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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 060 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 mai 2015

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues, et bienvenue.
    Nous sommes réunis ici aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour une séance d'information sur l'examen externe sur l'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes.
    Nous avons deux témoins parmi nous aujourd'hui. Ils comparaissent à titre personnel, il s'agit de l'ancienne juge Marie Deschamps, responsable de l'examen externe, et du major-général Christine Whitecross, commandante de l'Équipe d'intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l'inconduite sexuelle, ministère de la Défense nationale.
    Nous allons commencer comme d'habitude par les exposés.
    Madame la juge Deschamps.
    Monsieur le président, j'aimerais faire un rappel au Règlement.
    Le comité se rappelle sans doute qu'à notre dernière séance publique, le 13 mai, le ministre avait convenu de venir comparaître devant le comité pour discuter de ce rapport avec la juge Deschamps et le major-général Whitecross.
    Une motion avait officiellement été adoptée à ce moment-là:
Que le Comité permanent de la défense nationale invite le ministre de la Défense nationale, le chef d'état-major de la Défense, la juge à la retraite de la Cour suprême Marie Deschamps et Mgén Christine Whitecross à témoigner devant lui pendant deux heures, le plus tôt possible, afin de répondre aux questions sur l'enquête indépendante sur l'inconduite sexuelle dans l'armée, menée par la juge Deschamps, et la réaction des Forces armées canadiennes.
    La dernière condition « le plus tôt possible » est respectée, et nous sommes très heureux de la présence ici de la juge Deschamps et du major-général Whitecross, mais la responsabilité principale de l'armée incombe au ministre de la Défense nationale et au chef d'état-major de la Défense. Ils ne sont pas ici. Ce sont eux les ultimes responsables de ces questions. Nous croyons que l'absence de ces deux personnes ici témoigne d'un manque de leadership.
    Je me demande pourquoi ils ne sont pas là, monsieur le président. Le ministre de la Défense nationale avait dit qu'il serait ici s'il n'était pas hors du pays. Il est toujours au Canada. Il était présent à la période de questions aujourd'hui.
    Monsieur Harris, avant de donner la parole à M. Bezan pour un rappel au Règlement, je vous rappelle que le ministre a dit qu'il serait présent s'il pouvait se libérer. Nous nous sommes dit, compte tenu du grand intérêt parlementaire et public envers cette question et de la disponibilité de la juge Deschamps et du général Whitecross, que nous aurions tout avantage à profiter de leur disponibilité aujourd'hui, et nous sommes ravis qu'elles aient accepté de participer à notre réunion.
    Monsieur Bezan.
    J'aimerais ajouter une chose, monsieur le président.
    La motion ne précisait pas que ces comparutions auraient toutes lieu pendant la même séance. Nous avons saisi une occasion. Le général Whitecross et la juge Deschamps étaient disponibles aujourd'hui. Malheureusement, le CEMD et le ministre ne l'étaient pas, mais nous ne manquerons pas de chercher d'autres dates pour les recevoir.
    Quoi qu'il en soit, l'esprit de cette motion est respecté. Nous recevons deux excellents témoins aujourd'hui. Nous devons prendre le temps d'entendre ce qu'elles ont à dire et de leur poser des questions pertinentes.
    Je suis d'accord.
    Madame la juge Deschamps, je vous prie de nous présenter votre exposé.

[Français]

    Lorsque le chef d'état-major, le général Lawson, m'a confié le mandat de faire un examen des politiques des Forces armées canadiennes en matière de harcèlement et d'agressions sexuelles, il m'a dit vouloir obtenir le point de vue d'une personne à l'externe.
    Mon rapport est le fruit d'un travail intense. J'ai rencontré plus de 700 personnes. J'ai fait une étude minutieuse des politiques et une revue de ce qui est présentement considéré comme les meilleurs pratiques dans le domaine du harcèlement et des agressions sexuelles.
    Je ne commenterai pas ici mon rapport, mais je veux souligner deux points qui peuvent se résumer en deux mots: victimes et confiance.
    Je vais commencer par parler des victimes. Chacune des 10 recommandations contenues dans mon rapport est de nature à améliorer le sort des membres des Forces armées canadiennes. L'impact doit se faire sentir à tous les niveaux, non seulement dans le milieu de vie quotidien, mais aussi dans le soutien aux victimes et la prévention des incidents.
    Soutenir les victimes veut dire que les Forces armées canadiennes doivent donner la priorité aux besoins des victimes. En parlant de prévention, je fais bien sûr référence à la formation. Les Forces armées canadiennes doivent enseigner à leurs membres ce qu'est un comportement professionnel et ce qui n'est pas accepté. Prévenir veut aussi dire dissuader les contrevenants éventuels en imposant promptement des sanctions qui sont de nature à faire comprendre à tout le monde qu'il n'y aura pas de compromis.
    L'importance accordée aux victimes ne peut pas être sous-estimée. C'est par elles que les Forces armées canadiennes pourront juger du changement de culture. Ce sont ces hommes et ces femmes qui permettront de vérifier le niveau du respect pour la dignité des personnes et le professionnalisme de nos forces armées.

  (1540)  

[Traduction]

    Mon second point est le principe directeur de ma recommandation. Il faut rebâtir la confiance des membres des Forces armées canadiennes envers leur organisation. Il faudra pour cela des mesures à court, à moyen et à long terme pour instaurer de véritables changements.
    Le changement prendra du temps à s'opérer. La première étape, cependant, consiste à ce que les dirigeants des Forces armées canadiennes montrent à leurs membres par leurs actes qu'ils reconnaissent que le problème du harcèlement sexuel et de l'agression sexuelle dans les forces armées est bien réel. Surtout, il faut que les forces montrent qu'elles vont prendre toutes les mesures nécessaires pour s'attaquer au problème et favoriser des façons de faire considérées comme des modèles au Canada et dans le monde.
    L'une des pratiques dont je me suis fortement inspirée correspond à ce que beaucoup de membres des forces et de personnes qui ont travaillé avec les victimes m'ont dit juger nécessaire. Il s'agit de la création d'un centre indépendant où les victimes pourraient obtenir de l'aide et des conseils. Il est fondamental que ce centre soit véritablement indépendant des forces armées pour rassurer les victimes; elles doivent avoir confiance que le fait de dénoncer un incident de harcèlement ou d'agression sexuelle leur permettra d'obtenir de l'aide sans conséquences négatives sur leur carrière ou leur vie personnelle.
    Je me suis inspirée des modèles retenus par divers pays. Les forces américaines et australiennes ont créé leurs centres respectifs en 2005 et en 2012. L'été dernier, en 2014, les forces françaises ont également mis en place un centre qu'ils ont nommé la Cellule Thémis.
    D'après mes consultations auprès de membres et de personnes qui ont travaillé avec des victimes de harcèlement et d'agression, j'ai constaté que la création d'un centre indépendant pour venir en aide aux victimes d'agression et de harcèlement sexuel est une mesure essentielle pour rebâtir la confiance des membres envers leur organisation.
    Dans mon rapport, au sujet des méthodes d'enquête et des poursuites à mener en cas d'agression sexuelle, j'ai mentionné que chaque pays avait établi sa propre solution à ses problèmes. Le centre que je recommande n'est identique à aucun des centres existants, et j'estimais qu'il n'était pas de mon mandat de décrire dans le menu détail la forme qu'il devrait prendre.
    Cependant, les Forces armées canadiennes doivent essayer de retenir les meilleures caractéristiques de chacun des modèles existants. À mon avis, plus ce centre sera indépendant, plus les victimes seront susceptibles d'aller chercher de l'aide et de signaler pleinement les incidents de harcèlement et d'agression sexuelle. Les signalements sont fondamentaux non seulement parce que les victimes ont besoin d'aide, mais également parce que les Forces armées canadiennes doivent savoir comment leurs membres se comportent.
    Merci.

