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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 24 mars 2014

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous commençons aujourd'hui notre séance d'information sur la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose.
    Je souhaite la bienvenue aux deux témoins venus nous entretenir à ce sujet aujourd'hui. Nous accueillons Helen Upperton, médaillée d'argent en bobsleigh à Vancouver.
    Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes ravis de vous recevoir. Je sais que vous avez vécu une expérience assez unique lors d'un voyage de vélo en Inde. Nous espérons en entendre parler un peu plus dans quelques instants.
    Nous recevons également Peter Saranchuk, conseiller sur la tuberculose et le VIH chez Médecins sans frontières.
    Bienvenue, monsieur. Nous sommes ravis de vous recevoir. Je ne sais pas combien de gens ont eu la chance de participer à la réception qui a eu lieu ce midi, mais c'est bon de vous revoir. Je suis content que nous ayons réussi à réserver une heure de votre temps.
    Madame Upperton, pourquoi ne pas commencer tout de suite par votre exposé de 10 minutes? Nous donnerons ensuite la parole à M. Saranchuk, après quoi nous ferons un tour de table et nous vous poserons quelques questions pendant le temps qui reste. Sur ce, je vous donne la parole.
    Je vous remercie infiniment de nous accueillir aujourd'hui. C'est un très grand honneur. C'est la deuxième fois que je viens au Parlement, mais c'est la première fois que je le fais dans ce contexte, donc je me suis préparé des notes que je vais lire, parce que c'est un peu intimidant, même pour une olympienne. Je vais faire de mon mieux.
    C'est une chance pour moi de vous raconter la belle histoire et la merveilleuse expérience personnelle qui m'ont marquée grâce à MSF dans ma démarche pour comprendre la tuberculose. Tout a commencé en janvier. J'ai reçu une invitation d'un monsieur que j'ai rencontré par hasard, le Dr Unni Karunakara, alors président international de MSF. Le Dr Unni et l'équipe de MSF de Toronto m'ont invitée à me joindre à lui dans une aventure vraiment fantastique. Lorsque le mandat d'Unni à titre de président international s'est terminé, il y a quelques temps, il y a à peine quelques mois, il a décidé qu'il avait envie de retourner dans son pays, l'Inde, après 20 ans passés à l'étranger. Il voulait renouer avec le pays pour discuter des enjeux mondiaux et locaux en matière de santé et mener une campagne de sensibilisation au nom de MSF. Pour ce faire, il a décidé d'enfourcher un vélo au nord de l'Inde pour se rendre jusqu'au sud. Il a parcouru 5 673 kilomètres en 112 jours. Je me suis jointe à lui le 93e jour.
    Les gens s'imaginent que pour l'athlète olympique que je suis, ce genre de voyage n'est pas si loin de ma zone de confort, mais j'étais vraiment hors de ma zone de confort. Ce n'était pas une simple marche dans un parc, même pour quelqu'un qui a l'habitude de s'élancer en bas d'une piste de béton à 130 kilomètres l'heure. Je suis une sprinteuse, donc je ne fais pas beaucoup d'activités d'endurance sur de longues périodes, sans mentionner que je n'étais jamais allée en Inde avant et que je n'avais rencontré le Dr Unni qu'une fois, deux ans avant cette grande aventure. Je m'attendais à vivre beaucoup de premières fois de ma vie, et c'est effectivement ce qui s'est passé. J'ai tout de suite dit oui à Unni et à l'équipe de MSF de Toronto. C'était une occasion en or, et je ne pouvais absolument pas dire non.
    La question que beaucoup de personnes me posent, c'est « pourquoi »? Pourquoi participer à ce projet; pourquoi s'y intéresser, pourquoi saisir cette chance? Je suppose qu'il y a deux volets à la réponse. J'ai passé ma vie à partager ma passion du sport avec à peu près n'importe qui était prêt à m'écouter, qu'il s'agisse de fonctionnaires, d'étudiants dans des salles de classe ou de gens d'affaires en milieu d'entreprise, et je trouve la passion très contagieuse. J'ai senti chez les gens que j'ai rencontrés à MSF, particulièrement chez le Dr Unni, une passion très intéressante à l'égard de MSF. J'ai été fascinée par cette idée d'une communauté mondiale qui contribue à améliorer la santé et le bien-être des gens partout dans le monde.
    Ce n'est pas tout. J'ai également passé plus d'une dizaine d'années à vivre un mode de vie assez égocentrique. La vie d'athlète est très égocentrique. Il faut se concentrer intensément sur un but, un objectif. Le mien était de représenter mon pays aux Jeux olympiques et éventuellement, de monter sur un podium olympique. Chaque décision qu'on prend doit être prise en fonction de ses propres besoins, et chaque mesure prise vise à rapprocher l'athlète de son but. C'est un mode de vie très centré sur la personne.
    Je fais de la compétition sportive depuis l'âge de 12 ans. J'ai représenté le Canada dans quatre sports différents, donc on peut dire que c'est une décision de vie. Ce n'est pas purement égoïste, puisque les athlètes amateurs au Canada ne font pas beaucoup d'argent et que la plupart d'entre nous pratiquons notre sport pour la joie de représenter notre pays et de participer à quelque chose que nous aimons. Ce n'est pas une aventure qui se vit seule, nous avons des équipes de personnes qui nous aident. Le gouvernement appuie les athlètes au Canada, tout comme les experts techniques, les experts des sciences du sport, les entraîneurs, les membres de nos familles et nos amis. Nous sommes très chanceux, au Canada, d'avoir autant d'appuis, et beaucoup d'athlètes cherchent des façons de redonner à la société, de faire quelque chose qui ne soit pas égoïste, d'aider les personnes moins chanceuses que nous.
    Beaucoup d'athlètes que je connais, comme moi, ont la même passion dans leur travail de bienfaisance, leur bénévolat pour des organisations sans but lucratif que dans leur sport. Souvent, on se fait offrir une voix et une tribune, où l'on peut parler de choses importantes non seulement pour soi, mais pour beaucoup de gens. C'est ce qui m'a menée à m'engager avec MSF. L'organisme m'a donné l'occasion non seulement de lever des fonds et de sensibiliser les gens au nom de l'organisation, mais aussi de découvrir les enjeux médicaux auxquels est confronté un pays que je n'avais vu auparavant et de comprendre en profondeur ce que signifie se battre contre une maladie comme la tuberculose, puisque je l'ai vu de mes yeux.
    Unni et moi avons pédalé pendant trois jours. Les jours deux et trois, nous avons parcouru plus de 210 kilomètres sur des petites routes indiennes entre Bangalore et Vellore, dans le sud de l'Inde. C'était une expérience vraiment inoubliable, qui m'a permis d'entrer en contact avec la culture, la cuisine, la misère et la beauté du pays, en plus de rencontrer beaucoup de personnes fantastiques. J'ai également pu passer de longues heures à parler avec Unni, de sa vie et de son expérience fascinantes grâce à son travail de président international de MSF dans la lutte contre diverses maladies dans le monde.
    Il m'a dit qu'il y a 25 ans, quand il allait à l'école à Bangalore, on l'appelait la ville jardin. Elle était pleine d'arbres et de fleurs, c'était une ville magnifique. Quand je suis allée à Bangalore, j'y ai simplement vu une ville très polluée et surpeuplée. Il semble que dans les grandes villes, en Inde, la population dépasse rapidement la capacité de l'infrastructure.
    Il y a environ 1,2 milliard d'habitants en Inde. Pendant que nous pédalions le long de cette petite route de campagne très accidentée, Unni m'a dit que chaque jour, le nombre de bébés nés en Inde équivaut à la population de l'Australie. Je n'ai jamais oublié cette statistique. C'est assez alarmant.
    Mon périple en vélo à travers Bangalore est l'une des expériences de vélo les plus traumatisantes que j'ai vécues dans ma vie. Le code de la route et les feux de circulation ne sont que des propositions en Inde, ils ne sont pas vraiment la règle. C'est l'un des nombreux moments où je me suis mise à apprécier mon propre pays un peu plus.
    Chaque jour, nous atteignions un nouvel État, et chacun paraissait comme un nouveau pays tellement le paysage, la culture et la nourriture changent de l'un à l'autre. Nous avons traversé trois États au total. Nous avons emprunté diverses routes pavées ou non. Quand on passe 10 heures par jour sur un vélo, on espère emprunter plus de routes pavées que de routes non pavées.
    À la fin de mon périple à vélo, j'ai pris l'avion jusqu'à Mumbai, où j'ai passé deux jours à en apprendre davantage sur MSF et ses projets en Inde. La clinique de MSF à Mumbai offre des traitements de deuxième et de troisième ligne contre le VIH, elle lutte contre l'hépatite C et la tuberculose multirésistante, la TB-MR. La tuberculose en général et la TB-MR représentent un immense problème en Inde. Ils ne sont pas seuls dans cette bataille. Il y a aussi beaucoup de cas de co-infection à cette clinique. J'ai passé des heures et des heures à écouter des patients, des médecins, des infirmières et des chercheurs me raconter leurs histoires et me parler de tous les projets qu'ils mènent là-bas.
    MSF m'a fait vivre l'une des expériences les plus mémorables de ma vie, ce qui n'est pas peu dire pour une personne qui a participé à deux Jeux olympiques. En compagnie d'un photojournaliste canadien et de l'une des infirmières de MSF, je suis allée rendre visite à une jeune fille de 18 ans atteinte d'une forme de tuberculose ultrarésistante dans les bidonvilles de Mumbai. Le simple fait de voir les bidonvilles de Mumbai est une expérience assez transformatrice en soi, mais c'est ma rencontre avec cette jeune fille incroyable et sa famille chez eux qui a fait naître en moi le désir profond de sensibiliser les gens et de lever des fonds pour combattre la tuberculose dans le monde.
    Il s'agit d'une étudiante, d'une très bonne étudiante, en fait. Elle a commencé des études en médecine. Son jeune frère et elle sont très intelligents et adorent l'école. Avec leurs parents, ils ont décidé qu'ils allaient prendre le train pour se rendre à une école plus éloignée afin de recevoir une meilleure instruction d'avoir de meilleurs enseignants.
    Il est un peu difficile d'imaginer à quoi ressemblent les trains à Mumbai. Ils sont tellement bondés qu'il y a souvent des gens suspendus aux fenêtres et aux portes à l'extérieur des trains. Elle croit que c'est là où elle a attrapé la tuberculose, dans cette très grande promiscuité avec les autres. Elle prenait le train deux fois par jour, tous les jours, pour aller à l'école.
    Ses symptômes ont tellement empiré que son père a fini par l'emmener à l'hôpital, où le personnel médical a utilisé la méthode diagnostique la plus répandue pour la tuberculose, une cytologie des expectorations, un test conçu il y a plus d'une centaine d'années. Après avoir reçu un résultat positif, elle a été astreinte à un régime de médicaments très forts contre la tuberculose pendant deux ans. Elle a dû ingérer 14 600 pilules, soit plus de 20 par jour pendant deux ans, et recevoir 240 injections, dont les effets secondaires sont tels que la plupart des patients se sentent moins bien pendant qu'ils prennent ces médicaments qu'avant de les commencer. La surdité permanente est l'un des effets secondaires potentiels de cette médication.
    Malgré le traitement, son état continuait de s'aggraver. Son poids a chuté sous la barre des 70 livres, tellement qu'elle a été obligée d'abandonner l'école et qu'elle ne pouvait plus quitter la maison. Sa famille avait très peur que quelqu'un ne découvre sa maladie et force la famille à quitter sa maison dans les bidonvilles à cause de la peur, un enjeu énorme dans la lutte contre cette maladie et pour son diagnostic. Son père était tellement désespéré de sauver sa fille qu'il a appris l'anglais afin de chercher d'autres options médicales, ce qui l'a mené à la clinique de MSF à Mumbai.
    La clinique de MSF l'a donc prise en charge et a découvert qu'elle était atteinte d'une forme de tuberculose multirésistante très complexe. Malheureusement, la cytologie des expectorations, que tellement de cliniques et d'hôpitaux du monde utilisent, ne permet pas de déterminer le type de tuberculose ni le type de médicament nécessaire pour la soigner. Par conséquent, on lui a donné les mauvais antibiotiques, ce qui a rendu la maladie encore plus résistante aux médicaments, qui n'étaient pas assez forts pour l'éradiquer, et a eu pour effet accidentel, évidemment, de rendre sa tuberculose déjà multirésistante ultrarésistante.
    Quand j'ai rencontré les membres de sa famille, en janvier dernier, ils étaient tous heureux et riaient. Elle avait recouvré la santé après... Elle en est au milieu de son deuxième plan de traitement sur deux ans contre la tuberculose multirésistante. Elle est retournée aux études. Elle se dit encore plus déterminée que jamais à devenir médecin et souhaite traiter les patients atteints de tuberculose. Elle croit qu'elle sera en mesure de comprendre leur frayeur et le malaise incroyable qu'ils peuvent ressentir pendant leurs traitements, mais qu'ils doivent absolument croire aux traitements même s'il n'y aucune garantie qu'ils vont les guérir.

