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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 24 février 2014

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous commençons aujourd'hui notre étude de la situation en Syrie.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui. De la Croix-Rouge canadienne, nous avons Conrad Sauvé, chef de la direction.
    Bienvenue, monsieur. Nous sommes ravis de vous revoir.
    De la Croix-Rouge canadienne également, nous avons M. Hossam Elsharkawi, directeur, Urgences et rétablissement, Opérations internationales, et Robert Young, délégué principal du Comité international de la Croix rouge.
    Merci et bienvenue à tous les représentants de la Croix-Rouge.
    De CARE Canada, nous avons Jessie Thomson, directrice, Équipe de l'aide humanitaire et secours d'urgence.
    Nous allons commencer par l'exposé liminaire de M. Sauvé, et nous passerons ensuite à Mme Thomson.
    Et merci à tous les membres du comité de m'avoir invité aujourd'hui.
    Puisque vous avez présenté mes collègues, je passerai directement à mon exposé.
    Il est on ne peut plus opportun que le comité se réunisse aujourd'hui pour parler de la Syrie puisque, comme vous le savez, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté cette fin de semaine la résolution 2139 qui demande un accès élargi pour les travailleurs humanitaires en Syrie.
    Nous nous réjouissons de l'entente conclue entre les membres du Conseil de sécurité de l'ONU et de l'adoption unanime de la résolution. Nous espérons qu'elle facilitera l'aide humanitaire à apporter au peuple syrien, qui fait les frais de cette crise. En particulier, nous sommes heureux que le secrétaire général de l'ONU ait reconnu, à l'occasion d'une réunion du Conseil de sécurité, le rôle critique que joue le Croissant-Rouge arabe syrien.
    Je suis sûr que les membres du comité les connaissent, mais j'aimerais fournir quelques données sur le mouvement de la Croix-Rouge. On parle beaucoup de ce mouvement, qui comprend essentiellement trois composantes. Il y a par ailleurs 189 sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge. Dans de nombreux pays musulmans, le Croissant-Rouge correspond à la Croix-Rouge. Il y a une fédération internationale qui chapeaute ces sociétés nationales et il y a aussi le comité international de la Croix-Rouge, toutes ces instances constituant la famille de la Croix-Rouge.
    J'aimerais vous signaler aujourd'hui trois points essentiels. Premièrement, le rôle critique que joue une société nationale de la Croix-Rouge et, en l'occurrence, le Croissant-Rouge arabe syrien. Il est donc capital, non seulement que nous financions ses opérations, mais que nous appuyions également son développement institutionnel pour qu'il puisse réagir efficacement à la crise et aux urgences, en l'occurrence en Syrie.
    Deuxièmement, j'aimerais signaler les conséquences humanitaires critiques du conflit. En effet, les civils n'ont pas accès à l'aide humanitaire, d'où la nécessité de faciliter l'accès et de protéger l'action humanitaire.
    Troisièmement, il y a l'action que mène le mouvement du Croissant-Rouge dans son ensemble en Syrie et dans les pays voisins, où se déploie actuellement notre plus vaste opération.
    J'aimerais tout d'abord vous faire quelques commentaires sur mon séjour au Moyen-Orient et sur les rencontres que j'ai eues avec les dirigeants du Croissant-Rouge arabe syrien. Pour la population en Syrie et les réfugiés syriens, la situation est extrêmement grave. J'ai du mal à imaginer les souffrances qu'ils ont subies pendant ces mois d'hiver. Au Liban, il y a très peu d'infrastructures pour accueillir des réfugiés. Les Syriens y vivent dans des logements de fortune, sans réseaux sanitaires ni services élémentaires d'hygiène. En attendant la construction de nouveaux camps, leur situation est extrêmement précaire. Vu le manque de structures de base, j'avais presque l'impression de me trouver dans une zone qui venait d'être dévastée par un tremblement de terre. Par rapport aux conditions de vie, la situation ressemblait en effet quelquefois à celle d'Haïti après le tremblement de terre.
    En Jordanie et en Turquie, la situation était plus vivable pour les réfugiés, pour lesquels on construit des camps et qui reçoivent certains services. Ainsi, le Croissant-Rouge turc a offert un appui global aux réfugiés syriens, sous forme notamment de premiers secours, d'abris et de services sanitaires dans les camps et ailleurs. Toutefois, il ne faut pas s'y tromper, les perspectives à moyen et à long terme sont bien sombres, et pour les réfugiés, les chances de rentrer chez eux ou de s'installer ailleurs sont extrêmement limitées.
    La responsabilité de protéger et d'aider les victimes de conflits est au coeur du mandat de la Croix-Rouge. Or, il peut y avoir, sans qu'on s'y attende, une escalade des hostilités auquel cas, il est très important pour la Croix-Rouge de pouvoir réagir rapidement. Et la réaction ne peut pas se faire du jour au lendemain. Notre capacité de réagir rapidement à des crises comme celle de la Syrie est le résultat de nombreuses années de travail et d'investissements.
    Le conflit qui fait rage en Syrie est l'un des plus violents à survenir de mémoire récente. Pratiquement toute la population souffre directement, sous une forme ou sous une autre, du conflit. Dans les zones où sévit la violence, il n'y a plus d'électricité, plus d'eau, plus de collecte des déchets et la destruction des hôpitaux aggrave la misère. En raison des combats intenses et de l'économie gravement affaiblie, beaucoup de gens ont du mal à survivre et dépendent totalement de la générosité de compatriotes ou de l'aide humanitaire.
    Après trois années de crise, la situation est grave. Certes, les tirs d'armes à feu et de mortiers ont des effets dévastateurs sur la population et les infrastructures, mais ils témoignent aussi de l'échec des institutions, échec dont les coûts sont énormes. Par exemple, les services publics se sont effondrés sous la pression des déplacements à grande échelle et des populations entières n'ont plus accès à des soins de santé convenables.
(1535)
    Non seulement on ne peut pas s'occuper des blessés, mais les taux de vaccination ont chuté et les malades chroniques ne reçoivent pas les traitements et médicaments dont ils ont besoin, car ils sont extrêmement rares.
    Les conséquences à long terme sont prévisibles, je veux parler de l'augmentation des taux de mortalité, de la résurgence de certaines maladies et de l'invalidité permanente dont souffriront des dizaines de milliers de gens. La production alimentaire a chuté, les prix continuent d'augmenter et de plus en plus de gens sont réduits à dépendre de l'aide alimentaire d'urgence. Il est de plus en plus difficile de gagner sa vie, et les ressources personnelles et les mécanismes d'adaptation sont réduits à néant. Des millions de personnes déplacées vivent dans des abris temporaires et les enfants ne vont plus à l'école.
    Et ce qui est extraordinaire au coeur de cette crise, c'est que le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge touche près de 3,5 millions de personnes chaque mois. Cela n'est possible que grâce à la présence du Croissant-Rouge arabe syrien, organisation qui a mis sur pied et continue d'appuyer un réseau efficace de bénévoles qui risquent chaque jour leur vie en offrant de l'aide humanitaire aux civils. À cet égard, le Croissant-Rouge arabe syrien témoigne de la résilience locale, dont font d'ailleurs état toutes les organisations nationales de la Croix-Rouge. C'est l'histoire de l'entraide mutuelle entre Syriens.
    Mais ce qui est tragique, c'est qu'en dépit de ces efforts héroïques, la majorité des besoins humanitaires n'est pas comblée en Syrie. Neuf millions cinq cent mille personnes ont désespérément besoin d'aide aujourd'hui et la situation empire. Au-delà des gens déplacés à l'intérieur du pays, il faudrait pouvoir aider ceux qui sont restés chez eux et qui sont complètement démunis.
    Le Croissant-Rouge arabe syrien a été créé en 1942. Rien que pendant la dernière décennie, il a offert de l'aide humanitaire à des centaines de milliers de réfugiés irakiens. Cette organisation humanitaire très compétente et très respectée est quotidiennement mise à l'épreuve par une guerre civile qui fait rage depuis trois ans. Et ce qui crève le coeur, c'est que plus de 34 de ses bénévoles et employés ont été tués en offrant de l'aide humanitaire. Vous voyez donc bien le défi que présente l'accès aux personnes qui ont besoin de cette aide. Cette organisation travaille en Syrie même et le fait en prenant des risques très graves. Sa capacité de mener à bien son action vient du fait, tout d'abord, que c'est une société nationale bien implantée, qui a la réputation de réagir rapidement. Malheureusement, cette capacité est directement liée à la possibilité de mettre sur pied des institutions locales solides et non pas simplement au financement des opérations d'urgence. Et ce type de planification et d'investissements faits à l'avance nous permet de nous mobiliser rapidement en cas d'urgence, qu'il s'agisse d'inondations, de tremblements de terre ou, dans le cas de la Syrie, d'un conflit aux conséquences sans précédent.
    Notre capacité de se déployer rapidement en cas d'urgence dépend de nos partenariats et de nos investissements. Un grand défi à relever concerne la prestation de cette aide, mais j'y reviendrai plus en détail. Les bénévoles du Croissant-Rouge arabe syrien continuent de fournir une aide d'urgence aux personnes touchées par le conflit et aux nécessiteux. Ils le font aussi pour le compte des agences de l'ONU. Le Croissant-Rouge arabe syrien est donc le plus grand groupe de distribution pour le compte non seulement de la Croix-Rouge, mais aussi des agences de l'ONU. Concrètement, son action prend la forme, entre autres, d'aide alimentaire à 3,5 millions de personnes par mois, à la distribution d'articles de ménage essentiels à plus de 2,2 millions de personnes, et à la fourniture d'eau et de services sanitaires à 20 millions de personnes. De plus, grâce à la contribution du gouvernement et du public canadiens, notre pays apporte une aide humanitaire efficace par le truchement du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Nous avons aussi déployé plusieurs travailleurs humanitaires internationaux.
    Toutefois, cette aide est largement insuffisante pour combler les immenses besoins. L'efficacité de notre action en Syrie est constamment menacée en raison de la complexité du contexte et des revirements politiques et sociaux. De par notre mode d'opération, nous pouvons traverser les lignes de front des forces gouvernementales et des divers groupes d'oppositions armés. L'accès de la Croix-Rouge est ponctuel en raison de contraintes telles que l'intensification des combats dans les régions urbaines et rurales, la détérioration de la sécurité et l'augmentation des obstacles administratifs et bureaucratiques.
    J'ai parlé de l'importance des bénévoles, des employés et des autres travailleurs humanitaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Il est critique qu'ils aient un accès libre et immédiat à ceux qui ont besoin de leur aide, et que les installations et les modes de transport qu'utilise le personnel médical et humanitaire soient respectés et protégés.
(1540)
    Il est essentiel d'appuyer la prestation, faite de manière neutre et impartiale, de l'aide humanitaire sur le terrain. De son côté, la Croix-Rouge canadienne sait gré au gouvernement du Canada d'avoir demandé à toutes les parties au conflit de permettre aux intervenants humanitaires un accès complet, sécuritaire et libre.
    J'aimerais maintenant aborder la situation dans les pays voisins, qui ont été touchés par le conflit. Le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge international a apporté un soutien vital à la Jordanie, au Liban, à l'Irak et à la Turquie. La crise humanitaire en Syrie accentue en effet la fragilité de ces États. Il est certes important de poursuivre le financement des opérations humanitaires, mais aussi de renforcer les institutions humanitaires locales grâce à des investissements de base. Ces institutions peuvent en effet offrir un minimum de stabilité en acheminant, de façon neutre et impartiale, de l'aide aux plus nécessiteux.
    C'est essentiellement l'argument que je présente au Croissant-Rouge arabe syrien. La Croix-Rouge a de son côté une forte présence au Liban. Je le répète, il est important que nous appuyions leurs capacités de base, au-delà de celles qu'elles déploient en cas de crise humanitaire. J'ai parlé des 34 bénévoles et employés du Croissant-Rouge arabe syrien qui ont été tués. Ils étaient pourtant sous la protection du Croissant-Rouge, protection garantie aux termes du droit humanitaire international. Il y a en effet un choix difficile à faire lorsqu'on offre de l'aide humanitaire, celui d'envoyer ou non dans une ville des employés ou des bénévoles qui pourraient se faire blesser ou tuer. Et pourtant, le Croissant-Rouge arabe syrien continue de recruter tous les jours des centaines de bénévoles en Syrie. C'est actuellement une institution importante dans le pays et elle le restera après le conflit.
    Afin de poursuivre notre action et de l'élargir, nous demandons tout d'abord la protection des travailleurs, des employés et des bénévoles humanitaires et l'accès aux civils qui sont mêlés aux conflits ou à la guerre. Nous vous demandons de continuer de financer le mouvement de la Croix-Rouge pour que nous puissions poursuivre cette action humanitaire vitale. À cet égard, il est important de rester souple, car la situation reste extrêmement volatile. Tout au long du financement, nous devons sans cesse penser au fait que la situation peut évoluer très rapidement. Bien que les besoins restent les mêmes, les endroits où ils doivent être comblés peuvent changer.
    Je tiens à vous remercier encore de m'avoir donné l'occasion de vous parler.
    Je serai très heureux de répondre à vos questions.

[Français]

    Mes collègues et moi serons prêts à y répondre.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Sauvé.
    Nous passons maintenant à Mme Thomson.
    J'aimerais vous remercier, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres distingués de ce comité, de m'avoir invitée aujourd'hui à vous parler de la situation en Syrie et dans la région.

[Français]

    Je vais faire ma présentation en anglais, mais je serai prête à répondre aux questions en français.

[Traduction]

    Cette fin de semaine, je suis rentrée du Liban et de la Jordanie. Les événements qui s'y sont déroulés sont donc encore frais dans ma mémoire. Je vous parlerai des plus importants d'entre eux et de certains dossiers que nous suivons depuis plus de trois ans.
    Comme Conrad l'a fait remarquer, il y a actuellement en Syrie quelque 9,5 millions de personnes qui ont un besoin urgent d'aide humanitaire et quelque 2,4 millions d'autres qui se sont réfugiées dans les pays voisins. On estime que plus de 130 000 civils ont été tués depuis le début du conflit et que des millions d'autres sont privés des services essentiels, de moyens de subsistance et de sécurité. La crise syrienne a donné lieu à la plus grande et à la plus dévastatrice crise humanitaire de ces dernières années, le nombre des réfugiés dépassant celui des gens qui avaient fui le génocide au Rwanda. Face à ces chiffres renversants, nous avons collectivement le devoir de répondre à des besoins humanitaires urgents.
