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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 040 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

  (0835)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Nous entamons la 40e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le jeudi 22 octobre 2009. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur l'état du crime organisé au Canada.
    Nous accueillons avec plaisir plusieurs témoins. Il s'agit de Julian Sher, journaliste d'enquête, de Michel Auger, lui aussi journaliste d'enquête, de Jean-Pierre Lévesque, de la Gendarmerie royale du Canada, et d'André Noël, journaliste.
    Messieurs, je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui. Nous attendons vos témoignages avec beaucoup d'impatience.
    Vous aurez chacun dix minutes pour faire votre exposé. Tant mieux si vous prenez moins de temps, car nous pourrons vous poser plus de questions.
    Monsieur Sher, voulez-vous commencer?

[Français]

    Merci beaucoup. Je vais m'exprimer en anglais, mais je peux répondre aux questions dans les deux langues.

[Traduction]

    Je dois dire en partant qu'à part Jean-Pierre, mes collègues et moi sommes tous des journalistes purs et durs. Je n'ai pas d'insigne, je n'ai pas fait d'études en droit. Dans la vie, je pose des questions. Nous avons cependant un tout autre passeport, mes collègues et moi, un passeport qui nous place dans une perspective sans pareille. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que nous avons tous déjà eu l'occasion de parler aux policiers, mais parce que nous n'avons pas d'insigne, ces derniers auront souvent tendance à nous dire des choses qu'ils ne vous diront pas ou qu'ils ne diront même pas à leurs patrons. Parce que je ne relève d'aucune organisation en particulier, les gens de la GRC vont me révéler certaines choses. Tout comme les policiers de Vancouver ou de Montréal. Bref, les policiers ont souvent tendance à être plus francs avec les journalistes qu'ils ne le sont entre eux. J'ai également eu l'occasion d'interviewer des membres et des leaders des Hells Angels, mais aussi des informateurs de police, des gens faisant partie du programme de protection des témoins et des victimes. Nous avons l'avantage de pouvoir aller là où le reste de la population ne peut pas aller, pas même la police. J'espère que nous pourrons vous aider à mieux comprendre la situation.
    Aujourd'hui, je vais laisser mes collègues entrer dans les détails du crime organisé pour me concentrer sur une chose: l'importance de l'image et des perceptions. Vous allez peut-être trouver que c'est un sujet un peu étrange, mais il ne faut pas oublier que, même si le coût en vies humaines de la lutte contre le crime organisé est bien réel — il suffit pour s'en convaincre de se rappeler le nombre de victimes qui ont été tuées à Montréal, la violence continuelle des gangs de rue de Vancouver et les nombreuses attaques à Winnipeg —, une bonne partie de la lutte se résume à une question d'image et de perceptions. En effet, le crime organisé tire sa force de la capacité qu'il a de susciter la terreur chez les gens; il faut donc que les autorités répondent de la même façon et qu'elles montrent qu'elles sont tout aussi fortes et résistantes.
    Je m'explique:
    Prenons tout d'abord l'image du Canada à l'étranger. Notre pays a toujours été perçu comme une contrée paisible où règnent la loi et l'ordre, sauf pour une chose: le crime organisé. Dernièrement, j'ai été interviewé par la BBC, la télé australienne et différents journaux américains. Partout, on constate de plus en plus, même si le taux d'homicides y est très peu élevé, que le Canada est une plaque tournante du crime organisé, à cause des Hells Angels, bien sûr, mais aussi à cause de tous les autres gangs criminels.
    Que croyez-vous qui se produit dans l'esprit des citoyens? Comment perçoivent-ils le crime organisé? J'ai l'impression qu'une partie du problème, et je conviens que les médias y sont pour quelque chose, réside dans le fait que le crime organisé ne fait jamais les manchettes. Ce qui émeut le public, c'est quand une fillette se fait kidnapper ou qu'une banque se fait dévaliser. Et c'est bien normal. Mais sinon, on ne verra jamais de manchettes du genre: « 1 000 kilos de cocaïne arrivent sans encombre au port de Montréal », même si ça arrive tous les jours. Parce que le crime organisé passe presque toujours inaperçu, même si c'est loin d'être le cas ces jours-ci avec la campagne à la mairie de Montréal, les journaux n'en parlent presque jamais. Résultat: les gens s'en préoccupent peu. Ils ne font pas le lien entre le crime organisé et les attaques quotidiennes dont ils entendent parler, les revendeurs de drogue, les introductions par effraction et les invasions de domicile. La perception que le public a du crime organisé est un problème en soi.
    Pour terminer sur la question de l'image, je voudrais vous parler de l'importance qu'elle revêt pour les criminels eux-mêmes. Je ne compte plus le nombre de dirigeants des Hells Angels et de criminels en général à qui j'ai parlé dans ma carrière, et s'il est vrai que l'argent qu'ils récoltent et la terreur qu'ils suscitent ont leur importance, vous seriez étonnés d'apprendre à quel point le pouvoir et l'image peuvent l'être aussi. C'est plus qu'important, c'est crucial. L'insigne de tête de mort que portent les Hells Angels a été reconnu comme une arme par les tribunaux du Canada lors du premier procès anti-gang à s'être tenu en Ontario. Il a été reconnu comme une arme! L'insigne lui-même, le symbole, l'image, a été jugé comme s'approchant suffisamment d'une arme pour que les deux Hells qui ont rendu visite à un homme, en compagnie d'un troisième comparse, soient condamnés par la juge Michelle Fuerst selon la loi anti-gang du Canada. Elle a désigné le veston porté par les deux hommes comme l'arme dont ils se sont servis pour intimider leur victime, puisqu'ils n'avaient rien d'autre. Pas de fusil, rien. La seule image des Hells Angels leur a servi d'arme. Et c'est ça qui est si important avec le crime organisé: la capacité de susciter la terreur par une simple image.
    Ce qui m'amène à mon second point, qui est indirectement lié au premier: comment peut-on lutter contre le crime organisé? Et je tiens à souligner ici toute la portée de l'adjectif « organisé » dans l'expression « crime organisé ». Tout le monde comprend qu'il s'agit de crimes, mais il faut surtout comprendre qu'il s'agit de crimes « organisés ». Or, c'est malheureusement un qualificatif qui ne s'applique pas souvent à la police. Je discutais avec Joe Comartin avant la séance, et je suis certain que vous connaissez déjà le coût déplorable des querelles internes qui sévissent dans les corps policiers d'un peu partout au pays. J'ai eu connaissance — et Michel et les autres pourraient vous donner d'autres exemples — de querelles énormes à la Sûreté du Québec, à la police de Montréal et à la GRC. À Vancouver, de nombreux dossiers ont fini par être relégués aux oubliettes à cause des dissensions et des guéguerres entre policiers.

  (0840)  

    Après avoir passé plusieurs années à couvrir ce secteur-là de l'actualité, j'en suis venu à la conclusion qu'il n'y a pas mille façons de lutter contre le crime organisé, il n'y en a qu'une seule, et elle se résume en deux mots: infiltration et renseignements. D'accord, il peut arriver qu'un membre Hells Angels oublie son revolver dans le porte-documents qu'il transporte avec lui à l'aéroport de Vancouver, mais il ne faut pas se fier à ce genre de coups de chance, car seules les accusations qui s'appuyaient sur des opérations d'infiltration et de renseignements ont tenu la route. Par « infiltration », j'entends autant les agents doubles que les espions, les dispositifs d'écoute, etc.
    Mais encore faut-il les recueillir, ces renseignements. Et on peut seulement y parvenir si l'on se dote de forces offensives bien organisées ou si on peut compter sur des policiers spécialement formés. Et je ne parle pas de policiers de la brigade des homicides... Après tout, si on n'envoie pas la brigade des homicides répondre aux appels de violence conjugale, si on n'envoie pas les agentes spécialisées dans les cas de viol sur les lieux d'un cambriolage de banque, on ne peut pas demander à des policiers ordinaires de se frotter au crime organisé. Ça prend des escouades spécialisées.
    Vous remarquerez que, là où ces escouades spécialisées sont présentes, que ce soit ici à Montréal, en Ontario, où il y a la Brigade provinciale spéciale, ou à Vancouver, où certaines unités du genre ont déjà vu le jour, les succès ne se font pas attendre. Mais à partir du moment où elles sont démantelées ou qu'elles ne réussissent pas à réunir tous les intervenants, les procès font chou blanc.
    En plus de ces forces offensives spécialisées, qui sont absolument nécessaires, il faut également des procureurs spécialisés dans le crime organisé. Le Québec a donné l'exemple en la matière, et le gouvernement a accepté d'envoyer ses procureurs dans les autres provinces, où, même si on s'était finalement décidé à créer des escouades spécialisées et que ces dernières menaient des enquêtes efficaces, les pauvres procureurs — qui ne connaissaient rien à rien au crime organisé — découvraient un beau jour quelque chose comme 80 boîtes de dossiers laissées là par les enquêteurs des escouades spécialisées, comme le révélait récemment un article du Globe and Mail. C'est seulement dans les provinces qui ont créé des équipes de procureurs comprenant bien les rouages du crime organisé qu'on a pu obtenir des résultats intéressants. Il faut donc des escouades spécialisées de policiers et de procureurs.
    La dernière chose dont je veux parler aujourd'hui est la justice, qui a parfois le bras bien long, mais bien faible. Prenons d'abord l'exemple de la loi contre le crime organisé, qu'on appelle « loi anti-gang ». Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'elle a essuyé plusieurs défaites récemment devant les tribunaux, notamment en Colombie-Britannique. L'opération Pandora, qui reposait pourtant sur des enquêtes solides, n'a obtenu que des succès mitigés devant les tribunaux.
    C'est indéniable que la loi anti-gang est aussi compliquée que difficile à appliquer. Je ne m'attarderai pas aujourd'hui aux réformes qu'on pourrait lui apporter. Nous pourrions peut-être en reparler plus tard, même si l'une des options actuellement envisagées par les corps policiers consiste à s'attaquer à des cibles plus simples. Nous verrons d'ailleurs ce qui arrivera au Québec, où, vous le savez sans doute, une centaine de Hells Angels viennent d'être mis en accusation. Selon moi, cela risque de vite devenir ingérable. N'y aurait-il pas moyen de viser des cibles plus simples?
    L'argument que j'essaie de faire valoir à propos de la loi anti-gang rejoint celui de l'image. Oui, c'est important d'arrêter les méchants et de les envoyer en prison s'ils sont trouvés coupables, mais le seul fait de les mettre en accusation et de les traîner devant les tribunaux, même s'ils ne sont pas condamnés, mine leur image. Et je le répète, pour les membres du crime organisé, l'image, c'est tout.
    Signalons d'abord que ce genre d'opérations les déstabilise au plus haut point. Pendant les deux ou trois ans que les Hells Angels ont passés devant les tribunaux de Vancouver à se débattre contre d'immenses poursuites, leurs activités ont décliné. Malheureusement, les gangs de rue ont pris leur place, mais il n'en demeure pas moins que les Hells Angels ont eu les mains liées pendant tout ce temps. Même chose au Québec en ce moment.
    Ce que j'essaie de dire, c'est que, oui, il faudrait idéalement que les procès se traduisent par des condamnations, mais la simple mise en accusation des criminels réussit à ternir leur image. On dit au crime organisé: « Vous n'êtes pas invulnérables; nous pouvons vous faire mal. » Il ne faut jamais oublier la force de l'image. Car s'il y a une chose que les Hells Angels détestent par-dessus tout, c'est bien d'être accusés selon la loi anti-gang du Canada.
    Et n'hésitons pas à faire preuve de créativité et à sortir des sentiers battus. Nous avons tous entendu parler des procès anti-gangs, mais nous aurions certainement avantage à nous inspirer de ce qui se fait ailleurs. La Saskatchewan s'est dotée d'une loi contre le port d'insignes, qui empêche les criminels de porter les couleurs de leur groupe dans les lieux publics, comme les restaurants. Et la Saskatchewan n'est pas la seule à s'être dotée de lois comme celle-là. D'accord, elle est actuellement contestée devant les tribunaux par les gangs eux-mêmes, mais c'est quand même un excellent moyen de tirer parti des lois provinciales et des règlements municipaux pour contrecarrer les activités des gangs.
    Le Manitoba, entre autres, s'est doté de lois anti-repaires, qui empêchent les gens de transformer leur chalet ou leur maison en véritable forteresse. Vancouver a instauré un programme remarquable. Vous savez, il existe au Canada diverses lois contre l'intrusion dans les lieux privés, en vertu desquelles les propriétaires de bars et de restaurants s'engagent d'avance auprès de la police à ne pas tolérer la présence de membres connus du crime organisé dans leur établissement. Certains vont même jusqu'à prendre en note le nom des gangs et des individus qui se présentent dans leur commerce. Et si la police fait irruption et qu'elle voit un membre des Hells Angels ou d'un autre gang, elle peut lui demander de quitter les lieux. Et il n'aura même pas le choix, parce qu'il se trouve dans un lieu privé et que la loi l'interdit.
    En fait, un des membres d'un gang québécois s'est fait arrêter parce qu'il sirotait tranquillement sa bière dans un bar, comme s'il était à Montréal. Un policier est entré et lui a demandé de s'en aller. L'autre lui a demandé de s'expliquer, et le policier lui a répondu que la ville où il se trouvait avait une loi contre l'intrusion dans les lieux privés. Le membres des Hells Angels ne l'a pas cru, parce que ce genre de loi n'existe pas à Montréal, et il s'est fait arrêter.
    Mais ça existe bel et bien à Vancouver, et les Hells Angels ne peuvent pas se regrouper au centre-ville pour faire la fête. C'est tout simple, comme loi, ça ne bouscule rien, mais ça marche! Sortons des sentiers battus.

  (0845)  

    Finalement, je dis: faisons appel au courage des gens ordinaires. J'ai moi-même eu l'honneur de rencontrer des gens extraordinairement braves.
    Nous avons tous entendu parler de Danny Desrochers, ce jeune de 11 ans qui s'est fait tuer. La détermination et le franc parler de sa mère, qui est malheureusement décédée depuis les événements, ont contribué à l'adoption des lois anti-gangs que nous avons aujourd'hui. J'ai rencontré un chauffeur d'autobus, à Québec, qui vivaient littéralement aux portes de l'enfer, car il s'est réveillé un bon matin et a constaté que les Hells Angels avait établi leur repaire tout près de sa maison de Saint-Nicolas, à un jet de pierre de Québec. Il a regroupé les voisins du quartier et organisé des manifestations pour dénoncer la présence des motards, qui ont fini par plier bagage.
    Je résumerais mes conclusions ainsi: lutter contre le crime organisé, c'est comme se battre contre les mauvaises herbes, peu importe les efforts qu'on y met, elles finissent toujours par repousser. Et rien ne sert de paver tout le jardin; mieux vaut continuer d'arracher les mauvaises herbes, encore et encore. Il faut envoyer un message aux gens et faire comprendre aux membres du crime organisé qu'on ne veut pas d'eux dans notre voisinage. Et qu'il existe de nombreuses façons de se battre.
    Je vous remercie.
    Merci bien.
    Passons maintenant à monsieur Auger. Vous avez dix minutes.
    Je vais faire mon exposé en français, car j'ai appris l'anglais à Shawinigan, alors vous comprendrez que je ne le parle pas très bien...

[Français]

    J'ai commencé ma carrière de journaliste à Shawinigan en 1964. Ça fait donc 45 ans que je suis journaliste. J'ai travaillé au quotidien La Presse, au Journal de Montréal ainsi qu'à l'émission the fifth estate pendant cinq ans. Un peu comme le disait plus tôt Julian, mon expérience de journaliste m'a amené à côtoyer beaucoup de policiers et de criminels.
    Je m'adresse à vous aussi ce matin en tant que victime du crime organisé. Le 13 septembre 2000, donc il y a 9 ans, j'ai été victime d'une attaque d'un membre de l'organisation des Hells Angels. Il m'a tiré six balles dans le dos. Heureusement, les médecins m'ont sauvé la vie et j'ai pu reprendre mon travail. Cette expérience m'a permis de rencontrer beaucoup de victimes du crime organisé et de gens qui venaient en aide à ces victimes.
    Or j'ai constaté que les citoyens en général ont une vision simpliste du crime organisé. On pense que facilement, par l'entremise des lois, on va régler tout ça et que ça va se faire rapidement. Aujourd'hui, le gouvernement du Québec annonce la création d'une escouade spéciale sur la corruption dans l'industrie de la construction, et les gens s'imaginent que ça va régler tous les problèmes rapidement.
    En ce qui concerne le domaine des motards criminels, Julian a parlé plus tôt du petit garçon de 11 ans qui a été tué en 1995. Le ministre de la Sécurité publique du Québec de l'époque, M. Ménard, avait ordonné la création de l'escouade Carcajou. On y avait regroupé la Sûreté du Québec, le Service de police de Montréal et la GRC pour lutter contre les criminels. Cette escouade a rapidement réussi à réaliser beaucoup d'efforts parce qu'il y avait un bon nombre d'informateurs et que les policiers disposaient de beaucoup de renseignements. Plutôt que de continuer chacun de son côté à travailler individuellement, ils ont regroupé leurs efforts. En 2001, on a réglé une partie du problème en arrêtant entre 200 et 300 personnes au Québec, dont à peu près une vingtaine de membres en règle des Hells Angels.
    Il s'agissait de 321 personnes.
    Il s'agissait de 320 personnes au total, dont une quinzaine de Hells Angels. Ça a pris 15 ans. Au printemps, on a continué les enquêtes policières et on a accusé tous les membres des Hells Angels du Québec, sauf deux. Ces deux-là n'avaient pas été accusés parce qu'à l'époque de cette guerre de motards, ils étaient parmi ceux que les adversaires des Hells Angels voulaient tuer. Ils étaient donc des victimes éventuelles. Quand la guerre des motards s'est terminée, en 2000, les ennemis d'hier sont devenus membres des Hells Angels. La guerre s'est terminée de cette façon.
    Aujourd'hui, si on veut mettre plus de monde en prison, on s'aperçoit qu'un plus grand nombre de contrats risque d'être confié à la mafia. Récemment, on a pu constater, dans le cadre de tous les débats au Québec, que les contrats publics faisaient l'objet de beaucoup de collusion et de corruption. Ce monde est difficile à atteindre parce qu'il s'agit d'un petit groupe d'individus qui travaillent entre eux et se livrent à des complots. Ils ne sont vraiment pas nombreux, et peu de policiers connaissent la situation. En voulant construire de nouvelles prisons et y mettre plus de monde, on risque d'aider le crime organisé à faire encore plus de profits plutôt que de lui nuire.
    L'opération Colisée illustre bien la difficulté de mener des enquêtes policières efficaces. Cette enquête qui portait sur la mafia de Montréal a été menée par la GRC pendant plusieurs années. On a investi environ 55 millions de dollars dans l'enquête principale et les enquêtes préalables. On a accusé bien des individus en vertu des mesures antigang du Code criminel, mais le chef de la mafia est sorti de prison deux jours après avoir été condamné. Il était censé être à l'article de la mort, mais il est sorti de la prison en trottinant. Les autres ont tous été condamnés à des peines relativement mineures. On a saisi un peu d'argent. Les dispositions antigang du Code criminel ont été utilisées par les avocats des criminels pour négocier des sentences et éviter notamment la saisie d'immeubles, de résidences. En fin de compte, l'impact global qu'a eu cette enquête de 55 millions de dollars sur le crime organisé a été minime.
    On a dit — c'était en 2003, je crois — que la mafia avait été décapitée par la GRC. Or le trafic de drogue n'a pas diminué. Au printemps dernier, les Hells Angels ont été mis en prison, mais 24 d'entre eux sont toujours au large. Le prix de la drogue n'a pas augmenté à Montréal, au Québec en général, et même à l'intérieur du Canada. Les criminels vont sortir de prison après avoir purgé un sixième de leur peine. On pense qu'il s'agit d'un crime qui n'est pas grave. Les gens des libérations conditionnelles permettent qu'un criminel condamné pour trafic de drogue soit libéré après avoir purgé un sixième de sa peine. Bref, il n'y a pas d'aspect dissuasif sur le plan criminel.
    Aux États-Unis, les procès sont beaucoup plus rapides, les sentences beaucoup plus efficaces, et dès qu'un groupe est visé par une enquête, que la police fait des arrestations, les criminels se précipitent pour devenir délateurs afin de régler leur sentence le plus rapidement possible. On l'a vu. C'est arrivé dans le cas de notre fameux éditeur de Toronto, Conrad Black. On a réglé le dossier grâce à un délateur, un collaborateur de Black qui s'est mis à table. C'est de cette façon que les Américains fonctionnent et ils y mettent beaucoup d'efforts. Pour ce qui est des structures américaines, la loi RICO est en vigueur depuis 1968 et fonctionne régulièrement. Les procès sont beaucoup plus courts.
     Au Canada, le citoyen ordinaire n'a malheureusement pas souvent l'occasion de faire appel aux tribunaux parce que ça coûte une fortune. Les criminels, eux, ont des avocats qu'ils paient grassement, en argent comptant.
    L'opération Colisée, par exemple, a duré cinq ou six ans, incluant les préparatifs. Parce que la structure policière de la GRC est centralisée, il y a eu cinq ou six commandants. Ce sont des bureaucrates d'Ottawa qui décident de la façon de fonctionner. Les décisions ne sont pas toujours mauvaises, mais ces personnes sont très loin de la rue et des enquêtes. De plus, la structure policière de la GRC fait qu'un policier doit être généraliste, c'est-à-dire bon dans tous les domaines, pour gravir les échelons.