  (1540)  

    Elle affirme qu'elle va devenir le meilleur médecin de Mumbai, et je suis prête à la croire.
    Il n'y a pas que cette famille qui a changé ma vie et m'a inspirée, il y a aussi toute l'équipe médicale de la clinique de MSF. Elle utilise des médicaments périmés et de vieilles techniques de diagnostic pour sauver des vies. On peut comprendre pourquoi les gens adhèrent si peu au traitement contre la tuberculose résistante et multirésistante. Il semble pratiquement impossible pour le personnel médical de convaincre quelqu'un de prendre autant de médicaments pendant si longtemps. La tuberculose touche plus facilement les personnes au système immunitaire affaibli. Il y a des jeunes et des vieux, des patients atteints du VIH, des diabétiques. Elle touche surtout les communautés pauvres. Malgré les obstacles, les équipes médicales étaient très positives et déterminées dans leur travail. Je me répétais sans cesse à quel point je voudrais pouvoir faire quelque chose pour les aider plus.
    Il y a beaucoup d'enjeux qui ne touchent pas vraiment les Canadiens. Malheureusement, la tuberculose n'en est pas un exemple. C'est un problème mondial. Compte tenu du manque de nouveaux médicaments et d'outils diagnostiques, l'un des épidémiologistes que j'ai rencontrés à la clinique de MSF m'a dit que la tuberculose résistante représentait une véritable crise mondiale.
    Je suis très fière d'être canadienne. C'est l'évidence pour une personne qui a représenté son pays si longtemps. Ce n'est pas une affirmation banale. Je suis vraiment fière de l'engagement que nous, les Canadiens, prenons dans des causes comme celles-ci. Nous avons contribué à hauteur de 650 millions de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. C'est énormément d'argent. C'est d'autant plus impressionnant que dans l'histoire, chaque fois que le Canada a renouvelé son engagement envers ce fonds, il a bonifié son appui de 20 %. Nous devrions tous en être très fiers. Cela me rend encore plus fière d'être canadienne.
    En 2009, nous avons également versé une subvention de 120 millions de dollars au Partenariat Halte à la tuberculose pour le lancement du Fonds pour l'extension des services de lutte antituberculeuse, qui vise à améliorer la détection de la tuberculose, un élément très important pour prévenir la propagation de la maladie. Cependant, je crois sincèrement que si nous ne continuons pas d'investir davantage dans la recherche et le développement, la tuberculose restera un problème mondial, compte tenu de tous les effets secondaires douloureux et effrayants des médicaments utilisés dans les plans de traitement, qui durent de six mois à deux ans et qui dissuadent les gens de prendre des médicaments, ce qui ne fait qu'augmenter le nombre de personnes atteintes de la maladie. Je disais justement à l'un de mes coéquipiers que nous arrivons à envoyer des gens dans l'espace et à cloner des animaux, mais que nous n'arrivons même pas à trouver de meilleurs remèdes ni à mieux détecter une maladie qui touche 9 millions de personnes par année. C'est assez fou.
    Faute d'investissements en R et D pour moderniser les outils et les techniques de diagnostic, les patients comme la jeune fille que j'ai rencontrée à Mumbai continueront de recevoir de mauvais diagnostics, ce qui risque de contribuer à la propagation de nouvelles souches de tuberculose plus résistantes ou multirésistantes, ou pire encore, de nous empêcher de diagnostiquer la maladie chez certains patients, qui vont simplement retourner chez eux, dans leur communauté, dans leur famille, parmi leurs proches, et continuer de répandre la tuberculose.
    Je crois que nous pouvons tous faire quelque chose pour aider. Grâce à la campagne canadienne et à ce projet mondial, je crois que nous pouvons renverser la tendance sur la tuberculose. Peter me disait ce matin que cette maladie peut être prévenue et guérie. Cela me donne beaucoup d'espoir pour l'avenir.
    Merci.

  (1545)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Saranchuk, je vais vous céder la parole pour 10 minutes.

  (1550)  

    Très bien. Je vous remercie infiniment, monsieur le président. Je remercie également les membres du comité de me permettre de prendre la parole à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose.
    Je suis médecin de formation et je viens de St. Catharines, en Ontario. Je travaille depuis 10 ans en contexte international avec Médecins sans frontières, Doctors Without Borders, ce qui m'a principalement mené dans le sud de l'Afrique, mais également en Chine et en Inde. J'ai également participé à un projet de MSF de lutte contre la tuberculose et le VIH en Ukraine.
    J'aimerais vous montrer quelques images et vous en parler un peu. La première représente une personne qui éternue. On peut voir que quand une personne éternue, des centaines et même des milliers de gouttelettes sortent de sa bouche. C'est la même chose quand on tousse. Si la personne se trouve à être porteuse de la tuberculose active, le bacille de la tuberculose sera présent parmi ces gouttelettes. Le fait est que la tuberculose se transmet par l'air. Certaines gouttelettes restent en suspension dans l'air non seulement quelques secondes ou quelques minutes, mais parfois des heures. Si l'aération n'est pas très bonne et qu'une personne a toussé dans la pièce bien avant que nous ne soyons tous arrivés, il restera des gouttelettes en suspension dans l'air.
    Tout cela pour vous rappeler que la tuberculose se transmet par l'air. Il s'agit d'une menace à la santé publique dans tous les pays du monde, donc quiconque voyage, passe du temps dans une pièce en compagnie d'autres personnes et où d'autres personnes sont passées avant risque d'inhaler le bacille de la tuberculose.
    Il importe de faire la distinction entre la tuberculose sensible aux médicaments et la multirésistante. Je vous rappelle que MR est l'abréviation de multirésistante. Elle qualifie le bacille de la tuberculose résistant à au moins deux des médicaments les plus communs et les plus puissants qu'on utilise habituellement pour traiter la tuberculose. La tuberculose sensible aux médicaments et la tuberculose résistante se distinguent par le fait, entre autres, que la tuberculose sensible aux médicaments peut être diagnostiquée grâce à un examen au microscope dont Hélène vous a parlé, qui est un procédé assez simple qui consiste à regarder un échantillon au moyen d'un microscope, alors qu'il faut un test beaucoup plus poussé en laboratoire pour détecter la tuberculose multirésistante. Quand les ressources sont limitées, comme dans bien des pays où MSF est présent, ces laboratoires n'existent pas nécessairement, ce qui rend plus difficile le diagnostic de la tuberculose multirésistante.
    Je répète que la tuberculose se guérit. Il faut habituellement environ six mois pour traiter la tuberculose sensible aux médicaments, tandis qu'il peut falloir plus de 20 mois pour traiter la tuberculose multirésistante. Le nombre de médicaments nécessaires pour traiter la tuberculose sensible aux médicaments est de quatre, habituellement selon une combinaison de doses fixes, si bien que c'est un régime assez facile à appliquer. Le nombre de médicaments passe toutefois à six, dont une injection quotidienne pour traiter la tuberculose multirésistante.
    Les effets secondaires des médicaments utilisés contre la tuberculose sensible aux médicaments, bien qu'ils soient possibles, ne sont généralement pas très courants. Par contre, il devient probable de ressentir des effets secondaires du traitement contre la tuberculose multirésistante. Le coût du traitement d'un patient atteint de la tuberculose sensible aux médicaments est de moins de 100 $. Pour la multirésistante, il est de plus de 5 000 $, pour un seul patient.
    Voici une image prise à la clinique qu'Hélène a visitée à Mumbai. On y voit une femme atteinte de tuberculose active, une forme de tuberculose multirésistante, et sur la seconde image, on voit le nombre de pilules qu'elle doit ingérer chaque jour, en plus de cette injection. On voit ici qu'il peut falloir jusqu'à deux ans pour traiter la tuberculose multirésistante. C'est un traitement assez long et engageant qui implique beaucoup de pilules, la possibilité d'effets secondaires parfois très graves, qui peuvent aller de la perte d'audition aux nausées ou aux vomissements incurables, en passant par les problèmes de santé mentale, de reins et de foie.

  (1555)  

    C'est un régime difficile à suivre. On comprend donc que les gens veuillent arrêter le traitement lorsque les symptômes de tuberculose commencent à s'estomper. Le problème, c'est que le patient n'est toujours pas guéri, et les symptômes vont finir par refaire surface.
    Ce qui est le plus problématique, c'est que la plupart des gens atteints de tuberculose pharmacorésistante — 81 % — ne reçoivent pas de diagnostic ou s'ils en reçoivent un, ils ne sont pas traités efficacement. Sur 19 % qui reçoivent un traitement efficace, seule la moitié est guérie. Ce traitement difficile que je viens de décrire, qui peut s'étirer sur deux ans, ne permet en fait de guérir que la moitié des personnes traitées. La plupart des personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante n'en guérissent jamais, et celles-ci continuent généralement à vaquer à leurs activités quotidiennes. Elles vont travailler malgré leur toux, empruntent les transports publics, et exposent les autres au germe de la tuberculose pharmacorésistante.
    Vous voyez sur cette page un site Web que MSF a aidé à établir. Cela s'appelle « Un diagnostic, un traitement ». Il s'agit d'un manifeste contre la tuberculose pharmacorésistante. La femme que vous voyez vient de l'Afrique du Sud. Elle s'appelle Phumeza. Son histoire ressemble à celle de la patiente à Mumbai dont Helen a parlé. Elle avait la tuberculose. Elle n'a pas reçu le bon traitement au premier diagnostic, et sa tuberculose pharmacorésistante s'est transformée en tuberculose ultrarésistante, encore plus virulente que la tuberculose multirésistante. Elle a reçu le traitement. Elle a finalement été guérie, mais a subi comme effet secondaire une grave perte auditive. Elle a travaillé avec les professionnels de la santé qui l'ont suivie pour raconter son histoire. Ensemble, ils ont créé ce manifeste, qui expose toutes les difficultés que cela suppose et la nécessité d'offrir un meilleur traitement.
    Je demanderais aux membres du comité, s'ils en ont le temps, de jeter un coup d'oeil à ce site Web et, s'ils sont en faveur du message qu'il véhicule, de signer le manifeste. C'est une façon d'unir nos voix pour provoquer le changement de toute urgence.
    Encore une fois, le défi consiste notamment à diagnostiquer la tuberculose pharmacorésistante. Et même si elle est diagnostiquée correctement, bien des patients ne reçoivent pas le traitement approprié. Et lorsque les patients sont mal traités, ils continuent à propager les germes de la tuberculose pharmacorésistante un peu partout dans le monde. C'est une menace à la santé publique qui n'est pas près de disparaître. La situation se détériore, elle ne s'améliore pas. Nous devons travailler ensemble, ainsi qu'investir davantage dans la recherche-développement afin de développer un schéma thérapeutique plus efficace et réaliste qui peut être appliqué à plus grande échelle, de façon à ce qu'on puisse traiter près de 100 % des personnes atteintes à l'échelle mondiale, plutôt que 20 % comme maintenant.
    Merci.
    Merci, docteur Saranchuk.
    Pouvons-nous faire deux tours de cinq minutes?
    Une voix: Oui, cela irait.
    Le président: Nous allons donc nous limiter à cinq minutes par intervenant. Nous pourrons ainsi faire deux tours.
    Commençons avec vous, madame Laverdière.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leur présentation très intéressante.
    J'aimerais commencer par Mme Upperton. Je suis d'accord avec elle pour dire que la tuberculose est un enjeu planétaire, mondial. Comme je l'ai souvent dit, mon mari a la tuberculose. Elle n'est pas active chez lui, mais il a été en présence de quelqu'un qui avait la tuberculose; il a été exposé à la tuberculose.
    Ce que vous faites est admirable. Essayez-vous d'inciter d'autres athlètes olympiques à faire des choses similaires?