    CARE est une organisation non-gouvernementale qui s'occupe d'aide humanitaire, de reprise et de développement dans 80 pays, en mettant l'accent sur l'habilitation des femmes et l'égalité des sexes. Dans le contexte de la crise syrienne, elle a pu aider plus de 356 000 personnes en Jordanie, au Liban, en Égypte, en Syrie et au Yémen. Nous cherchons surtout à aider les collectivités d'accueil et les réfugiés qui vivent dans les régions urbaines et rurales en leur offrant de l'argent, l'accès à l'eau potable et aux installations sanitaires, des abris, des aliments et de l'aide psychologique.
    De concert avec d'autres membres de la Coalition humanitaire du Canada, CARE a lancé un appel conjoint qui a permis de recueillir environ un demi-million de dollars. Si les Canadiens se sont montrés très généreux, leurs dons ont été considérablement inférieurs à ceux qui sont offerts à la suite de catastrophes naturelles. L'expérience nous a habitués à s'attendre à cette différence de réaction, ce qui veut dire que le financement dépend largement du gouvernement. À ce jour, CARE a bénéficié d'un généreux appui de la part du gouvernement du Canada, qui nous a donné 5,2 millions de dollars pour financer nos opérations dans la région. Nous lui sommes extrêmement reconnaissants de cet appui qui nous a permis de répondre aux besoins des réfugiés dans la région.
    Je parlerai de trois grands dossiers qui exigent une attention immédiate; premièrement, la situation des réfugiés dans les zones urbaines et les collectivités d'accueil; deuxièmement, l'importance de l'autonomie et de moyens de subsistance pour les réfugiés syriens et troisièmement, les besoins particuliers des femmes et des enfants touchés par la crise.
    On estime que 83 % des réfugiés syriens vivent aujourd'hui en dehors des camps, dans les villes et les petites collectivités de la région et surtout dans des collectivités d'accueil. Au Liban, plus de 800 000 réfugiés sont désormais inscrits au HCR. Par rapport à une population totale de quelque 4 millions d'habitants, cela représente un nombre extrêmement élevé de réfugiés et la situation exerce de lourdes pressions sur les services essentiels, les écoles, les logements à louer et même l'économie locale.
    Le pays voisin qu'est la Jordanie accueille près de 600 000 réfugiés inscrits, soit 10 % de la population totale du pays. Dans certaines régions, les réfugiés constituent 50 % de la population. La semaine dernière par exemple, je me trouvais à Mafraq, dans le nord de la Jordanie, où CARE offre aux réfugiés syriens et aux collectivités d'accueil une aide humanitaire d'urgence, grâce à l'appui du gouvernement du Canada. Les employés de CARE m'ont dit que la ville avait 85 000 habitants avant la crise et qu'elle accueille aujourd'hui 85 000 réfugiés. Comme vous pouvez l'imaginer, cette situation fait monter les loyers en flèche et exerce des pressions sur les écoles, les réseaux d'approvisionnement en eau, les égouts, la gestion des déchets et même sur les emplois peu spécialisés dans l'économie informelle. Nombre d'écoles ont désormais des classes de 50 élèves, même si elles en ont organisé d'autres pour les réfugiés syriens.
    Face à cette importante dynamique, CARE ne se contente pas d'offrir de l'aide humanitaire aux réfugiés syriens, elle appuie aussi les collectivités d'accueil en Jordanie et au Liban. En Jordanie, environ 30 % de nos programmes visent des membres vulnérables de la collectivité d'accueil qui sont eux aussi touchés par la crise. La poursuite du financement d'une aide qui s'adresse à la fois aux réfugiés et aux collectivités qui les accueillent est essentielle pour que les Syriens puissent continuer d'avoir accès au droit d'asile et bénéficier d'une protection dans la région.
    Deuxièmement, on a toujours besoin d'une aide humanitaire d'urgence qui permettra de sauver la vie de Syriens, car seulement 13 % de notre plan destiné aux réfugiés de la région ont pu être financés jusqu'à maintenant, ce qui laisse de très nombreux besoins non satisfaits.
(1545)
    Nous devons reconnaître qu'il s'agit d'une crise de longue durée et qu'il est peu probable que, dans le proche avenir, les réfugiés puissent retourner chez eux en toute sécurité et dans la dignité. Nous devons donc continuer d'offrir un financement suffisant pour répondre aux besoins urgents des personnes les plus vulnérables, en soutenant notamment les ONG, la Croix-Rouge internationale, le Croissant-Rouge et des organismes des Nations Unies.
    Lors de mon récent voyage au Liban et en Jordanie, j'ai rencontré d'innombrables familles qui ont tout perdu. Une mère m'a dit qu'en quittant la Syrie, elle croyait ne rester que quelques semaines en Jordanie. Deux ans se sont écoulés et aujourd'hui, elle n'est pas sûre de pouvoir retourner chez elle un jour. Elle a dépensé toutes ses économies et sa famille, qui n'a aucune source de revenu, est incapable de subvenir à ses besoins et vit au jour le jour.
    Beaucoup de parents ont dit qu'ils envoyaient leurs enfants âgés de 12 à 16 ans chercher du travail au noir afin de pouvoir subvenir aux besoins de la famille. Étant donné qu'en Jordanie seulement, 65 % des enfants ne vont pas à l'école, le conflit est en passe de compromettre l'avenir et la prospérité de toute une génération.
    Prenant acte de ces défis, CARE croit que notre aide doit viser de plus en plus l'amélioration des moyens de subsistance, de l'éducation et de la formation. L'objectif est d'aider les victimes de la crise à se prendre en charge et de s'assurer que, durant leur exil, les familles continuent à perfectionner et à entretenir leurs compétences afin qu'elles soient prêtes si des solutions se présentent, par exemple, le retour volontaire, l'établissement dans un pays tiers comme le Canada ou l'intégration dans le pays où elles vivent actuellement. La mise en oeuvre de ces solutions doit être accompagnée de programmes visant à apaiser, dans les collectivités d'accueil, les inquiétudes suscitées par l'effet qu'ont les réfugiés sur le marché du travail local et l'économie locale.
    Je voudrais terminer par les besoins particuliers des femmes et des filles victimes de cette crise et qui sont particulièrement vulnérables quand elles sont séparées de leurs familles, quand il n'y a pas de protections structurelles et sociales fondamentales et quand l'accès sans danger à des services est limité.
    On a tendance à croire qu'une femme est en sécurité aussitôt qu'elle traverse la frontière. Mais, dès lors qu'elles deviennent des réfugiées les femmes sont souvent confrontées à une forme de violence différente. CARE se préoccupe particulièrement de l'augmentation — signalée par les parents — du nombre de mariages précoces des filles. Ces mariages donnent aux familles l'espoir que les filles seront mieux protégées vu que les hommes de la famille sont absents et aussi l'espoir d'alléger le fardeau financier du ménage.
    Les parents refusent aussi de plus en plus d'envoyer leurs filles à l'école à cause des risques qu'elles courent sur le chemin de l'école et aussi parce qu'ils ont besoin d'elles pour les travaux ménagers.
    Les familles monoparentales dirigées par une femme ont des difficultés à louer des logements, car les propriétaires hésitent à les louer aux femmes seules pensant qu'elles ne pourront pas payer le loyer.
    D'autres réfugiées ont indiqué qu'elles sont de plus en plus exposées à la violence au foyer en raison des pressions financières croissantes, du chômage, du manque des moyens de subsistance et de la pression que subissent les chefs de famille masculins.
    En outre, les femmes et les filles ont des besoins particuliers auxquels l'aide humanitaire traditionnelle ne répond pas toujours de manière satisfaisante. Afin de pallier cette insuffisance, CARE leur distribue des trousses comprenant des serviettes hygiéniques et des couches pour les bébés de moins de deux ans.
    Lors de ma récente visite, j'ai rencontré des femmes qui recevaient ces trousses souvent en portant un nouveau-né sur leur hanche et en étant suivi par un petit enfant. Elles ont souligné l'importance des couches qu'elles considèrent comme un produit de luxe inabordable dans la situation actuelle.
    En conclusion, à l'approche du troisième anniversaire du conflit syrien, nous devons reconnaître qu'il s'agit d'une crise de longue durée et commencer à chercher des solutions durables pour les réfugiés, les collectivités qui les accueillent et les populations bloquées en Syrie. Aucune organisation ne peut à elle seule répondre aux besoins énormes. Pour pouvoir répondre aux besoins essentiels et urgents du nombre croissant de réfugiés, nous devons travailler avec les ONG, la Croix-Rouge internationale, le Croissant-Rouge, les donateurs, les gouvernements des pays hôtes et les organismes des Nations Unies.
    Je vous remercie de votre attention.
(1550)
    Très bien, nous entamons la première série de questions et de réponses de sept minutes en commençant par Mme Laverdière.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous de cette présentation très intéressante.
    On connaît les enjeux et l'immensité des défis à relever, mais il me semble que chaque fois qu'on en parle, on constate encore plus l'ampleur des besoins non seulement des réfugiés, mais également des communautés qui les accueillent.
    Ma première question vous semblera peut-être un peu naïve. Elle s'adresse à vous deux.
    Bien sûr, il faut avoir la capacité d'offrir différents programmes et de prendre des mesures, mais s'il y avait plus d'argent disponible, qu'en feriez-vous?
    Je vous remercie de votre question.
    Vous avez raison de dire que cette situation est extrêmement difficile. Comme je l'ai dit lors de ma présentation, les besoins sont grands et il y a des besoins additionnels. Concrètement, le Croissant-Rouge syrien nous a demandé 23 millions de dollars pour pouvoir nourrir quelque 50 000 familles. C'est une demande additionnelle. C'est très concret. Les besoins sont criants.
    Pour répondre à votre question, je dirai qu'en effet, nous sommes capables de distribuer plus d'argent.
(1555)
    C'est aussi le cas pour nous. Nous avons toujours de la difficulté à répondre à tous les besoins. CARE a lancé un appel afin de recueillir 100 millions de dollars. Nous avons reçu 25 % de cet argent. Il y a toujours des besoins.
    Par ailleurs, on constate que le financement diminue un peu, en général. On a un peu peur, car lorsque les réfugiés auront dépensé toutes leurs économies et qu'ils auront vraiment épuisé tous leurs moyens de survie, ils seront dans une situation vraiment très difficile. On voit qu'il y a réduction du financement. Il est difficile de continuer à trouver du financement public, et cela aussi sur le plan global. C'est maintenant qu'il est vraiment important de continuer à soutenir ceux qui sont touchés par cette crise. Il faut d'autres interventions afin de leur fournir plus de chances d'être autosuffisants et de faire face à tous les problèmes.
    Merci beaucoup.
    En effet, les besoins grandissent et les ressources diminuent. Si on en a le temps lors du deuxième tour de questions, j'aimerais revenir sur la question de la flexibilité et de la durabilité. Il faut avoir des stratégies à long terme, entre autres pour ces enfants dont on dit parfois qu'ils constituent potentiellement une génération perdue.
    Auparavant, j'aimerais revenir sur la question de l'accès pour les travailleurs humanitaires et de la résolution 2139. C'est évidemment une bonne nouvelle. Toutefois, comme on le sait bien, une résolution ne constitue souvent qu'un premier pas. Il faut aussi faire un travail diplomatique pour s'assurer de bien mettre en oeuvre la résolution sur le terrain. Comment entrevoyez-vous cela? Le Canada peut-il y contribuer aussi?
    Si vous me le permettez, je vais demander à mon collègue Hossam Elsharkawi de répondre à votre question. Hossam a travaillé longtemps au Moyen-Orient lors de plusieurs conflits.

[Traduction]

    Bien évidemment, nos collègues du Croissant-Rouge syrien nous font part des difficultés et de la situation sur le terrain qui change chaque jour et parfois chaque heure. Face aux problèmes, ils font toujours preuve de souplesse et d'honnêteté. Certains jours, fournir de l'aide humanitaire relève pour eux de l'art du possible. Vous avez raison de dire que cette résolution est un pas dans la bonne direction. C'est un premier pas. Le fait qu'elle ait été approuvée par la Russie et la Chine est une très bonne nouvelle. Nous savons aussi, par nos collègues du Croissant-Rouge qui sont sur le terrain que ce genre de pression, lorsqu'elle a été exercée par le passé, avait amélioré leur situation sur le terrain. En dépit des problèmes liés à la position du gouvernement syrien, etc., lorsqu'ils discutent à huis clos, qu'il y a des rencontres en tête-à-tête avec des représentants du gouvernement pour demander l'accès à certaines zones, que des résolutions sont sur le point d'être adoptées, que l'ONU ou des gouvernements font des déclarations, tout cela a des retombées positives pour nos collègues qui ont accès à des zones. Parfois, ça n'aboutit à rien, mais assez souvent ça se termine par l'ouverture d'une voie d'accès.
    C'est une amélioration.
    J'aurai peut-être le temps durant cette série de questions de revenir très brièvement à la question relative à la souplesse, car, comme vous le disiez, les besoins existent toujours. Mais la situation peut évoluer, et il est nécessaire de travailler sur le long terme.
    Que pouvons-nous faire pour améliorer la façon dont nous travaillons sur ces deux plans? Si nous n'avons plus de temps maintenant, nous pourrons y revenir durant la deuxième série de questions
    Il vous reste environ 45 secondes.
    Il serait très utile que la mise en oeuvre des projets soit un peu plus longue. Pour l'heure, la durée de la mise en oeuvre du projet est de six mois. Il faut que tout aille très bien pour pouvoir atteindre les objectifs avant la fin de cette période. Quelquefois, un an ou même 18 mois peuvent offrir la souplesse nécessaire pour s'adapter et même mettre le personnel en disponibilité, au besoin. Si la situation devient dangereuse au nord du Liban, nous réalisons le programme à Tripoli, ce qui peut être absolument essentiel. Il est aussi très important de prendre rapidement des décisions. S'il faut attendre longtemps avant de recevoir du financement, la situation ou les circonstances peuvent changer entre-temps et le type d'intervention peut être modifié. Il peut être aussi très utile de tenir compte de ces facteurs.