  (0850)  

    Au contraire, dans la lutte contre le crime organisé, c'est un travail de longue haleine qui permet de comprendre le fonctionnement de structures dont font partie, par exemple, des criminels d'origine sicilienne qui vivaient dans des milieux agricoles, dans des villages, et qui ont réussi à importer ce type de structure à Montréal. Certains s'impliquent très efficacement dans le trafic de drogue, d'autres dans les hautes sphères de la construction, d'autres dans le financement des partis politiques.
    On a donc finalement une structure du crime organisé qui est très intégrée et très efficace. De plus, malheureusement, on s'attaque à des situations qui sont susceptibles de plaire au public, sans toutefois s'attaquer nécessairement de façon efficace au crime organisé.
    Je vais répondre aux questions plus tard. J'en ajouterai d'autres tout à l'heure.

  (0855)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à Jean-Pierre Lévesque pour dix minutes.

[Français]

    Bonjour. Cela va se faire en français également.
    Merci de votre invitation.
    Je suis un policier de la GRC à la retraite depuis 2006. Durant les 15 dernières années que j'ai passées avec la GRC, j'étais assigné au Service canadien de renseignements criminels comme coordonnateur des questions liées aux bandes de motards criminels. Aujourd'hui, on pourrait utiliser le terme « à la bande des Hells Angels » puisque ceux-ci ont éliminé toute compétition. Mon but était de faciliter et de promouvoir l'échange de renseignements entre les agences d'application de la loi à l'échelle nationale et internationale. Ici, je ne parle pas seulement des corps policiers, mais également des services correctionnels, des services d'immigration, des services douaniers à l'époque, et ainsi de suite.
    Au début des années 1990, on a assisté à la transformation d'une petite entreprise criminelle en une multinationale du crime organisé qui, comme la mafia aujourd'hui, a pris le contrôle de certains secteurs de la construction en se servant des mêmes méthodes que pour leur trafic de stupéfiants: l'intimidation, la violence — je pense qu'André Noël en parlera. À cette époque, la coopération et la coordination étaient minimes entre les corps policiers. Au début de la guerre des motards, une stratégie nationale a été mise en place, et l'escouade Carcajou a été créée à cette occasion. Cette stratégie nationale est toujours vivante et fonctionne bien.
    Voyons quelques détails à propos de son fonctionnement. Elle donne accès maintenant aux banques de données aux escouades spécialisées dans la lutte contre les motards; elle permet des échanges tactiques et stratégiques sur une base continue entre les différents intervenants; elle permet la sensibilisation et la formation continue des membres des agences d'application de la loi sur l'importance d'arrimer nos efforts, par l'intermédiaire de documents, de pamphlets, de vidéos et ainsi de suite; elle permet la formation de témoins experts.
    En 1992, la Loi sur l'immigration a été modifiée. Il a été décidé qu'à l'avenir, tout membre de bande du crime organisé venant de l'extérieur du pays n'aurait pas accès au pays. À l'époque, on avait fait une présentation et on avait demandé pourquoi les Hells Angels ne faisaient pas partie de cette liste. Finalement, on a convaincu les autorités qu'ils devaient en faire partie. À ce jour, aucun Hells Angels étranger, ou même aucun Bandidos ou Outlaws ne peut entrer au Canada, avec ou sans dossier criminel. Ils sont bannis.
    Il y a également le LAW Group, le Legal Advisor War Group, auquel se sont joints, à l'époque, les procureurs de partout au pays chargés des dossiers des Hells Angels. Me France Charbonneau en était une des leaders, à l'époque. Les membres s'échangeaient des conseils, les procureurs étant vraiment hésitants à s'occuper de dossiers de Hells Angels, à la suite d'intimidations, etc.
    Je pense donc que cette portion du travail policier se porte bien à l'heure actuelle.
    Mon autre point porte sur le non-sens dans le fait de permettre aux membres d'une organisation criminelle se promener dans les rues du Canada avec leur carte d'affaire affichée dans le dos. Cette façon de faire a trois avantages pour eux. Cela contribue premièrement à maintenir le niveau d'intimidation, deuxièmement à maintenir le niveau de terreur et troisièmement, de façon encore plus importante, à s'assurer la confiance absolue des autres criminels — à 100 p. 100 —, ce qui facilite leurs activités criminelles, comme dans le domaine de la construction présentement. Depuis 1986 à Hambourg, en Allemagne, il est défendu d'afficher le logo ou le nom des Hells Angels en public sous peine d'emprisonnement.
    On sait que le gouvernement pourrait, par simple décret gouvernemental, décider qu'un groupe est une organisation terroriste, et saisir tous leurs biens. Pourquoi alors ne le fait-on pas avec les Hells Angels? Cela semble tellement complexe! Certains se cachent derrière la Charte canadienne des droits et libertés, comme en 1995, lorsque la première loi antigang fut votée, en brandissant le spectre de l'inconstitutionnalité de la loi. Pourtant, cette loi se porte très bien.
    Je pense que pour les citoyens canadiens, les Hells Angels sont une plus grande menace, à long terme, qu'Al-Qaïda ou les Tigres tamouls, avec leurs 200 morts, leurs 20 personnes innocentes tuées, leurs gardiens de prison tués et leur implication massive dans le trafic des stupéfiants, que ce soit par l'intermédiaire des laboratoires clandestins, de la culture hydroponique ou de l'importation de cocaïne.
    Une autre option serait de faire une déclaration judiciaire en prouvant que l'organisation est essentiellement vouée au crime. Depuis 2005 en Ontario, les policiers ont présenté cette preuve à quatre ou cinq reprises à la cour, et toutes les fois, elle a été acceptée. En 2005, lorsqu'une telle situation s'est présentée pour la première fois et que la juge Fuerst a décidé que les Hells Angels représentaient une organisation criminelle, ces derniers en ont appelé devant la Cour d'appel.

  (0900)  

    En juin dernier, la Cour d'appel a écrit que la décision de la juge Fuerst était impeccable. Les Hells Angels ont décidé d'en appeler à la Cour suprême. S'ils perdent en Cour suprême, va-t-on finalement les bannir, ou va-t-on continuer à leur permettre de se promener avec leurs cartes d'affaires?
    Il y a deux choses qui permettent de mieux contrôler le crime organisé. D'abord, lorsque quelqu'un est trouvé coupable de gangstérisme, pourquoi lui faire purger seulement 50 p. 100 de sa peine? Pourquoi se garder une petite gêne? Pourquoi le libérer également aux deux tiers de sa peine? Est-ce dans le but d'une fameuse réinsertion sociale? C'est utopique. Dans ce monde-là, ça n'existe pas. D'après mon expérience de 15 ans et ma connaissance des Hells Angels, je ne peux me souvenir du nom d'un seul Hells Angels qui soit devenu un honnête citoyen après son passage en prison.
    Quand on parle de coup de massue, la deuxième chose la plus importante est évidemment l'argent. C'est vrai que certaines lois n'ont jamais été testées en cour et ont toujours mené à des résultats mitigés. Je pense que Michel en a parlé. Les mafiosi sortent de prison avec beaucoup d'argent dans leurs poches, ce qui leur permet de financer les plus petits. Si leurs poches étaient vides, ils seraient beaucoup plus vulnérables et auraient de la difficulté à reprendre leur place dans le milieu.
    Actuellement, une enquête permet d'établir les profits et au fisc d'émettre des avis de cotisation à ces criminels. Il y a toujours des deals qui sont conclus, et les criminels paient sans problèmes et à rabais, continuellement, que ce soit avec une enveloppe pleine d'argent ou avec des chèques personnels.
    On parle de gangstérisme, et voici ma suggestion. Pourquoi ne pas obliger ces individus à remettre à l'État la totalité leurs profits, qui peuvent avoir été évalués, par exemple, à 10 millions de dollars pendant les quatre années d'une enquête? S'ils refusaient de le faire, ils demeureraient en prison jusqu'à ce que l'amende soit payée et ils ne pourraient pas faire faillite. Si leur peine était purgée, mais qu'ils devaient encore de l'argent, ils demeureraient en prison.
    On dit vouloir avoir un impact sur la relève et la décourager; je pense que c'est ce qu'il y a de plus important à faire. Tant les gangs de rue que les autres groupes attendent de connaître la sentence et le nombre de biens saisis pour savoir si cela vaut la peine qu'ils s'impliquent.
    Je pense que la clé du succès repose entre vos mains. Vous pouvez donner des conseils aux politiciens et aux gens de Justice Canada, qui vont décider comment changer les lois. C'est ce qu'il y a de plus important à faire.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Au tour maintenant de monsieur Noël, qui a lui aussi dix minutes.

[Français]

    Bonjour. Je vais vous parler en français aussi.
    Je voudrais vous raconter des petites histoires et nommer des personnes, mais je veux m'assurer qu'il y a immunité ici et que je ne pourrai pas être poursuivi pour ce que je vais vous dire parce que je fais déjà l'objet de plusieurs poursuites. Je suis journaliste à La Presse depuis 25 ans.

[Traduction]

    Soyez sans crainte, vous avez l'entière immunité lorsque vous témoignez devant un comité.

[Français]

    Saputo a lancé une poursuite de 24 millions de dollars contre moi, une autre...
    Monsieur le président, je m'excuse de vous interrompre, mais je ne suis pas sûr que vous pensiez au même genre de poursuites que M. Noël. Ce dernier n'a aucune inquiétude d'être poursuivi pour avoir enfreint la loi d'une façon ou une autre. Alors, il est évident qu'il a l'immunité de poursuite. Il n'en aurait pas besoin, car il n'enfreindrait pas la loi. Mais je pense que ce qui inquiète M. Noël, c'est qu'il puisse être poursuivi pour avoir donné des noms.
    Est-ce que je vous comprends bien?
    Oui.
    Peut-il nous donner ces noms à huis clos? Son témoignage pourrait être entendu à huis clos. Remarquez qu'il n'y a pas beaucoup de gens ici pour rapporter ses propos, mais des gens qui nous écoutent pourraient...

  (0905)  

[Traduction]

    Madame Jennings.

[Français]

    Je pense que les préoccupations de M. Noël sont tout à fait justifiées. L'immunité parlementaire ne s'appliquerait pas, s'il donnait des noms de personnes dans le cadre d'une séance publique. J'abonde dans le même sens que mon collègue Me Ménard. On devrait tenir la séance à huis clos pour le témoignage de M. Noël. De cette façon, la divulgation des noms se fera à huis clos, et personne n'a accès à la transcription. Tous les membres, tout le personnel et toutes les personnes ici présentes sont tenus à la confidentialité concernant tout ce qui se dira pendant la séance à huis clos. Si quelqu'un violait cette confidentialité, il pourrait être coupable d'outrage au Parlement et il pourrait faire l'objet de poursuites criminelles.

[Traduction]

    Bonne idée
    Est-ce que les membres du comité sont d'accord pour que le témoignage de monsieur se fasse à huis clos?
    Des voix: D'accord
    [Les travaux se poursuivent à huis clos.]

    


    

    [La séance publique reprend.]

  (0950)  

    Nous allons commencer une nouvelle série de questions. Disons cinq minutes pour la question et la réponse.
    Madame Jennings.
    Merci.

[Français]

    J'aimerais revenir à un sujet que vous avez tous abordé. C'est le fait que contrairement à ce qui se passe, peut-être, dans d'autres pays, les membres du crime organisé comme les Hells Angels, par exemple, peuvent se promener impunément dans les rues, en public, dans la plupart des lieux au Canada. Ce n'est pas illégal, pour eux, d'arborer leurs symboles qui sont quand même des symboles d'intimidation.
     Vous avez mentionné — je pense que c'est M. Sher qui l'a fait — des exemples de certaines villes, en Saskatchewan, à Vancouver, où les autorités municipales ont adopté des règlements qui permettent aux policiers d'expulser, par exemple, des membres des Hells. Si la personne résiste, il y a, à ce moment-là, des motifs raisonnables pour procéder à une arrestation pour obstruction au travail d'un agent de police. Pensez-vous que cela devrait être généralisé?
    Ensuite, quelqu'un a parlé d'un décret du gouvernement fédéral. J'aimerais en entendre un peu plus à ce sujet.
    Je ne m'adresse pas seulement à M. Sher. Si les autres témoins veulent ajouter quelque chose, je les invite à le faire.

[Traduction]

    Je crois qu'il faut faire la distinction entre le fait d'interdire un groupe ou de le rendre illégal et celui de trouver des moyens d'en contrecarrer les activités publiques. À ce que je sache, on a déjà tenté de le faire, comme nous l'apprennent les journaux d'aujourd'hui. En Australie, la criminalisation des bandes de motards est encore dans l'air, mais certaines questions d'ordre constitutionnel font encore obstacle. Je crois que quelques pays d'Europe ont aussi tenté le coup, mais sans grand succès.
    Je me suis probablement mal exprimée. Je ne parle pas d'interdire quelque organisation que ce soit; je parle d'interdire les symboles d'intimidation.
    Le Canada est en tête du peloton dans la médiatisation des questions liées aux gangs de rue. En ce sens, un bon nombre de provinces et de municipalités ont adopté ce qu'on appelle des lois contre le port d’insignes. À l'heure actuelle, celle de la Saskatchewan est contestée en cour d'appel parce que les Hells Angels font valoir qu’elle est inconstitutionnelle. Nous verrons bien ce qu’il adviendra de ces lois. À mon avis, elles seront appuyées et maintenues dans l’ensemble, car les municipalités, les provinces et d'autres administrations ont un droit.
    Cela revient à ce que je disais; il faut sortir des sentiers battus. Ces lois peuvent être très efficaces. Vous excuserez mon langage, mais bien qu’elles mettent les motards en beau maudit, elles ont effectivement un impact très fort.
    Contrairement à certains de mes collègues, je doute de l’efficacité de l'interdiction. Je peux vous expliquer pourquoi plus tard, si vous le souhaitez. Cependant, lorsque la plupart des membres d’une bande sont arrêtés et accusés, les dispositions les empêchent de se regrouper même s’ils n'ont pas encore été condamnés. C'est ce qu'on appelle l'interdiction d'établir des contacts. C'est aussi très efficace, car si l’on arrête une centaine de Hells Angels et qu’ils ne peuvent plus communiquer entre eux ou avec un contact qui les relie, le gang se trouve paralysé, au moins pendant la période du procès. Le Canada a donc ouvert la voie à d’ingénieux moyens comme celui-là, et le gouvernement fédéral pourrait peut-être le coordonner plus efficacement.

  (0955)  

    Monsieur Auger.

[Français]

    C'est un débat qui, finalement, est à peu près inutile parce que ce serait facile d'interdire aux Hells Angels de se promener en public avec leurs écussons. Mais, s'ils enlèvent leurs écussons, il faut encore prouver qu'ils sont membres d'une organisation criminelle, de toute façon. La mafia n'a pas d'uniforme, et ses membres sont très efficaces, encore plus que les Hells Angels dans beaucoup de cas.
    Finalement, c'est une perte de temps que de vouloir faire ça, ou encore, qu'on le fasse, mais qu'on pense aussi à d'autres moyens d'être plus efficaces. Car si les Hells Angels ne peuvent plus porter leurs couleurs, ils vont continuer à pratiquer leurs activités criminelles de toute façon. Et, c'est là le problème; ce n'est pas l'affichage en public.
    Je ne veux pas que mes suggestions soient considérées comme une solution magique. C'est un problème complexe, et, à mon avis, ça nous prend des solutions complexes qui n'élimineraient pas le problème à jamais: c'est clair. Il y a certaines mesures qui peuvent avoir un impact positif sans être la solution magique.
    Ensuite, je voulais vous demander...

[Traduction]

    Madame Jennings…
    L’hon. Marlene Jennings: Mon temps est-il écoulé?
    Le président: Oui.
     Aimeriez-vous une réponse brève à cette seule question?
    Non, je vais attendre. Ma question est trop longue.
    D'accord, merci.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci.
    Je ne vous ferai pas répéter, monsieur Auger, j'allais vous poser la question.
    Il y a une différence entre la mafia et les Hells Angels. Les Hells Angels agissent publiquement alors que la mafia, que je sache, n'a jamais voulu s'afficher. C'est une insulte que de dire à quelqu'un qu'il est mafieux, mais le mouvement est quand même d'une efficacité terrible.
    Il y a un autre sujet plus délicat au sujet duquel je voudrais votre opinion. Je ne me trompe pas en pensant que la principale source d'argent des organisations criminelles est le trafic de drogue, et on me dit que les principales sources de revenus, en ce qui concerne le trafic de la drogue, sont la marijuana et le hashish.
     Pensez-vous — certains l'ont déjà suggéré — que si l'usage de la marijuana était légalisé, cela enlèverait une portion importante des revenus aux organisations criminelles, ou cela serait-il remplacé par autre chose d'aussi efficace? Cela aurait-il un effet?
    Effectivement, les revenus criminels proviennent en grande partie du trafic de la drogue, mais il ne s'agit pas strictement de la marijuana. La marijuana de consommation locale au Canada est un des problèmes, et son exportation aussi. Le Canada est devenu un pays exportateur de marijuana, mais il est un gros importateur d'héroïne, de cocaïne et d'autres produits chimiques.
    Personnellement, j'ai toujours cru que la légalisation aurait peu d'impact sur le milieu criminel. Le seul effet serait d'éviter à une bande de petits consommateurs de se retrouver avec un dossier judiciaire, ce qui serait une bonne chose. Pour ce qui est de l'impact sur le crime organisé, je ne pense pas qu'il serait majeur. Le problème du trafic de la drogue est qu'on a beaucoup d'argent comptant — ce dont je parlais brièvement plus tôt — et qu'on le réinvestit dans le prêt usuraire en partie, dans des entreprises illicites ou licites avec des prête-noms, etc. C'est tout ce système financier qui est le problème.
    D'autres parmi vous avez fait état aussi — c'était en anglais — de police infighting. Je comprends que c'est un problème ailleurs au Canada, mais est-ce encore un problème au Québec, où les policiers ont vraiment pris l'habitude de travailler dans ce qu'ils appellent maintenant « des escouades mixtes » et ont constaté eux-mêmes l'efficacité du partage de leurs banques de renseignements en matière criminelle? Constate-t-on encore au Québec qu'effectivement, il y a beaucoup de police infighting, de querelles entre les corps policiers?
    D'expérience, je peux vous dire qu'au début, il y en avait beaucoup. Quand je suis parvenu à ma retraite, en 2006, je pense que les policiers du Québec menaient par l'exemple, et ceux de l'Ontario ont suivi rapidement. Présentement, en ce qui concerne tous les dossiers majeurs du crime organisé, peu importe lesquels, les Hells Angels, le gang de l'Ouest, les Italiens, il y a une table ronde et les dirigeants des opérations se rencontrent à des moments précis. Les dossiers sont totalement ouverts, avec toute l'information disponible, à tout le monde: il y a un échange complet. Dans tout le pays, c'est sûr que ce n'est pas encore parfait, mais le meilleur exemple est celui du Québec. Avec l'Ontario, ces deux provinces sont présentement des leaders en ce domaine. Même si, dans d'autres provinces, il y a encore certains accrochages, l'idée est implantée. Évidemment, les policiers savent que les meilleurs résultats sont obtenus lorsqu'ils travaillent ensemble.

  (1000)  

    Vous nous avez tous bien signalé que le fait de modifier les lois peut jouer un rôle minime par rapport à l'organisation du travail policier. J'aimerais savoir ce qu'il reste à modifier dans la législation, qui représente un obstacle à un travail efficace contre le crime organisé. Je pense que vous avez tous constaté la situation. Un procureur de la Couronne a dit, à la suite d'une cause qu'il avait gagnée, que la lutte contre le crime organisé, c'est comme le ménage: c'est toujours à recommencer. Il y en aura donc encore à faire.
     Mais reste-t-il des obstacles législatifs indus que nous devrions corriger pour faciliter le travail, tout en respectant évidemment le fait qu'on soit dans une société de droits, avec une Charte des droits et libertés de la personne? On n'est pas à la veille de changer cela.

