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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 047 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 octobre 2014

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 47e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 20 juin 2014, nous commençons notre étude du projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.
    Le ministre était parmi nous lors de notre réunion précédente, avant la pause. Nous accueillons aujourd'hui M. Andrew Murie, chef de la direction du Bureau national de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant; M. Claude Laferrière, avocat; et M. Robert Hooper, avocat et défenseur des droits des victimes; M. Steve Sullivan, directeur exécutif de Services aux victimes d'Ottawa; et Mme Karyn Kennedy, directrice générale de Boost Child Abuse Prevention and Intervention.
    Je vous remercie tous de votre présence.
    Chaque témoin fera un exposé et dispose de 10 minutes. Nous suivrons l'ordre qui apparaît sur l'ordre du jour. Par la suite, les députés de tous les partis poseront des questions.
    C'est le représentant de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant qui commence. La parole est à vous.
    Je veux remercier le comité de donner la possibilité à MADD Canada de donner son point de vue sur le projet de loi C-32. La conduite avec facultés affaiblies est la principale cause criminelle de décès au Canada. En 2010, elle a causé 1 082 décès, ce qui représente le double du nombre de décès par homicide, qui était de 554 la même année.
    MADD Canada estime qu'en moyenne, la conduite avec faculté affaiblie fait 4 morts et 175 blessés par jour au Canada. Comme bien des organismes d'aide aux victimes vous le diront au cours de vos séances, perdre un être cher à la suite d'un acte criminel bouleverse une vie. Cela a des répercussions sur tous les aspects de la vie. Les fêtes, les activités religieuses et les événements de la vie ne sont plus jamais les mêmes quand un être cher n'est plus présent à ces moments spéciaux. Bien des gens ne s'en remettent jamais et souffrent de problèmes de santé mentale continus, comme la dépression et la toxicomanie.
    Un délinquant purge une peine, mais une victime aura un immense chagrin toute sa vie. La plupart des victimes s'attendent à ce que le système de justice pénale soit fondé sur l'équité. La plupart d'entre elles sont très déçues et frustrées de leur expérience. Elles se demandent quels sont leurs droits en tant que victimes.
    Des mesures adoptées antérieurement ont donné aux victimes le droit de lire une déclaration de la victime devant le tribunal, ont augmenté la suramende compensatoire, ont rendu la suramende compensatoire obligatoire et ont restreint le temps alloué pour la période passée sous garde avant le prononcé de la peine. Il s'agissait de bonnes mesures pour les droits de victimes. Toutefois, il reste beaucoup de travail à faire pour que la plupart des victimes d'actes criminels soient traités de façon équitable et que justice soit rendue par le système de justice pénale.
    Je vais maintenant vous donner le point de vue de MADD Canada et de ses membres sur certaines dispositions principales du projet de loi C-32.
    Concernant le droit à l'information, nous trouvons les dispositions suivantes très encourageantes: les victimes obtiendront des renseignements plus précis sur l'enquête criminelle et l'accusé; les juges seront tenus de demander au poursuivant si des mesures raisonnables ont été prises pour informer la victime de la conclusion d'un accord de plaidoyer dans des affaires de meurtre ou de blessures graves; les victimes pourront demander une copie des ordonnances de cautionnement, de sursis et de probation; et des modifications seront apportées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour accroître les droits des victimes inscrites d'accéder aux renseignements sur les audiences de la Commission des libérations conditionnelles, l'état d'avancement et les progrès accomplis par le délinquant. Il s'agit entre autres de fournir aux victimes des renseignements sur la date et les conditions de la mise en liberté du délinquant et de sa destination.
    En ce qui concerne le droit de participation, nous sommes ravis d'apprendre que le projet de loi C-32 accroîtra les droits des victimes d'exprimer leur point de vue à différentes étapes du processus de justice pénale. Nous sommes très heureux que selon la partie portant sur les recours, les victimes auront le droit de déposer une plainte si leurs droits ont été violés. Toutes ces modifications sont positives et, à notre avis, elles permettront de renforcer les droits des victimes d'actes criminels.
    Cependant, certains éléments du projet de loi nous préoccupent.
    Concernant le droit à l'information — plus précisément la disposition selon laquelle le poursuivant doit prendre des mesures raisonnables pour informer la victime de la conclusion d'un accord de plaidoyer dans des affaires de meurtre ou de blessures graves —, nous craignons qu'il n'y ait pas de répercussion si cette obligation n'est pas respectée. Il n'y a pas d'effet sur la validité de l'accord de plaidoyer. Pour le dire autrement, le poursuivant et le juge ont la responsabilité de s'assurer que la victime est informée de l'accord de plaidoyer, mais il n'existe pas de peine ou de recours si le poursuivant ou le juge manquent à leur devoir.
    Pour ce qui est de la suramende compensatoire, nous sommes profondément déçus de la décision rendue récemment, qui a annulé l'augmentation de la suramende compensatoire. Ces fonds sont versés à des organismes de services aux victimes, qui sont vraiment sous-financés à l'heure actuelle. La perte des suramendes compensatoires aura des conséquences profondes sur les organismes qui ont déjà du mal à fournir des services aux victimes d'actes criminels.
    Sur le plan des suramendes compensatoires, le projet de loi C-32 ne traite que de délais raisonnables de paiement. À notre avis, les suramendes compensatoires doivent constituer une partie essentielle du système de justice pénale. En vertu du droit de participation, nous croyons que les victimes devraient pouvoir faire une présentation vidéo ou électronique dans le cadre de leurs déclarations, tant dans les audiences du tribunal que dans celles de la Commission des libérations conditionnelles, et ne devraient pas être limitées à un exposé oral et à l'utilisation de photographies statiques. Sur le plan du droit à la protection, lorsqu'il s'agit de délinquants de petites collectivités, la Commission des libérations conditionnelles devrait tenir compte des conséquences qu'au retour des délinquants dans la collectivité où vivent les victimes.

  (1535)  

    Nous croyons également qu'il faut revoir la définition de « victime ». Bon nombre de victimes n'entreront jamais dans le système de justice pénale parce que les délinquants qui ont causé la mort de leurs êtres chers ont perdu la vie dans l'accident en question ou n'ont jamais été formellement accusés. Ces victimes subissent les mêmes traumatismes émotionnels que les autres, mais bien souvent, on leur nie la plupart des droits contenus dans le projet de loi C-32, et bon nombre d'entre elles se voient refuser des services à l'échelle locale.
    En terminant, le projet de loi C-32 permet davantage aux victimes d'obtenir des renseignements et de s'assurer que leur point de vue est demandé à différentes étapes des poursuites pénales. Les délinquants seront davantage tenus responsables. Toutefois, quant à la portée réelle du projet de loi C-32, cela dépendra en grande partie de l'engagement des provinces et des territoires à renforcer les droits de leurs victimes. Par exemple, à l'heure actuelle, toutes les lois provinciales et territoriales sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels empêchent les victimes de délinquants qui conduisent en état d'ébriété d'être indemnisées pour les dommages subis. Au Canada, la conduite avec facultés affaiblies est la principale cause criminelle de décès et l'une des plus importantes causes de blessures. Les victimes de cet acte criminel ne sont pas moins dignes de recevoir une indemnisation que les victimes d'autres actes criminels, et elles en ont autant besoin qu'elles. Par conséquent, les victimes des gens qui conduisent avec les facultés affaiblies devraient avoir droit à l'indemnisation, comme les autres.
    Merci.
    Monsieur, je vous remercie de votre exposé.
    C'est maintenant au tour de M. Laferrière qui comparaît à titre personnel. La parole est à vous, monsieur.

[Français]

     Monsieur le président, je tiens à remercier chaleureusement les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes du Canada, et plus particulièrement Me Françoise Boivin, députée de Gatineau, grâce à qui je peux prendre la parole aujourd'hui et exprimer mes inquiétudes par rapport à l'article 20 du projet de loi C-32.
    Premièrement, la cause des victimes d'actes criminels doit être dégagée de toute couleur politique et reposer sur une interprétation juste et complète des droits et des faits, et non sur la démagogie.
    Deuxièmement, ce droit nouveau des victimes ne peut se comprendre que conformément à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Constitution du Canada qui énonce le droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. C'est de vie et de sécurité des victimes d'actes criminels et de leurs familles dont il est question dans le cadre présent.
    Troisièmement, les dispositions proposées par le projet de loi C-32 relativement aux droits à l'information, à la participation, à la protection et au dédommagement, lesquelles s'adressent aux victimes, sont purement déclaratoires, sans imposer d'obligations précises et des responsabilités aux intervenants de la justice, sans procédure d'exécution, ni délai ou sanction à qui que ce soit en cas de défaut. Ici, je fais référence aux articles 28 et 29 en particulier.
    Ces dispositions sont uniquement des déclarations de principe qui n'imposent de contrainte à quiconque. À la limite, on pourrait s'en satisfaire puisque nos tribunaux se conforment généralement à ces principes généraux, si ce n'étaient de ces quelques dispositions totalement étrangères à la cause des victimes, lesquelles jettent un doute sur la véritable intention du législateur, intention qui nous apparaît désormais, à la lumière de l'article 20 plus particulièrement, de plus en plus floue et ambiguë. On pourrait être en droit de demander à ce même législateur l'identité des personnes qui lui ont soufflé à l'oreille l'article 20 dans un projet de loi à l'intention des victimes, ces personnes n'étant manifestement pas des victimes. En fait, la question, je vous la pose: qui vous a suggéré cet article?
    Si le législateur voulait répondre à des demandes de la police et des procureurs de la Couronne, il aurait pu le faire autrement, c'est-à-dire en déposant un projet de loi distinct qui aurait pu s'appeler « Projet de loi sur l'immunité de la police et de la Couronne ». Mais cela aurait été l'aveu clair et net d'une ingérence du fédéral dans le droit civil de la responsabilité, lequel relève de la compétence des provinces, ce qui aurait soulevé d'emblée un autre débat de constitutionnalité devant nos tribunaux, en plus de conférer dans l'intervalle un statut de quasi-juge aux policiers et aux procureurs de la Couronne.
    Heureusement, au Canada, nous pouvons encore poursuivre des policiers et des procureurs de la Couronne pour faute professionnelle, au civil ou en déontologie. Mais si une loi sur l'immunité de la police et de la Couronne était adoptée ou si l'article 20 devient loi — ce que nous anticipons —, plus aucune poursuite civile ne sera possible contre eux sans soulever un litige de constitutionnalité.
    Manifestement, se pourrait-il que le gouvernement ne veuille pas tenir ce débat ouvertement et directement, mais qu'il souhaite quand même en arriver à cette immunité en se servant de la cause des victimes?
    Quatrièmement, l'article 20 du projet de loi n'est pas sans rappeler certaines dispositions du Code criminel sur lesquelles nous reviendrons. En ce qui concerne l'article 20, je tiens à souligner la question liée au fait de porter atteinte au pouvoir discrétionnaire de la police et au fait de porter atteinte au pouvoir discrétionnaire du poursuivant.
    En marge de cet article 20, il existe la partie IV du Code criminel, dont l'intitulé « Infractions contre l'application de la loi et l'administration de la justice » vise toute personne en général, et ce, sans discrimination. Il s'agit d'articles qui portent sur la corruption et le parjure de témoins. Ces dispositions ont fait leurs preuves devant nos tribunaux.
     Or le libellé de ce nouvel article 20, qui déclare protéger le pouvoir discrétionnaire de la police et de la Couronne, annonce un virement spectaculaire puisque le législateur confirme l'immunité de la police et de la Couronne en regard de possibles plaintes ou de récriminations des victimes d'actes criminels ou de leurs familles pour faute professionnelle ou négligence, et ce, sans le dire clairement et sans l'expliciter. Qui plus est, le législateur ne parle pas pour rien dire, nommément dans le contexte d'une loi favorisant l'exercice des droits des victimes. Cela pourrait même ouvrir la voie à de possibles poursuites de nature criminelle contre ces mêmes victimes et leurs familles advenant que la police ou la Couronne, ou les deux, soient indisposées par leurs déclarations dans les médias, par exemple.
    Comment en sommes-nous arrivés là? La démonstration est toute simple: la victime ne doit pas porter atteinte au pouvoir discrétionnaire de la police, de la Couronne, et ainsi de suite. Sinon, elle risque une accusation d'entrave à l'administration de la justice, comme le stipule l'article 20.