(1600)
    Monsieur Anderson. Vous avez sept minutes.
    J'ai deux questions sur des sujets différents.
    Vous intervenez dans des crises différentes à travers le monde. Pouvez-vous nous décrire en détail votre mode d'intervention et la façon dont vous l'établissez? Par exemple, quelle est la différence entre votre intervention au Liban et celle en Syrie? Lorsqu'une crise se déclare, comment intervenez-vous? Mme Thomson a parlé de l'aide aux réfugiés. Intervenez-vous un peu plus tard, une fois que des organisations comme la Croix-Rouge sont déjà sur place? Je vous laisse y réfléchir un instant.
    J'aimerais que Mme Thomson parle de l'augmentation du nombre de mariages précoces. Pouvez-vous nous dire un mot sur l'exploitation sexuelle et la traite de personnes qui se manifestent dans ce genre de situations? Les témoins n'en ont pas beaucoup parlé. Nous voulons en savoir un peu plus sur ces questions, car nous voulons que notre rapport soit exhaustif. Pouvez-vous nous parler des mariages à court terme, de l'exploitation sexuelle et de la traite de personnes? Vous pouvez répondre d'abord à cette question, ensuite à l'autre.
    Bien sûr.
    C'est assurément une grave préoccupation. L'un des défis majeurs de la crise syrienne, c'est que compte tenu des réalités sociales et parce que la violence sexuelle et sexiste se produit au sein des familles et des collectivités, ce type de cas est très rarement signalé et ceux qui le sont restent un sujet tabou. Il peut être très difficile de comprendre ce qui a eu lieu. Mais des réfugiés que nous rencontrons évoquent les pressions exercées pour que les filles se marient très jeunes. Cette pratique a été découverte dans les zones rurales de la Syrie et était une réalité. C'est un comportement qui vise à survivre et qui s'est avéré négatif. Les parents considèrent que c'est une façon d'aider leurs filles.
    Les parents s'attendent-ils à ce que ce soit des relations à long terme ou à court terme?
    On s'attend à ce que les mariages précoces soient à long terme. La violence et l'abus sexuel soulèvent bien sûr des préoccupations. Les filles de familles qui n'ont pas de moyens de subsistance, de possibilité d'emploi, celles dont le chef de famille est une femme sans aucune source de revenu peuvent facilement devenir victimes d'exploitation et d'abus sexuels. Nous avons été informés que des réfugiées qui essayaient d'obtenir de l'aide ont été victimes d'exploitation sexuelle en contrepartie de l'aide qu'elles pouvaient recevoir. Je répète que ces cas ne sont pas toujours signalés et, pour cette raison, nous n'avons pas de bonnes statistiques. C'est plus du ouï-dire que des renseignements concrets. Mais nous savons que ces agissements existent et ils nous inquiètent au plus haut point.
    Cela fait partie de la dynamique du pouvoir qui se manifeste dans ces situations de crise.
    Ce qui m'intéresse, c'est la première question. Votre mode d'intervention et les détails relatifs à votre établissement dans des pays qui connaissent une telle crise?
    Pour répondre à la deuxième question, nous avons été également informés de cas d'exploitation sexuelle. C'est un sujet tabou dans la région et il est donc très difficile d'aller au fond de la question. C'est un problème qui nous préoccupe énormément. C'est souvent dans les services médicaux que nous prenons connaissance de ces cas que nous qualifions de cas cliniques tout en sachant qu'il s'agit bien d'exploitation sexuelle, de viol, etc. Il arrive...
    On pourrait en discuter plus longtemps que prévu.
    Qu'en est-il de la traite des personnes?
    Effectivement. On nous a également rapporté des cas, mais là encore, ceux-ci ne sont pas toujours signalés. Il est très difficile d'obtenir des informations. La Croix-Rouge et d'autres ONG suivent de très près cette question. Ces organisations travaillent, dans la mesure du possible, avec les autorités locales quand de tels cas se produisent ou sont déclarés.
(1605)
    Quelle est la destination de la traite de personnes?
    Je n'ai pas de détails, mais d'autres organisations ont des rapports un peu plus détaillés que ceux que nous avons à la Croix-Rouge.
    Pour répondre à votre deuxième question, cela dépend. Au Liban et dans d'autres zones de la région, les bénévoles locaux de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge sont toujours les véritables premiers intervenants. S'ils ne suffisent pas à la tâche, ils font habituellement appel à la Croix-Rouge internationale, à des organisations de la Croix-Rouge telle que la Croix-Rouge canadienne, et à ce moment-là nous intervenons avec des ressources additionnelles qui peuvent être financières, matérielles ou des spécialistes. C'est ce que nous faisons actuellement au Liban avec la Croix-Rouge libanaise. Nous les aidons à installer des cliniques mobiles pour les réfugiés dans les zones frontalières. Nous avons maintenant des troupes canadiennes sur le terrain qui aident la Croix-Rouge libanaise, si la sécurité est assurée. C'est ce que nous faisons au Liban.
    Cependant, dans certaines situations telles que celle en Syrie, comme vous le savez, il est très difficile d'avoir accès à certaines zones à cause de l'insécurité, etc. Dans ce cas, l'aide canadienne est habituellement fournie à des organisations comme le CICR, le Comité international de la Croix-Rouge, qui sont très actives et présentes en Syrie depuis longtemps, etc., et qui ont intensifié leurs opérations pour fournir leur aide par l'entremise du Croissant-Rouge syrien.
    Fournissez-vous aussi des éléments d'infrastructure qui serviraient à construire les camps?
    Pas dans ce cas, puisque c'est l'ONU et d'autres organismes qui ont construit les camps. Mais, par exemple, dans un camp situé en Jordanie, la Croix-Rouge canadienne et trois autres sociétés européennes de la Croix-Rouge fournissent les installations médicales. Nous avons installé un hôpital de campagne dans l'un des grands camps en Jordanie.
    Nous identifions les besoins, ce qui manque et déterminons ce que nous pouvons fournir.
    Vous parlez du Liban. Dites-moi ce qui se passe en Syrie, les dangers auxquels s'expose votre personnel.
    Brièvement, en Syrie nous opérons principalement par l'entremise du Croissant-Rouge syrien. Ils dirigent les opérations sur le terrain. C'est l'organisme qui compte le plus d'employés qui parlent notre langue et qui envoie ses bénévoles, des convois, etc. Nous leur fournissons de l'aide matérielle ou de l'argent comptant pour acheter ce dont ils ont besoin. Nous avons acheté de la nourriture pour eux ou des fournitures médicales, et ils s'occupent du reste.
    J'ajouterais qu'au sein de la famille de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge... Nous reste-t-il quelques minutes, monsieur le président?
    Oui, vous pouvez continuer.
    Le Comité international de la Croix-Rouge compte environ 200 employés sur le terrain en Syrie. Des employés qui viennent de partout, mais principalement de Syrie. Nous sommes présents à Damas et avons des bureaux à travers le pays. De concert avec le Croissant-Rouge arabe syrien, nous avons été autorisés, quand les choses se passent bien, à traverser des postes de contrôle et à nous rendre dans différentes régions du pays pour livrer de la nourriture, des médicaments et d'autres formes d'aide. Mais, je ne saurais trop insister sur ce point: la situation sur le terrain est désastreuse sur le plan de la sécurité et s'il y a un mot que nous voulons que vous reteniez aujourd'hui, c'est bien « l'accès ». L'accès humanitaire représente le plus grand défi aujourd'hui en Syrie et, bien évidemment, la sécurité pour les travailleurs humanitaires, syriens et étrangers, en est un élément crucial.
    Merci beaucoup.
    Merci monsieur Anderson.
    Nous passons à M. Garneau. Vous avez sept minutes, monsieur.
    Merci monsieur le président.
    Je vous remercie d'avoir témoigné aujourd'hui et mes félicitations pour le travail que vous accomplissez dans cette région très dangereuse. Vous dites qu'il n'y a pas suffisamment d'argent et que ce n'est pas très étonnant. Qu'en est-il du personnel pour effectuer le travail que vous faites, compte tenu des fonds dont vous disposez? Vous est-il difficile de faire votre travail dans ces conditions?
    C'est, en ce qui nous concerne, l'un de nos moindres soucis particulièrement à l'extérieur de la Syrie où la sécurité ne pose pas autant de problèmes. La population de cette région a un niveau d'éducation très élevé, notamment au Liban et en Jordanie, et c'est pour cela que nos employés locaux sont incroyables. Ils ont chacun leur spécialité dans le domaine dans lequel ils travaillent et sont des dirigeants très compétents dans leur collectivité.
    Nous collaborons aussi avec des réfugiés syriens bénévoles qui nous aident à intervenir directement dans les collectivités. Ce sont eux qui contactent vraiment les Syriens pour les amener dans nos centres étant donné leur très grande dispersion dans les villes de Jordanie et du Liban. Ces bénévoles syriens sont incroyables. Il y a des diplômés universitaires, des jeunes étudiants, des jeunes très dynamiques; en fait, nous avons plus de bénévoles que nous pouvons nous permettre.
(1610)
    Je pense que pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ce serait la même chose que ce dont j'ai parlé un peu plus tôt. Nous comptons sur de fortes institutions. Bien que 34 de ses membres aient été tués, le Croissant-Rouge arabe syrien recrute des centaines de bénévoles chaque jour. Il en va de même pour la Croix-Rouge libanaise, qui est très active, et le Croissant-Rouge turc. Nous avons de solides organisations institutionnelles là-bas. Nous consacrons beaucoup d'efforts à les appuyer en tant qu'institutions. Ce n'est pas seulement une question de prestation de programmes; il s'agit aussi de leur capacité en ces temps difficiles.
    Le Comité international de la Croix-Rouge appuie fortement les principes liés au travail dans ces régions. Vous comprendrez que travailler pour un organisme en Syrie, pour le Croissant-Rouge, ou travailler au Liban dans une zone de guerre civile et avoir accès à divers secteurs est très délicat. Cela requiert une formation étendue et il faut faire preuve d'une neutralité et d'une impartialité absolues. On met beaucoup l'accent là-dessus. Le recrutement n'a pas été un problème dans aucune de ces situations. En fait, ce que nous voyons — particulièrement en Syrie —, c'est que des centaines de Syriens veulent rallier les rangs d'un organisme qui fait un bon travail dans une situation de guerre civile.
    Voilà qui est bon à entendre.
    Sur le plan du financement humanitaire, la contribution financière du Canada est plutôt importante. J'aimerais savoir comment cet argent est acheminé à CARE et aux sociétés de la Croix-Rouge. Recevez-vous un chèque, puis vous décidez de la meilleure façon d'utiliser les fonds? Comment cela se rend-il jusqu'à vous?
    Ces deux dernières années, en tant que Mouvement international de la Croix-Rouge distinct du CICR, nous avons reçu un financement d'environ 9 millions de dollars que nous avons consacrés à la Syrie et à d'autres crises dans la région.
    Cela vient sous forme de chèque, pour ainsi dire.
    Oui. Il s'agit d'un transfert de fonds à la Société canadienne de la Croix-Rouge et nous gérons ces fonds en fonction de divers projets. C'est un mécanisme plutôt simple et efficace. Nous collaborons avec nos partenaires de la région, soit les organisations locales de la Croix-Rouge.
    Il en va de même pour nous. Nous signons un accord de subvention qui est établi en fonction d'une proposition contenant des objectifs très précis. Les résultats attendus sont clairement énoncés dans nos propositions et nous sommes tenus de rendre des comptes sur l'atteinte des objectifs. Après l'approbation de la proposition, il y a signature d'un accord de subvention avec le gouvernement du Canada, les fonds sont transférés. Ensuite, nous travaillons directement auprès des bureaux locaux pour aider à la gestion des fonds et veiller à ce qu'ils soient utilisés à bon escient, d'une façon qui optimise les résultats et nous permet d'en faire rapport au gouvernement canadien.
    J'allais ajouter que le Comité international de la Croix-Rouge, comme Hossam l'a indiqué, reçoit un financement directement du gouvernement du Canada. En fait, il s'agit d'un virement électronique vers Genève. Avant l'envoi des fonds, parce que les gens se demandent parfois pourquoi l'argent est envoyé en Suisse, nous lançons notre campagne de financement annuelle chaque automne, et nous donnons à nos donateurs — qui sont surtout des gouvernements, en passant — une ventilation de nos objectifs par pays, par programme et par activité. Les gouvernements et autres donateurs fournissent une réponse, et nous indiquons quels fonds seront partagés et seront utilisés pour des programmes conjoints avec les sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sur le terrain.
    Ensuite, comme Conrad l'a mentionné, les conflits ont tendance à évoluer. Il nous arrive fréquemment de faire ce que l'on appelle une demande d'augmentation de budget...
    Nous n'entrerons pas dans les détails, parce qu'il me reste une question et que je n'ai pas beaucoup de temps.

[Français]

    Il est très clair que ce conflit va se poursuivre assez longtemps. Vous l'avez bien dit. En outre, c'est ce qu'on entend dans les nouvelles.
     Étant donné que ce conflit ne va pas se régler demain, mais va plutôt durer très longtemps, comment abordez-vous ces problèmes? Sachant que ça risque de durer des années, adoptez-vous une approche différente?
    Tout à fait. Jessie a fait la même remarque. Il faut envisager une planification à long terme, soutenir la capacité. Les organisations locales du Croissant-Rouge se trouvent dans une situation où elles doivent répondre à une urgence, mais cette situation d'urgence peut perdurer. Il faut donc les soutenir pour qu'elles arrivent à maintenir ce rythme assez soutenu. Voilà pour le contexte.
    Pour ce qui est de l'autre aspect, même si cette situation dure longtemps, il y a des changements assez rapides. Par exemple, on veut monter une opération pour des réfugiés dans un pays donné, mais comme la frontière est bloquée, ces personnes se retrouvent dans un autre pays. Par conséquent, toute la planification doit demeurer relativement fluide et flexible. Nous avons fait valoir ce point déjà. En effet, on n'est pas dans un contexte de développement où on établit un projet sur cinq ans et on planifie le financement pour la première, la deuxième et la troisième année. En réalité, le contexte change et les besoins varient. Si ça saute et qu'il y a beaucoup de morts, on se retrouve dans une situation d'urgence accrue.
