s'occupant des finances de façon raisonnable et responsable.

Il a pris de l'argent dans les poches des plus démunis, il a coupé dans l'assurance-emploi, dans la santé, dans l'éducation et dans le soutien du revenu, et on voudrait qu'on louange cet homme. Je vous dis qu'il serait possible d'administrer en fonction des besoins de la population et des plus démunis plutôt que de plaire aux plus riches de cette société, plutôt que d'accumuler de l'argent à Ottawa alors que ce n'est pas le fédéral qui donne les services directs à la population, mais bien les provinces.

Il y a un dysfonctionnement dans cette fédération. Ceux qui donnent les services n'ont pas d'argent et ceux qui ont de l'argent n'ont pas à dispenser les services. Il y a quelque chose qui ne va pas.

Mme Albina Guarnieri: Mais c'est parce que le ministre comprend le sacrifice des Canadiens et des Canadiennes.

M. Gilles Duceppe: Qui fait des sacrifices, madame? Ceux qui ont des bateaux à Panama, enregistrés dans autre pays pour ne pas payer d'impôt ici? Ils donnent des leçons aux gens.

On veut parler sérieusement.

Mme Albina Guarnieri: Le ministre comprend très bien qu'ils font des sacrifices. Pour payer les services, il faut toujours avoir de l'argent.

M. Gilles Duceppe: Est-ce que le ministre des Finances ne donnerait pas le bon exemple si ses compagnies versaient de l'argent ici, au Canada, plutôt que de profiter des paradis fiscaux? Cet homme connaît suffisamment bien le régime pour se dire qu'il ne payera pas d'impôt ici. C'est ce qui se passe.

• 1245

Regardez où sont les bateaux de la Canada Steamship Lines. Quel pavillon battent-ils quand ils se promènent de par le monde? Regardez où sont payés les impôts. Est-ce que c'est cela, donner l'exemple, quand on demande aux gens de faire des sacrifices? Comment peut-on s'en sauver d'une façon aussi ignoble? Vous me dites qu'il est un homme responsable. J'ai une autre définition de la responsabilité.

Mme Albina Guarnieri: Je pense que la majorité des Canadiens ne sont pas d'accord avec vous.

M. Gilles Duceppe: Non, parce qu'ils ne savent pas ce qui se passe.

Mme Albina Guarnieri: Je pense qu'ils comprennent très bien que pour la première fois, on discute d'un surplus. C'est le meilleur argument qu'on puisse avoir. Ils savent qu'on a un surplus.

M. Yvan Loubier: Madame Guarnieri, ils comprennent que celui qui demande à la population de faire des sacrifices qu'on n'avait jamais vu depuis les 30 dernières années, des sacrifices incommensurables, cet homme qui se dit un grand Canadien, avec la main sur le coeur, a des bateaux qui ne battent pas pavillon canadien; ils battent pavillon panaméen parce qu'il fait des affaires dans des paradis fiscaux.

Ils comprennent que cet homme qui leur demande des sacrifices—même aux plus démunis, aussi, car il a mis dans la rue une partie des itinérants à Toronto, comme à Montréal ou à Vancouver—ne paie pas d'impôt au Canada. Est-ce qu'ils comprennent que cet homme ne respecte pas les normes canadiennes du travail parce qu'il se base sur les normes du travail des pays considérés comme des paradis fiscaux, c'est-à-dire l'absence de normes de travail? Ils comprennent que cet homme ne se plie pas aux lois de l'environnement du Canada parce qu'il s'est arrangé pour ne pas se plier aux lois de l'environnement du Canada en faisant voguer ses bateaux et en ayant ses centres de décision dans des pays considérés comme très relâchés au niveau des normes environnementales.

Je pense qu'il y a des choses que les gens ne comprennent pas tout à fait, ou que vous ne comprenez pas tout à fait. C'est quelque chose d'un peu incongru.

Mme Albina Guarnieri: Je voudrais vous dire que lorsque j'étais enfant, on ne dépensait pas plus d'argent qu'on en recevait. Pour la première fois, on a un ministre des Finances qui a agi d'une façon responsable dans les affaires de fiscalité.

M. Yvan Loubier: Il y a 1,5 million d'enfants qui vivent sous le seuil de la pauvreté, madame Guarnieri.

M. Gilles Duceppe: Pour mettre fin à ces discussions, l'idéal serait peut-être que vous appuyiez notre position sur une loi antidéficit. Je ne vois pas pourquoi le Parti libéral du Canada s'y oppose. On pourrait s'entendre là-dessus tout de suite.