  (1545)  

    Merci.
    Général Whitecross, je vous prie de nous présenter votre exposé.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner la possibilité de m'adresser au comité aujourd'hui afin de fournir une mise à jour sur les progrès que fait l'Équipe d'intervention stratégique des Forces armées canadiennes pour faire avancer le traitement du comportement sexuel inapproprié dans les forces.
    Vous vous souviendrez que le rapport de la responsable de l'examen externe et le plan d'action élaboré par les Forces armées canadiennes pour traiter spécifiquement les 10 recommandations de Mme Deschamps ont été présentés à la population canadienne le 30 avril 2015.
    Tout d'abord, j'aimerais dire que les 17 derniers jours depuis la publication du plan d'action ont été très occupés. Comme je le mentionnais au moment de la publication, le comportement sexuel inapproprié est un problème complexe qui ne se prête pas à des solutions rapides et temporaires. Pour le résoudre, notre approche vise à cerner et à traiter les causes fondamentales plutôt que simplement à traiter les symptômes. Les réflexions et l'analyse de Mme Deschamps sont essentielles à cette approche. Donc, qu'est-ce qui est ressorti pendant les deux dernières semaines et demie?
    Premièrement, nous avons réaffirmé que la mission de l'Équipe d'intervention stratégique est d'améliorer la préparation opérationnelle des Forces armées canadiennes en éliminant, dans la mesure du possible, les incidents de comportements sexuels inappropriés et leurs répercussions.
    L'objectif, c'est des Forces armées canadiennes qui préservent une culture de dignité et de respect pour tous; il s'agit de valeurs essentielles pour le Canada, et cette institution existe pour les défendre, au Canada et dans le monde entier. En d'autres mots, nous améliorerons à long terme la culture fondamentale des Forces armées canadiennes au point où les comportements sexuels inappropriés ne seront pas tolérés, autant par les cibles d'un tel comportement que par les personnes qui en sont témoins.
    À court terme, nous induirons des changements positifs dans le comportement par une sensibilisation accrue aux normes, aux attentes, aux responsabilités et aux obligations de rendre compte en faisant participer la chaîne de commandement et les membres de l'ensemble de l'organisation.
    De plus, la nouvelle Équipe d'intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l'inconduite sexuelle, que je dirige, continue de grandir et de mûrir. Il est à noter qu'il s'agit de la première fois dans l'histoire des Forces armées canadiennes qu'une entité est formée dans le seul but de traiter ce problème. J'ai rassemblé une équipe hautement compétente et multidisciplinaire composée de personnel civil, de militaires et d'anciens militaires possédant la bonne combinaison de compétences et d'expérience nécessaire.
    Nous avons cerné quatre grands axes essentiels à l'atteinte de l'objectif. Comme nous le décrivons dans notre plan d'action, le premier est de comprendre le problème; le deuxième est de réagir efficacement aux incidents de conduite inconvenante, y compris par l'amélioration du processus de signalement; le troisième est de mieux appuyer les victimes pendant le processus; et finalement le quatrième est d'empêcher les incidents de survenir.
    Nous avons déjà fait des progrès considérables dans bon nombre de ces efforts. En terme de compréhension, mon équipe a examiné attentivement le rapport de Mme Deschamps et a commencé à prendre en considération le meilleur moyen de traiter chacune des 10 recommandations.
    Par exemple, une des recommandations clés du rapport était la création d'un centre indépendant pour traiter le comportement sexuel inapproprié, et elle a fourni plusieurs exemples, y compris les centres établis au sein de l'armée américaine et australienne.
    L'analyse d'un centre indépendant sera le point central de la planification et du développement de l'Équipe d'intervention stratégique dans les prochaines semaines. Par conséquent, mon équipe et moi avons récemment rencontré des représentants américains au sujet de leur modèle de SAPRO et les représentants australiens sur l'organisation de leur SeMPRO. Les deux consultations ont été très productives et ont donné à l'équipe une meilleure perspective d'une option mise à l'essai sur le terrain ayant le potentiel d'illustrer de quelle façon une structure similaire pourrait être élaborée pour répondre aux besoins des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale.
    En plus de ces deux visites, les membres de l'Équipe d'intervention stratégique ont visité le Service de police régional de Peel et le Collège d'état-major et de commandement des Forces armées pour amorcer les discussions au sujet des possibilités de formation. Ils ont participé à un atelier international à Genève qui rassemblait un large éventail d'experts internationaux sur les aspects essentiels du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles en milieu organisationnel. Ils ont participé à une conférence sur l'analyse comparative entre les sexes dans les opérations de sécurité et de défense, qui a eu lieu à Ottawa. Ils ont également rencontré l'ambassadrice Schuurman, la représentante spéciale du secrétaire général sur les femmes, la paix et la sécurité de l'OTAN.
    Un élément clé du changement de comportement et de culture auquel j'ai fait allusion plus tôt est d'entretenir des liens avec les membres des Forces armées canadiennes à tous les niveaux de l'organisation, y compris en première ligne, afin de mieux faire connaître la réponse des Forces armées canadiennes au rapport de Mme Deschamps et d'inspirer un dialogue ouvert et une réflexion personnelle sur les problèmes de comportements sexuels inappropriés dans l'ensemble des forces. Cela s'apparente grandement à l'approche utilisée précédemment pour changer les préjugés internes et les comportements entourant le trouble de stress post-traumatique et les blessures de stress opérationnel, ce que nous avons grandement réussi à faire à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

  (1550)  

    Avec des membres de mon équipe, j'ai commencé à tisser des liens directs avec les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes de l'ensemble du Canada depuis le 1er mai, le jour suivant la publication du rapport. Par une série de réunions générales, de séances individuelles et de questions et de réponses, de discussions avec la chaîne de commandement locale ainsi que des interactions avec des médias locaux et régionaux, l'Équipe d'intervention stratégique prend contact avec les membres des Forces armées canadiennes et établit les conditions pour un dialogue continu.
    Je commence chaque séance en reconnaissant qu'à l'intérieur des Forces armées canadiennes, ce problème est important et que malgré le fait que personne ne veut vraiment parler du problème des comportements sexuels inappropriés, il est important de lancer la discussion. Jusqu'à maintenant, nous avons visité six bases et escadres, où j'ai renseigné environ 5 300 militaires lors de 16 séances générales. Les questions, commentaires, préoccupations et perspectives que ces séances ont suscités, y compris les anecdotes d'expériences personnelles positives et négatives, ont renforcé deux réalités. Premièrement, le problème est très complexe. Deuxièmement, bien qu'il y ait une volonté collective de faire avancer l'organisation, il n'y a guère de consensus quant à la gravité du problème existant.
    Au cours des prochains mois, je compte terminer les réunions générales dans les 33 bases et escadres pour garantir que la majorité des membres des Forces armées canadiennes aient l'occasion d'entendre et de comprendre ce que fait l'équipe et où s'en vont les forces, de poser des questions et d'exprimer des opinions.
    Par ailleurs, mon équipe et moi continuerons nos consultations ciblées avec les entités nationales et internationales qui font face à des problèmes semblables aux nôtres. Cela comprend les organisations militaires, gouvernementales, policières et les autres organisations non gouvernementales en mesure de nous donner un aperçu applicable des meilleures pratiques et des leçons apprises.
    L'une des raisons pour lesquelles la réponse des Forces armées canadiennes au problème du comportement sexuel inapproprié sera plus efficace cette fois-ci, c'est l'importance accrue de la mesure des résultats. Même les plans et résultats les plus élaborés ne se concrétisent pas s'ils ne se traduisent pas par des résultats tangibles sur le terrain. À cette fin, mon équipe étudie les méthodes d'évaluation des programmes pour garantir que nous sommes capables de déterminer dans quelle mesure les changements mis en place sont efficaces en pratique.
    Le rapport se fera de pair avec la mesure du rendement. Dès l'automne, je livrerai au chef d'état-major de la Défense le premier rapport trimestriel sur le progrès des Forces armées canadiennes en réponse au problème de l'inconduite sexuelle. Le rapport sera également communiqué à la population canadienne. Nous nous engageons pleinement à avoir un dialogue ouvert et transparent avec les intervenants externes. Au cours des 25 derniers jours, nous avons interagi avec un total de 88 médias différents, par des présentations de groupe ou individuelles. Mon équipe et moi sommes déterminés à défendre cette réalité cruciale et à rendre publiquement des comptes, et nous continuerons à être activement engagés auprès du public, du Parlement et des médias.
    Nous avons également commencé à examiner de quelle façon nous pouvons améliorer l'approche des Forces armées canadiennes en matière de formation afin de changer la culture militaire pour améliorer le niveau de dignité et de respect. De plus, en collaboration avec d'autres membres du personnel des forces et du ministère de la Défense nationale, l'équipe révise la politique existante, évaluant sa clarté, sa cohérence, sa pertinence et son applicabilité. Dans le cadre de cet effort, l'ensemble de la terminologie et des définitions en lien avec le comportement sexuel inapproprié seront examinés attentivement.
    Le comportement sexuel inapproprié demeure un problème complexe qui ne se prête pas à des solutions rapides et temporaires. Mon équipe est déterminée à engager un changement novateur et majeur adapté aux besoins des membres des Forces armées canadiennes et fondé sur les meilleures pratiques et leçons apprises provenant d'une vaste gamme de sources. Il s'agit d'une mission qui ne peut échouer pour les Forces armées canadiennes et à laquelle mon équipe et moi nous dévouons entièrement.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Nous allons maintenant entreprendre la première série de questions, en segments de sept minutes.
    Madame Gallant, s'il vous plaît.