[Traduction]

    C’est une question très vaste, et nous n’aurons peut-être pas le temps d’y répondre entièrement. Nous allons d’abord entendre, très brièvement, la réponse de M. Sher quant aux principales modifications législatives qu’il propose. Je vais ensuite donner la parole à M. Comartin, car il a réservé ses questions pour la séance publique.
    Je réitère qu’il est préférable de sortir des sentiers battus et d’user de créativité au lieu de compter inutilement sur certaines lois fédérales. Il semble toutefois que l’on songe sérieusement à actualiser les mesures législatives sur l’écoute électronique, car bien que nous vivions dans l'ère des BlackBerry, des téléavertisseurs et des communications Internet, il est encore question des bons vieux téléphones noirs dans les textes de loi en vigueur.
    Il faut étudier les produits de la criminalité beaucoup plus sérieusement. Un policier m'a déjà confié avoir arrêté un motard de nombreuses fois sans que cela le dérange, mais le jour où l’on a saisi sa Lamborghini, il a fondu en larmes. En d'autres mots, il faut lutter contre le crime organisé en ciblant le point sensible, c’est-à-dire le portefeuille des criminels. Y a-t-il donc des moyens de renforcer et d'améliorer les produits de la criminalité?
    Je vous incite vraiment à sortir des sentiers battus. Prenons l’exemple d’une poursuite qui a échoué, lorsque Revenu Canada, comme l’organisme s'appelait à l'époque, a décidé de poursuivre les Hells Angels de Vancouver. Revenu Canada est autorisé à poursuivre délibérément n’importe quel groupe, qu'il s'agisse de pêcheurs ou d'agriculteurs, simplement pour enquêter. Ainsi, les responsables examinaient l'emploi d’une personne, combien d'argent elle avait fait et ce qu’elle avait déclaré. Ils ont choisi les Hells Angels pour diverses raisons. Je peux vous donner plus de détails plus tard si vous le souhaitez. La poursuite n’a pas nécessairement donné les résultats escomptés, mais là encore, elle a vraiment mis les Hells Angels en colère et a perturbé leurs opérations. Voilà ce que j’entends par manière créative. C’est ainsi qu’on a arrêté Al Capone.
    Merci.
    Monsieur Comartin, pour cinq minutes.
    C’est en utilisant ce genre de manœuvre que l’Italie les a démantelés.
    J'aimerais revenir à la relation entre les traditionnels gangs du crime organisé qui sont encore ici, les Hells Angels, et les gangs de rue. Le phénomène est en hausse en Ontario, où les gangs de rue sont manipulés à bien des égards par les gangs de motards et moins par les cercles traditionnels de crime organisé. Pouvez-vous me dresser le portrait de la situation au Québec?

[Français]

    Pas seulement ici, à Montréal, mais au Québec, de façon plus générale.
    Un des problèmes que je vois, pour ma part, est qu'on veut apposer des noms et des photos à des organisations. Or, qu'il s'agisse de la mafia, des Hells Angels ou des gangs de rue, ils font tous la même chose. Les criminels ont différents amis, différents associés et différentes associations, mais dans les faits, ils font exactement la même chose. Les Hells Angels et la mafia se sont entendus pour partager des territoires, à certains moments. Les gangs de rue font du travail sale pour la mafia. Des meurtres ont eu lieu à Montréal. Un Noir qui était membre d'un gang de rue a été embauché pour exécuter un contrat. La personne visée était un gros mafioso. Ces groupes entretiennent des liens fréquents.
    Le fait de les mettre dans des boîtes, les noms... Quand la police italienne affirme que la mafia a été démantelée, elle dit vrai. On a démantelé une organisation appelée la mafia, mais les individus qui n'avaient pas été arrêtés en ont recréé une autre. Elle porte des noms différents, dans diverses régions de la Sicile, mais le résultat est exactement le même.

  (1005)  

[Traduction]

    C'est compliqué, mais prenez la situation sous l’angle de la hiérarchie. Il faut aussi tenir compte des conflits de compétences et des trois générations. En d'autres termes, les personnes au bas de l’échelle du crime organisé sont responsables de casser les jambes. Il s’agit des voyous, des tueurs et des gangs de rue. Au deuxième niveau, on retrouve les rois des groupes criminels. Prenez Mom Boucher, par exemple. Ces personnes sont bien connues et reconnues comme des voyous et des criminels. On atteint l’échelon supérieur quand on est devenu propre. Les profits sont désormais investis dans des affaires propres et organisées.
    Quant à cette hiérarchie, il y a des fluctuations. Certains membres des Hells Angels ont commencé comme voyous en cassant des jambes pour le compte de la mafia, puis ils ont grimpé dans l’échelle. Walter Stadnick en est un exemple, à Hamilton. Cette personne devient alors un haut dirigeant du crime organisé. Un jour, cependant, les Hells Angels sont devenus assez puissants. Au départ, ils étaient les hommes à tout faire de la mafia lorsqu'elle faisait entrer de la drogue au pays. Ils se contentaient d’en faire la revente. Ils sont littéralement devenus assez puissants, surtout au Québec, comme nous l’avons expliqué dans un de nos livres, pour qu’ils puissent négocier le prix de la cocaïne à la même table que la mafia. Un moment donné, les Hells Angels se sont sentis assez puissants pour aller directement en Amérique latine pour l’importer et ainsi contourner la mafia. Ils ont donc commencé à gravir les échelons.
    Actuellement, en Colombie-Britannique, certains membres des Hells Angels sont si propres qu'ils ont investi dans la bourse et sont devenus des hommes d'affaires légitimes. Ils sont propriétaires de magasins de cellulaires et de vêtements. Ils ont donc grimpé à l’échelon supérieur. En Colombie-Britannique, les Hells Angels peuvent maintenant faire appel aux gangs de rue, qui sont encore au niveau inférieur, pour effectuer leur sale boulot. Cependant, quand les Hells Angels sont en difficulté, les gangs de rue les plus puissants, tels que les United Nations ou les Independent Soldiers, commencent à se hisser au deuxième niveau.
    Il y a de constantes variations. Vous pouvez donc envisager la situation selon cet angle.

[Français]

     Aujourd'hui, ils sont très opportunistes. On profite présentement du vide créé par les grosses arrestations chez les Italiens et les Hells Angels. On joue du coude pour déterminer qui va faire quoi. C'est désorganisé, présentement, mais comme le disait Julian, les Hells Angels sont en quelque sorte passés du statut de thugs à celui de membres du conseil de bande. Dans le cadre d'importations majeures, il peut aussi bien y avoir autour de la table un membre des Hells Angels, un de la West End Gang et un des Italiens. Chacun fournit un certain montant. Ça se passe continuellement. Il s'agit de ceux qui ont des contacts. On l'a vu, même quand la GRC a ouvert son comptoir de change. Cette opération visait les Italiens, mais en fin de compte, toute la racaille de Montréal est allée blanchir son argent là-bas.
    Bien sûr, je suis d'accord pour qu'on bannisse les Hells Angels. C'est aussi une question d'image. Il faut redonner confiance au public, mais il est certain que ce n'est pas la solution ultime. Je sais que ces gens vont revenir, vont redevenir des criminels. Par contre, ils vont être moins organisés, ils ne vont pas pouvoir compter. À l'intérieur de la structure et dans le cadre d'actes criminels, le gars du Québec ne sera plus aussi près de celui de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique.
    Pour ce qui est des changements à la loi, je me demande pourquoi, lorsqu'on parle de gangstérisme, il devrait s'agir de 50 p. 100 et non de 100 p. 100 de la sentence. Rien ne justifie cela. On a déterminé combien de profit ils faisaient, alors pourquoi ne leur dit-on pas qu'ils vont rester en prison tant qu'ils n'auront pas remboursé cet argent? Ça paraît dur, mais pourquoi marcher à pas de souris? Donnons un bon coup de masse. Après tout, on parle de gangstérisme.

[Traduction]

    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Norlock, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, d’être venus témoigner aujourd’hui. C’est très instructif. Ce qui est bien, c'est que vous êtes des journalistes d’enquête. En d'autres termes, vous ne rédigez pas simplement des articles-chocs. Vous approfondissez la question et vous trouvez ce qui est exactement à l’origine des problèmes.
    Bien sûr, je remercie également mon ami, M. Lévesque, qui est un confrère policier.
    Je voudrais commencer par quelques observations et je vais vous demander des réponses plus courtes. S'il m'arrive de prendre la moitié du temps pour faire une déclaration, dites-le-moi, car il n'y a pas de réponse complète.
    J’aimerais reprendre certains propos de MM. Auger et Lévesque. Ils ont dit que les gens ne considèrent pas la sortie de prison après avoir purgé seulement le sixième de la peine comme un moyen de dissuasion. M. Lévesque a affirmé que, lorsqu’ils sont reconnus coupables, certains d'entre eux purgent environ la moitié de leur peine.
    Nous savons que les régimes de détermination de la peine de ce pays, du moins ceux qui ont suivi… Au niveau fédéral, nous avons remédié à certains de ces problèmes en déposant le projet de loi C-15 sur les crimes graves liés à la drogue — nous tentons d’en augmenter l’enjeu — ainsi que, bien entendu, le projet de loi C-25 sur l’adéquation de la peine et du crime, qui devrait obtenir la sanction royale sous peu.
    La question suivante s’adresse aux trois témoins. Croyez-vous que des peines plus sévères pour ceux qui commettent des crimes graves avec violence et des crimes graves liés à la drogue vont régler en partie le problème?
    Commençons par M. Sher.

  (1010)  

    Curieusement, malgré tous les livres que j'ai écrits, je ne penche pas vraiment pour l’ordre public, en ce sens que je doute que la prolongation de la peine d’emprisonnement soit nécessairement efficace. Néanmoins, ce peut être important, et je crois que nous oublions que ce n’est pas seulement pour arrêter les malfaiteurs ou leur leader. Aux États-Unis, on a réussi à obtenir des résultats en exerçant une pression sur les personnes au milieu ou au bas de l’échelle pour les inciter à se retourner contre leur chef. En d'autres termes, il est question de vendre la mèche ou d’accepter la peine. C'est là que réside le problème.
    Prenons un exemple où la police arrête un motard ou un criminel de niveau intermédiaire et où elle veut qu'il contacte son supérieur pour démanteler le crime organisé. Si la personne n’a que deux ans à purger et qu’elle sait qu'elle va sortir de prison dans quelques mois, elle n'a pas intérêt à se retourner contre son chef. C’est toutefois le cas si elle se voit infliger une peine de 10 ou 15 ans pour une accusation liée à la drogue. C’est ainsi que les Américains réussissent à arrêter ce leader. Voilà pourquoi c'est important.

[Français]

    Comme mon collègue, je pense que les sentences vont aider un peu les petits criminels, mais qu'elles n'auront pas d'impact majeur sur la société.
    Pour ma part, je pense que la question n'est pas tant le nombre d'années de la sentence que la quantité de temps que l'individu va devoir passer à l'intérieur des murs. Je parlais plus tôt d'un pourcentage minimum de 50 p. 100 et, pourquoi pas, de 75 p. 100? Comme je le disais, la réinsertion sociale n'existe pas, pour ces gens-là. Je suis d'accord pour dire que les délateurs sont la clé du succès de toute grosse enquête policière, et que ces gens-là doivent aussi, au même titre que les grands patrons, subir des sentences sévères.

[Traduction]

    Monsieur Noël.

[Français]

    Non.

[Traduction]

    Voici ma manière de concevoir les choses en tant que personne pour qui l’ordre public et la sécurité publique sont importants. Une personne qui est arrêtée pour une infraction en matière de drogue, et je parle d’une infraction sérieuse où il n’est pas seulement question d’un ou deux joints, mais d’une importante quantité de drogues, est clairement impliquée dans une activité qui dépasse l’usage récréatif.
    Dans certains cas, en raison du fonctionnement du régime de détermination de la peine et de nos prisons, certaines personnes ne purgent qu’un sixième de leur peine de sorte qu’elles ne passent pas trop de temps en prison, ce qui coûte beaucoup d'argent.
    D’après ce que vous proposez, soit de permettre aux policiers et aux procureurs de la Couronne d’utiliser les criminels du bas de l’échelle pour atteindre les leaders, devrions-nous, le gouvernement, le pays et le Parlement, envisager d’abolir le régime par lequel un détenu ne purge qu’un sixième de la peine? Admettons qu’une personne est condamnée à six ans parce qu’elle possédait tant d’onces de cocaïne, de crack ou d'ecstasy, elle irait en prison. S’il s’agit de sa première infraction, elle va sans doute ne purger qu’un sixième de sa peine. Donc, si le juge est vraiment sévère et qu’il la condamne à six ans de prison, elle en serait sortie après un an ou après deux ans et demi, tout au plus.
    Croyez-vous que ce serait une bonne idée d’abolir cette pratique, mais en permettant au système judiciaire, aux poursuivants et aux enquêteurs de faire ce que vous proposez?

  (1015)  

    Je crois que la loi est mal affinée, et le problème que posent les peines minimales obligatoires ou les lois draconiennes en matière de drogue… Regardez ce qui s'est passé aux États-Unis; les prisons sont remplies de gens qui ont été arrêtés pour une raison quelconque, mais qui ne sont peut-être pas les leaders du crime organisé, les gens que l’on souhaite arrêter. Il pourrait être plus intéressant de se pencher sur les lois visant la majoration des peines infligées aux gangs, notamment, ce que même le gouvernement fédéral a déjà fait.
    C'est la même chose pour les lois contre les comportements haineux. Nous savons qu’il est mal de tabasser quelqu'un, mais si c’est parce que la victime est noire ou homosexuelle, la sanction devrait être plus grande. Ainsi, il est interdit de tirer sur des gens, mais si c’est fait uniquement ou en partie pour le gang, il devrait y avoir des peines plus sévères. La vente de drogue n’est pas nécessaire, il suffit que l’infraction soit commise en tant que membre d'un gang. C'est d’autant plus intéressant que l’on peut ensuite établir une distinction entre les victimes et les auteurs du crime.

[Français]

    M. Petit parlait plus tôt de portes tournantes, mais à mon avis, les individus qui en sont à une première offense et qui ont commis un crime non violent devraient encore pouvoir purger le un sixième de leur peine. Par contre, ça ne devrait pas s'appliquer aux individus liés à une organisation criminelle. La sentence devrait être plus sévère. M. Lévesque parlait de la pleine sentence, même pas des deux tiers. Chose certaine, il faudrait au moins augmenter la peine, et non la réduire.
    Je suis d'accord à 100 p. 100 avec M. Auger. Le un sixième de la peine doit s'appliquer à des gens pour qui la réinsertion sociale est possible. Quand on parle de gangstérisme et de crime organisé, l'histoire le prouve: ça ne fonctionne pas. Ne perdons pas notre temps avec cela. Dans le cas de ces gens, on ne devrait jamais permettre que seul le un sixième de la peine soit purgé, peu importe le crime perpétré.

[Traduction]

    J’ai une question. Si je ne m’abuse, certains d’entre vous doivent partir à 10 h 30?
    Je dois prendre l’avion à midi. Je pourrais donc partir vers 10 h 45.
    D’accord. Il semble qu'un de nos témoins de la prochaine séance… Seulement deux groupes viennent témoigner, et l’un d’eux sera reporté à cet après-midi. Je propose que nous prolongions la séance en cours d’une heure.
    Vous n’avez pas à être présents tout ce temps, mais ce serait une occasion d’entendre des témoignages que nous n’avons pas entendus avant à Vancouver ou à Ottawa, particulièrement sur la mafia et les Hells Angels. La majeure partie des renseignements recueillis jusqu’à maintenant portent sur les gangs de rue, le phénomène en cours sur la côte Ouest. Vos témoignages nous sont donc très utiles.
    Êtes-vous d’accord pour prolonger cette séance d’une heure? Cela vous convient-il?
    D’accord, nous allons procéder ainsi.
    Je peux rester ici jusqu’à 10 h 45.
    D’accord. Vous pourrez partir quand vous voudrez. Nous poursuivrons les délibérations avec les deux autres témoins.
    Monsieur Sher.
    Si vous avez des…

[Français]

    Il faut que tu partes à 10 h 45.

[Traduction]

    Nous devons tous les deux partir à 10 h 45…
    Je vois.
    … si vous voulez nous poser des questions particulières.
    D’accord.
    Qui est le prochain à intervenir? Monsieur Woodworth.

[Français]

    Je voudrais vous remercier.

[Traduction]

    Un instant, je tiens à respecter l’ordre.
    En fait, c’est le tour de Mme Jennings. Madame Jennings, la parole est à vous.
    Merci.
    De combien de temps est-ce que je dispose?
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Vous avez encore parlé du « think out of the box » en disant que certaines mesures législatives peuvent être prises en vue de faciliter le travail de nos services de police, par exemple la modernisation des dispositions du Code criminel concernant l'écoute électronique.
    Je suis contente que le gouvernement ait finalement déposé son projet de loi pour effectuer ce travail. J'avais déposé à la Chambre un projet de loi privé à ce sujet, mais j'étais tellement loin sur la liste qu'il aurait fallu attendre trois ans avant de commencer à en débattre et de le voter.

[Traduction]

    La Chambre des communes est déjà saisie de deux projets de loi. J’en ai lu un, celui qui concerne la Loi sur la modernisation des techniques d’enquête, et il a exactement la même teneur, mais je crois que le gouvernement lui a donné un autre titre. Les articles sont les mêmes, mais ils ont changé de place. Il y a aussi un autre projet de loi. Voilà donc de bonnes nouvelles.

  (1020)  

[Français]

    Dans les escouades spécialisées, retrouve-t-on des gens de l'Agence du revenu du Canada ou du ministère du Revenu provincial du début à la fin ici, au Québec, ou partout au Canada?
    J'ai eu connaissance de plusieurs enquêtes où il y a eu énormément de collaboration entre les différents ministères — l'Immigration, l'Agence des services frontaliers, etc. Aujourd'hui, il y a beaucoup de collaboration, et c'est ce qui a amélioré beaucoup les enquêtes et donné de meilleurs résultats. Les policiers ont collaboré avec les différents groupes. Les enquêtes sur le crime organisé sont très dispendieuses, et les policiers n'ont pas assez de souffle ni d'argent. La police de Montréal est pratiquement en faillite, et la GRC se concentre sur Vancouver et sur le prochain sommet. Elles n'ont pas d'argent pour les enquêtes courantes; cela coûte trop cher.
    L'une des mesures d'aide que le gouvernement fédéral pourrait offrir serait de créer un fonds spécial ou d'investir dans les services de police, pour que ces escouades spécialisées aient accès à des fonds.
    L'une des meilleures façons de dissuader les criminels est qu'ils sachent qu'ils risquent fort d'être capturés. Une fois capturés, le processus de justice se déroulera assez rapidement, et s'ils sont trouvés coupables, ils devront purger une peine d'emprisonnement.
    À part investir dans la formation spécialisée des procureurs et des policiers, que peut-on changer, dans les dispositions du Code criminel, pour s'assurer qu'une fois que des accusations criminelles sont portées, le processus de justice soit accéléré et ait vraiment un effet dissuasif?
    Le système des États-Unis a un grand effet dissuasif. Un motard qui s'appelle Rick Vallée a été arrêté au Canada pour un meurtre commis aux États-Unis. Il a été condamné, si je me rappelle bien, à 25 ans de prison, ainsi qu'à une amende compensatoire à la famille de la victime de 1 million de dollars. Il ne peut pas être libéré tant que la compensation à la famille de la victime n'aura pas été payée. Ça, c'est vraiment un effet dissuasif. On aurait intérêt à aller chercher des idées du côté des États-Unis.

[Traduction]

    Brièvement, j’ai deux points à apporter.
    La diligence est extrêmement importante dans le cadre des poursuites judiciaires. En Colombie-Britannique, il y a des procès de gangs qui s’éternisent, ce qui empêche également les policiers d’aller enquêter parce qu'ils doivent constamment témoigner en cour.
    Il serait important que vous étudiiez la relation de Revenu Canada. Vous devriez vérifier ce qui s'est passé dans l’exemple de la Colombie-Britannique, parce qu'il y a des zones grises où Revenu Canada ne peut pas être perçu comme étant utilisé par la police. Il faudrait donc créer des barrières. Si c’est fait efficacement, ce pourrait être très puissant.
    Merci.
    Peut-être, pourrais-je aborder une question.
    Vous avez mentionné les procès qui s'étirent en longueur. Notre comité mène actuellement une étude sur des organisations criminelles désignées, et nous avons presque terminé notre travail à ce sujet. Mais je crois comprendre qu'une des raisons pour lesquelles les procès s'éternisent est exactement celle-ci: prouver qu'une personne appartient à une organisation criminelle prend beaucoup de temps.
    Dans la plupart des principaux procès que nous appelons antigang, prouver l'infraction de prédicat, qu'il s'agisse d'un trafic de drogue ou de quelque chose d'autre, est relativement aisé. C'est prouver l'appartenance à un gang qui peut être difficile.
    Oui.
    Monsieur Woodworth, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je voudrais encore vous remercier de votre présence aujourd'hui. Vous me faites voir les journalistes d'un nouvel oeil.
    J'ai une question à poser à M. Sher, mais je vais continuer en anglais.