Mme Albina Guarnieri: Monsieur Duceppe, je suis réaliste. Je sais que pour avoir tout ce que vous demandez, il faut amasser de l'argent. Et ce sont toujours les Canadiens qui vont payer pour ça.

M. Yvan Loubier: Selon le ministre des Finances, il y aura un surplus de 95 milliards de dollars au cours des sept prochaines années. Selon le Bloc québécois et selon les économistes éminents, c'est 150 milliards de dollars, et c'est notre argent à part cela. Ce n'est pas l'argent du ministre des Finances et ce n'est pas le vôtre, madame Guarnieri.

[Traduction]

Le président: Je pense que nous nous éloignons du débat. Nous ne voulons pas discuter de drapeau. Je ne sais pas combien de drapeaux du Canada vous avez. Nous n'en sommes pas certains.

Je vous en prie, madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens simplement à féliciter nos honorables collègues du Québec de leur travail dans le cadre de ces consultations prébudgétaires. J'ai quelques brèves questions.

Vous avez parlé d'une insuffisance dans le financement des soins de santé. Je suis au courant et je sympathise face aux nombreux besoins. Vous savez que le gouvernement fédéral a versé 11,5 milliards de dollars sur cinq ans et que nous cherchons un front commun dans le cadre de l'union sociale. Je pense que toutes les autres provinces ont accepté et ont signé l'entente. C'est un privilège que de partager les recettes dont nous disposons, mais entre temps, nous avons l'obligation de faire front commun pour nous attaquer aux problèmes. Cela ma laisse perplexe que la vôtre est la seule province qui n'a pas adhéré à l'entente. Voilà une question.

Deuxièmement, vous vous préoccupez de la construction navale. Je viens de Vancouver et nous avons de nombreux problèmes. Je pense que vous savez que nous sommes dans le même bateau. Cette question nous préoccupe beaucoup. Nous avons eu un exposé détaillé sur cette question hier soir. Comme vous le savez, vous avez même demandé l'aide du gouvernement et vous savez que nous faisons face à une concurrence mondiale acharnée. Nous avons un système, mais comment pouvons-nous faire face à la concurrence mondiale? Nous ne pouvons même pas faire concurrence à la Corée et à la Chine. Ce sont ces pays qui obtiennent la plupart des contrats de construction navale. J'aimerais savoir comment nous pouvons résoudre ce problème.

Merci.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Vous nous dites que le fédéral a donné 11,5 milliards de dollars sur une période de cinq ans. De 1994 à 2003, on prévoyait des coupures de 44 milliards de dollars. Elles ont été réduites à 32,5 milliards. Cela explique les 11,5 milliards de dollars dont vous nous parlez.

• 1250

Vous serez d'accord avec moi: c'est bien cela, la réinjection du montant 11,5 milliards de dollars, n'est-ce pas?

Si quelqu'un prend 44 $ dans mes poches et me remet 11,50 $, par un calcul rapide, je conclurai qu'il m'a volé 32,50 $, et non qu'il m'a donné 11,50 $.

M. Yvan Loubier: Exactement.

M. Gilles Duceppe: Vous n'allez quand même pas remercier la personne qui a fouillé dans vos poches en disant: «J'en ai pris un peu trop, je vais te laisser de l'argent pour prendre l'autobus.» Il nous a pris 32,5 milliards de dollars; il ne nous a pas donné 11,5 de dollars. Je pense que c'est une nuance importante.

Pour ce qui est de l'union sociale, vous vous dites mystifiée par le fait que le Québec n'a pas signé l'entente sur l'union sociale. Le problème au Canada, c'est certainement celui que Hugh MacLennan appelait Two Solitudes. Je me rends compte qu'il y a beaucoup de gens au Canada qui sont mystifiés depuis longtemps, ne comprenant pas la réalité québécoise. Ce n'est pas seulement le gouvernement souverainiste qui a refusé de signer l'union sociale. Le chef des libéraux au Québec, Jean Charest, refuse également de signer cette entente. C'est le même problème que dans le cas de la Constitution de 1982. Robert Bourassa, fédéraliste, refusait; Claude Ryan, fédéraliste, refusait; Daniel Johnson fils refusait. Ce sont tous des fédéralistes et ils ont refusé.

