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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 049 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 octobre 2014

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte.
    Il s'agit de la séance no 49 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le jeudi 30 octobre 2014. Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 20 juin 2014, nous reprenons l'étude du projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.
    Nous accueillons aujourd'hui un certain nombre de témoins, à savoir Mme Walker, directrice exécutive du London Abused Women's Centre; Mme Jong, présente ici à titre personnel; M. Fortier et M. Tremblay, qui représentent l'organisme Victimes d'agressions sexuelles au masculin; M. Krongold, membre du conseil d'administration et président du comité législatif de la Criminal Lawyers' Association; de même que le grand chef Yesno — un nom formidable — et Mme Restoule, directrice du Secteur de la justice des Chiefs of Ontario.
    Nous allons entendre les témoins dans cet ordre.
    Madame Walker, vous nous avez soumis un mémoire, mais je ne pourrai malheureusement pas le fournir aux membres puisque nos règles prévoient que seul les documents bilingues peuvent être distribués officiellement.
    Toutefois, ce que je peux vous proposer, c'est de vous assurer, d'ici la fin de la réunion, que vous serez en mesure de transmettre le plus tôt possible aux membres une copie bilingue de votre document.
    Merci. Je vous sais gré de cette proposition.
    Nous nous assurerons que les choses puissent se passer ainsi.
    Chaque organisation dispose de 10 minutes. Nous passerons ensuite à une période de questions et de réponses.
    Je signale aux membres du comité que je tenterai de faire en sorte que nous disposions d'environ 10 minutes à la fin de la réunion pour discuter de l'ordre du jour de nos réunions ultérieures sur le sujet d'aujourd'hui. Est-ce que cela vous convient?
    Madame Walker, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les membres du comité.
    Je vous suis très reconnaissante de me donner l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui afin de soutenir le projet de loi C-32 en tant que défenseure des droits des femmes et des victimes. J'estime que ma présence ici aujourd'hui est très opportune, surtout à la lumière de la réprobation et de l'humiliation que doivent subir les huit personnes qui ont déposé une plainte à l'égard d'une vedette de la CBC.
    Pour l'essentiel, le London Abused Women's Centre offre des services de counselling, de soutien et de défense des droits aux filles de 12 ans et plus et aux femmes victimes de violence conjugale. Cela dit, nous offrons aussi des services aux familles dont l'un des membres a été assassiné par des hommes auxquels ils faisaient confiance et desquels ils croyaient être aimés. En outre, comme vous le savez peut-être, nous fournissons des services aux prostituées.
    Il se peut que vous sachiez que, selon Statistique Canada, la moitié des Canadiennes de 16 ans et plus ont été victimes d'au moins un acte de violence physique ou sexuelle. De plus, vous n'ignorez probablement pas que, d'après le ministère de la Justice, les répercussions économiques de la violence familiale au Canada s'élèvent à 7,4 milliards de dollars par année. De cette somme, quelque 6 milliards de dollars sont liés aux coûts que doivent assumer les victimes.
    À notre avis, pendant beaucoup trop de temps, nous avons mis l'accent sur les droits des personnes accusées et condamnées. Chaque jour, le personnel du London Abused Women's Centre peut constater par lui-même la douleur et la souffrance atroces qu'éprouvent les femmes et les enfants victimes d'actes de violence, de même que le courage et la force dont ils font preuve au moment de tenter d'aller de l'avant et de mener une vie consacrée à la liberté, à la paix et à la guérison.
    Nous devons être conscients du fait que, pour de multiples raisons, la plupart des victimes d'agression sexuelle ou de violence familiale ne déposeront jamais de plainte à la police et n'auront jamais recours au système. En outre, en Ontario, seulement 1 % des personnes visées par une plainte en matière de violence familiale sont condamnés à l'issue de leur procès. D'innombrables raisons expliquent cela.
    Comme vous le savez, les tribunaux fonctionnent très lentement. Plus le traitement d'une affaire par un tribunal exige de temps, plus les femmes victimes de violence sont susceptibles de ne pas présenter de témoignage ou de se parjurer au moment de le faire. Dans certains cas, lorsque leur plainte finit par être examinée par un tribunal, ces femmes sont passées à une autre étape de leur vie. Dans d'autres cas, ces femmes et leur agresseur ont eu recours à des services de counseling et se sont réconciliés. Il y a aussi de nombreuses femmes qui sont encore trop terrifiées pour se présenter devant un tribunal.
    À l'heure actuelle, à London, il faut attendre environ un an avant qu'une affaire dont a été saisie la Cour supérieure passe à l'étape de l'audition préliminaire, et deux ans avant qu'elle passe à l'étape finale du procès. Quant aux tribunaux provinciaux, il leur faut de 9 à 15 mois avant d'être en mesure d'entendre une affaire.
    J'ai lu que certaines personnes recommandaient que l'on confère aux victimes la qualité d'intervenant dans le cadre d'une procédure. Une telle mesure aurait d'énormes répercussions involontaires qui rendraient beaucoup plus difficile l'accès aux tribunaux pour les femmes victimes de violence. Cela créerait de nouveaux arriérés et retarderait la procédure judiciaire. Une telle façon de faire s'assortirait de coûts astronomiques, et vous savez probablement que les coûts qu'assume actuellement le système de justice pénale s'élèvent à 545 millions de dollars par année. De plus, les victimes à qui l'on demande de prendre part aux procédures en cette qualité subissent de la pression, éprouvent de la culpabilité et se sentent incompétentes puisqu'elles craignent de ne pas répondre aux attentes.
    Les femmes victimes de mauvais traitements ont peur de leur partenaire violent. Elles ont surtout peur qu'il se représente lui-même devant le tribunal et qu'il leur fasse de nouveau subir de la violence pendant le contre-interrogatoire. Le projet de loi C-32 traite expressément de cette question au paragraphe 486.3(2), lequel interdit à l'accusé de procéder lui-même au contre-interrogatoire du témoin, sauf si le juge ou le juge de paix est d'avis que la bonne administration de la justice l'exige. À notre avis, il s'agit là d'une mesure extrêmement positive permettant de faire tomber un obstacle qui entrave énormément l'accès des femmes maltraitées au système de justice pénale.
    De surcroît, le projet de loi comporte des dispositions permettant aux femmes et aux victimes de présenter leur témoignage à l'extérieur du tribunal et concernant les mesures de protection et de sécurité à prendre à cette fin.

  (1535)  

    La reddition de comptes est un élément crucial du travail du London Abused Women's Centre. Nous sommes d'avis qu'un mécanisme d'arbitrage externe constituerait un ajout coûteux qui ne ferait qu'accroître les chevauchements administratifs, et que, en outre, ce mécanisme serait totalement inutile au moment d'examiner les préoccupations et les plaintes des victimes. Si nous sommes en mesure d'affirmer cela, c'est que nous collaborons nous-mêmes avec les fournisseurs de services en matière de justice pénale de London, et que, par conséquent, nous estimons que les ministères et les organismes fédéraux chargés de régler les problèmes sont en mesure d'examiner les plaintes et les préoccupations des victimes, pour autant qu'on leur donne des directives claires quant à leur rôle et aux attentes qu'on nourrit à leur égard.
    À notre avis, pour aider les victimes, il faudrait mettre en place un mécanisme de traitement des plaintes transparent et accessible, et veiller à ce que tout le monde le comprenne bien. Nous recommandons que l'on fournisse à toutes les victimes l'information dont elles ont besoin, y compris les renseignements relatifs à la procédure de règlement des plaintes et les coordonnées des personnes ressources pertinentes. Nous recommandons également que toute cette information soit également transmise aux partenaires du secteur des services aux victimes de la collectivité, et qu'on la mette en ligne de manière à ce que les femmes et les victimes qui font appel à nos services puissent y accéder directement.
    Pour leur sécurité, leur protection et leur bien-être émotionnel, les victimes doivent être informées non seulement pendant la procédure pénale en tant que telle, mais aussi pendant que leur agresseur est incarcéré et après qu'il a été libéré. Comme nous le savons, à l'heure actuelle, malgré nos meilleures intentions, on oublie parfois les victimes à certaines étapes de la procédure, ce qui peut accroître leur risque de subir une blessure grave, voire d'être assassinées. Nous reconnaissons que l'ajout au projet de loi de lignes directrices en matière de communication avec les victimes constitue une mesure positive et indispensable.
    Il est également important de prendre conscience du fait que, même si les procureurs de la Couronne du pays auraient la responsabilité d'informer et de consulter les victimes, nous devons éviter à tout prix que les victimes incitent ces procureurs à retirer des accusations. Avant que l'on adopte au pays des politiques d'accusation obligatoires, les femmes victimes de mauvais traitements étaient souvent contraintes par leur partenaire violent à retirer les accusations, à rencontrer les procureurs et à exercer de la pression sur un procureur en vue de faire retirer une accusation dont elles étaient à l'origine. Un homme qui pose un acte de violence à l'endroit d'une femme commet un acte criminel, et il ne faudrait jamais laisser à une victime le soin de déposer ou de retirer une accusation liée à un acte criminel de cette nature ou de toute autre nature.
    Je vous suis très reconnaissante de m'avoir donné la possibilité de me présenter devant vous aujourd'hui. Il y a beaucoup d'autres choses à dire sur ce sujet. Si j'ai l'occasion de répondre à des questions, j'espère qu'elles porteront plus particulièrement sur l'immunité conjugale et les ordonnances de dédommagement, à propos desquelles j'aurais des commentaires à formuler.
    Merci.

  (1540)  

    Merci, madame Walker.
    Nous allons maintenant entendre l'exposé de Mme Jong, qui est présente ici à titre personnel.

[Français]

     Mesdames et messieurs les députés, bonjour.
    Je me nomme Joanne Jong et je suis la fille d'un honnête homme âgé de 88 ans qui a été lâchement assassiné. Je suis donc une victime du pire crime qui soit.
    Vos proches et vos familles ont aussi failli faire partie de cette catégorie peu enviable, n'eut été la bravoure de M. Kevin Vickers. Heureusement que vous ne vivez pas ce que j'ai vécu, mais l'épreuve de la semaine dernière vous sensibilise certainement au vécu des familles des personnes assassinées.
    Le législateur a adopté la Charte canadienne des droits et libertés — et aussi ce que j'appelle ironiquement la charte des droits des criminels — charte qui est en vigueur depuis un bon moment.
    Je suis donc très heureuse que le législateur ait finalement compris l'importance de créer la Charte canadienne des droits des victimes afin de rééquilibrer le système de justice canadien. Cette Charte canadienne des droits des victimes était attendue depuis longtemps par nous, les honnêtes citoyens victimes de criminels. Enfin, elle devient réalité.
    Par ma lorgnette de victime, je note que la définition du mot « victime » que l'on trouve à l'article 2, page 2, et celle que l'on trouve à l'article 45, page 39, sont identiques:
    Particulier qui a subi des dommages — matériels, corporels ou moraux — ou des pertes économiques par suite de la perpétration ou prétendue perpétration d’une infraction.
    Cependant, la définition est très différente à l'article 3 aux pages 8 et 9, où il est question de modification du Code criminel. En tant que victime, j'aimerais voir une seule définition de victime, celle qui se trouve aux pages 8 et 9, pour l'ensemble de la Charte canadienne des droits des victimes.
    Si on lit la définition de la page 2, à la lumière des événements de la semaine dernière, la notion de victime s'étendrait aux proches des terroristes ainsi qu'aux 35 millions de Canadiens, moins, évidemment, les 90 radicalisés. Tous ces gens subissent des conséquences de ces deux assassinats, c'est évident, mais je ne les appellerais pas pour autant des victimes.
    Tandis que la notion de victime du Code criminel, aux pages 8 et 9, est beaucoup plus précise et équitable envers les victimes d'actes criminels:
    Personne contre qui une infraction a ou aurait été perpétrée et qui a ou aurait subi des dommages — matériels, corporels ou moraux — ou des pertes économiques par suite de la perpétration ou prétendue perpétration de l’infraction.
     Ainsi, à la lumière des événements de la semaine dernière, uniquement les proches des militaires assassinés seraient considérés comme des victimes.
    Je suis contente, aussi, de voir que la charte accorde la place qu'il se doit au dédommagement des victimes d'actes criminels. Si les criminels veulent être considérés comme ayant payé leurs dettes à la société, dédommager les victimes pour les dommages causés est un geste très déterminant. Personnellement, j'irais encore plus loin. J'irais jusqu'à dire que de s'acquitter d'une ordonnance de dédommagement doit être une condition à respecter avant qu'un criminel puisse être considéré pour une libération conditionnelle.
    Dans la charte, à l'article 29 à la page 25, on mentionne que la valeur des dommages doit être déterminée facilement. Dans le cas des familles de personnes assassinées, de victimes d'agressions et de crimes contre la personne, il y a une composante importante des dommages, la souffrance, qui est difficile à quantifier. Je proposerais d'instaurer un tableau de la souffrance comme le font, entres autres, les compagnies d'assurance pour le décès et les sévices corporels, ce qui rendrait facile la détermination de ce type de dommages qui sont pourtant très réels.
    Dans notre système de justice, de tels outils, comme des tableaux, existent déjà. On a qu'à penser à la Table des montants des pensions alimentaires pour enfants, outil qui améliore énormément le fonctionnement de la justice.
    J'aimerais aussi que la charte impose aux criminels incarcérés l'obligation de travailler durant leur emprisonnement afin de satisfaire aux ordonnances de dédommagement. Cette obligation devrait être la priorité avant tout autre plan de réhabilitation ou de formation. Nous, les honnêtes citoyens, avons l'obligation de travailler afin de nous acquitter de nos responsabilités. Il n'y a aucune raison pour laquelle les criminels devraient en être dispensés.

  (1545)  

     Cela dit, je trouve qu'une charte canadienne des droits des victimes est une mesure fondamentale afin que le système de justice canadien devienne plus équitable envers nous, les victimes d'actes criminels.
    Rien ne nous prépare au statut peu enviable de victime, contrairement aux criminels qui, eux, ont posé des gestes volontaires, délibérés, planifiés et destructeurs ciblant d'honnêtes citoyens. Leurs gestes nous ont soudainement rendus victimes, ce que nous n'avons aucunement mérité.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner sur ce sujet aussi important et de m'avoir permis d'exprimer mon point de vue sur ce projet de loi, qui est essentiel pour rendre la justice plus juste.
    Le prochain intervenant est le représentant de Victimes d'agressions sexuelles au masculin — VASAM.
     Monsieur Fortier, vous avez la parole pendant 10 minutes.
    Je vous remercie de nous permettre de témoigner devant vous aujourd'hui.
    Enfin un projet de loi qui reconnaît les droits des victimes!
     L'organisme VASAM vient en aide aux hommes victimes d'agressions sexuelles et il a été fondé il y a un an. Malgré son jeune âge, notre organisme a déjà accompli beaucoup pour les victimes masculines. C'est le premier organisme à travailler pour les victimes masculines d'agressions sexuelles au Québec.
    Nous avons déjà quelques centaines de membres individuels et corporatifs. De plus, nous travaillons de concert avec les organismes venant en aide aux femmes victimes d'agressions sexuelles. Nous croyons qu'en 2014 les agressions sexuelles ne sont plus seulement une question de femmes ou d'hommes, mais plutôt de victimes.
    La mission de notre organisme est de conscientiser la population et les instances politiques au problème des agressions sexuelles perpétrées sur les hommes durant leur enfance, ainsi que d'orienter et de guider les hommes vers des ressources appropriées afin qu'ils puissent survivre aux traumatismes et aux problèmes de santé que subissent les victimes longtemps après l'agression. Nous encourageons les hommes de tous âges ayant été victimes d'agressions sexuelles à demander de l'aide pour briser l'isolement et reprendre le contrôle de leur vie.
    En matière de droits des victimes, notre organisme réagit à chacun des projets de loi en demandant toujours une réaffirmation et un renforcement des droits des victimes, et en réclamant que la législation sur les droits des victimes s'harmonise avec celle sur les droits des agresseurs.
     Aujourd'hui, nous sommes heureux de vous faire part des raisons qui motivent notre appui sans réserve au projet de loi C-32.
    On sait depuis toujours que, lorsque nous demandons un meilleur encadrement législatif pour protéger les victimes, les groupes qui viennent en aide aux agresseurs arguent que nous brimons les droits de ces derniers. Lorsque nous demandons des peines plus sévères, pour ces organismes, nous sommes automatiquement contre la réhabilitation. Peu importe la façon d'amener le sujet, ce sont souvent les victimes qui se sentent coupables de demander plus d'information et de sécurité, de participer au processus ou d'être dédommagées.