[Traduction]

    Bien que je ne l'aie pas lu, je sais, monsieur Sher, que vous avez écrit un livre intitulé Un enfant à la fois: Protéger nos enfants des cyberprédateurs. Vous avez mentionné très brièvement au début de votre déclaration des questions semblables, par exemple, le fait que l'enlèvement d'une jeune fille fasse la une des médias. J'ai pris connaissance d'une citation émanant de l'organisation Au-delà des frontières qui porte sur cette question. Elle dit ceci:
En ce qui concerne les peines imposées au Canada pour les crimes contre les enfants en général, elles sont très, très, très clémentes. Ceux qui font la traite des êtres humains, en particulier des enfants, ne sont pas des gens qui méritent une tape sur les doigts. Les tribunaux devraient indiquer clairement — et c'est ce que Joy Smith tente de faire — que ce genre de comportement ne sera pas toléré.
    Vos remarques à propos des grands titres qui sont publiés lorsqu'une jeune fille est enlevée sont un domaine que j'aimerais explorer, parce que j'ai eu l'impression que vous établissiez peut-être un lien entre ce genre d'activités et le crime organisé. Alors, je me demande si vous pourriez m'indiquer dans quelle mesure la traite de personnes est présente à Montréal, dans quelle mesure le crime organisé peut y prendre part, et dans quelle mesure ce commerce est profitable — des questions de ce genre.
    Merci.

  (1025)  

    Je dois maintenant changer de rôle. Je ne pensais pas parler des prédateurs d'enfants.
    Permettez-moi de vous expliquer brièvement que la majeure partie de l'exploitation sur Internet, de la pornographie juvénile et des crimes de ce genre sont organisés au moyen de réseaux, mais pas nécessairement au moyen des réseaux traditionnels du crime organisé. Cela étant dit, dans mon livre ainsi que dans d'autres rapports d'enquête, il y a pas mal de faits qui corroborent l'implication du crime organisé de l'Europe de l'Est et de la Russie.
    J.P. Lévesque et d'autres membres de la GRC ont également documenté, à l'époque, des exemples où les Hells Angels ont participé à l'exploitation de jeunes femmes qui venaient au Canada pour travailler dans des clubs érotiques. Et, une partie des profits réalisés grâce à l'exploitation sur Internet servira au crime organisé. En fait, il y avait un membre des Hells Angels qui était non seulement membre du gang aux États-Unis, mais aussi du gang qui exploitait une maison de prostitution. Il a également été arrêté et accusé de pornographie juvénile. Alors, vous voyez le lien.
    Permettez-moi de vous dire que les Américains nous ont donné un bon exemple d'utilisation créative des lois sur la criminalité organisée que nous devrions essayer de suivre ici. Le FBI a poursuivi trois ou quatre personnes qui s'étaient rendues coupables de pornographie sur Internet et de pornographie juvénile, mais ils ont porté contre eux des accusations de gangstérisme, des accusations en vertu de la loi RICO, en démontrant qu'essentiellement, ils exploitaient un réseau du crime organisé. Donc, nous pouvons élargir notre définition du crime organisé.
    Une des plus grandes descentes policières qui ait jamais eu lieu au Canada et qui a eu des répercussions partout dans le monde représentait une énorme initiative. Ils ont arrêté des hommes et ils ont été en mesure de prouver qu'ils faisaient tous partie d'un réseau. Voilà ce qu'est le crime organisé, et il nuit à nos enfants.
    Je veux restreindre ma question et m'éloigner un peu des problèmes en ligne pour me concentrer sur la traite des personnes qui s'y rattache.
    J'aimerais avoir votre opinion. Je ne viens pas du Québec et je ne connais pas la situation là-bas. La traite des personnes est-elle un problème au Québec, à Montréal, et est-elle liée au crime organisé?
    Je ne suis pas un expert sur ce qui se passe ici, mais, en deux mots, la réponse est oui si vous en discutez avec n'importe lequel des principaux groupes internationaux qui luttent contre l'exploitation des jeunes femmes.
    Mon prochain livre portera sur la traite et la prostitution enfantine. Nous pouvons discuter de la traite de personnes, mais la majeure partie de la traite qui a lieu dans notre pays est nationale. En d'autres termes, on exploite de jeunes femmes de l'Est de Montréal pour les faire travailler dans des clubs érotiques qui se trouvent le long des autoroutes. On exploite de jeunes femmes de l'Alberta pour les faire travailler dans des clubs érotiques ou des maisons de prostitution à Vancouver . Bien sûr, l'élément international est important, mais la vaste majorité des filles qui sont exploitées dans notre pays sont canadiennes. Le même principe s'applique aux États-Unis avec les jeunes Américaines. Ce sont les réseaux du crime organisé qui s'occupent de cette exploitation.
    On sait que les Hells Angels contrôlent une grande part des réseaux de prostitution en Colombie-Britannique. À l'époque où j'enquêtais sur les Hells Angels ici, au Canada, la plupart des clubs érotiques qui se trouvaient le long des autoroutes étaient contrôlés par le crime organisé. Il est impossible d'avoir des réseaux de prostitution et des clubs érotiques sans que le crime organisé soit impliqué.
    Avez-vous des observations à formuler par rapport à la recommandation émise par l'organisation internationale Au-delà des frontières et croyez-vous, comme elle, que nos peines devraient être plus dissuasives dans ce secteur d'activités criminelles ou qu'au contraire, les lois canadiennes actuelles suffissent à décourager les délinquants potentiels?

  (1030)  

    Les lois canadiennes ayant trait à la violence faite aux enfants et à la traite des personnes sont vraiment dérisoires. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais observez les mesures que le Royaume-Uni et les États-Unis prennent lorsque leurs citoyens exploitent des enfants à l'étranger ou participent à la traite de personnes, et remarquez le nombre d'escouades policières spéciales qu'ils ont mises sur pied et leur recours à l'exterritorialité.
    À ce que je sache, le Canada a poursuivi seulement deux personnes pour exploitation internationale d'enfants et de personnes. Nos lois ont vraiment besoin d'être réformées.
    Ai-je épuisé tout mon temps?
    Oui. Merci.
    Monsieur Rathgeber, allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux également remercier les témoins.
    Monsieur Auger, vous vous êtes montré plutôt critique à l'égard des peines d'emprisonnement avec sursis.
    Monsieur Lévesque, si j'ai bien pris cela en note, vous avez dit que les bandits ne réintègrent pas la société après avoir purgé seulement deux tiers ou un tiers de leur sentence. C'est une hypothèse à laquelle je souscris entièrement.
    La Chambre des communes est actuellement saisie du projet de loi C-42. Je ne sais pas si l'un de vous en a entendu parler. Il vise à mettre un terme aux peines d'emprisonnement avec sursis, souvent appelées « détention à domicile » dans la langue courante, pour toute une gamme d'activités criminelles qui y donnent droit en ce moment. Parmi ces infractions, on retrouve le harcèlement criminel, l'enlèvement, la traite de personnes — dont nous venons juste de parler —, le rapt, le vol de plus 5 000 $ et l'incendie criminel. Je suis certain que vous conviendrez que les criminels organisés s'adonnent de temps en temps à bon nombre de ces activités.
    Donc, je me demandais si vous aviez des remarques à exprimer concernant ce projet de loi, si vous avez eu l'occasion de l'étudier, et sinon peut-être avez-vous des observations à formuler à son sujet compte tenu de son objectif que je viens de vous décrire.
    Je ne connais pas ce projet de loi. Je ne peux donc pas en parler précisément.
    Appuyez-vous l'idée de mettre un terme aux peines d'emprisonnement avec sursis pour les types d'activités que je viens juste de mentionner: le harcèlement, l'enlèvement, le rapt, le vol de plus de 5 000 $ et l'incendie criminel?

[Français]

    Excusez-moi, mais je ne peux pas répondre à votre question. Quelle est la traduction de « conditional sentencing »?

[Traduction]

    C'est la détention à domicile.

[Français]

    Non, je ne peux pas commenter.
    Je ne connais pas le projet de loi en question. Je ne peux pas commenter là-dessus.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. C'étaient toutes les questions que je voulais poser.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre du côté du gouvernement?
    Sinon, allez-y, madame Jennings.

[Français]

    Thank you.
    En réponse à ma dernière question concernant l'intervention des représentants de l'Agence du revenu du Canada et ceux du palier provincial, vous avez dit qu'il y avait beaucoup de collaboration, mais qu'on aurait intérêt à se pencher sur le jugement dans une cause célèbre, en Colombie-Britannique, parce qu'il impose certaines limites au genre de collaboration qui peut exister.
     La plupart des personnes ici ont déjà rencontré, dans un cadre social ou dans le voisinage, des gens qui semblent mener un train de vie dépassant largement leurs revenus potentiels. Je comprends que l'agence a le pouvoir d'étudier certains cas, de recevoir des informations selon lesquelles il y aurait intérêt à scruter d'un peu plus près les déclarations de revenus de telle ou telle personne et que, si les informations semblent venir d'une source crédible, etc., les fonctionnaires ont le pouvoir de gratter un peu plus.
     Je vais lire le jugement, mais je me demande pourquoi, si les ministères du Revenu reçoivent de l'information concernant des individus qui font partie de groupes du crime organisé ou qui appartiennent à un réseau, ils n'ont pas le pouvoir d'étudier cela de plus près.

  (1035)  

     Julian parlait, au début de sa présentation, de l'importance de la sensibilisation du public, mais aussi des organismes. Le problème que je constate à l'Agence du revenu du Canada, c'est qu'il traite tous les citoyens sur un pied d'égalité. On ne fait pas de distinction pour le crime organisé. C'est là, le problème. Si on menait plus d'enquêtes, je pense que ce serait mieux. Al Capone s'est fait prendre à cause de l'impôt, et c'est dans cette direction qu'il faut aller. Car tout le problème du crime organisé au Canada repose sur l'argent noir qui n'est pas touché. Il faut avoir une position plus « agressive » vis-à-vis des enquêtes, à la douane et partout. C'est de cette manière qu'on arrivera à des résultats, si on en arrive un jour à le faire.
    C'est également une question de formation, parce que les gens embauchés dans la fonction publique sont des citoyens ordinaires, honnêtes. Ils n'ont pas baigné dans ces milieux, ils n'ont peut-être pas le réflexe de mettre les déclarations en doute dans une très grande majorité de cas. Cela demande également une certaine formation de ces gens afin qu'ils adoptent un regard différent.
    C'est vrai. Ce ne sont pas des policiers mais il faut des directives allant dans le sens d'une démarche plus « agressive » dans le cadre des enquêtes. La Charte canadienne des droits et libertés est bonne pour tout le monde, tous les Canadiens, mais ce sont les criminels qui en profitent le plus, parce qu'ils ont les moyens d'aller se battre en cour, d'avoir des avocats. C'est un beau principe, la Charte canadienne des droits et libertés, mais en pratique, ce n'est pas comme cela que cela fonctionne.
    L'impôt, c'est la même chose. Si on adopte une attitude plus « agressive » envers l'argent du crime organisé, on aura un plus grand impact sur la société.
    On parle de travailler avec les fonctionnaires du ministère du Revenu, et je me souviens que, lors de certaines enquêtes, on devait mettre les freins. Pourquoi? Parce que les services juridiques leur disaient de ne plus continuer l'enquête pour différentes raisons, peut-être en raison d'un manque d'information, je ne sais pas. On n'a jamais eu la réponse à cela. Tout ce qu'on s'est fait dire, c'est que les fonctionnaires ne pouvaient plus continuer, car les services juridiques leur avaient dit de ne plus toucher à cela.
    Prenons l'exemple de la Loi sur l'immigration, en 1992, il a fallu qu'on aille faire une présentation devant les représentants des services juridiques, avec des documents à l'appui, pour les informer de ce qu'étaient vraiment les Hells Angels et du travail criminel qu'ils faisaient.
    En ce qui concerne ce que M. Sher disait plus tôt, dans le cas de la Colombie-Britannique, c'est une initiative personnelle qui a été lancée. C'est un agent de la police de Vancouver qui a formé une équipe, ambitieuse comme lui, qui voulait s'en prendre aux Hells Angels et commencer à enquêter sur toute l'organisation. Évidemment, les avocats des Hells Angels sont montés aux barricades, mais les policiers ont pu quand même continuer leur enquête. Malheureusement, l'initiative n'a pas été poursuivie dans tout le pays avec la même envergure. Encore une fois, cela a rebondi à Ottawa, et les services juridiques ont été « frileux » et ont mis les freins.
     Il faudrait peut-être, en plus de la formation, que les lois soient plus coercitives. Si une loi sur le gangstérisme est établie, aussitôt qu'on prononce le mot, qu'on l'accole à quelqu'un, tout devient permis, évidemment à l'intérieur de certains paramètres, mais tout est permis.

[Traduction]

    Nous passons à M. Noel et, ensuite, à M. Sher.

[Français]

    Je trouve la question au sujet de l'Agence du revenu du Canada très intéressante. Les déclarations d'impôt sont secrètes, et ils ont l'habitude de mener leurs enquêtes de façon secrète, mais de temps en temps, ils ne le font pas. Un bon exemple de cela s'est produit au printemps dernier. M. Blackburn, le ministre du Revenu national, a donné une conférence de presse portant sur les perquisitions dans les entreprises de Tony Accurso. Il a rendu cette affaire extrêmement publique. C'est une excellente chose, car cela augmente énormément la pression sur l'intéressé et sensibilise l'opinion publique.
    Il y a un exemple négatif. Des ententes concernant le revenu ont été conclues entre l'Agence du revenu du Canada et Vito Rizzuto, avant qu'il ne soit renvoyé aux États-Unis. Une bonne partie de ce processus s'est faite en secret.
    Je suis journaliste, et je prêche pour ma paroisse et celle de mes collègues. Je pense que beaucoup d'agences gouvernementales auraient intérêt à alimenter les journalistes en information; cela a un impact énorme.

  (1040)  

[Traduction]

    Monsieur Sher.
    Dans un des mes livres moins récents, j'ai cité une personne haut placée à la GRC qui disait que le Canada était considéré comme la Maytag du Nord par un grand nombre de criminels. Autrement dit, nous sommes connus comme étant un des principaux endroits où il est très facile de blanchir de l'argent. Donc, le lien, c'est l'argent; c'est la raison pour laquelle les bandits commettent des crimes et c'est en s'attaquant à l'argent qu'on peut leur nuire.
    En ce qui concerne l'importante question de l'Agence du revenu du Canada, je crois comprendre qu'elle ne peut pas être perçue comme une division de la police. On ne peut pas s'en servir pour procéder à des chasses aux sorcières. Nous ne voulons pas que les personnes responsables de nos impôts fassent partie d'un État policier ou participent aux activités policières.
    Cela étant dit, j'ai été étonné... Avant de rencontrer les représentants de l'Agence du revenu du Canada, j'ignorais qu'elle employait des enquêteurs; non pas des gens qui vérifient vos impôts, mais des gens qui mènent activement des enquêtes. Ils lisent les journaux, et lorsqu'il y a un vol et que de nombreux bijoux ou de précieuses oeuvres d'art sont volés, ils se disent que cette personne semble avoir beaucoup d'argent. Donc, lorsque quelque chose les alerte, ils ont le droit d'enquêter. Et, ce qui n'est pas à négliger, on leur permet de cibler certains groupes, comme les travailleurs saisonniers.
    Donc, on pourrait peut-être s'informer. Ne pourraient-ils pas décider de cibler certains groupes parce qu'ils ont des motifs raisonnables de les soupçonner, ou certaines personnes parce qu'elles mènent ouvertement un train de vie tapageur, sans que l'agence soit perçue pour autant comme une division de la police? C'est une chose qui mériterait d'être vérifiée.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Thi Lac.

[Français]

    Bonjour. Je vais partager mon temps avec M. Ménard.
    Tout d'abord, je vous remercie d'être ici. Vous faites un travail essentiel, un travail de sensibilisation auprès de la population.
    J'ai succédé à un député qui s'était énormément impliqué, M. Loubier, et qui avait été victime de menaces de la part du crime organisé. On a renforcé le programme Info-Crime dans notre région, programme qui a connu un succès énorme. D'ailleurs, monsieur Auger, je vous ai rencontré dans le cadre de ce programme. Si on sensibilise la population, elle peut donner un énorme coup de main.
    On a beaucoup parlé de prête-noms et de l'Agence du revenu du Canada, et je veux vous entendre là-dessus. En tant que parlementaires, ne doit-on pas aller voir plus loin? On a présentement les moyens de saisir les biens des criminels, mais le gouvernement ne devrait-il pas légiférer en matière de paradis fiscaux afin de briser les reins du crime organisé? Il pourrait se doter d'une loi afin d'empêcher les criminels de cacher et de mettre leur argent à l'abri, et de donner des fonds à l'organisation pour qu'elle puisse continuer à fonctionner.
    Je vais répondre à votre question brièvement et après, je vais partir.
    En théorie, on peut bien dire qu'il faut saisir les biens des criminels, mais il est très difficile, pour les forces policières, d'obtenir des condamnations et des saisies efficaces. Actuellement, la pratique des avocats est de négocier les biens des criminels en échange d'un plaidoyer de culpabilité.
    En gros, le problème, c'est que les procès sont trop longs au Canada. Par comparaison aux États-Unis, les peines au Canada sont trop peu sévères, et il est trop compliqué d'obtenir des saisies. Il faut commencer par saisir les biens ici avant de penser à s'attaquer aux paradis fiscaux. C'est sûr que c'est là qu'on touche le crime organisé, mais il y a tellement de moyens d'évasion fiscale qu'il devient pratiquement impensable d'avoir une grande efficacité ici.
    Les États-Unis ont dû entreprendre plusieurs démarches pour s'attaquer au secret bancaire suisse dont jouissaient des citoyens, qui n'étaient pas tous des membres du crime organisé. Ces citoyens avaient plusieurs milliards de dollars dans des paradis fiscaux. La solution serait d'aller chercher l'argent dans les poches des criminels, et c'est là qu'il faut prendre des moyens innovateurs, comme mon collègue le disait plus tôt.

[Traduction]

    Je ne vais pas vous arrêter. Je vais vous laisser terminer votre question. Mais avant que ces deux messieurs nous quittent, j'aimerais savoir s'ils ont d'autres idées qu'ils aimeraient transmettre très brièvement au comité avant qu'il commence à préparer son rapport au Parlement sur toute la question du crime organisé?
    Peut-être pourrions-nous commencer par M. Auger et passer ensuite à M. Sher.

[Français]

    Monsieur, je n'ai pas compris votre question.

[Traduction]

    Je suis désolé, je n'ai pas compris.

[Français]

    Une voix: Il veut savoir si vous avez d'autres petits points...
    M. Michel Auger: Non, ça va, je n'ai rien d'autre à ajouter.

  (1045)  

[Traduction]

    Monsieur Sher, y a-t-il d'autres réflexions que vous aimeriez communiquer au comité?
    Je pense que M. Ménard avait une brève question à poser à Michel.
    Devez-vous partir?
    Oui. Permettez-moi de soulever brièvement deux points.
    On parle souvent du crime organisé comme d'un cancer. Eh bien, comment combat-on le cancer? On forme des médecins, on met sur pied des établissements particuliers et, ensuite, on s'assure qu'ils coopèrent et qu'un des médecins qui travaille dans un certain secteur n'a pas découvert quelque chose que tous les autres ignorent. Voici les mesures de base que nous devons prendre. On a besoin de forces de frappe spécialisées; on a besoin de procureurs spécialisés; et on a besoin de tribunaux spécialisés, s'il y a lieu. Ensuite, il se peut qu'on ait besoin de faire appel à des experts externes comme ceux de Revenu Canada dont nous avons parlé. C'est ainsi qu'on lutte contre le cancer. On ne vainc pas le cancer; il reviendra toujours. Les gens continueront de tomber malades, mais on y consacre des ressources, on met un terme aux luttes intestines inutiles, et on développe les compétences.
     Le deuxième point que je veux soulever concerne l’éducation et l’image publique, la question que nous débattons tous ici. Si cette séance avait eu lieu il y a 10 ou 15 ans, alors que Mom Boucher et les Hells Angels étaient traités comme des vedettes et des héros au Québec, elle se serait déroulée très différemment. J’ai voyagé partout dans le monde; c’est toujours le cas. Si vous allez en Californie… Lorsque je vais aux États-Unis et en Europe, je constate que les Hells Angels et d’autres organisations criminelles sont encore souvent considérés comme des héros. Ce n’est plus le cas au Canada, en partie à cause du travail que nous avons accompli en tant que journalistes d’enquête, en partie à cause des lois, et en partie parce que ces types sont tellement stupides et méchants qu’ils ont fait basculer l’opinion publique à leur encontre. Nous avons fait des progrès au Canada en ce sens qu’au moins, nos motards ne sont plus perçus comme des héros, mais comme les bandits qu’ils sont. Ce n’est pas le cas dans d'autres pays. Donc, nous devons travailler là-dessus et réaliser des progrès.
    Merci.
    Monsieur Ménard, il vous reste deux minutes et demie.