Plutôt que de rester dans les mystères, je vous conseillerais de regarder et d'écouter ce que les gens venant du Québec ont à vous dire, qui est différent de ce que disent vos collègues libéraux qui, selon moi, vous mystifient.

M. Yvan Loubier: C'est vrai.

M. Gilles Duceppe: Vous percevez mal la vérité si vous vous basez sur leur opinion. Je ne dis pas qu'elle n'existe pas, mais je vous dis qu'ils la voient beaucoup trop englobante pour ce qui est de la réalité.

Poue ce qui est de la construction navale, mon collègue va vous répondre. Je vous dirai néanmoins que lorsque j'étais à Vancouver, au mois de mai, je crois, j'ai été vraiment mystifié lorsque j'ai entendu le ministre Anderson dire à une délégation chinoise au port de Vancouver: «Nous admirons votre façon de faire les bateaux; c'est bien mieux chez vous que chez nous.» J'ai été un peu mystifié et je me suis demandé comment un ministre canadien pouvait tenir un tel langage au port de Vancouver, devant des travailleurs de Vancouver. Cette fois, je vous rejoins: c'est proprement mystifiant.

[Traduction]

Mme Sophia Leung: Puis-je répondre?

Le président: Madame Leung, M. Dubé aimerait répondre à votre question.

[Français]

M. Antoine Dubé: En ce qui concerne l'état de l'industrie de la construction navale, vous vous demandez comment il se fait qu'on ne fabrique pas davantage de bateaux au Canada.

Premièrement, il faut regarder la question des subventions. En Asie, la construction navale est subventionnée à hauteur de 30 p. 100, bien que dans certains cas ce soient des chantiers de l'État qui ne paient pas d'impôt. Ils subventionnent des gens qui ne paient pas d'impôt.

En Europe, pour ceux qui sont membres de la Communauté économique européenne, c'est à hauteur de 9 p. 100. Dans les pays scandinaves, il y en a qui subventionnent jusqu'à 16 p. 100.

Aux États-Unis, ils ne subventionnent pas, mais ils ont une mesure protectionniste: un bateau qui n'est pas fabriqué aux États-Unis ne peut pas entrer dans ce pays.

Le Canada est membre de l'OCDE, et le ministre Manley nous dit qu'on ne veut pas subventionner. Donc, on ne subventionne pas. En fait, nous ne sommes pas en désaccord puisqu'on demande plutôt une approche fiscale; on demande des mesures fiscales. Je vous ai parlé ce matin des mesures fiscales, remboursables dans certains cas, mais les États-Unis nous empêchent de construire des bateaux ou empêchent nos bateaux de circuler.

D'autre part, nous sommes très libre-échangistes avec les Américains; nous les exemptons du tarif douanier de 25 p. 100 et eux peuvent venir au Canada. Donc, nous sommes dans la pire situation. Les gens des Maritimes sont venus vous le dire hier: le Canada adopte actuellement la pire des politiques maritimes en termes de construction navale. Premièrement, on n'a pas de politique. De plus, on laisse faire des choses épouvantables. Ensuite il y a le champ fiscal.

Comme on étudie toujours la question des subventions, je propose au Comité permanent des finances d'étudier la question des impôts payés par les entreprises dans certains pays. Cela va confirmer ce qu'a dit mon collègue Loubier un peu plus tôt.

M. Gilles Duceppe: En d'autres mots, vous voudriez dire au député de LaSalle—Émard d'agir comme un ministre des Finances plutôt que comme un armateur.

[Traduction]

Mme Sophia Leung: J'aimerais répondre rapidement à ce que M. Duceppe a dit au sujet du ministre Anderson. Je pense qu'il est parfaitement normal de faire l'éloge d'un concurrent. C'est une réalité que nous acceptons. Je ne pense pas que ce soit mauvais. Toutefois, nous pouvons néanmoins travailler avec acharnement pour que la construction navale canadienne puisse rivaliser. Merci

• 1255

Le président: Merci beaucoup, madame Leung.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Le ministre aurait dû ajouter cela. Ç'aurait été plus compréhensible. Mais cela ne faisait pas partie de son discours.

M. Antoine Dubé: Une seconde. Hier, un groupe nous apprenait que le gouvernement fédéral, tout dernièrement, avait fait construire ailleurs qu'au Canada un traversier dont le point de départ est en Nouvelle-Écosse. Je ne le savais pas; je l'ai appris hier soir. C'est dans la ligne de son évaluation; c'est mieux fait ailleurs.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Brison, vous aurez le mot de la fin.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président, merci, messieurs, de vos exposés.