[Traduction]

    Pourriez-vous ralentir un petit peu votre débit? Cela facilitera la tâche des interprètes. Merci.

[Français]

    Peu importe la façon d'amener le sujet.

[Traduction]

    Voulez-vous que je répète ce que j'ai dit? Est-ce que je dois simplement poursuivre?
    Je vous demande simplement de parler moins vite. Le problème tient non pas à votre langue, mais à votre débit.
    Merci.

[Français]

     C'est pourquoi nous croyons qu'une charte des victimes est essentielle afin d'énoncer expressément et d'encadrer les droits des victimes.
    Je vais maintenant parler du droit d'obtenir des renseignements et du droit à la participation.
     Lorsqu'une plainte est déposée au criminel, le procureur devient immédiatement partie prenante au dossier alors que la victime devient spectatrice. Nous avons vu trop de fois par le passé des victimes avoir peu d'information et se sentir délaissées par le système judiciaire.
    Maintenant, avec la charte, les victimes pourront obtenir de l'information sur les programmes existants qui peuvent leur venir en aide, le déroulement et l'avancement des démarches judiciaires, ainsi que l'examen du dossier de l'agresseur pendant que celui-ci est régi par le processus correctionnel.
    De plus, la victime devra être avisée de l'accord entre la Couronne et la défense avant le plaidoyer de culpabilité. Il sera possible, pour la victime, de donner son point de vue concernant les décisions rendues en produisant une déclaration, et les autorités devront en tenir compte.
    L'encadrement du droit d'obtenir des renseignements et du droit à la participation démontre clairement que le système judiciaire considère les victimes.
    Passons maintenant au droit à la sécurité. Nous savons que près de 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police. Parmi les facteurs qui influent sur cette statistique, il y a la peur. La victime est confrontée à la peur qu'on ne la croie pas, à la peur du système judiciaire, à la peur d'être délaissée par sa famille, à la peur des représailles et à la peur de se retrouver devant son agresseur lorsque la peine de celui-ci aura été purgée.
    Si nous voulons augmenter le taux de dénonciation, nous devons travailler en vue d'atténuer ces peurs. Appuyés par la charte des victimes, voici comment nous pourrons réduire ces peurs.
    Pour aider les victimes à surmonter leur peur du système judiciaire, il faudrait qu'on puisse demander des mesures visant à faciliter leur témoignage en leur permettant, par exemple, de témoigner à l'extérieur de la salle d'audience pour ne pas voir leur agresseur. De plus, sur demande du procureur, on pourrait rendre obligatoires les ordonnances d'interdiction de publication pour les victimes âgées de moins de 18 ans. Il faudrait aussi interdire à l'avocat de l'accusé de contre-interroger un témoin âgé de moins de 18 ans.
    Les victimes ont peur des représailles. Les autorités compétentes du système judiciaire devraient assurer la sécurité et la protection de la vie privée des victimes. Il faudrait aussi veiller à ce que les ordonnances de mise en liberté provisoire mentionnent que la sécurité des victimes d'une infraction a été prise en considération. Les victimes devraient avoir le droit d'être protégées contre l'intimidation et les représailles.
    En ce qui concerne la peur des représailles et de l'intimidation, nous n'avons pas besoin de reculer très loin pour avoir un exemple de témérité d'un présumé agresseur. Par exemple, en mai dernier, au palais de justice de Québec, alors qu'une présumée victime parlait aux médias, son présumé agresseur est venu se planter derrière elle sans scrupules pour l'intimider devant les caméras.
    Les victimes ont peur de se retrouver devant leur agresseur. L'une des grandes peurs que vivent les victimes après avoir traversé le procès et obtenu un verdict de culpabilité est de se retrouver devant leur agresseur lorsque celui-ci aura purgé sa peine. Le système judiciaire québécois nous a fourni une certitude depuis longtemps: dès que l'agresseur aura purgé sa peine, et ce, peu importe qu'il ait fait ou non des progrès en prison, il sortira.
    Malheureusement, la victime se retrouve plus rapidement confrontée à cette réalité qu'elle ne l'avait envisagé. Parfois, elle est au début du processus de guérison et elle apprend que son agresseur sortira dans quelques mois. Ce n'est rien pour l'aider à guérir.
    Nous souhaitons qu'il y ait un jour une refonte des procédures de mise en liberté. En attendant, nous applaudissons les modifications suivantes proposées par la charte: permettre aux victimes d'avoir accès aux progrès de leur agresseur en prison; communiquer aux victimes la date et les conditions de la mise en liberté; imposer une interdiction de communication avec les victimes ou des restrictions géographiques pour protéger les victimes; permettre aux victimes d'avoir une photographie du délinquant avant la fin de la peine.
    Le système judiciaire ne pourra pas éliminer toutes les peurs qu'ont les victimes. Par contre, en humanisant le processus et en le rendant plus accessible, en diminuant les risques d'intimidation et de représailles, ainsi qu'en balisant la mise en liberté des agresseurs, le système judiciaire envoie aux victimes un important message, à savoir que leur sécurité est primordiale aux yeux de l'ensemble de la société.

  (1550)  

     M. Frank Tremblay va poursuivre la lecture de notre mémoire.
    Bonjour à tous. Je vous remercie de nous accueillir.
    Je m'appelle Frank Tremblay et je suis le vice-président de VASAM.
    Je vais poursuivre en abordant la question de l'ordonnance de dédommagement.
    Dans les cas d'agressions sexuelles, la société pense souvent que les dommages ne sont que psychologiques. À l'évidence, les dommages psychologiques sont omniprésents et varient beaucoup d'une victime à l'autre. Toutefois, on parle rarement des dommages financiers. La collectivité croit probablement, à tort, que les dommages financiers sont minimes parce que les victimes ont accès aux mêmes soins que les agresseurs. Or voici quelques conséquences des agressions sexuelles qui peuvent avoir un impact financier: perte de productivité au travail, parfois suivie d'une perte d'emploi; problèmes conjugaux menant souvent à une séparation; frais de consultation élevés pour les professionnels de la santé; problèmes de jeu, de consommation d'alcool, de drogues ou de médicaments; problèmes de santé divers; infections transmises sexuellement.
    Avec la charte, les victimes auront maintenant la possibilité de demander un dédommagement. Le dédommagement n'a pas pour but d'enrichir la victime, mais plutôt de l'aider à passer à travers ses épreuves.
    Nous aimerions souligner deux points importants pour nous. En premier lieu, si le juge n'accorde pas de dédommagement, il devra consigner les motifs au dossier. Ensuite, les juges ne doivent pas tenir compte de la capacité de payer de l'agresseur. Nous pensons que ces deux points sont essentiels afin d'assurer la pérennité de cet article et pour éviter que certains juges se défilent sous de fausses raisons, un peu comme ce que nous vivons présentement avec la suramende compensatoire.
    Nous croyons fermement qu'une réparation passe automatiquement par un dédommagement. De cette façon, nous venons diminuer les frais payés par la société pour les soins aux victimes, car ce sera la personne ayant causé les dommages qui sera responsable d'amoindrir les effets de ses gestes, selon le principe du pollueur-payeur.
    Nous aimerions faire des commentaires sur le paragraphe 52(1) du projet de loi C-32, qui remplace le paragraphe 4(2) de la Loi sur la preuve au Canada pour qu'il se lise ainsi: « Une personne n’est pas inhabile à témoigner ni non contraignable pour le poursuivant pour la seule raison qu’elle est mariée à l’accusé. »
    Les statistiques démontrent que dans 27 % des cas d'agressions sexuelles, le conjoint ou un ex-conjoint est l'auteur de ce crime. Par conséquent, dans 27 % des cas, la conjointe ne peut témoigner en faveur de la victime qui, principalement, est un enfant. Il est vrai que, parfois, la conjointe — ou, à l'inverse, le conjoint — ne se rend pas compte des gestes commis. Par contre, il est aussi vrai de dire que, parfois, la mère est consciente des gestes commis et elle ne porte pas assistance à son enfant. Combien de fois des enfants ont-ils demandé de l'aide à leur mère et que celle-ci n'a pas voulu agir en banalisant les faits ou en refusant de voir les évidences? Nous croyons que le changement à ce paragraphe sera bénéfique pour les victimes.
    Les moeurs ont changé et nous croyons que si la mère refuse de témoigner, elle est, en quelque sorte, complice de son conjoint. Une question demeure toujours sans réponse: si cette loi n'avait pas existé, quelle serait la statistique des crimes commis par un conjoint?
    Parlons maintenant de la notion de droit à un délai raisonnable.
    Malgré les éléments positifs de ce projet de loi, nous aimerions vous soumettre un paragraphe supplémentaire. Dans la charte des droits des victimes, ce paragraphe devrait s'intituler « droit à un délai raisonnable ». Nous savons que le processus judiciaire peut durer de trois à sept ans et qu'il y a souvent des reports d'audience qui découragent les victimes. Ce processus est beaucoup trop long pour une victime qui doit, à la fois, commencer son cheminement vers la guérison et ne rien oublier de ce qu'elle a vécu. Nous croyons que le délai raisonnable devrait être entre un an et un an et demi au maximum.

  (1555)  

     Il ne faut pas oublier que nous travaillons avec des humains. Nous croyons qu'il devrait y avoir un mécanisme pour accélérer les causes concernant les crimes sur la personne. Plus nous tardons à entendre ces causes, plus les séquelles sont importantes pour les victimes et plus le temps de guérison est long et coûteux.
    En conclusion, nous aimerions féliciter le gouvernement fédéral de son leadership et le remercier. En effet, depuis quelques années, il travaille à mieux protéger les victimes. Qu'il s'agisse du durcissement des peines imposées aux pédophiles ou de la proposition d'une charte des victimes, vous démontrez une grande considération pour celles-ci. Nous croyons que le gouvernement du Québec devrait prendre exemple sur votre leadership pour ce qui est de venir en aide aux victimes, notamment dans le dossier du délai de prescription.
    Encore aujourd'hui, avec ce projet de loi, vous lancez un message clair aux victimes: « Dénoncez votre agresseur et nous vous appuierons. Nos appuis se traduiront par la mise en oeuvre d'un système qui vous permettra de participer au processus judiciaire; vous informera de vos droits; facilitera votre témoignage lors du procès; vous protégera non seulement pendant votre témoignage, mais aussi lors de la mise en liberté de votre agresseur; considérera un dédommagement pour vos pertes financières. »
    Nous désirons réitérer notre appui inconditionnel au projet de loi C-32. Nous devons toujours garder à l'esprit que le projet de loi proposé encadre les crimes non pas contre des biens mais contre des personnes. Si c'était seulement une auto, une bicyclette ou une maison qui était brisée, la solution serait simple: soit payer pour réparer l'objet, soit le remplacer. Dans le cas d'une victime d'agression sexuelle, la solution n'est ni aussi simple ni aussi rapide. Souvent, il peut se passer des années avant que la victime s'ouvre sur ce qu'elle a vécu et commence à en parler. Par la suite, avec de l'aide, elle pourra commencer un processus de guérison qui pourra durer toute sa vie.
    N'oubliez pas que, derrière chaque victime, il y a une histoire douloureuse ainsi que des séquelles et des traumatismes qui ont et auront toujours un impact sur leur vie, voire même sur leur entourage. Avec le projet de loi C-32, nous devons porter assistance aux victimes pour les protéger. Plus nous protégeons les victimes, plus elles seront tentées de dénoncer leur agresseur, ce qui rendra nos rues et nos communautés sécuritaires.

  (1600)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Krongold, de la Criminal Lawyers' Association.
    La Criminal Lawyers' Association a eu de nombreuses fois le privilège de se présenter devant le comité, et je vous remercie de nous avoir invités à venir discuter avec vous du projet de loi.
    Si vous me permettez, j'aimerais tout d'abord mentionner que, pour les criminalistes, les victimes représentent non pas un concept abstrait, mais une réalité. Nous savons que les difficultés auxquelles elles sont en butte au sein du système de justice pénale sont réelles. De fait, l'organisation que je représente est d'accord avec de nombreux éléments du projet de loi. Bon nombre des droits énoncés dans le texte législatif ne font que codifier ce qui constitue déjà des pratiques exemplaires qu'utilisent les procureurs au moment de traiter avec les plaignants, les témoins et les victimes.
    Cela dit, le projet de loi comporte trois éléments qui, à mon humble avis, doivent être examinés de plus près.
    Tout d'abord, j'aimerais aborder une question de portée générale, et, ce faisant, je crois que, à certains égards, je rejoindrai les propos formulés par M. Tremblay et Mme Walker. L'une des caractéristiques les plus notables du projet de loi tient à l'accroissement de la participation des témoins et des plaignants, qui seront en mesure de déposer toutes sortes de demandes dans le cadre d'une procédure pénale. À l'heure actuelle, ces demandes sont généralement déposées par les procureurs de la Couronne, et ce, bien souvent, à la demande d'un témoin ou d'un plaignant.
    Ce qui me préoccupe, c'est le fait d'ajouter des étapes procédurales à un système de justice déjà surchargé. Par conséquent, je soutiens respectueusement que nous devrions tous réfléchir à ce qui constitue peut-être l'une des pires contraintes qui s'exercent sur toutes les personnes concernées par le système de justice, à savoir la lenteur extrême de la procédure au pays. Comme nous le savons, il faut des années pour mener à bien un procès, et cela pèse lourdement sur les témoins, les victimes et les plaignants, et, à coup sûr, sur les personnes accusées, qui vivent dans l'ombre d'une procédure pénale.
    Cela ne tient pas au fait que les inculpés ont trop de droits ou que, pour une raison ou une autre, les procès sont trop équitables. Les tribunaux et les plaideurs font de leur mieux au sein d'un système de justice qui croule sous le poids des demandes auxquelles il doit faire face. Nous sommes réunis ici aujourd'hui, du moins je le suppose, pour nous pencher sur la détresse des victimes d'actes criminels. Pour ma part, j'ai peine à imaginer l'insoutenable souffrance que doit subir une victime d'un acte criminel ou un membre de sa famille qui doit attendre des années avant qu'une affaire ne soit conclue. À mon avis, notre système de justice pourrait être beaucoup plus efficace. La solution tient peut-être non pas à l'instauration de nouvelles lois, mais plutôt à un accroissement du financement versé aux tribunaux et aux plaideurs afin d'accélérer les procédures. J'estime qu'une telle mesure serait profitable pour toutes les personnes concernées par le système de justice pénale.
    Une autre observation que je tiens à formuler concerne une disposition précise du projet de loi. Il s'agit de l'article 17 modifiant le Code criminel. Si je n'avais qu'une chose à vous demander aujourd'hui, ce serait de procéder à un examen minutieux de cette disposition. Bien honnêtement, elle me laisse quelque peu perplexe, et elle me préoccupe un peu. Je suis certain que tout le monde ici croit qu'un procès juste est une bonne chose. Pourtant, le projet de loi comporte une disposition que j'ai de la difficulté à comprendre. Afin d'obtenir des éclaircissements, j'ai d'abord voulu consulter le résumé législatif du projet de loi, mais j'ai constaté qu'aucun document de la sorte n'était disponible.
    Le passage en question semble avoir pour effet d'ajouter au Code criminel des dispositions selon lesquelles les témoins pourraient présenter leur témoignage de façon anonyme. Pour l'organisation que je représente, cela soulève de graves préoccupations. Il n'est pas exagéré d'avancer qu'il s'agit là d'une rupture avec les normes de la justice canadienne telles que nous les connaissons. D'aucuns pourraient faire valoir que cela évoque davantage une justice secrète et arbitraire. L'idée qu'un témoin ne soit pas protégé contre la divulgation de son identité ou qu'il puisse être contre-interrogé par la personne accusée du crime est une chose; toutefois, en l'occurrence, on semble laisser entendre qu'on pourrait empêcher toute personne, y compris l'accusé, d'être informé de l'identité d'un témoin.
    Je ne suis pas certain de bien comprendre cette disposition. J'espère que je l'interprète mal. Toutefois, il est difficile de concevoir une modification plus fondamentale du droit canadien ou une modification moins compatible avec la vision canadienne d'un système de justice transparent et équitable où chaque personne peut faire l'objet d'un procès juste dans le cadre duquel elle a la possibilité de se défendre à tous égards, de présenter des réponses complètes et de mettre les témoins en présence de ces affirmations.
    J'espère que mon interprétation est erronée. Le cas échéant, il faudrait peut-être reformuler la disposition de façon à la rendre un peu plus claire. Cependant, si mon interprétation est juste, je proposerai respectueusement que l'on procède à un véritable examen de cette disposition.