[Français]

    Monsieur Auger, y a-t-il des cas de traite de personnes à Montréal?
    Il y en a eu et il y en a sûrement encore, mais je connais surtout ce qui entoure les grands réseaux dont on a parlé plus tôt, soit les Hells Angels et les gangs de rue, qui ont été impliqués dans ces activités. Les gangs de rue ont été très impliqués au niveau de la prostitution juvénile. Il y a beaucoup de cas de ce genre.
    Quand on parle de traite des personnes, s'agit-il d'une simple exploitation du travail d'une personne ou d'un problème beaucoup plus sérieux?
    On parle vraiment d'un individu qui prend le contrôle d'une personne à des fins illicites, criminelles. C'est toujours à des fins de prostitution. Il s'agit d'exploitation sexuelle de mineurs, dans la majorité des cas, mais il peut aussi s'agir d'adultes ou de jeunes femmes voulant payer leur consommation de drogue qui sont utilisées à des fins de prostitution dans des bars et autres endroits du genre. Pour ce qui est des réseaux que je connais, ça tourne toujours autour de ça.
    C'est une forme d'esclavage moderne.
    Je vais citer, simplement à titre de référence, la première phrase du Rapport mondial sur la traite des personnes de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime:

L’expression traite des personnes peut prêter à confusion: elle met l’accent sur les aspects commerciaux d’un crime qu’il est plus exact de qualifier d’esclavage. Il s’agit en effet d’exploitation de personnes, jour après jour, pendant de longues années.
    Êtes-vous parfaitement d'accord?

[Traduction]

    Monsieur Ménard, veuillez parler plus lentement.

[Français]

    Maintenant, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la définition suivante:

a) elle l’amène à fournir ou offrir de fournir son travail ou ses services, par des agissements dont il est raisonnable de s’attendre, compte tenu du contexte, à ce qu’ils lui fassent croire qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît;
     Ne trouvez-vous pas cette définition beaucoup plus large?

[Traduction]

    La traite des personnes, qui a lieu à l’échelle nationale, est essentiellement une forme d’esclavage moderne en ce sens que les organisations criminelles, les entreprises criminelles, contrôlent habituellement chaque aspect de la vie de ces jeunes femmes. Elles sont littéralement marquées comme les esclaves l’étaient autrefois. Je me suis concentré beaucoup sur les États-Unis où le FBI a créé à l’échelle nationale des escouades d’agents spéciaux qui se consacrent exclusivement à la lutte contre les proxénètes et les réseaux de trafiquants. Ils possèdent déjà tout un réseau, et nous n’avons pas encore rattrapé notre retard de ce point de vue là. Ils ont recours à la mesure législative criminelle RICO pour s’attaquer aux réseaux.

[Français]

    Ne trouvez-vous pas que la deuxième définition pourrait tout aussi bien s'appliquer à des adolescents de 16 ou 17 ans qui travaillent dans de petits commerces? Ils pourraient penser que leur sécurité est en danger s'ils ne font pas ce qu'on leur dit de faire, surtout dans un contexte familial. J'ai vu ce genre de situation.

  (1050)  

    Vous avez raison. La deuxième définition est générale, large.
    On peut comprendre ce fait, mais la définition est beaucoup trop large.
    Quand on entend parler d'esclavage, il s'agit vraiment...
    En effet, tandis que la définition de l'ONU vise davantage les situations que vous avez observées.
    Je m'excuse, mais je dois partir.

[Traduction]

    Nous passons à M. Comartin.

[Français]

    Pour ce qui est de l'éventualité de bannir les Hells Angels, j'aimerais poser deux questions à M. Lévesque.
    On a reçu, à titre de témoins, des agents de police du Québec, particulièrement. On leur a demandé s'il y avait un modèle. Ils n'ont pas pu nous en fournir un pour le Canada ou pour d'autres pays.
    Savez-vous si des pays qui ont banni complètement un groupe ont un modèle?
    Comme je l'ai mentionné plus tôt dans ma présentation, la seule ville au monde où les Hells Angels sont bannis est Hambourg, en Allemagne, et ce, depuis 1986. Dans cette ville, il est défendu de porter le nom ou l'emblème des Hells Angels, même sur un tatouage. Donc, quiconque porte un tel tatouage sur son bras doit porter des manches longues pour le couvrir, sous peine d'emprisonnement.
    Pendant la fameuse Great Nordic Biker War, qui impliquait le Danemark, la Norvège, la Suède et ainsi de suite, on a pensé bannir ces groupes, puis finalement, les Hells Angels et les Bandidos ont été plus rapides que les politiciens: ils ont décidé de faire la paix, et la paix sociale a été rétablie. Comme on l'a entendu plus tôt, l'Australie jongle depuis longtemps avec l'idée de les bannir, mais comme on le sait, chaque État australien est différent et dispose de ses propres pouvoirs. C'est assez compliqué, là-bas.
    Monsieur Noël, votre témoignage et celui des autres témoins présents aujourd'hui donnent à penser que le crime organisé sévit davantage au Québec que dans les autres provinces. Est-ce exact?
    Je pense que oui.
    Ce qui s'est passé, historiquement et de ce qu'on comprend, c'est que Montréal était la sin city dans les années 1930, avant Las Vegas. En fait, c'était le Las Vegas du Nord. Les relations étaient très importantes entre Montréal et New York. Au sujet de la mafia sicilienne à Montréal, la famille Rizzuto a des liens avec la famille Bonanno aux États-Unis. Ce ne sont plus les Bonanno qui dirigent, mais c'est encore une des cinq grandes familles à New York. De ce qu'on m'a dit et de ce que j'ai pu lire, c'est qu'effectivement, les Cuntrera-Caruana sont venus s'établir ici, à Montréal, dans les années 1950 après une période très trouble en Italie. Le juge Giovanni Falcone, qui a été assassiné il y a une dizaine d'années en Sicile, a pu prendre conscience de l'importance des Cuntrera-Caruana en participant à la commission rogatoire à Montréal. Cette famille s'est ensuite établie au Venezuela et a tissé des liens avec les cartels colombiens de la drogue. C'est environ à ce moment que le monde a été envahi par la cocaïne venant de la Colombie.
    Montréal est vraiment une plaque tournante pour la mafia italienne. Le fait que les chefs de la mafia italienne canadienne soient à Montréal — si on parle de Nick Rizzuto et de Vito Rizzuto —, c'est quand même significatif. À mon avis, il y a effectivement quelque chose qui est particulier au Québec. Ce n'est pas pour dire que cela n'existe pas ailleurs. Toutefois, les raisons politiques ou historiques qui font que le Québec se démarque du reste du Canada sont probablement les mêmes qui font que la Sicile se démarque du reste de l'Italie, c'est-à-dire que le Québec est une partie du Canada qui est particulière.
    Pour répondre à votre question, oui, le Québec est particulièrement gangrené par cela, à mon avis. De plus, ce qui se passe actuellement à Montréal est extrêmement important. Je vous montrais les titres du Devoir — qui n'est pas mon journal de ce matin —, « Briser l'omerta », « La mafia aux portes de l'hôtel de ville? ». Ce qui se passe à Montréal actuellement est historique. Moi, je suis content parce qu'en tant que journaliste d'enquête, j'ai fait ma part pour que cette affaire éclate. J'ai été un des premiers à montrer la corruption qui existait à Montréal. Toutefois, cela fait 20 ans qu'on essaie d'alerter l'opinion publique sur l'importance de la mafia au Québec et au Canada, mon collègue André Cédilot et moi. On sait aussi qu'elle a ses ramifications au palier fédéral.
    En tout cas, c'est une bonne chose, ce qui se passe, et il est bon que le gouvernement fédéral s'intéresse aussi à ce qui se passe à Montréal.

  (1055)  

[Traduction]

    Ai-je encore du temps?
    Non. Nous passons à M. Petit.

[Français]

     Ma question s'adresse à vous, monsieur Lévesque, et vous pourrez peut-être compléter la réponse.
    J'ai un intérêt particulier. Je viens de la ville de Québec. Vous savez qu'à la ville de Québec, on a eu de gros problèmes avec des réseaux de prostitution auxquels étaient mêlées des personnes importantes. Vous en avez entendu parler pendant quelques années, dans la région de Québec. Après cela, je me suis déplacé, et j'ai été interpellé par la situation à Montréal. Ici, M. Noël a répondu en partie à mes interrogations, mais c'est à vous que je pose la question.
    Il y a quelque chose de particulier à Montréal, dans le sens où présentement, on sent que quelque chose ne fonctionne pas. Je parle ici des gangs de rue. Un des membres du Bloc québécois, Mme Maria Mourani, a publié un livre dans lequel elle décrit tous les gangs de rue en citant presque tous les noms des membres, l'endroit où ils travaillent, etc. À ce moment-ci, on sait qu'il y a des gangs de rue, et on est presque capables d'identifier leur territoire et de mettre des noms sur certains chefs, etc. On connaît les noms des membres des Hells Angels qui sont dans certains coins de Montréal — ici, je reviens aux Hells Angels —, etc. Dans le cas de la mafia, on semble avoir des noms aussi.
    Je me pose donc des questions. On fait des lois et on sait tout ça. Vous qui êtes un ancien policier, dites-moi comment il se fait qu'on n'agit pas si on sait tout ça. Est-ce parce qu'on manque d'argent, comme vous l'avez dit plus tôt? Est-ce parce qu'on sait des choses et qu'on ne veut pas aller jusqu'au bout de l'affaire? Je suis un peu intrigué. Je suis même un peu mal à l'aise, parce qu'on sait beaucoup de choses, même énormément de choses, comme vous l'avez dit plus tôt. Vous en avez découvert d'autres en plus, mais rien ne se passe. Je commence à avoir peur. Cela veut dire que je paie bien des impôts et que ça ne fonctionne pas. C'est ce que ça veut dire aussi.
    Je vous pose donc la question à vous, monsieur Lévesque, qui avez l'air d'être assez au courant de cette affaire.
    Lorsqu'on s'attaque à un groupe du crime organisé, que ce soit les Hells Angels, la mafia ou les gangs de rue dont on connaît l'identité des individus, comme vous l'avez dit, et qu'on décide de commencer une enquête, il faut évidemment que notre preuve soit blindée à tout moment. C'est l'une des raisons pour lesquelles maintenant, lorsqu'une enquête de longue haleine débute, peu importe l'organisation, un procureur y est affecté dès le début et aide les policiers à monter leur preuve pour qu'elle soit solide dès le départ. C'est une enquête de longue haleine. Évidemment, les lois nous donnent certains pouvoirs, mais ils sont toujours limités.
    Comme je l'ai toujours dit, la clé du succès d'une enquête, ce sont les délateurs. Là encore, le travail auprès des délateurs est de longue haleine. Grâce à qui vient-on d'arrêter pour la première fois quelque 110 Hells Angels? À au moins un délateur, un ancien membre des Hells Angels du chapitre de Sherbrooke. Qu'on le veuille ou non, même si on les connaît tous, il faut qu'il y ait une accumulation de preuves. Or cela prend du temps et c'est compliqué. Plus l'organisation est complexe, plus l'enquête le sera également.
    Évidemment, il faut de l'argent et du personnel, comme on l'a dit. Il doit aussi y avoir des lois nous permettant d'y aller à fond. Oui, cela coûte cher. Quand on arrête ces personnes et qu'elles sont condamnées, je pense qu'il faut frapper deux grands coups: les laisser en prison longtemps et leur faire rembourser les profits qu'elles ont faits, plutôt que de simplement se servir de Revenu Québec pour aller chercher une portion de ces profits.

  (1100)  

    Je suis inquiet de l'influence économique et politique et je vous fais une recommandation sur la question des prête-noms. Je ne suis pas un spécialiste des lois, mais on est ici, notamment, pour voir ce qui peut être fait sur le plan législatif. Il est extrêmement utile de préciser et de renforcer la loi pour interdire l'utilisation de prête-noms. Il est évident que des assistés sociaux servent de prête-noms quand ils se retrouvent à la tête de grosses entreprises.
    J'ai travaillé à certains dossiers de personnes. On a de la difficulté à écrire sur elles parce qu'elles nient être des prête-noms, mais on sait qu'elles le sont. Il y a déjà des dispositions législatives qui interdisent l'utilisation de prête-noms, et la police demande qu'elles soient renforcées. C'est vital, car une fois que l'utilisation de prête-noms est rendue difficile et que de grosses sanctions sont imposées, on vient de régler une partie du problème de l'influence économique, et éventuellement politique, du crime organisé.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Ménard, avez-vous une question?

[Français]

    Je voudrais revenir à un sujet dont j'ai déjà parlé. Quelles sont les relations, à Montréal, entre la mafia et les Hells Angels? Sont-elles bonnes? Se séparent-ils le marché, ont-ils des affrontements?
    Lors de l'opération Printemps 2001, une carte de la ville de Montréal a été saisie chez un membre influent des Nomads, des Hells Angels. Sur cette carte, les territoires étaient clairement indiqués: Hells Angels Sud, Hells Angels Nomads, Italiens, et ainsi de suite. La ville était séparée et chacun avait son territoire.
    Si je comprends bien, les Nomads, ce sont des Hells Angels.
    Oui, ce sont des Hells Angels.
    Les Nomads, c'est un club ferme des Hells Angels.
    En fait, les Hells Angels sont divisés en chapitres. Chaque chapitre a une certaine indépendance. Un chapitre couvre normalement le lieu où ses membres ont leurs activités, comme les Hells Angels de Québec city, les Hells Angels de Montréal, les Hells Angels de Trois-rivières. Mais, dans ce cas-ci, c'étaient les Hells Angels des Nomads, qui pouvaient agir n'importe où.
    La carte qui a été trouvée, au sujet de l'île de Montréal, était compartimentée en plusieurs groupes, soit les Hells South, de Trois-rivières ou de Montréal. La mafia italienne avait le quartier de Saint-Léonard, à cette époque.
    Depuis ce temps, il y a eu une montée des gangs des rues. Ces derniers, contrairement aux Hells Angels ou aux Italiens, ne connaissent rien au respect. Quand on parle de respect, cela veut dire respecter la convention non écrite entre les différentes familles du crime organisé, qui veut qu'on ne touche pas à tel territoire s'il appartient déjà à quelqu'un à moins de lui verser un certain montant d'argent. Chez les gangs des rues, ça a toujours été la même chose. Il y a des membres des gangs des rues qui sont ce qu'on pourrait appeler de vrais cow-boys, de vrais hot-dogs, des personnes qui vont n'importe où. S'ils « pilent sur les pieds » de quelqu'un, ça ne leur fait rien.
    L'opération Colisée, qui s'est attaquée à la criminalité italienne à Montréal, et les dernières enquêtes de l'opération SharQc contre les Hells Angels de Québec ont créé des vides. Présentement, il n'y a rien de solide; c'est chacun pour soi.

  (1105)  

    Entre la mafia et les Hells Angels, quelles sont les relations?
    Je parle de ce que je sais puisque ça fait trois ans que j'ai pris ma retraite. Je pense que les relations d'affaires persistent encore. La coopération, comme je l'ai dit plus tôt, c'est une question d'occasion: si quelqu'un a un contact pour telle chose, dans tel domaine, et que ça puisse aider les Italiens, ou vice-versa, ça va se faire.
    J'ai entendu dire, à un certain moment — vous me direz si je fais erreur —, que la mafia a de bien meilleures relations internationales que les Hells Angels. La mafia agit, en fait, comme grossiste, alors que les Hells Angels ont le contrôle du marché au détail.
    C'est certain que la mafia a, au palier international, plus d'expérience et plus de contacts que les Hells Angels, mais ça n'empêche pas les Hells Angels d'avoir aussi certains contacts à l'extérieur du pays qui leur permettent l'importation de marchandises.
    Actuellement, comme le dit M. Jean-Pierre Lévesque, il y a une période de flottement, mais au plus fort de la guerre entre les Hells et les Rock Machine, les deux dirigeants de ces formations étaient respectueux de Vito Rizzuto. Ça donne l'impression qu'il en est autrement actuellement parce que la situation est très flottante. Mais, il y a au sommet la mafia italienne, puis les Hells Angels et les gangs des rues.
    C'est vrai que les gangs des rues prennent beaucoup de place parce que la mafia et les Hells Angels ont été ébranlés. Pour l'instant, au sein de la mafia, il y a un problème de direction. Qui prend la relève de Vito Rizzuto et Nick Rizzuto, si jamais il y a un besoin de relève? Vito Rizzuto va revenir au Canada en 2012. On entend dire qu'Agostino Cuntrera, dont je vous ai parlé plus tôt, pourrait devenir le leader. Il y a aussi un gars envoyé par la famille Bonanno, à Montréal, qui s'appelle Montana. Cependant, ni l'un ni l'autre ne réussit à établir son leadership.
    Quand Vito a été arrêté en 2004 pour être extradé aux États-unis, il avait dit à des policiers, qui étaient dans la voiture avec lui, de faire attention à la montée des gangs des rues. Le fait que la mafia soit ébranlée crée une situation où il y a moins d'arbitres qu'avant. Et, à mon avis, on voit cela même dans le milieu des affaires.
    Au sein des firmes de construction — j'ai écrit un article à ce sujet, il y a un mois ou deux —, il y a beaucoup d'hommes d'affaires qui se font actuellement casser la gueule. Je parle d'entrepreneurs en construction de la communauté italienne. Il y en a un qui s'est fait sérieusement casser la gueule au mois de juillet, par quelqu'un qui appartient aux gangs des rues. Mais, on ne sait pas d'où venait la commande.
    Il y en a eu beaucoup. Je pourrais parler d'autres cas, je pourrais donner les noms de personnes.
    Voulez-vous qu'on poursuive à huis clos?

[Traduction]

    Je reviendrai à vous, madame Jennings, parce que vous n’étiez pas là à votre tour. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Excusez-moi pour mon absence. J'ai manqué une partie, et peut-être que les questions que je vous poserai auront déjà été posées par quelqu'un d'autre.
    C'est au sujet des gangs de rue. Dans les années 1980, plus précisément en 1985, 1986, 1987, je connaissais un policier du service de police de la ville de Los Angeles. C'était au moment où les Crips et les Bloods étaient organisés. Ils commençaient, justement, à prendre la relève des organisations criminelles. La ville de Los Angeles avait mis sur pied une escouade spécialisée pour lutter contre les gangs de rue, et ce policier était un des directeurs de ce groupe.
    À cette époque, il disait que le travail qui se faisait contre la mafia traditionnelle, par exemple les Hells Angels, etc., créerait un certain vide. Le succès de cette lutte créerait un vide, et les gangs de rue deviendraient...

  (1110)  

[Traduction]

    Ils sont rudimentaires en ce moment, mais ils se perfectionneront. Ils créeront leurs réseaux et diversifieront leurs activités.

[Français]

    Ce qu'il a prédit s'est réalisé, et aujourd'hui, les gangs de rue sont présents ici, au Canada.
    Quand des enquêtes sont faites, par exemple sur la mafia et les Hells Angels, y a-t-il cette même coordination au sein des escouades? Est-ce que les membres de celles-ci travaillent spécifiquement sur les gangs de rue pour s'assurer qu'ils ne comblent pas le vide quand on lance des opérations telles que l'opération Colisée, par exemple?
    Au sein du Service de police de la ville de Montréal, il y a assurément des sections spécialisées. Il y a des experts dans le domaine qui enquêtent continuellement sur les gangs de rue et qui sont à l'affût de ce qui se passe présentement. Ce sont des individus qui pourraient vous donner l'heure juste sur la situation des gangs de rue en lien avec le vide créé par toutes les arrestations qui sont effectuées. Oui, un suivi se fait.
    Toutefois, je parlais justement à un ancien collègue qui travaillait avec moi pour le Service canadien de renseignements criminels. Sa spécialité était les gangs de rue, et justement, il était en contact avec Los Angeles, Montréal et d'autres villes du Canada. Je l'ai revu il y a environ deux ans, et il n'y travaillait plus en raison d'un manque de fonds.
    C'est toujours le même problème qui revient. On fait un bon travail dans un certain domaine, la réussite y est, et aussitôt, d'autres priorités surviennent, le personnel devient insuffisant, l'argent se fait rare. Il y a toujours un minimum, un squelette, qui demeure à la disposition des enquêteurs. Toutefois, ce n'est pas suffisant pour que le travail se poursuive à pleine allure, comme ce devrait être, à moins, encore une fois, qu'il n'y ait de la violence, que le public et les journaux ne le demandent et qu'il n'y ait une pression médiatique. Dans ce cas, on attribuera à nouveau les ressources à 100 p. 100.
    Présentement, je ne peux pas vous dire à quel stade sont rendues les choses.
    Merci.

[Traduction]

    Il me reste une minute, mais je ne m’en servirai pas.
    Monsieur Woodworth.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

     Je suis certain qu’en tant que journalistes, vous avez une idée de l’opinion publique sur la question du crime organisé et sur la façon de la régler. J’aimerais vous poser une question au sujet de la suggestion que M. Sher nous a faite plus tôt aujourd’hui à propos de l’avantage d’avoir des peines minimales obligatoires pour renforcer les sanctions appliquées au crime organisé. J’ai parfois entendu dire en leur nom que les Québécois n’aimaient pas les peines minimales obligatoires.
    J’aimerais savoir si les gens qui disent cela parlent véritablement au nom des Québécois, ou pensez-vous que les Québécois comprendraient l’avantage d’avoir des peines minimales obligatoires pour renforcer les sanctions appliquées dans les cas d’infractions liées aux gangs et au crime organisé, ou dans les cas d’infractions aussi horribles que la traite de personnes, par exemple? Avez-vous une idée de ce qu’ils en penseraient?