[Français]

Mon français est très faible. Je pense avoir besoin d'une autre semaine d'immersion à Saint-Jean. En ce moment, je ne suis malheureusement pas bilingue. Mais je vous salue.

[Traduction]

Ma première question porte sur l'endettement. Si l'on compare le ratio de la dette au PIB d'il y a 20 ans au ratio d'aujourd'hui, au Canada et aux États-Unis, le Canada avait un ratio inférieur il y a 20 ans à comparer au ratio américain. Aujourd'hui la situation est très différente.

Si nous considérons presque n'importe quel pourcentage des dépenses par rapport au PIB, même dans le cas des soins de santé, les dépenses du gouvernement américain sont en fait assez comparables à celles du gouvernement canadien. Dans le cas de la défense, évidemment, les États-Unis dépensent beaucoup plus que le Canada proportionnellement au PIB. Bien sûr, la plus grande différence se situe au niveau du pourcentage que nous versons pour le service de la dette à cause de la différence dans les ratios de la dette au PIB.

Vous connaissez évidemment l'Europe, les pays de l'Union européenne et l'euro. Le traité de Maastricht prévoit que tous les pays doivent réduire le ratio de la dette au PIB à environ 60 p. 100. Le Canada ne pourrait pas se qualifier et adopter l'euro en ce moment.

J'aimerais donc dire qu'à mon avis, il faut accorder un peu plus d'importance, en ce moment, à la réduction de la dette, de façon à avoir plus de souplesse à l'avenir afin d'investir dans certains secteurs sociaux qui nous tiennent à coeur comme Canadiens.

[Français]

M. Yvan Loubier: Merci, monsieur Brison, de votre question. Effectivement, lorsqu'on extrait les consensus de notre consultation, la dette apparaît comme quelque chose d'important pour les Québécois et les Québécoises. Il en est de même pour le Bloc québécois. Toutefois, il y a d'autres urgences à régler, par exemple dans le domaine de la santé, où la situation est catastrophique à l'heure actuelle. Si on ne réinvestit pas les sommes que le gouvernement fédéral a coupées depuis 1994, je ne sais pas vers quoi on va se diriger. Et cela ne vaut pas que pour le Québec. En Ontario, dans les provinces Maritimes et dans l'Ouest, il y a le même problème. C'est généralisé.

La somme de 3 milliards de dollars est un montant minimal, comme on l'a mentionné. Mais si on l'investissait année après année, dans 10 ans, le ratio de la dette en rapport avec le PIB serait de moins de 40 p. 100, ce qui est considéré idéal à l'heure actuelle dans les pays industrialisés.

L'autre priorité, qui est urgente, est d'alléger le fardeau fiscal. On ne peut plus continuer comme cela. Si on ne consent pas dès cette année et l'an prochain des baisses d'impôt importantes pour la catégorie de revenus se situant entre 30 000 $ et 70 000 $, comme je le disais tout à l'heure, on va se retrouver Gros-Jean comme devant. Avec un ralentissement économique qui va se produire aux États-Unis d'ici deux ans, ce dont tout le monde parle, nos exportations vont diminuer et seront un peu moins le moteur de la création d'emplois et de la croissance économique au Canada.

Il faut donc mettre tout de suite en place des mesures qui vont stimuler la consommation de l'intérieur. Même si, depuis 1994, on a une reprise, une croissance économique continue, on s'aperçoit que la consommation intérieure est en panne par rapport à ce qu'on avait envisagé et défini auparavant. Pourquoi? À cause justement du fardeau fiscal trop élevé des personnes à revenus moyens. Ce sont ceux qui gagnent entre 30 000 $ et 70 000 $ qui consomment le plus, toutes proportions gardées. Actuellement, on les étrangle avec les impôts. Il faut soulager ces gens.

Il y a un principe à ne pas oublier en tant que gestionnaires de l'État, et qu'on a peut-être oublié au Canada au cours des 25 dernières années. Peut-être l'a-t-on oublié parce qu'on n'a pas eu de surplus depuis 25 ans. Pourtant, il existe un principe en économie qui veut qu'un dollar investi d'une façon n'équivaille pas à un dollar investi autrement. Si vous investissez un dollar auprès des contribuables à revenu moyen, il a un effet multiplicateur. Ce dollar-là vaut plus qu'un dollar; il peut en valoir jusqu'à trois ou quatre si on tient compte des investissements qu'il va susciter, des rentrées fiscales qu'il va occasionner et de sa contribution à la croissance économique. C'est entre tous ces aspects qu'il faut établir un équilibre.