  (1605)  

    Il s'agit de la page 17, et non pas de l'article 17.
    Je suis désolé, il s'agit de l'article 17, qui se trouve à la page 17. Il modifie le Code criminel par adjonction de l'article proposé 486.31. J'ai de la difficulté à le comprendre. Dans un premier temps, j'ai cru qu'il était peut-être question d'une ordonnance de non-publication, mais j'ai constaté que, deux ou trois pages plus loin, l'article 19 portait sur les ordonnances de non-publication.
    Comme je l'ai mentionné, j'ai de la difficulté à tirer au clair la teneur de cette disposition. Comme on ne dispose d'aucun résumé législatif ni d'aucun document mettant le projet de loi en contexte, il est très difficile d'établir l'objet de la disposition en question. Les notes marginales ne sont pas très utiles à cet égard. Ainsi, si mon interprétation est juste, il s'agit d'une disposition extrêmement troublante, et comme j'ignore si quiconque a soulevé cette question devant le comité, j'estimais qu'il était de mon devoir de le faire.
    Enfin, même s'il s'agit d'une question d'importance secondaire, j'aimerais mentionner que je suis quelque peu déçu que le projet de loi comporte une disposition ayant pour effet de modifier les règles relatives à l'inhabilité à témoigner d'un conjoint. Il se peut fort bien qu'il s'agisse d'une bonne modification. À coup sûr, c'est la voie qu'ont empruntée les provinces. Il s'agit peut-être de la voie de l'avenir, et il se peut qu'il s'agisse de la voie qu'emprunteront également les lois pénales fédérales, mais il s'agit d'un changement important qu'il convient d'examiner de très près. Cette disposition ne cadre pas vraiment dans un projet de loi concernant les droits des victimes. La règle de l'inhabilité d'un conjoint comporte de nombreuses exceptions qui permettent à un conjoint de témoigner lorsqu'il est la victime, et qui permettent également aux enfants de témoigner.
    J'estime que cette disposition serait examinée comme elle mérite de l'être si elle était retranchée du projet de loi et intégrée à un autre texte législatif portant sur la procédure pénale et la preuve criminelle de façon plus générale. Il s'agit d'un changement important qui mérite d'être examiné minutieusement.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous allons maintenant entendre le dernier intervenant, à savoir le grand chef Yesno, des Chiefs of Ontario.
    Monsieur, vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes.
    Les Chiefs of Ontario sont reconnaissants au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de leur donner l'occasion de présenter leurs points de vue sur le projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.
    Nous estimons que les Premières Nations ont un point de vue singulier à présenter aux membres du comité, vu que leurs membres sont largement surreprésentés en tant que délinquants ou que victimes au sein du système de justice pénale.
    Les Chiefs of Ontario constituent une organisation politique qui représente 133 Premières Nations de l'Ontario. Nous nous présentons ici aujourd'hui afin d'énoncer clairement notre position concernant le projet de loi C-32. Même si le projet de loi sur les droits des victimes a pour but de permettre aux victimes d'actes criminels de faire valoir leur point de vue de façon plus efficace au sein du système de justice pénale, nous soutenons respectueusement qu'il pourrait refléter davantage la réalité particulière et les besoins uniques en leur genre des membres des Premières Nations victimes d'actes criminels.
    Il est important de replacer les questions liées à la victimisation et aux victimes d'actes criminels dans un cadre plus vaste de manière à ce que l'on puisse saisir entièrement l'importance qu'elles revêtent pour les membres et les collectivités des Premières Nations. Je vais exposer des faits et des statistiques sur lesquels nous vous invitons à vous pencher.
    Selon un rapport de 2006 intitulé La victimisation et la criminalité chez les peuples autochtones du Canada, les taux de criminalité et de victimisation sont plusieurs fois plus élevés chez les membres des Premières Nations que chez les personnes n'appartenant pas à une Première Nation. Le rapport indique que les membres des Premières Nations sont trois fois plus susceptibles que les autres d'être victimes d'un crime violent. Les crimes violents commis contre un membre des Premières Nations sont plus susceptibles d'être perpétrés par une personne connue de la victime — par exemple un membre de la famille, un ami ou un voisin — que les crimes violents commis à l'égard d'une personne n'appartenant pas à une Première Nation. De façon générale, en 2004, le taux de criminalité était environ trois fois plus élevé dans les réserves que dans le reste du Canada. La différence était encore plus marquée en ce qui a trait aux crimes violents; de fait, le taux de criminalité violente était huit fois plus élevé dans les réserves que dans le reste du pays. Un Autochtone est plus susceptible qu'un autre d'être victime d'un homicide. De 1997 à 2000, le taux moyen de victimes d'homicides chez les membres des Premières Nations était de 8,8 pour 100 000 habitants, soit un taux près de sept fois supérieur à celui des victimes non autochtones, à savoir 1,3 pour 100 000 habitants. Les auteurs du rapport ont indiqué qu'il était possible que ces statistiques sur la victimisation des membres des Premières Nations soient encore plus élevées au sein de Premières Nations vulnérables.
    Il convient de souligner que l'actuel gouvernement conservateur a affirmé avoir rédigé depuis 2006 34 des 40 rapports produits de 1996 à 2013 sur la question des filles et des femmes autochtones disparues ou assassinées. Bien que ces rapports portent sur une sous-population précise des membres des Premières Nations, à savoir les femmes et les filles, ils mettent en évidence et corroborent les statistiques dénotant un taux disproportionné de victimisation au sein des collectivités des Premières Nations.
    Les causes des taux élevés de criminalité et de victimisation au sein des collectivités des Premières Nations sont diverses et complexes. La colonisation ininterrompue et la discrimination systémique dont les Premières Nations ont fait l'objet ont provoqué chez leurs membres des traumatismes qui se répercutent d'une génération à l'autre et qui se manifestent par des problèmes de toxicomanie et de violence physique et sexuelle.
    Les victimes d'actes criminels ne forment pas un groupe homogène. Par conséquent, le projet de loi C-32 doit refléter les difficultés particulières avec lesquelles les membres des Premières Nations sont aux prises au sein du système de justice pénale et de la société en général.
    Le projet de loi sur les droits des victimes pourrait devenir un outil important au moment de réduire la surreprésentation des membres des Premières Nations au sein de la population des victimes d'actes criminels, pour autant qu'il soit modifié en fonction des éléments suivants.

  (1610)  

    Tout d'abord, on doit tenir compte de la situation propre aux membres des Premières Nations victimes d'actes criminels et des collectivités où ils vivent. S'il est adopté, le projet de loi C-32 modifiera l'alinéa 718.2e) du Code criminel par adjonction de l'expression « et qui tiennent compte du tort causé aux victimes ou à la collectivité ». À notre avis, une telle disposition devrait avoir pour effet d'étendre aux victimes des Premières Nations et aux collectivités concernées l'obligation pour les tribunaux de prendre en considération la situation particulière des délinquants autochtones, obligation qui découle de l'arrêt Gladue et qui a été confirmée ultérieurement dans l'arrêt Ipeelee. En outre, il faudrait que des avocats indépendants soumettent cette information aux juges de manière à ce qu'ils la prennent en considération au moment de la détermination de la peine.
    En 1999, dans le cadre de l'arrêt Gladue, la Cour suprême du Canada a reconnu, au moment d'interpréter l'alinéa 718.2e) du Code criminel, que les membres des Premières Nations devaient être traités différemment des autres personnes au sein du système de justice pénale du Canada en raison de la discrimination systémique et directe dont bon nombre d'entre eux sont victimes.
    De toute évidence, des relations particulières et dynamiques unissent les délinquants, les victimes et les collectivités des Premières Nations. Comme la Cour l'a indiqué dans le cadre de l'arrêt Gladue, l'adéquation d'une sanction donnée est largement déterminée par les besoins des victimes et de la collectivité, ainsi que par ceux du délinquant.
    L'une de nos recommandations tient à l'ajout à l'article 15 de la charte sur les droits des victimes et au paragraphe 672.5(14) du Code criminel d'une disposition selon laquelle la situation particulière des victimes autochtones doit être prise en considération.
    Il faut également que les victimes et les collectivités des Premières Nations aient voix au chapitre. À cet égard, nous recommandons que les Autochtones victimes d'actes criminels et les collectivités où ils vivent aient accès à un avocat indépendant chargé de les représenter et de faire en sorte que les réalités propres aux Autochtones soient prises en considération dans le cadre de toute affaire relevant de la justice pénale. Des dispositions à cet effet devraient être ajoutées à l'article 27 de la charte des droits des victimes.
    En outre, dans les cas où des victimes et des collectivités des Premières Nations sont concernées, on doit recourir à des mécanismes de justice réparatrice axés sur les Autochtones. À ce sujet, notre recommandation tient à l'ajout d'une disposition énonçant qu'un mécanisme de justice réparatrice doit être utilisé dans le cadre de toute affaire relevant de la justice pénale mettant en cause une victime ou une collectivité autochtone si la victime en manifeste le souhait.
    La prestation de programmes et de services de soutien axés sur les besoins des victimes des Premières Nations constitue un autre élément à prendre en considération. À ce propos, nous recommandons la création d'un fonds fédéral de la justice pour les victimes des Premières Nations dont l'objectif serait de financer les programmes et services autochtones qui répondent expressément au besoin urgent de dispenser aux victimes d'actes criminels des Premières Nations et à leur famille des programmes et des services adéquats et adaptés à la culture. Ce fonds, d'une nature semblable à celle du Fonds de la justice pour les victimes de l'Ontario, serait également utilisé aux fins de l'administration de divers programmes et de l'octroi de subventions aux organismes communautaires qui viennent en aide aux victimes d'actes criminels.
    Enfin, on doit tenir compte des obstacles systémiques auxquels se heurtent les victimes des Premières Nations. À cet égard, nous recommandons d'ajouter à la charte des droits de victimes une disposition prévoyant expressément la fourniture de mécanismes de soutien aux victimes et aux collectivités des Premières Nations.
    En conclusion, nous souhaitons réaffirmer que les recommandations que nous avons formulées aujourd'hui relativement à la charte proposée des droits des victimes pourraient constituer une première étape d'une démarche visant à régler le problème de la surreprésentation des Autochtones au sein de la population des victimes d'actes criminels. Depuis près de 20 ans, on a déployé de nombreux efforts afin de régler ce problème dont l'importance ne cesse de croître. Nous croyons fermement que la modification de la charte proposée des droits des victimes en fonction de la situation propre aux victimes et aux collectivités des Premières Nations contribuera à régler le problème de la surreprésentation des délinquants et des victimes autochtones au sein du système de justice pénale du Canada et à guérir les membres et les collectivités des Premières Nations.
    Merci.

  (1615)  

    Je vous remercie, grand chef.
    Je remercie tous les témoins des exposés qu'ils nous ont présentés.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Nous entendrons tout d'abord Mme Boivin, du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie également tous nos témoins.
     Je vous remercie de ce que vous faites pour les victimes. La plupart d'entre vous le faites dans le cadre de votre groupe. Je vous remercie surtout de vous intéresser à la Charte canadienne des droits des victimes.
    Je vais commencer par Mme Walker, qui a été la première à s'exprimer.

  (1620)  

[Traduction]

    Le comité est heureux de vous accueillir de nouveau, madame Walker. Je vous sais gré de ce que votre organisation fait pour aider les victimes, surtout celles qui se trouvent dans des situations extrêmement difficiles comme celles dont nous parlons aujourd'hui.
    Quel est le principal problème auquel font face les victimes que vous conseillez et aidez au sein du système de justice? Ce problème est-il lié au dépôt d'une plainte?
    J'ai été totalement sidérée lorsque j'ai pris connaissance des statistiques relatives au nombre de personnes qui renoncent à déposer une plainte parce qu'elles ne font pas confiance au système de justice ou parce qu'elles croient qu'elles n'auront pas...
    Au début de votre exposé, vous avez fait allusion à l'affaire touchant un animateur de la CBC. Nous sommes tous en mesure de prendre connaissance des commentaires formulés à l'égard de personnes qui ont décidé qu'il fallait, si je peux dire,

[Français]

oser déposer une plainte ou se plaindre de quelque chose.
Quel est le problème numéro un auquel font face les victimes dans le cadre du système criminel?