(1615)

[Traduction]

    Merci beaucoup. Le temps est écoulé.
    Nous passons à Mme Brown, qui entamera la série de questions à cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Comme je l'ai dit, je suis désolée de vous accueillir dans ces circonstances; il est triste de voir que la Syrie n'a pas encore retrouvé la paix.
    Des représentants du Comité central mennonite sont venus témoigner il y a deux ou trois semaines, et ils ont évidemment parlé de beaucoup de programmes semblables aux vôtres pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement. Ils ont des besoins de formation et de la nécessité d'aider les femmes et les filles.
    Je me demande, puisque nous avons vu la situation en Haïti où un nombre considérable d'ONG sont allées sur le terrain après le tremblement de terre... Pouvez-vous nous parler du fonctionnement de la coordination et nous dire qui fait quoi? C'est l'une des choses qui préoccupe les Canadiens, je crois, lorsqu'ils se demandent qui fait le travail. Je pense que ce serait bien si nous pouvions en discuter brièvement.
    Ce n'est pas comparable à Haïti où il y a eu une multitude d'ONG, et ce, pour diverses raisons, comme la sécurité, le manque de fonds, la proximité. Il n'est pas facile de se rendre dans cette région. En outre, la Syrie est très contrôlée, à l'intérieur.
    Le Croissant-Rouge arabe syrien, qui est pratiquement le seul organisme de secours qui est fonctionnel et qui a maintenu son intégrité au moment où d'autres institutions gouvernementales du pays se détériorent, est devenu le mécanisme de coordination pour à peu près tout ce qui se passe au pays.
    En Syrie, ce n'est pas un énorme problème. Les zones frontalières avec la Turquie peuvent poser problème, parce que la frontière est poreuse et que de nombreux groupes, à la fois humanitaires et non humanitaires, la franchissent. En Jordanie, il existe des mécanismes de coordination au sein du gouvernement et à l'extérieur du gouvernement. Jessie pourra peut-être vous en dire plus à ce sujet. Au Liban, il existe des mécanismes de coordination par l'intermédiaire de la Croix-Rouge libanaise et d'autres organismes importants. Ils se réunissent régulièrement pour traiter des enjeux, des besoins et des lacunes.
    Il y a deux semaines, un témoin nous a indiqué que la Syrie s'est fragmentée en plusieurs régions distinctes. Il y a les Kurdes qui combattent dans le nord-est et diverses sectes qui combattent dans d'autres régions. Y a-t-il une région à laquelle votre organisme ou le Croissant-Rouge ont plus facilement accès? Y a-t-il certaines régions où il est possible d'offrir des services, ou êtes-vous généralement confrontés aux mêmes problèmes partout en Syrie?
    En raison de la structure du Croissant-Rouge en Syrie —14 filiales et 70 bureaux secondaires —, tous ces organismes sont sur le terrain en tout temps, avant et après le conflit, dans toutes les régions touchées. Les bénévoles sont là, le système est en place. Ils n'ont peut-être pas le matériel et la formation pour s'adapter à la nature changeante du conflit, mais dès qu'une ouverture se présente, dès qu'un accès est possible, les fournitures y sont transportées par camion. Voilà ce que l'on entend souvent aux nouvelles: une région est accessible. Cela ne signifie pas qu'ils n'étaient pas sur le terrain; ils y étaient, sauf qu'ils ont maintenant plus de biens à distribuer et plus de matériel de secours pour faire leur travail.
    Voilà comment cela fonctionne au Croissant-Rouge arabe syrien. Les bénévoles viennent chaque jour, mais ils doivent recevoir une formation sur la neutralité et l'impartialité, notamment. Il ne suffit pas de se présenter pour travailler au Croissant-Rouge.
    Madame Thomson, vous avez brièvement parlé du fait que seulement 13 % de vos activités sont financées. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    J'ai déjà entendu dire que seulement 27 % des activités liées aux réfugiés étaient financées. Certains pays ont pris des engagements lors de Conférences pour les annonces de contributions. Quel est le flux des liquidités? Avez-vous seulement reçu 13 % des fonds? D'où provient le financement? Le Canada dit toujours qu'il demande aux autres pays de verser les sommes promises, car lorsque l'on prend des décisions d'affaires au sujet des achats, ou que le Programme alimentaire mondial, par exemple, fait... Essentiellement, ils achètent des contrats à terme. Donc, si vous devez composer avec le fait que seulement 13 % des fonds vous parviennent, comment peut-on dire aux autres donateurs qu'il faut être réaliste quant à l’aide offerte? Comment pouvons-nous aller de l'avant?
(1620)
    Le temps est écoulé, mais vous pouvez répondre, brièvement.
    Vous avez tout à fait raison de dire que nous sommes confrontés au problème des niveaux de financement très bas. À l'intérieur de la Syrie, le financement est de seulement 7 %; à l'extérieur, c'est 13 %. Ce sont les chiffres récents tirés des données du système de suivi financier des deux ou trois dernières semaines. Nous devons encourager les donateurs, en particulier les pays du Golfe qui ont promis d’importantes contributions, mais qui n'ont pas nécessairement transféré les fonds promis. Le défi, c'est que les besoins ne cessent d'augmenter et que les fonds sont limités. Nous devons donc établir des priorités. Nous devons coordonner les efforts pour nous assurer de répondre aux besoins des plus vulnérables. Nous devons promouvoir l'autosuffisance et l’acquisition de moyens de subsistance pour que les gens puissent subvenir à leurs propres besoins.
    Merci.
    Madame Laverdière, suivie de M. Dewar.
    Pourriez-vous revenir? Nous avons tellement de choses à discuter. J'aimerais parler davantage du renforcement des capacités et de la résilience à l’échelle locale, par exemple. C'est très important, mais je ne veux pas manquer cette occasion non plus. Je pense que le CICR a lancé un projet d’approvisionnement en eau en Syrie. J'aimerais en savoir plus à ce sujet.
    Voici une façon simple d'illustrer les principes de neutralité, d'indépendance et d'impartialité. Partout en Syrie, le CICR a travaillé en étroite collaboration avec le Croissant-Rouge arabe syrien pour assurer la formation des bénévoles, comme certains l'ont mentionné, et leur fournir du matériel. Autrement dit, en termes simples, on parle de chargements de chlore pour assurer le fonctionnement et l'entretien des usines de traitement d'eau. J'ai lu le compte-rendu des réunions de la semaine dernière, auxquelles notre délégation à Damas a assisté. Il a été question de pièces de rechange et de génératrices pour les pompes à eau dans les villes de partout en Syrie.
    Je tenais à le mentionner, car lorsque l’eau s’écoule, elle ignore si elle est consommée par des civils d'une confession d'une origine ethnique donnée de ce pays fragmenté. Elle ignore même que les conduites d'aqueduc traverseront une ville divisée, comme Alep. Elle aidera tout le monde, sans distinction. Cela joue donc un rôle déterminant.
    L'an dernier, le CICR a donné à 60 bénévoles du Croissant-Rouge arabe syrien une formation afin qu'ils puissent réparer et installer des pompes et du matériel récent, peu spécialisé et facile à utiliser pour assurer le fonctionnement des systèmes municipaux. Ce n'est pas très prestigieux. On ne parle pas de franchir une frontière en brandissant des drapeaux, mais du maintien d'un approvisionnement en eau à l'échelle locale, qui a une incidence énorme dans la vie des gens et qui permet de créer cette capacité locale dont nous parlons sans cesse.
    J'ai deux questions brèves, du moins je l'espère. La première s'adresse peut-être à la Croix-Rouge et porte sur la résolution de l'ONU, que nous avons été ravis de voir être adoptée. Comment sera-t-elle mise en oeuvre sur le terrain? Qu'entendez-vous à ce sujet?
    La suivante s’adresse à CARE. Nous devons recueillir des fonds ici et nous pouvons le faire à la maison aussi. Je me demande ce que vous pensez du principe de contribution de contrepartie. Je sais que c'est quelque peu différent. Je sais que l'aide humanitaire utilise un modèle distinct, selon la situation, mais quel est le point de vue de CARE à ce sujet? Je sais que beaucoup aiment l'idée que leur don s'accompagne d'une contribution de contrepartie du gouvernement. Nous l'avons fait dans le passé pour recueillir des fonds.
    Notre espoir serait que cela se traduise sur le plan pratique par des cessez-le-feu négociés qui permettraient l'accès humanitaire aux biens, la liberté de circulation des gens, l'évacuation des blessés, l'accès pour les personnes qui veulent fuir certaines régions, etc. À plus long terme, nous espérons que cela favorisera le dialogue. Bien sûr, l'aide humanitaire ne remplacera jamais une solution politique. Nous espérons toujours voir une solution politique à long terme.
    À court terme, nous espérons que notre mandat humanitaire pourra être exécuté et que ce que nous appelons l'espace humanitaire s'ouvrira un peu plus.
(1625)
    L'ONU vous a-t-elle aidée dans les négociations?
    L'ONU est sur le terrain en Syrie et elle négocie toujours un accès. Il y a eu beaucoup de discussions au sujet des corridors, auxquels la Croix-Rouge n'est pas particulièrement favorable, parce qu'ils ont tendance à masquer le problème, à inciter les réfugiés à converger vers certains secteurs, ce qui n'est pas souhaitable. Cela donne aussi l'impression qu'une fois rendu dans le corridor, vous êtes protégé, tandis que si vous êtes à l'extérieur, les gens ont tendance à être négligés. Donc, nous ne sommes pas favorables à ce genre de décision.
    Les fonds de contrepartie sont un outil incroyablement puissant pour la sensibilisation et la participation du public canadien. CARE et la coalition humanitaire ont grandement bénéficié de l'appui des Canadiens ces dernières années. Toutefois, je dirais que nous avons tiré des leçons des urgences à évolution lente. Malheureusement, nous avons là une urgence à évolution lente, une crise larvée. Même avec des fonds de contrepartie, il est très difficile d'obtenir une intervention semblable à ce que l'on voit pour une urgence soudaine. Ce fut le cas au Sahel, où un fonds de contrepartie a été annoncé, mais l'aide n'a pas été aussi importante que lors d'une urgence soudaine, comme le typhon. Cela ne nuit certainement pas, mais je pense que nous avons appris que ce n'est pas toujours aussi efficace dans ce genre de situations d'urgence.
    Monsieur Goldring, nous terminerons probablement par vous; il reste environ deux ou trois minutes.
    Au sujet des campagnes de financement du Croissant-Rouge et de la Croix-Rouge, sont-elles complètement indépendantes ou distinctes? Certaines contributions promises proviennent-elles de pays arabes? Sait-on qui fournit un montant donné? Il y a beaucoup de pays arabes très riches. Versent-ils une juste part? S'agit-il principalement de contributions annoncées qui n'ont pas été versées? Le financement est-il versé à un organisme central, ou s'agit-il de deux organismes distincts qui font leur propre campagne de financement et obtiennent des promesses de contribution?
    Je vais laisser Hossam vous en parler plus en détail, mais premièrement, il ne s'agit pas de deux organismes distincts. Les sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sont les mêmes organismes qui font tous partie de la fédération; ce ne sont pas des organismes distincts en ce sens. Il y a 189 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui sont membres de la fédération. Le CICR est un organisme distinct et fait partie du mouvement de la Croix-Rouge. En ce qui concerne le financement de participation...
    La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, établie à Genève, lance un appel, essentiellement une demande de financement, et prépare un plan d'action pour la Syrie, par exemple. Les membres des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge y contribuent financièrement. Certains membres décident parfois de procéder de façon bilatérale et de ne pas contribuer à ce fonds unique. Par exemple, le Croissant-Rouge des Émirats arabes unis a notamment mis sur pied un camp et un hôpital en Jordanie, à la frontière avec la Syrie, et a décidé de ne pas passer par le fonds. Il y a des activités humanitaires qui se font parfois parallèlement, mais la plupart passent par le fonds.
    Les États du golfe ont-ils contribué? Oui. Suffisamment? Nous avons encore besoin d'argent.
    Mais y a-t-il carrément un déséquilibre sur le plan des contributions, ou est-ce simplement que certains ne respectent pas les promesses qu'ils ont faites?
    C'est difficile à dire. En fonction du nombre d'habitants, bon nombre de pays riches pourraient probablement en faire davantage. Nous espérons qu'ils en feront davantage. Il faut encore beaucoup plus de fonds et de soutien.
    Au sujet de la résolution dont nous avons parlé, je vois ici qu'on parle d'une autre résolution qui demandait, environ quatre mois plus tôt, pratiquement la même activité de retenue et d'accès. Est-ce qu'il y en a eu d'autres dans le passé, durant les trois années du conflit? Autrement dit, combien de résolutions proposées sur l'accès et d'appels à l'action ont mené à des mesures disciplinaires? Et que pouvez-vous faire pour encourager cela? Si vous n'avez pas de façon d'encourager cela, y aura-t-il d'autres résolutions de ce genre à l'avenir auxquelles on ne donnera pas suite?
(1630)
    Nous aurons une réponse. C'est tout le temps dont nous disposons, mais j'aimerais obtenir une réponse.
    Les dirigeants du Croissant-Rouge syrien nous disent que lorsqu'ils assistent aux réunions privées entre les gouvernements, avec les bureaucrates, et qu'ils disent qu'il leur faut avoir accès à telle et telle région, ils peuvent se servir de ces résolutions et déclarations. Certains bureaucrates veulent vraiment faire ce qu'il faut. Certains ont peur et reçoivent la directive de ne pas le faire. Le Croissant-Rouge utilise ces résolutions en quelque sorte comme une menace voilée, pour dire: « Si vous ne le faites pas, si vous ne nous donnez pas l'accès, vous pourriez en être tenus responsables plus tard. Vous devrez rendre des comptes à un certain moment. » Parfois, cela fonctionne. Le résultat est imprévisible, mais nous espérons que pour cette résolution de l'ONU, il sera davantage positif que négatif.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps dont nous disposons. Je sais que nous pourrions continuer. Nous remercions les représentants de la Croix-Rouge canadienne et de CARE de leur présence aujourd'hui. Merci beaucoup.