  (1600)  

[Traduction]

    J'essaie de le faire avec quelques-uns de mes proches collaborateurs. Calgary est un centre important pour la communauté des Jeux olympiques d'hiver, et c'est là que j'habite et que je travaille en ce moment. Beaucoup de gens travaillent avec différentes organisations et défendent différentes causes. Plusieurs athlètes m'ont fait part de leur intérêt lorsqu'ils ont appris ce que je faisais avec MSF. MSF n'avait jamais vraiment eu de porte-parole auparavant. La majeure partie de son financement provient de dons publics. Notre partenariat avait aussi pour but de sensibiliser la population canadienne.
    On a discuté de la possibilité d'engager plus de gens dans la campagne. L'organisation fait de l'excellent travail. J'ai eu l'occasion de passer en Inde, là où la tuberculose, et en particulier la tuberculose pharmacorésistante, pose la plus grande menace. D'où mon engagement envers cette cause. J'espère pouvoir en inciter d'autres à faire de même. Je pense que les athlètes font de bons porte-parole, et comme je le disais tantôt, nous sommes très heureux d'être associés à une bonne cause, car nous recevons beaucoup quand nous nous entraînons pour atteindre nos objectifs sportifs, et c'est une façon pour nous de redonner à la société.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Docteur Saranchuk, trouvez-vous que l'accès aux médicaments pour traiter la tuberculose dans les pays en développement est suffisant? Y a-t-il suffisamment de médicaments pour traiter la tuberculose dans les pays en développement?
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    L'accès aux médicaments est assurément un énorme problème, alors je soutiens généralement des projets menés dans des milieux où les ressources sont limitées, notamment en Afrique du Sud, ou encore en Inde et en Ukraine, comme je le disais. Souvent, les soignants savent qu'un schéma thérapeutique de quatre, cinq ou six médicaments s'impose, mais ils n'ont peut-être accès qu'à deux de ces médicaments. Ils se résignent ainsi à donner deux médicaments, un traitement qui est loin d'être suffisant et qui fait plus de tort que de bien. Il faut changer cela.
    Il y a trois façons de traiter la tuberculose. On peut administrer le traitement adéquat, ne pas du tout administrer de traitement, ou administrer le mauvais traitement. C'est encore mieux de n'administrer aucun traitement que de se contenter d'un traitement insuffisant. Malheureusement, la majeure partie de toutes les personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante dans le monde reçoivent un traitement inadéquat, soit parce que la maladie n'a pas été diagnostiquée à temps, soit parce que les médicaments ne sont tout simplement pas disponibles.
    C'est un point très intéressant, en effet. Merci.
    Cela m'intéresse particulièrement, car j'ai proposé le projet de loi d'initiative parlementaire C-398, qui aurait réformé le Régime canadien d'accès aux médicaments (RCAM), de façon à pouvoir exporter aisément des médicaments, en particulier pour traiter la tuberculose. Pensez-vous qu'il serait utile de réformer le RCAM pour faciliter l'accès à un régime de médicaments?
    Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour répondre à cette question, seulement parce que j'ai surtout travaillé dans un contexte international et que je suis de retour au Canada depuis peu seulement, mais je vous dirais que si cela peut permettre de réduire le coût de ces médicaments, de 5 000 $ à un prix beaucoup plus raisonnable, cela serait effectivement très utile.
    C'est le but.
    Ai-je terminé?
    Oui, vos cinq minutes sont écoulées. Cela passe vite.
    Merci, madame Laverdière.
    Nous passons donc à Mme Brown pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être ici. C'est une question très importante et le Canada s'y intéresse de très près.
    Vous avez parlé des 650 millions de dollars que le Canada s'est engagé à remettre au Fonds mondial. J'étais à la conférence pour le réapprovisionnement du fonds qui a eu lieu à Washington, en décembre, et j'étais très fière de faire cette annonce au nom du Canada. Il s'agit en effet d'une hausse de 20 % par rapport aux années précédentes. Le réel problème est que des promesses sont faites, mais elles ne sont pas toujours tenues, alors il y a un écart entre ce qu'on annonce et ce qui est vraiment disponible.
     Je suis certaine, docteur, que vous êtes confronté à ce problème également sur le terrain. Je suis heureuse de dire que le gouvernement a toujours respecté ses promesses de don. Les Canadiens peuvent être fiers de cette initiative, que nous avons veillé à concrétiser.
    Une des raisons pour lesquelles nous avons délié notre aide... et je sais que ma collègue a parlé de ce projet de loi, mais nous savons qu'il ne passera pas, parce qu'il faut respecter les droits de propriété intellectuelle. Sachant cela, nous avons décidé de délier notre aide pour que ces médicaments puissent être achetés au meilleur prix possible sur le marché mondial. Cela permet de faire diminuer les prix, et nous savons que l'accès s'en trouve facilité, parce qu'une aide déliée veut aussi dire une utilisation optimale de cet argent.
    J'étais au Bangladesh avec Résultats Canada, madame Upperton. Nous en avons parlé brièvement sur l'heure du dîner. Je suis allée là-bas. J'ai vu dans quelle désolation ces gens-là vivent. La propagation de la tuberculose est probablement l'une des choses les plus effrayantes auxquelles sont confrontés les habitants des bidonvilles.
    Docteur, j'ai vu entre autres au Bangladesh la formation de ce qu'on appelle des shasta shabikas. Ce sont des femmes, surtout, qui sont formées pour mener les tests les plus élémentaires pour que les gens... On peut ainsi obtenir les résultats des laboratoires beaucoup plus rapidement que par les autres mécanismes en place. Nous avons beaucoup investi dans la santé maternelle, néonatale et infantile, et nous souhaitons notamment voir des gens formés sur le terrain pour faire un diagnostic précoce. Pouvez-vous nous parler brièvement de la façon dont cela se passe dans les pays où vous avez travaillé?

  (1605)  

    Merci de me poser la question.
    C'est effectivement important. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tout le monde soit capable de se rendre aux établissements de santé, alors notre travail consiste en grande partie à aller à la rencontre des collectivités et de faire des diagnostics sur place. Ce qui arrive avec la tuberculose pharmacorésistante, par contre, c'est que le diagnostic doit se faire dans un laboratoire mieux équipé. C'est bien que nous puissions aller sur le terrain, mais il faut que les échantillons puissent être transmis d'une manière ou d'une autre. À l'heure actuelle, nous prélevons les échantillons, mais ils doivent tout de même être transportés vers un laboratoire plus sophistiqué.
    Nous avons besoin d'un meilleur test qui nous permettrait d'établir un diagnostic sur place. Encore là, il faut que cela soit suivi d'un schéma thérapeutique plus tolérable. Nous n'avons pas de traitement tolérable en ce moment — tolérable pour les patients et facile à prescrire pour les praticiens —, et je pense que c'est une des raisons qui fait que la tuberculose pharmacorésistante est encore mal diagnostiquée. Nous avons besoin d'un traitement plus efficace.
    Quel niveau d’expertise doit-on avoir pour établir un tel diagnostic? Faut-il que ce soit un médecin, une infirmière, une infirmière en santé communautaire? Quelle expertise faut-il avoir?
    Avec les projets de Médecins Sans Frontières, nous sommes en faveur de la délégation des tâches, c’est-à-dire de permettre à des travailleurs de la santé de s’occuper de choses qui sont normalement confiées à des praticiens plus spécialisés. Ces travailleurs de la santé peuvent certainement reconnaître les symptômes de tuberculose et prélever des échantillons, mais les résultats finaux sont trouvés dans un laboratoire plus sophistiqué, normalement grâce à de l’équipement technique coûteux. Alors, dans nos projets, nous devons soutenir le travail des laboratoires, en plus de nous occuper des campagnes de diagnostic dans les collectivités.

  (1610)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Garneau, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d’être ici aujourd’hui, et merci pour le travail que vous faites dans la lutte contre la tuberculose et d’autres troubles médicaux.
    Je n’en sais pas beaucoup au sujet de la tuberculose. Je sais que mon épouse, qui est infirmière, a dû prendre des médicaments pendant six mois. Je ne me souviens pas exactement dans quelles circonstances c’est arrivé, mais je sais qu’elle a dû suivre ce traitement.
    Quel est le pronostic pour les personnes qui n’ont jamais été traitées? Qu’est-ce qui leur arrive? Est-ce une mort certaine qui les attend? Que se passe-t-il?
    C’est une très bonne question.
    Évidemment, il y a 100 ans, quand il n’existait pas de traitement, un tiers des personnes atteintes en guérissaient spontanément, un tiers tombaient malades et en mourraient, et les autres développaient des symptômes chroniques de tuberculose. Elles transmettaient le germe de la tuberculose aux autres.
    De nos jours, il y a une autre complication, et je parle du VIH. Les personnes souffrant du VIH qui contractent une tuberculose active vont voir leur santé se dégrader et vont en mourir. Seulement, avant de mourir, elles propagent le germe de la tuberculose à… tout dépend de la collectivité, mais souvent à des dizaines de personnes.
    Est-ce qu’un effort concerté, unifié et coordonné à l’échelle mondiale permettrait d’éliminer cette maladie?
    Il y a deux réponses à cette question. La première porte sur la tuberculose non pharmacorésistante, une maladie curable grâce à un traitement tolérable relativement peu coûteux.
    C’est possible pour la tuberculose pharmacorésistante, même si avec le schéma actuel nous ne pouvons pas donner ce traitement à tous ceux qui en ont besoin. On enregistre ainsi un taux croissant de tuberculose pharmacorésistante parmi tous les cas de tuberculose recensés dans bon nombre de pays dans le monde. La situation est pire dans certains pays, particulièrement en Europe de l’Est et en Asie centrale, de même qu’en Inde. Dans certains pays, les médicaments contre la tuberculose sont disponibles sans ordonnance. Les gens ont une toux et vont à la pharmacie, achètent ces médicaments pour soulager leur toux, et contribuent au développement de la tuberculose pharmacorésistante.
    C’est une chose de donner des médicaments aux personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante ou non pharmacorésistante, mais quel est le rôle de la recherche dans tout cela? Est-ce possible que la recherche permette de trouver une solution qui faciliterait grandement le traitement et qui pourrait éliminer la maladie? Est-ce que tout a été fait du côté de la recherche?
    C'est l'élément clé en ce moment, ou l'un des éléments clés. Il faut investir davantage dans la recherche. Heureusement, deux nouveaux médicaments ont été mis au point au cours des deux dernières années. Toutefois, nous ne savons pas encore comment les utiliser ensemble. Nous ne pouvons pas en utiliser un seul pour favoriser la guérison. Il faut les utiliser ensemble, mais nous ne connaissons pas la meilleure façon de les combiner pour l'instant. Nous devons effectuer des recherches à cet égard et nous devons élaborer des traitements plus efficaces et plus tolérables.
    Il est donc vrai que la recherche et le développement sont très importants à ce stade-ci.
    Est-ce que les compagnies pharmaceutiques investissent, ou s'agit-il de l'un de ces cas où elles estiment que ce n'est pas très rentable?
    Je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour répondre à cette question, mais je peux vous dire que ces deux nouveaux médicaments ont été mis au point par des compagnies pharmaceutiques.
    Merci.
    Merci, monsieur Garneau.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour.
    Madame Grewal, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici aujourd'hui.
    Le Canada affiche un des taux de tuberculose les plus bas au monde, alors cela nous étonne d'apprendre que chaque année, comme Mme Upperton l'a souligné, neuf millions de personnes sont touchées par la tuberculose. Cette maladie emporte environ 1,4 million de personnes annuellement, et chez un grand nombre d'entre elles, la maladie n'avait pas été diagnostiquée. Le gouvernement du Canada, comme l'a déclaré Mme Brown, s'est engagé à non seulement réduire le taux de tuberculose au Canada, mais aussi à s'attaquer à cette terrible maladie dans d'autres régions du monde.
    En 2009, comme l'a précisé Mme Brown, le Canada a versé plus de 120 millions de dollars au Stop TB Partnership pour qu'il mette sur pied l'initiative TB REACH, qui vise à utiliser les programmes communautaires pour accroître la détection précoce des cas de tuberculose et faire en sorte que le traitement soit commencé au bon moment. TB REACH a appuyé jusqu'à maintenant environ 109 projets dans 44 pays. Le premier ministre a annoncé en décembre que le gouvernement verserait 650 millions de dollars sur trois ans au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ce qui signifie que des milliers de personnes dans le monde recevront les traitements dont ils ont besoin pour guérir, ce qui nous permettra de progresser davantage vers l'éradication de la tuberculose.
    Selon vous, comment les pays ou les gouvernements occidentaux peuvent-ils le mieux contribuer à la lutte contre la tuberculose?