  (1555)  

    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, madame la juge Deschamps, je vous remercie infiniment de l'examen que vous avez mené. Vous avez procédé avec diligence, si bien que nous sommes en mesure d'élaborer un plan d'action.
    Nous comprenons que l'équipe d'intervention stratégique a été créée expressément pour faire le suivi de votre rapport et de ses recommandations. Estimez-vous qu'il s'agit d'un bon départ pour remédier au problème que vous décrivez?
    Oui, assurément. C'est une réaction très positive. Elle montre à tout le moins que les plus hauts dirigeants sont déterminés à faire quelque chose. J'ajouterais que je suis contente que le rapport ait été publié très rapidement après son dépôt; en fait, je l'ai déposé à la fin mars. Il a fallu quelques semaines pour le traduire, mais très peu de temps après que la traduction eut été terminée, il a été publié.
    La transparence dont le ministère a fait preuve quant au rapport lui-même et le fait qu'il ait annoncé très tôt qu'il créerait un groupe de travail à ce sujet sont de bon augure.
    Pouvez-vous nous parler un peu de votre expérience professionnelle et de votre bagage? Y a-t-il des affaires sur lesquelles vous vous êtes penchée qui, en rétrospective, vous ont aidée à vous préparer pour cette tâche particulière?
    À bien des égards, ce mandat m'a appelée à puiser dans mon expérience d'avocate plaidante et de juge parce que je devais alors m'asseoir avec les gens et leur poser des questions. Parfois, il était facile de faire parler les gens et de les amener à se confier à moi, d'une certaine façon, mais en d'autres occasions, c'était beaucoup moins facile. Mon expérience d'interrogatoire et de contre-interrogatoire d'avocate plaidante a été importante à ce chapitre.
    De même, mes 22 années d'expérience en tant que juge m'ont aidée à veiller à bien écouter toute l'histoire jusqu'à la fin, parce que la collecte de renseignements a pris quelques mois. J'ai commencé mon premier entretien le 11 juillet. Le contrat a été signé le 30 juin; le premier entretien a eu lieu le 11 juillet et les derniers, à la mi-décembre. J'ai dû attendre jusqu'à la fin pour m'assurer d'avoir bien analysé tous les faits que je devais maîtriser avant de tirer des conclusions ou même de commencer à mettre mes recommandations sur papier.
    Vous parlez d'entretiens. Avez-vous interrogé des femmes membres des Forces armées canadiennes ayant signalé des incidents d'agression sexuelle ou de harcèlement sexuel et qui n'avaient toujours pas l'intention de quitter l'armée?
    Oui, nous avons rencontré toutes les possibilités. Nous avons rencontré des gens qui n'avaient jamais dénoncé quoi que ce soit. Nous en avons rencontrés qui avaient signalé des incidents, dont le dossier était clos et qui faisaient toujours partie de l'armée et ne comptaient pas la quitter. Nous en avons également rencontrés qui s'apprêtaient à quitter l'armée ou qui étaient déjà des anciens combattants.
    Aviez-vous la liberté de parler avec tous ceux que vous souhaitiez interroger?
    Oui. D'emblée, le chef d'état-major de la Défense avait annoncé aux militaires et anciens militaires qu'ils pouvaient communiquer directement avec moi. J'avais créé, par une organisation, une adresse où les gens pouvaient m'écrire directement. J'étais la seule personne qui ouvrait ces courriels, parce que je ne voulais pas que l'information perde de son caractère confidentiel. J'ai demandé aux gens de m'écrire sous des pseudonymes, si bien qu'ils se sentaient en confiance pour communiquer avec moi et qu'il n'y avait pas de possibilité qu'ils soient identifiés. J'ai réussi à recueillir des renseignements de personnes ne faisant plus partie de l'armée.

  (1600)  

    Vous savez très bien que ce n'est pas la première fois que la question de l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes est soulevée. À votre avis, que n'avons-nous pas fait que nous aurions dû faire pour régler le problème jusqu'ici?
    C'est un problème récurrent qui ne cesse d'évoluer. Bien des gens que j'ai rencontrés m'ont dit que la situation s'était beaucoup améliorée, mais que l'on pourrait encore faire mieux.
    Vous recommandez notamment la création d'un centre indépendant de responsabilisation en matière d'agression sexuelle. Comment ce centre pourra-t-il intervenir s'il se produit un incident semblable sur un théâtre d'opérations? Y aura-t-il des bureaux satellites ou d'autres entités de la sorte?
    À titre d'exemple, voyez ce qui se passe lorsqu'on accède au site Web du centre en Australie ou en France. On peut y remplir directement un rapport d'incident. Les militaires ont différentes options pour communiquer avec l'organisation; ils peuvent le faire par téléphone, par courriel ou en personne. On indique aussi qu'ils peuvent établir le contact par l'entremise d'une autre personne. Pour prendre l'exemple de l'Australie, cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas s'adresser à un autre membre du personnel militaire, mais on a l'impression que les victimes sont moins réticentes à solliciter l'aide de quelqu'un auquel elles peuvent se confier sans crainte de conséquences futures.
    C'est tout le temps que vous aviez, madame Gallant.
    Monsieur Harris, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence, madame Deschamps et major-général Whitecross.
    Madame Deschamps, je tiens d'abord et avant tout à vous remercier pour votre rapport et pour votre examen très approfondi. Vous avez brossé un tableau fort inquiétant de la situation qui prévaut dans nos forces militaires, ce qui confirme les révélations publiées en 1998 par Maclean's et en 2014 par L'actualité.
    Il est particulièrement préoccupant de noter le manque fondamental de confiance envers la capacité du système de justice militaire et de la police militaire à traiter ce genre de problèmes, à un point tel, comme vous l'indiquez, que la vaste majorité des victimes choisissent de ne pas signaler les incidents qui se produisent. En conséquence, il nous est impossible de vraiment saisir toute l'ampleur du problème.
    Je m'inquiète aussi du fait que l'on utilise toute une variété de termes et de définitions, comme vous l'avez souligné et comme cela transpire même également dans le titre de votre rapport suivant lequel l'examen portait sur l'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel. L'agression sexuelle est bien évidemment un acte criminel qui donne lieu à des poursuites en conséquence au sein de notre système civil de justice pénale. Ce genre de crime sexuel semble être traité de façon moins rigoureuse par nos militaires, une situation pouvant être attribuable à certaines définitions qui sont utilisées.
    Pouvez-vous nous dire, d'abord et avant tout, comment il se fait que les officiers de la police militaire peuvent choisir de ne pas porter d'accusations et que, lorsqu'ils décident de le faire, ils doivent obtenir l'approbation de la chaîne de commandement? Pourquoi ai-je l'impression que c'est une façon de faire qui n'est pas près de changer?
    Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi, mais il existe également un tel pouvoir discrétionnaire dans le système civil de justice. Il faudrait peut-être se demander s'il est davantage utilisé au sein du régime militaire. Comme je l'indique dans mon rapport, mon mandat ne consistait pas à effectuer un sondage ou une comparaison quantitative. Je peux toutefois vous dire que j'ai été à même de constater que les victimes ne sentent pas qu'elles peuvent parler sans crainte de représailles.
    Comme vous le soulignez, nous pouvons observer une culture d'attitudes négatives à l'encontre des femmes, et selon toute vraisemblance, une culture de l'impunité pour les militaires qui se rendent coupables d'agression sexuelle. Parallèlement à cela, les victimes doivent subir d'importantes conséquences pouvant souvent aller jusqu'à leur expulsion des forces militaires, en passant notamment par le fait qu'elles ne sont pas prises au sérieux ou qu'elles sont considérées comme des semeuses de trouble.
    J'ai une question pour vous deux concernant le temps requis pour apporter les correctifs qui s'imposent. Nous avons dit qu'il fallait changer la culture, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il convient d'adopter de nouvelles façons de faire, et le major-général Whitecross va chercher à déterminer ce qui se fait de mieux ailleurs dans le monde. Combien de temps faudra-t-il attendre pour qu'un parent canadien puisse affirmer en toute confiance qu'il serait heureux de voir sa fille ou son fils embrasser une carrière militaire en sachant qu'il sera à l'abri de ces formes de harcèlement ou d'agression sexuelle?
    L'agression sexuelle est carrément un acte criminel, et le harcèlement sexuel est aussi à classer au rang des actes répréhensibles.
    Dans quelle mesure faut-il agir rapidement? Est-il possible dans l'intervalle d'assurer aux victimes au sein des forces militaires qu'elles n'auront pas à attendre ce changement de culture et qu'elles peuvent d'ores et déjà saisir les forces policières ou les tribunaux civils de leur plainte d'agression sexuelle?

  (1605)  