    Nous allons nous arrêter quelques instants pour permettre aux autres témoins de s'installer et nous reprendrons par la suite. Merci.
(1630)

(1635)
    Si tous les députés veulent bien revenir s'installer, nous allons commencer.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons M. Mark Green, président de l'International Republican Institute. Bienvenue.
    Nous accueillons également, à titre personnel, Mme Bessma Momani, professeure agrégée, Balsillie School of International Affairs, Université de Waterloo. Soyez aussi la bienvenue.
    Nous allons d'abord entendre votre déclaration préliminaire, monsieur Green, puis celle de Mme Momani; le reste du temps sera consacré aux questions.
    Monsieur Green, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
    Je suis honoré de venir témoigner ici aujourd’hui au nom de l’Institut républicain international (IRI). Nous vous remercions de nous avoir gentiment invités à venir parler de notre travail en Syrie et nous sommes heureux que vous nous donniez l’occasion de vous faire part de nos idées.
    Monsieur le président, le mot « tragédie » est vraiment le seul mot qui décrit bien la situation en Syrie. Avec une guerre sectaire qui fait rage depuis trois ans, un nombre croissant de combattants djihadistes et aucun espoir d’accalmie en vue, les conditions pourraient difficilement être pires. Selon les Nations Unies, 9,3 millions de Syriens ont besoin d’aide, ce qui représente 44 % de la population. Six millions et demi de Syriens sont déplacés à l’intérieur du pays. Près de 2,5 millions de réfugiés sont dispersés dans tout le Moyen-Orient et vivent dans des villages de tentes, dans des édifices abandonnés ou dans d’autres installations de fortune. Selon les dernières estimations, plus de 140 000 personnes ont été tuées au cours du conflit. Malheureusement, la communauté internationale a été incapable de régler la crise. Il n’est pas étonnant que les Syriens aient si peu confiance dans les négociations de Genève; elles n’ont pas permis de réduire le niveau de violence, et encore moins de trouver une solution politique au conflit.
    En devenant plus sectaire, la guerre civile polarise le conflit à l’intérieur de la Syrie et a un effet déstabilisateur au-delà de ses frontières, notamment au Liban et en Irak. Il est tout aussi troublant de constater l’arrivée d’une nouvelle génération de convertis djihadistes engendrée par le conflit en Syrie — des convertis endurcis par leur expérience de combat. Le milieu du renseignement estime qu’il y a entre 75 000 et 115 000 combattants en Syrie, et que plus de 20 000 d’entre eux sont affiliés à l’État islamique d’Irak et au Levant, un groupe lié à Al-Qaïda. Au total, jusqu’à 11 000 individus provenant de 74 pays combattent en Syrie. La plupart des extrémistes proviennent d’autres pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Nous commençons à peine à comprendre les répercussions à long terme de leur éventuel retour au pays et l’effet déstabilisateur qu’ils pourraient avoir sur leur pays d’origine.
    Le vide laissé par la crise syrienne en matière de sécurité a permis à Al-Qaïda d’établir une nouvelle base géographique d’opérations aux frontières d’importants alliés du monde occidental, notamment Israël, la Jordanie et la Turquie, un pays membre de l’OTAN. Bref, je ne peux imaginer de crise plus urgente dans le monde aujourd'hui. Si la guerre se poursuit durant une année ou deux ou trois de plus, on peut difficilement imaginer toute la souffrance humaine qu’elle laissera dans son sillage.
    L’IRI est un organisme non partisan sans but lucratif qui a été fondé en 1983, avec notre organisation soeur, le National Democratic Institute. Notre mission consiste à faire progresser la liberté et la démocratie dans le monde en favorisant les partis politiques, les institutions civiques, les élections ouvertes, la gouvernance démocratique et la primauté du droit. Nous travaillons actuellement dans plus de 80 pays et nous avons des bureaux dans plus de 30 pays.
    L’IRI aide des hommes et des femmes qui s’efforcent de ramener la liberté chez eux. Nous savons que ce sont eux, et non pas l’IRI, qui rendront leurs pays libres, mais comme bon nombre de personnes avec qui nous avons travaillé vous le diront, l’IRI peut jouer un rôle. Nous n’exportons pas et n’implantons pas la démocratie occidentale. Nous comprenons que les nations adopteront et adapteront des formes de démocratie qui correspondent à leurs expériences historiques et à leur culture. C’est pourquoi nous transmettons des expériences et des connaissances mondiales, notamment en demandant parfois à des employés de l’IRI hautement qualifiés, qui considèrent le Canada comme leur patrie, et à un certain nombre d'observateurs électoraux de ce pays, y compris des députés, de partager des expériences canadiennes.
    Compte tenu de ce que je vous ai dit au sujet de la terrible situation qui existe en Syrie, vous croyez peut-être qu’une ONG de défense de la démocratie comme la nôtre n’a pas sa place au beau milieu d’une guerre civile. Notre programme syrien, cependant, est l’un de nos programmes les plus actifs dans toute la région. Souvent au péril de leur vie, les Syriens avec qui nous travaillons nous répètent qu’ils veulent notre collaboration et notre aide et qu’ils en ont besoin. Cela nous amène à croire qu’il y a un soutien solide à la démocratie à l’intérieur de la Syrie, mais qu'il subit d’énormes pressions et qu’il mérite un meilleur appui.
    L’aide de l’IRI comporte quatre volets. Premièrement, un programme Schools of Politics offre un savoir-faire politique à des dirigeants locaux modérés, ceux qui s’opposent à la fois au régime Assad et aux islamistes radicaux. Nous les aidons à bâtir de solides mouvements politiques et civiques. Deuxièmement, un programme de gouvernance démocratique permet d'améliorer la capacité des conseils locaux situés dans des régions sous le contrôle de l’opposition à informer les citoyens de leur important travail et à travailler de manière concertée.
(1640)
    Troisièmement, nous déployons des efforts pour permettre aux dirigeantes syriennes d’acquérir de nouveaux titres de compétences, de sorte qu'au lendemain de la crise, il y aura un vaste réseau de Syriennes prêtes à participer aux processus décisionnels. Quatrièmement, nous appuyons le Syrian Youth Congress pour encourager la collaboration entre les étudiants et les groupes de jeunes.
    Monsieur le président, j'aimerais vous parler brièvement de notre travail auprès des femmes syriennes, un groupe démographique qui a été touché de façon disproportionnée dans ce conflit. Le Women’s Democracy Network de l’IRI a offert de la formation et du soutien à près de 500 Syriennes, d'abord en leur fournissant des outils pour s’assurer que l’égalité et les droits des femmes sont reconnus à tous les niveaux du processus décisionnel lié à la transition, et ensuite en développant les compétences des femmes du pays pour leur permettre d’entreprendre des efforts de consolidation de la paix et de réconciliation. Ces efforts ont mené à la création du Réseau des femmes syriennes, un organisme-cadre unifié qui vise à s'assurer que les Syriennes participent aux processus décisionnels. Ce réseau réunit des femmes de l’opposition et de mouvements citoyens qui représentent un large éventail des Syriennes. Actuellement, le Réseau des femmes syriennes milite activement en faveur de la libération de détenus en informant les gens du nombre de détenus ainsi que des endroits où ils se trouvent. Les représentantes du réseau ont parlé plusieurs fois de cette cause à Genève et prévoient continuer de saisir toutes les occasions d’interpeller les décideurs sur cette question.
    Au niveau local, il y a des cercles de paix dirigés par des femmes formées par l’IRI dans 8 des 14 provinces de la Syrie. Il s’agit d’un autre effort important pour promouvoir l’inclusion des femmes dans les conseils locaux et provinciaux. Dans un village près de Damas, par exemple, un cercle de paix dirigé par des femmes a négocié et obtenu un cessez-le-feu de 20 jours. Le Women’s Democracy Network a aussi créé un service d'appel direct à Genève pour établir un lien entre les Syriennes et les experts internationaux de la négociation et de la médiation.
    L’objectif des programmes de l’IRI en Syrie est d’aider les dirigeants émergents à représenter les besoins de la Syrie modérée moyenne, la couche de la société qui ne s’identifie ni à la propagande du régime Assad, ni à l’islamisme radical. Les programmes visent aussi à s’assurer que les groupes marginalisés, en particulier les femmes et les jeunes, peuvent participer pleinement à la prise de décisions. Bon nombre de nos partenaires syriens en sont venus à voir l’IRI comme un lien vital avec le monde extérieur. Ils risquent leur vie pour participer à nos programmes, mais ils le font parce qu’ils croient que nous pouvons faire entendre leur voix.
    Le Canada a déjà contribué de façon importante à l'avenir de la Syrie en versant généreusement un montant de 353,5 millions de dollars pour l'aide humanitaire, de même que l’aide au développement et à la sécurité. Pourtant, comme nous en convenons tous, un plus grand soutien est requis. L'IRI a plusieurs recommandations à formuler à ce sujet.
    La communauté internationale fournit une aide humanitaire considérable, mais elle doit faire davantage pour reconnaître l’importance de l'après-conflit. Nous devons aider les Syriens qui ne partagent pas la vision du monde préconisée par Al-Qaïda et d’autres extrémistes à se préparer en leur fournissant les compétences et les ressources nécessaires pour jouer un rôle positif dans la transition de la Syrie.
    À l’avenir, pour continuer de jeter les fondements propices à une démocratie en Syrie, nous croyons qu’il faut augmenter le soutien accordé aux conseils locaux et provinciaux. Ces conseils peuvent servir de modèle de gouvernance démocratique dans les régions qui ne sont pas sous l’emprise du régime Assad.
    Comme rempart contre le recrutement djihadiste, nous croyons qu’il faudrait renforcer les efforts visant à enseigner les valeurs démocratiques aux jeunes Syriens. Nous croyons aussi qu’il faut davantage soutenir les programmes inclusifs de consolidation de la paix, afin que tous les citoyens syriens, et surtout les femmes, profitent de chances égales de prendre part à la reconstruction de leur pays.
    Le président de l’IRI, le sénateur John McCain, a récemment déclaré : « Le régime Assad a multiplié ses attaques contre le peuple syrien et un plus grand nombre de Syriens ont été tués pendant les trois semaines qu’ont duré les pourparlers de paix qu’à tout autre moment pendant le conflit. »
    Monsieur le président, à ce stade-ci, un règlement négocié est toujours hors d’atteinte, mais cela ne doit pas empêcher les efforts pour promouvoir des valeurs et institutions démocratiques valables et nécessaires. Nous devons donner à l’opposition modérée une meilleure chance de réussite après le régime Assad. À l’IRI, nous croyons que le meilleur moyen d’y arriver, c'est un soutien additionnel à la gouvernance démocratique dans les régions qui échappent à l’emprise du régime.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de votre invitation et de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci, monsieur le président.
(1645)
    Merci, monsieur Green.
    C'est maintenant au tour de Mme Momani.
    Je suis très heureuse que vous ayez tous entendu d'abord et avant tout le témoignage des organismes humanitaires, car c'est l'élément le plus important pour comprendre la situation en Syrie. Nous avons entendu beaucoup de chiffres, mais je dois vous parler, si vous le voulez bien, de ceux que nous n'avons pas entendus. Parmi les 130 000 personnes tuées durant ce conflit, il y a 11 000 enfants. Il y a six millions de personnes déplacées à l'intérieur de la Syrie. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que ces personnes vivent dehors, dans les parcs, dans les écoles, dans les arrière-cours. Des familles de 40 personnes s'entassent dans un seul appartement. C'est une catastrophe, et cette situation persiste. Les trois dernières années ont été très difficiles pour les Syriens, et je comprends que tout le monde doit se préoccuper d'abord de cela.
    Si vous le permettez, j'aimerais vous parler un peu de la dynamique sur le terrain, car il est aussi très important de connaître l'état de la situation. L'armée syrienne contrôle encore en grande partie les régions du centre et de l'ouest du pays; elle a été enrichie de troupes terrestres du Hezbollah et de la Garde révolutionnaire iranienne. L'Armée syrienne libre, que les Occidentaux espéraient soutenir en tant qu'armée laïque, pour ainsi dire, est contrôlée dans certaines parties du Sud et la plus grande partie du Nord. Cela dit, comme M. Green l'a indiqué, nous avons constaté l'ingérence de deux nouveaux acteurs, l'État islamique en Iraq, ou ISIS, ainsi que le Front islamique, qui ont pris le contrôle de l'est du pays. Il faut toutefois souligner que ces deux groupes ne sont pas Al-Qaïda; c'est très important. L'ISIS est peut-être, disons, un groupe affilié à Al-Qaïda ou ayant une affinité avec Al-Qaïda, contrairement au Front islamique, groupe beaucoup plus important, qui ne prête pas allégeance. Cela ne veut pas dire que ce sont les gens les plus ouverts d'esprit; ils sont encore très salafistes conservateurs, mais s'ils veulent porter la barbe et des pantalons courts, libres à eux. Le fait est qu'ils ne sont pas une menace pour l'Occident, et je tiens à le souligner.
    Les Kurdes contrôlent le nord-est du pays. Comme on l'a déjà souligné, le professeur Landis a formulé quelques observations là-dessus lors de son témoignage, il y a quelques semaines, et s'est dit préoccupé au sujet des Kurdes. Ils ont beaucoup gagné en autonomie, ils s'apprêtent à revendiquer une certaine forme d'autonomie, et je vais vous parler des conséquences sur la région, car c'est une partie importante des contrecoups que subira la Syrie. Le reste du pays, et je suis en désaccord avec M. Landis sur ce point, n'est pas près d'être fragmenté. Le reste du pays n'est pas homogène, mais très hétérogène. Pensons à des villes comme Hama et Homs, où les principaux groupes religieux, ethniques et sectaires sont représentés. Cela ne peut être facilement divisé.