  (1615)  

    Est-ce que votre question s'adresse à moi?
    Vous pouvez répondre tous les deux.
    Je vous remercie pour cette question.
    Je pense qu'on revient encore une fois à la recherche. Actuellement, il n'existe aucun traitement pour les enfants précisément. Cela signifie qu'en général les enfants reçoivent des doses trop faibles ou trop fortes de médicaments, ce qui est vraiment triste.
    À mon avis, la contribution de l'Occident et de pays comme le Canada est extraordinaire, mais il faut faire davantage de recherche et de développement pour favoriser les diagnostics précoces et accroître l'accès aux médicaments afin d'améliorer les taux de guérison. Autrement, le problème persistera.
    C'est ce que je dirais également. Je crois que la recherche opérationnelle constitue un élément important. C'est fantastique que le Canada ait contribué au Fonds mondial, mais il reste que le traitement demeure trop difficile à suivre pour la plupart des gens. Nous devons investir pour élaborer un traitement contre la tuberculose résistante aux médicaments qui soit plus tolérable et qui peut être administré pendant quelques mois plutôt que quelques années. En outre, comme Helen l'a mentionné, il faut un traitement adapté aux enfants. Souvent, ce sont les enfants qui en souffrent. Quand une personne est atteinte de la tuberculose résistante aux médicaments, c'est toute sa famille ou sa communauté qui est touchée.
    Monsieur le président, je vais céder le reste de mon temps de parole à M. Anderson.
    Il existe une organisation qui s'appelle l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination. Quel rôle joue-t-elle dans la lutte contre la maladie?
    Je suis désolé, mais je ne suis pas la meilleure personne pour répondre à cette question. En ce moment — pardonnez-moi, c'était...
    C'est au sujet de la vaccination.
    En ce moment, le seul vaccin contre la tuberculose dont nous disposons est le BCG. Il est administré aux enfants, mais il est moyennement efficace. Il contribue à réduire la prévalence d'un type de tuberculose grave chez les enfants, mais, en général, il n'est pas efficace chez les adultes, et c'est pourquoi on ne le leur donne pas.
    Alors on l'administre aux enfants, mais vous dites que lorsqu'ils deviennent adultes, il ne les protégera fort probablement pas.
    Les personnes qui risquent de contracter la maladie sont celles dont le système immunitaire est affaibli, c'est-à-dire celles qui sont atteintes du VIH, qui sont diabétiques, qui souffrent de malnutrition ainsi que les enfants de moins de cinq ans et les personnes âgées. Si les enfants de moins de cinq ans reçoivent tôt dans leur vie le vaccin BCG, ils risqueront moins de contracter des formes graves de tuberculose, comme la méningite tuberculeuse. Ils seront plutôt infectés par la tuberculose pulmonaire, qui entraîne moins de morbidité et de mortalité.
    David, nous reviendrons à vous. C'est tout le temps que nous avons.
    Nous allons maintenant passer à M. Saganash, et ensuite, à Mme Laverdière.

[Français]

    Je vous remercie tous deux de votre contribution à nos travaux.
    Félicitations, Helen. Je trouve admirable ce que vous faites. Bravo! Vous avez raison d'être une fière Canadienne, à mon avis.
    J'ai moi-même été envoyé dans un pensionnat pour Autochtones, ce qu'on appelait les residential schools. On a vu beaucoup de cas de tuberculose dans ces pensionnats.
     Je représente également une région où il y a beaucoup de communautés autochtones. Dans quelques-unes d'entre elles, les conditions de vie sont celles du tiers-monde, on peut le dire. Les habitations sont très souvent surpeuplées.
    Connaît-on les statistiques concernant la tuberculose et les peuples autochtones au Canada? Dispose-t-on de ce genre d'information? Docteur Saranchuk, je vous pose la question.

  (1620)  

[Traduction]

    Je vous remercie pour cette question.
    Je le répète, je ne suis pas la meilleure personne pour y répondre. J'ai surtout travaillé à l'étranger, mais je sais qu'effectivement au Canada, il y a des régions où la tuberculose continue d'être un problème. Personnellement, je trouve triste de revenir au Canada et d'entendre parler de cette situation. La tuberculose est une maladie qui se traite. Le diagnostic et le traitement précoces peuvent rapidement et facilement réduire la prévalence dans n'importe quelle région du monde, y compris au Canada. Je n'ai pas de données à ce sujet malheureusement, mais je sais qu'il faut dans le monde des diagnostics et des traitements précoces pour la tuberculose, notamment celle résistante aux médicaments.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Vous avez aussi parlé de la difficulté de traiter les enfants qui ont la tuberculose. Par ailleurs, je crois savoir qu'il y a aussi des difficultés à diagnostiquer la maladie chez les enfants.

[Traduction]

    C'est plus difficile. Pouvez-vous expliquer davantage pourquoi c'est plus difficile chez les enfants que chez les adultes?
    Je vous remercie pour votre question.
    Pour diagnostiquer la tuberculose, nous avons besoin d'un prélèvement. Habituellement, nous essayons d'abord d'effectuer un prélèvement d'expectorations. Dans le cas d'un adulte, c'est généralement facile à faire s'il tousse, mais il est difficile de faire tousser un jeune enfant pour obtenir des expectorations que nous pouvons faire analyser dans un laboratoire. Voilà un problème.
    Par ailleurs, les enfants ont davantage tendance à développer une tuberculose extrapulmonaire. Il s'agit d'une tuberculose qui se trouve ailleurs que dans les poumons. Si elle cause une méningite ou qu'elle se trouve dans les ganglions, les reins ou d'autres organes, il est difficile d'effectuer un prélèvement. C'est le premier obstacle.
    Deuxièmement, dans le cas de la tuberculose résistante aux médicaments, on doit utiliser les formulations pour les adultes chez les enfants. Nous prenons les quatre, cinq ou six médicaments que nous utilisons pour les adultes, et, s'il s'agit d'une capsule, nous devons l'ouvrir et mélanger la poudre avec de l'eau et en donner la moitié le matin et la moitié le soir. Invariablement, les enfants reçoivent trop ou pas assez de médicaments. il y a des problèmes à la fois sur le plan du diagnostic et du traitement de la tuberculose, particulièrement la tuberculose résistante aux médicaments chez les enfants.
    Merci.
    Ma question s'adresse à vous deux. Pensez-vous que nous allons atteindre les OMD, les Objectifs du millénaire pour le développement, en ce qui a trait à la tuberculose?
    En ce qui concerne la tuberculose non résistante aux médicaments, je répondrai oui, mais je dirais non pour la tuberculose résistante, car il s'agit d'un problème qui ne fera qu'empirer si nous n'investissons pas maintenant. En effet, il sera deux fois plus important dans 20 ans et il entraînera beaucoup plus de coûts. Tous les pays du monde doivent donc investir maintenant.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons terminer avec M. Anderson. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais lire une citation et j'aimerais vous entendre au sujet de ce portrait qui diffère de la situation que vous nous décrivez pour voir ce qu'il en est. Il s'agit d'une citation du Dr Bertozzi, qui a été directeur du programme pour le VIH à la Fondation Bill et Melinda Gates et qui est doyen à l'Université Berkeley. Il a dit ceci:
Grâce aux investissements effectués par le Fonds mondial... d'incroyables progrès ont été réalisés dans le monde dans la lutte contre ces maladies. Plus de la moitié des personnes qui ont besoin d'un traitement contre le VIH en reçoivent; la vaste majorité des cas de tuberculose sont détectés et traités; et plus de la moitié des familles susceptibles de contracter le paludisme en Afrique sont protégées par des moustiquaires de lit. Depuis le début des années 2000, les décès liés au SIDA, à la tuberculose et au paludisme ont considérablement diminué. On n'a jamais autant sauvé de vies et nous devons continuer sur cette lancée.
    Il félicite également le Canada pour son leadership.
    Je me demande comment cela cadre avec le tableau que vous nous avez brossé. Est-ce que les deux situations se produisent en même temps? Connaissons-nous du succès en même temps que la maladie s'étend à d'autres régions?

  (1625)  

    Je vous remercie pour cette question. Simplement pour clarifier les choses, je tiens à dire que je suis d'accord avec ces constatations, mais je le répète, il faut faire une distinction entre la tuberculose non résistante aux médicaments et celle qui est résistante. Dans le cas de la tuberculose non résistante, ces constatations sont vraies. Pour la tuberculose résistante, ce n'est pas le cas pour l'instant. Nous devons investir davantage si nous voulons que ce soit le cas.
    Vous avez parlé du traitement administré aux adultes, de combinaisons de médicaments. Je me demande pourquoi il n'existe pas un traitement adapté aux enfants. On n'en trouve tout simplement pas sur le marché ou est-ce que les compagnies pharmaceutiques ont décidé de ne pas en élaborer? Quelles en sont les raisons?
    Je le répète, je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour répondre à cette question. Une réponse trop simpliste pourrait être qu'il n'y a tout simplement pas d'incitatif. Il n'y a pas suffisamment d'enfants chez qui la tuberculose résistante est diagnostiquée pour qu'une compagnie pharmaceutique veuille investir dans l'élaboration d'un traitement adapté aux enfants.
    Les compagnies pharmaceutiques ne connaissent-elles pas la situation? Pourquoi ont-elles l'impression qu'il n'y a pas suffisamment de cas? Ne sont-elles pas au courant ou est-ce qu'elles ne font tout simplement rien?
    Il y a des estimations et des chiffres réels sur le nombre de cas diagnostiqués. Parce qu'il est très difficile de diagnostiquer la tuberculose chez les enfants, très peu d'entre eux font partie des statistiques et des données.
    Mais vous nous dites que ce sera un problème de taille dans certaines régions du monde, et pourtant, il semble que les compagnies pharmaceutiques restent les bras croisés.
    Peut-être que mes propos paraissent un peu trop négatifs. Pour être un peu plus positif, je pourrais dire que les compagnies pharmaceutiques doivent travailler avec les gouvernements et les chercheurs pour élaborer ce dont nous avons besoin. Nous ne l'avons pas encore, particulièrement pour maîtriser l'épidémie de tuberculose résistante, surtout chez les enfants.
    D'accord.
    J'aimerais poser à vous deux une question au sujet du financement. On m'a dit qu'un engagement financier de 12 milliards de dollars a été pris à Washington en décembre. Il arrive parfois que tout cet argent ne soit pas versé au bout du compte, mais je me demande si vous pensez qu'il faut qu'une partie soit consacrée à la R et D et une autre portion à la prestation des soins? Comment devrait-on déterminer la façon dont cette somme doit être utilisée? Que proposez-vous?
    C'est une bonne question, mais il est difficile d'y répondre. Ce sujet dépasse peut-être un peu mes connaissances et mes compétences, mais j'ai appris certaines choses et j'ai acquis de l'expérience depuis le début. Tous les jours j'en apprends davantage au sujet de la tuberculose et de ce que font notre pays et la communauté internationale pour lutter contre cette maladie, et j'entends continuellement dire qu'il faut se concentrer sur l'amélioration du diagnostic et des médicaments. Nous pouvons continuer d'utiliser les médicaments actuels, qui permettront de guérir certaines personnes, et les techniques de diagnostic que nous employons maintenant, qui permettront de déceler certains cas, mais si nous voulons vraiment éradiquer la tuberculose, nous avons besoin de meilleurs outils.
    Pensez-vous qu'il faut faire de la recherche et du développement avant l'application, car il y a peut-être des éléments qui nous échappent dès le début du processus?
    Il faut probablement une approche qui comporte deux volets.
    J'en ai appris encore davantage aujourd'hui grâce à Peter. Je suis certaine qu'il peut mieux répondre que moi, car je risque de faire une erreur, mais je crois qu'il a dit que lorsqu'une personne infectée reçoit les bons médicaments, elle n'est plus contagieuse après une ou deux semaines. C'est aussi rapide que cela.
    C'est la même chose pour les personnes atteintes de la tuberculose résistante. C'est peut-être un peu plus long, car il faut peut-être deux ou trois mois avant qu'elles ne soient plus contagieuses. Elles doivent tout de même prendre des médicaments pendant une période de deux ans, mais si elles reçoivent les bons médicaments, ou que la guérison est plus rapide, on peut imaginer que la prévalence de la tuberculose et de la tuberculose résistante diminuera considérablement.
    C'est une constatation très intéressante. Le problème est attribuable au diagnostic erroné et au non-respect du plan de traitement très complexe.
    Merci.
    Voulez-vous faire un bref commentaire, Dr Saranchuck? Ensuite, nous terminerons.
    Je voudrais renchérir sur ce qu'Helen a dit. Pour que le diagnostic s'améliore, il faut qu'il existe un traitement efficace. Dans le cas de la tuberculose résistante, il n'y a pas de traitement efficace. S'il y en avait un, le diagnostic s'améliorerait, tous les cas pourraient être diagnostiqués, tout le monde pourrait être traité et cesserait rapidement d'être contagieux, et la tuberculose ne se propagerait plus.

  (1630)  

    Merci.
    Dr Saranchuk, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous avons été ravis de vous recevoir.
    Helen, je vous remercie de vous passionner pour ce sujet.
    Nous allons suspendre la séance. Nous reprendrons pour entendre d'autres témoins.
    Merci.