  (1540)  

     Puisque le projet de loi n'énumère aucun critère objectif pour déterminer ce que constitue, à titre d'exemple, une entrave à l'administration de la justice de la part d'une victime, on doit comprendre que le critère est subjectif, donc laissé à la discrétion de la police et de la Couronne.
    Si ce projet de loi était adopté tel quel, il en résulterait un net recul pour les droits des victimes ou à l'égard de leur liberté de s'exprimer sur la place publique ou même en privé. Le débat public commande que les victimes et les commentateurs publics, journalistes, éditorialistes, avocats et autres intervenants puissent exprimer librement leurs opinions, voire leur colère ou leurs insatisfactions sur la place publique par rapport aux affaires judiciaires.
    Les raisons pour justifier la présence de cette disposition au coeur d'un projet de loi visant à aider les victimes d'actes criminels et leurs familles restent obscures, mais on peut raisonnablement penser qu'elles sont rattachées à un objectif non déclaré dont il est à peu près impossible d'apprécier la portée. Sur la base de critères subjectifs, l'article 20 cherche à limiter la portée d'un projet de loi qui n'annonce rien de neuf par ailleurs.
    Cette disposition aurait-elle été inspirée par un objectif syndical quelconque de policiers ou de procureurs de la Couronne? On peut raisonnablement le penser. Dans le contexte de grèves ou de ralentissements de travail des policiers et des procureurs de la Couronne, nous savons bien de quoi ces groupes sont capables. J'aurais des exemples à vous fournir.
    Je vous soumets que l'article 20 est une tentative de détourner une législation et vise à faire déraper un projet de loi qui avait pour objectif de venir en aide à des personnes vulnérables, nommément les victimes d'actes criminels et leurs familles. Mais ce qui inquiète le plus, au surplus, nous le répétons, c'est que ce projet de loi pourrait être utilisé par la police et par les procureurs de la Couronne pour se protéger en cas de poursuite pour faute professionnelle dans le contexte de procès criminels fortement médiatisés et de relations de travail conflictuelles. En fin de compte, les policiers et les procureurs de la Couronne se seront servis des victimes pour servir leurs propres causes.
    J'aimerais maintenant faire une note spéciale concernant le colloque de 2012.
    L'essentiel de la contribution du Québec en matière de défense des droits des victimes fut le fruit du colloque de 2012 organisé par Me Marc Bellemare, ex-ministre de la Justice et procureur général du Québec sous le gouvernement du très honorable Jean Charest, et auquel ont participé à titre d'invités d'honneur les honorables, Me Christian Paradis, ministre et lieutenant du Québec à cette époque, et Me Bertrand Saint-Arnaud, ministre de la Justice et procureur général sous le gouvernement du Parti québécois. Les gouvernements du Québec et du Canada étaient des commanditaires de l'événement. J'ai assisté le sénateur Pierre-Hughes Boisvenu qui y présidait l'atelier pour une charte des droits des victimes et de leurs familles. Ce colloque fut à mon sens un événement historique, la manifestation claire et nette de personnes vulnérables réclamant à juste titre des droits, une dignité et une légitimité, tant par le nombre exceptionnel de participants que par la qualité des intervenants.
    Les conclusions importantes du colloque étaient notamment de reconnaître aux victimes ou à leurs familles le droit à la représentation par un avocat dont les honoraires et les dépens seraient éventuellement défrayés par l'aide juridique de la province en vue d'exercer un éventuel veto relativement à une négociation de plaidoyer, voire même de pouvoir porter en appel un verdict ou une sentence dans un dossier criminel et ce, au nom des victimes ou de leurs familles. Or, toutes les recommandations du colloque organisé par Me Marc Bellemare ont été ignorées.
    Pour illustrer l'importance et la pertinence d'un procureur indépendant pour les victimes, j'avais deux cas à vous soumettre: celui de Jacques Jong et le cas fictif de Stéphanie. Cependant, étant donné le manque de temps, je terminerai simplement en concluant que, pour l'heure, l'objectif de mon témoignage d'aujourd'hui est beaucoup plus humble que de voir se réaliser les conclusions du colloque de 2012. Je vous demande simplement de retirer l'article 20 du projet de loi C-32. Cet article n'est ni pertinent, ni utile, ni approprié à une loi sur les victimes. Par ailleurs, si les policiers et les procureurs de la Couronne voulaient faire un débat sur leur immunité, ils pourraient le faire dans le cadre d'un projet de loi indépendant et non pas dans le cadre du projet de loi C-32.
    Je vous remercie.

  (1545)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Hooper, qui dispose de 10 minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me permettre de témoigner aujourd'hui.
    Je suis un avocat spécialisé en blessures corporelles et un défenseur des droits des victimes. Dans le cadre de ma pratique, depuis 1992 en Ontario et 2007 au Nouveau-Brunswick, je rencontre tous les jours des victimes d'actes criminels divers: voies de fait, crimes sexuels, meurtres, etc. Lorsque je les représente dans le système de justice civile, je leur donne quotidiennement des renseignements et des conseils sur la participation, ou la non-participation, des victimes dans le système de justice pénale au Canada. De plus, je témoigne devant vous également à titre de président de Walk With Me Canada Victim Services, un organisme de services pour les victimes de traite de personnes.
    En toute honnêteté, aucun projet de loi ne pourra satisfaire toutes les victimes. Je parle seulement au nom des victimes que je rencontre concernant les deux volets dont j'ai parlé, et même dans ce cas, certaines d'entre elles voudraient que des dispositions différentes soient adoptées dans une charte des droits des victimes.
    D'une façon générale, je suis d'avis que le projet de loi assure un équilibre entre les droits de la victime, ceux de l'accusé, et l'administration de la justice au pays. Surtout, je pense que le projet de loi porte sur la Charte des droits et des libertés, le délinquant accusé et, pour la première fois, les droits des victimes d'actes criminels, et il accorde, du moins, une certaine importance au droit de la victime d'obtenir des renseignements et de s'exprimer dans le système de justice pénale de notre pays.
    L'élément primordial du projet de loi, c'est que les dispositions ne prolongent pas le processus de justice pénale. Les victimes m'indiquent toutes qu'elles ne veulent pas d'une charte des droits des victimes, ou de toute autre mesure d'ailleurs, qui prolongerait le processus par lequel le présumé délinquant est traduit en justice et par lequel une peine est imposée. Pour les victimes, l'efficacité et la rapidité s'imposent. On me dit que cela permettra au vrai processus de guérison de commencer, et c'est un élément très important pour les victimes que je représente chaque jour.
    À mon avis, les articles 6, 7 et 8 constituent les pierres angulaires d'un système compatissant et respectueux des victimes d'actes criminels au pays. Les alinéas 7a) et 7b) sont particulièrement pertinents pour la réussite du processus.
    L'une des plaintes les plus courantes que font mes clients et les gens qui font partie de Walk With Me Canada, c'est qu'ils ne sont pas tenus informés des enquêtes et des procédures criminelles. En d'autres termes, l'appareil judiciaire — qu'il s'agisse des agents procédant à l'arrestation, de l'avocat de la Couronne ou du bureau des services aux victimes — ne les informe pas de la date prévue pour l'audience, des ajournements et de ce qui essentiel de savoir pour qu'elles puissent déterminer si elles veulent ou non faire partie du processus ce jour-là ou un autre jour. Si elles ne sont pas présentes à une occasion, il est essentiel qu'on les tienne au courant de la prochaine. Cela devrait être leur choix, comme elles me le disent, et non le choix d'un représentant du système judiciaire. Ce qui est réellement important pour les personnes que j'aide, c'est qu'on leur donne l'information et qu'on leur permet de décider elles-mêmes si elles seront présentes et comment elles participeront au processus de justice pénale.
    Je vais vous raconter l'expérience d'une victime d'agression sexuelle. Elle a été agressée dans une collectivité de l'Ontario dans laquelle elle ne réside plus maintenant. L'auteur présumé du crime est son ancien beau-père. Le processus est en cours. J'ai passé beaucoup de temps avec cette jeune femme et son père biologique. Ce qui la préoccupait sans cesse, c'est qu'elle n'avait pas accès à l'état d'avancement des accusations au criminel portées contre son agresseur, ou à l'état d'avancement de sa tentative de changer ses conditions de libération sous caution. En fait, elle en savait si peu au sujet du système de justice pénale en général qu'elle avait peur que, parce qu'elle ne vit plus dans la même collectivité, l'accusé soit en mesure de faire retirer les accusations ou, comme elle le dit, « qu'elles disparaissent ».
    J'étais là pour savoir si elle commencerait une poursuite civile. Au cours des deux heures et demie que j'ai passées avec elle, la principale question que cette jeune femme de 17 ans me posait sans cesse était la suivante: « que se passera-t-il s'il va au poste de police et leur dit de retirer les accusations parce que j'ai quitté la ville et que tout cela m'est maintenant égal? » Elle m'a dit qu'elle et son père biologique ont essayé à maintes reprises d'obtenir ce renseignement auprès de différentes sources dans le système judiciaire. C'est pourquoi je suis ravi du contenu des alinéas 7a) et 7b), car je crois que si cette information est fournie par les autorités provinciales, l'expérience de cette jeune femme ne se répétera pas, ou il y aura beaucoup moins de cas comme celui-là.
    Par conséquent, au nom des victimes avec qui j'ai eu le privilège de communiquer chaque jour, j'appuie fortement les articles qui portent sur le droit à l'information, surtout le droit d'obtenir des renseignements exacts et en temps opportun, de sorte que les victimes puissent commencer à faire leurs choix sur la façon dont elles veulent faire face au système de justice pénale et aux auteurs des crimes.

  (1550)  

    Les parties du projet de loi qui concernent la protection des victimes, en particulier leur identité, revêtent également une grande importance pour les personnes que je représente. Parmi les préoccupations et les thèmes récurrents, on retrouve l'intimidation, surtout dans les cas de traite de personnes. De nombreuses victimes de ce trafic ou d'agression sexuelle sont inquiètes lorsqu'il s'agit de se retrouver dans une salle d'audience en face de la personne qui a abusé de leur confiance, qui les a intimidées et qui a profité d'elles. Le fait qu'une victime puisse être protégée contre l'intimidation et les représailles en se prévalant de son droit constitutionnel de demander des mesures visant à faciliter son témoignage, plutôt que le procureur de la Couronne ait à présenter une motion au tribunal, est un avancement des droits que j'appuie fortement.
    Pour ce qui est de l'article sur la participation, je suis d'avis que les articles 14 et 15 sont un pas dans la bonne direction. L'article 14 est une excellente mesure qui permet à la victime de participer aux délibérations en dehors de la salle d'audience, dans le cadre des négociations de plaidoyer et des discussions sur la détermination de la peine. Il serait très utile que cet article dresse une liste du nombre minimal de fois qu'une partie peut ou devrait intervenir, par exemple, pour donner son point de vue sur le retrait d'une accusation, un plaidoyer de culpabilité relativement à une infraction moindre et incluse, et évidemment, la détermination de la peine. Dans le résumé, l'alinéa k), dont je n'ai pas tenu compte au moment de rédiger mes notes, garantira dans le Code criminel, nous l'espérons aux termes de l'article 718, que les principes de détermination de la peine seront modifiés à cet effet.
    L'article 15 qui porte sur les déclarations des victimes est une mesure bénéfique pour les victimes au Canada. L'utilisation d'un formulaire pour les déclarations des victimes et les déclarations au nom d'une collectivité enrichira certainement le processus. Selon ce que m'ont dit les victimes que je représente, plus il y a d'outils, mieux c'est. Si vous leur donnez simplement un crayon et une feuille blanche, elles seront moins portées à faire une déclaration, alors je vous félicite pour ces dispositions. C'est une approche qui peut ne pas convenir à tout le monde, mais c'est un document qui, selon les victimes que je représente, serait très utile.
    Par ailleurs, les victimes auraient désormais le droit à ce que le tribunal envisage systématiquement la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement contre le délinquant, ce qui leur serait d'une grande aide. Par exemple, le fait qu'un tribunal puisse obtenir un jugement civil contre un trafiquant de la main-d'oeuvre, si j'ai bien compris, permettra aux victimes de retrouver une partie de leur dignité et possiblement une stabilité financière pour pouvoir recommencer à neuf. Il va sans dire que tout ce qui peut rationaliser le processus et permettre aux victimes de se remettre de l'effet dévastateur d'un crime est une bonne chose.
    J'appuie également le mécanisme de plaintes prévu aux articles 25 à 29. Le fait qu'une victime puisse déposer une plainte lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation ou négation d'un droit qui lui est conféré, à mon avis, renforce le document.
    Selon moi, le droit de déposer une plainte auprès d'un organisme qui a le devoir et le pouvoir d'intervenir en cas de violation est un pas dans la bonne direction. Je sais que certains de mes collègues et certains témoins aimeraient que cela s'applique à des agents en uniforme, mais d'après ce que je comprends de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et de la Constitution de ce pays, il serait pratiquement impossible pour un organisme fédéral et une loi fédérale de prendre des mesures contre, par exemple, un policier municipal qui a décidé de ne pas s'acquitter de ses fonctions en omettant d'informer la victime que le délinquant a été libéré sous caution. Ce serait merveilleux, mais en vertu des lois canadiennes existantes et de l'application de la primauté du droit, je crains que ce soit impossible.
    Je m'attends à ce que l'article 27 suscite une certaine controverse puisque des témoins voudront avoir qualité pour agir dans les procédures criminelles. Comme je l'ai dit au début de mon exposé, les victimes que je représente et que je côtoie par l'entremise de Walk With Me Canada ne veulent pas avoir qualité pour agir, ni prendre part au système de justice pénale directement en étant représentées par un avocat, ni même avoir le droit de parole dans le processus. La lenteur du processus est leur principale préoccupation.
    Je pourrais vous parler de ce qui, à mon avis, va à l'encontre de la primauté du droit dans notre Constitution et notre Charte des droits et libertés. Avec tout le respect que je dois à ma profession, je pense que le fait d'ajouter un autre point de vue à toutes les procédures criminelles n'est pas conforme à la primauté du droit, mais surtout, que cela paralyserait l'administration de la justice. À l'heure actuelle, le temps qu'il faut pour traiter une affaire frôle la limite de ce qui est acceptable dans de nombreuses provinces, et le fait que la victime soit représentée par un avocat et puisse faire des observations tout au long des procédures, à mon avis, victimise à nouveau la personne puisqu'elle sera entraînée dans une procédure judiciaire encore plus longue.
    De toute évidence, on ne peut pas parler du droit à un avocat sans soulever la question du financement et, comme M. Murie l'a indiqué, si les provinces veulent aller de l'avant — parce que l'aide juridique relève de leur compétence  —, il y aurait peut-être une possibilité d'établir un système, mais en ce moment, étant donné la façon dont nous gouvernons le pays, ce serait impossible. À mon humble avis, on entendrait parler de M. Askov dans nos tribunaux beaucoup plus souvent qu'on pourrait le croire. La lenteur du processus ferait en sorte qu'un plus grand nombre de délinquants seraient relâchés.