[Français]

    Il ne faut pas mélanger les choses. Il y a eu effectivement une grosse opposition au Québec, notamment quand le gouvernement a voulu renforcer la répression à l'endroit des jeunes, des criminels mineurs.
    Jean-Pierre Lévesque a parlé d'une opération de la GRC concernant un bureau de change. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose. La GRC avait créé, dans les années...
    C'était en 1991.
     En 1991, la GRC avait créé un faux bureau de change pour attirer ceux qui faisait du blanchiment d'argent. Cette opération a été couronnée de succès et a essentiellement permis d'attraper surtout des membres de la mafia italienne, notamment un avocat connu, Joseph Lagana. Si je me souviens bien, c'est à ce moment que le gouvernement libéral a réduit la peine du tiers au sixième. On avait trouvé cela très curieux, et plusieurs journalistes ont été nombreux à y voir un lien. Comment se faisait-il que tout d'un coup, la police attrape plein de monde? Ce qui est important, c'est que des criminels à cravate... Le blanchiment d'argent n'est pas un crime sanglant; il n'y a pas de meurtre immédiat. Comme le blanchiment d'argent n'est pas vu comme un crime sanglant, il y a une sorte de laisser-aller et les peines sont moins sévères.
    Il faudrait faire une réflexion là-dessus.

  (1115)  

    Puis-je vous interrompre?

[Traduction]

    Ce que je veux savoir... Je comprends très bien l'inquiétude soulevée par la libération expéditive dans les cas d'infractions sans violence, mais ce n'était pas ma question. Ce que je veux savoir, c'est si vous pensez que les Québécois seraient d'accord avec l'observation de M. Sher, qui dit qu'il pourrait convenir d'avoir recours aux peines minimales obligatoires pour alourdir les peines relatives aux organisations criminelles ou à d'autres cas pertinents. Voilà la question que je vous pose.
    Je suis certain que la réponse est oui.

[Français]

    Monsieur Lévesque, qu'en pensez-vous?
    Au Québec, les gens s'opposent à la Loi sur les jeunes contrevenants. Cependant, pour le crime organisé ou pour des gars comme Lacroix, il devrait sûrement y avoir des peines minimales.
    Dans le cas de Lacroix, on parle présentement d'une peine minimale de deux ans et de 1 million de dollars et plus. Les gens du Québec trouvent cela aberrant; cela n'a aucun sens. Il faudrait que la peine soit beaucoup plus sévère. Les choses avancent à pas de souris. Les Québécois veulent qu'on impose des peines maximales aux membres du crime organisé, car ils n'ont aucune pitié pour eux.

[Traduction]

    Je veux être certain de bien comprendre: deux ans pour une fraude de plus d'un million de dollars n'est toujours pas suffisant; c'est bien ce que vous dites?
    Exactement.

[Français]

    Vous avez parlé de 2 millions de dollars. Lacroix, pour sa part, a commis une fraude de 150 millions de dollars. Cela va aussi s'appliquer à lui. Je ne pense pas qu'on devrait fixer le montant à 1 million de dollars; cela devrait être beaucoup plus sévère. On devrait traiter les fraudeurs de la même façon que les membres du crime organisé et leur imposer des peines beaucoup plus sévères.
    Il faudrait dire à M. Lacroix, qui doit encore 85 millions de dollars, que tant que l'argent ne sera pas remboursé, il devra rester en prison.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Avez-vous d'autres questions pour les témoins?
    Monsieur Comartin.

[Français]

    Monsieur Lévesque, en vertu du Code criminel, on peut saisir les profits des activités du crime organisé. En 2007, des témoins ont dit au comité que ce pouvoir n'avait pas été utilisé souvent, particulièrement au Québec.
    De quel pouvoir parlez-vous?
    Le pouvoir de saisir des biens.
    D'après ce que je peux comprendre, les nouvelles lois mises en place n'ont jamais été testées à la cour parce que des deals sont toujours conclus entre l'avocat de la défense et les procureurs.
    Ils font des arrangements entre eux.
    Malheureusement.
    D'accord, merci.

[Traduction]

    Je vais conclure avec une question que je vous pose à tous les deux. Je m'intéresse particulièrement à l'exploitation sexuelle des enfants. J'ai réussi à présenter une loi sur le leurre qui double la peine maximale pour le leurre d'enfants sur Internet; la peine maximale est passée de 5 ans à 10 ans d'emprisonnement. Ce projet de loi a été adopté au cours de la dernière législature.
    Ma question fait un peu suite à ce que M. Woodworth demandait au sujet des peines minimales obligatoires, mais elle porte en particulier sur la traite de personnes, plus précisément sur la traite de jeunes enfants.
    Selon vous, votre province est-elle, de façon générale, en faveur d'une peine minimale obligatoire quelconque pour les personnes qui font la traite d'enfants?
    Monsieur Lévesque.

[Français]

    Oui, sans aucun doute; cela dépend de ce que sera la peine minimale. Cependant, je pense qu'il est important d'être intraitable dans l'imposition de cette peine.

  (1120)  

[Traduction]

    Je n'en connais pas assez à ce sujet. Je préférerais ne pas me prononcer.
    D'accord. Je vais respecter cela.
    Merci beaucoup aux...

[Français]

    Quel âge ont les enfants? À 17 ans et demi, pensez-vous que c'est un enfant?
    Certains ont 40 ans, et ce sont des enfants.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Jean-Pierre Lévesque: À 17 ans et demi, est-ce un enfant? Je pense que oui.

[Traduction]

    Monsieur Lévesque
    Avant que je parte, assurons-nous d'avoir toujours de l'argent à investir dans des escouades spécialisées en crime organisé. Si nous voulons sérieusement combattre le crime organisé, assurons-nous d'avoir accès aux fonds nécessaires pour le faire, comme vous l'avez dit, et veillons à ce que ce ne soit pas une question de déclarer que le dossier est clos, que nous avons arrêté des gens et qu'il est temps de passer à autre chose. Car c'est un problème: on ne comprend pas assez bien le besoin de ne pas laisser tomber d'autres priorités, comme l'argent pour traiter de la mafia, des Hells Angels, des gangs de rue. De plus, nous devons toujours faire en sorte que des procureurs soient affectés à ces cas.
    C'est pour cette raison que nous avons eu tellement de succès au fil des années: lorsque nous avons décidé d'affecter des procureurs aux escouades spécialisées, nous nous sommes mis à perdre beaucoup moins de cas. Nous avons presque gagné... Nous parlions du printemps 2001. Je pense que 99,9 p. 100 des 158 personnes arrêtées d'un coup — ou peut-être des 300, selon ce que vous disiez — ont été déclarées coupables.
    Enfin, je le répète: adoptez des lois pour que nous puissions régler le problème.

[Français]

    Soyons intraitables dans l'imposition, c'est ce qui est important.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Noël, avez-vous un dernier mot à dire?
    Non, je n'en ai pas.
    Merci à vous deux.
    La séance est suspendue.

  (1130)  

    D'accord, la séance reprend.
    Nous accueillons Margaret Shaw, qui représente le Centre international pour la prévention de la criminalité.
    La séance est à vous, ce qui est bien. Nous permettons normalement aux témoins de présenter un exposé; vous avez donc 10 minutes. Si vous avez besoin de plus de temps, nous en avons certainement assez; nous passerons ensuite aux questions. Je suis certain que les autres membres seront de retour très bientôt.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup. Je dirais qu'un regroupement de journalistes et de policiers bien connus est plus attirant que des sociologues ou des criminologues.
    Au nom du centre, je tiens d'abord à vous remercier chaleureusement de votre invitation.
    Je vais vous expliquer brièvement qui nous sommes. De cette fenêtre, vous pouvez voir nos bureaux, qui sont situés au huitième étage de l'ancien édifice du Canadien Pacifique. Nous sommes une organisation internationale non gouvernementale, une ONG, qui a été fondée il y a 15 ans par les gouvernements du Canada, du Québec et de la France. Au fil des années, le nombre de nos gouvernements membres est monté à 11; ils incluent l'Australie, l'Afrique du Sud, l'État mexicain du Querétaro, le Salvador, et nous négocions actuellement avec le Brésil. Nous sommes donc formés d'une gamme de gouvernements de partout dans le monde.
    De plus, notre conseil est formé d'un réseau d'organismes qui s'intéressent particulièrement à la sécurité des collectivités et à la criminalité, ainsi qu'à la sécurité publique partout dans le monde. Il inclut des associations de villes, comme la Fédération canadienne des municipalités et la Commission des maires des États-Unis. Il compte aussi des associations et des organismes qui travaillent précisément les questions de prévention sur le terrain, comme le Conseil national de la prévention du crime à Washington, Crime Concern en Grande-Bretagne et d'autres organismes du genre.
    Notre vaste réseau s'étend sur de nombreuses régions: l'Amérique latine et les Caraïbes, l'Amérique du Nord, l'Europe, l'Australie, et beaucoup de coins de l'Afrique. Toutefois, nous avons un peu moins de ressources en Extrême-Orient et dans les pays arabes; ce sont des défis que nous espérons surmonter.
    Le rôle du CIPC est de promouvoir la notion que dans toute société, la prévention est tout aussi importante qu'un bon maintien de l'ordre et que des lois efficaces. Dans un sens, il est fondé sur l'examen du rôle que les maires de France ont joué avec succès dans les questions d'émeutes et d'agitation qui survenaient dans les villes. Dans les années 1980, Gil Bonnemaison dirigeait un comité de maires qui a géré avec énormément de succès les difficultés causées par la chaleur estivale dans les villes de France, chaleur qui n'a pas le même effet sur les jeunes que sur les plus vieux qui peuvent s'asseoir dans les cafés.
    La façon de faire est de travailler à l'horizontale — en Grande-Bretagne, on parle d'un « gouvernement décloisonné » —, avec tout le monde: non seulement la police, mais aussi les secteurs de l'environnement, du logement, de la santé, de l'éducation, de la jeunesse et des services sociaux. Je pense que nombre de pays ont été inspirés par le succès du modèle créé en France, de la Nouvelle-Zélande à l'Afrique du Sud, en passant par bien d'autres.
    Depuis les années 1980, on a vraiment acquis, à l'échelle internationale, une compréhension de l'importance de travailler à l'horizontale, de manière transversale plutôt qu'en vase clos, sur le plan du maintien de l'ordre et de la sécurité. C'est ce qu'on appelle là-bas le développement social.
    Le CIPC a pour mission de tenter d'établir un équilibre entre la façon dont nous dépensons notre argent, la façon dont nous comprenons les difficultés et la façon dont nous travaillons sur le terrain. Je peux revenir sur ce point, mais selon notre compréhension de ce qui se passe dans le monde — et nos connaissances sont fondées sur des renseignements puisés d'un très grand nombre de pays sur une période de plus de 15 ans pour notre organisme, mais peut-être de 20 ou 25 ans de recherche sur la criminalité autour du monde —, s'il y a de la collaboration entre les paliers national, étatique, provincial et municipal, et si on travaille à améliorer la prévention et à l'équilibrer avec un bon maintien de l'ordre et des lois efficaces, il est beaucoup plus probable qu'on réussisse à s'occuper de certaines causes fondamentales.
    Maintenant, je vais vous parler des raisons pour lesquelles la question du crime organisé est extrêmement importante pour nous. Je suis désolée si vous pensez que nous sommes experts en crime organisé, car nous ne le sommes pas.

  (1135)  

    Ce que nous examinons, c'est la criminalité de tous les jours, la criminalité qui touche les personnes dans la rue et qui inclut les répercussions du crime organisé, que ce soit à Surrey, à Montréal ou n'importe où ailleurs au Canada. Nous nous intéressons donc à ce que nous pouvons faire à l'échelle municipale, à l'échelle de la ville, pour créer des collectivités plus sécuritaires et pour prévenir les difficultés causées par les gangs de jeunes et les gangs de rue.
    Le problème, c'est qu'on a tendance à parler du crime organisé et des forces spécialisées. Aujourd'hui, j'ai entendu Julian Sher dire que cette façon de faire est importante. Selon nombre d'autres personnes, c'est extrêmement important que nous adoptions une démarche équilibrée et que nous travaillions sur tous les fronts.
    J'aimerais vous donner aujourd'hui des exemples de projets qui ont été réalisés dans d'autres pays. Je suis désolée si d'autres témoins vous en ont déjà parlé; toutefois, j'espère que l'accumulation de renseignements mènera à une connaissance assez vaste du sujet pour faire en sorte que nous parlions tous de la même chose.
    C'est extrêmement difficile de définir le crime organisé. Nous n'avons pas trop de difficulté à dire qui fait partie des Hells Angels, mais dans le cas des gangs de rue, ce n'est pas toujours facile de faire la différence entre celles qui sont organisées et celles qui ne le sont pas.
    En ce moment, il y a beaucoup d'activité dans le secteur du trafic d'oeuvres d'art et d'antiquités. J'ai participé récemment à une conférence qui portait sur ce sujet. Ce monde est à la fois légitime et illégitime; il passe d'un côté à l'autre de nombreuses façons. On ne peut pas déclarer que le vol d'oeuvres d'art et d'antiquités relève du crime organisé, car il est souvent question de personnes qui font des choses qui sont légales, mais un peu louches; elles en sont parfois conscientes, et parfois, non. Il y a beaucoup de choses qui se passent dans ce domaine, notamment le blanchiment d'argent.
    Le crime organisé est très attrayant. C'est facile de penser qu'on peut prendre des mesures sévères pour le prévenir, mais c'est très difficile de le cerner. À cet égard, j'ai trouvé intéressant le témoignage au sujet de l'avenir des profits. C'est important que nous n'oublions jamais à quel point c'est difficile de définir de qui nous parlons. Si nous oeuvrons dans une seule direction, nous appréhenderons des gens qui ne devraient pas être impliqués.
    Il existe maintenant des normes internationales. Il y a des conventions et des protocoles transnationaux sur le crime organisé, mais il y a aussi des lignes directrices sur la prévention de la criminalité. L'ECOSOC a adopté deux ensembles de lignes directrices, dont le plus récent date de 2002. Ces lignes directrices conseillent vivement aux gouvernements nationaux, régionaux et municipaux de se pencher sur le crime organisé et sur les liens qui existent entre lui et le crime de rue ordinaire. C'est là que nous pouvons commencer à changer les choses sur le plan de la prévention.
    Les normes de 2002 en matière de prévention de la criminalité recommandent aux gouvernements d'agir dans ce domaine, et elles présentent certaines mesures qu'on peut prendre sur le plan de la législation, de la réglementation, de l'éducation du public, du blanchiment d'argent, des attitudes envers la traite de personnes et d'autres questions dont vous avez parlées.
    Un changement radical se produit actuellement à l'échelle internationale. Le Rapport mondial sur les drogues de l'ONU publié par l'ONUDC en avril 2009 est intéressant, car c'est le premier rapport mondial sur les drogues qui conseille vivement aux gouvernements de se pencher sur la prévention plutôt que sur des lois plus sévères. C'est aussi le premier rapport qui parle de combiner la prévention, le traitement et la répression. En outre, la bonne nouvelle que contient le Rapport mondial sur les drogues, c'est que l'usage des produits opiacés, de la cocaïne et du cannabis a diminué dans les grands marchés du monde, et que de nombreuses saisies de drogues ont été effectuées avec succès partout dans le monde.

  (1140)  

    Ainsi, dans l'optique de l'ONUDC et du Rapport mondial sur les drogues, il y avait en fait de bonnes nouvelles dans le monde de la drogue, et on accorde maintenant de l'attention à l'importance d'envisager la demande beaucoup plus sérieusement du point de vue de la prévention et du traitement.
    Une autre chose que je trouve très intéressante, c'est une série de rapports publiés encore une fois à Vienne par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, et plus précisément par la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale. Dans le cadre de ces rapports, on a examiné les liens entre le crime et le développement, le crime et la violence, le crime et les armes à feu. On a aussi examiné différents endroits — l'Afrique, les Caraïbes, l'Amérique centrale. Je crois que les rapports sont publiés depuis 2004, 2005 et 2006.
    Il s'agit de rapports régionaux très intéressants qui étudient les liens entre la sécurité et le crime organisé, les répercussions internationales sur les pays et ce qui se passe à l'intérieur des pays, ainsi que le besoin d'accorder beaucoup plus d'attention à la sûreté et à la sécurité avant que nous puissions faire les moindres progrès, que ce soit sur le plan de la pauvreté ou simplement sur le plan du développement économique général d'un pays.
    Ainsi, je le répète, un changement s'opère qui pousse à examiner la prévention sur une échelle plutôt vaste. Cela n'a pas à avoir un sens très flou ou très mal défini, car il existe des exemples très précis.
    Je pense qu'on peut aussi constater que certains pays de l'Amérique centrale — le Salvador et le Nicaragua, par exemple — ont recours, sans succès, au principe de mano dura, à des réactions très sévères aux problèmes très graves de pandillas, de maras, de violence liée aux gangs et de crime organisé qui sévissent dans ces pays. Les gouvernements ont reconnu eux-mêmes — et la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, l'ONUDC, l'Organisation mondiale de la Santé et d'autres sont aussi d'accord  — que ces façons de faire sont improductives; les établissements et les prisons se remplissent de personnes couvertes de tatouages qui sont liées aux gangs et qui ne seront pas vraiment transformées par l'expérience d'être emprisonnées.
    Ils commencent à examiner ce qui pousse initialement les gens à entrer dans les gangs et ce qu'ils peuvent faire pour commencer à empêcher les enfants de s'impliquer dans des activités liées aux gangs. Le Washington Office on Latin America et d'autres organismes ont publié des rapports très intéressants au sujet de projets communautaires axés précisément sur les jeunes hommes qui sont déjà membres de gangs, les jeunes hommes qui présentent des risques élevés de s'impliquer ou de plonger plus profondément dans la violence organisée à main armée, et sur les façons de leur donner un mode de vie différent.
    J'ai tendance à être une personne optimiste, malgré tout ce qui se passe chaque jour. Je pense qu'un certain nombre de changements se sont produits dans la compréhension de la façon dont nous travaillons à l'échelle internationale et de notre manière de travailler. La méthode employée par le CIPC, les moyens de prévention de la criminalité que nous étudions, tout cela est davantage une méthodologie qu'une façon de dire aux gens quoi faire. C'est une question de travailler avec des gens de tous les secteurs, une question de faire appel aux capacités de leadership des maires et du gouvernement, une question d'adopter une démarche équilibrée qui touche un grand nombre de domaines.
    J'aimerais vous donner juste quelques exemples de succès spectaculaires, puisque nous parlons du crime organisé; en 1991, le taux d'homicides de la ville de Medellín était de 381 pour 100 000 personnes. C'était le taux le plus élevé au monde, et il était dû en grande partie aux pandillas, aux guérillas et aux groupes armés de la ville de Medellín. Essentiellement, la ville avait perdu le contrôle de son district. Toutefois, le taux d'homicides est passé de 381 pour 100 000 en 1991, à 29 pour 100 000 en 2007. C'est une réduction tout à fait extraordinaire, et elle s'est faite petit à petit entre 1991 et 2007.
    La ville de Bogotá est un autre exemple remarquable; elle était moins touchée par le crime organisé et les gangs, mais davantage par la croissance de la ville, qui n'était pas contrôlée, et par beaucoup de pauvreté. De plus, les conditions étaient toutes là pour que les jeunes enfants s'impliquent dans les gangs, même si elles n'étaient pas menées par le crime organisé. En 1993, le taux annuel de la ville de Bogotá était de 80 homicides pour 100 000 personnes; ce taux a été réduit à 19 pour 100 000 personnes en 2007, ce qui est très bas.

  (1145)  

    Ce sont deux exemples extraordinaires. Et Cali est une autre ville colombienne qui a fait la même chose.
    Bien que le taux soit toujours très élevé en Colombie, et que le taux d'homicides à Medellín soit classé très haut à l'échelle internationale, ce qui ressort très clairement de ces exemples en Colombie, c'est qu'ils sont le résultat des efforts concertés qu'ont déployés ces villes, avec l'appui d'organismes internationaux, évidemment, et du financement. En appliquant cette approche uniforme — et parfois une approche à l'égard de la santé publique, si vous voulez —, ils ont dit que tout type de violence est une question de santé publique, et qu'ils doivent intervenir par tous les moyens possibles. Il s'agit de déterminer une série d'approches qui allient une attention sérieuse aux groupes à haut risque et du travail vraiment sérieux dans les secteurs ciblés où se trouvent les pires problèmes. Il s'agit aussi de travailler sur le terrain avec les jeunes, de faire participer la collectivité sur le terrain et de collaborer avec les leaders religieux et toute autre personne qui impose toujours le respect, et de consacrer du financement à ces secteurs en appuyant les projets éducatifs, la formation chez les jeunes et bien d'autres activités de ce genre.
    C'est cet amalgame d'approches qui a fonctionné dans ces villes. Si elles peuvent le faire, elles ont, à mon avis, énormément de leçons à nous apprendre. S'il y a une chose que le CIPC et le mouvement qui étudie l'importance de la prévention ont montré, c'est que nous pouvons apprendre énormément de choses des villes et des pays du Sud, qui ont des problèmes beaucoup plus graves que les nôtres.
    Je sais que mon temps est presque écoulé, mais j'aimerais seulement mentionner que beaucoup plus près de nous, dans la région de Chicago, on a fait appel à des types merveilleux appelés interrupteurs de violence —d'anciens membres de gangs et d'anciens prisonniers —qui s'efforcent de mettre fin aux conflits et aux fusillades de représailles, et qui ont réduit considérablement le nombre d'homicides liés aux armes et aux gangs à Chicago, c'est-à-dire entre 25 et 75 % dans les divers secteurs de Chicago sur une période donnée. L'on privilégie cette même approche à Boston et à Baltimore, ainsi que dans environ 11 villes aux États-Unis. Il est fort possible que vous soyez au courant de cette approche. Je crois que David Kennedy vous en a peut-être déjà parlé. Je n'en suis pas certaine.
    Il existe beaucoup d'autres exemples, au Brésil, et au Royaume-Uni, à Bradford, où l'on a choisi de former un réseau sur le terrain avec des leaders musulmans. Cette approche particulière a été très efficace pour prévenir des émeutes dans la ville de Bradford après un incident. Je crois que c'était après la fusillade et la tuerie qui ont découlé des attentats terroristes de Londres, alors cette approche a réellement prévenu d'autres incidents.
    Ce sont tous des exemples, et je pourrais vous en donner un certain nombre d'autres, qui montrent l'importance de mettre en place une gamme d'approches ciblant les secteurs et les groupes les plus à risque, et de vraiment investir dans des installations, des activités éducatives et récréatives et de nombreuses autres options que pourront choisir les jeunes au lieu de se tourner vers les gangs.
    Merci.