  (1630)  


  (1635)  

     Nous allons reprendre la séance. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux témoins.
    Nous accueillons, par vidéoconférence depuis Washington, Michael Druckman, qui est le directeur résident...
    Je suis désolé, Michael. J'ai du mal à lire mes notes. Je pense que finalement je vais avoir besoin de lunettes. Je résistais depuis un certain temps...
     Des voix: Oh, oh!
     Le président: ... mais il semble que je n'ai plus le choix.
    Michael est donc le directeur résident de l'International Republican Institute.
    Je vous remercie d'être avec nous.
    Nous accueillons également Carl Gershman, qui est président du National Endowment for Democracy.
    Je vous souhaite la bienvenue, Carl. Nous sommes ravis de vous recevoir.
    Oui, monsieur Anderson?
    Monsieur le président, puis-je vous interrompre un instant?
    Je veux seulement faire un commentaire. Nous avons déjà tenu des audiences sur l'Ukraine et l'intervention de la Russie dans ce pays et nous pensions, je crois, que nous avions sans doute épuisé la question. Je crois que ce qui s'est passé au cours des dernières semaines a ravivé notre intérêt pour ce dossier. Nous avons certes été — je crois que je peux parler pour tout le monde — consternés par les actions agressives de la Russie contre l'Ukraine.
    Le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont, dès le début, discuté avec les Ukrainiens et ils les ont appuyés, et c'est ce qu'ils continueront de faire. Le ministre des Affaires étrangères a été le premier ministre à se rendre en Ukraine pour reconnaître le nouveau gouvernement. Le premier ministre est maintenant le premier chef d'État à se rendre en Ukraine pour donner son appui au gouvernement.
    Je suis très heureux qu'il y ait consensus à la Chambre des communes. Je pense que nous sommes tous sur la même longueur d'onde. Nous ne nous entendons peut-être pas sur certains détails, mais dans l'ensemble, la population canadienne appuie très fortement les mesures et l'engagement pris par le Parlement et le gouvernement à l'égard de l'Ukraine. Par exemple, durant la période des questions aujourd'hui, la première question qu'a posé le chef de l'opposition officielle portait sur ce sujet, et, plus tard, les libéraux, qui ont soulevé une question de privilège, sont revenus sur ce dossier.
    Nous sommes heureux de travailler avec l'opposition et les autres députés. Nous sommes très déçus de ces actions agressives de la Russie et de sa décision d'intervenir encore de cette manière en Ukraine, et nous croyons que la façon dont nous allons aborder la situation en Ukraine est inextricablement liée à la manière dont nous allons réagir aux actions de la Russie.
    Je vous remercie de m'avoir permis de faire ce bref commentaire.
    D'accord. Maintenant, nous allons...
    Je suis désolée, monsieur le président. Pourrais-je avoir 20 secondes pour répondre à cela?
    Bien sûr.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    J'aimerais souligner le fait que nous sommes tous extrêmement préoccupés par la situation en Ukraine. Ce dossier va au-delà de la partisanerie. Nous y avons travaillé avec le gouvernement. Le chef de l'opposition a posé sa première question aujourd'hui sur ce sujet et nous avons l'intention de continuer à travailler avec le gouvernement sur cette question fort importante.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    J'aimerais réaffirmer que les députés du Parti libéral se joignent certainement à ceux du gouvernement et du NPD à ce sujet. Nous sommes reconnaissants des séances d'information qui nous ont été offertes par le gouvernement. Nous sommes prêts à contribuer de quelque manière que ce soit. Nous sommes tous solidaires à l'égard de la question de l'Ukraine et des mesures qui sont actuellement envisagées ou qui ont été prises contre la Russie.
    Merci.
    Sur ces mots, nous pouvons commencer.
    Michael, pourriez-vous livrer votre exposé? Nous entendrons ensuite celui de Carl.
    Bienvenue, monsieur. Vous avez la parole.

  (1640)  

    Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, je suis honoré de comparaître devant le comité aujourd'hui au nom de l'International Republican Institute, ou l'IRI. Nous aimerions remercier le comité de nous avoir invités à partager nos réflexions sur la situation en Ukraine et à vous brosser un tableau des activités de l'IRI. Je suis également heureux de faire suite à la discussion que vous avez eue avec le président de l'IRI, l'ambassadeur Green, lors de sa comparution devant votre comité.
    Monsieur le président, c'est la première fois, depuis qu'elle a acquis son indépendance en 1991, que l'Ukraine a une telle occasion de réformer ses systèmes politique, économique et judiciaire. Mais en même temps, des menaces externes et internes pèsent sur ce pays. Il est essentiel que la communauté internationale appuie le processus démocratique en Ukraine, surtout pour veiller à ce que les élections présidentielles qui se dérouleront en mai soient transparentes. Ces élections seront importantes, car elles stabiliseront le pays et elles permettront au nouveau gouvernement de mettre en oeuvre ces réformes à long terme.
    En novembre 2013, le brusque revirement du président Ianoukovych à l'égard de l'intégration européenne a déclenché des manifestations spontanées parmi les citoyens ukrainiens de partout au pays, et surtout à Kiev. Le gouvernement ukrainien a tenté de réprimer le mouvement, communément appelé EuroMaïdan ou Place de l'Europe, en utilisant la violence physique contre les participants, dont la plupart étaient des étudiants.
    À la suite de la répression féroce exercée par le gouvernement le 30 novembre, environ un million d'Ukrainiens de partout au pays se sont rendus dans la capitale pour exercer leur droit de manifester pacifiquement. La violence a éclaté de nouveau en janvier et à la mi-février, et les forces du gouvernement ont utilisé des balles de caoutchouc, des bombes de gaz lacrymogène et des canons à eau contre les manifestants pacifiques. En dépit de l'augmentation de la violence et du nombre de victimes, les manifestants ont refusé de libérer la Place de l'Indépendance, le centre du mouvement EuroMaïdan à Kiev.
    Par conséquent, le gouvernement a placé des tireurs d'élite partout dans la ville et ils ont tiré de façon arbitraire sur les manifestants. Le 21 février, les leaders de l'opposition ont enfin signé une entente avec l'ancien président Ianoukovych pour, entre autres, mener des élections présidentielles au plus tard en décembre 2014.
    Toutefois, l'entente n'a pas été acceptée par les manifestants du mouvement EuroMaïdan, et Ianoukovych a fui la capitale, renonçant ainsi à la présidence. En son absence, le 22 février, le Parlement a élu Olexandre Tourtchinov président intérimaire et a prévu une élection présidentielle anticipée le 25 mai 2014. Le Parlement a également voté la libération de l'ancienne première ministre Ioulia Timoshenko, qui avait passé plus de deux ans en prison à la suite d'accusations motivées par des raisons politiques.
    Mécontent des événements en Ukraine, le premier ministre russe Dimitri Medvedev a affirmé que ces événements représentaient une « mutinerie armée », en ne tenant pas compte du fait que l'Ukraine est un pays indépendant. À la fin février, lorsque les yeux de la communauté internationale n'étaient plus braqués sur la région et sur les Olympiques de Sotchi, les forces russes ont envahi la péninsule de Crimée en Ukraine, en prenant tout d'abord le contrôle du Parlement de Crimée, et ensuite des bases navales et des avant-postes militaires de la région.
    Le 16 mars, la Crimée, occupée par la Russie, a demandé un référendum qui propose deux choix sur le bulletin de vote: le rattachement à la Russie ou l'accroissement de l'autonomie. L'option de maintenir le statu quo n'était pas offerte. Le référendum a été considéré, à juste titre, comme étant illégal par la communauté internationale. Il faut également souligner que le vote a été boycotté par la communauté tatare de Crimée, une population autochtone de Crimée qui a été forcée de s'exiler en Asie centrale par Joseph Staline en 1944 et qui a seulement été en mesure de revenir en Crimée après l'effondrement de l'Union soviétique.
    Les Tatars de Crimée sont considérés parmi les peuples les plus progressifs de la péninsule, car ils ont grandement soutenu le mouvement EuroMaïdan. Le Qurultay, leur organisme dirigeant, n'était pas, au départ, une entité directement élue. En mai 2013, de leur propre initiative, les Tatars de Crimée ont tenu leurs premières élections directes pour cet organisme de représentation. L'IRI, avec l'appui de l'Agence américaine pour le développement international, a observé les élections du Qurultay en 2013. Il s'agissait des seules élections tenues dans le cadre de l'ancien régime du président Ianoukovych qui répondaient aux normes internationales.
    Même si le président russe Vladimir Poutine a tenté de persuader les dirigeants tatars de Crimée d'appuyer le référendum du 16 mars en leur promettant des postes au gouvernement et la sécurité, ces derniers ont refusé. Les membres de la communauté tatare n'avaient pas oublié — et la communauté internationale devrait également s'en souvenir — que parmi les premières victimes de l'invasion de la Crimée par les Russes, il y avait Reshat Ametov, un militant tatar de Crimée dont le corps a été retrouvé portant des marques de torture après son enlèvement.
    Selon les résultats officiels du référendum de Crimée tenu le 16 mars, 97 % des électeurs souhaitaient le rattachement à la Russie. Toutefois, selon un sondage mené par l'IRI en mai 2013, seulement 23 % des résidents de la Crimée appuyaient le rattachement à la Russie. Même si ce sondage n'est pas très récent, il représente fidèlement la situation, car il a été mené en temps de paix. Dans le même sondage, l'IRI a découvert que 53 % des résidents de la Crimée appuyaient le maintien du statu quo avec l'Ukraine. Ces résultats présentent un contraste frappant avec ceux annoncés à Simferopol il y a 10 jours, pendant que les troupes russes défilaient dans les rues de la ville.

  (1645)  

    Même si la Russie semble consolider son pouvoir sur la péninsule de Crimée, elle a également aggravé les tensions dans l'est et le sud de l'Ukraine. Lorsque le conflit a éclaté en Crimée, des groupes pro-Russes se sont formés dans l'est de l'Ukraine et ont tenté de prendre le contrôle d'édifices gouvernementaux et d'appuyer la Russie.
    Au cours des dernières semaines, plusieurs Ukrainiens ont été tués par ces groupes pro-Russes lors d'affrontements entre ces groupes et les manifestants pro-Ukraine dans les villes de Donetsk et Kharkiv. Dans les deux cas, les faits semblent indiquer que les groupes pro-Russes ont tenté de provoquer les manifestants et de troubler l'ordre public, et de projeter l'image d'une situation politique instable dans laquelle les Russes d'origine ou les russophones étaient menacés.
    Ces événements ont eu des répercussions importantes sur la situation politique de l'Ukraine. De nouvelles forces politiques ont émergé du mouvement Euromaïdan, et d'autres ont perdu de la vigueur. Le président intérimaire Tourtchinov et le Parlement ont tenté d'agir rapidement pour stabiliser la situation en constante évolution en formant un nouveau gouvernement moins d'une semaine après le désistement de l'ancien président.
    Le nouveau premier ministre, Arseniy Yatsenyuk, a promis d'entreprendre des réformes économiques et politiques et de progresser vers l'intégration européenne de l'Ukraine. Le 20 mars, Yatsenyuk a signé un accord d'association avec l'Union européenne et a officiellement annoncé le plan du gouvernement visant à accélérer la création de liens économiques et politiques avec l'Europe.
    Étant donné que l'élection présidentielle a été fixée au 25 mai, les candidats potentiels ont jusqu'à la fin mars pour annoncer leur candidature. Jusqu'ici, le champion de boxe Vitali Klitschko, leader de l'Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme, a annoncé son intention de se présenter avec un programme électoral fondé sur la promesse de réaliser l'intégration européenne de l'Ukraine. En plus de Klitschko, le leader du Secteur droit, Dmitry Yarosh, connu pour son franc-parler, a également annoncé son intention de se porter candidat, et a récemment demandé une politique de non-alignement pour l'Ukraine. Sergiy Tigipko, du parti de l'ancien président, le Parti des régions, a également annoncé sa candidature, et a parlé d'un remaniement complet du système politique. D'après ce que nous comprenons, l'homme d'affaires influent Petro Poroshenko envisage également de poser sa candidature. Enfin, on s'attend à ce que Ioulia Timoshenko annonce sa candidature bientôt.
    L'objectif de l'aide fournie par l'IRI dans les processus électoraux, avec le soutien de l'USAID et de la National Endowment for Democracy, est de veiller à ce que la prochaine élection présidentielle réponde aux normes internationales. Si l'Ukraine, et en particulier l'est du pays, peut organiser une élection pacifique, ouverte et transparente le 25 mai, elle pourra continuer d'être un pays souverain et indépendant et sera en mesure de progresser vers la voie démocratique, constitutionnelle et occidentale. L'Occident doit faire tout en son pouvoir au cours des deux prochains mois pour l'aider en ce sens, et cela doit devenir notre priorité commune. De plus, des élections transparentes permettraient à l'Ukraine d'élaborer des politiques économiques saines et de continuer de construire ses institutions démocratiques. C'est pourquoi il est difficile d'exagérer l'importance, pour l'avenir du pays, d'une élection présidentielle libre, équitable et bien gérée le 25 mai.
    Toutefois, l'Ukraine ne sera pas en mesure d'atteindre cet objectif à court terme si le pays continue de devoir faire face à la menace d'une invasion armée dans ses territoires de l'Est et du Sud. Il revient à l'Occident d'utiliser tous les moyens à sa disposition pour prévenir cette menace externe.
    L'IRI a amorcé des programmes en Ukraine en 1994, en collaboration avec plusieurs bailleurs de fonds des États-Unis, de l'Europe et du Canada. L'IRI s'est efforcé d'appuyer la création de partis politiques nationaux bien organisés et profitant d'une large base électorale. L'organisme y est parvenu en fournissant régulièrement aux partis des données sur l'opinion publique, afin d'éclairer leur processus de prise de décisions. L'IRI a également utilisé les données obtenues grâce à des sondages pour former des coalitions entre les partis aux vues similaires en se concentrant sur les enjeux. L'IRI fournit régulièrement aux partis politiques et aux candidats des formations de campagne sur la formulation des messages et sur le ciblage des électeurs. L'IRI offre actuellement ce type de formation en vue des élections du 25 mai.
    L'IRI s'efforce également de promouvoir la gouvernance démocratique partout en Ukraine. Souvent, dans ce pays, les hauts dirigeants locaux ne connaissent pas leurs droits et leurs responsabilités. En plus d'offrir des séances de formation pour informer les hauts dirigeants au sujet de ces droits, l'IRI a récemment commencé à former un réseau d'élus locaux axé sur la réforme. En offrant ses séances de formation initiales, l'IRI a observé que les hauts dirigeants locaux d'une partie du pays n'étaient souvent pas au courant des réformes entreprises par leurs homologues d'autres villes dans le pays. C'est pourquoi l'IRI tente de créer des liens entre ces hauts dirigeants en organisant des voyages d'étude et des échanges, par exemple en offrant à des hauts dirigeants de la Crimée l'occasion observer des pratiques exemplaires dans l'ouest de l'Ukraine. L'IRI cherche à étendre ce programme, en s'efforçant surtout de créer des liens entre les élus locaux de l'est et de l'ouest de l'Ukraine.
    Enfin, pour garantir des élections transparentes et libres au niveau national, il est nécessaire d'obtenir la participation d'observateurs internationaux et non partisans qui surveilleront le déroulement du jour de l'élection et légitimeront les résultats. L'IRI a envoyé une délégation d'observation à chaque élection présidentielle et parlementaire de l'Ukraine depuis que le pays a déclaré son indépendance en 1991. À la suite de ces missions d'observation, chaque délégation a publié un rapport complet, et ces rapports ont servi de fondement aux réformes subséquentes entreprises par la Commission électorale centrale de l'Ukraine.
    En conclusion, après les élections du 25 mai, l'IRI a l'intention de continuer ses travaux, notamment en aidant le nouveau gouvernement à construire des institutions démocratiques fondées sur le principe d'une représentation responsable.