[Traduction]

    On ne peut pas ramener cela à un seul problème, vu que chaque femme qui fait appel à nos services est aux prises avec une multitude de problèmes, comme c'est le cas de chaque femme qui a recours à vos services ou à ceux de votre organisation. Les femmes ont extrêmement peur de ce qui pourrait se passer si elles devaient témoigner contre leur partenaire. Nous savons que le moment où une femme court le plus grand risque d'être assassinée ou grièvement blessée par un conjoint violent est celui où elle quitte cette personne.
    Les femmes craignent énormément que le dépôt d'une plainte ait des répercussions très négatives sur elles, qu'on en vienne à les humilier et à jeter le blâme sur elles et que leur famille, leur Église et tout leur entourage les abandonnent.
    Une telle démarche pourrait aboutir à une séparation, et elles craignent d'être incapables de subvenir à leurs besoins et de sombrer dans l'itinérance.
    Les certificats d'aide juridique ne leur permettent pas d'accéder à un soutien suffisant.
    Les femmes font face à divers problèmes. On pourrait également mentionner l'accès extrêmement difficile au système de justice pénale. Le fait d'aller rencontrer des policiers et de leur raconter des histoires absolument horribles... en dépit des grands efforts déployés pour former les policiers, il arrive encore que certains d'entre eux demandent aux femmes, surtout celles victimes d'une agression sexuelle, d'indiquer ce qu'elles ont fait ou ce qu'elles portaient pour provoquer leur agresseur, ou de préciser la quantité d'alcool qu'elles avaient consommé.
    Il y a divers problèmes.
    Et ces problèmes se poursuivent devant les tribunaux et pendant tout le reste de la procédure.
    Je pense que la charte des droits des victimes est fondée sur de bonnes intentions, et il est très difficile de trouver à redire à de bonnes intentions. Cela dit, est-il juste d'affirmer que la charte ne comporte aucun élément qui permettrait de régler les problèmes que vous décrivez? Cette charte n'atténuera pas la crainte qu'éprouvent les victimes à l'idée de déposer une plainte contre leur mari, leur épouse ou contre qui que ce soit. Elle ne réglera pas ces problèmes. Elle n'aidera que ceux qui accèdent au système de justice.
    Cela nous ramène à ce que M. Krongold a dit, à savoir que la charte ne réglera pas le principal problème du système de justice, à savoir la lenteur « extrême » — c'est, je crois, le terme qu'il a employé — de la procédure. Il s'agit d'un problème vraiment effrayant, qui est en train de devenir grave. On peut conférer tous les droits imaginables à qui que ce soit, mais si l'accès au système de justice continue d'être lent, je ne suis pas certaine que nous y gagnerons au change.
    Monsieur Krongold, à votre avis, de quel type de ressources aurions-nous besoin...
    Vous m'avez demandé de vous dire si la charte permettrait de régler cela. Je pense qu'il est important que vous me donniez l'occasion de répondre à cette question, vu que...
    Non, c'est elle qui a la parole, et...
    En fait, c'est la raison pour laquelle je soutiens la charte — elle permet de dissiper toutes ces préoccupations.
    Cela ferait... Oh, non, je suis très... si vous le dites... En fait, n'est-il pas juste de supposer que la charte ne permettrait pas d'atténuer la crainte qu'éprouve une personne au moment de déposer une plainte contre son... ?
    Une certaine crainte subsistera, mais si je suis favorable au projet de loi, c'est précisément en raison de l'article que vous avez mentionné, à savoir l'article 17, en vertu duquel une femme pourra témoigner sans que son identité ne soit divulguée. Il s'agit d'une mesure très positive.
    Il est très positif que l'on adopte une loi prévoyant qu'une personne doit être tenue informée pendant tout le déroulement d'une procédure — il ne faut pas qu'une telle démarche constitue simplement une habitude transmise d'une municipalité à l'autre. Le fait d'envoyer aux victimes des photos de leur agresseur lorsqu'ils sont mis en liberté est une mesure très positive.
    Je ne suis pas certaine de suivre votre raisonnement. J'essaie de vous comprendre. Je ne souhaitais pas me lancer dans un débat avec vous. Je tente vraiment de comprendre ce que vous dites, car mon interprétation de l'article 17 est différente de la vôtre. En fait, vous interprétez cet article de la manière dont M. Krongold craignait qu'on en vienne à l'interpréter à un moment ou un autre.
    Cela dit, revenons à mon exemple d'une femme qui dépose une plainte pour agression sexuelle contre son conjoint — je ne veux pas paraître sexiste, mais on peut supposer que, dans la plupart des cas, c'est la femme qui est la victime. Ce que vous dites, c'est que, d'après vous, cette femme n'éprouvera aucune crainte puisque son identité ne sera pas divulguée. Toutefois, son conjoint saura...
    Eh bien, si les femmes acceptent à présent de se présenter devant les tribunaux, c'est notamment parce que... si une femme décide de ne pas se présenter devant un tribunal, ou si elle décide de le faire, mais de se parjurer, c'est parce qu'elle a très peur de dire la vérité — elle a peur de ce qui se passera lorsque son partenaire sera mis en liberté, dans l'éventualité où il est même condamné. Il n'est pas rare qu'une femme dise: « Si seulement je pouvais témoigner sans qu'il sache que c'est moi qui a dit cela. »
    D'accord. Je vois ce que vous voulez dire.
    Est-ce de cette façon que vous interprétez l'article 17? Est-ce que vous l'interprétez de la même façon que Mme Walker? J'aimerais revenir sur ce que j'ai dit à propos des ressources, car je connais une foule de procureurs de la Couronne, et lorsque je discute avec eux, je leur demande de m'indiquer les mesures qu'ils devront prendre pour appliquer les dispositions de la charte et de me dire si des personnes seront disponibles pour aider les victimes.
    En règle générale, ce sont les procureurs de la Couronne qui doivent répondre aux questions. Quelques-uns d'entre eux tentent déjà d'appliquer les mesures prévues par le texte législatif, mais ils craignent d'être incapables de répondre aux attentes en raison du grand nombre de cas. À votre avis, quelles sont les ressources qui seront requises pour que la charte puisse être appliquée de façon efficiente?

  (1625)  

    Vous avez moins de une minute, monsieur Krongold.
    J'aimerais aborder la question des ressources. Je suppose que, de façon générale, la préoccupation tient au fait que, s'il y avait davantage de juges, davantage de financement pour les plaideurs, notamment en ce qui concerne, bien entendu, l'aide juridique, vu qu'une foule d'accusés bénéficient de l'aide juridique et que, dans les faits, dans le cadre d'une procédure, on peut passer des mois à tenter de trouver un avocat à un accusé et à tenter d'octroyer à cet avocat des fonds adéquats...
    De telles pertes de temps ont des répercussions négatives sur tous les intervenants, y compris, de toute évidence, les procureurs de la Couronne. Il est très possible qu'on se retrouve dans une situation où une date aura été fixée pour le début d'un important procès lié à une affaire de violence familiale, mais que ce procès, dont tout le monde souhaite la tenue dans les règles, soit reporté en raison de demandes déposées à la dernière minute — demandes qui n'ont peut-être aucun fondement juridique, vu qu'elles ont été présentées par des personnes qui ne connaissent pas le système de justice — ou parce qu'une personne se présente devant le tribunal et décide soudainement qu'elle souhaite être représentée par son avocat.
    Un tel report a un effet d'entraînement, vu que, en plus de perdre cette première journée d'audience, on devra fixer une autre date dans l'avenir pour le début de la procédure. Ces affaires sont importantes. Les intérêts de toutes les personnes concernées sont importants. À mes yeux, la création de lois et d'obstacles administratifs, conjugués à l'insuffisance des fonds, a pour effet de ralentir le système, et cela a des répercussions assez évidentes sur tout le monde.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Goguen, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens d'abord et avant tout à remercier les témoins.

[Français]

     Je vous remercie d'être venus nous rencontrer.

[Traduction]

    À coup sûr, nous avons entendu divers points de vue, et c'est en tirant le meilleur de chacun de ces points de vue que nous parviendrons éventuellement à améliorer le projet de loi. Comme vous le savez tous, le projet de loi vise à accorder une place importante aux victimes au sein du système judiciaire de manière à ce qu'elles soient non pas considérées comme de simples témoins, mais traitées avec compassion. De cette façon, on parviendra peut-être à atténuer une partie de leurs craintes et à les rendre plus aptes à livrer un témoignage à propos des actes répréhensibles commis à leur égard.

[Français]

    Je vais d'abord m'adresser à MM. Tremblay et Fortier.

[Traduction]

    J'aimerais entendre les commentaires de Mme Jong, puis ceux de Mme Walker.

[Français]

    Nous avons parlé de délais dans le processus de consultation. Or à maintes reprises, on nous a dit que les victimes étaient très préoccupées par ces délais. Vous avez parlé d'une procédure à l'intérieur d'un délai raisonnable.
     Pouvez-vous nous parler des raisons pour lesquelles les délais causent des frustrations et des problèmes aux victimes et nous dire quelles sont les séquelles liées à ces délais?
     Pour l'avoir vécu dans des procès tant au civil qu'au criminel, je sais que les délais sont une charge immense pour une victime parce qu'elle ne peut pas compléter sa guérison. Elle sait pertinemment qu'elle devra avoir l'esprit clair afin de pouvoir témoigner sur ce qui a pu lui arriver. Elle aura donc beaucoup de difficulté à se libérer totalement en thérapie tant que toutes les procédures n'auront pas pris fin. Dans le cas de procédures d'appel au criminel, on sait que certains procès peuvent s'échelonner sur sept ans.
    En thérapie, j'ai déjà utilisé la méthode d'intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires — EMDR — pour traiter le choc post-traumatique qu'une personne peut vivre à la suite d'agressions sexuelles passées. Cette méthode fait des miracles, certes, mais elle peut également effacer des souvenirs. On peut faire un certain ménage. Or ce ménage ne peut se faire tant que le procès n'est pas terminé.
    En étirant les délais, on retarde la guérison. C'est pour cette raison qu'on demande que les délais soient raisonnables. Les longs délais, c'est presque inhumain pour certaines victimes. Elles témoignent à l'âge à 12 ans, soit à l'âge de la préadolescence, et une fois entrées dans l'âge adulte, elles doivent témoigner à nouveau sur des faits du passé. C'est extrêmement éprouvant, car le processus de guérison ne peut jamais se terminer.
    Alain, as-tu quelque chose à ajouter à ce sujet?
    La difficulté, pour une victime, est de devoir toujours se souvenir de tout ce qui s'est passé. En cour, elle devra se souvenir de la date, du lieu et de tous les détails exacts parce que l'avocat de la défense va souvent tenter de la discréditer en trouvant des erreurs ou des incohérences. D'un côté, il faut essayer de se souvenir de tout, et de l'autre, on veut commencer à guérir. Mais quand on veut guérir, on veut oublier. Alors, plus le processus est long, plus les séquelles seront importantes.
    L'existence d'une charte des droits des victimes n'entraînera pas de délais supplémentaires. Néanmoins, il faut réduire les délais en s'attaquant à la question des reports d'audience fréquents qui, d'après ce qu'on a vu, sont souvent demandés par les agresseurs. Les audiences sont reportées encore et encore pour tenter de décourager la victime. C'est là que réside le vrai problème.
    Je suis d'accord avec M. Tremblay pour dire qu'il faudrait investir davantage dans notre système judiciaire. C'est une première chose. Ensuite, il faudrait qu'il y ait une sorte de mécanisme d'accès direct, c'est-à-dire que les crimes contre la personne soient traités plus rapidement que les crimes contre les biens. Les crimes contre la personne ont des répercussions sur notre société et sur les coûts sociétaux.

  (1630)  

    C'est intéressant.
    Madame Jong, voulez-vous faire des commentaires sur la question des délais?
    Je n'ai pas de commentaires à faire sur la question des délais.
    Madame Walker, souhaitez-vous dire quelque chose?

[Traduction]

    En fait, je crois que le projet de loi se traduira par une utilisation plus efficace des ressources dont nous disposons actuellement. À mon avis, il aura pour effet d'uniformiser les pratiques exemplaires à l'échelle du pays. Ainsi, les mesures prises à London, en Ontario, seront également prises à Saskatoon. Voilà ce qui devrait se passer. Les victimes seront dorénavant traitées de la même façon partout au pays.
    À London, nous disposons de ressources qui nous permettent de travailler en collaboration avec le système de justice pénale et de mettre en oeuvre des pratiques exemplaires, mais il n'y a aucune raison que le reste du pays n'ait pas accès à ces pratiques exemplaires. C'est ce qui explique pourquoi je suis favorable au projet de loi.
    M. Kronglod — j'espère que je prononce son nom comme il le faut — a mentionné que le projet de loi donnerait lieu à une codification des pratiques exemplaires à l'échelle du pays. Il s'agit là d'une chose extrêmement bénéfique pour les victimes.
    M. Tremblay et M. Fortier ont parlé de retards raisonnables. Il me semble que cette question a été envisagée au moment de la rédaction de l'article 20, lequel a fait l'objet de quelques critiques. Pour l'essentiel, cet article énonce que la loi ne doit pas être interprétée d'une manière déraisonnable pouvant nuire à la bonne administration de la justice, notamment en portant atteinte à une enquête, au pouvoir discrétionnaire du poursuivant ou, peut-être, au pouvoir discrétionnaire de la Couronne.
    Madame Walker, êtes-vous d'avis qu'il s'agit là d'une mesure positive à prendre au moment de tenter d'accélérer le traitement des affaires de manière à ce que l'administration de la justice puisse suivre son cours?
    Je ne suis pas d'accord avec l'idée selon laquelle on pourrait porter atteinte au travail de la Couronne. J'estime que cela sera très positif pour la Couronne, vu que, comme je l'ai mentionné, cela va simplifier son travail. Selon M. Krongold, la participation accrue des victimes aura pour effet d'ajouter des procédures, mais je ne suis pas de cet avis. Selon mon interprétation des dispositions du projet de loi, il s'agit d'énoncés, à l'intention des procureurs de la Couronne et des prestataires de services en matière de justice pénale, des lignes directrices très simples concernant la communication avec les victimes et visant à éviter qu'ils passent leur temps à répondre à des appels téléphoniques de victimes qui cherchent à s'enquérir de l'état d'avancement de leur procédure. Cette mesure est très positive. En outre, je crois qu'elle permettrait aux victimes de rester en contact avec les prestataires de services en matière de justice pénale, et donc d'éviter des retards continus attribuables, par exemple, au fait qu'il n'a pas été possible de communiquer avec telle ou telle victime.
    Je répète que je trouve tout cela très positif. À mes yeux, ces mesures permettront au système judiciaire de traiter plus rapidement les affaires. J'estime que ces dispositions ne comportent aucun élément susceptible d'occasionner quelque retard que ce soit.
    Il vous reste une minute.

[Français]

     J'aimerais d'abord entendre vos commentaires, messieurs Tremblay et Fortier, sur la question de l'article 20 et du pouvoir discrétionnaire des procureurs ainsi que de la police.
    Pensez-vous que cette approche est valable?
    Quelles proportions va prendre ce pouvoir? Là est la question.
    Nous trouvons que l'article 20 est important parce qu'il comporte des balises. Au Canada, les crimes sont codifiés. Nous avons le Code criminel. Ce n'est pas en vertu de la common law que les décisions de cette nature sont prises.
    Au civil, on laisse les juges prendre leurs décision selon la common law, et ce sont les décisions des tribunaux qui créent les règles. Or, ce n'est pas le cas au criminel. Dans notre société, on a déterminé ce qui était criminel, ce qu'on voulait considérer comme des crimes et voir sanctionner.
     Est-ce que le fait de laisser beaucoup de latitude aux juges pour leur permettre d'interpréter les cas constitue un recul? L'article 20 va permettre aux juges d'être devant les témoins, d'interpréter et de juger la cause.
    Or, qu'est-ce que cela va donner? On va baliser leur jugement, en réalité. On va baliser les procédures, et ils vont devoir se conformer à cet article, sans avoir cependant toute la latitude que confère la common law.
    Je me permets cette réflexion, bien que je ne sois pas juriste.