    Merci pour la question.
    Mon mandat consiste à donner suite aux 10 recommandations formulées dans le rapport de Mme Deschamps en m'efforçant pour ce faire de tirer des enseignements des pratiques les plus efficaces en usage, comme vous l'avez indiqué.
    Nous avons réagi très rapidement. Nous souhaitons pouvoir amorcer des discussions avec les hommes et les femmes membres des Forces armées canadiennes partout au pays de telle sorte que chacun comprenne bien nos attentes dans le contexte de cette culture sous-jacente de la sexualisation mise au jour par Mme Deschamps.
    Je ne peux pas vous dire à quel moment exactement nous aurons donné suite à l'ensemble des recommandations. Les représentants américains et australiens auxquels nous avons parlé nous ont conseillé de prendre le temps nécessaire pour bien comprendre la problématique avant d'arrêter des options définitives. Je peux seulement vous assurer que nous procédons aussi rapidement que possible.
    Mais nous avons bel et bien sur les bras un problème grave qui ne va pas s'estomper de lui-même. Nous avons appris la semaine dernière qu'une officière de prévention du harcèlement sexuel a elle-même été harcelée au Collège militaire royal par des cadets qui, de toute évidence, ne comprenaient rien à la notion de harcèlement sexuel ou n'avaient peut-être jamais été sensibilisés aux considérations qui leur étaient soumises.
    J'aimerais être capable de pouvoir encore dire, et je pense que les Canadiens aimeraient l'entendre, que les femmes ne s'exposent pas à un danger particulier en joignant les forces militaires. À la lumière de ce qu'on peut lire dans ce rapport, je dois conclure que ce n'est plus le cas.
    Comment allez-vous pouvoir, de concert avec le chef d'état-major, le ministre — je sais bien qu'ils ne sont pas ici, mais nous les avons invités —, rassurer les parents en leur disant que leur fils ou leur fille peut s'enrôler ou poursuivre sa carrière militaire sans craindre d'être victime d'un acte criminel ou de harcèlement et en sachant que ses éventuelles plaintes seront prises au sérieux? Je ne crois pas avoir besoin de vous relire tout le contenu du rapport de madame la juge Deschamps. Il en ressort en effet très clairement que, si des cas ne sont pas signalés, c'est parce que les plaintes ne sont pas prises au sérieux, que l'on n'effectue pas d'enquête approfondie... Dans bien des cas, la police militaire ne semble avoir aucune idée de ce qu'est un consentement. Nous avons un très sérieux problème sur les bras, à tous les niveaux de la hiérarchie.
    Est-ce que l'on reconnaît effectivement qu'il y a crise? Je crois vous avoir entendu dire que l'on ne s'entend pas sur la gravité de la situation, mais je pense qu'il y a une sonnette d'alarme qui s'est fait entendre dans l'esprit de bien des gens.
    Vous n'avez plus de temps, monsieur Harris.
    Une brève réponse, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. M. Harris demande au major-général Whitecross de se prononcer sur ce que le chef d'état-major ou le ministre pourrait dire...
    Non, je lui demande son avis à elle sur ce problème grave.
    D'accord, pour autant que le major-général sache bien que c'est seulement son opinion qui vous intéresse.
    Une brève réponse, s'il vous plaît, major-général.
    Oui, monsieur le président.
    Dans le cadre du travail effectué dans tout le pays pour cerner cette culture sous-jacente de la sexualisation en vue d'amorcer un dialogue, on discute également au sein de la chaîne de commandement de la nécessité d'une application uniforme aussi bien des politiques que des principes de la justice militaire dans l'ensemble des Forces armées canadiennes, notamment pour ce qui est du soutien offert aux victimes.
    Merci.
    Merci.
    Madame Gallant, vous avez sept minutes.
    Major-général Whitecross, vous avez indiqué que vos visites dans les bases et les escadrons de différentes régions du pays vous amènent à conclure que l'ampleur du problème est variable. La fréquence des cas de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle peut être perçue de bien des façons différentes. Avez-vous pu déterminer que certaines régions du pays ou certains gradés au sein des forces sont davantage disposés à reconnaître qu'il existe un problème?

  (1610)  

    Dans les différentes régions du pays, nous pouvons entendre les récits de ces hommes et de ces femmes membres des Forces armées canadiennes qui veulent s'adresser à nous. Nous leur prêtons une oreille attentive. À l'issue de chaque séance, nous mettons à leur disposition au besoin des travailleurs sociaux et des aumôniers. Il ressort de nos discussions que tous les membres de la chaîne de commandement reconnaissent la gravité du problème et la nécessité de s'y attaquer même si, comme l'a souligné Mme Deschamps, on n'en connaît pas exactement l'ampleur.
    Quoi qu'il en soit, le problème est grave et un seul cas est un cas de trop. Je sais que nous le répétons souvent, mais je crois vraiment que tout devrait être mis en oeuvre pour régler ce problème, peu importe le nombre de cas.
    Major-général Whitecross, le chef d'état-major de la Défense vous a demandé de prendre la tête de l'équipe d'intervention stratégique sur l'inconduite sexuelle. Pouvez-vous nous dire en quoi votre expérience au sein des forces militaires vous permettra d'aider cette équipe à trouver les solutions recherchées?
    Je suis particulièrement fière de ma carrière au sein des Forces armées canadiennes, et pas seulement en raison du niveau que j'ai atteint. Ainsi, je suis l'une des plus haut gradées parmi les femmes militaires. Je suis très fière des services que j'ai rendus à mon pays et du leadership que j'ai pu lui apporter. Je suis également mère d'enfants qui sont au début de la vingtaine.
    C'est donc un sujet qui me préoccupe grandement. Cela me touche profondément, tant du point de vue de la militaire que je suis que dans la perspective de l'éthos militaire auquel je crois fermement. Dans ce contexte, je peux vous garantir que je suis déterminée à aller au fond des choses afin que la situation change réellement au sein des Forces armées canadiennes.
    Merci.
    Major-général Whitecross, pouvez-vous nous parler des autres membres de l'équipe d'intervention stratégique que vous dirigez ainsi que de l'expérience et des compétences qu'ils apportent à l'équipe?
    L'équipe compte actuellement environ 25 membres. On y trouve des hommes et des femmes, des militaires et des civils, des gens qui ont toutes sortes de parcours et qui ont été déployés en conséquence.
    Ainsi, nous avons un groupe qui s'occupe principalement de sensibilisation, de formation et de politiques en vue d'assurer la cohérence de notre approche de telle sorte que tous nos membres soient guidés et orientés à l'égard de ces différents aspects, de leur entrée à l'école des recrues jusqu'à leur départ des forces militaires.
    Nous avons un autre groupe qui s'occupe surtout des évaluations de rendement. Comme le disait Mme Deschamps, nos partenaires et d'autres forces militaires ont accompli de l'excellent travail en la matière tant au pays qu'à l'étranger et nous souhaitons en tirer un maximum d'enseignements pour pouvoir adopter ces pratiques exemplaires le plus rapidement possible.
    Parmi les services que nous n'offrons pas actuellement et que nous envisageons très sérieusement, il faut noter le soutien aux victimes. Nous cherchons à voir quelle forme cela peut prendre et comment nous pourrions l'optimiser chez nous.
    Major-général Whitecross, de nombreux journalistes et d'autres critiques, y compris certaines personnes ici présentes, ont soutenu que les Forces armées canadiennes avaient rejeté catégoriquement huit des recommandations de Mme Deschamps.
    Pouvez-vous nous confirmer que les Forces armées canadiennes s'emploient en fait à déterminer la meilleure façon de mettre en oeuvre l'ensemble des 10 recommandations?
    Certainement.
    Monsieur le président, nous donnons suite aux 10 recommandations. Nous avons établi un plan d'action pour chacune d'elles. Nous devons chercher d'abord et avant tout à bien comprendre la complexité de la problématique et ce qui se fait à l'échelle nationale et internationale afin de pouvoir nous inspirer des pratiques en usage dans d'autres organisations pour les adapter au contexte canadien.
    Major-général Whitecross, vous avez indiqué que, pour donner suite à la troisième recommandation qui vise la création d'un centre indépendant de responsabilisation en matière d'agression sexuelle, vous êtes allé parler à des gens aux États-Unis, en Australie et en France. Qu'avez-vous appris de ces visites?
    J'aimerais juste préciser, monsieur le président, que je ne me suis pas rendue en France. Nous irons là-bas en juillet. Nous en profiterons d'ailleurs pour visiter deux ou trois autres pays d'Europe qui nous ont invités à discuter de ces questions. Nous sommes allés à Washington et je suis rentrée d'Australie en fin de semaine. Nous avons pu constater que ces centres pouvaient prendre différentes formes. Certains mettent surtout l'accent sur les mesures de soutien et les soins à offrir aux victimes alors que d'autres sont davantage axés sur l'élaboration de politiques et la formation.
    Nous devrons déterminer ce qui se fait le mieux dans les différents centres afin de pouvoir adapter le tout au contexte canadien pour bien répondre aux besoins des hommes et des femmes qui font partie des Forces armées canadiennes.

  (1615)  