  (1555)  

     En terminant, j'estime que le droit de participation et le droit au dédommagement qui sont conférés aux victimes constituent des progrès importants.
     Merci beaucoup, monsieur, pour votre exposé.
     Notre prochain témoin est M. Sullivan. Vous disposez de 10 minutes.
     Monsieur le président, je remercie le comité de me donner l'occasion de témoigner dans le cadre de son étude du projet de loi C-32.
     Je témoigne aujourd'hui à titre personnel, mais j'ai acquis une vaste expérience dans le domaine. J'ai occupé le poste d'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Je travaille actuellement pour les Services aux victimes d'Ottawa, un organisme communautaire de première ligne qui intervient auprès des victimes de crime. J'enseigne également au Collège Algonquin dans le cadre du programme de victimologie. Comme je suis ici à titre personnel, je ne représente aucune de ces organisations, mais je suis heureux de pouvoir m'appuyer sur ces expériences de travail.
    Le projet de loi C-32 renferme de nombreux aspects positifs. À vrai dire, selon moi, les mesures favorables ne se trouvent pas tant dans la déclaration des droits des victimes que dans les changements apportés au Code criminel et à la LSCMLC. Je ne dis pas qu'il y a quelque chose qui cloche avec la déclaration des droits des victimes, mais je suis davantage préoccupé par ce que les gens disent au sujet du projet de loi que par ce qu'il contient.
    On nous a dit que le projet de loi placerait les victimes au coeur du système judiciaire. Ce n'est pas le cas. On nous a également dit qu'on conférerait aux victimes des droits exécutoires. Ce n'est pas le cas non plus. Il s'agit d'un important projet de loi. Je crois qu'à l'instar des assemblées législatives provinciales, le Parlement devrait donner son opinion ainsi que des directives aux tribunaux et aux responsables sur la façon dont les victimes de crimes devraient être traitées, mais en toute honnêteté, je ne crois pas que le projet de loi va changer grand-chose dans la réalité quotidienne de notre système judiciaire, de nos postes de police et de nos bureaux d'aide aux victimes.
    Avant que je n'entre dans les détails, permettez-moi d'aborder certaines mesures positives qui se trouvent ici. Pour être honnête, je suis heureux de voir quelques-unes des initiatives que nous avons entreprises durant mon bref mandat au Bureau de l'ombudsman, telles que les modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permettant aux victimes de voir une photographie du délinquant au moment de sa libération. C'est une mesure essentielle. Si un délinquant est resté longtemps en prison, son apparence peut avoir changé et la victime ignore s'il retournera vivre au sein de sa collectivité; il serait donc bon de savoir à quoi il ressemble. Le fait d'avoir accès à cette photo est une mesure positive. C'est d'ailleurs l'une des recommandations que nous avions formulées lorsque j'étais ombudsman.
    Cette capacité, et ce qu'Andy a dit à propos d'avoir une photo dans le cadre de la déclaration de la victime, mais peut-être plus que ça... Je pense que ce sont des mesures importantes, des changements favorables pour les victimes qui sont là pour représenter leurs proches, mais je ne crois pas qu'ils vont changer quoi que ce soit au processus de détermination de la peine.
    Je crois qu'il est important que les victimes puissent disposer de renseignements sur l'immigration, et cela implique certaines modifications à la LSCMLC. C'était également l'une de nos recommandations.
    Je considère que le projet de loi limite un peu trop l'information, notamment si le délinquant est renvoyé du pays pendant qu'il purge sa peine. Je crois qu'il faut remédier à la situation, parce que si le Service correctionnel du Canada transfère le délinquant à l'Agence canadienne des services frontaliers, et que pendant cette période — ce n'est pas un processus rapide —, la peine prend fin, à ce moment-là, la victime ne serait pas nécessairement informée de cette expulsion. À mon avis, cela a besoin d'être étoffé un peu plus.
    Les changements concernant le dédommagement sont positifs, bien que j'hésite à dire que nous allons assister à un véritable changement. Le dédommagement est très compliqué et difficile. C'est relativement facile si on se fait briser un téléviseur ou voler un ordinateur, mais lorsqu'on parle de services de consultation et de pertes de temps au travail — certains des aspects dont le ministre a parlé —, il est parfois très difficile de définir les dépenses, s'il y a une négociation de plaidoyer, parce que ces choses arrivent très rapidement. Le tribunal exige que les dépenses soient facilement déterminables.
    Il y a une disposition, que je considère positive, selon laquelle la Couronne peut demander un ajournement pour aider à percevoir ces coûts, mais la victime n'a pas la capacité de demander un tel ajournement. Je pense que ce serait également une mesure favorable.
    Cela dit, la question du dédommagement est très délicate. Même s'il existe un processus civil pour faire appliquer l'ordonnance de dédommagement, il est très difficile pour les victimes de devoir la faire enregistrer au tribunal civil à titre de jugement exécutoire.
    À ma connaissance, la Saskatchewan a un programme de dédommagement très efficace qui appuie les victimes dans le cadre de ce processus. Cela pourrait être quelque chose que vous pourriez envisager.
    Le mécanisme de plaintes est une très bonne idée, mais habituellement, il ne se fait pas par l'entremise du Bureau de l'ombudsman. Chose certaine, ce processus permet d'assurer le suivi des problèmes. S'il y a des questions récurrentes, des questions systémiques, on peut y remédier. Dans les petites provinces, il pourrait être utilisé comme outil éducatif.
    Selon moi, il est un peu exagéré de dire que le processus de plaintes équivaut à un droit exécutoire. Le droit de déposer une plainte ne vous permet pas de faire n'importe quoi. Je ne dis pas que ce n'est pas un ajout positif, mais contrairement à ce que dit le gouvernement, il ne confère pas aux victimes ce qui pourrait équivaloir à des droits exécutoires.

  (1600)  

    Étant donné les limites qu'il renferme, le projet de loi soulève d'importantes questions de compétence et des questions relatives à la Charte dont il faut tenir compte. Je ne dis pas que les limites du projet de loi sont inadmissibles. Je pense que si vous vouliez les éliminer et permettre aux victimes d'avoir leur mot à dire devant les tribunaux et un certain statut dans le cadre du processus judiciaire, il faudrait tenir des discussions plus approfondies que celles que vous voudriez avoir relativement à ce projet de loi, mais tant et aussi longtemps que ces restrictions s'appliquent, je ne crois pas qu'on puisse dire que le projet de loi place les victimes au coeur du système judiciaire.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Nous avons déjà entendu parler du droit de la victime d'être informée de l'instance relative au plaidoyer. Dans ce cas, le juge est tenu de demander au procureur de la Couronne s'il a informé la victime des négociations relatives au plaidoyer. Toutefois, le projet de loi stipule que le juge doit poser cette question après avoir accepté le plaidoyer. Les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense font valoir leurs arguments. Le juge les accepte. À ce moment-là, le juge doit demander à la Couronne si elle a consulté la victime à ce sujet. Comme Andy l'a mentionné, si la Couronne dit non, elle devra le faire, mais si elle ne le fait pas, il n'y a rien qui se passe. Il ne faut pas non plus oublier qu'avant de prononcer la peine, le juge est tenu de demander à la Couronne si la victime veut présenter une déclaration.
    Il y a donc une série d'éléments. Selon une étude récente que j'ai lue, il y a seulement le tiers des juges qui demandent aux procureurs de la Couronne s'ils ont consulté leurs victimes au sujet de leurs déclarations. Cette mesure figure dans le Code criminel, mais nous savons qu'elle n'est souvent pas respectée. Comme il n'y a aucun recours, je pense qu'il est important de mettre les choses en contexte relativement à la déclaration des droits.
    Si vous voulez réellement comprendre l'incidence de ce projet de loi, vous devrez vous adresser aux provinces; 90 % des décisions relèvent de leur compétence. Si vous leur demandiez quelles sont les répercussions du projet de loi, je suis certain qu'elles répondraient qu'il ne change pas grand-chose. Si vous posiez la même question aux policiers et aux associations des procureurs de la Couronne quant à leur travail, je suis pas mal sûr qu'ils vous donneraient sensiblement la même réponse.
    D'un autre côté, si je me trompe, et il m'est déjà arrivé de me tromper auparavant, s'ils vous répondent que beaucoup de choses vont changer, c'est-à-dire que les procureurs de la Couronne devront faire ceci, que les policiers devront faire cela, il faudra alors se demander qui paiera pour tous ces changements. On nous dit constamment que nos procureurs de la Couronne sont surchargés et que les budgets de nos services de police sont trop élevés. Je peux même vous dire que la province de l'Ontario a entrepris un processus de modernisation de ses services d'aide aux victimes. Ce projet de loi n'a pas encore été adopté. En fait, on sabre dans les services aux victimes, et aucune nouvelle somme ne sera allouée à ces services; c'est le message qu'on envoie en Ontario.
    De plus, en ce qui a trait aux préoccupations au sujet de la suramende compensatoire, si une cour d'appel nous arrive en disant que les décisions des instances inférieures sont justifiées, cela signifie qu'elles arrêteront d'imposer la suramende compensatoire. À Ottawa, certaines décisions d'instances inférieures ont statué que c'était inconstitutionnel, et quelques juges, même lorsque les délinquants pouvaient payer, ont choisi de ne pas imposer la suramende. Les suramendes compensatoires servent à financer les programmes comme les Services aux victimes d'Ottawa, qui ne sont pas financés à même les recettes générales. Par conséquent, cela aura une grande incidence sur la prestation de ces services.
    Rapidement, j'aimerais vous proposer quelques mesures que le comité pourrait envisager. Le ministre a parlé du rôle de surveillance que pourrait assumer le Bureau de l'ombudsman. J'ai lu le projet de loi et, pourtant, le Bureau de l'ombudsman n'y est mentionné nulle part. Quoi qu'il en soit, j'estime que cela ne serait pas approprié puisque l'administration de la justice est de compétence provinciale. À l'époque, on nous avait clairement dit que nous n'allions pas nous immiscer dans les affaires des provinces.
    Si les organismes fédéraux doivent avoir leur propre processus de règlement des plaintes, j'espère que le Bureau de l'ombudsman sera le dernier recours pour les victimes. Si la plainte concerne la GRC ou un service correctionnel et qu'on n'est pas parvenu à un règlement, la victime pourrait alors se tourner vers le Bureau de l'ombudsman. Je souhaiterais également que tous les ministères fassent rapport au Bureau de l'ombudsman afin qu'il puisse effectuer un suivi du type de plaintes qui sont déposées et formuler des recommandations au gouvernement en conséquence.
    J'aimerais revenir sur quelque chose qu'a dit Andy à propos des victimes. Dans notre cas, dans le cadre des services de première ligne que nous offrons aux victimes, bon nombre des clients que nous rencontrons ne dénoncent pas leurs agresseurs. Près de 90 % des femmes qui sont agressées sexuellement ne le signalent pas à la police, comme la plupart des victimes de violence conjugale et de crime haineux, et les hommes en général. Si ce projet de loi devait produire le type de changement que prétend le gouvernement, je pense qu'on consacrerait beaucoup de ressources aux victimes dans le système et qu'on laisserait pour compte celles qui ne se présentent pas à la police. Je ne voudrais surtout pas que cela arrive.

  (1605)  

    J'en ai parlé un peu au sujet de l'immigration.
    J'ai été surpris par le commentaire du ministre selon lequel le projet de loi ne s'appliquerait pas aux militaires, c'est-à-dire qu'il ne s'appliquerait pas au système de justice militaire. À mon avis, c'est assez préoccupant, surtout en raison de ce que nous avons entendu ces dernières années sur le traitement des victimes d'agression sexuelle dans l'armée. J'espère que si cette question ne peut pas être résolue dans le projet de loi, on offrira également aux victimes dans le système de justice militaire ce type de reconnaissance fournie par les droits, les dispositions et l'approche liés aux victimes.
    Merci.
     Monsieur Sullivan, je vous remercie de votre exposé.
    Le dernier exposé de l'après-midi sera livré par la représentante de Boost Child Abuse Prevention and Intervention.
    Madame Kennedy, vous avez la parole. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui au sujet du projet de loi C-32, la Loi sur la Charte des droits des victimes.
    Boost travaille à Toronto depuis plus de 30 ans pour offrir un soutien aux enfants victimes de mauvais traitements. Nous avons travaillé auprès de dizaines de milliers d'enfants victimes de violence sur les plans de la prévention et de la sensibilisation, et nous offrons des services de counselling et de préparation et d'appui avant la comparution devant le tribunal.
    Boost a élaboré le premier protocole au Canada pour fournir des directives sur la façon de mener des enquêtes et des interventions dans les cas d'enfants victimes de mauvais traitements, a mis en oeuvre l'un des premiers programmes spécialisés de préparation au tribunal pour les enfants victimes et témoins, et a participé à la mise sur pied du premier tribunal adapté aux enfants de l'Ontario avec une équipe de poursuite spéciale qui se consacre aux cas d'enfants victimes de mauvais traitements.
    Boost est reconnu comme étant un chef de file dans le domaine de l'appui aux victimes et en octobre 2013, l'organisme a ouvert l'un des plus grands centres de défense des droits des enfants et des jeunes au Canada, et le premier en Ontario, pour les victimes de mauvais traitements et de violence.
    Tout d'abord, j'aimerais parler des points forts du projet de loi. Je crois qu'il défendra et protégera les droits des enfants victimes de plusieurs façons, et je salue la création d'un projet de loi conçu précisément pour les victimes et qui souligne leurs droits qui seront enchâssés dans la loi.
    Le projet de loi accorde une reconnaissance importante au statut unique des victimes, c'est-à-dire que les victimes sont plus que de simples témoins dans le système de justice pénale.
    Il valide particulièrement les préjudices dont on ne tient généralement pas compte, par exemple les blessures émotionnelles et le fardeau économique des préjudices criminels. Par l'entremise des nouvelles dispositions relatives à la déclaration de la victime, surtout en ce qui concerne les enfants, les blessures et les préjudices émotionnels qui accompagnent souvent d'autres formes de mauvais traitements qui peuvent faire l'objet d'accusations en vertu du Code criminel peuvent être validés par l'entremise de la déclaration de la victime, si et lorsque le délinquant est déclaré coupable par un tribunal criminel.
    Il est essentiel, dans le cadre du processus de guérison, de donner une voix aux victimes pour exprimer les conséquences du crime qu'elles ont subi. Toutefois, je crois qu'il pourrait être difficile pour certaines victimes enfants d'écrire ou de lire une déclaration écrite. C'est pourquoi, en 2012, l'organisme Boost a entrepris un projet pilote où on a enregistré sur vidéo les déclarations des enfants victimes pour les présenter au tribunal. Il s'agit d'un outil efficace qui permet aux enfants d'exprimer honnêtement leurs émotions, et d'une manière que ne leur permet pas la déclaration écrite.
    Le projet de loi transforme de nombreuses pratiques actuelles visant à fournir de l'information aux victimes en droits, par exemple le droit d'obtenir des renseignements sur les ressources et les soutiens, sur l'état de l'enquête et de la poursuite, sur la libération des délinquants, ainsi que sur les conditions de libération conditionnelle et sur l'apparence du délinquant au moment de sa mise en liberté.
    Le projet de loi précise que les victimes ont le droit d'être protégées, et cela inclut le droit qu'on tienne compte de leur sécurité et qu'on prenne des mesures raisonnables pour les protéger de l'intimidation et des représailles. C'est particulièrement important dans les cas d'agression sexuelle. En effet, la crainte de voir le délinquant concrétiser les menaces qu'il a formulées est l'une des raisons principales pour lesquelles les victimes ne signalent pas leur cas aux forces de l'ordre.
    Dans la grande majorité des cas d'agression sexuelle contre des enfants, les menaces formulées aux enfants sont directement liées à leur propre sécurité et à celle de leurs proches. L'ajout de cette mesure de protection dans le projet de loi communique clairement que leur sécurité sera protégée.
    Au cours des derniers mois, Boost a commencé à voir plus de cas liés à la traite des personnes concernant des jeunes femmes et les victimes de ces cas ont des craintes plus élevées et nécessitent une attention spéciale en ce qui concerne leur sécurité.
    Le projet de loi prévoit que chaque victime a le droit de demander des mesures d'aide au témoignage lorsqu'elle comparaît en tant que témoin. Même s'il est important d'inclure ce droit, selon mon expérience, il est très difficile, voire impossible, pour les enfants et d'autres témoins vulnérables de demander l'application de cette disposition, à moins qu'un professionnel appuie leur demande.
    Dans certains ressorts de partout au pays, on offre des programmes spécialisés de préparation à la comparution devant le tribunal aux enfants victimes dans lesquels les besoins de ces enfants victimes sont cernés et défendus devant le tribunal. Toutefois, lorsque ce type de programme n'est pas offert, les enfants victimes ne peuvent pas s'en remettre uniquement aux juges ou aux procureurs de la Couronne pour faire des demandes en leur nom.