  (1635)  

[Traduction]

    Merci de ces questions et réponses.
    Nous allons maintenant entendre M. Casey, du Parti libéral.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Krongold, je veux vous offrir la possibilité de nous en dire un peu plus long à propos de vos préoccupations liées à l'article 17. Je crois que cela a peut être un lien avec la discussion que l'on vient d'avoir par suite des questions posées par M. Goguen au sujet de l'article 20 de la charte, à savoir l'article 2 du projet de loi. Il s'agit d'un article d'interprétation, et je suppose qu'il s'agirait de l'article 1 s'il se trouvait dans la Charte des droits et libertés. Il pourrait s'agir de la disposition d'exemption.
    J'aimerais comprendre les réserves que vous avez exprimées à l'égard de l'article 17, selon lequel une personne pourrait être autorisée à témoigner de façon anonyme, c'est-à-dire sans que son identité ne soit divulguée. Si j'ai bien compris, votre préoccupation a trait aux personnes auxquelles cette identité ne sera pas divulguée. Si la liste des personnes auxquelles l'identité d'un témoin ne sera pas divulguée comporte le nom de l'accusé, on se trouve en présence d'un problème d'ordre constitutionnel. Est-ce exact?
    Oui. L'expression « problème d'ordre constitutionnel » représente presque un euphémisme.
    Si l'article en question prévoit effectivement l'interdiction de divulguer, à un moment ou un autre de la procédure — c'est-à-dire, selon le libellé du texte législatif, dans le cadre de l'instance —, l'identité d'un témoin, sauf, on peut le présumer, à la police et à la Couronne, on risque de se retrouver dans une situation où des gens livreront des témoignages sous le couvert de l'anonymat sans que l'accusé ait la moindre idée de l'identité de la personne ayant tenu tel ou tel propos. S'agit-il d'un voisin bien intentionné ayant été témoin d'un crime et souhaitant le signaler, ou du voisin d'à côté qui lui en veut et qui lui a dit deux semaines plus tôt qu'il lui causerait du tort s'il ne déplaçait pas un piquet de clôture empiétant sur son terrain?
    La possibilité pour un accusé d'être informé des faits qui lui sont reprochés et de l'identité de la personne ayant porté plainte contre lui représentent un principe fondamental de notre système de justice. Un accusé a le droit de connaître l'identité de ceux qui témoignent contre lui, et il doit être en mesure d'être mis en leur présence de façon à ce qu'il puisse donner suite à toutes leurs allégations. À ma connaissance, il n'est jamais arrivé au Canada qu'une personne soit jugée sur le fondement de témoignages livrés de manière anonyme et secrète.
    J'espère que tout le monde saisit la nature du problème. Il s'agit d'une rupture totale avec nos traditions en matière de justice et avec les traditions de la justice britannique, dont notre système judiciaire découle.
    S'il s'agit bien là de l'objectif poursuivi, il s'agit d'un changement majeur. Il est difficile de comprendre la teneur de cette disposition, mais je crains que l'on propose que l'identité d'un témoin puisse n'être divulguée à quiconque, y compris l'accusé, dans le cadre de l'instance. Je sais que le paragraphe (2) mentionne la tenue d'une audience à huis clos, mais qui pourra y assister? S'agirait-il d'une audience ex parte? D'une audience en l'absence de l'accusé?
    Si c'est le cas, il s'agit d'une modification fondamentale du droit. Il s'agit non pas de la protection de l'identité des victimes, vu que d'autres dispositions permettent de la protéger, ni de protéger les victimes contre les interrogatoires abusifs ou l'obligation d'être contre-interrogé par l'accusé, mais de quelque chose d'entièrement différent, et je ne crois pas qu'aucun débat ait été tenu à ce sujet. Si mon interprétation est juste, je trouve cela troublant.
    En réponse aux propos de Mme Walker, j'aimerais simplement mentionner que, dans le cadre d'une affaire de violence familiale, l'accusé en viendra très rapidement à connaître l'identité de la personne qui l'accuse. Dans de tels cas, les personnes arrêtées savent très bien pourquoi on les arrête, à moins qu'on prévoie ne pas leur divulguer non plus les motifs de leur arrestation.
    Il est possible que l'article en question permette à un témoin, d'une façon ou d'une autre, de livrer un témoignage de façon anonyme, et il s'agit là d'une perspective profondément perturbante. J'ai du mal à concevoir que justice puisse être rendue dans de telles circonstances. Selon moi, cela constituerait un énorme problème constitutionnel. Cela va à l'encontre de la notion même d'un procès équitable et transparent.
    D'accord.
    J'ai deux choses à mentionner à cet égard.
    Tout d'abord, en ce qui a trait à l'article 20 du projet de loi sur les droits des victimes, à la page 6, on peut lire ce qui suit:
    La présente loi doit être interprétée et appliquée de manière raisonnable dans les circonstances [...]
    Le texte énonce ensuite un certain nombre de critères.
    Vous avez mentionné que, si votre interprétation est juste, l'article en question est inconstitutionnel. Est-ce que l'article 20 permettrait d'en préserver la constitutionnalité? Comment doit-on l'interpréter? Si l'article 20 prévoit que la loi doit être interprétée de façon constitutionnelle, quelle serait la teneur de cette interprétation? En outre, quelles mesures devrions-nous prendre pour clarifier l'article de manière à ce que tout le monde en comprenne la signification et à ce qu'il soit conforme à la Constitution?
    Là encore, d'après la façon dont je l'interprète, je ne parviens pas à déterminer si l'article 20 s'applique à l'ensemble de la loi ou uniquement à la charte des droits des victimes. À mes yeux, l'article 20 semble porter uniquement sur la manière dont les droits énoncés dans les 19 articles précédents doivent être interprétés. Je ne sais pas s'il s'applique aux autres dispositions modifiant le Code criminel. L'article 20 ne sera pas intégré au Code criminel — il s'agit d'une disposition législative différente, et je ne crois pas qu'elle s'appliquerait dans un tel contexte. En outre, l'article 22, si je ne m'abuse, mentionne que, en cas d'incompatibilité, les dispositions touchant les droits l'emportent sur celles de la section d'exemption.
    On décèle dans l'article 20 l'intention de ne pas porter indûment atteinte à d'autres intérêts importants, par exemple ceux des organismes d'exécution de la loi, de ne pas causer des retards, de ne pas nuire au pouvoir discrétionnaire ministériel et d'autres éléments du genre. En cas d'incompatibilité, il semble qu'il faille privilégier le droit et non pas les autres intérêts concernés. À mon avis, l'article 20 ne dissipe pas ces préoccupations.
    Pour ce qui est des retards, je dirai simplement que les préoccupations qu'ils soulèvent tiennent non pas au fait que les procureurs de la Couronne devront consulter les témoins ou les victimes dans le cadre d'une instance, vu qu'ils le font déjà et qu'il n'y a aucune raison que cela retarde une procédure, mais au fait que les dispositions modifiant le Code criminel font état de demandes présentées par les victimes et les témoins. Cela signifie que les témoins se présenteront aux audiences. Il y a des témoins qui sont tout à fait honnêtes et bien intentionnés. Il y en a d'autres qui sont des fauteurs de troubles. Il y a également ceux qui relèvent à la fois de la première et de la deuxième catégorie.

  (1640)  

    Cela s'applique également au reste de la société.
    Exact, cela vaut également pour le reste de la société. Tout à fait.
    Nous allons nous retrouver dans une situation où tout le monde se présentera à l'audience le jour prévu, où on sera prêt à entreprendre le procès, où un plaignant sera prêt à livrer son témoignage et désireux de le faire, mais où un témoin, dont l'importance est peut-être secondaire — il pourrait s'agir, par exemple, du propriétaire de l'immeuble dont l'accusé s'est enfui après la dispute à l'origine de l'affaire — décide soudainement qu'il souhaite que son identité soit protégée au moyen d'une ordonnance de non-publication. À ce moment-là, on doit interrompre la procédure judiciaire, vu que le témoin en question a le droit de présenter cette demande. Le procureur de la Couronne pourrait lui dire qu'une telle demande est ridicule et sans objet, vu qu'aucun journaliste n'est présent dans la salle et que, de toute façon, ses propos ne portent pas à conséquence, mais si le témoin tient à obtenir cette ordonnance, on devra interrompre la procédure, on accumulera des mois et des mois de retard, et cela ne profitera à personne. Voilà la nature de ma préoccupation concernant le ralentissement de la procédure.
    Il vous reste une minute.
    De quelle façon devons-nous modifier les dispositions de l'article 17 modifiant le Code criminel pour faire en sorte qu'elles ne soient pas invalidées sur le fondement d'une interprétation selon laquelle elles seraient inconstitutionnelles?
    Je ne vois pas ce que nous pourrions faire pour que ces dispositions soient préservées. Le droit canadien ne comporte rien de semblable. Dans bien des situations, les gens peuvent fournir anonymement de l'information aux policiers. La loi a toujours protégé l'anonymat des informateurs. Il s'agit là d'un privilège que les tribunaux protègent rigoureusement. Cependant, il est ici question du fait de livrer secrètement un témoignage. Il s'agirait d'une première dans le cadre du droit canadien, et j'ai du mal à imaginer une situation où cela pourrait être admissible. À coup sûr, le seul fait d'affirmer que cela serait dans l'intérêt supérieur de la justice ne permet pas de dissiper toutes les préoccupations que soulève la disposition en question. J'ai peine à concevoir que cette disposition puisse être déclarée constitutionnelle. Nous sommes en présence d'une disposition sans précédent.
    Merci beaucoup.
    Le prochain intervenant sera M. Dechert, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie nos invités d'être ici aujourd'hui.
    J'ai moi aussi quelques questions à poser à M. Krongold concernant l'article 17, qui vise à modifier le Code criminel par adjonction de l'article 486.31. Tout d'abord, vous constaterez que cet article porte qu'un juge ou un juge de paix doit en arriver à la conclusion qu'une ordonnance permettant de protéger l'identité d'un témoin « est dans l'intérêt de la bonne administration de la justice ». Au moment de prendre une telle décision, le juge doit tenir compte de ce qui suit:
a) Le droit à un procès public et équitable;
c) La nécessité de l'ordonnance pour assurer la sécurité du témoin ou le protéger contre l'intimidation et les représailles;
d) La nécessité de l'ordonnance pour assurer la sécurité d'une des connaissances du témoin;
f) l'intérêt de la société à encourager la dénonciation des infractions et la participation des victimes et des témoins au processus de justice pénale [...]
    Je présume que vous n'avez pas eu l'occasion de lire ou d'entendre le témoignage qu'a présenté Timea Nagy au cours de notre réunion précédente — la transcription de nos débats n'est probablement pas encore disponible. Mme Nagy fournit de l'aide à 300 victimes de la traite de personnes, dont elle a elle-même été victime. Elle a expliqué très clairement pourquoi certains témoins souhaitaient obtenir une telle protection — ces personnes sont extrêmement intimidées par les membres des organisations criminelles mêlées à la traite de personnes. Je vous suggère de jeter un coup d'oeil à son témoignage.
    En outre, à ma connaissance, le droit d'être mis en présence de la personne qui nous accuse n'est pas un droit absolu. En fait, la Cour suprême du Canada a conclu qu'il fallait trouver le juste équilibre entre ce droit et l'objectif traditionnel des tribunaux, à savoir la recherche de la vérité, de même que la protection des témoins. Il pourrait arriver que la possibilité de présenter un témoignage de façon anonyme soit une question de vie ou de mort, par exemple si un agent d'inflitration doit témoigner contre un accusé membre d'une organisation criminelle ou si un agent du SCRS doit témoigner contre une personne soupçonnée d'avoir commis un acte de terrorisme.
    De surcroît, je crois comprendre que les codes criminels en vigueur au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande comportent des dispositions de nature semblable, en vertu desquelles des témoins peuvent témoigner de façon anonyme si le tribunal conclut qu'il est dans l'intérêt supérieur de la bonne administration de la justice de le faire, compte tenu du droit à un procès public et équitable.
    Avez-vous des observations à formuler concernant ces mesures visant à protéger les témoins?

  (1645)  