    J'aimerais également parler un peu de l'Armée syrienne libre qui était pour nous, comme je l'ai dit, source d'espoir; elle a été flouée. Le sénateur McCain l'a mentionné, et il a tout à fait raison. Nous l'avons flouée sur le plan des armes, alors que l'armée syrienne continue d'être approvisionnée par les Russes, par les sources de renseignement iraniennes, en particulier par sa Garde révolutionnaire. Je dois souligner que cela ne viole pas le droit international. Puisqu'il n'existe aucune résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui les empêche de le faire, les Russes peuvent continuer d'approvisionner en armes le régime syrien. L'ISIS et le Front islamique ont obtenu des armes, mais principalement par l'entremise de donateurs privés du Golfe. Certains pays du Golfe soutiennent directement ces deux factions, mais il y a beaucoup de fonds privés. Dans certains cas, l'ISIS et le Front islamique se font presque concurrence pour les vidéos les plus horribles, parce qu'ils veulent être payés par leurs bailleurs de fonds. Cela prépare le terrain à une nouvelle lutte en ligne pour trouver des donateurs, qui ont souvent eux-mêmes des opinions très radicales.
    Les témoins ont parlé de la situation dans les pays voisins, et il faut le souligner. Le Liban a la même superficie que le Connecticut; il a absorbé l'afflux d'une population qui représente environ 20 à 30 % de la sienne. Le Liban est extrêmement fragmenté; il a connu sa propre guerre sectaire et civile, très semblable aux divisions que nous voyons en Syrie. Ils refusent les camps, ce que ne nous ont pas dit les témoins précédents. Ils refusent d'avoir des camps, ils ne veulent pas avoir de cinquième colonne permanente dans leur pays. Nous voyons les choses les plus folles. Bien des Syriens ne sont pas autorisés à bâtir quatre murs, car cela constitue un camp. Nous voyons donc des tipis un peu partout au Liban pour contourner les règles sur la mise sur pied d'un camp. Il y a de nombreux camps, mais ce sont des taudis sordides. Ce ne sont pas des camps organisés, comme nous en voyons dans d'autres parties de la région.
(1650)
    La Jordanie, l'un de nos partenaires de libre-échange, a accepté plus de réfugiés qu'elle n'a d'habitants dans certaines villes. Si l'on place cette situation dans le contexte plus large de la Jordanie, je dois dire que c'est tout de même une catastrophe. Les réfugiés syriens représentent de 10 à 20 % de la population. Comment expliquer cet écart? Il y a de tout, des réfugiés qui ont été pris en compte, qui ont été recensés par le HCNUR, à ceux, nombreux, qui entrent sans papiers par une frontière très poreuse, mais surtout, qui ne s'enregistrent pas auprès du HCNUR. Ils doivent le faire volontairement pour être considérés comme des réfugiés syriens. Nous n'obtenons pas tous les chiffres. Les Palestiniens représentent encore 50 % ou plus de la population. Faites le calcul: cela veut dire que les Jordaniens sont une minorité dans leur pays.
    Qu'est-ce que cela signifie pour la Jordanie et le Liban? Ce sont deux économies très éprouvées, en ce sens que ces pays ont une dette publique très élevée. Comme vous pouvez le voir, l'afflux de toute cette main-d'oeuvre qui nuit aux salaires locaux se traduit par un taux de chômage élevé. Il y a de l'inflation, car tout coûte plus cher, des aliments au logement, en passant par les biens et services. Ces deux pays reçoivent actuellement des prêts du FMI. C'est simplement un exemple qui illustre à quel point ils subissent des pressions.
    Je vais vous parler de leur situation politique, car on ne peut la passer sous silence. L'Iraq a accepté environ 500 000 réfugiés, dont 98 % sont kurdes. Ils ne sont pas du tout confrontés au même type de difficultés, en partie parce qu'ils se rendent dans des communautés kurdes et qu'ils n'ont pas de fardeau financier comme tel. Néanmoins, cela ne fait que renforcer la détermination des Kurdes en Iraq de revendiquer tôt ou tard leur autonomie. Je vais vous en parler.
    En Turquie, il y a 300 000 réfugiés dans les camps et 700 000 à l'extérieur des camps. Il y a trois ans, la Turquie était très solide sur le plan financier. Elle avait un excédent courant. Je ne sais pas si vous suivez les nouvelles financières, mais la Turquie est secouée par une grave crise à l'heure actuelle. Elle est maintenant aux prises avec un énorme fardeau financier. La partie sud du pays est confrontée à des problèmes semblables à ceux de la Jordanie et du Liban, à savoir un taux de chômage élevé, l'inflation, ainsi que du ressentiment. Je dois souligner que ces pays ont fait preuve d'une grande bienveillance. Les habitants ont été bienveillants envers les réfugiés en les accueillant bien souvent dans leur maison, mais durant trois ans, c'est beaucoup demander. Il ne faut pas l'oublier. Ce sont vraiment des sociétés accueillantes qui ont beaucoup donné, mais c'est très exigeant.
    Quel est le pire scénario possible? Je pense qu'il nous faut reconnaître que la Syrie n'est pas seulement en train d'imploser, mais aussi d'exploser. Si nous commençons à voir les choses de cette façon, nous constatons que le statu quo n'est tout simplement pas acceptable. Le Liban, comme je l'ai dit, est aux prises avec des clivages de sectarisme. Nous en avons déjà vu le résultat, soit les bombardements coup pour coup. Dans la ville de Tripoli, par exemple, on a les pires cas de clivage. Il y a une rue qui, ironiquement, est appelée Syria Street et qui est littéralement devenue une zone de combat. Si on la traverse pour entrer dans l'autre communauté, on sera tué par un tireur embusqué. Cela finira très mal. Le pays se dirige lentement vers l'effondrement politique. À cela s'ajoute le fardeau économique. La Jordanie est aussi confrontée à ce problème. Les Jordaniens de souche en ont assez que leur pays serve d'hôtel, si l'on peut dire, pour tous les réfugiés de la Palestine, de l'Iraq, et maintenant, de la Syrie. Ils demandent à leur gouvernement et à leur roi un nombre considérable de réformes qui comprendraient non seulement la libéralisation, que j'encourage, mais surtout l'élimination de certains droits accordés à des groupes minoritaires là-bas. Il ne s'agit pas d'une situation saine. Le Kurdistan, situé dans la partie nord de l'Iraq, est l'un des meilleurs guides économiques de la prospérité du Moyen-Orient, et il doit être encouragé. Il en a assez de traîner un boulet. C'est le reste de l'Iraq actuellement; le gouvernement central est désorganisé, le reste du pays est désorganisé, et ce n'est qu'une question de temps avant que le Kurdistan iraquien ne demande l'indépendance.
    Quand faut-il surveiller cela? En avril, il y aura des élections présidentielles en Iraq, et je pense qu'elles seront très importantes. Il y a de fortes chances que le gouvernement Malaki conserve son emprise sur la majeure partie du pays, et la corruption atteint un niveau sans précédent. Pourquoi est-ce important pour la Syrie? Il s'en prend à la province d'Anbar, qui est contrôlée par l'ISIS, l'État islamique en Iraq et en Syrie. Ils ont une certaine affinité l'un pour l'autre. Maintenant, il demande aux Américains de fournir le plus d'armes possible pour attaquer Anbar. Je peux vous dire qu'il y aura beaucoup de contrecoups. Si l'on se souvient d'une chose au sujet de l'Iraq, c'est que la province d'Anbar ne tombe pas sans broncher.
    Comment le Canada peut-il aider? Par un programme de réinstallation mondiale. Il nous faut comprendre que c'est une crise des réfugiés qui ne disparaîtra pas. Les gens n'y retourneront pas. Comment le savons-nous? C'est simple. Jetez un coup d'oeil aux photos aériennes de la Syrie que nous avons vues aujourd'hui. Dans de nombreuses zones occupées par les rebelles, il ne reste plus de maisons.
(1655)
    Donc, il y a des parties de la ville de Daraa, dans le sud de la Syrie — dont les habitants se trouvent maintenant principalement au camp Zaatari, en Jordanie —, qui n'existent plus. Il faut que l'on procède à une véritable réinstallation mondiale des réfugiés, et le Canada peut y contribuer. Le Canada a déclaré qu'il allait en accepter 1 600. Il n'y en a que 200 qui sont venus. C'est un nombre ridicule.
    Je dois souligner... J'ai écrit un livre à ce sujet, alors je demande votre indulgence. Les immigrants syriens qui sont venus dans ce pays dans les années 1800 ont construit des quartiers de Montréal. Ils sont un important tissu social. Il y a environ 100 000 Canadiens d'origine syrienne qui possèdent une entreprise, qui sont ouverts — j'en rencontre beaucoup dans le cadre de mes activités quotidiennes — et qui demandent comment ils peuvent faire venir leur famille. Ils disent qu'ils ne veulent rien recevoir du gouvernement canadien, que tout ce qu'ils veulent, c'est faire venir leurs proches. Il nous faut commencer à y réfléchir sérieusement et à ouvrir nos bras, comme nous l'avons fait tant de fois pour beaucoup d'immigrants dans le monde.
    Il faut ouvrir nos portes aux étudiants. C'est la meilleure façon d'investir dans la diplomatie publique. J'ai travaillé avec un organisme appelé Jusoor afin que les étudiants syriens soient reconnus dans mon université. C'est une bataille ardue. Essentiellement, il faut avoir un million de dollars dans un compte bancaire pour que notre université accepte un étudiant étranger. C'est inacceptable. Nous devons faire quelque chose. Encore une fois, c'est la meilleure forme de diplomatie publique dans laquelle investir.
    Nous devons accélérer le traitement des demandes pour les travailleurs qualifiés et la réunification des familles. Nous devons soutenir le corridor humain. Je ne suis pas d'accord avec les autres témoins. Je pense que c'est malheureusement une réalité importante. Si nous voulons alléger la pression que subissent les pays voisins de la Syrie... nous devons commencer à rendre le gouvernement syrien responsable du territoire qu'il devra céder pour ces réfugiés. N'oublions pas que le régime syrien serait tout à fait prêt à faire mourir 21 millions de personnes de plus pour rester au pouvoir. C'est là le coeur du problème.
    Enfin, pour faire des choses qui, selon moi, seraient utiles, il nous faut des fonds de contrepartie. C'est le signe que notre gouvernement se préoccupe de cette situation. Ce n'est pas simplement une question de fonds. C'est aussi parce que nous nous soucions de la situation. Si l'on présente simplement des chiffres... il est absolument essentiel que nous y pensions.
    Je reviens tout juste de Washington, où je cherchais une façon dont nous pourrions, en tant que société civile, soutenir le contre-discours relativement aux propos haineux. Nous devons investir dans ce domaine. Il y a énormément de haine sectaire dans la communauté canado-syrienne, dans l'ensemble de la communauté syrienne. Cela s'est transporté dans la communauté arabe. Nous pouvons investir de l'argent. Il existe des programmes fantastiques, dont j'aimerais parler aux personnes intéressées, sur les moyens de soutenir le contre-discours pour faire échec à ces horribles propos haineux, à ce sectarisme qui couve dans la région, aujourd'hui, à cause des dynamiques politiques, et non parce que les gens sont incapables de coexister. Bien au contraire, ils ont très bien coexisté durant des milliers d'années.
    Merci.
(1700)
    Merci beaucoup, madame Momani.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Dewar. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins.
    Monsieur Green, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais nous nous sommes rencontrés brièvement au Liban. Je pense que c'était durant les élections de 2009, à Beyrouth. Je suis heureux que vous soyez parmi nous.
    Madame Momani, vous avez formulé des recommandations très précises sur la réinstallation des réfugiés, les fonds de contrepartie et l'accueil d'étudiants. Si nous ouvrions nos portes et offrions des possibilités surtout aux étudiants, comme vous l'avez dit, comment pourrions-nous jumeler les gens? C'est une population très instruite, et je pense que nous le savons tous. Vous imaginez donc que les universités accueilleraient des étudiants et les attireraient de cette manière, et de façon accélérée...? Est-ce bien ce dont il est question dans votre recommandation?
    Oui, tout à fait. D'ailleurs, les universités sont très ouvertes à cette idée. Toutefois, par souci de prudence, si l'on veut, sur le plan budgétaire, elles doivent voir une mise de fonds initiale, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Autrement dit, pour dire qu'un étudiant syrien habitera avec sa famille d'accueil et partagera ses repas, elles veulent voir dans un compte bancaire les fonds équivalents, en dollars, à ce que gagne cette famille. Il n'est pas nécessairement possible, pour bien des gens, d'avoir des liquidités excédentaires dans leur compte bancaire en prévision de leurs dépenses.
    Mais je crois qu'il y a beaucoup de Syriens — et plusieurs me l'ont dit — qui sont tout à fait disposés à accueillir ces étudiants syriens dont les études ont été écourtées. S'il y a des efforts de reconstruction en Syrie dans l'avenir, nous en avons besoin. Nous en avons besoin en éducation, en ingénierie, en médecine. Rien ne peut égaler les grandes universités de notre pays. Nous pourrions ouvrir nos portes à ces excellents étudiants et leur offrir la meilleure éducation occidentale possible.
    Je comprends, car nous avons encouragé le gouvernement à ouvrir la porte à la réinstallation des réfugiés. Nous avons eu une très bonne expérience ici avec les réfugiés sud-asiatiques. Je me rappelle très bien qu'à l'époque, le gouvernement avait fixé à 8 000 le nombre de réfugiés qu'il pouvait accepter, mais ce nombre est passé à 60 000, car les gens de la collectivité ont parrainé des réfugiés.
    Vous faites allusion à cette idée de... Je crois que le gouvernement est toujours ouvert lorsqu'on laisse entendre que cela ne coûtera rien. Croyez-vous qu'il serait possible de jumeler les étudiants avec des familles d'accueil, des membres de leur famille? Quel nombre serait raisonnable, selon vous?
    J'estime que 20 000 réfugiés représenteraient un nombre très raisonnable. Je dois ajouter que bon nombre de Syriens possèdent des petites entreprises familiales qui peuvent immédiatement offrir des perspectives d'emploi à temps partiel à de nombreux réfugiés, qu'ils soient étudiants ou non. Lorsqu'on parle de trouver des moyens d'intégrer les gens dans la société, je dirais que de nombreuses possibilités d'amener des Syriens au Canada s'offrent à nous, et des familles seraient très disposées à les accueillir.
    Encore une fois, cela pourrait se dérouler en partie dans le cadre de programmes de réunification familiale parce que ces personnes ne sont pas nécessairement les enfants de Canadiens d'origine syrienne. Il peut aussi s'agir de cousins, d'oncles ou de tantes. Les liens familiaux de ce genre touchent profondément notre pays où 100 000 Canado-Syriens sont très désireux d'aider véritablement autant de membres de leur famille qu'ils le peuvent.