    Pour faire suite à ma question précédente, je suis consciente qu'il existe d'importantes différences structurelles qui nous empêchent d'importer tel quel un modèle déjà existant, comme vous venez de le souligner. Pouvez-vous nous en dire plus long sur la forme que pourrait prendre le centre des Forces armées canadiennes?
    Je suis désolée, mais je ne peux pas répondre à une telle question pour l'instant, car nous n'avons pas terminé notre étude des pratiques qui ont cours dans les autres organisations.
    Je tiens à préciser qu'il y a des organisations canadiennes dont nous tenons vraiment à nous inspirer, comme le Service de police de Vancouver et différents centres de crise pour les victimes de viol. Je pense que je serai mieux à même de vous répondre lorsque nous aurons examiné tout cela pour mieux comprendre la portée et la complexité des différents services en vue d'en arriver à une formule convenant au contexte canadien.
    Merci.
    Merci, madame Gallant.
    Madame Murray, vous avez sept minutes.
    Monsieur le président, je voudrais seulement faire écho aux commentaires de M. Harris, car je suis moi-même déçue que cette séance se tienne à un moment où il était impossible pour le ministre et le chef d'état-major de la Défense d'être présents. Les contradictions qui émanent de leurs réponses au rapport de Mme Deschamps nous ont tous incités à nous demander s'il existait une véritable volonté de passer à l'action. Comme le notait Mme Deschamps, il faut que les dirigeants reconnaissent l'importance et la gravité du problème, et je dirais que les réponses contradictoires que nous avons entendues font planer le doute à ce sujet. J'aurais donc bien aimé pouvoir leur poser ces questions.
    C'est noté.
    Je veux seulement répéter aux fins du compte rendu, madame Murray, qu'ils étaient tous deux disposés à comparaître devant le comité, sous réserve de leur disponibilité, et j'ai déterminé, dans mon rôle de président, que nous avions tout intérêt à profiter immédiatement de la disponibilité des deux témoins que nous recevons aujourd'hui.
    Merci.
    Major-général Whitecross, vous avez dit que votre équipe d'intervention stratégique compte 25 membres. Pouvez-vous nous indiquer quelle est la proportion de femmes et de personnes de la communauté GLBTA, deux groupes où l'on retrouve une grande partie des victimes de cette culture misogyne dont parle Mme Deschamps?
    Je suis désolée, monsieur le président, mais je n'ai pas ces chiffres en main. Je pourrai toutefois vous les fournir ultérieurement.
    D'accord, merci, je vous en serais reconnaissante.
    La directive de mise en oeuvre formulée au départ par le chef d'état-major de la Défense dans une note de bas de page du plan d'action daté du 30 avril vous impose différentes restrictions. Vous devez notamment partir de l'hypothèse que les pouvoirs actuels en matière d'enquêtes et de poursuites judiciaires pour les cas d'inconduite sexuelle vont demeurer inchangés. Est-ce que les directives rédigées le 25 février sont toujours en vigueur ou ont-elles été remplacées depuis?
    La directive de mise en oeuvre que j'ai reçue du chef d'état-major de la Défense visait à me permettre de constituer une équipe et d'amorcer une partie du travail nécessaire avant la réception du rapport final de Mme Deschamps. Absolument rien n'entrave le travail que nous devons effectuer pour donner suite aux 10 recommandations formulées dans le rapport.
    Si je comprends bien, la directive de mise en oeuvre est toujours en vigueur, et c'est elle qui vous empêche d'accepter pleinement l'ensemble des recommandations. Huit d'entre elles ont été acceptées en principe. À titre d'exemple, la directive indiquait que ce serait les Forces armées canadiennes qui prendraient en charge le centre de responsabilisation, ce qui va à l'encontre de la recommandation de Mme Deschamps. Je suis déçue d'apprendre que cette directive de mise en oeuvre n'a pas été annulée ou remplacée par une autre.
    Vous avez donc accepté en principe huit des recommandations. Autrement dit, elles n'ont pas été pleinement acceptées, mais cela ne signifie pas non plus qu'elles ont été rejetées, et je peux vous assurer qu'aucun membre du comité n'a cherché à affirmer que c'était le cas, contrairement à ce qu'a prétendu l'intervenante précédente. Pouvez-vous me dire si certaines de ces huit recommandations sont désormais pleinement acceptées ou si l'on en est encore à une acceptation de principe?

  (1620)  

    Monsieur le président, je peux dire que nous donnerons suite à chacune des recommandations formulées par Mme Deschamps.
    Mme Deschamps a dressé une liste de tâches pour les différents groupes au sein d'un tel centre et, comme nous l'avons indiqué et conformément à ce qu'elle a elle-même laissé entendre, nous devons chercher à mieux comprendre comment d'autres organisations ont mis sur pied des centres semblables et quels services ils y ont intégré, car chaque centre est différent, de manière à pouvoir bien adapter la formule au contexte canadien.
    D'accord.
    J'en conclus que ces recommandations sont simplement acceptées en principe, ce qui est l'origine de la confusion. Il est possible que certains éléments essentiels des recommandations de Mme Deschamps ne se retrouvent pas dans le cadre définitif qui est mis en place, ce qui ne manque pas de me décevoir.
    Madame Deschamps, vous avez eu selon moi les mains liées à bien des égards à l'amorce de votre examen externe. À titre d'exemple, vous ne pouviez pas vous intéresser à la façon dont la police militaire canadienne et le Cabinet du Juge-avocat général traitent les signalements d'agression sexuelle. Ainsi, vous ne pouviez pas vous pencher sur les motifs qui expliquent l'incapacité systémique à faire enquête ou à porter des accusations à l'égard des crimes sexuels dans les forces militaires. Croyez-vous que ces aspects devraient être examinés?
    La loi régissant le système de justice militaire prévoit un processus d'examen. À cet effet, il y a un rapport qui m'a été remis à l'automne 2014, le rapport LeSage. J'ai compris que mon mandat consistait à examiner ce qui se passe en amont. Comme il y a très peu de signalements, très peu de cas qui se rendent jusqu'au système de justice militaire, si le chef d'état-major de la Défense souhaitait s'attaquer à la racine du problème, il devait mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain.
    De cette façon, il pourrait s'agir d'une perspective différente, et ce serait peut-être une bonne idée de le faire plus souvent que le prévoit la loi, mais il y a un processus d'examen pour le système de justice militaire. Ainsi, je n'ai pas eu l'impression que les éléments que je devais examiner étaient limités, et j'ai formulé plusieurs recommandations sur les agressions sexuelles...
    D'accord. Merci. Excusez-moi, mais j'ai une autre question.
    Il semble que...
    Il vous reste 15 secondes, madame Murray.
    ... cela pourrait être un domaine qui mérite une enquête plus approfondie. Je vois que vous hochez la tête.
    Selon vous, même si le major-général Whitecross est très engagée dans ce processus, est-il approprié que la mise en oeuvre d'une nouvelle structure pour l'armée se fasse à l'interne ou ce processus devrait-il être mené de façon indépendante — ou devrait-on au moins offrir des conseils indépendants sur la façon de mettre en oeuvre les détails de vos recommandations?
    Dans mon rapport et dans mon exposé, j'ai mentionné que l'indépendance était un élément essentiel, fondamental — et tous les qualificatifs que j'ai utilisés dans mon rapport. Je suis toujours de cet avis. On ne m'a pas communiqué d'autres faits. Mon examen est terminé.
    Merci. Votre temps est écoulé, madame Murray.
    Nous entamons la première série de questions de cinq minutes. La parole est à M. Bezan.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et par votre entremise, j'aimerais remercier nos témoins.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier les deux témoins pour le travail qu'ils accomplissent dans ce dossier très difficile.
    Je vous suis reconnaissant d'avoir préparé votre rapport, madame Deschamps.
    Général Whitecross, je suis heureux que vous ayez mentionné que vous étiez fière de votre carrière militaire, car j'aimerais vous remercier de tout ce que vous avez fait pendant votre carrière. Cette tâche fait probablement partie des tâches très difficiles qu'on vous a confiées, et je sais que vous ferez un travail formidable en ce qui concerne la mise sur pied du centre indépendant et de l'équipe d'intervention stratégique dont les membres se pencheront sur les 10 recommandations.
    Madame Deschamps, j'ai aimé la façon dont vous avez commencé votre exposé. Vous avez parlé de deux choses, c'est-à-dire les victimes et la confiance. Un volet de la confiance est lié à la question de la culture présente au sein des Forces armées canadiennes. Comme vous l'avez dit, c'est une culture très sexualisée. Comment pouvons-nous commencer à changer cette culture? Je crois que la première étape a été franchie par la publication de votre rapport, et par la mise sur pied de l'équipe d'intervention stratégique par le général Whitecross. J'aimerais souligner que ses membres rencontrent nos militaires en service partout au pays.
    La première étape de ce processus concerne la sensibilisation, et ensuite l'éducation. J'aimerais que vous nous décriviez toutes les deux la façon dont vous visualisez le nouveau centre indépendant comme endroit où les gens peuvent se sentir à l'aise et espérer obtenir des résultats, à la fois en ce qui concerne leurs droits en tant que victime et — comme je le sais en raison de certaines de mes lectures et de mon examen du modèle américain, du modèle australien et d'autres modèles — le travail qu'ils peuvent accomplir pour améliorer l'éducation et la sensibilisation au sein de l'armée, afin de favoriser l'évolution de la dynamique présente au sein de cette culture.