    Je vous dirai ceci: à ma connaissance, les affaires dans le cadre desquelles la Cour suprême s'est penchée sur le droit d'une personne d'être mise en présence de son accusateur était liées, par exemple, à des cas où l'accusé souhaitait interroger personnellement un plaignant ou un témoin, et la Cour a conclu que cela était constitutionnel dans les circonstances appropriées.
    Il est question ici non pas de la possibilité, pour l'accusé, de contre-interroger personnellement l'accusateur ou de le confronter littéralement devant un tribunal, mais de la capacité pour une personne de répondre aux allégations faites à son égard.
    J'ignorais que de telles dispositions avaient été adoptées en Nouvelle-Zélande, mais je savais que des dispositions semblables avaient été promulguées au Royaume-Uni, et qu'elles avaient été...
    Pardon?
    Vous avez fait allusion plus tôt au droit britannique et à nos traditions.
    C'est exact. Des dispositions de ce genre ont été adoptées en Angleterre. Je ne sais pas ce que cela a donné. Je me souviens que leur adoption a soulevé une vive controverse, et j'espère qu'il en sera de même ici si l'on envisage d'adopter des dispositions de cette nature.
    J'imagine que vos collègues criminalistes s'opposeraient de façon virulente à l'application de telles dispositions dans une affaire donnée, mais il reviendrait au juge de déterminer s'il est absolument nécessaire de protéger la sécurité d'un témoin. Des gens nous ont dit qu'ils s'étaient trouvés dans des situations où, selon eux, il était absolument crucial de prendre de telles mesures pour protéger la sécurité d'un témoin et pour faire en sorte qu'une personne signale un crime.
    Comme vous l'avez souligné, ces dispositions ne seront pas nécessairement invoquées par les victimes en tant que telles — elles pourraient l'être par des témoins d'importance secondaire qui ont contribué à ce qu'une personne soit traduite en justice.
    Je suppose que la préoccupation tient à ce que le fait de permettre à une personne de témoigner anonymement nous fait courir un risque immense de condamnations injustifiées. Par « anonymement », j'entends non pas le fait de ne pas publier le nom d'un témoin dans le journal, mais celui de permettre à un témoin de livrer son témoignage sans que l'accusé ne puisse l'identifier.
    Si l'on veut contester les propos d'un témoin, on doit connaître quelque chose à son propos, n'est-ce pas? On doit connaître ses mobiles éventuels, non? On doit connaître les raisons qui ont mené cette personne devant les tribunaux, on doit connaître ses antécédents et on doit savoir si elle a déjà menti dans le passé. Il s'agit là d'éléments qu'il est évidemment important de comprendre.
    Le problème tient à ce que le juge tiendra une audience à huis clos où le procureur lui expliquera pourquoi ceci et cela est nécessaire — et il estimera sans doute que c'est bel et bien le cas —, mais qu'aucun représentant de l'autre partie ne sera présent pour expliquer pourquoi ce n'est pas le cas, pourquoi les antécédents du témoin sont pertinents ou pourquoi il est important de savoir que le témoin a fait preuve de malhonnêteté dans le passé.
    Comme je l'ai mentionné, le droit d'une personne de savoir ce dont on l'accuse — droit qui englobe celui de connaître l'identité de l'accusateur — est aussi fondamental que tout autre droit prévu par les lois canadiennes. Comment un accusé peut-il répliquer à une allégation si la seule information dont il dispose tient à ce qu'une personne dont l'identité ne lui sera pas révélée a affirmé qu'il avait fait ceci ou cela il y a trois semaines dans tel ou tel lieu. Comment peut-on répliquer à cela? Il n'y a pas moyen de le faire.
    Ce que je vous dirai, c'est qu'il ne s'agit pas d'un principe absolu, et que la Cour suprême a statué là-dessus. Je vous recommande de vous pencher là-dessus et de tenir compte du fait que certains témoins se trouvent dans une situation très épineuse et ont besoin d'une protection.
    J'aimerais poser une question à Megan Walker...
    Il vous reste une minute.
    ... qui représente le London Abused Women's Centre.
    Tout d'abord, je vous remercie de votre présence et du bon travail que votre organisation et vous-même faites pour venir en aide aux personnes victimes de mauvais traitements.
    Vous avez indiqué que vous souhaitiez avoir l'occasion de faire des observations à propos des dispositions du projet de loi C-32 concernant les ordonnances de dédommagement et l'immunité conjugale. Je vous invite donc à le faire.
    Tout d'abord, en ce qui a trait aux ordonnances de dédommagement, je vous dirai très simplement que je suis extrêmement ravie de constater que la violence psychologique pourra désormais faire l'objet de telles ordonnances. Il s'agit là d'une chose que les femmes nous demandent depuis longtemps. Bien entendu, elles peuvent actuellement demander un dédommagement pour la vitre fracassée de leur voiture, mais cela n'est pas suffisant, et je vous remercie donc d'avoir intégré les dommages moraux au texte législatif.
    En ce qui concerne l'immunité conjugale, je vous dirai que, selon moi, il est très important de préserver les dispositions en vertu desquelles un époux est autorisé à témoigner, et ce, non pas pour les raisons évoquées par mes collègues qui se trouvent à ma droite, mais parce que... vous savez, à une certaine époque, les épouses n'étaient pas autorisées à témoigner, principalement parce que les femmes n'étaient pas considérées comme des personnes à part entière, et que, par conséquent, leur témoignage n'avait aucune crédibilité. J'estime que, d'une part, ces dispositions contribuent à remédier à une telle situation et à accroître l'égalité entre les hommes et les femmes au sein de la société.
    D'autre part, je sais que des femmes qui vivent dans la peur ont soulevé des préoccupations, et j'espère que le nouveau paragraphe 486.31(1) de la page 17 contribuera à les dissiper. Je ne suis pas en train de minimiser l'importance de la préoccupation selon laquelle toutes les femmes victimes de mauvais traitements pourraient être tentées de se prévaloir de cette protection au moment de livrer leur témoignage. À coup sûr, à l'heure actuelle, les femmes sont souvent appelées à témoigner contre leur agresseur. Ce dont je parle, c'est des cas très graves où des femmes sont menacées, battues et violentées et se retrouvent à l'hôpital pendant des semaines, des cas risquant d'aboutir au dépôt d'une accusation de tentative de meurtre, des cas où une femme a maille à partir avec une organisation criminelle ou un partenaire violent faisant partie d'une telle organisation, c'est-à-dire de toutes sortes de cas où des femmes devraient déposer une plainte, mais s'abstiennent de le faire parce qu'elles ont peur. Nous croyons que ces cas sont importants et que l'article en question sera très utile pour les femmes qui se trouvent dans de telles situations.

  (1650)  

    D'accord, je vous remercie de ces questions et réponses.
    Nous allons maintenant passer à Mme Péclet, du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie également tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Dans les dernières séances du comité et celle d'aujourd'hui, les témoins — il ne s'agit pas nécessairement de la totalité d'entre eux, mais je vais me permettre de résumer — ont parlé du Manitoba et de plusieurs autres provinces qui avaient adopté cette façon de procéder au cours des dernières années, à savoir les droits des victimes, la compensation, et ainsi de suite. Le Manitoba, par exemple, a créé le Victim Rights Support Service, qui permet aux victimes d'obtenir ce genre de droits.
    J'aimerais poser ma question à tout le monde, mais je ne dispose malheureusement que de cinq minutes. C'est tellement peu alors qu'on aurait tant de choses à dire. Je vais donc poser ma question à MM. Tremblay et Fortier.
    En définitive, il s'agit d'une codification, d'une pratique qui existe déjà dans plusieurs provinces. J'aimerais que vous me disiez ce qui va changer quand ce projet de loi sera adopté, qu'il y ait ou non une codification. On nous a beaucoup vanté le fait que ces droits seraient codifiés, et c'est très bien, mais qui va appliquer ces droits?
     Plusieurs personnes nous ont dit que les victimes n'arriveraient pas à se retrouver dans ce système. On ne sait même pas qui doit appliquer cette charte. Les plaintes seront-elles reçues par les procureurs fédéraux ou par l'ombudsman fédéral? J'aimerais vous demander si on ne devrait pas revoir les droits sociaux des victimes, notamment le droit à l'assistance, plutôt que de codifier des droits qui existent déjà. Je ne sais pas si vous comprenez où je veux en venir.
     Honnêtement, la question n'est pas très claire, mais je vais essayer d'y répondre pour ce qui est de la charte.
    À l'heure actuelle, au Québec, on accorde beaucoup d'importance à la réhabilitation. On travaille beaucoup avec les agresseurs et peu avec les victimes, dans le cas des agressions sexuelles. Je pense que la charte va permettre aux victimes d'être partie prenante au processus, ce qu'elles ne sont pas, présentement. Pour notre part, nous savons que c'est le procureur, lorsqu'il reçoit la plainte, qui mène les procédures. Parfois, nous ne sommes pas au courant. Même quand j'ai moi-même porté plainte, je n'ai pas pu savoir ce qui se passait. Il a été difficile d'obtenir de l'information, et j'ai été tenu à l'écart. La charte va nous donner le droit d'être informé. Elle va fournir des balises, de l'aide, de l'encadrement et accorder un peu plus de droits aux victimes.
    Le droit au dédommagement n'existe pas non plus au Québec, à l'heure actuelle. En effet, dans le cas des agressions sexuelles, on ne s'attaque pas à un bien, mais à une personne; toutefois, les séquelles sont immenses et la victime peut mettre des années à s'en remettre. Pour nous, le dédommagement proposé ici est une belle avancée. Cela peut permettre de se payer des soins ou du moins d'en payer une partie pour commencer.
    Est-ce que cela devrait être géré par le fédéral ou par les provinces? Voilà la question. D'après ce que j'ai entendu dire jusqu'à maintenant, ce serait surtout les provinces qui auraient à le faire. Quels seront les droits? Comment est-ce que ce sera appliqué? Je ne le sais vraiment pas, mais pour ce qui est des droits, il faut faire quelque chose pour les victimes, c'est certain. Au Québec, à l'heure actuelle, il n'y a absolument rien. Je crois que cela devrait venir du fédéral.

  (1655)  

    Cependant, aucun fonds n'est rattaché à ce projet de loi. C'est ce que j'essayais de vous dire. Le projet de loi C-32 est parfait, dans le sens de ce que vous dites: cela va créer un sentiment de sécurité chez les victimes. Le problème est qu'aucun fonds ne s'y rattache.
     Le ministre de la Justice du Manitoba nous a dit que c'était bien beau, cette adoption de la charte par le fédéral, mais que ce dernier allait simplement jeter cela dans la cour des provinces, qui allaient alors devoir se débrouiller. On parle des délais et des problèmes du système de justice, mais si le gouvernement adopte une charte et qu'il a vraiment à coeur les droits des victimes, « il faut que les bottines suivent les babines », comme on le dit dans ces cas.
    En ce moment, aucun de ces droits n'est obligatoire. La victime va soumettre une plainte, mais on ne sait même pas où cette plainte va se retrouver et qui va l'étudier. Voilà où je voulais en venir.
    Monsieur Tremblay, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Vous demandez pourquoi tout cela devrait être codifié. Pourquoi a-t-on créé la Charte des droits et libertés de la personne? Celle-ci peut être invoquée dans un bon nombre de cas, au criminel. Est-elle invoquée souvent? Elle existe, mais nos droits peuvent être bafoués dans le cadre d'un procès au criminel. En cas de doute raisonnable, on acquitte l'individu.
     Cette nouvelle charte ne va pas tout régler. Vous dites qu'aucune enveloppe budgétaire n'y est assortie, mais s'il y a une négociation de plaidoyer, on va au moins en informer la victime. Si c'est codifié, les procureurs de la Couronne vont le savoir, de même que certaines personnes. Les mentalités ne changent pas du jour au lendemain.
    Quand j'étais petit, des amis de mon père arrivaient à la maison avec une bière entre les deux jambes. C'était il y a 40 ans.
    Selon vous, ce projet de loi est-il bien comme il est maintenant ou devrait-on l'amender?
    Je ne suis pas juriste; je comparais à titre de victime.
    Oui, mais quel est votre avis?
    Je comparais en tant qu'individu ayant vécu longuement cette situation, dans le cadre de procès. Pour moi, il y a là des avancées immenses. Qu'il n'y ait pas d'enveloppe budgétaire, qu'on ait codifié ou non, qu'on aille trop loin ou qu'on parle de l'article 17 pourrait faire en sorte qu'on pourrait tenir bien des séances, mais l'important, à mon avis, est que cela représente une avancée importante.

[Traduction]

    Merci de ces questions et réponses.
    Je cède à présent la parole à M. Wilks, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici.
    Grand chef Yesno, j'aimerais obtenir des éclaircissements concernant une chose que vous avez dite. Vous avez mentionné que les victimes pourraient demander à être orientées vers un mécanisme de justice réparatrice. J'ai de la difficulté à concevoir qu'une personne puisse souhaiter qu'une affaire liée à une agression sexuelle grave ou, du reste, à un homicide involontaire ou un meurtre au second degré, fasse l'objet d'une procédure de justice réparatrice. Quelles seraient les limites d'une telle façon de procéder?
    Je vous pose cette question simplement pour obtenir quelques éclaircissements.
    Merci de cette question.
    J'aimerais tout d'abord mentionner aux membres du comité que 39 de nos 133 collectivités sont des collectivités éloignées, c'est-à-dire, entre autres, des collectivités auxquelles il n'est pas possible d'accéder par la route. Je représente 34 d'entre elles. Ces collectivités ne disposent pas des mécanismes judiciaires habituels. Les membres des tribunaux ne peuvent accéder à la collectivité que par avion. Nous ne disposons pas de refuges pour femmes, ni de services policiers ni d'autres services du genre.
    Lorsque nous avons mené le projet pilote en matière de justice réparatrice, il s'agissait pour les membres de la collectivité de faire participer la victime et l'agresseur à un processus commun. Bien sûr, dans certains cas, il est plus facile de le faire, par exemple lorsqu'il s'agit d'une affaire liée à des dommages matériels, mais la procédure s'applique même aux affaires d'agression. Comme vous l'avez indiqué, lorsqu'il est question d'une agression sexuelle, voire d'un meurtre... au sein de la collectivité, nous avons tenu des discussions là-dessus... dans de tels cas, la justice réparatrice ne représente pas nécessairement la première option à envisager, mais à un moment donné, l'agresseur reviendra vivre dans la collectivité. D'après certains de nos membres, on doit tenir compte du fait que, même si une personne est incarcérée pendant 10 ou 15 ans, elle reviendra vivre dans la collectivité, et qu'on devra composer avec elle.

  (1700)  

    Je vois parfaitement où vous voulez en venir, et je suis un ardent partisan du processus de justice réparatrice, auquel j'ai eu l'occasion de participer dans le cadre de fonctions policières. J'estime qu'il comporte quelques grands avantages, mais qu'il a également des limites.
    Monsieur Krongold, vous avez parlé de l'article 17 et des témoignages qui seront présentés devant les tribunaux. À cet égard, êtes-vous d'accord avec le principe de la divulgation complète de la preuve entre procureurs de la Couronne et avocats de la défense?
    Oui, tout à fait. Il s'agit là de la norme.
    Comme la preuve sera entièrement divulguée, et ce, même si un témoin devait livrer son témoignage à l'extérieur de la salle d'audience, tant la Couronne que la défense auront accès à la totalité des témoignages, n'est-ce pas?
    Il s'agit là de l'une des questions que je me pose, vu que, à coup sûr, le droit fondamental à un procès équitable exige habituellement la divulgation de l'identité des témoins, des déclarations qui ont été...
    Vous êtes d'accord pour dire que cela a déjà été établi en ce qui concerne la divulgation.
    Je l'espère. Si la disposition en question n'a pas la signification qu'elle peut sembler avoir, en d'autres termes, si elle ne signifie pas que l'accusé ne saura rien de l'identité des personnes qui témoignent contre lui, je suppose que c'est moi qui ne l'a pas bien comprise, et que, par conséquent, je ne m'y oppose pas.
    Le hic, c'est que la disposition semble porter que l'information qui permettrait d'identifier un témoin ne sera pas divulguée dans le cadre de l'instance; si on entend par là qu'elle ne sera divulguée à aucun moment de la procédure, y compris au moment suivant immédiatement celui où une personne est accusée et avant que la preuve soit divulguée, cela me pose un problème, car il s'agirait d'une violation du principe fondamental selon lequel toute personne a le droit d'être informée des éléments retenus contre elle.
    Je crois qu'un précédent a été établi à cet égard par la Cour suprême du Canada dans le cadre de l'arrêt Personne désignée c. Vancouver Sun, dont vous avez peut-être entendu parler. Dans le cadre de cette affaire, il a été conclu que les tribunaux doivent établir un juste équilibre entre le droit d'être confronté à son accusateur et d'autres droits, par exemple ceux liés à la fonction des tribunaux consistant à rechercher la vérité ou à la protection des témoins.
    Je crois que, dans le cadre de cette affaire, la Cour suprême du Canada a entendu des témoignages qui permettraient d'établir que l'article 17 ne poserait pas de problème. Cela dit, j'en resterai là sur cette question.
    J'aurais peut-être des commentaires à formuler là-dessus, car je...
    Soyez bref. J'ai une question à poser à Mme Walker.
    Je serai très bref.
    Sauf votre respect, l'affaire que vous évoquez concernait un informateur confidentiel, c'est-à-dire une personne qui fournit de l'information... comme vous êtes un ancien policier, je suis certain que vous savez...
    J'avais souvent recours à eux.
    Tout à fait. Un informateur confidentiel est un citoyen qui manifeste le souhait d'aider la police, mais de façon anonyme. Il s'agit d'un élément extrêmement important de notre système de justice. Cela dit, ces informateurs ne présentent pas de témoignage devant le tribunal — il s'agit non pas de témoins, mais de personnes qui transmettent à la police des informations qui lui permettent de mener une enquête, d'obtenir un mandat de perquisition, de recueillir des éléments de preuve ou de trouver d'autres personnes qui seront appelées à livrer un témoignage. Cette façon de faire préserve l'anonymat des personnes dont la sécurité est menacée tout en préservant le droit à un procès équitable.
    Cela dit, je vous signale respectueusement que la disposition dont nous parlons n'aurait pas cet effet.
    Je vous ferai observer que ce que vous dites à cet égard n'est pas tout à fait exact, car il y a des informateurs confidentiels qui sont appelés à infiltrer des organisations criminelles.
    Oui, tout à fait.
    On doit protéger leur identité, à défaut de quoi ils risquent d'être grièvement blessés.
    Tout à fait.
    Monsieur Wilks, il vous reste 30 secondes.
    Merci.
    Madame Walker, pourriez-vous me dire quelques mots à propos des modifications apportées au mécanisme utilisé pour informer les plaignants de la manière dont un procès ou une enquête progresse? En tant qu'ancien policier, je peux vous dire que cela pose parfois de très grandes difficultés. Il arrive que la police estime qu'une affaire n'est plus de son ressort du moment qu'un tribunal en a été saisi. Pourriez-vous nous fournir des explications sur les mesures que nous pourrions prendre pour nous assurer que les victimes demeurent mieux informées?
    À mon avis, quelques mesures pourraient être prises. Il faudrait mettre en place un processus dans le cadre duquel les responsabilités sont énoncées très clairement, vu que, à l'heure actuelle, en dépit, là encore, de leurs meilleures intentions, les policiers croient parfois que les procureurs de la Couronne se sont chargés de communiquer avec les victimes, et les procureurs de la Couronne croient que les policiers s'en sont chargés. Il faudrait donc établir très clairement les responsabilités en matière de communication avec les victimes de manière à ce qu'on n'oublie pas accidentellement d'entrer en contact avec elles.
    Merci de ces questions et réponses.
    Le prochain intervenant est M. Toone, du Nouveau Parti démocratique.