• 1300

[Traduction]

M. Scott Brison: Merci.

Ma question suivante porte sur une loi d'équilibre budgétaire ou une loi anti-déficit. J'aurais de la difficulté à accepter une loi d'équilibre budgétaire. Je n'ai rien contre les budgets équilibrés, car dans 90 p. 100 des cas, c'est-à-dire dans la plupart des situations économiques, je pense que c'est sensé. Mais il peut être tout à fait raisonnable qu'un gouvernement se place dans une situation déficitaire en période de crise économique, si l'endettement n'est pas trop élevé.

Plus important encore, le rôle du député s'effrite depuis 30 ans et on constate aussi que l'efficacité de la démocratie et de nos institutions démocratiques est à la baisse. Bien que j'accepte l'objectif que vous visez avec une loi d'équilibre budgétaire, je pense que c'est beaucoup plus facile à faire au niveau provincial. Au palier fédéral, je crains que cela ne réduise encore ou ne gêne notre capacité à faire ce que nous devons faire comme députés et comme démocrates. Ce n'est qu'un aspect.

[Français]

M. Yvan Loubier: Il y a environ deux ans, le Bloc québécois a déposé un projet de loi privé sur l'équilibre budgétaire. On l'avait intitulé ainsi. Ce projet de loi contenait diverses dispositions pour maintenir une certaine flexibilité à moyen et à long terme en cas de catastrophe. Par exemple, le Canada est obligé de faire intervenir des forces de paix. À cause des conflits internationaux, les coûts ont été supérieurs au montant prévu par les années passées. On a fait un déficit. Pendant un certain nombre d'années, le ministre des Finances avait l'obligation d'aller récupérer des surplus pour enrayer ce déficit.

Il faut donc une certaine flexibilité. Autre exemple: une conjoncture économique défavorable. On subit un ralentissement économique, voire une récession profonde ou même une dépression, et le gouvernement fédéral est obligé de débourser beaucoup plus d'argent que prévu pour des mesures de stabilisation ou pour l'assurance-emploi, par exemple. Notre projet de loi tenait compte de cette flexibilité que devait avoir le gouvernement fédéral pour pouvoir intervenir instantanément.

Il faisait cependant état de l'imputabilité du ministre des Finances quant au surplus à générer pour renflouer ce déficit; il devait en répondre au Parlement. Il est important que le ministre des Finances réponde au Parlement et réponde par de vraies réponses, par des réponses sensées, et non pas par des chiffres trafiqués comme ceux auxquels il nous habitués depuis quatre ou cinq ans. Cela aurait été assez important.

L'autre considération qu'il faut avoir, c'est que nous avons été mis dans le trou, comme on dit, que nous avons connu nos premiers déficits et nos premières dettes cumulatives sous le régime libéral. Les libéraux ont cette faculté de revenir sur leurs vieux travers, c'est-à-dire de dépenser à gauche et à droite dans des programmes. On l'a vu dans le discours du Trône, où on parlait d'empiéter sur les compétences du gouvernement du Québec et des provinces canadiennes. Ils ont la gâchette facile, les libéraux.

Mme Guarnieri parlait tout à l'heure de la sagesse du ministre des Finances, de son conservatisme. Vous savez, ces choses peut rapidement être retournées. Il faut faire attention à tous les programmes et à toutes les initiatives qu'ils vont nous annoncer. Il faut y faire attention, parce qu'ils sont prompts à gaspiller, ces gens-là.

[Traduction]

M. Scott Brison: J'ai une dernière question, monsieur le président.

En ce qui concerne les programmes d'infrastructure, je pense que partout au Canada, on reconnaît, jusqu'à un certain point, que le programme d'infrastructure, le programme du gouvernement fédéral en coopération avec les gouvernements provinciaux et municipaux, a été assez bien conçu. Un des problèmes c'est que ce programme remonte à il y a trois ans et qu'il va être réinstauré. D'après le discours du Trône, ce programme serait réinstauré dans le prochain budget fédéral. Ce programme semble coïncider avec le cycle électoral de quatre ans. L'infrastructure, par sa nature même.

• 1305

[Note de la rédaction: Inaudible]

Une voix: ...pour Mulroney.