  (1625)  

    Je suis désolée...
    Pourriez-vous nous parler de la façon dont le centre, tout d'abord, gérerait les droits des victimes et ensuite du facteur de confiance et de son importance et, enfin, pourriez-vous aborder la question de l'éducation et de la sensibilisation?
    Monsieur le président, je ne peux pas faire de commentaires sur l'option que nous choisirons au bout du compte, car nous n'en sommes manifestement pas encore là, mais je peux affirmer que dans le modèle australien, l'appui aux victimes représente en quelque sorte un changement de paradigme. L'idée qui sous-tend l'ensemble de la structure de ce modèle vise à donner la priorité à la victime et à répondre d'abord à ses besoins. Les Australiens ont adopté, tout comme les Américains, un système de signalements restreints et non restreints, ce qui permet à la victime d'indiquer si elle a seulement besoin d'aide pour régler le problème auquel elle fait face ou si elle veut faire intervenir la chaîne de commandement de façon plus officielle. C'est manifestement l'une des options que nous examinons.
    J'aimerais seulement formuler un commentaire sur le centre indépendant. Mon objectif est de cerner une approche exhaustive pour la création d'un centre indépendant. Les membres de notre groupe travaillent diligemment sur cette question en ce moment.
    Votre question concerne la culture et la façon dont le centre peut être lié à cette culture.
    La culture est une notion beaucoup plus étendue que le centre.
    Le centre vise à soutenir les victimes et à regagner leur confiance. Les victimes savent qu'elles ne subiront aucune conséquence si elles signalent un incident. Par exemple, si elles présentent un signalement restreint, c'est-à-dire le type de signalement par lequel elles demandent seulement un soutien, il serait possible d'interrompre ce que je décris dans mon rapport comme étant l'effet boule de neige, c'est-à-dire lorsqu'une histoire liée à des conséquences fâcheuses est racontée aux autres et détruit la confiance qu'ils éprouvent envers le système. On pourrait donc mettre fin à cette réaction.
    D'une certaine façon, le centre est l'un des morceaux du casse-tête, l'un des éléments de l'ensemble de la stratégie qui vise à rétablir la crédibilité de l'organisme, car les victimes sauront que si elles tentent d'obtenir du soutien, elles ne subiront pas de conséquences négatives.
    Pour changer la culture, il faut beaucoup plus que la création du centre. Il faut obtenir la participation des dirigeants et déployer de nombreux efforts dans la formation. C'est un processus qui nécessite des ressources à tous les niveaux.
    Vous avez la parole, monsieur Bezan.

[Français]

     Madame Michaud, vous avez la parole et vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leurs présentations et du travail particulièrement important effectué relativement à cet enjeu.
    Je proviens d'une famille de militaires. D'ailleurs, mes parents servent encore dans les Forces armées. Le travail que vous faites est donc, selon moi, particulièrement important.
    J'aimerais poser une brève question à Mme Deschamps.
     Comme cela a été mentionné, en février dernier, vous avez déposé une version préliminaire de votre rapport au général Lawson. Pouvez-vous nous dire si le rapport contenait les 10 recommandations qui figuraient à la version finale du rapport?

  (1630)  

    Le rapport contenait 10 recommandations. La formulation de certaines d'entre elles a été un peu modifiée, mais la substance est restée la même.
    Le général Lawson avait donc l'essentiel de votre rapport et de vos recommandations au mois de février lorsqu'il a rédigé son mémo.
    Oui.
    Je vous remercie beaucoup de ce commentaire.
    Par ailleurs, madame Deschamps, vous avez mentionné que l'exclusion de l'examen du système de justice militaire n'avait pas nécessairement nui à votre capacité d'examiner l'enjeu du harcèlement sexuel et de l'inconduite sexuelle dans les forces.
     Pensez-vous que cette exclusion pourrait avoir un impact sur les effets positifs que pourraient amener certains changements dans la culture des forces ou dans la création d'un centre indépendant? Pensez-vous que le fait qu'on ne travaille pas sur cette dimension pourrait nuire à l'amélioration de la situation au sein des forces?
    Mes recommandations ont pour objectif de donner aux victimes le plus de voies possibles. Si on pense à la recommandation qui porte plus spécifiquement sur la justice militaire, je recommande qu'on demande aux victimes de choisir.
    J'ai fait cette recommandation parce que je constate que les tribunaux civils disposent de beaucoup de moyens dans les grands centres. Cependant, dans de plus petits centres, ce n'est pas nécessairement le cas. Je voulais que les victimes puissent d'abord être soutenues sur le plan de leurs choix. C'est la raison pour laquelle je suggère dans le rapport qu'il y ait un conseiller — un advocate, en anglais — pour aider la personne à faire son choix et que cette personne puisse dire si elle préfère avoir recours au système civil.
     De cette façon, je pense que les victimes devraient avoir le choix. La justice militaire est une option qu'elles pourraient vouloir envisager.
    Je comprends tout à fait ce que vous dites.
    Au début de votre présentation, vous avez aussi mentionné que le fait de donner des détails sur ce que serait un centre indépendant idéal ne faisait pas partie de votre mandat. Toutefois, j'imagine que vous avez quelques idées et quelques suggestions à faire à cet égard. Pourriez-vous nous dire quels seraient les éléments essentiels d'un centre indépendant?
     J'en ai mentionné plusieurs dans mon rapport.
    Par exemple, il très important qu'un centre indépendant soit l'autorité centrale pour la collecte des données. Dans mon rapport, je note qu'il n'y a pas beaucoup de données fiables sur le harcèlement et les agressions sexuelles. Il faudrait que ce centre indépendant soit responsable de la collecte des données. Il faudrait aussi qu'il participe à la rédaction des politiques et à l'élaboration des programmes de formation. Le but recherché est que ce centre indépendant développe une expertise qui pourra bénéficier à toutes les unités des forces armées et non pas seulement à certaines d'entre elles.
    Merci beaucoup.
     Major-général Whitecross, depuis 2013, les cibles de recrutement de femmes dans les Forces canadiennes ont été réduites considérablement parce qu'elles étaient considérées comme inatteignables. À l'heure actuelle, on se retrouve avec un rapport dont les conclusions sont assez difficiles à lire concernant la situation à cet égard dans les Forces canadiennes.
    Compte tenu des conclusions du rapport, comment pourra-t-on atteindre les cibles de recrutement de femmes au sein des Forces canadiennes? L'évaluation de cette question fait-elle partie de votre mandat?

[Traduction]

    Mon mandat est d'examiner les 10 recommandations formulées par Mme Deschamps. Je peux tenter de répondre à votre question plus tard, mais en ce moment, mon mandat est d'étudier ces 10 recommandations.
    Votre temps est écoulé. Merci, madame Michaud.
    Madame Gallant, vous avez cinq minutes.
    Comme il a été mentionné plus tôt, général Whitecross, les membres de votre équipe d'intervention stratégique ont visité plusieurs bases et escadres depuis que le rapport a été rendu public. Pourriez-vous nous décrire la façon dont vous avez été accueillis par les membres des Forces armées canadiennes?

  (1635)  

    Oui. Merci.
    Monsieur le président, jusqu'ici, nous avons mené 16 séances dans six ou sept endroits, si je me souviens bien. Lors de chaque séance, la chaîne de commandement était au courant du rapport de Mme Deschamps et du plan d'action qui a été établi. Les intervenants souhaitent tous participer à l'élaboration des conditions qui visent à améliorer, comme Mme Deschamps l'a mentionné, la crédibilité de la chaîne de commandement. C'est fondamentalement l'élément le plus important que nous entendons: ils veulent rétablir la crédibilité de la chaîne de commandement.
    J'aimerais vous raconter une anecdote, car je crois qu'elle est liée à certaines des discussions que nous avons eues aujourd'hui. Un militaire de haut rang est venu me voir à la fin de l'une des séances. Nous avions discuté de la culture de sexualisation sous-jacente et de la nécessité d'en parler, car c'est en l'exposant que les gens se rendront compte que les paroles blessent et qu'ils sont en train de créer un milieu qui pourrait, si on ne fait rien, mener à des incidents plus graves ou plus importants. Lorsque cet homme a entendu cela, il a été touché et il m'a dit que j'étais l'une des personnes qui faisaient cela. Je peux vous dire dès maintenant que je serai l'une des personnes qui feront tout en leur pouvoir pour veiller à ce que cela ne se produise plus jamais sous mon commandement. Je crois que nous parvenons à sensibiliser les gens de nombreuses façons.
    Merci.
    Avez-vous seulement rencontré les membres de la chaîne de commandement ou des membres réguliers des forces armées qui ne sont pas nécessairement des officiers?
    En fait, tous les militaires doivent participer à ces séances.
    Aviez-vous l'impression que le rapport et l'enquête de Mme Deschamps étaient assez approfondis?
    Je crois que les 10 recommandations formulées par Mme Deschamps nous permettront de réussir.
    Lorsque vous avez rencontré les militaires, vous ont-ils donné l'impression qu'à leur avis, l'étude de Mme Deschamps était exhaustive et suffisamment approfondie?
    J'ai reçu de nombreux commentaires selon lesquels les militaires sont très satisfaits du rapport de Mme Deschamps et du fait qu'il est public et transparent.
    Madame Deschamps, lorsque vous avez visité les différents centres créés aux États-Unis et en Australie, avez-vous appris comment ils avaient réussi à devenir indépendants? Des militaires à la retraite participaient-ils à ces centres indépendants? Comment ont-ils gagné leur indépendance?
    Je n'ai pas visité les centres. J'ai communiqué par téléphone avec le directeur du SAPRO, aux États-Unis. En ce qui concerne le SeMPRO, j'ai reçu des lettres de l'organisme qui a mené un examen, pendant plusieurs années, sur les mêmes tâches qu'on m'a confiées, mais l'organisme qui a mené cet examen a également entraîné la création du centre. C'est le type de communications que j'ai entretenues avec le SAPRO et le SeMPRO. Et j'ai seulement correspondu par écrit avec la France et les Pays-Bas, où se trouvent les deux autres centres auxquels j'ai fait allusion dans mon rapport.
    Comment les centres avec lesquels vous avez correspondu par écrit sont-ils devenus indépendants? Profitaient-ils toujours de la participation de militaires ou d'anciens militaires ou étaient-ils complètement distincts de l'armée?
    Cela dépend. Par exemple, la France a adopté un modèle très différent du modèle toujours utilisé aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Canada et au Royaume-Uni. En effet, en France, les cas d'agression sexuelle ont longtemps été renvoyés au système de justice civile. Toutefois, le système de discipline militaire traite toujours les plaintes de harcèlement sexuel. Les Français ont créé la Cellule Thémis, qui relève de l'équivalent du vérificateur général. Cela leur a permis de se fixer quelques objectifs. L'un d'entre eux était de veiller à ce que les signalements soient plus complets, et à ce que les victimes sentent qu'elles peuvent obtenir du soutien sans s'exposer à des conséquences négatives.
    Merci, madame Gallant.
    Monsieur Harris, vous avez cinq minutes.