  (1610)  

    J'aimerais parler de certaines améliorations qui pourraient être apportées au projet de loi pour mieux appuyer les droits des enfants témoins. Même si les aides au témoignage sont offertes à tous les enfants témoins, selon mon expérience, on ne les utilise pas suffisamment, soit parce qu'ils ne sont pas toujours offerts dans certains ressorts, soit parce qu'il y a des procureurs qui croient toujours qu'il est préférable de faire témoigner l'enfant à la barre sans aide au témoignage.
    Ces décisions sont souvent prises, car on croit qu'un témoin à la barre, même un témoin en détresse, aura un plus grand impact sur un juge ou un jury. Par conséquent, les aides au témoignage sont souvent sous-utilisées, même si elles pourraient servir les intérêts de la victime. Dans leur rapport de 2011 au ministère de la Justice, le professeur Nicholas Bala et ses collègues ont examiné, entre autres choses, les perceptions du système judiciaire à l'égard de l'utilisation des dispositions liées aux aides au témoignage, et ils ont constaté que dans presque la moitié des cas, on ne faisait presque jamais — ou très peu — de demande d'utilisation de télévisions en circuit fermé pour les enfants de moins de 18 ans.
    D'autres ressorts ont reconnu que les enfants et certains groupes vulnérables avaient besoin d'aide supplémentaire pour veiller à ce que leurs droits soient exprimés et respectés. Aux États-Unis, un tuteur à l'instance peut être nommé par le tribunal pour servir de personne de soutien supplémentaire pour aider l'enfant à exercer son droit conféré par la loi de profiter de mesures spéciales. Ce tuteur peut faire des recommandations au tribunal sur le bien-être de l'enfant et avoir accès à toutes les évaluations, les dossiers et les rapports à son sujet. Il y a également une loi fédérale qui prévoit des avocats pour les enfants en plus des tuteurs à l'instance. La Norvège offre un avocat financé par l'État et une représentation juridique distincte pour les victimes présumées, enfants et adultes, de certaines infractions sexuelles et violentes.
    Même si le gouvernement ne souhaite pas, à ce moment-ci, envisager la possibilité d'avoir des avocats de service pour les victimes vulnérables, il est peut-être possible d'avoir la souplesse nécessaire pour permettre à des avocats bénévoles, à des étudiants en droit ou même à des avocats privés, pour ceux qui peuvent se le permettre, d'assister aux audiences en tant qu'avocat de la défense des droits de la victime. Il est également possible que des cliniques juridiques et des écoles de droit de partout au pays offrent ce type d'aide. Le projet de loi prévoit déjà des mesures de protection pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de retards excessifs ou d'interférences dans la bonne administration de la justice. De plus, étant donné l'engagement du Canada envers la Convention relative aux droits de l'enfant et sa ratification en décembre 1991, on pourrait faire valoir qu'il faudrait maintenant améliorer les lois liées aux droits des enfants victimes.
    Par exemple, l'article 12 de la convention établit le droit d'un enfant d'être entendu de la façon suivante:
Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
À cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.
    Enfin, le Canada, qui a assumé un rôle de premier plan en ce qui concerne l'élaboration des lignes directrices des Nations Unies en matière de justice pour les enfants victimes et témoins d'actes criminels (2005), pourrait tenir compte de certaines des orientations qu'il a fournies dans ce domaine. En effet, les besoins des enfants victimes pourraient mieux être prévus par la loi dans plusieurs domaines. Le projet de loi actuel prévoit, pour les victimes, la possibilité de faire des demandes pour diverses mesures offertes en vertu du Code criminel, par exemple, des aides au témoignage et des interdictions de publication, ainsi que les droits des victimes d'exprimer leur point de vue au sujet des décisions qui seront prises par les autorités et qui auront des répercussions sur leurs droits. Toutefois, les victimes vulnérables auront besoin d'appui et d'aide pour faire des demandes et faire valoir leur point de vue.
    Le paragraphe 25 des directives énonce ce qui suit:
25. Les professionnels devraient développer et appliquer des mesures facilitant le témoignage des enfants, pour améliorer la communication et la compréhension, autant avant le procès qu'aux différentes étapes de ce dernier, ce qui nécessite entre autres:
a) Que les spécialistes des questions relatives aux enfants victimes et témoins répondent aux besoins particuliers de l'enfant;
b) Que les personnes de soutien, y compris les spécialistes et les membres appropriés de la famille de l'enfant, accompagnent celui-ci pendant son témoignage;
c) Que des gardiens ad litem soient nommés, le cas échéant, pour protéger les intérêts juridiques de l'enfant.
    Le langage utilisé au tribunal, surtout en ce qui concerne les enfants victimes, doit être facile à comprendre et respecter les capacités de développement des enfants. Cette question souffre d'un manque d'attention. Au niveau provincial, les barreaux n'ont pas résolu ce problème, et les enfants victimes ont le droit de comprendre et d'être respectés pendant leur interrogation en tant que victimes et d'être en mesure de participer pleinement au système de justice pénale.
    M. Bala a aussi demandé aux juges de parler de leur expérience liée à l'interrogation des enfants témoins et leur a demandé à quelle fréquence, si cela se produit, ils ont observé des enfants témoins de 13 ans et moins être interrogés par des professionnels et sembler incapables de répondre en raison de la complexité des questions ou parce que les questions étaient inappropriées pour leur niveau de développement. Trente pour cent des juges ont signalé que l'avocat de la défense posait souvent ou presque toujours des questions complexes comparativement à 23 % pour la police, 13 % pour la Couronne, 11 % pour les intervenants en protection de l'enfance et 8 % pour les juges. Il est également important de noter d'autres dispositions pertinentes dans les directives des Nations Unies, notamment les articles 14 et 31. Toutes les interactions décrites dans ces directives devraient être menées de façon à respecter les besoins de l'enfant dans un environnement approprié qui répond au besoin spécial de l'enfant selon ses compétences, son âge, sa maturité intellectuelle et sa capacité d'évolution. Ces interactions devraient également se dérouler dans une langue que l'enfant comprend et utilise.

  (1615)  

    Les professionnels devraient également mettre en oeuvre des mesures pour veiller à ce que les enfants victimes et témoins soient interrogés de manière à tenir compte de leurs besoins et pour permettre aux juges d'exercer une supervision, de faciliter le témoignage et de réduire l'intimidation potentielle, par exemple, en utilisant les aides aux témoignages ou en désignant des spécialistes en psychologie.
    Encore une fois, d'autres ressorts ont reconnu qu'il s'agissait d'une question urgente pour les enfants victimes et ont pris des mesures. Au cours de la dernière décennie, plusieurs pays, notamment l'Australie, la Nouvelle-Zélande et certaines régions des États-Unis, ont adopté des lois particulières pour tenter d'empêcher l'interrogation inappropriée des enfants témoins, surtout pendant le contre-interrogatoire.
    Le projet de loi C-32 offre l'occasion de reconnaître non seulement les besoins uniques des victimes, mais également ceux des enfants victimes de crimes violents, d'offrir des mesures de protection et de défendre les besoins de ces victimes vulnérables.
    Merci.

  (1620)  

    Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Notre première intervenante est Mme Boivin, du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
     Je veux aussi remercier nos invités.
    Tout cela est extrêmement intéressant. Ce projet de loi était attendu depuis longtemps. Nous en avons beaucoup entendu parler et avons eu droit à plusieurs conférences de presse. Je vous félicite du travail que vous faites pour les victimes, chacun dans vos domaines respectifs.
    Comme certains d'entre vous l'ont souligné, le succès de cette nouvelle charte va dépendre largement des partenaires provinciaux et territoriaux. Dans le cadre de l'administration de la justice, ils auront à appliquer des parties importantes de cette nouvelle Charte canadienne des droits des victimes.
    Je ne me rappelle pas précisément qui en a parlé, mais je vous avoue être un peu inquiète. À l'issue de la rencontre fédérale, provinciale et territoriale des ministres responsables de la justice et de la sécurité publique, qui s'est tenue la semaine dernière, une certaine déception s'est fait sentir. Des demandes précises avaient été soumises en matière d'aide juridique. Par contre, la question de la Charte canadienne des droits des victimes a été abordée.
    J'ai lu la déclaration de la nouvelle ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. On dit ici « Toutefois, le Québec comme plusieurs autres provinces ont fait part de difficultés quant à la mise en œuvre du projet de loi tel qu'il est proposé. »
    On a aussi noté qu'il n'y avait pas eu suffisamment de consultation avant l'élaboration du projet de loi. J'aimerais savoir si, comme moi, vous croyez que les divers ordres de gouvernement vont devoir travailler en étroite collaboration pour que cette nouvelle charte fonctionne.
    À part M. Sullivan, qui en a parlé brièvement, personne n'a souligné que certains éléments étaient absents de cette loi. Comme me l'ont expliqué le ministre et les représentants du ministère de la Justice, c'était un peu voulu. Ils voulaient commencer avec quelque chose. Cela dit, cette charte laisse de côté beaucoup de victimes. On a donc une Charte canadienne des droits des victimes, mais elle ne concerne pas nécessairement tous les types de victimes.
    J'aimerais que vous en traitiez de façon plus approfondie. La question des militaires me dérange énormément. Ayant lu plusieurs de vos articles, monsieur Sullivan, je m'étonne de ne pas vous entendre parler de la suramende compensatoire. Je ne suis pas nécessairement satisfaite des réponses que m'ont fournies les représentants du ministère. Je ne suis pas certaine de comprendre ce qu'ils tentent de faire dans le cas du nouveau paragraphe 737(4), qui porte sur le délai raisonnable.
    Est-ce que cela répond à vos récriminations contre la suramende compensatoire ou est-ce que vous y voyez encore un flou juridique?
    Maître Laferrière, vous avez travaillé en étroite collaboration avec le sénateur Boisvenu pour ce qui est de l'association des victimes avec laquelle vous avez collaboré. Les collègues conservateurs, à qui on ne pourrait guère reprocher d'être trop favorables aux syndicats, ne vous ont peut-être pas bien situé. Or vous avez été un ardent défenseur des droits des victimes.
     Pourriez-vous nous parler de vos antécédents?

[Traduction]

    Je vais commencer par M. Laferrière, afin de préciser son point de vue, et ensuite je m'adresserai à M. Sullivan.

  (1625)  

[Français]

     Maître Laferrière, vous avez la parole.
     J'ai été avocat bénévole pendant près de huit ans auprès de l'honorable sénateur Pierre-Hugues Boivenu. J'ai été un très proche collaborateur et ami jusqu'au mois d'avril dernier, c'est-à-dire jusqu'à ce que je voie le document, en particulier la question de l'article 20, au sujet du pouvoir discrétionnaire, qui est mal défini pour ce qui est des droits des victimes.
     Je comprends parfaitement que les policiers et procureurs de la Couronne aient un pouvoir discrétionnaire, mais il faudrait probablement le définir dans le contexte des droits des victimes. On le comprend lorsqu'il s'agit des droits des accusés, dans le cadre d'une enquête criminelle, mais lorsqu'il est question des victimes et de leurs familles, de quoi parle-t-on?
     Je vais ajouter, pour terminer, que je suis chargé de cours à l'Université de Montréal et à l'Université Laval dans le domaine du droit de la sécurité nationale.

[Traduction]

    Je suis également titulaire d'un baccalauréat du Centre de droit de l'Université Georgetown. J'ai passé un peu de temps aux États-Unis.

[Français]

     J'enseigne aussi le droit des affaires. Je suis présentement responsable d'un cours de recherche juridique, à l'Université de Montréal. Ce cours est suivi par des étudiants chinois qui viennent de Beijing, en République populaire de Chine.
    Je vous remercie.
    Le but était surtout que les gens vous situent par rapport à votre discours. Je crois que nous avons bien compris votre intervention sur l'article 20.
    J'essaie d'être le plus apolitique possible.
    Tout à fait.
    Monsieur Sullivan, pourriez-vous répondre à mes deux questions sur la notion de « victime »?