M. Scott Brison: Vous parlez du président de la revue Forbes? Oui évidemment, ce Mulroney-là. Il se porte très bien. Et le Canada aussi, en passant, à partir de son leadership.

Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne le cycle électoral de quatre ans, il y a lieu de se demander si c'est approprié puisque l'infrastructure, aspect fondamental et important, par sa nature même, représente un investissement à très long terme. Pourtant, lorsque ces programmes font leur apparition, c'est un peu un jeu de hasard pour les gouvernements. Ils investissent non pas nécessairement selon leurs priorités, mais dans le genre de projets admissibles cette année-là. Ne vaudrait-il pas mieux avoir un plan permanent, un plan sur 10 ans de nature coopérative pour les investissements dans l'infrastructure qui ne serait pas ainsi limité par le cycle électoral de quatre ans?

[Français]

M. Gilles Duceppe: Je pense que c'est une excellente idée qu'il y ait de telles prévisions, comme on nous l'a annoncé, à moins que ce ne soit que des attrapes propres à une année électorale, ce qui semble faire un peu partie de la stratégie libérale.

Prévoir à plus long terme me semble être une excellente idée, effectivement. Comme je l'ai dit à la rencontre des maires du Canada à Halifax, au mois de juin dernier, nous croyons qu'il faut un programme d'infrastructures et des ententes entre le fédéral et les provinces pour que celles-ci aient la maîtrise d'oeuvre et le choix des priorités.

D'autre part, le pourcentage accordé à chacune des provinces devrait être équivalent à son poids démographique, comme c'est le cas pour les paiements de transfert. Cette même logique devrait s'appliquer partout. Si le Québec représente 24 p. 100 de la population canadienne, il devrait recevoir 24 p. 100 des sommes consacrées aux infrastructures.

Il y a une cinquième condition: les sommes déjà budgetées par une province ou une municipalité doivent être admissibles si elles n'ont pas encore été dépensées. On sait que les provinces et les municipalités ont beaucoup plus de problèmes que le fédéral en termes d'argent. On l'a vu. Donc, si une somme a été prévue au budget pour telle chose et qu'elle n'a pas encore été dépensée, cette somme devrait être admissible au programme fédéral-provincial d'infrastructures.

M. Yvan Loubier: C'est une bonne idée.

[Traduction]

Le président: Merci.

Merci, monsieur Brison.

J'ai une question maintenant.

Comme vous le savez probablement, nous devons formuler des commentaires sur le plan quinquennal, à partir de la mise à jour économique et financière. Savez-vous combien votre plan coûterait au total sur cinq ans? J'arrive à 104 milliards de dollars. Je me trompe peut-être.

[Français]

M. Yvan Loubier: Je vous avoue que nous n'avons pas fait de prévisions sur cinq ans parce que nous sommes très prudents, contrairement au ministre des Finances. Nous nous en sommes tenus aux deux premières années, c'est-à-dire 2000-2001 et 2001-2002. Quand nous parlons des marges de manoeuvre, nous pensons à des marges estimées à au-delà de 60 milliards de dollars dont nous voudrions extraire une cinquantaine de milliards de dollars.

Mais n'oubliez pas que ce sont des mesures équilibrées, qui touchent à tous les secteurs et qui parviennent, grâce à des choix stratégiques, à influencer l'économie en stimulant la croissance économique, en désengorgeant le régime fiscal auquel sont soumises les personnes à faibles et moyens revenus et en contribuant à donner un coup d'envoi à l'économie par des projets d'infrastructures, par exemple.

Vous parlez à des gens extrêmement prudents, parce que nous nous sommes souvent mis la tête sur le billot depuis quatre ans en nous risquant à faire des prévisions. Cependant, nous ne nous sommes pas trompés. M. Martin s'est aussi mis la tête sur le billot, mais il se l'est fait couper trois mois plus tard. Je pense qu'en fait de prévisions fiscales, il vaut mieux s'en tenir à deux années. Cela n'empêche pas d'envisager un peu le panorama des troisième, quatrième et cinquième années, comme la méthode des marges de manoeuvre permet au ministre des Finances de le faire. De notre côté, nous nous en tenons aux deux premières années.

Il y a une cinquantaine de milliards de dollars qui pourraient procurer un potentiel de 150 milliards de dollars au cours des sept prochaines années. Ne l'oubliez pas.