  (1640)  

    Madame Deschamps, vous pouvez peut-être répondre à ma question, car vous avez beaucoup appris au sujet de la culture militaire. Manifestement, vous avez appris des choses sur la chaîne de commandement et sur son importance pour le leadership militaire, mais également pour ceux qui se trouvent à l'échelon le plus bas. Une partie de cette culture repose sur le principe qu'on ne présente pas les plaintes à l'extérieur de la chaîne de commandement; elles doivent être traitées à l'interne.
    Pourtant, comme vous le signalez, la grande majorité des personnes interviewées qui avaient franchi la première étape, c'est-à-dire présenter leur plainte à leur superviseur — et la plupart ne l'avaient pas fait —, n'ont pas été prises au sérieux. On leur a répondu, entre autres, qu'elles s'exposaient à des conséquences négatives sur leur carrière si elles persistaient à vouloir présenter leur plainte ou on ne les a pas crues du tout. Ironiquement, les avertissements concernant les conséquences négatives sur leur carrière pourraient être fondés, comme en témoigne l'expérience vécue par un grand nombre de personnes qui ont rendu leur situation publique.
    Je suis d'accord avec vous: il est nécessaire de créer un centre complètement indépendant de la chaîne de commandement. Comment une personne qui souhaite déposer une plainte — et je crois que vous l'avez mentionné dans votre exposé — peut-elle obtenir de l'aide sans enclencher un processus officiel de plaintes et sans s'exposer à des conséquences négatives sur sa carrière ou dans sa vie personnelle?
     Pouvez-vous m'aider à comprendre cela? Si une personne présente sa plainte au conseil ou au centre indépendant et demande seulement de l'aide, et qu'elle affirme qu'elle ne va pas présenter de plainte, car elle sait que cela pourrait entraîner son renvoi de l'armée, où est la justice lorsque cette personne souhaite vraiment pouvoir déposer une plainte et recevoir l'assurance qu'elle ne sera pas victimisée et renvoyée de l'armée, que sa carrière ne sera pas terminée ou qu'elle ne sera pas traitée avec mépris par les autres soldats ou par les membres de la chaîne de commandement? Comment cela fonctionne-t-il?
    Tout d'abord, il y a deux volets. Le premier concerne le signalement restreint. Dans ce cas, la chaîne de commandement n'est pas informée. Il y a, évidemment, des circonstances...
    Vous pourriez dire que vous souhaitez seulement obtenir de l'aide pour ce qui est arrivé, mais que vous ne souhaitez pas que d'autres personnes interviennent.
    Oui. Vous êtes blessé, vous avez des problèmes de santé mentale, et vous avez besoin d'aide immédiatement.
    Vous voulez un endroit pour ce type de situation.
    Lorsque la personne est prête à présenter une plainte, étant donné qu'elle a reçu un soutien en matière de santé mentale, elle est appuyée. Je dis « elle », mais cela arrive également aux hommes. Lorsque la victime se sent réconfortée et suffisamment forte, elle peut faire un signalement non restreint, et c'est à ce moment-là que la reddition de comptes entre en jeu.
    C'est la raison pour laquelle j'ai dit que c'est un centre pour la reddition de comptes, car non seulement la réaction de la chaîne de commandement sera surveillée, car la victime est appuyée et protégée par le centre, mais l'agresseur devra également rendre des comptes, car le centre est censé assurer un suivi dès le moment du signalement jusqu'à la fermeture du dossier.
    Je crois que vous dites dans votre rapport que la plupart des accusations d'agression sexuelle au sein de l'armée ne sont pas des accusations d'agression sexuelle, mais de « comportements préjudiciables au bon ordre et à la discipline », et que les statistiques ne révèlent même pas la nature exacte de l'accusation.
    Est-ce que cela devrait changer? C'est ma première question. Je crois que je commence à manquer de temps, et...
    Il vous reste une minute et 15 secondes.
    ... je vais donc vous poser une autre question, afin de vous donner le temps d'y répondre. Croyez-vous qu'une victime d'agression sexuelle — et je ne parle pas de harcèlement, car cela pourrait représenter un enjeu différent — devrait avoir le droit absolu d'intenter des poursuites au civil sans craindre les répercussions de la chaîne de commandement ou les conséquences sur sa carrière?
    Je sais que vous avez dit que c'est le cas en France, et qu'en Australie, la plupart des cas sont présentés devant un tribunal civil. Dans votre rapport, vous semblez indiquer qu'au bout du compte, il revient à la chaîne de commandement de décider si un cas peut être présenté devant le tribunal civil ou non. À votre avis, la victime devrait-elle avoir le droit absolu de s'adresser à un tribunal non militaire sans subir de répercussions et de présenter son cas devant un tribunal civil?
    Votre question contient de nombreuses questions.
    Tout d'abord, la décision ne revient pas toujours à la chaîne de commandement. Actuellement, lorsqu'il s'agit du Service national des enquêtes, ses membres...
    Ils peuvent décider.
    ... ils peuvent décider, et ce n'est donc pas toujours le cas.
    Lorsque vous parlez de « droit absolu », cela pourrait entraîner la question de la discrétion. Je ne voulais pas aller aussi loin. Peut-être qu'à long terme, on constatera que c'est préférable, mais pour le moment, je conclus qu'il serait plus prudent d'offrir un choix, et de demander certaines explications ou une justification lorsque les souhaits de la victime ne sont pas respectés.

  (1645)  

    Votre temps est écoulé, monsieur Harris.
    Madame Gallant, vous avez cinq minutes.
    Général Whitecross, en ce qui concerne la meilleure façon de mettre en oeuvre les recommandations formulées dans le rapport, avez-vous un échéancier pour les mises à jour qui seront présentées à la population, étant donné l'intérêt manifesté à cet égard?
    Oui, merci, monsieur le président.
    Je ne peux pas vous fournir d'échéancier. Nous tentons de mieux comprendre tout cela, et je ne peux pas vous fournir d'échéancier en ce qui concerne l'examen complet de certaines recommandations. Je peux vous dire que nous avons promis de présenter des rapports trimestriels, dès cet automne, au leadership des Forces armées canadiennes et au gouvernement, ainsi qu'aux médias.
    Comment prévoyez-vous mesurer les résultats atteints?
    C'est une excellente question. Merci.
    En ce moment, nous tentons de tirer des leçons des Américains et des Australiens, mais surtout de certains organismes ici, au Canada, sur la façon de mesurer les résultats atteints dans ce domaine. C'est l'un de nos efforts principaux. Il s'agit de cerner ces mesures de rendement. Je ne les ai pas en main présentement. Nous travaillons sur ces mesures, et nous espérons pouvoir diffuser des renseignements à cet égard lors de notre première mise à jour.
    Comparativement aux commentaires que vous avez recueillis dans les bases et les escadres que vous avez visitées, qu'avez-vous entendu d'autre dans tous les rangs des Forces armées canadiennes? Dans quelle mesure croyez-vous que de vrais changements peuvent s'opérer dans les meilleurs délais grâce au plan d'action auquel vous travaillez?
    J'ai le plein appui des dirigeants des Forces armées canadiennes, qui sont enclins à coopérer dans le dossier. Je pense qu'il existe des différences fondamentales entre la situation d'aujourd'hui et celle de 1998, disons. Par exemple, nous avons une équipe qui se consacre entièrement au dossier, ce qui n'a jamais été fait auparavant, une équipe qui est affectée à l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes et à l'élimination du phénomène, dans la mesure du possible. La deuxième différence, comme nous venons de le mentionner, c'est l'adoption de mesures du rendement qui, en plus de servir à évaluer la situation, feront l'objet d'un rapport. Comme je l'ai dit, ce n'est pas encore fait.
    Je pense que la troisième différence, si je peux m'exprimer ainsi, c'est que l'équipe se consacre entièrement au dossier. Je suis totalement dévouée à la mission, et je souhaite qu'il y ait de véritables changements dans l'intérêt des hommes et des femmes des Forces armées canadiennes.
    Madame Deschamps, vous avez examiné la correspondance, avez discuté avec des gens des centres indépendants, et avez eu affaire à des cas d'agressions sexuelles dans d'autres nations. Y a-t-il déjà eu un problème ou de fausses allégations au sein du système de déclaration?
    En effet, et j'en ai discuté avec M. Galbreath du SAPRO, le bureau américain de prévention et de traitement des plaintes d’agression sexuelle, qui m'a parlé d'études dont les chiffres démontrent que le nombre de fausses allégations n'est pas plus élevé relativement à ce genre de problème qu'il ne l'est pour d'autres questions.
    D'après vos discussions avec d'autres nations, savez-vous si le recrutement de femmes dans l'armée a augmenté après l'entrée en vigueur des modifications?
    Je n'en ai pas discuté.
    Bien.
    Vous avez dit avoir interrogé quelque 700 personnes, et même plus. Combien de temps leur avez-vous consacré?
    Au départ, nos séances duraient une heure et demie, mais avec l'expérience, nous arrivions à entrer plus vite dans le vif du sujet, et avons diminué la durée à une heure afin de pouvoir consulter plus de gens. Il arrivait que la rencontre dure moins d'une heure, si la personne n'avait pas l'expérience nécessaire; ces séances abrégées se déroulaient avec des professionnels. Lorsque nous constations qu'une personne n'appartenait pas à notre groupe cible, nous ne perdions pas trop de temps avec elle. Mais je dirais qu'à partir de notre troisième visite, nous avons en moyenne consacré une heure à chacune.