[Traduction]

    Il y a deux ou trois choses dont j'aimerais vous parler.
    Si les provinces sont d'accord, cela n'aurait donc aucune répercussion. Bien honnêtement, si le projet de loi apportait un changement fondamental, je crois que les provinces protesteraient beaucoup plus qu'elles le font maintenant. Je ne sais pas dans quelle mesure on a mené des consultations, mais je pense que le fait qu'elles ont été relativement silencieuses laisse croire qu'elles ne prévoient pas un grand changement comparativement à ce que prévoient déjà leurs propres déclarations des droits des victimes.
    Lorsque je travaillais au Bureau de l'ombudsman, j'ai rencontré certaines femmes des forces armées qui avaient été victimes d'agression sexuelle et de mauvais traitements. Les médias en ont beaucoup parlé, non seulement dans le dernier Maclean's, mais il y a de nombreuses années, et ce n'est donc pas un nouveau problème. Le fait que ces principes ne s'appliqueraient pas au système de justice militaire représente un gros problème, à mon avis, et j'espère qu'il pourra être résolu dans ce projet de loi, mais dans le cas contraire, il faudra faire quelque chose très rapidement. D'après ce que je comprends, ce système fonctionne différemment.
    En ce qui concerne la suramende compensatoire, d'après ce que je comprends, le projet de loi ferait... Certains juges accordaient aux délinquants de 50 à 100 ans pour payer. Je crois que le projet de loi vise à limiter cette pratique. Au Bureau de l'ombudsman, j'ai formulé une recommandation selon laquelle elle devrait être obligatoire. Cela dit, tout bien considéré, je ne referais pas cette recommandation. Je crois que cela a créé une situation dans laquelle nous courons maintenant le risque de perdre tout l'argent des suramendes compensatoires. J'avais formulé cette recommandation parce que l'ombudsman ne pouvait pas dire aux provinces de dépenser davantage. Je ne crois pas que les provinces ont l'intention, du moins la plupart d'entre elles, de dépenser davantage, et donc la seule façon était d'obtenir plus d'argent par l'entremise des suramendes compensatoires. Je ne crois pas que cela va se produire.
    Je recommanderais donc que le gouvernement retourne à l'ancien système et qu'il mette au point un système hybride qui pourrait fonctionner et qu'il précise les exceptions faites pour les personnes qui ne peuvent pas payer l'amende. Il y a des gens qui ne peuvent pas payer et à qui l'on inflige des amendes de 700 $, et cela ne fonctionne pas.
    Je vous remercie d'avoir posé les questions et je remercie les témoins de leurs réponses.
    Le prochain intervenant est M. Goguen, du Parti conservateur.
    J'aimerais remercier tous les témoins de leur exposé.
    Il s'agit certainement d'un large éventail d'approches, mais nous convenons certainement tous que la raison d'être du projet de loi est de se concentrer sur le droit des victimes, un élément qui a été négligé dans le système de justice pénale. Je crois que nous conviendrons tous également qu'il ne faut pas laisser le mieux devenir l'ennemi du bien. Ces dispositions sont toutes conçues pour donner une voix aux victimes, et c'est la voie que le gouvernement a choisi de suivre.
    Monsieur Hooper, votre commentaire sur les retards m'intéresse. Nos vastes consultations ont indiqué que les victimes sont très préoccupées par les retards. C'est l'une de leurs principales inquiétudes. J'aimerais que vous nous expliquiez, en vous fondant sur votre vaste expérience, pourquoi les retards importent tant aux victimes, et inversement, pourquoi ils aident les criminels.
    Je vous remercie du travail que vous faites pour les victimes. Nous vous en sommes très reconnaissants, et d'autres travaux par d'autres personnes dans ce domaine seront certainement appréciés.
    Oui, et merci d'avoir posé la question, monsieur.
    Je vais répondre en commençant par la deuxième partie, c'est-à-dire pourquoi les retards sont importants pour l'accusé.
    De façon générale, le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable est enchâssé dans notre Charte canadienne des droits et libertés. Il y a très longtemps, dans une affaire impliquant un certain M. Askov, on a décidé que lorsqu'il y avait des retards imputables à la Couronne, à la poursuite, à la police, etc., au sujet d'une accusation — et c'est maintenant la règle du retard —, l'accusé est libéré. Je ne peux pas imaginer être victime d'un crime violent et la seule raison pour laquelle la personne qui a commis le crime et qui m'a fait du mal ne va pas en prison ou ne reçoit pas une peine appropriée, peu importe la peine, c'est qu'il a fallu un certain nombre de jours ou de mois, et que c'était seulement en raison d'un retard attribuable à la poursuite, à la police, au système, etc. Les victimes que je représente n'appuient certainement pas cette règle. Elle favorise l'accusé. Elle est enchâssée dans notre Charte des droits et libertés, et c'est ainsi.
    Vous serez heureux d'apprendre que M. Askov a commis un autre crime et qu'il s'est retrouvé en prison.
    En tout cas, la deuxième partie de la question, pourquoi il semble être sans équivoque que les victimes que je représente... Hier, je participais à une rencontre avant procès avec une femme qui a été agressée sexuellement par un étudiant sur un campus universitaire que je ne nommerai pas, et elle se préparait pour le procès civil contre son agresseur. Si vous recensez les périodes pendant lesquelles elle a eu des tendances suicidaires et qu'elle a été admise dans un établissement de santé mentale, vous constaterez qu'elles correspondent aux ajournements et aux retards liés à l'affaire. L'accusé avait ce droit, et il a été directement jusqu'à la Cour suprême ou il a interjeté appel. Cela a pris cinq ou six ans. Si vous faites deux tableaux comparatifs, vous constaterez que presque chaque fois qu'il y avait un appel, ou qu'elle devait comparaître une fois de plus et qu'on lui disait qu'elle ne le pouvait plus, car l'accusé avait interjeté appel au prochain échelon, elle faisait une tentative de suicide ou elle était admise dans un établissement de soins de santé mentale. Il s'agit seulement d'un cas. J'étais avec elle, hier, à une rencontre avant procès à Hamilton, en Ontario. Je lui ai demandé si elle me donnait la permission d'utiliser son exemple. Elle a dit que malheureusement, le temps que cette affaire prenait dans sa vie lui causait énormément de souffrances.

  (1630)  

    Le traumatisme se poursuit au fur et à mesure que la procédure s'étend.
    Elle vous dirait que sa guérison ne peut probablement pas commencer jusqu'à ce que le prononcé de la peine ait lieu.
    Je vais faire appel à votre expérience et vous demander de donner au comité votre avis sur le processus de négociation de plaidoyers. Pouvez-vous nous expliquer comment de telles négociations ont lieu? Pouvez-vous nous dire également si vous pensez que le projet de loi aura une incidence favorable sur les négociations de plaidoyers du point de vue des victimes, en l'occurrence?
    Je crois que lorsque nous avons la Couronne et les avocats de la défense qui abordent une affaire en s'opposant, c'est à tort ou à raison comme si nous faisions un gâteau, c'est-à-dire que l'on met tous les ingrédients ensemble et, ou bien les poursuites donnent lieu à une déclaration de culpabilité, ou bien l'accusé est déclaré non coupable ou échappe à une peine... C'est ce qui se passe habituellement avant l'audience préliminaire. Lors de l'audience préliminaire, lorsque le juge exerce souvent son influence, et il faut voir si on peut vraiment défendre sa cause au-delà d'un doute raisonnable, ce qui est une exigence extrêmement rigoureuse. Les affirmations des témoins oculaires deviennent de plus en plus brouillées. Parfois, même si c'est subjectif, on croit que l'affaire est dans le sac. Ensuite, il y a des obstacles juridiques qui empêchent le juge de trouver la personne coupable du chef d'accusation le plus grave. Je crois que le projet de loi aidera quelque peu dans ce sens, davantage du côté des négociations des plaidoyers plutôt que des peines infligées. Dans le cas des plaidoyers de culpabilité, certaines dispositions prévoient des accommodements pour les victimes ou encore tiennent compte, lors du prononcé de la peine, des torts faits aux victimes dans la collectivité.
    Bien franchement, vu les peines concurrentes et consécutives imposées dans ce pays, même si la victime dit: « Oui, j'aimerais bien que M. et Mme X soient trouvés coupables de 16 chefs d'accusation », dans la réalité de notre appareil de justice pénale, une peine concurrente de deux ans moins un jour infligée 15 fois n'est pas différente d'une peine de deux ans moins un jour, sur le plan pratique.
    Vous avez parlé brièvement des déclarations de la victime et de ce nouveau concept, c'est-à-dire le tort fait à la collectivité. Comme vous le savez bien, l'article 718 du Code criminel porte sur le principe fondamental du prononcé de la peine. La philosophie qui sous-tend le prononcé des peines nous aide à interpréter les objectifs du processus. Le projet de loi C-32 comportera une référence explicite à l'alinéa 718a) qui prévoit la reconnaissance du tort causé aux victimes ou à la collectivité. Il sera donc déclaré de façon explicite que l'objectif du prononcé de la peine n'est non seulement de dénoncer le comportement illégal, mais également de reconnaître et dénoncer les torts faits aux victimes.
    Voulez-vous vous prononcer sur cette disposition?

  (1635)  

    Bien sûr. Lorsque je la lis, il me semble qu'elle renforce quelque peu l'aspect dissuasif du prononcé de la peine, qui est déjà un de ses objectifs ici au Canada. Selon moi, et encore faut-il connaître l'avis de la magistrature de ce pays, lors du prononcé de la peine, on tiendra compte du comportement, de l'incidence sur la victime et des torts infligés. De façon plus générale, si l'on prend l'exemple de la traite de personnes, on pourrait dire: « Vous exploitez un bordel dans le Motel 6 situé sur l'autoroute Queen-Elizabeth Way, et cela cause des torts à notre collectivité; ce chef d'accusation est normalement associé à une peine de trois ans, et vous allez en écoper de quatre. »
    C'est certainement un élément dissuasif qui pourrait être utilisé. Je le salue. Je crois que le terme « dissuasion spécifique » est flou, et « dissuasion générale » n'est pas très précis non plus. La disposition dit que nous devrions consulter la déclaration de la victime et voir s'il y a lieu de rallonger la peine. C'est du moins l'interprétation que je propose et j'espère qu'elle sera retenue.
    Merci beaucoup.
    M. Casey, du Parti libéral, posera ses questions.
    J'aimerais remercier tous les témoins d'être venus.
    Monsieur Sullivan, vos observations m'ont touché particulièrement, car je suis d'accord avec vous pour dire que le projet de loi n'est pas mal, même si ses mérites ont été trop vantés. J'ai les mêmes réserves que vous à l'égard des responsabilités et des rôles partagés par les provinces et le gouvernement fédéral, et je suis d'accord que l'efficacité sera jugée selon les ressources qui sont attribuées, probablement par les provinces, afin que ces dispositions aient du mordant, c'est-à-dire celles qui visent le droit à l'information et le droit de déposer une plainte.
    Pouvez-vous nous donner votre avis...? Votre témoignage était sans équivoque, vous ne croyez pas que grand-chose changera, mais si vous avez tort, le projet de loi sera conséquent. Je devrais vous dire que trois des cinq témoins ont fait référence au rôle des provinces, et il faut donc savoir que cet élément fera l'objet de discussions dans le cadre de notre étude. J'aimerais vous parler du scénario que l'on craint, c'est-à-dire que vous avez peut-être tort, et qu'il y a un rôle considérable pour ce qui est de fournir des ressources afin de donner du mordant aux dispositions visant les plaintes et le droit à l'information. Pouvez-vous nous parler des ressources qui seraient nécessaires, des crédits qu'il faudrait accorder sur le plan pratique?
    J'ai une dernière question avant que vous ne répondiez. Vous avez indiqué que vous espériez que le comité entendrait des procureurs généraux des provinces. Nous en avons invité, mais ils ne se précipitent pas ici à Ottawa. Si vous exercez une certaine influence, pourriez-vous leur dire que nous voulons recueillir leurs témoignages et que nous les avons invités?
    Si j'exerçais davantage d'influence, les services aux victimes disposeraient de beaucoup plus de ressources.
    Tout d'abord, lorsqu'il s'agit des droits des victimes, l'un des risques, c'est de trop promettre. Certaines recherches le confirment, c'est-à-dire que si l'on promet certaines choses aux victimes, elles ont des attentes, et elles doivent ensuite parcourir un système. Si leurs attentes ne sont pas satisfaites, cela s'avère encore pire que de ne rien faire. Je le répète, je ne m'oppose pas au projet de loi. Je ne dis pas que les gens devraient voter contre. Je dis juste qu'il faut être réaliste dans vos propos.
    Si les propos sont réalistes, et mes enfants vous diront que j'ai tout le temps tort, donc ce serait raisonnable de croire que j'ai encore tort, à ce moment-là vous aurez des procureurs de la Couronne qui consacrent beaucoup plus de temps aux victimes, ce qui veut dire qu'il faudra également prévoir des procureurs de la Couronne qui comparaîtront devant les tribunaux, donc plus d'employés. Les associations des procureurs de la Couronne vous diront, il me semble, que le besoin est déjà prononcé quant à la nécessité de recruter davantage de procureurs de la Couronne, et elles l'affirment régulièrement lors du dépôt des divers projets de loi ici au Parlement.
    Nous les avons invités également.
    C'est formidable.
    Si vous allez exiger que les agents de police consacrent davantage de temps aux victimes, ils ne seront pas contre, mais il faudra avoir plus d'agents. Je peux vous dire qu'à Ottawa et à Toronto, on discute des budgets de la police. Je crois même que le gouvernement fédéral a parlé de ces budgets, en disant qu'il faut les dompter, et on verra donc probablement ces budgets se rétrécir, et non grandir. Si l'on veut que la police travaille davantage avec les victimes, il faut qu'il y ait plus d'agents.
    À Ottawa, par exemple, au bureau du procureur de la Couronne, nous avons un programme qui s'appelle le programme d'aide aux victimes et aux témoins. Il y en a un dans chaque province, et il existe des bureaux semblables dans chacune des instances juridiques du pays. C'est un bureau qui travaille avec les victimes lorsque les affaires sont saisies par les tribunaux, et ce bureau fait des mises à jour sur les dates et les détails auprès des victimes. Le travail de ce bureau se limite essentiellement aux cas de violences familiales, d'agressions sexuelles, d'homicides, à quelques cas de violences faites aux aînés et au commerce illicite, mais les employés n'ont tout simplement pas le temps de s'entretenir avec toutes les autres victimes. Dans le cas des victimes de conduite avec facultés affaiblies, d'agressions et de violences non familiales, le bureau n'a ni les ressources ni le temps, même si la charte des droits des victimes de la province le prévoit. Si le projet de loi leur impose davantage de travail, il faudra que ces bureaux recrutent les gens nécessaires.
    Si j'ai tort, et si le ministre a raison de dire que le projet de loi entraînera des changements de taille, il faudra accorder beaucoup plus de ressources aux procureurs de la Couronne, à la police, aux services aux victimes et à tous les intervenants afin d'être sûrs de pouvoir tenir votre promesse.