    Je me souviens certainement du Projet 4000 qui a été mis en oeuvre ici, à Ottawa, et qui s'appliquait à 4 000 Sud-Asiatiques, comptant surtout des réfugiés vietnamiens. Aujourd'hui, on constate qu'ils se sont complètement intégrés dans la société et que ce sont de merveilleux citoyens. C'est donc une bonne nouvelle.
    Monsieur Green, je souhaitais vous poser une question. Quelques-uns des travaux que vous exécutés pour le compte du gouvernement canadien sont liés à l'Iran. Je veux connaître votre opinion à ce sujet, car nous avons entendu parler un peu de l'Iran. L'Iran intervient dans ce scénario, et nous devons vraiment prendre son rôle au sérieux. Compte tenu de votre travail et de celui que vous accomplissez pour le compte du gouvernement canadien, quels conseils pouvez-vous nous donner concernant la façon de composer avec l'Iran et la crise?
    En ce qui concerne Hezbollah, nous faisons clairement face à une crise politique, mais nous disposons aussi d'une solution politique en ce moment. Comment pouvons-nous nouer le dialogue avec eux, et comment pouvons-nous les convaincre de ne pas causer d'autres préjudices? Compte tenu de vos connaissances et de votre rôle dans ce domaine, quels conseils nous donneriez-vous au sujet de l'Iran?
(1705)
    Voulez-vous dire par rapport au conflit en Syrie?
    Absolument.
    Encore une fois, nous nous soucions principalement de repérer les régions que le régime ne contrôle pas, de créer des mécanismes de soutien des institutions démocratiques et de commencer à rassembler ceux qui ont intérêt à ce que les collectivités survivent, en particulier les groupes marginalisés comme les femmes et les jeunes.
    Nous avons découvert qu'une grande proportion des Syriens sont des modérés, qu'ils ne souscrivent ni au discours ou à la propagande extrême du régime, ni à la philosophie d'al-Qaïda, et qu'ils cherchent à retourner à la normale sur le plan de la direction communautaire. Notre priorité et notre recommandation consistent à repérer ces régions et à investir massivement dans la création de ces mécanismes pendant qu'il en est encore temps. Chaque jour que le conflit se prolonge est une mauvaise journée de plus. Les dommages s'accumulent, les sentiments se durcissent et la probabilité que nous soyons en mesure de mettre les choses en place le jour où, comme nous l'espérons tous, le président Assad aura disparu devient de plus en plus faible.
    Voilà vraiment notre priorité. Nous pensons que c'est l'approche appropriée à adopter par un organisme comme le nôtre.
    Selon vous, aucune des mesures que vous prenez en ce moment à l'égard de l'Iran n'est pertinente pour la Syrie. C'est un problème distinct auquel vous vous attaquez.
    Oui, nous envisageons ces deux situations séparément.
    J'ai une dernière question à vous poser, monsieur Green. L'idée de développer des capacités, en particulier chez les femmes et dans le domaine de la consolidation de la paix, suscite vraiment mon intérêt.
    Avez-vous discuté avec notre gouvernement de programmes de ce genre et de la façon dont ils fonctionnent, ou lui avez-vous communiqué des renseignements à ce sujet?
    Bien sûr, et nous continuerons de le faire. En fait, nous avons préparé une proposition visant à élargir le travail que nous accomplissons, en particulier en collaboration avec le Réseau des femmes syriennes, parce que nous croyons que ces efforts sont prometteurs et suscitent de grands espoirs.
    Notre approche est méthodique. Il va de soi que personne ne s'attend à ce que les choses changent du jour au lendemain, en particulier dans un environnement comme celui-là, mais nous nourrissons de grands espoirs. Donc, oui.
    Monsieur Goldring, vous disposez de sept minutes.
    Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
    Je remarque que vous mentionnez le sénateur John McCain ici. Vous devez déployer également des efforts en Ukraine. Je sais que vous allez là-bas depuis des années pour surveiller les élections. Le sénateur McCain est arrivé à Kiev un jour après moi, je pense. J'ai fait une déclaration sur la place Maïden un jour avant qu'il le fasse. C'était plutôt incroyable d'apercevoir ces 400 000 à 500 000 personnes réunies sur la place. Il va certainement falloir prendre de nombreuses mesures pour rétablir la démocratie là-bas aussi.
    Ma question concerne la Syrie. Tout d'abord, j'aimerais que vous me donniez une idée de l'ampleur de la situation. Vous dites que le milieu américain du renseignement estime... et vous citez un chiffre. Est-ce que cela correspond à la totalité des forces de l'opposition, et quel est le chiffre équivalent pour le gouvernement? Autrement dit, combien reste-t-il de bottes sur le terrain dans chaque camp? Avez-vous une idée quelconque de leur nombre?
    Je n'ai pas ce renseignement en main, mais je peux certainement me procurer des données supplémentaires et les fournir plus tard au comité.
    Cela nous donnerait un peu de contexte, car nous savons que les forces du gouvernement sont munies de grosses matraques. Elles ont de gros canons, ce qui n'est pas le cas des forces de l'opposition. Par conséquent, les forces de l'opposition sont grandement désavantagées de ce point de vue là. Sur le plan technique — ainsi que stratégique, selon moi —, le gouvernement peut se placer en retrait et faire pleuvoir des obus sur certaines collectivités, jusqu'à ce que leurs pertes les épuisent.
    A-t-on l'impression que l'opposition perd du terrain ou son efficacité? Tout cela fait partie de ce que les forces de l'opposition affrontent — leurs chances de succès sont-elles de deux pour un, quatre pour un, ou...?
    De plus, en ce qui concerne l'armement, le gouvernement syrien ne semble pas pressé de réduire ses opérations ou ses efforts.
    Je peux réagir ou répondre de deux façons à votre question.
    Premièrement, il est important d'admettre que ce combat n'est pas bilatéral. L'un des aspects qui rendent la situation extrêmement difficile pour toutes les parties concernées est lié à la fragmentation des forces et au nombre de groupes qui interviennent. Nous estimons que des membres de 74 nations externes combattent en ce moment en Syrie. En outre, les alliances changent, ce qui rend les conditions extrêmement difficiles.
    Deuxièmement, en ce qui a trait aux succès et aux échecs des combattants, je dirais, comme le sénateur McCain l'a signalé, que plus de gens ont été tués au cours des dernières semaines, alors que des négociations de paix ont été amorcées, qu'à tout autre moment du conflit, ce qui est ironique.
    De plus, il importe de mentionner que le temps ne joue certainement pas en faveur des rebelles. Le président Assad l'a indiqué très clairement. Nous avons remarqué que les négociations ne cessent d'échouer, en partie parce que le gouvernement, bien sûr, ne semble nullement pressé de trouver une solution. Le gouvernement est à l'aise avec le passage du temps.
(1710)
    De plus, les forces semblent disposer d'une source illimitée d'armes. N'est-ce pas un aspect du conflit sur lequel nous pourrions influer d'une manière ou d'une autre, en imposant un genre d'embargo sur les armes ou de blocus pour ralentir les opérations là-bas? Tant que des armes et de gros canons seront livrés surtout au gouvernement, l'issue est inévitable. Même si nous ne sommes pas certains des chiffres et que nous affirmons que le nombre de combattants est égal dans les deux camps, si l'un des camps dispose de 90 % des armes tandis que l'autre n'est muni que de 10 % d'entre elles, l'issue en soi est inévitable.
    Rien ne peut-il être entrepris pour bloquer ou ralentir la livraison des armes?
    On appelle cela une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. C'est la seule façon légale de procéder. Toutefois, la Chine et la Russie continuent essentiellement d'user de leur droit de veto pour bloquer son adoption.
    Pour répondre à votre question précédente, si l'on compare l'effectif de l'armée syrienne aux forces collectives de l'opposition — de l'Armée syrienne libre, de l'ISIS et du Front islamique —, on constate qu'ils ne sont pas tellement différents. En fait, ils sont presque égaux si l'on tient compte de ce qui reste de l'armée syrienne après le départ de nombreux transfuges.
    Comme vous l'avez indiqué, ce sont les canons qui sont problématiques. Non seulement l'armée syrienne peut se réapprovisionner auprès des Russes en employant la plupart des voies légales, mais elle jouit aussi d'une supériorité aérienne qui est devenue l'élément le plus dévastateur du conflit. Elle ne dépêche plus ses troupes pour mener des combats, car elle n'a même plus confiance en elles. Elle se contente essentiellement d'utiliser ses aéronefs pour bombarder ses ennemis, et ses munitions sont constamment remplacées.
    L'autre facteur qui entre également en ligne de compte tient essentiellement au fait que l'armée syrienne est appuyée tant par Hezbollah que par les Gardiens de la révolution islamique, deux milices qui possèdent de grandes connaissances et une longue histoire. En d'autres termes, elles sont organisées et combattent efficacement. En revanche, si l'on examine seulement l'Armée syrienne libre, on constate qu'elle est déjà disparate. Elle est composée de transfuges de l'armée syrienne. À cette armée s'ajoutent l'ISIS et le Front islamique qui reposent essentiellement sur des volontaires. Oui, les volontaires arrivent des quatre coins de la planète et, dans certains cas, de la région immédiate, mais ce ne sont pas nécessairement de vrais soldats professionnels. Leurs tactiques et leurs moyens logistiques nuisent également à leur efficacité.
    Donc, ils n'apportent même pas de missiles de type « visez et tirez » — ou quel que soit le nom que vous leur donnez — qui peuvent abattre des aéronefs au profit de l'opposition.
    Ils ont besoin de SPDAA à tête chercheuse thermique. C'est le principal élément qui, selon moi, a empêché les forces de s'équilibrer dans ce conflit. Comme bon nombre de gens l'ont indiqué, on craint que ces armes soient utilisées pour abattre des avions commerciaux. Voilà pourquoi aucune puissance occidentale ne leur en fournit.
    Cependant, les Saoudiens ont récemment déclaré qu'ils pourraient changer d'avis à cet égard. Est-ce que cette nouvelle, qui a été diffusée jeudi ou vendredi dernier, je pense, a été divulguée clandestinement aux médias afin de faire avancer les choses au sein du Conseil de sécurité? Peut-être, mais il n'en reste pas moins que les forces de l'opposition ne disposent pas du genre d'armes dont l'armée syrienne est munie.
    À supposer que ce conflit prenne fin, comment commencera-t-on à bâtir une institution démocratique là-bas? Par où commencera-t-on? Vous dites qu'il faut commencer par l'éducation. Est-ce que cela est censé se produire au niveau universitaire, ou doit-on s'adresser directement aux gens dans les rues des collectivités, afin de leur faire comprendre comment leur collectivité interagira avec le gouvernement central, et leur demander de promouvoir les principes, les politiques et les partis politiques? Comment procède-t-on?
    Premièrement, il faut entamer le processus dès aujourd'hui. Il ne faut pas attendre que tout soit réglé et que le jour suivant soit déjà à l'horizon. Ce travail doit être amorcé plus tôt et, en fait, il est déjà en cours. On intervient à l'échelle locale ou provinciale. On se rend dans les régions qui échappent au contrôle du président Assad, et on commence à entamer un genre de dialogue à propos des décisions qui devront être prises et des produits de base qui devront être fournis quotidiennement.
    Lorsqu'aucun gouvernement ou aucune structure gouvernementale n'est en place, personne n'a intérêt à ce que la direction de la collectivité survive. Ensuite, cette situation engendre un véritable désespoir et, bien entendu, le désespoir est la condition préalable de l'extrémisme. C'est alors qu'on rencontre de véritables difficultés. Toutefois, l'essentiel est de mettre ces travaux en branle maintenant. On ne peut pas le faire après coup ou, du moins, on ne peut pas le faire aisément après coup. Nous devons continuer d'accomplir ce travail en ce moment.
(1715)
    Merci, monsieur Goldring.
    Nous allons maintenant passer à la dernière question de la première série d'interventions. Monsieur Casey, soyez le bienvenu à la séance du comité.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Momani, vos observations concernant les efforts déployés pour accueillir des réfugiés, le stade où nous sommes et celui où nous devrions être ont suscité mon intérêt. Par conséquent, j'aimerais les examiner un peu. Si je vous ai bien entendue, le gouvernement du Canada a établi un objectif ou une limite de 1 600 réfugiés, dont 200 ont déjà été accueillis, et vous pensez que 20 000 réfugiés seraient un objectif plus réaliste et raisonnable.
    J'ai quelques questions à vous poser qui découlent de vos observations. Premièrement, que pensez-vous du stade où nous nous trouvons maintenant? Vous avez dit que nous avions accueilli 200 des 1 600 réfugiés prévus. Donc, selon vous, pourquoi n'avons-nous pas dépassé ce chiffre? Cet effort vous semble-t-il raisonnable et, dans la négative, comment devrions-nous améliorer ce chiffre? Je suppose que j'ai besoin qu'on me donne une idée de la taille de la communauté canadienne de descendance syrienne et que vous nous parliez peut-être de cet aspect et de la façon dont nous réussirons à passer de 200 à 1 600 réfugiés, puis à 20 000 réfugiés.
    D'accord. J'aimerais simplement vous signaler que la Suède a accueilli 16 000 résidents permanents. Dans notre grand et merveilleux pays, nous pouvons faire beaucoup mieux que d'accorder l'asile à 1 600 réfugiés. Nous n'en avons accepté que 200 jusqu'à maintenant. Je tiens maintenant à mentionner que, si un Syrien présente une demande d'asile pendant son séjour au Canada, nos autorités réagissent favorablement à cette demande, tout comme celles des États-Unis. Toutefois, un nouvel article, qui a paru dans le journal The New York Times il y a de cela deux jours, indique qu'il est nécessaire de se rendre d'abord à Tijuana, à Toronto ou à tout autre point d'entrée et de demander ensuite le statut de réfugié. Ce n'est pas une bonne façon de faire les choses. On doit mettre en oeuvre un projet mondial de réinstallation et, à mon avis, on doit regrouper les gens selon le modèle de la réunification familiale.