[Traduction]

Le président: Vous pensez le ministre des Finances prudent dans ses prévisions. Je ne le conteste pas. Je dis simplement que sur une période de cinq ans, lorsque l'on réduit les impôts de 6 milliards de dollars par année, cela donne, n'est-ce pas, 30 milliards de dollars sur cinq ans? Et c'est la même chose lorsque l'on rétablit

[Français]

le transfert social au Québec et aux provinces

[Traduction]

en le portant à environ 4,6 millions de dollars. Est-ce votre minimum ou est-ce que vous fixez un nouveau minimum?

[Français]

M. Gilles Duceppe: Dans le cas du transfert social, je pense qu'il s'agit de le rétablir aux niveaux de ce qu'il devait être à partir de 1994. La récupération des 44 milliards de dollars n'est même pas entière puisqu'il y en a 11,5 qui ont été remis et que 3,7 milliards de dollars représentent moins que les 6 milliards de dollars qu'il devrait y avoir.

• 1310

Vous arrivez dans vos calculs, me dites-vous, à 105 milliards de dollars. Est-ce cela? Sur cinq ans?

M. Yvan Loubier: Cent cinq milliards de dollars?

M. Gilles Duceppe: Nous ne l'avons pas calculé pour cinq ans. Vous arrivez à 105 milliards de dollars sur cinq ans.

[Traduction]

Le président: Oui.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Je pense que venez de prouver hors de tout doute que le ministre des Finances prévoit 95 milliards de dollars de surplus alors que les économistes prévoient une différence de 50 p. 100.

M. Yvan Loubier: Cent cinquante milliards de dollars.

M. Gilles Duceppe: Donc, si vous augmentez les 95 milliards du ministre des Finances de 45 ou 47,5 milliards de dollars, vous arrivez à environ 135 milliards de dollars de surplus, selon les économistes. Le chiffre du ministre des Finances est de 95 milliards de dollars. Or, vous nous dites qu'on atteindrait l'équilibre 0 si on avait mis cela sur cinq ans. Je vous en remercie; cela prouve la justesse de nos prévisions.

M. Yvan Loubier: Même si nos évaluations portent seulement sur les deux prochaines années. Comme je vous l'ai dit, nous préférons ne pas faire de prévisions au-delà de deux ans, bien qu'il soit possible de tenir compte de certains paramètres. Cependant, comme le dit M. Duceppe, nous sommes vraiment à l'intérieur de notre capacité budgétaire et de nos marges de manoeuvre telles qu'évaluées par M. Martin. Et nous arrivons même à un surplus du surplus après avoir mis ces mesures en application. Cela prouve encore une fois que le ministre des Finances a beaucoup trop d'argent par rapport aux responsabilités que le gouvernement fédéral doit assumer.

[Traduction]

Le président: D'accord.

Comme vous le savez, l'économie canadienne—et c'est la même chose, je pense, au Québec—est stimulée en grande partie par le secteur privé. Cela m'a peut-être échappé, mais dans vos recommandations, vous avez omis notamment de dire quelles mesures il faudrait prendre pour aider les entreprises.

Je sais qu'en réduisant la dette, cela favoriserait des taux d'intérêt inférieurs, par exemple si la réduction était importante, mais vous ne préconisez rien en vue de réduire les cotisations à l'AE ni rien de cette nature. Vous parlez d'augmenter les prestations, à moins que j'aie mal compris.

[Français]

M. Gilles Duceppe: M. Loubier complétera ma réponse. Je vous dirai qu'une étude comparative faite par Price Waterhouse quant à l'ensemble du fardeau fiscal des sociétés aux paliers provincial, municipal et fédéral indique que la situation est meilleure au Québec que dans tous les secteurs environnants, soit l'Ontario et les États américains de la côte est ou de la Nouvelle-Angleterre. L'étude a été faite par Price Waterhouse. Je ne parle pas des particuliers, bien sûr, pour lesquels on sait qu'il y a un problème à résoudre. Je parle des sociétés. Sur ce plan-là, le Québec se débrouille assez bien. En ce qui a trait plus particulièrement à ce budget, M. Loubier pourrait apporter un certain nombre de précisions.

M. Yvan Loubier: À la limite, monsieur Bevilacqua, tout servirait bien les entreprises là-dedans, entre autres les baisses d'impôt. D'ailleurs, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, le Conseil du patronat du Québec et les Chambres de commerce de Montréal et de Québec nous ont tous dit qu'ils souhaitaient des baisses massives d'impôt pour les personnes à revenus moyens. Pourquoi? Parce qu'ils savent fort bien que si les personnes à revenus moyens ont un plus grand pouvoir d'achat, elles vont consommer davantage, en particulier leurs produits. Je vous dirai donc que les baisses d'impôt servent bien le secteur privé et tout particulièrement les entreprises.