  (1640)  

[Français]

     Maître Laferrière, vous avez suggéré que l'article 20 soit retiré. J'ai l'impression que, pour notre système de justice, les changements que vous avez proposés seront vraiment significatifs.
    Selon vous, faut-il amender la charte?
    Je vais répondre en deux étapes.
    Si le législateur décidait de maintenir l'article 20, il l faudrait certainement en préciser le contenu, de façon à décrire précisément en quoi consiste le pouvoir discrétionnaire de la police et de la Couronne à l'égard des victimes. On sait en quoi il consiste pour ce qui est des accusés, des criminels, des terroristes et du crime organisé. Dans ces cas, une discrétion est nécessaire.
    Dans celui des victimes, c'est un peu comme dans les articles 28 et 29: il n'y a pas de recours. On dit que la charte n'offre pas de recours. Pourquoi a-t-on inclus les articles 28 et 29 ainsi que l'article 20? Si le législateur veut tenir un débat sur l'immunité de la police et de la Couronne, je pense qu'il doit le faire dans un cadre distinct, séparé, et non pas dans celui d'une charte portant sur les droits des victimes. À mon avis, il n'y a pas de lien de causalité.
    Pour ce qui est du deuxième aspect de votre question, il y a eu en 2012 un colloque à Québec. Or la ville de Québec est un fief conservateur. L'organisateur en chef, qui a fait un travail absolument formidable, était l'ancien procureur général et ministre de la Justice du Québec, Me Marc Bellemare. À l'Hôtel Classique, de Québec, on a réuni plus d'une centaine de victimes et tenu un atelier sur la charte. Celui-ci était présidé par le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, qui a fait un excellent travail, soit dit en passant. Pour ma part, je l'assistais. Je jouais le rôle de conseiller juridique.
    Il est ressorti de cet atelier que les victimes aimeraient être assistées d'un avocat. Ce dernier s'occuperait notamment de tous les aspects que Me Sullivan a couverts. Il se chargerait vraiment de guider les victimes au cours de tout le processus et de faire des représentations à toutes les étapes du procès criminel devant le juge et le jury.
    Il s'agit donc d'un rôle actif devant la cour.
    En effet, et il pourrait éventuellement entamer une négociation de plaidoyer ou porter une cause en appel. Ce n'est pas mon opinion personnelle, je vous le dis. C'est ce qui est ressorti du colloque et qui a fait consensus.
    L'hon. Christian Paradis y assistait comme invité d'honneur, de même que Me Bertrand St-Arnaud. À mon avis, cela reflète un peu la position du Québec à l'égard du dossier sur les victimes.
    Cela dit, la raison de ma présence ici aujourd'hui est beaucoup plus limitée. Il s'agit, de façon très ciblée, de l'article 20 et, plus précisément, de ce qu'on entend par le pouvoir discrétionnaire de la police et de la Couronne dans le cas des victimes.

[Traduction]

    Merci beaucoup pour vos questions et les réponses données.
    Au tour maintenant de M. Dechert du Parti conservateur.

  (1645)  

    Merci à chacun des témoins d'être venu aujourd'hui.
    Madame Kennedy, je vais commencer par vous. Quel plaisir de vous revoir. Je crois fortement au travail que vous-même et vos collègues faites au Centre Boost à Toronto. J'ai pu visiter votre centre à plusieurs occasions et c'est un modèle qui devrait servir à tout le pays. Je sais que M. Seeback est d'accord avec moi pour dire que la région de Peel a besoin d'un centre comme le Centre Boost, et nous espérons qu'il y en aura un là prochainement. Je crois que tous les autres députés de la région de Peel sont d'accord. Nous vous remercions énormément de votre leadership et de la façon dont vous aidez les enfants victimes de violence dans votre centre.
    Je sais que vous avez suivi l'élaboration de la Charte des droits des victimes et que vous avez participé au processus de consultation lancé par le ministre de la Justice. J'aimerais vous poser quelques questions. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais il me semble que vous avez dit que vous étiez préoccupé par la capacité des enfants de témoigner à la fois devant les tribunaux et dans les déclarations de victime d'une autre façon plutôt que de devoir le faire en personne dans la salle d'audience. Il me semble pourtant que la Charte des droits des victimes prévoit une telle éventualité.
    Êtes-vous d'accord avec ces conditions et est-ce qu'elles vous plaisent?
    Je suis d'accord, et effectivement le Code criminel prévoit l'utilisation d'aides au témoignage. Ma préoccupation, c'est que l'on ne s'en sert pas suffisamment. Les enfants sont des victimes et des témoins particulièrement vulnérables dans le système de justice pénale, et nous pouvons prendre des mesures supplémentaires pour les aider à passer par le processus. Nous ne pouvons pas les considérer comme des mini adultes. Ce n'est pas le cas. Ils ont des besoins particuliers, comme je l'ai indiqué, quant à leur capacité de témoigner, de faire une déclaration de victime, et aussi quant à la façon dont ils interprètent et comprennent le système de justice pénale.
    Je crois que le projet de loi jette de bonnes bases, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
    La Charte des droits des victimes indique précisément que les victimes ont le droit de témoigner derrière un écran ou au moyen d'un autre appareil, comme une caméra vidéo. Lorsque j'ai visité votre centre, vous aviez une salle désignée très bien adaptée aux enfants dans laquelle il y avait des caméras cachées. Vous recueillez les déclarations des enfants immédiatement après l'incident. C'est ce dont vous nous parlez, je crois, et de la possibilité de s'en servir dans les salles d'audience.
    Quels seraient les autres types d'aides au témoignage auxquels vous faites référence? Pouvez-vous nous en donner des exemples?
    Je ne peux certainement pas parler pour tout le pays, mais ici en Ontario, nous retrouvons des tribunaux qui n'ont pas d'équipement télévision en circuit fermé. Bien souvent, les procureurs et les juges hésitent à installer ce genre d'équipement parce que c'est contraignant et cher.
    Je crois que l'on a réalisé certains progrès en ce qui concerne les délinquants, qui peuvent comparaître grâce à la technologie. Les centres d'aide constituent une bonne base. Il existe des installations qui permettent aux enfants de faire leurs déclarations à la police pendant l'enquête. Je crois que l'on pourrait aller encore plus loin. Comme nous l'avons démontré dans le cadre de notre projet pilote, nous pourrions filmer les déclarations des victimes au moyen d'une caméra vidéo, afin que l'enfant n'ait pas à subir cette expérience en personne dans la salle d'audience, et il serait également possible de témoigner d'un autre lieu grâce à la technologie.
    Il me semble que la Charte des droits des victimes permet ce genre de chose.
    Oui, je suis d'accord.
    Bon.
    En ce qui concerne les dispositions visant les déclarations des victimes et les nouvelles dispositions de la Charte des droits des victimes, quels en sont les aspects dont vous êtes en faveur?
    J'aime le fait qu'il y a maintenant un modèle standardisé pour les déclarations des victimes. En Ontario, les questions qui figuraient dans les déclarations des enfants victimes n'avaient aucun sens, on demandait par exemple aux enfants combien de jours de travail qu'ils avaient manqués et des choses comme ça. Les enfants ne savaient pas comment répondre et ne comprenaient même pas les questions, et l'on n'arrivait pas à déterminer l'incidence du crime sur ces enfants. Je crois que le nouveau modèle est beaucoup mieux pensé.
    Comment trouvez-vous la disposition qui prévoit l'envoi d'une photo de l'agresseur à la victime une fois que l'agresseur est libéré?
    Je crois que ces dispositions seraient utiles si nous avions des peines d'emprisonnement suffisamment longues pour que les délinquants changent réellement d'apparence. Malheureusement, ces genres de peines ne sont pas infligées dans les cas de violences physiques et sexuelles faites aux enfants. Néanmoins, plus il y a de renseignements qui sont communiqués à la victime et à sa famille, plus c'est utile.
    Comme vous le savez, le gouvernement a déposé un autre projet de loi, la Loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants, le projet de loi C-26. Il sera déposé à la Chambre des communes bientôt. J'espère que vous reviendrez témoigner devant le comité lorsque nous étudierons ce projet de loi.

  (1650)  

    Avec plaisir.
    Êtes-vous d'accord avec la disposition de la Charte des droits des victimes qui permet de désigner une autre personne pour regarder la photo si la victime ne veut pas la voir ou si cela lui causerait du tort?
    Oui, surtout dans des cas où ce sont des enfants qui sont les victimes, ce serait beaucoup plus logique d'avoir un adulte dans ce rôle.
    Merci beaucoup pour vos réponses.
    C'est votre dernière question.
    D'accord.
    J'ai une question pour M. Laferrière.
    Il a fait référence dans sa déclaration et dans son mémoire à la possibilité de veto de la part des victimes dans les négociations des plaidoyers. C'est le résultat d'une consultation qui a eu lieu au Québec.
    Est-ce bien ce que vous proposez, inclure une telle provision dans la Charte des droits des victimes, et allez-vous recommander à nos collègues d'en face un tel amendement?
    Oui, monsieur.
    D'accord. Merci.
    Merci beaucoup pour vos questions et les réponses fournies.
    C'est au tour maintenant de Mme Péclet, du Nouveau Parti démocratique. 

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à chacun des témoins, car toutes leurs opinions sont importantes.
    J'aimerais revenir aux propos de mon collègue concernant les délais.
    Monsieur Sullivan, vous pourrez peut-être en dire plus sur les délais, qui, selon vous, constituent le plus gros problème que vivent les victimes relativement au système de justice.
    Étant donné que les droits compris dans la charte ne sont pas nécessairement exécutoires, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de sanction automatique si ces droits ne sont pas respectés, on a établi un mécanisme de plaintes.
    Si ce mécanisme de plaintes est adopté par les provinces, à qui les victimes transmettront-elles leurs plaintes? Le ministère de la Justice devrait-il adopter ce mécanisme et recevoir les plaintes des victimes partout au Canada ou ce mécanisme devrait-il être adopté par chaque province? Dans ce cas, on est en présence d'un double système; d'un côté, la victime a droit aux renseignements sur le procès — la négociation de plaidoyer — et l'accusation, mais de l'autre, si ses droits ne sont pas respectés, elle doit porter plainte ailleurs pendant que le procès continue. Lorsque la victime porte plainte, le mécanisme s'enclenche, mais si ses droits ne sont pas respectés, le procès continue jusqu'à la fin et elle reste donc au centre de tout cela. Il est donc possible que ses droits ne soient jamais respectés.
    Comment peut-on équilibrer les deux? Où s'imbrique le mécanisme de plainte? Comment peut-on s'assurer que la victime puisse suivre le processus normal d'un procès sans qu'elle doive obtenir de l'aide du procureur de la Couronne ou d'un ombudsman? Ce système est à double vitesse; le procès continue pendant que la victime essaie de faire reconnaître ses droits.
    Comment fait-on pour équilibrer cela? Comment voyez-vous cela?
    La question s'adresse à chacun de vous, car vous avez tous quelque chose d'intéressant à dire.

[Traduction]

    Andrew, nous commencerons par vous et ainsi de suite. Cela vous convient?
    D'accord.
    Certaines provinces ont maintenant en place un bon processus si une victime souhaite porter plainte. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, et comme l'ont affirmé d'autres témoins, cela dépend largement du mécanisme prévu par les provinces dans de tels cas de figure, car environ 90 % de ces cas sont du ressort provincial, alors que très peu sont la responsabilité du gouvernement fédéral.
    On pourrait se servir de l'enveloppe consacrée au projet de loi pour faire respecter certaines normes quant à l'utilisation des crédits. Vous avez déjà de bons modèles. Vous pourrez les appliquer dans d'autres provinces qui défendent moins bien les droits des victimes et également pour prévoir le droit de déposer une plainte et la procédure connexe. Il s'agit surtout de processus et de pratiques exemplaires, et vous allez grandement améliorer le système si vous facilitez ce genre de choses.

  (1655)  

[Français]

     En ce qui concerne le délai et les droits des victimes, nous avons vécu au Québec une situation qui m'a préoccupé. Je m'intéresse aux questions de criminalité organisée. Par conséquent, ce qui se passe au centre de services judiciaires Gouin me préoccupe. Le juge James Brunton a décrété l'arrêt des procédures dans une quarantaine de dossiers impliquant des motards criminalisés.
    Ici, je vais raisonner un peu par l'absurde. Si, pour ce genre de dossiers, les avocats des victimes étaient reconnus dans le système judiciaire, cela constituerait pour la Couronne des collaborateurs extrêmement importants. Les guerres de motards font beaucoup de victimes. On parle de centaines de victimes. Je pense ici aux opérations SharQc et Printemps 2001.
    Au Québec, des groupes ont déclenché des guerres contre d'autres groupes. Il peut y avoir un mouton noir dans une famille, mais cela ne veut pas dire que toute la famille est composée de moutons noirs. Il y a des victimes et des familles de victimes. À mon avis, si des avocats pouvaient représenter les victimes dans le système judiciaire, cela exercerait une pression supplémentaire sur les avocats de la défense et les organisations criminelles. Cela permettrait d'en arriver plus rapidement à des condamnations plutôt que d'avoir à accuser de nouveau des individus soupçonnés de meurtres en série. C'est dans ces cas que l'avocat de la victime devient un joueur important.
    Je ne réponds pas tout à fait à la question, mais je tiens à préciser, concernant le mécanisme de plaintes, soit le mécanisme administratif qui est proposé, que je préconise plutôt une approche opérationnelle, beaucoup plus active. Cela permettrait au procureur de la Couronne et aux policiers de ne plus être seuls. Ils auraient un nouvel allié: l'avocat des victimes.

[Traduction]

    Sur la question de la conciliation des délais et des droits des victimes et de la simultanéité de ces deux processus, je suis d'accord avec M. Murie: des modèles existent. Franchement, un ajournement de trois mois, le temps de faire enquête pour déterminer si les droits de la victime ont été violés, parce qu'on ne l'a pas avertie d'un processus, entraînera une demande sous le régime de la Charte des droits et libertés et, éventuellement, la remise en liberté de l'accusé. Je pense que, dans cette situation, 99,9 % des victimes se diraient victimes une deuxième fois et qu'elles préféreraient que justice soit faite à l'accusé.
    Malheureusement, cette règle date de l'adoption de la Charte, probablement avant votre naissance, et, pour la modifier, il faudrait remplir toutes les conditions pour obtenir un changement constitutionnel. Il faudra aussi consacrer une contrepartie dans la charte des victimes. Le projet de loi comporte des dispositions imparfaites qui permettent à un fonctionnaire judiciaire ou à un juge d'ajourner le processus. Je pense que le compromis, dans votre question, est la possibilité, si le juge s'en prévaut, d'ajourner le processus et de permettre le traitement de la plainte de la victime.
    J'abonde dans le sens de M. Murie, sur son troisième point: bien que les articles 26 et 27 parlent d'un organisme fédéral et d'un organisme provincial, dont lui et moi avons parlé avant que cela ne débute — il a parlé de 90 %; pour ma part, j'ignore quel est le pourcentage réel — la plus grande partie de la tâche relèvera des municipalités, c'est-à-dire des policiers et des avocats de la Couronne. Si les provinces ne suivent pas, le processus de traitement des plaintes pourra difficilement être efficace. J'espère que le protecteur du citoyen surveille ce processus. Cette surveillance révélera des éléments perfectibles qui, peut-être, nous feront revenir ici dans un an.
    Je suis désolé, mais votre temps est écoulé. Merci pour ces questions est ces réponses.
    Le prochain intervenant est M. Seeback, du Parti conservateur.
    Monsieur Hooper, revenons à ce qui a été dit sur les délais. Nous avons entendu que l'un des amendements proposés concernerait — je n'ai peut-être pas l'expression exacte — presque un veto de la victime sur le processus de négociation de plaidoyers. Je comprends un peu ce dont il s'agit. Dans une vie antérieure, j'étais avocat. Je pense que les négociations de plaidoyers compliquent le processus judiciaire. Elles ne visent pas nécessairement à l'accélérer; en fait, ils ne le visent absolument pas. D'après ce que je comprends et d'après mon expérience, l'avocat de la Couronne évalue peut-être les éléments de preuve et la possibilité, qui doit être raisonnable, d'obtenir une déclaration de culpabilité. Voilà pourquoi il conclut une sorte d'entente qui pourrait se fonder sur les éléments de preuve. Elle pourrait se fonder sur son évaluation de l'éventuel témoignage de la victime. Toute une foule de facteurs pourraient intervenir.
    D'après vous, quel effet aurait un pouvoir de veto de la victime sur ce processus, c'est-à-dire que le procès aurait lieu? Je ne crois pas que beaucoup de victimes accepteraient volontiers la négociation d'un plaidoyer.