    Comme je l'ai déclaré auparavant, les racines de la communauté canado-syrienne datent des années 1800 et sont très profondes. Ses membres sont parmi les premiers Arabes à s'être établis au Canada. D'autres se sont établis au Nouveau-Brunswick, et je pense que l'histoire de cette installation est très importante.
    Selon le dernier recensement de 2006, la population canadienne compte 35 000 Canado-Syriens. Toutefois, nous savons que ce chiffre est sous-estimé. Je peux aborder les raisons pour lesquelles le chiffre a été sous-estimé, mais, essentiellement, nous savons qu'il est grandement supérieur à cela, compte tenu des conclusions qu'ont tirées des organisations comme l'Institut canado-arabe. Nous pensons qu'il y a environ 100 000 Canado-Syriens, dont certains font partie de la troisième ou quatrième génération de Canado-Syriens. Encore une fois, bon nombre d'entre eux sont arrivés dans les années 1990, en particulier. Cet autre large flux est imputable au Programme d'immigration des investisseurs, et ces immigrants ont acheté des petites entreprises. Ce sont eux qui entretiennent les liens les plus forts avec les Syriens, mais qui, par contre, ont jeté les racines les plus profondes au Canada. Ils possèdent des petites entreprises comme des dépanneurs qui, encore une fois, engendrent une forte demande de main-d'oeuvre.
    Je pense que nous avons en ce moment une occasion en or de rendre cette immigration réalisable pour toutes les parties concernées. Comme je viens justement de visiter la Colombie-Britannique, je sais pertinemment que de nombreux travailleurs étrangers occupent là-bas des emplois dans le secteur des services. La Syrie est un pays dont les habitants sont en grande partie bilingues et même parfois trilingues, puisque certains d'entre eux parlent aussi le français. Selon moi, nous avons l'occasion d'absorber un nombre beaucoup plus important de réfugiés. Je mentionne encore une fois que la Suède nous a surpassés en accueillant 16 000 réfugiés — à mon sens, nous pourrions faire beaucoup plus.
    J'ai assisté aux séances de l'Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe, et je peux vous dire que c'est honnêtement une source de fierté nationale pour la Suède d'avoir accueilli autant de personnes.
    Absolument.
    Monsieur Green, vous avez mentionné que votre organisme a comme objectif de reconstruire les institutions qui sont en train de se faire détruire et d’être prêt pour l’après-Assad. Selon ce que j’entends, c’est loin d’être certain qu’un tel jour arrive, compte tenu de ce qui se passe sur le terrain. Dans le cas d’une victoire sur le plan militaire du régime d’Assad, qu’adviendra-t-il de votre organisme et des principes que vous défendez?
    Si nous ne sommes pas prudents, la prophétie se réalisera d’elle-même. Si nous ne réussissons pas à mettre sur pied des institutions démocratiques et à favoriser un dialogue et la participation des femmes, en particulier, dans l’ensemble du gouvernement, nous sommes certains d’échouer, et l’avenir de la Syrie sera sombre. Les Syriens vivent des jours difficiles. Leur vie n’est pas facile. Leur souffrance est énorme. Le nombre de réfugiés dont vous venez de parler n’est que le début de ce que l’avenir nous réserve. Nous n’avons d’autres choix que d’essayer de mettre sur pied un semblant de gouvernance dans les régions éloignées en vue d’apporter un certain espoir aux gens, en particulier à ceux qui ont été privés de leurs droits.
    Nous savons que c’est très difficile à faire. C’est déjà difficile de le faire dans les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, mais ce l’est encore plus après le fait. Voilà pourquoi nous avançons qu’il faut commencer à le faire dès maintenant.
    Nous ne prétendons pas que nous réglerons le conflit en Syrie en investissant dans les institutions démocratiques. Nous disons plutôt qu’il faut le faire si nous voulons avoir une réponse à long terme. En soi, cette initiative n’est évidemment pas une solution miracle à tous les problèmes, mais si nous sommes en mesure d'établir une certaine gouvernance et un certain leadership, il y aura peut-être moins de réfugiés dans l’avenir. Nous savons malheureusement ce qui se passera si nous n’investissons pas dans de tels programmes.
(1720)
    Madame Momani, j’ai une autre question pour vous. Vous avez parlé des répercussions du conflit sur les pays avoisinants et le nombre de gens qui ont été forcés de trouver refuge en Turquie, au Liban et en Jordanie. Que fait le Canada en vue de soutenir les pays environnants qui ont été touchés de manière disproportionnée par les conséquences des déplacements? Que devraient faire le Canada et ses alliés et ses partenaires qui ont le même statut socioéconomique dans le monde à cet égard?
    Ces pays ont évidemment besoin d’un soutien financier, parce que cela leur occasionne manifestement des dépenses additionnelles. On pourrait parler d’investir dans l’infrastructure, parce que c’est probablement l’élément le plus problématique. Cependant, cela représente aussi un défi, parce que nous ne savons pas combien d’autres réfugiés syriens arriveront dans ces pays et combien de temps ils y resteront. Je crois qu’il faut commencer à transférer certains réfugiés à des tiers, si l’on veut atténuer la pression. C’est la meilleure façon d’aider les pays avoisinants.
    On ne peut pas...
    Nous sommes donc de retour à votre premier point.
    C’est vraiment ce que je crois. Si vous voulez faire un geste qui compte à l’endroit du camp de Zaatari, arrêtez de gaspiller votre argent sur... Je m’excuse; ce n’est pas le bon mot. Il s’agit de fonds bien investis, mais si vous voulez vraiment en avoir pour votre argent, faites venir ces gens ici et sortez-les de leur enfer. L’ajout d’une clinique, par exemple, équivaut à mettre un pansement sur un membre gangréné. Ce n’est pas suffisant; il faut en faire plus. Je crois qu’il faut être plus proactif, parce que cela ne se règlera pas tout seul. La Syrie n’implose pas; elle explose. Nous ne pouvons changer le régime. Personne ne veut le faire. J’en comprends les raisons géopolitiques, mais nous pouvons accélérer le processus d’aide en vue de faire venir des Syriens dans notre grand pays.
    Merci beaucoup, monsieur Casey.
    Nous avons le temps pour une autre petite série de questions. Nous commencerons par Mme Brown, puis nous terminerons avec le NPD.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Green, je trouve très intéressant vos programmes en vue de renforcer la capacité des Syriennes. J’aimerais que vous nous en parliez un peu. En tant que députée, je cherche toujours à établir des liens avec d’autres femmes qui veulent faire carrière en politique. Parmi vos programmes, en avez-vous un dans le cadre duquel vous jumelez des Syriennes avec des partenaires à l’extérieur du pays qui peuvent renforcer leurs compétences ou tout simplement les encourager? J’aimerais le savoir.
    Vous venez de faire une belle publicité pour ce que nous essayons de faire avec notre programme. Nous avons le Réseau des femmes pour la démocratie qui fait partie de l’IRI, et c’est à bien des égards l’un de nos programmes les plus stimulants.
    Nous le faisons. Nous essayons de constituer des réseaux de décideuses. C’est utile de bien des manières, dont l’établissement de modèles et de repères. Dans des sociétés où les femmes ont été tenues à l’écart, ignorées ou exclues, le jumelage avec des femmes actives en politique — des femmes qui participent à une campagne ou qui sont candidates ou qui ont une charge publique — crée une hausse des attentes et encourage de plus en plus de femmes à exprimer leurs opinions et à devenir plus actives. Nous le faisons.
    En particulier avec le Réseau des femmes syriennes, nous avons en fait jumelé des Syriennes avec des femmes d’autres pays en vue d’aider le processus de négociations et d’aborder la question des détenus, par exemple. Il s’agit donc d’un aspect important de nos travaux, et nous serions ravis de vous accueillir au sein du Réseau des femmes pour la démocratie, parce que je crois que c’est très prometteur.
    Parmi les aspects dont je suis le plus fier, nous avons décidé de ne pas seulement demander l’aide des femmes pour ce qui est des questions les touchant. C’est une forme d’attitude paternaliste, et cela fait évidemment fi de l’évidence. Nous sommes d’avis que les femmes doivent participer au processus, parce que c’est la seule manière de vraiment puiser dans la force de notre démocratie. C’est le principe fondamental du Réseau des femmes pour la démocratie. En Syrie et dans les alentours, nous avons encore beaucoup de chemin à faire, mais nous avons également constaté un bel enthousiasme, de grands progrès et des résultats prometteurs lorsque le tout se met en branle.
(1725)
    Merci.
    Monsieur le président, je crois comprendre que M. Anderson a une question.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Green, des représentants de la Croix-Rouge nous ont appris que 34 de leurs membres ont été tués. La semaine dernière, j’ai eu l’occasion de rencontrer le chef de l’opposition pakistanaise, et j’ai appris que des centaines de gens qui travaillent à sa campagne électorale avaient été tués. Quels dangers vos membres courent-ils? Où sont-ils menacés? Quelle est votre situation?
    Eh bien, les gens qui viennent travailler avec nous et qui sont formés par nous courent des risques lorsqu’ils suivent leur formation. Il y a toujours des risques. Voilà pourquoi nous pensons qu’il est très important de centrer nos initiatives dans les régions qui sont hors de la portée du régime d’Assad et de commencer à y établir des liens, mais c’est très dangereux.
    Comme je l’ai mentionné, certains se disent qu’un organisme de promotion de la démocratie ne peut fonctionner dans la région ou dans le contexte syrien, par exemple. Nous avons constaté une incroyable demande refoulée et un bel enthousiasme. Le segment modéré est à bien des égards non représenté ou même perdu. Nous croyons qu’il y a un bel enthousiasme, mais lorsque des gens participent à nos initiatives, ils prennent évidemment des risques.
    Il va me demander d’arrêter, mais j’aimerais connaître les institutions publiques encore en place dans le pays avec lesquelles vous pouvez collaborer.
    Eh bien, il s’agit de conseils locaux. Nous faisons un conseil à la fois dans les régions. Il ne s’agit pas d’un groupe national; nous travaillons sur la scène locale et provinciale.
    Merci.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Pour boucler la boucle, madame Momani, j’aimerais parler de la Turquie. Vous en avez glissé un mot. Devrions-nous soutenir la Turquie? Nous n’avons pas encore pris de mesures bilatérales.
    Ensuite, au Liban, un gouvernement de coalition s’est formé après 10 ou 12 mois. Cela a créé une certaine inquiétude — j’en suis inquiet — relativement à sa composition et à sa réticence à se conformer aux dispositions de non-intervention. Je fais allusion au Hezbollah. Pourriez-vous nous en parler? Avez-vous des commentaires au sujet de la coalition?
    Si le temps nous le permet, pourriez-vous aussi nous faire part de vos commentaires, monsieur Green?
    Selon moi, des fonds doivent être versés en priorité au Liban et à la Jordanie. Il est vrai que la Turquie est beaucoup plus touchée, parce que les investisseurs fuient la présente crise politique, ce qui donne lieu à un grand exode de capitaux, mais je pense que la situation y est de loin meilleure. Les camps turcs ont tendance à être beaucoup mieux, et les Turcs ont, en grande partie, assumé seuls la facture à cet égard. Donc, le gouvernement turc mérite vraiment nos félicitations, parce qu’il en fait beaucoup, mais je continue de croire que la situation au Liban est catastrophique. C’est horrible.
    L’autre question dont j’ai l’impression que les gens ne veulent pas parler est la triste réalité des réfugiés en sol syrien dans le camp de Yarmouk — il s’agit principalement de réfugiés palestiniens qui sont là depuis la guerre de 1948. Ils sont laissés à eux-mêmes. Le HCR ferme les yeux à leur sujet. Ces réfugiés ne peuvent en fait pas se rendre dans un camp du HCR. C’est l’UNRWA qui s’occupe d’eux, mais l’organisme n’a plus un sou et n’a pas de fonds à consacrer à la présente crise. Ces réfugiés sont donc extrêmement vulnérables. Selon nos observations, ce sont ces réfugiés qui prennent les moyens les plus dangereux pour traverser les frontières et essayer d’embarquer à bord d’un navire en direction de l’Europe. En fait, il s’agit également du groupe le plus vulnérable dans le pays.
    Puis-je revenir sur le projet du jour d’après? Le CRDI a aussi financé un grand projet. Bon nombre regroupent beaucoup de grandes leaders syriennes comme c’est le cas du projet du jour d’après. J’en connais également d’autres qui sont financés par l’Agence américaine pour le développement international.
    Au sujet des institutions, le journalisme citoyen a pris une nouvelle forme. C’est extraordinaire. Les jeunes de la région assument vraiment beaucoup de rôles impressionnants. Ironiquement, la société civile est encore plutôt solide. Alors, je ne m’inquiète pas de l’après-Assad; c’est davantage ce qui se passe aujourd’hui qui me préoccupe.
    Au moment de l’après-Assad, des Syriens seront prêts à prendre la relève et à prendre leur pays en main. Ils sont fortement éduqués. Les femmes le sont davantage que les hommes. À l’instar de la majorité du Moyen-Orient, dans cette société, les femmes sont plus éduquées que les hommes. Bref, les Syriens sont prêts. Ils attendent seulement que l’occasion se présente.
(1730)
    Merci à nos invités. Merci beaucoup de votre présence.
    Monsieur le président, avant de lever la séance, j’aimerais seulement proposer la motion sur le Budget supplémentaire des dépenses, si vous me le permettez.
    Certainement, avant le marteau... Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur le président, nous sommes saisis d’une motion. Je voulais la proposer; il s’agit d’une motion régulière en vue d’inviter le ministre des Affaires étrangères à comparaître devant notre comité à propos du Budget supplémentaire des dépenses (C) 2013-2014 avant le 6 mars, et c’est simplement en raison de l’échéance à ce sujet. Donc, je propose:
Que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international invite l'honorable John Baird, ministre des Affaires étrangères, à comparaître devant le comité à propos du Budget supplémentaire des dépenses (C) 2013-2014 avant le 6 mars 2014 et que cette séance soit télévisée.
    Nous devrons en discuter. Je réserverai donc du temps pour ce faire au cours de la prochaine séance. Cela vous convient-il?
    Une voix: Oui.
    Le président: D’accord. Nous en discuterons.
    Merci à tous. La séance est levée.
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