Pour ce qui est d'un retour à un véritable régime d'assurance-emploi, un des facteurs primordiaux de la réussite ou de la rentabilité d'une entreprise est le fait d'avoir des travailleurs qualifiés disponibles, des travailleurs qui ne sont pas découragés, des travailleurs qui restent branchés sur le réseau du marché du travail, et non des travailleurs déprimés et marginalisés par rapport au marché du travail, qui n'ont pas le goût de s'y réintégrer et de se former. Notre proposition quant à la restauration d'un véritable régime d'assurance-emploi efficace et équitable servirait bien les entreprises aussi.

Vous avez aussi parlé de la restauration des transferts sociaux au Québec, dont ceux pour la santé et l'éducation. Il est bon d'avoir des travailleurs en santé. Investir dans la santé a aussi des retombées dans le secteur privé. Personne ne vous dira qu'investir dans l'éducation supérieure et dans la recherche universitaire est mauvais pour les entreprises. Au contraire, les entreprises réclament une main-d'oeuvre hautement qualifiée et de la recherche universitaire qui les appuie dans leurs activités commerciales.

Il est aussi ressorti de la consultation qu'il fallait du soutien à des projets structurants. On a parlé de projets structurants dans les domaines de la construction de routes, de la construction de bateaux et du logement social. Est-ce que la construction aide le secteur privé? Je crois qu'elle l'aide directement. Nos propositions mènent à cela.

• 1315

Pour ce qui est la réduction de la dette, il est exact qu'elle permet une stabilité des taux d'intérêt, ce qui sert tout le monde, les entreprises aussi bien que les particuliers.

[Traduction]

Le président: Cela s'insère dans une stratégie, je le comprends.

L'une des questions que le ministre nous a posées, à London, portait sur l'imposition des entreprises. Comme parti, quand pensez-vous que nous devons commencer à réduire le fardeau fiscal des entreprises?

[Français]

M. Yvan Loubier: J'aimerais simplement terminer.

Vous vous rappellerez le rapport de 1996-1997 du Bloc québécois sur la réforme de fiscalité. On y procédait de la façon suivante. On faisait un examen afin de voir quelles dépenses fiscales étaient désuètes ou complètement dépassées et quelles étaient celles qui ne servaient à rien sur le plan de la croissance économique, sinon à engraisser les portefeuilles d'actions des millionnaires au Canada, ce que je ne crois pas louable sur le plan social. On dégageait les économies réalisées grâce à cette réforme de la fiscalité pour les répartir ailleurs.

Monsieur le président, vous suiviez nos travaux avec assiduité et vous vous rappellerez que nous avions suggéré de transformer ces économies d'impôt réalisées par l'élimination de certaines dépenses en allégements du fardeau fiscal des PME.

N'oubliez pas aussi qu'il en va de même pour l'assurance-emploi et les travailleurs à revenus moyens. Les PME sont les plus grands contributeurs à la caisse d'assurance-emploi à cause des différents plafonnements. Je trouve que cela fait beaucoup de mesures pour relancer l'économie et soutenir l'entreprise privée.

M. Gilles Duceppe: J'ajouterai que vous trouverez en annexe les recommandations faites par des groupes que nous avons rencontrés, du milieu des affaires en particulier. Je pense au Conseil du patronat du Québec, à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec ainsi qu'à l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Tous sont d'accord sur les grandes lignes. Ils ne sont pas d'accord sur tous les points, mais je vous dirai que globalement, ils sont aux trois quarts d'accord sur les propositions que nous présentons ici.

Le président: Celles portant sur les impôts des particuliers.

[Traduction]

Aviez-vous d'autres questions, madame Guarnieri?

[Français]

C'est tout?

M. Yvan Loubier: J'aimerais vous remercier, au nom de mes collègues du Bloc québécois et de son chef, pour le temps que vous nous avez accordé. Je pense que cela témoigne du sérieux de l'accueil que le gouvernement réserve aux propositions qui ont été recueillies auprès de milliers de Québécois durant la consultation du Bloc québécois. Je vous en remercie. Ce fut très intéressant.

[Traduction]

Le président: Merci.

La séance est levée.