  (1150)  

    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Jennings.
    Étant donné que nous voulons poser suffisamment de questions, est-ce que cinq minutes vous conviennent?
    Certainement.
    Très bien, merci.
    Je suis désolée d'avoir manqué le début de votre exposé, mais j'ai aimé ce que j'ai entendu. Je dois dire que l'approche privilégiée du point de vue de la santé publique est une approche que j'ai observée dans une bien moindre mesure dans ma propre circonscription que dans certaines des régions auxquelles vous faites allusion, par exemple, en Colombie.
    Il y a une partie de ma circonscription qui a toujours été très défavorisée. C'est l'un des secteurs que le ministère de l'Éducation du gouvernement du Québec a désigné « milieu très défavorisé », et il a été le théâtre d'un nombre appréciable d'incident violents. Il y a un certain nombre d'années — en fait, peu de temps après ma première élection —, j'ai rencontré les responsables locaux de la santé publique, les représentants d'organismes qui travaillent auprès des jeunes, les propriétaires de biens locatifs et les représentants d'organismes municipaux. En fait, nous avons créé une table ronde qui nous a permis de dégager certaines stratégies auxquelles participaient les responsables de la santé, la police locale, les représentants des services municipaux du logement, ainsi que des écoles du secteur, et nous avons réussi à obtenir du financement au titre de la Stratégie nationale pour la prévention du crime — qui existe toujours, je crois. Grâce à nos efforts, des mesures importantes ont été entreprises, et elles ont vraiment contribué à la baisse de la criminalité, du taux de décrochage scolaire, du nombre de cas de violence familiale, etc., et du nombre de crimes violents commis. Et les délits mineurs comme les graffitis, les méfaits, les fenêtres cassées, etc., qui sont les précurseurs de crimes plus graves, ont considérablement baissé pendant une période appréciable — presque 10 ans.
    Malheureusement, le financement pour la prévention de la criminalité a baissé ou n'est plus offert, et nous avons maintenant observé l'arrivée de gangs de jeunes dans ce secteur.
    J'apprécie donc votre message, et je le transmettrai assurément à mon parti et à la Chambre des communes, et j'espère qu'il fera partie d'un rapport de notre comité.
    C'est tout ce que j'ai à dire. Je n'ai aucune question étant donné que je n'ai pas été en mesure d'assister à votre exposé en entier.
    Merci.

  (1155)  

[Français]

    Monsieur Ménard.
    Pour ma part, je vais sûrement avoir des questions à poser. En outre, je vais certainement demander qu'on nous envoie des études.
    Vous avez observé, dans des situations bien pires que celles qu'on connaît au Canada, l'arrivée de jeunes attirés par le crime organisé. Vous avez aussi connu des réussites. Enfin, vous avez dit que l'emprisonnement n'était pas la solution. Il en faut, c'est certain, mais il faut surtout appliquer ce que vous appelez en anglais une across the board approach.
    Vous avez parlé d'un projet réalisé en France. Est-ce que de la documentation portant sur ce sujet est disponible? Pourriez-vous nous envoyer ce qu'on appelle parfois un sommaire exécutif?
    Comment s'appelait ce projet?

[Traduction]

    Excusez-moi...?

[Français]

    Comment s'appelait ce projet?

[Traduction]

    Le projet original mené par Gilbert Bonnemaison, maire d'une banlieue de Paris, portait le nom de Comité des maires et a été réalisé dans les années 1980. Je peux certainement vous donner des renseignements à ce sujet.

[Français]

    Le même genre d'expérience a été menée dans des villes beaucoup plus difficiles, par exemple à Medellin et à Bogota, en Colombie. Vous avez dit qu'à Medellin — corrigez-moi si j'ai mal noté les chiffres —, le taux d'homicides était de 381 par 100 000 habitants en 1991, et de 229 par 100 000 habitants en 2007. C'est exact? D'accord. C'est encore beaucoup.
    Quel est le taux d'homicides au Canada?

[Traduction]

    Je savais que vous me poseriez cette question. Nous avons environ 360 homicides par année au Canada, pour une population de 30 millions d'habitants.

[Français]

    Ça se situe autour de deux.

[Traduction]

    La moyenne au Canada pour cent mille habitants est légèrement au-dessus de deux.

[Français]

    Le taux, là-bas, est encore très élevé par rapport à celui qu'on connaît au Canada. D'après ce que j'ai compris, ce nombre était de 80 à Bogota en 1993, mais il est passé à 20. C'est exact?

  (1200)  

    En fait, c'est 19.
    Pouvez-vous nous donner une idée des diverses approches qui ont été mises en oeuvre dans ces villes pour en arriver à de tels résultats?

[Traduction]

    Comme je l'ai indiqué, c'est un mélange d'approches ciblant les contrevenants à plus haut risque — ceux que les membres de la police connaissent, ceux qu'ils savent être des trafiquants de drogues, ceux qu'ils savent être des leaders de gangs — et de sentences sévères dans ces affaires, mais c'est aussi une question de travailler avec les leaders communautaires pour changer les attitudes au sein de ces collectivités face à la violence.
    Pour ce faire, on peut avoir recours à des campagnes publiques avec des affiches sur lesquelles les conséquences sont énoncées, par exemple : Voulez-vous vraiment finir votre vie de cette façon? On peut également utiliser des forums communautaires pour discuter de ce que les gens préféreraient faire. On vise également beaucoup la mise en oeuvre de projets communautaires en collaboration, souvent, avec d'anciens membres de gangs, ce qui est une façon très efficace de changer les attitudes des jeunes.

[Français]

    Qui approche les leaders de la communauté? Est-ce que ce sont les policiers?
    C'est une combinaison de personnes.
    D'accord.

[Traduction]

    C'est la ville, plus la police, plus le service des poursuites, plus les services sociaux, plus le milieu du logement. C'est général de cette façon-là.

[Français]

    Vous vivez à Montréal, si je comprends bien.
    Oui.
    Vous pouvez donc observer ce qu'on fait, ou du moins ce qu'on cherche à faire, dans le quartier Saint-Michel. Dans le cadre de cette approche, la police et les communautés s'impliquent.
    Oui.
    On nous fait parvenir des milliers de pages à lire chaque jour, mais j'aimerais quand même vous demander d'envoyer au comité un résumé sur ce qui a été réalisé. Est-ce possible?
    Oui, absolument.

[Traduction]

    Ce sera tout.
    Monsieur Moore.
    Merci monsieur le président.
    Pour que les choses soient bien claires, madame Shaw, pourriez-vous envoyer ces renseignements au greffier du comité? De cette façon-là, ils seront transmis au comité en entier, car j'aimerais aussi prendre connaissance de certaines de ces études.
    Je n'ai pas pris connaissance du rapport de l'ONU sur le trafic de drogue, celui qui a été publié en avril, mais je crois que j'ai lu quelques critiques à son sujet dans lesquelles on s'interrogeait à savoir s'il était trop optimiste dans son évaluation de la réduction du trafic de drogue à l'échelle internationale. Ai-je raison au sujet de ces critiques? Sont-elles justes?
    Je ne peux pas vraiment formuler de commentaires à cet égard puisque je n'ai pas lu la réponse à ce rapport, en partie parce que nous ne travaillons pas étroitement avec la commission de la drogue. Nous collaboration avec la commission des crimes. Désolée, je n'ai pas vraiment suivi ce dossier.
    Si l'on pense à la série Le Parrain et au personnage original interprété par Brando qui justifiait le rôle du crime organisé pour répondre aux besoins de la société de cette époque, j'ai l'impression que dans votre travail, vous tentez d'éliminer le plus possible ce besoin — la toxicomanie, la prostitution, et je suppose que la liste s'allonge. Cela me semble l'objectif des divers points que vous avez abordés et ce à quoi vous essayez vraiment d'en venir. Ai-je raison?
    En partie. Je crois que nous parlons également de privilégier une approche équilibrée. Si le maintien de l'ordre et de bonnes mesures législatives sont nécessaires, il faut tout de même s'attacher aux autres aspects de la question.
    Pour ce qui est duParrainet des besoins illégaux, je crois que dans bon nombre de collectivités, on croit vraiment que le crime organisé appuie la collectivité. La collectivité appuie les gangs parce qu'ils offrent un service philanthropique. Ils leur donnent de l'argent lorsqu'elles en ont besoin. Ils leur offrent également des emplois légitimes. Un certain nombre de travaux intéressants ont été réalisés sur ce qu'on appelle la violence armée organisée, dans des endroits comme Cape Flats en Afrique du Sud, l'Irlande du Nord, le Guatemala, le Nigeria, où règne la violence endémique liée aux gangs. Il s'agit de régions où des générations de familles ont fait partie de gangs et ont été impliquées dans des activités de violence organisée à l'échelle locale.
    Dans un sens, les gangs se chargent des services sociaux, des services de bien-être social et même de la sécurité de ces régions en l'absence d'une force policière légitime. Je crois que vous avez absolument raison de dire que, s'il est possible de commencer à offrir des solutions de rechange aux membres de ces collectivités, cela signifie qu'ils n'ont pas à se joindre aux gangs.

  (1205)  

     Je veux me faire l'avocat du diable pendant un instant. Je crois que ce que vous avancez est logique et qu'il est tout à fait possible de l'appuyer par des faits dans les pays moins développés, mais dans les démocraties occidentales, y compris au Canada, est-ce vraiment applicable? Je ne vois pas beaucoup de groupes de crime organisé philanthropiques dans notre société.
    Un certain montant d'argent est distribué aux gens, ce qui peut leur être utile. J'en conviens. Je ne crois pas que la théorie s'applique tout à fait de la même façon, mais je pense que l'approche est, dans une certaine mesure, semblable pour les acteurs du crime organisé qui font partie de la famille — ils jouissent d'un certain appui et d'une protection.
    Les arguments à l'appui de cette question sont qu'il est possible d'utiliser... Je crois que l'Afrique du Sud a produit sa propre version du RICO pour contrer le crime organisé et les gangs à des endroits comme Cape Flats. De nombreuses personnes en Afrique du Sud ont soutenu que cela ne réglera jamais ces problèmes à la source parce qu'il y aura encore beaucoup d'autres jeunes, des jeunes hommes, qui finiront par prendre la place de ceux qu'on emprisonne, et on n'aura qu'à continuer de construire d'autres prisons. Il faut donc que l'on commence vraiment à s'attacher aussi à ces autres endroits.
    Je crois que les mêmes questions s'appliquent ici. Comme nous l'avons mentionné, nous avons eu de très belles réussites au Canada. Je me rappelle qu'on a eu beaucoup de problèmes avec les gangs en C.-B. dans les années 1970. Ils ne faisaient pas vraiment partie du crime organisé, mais ils y ont peut-être trempé d'un côté. Des initiatives très fructueuses du gouvernement de la C.-B. ont vraiment atténué ces problèmes en offrant des solutions de rechange aux jeunes, à l'échelle communautaire, pour tenter de les rééduquer, de changer leur attitude à l'égard de la violence à haut risque.
    Merci.
    Monsieur Moore.
    Merci monsieur le président. Je remercie également les témoins qui sont parmi nous aujourd'hui.
    J'aimerais que vous me donniez plus de détails sur deux ou trois points que vous avez mentionnés, avec lesquels je suis certainement en accord.
    Vous avez mentionné que vous portez votre attention principalement sur le petit nombre de personnes qui posent problème. Dans les témoignages rendus pour d'autres projets de loi qui ont été à l'étude à la Chambre des communes, des spécialistes, des leaders de la collectivité et des membres de la police ont dit que très souvent, le problème est répandu, mais que les individus qui commettent les crimes ne forment qu'un petit groupe. Même dans les secteurs où le taux de criminalité est plus élevé que la moyenne, les crimes sont perpétrés par relativement peu de d'individus. De plus, on a constaté une nette diminution du nombre de crimes lorsqu'on a mis l'accent sur des programmes et des traitements appropriés et, dans bien des cas, sur des mesures pour sortir des personnes de la rue. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur le sujet. Devons-nous axer nos efforts sur les individus qui sont le plus à risque et sur ceux qui constituent la plus grande partie du problème?
    Vous avez également mentionné que, dans certaines collectivités, la population accepte le fait que des personnes soient liées au crime organisé. J'aimerais connaître votre opinion sur ce que je vais dire maintenant. On a l'impression que, dans un grand nombre de collectivités, les gens acceptent le crime organisé uniquement parce qu'il n'a pas de conséquences sur eux personnellement ou parce qu'ils ne s'en font pas un cas de conscience. Les policiers sont très conscients de l'existence du problème dans leur collectivité, mais les gens ne s'en préoccupent pas à moins que survienne un cas spectaculaire, que le crime les touche d'une façon ou d'une autre ou qu'il touche quelqu'un qu'ils affectionnent, peu importe s'ils connaissent ou non cette personne. Dès lors, un sentiment de vulnérabilité ou d'indignation (ou une combinaison des deux) s'installe et les gens commencent à s'occuper du problème.
    Selon vous, jusqu'à quel point est-ce important que nous portions principalement notre attention sur ces groupes lorsque l'indignation de la population diminue? La population a-t-elle un rôle important à jouer dans la recherche d'une solution? Ce n'est évidemment pas quelque chose que nous pouvons faire seuls.
    Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires sur ces points?

  (1210)  

    Oui. Je pense en effet qu'il est clair qu'une grande partie du succès des projets bien élaborés, dont un grand nombre ont été réalisés aux États-Unis — comme l'opération Cessez-le-feu à Boston et le projet Cessez-le-feu à Chicago — tient à la méthode employée qui consiste à cibler les pires délinquants en leur disant qu'il n'y aura pas de changement, qu'on les surveille et qu'on les supervise. Il s'agit d'un très petit noyau et les messages commencent à passer. Mais, cela fonctionne avec d'autres personnes en même temps.
    Lorsque je parle de risque élevé, je parle autant des secteurs que des individus, car, bien souvent, les uns coïncident avec les autres. Les individus concentrent leurs actions et leur vie dans un secteur. Je pense donc qu'il est très important de tenter de cibler les secteurs où se trouvent les pires problèmes et de maintenir des liens avec la collectivité.
    Vous avez absolument raison de dire que lorsqu'un événement se produit, il devient souvent un catalyseur. Malheureusement, un tel événement peut être très utile pour inciter les membres d'une collectivité à se réunir et à agir. C'est très clair et c'est arrivé ici au Canada et dans beaucoup d'autres pays. Il faut saisir cette occasion pour travailler réellement avec une collectivité.
    Mais des projets existent également dans des secteurs à risque élevé où des personnes entretiennent des liens. Le projet à Bradford que j'ai mentionné consiste à travailler avec des chefs de la communauté musulmane, en particulier les mollahs. Ainsi, lorsque des problèmes raciaux ou des problèmes liés au terrorisme surgissent dans la ville, un réseau, qui est plus ou moins actif, est informé du besoin de savoir comment parler avec les communautés. Donc, on ne concentre pas nos efforts seulement sur les individus à risque élevé. Je crois qu'il faut tenter de travailler sur les deux fronts.
    Merci.
    La parole est à Mme Jennings.
    Merci.
    Vous avez parlé d'adopter une approche équilibrée et de cibler non seulement les individus à risque élevé, mais aussi les secteurs à risque élevé. Existe-t-il des études qui nous permettent de reconnaître les facteurs qui nous mènent à désigner un secteur comme secteur à risque élevé? Je crois que je connais la réponse, mais il serait utile à tous les membres d'obtenir l'information.
    Je ne peux me rappeler sur le moment du genre d'études, mais on parle de secteurs très défavorisés, où il y a de mauvaises conditions de logement, des établissements en mauvais état, des services de transport peu développés et où l'on rencontre des problèmes de santé publique, comme un haut taux de mortalité infantile. Il s'agit de secteurs où il peut y avoir un grand nombre de mères adolescentes. Ces secteurs comprennent beaucoup de logements sociaux dont le roulement d'occupation élevé empêche l'émergence d'un sentiment d'appartenance communautaire et la mise en place des ressources vers lesquelles se tourner pour parler des problèmes. Certains de ces secteurs comptent un très grand nombre de jeunes.
    En Grande-Bretagne, un organisme, le Neighbourhood Renewal Unit (unité de revitalisation des quartiers), a recensé les 88 secteurs qui présentaient les besoins les plus grands sur tout le territoire. Cet organisme met en place des services et travaille avec les responsables dans les 88 secteurs pour atteindre les objectifs suivants: réduction de la pauvreté, hausse de l'emploi, amélioration de la santé, baisse du taux de criminalité et amélioration de la sécurité. Il s'attaque aussi à d'autres problèmes au moyen d'une série d'approches.
    Hier, j'ai entendu parler d'une démarche similaire, utilisée à Sydney en Australie, qui cible les pires secteurs. Beaucoup d'indications permettent de comprendre quels types de secteurs nous examinons. Les problèmes sont beaucoup pires dans certains secteurs et dans certaines populations des pays en développement, mais les villes européennes et nord-américaines rencontrent les mêmes types de problèmes.

  (1215)  

    Merci beaucoup.
    Allez-y monsieur Ménard.

[Français]

    Je connais bien votre centre parce que comme ministre de la Sécurité publique, j'y croyais. Je le subventionnais autant que je le pouvais. À une certaine époque, on parlait de ce que valait 1 $ investi dans la prévention. De combien s'agissait-il?

[Traduction]

    Vous me demandez de vous donner les chiffres. Essentiellement, si vous investissez 1 dollar dans la prévention, vous épargnerez 6, 7, 10 ou même 11 dollars. De très bonnes études de rentabilité ont démontré les avantages économiques de la prévention.

[Français]

    D'après ce que je comprends, ça a été mesuré de plusieurs façons, dans diverses régions du monde, et on en est arrivé à un résultat sensiblement équivalent.
    C'est exact?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Selon ce qu'on nous a dit ici, une fois que les gens se joignent à une organisation criminelle, ils n'en ressortent plus.
    Est-ce que ça correspond à ce que vous avez observé?
    Non.

[Traduction]

    Lorsque des gens entrent dans une organisation criminelle, ils en sortent ou ils peuvent en sortir, mais il arrive qu'ils ont besoin d'aide. Il existe un grand nombre de projets de nos jours qui aident de jeunes hommes à sortir des gangs de rue. Beaucoup de projets comprennent le détatouage — le tatouage peut évidemment être un signe qu'une personne fait partie d'un gang de rue — et donnent à ces individus l'occasion d'acquérir des compétences autres que l'utilisation d'une arme ou la surveillance d'un territoire. Les jeunes acquièrent des compétences pour occuper un emploi ou profitent d'une expérience de travail; ils développent également une façon différente de concevoir la vie pour ce qu'ils veulent faire avec la leur. Beaucoup de projets comme ceux-là existent partout dans le monde.

[Français]

    Vous avez aussi touché à la question du trafic de personnes.
    Dans le rapport de l'ONU de février 1983, on faisait remarquer que dans le monde, la majorité des personnes accusées d'avoir participé à du trafic de personnes étaient des femmes. Dans bien des cas, ces femmes avaient elles-mêmes été victimes de trafic.
    Pouvez-vous nous expliquer comment les femmes en arrivent à passer du statut de victime à celui de participante?

[Traduction]

    Je pense que ce rapport sur le trafic de personnes était très intéressant. Il soulève la question de la participation d'un grand nombre de femmes. Il y a peu de chiffres et, sur la scène internationale, il est extrêmement difficile de faire une évaluation du trafic de personnes, des chiffres précis, et ce, dans n'importe quel pays. Mais comme vous le savez, beaucoup d'efforts sont déployés dans tous les pays pour améliorer notre capacité d'évaluer le trafic de personnes.
    Selon moi, il est clair que les femmes qui ont elles-mêmes été victimes du trafic de personnes en connaissent beaucoup sur la façon de faire. Si elles ont passé leur vie à travailler dans le milieu de la prostitution ou dans un milieu lié au trafic, leur participation est un moyen pour elles de continuer à gagner de l'argent. Je crois que c'est une caractéristique de la nature humaine. Je présume que ce n'est qu'une minorité des femmes qui font le trafic.