  (1650)  

    L'objectif immédiat de la communauté internationale doit être d'aider l'Ukraine à créer une impression de stabilité et de sécurité, afin que les élections du 25 mai se déroulent de façon transparente. Cela permettra ensuite à l'Ukraine de se concentrer sur les réformes économiques, judiciaires et politiques que le pays doit mettre en oeuvre.
    Encore une fois, l'Ukraine ne peut pas atteindre la stabilité si sa préoccupation principale est de protéger ses frontières contre une invasion militaire potentielle. Ainsi, l'Occident doit continuer de faire tout en son pouvoir pour minimiser la pression aux frontières dans le Sud et dans l'Est de l'Ukraine.
    Merci de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Druckman. Vous n'êtes pas à Washington, comme je l'ai dit plus tôt, mais vous êtes ici avec nous aujourd'hui. Je vous en suis reconnaissant et je m'excuse de ma méprise.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à M. Gershman, qui représente le National Endowment for Democracy.
    Monsieur, vous avez la parole pendant 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très honoré de présenter un témoignage sur l'Ukraine au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. C'est aussi formidable que nos deux capitales soient liées de façon électronique.
    Permettez-moi également de souligner qu'au début de la réunion, nous avons entendu du bipartisanisme canadien, et cela est aussi reflété dans le National Endowment for Democracy. En effet, Michael représente notre institut républicain, mais nous avons également un institut pour le Parti démocratique, et nous travaillons tous ensemble sur la question de l'Ukraine.
    L'invasion par la Russie et l'annexion de la Crimée, soutenues par la doctrine revanchiste du président Poutine telle qu'énoncée dans son discours consternant du 18 mars, menacent plus que la sécurité et l'intégrité territoriales de l'Ukraine. Comme on peut le lire dans le magazine The Economist cette semaine:
... c'est une menace encore plus vaste qui s'étend à tous les pays, car M. Poutine est passé sur l'ordre mondial existant avec un char d'assaut.
    Vladimir Poutine n'est pas Adolf Hitler, et la Russie d'aujourd'hui ne représente pas une menace aussi sérieuse que l'Allemagne nazie en 1938 et 1939, mais pourtant, l'analyste Anders Aslund a raison lorsqu'il établit des parallèles troublants entre le discours émotionnel, belliqueux et plein d'apitoiement prononcé par Poutine au Kremlin et le discours public de l'Allemagne nazie pendant les années qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale, en particulier le discours d'Hitler dans lequel il déclarait la guerre à la Pologne. Ces parallèles concernent des notions comme définir la nationalité en se fondant sur le langage et l'ethnicité plutôt que sur le statut d'État, se réserver le droit d'intervenir pour soutenir les Russes d'origine n'importe où, mettre l'accent sur des torts historiques, affirmer que les frontières ont mal été délimitées, affirmer que les dirigeants postsoviétiques ont trahi la Russie, justifier l'annexion de la Crimée avec un référendum truqué, et rendre l'Occident responsable de la crise actuelle, comme Hitler a attribué la responsabilité de son attaque contre la Pologne à la fourberie du Royaume-Uni et de la France.
    La chancelière d'Allemagne, Angela Merkel, préfère l'analogie de 1914 à celle de 1938 lorsqu'il s'agit de trouver des façons de contenir la crise actuelle au lieu de l'envenimer. L'hypothèse implicite dans ce cas semble soutenir que le plus grand danger n'est pas une puissance belliqueuse et revanchiste, mais plutôt l'échec à prévoir et à empêcher le carnage qui pourrait s'ensuivre. Toutefois, l'analogie de 1914 soulève également d'autres parallèles troublants entre le monde de 1914 et celui d'aujourd'hui: la complaisance des démocraties prospères, l'hypothèse selon laquelle la mondialisation économique a eu raison des divisions nationalistes, la croyance selon laquelle les normes mondiales émergentes éliminent la nécessité d'une diplomatie appuyée par la dissuasion militaire, et l'instabilité créée lorsque, comme George Weigel l'a dit dans un exposé récent sur la Première Guerre mondiale, « les grandes puissances qui défendent l'ordre mondial restent sans rien faire pendant que les forces du désordre s'intensifient. »
    Certains réalistes en matière de politique étrangère ont soutenu que la Russie d'aujourd'hui défend simplement ses intérêts au sein de sa propre sphère d'influence, mais cet argument ne tient absolument pas compte de l'essence et de la source de la crise en Ukraine. Elle n'a pas éclaté parce que l'Union européenne ou les États-Unis ont heurté les intérêts de la Russie envers l'« étranger proche », comme la Russie appelle les pays qui faisaient autrefois partie de l'Union soviétique. Elle a éclaté parce que des millions de personnes en Ukraine se sont insurgées contre une kleptocratie et ont exigé la reddition de comptes et la primauté du droit.
    Ne tiendrons-nous pas compte des aspirations de la population de l'Ukraine ou la forcerons-nous à se plier aux exigences géopolitiques? Dans son discours du 18 mars, Poutine a soutenu que le mouvement Euromaïdan étant contrôlé par des nationalistes, des néo-nazis, de russophobes et des antisémites, qui avaient recours à la terreur, aux meurtres et aux émeutes pour s'emparer du pouvoir. Dans ce cas, il prouve qu'il est un digne successeur des dirigeants soviétiques et un vrai produit du KGB, car il a élevé le grand mensonge au sommet de son discours politique. Il a fait renaître l'inversion orwellienne selon laquelle la vérité peut servir d'outil pour justifier des actions qui seraient autrement impossibles à défendre. Il nous rappelle ce qu'a dit Alexander Solzhenitsyn dans son discours à la remise du prix Nobel en 1970, c'est-à-dire que tous ceux qui ont autrefois fait de la violence leur méthode doivent inévitablement faire du mensonge leur principe. Il a ensuite dit que notre tâche était de vaincre le mensonge.

  (1655)  

    C'est ce que les dirigeants juifs ukrainiens ont fait le 5 mars, quand ils se sont unis pour dénoncer les mensonges et les propos calomnieux de Poutine et qu'ils ont déclaré — je les cite — que:
... nous savons très bien que nos très rares nationalistes sont solidement contrôlés par la société civile et par le nouveau gouvernement ukrainien; nous ne saurions en dire autant des néo-nazis russes, qui sont encouragés par vos services de sécurité.
    L'accusation selon laquelle le mouvement EuroMaïdan est dirigé par des russophobes est aussi mensongère. On signale dans The Economist que bon nombre des personnes abattues sur la place de l'Indépendance par les tireurs de M. Ianoukovitch venaient de l'est russophone du pays.
    Quand l'ex-prisonnier politique russe Mikhaïl Khodorkovsky s'est récemment adressé à des dizaines de milliers d'Ukrainiens, sur la place Maïdan, faisant l'éloge de leur révolution populaire et multiethnique pour la liberté et la dignité, les Ukrainiens lui ont répondu en scandant: « Gloire à la Russie! Gloire à la Russie! »
    En réponse à l'accusation de russophobie, voici ce qu'a écrit Timothy Snyder, l'auteur de la célèbre étude intitulée Terres de sang, qui relate le massacre de quelque 14 millions de non-combattants par Staline et Hitler, avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale:
Il existe un pays où des millions de russophones sont privés de leurs droits fondamentaux. Ce pays est la Fédération de Russie. Il existe un pays voisin où des dizaines de millions de russophones jouissent de droits fondamentaux — malgré les perturbations causées par une révolution et par l'invasion russe. Ce pays est l'Ukraine.
    Snyder écrit aussi que le véritable problème de Poutine, en Ukraine, ce n'est pas la russophobie, mais plutôt le fait que ce soit un pays « de gens libres qui parlent librement en russe et qui pourraient servir d'exemple aux Russes, un jour ». Autrement dit, ce que Poutine craint, c'est une place Maïdan à Moscou. Par toute sa démagogie et par ses efforts pour imposer de nouveau la loi de la Russie dans les pays proches, il cherche à empêcher cela. Cette crainte est d'autant ironique que Poutine a prétendu à répétition que la Russie et l'Ukraine, comme il l'a dit dans son discours devant le Kremlin, « forment un seul peuple » et qu'ils « ne peuvent vivre l'un sans l'autre ».
    Tandis que nous défendons la liberté de l'Ukraine, il ne faut pas oublier celle de la Russie. Nous ne devons pas oublier qu'il existe une autre Russie, celle d'un Khodorkovsky exilé; celle de personnes courageuses comme les défunts Andreï Sakharov, Anna Politkovskaïa et Natalia Estemirova; et la Russie d'innombrables militants qui mènent la lutte aujourd'hui et qui courent aujourd'hui le plus grand danger, avec Poutine qui, dans son discours au Kremlin, a dit d'eux qu'ils forment une cinquième colonne, un ramassis disparate de traîtres à la nation.
    Poutine a connu un bref sursaut de popularité, avec son discours démagogique nationaliste, mais le mécontentement en Russie est aussi grand sous Poutine qu'il l'était en Ukraine sous Ianoukovitch, et la haine des personnes corrompues y est aussi intense. Ce mécontentement s'intensifiera vraisemblablement quand l'impérialisme gourmand de la Russie et de Poutine commencera à se faire sentir par des déficits budgétaires monstres, par l'amenuisement de l'investissement étranger direct et par l'accroissement des fuites de capitaux, ce qui, d'après l'économiste russe Sergueï Gouriev, ne pourrait se produire à un pire moment, vu la stagnation actuelle de l'économie russe.
    À partir de maintenant, je pense que nous devons nous concentrer sur trois grandes priorités. La première est de tout faire pour aider l'Ukraine à profiter de la percée de la place Maïdan et à devenir un pays véritablement démocratique qui réussit à combler les espoirs de dignité et de liberté pour lesquels tant d'Ukrainiens ont sacrifié leur vie.
    Le plus urgent, outre les ressources requises pour stabiliser l'économie de l'Ukraine, c'est d'aider l'Ukraine à tenir des élections présidentielles libres, justes et pacifiques, le 25 mai. Il faudra à cette fin soutenir les surveillants nationaux et étrangers, les groupes de la société civile qui favorisent la tenue de campagnes d'éducation et de mobilisation des électeurs, ainsi que les médias indépendants. Il sera aussi extrêmement important de surveiller et de contrer les efforts que Moscou pourrait déployer pour enlever toute légitimité au nouveau gouvernement en perturbant les élections dans l'est et le sud du pays.