  (1705)  

    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Comme je n'ai que cinq minutes, je vais essayer d'être bref. J'espère que les réponses le seront également.
    Je vais commencer par vous, messieurs Tremblay et Fortier.
    En règle générale, les provinces sont très intéressées par le projet de loi C-32. Le Québec, entre autres, dit très clairement qu'il est prêt à accompagner le fédéral. En fait, il prépare déjà le terrain pour concrétiser les droits des victimes.
    On entend souvent la critique que les droits sont plutôt conditionnels. Il faudrait mieux cristalliser le projet de loi C-32 afin d'en faire autant que ce que fait déjà la province.
    Que peut-on faire du projet de loi à l'étude pour améliorer les droits des victimes? Que peut-on faire pour aider les provinces à aller de l'avant et pour être un véritable partenaire? Les droits sont nébuleux.
    Avez-vous des commentaires à formuler?
    Qu'entendez-vous par « cristalliser » les droits?
    Il est dit « une victime peut » et, surtout, « la Couronne peut. » Ce n'est pas nécessairement un droit; c'est presqu'un privilège.
    Que pourrait-on faire pour rendre le projet de loi C-32 beaucoup plus concret et permettre à la province d'aller de l'avant? Je ne parle pas ici d'aide financière, même si le financement pose de grands problèmes. Je parle vraiment des droits.
    Déjà, le projet de loi C-32 donne une bonne base. Bien sûr, on voudrait toujours plus. Dans mon allocution, j'ai parlé de la nécessité d'imposer des délais raisonnables par rapport au procès. J'aimerais beaucoup que la charte renferme plus de droits. Par contre, si elle prévoyait plus de droits, est-ce cela va passer par la suite?
    La charte devrait être adoptée telle quelle. Par la suite, selon les problèmes qui surviendront, on pourra toujours l'améliorer en fonction des commentaires des gens qui l'appliquent sur le terrain.
    D'après ce qui ressort, je me demande si on n'est pas en train de créer une coquille vide qui, au fond, ne sera appliquée par à peu près personne. Les procureurs de la Couronne ne l'utiliseront pas. Quant aux victimes, elles ne seront pas du tout informées de son existence. Elles se présenteront à leur procès au criminel sans que le processus de plainte ne leur ait été communiqué.
    D'un autre côté, si on ne codifie rien, on n'avancera à rien non plus. On n'appliquera rien de tout cela.
    Je vais revenir à l'exemple que vous avez utilisé. La Charte canadienne des droits et libertés concrétise des droits. Les droits consentis dans le Bill of Rights étaient presque complètement mis de côté. Il fallait faire quelque chose.
    Dans ce cas-ci, on est en train de codifier quelque chose de très nébuleux. On essaie de concrétiser quelque chose, mais il est possible qu'on ne soit pas allé assez loin.
    Je serais tenté de vous dire que ce projet de loi est un début.
    Que fait-on pour les victimes? Est-ce qu'on en fait assez? Reculez il y a 20 ans. Alain a subi un procès au criminel. Il a poursuivi son agresseur alors qu'il était âgé de 14 ans. Il a témoigné devant lui. À cette époque, on ne parlait pas de son passé sexuel mais on l'utilisait, si on était au criminel.
    Je vois des avancées réelles. Comment cette charte évoluera-t-elle? Est-ce qu'elle sera appliquée?
    Qu'on établisse des indemnisations minimales. Il est difficile de poursuivre quelqu'un au civil. Si on poursuit l'agresseur pour 25 000 $ et plus, du moins au Québec, on subit des interrogatoires hors cour, ce qui est immonde.
    Il y a le délai de prescription, mais c'est une autre histoire. On pourrait en discuter longuement. Quoi qu'il en soit, ce projet de loi fait avancer les choses.
     Madame Jong, j'espère avoir le temps de revenir à vous, car j'ai beaucoup apprécié votre témoignage, plus particulièrement quand vous avez parlé de la définition de « victime ». À mon avis, il y a des lacunes à cet égard et on devrait en discuter.

[Traduction]

    J'aimerais m'adresser au chef Yesno.
    Vous avez deux minutes.
    Parfait, merci.
    J'ai bien aimé les observations que vous avez formulées à propos de l'alinéa 718.2e), qui comporte des dispositions relativement nouvelles en ce qui a trait à la détermination de la peine. J'aimerais que nous revenions là-dessus si nous avons le temps de le faire.
    J'aimerais souligner que le projet de loi vise à faire en sorte que de l'information soit transmise aux victimes. L'un des véritables problèmes auxquels nous faisons face tient à ce que de nouveaux droits pourraient découler de ses dispositions, mais que les victimes n'en seront pas nécessairement informées — elles ne sauront pas nécessairement qu'elles peuvent communiquer avec les policiers en profitant de la protection fournie par les nouvelles dispositions en question.
    Pour que les victimes sachent qu'elles peuvent se prévaloir de ces dispositions, il faut que des services soient présents sur le terrain afin de créer la documentation contenant l'information pertinente.
    À votre avis, est-ce que le gouvernement fédéral travaille en partenariat avec les Premières Nations à cet égard? Est-ce que d'autres mesures doivent être prises?

  (1710)  

    Je vous remercie de cette question.
    La situation que je connais le mieux, bien entendu, est celle qui règne dans les collectivités. Je vis dans une collectivité éloignée, de sorte que je connais les divers services qui y sont offerts, par exemple les services de maintien de l'ordre ou les services judiciaires. Je sais également quelles sont les difficultés avec lesquelles sont aux prises les collectivités. Ce que je peux dire, c'est qu'un profond sentiment de méfiance s'est installé dans une foule de collectivités au fil de nombreuses années. Je parle des tribunaux que je connais, ceux que l'on trouve dans nos collectivités. Je pense que cela fait moins de 40 ans qu'on y trouve des tribunaux d'un genre ou d'un autre. Il a été question de la lenteur extrême du système judiciaire — dans nos collectivités, nous sommes parfois d'avis qu'il est plutôt au point mort, et que seule une intervention divine permettrait de le ranimer.
    Nous adhérons aux droits; nous respectons les tribunaux et tout le reste. L'une des principales difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés au chapitre du maintien de l'ordre ou des services des tribunaux tient au financement des services de soutien — tout se résume à cela. C'est pourquoi l'une de nos recommandations indique que nous devons faire du rattrapage à ce sujet de manière à mettre nos collectivités sur un pied d'égalité avec les autres et pour faire en sorte de rétablir la justice et la foi en la justice au sein de nos collectivités. Nos gens veulent et méritent un accès à la justice semblable à celui dont bénéficient tous les autres Canadiens, et d'après ce que j'ai entendu au cours de la présente période de questions et de réponses, je peux comprendre le sentiment de frustration. Je peux l'observer dans nos collectivités. Les gens sont exaspérés.
    Une bonne partie du problème tient, selon moi, à l'affectation de ressources aux services de soutien dont nous disposons, qu'il s'agisse de refuges pour femmes ou même de services d'avocat. Les gens ont de la difficulté à obtenir les services d'un représentant juridique, et nous ne disposons pas des tribunaux requis pour traiter les divers types d'affaires pénales. Il faut régler ce problème. En fait, le problème tient davantage aux ressources qu'aux lois. La loi est la loi, et nous croyons qu'elle s'applique à tous.
    Merci beaucoup de ces questions et réponses.
    Nous allons passer à M. Calkins, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités d'aujourd'hui. Leurs exposés ont été très instructifs.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Walker. Durant votre exposé, vous avez indiqué que vous souhaitiez avoir l'occasion de nous en dire davantage à propos de quelques-unes des dispositions du projet de loi ayant trait au fait d'interdire à un accusé de procéder lui-même au contre-interrogatoire du témoin, de même qu'à l'immunité conjugale et aux ordonnances de dédommagement. Voulez-vous prendre quelques minutes pour nous fournir des éclaircissements quant à l'effet précis qu'auront les dispositions du projet de loi à ces chapitres?
    J'ai dit ce que j'avais à dire à propos de l'immunité et du dédommagement, de sorte que j'aimerais me pencher de façon plus particulière sur la question des contre-interrogatoires.
    Bien entendu, si les femmes victimes de violence familiale craignent de livrer un témoignage, c'est notamment parce qu'elles ont peur d'être contre-interrogées par leur partenaire violent, lequel, bien souvent, en profitera pour les agresser tout en se défendant. Ainsi, là encore, l'un des éléments très appréciables tient à ce que, dans le cadre de la procédure, la victime pourra présenter une demande au juge afin de ne pas être contre-interrogée personnellement par l'accusé. Il s'agit là d'une chose extrêmement positive. S'il estime qu'il est dans l'intérêt de la bonne administration de la justice que l'accusé procède lui-même au contre-interrogatoire de la victime, le juge ou le juge de paix peut nommer un avocat pour qu'il procède au contre-interrogatoire au nom de l'accusé. Il s'agit là d'un élément très important, car nous devons éviter qu'un accusé profite du contre-interrogatoire pour agresser ou intimider de nouveau la victime.
    Il s'agit là d'éléments qui, de toute évidence, à votre avis... je ne tente pas de vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, mais des témoins de plusieurs organisations nous ont dit qu'une foule de victimes s'abstenaient de signaler des incidents parce qu'elles ont peur de mettre le pied dans un engrenage judiciaire qu'elles ne connaissent pas et qui pourrait leur réserver de mauvaises surprises, et parce qu'elles craignent les représailles et toutes les autres choses que supposent le dépôt d'une plainte. Il est à espérer que les nouveaux droits conférés aux victimes changeront bien des choses du genre.
    Si le projet de loi est adopté — et je suis relativement certain qu'il le sera — croyez-vous que la situation s'améliorera pour ce qui est du signalement de ces crimes, des poursuites et de la possibilité pour les victimes d'obtenir gain de cause?

  (1715)  

    À mes yeux, le projet de loi supprime un certain nombre d'obstacles auxquels se heurtent actuellement les femmes au moment de déposer une plainte à la police.
    Ainsi, cela renforcera notre sens de la justice. Êtes-vous de cet avis?
    Oui, c'est ce que je crois. En outre, nous devons garder présent à l'esprit que les choses ne se font jamais du jour au lendemain. On a soulevé la question de savoir comment l'information pertinente sera diffusée. À mon avis, il est important de répondre à cette question. Comme je ne suis pas la politique d'aussi près que je le faisais à une certaine époque, j'ignore si le gouvernement fédéral verse encore des paiements de transfert aux provinces. Est-ce toujours le cas?
    Ne me lancez pas sur cette question: je suis Albertain.
    Des voix: Oh, oh!
    D'accord. Cela dit, le gouvernement fédéral a la capacité et le pouvoir requis pour établir la manière dont l'information est transmise aux provinces.
    Oui. Bien entendu, l'administration de la justice, par le truchement d'éléments comme les paiements de transfert, est prise en charge à cet égard, aussi légitimement qu'elle peut l'être, car tout le monde devrait profiter des mêmes avantages.
    Il vous reste une minute.
    Je ne suis pas en train de dire que le financement devrait être accru.
    Non, je sais. Je comprends cela.
    Ma dernière question s'adresse au grand chef.
    J'ai eu un peu de difficulté à comprendre certains de vos propos.
    Je suis le fier représentant des Cris de Montana, de Samson, de Louis Bull et d'Ermineskin. Dans le passé, on désignait collectivement ces nations sous l'appellation des Cris d'Hobbema. À présent, on les appelle les Cris Muskwachis. De 12 000 à 18 000 personnes vivent dans cette réserve — les chiffres varient selon la source dont ils proviennent.
    Pendant votre exposé, vous avez indiqué que, dans les réserves, les victimes étaient fort susceptibles de connaître l'identité de leur agresseur. Si je ne m'abuse, le taux d'incarcération des personnes vivant dans une réserve est huit fois plus élevé que celui des personnes vivant hors réserve, et vous avez mentionné qu'il faudrait, d'une façon ou d'une autre, appliquer aux victimes les éléments de l'arrêt Gladue concernant la discrimination. Je tiens à vous signaler que, au sein de la population essentiellement homogène des personnes vivant dans une réserve... Pouvez-vous préciser les propos que vous avez tenus en ce qui a trait à la discrimination? J'ai un peu de difficulté à vous comprendre.
    Vous avez 30 secondes, monsieur.
    Est-ce que ma collègue peut répondre à la question?
    Oui.
    J'aimerais simplement tirer quelque chose au clair: je ne pense pas que le grand chef Yesno ait dit que les principes énoncés dans l'arrêt Gladue étaient discriminatoires à l'égard des victimes.
    L'arrêt Gladue est fondé dans une large mesure sur la question de la discrimination. C'est de cette question que découlent les principes énoncés dans cet arrêt. Le grand chef a dit que ces principes devraient également être appliqués aux victimes. Je me demande simplement comment ces éléments peuvent être conciliés, à la lumière du fait que, comme l'a mentionné le grand chef, les taux de criminalité et d'incarcération sont plus élevés dans les réserves qu'à l'extérieur des réserves. J'aimerais qu'on m'explique en quoi la discrimination représente un facteur au sein d'une population essentiellement homogène.
    Nous croyons comprendre que les principes énoncés dans l'arrêt Gladue permettent de s'attaquer à la discrimination au sein du système de justice pénale. La dure réalité, c'est que la plupart des victimes sont des délinquants, et que la plupart des délinquants sont des victimes. Dans une collectivité de l'Ontario du genre de celle que le grand chef a évoquée, dans les collectivités les plus éloignées, l'application des principes énoncés dans l'arrêt Gladue nous permettrait d'examiner l'ensemble de la situation au lieu d'examiner simplement la situation propre au délinquant. Nous sommes d'avis que cette situation particulière présente un très grand intérêt pour la victime et pour la collectivité, comme cela transparaît dans le projet de loi. Cela dit, cela va au-delà des simples réponses génériques qui seraient fournies dans ces circonstances à la lumière de l'examen de cette situation particulière.
    Merci beaucoup de ces questions et réponses. Nous avons largement dépassé le temps prévu.
    Je cède à présent la parole à Mme Boivin, du Nouveau Parti démocratique.
    Je vais m'assurer que vous vous en tenez au temps qui vous est alloué, madame Boivin.