  (1220)  

[Français]

    Dans les organisations, il y a des gens au sommet qui encaissent la majorité des profits. Où se situent les femmes? Est-ce qu'elles contrôlent les organisations ou sont-elles généralement contrôlées par des hommes qui amassent tous les profits? Est-ce qu'elles jouent un rôle subalterne?

[Traduction]

    C'est un bonne question. Je ne suis pas certaine que je suis la personne la mieux placée pour y répondre, puisque je n'ai pas examiné récemment les recherches sur le sujet. J'imagine que les femmes n'occupent pas une position élevée. Elles se situent quelque part au milieu.

[Français]

    En fait, toutes ces organisations sont fondées sur la violence et la menace de violence.
    Par ailleurs, on dit que certaines jeunes filles attirées par ce milieu ont moins de 18 ans et qu'elles hébergent éventuellement, à l'âge de 19 ou 20 ans, d'autres jeunes filles qu'on leur amène.
    Est-ce en effet la façon dont les choses fonctionnent dans ces organisations?

[Traduction]

    Je présume. Encore une fois, je n'ai pas vraiment exploré en profondeur les recherches effectuées sur l'organisation du trafic humain.

[Français]

    C'est le problème qu'on doit régler, présentement. Il s'agit de déterminer si les gens qui hébergent ces personnes méritent la même sentence que les individus se trouvant au sommet de l'organisation.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Norlock.
    Oui?
    Je dois corriger un commentaire que j'ai fait un peu plus tôt au sujet du taux de criminalité au Canada par 100 000 habitants. Plus de 600 est en fait le nombre exact. C'est le cas depuis les dernières années et ce nombre est en baisse, mais le ratio par 100 000 habitants est plutôt de 4,5 ou 4,8 si vous faites le calcul. Je pense que le nombre de deux et quelque que je vous ai donné s'applique en fait à la population adulte, par 100 000 de population adulte. Il se situe à environ 2,4 ou 2,5.
    Est-ce que vous parlez du taux de criminalité ou du taux d'homicides?
    Je parle du taux d'homicides.
    Très bien. D'accord, merci.
    Nous allons passer à M. Norlock.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, madame Shaw, d'être ici aujourd'hui.
    Je vois que vous avez de l'expérience sur la scène internationale. Vous dites que nous avons besoin d'initiatives ciblées, mais il faut que tous les ordres de gouvernement, y compris les organisations non gouvernementales, s'impliquent.
    J'ai travaillé comme policier. Vous avez dit que les services de police ne doivent pas se limiter à appliquer la loi, qu'ils doivent être intégrés au sein de la collectivité. Vous savez sans aucun doute que tous les corps policiers du Canada assurent la prestation de leurs services de manière communautaire.
    Vers la fin de ma carrière, mon travail consistait à mettre en place des programmes. Certains programmes auxquels les services de police participent comportent un volet intégré, comme le programme DARE, qui est mis en place en collaboration avec les unités de soins de santé locaux, d'autres organisations, et la Société canadienne du cancer, pour montrer aux jeunes qu'ils peuvent avoir du plaisir sans prendre de la drogue, boire de l'alcool, ou consommer des produits du tabac. Je suis certain que vous connaissez ces programmes.
    Pour en revenir à votre expérience internationale, un des programmes auquel j'ai collaboré vers la fin de ma carrière portait sur la justice réparatrice. C'est un concept qui s'inspire des Indiens maoris de la Nouvelle-Zélande et qui connaît un bon succès pour traiter non seulement les jeunes, mais aussi les adultes. Nous devons regarder ce qui se fait dans les autres pays, comme vous l'avez mentionné, mais nous devons aussi nous féliciter et ne pas trop en faire une obsession. Les gens doivent regarder ce que nous faisons.
    Dernièrement, l'unité de soins de santé de ma collectivité a reçu une somme non négligeable dans le cadre des stratégies mises en place par le gouvernement pour prévenir la criminalité et traiter les toxicomanies. Cet argent a été versé à un des groupes d'intervention jeunesse appelé les Rebound Child & Youth Services. Ce groupe met l'unité des soins de santé à la disposition des écoles primaires et secondaires. Si un élève — ou même un parent — vient les voir pour leur dire qu'il a un problème de drogue ou qu'il a essayé la marijuana et qu'il ne sait pas trop quoi penser, car il a entendu dire par certains que ce n'était pas mauvais pour la santé, et par d'autres que cela l'était, il peut alors consulter un professionnel de la santé.
    Je me demande si vous avez de l'expérience dans ces domaines au Canada. Nous avons adapté le programme DARE, qui vient en fait de la rue et des gangs de criminels armés — les types à tatous de la Californie dont vous avez parlé. Il s'est développé et connaît un véritable succès.

  (1225)  

    Je pense que vous avez absolument raison de dire que le Canada possède d'excellents programmes. Je ne sais pas exactement où se trouve votre circonscription, mais je sais que les services de police d'Ottawa-Carleton ont accompli un travail fantastique auprès des jeunes, en travaillant sur le terrain avec des ONG et des groupes communautaires.
    On en trouve de bons exemples à Montréal également. Je pense qu'il y en a également à Edmonton. C'est toujours difficile, car le Canada est beaucoup plus ouvert à l'idée des services de police communautaires. Nous avons tout ce qu'il faut. Nous avons un solide réseau d'organisations sur le terrain, et des ONG. Je pense que c'est une force que nous devons continuer de développer.
    À mon avis, il est très important de renforcer les liens entre les services de police et la collectivité. Les ONG peuvent souvent nous y aider, car le niveau de confiance dans les services de police varie grandement, en fonction du pays ou de la ville, de l'âge, de la couleur, etc. Je pense qu'il est extrêmement important que les services de police collaborent avec les collectivités et les groupes locaux, d'une manière ou d'une autre, pour favoriser une meilleure compréhension et améliorer les relations entre les deux. On peut ainsi éviter, par exemple, le genre de situation qui s'est produite à Montréal-Nord.
    Je suis heureux que vous abordiez ce sujet, car je regardais justement les nouvelles hier soir quand on a parlé... Un groupe des Nations Unies a rencontré un groupe local hier ou aujourd'hui, si je ne me trompe pas. Il semble que — et il faut toujours être prudent à l'égard des reportages — ce groupe de défense des droits de la personne des Nations Unies ait été un peu réticent à interroger les policiers pour savoir ce qu'ils ont fait avant et après ce qui s'est passé, pour parler du réseau communautaire et des mesures mises en place pour soulager... Puis ils ont interrogé un porte-parole du service de police. Mais encore là, les représentants du groupe des Nations Unies n'ont pas posé de questions sur les politiques, l'opposition ferme au profilage racial, etc. En regardant ce reportage, je pense à l'effet que cela a sur le Canadien moyen — si vous pouvez influer sur le groupe des Nations Unies ou avez des liens avec lui — peu importe le rapport qu'ils feront sur le Canada, on dira qu'ils n'ont pas interrogé tout le monde pour obtenir toutes les réponses. Ils n'ont entendu qu'une version des faits.
    Je me demande si vous avez des commentaires à faire à ce sujet, sur la perception qui en découle.
    Je suis d'accord avec vous. Je pense qu'il est très important dans ce genre d'enquête d'interroger toutes les parties.
    Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais vous serez sans doute intéressé de savoir que le Centre international pour la prévention de la criminalité a préparé un rapport à l'intention du service de police de Montréal, en collaboration avec l'Université de Montréal. Il s'est penché sur les émeutes urbaines et le genre d'événements qui se sont déroulés en Grande-Bretagne, en France et en Australie après l'émeute à Montréal. Le rapport est publié en français. Je vais voir à ce qu'il vous soit acheminé. On y analyse ce qui s'est passé en France après les émeutes de 2005 et ce qui s'est passé en Australie. On tente d'analyser les conditions qui ont mené aux émeutes.
    J'espère qu'en un sens cela tient compte de ces éléments aussi.
    Très bien.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Rathgeber.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre exposé.
    J'ai deux ou trois questions au sujet du Centre international pour la prévention de la criminalité. Je dois admettre que je n'en avais pas entendu parler avant ce matin. Je pense qu'il s'agit d'un institut de recherche ou d'un groupe de réflexion basé à Montréal.
    Nous sommes une organisation internationale non gouvernementale basée à Montréal qui bénéficie du soutien des gouvernements du Canada, du Québec, de la France, de l'Australie, de l'Afrique du Sud... de divers gouvernements. Les gouvernements fondateurs sont ceux de la France, du Canada et du Québec.

  (1230)  

    Il s'agit donc d'une organisation internationale. Avez-vous des bureaux ailleurs qu'à Montréal?
    Non, seulement un à Montréal.
    Et tout votre financement provient des taxes et des impôts des contribuables?
    Notre financement provient des gouvernements membres.
    Vous n'avez pas de donateurs du secteur privé?
    Nous recevons parfois de l'argent de la Banque mondiale ou d'autres organisations de ce genre. Je crois que nous avons reçu de petites subventions de Montréal International ou d'organisations comme celle-là.
    Environ combien d'employés avez-vous ici, à Montréal?
    Nous avons environ 15 employés.
    Vous n'êtes pas affilié à l'Université de Montréal ou à d'autres...
    Nous avons une entente avec l'Université de Montréal, avec l'Université Hurtado au Chili et avec d'autres universités. Nous effectuons des recherches avec eux dans leurs domaines. Nous sommes affiliés à l'Université de Montréal évidemment pour mettre en commun nos connaissances. Les gens viennent faire des stages chez nous. Nous travaillons avec eux sur des projets.
    Est-ce que vous ou un de vos employés enseignez à l'Université de Montréal?
    Non. Toutefois, l'un d'entre eux y enseignera dans un mois environ lorsqu'il quittera notre organisation pour faire partie du corps professoral.
    Mais il s'agit d'une pure coïncidence, d'après ce que je crois comprendre.
    Oui.
    Je vous remercie.
    J'ai bien de la documentation sur l'organisation, et nous avons produit...
    Avez-vous un site Web?
    Oui, nous avons un site Web.
    Et nous avons produit... J'ai les versions française et anglaise. L'année dernière, nous avons produit le premier Rapport international sur la prévention de la criminalité et de la sécurité quotidienne qui est un regard, à l'échelle internationale, sur les pratiques et stratégies en voie de développement dans le monde entier en matière de prévention du crime. C'est une version sur CD-ROM. J'en ai un exemplaire en français, et plusieurs en anglais.
    Nous allons publier l'année prochaine le deuxième de ces rapports, celui de 2010, qui traitera du crime organisé et de ses liens avec le crime local.
    Je vous remercie.
    Je n'ai plus de question.
    Merci.
    Merci.
    Nous laissons maintenant la parole à M. Woodworth.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie, madame Shaw, de vous être déplacée pour venir témoigner devant nous aujourd'hui.
    Je tiens à dire d'abord que j'ai été très heureux d'apprendre que votre organisation met l'accent tant sur la collaboration communautaire que sur la prévention. J'en suis heureux pour deux raisons. La première, c'est que je pense que ce sont deux des principes fondamentaux de la politique de notre gouvernement en la matière. Deuxièmement, ils sont l'assise de bien des initiatives entreprises dans ma propre ville de Kitchener, en Ontario.
    Mon expérience a été différente de celle de Mme Jennings, cependant, en ce sens que j'ai constaté que des montants de plus en plus importants ont été investis dans ces efforts ces dernières années. Je peux vous donner des exemples. Dans ma circonscription en particulier, à Kitchener, au printemps, près de 700 000 $ ont été attribués au développement et à la mise en oeuvre d'un projet de programme d'études secondaires appelé le défi « High on Life ». Il vise à réduire la consommation de drogues chez les jeunes. Je sais que nos gens de Kitchener sont en train de former des enseignants et d'autres personnes de partout en Ontario à ce programme.
    Il y a deux ou trois mois, le gouvernement a réservé une somme de 3,5 millions de dollars au « Waterloo Region Crime Prevention Council », le conseil de prévention du crime de la région de Waterloo, dont je vais parler dans un moment, pour élaborer des stratégies antigang.
    Nous avons investi quelque chose de l'ordre de 7 millions de dollars dans un projet pancanadien appelé « Circles of Support and Accountability », les cercles de soutien et de responsabilisation.
    Je suis particulièrement fier de la région de Kitchener-Waterloo, qui jouit d'une réputation internationale dans ces domaines. Mark Yantzi, de Kitchener, a créé des centres de justice réparatrice dans les Philippines et dans d'autres régions du monde.
    J'aimerais vous lancer une invitation permanente. Si j'arrive un jour à vous convaincre de venir à Kitchener, je vous présenterai à des gens de ces organismes. Je suis très fier de ma communauté et des efforts de notre gouvernement dans ces domaines.
    Je ne connais pas assez votre organisation. Je présume que vous devez être bien au courant du bon travail qui se fait au Canada. Je ne sais pas si vous faites la promotion des modèles canadiens dans le monde. Est-ce que vous en êtes au courant? Est-ce que vous en faites la promotion dans le reste du monde? Pourriez-vous m'en parler?
    Oui, certainement.
    Je connais très bien Kitchener-Waterloo et Christiane Sadeler et tous ces gens merveilleux qui y ont travaillé longtemps. Kitchener-Waterloo est en fait le modèle de cette approche de prévention du crime au Canada. Depuis 15 ans, soit depuis, je pense, la création du CIPC, la circonscription applique cette approche générale au niveau local. Je pense que Kitchener-Waterloo a eu un rôle dans les origines de cette organisation.
    Oui, absolument, nous faisons la promotion des pratiques exemplaires. Nous produisons quantité de compendiums sur les pratiques et les stratégies exemplaires. Nous parlons de pratiques efficaces fondées sur les données probantes et des éléments ayant fait l'objet de recherches approfondies. Mais nous parlons aussi de pratiques qui sont bien planifiées et bien conçues et qui semblent tout à fait prometteuses, pour donner aux gens une idée de ce que fait quelqu'un dans leur ville ou leur province relativement à un problème particulier.
    Quand nous avons publié le rapport international, l'année dernière, il était accompagné d'un compendium de 75 pratiques et stratégies glanées à l'échelle internationale, dont certaines au Canada. Nous avons un site Web. Nous avons un bulletin de nouvelles. Nous diffusons régulièrement de l'information. Nous allons avoir en décembre notre colloque anniversaire, le 15e, ici, à Montréal. Il s'y tiendra entre autres une réunion des 14 villes du Canada qui ont formé un réseau sur la prévention du crime. Elles se réuniront pendant le colloque, ou en marge du colloque.

  (1235)  

    Je vous remercie.
    Justement, j'allais en parler, parce que Kitchener a joué un rôle déterminant dans cette initiative. C'est une démarche collaborative, comme vous l'avez dit. Je suis très heureux d'entendre que votre organisation fait la promotion de nos modèles canadiens dans le monde. Il faut vraiment faire connaître le bon travail qui se fait au Canada. Je suis impatient de voir votre site Web et de lire votre rapport. Je l'apprécie.
    Je réitère mon invitation. Si vous venez à Kitchener, j'aimerais que vous communiquiez avec moi.
    Je vous remercie.
    Nous entendrons une dernière question de M. Petit.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Shaw, merci d'être ici. Vous nous avez parlé de votre centre international. Je n'ai pas écouté les questions de mes collègues, mais je vous ai entendue prononcer votre allocution de 10 minutes pour présenter votre organisation.
    Avez-vous toujours pratiqué au Québec, ou avez-vous déjà pratiqué dans d'autres provinces?

[Traduction]

    Au Québec.

[Français]

    Votre centre international a-t-il toujours été à Montréal?
    Oui.
    J'aimerais vous poser une question d'ordre général. Vous ne serez peut-être pas capable de répondre, mais vous pourrez nous donner des pistes.
    À Montréal, comme au Québec, depuis au moins une quarantaine d'années, nous faisons beaucoup d'interventions par rapport à la réhabilitation par l'entremise de sociologues, de psychologues. Je viens de la ville de Québec, et l'Université Laval forme beaucoup de sociologues et de psychologues. Il en est de même de l'Université de Montréal, de l'Université McGill et des universités d'État comme l'UQAM, etc.
    Dans l'ensemble du Canada, dans les années 1950, la ville de Montréal était considérée comme une ville ouverte, une sin city, comme on le dit. On a fait un nettoyage. Après, on a eu des problèmes reliés à la grosse pègre et la Commission Cliche. Puis il y a eu la Commission d'enquête sur le crime organisé, la CECO, sur la viande avariée. Il y a eu ensuite des luttes entre les motards. C'est toujours Montréal-Québec, Québec-Montréal.
    Les autres villes ont eu des problèmes, mais nous en avons beaucoup. Vous vivez à Montréal et vous travaillez dans un centre de prévention et de réhabilitation. Comment se fait-il qu'il y en ait autant à Montréal présentement? Je suis québécois, et c'est à vous que je dois m'adresser pour obtenir de l'aide. Comment se fait-il qu'à Montréal, c'est si gros et depuis si longtemps, et qu'on n'arrive pas à régler le problème? Êtes-vous capable de me l'expliquer? L'eau contient-elle quelque chose qu'on ne connaît pas?

[Traduction]

    Cela m'est difficile. Je vis à Montréal depuis 23 ans. Je suis d'origine britannique, et j'ai travaillé pour le Home Office. J'ai essayé de comprendre le Québec en tant qu'étrangère, mais j'espère maintenant que c'est en tant que Montréalaise, j'aime à me considérer québécoise.
    Notre centre travaille en étroite collaboration avec le gouvernement du Québec. Nous avons eu l'honneur d'avoir Serge Ménard comme président de l'organisation pour le Québec alors qu'il était ministre. Nous travaillons avec la police. Nous travaillons beaucoup avec la police de Montréal. Nous entretenons des rapports très étroits avec la Sûreté du Québec. Nous travaillons aussi avec la ville de Montréal. Bien des visiteurs viennent nous voir; cette semaine, nous avons accueilli des Belges et des gens du Guatemala, et aussi de l'Australie, et nous les emmenons partout voir les projets et rencontrer des gens importants à Montréal. Nous travaillons beaucoup avec la province, qui est du nombre de nos plus fervents supporteurs.
    Je pense que c'est toujours une question de perception. Pour ce qui est de la criminalité, à bien des égards, les niveaux de criminalité sont bien inférieurs au Québec et à Montréal à ceux du reste du Canada. J'ai reçu un appel téléphonique d'un journaliste l'année dernière qui me demandait pourquoi il y a tellement peu d'homicides à Montréal; on était revenus aux niveaux des années 1970, et il n'y a pas eu le moindre homicide à Québec l'année dernière, alors le journaliste voulait savoir qu'est-ce qui avait contribué à faire tellement baisser le taux de criminalité.
    Je pense que c'est toujours une question de perception de ce qui se passe, et rien qu'en ma qualité de sociologue, je vois qu'il y a le facteur des relations entre des gens qui vivent dans une région linguistique et culturelle pendant longtemps. Vous savez, il y a ces discussions, qui sont assez animées; elles sont importantes et intéressantes. Je ne connais pas la réalité de l'ampleur ou de la nature des problèmes de corruption, ni tout ce qui se passe ailleurs, mais je soupçonne qu'il y en a.
    Je ne peux pas répondre à votre question, en fait, mais je la trouve intéressante.

  (1240)  

    Merci beaucoup, madame Shaw, pour votre témoignage.
    J'ai juste une observation, monsieur Comartin. Les analystes me disent que le taux d'homicides au Canada en 2007 a été en fait de 1,8 pour 100 000 habitants, et nous vérifions celui de 2008, mais ce n'est pas très différent.
    C'est de l'ordre de 600. J'ai les chiffres de 2007, et il y a eu 600 meurtres en 2007. Sur une population de 31 millions d'habitants, ça ne correspond pas, mais ils doivent ne compter que la population adulte pour arriver à cette proportion par 100 000 habitants.
    Je regarde les chiffres de Statistique Canada, c'est dans son site. Il y a eu 594 homicides en 2007. Cela revient à 1,8 par 100 000 habitants.
    Ils se trompent.
    Quoi qu'il en soit, merci madame Shaw pour votre témoignage.
    Je vous fait mes excuses pour ne pas me souvenir des chiffres. Je vous remercie de me corriger.
    Je dirais, pour ce qui est du rôle du Canada dans la prévention du crime, qu'au fil des années, le Canada a joué un rôle tout à fait déterminant dans la promotion de la prévention du crime sur la scène internationale. C'est grâce aux efforts du Canada, entre autres, que les lignes directrices des Nations Unies ont été adoptées avec enthousiasme par le Conseil économique et social. Nous avons beaucoup fait. C'est agréable de le savoir. Nous ne devrions pas penser qu'on ignore notre apport.
    Je tiens à vous remercier de vous être libérée sur un court préavis. Je pense que vous n'avez eu qu'une journée. Nous vous en sommes très reconnaissants. Votre témoignage a été très important et il sera très certainement intégré à notre rapport final.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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