  (1700)  

    Il faudra aussi resserrer les capacités de défense de l'Ukraine et commencer à l'aider à diversifier ses ressources énergétiques.
    La deuxième priorité serait de décourager pour de bon les agressions de la Russie en renforçant les capacités de l'OTAN et les capacités de défense des États limitrophes, et en soutenant la Géorgie et la Moldavie. Il faudrait intensifier les sanctions en ajoutant les noms des alliés économiques et politiques de Poutine à la liste annoncée la semaine dernière, et en mettant fin à la participation de la Russie au G8 et à son processus d'accession à l'Organisation de coopération et de développement économiques.
    En plus de leurs bienfaits sur la situation politique et la sécurité, ces mesures encourageront les démocrates de la Russie. L'un d'eux nous a écrit la semaine passée pour nous demander d'exprimer en son nom sa gratitude pour le durcissement des sanctions que le président Obama a annoncé jeudi. Il a admis que Poutine pourrait répondre à ces sanctions par une répression plus dure. Je le cite: « Nous pouvons nous attendre à du harcèlement et, même, à des arrestations et des violences, mais nous n'en sommes pas moins très heureux de sentir un réel soutien de notre pays et de notre peuple. Vous ne pouvez imaginer à quel point c'est important! Cela nous donne de l'espoir: nous ne luttons pas en vain. »
    Ce n'est effectivement pas en vain, et c'est ce qui m'amène à la troisième priorité. Nous tous — les États-Unis et leurs alliés, les parlementaires et les membres de la société civile — devons nous exprimer clairement sur la question de la démocratie et des libertés de la personne. Pour diverses raisons, dont celle de chercher à résoudre de difficiles problèmes nationaux, les démocraties du monde n'ont pas proposé de vision de ce qu'elles préconisent, moralement et politiquement.
    Ce qui s'est produit en Ukraine donne l'occasion de retrouver un rôle démocratique, non seulement parce que la situation relative à la sécurité est plus urgente depuis que la Russie a annexé la Crimée et que Poutine a énoncé sa nouvelle doctrine, mais aussi en raison de l'exemple donné par le mouvement EuroMaïdan, un mouvement qui est à la recherche du renouveau civique et qui a ainsi fait une déclaration de dignité. Ce n'est qu'un début, et ce qui s'en vient sera très difficile, mais si l'Ukraine mène à bien sa quête historique de démocratie, il deviendra possible de réaliser ce dont nous avons parlé en 1989 sans jamais y arriver: une Europe entière et libre. Si cela se produit, nous vivrons tous dans un monde bien plus sûr, bien plus libre et bien plus pacifique.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Gershman.
    Je vais de nouveau demander au groupe d'y aller pour des questions de cinq minutes, de sorte que nous puissions en poser le plus possible. Nous ne pourrons pas faire plus d'un tour et demi.
    Nous commençons par Mme Laverdière.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci à vous deux pour de très intéressants exposés sur un sujet des plus importants.
    Je serai brève, car je n'ai que quelques minutes.
    Vous avez tous les deux parlé du jour des élections et de l'importance d'y déléguer des observateurs, mais que pouvons-nous faire à l'avance, avant les élections? Serait-il utile d'envoyer des observateurs sur le terrain avec les élections? Vaut-il mieux travailler de façon multilatérale ou bilatérale? Qu'est-ce que vous suggérez? Ma question s'adresse à vous deux.

  (1705)  

    Monsieur Gershman, je vous laisse y aller en premier.
    Merci beaucoup. C'est une excellente question.
    Oui, je pense fermement qu'il faut agir maintenant et être constamment présents d'ici aux élections du 25 mai. Il sera, entre autres choses, très important de soutenir les médias et les observateurs indépendants qui sont en mesure de suivre les possibles perturbations causées par la Russie et par ses agents, de publiciser cela et de tout faire pour empêcher cela.
    Deuxièmement, il faudra absolument mobiliser et éduquer les électeurs. Il existe des organisations ukrainiennes de la société civile qui le font, et nous sommes prêts... Nous aurons une réunion du conseil vendredi, et nous allons approuver de nombreuses subventions qui sont destinées à cela... à toutes ces choses qui servent à raffermir la société civile. Les instituts de notre parti aideront les partis à se préparer aux élections.
    Il sera aussi nécessaire d'y avoir des observateurs de l'intérieur, et non seulement des observateurs de l'étranger, pour que cela devienne un effort national de la part de l'Ukraine, ainsi que de la communauté internationale, en vue d'élections réussies qui représenteront un premier grand pas vers une Ukraine démocratique capable de faire partie de l'Ouest démocratique.
    Je vous remercie de cette question.
    Sur la délégation rapide de surveillants sur le terrain, je suis tout à fait d'accord. Le Canada a toujours de très importantes délégations aux élections, particulièrement aux plus récentes élections en Ukraine. Cependant, en plus de déléguer à long terme des personnes additionnelles qui feront de l'observation sur le terrain, nous signalons à nos amis ukrainiens que nous sommes là avec eux, que nous travaillons ensemble, avec les organisations de la société civile. Les partenaires internationaux de l'Ukraine seront très visibles, aux côtés des Ukrainiens, en cette période d'élections.
    Pour ce qui est de la coordination, je suis très heureux de dire que notre ambassade a magnifiquement coordonné les efforts électoraux, de concert avec l'ambassade américaine, en tenant et en coordonnant des réunions des diverses parties prenantes et organisations là-bas et en s'assurant que les efforts ne chevauchent pas et que toutes les ressources sont utilisées de manière réfléchie. Elle a travaillé en particulier avec les groupes locaux sur le terrain qui s'intéressent non seulement au suivi des médias, mais aussi aux questions de sécurité et d'intégrité des électeurs.
    Très brièvement, parce que j'ai très peu de temps, vous avez tous les deux parlé d'une manière ou d'une autre de la montée du mécontentement à l'égard de la Russie.
    Comment envisagez-vous que la situation évoluera en Russie au cours des mois à venir?
    Une spécialiste russe est venue donner une conférence au NED, la semaine passée. Elle a dit n'avoir aucune idée, et elle est russe, et spécialiste de la Russie, alors je ne veux pas faire comme si je savais. Je n'ai pas de boule de cristal.
    Cependant, je suis fermement convaincu de ce que j'ai dit dans mon exposé. Il ne faut pas oublier que la Russie est un pays qui est véritablement depuis fort longtemps en pleine crise existentielle — ce n'est pas tout simplement une crise économique, mais c'est aussi une crise démographique. La population est en baisse. La Russie connaît donc de terribles problèmes — de corruption, de santé —, et maintenant, elle adopte une attitude impérialiste et cherche à prendre le contrôle d'autres peuples. Le coût qu'elle devra payer pour cela est extraordinaire.
    L'année passée, la fuite des capitaux que la Russie a connue a été de l'ordre de 63 milliards de dollars. Cette fuite va prendre de l'ampleur avec les riches de Russie qui vont essayer de protéger leurs ressources de ce qu'ils considèrent comme étant une grande insécurité.
    Il y a eu des investissements étrangers directs de 80 milliards de dollars en Russie. Ces investissements vont diminuer au fur et à mesure qu'il devient manifestement plus difficile d'investir en Russie et que des règles interdisant cela sont prises. Je m'attends à l'intensification de la crise économique en Russie.
    En plus, les Russes en général haïssent profondément les personnes qui acceptent les pots-de-vin. Selon un sondage publié par l'Académie des sciences de la Russie, 34 % des gens de Moscou ont dit qu'ils aimeraient abattre sur le champ toute personne qui a accepté des pots-de-vin, et que les deux tiers des Moscovites aimeraient le faire. C'est de la haine.
    Maintenant, Poutine se sauve — du moins il pense qu'il se sauve — en essayant de soulever l'hystérie nationaliste. Il a bien eu un sursaut de popularité, mais cela va retomber.
    Nous devons voir l'économie russe aujourd'hui comme une sorte de Potemkine. Il y a quelque chose de faux. Ils ont de la richesse et des ressources. Ils seront en mesure de commettre certaines agressions, mais en fin de compte, je pense que les contradictions de l'économie russe s'accentueront, que la grogne montera et que les militants en ce moment isolés en viendront à exercer bien plus d'influence à l'avenir.

  (1710)  

    Merci.
    Merci beaucoup, madame Laverdière.
    Nous allons passer à M. Anderson, pour cinq minutes.
    En fait, j'aimerais poursuivre à peu près dans le même sens.
    Je me pose des questions sur les sanctions économiques imposées en Ukraine. Il semble que leur efficacité a été la meilleure quand les oligarques entourant Ianoukovitch se sont mis à en ressentir les effets, et c'est vraiment alors qu'il semble s'être mis à porter son attention sur les problèmes.
    Pouvez-vous nous en dire un peu sur le rôle des sanctions économiques? Comment pouvons-nous les mettre en oeuvre efficacement? Ils nous en ont imposé aussi aujourd'hui, et quelques-uns de nos députés interviennent dans cela aussi. Mais comment les rendre plus efficaces? Vous parlez de la faiblesse de l'économie russe, mais comment pouvons-nous les cibler pour qu'elles soient aussi efficaces que possible?
    Monsieur Druckman, vous pouvez commencer si vous le voulez.
    Je vous remercie de cette question.
    D'après nos constatations des derniers mois sur le terrain, en Ukraine, une fois que les sanctions ont été mises en place, l'ex-président Ianoukovitch a très rapidement perdu ses appuis au sein de la législature. Le gouvernement intérimaire a ainsi pu se mettre à adopter très rapidement des lois permettant de rétablir la stabilité dans le pays. Mais ce sont les sanctions qui visaient ces gens, leurs entreprises et leurs transactions financières qui ont fonctionné. Quand il a été question d'argent, ils sont partis. Ils ont pris l'argent et, dans certains cas, ils ont essayé de quitter le pays avec.
    Une fois ce soutien disparu, le château de cartes s'est écroulé.
    C'est manifestement différent pour la Russie, et les circonstances diffèrent sur le terrain. Selon bien des gens — les Ukrainiens et autres, ici — l'adoption de sanctions ciblées en Ukraine s'est probablement faite trop tard, mais quand les sanctions ont été prises, les résultats ont été immédiats.
    Monsieur Gershman.
    Je pense qu'entre autres, les sanctions visant les personnes qui entourent Poutine, ses agents politiques et l'élite économique qui l'aident à réaliser ses visées politiques, devraient avoir pour but de les faire réfléchir et de les amener à la conclusion qu'il n'y a pas d'avenir à suivre Poutine.
    D'après moi, si les sanctions sont assez rigoureuses, l'élite russe se fractionnera. Cela se produira quand le régime de Poutine montrera des signes d'incohérence. Je ne sais pas combien de temps il faudra. Inévitablement, je pense, les têtes dirigeantes seront nombreuses à chercher à se protéger et ressentiront les effets des sanctions avec beaucoup d'inquiétude. De nombreux Russes détiennent d'énormes richesses ici, aux États-Unis, ainsi qu'en Europe. Il y avait beaucoup d'argent ukrainien en Europe. Quand vous frappez ces personnes et leur argent, ainsi que les principales institutions, les divisions se mettent à croître.
    Il y a une autre chose. Je pense qu'aider l'Europe et l'Ukraine à diversifier leurs ressources énergétiques deviendra crucial. Il faudra du temps, mais nous avons du gaz liquéfié qui pourrait être mis à leur disposition. Il faudra peut-être quelques années, mais nous devons lancer le processus maintenant et montrer clairement sans tarder que c'est ce que nous ferons. Même si nous ne pouvons le faire dans l'immédiat, nous signifierons très clairement nos intentions à la Russie en signalant maintenant notre intention d'accorder à des entreprises les permis nécessaires pour créer les ports et l'infrastructure permettant la livraison de ce gaz naturel.
    Je pense que toutes ces choses sont importantes et qu'elles auront des conséquences politiques.
    Cela signifie aussi protéger certains des ports de l'Ukraine, je suppose.
    Oui. En fait, il y a...
    J'ai seulement une dernière question à propos de la Moldova. J'ai eu la chance de visiter la région il y a deux ou trois ans, et nous avons vraiment eu le coup de foudre. Les enjeux et les problèmes sont nombreux là-bas, et je me demandais seulement si vous pouviez parler brièvement des tentatives de la Russie pour...
    La Russie semble déjà essayer de déstabiliser la Moldova, qui tiendra des élections à l'automne. Il y a aussi la question de la Transnistrie, où la Russie semble tenter d'amorcer une situation semblable à celle dont nous avons été témoins en Crimée.
    J'aimerais simplement que les deux témoins nous en parlent brièvement.