  (1700)  

    Voyons d'abord la situation générale. On a beaucoup parlé de ressources. Je pense que des procès qui ont une possibilité raisonnable ou non d'obtenir une déclaration de culpabilité ont lieu tous les jours... Oublions la possibilité que les avocats de la Couronne téléphonent aux victimes et les préviennent de la tenue du procès dans une semaine; songez aux 600 —un chiffre que je lance comme ça — avocats de la Couronne qu'il faudra embaucher et pour qui il faudra commencer les entrevues dès aujourd'hui pour la conduite de ces procès. J'éprouve le plus grand respect pour les victimes, mais je ne parviens pas à imaginer une des victimes que j'ai représentées me promettre que le procès qui vient sera mon jour de gloire, que l'accusé sera reconnu coupable des 16 chefs d'accusation et qu'il écopera d'une peine un peu plus longue que prévu ou, encore, que nous laisserons tomber 12 chefs d'accusation pour nous concentrer sur 4 et que, pour la peine, mollo-mollo, parce que, en vérité, votre mère ne fait vraiment pas un très bon témoin.
    Vous avez raison. C'est compliqué. C'est cependant un processus quelque peu objectif, qui tient... Tout à l'heure, j'ai parlé d'un gâteau, pour montrer la multiplicité des facteurs qui interviennent dans le marchandage de plaidoyers. Pour redorer un peu le blason de ma profession et de la vôtre, dans une vie antérieure, apparemment, je ne pense pas que, le matin, à leur arrivée au travail, les avocats de la Couronne se disent qu'un tel pourra marchander son plaidoyer, un autre pas, une telle oui, celui-là non. Ça ne marche pas comme ça. C'est un processus très complexe. Il faut consulter la police. Pour être juste pour les victimes, c'est une situation subjective, remplie d'émotions. Si on leur donnait un pouvoir de veto, d'après mon humble et sincère point de vue, on paralyserait la justice.
    Je ne pense pas que ce soit pratique, dans les circonstances, avec tout le respect dû aux victimes. Vous avez raison. Le nombre de procès augmenterait incroyablement dans presque toutes les juridictions.
    Je pense que nous oublions les 60 % ou 70 % de victimes qui n'obtiennent pas de verdicts de culpabilité, ce qui signifie qu'on ne les a pas crues. Dans les causes que je plaide, la victime d'agression sexuelle qui témoigne deux jours et demi, qui est contre-interrogée par l'un de mes confrères et à qui, le vendredi, le jury déclare que l'accusé n'est pas coupable, cela ne signifie pas nécessairement que le crime n'a pas eu lieu. Et je parie — je l'ignore, parce que je n'ai jamais été victime d'une agression sexuelle — que, en sortant du tribunal, elle se sent, à mon humble point de vue, encore plus victime parce qu'on ne l'a pas crue, parce qu'on a cru son agresseur.
    Absolument.
    Monsieur Sullivan, parlons un peu de votre observation sur le dédommagement. D'après ce que je comprends, le dédommagement complique un peu le système de justice. Je ne le connais pas aussi bien que j'aimerais.
    Pouvez-vous donner des exemples de dédommagement? Comment concilier l'ordonnance de dédommagement ou même la suramende compensatoire et, par exemple, la peine de prison plus l'argent que la personne incarcérée pourra gagner en prison? Peut-on faire des déductions sur les montants gagnés? Qu'en est-il d'une poursuite au civil? Y a-t-il un ordre dans les priorités en la matière? Qu'est-ce qui a préséance sur quoi? Voilà ce que je me demande.
    Vous avez raison; le dédommagement peut être complexe. Ce peut être très simple pour une bicyclette ou une télévision volées, pour lesquelles on possède la facture, et c'est le montant qui sera précisé dans l'ordonnance.
    Ça se complique dans le cas des blessures corporelles: il y a eu violence; la victime pourrait avoir besoin d'une aide psychologique; il y a perte de la capacité de travailler. Même si vous pouviez présenter au juge un sommaire de ces coûts, si une aide psychologique devient nécessaire, il faut que les coûts soient faciles à déterminer, ce qui est difficile pour de nombreuses victimes. Le processus se complexifie.
    Supposons que le montant soit fixé à 500 $. C'est dans l'ordonnance de dédommagement. Ce dédommagement peut faire partie de la probation de la personne, mais une fois la probation terminée, si elle cesse de payer, il incombe à la victime de s'adresser aux tribunaux civils pour faire appliquer l'ordonnance.
    La mémoire risque de me faire défaut, mais je me rappelle avoir témoigné, il y a quelques années, sur un projet de loi d'initiative parlementaire qui établissait un ordre de préséance applicable aux dédommagements auxquels, par ordonnance, étaient tenu des prisonniers. Il y avait, je crois, une suramende compensatoire, mais je ne peux pas vous donner plus de détails à ce sujet.
    Je pense que l'une des difficultés, qui se présente fréquemment, est que le contrevenant n'a pas d'argent. Si les dommages sont importants, si la victime a subi beaucoup de blessures ou a été longtemps incapable de travailler et a peut-être besoin de beaucoup de soutien psychologique, même si elle s'adressait aux tribunaux civils, le résultat dépend réellement des ressources du contrevenant. S'il est très démuni, l'ordonnance de dédommagement ou n'importe quelle autre ordonnance restera simplement sans suite.
    Ce processus très complexe peut donner des résultats. Il est particulièrement efficace quand ont lieu des rencontres de justice réparatrice et que les parties, l'accusé, le contrevenant et la victime, se parlent et trouvent une solution qui précise les montants à verser. Je pense que, 80 % du temps, les versements ont effectivement lieu.

  (1705)  

    Avez-vous une recommandation pour rendre plus efficaces les ordonnances de dédommagement?
    Il se trouve, dans le projet de loi, une disposition que je trouve excellente. Elle permet à la Couronne de demander un ajournement pour l'estimation des montants faciles à déterminer. Je proposerais d'autoriser les victimes à le demander aussi au tribunal. Je pense qu'il serait vraiment utile aux provinces de venir témoigner, notamment la Saskatchewan. Vous pourriez examiner son programme, un programme qui aide les victimes à faire appliquer ces ordonnances. Cette mesure se révèle très utile.
    Merci pour les questions et les réponses.
    Je voulais poser des questions sur la Saskatchewan.
    Vous pourrez les poser quand la province, je l'espère, comparaîtra.
    Le prochain intervenant est M. Toone, du NPD.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     J'aimerais commencer par le début en demandant ce qu'est une victime, car le projet de loi vient changer légèrement cette définition. Il serait important qu'on s'entende au sujet des gens qui seront touchés par cette charte.
    Selon ce projet de loi, une victime pourrait avoir subi un préjudice à la suite d'une infraction ou même d'une prétendue infraction. Que pensez-vous que cela pourrait vouloir dire? On semble avoir écarté la personne morale. Est-il entendu que la personne morale sera écartée une fois pour toutes? Ou encore, aura-t-elle des droits qui primeront en vertu de la charte des droits?
    Commençons par définir ce qu'est une victime. Y a-t-il un consensus sur cette définition? Y aura-t-il une autre loi qui l'emportera sur cette charte?
    Monsieur Sullivan, avez-vous des commentaires à formuler?

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris de la question, mais je pense que la définition ressemble probablement à celle qui se trouve déjà dans le Code criminel, bien que je ne me sois pas muni d'un exemplaire du code. D'autres ajustements peuvent suivre. La notion de victime, dans les lois des provinces est semblable. On essaie d'y englober, je pense, tous les cas possibles: dommages aux biens, atteintes mentales, blessures. La plupart des définitions reconnaissent aussi les incapacités et les décès, y compris dans la proche parenté, tout cela.
    Une disposition, ici, précise qu'une victime peut être une victime d'infraction ou quelqu'un non criminellement responsable. Qu'est-ce que ça changera?
    Rien dans ce qui se fait actuellement, d'après moi. Le Code criminel prévoit que la victime peut faire une déclaration dans une affaire où l'accusé n'est pas criminellement responsable. Si je comprends bien, comme la personne n'est pas reconnue coupable du crime, elle est, d'une certaine manière, non criminellement responsable. Elle a commis l'action, mais l'intention n'y était pas. D'un point de vue pratique, de celui de la première ligne, je ne pense pas que ça change vraiment le traitement réservé aux victimes. Le conseil de révision en santé mentale autorise les victimes à se présenter à ses audiences. Elles peuvent y faire des déclarations. J'ignore si le système fonctionne si bien dans toutes les provinces, mais les dispositions existent.
    Je pense que le fonds de la suramende compensatoire est un bon exemple. Si la personne n'est pas jugée criminellement responsable, il serait assez difficile d'imposer une suramende, parce qu'il n'y aurait pas de coupable.

  (1710)  

    Honnêtement, j'ignore comment cela fonctionnerait. Je n'y ai jamais pensé d'après ce point de vue, mais il est tout à fait possible qu'on n'impose pas de suramende.
    Les tribunaux semblent se diriger vers le rejet pur et simple de la suramende. Nous verrons, au fil du temps, ce qui arrivera aux appels. La suramende semble vouée à la disparition.
    Peut-être, monsieur Murie, pourrais-je vous poser cette question.
    Un certain nombre d'organismes philanthropiques défendent actuellement les droits des victimes. Si le fonds cesse d'être alimenté par les suramendes, ces organismes pourront-ils combler le manque à gagner? D'où viendra le financement?
    Quand on a adopté la loi pour augmenter le fonds de la suramende compensatoire, beaucoup... Beaucoup d'organismes offrant des services aux victimes et qui dépendent de dons de charité n'obtiennent absolument rien du fonds de la suramende compensatoire. La plus grande partie de cet argent va aux provinces, qui l'utilisent pour financer leurs propres services.
    Comme mes homologues l'ont dit, le service actuels est limité. Notre espoir était que le système, grâce à l'augmentation du financement de la suramende compensatoire que nous favorisions absolument, serait, pour une fois, mieux financé, que les provinces et les territoires pourraient financer leurs propres systèmes et que le surplus, suffisant, irait à des organisations telles que MADD et Boost, et à des organisations analogues.
    À l'heure actuelle, nous appuyons chaque année des milliers de victimes dans le système de justice. Nous ne recevons pas d'argent de l'État fédéral ni des provinces. Tout vient de dons. Le risque pour le service que nous fournissons fluctue en fonction des dons. Il est absolument indispensable que, dans les services aux victimes...
    À l'étranger, aux États-Unis par exemple, mes homologues obtiennent la plus grande partie de leur financement des services aux victimes, essentiellement du système fédéral de suramende compensatoire en place là-bas. Il finance convenablement le système, ce qui permet aux États-Unis d'embaucher des professionnels et de garantir des services aux victimes dans tout le pays.
    Nous sommes loin d'avoir la même chose. Nous avions espoir. Les tribunaux prendraient une décision terrible s'ils décidaient d'y mettre fin et que les fonds de la suramende de compensation cessaient d'irriguer le système. En plus, soudainement, tous les excellents services que les provinces fournissent — il s'agit de ressources — disparaîtraient aussi.
    Quel est le remède alors, d'après vous? Il semble certain que les tribunaux contestent la suramende. Ses jours semblent comptés.
    J'ai pris connaissance du jugement rendu dans l'affaire Michael, l'une des plus récentes, dans laquelle, essentiellement, on a imposé une suramende compensatoire de 900 $ à un clochard, qui ne sera jamais capable de la payer.
    Je voudrais que les juges ne jouissent plus du grand pouvoir discrétionnaire qui était le leur avant, lequel, au fond, leur permettait de dire non à toute suramende compensatoire, ce qui est essentiellement inapproprié. Il faudrait plutôt que, dans des limites très étroites, ils puissent refuser d'imposer même la suramende minimale dans les cas où la personne souffre de maladie mentale, vit dans la rue, a perdu tout espoir... Ces personnes ne possèdent même pas 100 $. Alors pourquoi leur imposer la suramende? Je pense que ce serait une possibilité. Cela constituerait une différence fondamentale. Mais les personnes qui en ont les moyens devraient payer et ce devrait être le montant majoré.
    Merci beaucoup pour les questions et les réponses.
    Au tour, maintenant, de M. Wilks, du Parti conservateur.
    Ma première question s'adresse dans l'ordre à MM. Laferrière, Hooper, et, si tout va bien, à M. Murie.
    En ce qui concerne l'article 20, je comprends votre position, qui est de le supprimer, mais je tenais à parler du jugement de la Cour suprême dans l'affaire de la Reine contre Beaudry, que, d'après moi, vous connaissez. Le tribunal a reconnu que le pouvoir discrétionnaire de la police était un élément essentiel de notre justice criminelle; que la police possédait un mandat légal pour préserver la sécurité du public, entreprendre les enquêtes dans des affaires criminelles et aider les victimes de la criminalité et les autres membres du public; qu'elle exerce ce pouvoir discrétionnaire de nombreuses façons en ce qui concerne le début, l'arrêt ou les modalités de la poursuite d'une enquête, les modalités de déploiement de ses ressources, le dépôt d'accusations ainsi que les modalités et le moment de la divulgation de renseignements au public; que ses décisions tiennent compte d'une foule de paramètres, notamment la détermination du risque pour la sécurité du public, la disponibilité de l'information et des ressources ainsi que la gravité de la situation
    Je me demande si vous pouvez parler de l'influence de ce jugement sur la question que nous étudions et établir un lien entre lui et l'article 22, qui semble comporter une réserve découlant de l'article 20, en guise de précaution.
    Pendant que vous en prenez connaissance, je saute rapidement à...