[Français]

     On a largement parlé de l'article 17, mais je ne suis pas certaine de l'interpréter comme vous, maître Krongold. Je voudrais que ce soit consigné au compte rendu. Je ne veux pas entamer une longue discussion à ce sujet, mais à mon avis, la façon dont l'article est écrit est suffisamment vague. C'est aussi le cas de plusieurs autres dispositions de la charte. On dit bien que « le juge ou le juge de paix peut ». On comprend donc au départ que ce n'est pas une obligation. On dit ensuite ceci: « [...] sur demande du poursuivant à l’égard d’un témoin ou sur demande d’un témoin, rendre une ordonnance interdisant la divulgation [...] dans l'intérêt de la bonne administration de la justice. »
    Une audience va être tenue seulement si le juge en décide ainsi.
    Il y a aussi toutes les mentions qui, à mon avis, sont des mesures de protection dont les avocats de la défense peuvent avoir besoin pour s'assurer que le procès est public et équitable, selon la nature de l'infraction
    À mon avis, il s'agit là d'un article qui tente de protéger un principe auquel tout le monde croit, y compris les témoins qui sont ici aujourd'hui, à savoir la présomption d'innocence. Il s'agit aussi de redonner leur place aux victimes, c'est-à-dire au centre de ce qui se passe. Ce n'est pas comme dans un procès au civil, où il y a une partie demanderesse et une partie défenderesse. Nous sommes tout à fait conscients de cela. Pour cette raison, vous nous voyez peut-être comme des empêcheurs de tourner en rond. Je détesterais accroître les attentes des victimes pour ensuite les décevoir. C'est ma hantise. Nous ne sommes pas ici pour vous bourrer.
    Messieurs Tremblay et Fortier, vous avez beaucoup parlé de l'ordonnance et de la possibilité d'être dédommagés. Je comprends. C'est souvent long dans le cas des procès dans les causes criminelles — on a parlé plus tôt de mouvements glaciaires et de rigor mortis — mais pour les procès de causes civiles, c'est parfois pire. Imaginez quelqu'un qui a subi un procès au criminel et qui doit par la suite courir pour se faire dédommager. Encore là, j'ai peur que vous soyez déçus. J'aimerais que vous voyiez nos interventions de cette façon. Je m'attends à ce que les groupes d'appui comme les vôtres soient les principaux porte-parole une fois que le projet de loi sera adopté. Il faudra que vous en parliez à vos gens pour qu'ils puissent en bénéficier autant que possible. Selon moi, c'est ce qui constitue l'intérêt de l'exercice que nous faisons aujourd'hui.
    L'article 16 parle du droit au dédommagement, soit le principe de base. On utilise dans cet article les mots « soit envisagée ». Ce n'est même pas une garantie. Mes collègues vous ont demandé si on ne devrait pas utiliser une formulation selon laquelle ce droit vous serait accordé plutôt que simplement envisagé.
    J'ai d'autres inquiétudes, et ce n'est pas si mal, dans la mesure où ces gens vont rentrer chez eux en se disant qu'il faut donner un autre tournure à ces dispositions. On dit aussi qu'il ne doit pas être compliqué d'établir ces dommages devant la cour. C'était l'essentiel de votre témoignage, monsieur Tremblay. Ce sont les dommages les plus importants mentionnés par Statistique Canada. En outre, les victimes les absorbent dans une proportion d'environ 80 %. Le sénateur Boisvenu affirme que ce sont les victimes qui assument la majeure partie de ces dommages, et il a raison. Or ces fameux dommages sont difficiles à quantifier. La charte ne vous aidera en ce sens. C'est pourquoi je me dis que certaines choses pourraient être faites différemment.

  (1720)  

[Traduction]

    Il s'agit de mon dernier avertissement.

[Français]

    Ces droits pourraient vous être octroyés, de façon à ce que cela ne soit pas simplement envisagé. Vous seriez peut-être consultés, mais pas nécessairement. Je trouve que c'est un peu décevant. Pour des raisons totalement contraires à celles de M. Krongold, je trouve que cela n'inquiète guère le système judiciaire.
     Les ministres de la Justice viennent de participer à une conférence fédérale, provinciale et territoriale et disent que chaque province fait ce qu'elle est censée faire pour les victimes. On voit qu'à ce sujet, leur enthousiasme n'est pas très grand; or ce sont eux qui vont être chargés de l'application de cette loi. Mme Gaudreault, qui travaille pour les victimes, nous a dit mardi, lors de notre rencontre, qu'elle n'avait pas senti un grand enthousiasme de la part des ministres de la Justice.
     Je ne partage pas nécessairement votre enthousiasme. C'est un pas en avant, mais sans plus.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. Je vous remercie, madame, de cet exposé.
    Nous allons passer au dernier intervenant du Parti conservateur.
    Monsieur Komarnicki, vous disposez d'environ trois minutes, car j'aurai besoin de temps pour dire un certain nombre de choses.
    Merci, monsieur le président.
    C'est la première fois que je participe à une réunion du comité, et...
    Si vous tenez vraiment à le savoir, monsieur Goguen vous avez disposé de 8 minutes 30 secondes; madame Boivin, de 8 minutes 30 secondes, monsieur Casey, de 8 minutes; et monsieur Dechert, de 8 minutes 20 secondes. Je pense avoir été très juste.
    Vous avez trois minutes, monsieur. Allez-y.

  (1725)  

    Merci, monsieur le président. Comme je n'ai pas l'habitude de participer aux réunions du comité, je vous demanderai de faire preuve d'indulgence à mon égard.
    J'ai trouvé très fascinante la discussion sur l'article 17 et l'article proposé 486.31 concernant l'identité des témoins. Selon cet article, le juge peut rendre une ordonnance s'il conclut qu'elle ne porte pas atteinte à la bonne administration de la justice. Au moment de déterminer s'il convient de le faire, le juge doit prendre en considération le droit à un procès public et équitable, la nécessité d'assurer la sécurité du témoin ou de le protéger contre l'intimidation et les représailles, de même que la protection d'une personne qui agit secrètement ou à titre d'agent d'infiltration. Il doit également tenir compte du fait que l'on doit encourager les gens à signaler les infractions, et déterminer s'il existe d'autres moyens que celui de rendre une ordonnance.
    À la lumière de tous ces facteurs, il me semble qu'une ordonnance ne pourrait être rendue que dans des cas très précis.
    Monsieur Krongold, êtes-vous d'accord pour dire qu'un juge ne pourrait rendre une ordonnance en vertu de cet article que dans des cas très précis? Répondez par oui ou par non.
    J'espère que c'est bel et bien le cas. Oui, je l'espère.
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'une telle mesure ne serait prise que de façon très exceptionnelle, en dernier recours? Êtes-vous d'accord avec cela?
    Je ne suis pas d'accord pour dire que c'est ce qu'énonce le projet de loi.
    Non, je veux savoir si vous êtes d'accord avec mon affirmation selon laquelle une ordonnance ne serait rendue que dans des cas très précis et très particuliers, et qu'il s'agirait d'un dernier recours. Êtes-vous d'accord avec cela?
    Je ne sais pas comment l'article sera interprété. Il ne comporte aucune disposition selon laquelle une telle mesure ne devrait être prise qu'en dernier recours.
    Êtes-vous en train de dire qu'un juge ne devrait en aucun cas rendre une telle ordonnance en vertu de l'article 17? En aucun cas? Est-ce bien ce que vous avancez?
    Oui. J'estime que, au fil des siècles, le système de justice du Canada s'en est très bien tiré sans des dispositions de ce genre.
    En aucun cas.
    Je constate que l'article 486.3 du projet de loi prévoit qu'un accusé peut se voir interdire de procéder lui-même au contre-interrogatoire de la victime. Une telle interdiction peut être bien fondée. Je sais qu'il est déjà arrivé qu'un juge nomme un procureur pour qu'il procède au contre-interrogatoire.
    Nous parlons ici de droits des victimes. Êtes-vous d'accord pour dire que nous devons peut-être trouver de nouvelles façons de nous assurer de tenir un procès juste tout en protégeant la victime ou ceux qui ont un lien avec elle?
    Il s'agit de deux choses très différentes. Le fait d'établir qu'un avocat devrait procéder au contre-interrogatoire d'un témoin ou d'une victime au lieu de l'accusé est une chose, mais c'en est une autre d'affirmer qu'aucune personne faisant partie de la défense...
    Je comprends cette distinction. Ce que je dis, c'est que le caractère novateur des dispositions de l'article 17 tient au fait qu'un juge peut, après avoir pris en considération les circonstances propres à la victime ou aux personnes appelées à livrer un témoignage, prendre une décision qu'il estime appropriée, et ce, sans nuire à l'administration de la justice.
    Je vous dirai ceci: nous consacrons beaucoup de temps à discuter de la conciliation d'intérêts contradictoires. Il s'agit là, d'ailleurs, d'une partie très importante de votre travail et de celui des tribunaux.
    Il y a des droits qui ne peuvent pas être mis en balance avec d'autres, par exemple le droit à un procès équitable.
    En aucun cas.
    Le droit à un procès équitable et le droit de présenter une défense pleine et entière sont si fondamentaux que je ne pense pas...
    J'aimerais contester une autre observation que vous avez faite, à savoir celle selon laquelle le système de justice est d'une lenteur extrême ou quelque chose du genre...
    Oui.
    ... comme s'il était au point mort. Le fait est...
    Je n'ai pas dit qu'il était au point mort, mais je comprends.
    Je sais que vous ne l'avez pas dit. Voici ce que je veux vous dire: il est peut-être possible de régler ce problème, mais on ne doit pas le faire aux dépens des droits des victimes. Je ne pense pas que nous devrions nous opposer à l'ajout d'étapes procédurales au motif que, pour une raison ou une autre, elles ralentiront le système de justice. Il y a peut-être d'autres façons de régler le problème, mais on ne doit pas le faire aux dépens des droits des victimes.
    Bien entendu. Je serais le dernier à dire que l'on doit sacrifier la justice sur l'autel de la rapidité. En fin de compte, ce que je veux dire, c'est que, comme tous les autres témoins l'ont souligné, le temps qu'exige le traitement de chaque affaire est préoccupant et problématique.
    Oui, mais par le truchement des droits procéduraux, on doit préserver la capacité des victimes de se faire entendre dans le cadre d'un procès.
    Merci beaucoup. Monsieur Komarnicki, je vous remercie de ce contre-interrogatoire.
    J'ai l'habitude de pouvoir réagir à un contre-interrogatoire.
    Je vous remercie tous d'être venus ici aujourd'hui, de nous avoir présenté des exposés et d'avoir répondu à nos questions.
    Chers collègues, je vais maintenant vous exposer brièvement mon plan. Vous me direz si je fais fausse route. Toutefois, je vous invite à le faire plus tard, car pour l'instant, nous manquons de temps.
    Nous sommes le 30 octobre. Nous allons entendre des témoins le 4 et le 6 novembre, à savoir mardi et jeudi de la semaine prochaine. Nous accueillerons également le 18 novembre des témoins dont la présence ici a été reportée en raison de l'« affaire ».
    Nous avons invité un certain nombre de personnes à se présenter ici; de ce nombre, les seuls qui ne viendront pas témoigner... je croyais que nous allions accueillir un plus grand nombre de témoins, mais en fait, nous n'entendrons, par vidéoconférence, que les représentants d'un seul gouvernement, à savoir celui de l'Alberta. Le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard ont décliné notre invitation; la Colombie-Britannique va nous envoyer une lettre; l'Ontario ne nous a pas encore répondu.
    Je vais m'occuper de cela. Ensuite, quand tout cela sera terminé, j'aimerais que nous revenions, le 20 novembre, au projet de loi fourre-tout. Nous pourrions y consacrer une heure. De l'information à son sujet continue d'être diffusée. Le greffier tentera de déterminer pourquoi elle ne nous a pas encore été transmise, mais nous finirons par l'obtenir. Nous pourrions, sous toute réserve, consacrer une heure de la réunion du 20 novembre à l'examen de ce projet de loi. Je ne pense pas que nous aurons besoin de plus de temps que cela.
    Pendant la deuxième heure, le sous-comité se réunira afin de se pencher sur les travaux à venir. Cela nous permettra, à vous, à moi et à tout membre indépendant, de proposer des amendements en ce qui concerne le texte législatif qui nous occupe en ce moment, à savoir le projet de loi C-32. Par la suite, le 25 novembre, nous procéderons à l'examen article par article, puis, le 27 novembre, nous nous pencherons sur tout nouvel élément. Nous prendrons une décision là-dessus le 20 novembre.
    Voici ce que je souhaite. Quatre projets de loi ont été renvoyés au comité. Le projet de loi S-2 nous a été renvoyé par la Chambre. Il s'agit d'un projet de loi sur les textes réglementaires; il est d'une nature essentiellement technique. Nous devrons également examiner trois projets de loi d'initiative parlementaire, à savoir le projet de loi C-587, dont la date d'échéance est le 18 février; le projet de loi C-590, dont la date d'échéance est le 9 mars; et enfin, depuis hier soir, le projet de loi S-221, adopté à l'unanimité par la Chambre.
    Ce que je vous propose, c'est de vous réunir pour déterminer lesquels nous pourrions... l'examen du projet de loi S-221 pourrait être très rapide. Je vous laisse le soin d'établir cela. Faites-moi savoir ce que vous souhaitez faire et le moment où vous aimeriez qu'on le fasse. Nous en discuterons pendant notre réunion du 20 novembre. À ce moment-là, si cela vous convient, nous établirons ce que nous aurons à faire jusqu'à Noël.
    D'accord?
    Monsieur Casey?

  (1730)  

    Je trouve extrêmement préoccupant que les provinces n'aient pas été plus nombreuses à donner suite à notre invitation. Cette question a d'énormes répercussions financières sur elles. Y a-t-il d'autres mesures que nous pourrions prendre pour les convaincre de se présenter devant le comité?
    Ce que je propose, c'est qu'on leur transmette de nouveau une invitation.
    On ne peut pas les obliger à se présenter ici.
    Bien entendu, nous ne pouvons pas les obliger à le faire — je comprends cela. Nous attendons une réponse écrite d'une province, et une réponse verbale d'une autre.
    Une voix:Il s'agit du principal problème.
    Nous pourrions peut-être téléphoner à Kathleen Wynne et lui demander de se présenter devant le comité. Il s'agirait d'une solution.
    Même si les provinces ne veulent pas se présenter ici, elles pourraient à tout le moins nous envoyer un...
    Nous leur avons déjà demandé.
    Et même cela, elles l'ont refusé?
    Nous pourrions exercer de la pression sur elles en diffusant sur Twitter des messages selon lesquels, par exemple, elles ne veulent pas parler des victimes.
    À vous de voir s'il convient de le faire.
    Merci à tous.
    La séance est levée.
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