  (1715)  

    C'est justement un des éléments que le secrétaire général de l'OTAN a soulignés. Ce qui s'est passé en Crimée pourrait bel et bien se reproduire en Transnistrie. D'autres endroits aussi sont vulnérables, comme la ville de Kherson, au nord de la Crimée. Puisque c'est le point de passage d'une bonne partie de l'énergie acheminée dans la péninsule, la Russie pourrait choisir de s'y attaquer.
    Dans tous les cas, je pense que l'Occident, soit les États-Unis et ses alliés, devra mettre en oeuvre une politique de dissuasion plus musclée, sans toutefois intervenir sur le terrain; nous ne ferons pas une chose pareille. Il faut aider le peuple à renforcer ses forces locales, et contribuer à mettre au point la capacité nécessaire, au sein de l'OTAN, pour décourager l'attaque de la Russie.
    N'oublions pas que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie ont signé en 1994 le mémorandum de Budapest avec l'Ukraine, une entente qui devait garantir sa sécurité lorsque le pays s'est dénucléarisé. Le non-respect d'un tel engagement envoie un message aux autres pays qui possèdent encore des armes nucléaires. Ils refuseront de se départir de leur armement étant donné que leur sécurité ne sera pas assurée au bout du compte.
    Puisqu'il s'agit vraiment d'une question de non-prolifération nucléaire aussi, nous devons défendre l'Ukraine et montrer qu'un pays qui se défait de ses armes nucléaires n'a pas à craindre d'être envahi par ses voisins.
    Merci.
    Veuillez répondre très brièvement, après quoi nous poursuivrons.
    La stratégie russe est très simple et ne compte que quelques pages. Ce qui s'est passé en Crimée a fonctionné. Je pense que les Moldoves devraient s'inquiéter sérieusement que l'histoire ne se répète chez eux puisque la stratégie a porté ses fruits en Crimée jusqu'à maintenant.
    Pour ce qui est de la situation portuaire, Odessa est désormais le seul port en eau profonde de l'Ukraine, et sa position est menacée. Il y a aussi deux grands ports sur la mer d'Azov, à l'est du pays, mais les bateaux qui s'y rendent doivent passer par le détroit de Kertch, actuellement bloqué par la Russie. Les exportations des industries à l'est du pays transitaient auparavant par Marioupol et Berdiansk, à l'est de l'Ukraine. La situation entraînera donc de graves tensions économiques dans la région alors que le gouvernement essaie de rallier son peuple.
    Il y a tout à fait lieu de s'en inquiéter.
    Monsieur Garneau, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Compte tenu de ce qui se passe depuis un mois en Crimée, de ce qu'a fait la Russie et des sanctions qu'on envisage maintenant d'imposer, je conviens que les élections présidentielles du 25 mai seront un moment décisif. Mais je veux m'assurer de saisir parfaitement ce que vous dites à ce sujet.
    Croyez-vous que les élections présidentielles se tiendront dans toutes les régions de l'Ukraine, pas seulement sur la partie continentale, mais en Crimée aussi, ou bien qu'elles ne se dérouleront pas dans cette péninsule?
    Je vous remercie de votre question.
    À l'International Republican Institute, nous croyons savoir que le gouvernement central se prépare à mettre des bureaux de scrutin à la disposition des résidents de la Crimée dans la région de Kherson, et possiblement ailleurs aussi. La question qui se pose, c'est si les habitants seront libres de sortir de la Crimée pour aller voter à ces bureaux; et pourront-ils ensuite rentrer chez eux?
    Ces questions sont très délicates, et je suis persuadé qu'on pourrait en apprendre un peu de la Géorgie et de ses électeurs d'Abkhazie et d'Ossétie qui devaient voter en territoire géorgien.
    Je pense qu'il s'agit là d'une solution provisoire, mais je sais que des groupes travaillent actuellement sur le terrain avec le gouvernement pour essayer de trouver une façon de s'assurer que les électeurs de la Crimée pourront systématiquement exercer leur droit de vote.
    Quant à l'est de l'Ukraine, je pense que tout devrait se dérouler comme prévu. Je sais que ce sera ainsi.
    Mais là encore, la Russie se prépare à déstabiliser ces régions et à empêcher les bureaux de scrutin et les commissions de district de remplir leurs fonctions électorales. Une très grande prudence est de mise à cet égard, ce qui justifie d'autant plus d'avoir le plus grand nombre possible d'observateurs sur le terrain, surtout dans l'est et le sud de l'Ukraine.
    Merci.

  (1720)  

    Monsieur Gershman, croyez-vous que tous les habitants de la péninsule criméenne auront le droit de voter, mais qu'ils devront aller sur le continent, si je puis m'exprimer ainsi, pour exercer leur droit?
    Oui, c'est ce que j'en comprends.
    Ce sera certainement très difficile puisque les Russes empêchent actuellement les gens de revenir.
    Je pense qu'il convient aussi de noter qu'environ 100 000 troupes russes sont actuellement postées le long de la frontière ukrainienne, selon mes informations. La situation actuelle est très dangereuse. Nous voulons tout faire pour éviter les affrontements militaires de toute sorte, mais nous voulons aussi décourager les mesures hostiles.
    Nous n'avons pas fini d'entendre parler de M. Poutine, mais je pense que des mesures peuvent être prises pour lui donner matière à réflexion.
    Merci.
    Compte tenu de ces difficultés — et je conviens que le secteur pourrait être un point excessivement chaud au moment des élections —, avez-vous l'impression que le pays est sur la bonne voie pour respecter l'échéance du 25 mai, vous qui êtes actuellement en contact avec le gouvernement provisoire de l'Ukraine?
    Je vais laisser Michael répondre puisqu'il travaille sur le terrain.
    La réponse est bien simple. Oui, le gouvernement est prêt.
    Je pense que le rythme de la campagne est bien plus lent qu'à l'habitude puisque l'accent est mis sur l'invasion et la menace de guerre, et que bien des candidats ne veulent pas être le premier à afficher son nom sur un panneau pour faire la promotion des élections présidentielles, alors que tout le monde essaie de demeurer uni et de faire front commun pour résoudre la crise actuelle. La campagne prend plus de temps à démarrer, mais du côté des préparatifs, la commission électorale centrale et tout le monde déploient les efforts nécessaires pour que les élections se tiennent bel et bien le 25 mai prochain.
    Merci.
    J'ai une dernière question. Lorsque nous parlons d'élections présidentielles, j'en comprends qu'il s'agit de choisir le président ukrainien parmi un certain nombre de candidats. Des élections générales se dessinent-elles à l'horizon? En parle-t-on? J'aimerais savoir si c'est dans les plans pour que le gouvernement ukrainien puisse être élu démocratiquement par la population et la représenter au sens habituel.
    Vous avez environ 30 secondes.
    Merci.
    Oui, il est question de tenir des élections parlementaires à l'automne. Aussi, des élections locales se tiendront en même temps que les élections présidentielles du 25 mai. La population élira de nouveaux conseillers municipaux et des maires dans six grandes villes ukrainiennes dont les maires avaient été destitués par le gouvernement précédent sous de fausses accusations. Le pays tente de ramener des représentants démocratiquement élus dans six villes, mais on s'attend à des élections parlementaires dès cet automne, possiblement.
    Monsieur Goldring, il nous reste suffisamment de temps pour une question et une réponse, peut-être. Qu'en pensez-vous? Je sais que c'est bien peu, n'est-ce pas?
    Monsieur Druckman, lorsque j'ai assisté aux manifestations de l'EuroMaïdan du 12 au 17 décembre dernier, il y avait un certain optimisme. Les trois langues étaient représentées, soit l'ukrainien, le russe et le tatar, puis quelque chose s'est produit. Je pense qu'il y a eu un débat sur les langues au Parlement. Je crois savoir que les Églises étaient elles aussi représentées à l'EuroMaïdan, tout comme aux élections. Nous les voyons de temps à autre manifester avec les différents intervenants.
    Je comprends que les Églises ont formé une sorte d'alliance et ont rencontré le premier ministre et d'autres responsables à Kiev. Qu'en pensez-vous?
    J'ai rencontré un évêque de l'Église orthodoxe russe à Edmonton qui, contrairement à ce que j'aurais cru, était très favorable à la cause de l'Ukraine. Lorsque nous nous sommes quittés, il m'a exhorté de venir en aide à « son Ukraine ». J'en déduis que bien des membres de l'Église orthodoxe russe sont sensibles aux problèmes actuels du pays. Ces Églises pourraient-elles se serrer les coudes et avoir en quelque sorte le pouvoir de travailler au sein de leurs différentes communautés linguistiques et religieuses? Pourraient-elles contribuer à désamorcer la crise, en quelque sorte, et préparer le terrain à des élections plus pacifiques? Pourraient-elles négocier et porter l'information à l'attention des candidats aux élections présidentielles à Kiev, pour savoir si une certaine inclusion linguistique est possible? Est-ce réalisable?
    L'Église est basée à Moscou, et si elle consolidait ses forces et échangeait avec le Patriarcat de Moscou, il serait peut-être même possible de parler à M. Poutine. Qui sait?

  (1725)  

    La question n'a rien de simple. Pour ce qui est de la religion, l'Ukraine compte de nombreuses Églises orthodoxes, comme l’Église orthodoxe ukrainienne autocéphale, le Patriarcat de Moscou et le Patriarcat de Kiev. Les Églises ont souvent le contrôle de bien des propriétés, mais ce dont vous avez été témoins à la place de l'indépendance — où les chefs religieux étaient très présents, surtout les jours les plus violents, et risquaient leur vie pour se placer entre les manifestants et la police — était un moment sans précédent dans l'histoire de l'Ukraine, car ces communautés religieuses se sont vraiment serré les coudes. J'imagine que c'est le pire cauchemar du président Poutine, et que les dirigeants du Patriarcat de Moscou feront tout pour...
    Ont-ils le pouvoir de participer davantage?
    Plus les Églises s'unissent, plus il est possible de communiquer et de dialoguer directement, ce qui est très positif. Voilà une chose que les Patriarches de Moscou, sous le contrôle du Kremlin, ne veulent pas voir.
    Au sujet des langues, le nouveau Parlement a abrogé la loi sur les langues — la loi initiale qui avait été adoptée illégalement et de manière inconstitutionnelle par le gouvernement Ianoukovitch. Le Parlement souhaitait abroger la loi pour adopter correctement une nouvelle loi sur les langues qui permettrait l'emploi d'une multitude de langues. Malheureusement, le tout s'est fait dans un climat très tendu, et le président intérimaire Tourtchinov a opposé son veto à l'abrogation de la loi. Celle-ci est donc toujours en vigueur là où une langue minoritaire deviendra officielle si elle est parlée par 10 % de la population locale.
    Merci.
    Madame Laverdière, vous pouvez poser une question très brève, car nous devons nous garder un peu de temps pour les travaux du comité après les témoignages.
    J'ai une petite question un peu dans le même esprit, mais qui présente un point de vue plus large. Nous sommes effectivement inquiets de la situation des minorités. Je pense aux Tatars, aux Juifs et aux Hongrois. Comment les événements les touchent-ils? Pouvez-vous réaliser une évaluation rapide de la situation des minorités?
    J'en ai parlé dans mon témoignage, et la communauté juive a dit reconnaître que certains éléments pourraient être problématiques en Ukraine, mais elle a bon espoir d'être entre les mains de la société civile, que la société civile et le gouvernement ont le pouvoir, et que ces forces ne sont qu'une minorité insignifiante. Ce qui est remarquable dans tout ce qui s'est passé au Maïdan, c'est que l'Ukraine s'est serré les coudes et qu'un nouveau pays en a émergé. Cette nouvelle identité ukrainienne est revendiquée non seulement par les Ukrainiens et les Russes, puisque les Ukrainiens parlent le russe — les divisions sont loin d'être aussi marquées que M. Poutine ne le prétend —, mais par les autres aussi.
    Je suis donc convaincu que l'Ukraine peut devenir une démocratie prospère et pluraliste. Si le pays réussit à mettre en place les institutions nécessaires et à instaurer la primauté du droit — il va naturellement dans cette direction avec cette première élection, qui était une des exigences du Maïdan —, je crois qu'il enverra un message au reste du monde en plus de fonder cette démocratie prospère. Les gens ne se sont pas simplement battus pour leurs droits individuels, mais bien pour la responsabilité civique. Des documents des plus intéressants ont vu le jour à la suite du Maïdan sur la vision de la responsabilité civique des sympathisants de la place Maïdan, et sur la religion, avec les diverses Églises qui ont célébré des messes ensemble. Les orthodoxes et les catholiques grecs ont régulièrement célébré des messes sur la place Maïdan. Toutes ces Églises aspirent au but commun d'une Ukraine libre et indépendante. Comme je l'ai dit en exposé, je pense que ce sera un des résultats les plus marquants, car l'atteinte de ce but aura selon moi des répercussions profondes en Russie.
    Messieurs, je vous remercie infiniment. J'aurais aimé avoir plus de temps, mais nous devons suspendre la séance sans tarder pour les travaux du comité.
    Michael Druckman, je vous remercie infiniment d'être venu comparaître; Carl Gershman, je vous remercie également de votre témoignage par vidéoconférence.
    Cela dit, je vais suspendre la séance pendant que nous passons à huis clos afin d'examiner très rapidement les travaux du comité pour les deux ou trois prochaines séances. Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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