  (1715)  

[Français]

     Quand on parle de la discrétion policière, il n'est pas question de remettre en cause le pouvoir discrétionnaire des policiers lorsqu'il s'agit de lutte contre le crime, donc de la poursuite d'une personne qui, éventuellement, va être accusée.
    Par contre, lorsqu'on parle de pouvoir discrétionnaire dans le contexte d'une charte des droits des victimes, que veut-on dire? C'est la raison pour laquelle, dans mon texte écrit, je termine un paragraphe en demandant qui a suggéré cet article. Pour définir le pouvoir discrétionnaire de la police et de la Couronne dans le contexte de l'exercice des droits et de la protection des victimes, que veut-on dire?
    Si le législateur ne parle pas inutilement — ce qui est aussi une règle en droit — et que nous appliquons ce principe dans le cadre des droits des victimes, que veut-on dire? Que signifie pour un policier ou un procureur de la Couronne le fait d'exercer un pouvoir discrétionnaire, non pas à l'égard d'un criminel ou d'un individu qui fait l'objet d'une enquête, mais à l'égard d'une victime?
     Ici, la cible n'est plus le criminel ou une organisation criminelle, mais la victime. Alors que voulez-vous dire? Autrement dit, je suggère tout simplement au législateur de donner des exemples concrets de la façon dont cette discrétion sera appliquée dans le cas des victimes.
    Je n'irai pas plus loin. Si les policiers et les procureurs de la Couronne veulent tenir un débat là-dessus, qu'ils le fassent, mais à l'extérieur du cadre de la charte.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Hooper, vous avez soulevé un bon point en ce qui concerne la responsabilité d'informer. En tant qu'ancien policier, j'ai toujours estimé qu'il était de mon devoir d'informer les victimes du déroulement de l'enquête, mais dès que l'affaire passait aux mains du système judiciaire, il me paraissait que ce n'était plus mon travail. Je trouvais que la responsabilité incombait alors au procureur de la Couronne, à l'agent de probation ou à qui que ce soit d'autre. La démarcation semble être floue, mais si tout le reste échoue, le dossier revient par défaut aux mains de la police, même si elle n'a pas la moindre idée de ce qui se passe une fois que l'affaire entre dans le processus judiciaire, puisqu'il y a bien d'autres étapes.
    Comment nous suggérez-vous, le cas échéant, de simplifier la façon d'informer les gens?
    J'ai une proposition qui n'a rien d'improvisé: j'ai entendu dire qu'il faudrait embaucher plus de procureurs de la Couronne pour ces identifications. Or, je pense respectueusement qu'il suffit de mettre en poste une personne capable de se servir d'un téléphone et de dire que le procès aura lieu la semaine prochaine. Nul besoin de confier la tâche à un procureur de la Couronne ou à un agent de police.
    Ce qui m'inquiète, c'est l'histoire de la libération sous caution. À Hamilton, un secteur que je connais bien, et dans la région de Toronto, aucun procureur de la Couronne n'est assigné au dossier dans le cas d'une libération sous caution; c'est très rare, du moins. Je trouve très préoccupant qu'il n'y ait aucune personne-ressource pour démystifier la procédure, si je peux m'exprimer ainsi. Un individu pourrait lui dire qu'il va témoigner — et l'agent de police ne témoigne pas toujours aux audiences sur le cautionnement. Une fois la dénonciation déposée et l'encre séchée, le dossier aboutit sur le bureau du procureur de la Couronne. J'ignore si cela pourrait faire partie de services aux victimes, car je doute qu'il y ait suffisamment de ressources. On dirait vraiment du télémarketing, mais s'il y avait un groupe de téléphonistes capables de dire aux gens ce qui s'est passé avec leur dossier la veille, il s'agirait d'une ressource au quotidien. Voilà la solution rapide que je propose.

  (1720)  

    Je vous remercie infiniment de ces questions et réponses.
    Nous avons deux autres intervenants, ce qui nous permettra de lever la séance à 17 h 30 pile.
    Madame Boivin, je vais vous demander de respecter vos cinq minutes.
    Je vais essayer. C'est ce qui nous pose problème, à nous les avocats: 5 minutes pour un avocat, c'est comme 15 minutes aux yeux du reste du monde.
    En temps facturable, oui.
    Des voix: Oh, oh!
    Non. Parlez pour vous-même.

[Français]

     Je pense sincèrement, maître Laferrière, que vous avez mis le doigt sur un des gros bobos de la charte. Je pense que nous sommes tous heureux que les victimes soient enfin remises au centre de tout cela. Elles en sont d'ailleurs les premières satisfaites. On parle d'événements malheureux qui auront une incidence et une influence sur leur vie pour le reste de leurs jours. Quand le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense ont fermé leurs dossiers, quand tout le monde a terminé, les victimes continuent à vivre les séquelles de tout cela. Il y avait donc de grands espoirs.
    On pourrait discuter longuement, mais en regardant le texte de loi, article par article, on voit comment les dispositions sont rédigées, comment on les met en lien les unes avec les autres. À partir de l'article 6, il est question du droit à l'information, du droit à la protection, du droit de participation et du droit au dédommagement. On voit comment les articles sont conçus.
    Quand j'étais étudiante en droit, à l'université, on nous apprenait à écrire des textes législatifs. Chaque mot a son importance. Par exemple, l'article 16, qui porte sur le dédommagement, se lit comme suit: « Toute victime a le droit à ce que la prise d’une ordonnance de dédommagement contre le délinquant soit envisagée par le tribunal. » On ne peut pas être contre la vertu, c'est merveilleux. Cela peut être envisagé, mais il ne s'agit pas du droit à un dédommagement.
    Il est écrit qu'on a le droit d'être protégé, mais ce fameux article 20, dont vous avez parlé, indique que tous les articles que je viens de mentionner, qui traitent des différents droits des victimes, doivent être interprétés et appliqués de manière raisonnable dans les circonstances. C'est encore très vague. S'ensuivent une tonne de dispositions qui diminuent l'impact de la charte.
    Plusieurs articles relatifs aux recours pourraient faire en sorte que les victimes ressentent de la frustration. Par ailleurs, MM. Murie et Hooper nous disent que les provinces, dans plus de 90 % des cas, devront appliquer cela. Quand je regarde l'étendue de notre grand pays, le nombre de palais de justice au Canada et le nombre de procureurs de la Couronne qui seront appelés à appliquer cette charte, je ne suis pas convaincue qu'on fonctionnera de façon uniforme. Avez-vous des conseils à nous donner sur la façon de s'assurer qu'une victime du Québec sera traitée de la même façon qu'une victime en Saskatchewan? Vous avez parlé d'un système qui fonctionne bien en Saskatchewan.
    Ces préoccupations me viennent à l'esprit. Y a-t-il moyen d'améliorer cette charte? Devrait-on la rendre un peu plus exécutoire? Serait-il préférable de laisser faire et de la laisser avec autant de portes ouvertes?
    J'ai l'impression que je vais parler pendant toute ma période de cinq minutes.
    Cela vous donne donc une idée de ce que j'ai en tête. Êtes-vous davantage favorables à ce que ce soit exécutoire ou êtes-vous satisfaits de toute la discrétion qui est laissée au système, qui peut fonctionner à la va-comme-je-te-pousse? Un par un, dites si vous êtes favorables à ce que ce soit exécutoire ou satisfaits de ce qu'il y a là.

[Traduction]

    Vous n'avez qu'à répondre « je veux que le système soit plus rigoureux », ou « je trouve que le système fonctionne bien tel qu'il est ».
    Veuillez répondre brièvement, si possible.

[Français]

    Monsieur Murie, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je pense que le système est correct. Laissons les provinces faire leur travail. Certaines s'en sortent très bien, alors laissons-les faire. Je pense que nous nous retrouverons ainsi avec un meilleur système pour les victimes, au bout du compte.
    Bien.

[Français]

    Je suis favorable à un fédéralisme collaboratif, comme le disait la juge en chef dans une décision sur la commission nationale des valeurs mobilières, ou dans une autre. Je pense qu'il faudra améliorer cela sur le plan des délais et des sanctions, de façon à ce que d'éventuels avocats des victimes puissent faire un travail de représentation efficace.

  (1725)  

[Traduction]

    Monsieur Hooper.
    Madame Boivin, j'ai retranché une partie de mon exposé où je disais que j'aurais aimé une solution semblable. Or, il n'est pas réaliste d'appliquer la même procédure à Saint John, au Nouveau-Brunswick, qu'à Calgary, en Alberta. Puisque c'est pratiquement impossible, laissons les provinces tranquilles. Voyons voir comment elles s'en sortent, puis attardons-nous à ce qui cloche pour rectifier le tir.
    Monsieur Sullivan.
    Pour que ce soit exécutoire, je pense qu'il faudrait modifier fondamentalement notre système judiciaire, et il s'agit là d'un débat beaucoup plus vaste. L'élément clé, ce sont les ressources. Il n'y a pas un procureur de la Couronne ou un agent de police au pays qui ne souhaiterait pas en faire plus pour les victimes d'actes criminels. C'est une question de ressources. Pour que ce soit exécutoire, les victimes devraient être mises à contribution, et il s'agit là de tout un débat.
    Madame Kennedy.
    Je suis d'accord avec tout ce que mon confrère a dit, et je n'ai rien à ajouter.
    Merci.
    Notre dernier intervenant est M. Lauzon, du Parti conservateur.
    Je remercie nos invités de leurs commentaires des plus intéressants.
    Je vais m'adresser à M. Murie.
    Monsieur Murie, je tiens à vous dire d'emblée que j'apprécie et que je respecte grandement le travail de votre organisation. Comme vous le savez, une de nos collègues a été victime d'un conducteur en état d'ébriété il y a probablement 20 ou 25 ans. Nous en avons discuté, et c'est vraiment terrible.
     Avant de vous poser mes questions, j'aimerais confirmer quelques chiffres. Vous avez dit en exposé, je crois, que quatre personnes par jour en moyenne meurent en raison de conducteurs aux facultés affaiblies.
    C'est exact.
    Je viens de faire le calcul, et il semble donc que 1 460 décès par année sont attribuables aux conducteurs en état d'ébriété.
    C'est un chiffre conservateur. Nous oublions bien des gens...
    Combien y a-t-il de victimes? On parle des familles, des familles élargies... C'est incroyable.
    Je crois que vous avez aussi dit que 175 personnes par jour sont blessées en raison de conducteurs aux facultés...
    C'est exact.
    Cela équivaut à 63 875 personnes par année. Encore une fois, on parle de toutes les familles, de tous les proches... C'est un véritable problème, et c'est pourquoi je vous suis si reconnaissant. S'il vous plaît, continuez votre excellent travail. C'est phénoménal.
    Merci.
    Je crois savoir que vous avez témoigné dans le cadre de la vaste consultation de notre gouvernement visant à concevoir la Charte des droits des victimes, et nous vous en remercions. Dites-nous ce qui, d'après vous, devrait être inclus dans cette charte. Qu'est-ce qui vous ferait plaisir?
    Je me souviens très bien d'une des choses que le ministre a dit lorsqu'il a traversé le pays. Comme bon nombre de mes confrères l'ont mentionné, je peux vous citer des affaires où les gens ont dû se présenter au tribunal 28 à 30 fois sur une période de deux à trois ans. Il serait une grave erreur d'inclure quoi que ce soit au projet de loi qui retarde le système judiciaire actuel. Il s'agit d'un grand pas dans la bonne direction. Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche pour rendre le système de justice pénale plus efficace, et je pense que nous pourrons parler d'autres choses lorsque ce sera fait.
     Le ministre a très clairement dit à mon organisation que le projet de loi allait mettre les droits des victimes sur la bonne voie sans toutefois ralentir le système de justice pénale. Il a été très honnête avec nous, et nous avons perçu le même message dans le cadre de ses consultations d'un océan à l'autre. Nous avions des attentes raisonnables. Nous avons pu faire valoir des arguments qui, selon nous, allaient faire avancer les choses.
    En dépit des chiffres que vous avez présentés, nous croyons vraiment que l'ivresse au volant est la première cause criminelle de décès au pays, et que ces victimes sont traitées comme une deuxième classe. Le système ne les traite pas comme les victimes de meurtre, d'homicide, d'agression sexuelle, et ainsi de suite. Sur le plan de l'indemnisation des provinces, par exemple, une victime d'un conducteur aux facultés affaiblies est soustraite à toute indemnisation en justice pénale. C'est inacceptable, et il s'agit là d'une lacune fondamentale. Nous disons qu'il faut laisser les provinces faire leur travail, mais nous espérons aussi qu'elles profitent de l'occasion pour traiter toutes les victimes sur un pied d'égalité.
    Un policier m'a dit qu'il considérait la voiture d'un conducteur aux facultés affaiblies comme une arme. Qu'une personne tue à l'aide d'une arme à feu ou de sa voiture, s'il est en état d'ébriété, il n'en demeure pas moins que c'est un meurtre.

  (1730)  

    Oui, c'est un homicide involontaire, un homicide commis au volant d'un véhicule automobile: c'est la même chose.
    Peu importe.
    Pensez-vous que la Charte des droits des victimes augmentera la responsabilité financière des contrevenants?
    Je pense que oui. Je trouve que cela revient à ce que mes collègues ont dit aussi. Je pense que le système provincial doit collaborer avec les victimes pour qu'il soit possible de récupérer cet argent, au moyen d'ordonnances des tribunaux et d'autres mécanismes. Nous n'y arrivons pas à l'heure actuelle. Le système provincial fait un travail épouvantable à ce chapitre.
    Les victimes ont l'impression que ce dédommagement est prévu, mais qu'elles n'ont aucune chance de le recevoir.
    Je vous remercie de ces questions et réponses.
     Je tiens à remercier les experts de s'être joints à nous aujourd'hui. Vous avez donné un coup d'envoi fabuleux à nos discussions.
     Nous allons discuter du projet de loi au cours des trois prochaines semaines, après quoi il y aura une semaine de relâche sur la Colline. Nous procéderons probablement à l'étude article par article la semaine suivante, au cas où vous souhaitiez suivre nos délibérations.
     Merci encore d'être venus.
    Nous allons suspendre la séance jusqu'à jeudi.
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