  (1650)  

    Votre temps est écoulé, madame Gallant.
    Monsieur Bezan, vous avez cinq minutes.
    Quelqu'un a dit qu'une personne qui s'enrôle dans les Forces armées canadiennes pour défendre notre vaste pays ne souhaite jamais être la cible d'inconduite sexuelle.
    Madame Deschamps, dans le cadre des entretiens que vous avez réalisés, vous dites avoir rencontré des anciens combattants, des membres actifs, des dirigeants et des civils aussi. Je me demandais si vous aviez trouvé que ceux qui n'étaient plus enrôlés parlaient plus librement et fournissaient plus de détails que ceux qui étaient encore en service.
    De toute évidence, les gens qui n'étaient plus dans l'armée ont communiqué avec moi parce qu'ils avaient quelque chose à dire. Ils avaient parfois des expériences positives à raconter, et d'autres fois, des expériences beaucoup moins réjouissantes. Mais puisque ces gens voulaient parler, il va sans dire qu'ils se sentaient libres de le faire. Quant aux autres, il nous arrivait pendant les entretiens de devoir employer des techniques afin de les mettre à l'aise et de leur assurer que l'échange était confidentiel. Comme je l'ai dit, nous avons demandé aux gens d'employer des pseudonymes. J'étais accompagnée d'un avocat qui avait déjà travaillé auprès de victimes. Il avait fait du bénévolat pendant des années pour aider les victimes, et il réussissait très bien à veiller à ce que les gens nous racontent leurs histoires. Nous y arrivions habituellement.
     Général Whitecross, vous avez dit en exposé que s'attaquer au problème et sensibiliser la population ressemble à ce qui a été fait au sein des Forces armées canadiennes, ou FAC, dans le dossier de la santé mentale. Vous dites que nous avons eu une incidence sur les préjugés et la culture.
    Au cours de la présente session parlementaire, notre comité a passé pas mal de temps à étudier les soins offerts aux membres des FAC malades et blessés. Une des choses que nous avons découverte, c'est que les hautes sphères des FAC ont bel et bien changé, mais que des problèmes persistent parfois chez les supérieurs intermédiaires et même parmi les soldats, quant à la façon de composer avec une personne souffrant de troubles mentaux.
    Tandis que nous procédons à notre étude sur l'inconduite sexuelle, croyez-vous que cette résistance fera obstacle à notre perception de la sensibilisation, de l'éducation et de la formation des membres des FAC?
    Pour l'instant, la première étape de notre démarche passe évidemment par les séances de discussion ouverte puisque, comme vous l'avez dit, elles ont déjà obtenu un certain succès dans le cas de l'état de stress post-traumatique, ou ESPT, et de la blessure de stress opérationnel, ou BSO — mais je tiens à dire d'emblée que la situation est différente. En ce qui a trait à ces deux troubles, il y avait des préjugés, et les militaires craignaient d'en parler à leur supérieur hiérarchique et à leurs camarades. À ce sujet, nous avons réussi à changer certaines choses à partir de la base et des instances supérieures, au moyen d'une approche à la fois ascendante et descendante. Voilà qui a permis de lancer la discussion et de veiller à ce que les militaires soient conscients de l'existence des troubles et de la nécessité d'être libres et ouverts à la discussion. C'est donc une des façons qui, nous l'espérons, nous permettra de changer cette culture sexuelle que Mme Deschamps a décrite.
    J'aimerais simplement ajouter que nous devons nous employer à résoudre encore d'autres questions. Par exemple, nous tentons de rétablir la confiance à l'égard de la chaîne de commandement, au besoin, et nous veillons à ce que les gens soient au courant des politiques auxquelles il faut s'attaquer. Il est vrai que nous examinons l'ensemble des politiques pour déterminer ce qui doit changer, mais nous devons nous y attarder, peu importe où elles sont au sein des FAC. Les procédures que la chaîne de commandement doit appliquer en font partie. Dans le cadre des discussions visant à définir une approche globale relative à un centre indépendant, nous nous attardons également à un certain nombre d'endroits où nous tentons de rétablir la confiance à l'égard de la chaîne de commandement, au besoin.

  (1655)  

    Vous pouvez poser une question très brève.
    Major-général Whitecross, vous êtes allée aux États-Unis, de même qu'en Australie, où vous avez étudié le SAPRO et le SeMPRO, leurs organisations responsables de l'inconduite sexuelle. Les FAC et la plupart des militaires ont toujours adopté des pratiques exemplaires. Quelle est la chose que vous retenez de ces deux organisations? Que font-ils qui ait vraiment retenu votre attention, et qui soit applicable au Canada?
    Leur approche axée sur les victimes me plaît, car les deux organisations mettent fondamentalement les besoins des victimes à l'avant-plan.
    Merci. Votre temps est écoulé, monsieur Bezan.
    Madame Michaud, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Major-général Whitecross, j'aimerais vous poser quelques questions.
     Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur la façon dont vous avez choisi les gens qui composent votre équipe multidisciplinaire? Quelles sont leurs compétences particulières? Certains sont-ils issus du milieu des services sociaux? De plus, vous êtes-vous assurée que ces gens représentent bien la population qui est la plus aux prises avec les problèmes liés au harcèlement sexuel et à l'inconduite sexuelle au sein des Forces canadiennes?

[Traduction]

    Monsieur le président, étant donné que nous voulions former l'équipe assez rapidement, nous avons commencé par identifier ceux qui se portaient volontaires pour en faire partie. Même en procédant ainsi, nous avons dû rencontrer chaque candidat afin de vérifier s'il avait les compétences nécessaires pour donner suite aux recommandations de Mme Deschamps. Permettez-moi de vous donner un exemple.
    Certains membres de l'équipe comprennent bien quelles mesures du rendement nous devons vraiment adopter pour aller de l'avant. D'autres s'attardent déjà aux questions de politique liées au harcèlement sexuel, ou au harcèlement de façon générale. Ils ont de l'expérience à ce chapitre. Les hommes et les femmes, tant militaires que civils, possèdent tous un bagage différent. Nous avons des membres qui proviennent du milieu médical, et d'autres qui évoluent dans le mode alternatif de résolution des conflits. En fait, tous les membres de l'équipe ont plusieurs compétences. Chacun constitue une ressource pour l'équipe que nous pouvons aujourd'hui utiliser.

[Français]

    Merci.
    Pourriez-vous nous dire approximativement le pourcentage de femmes qui compose votre comité?

[Traduction]

    Le comité compte environ 25 membres, dont près de la moitié sont des femmes.

[Français]

    Merci.
    On parle beaucoup des femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel et d'inconduite sexuelle au sein des Forces canadiennes et le fait d'en parler est important. Or la communauté LGBT est elle aussi victime de harcèlement sexuel ou d'inconduite sexuelle au sein des Forces canadiennes.
     Pensez-vous qu'il soit nécessaire d'élaborer une stratégie particulière pour aider la communauté LGBT ou qu'une stratégie générale soit suffisante à cet égard? La question s'adresse autant à Mme Deschamps qu'au major-général Whitecross.

[Traduction]

    Je peux commencer.
    La politique de milieu favorisant la dignité et le respect s'applique à chacun, peu importe son genre ou son orientation sexuelle. Nous l'avons dit très clairement à chaque séance de discussion ouverte et lors de tous nos échanges. L'idée, c'est que chacun doit être traité équitablement au sein de l'armée, peu importe son bagage.
    J'ai une autre petite anecdote à raconter. J'ai eu des échanges avec la communauté des gais, lesbiennes, bisexuels, transgenres et allosexuels, et bon nombre d'entre eux ont suscité des réactions positives aussi au sein de l'armée.

[Français]

     Madame Deschamps, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet ou pensez-vous que la réponse est complète?
    La réponse est assez complète, mais je veux simplement préciser que, lors de mes rencontres, il y avait des homosexuels masculins et féminins ainsi que des GLBT. Ces personnes ont relaté des histoires tristes reliées à leur environnement. Toutefois, dans le contexte de ces réunions, elles se sont exprimées librement.

  (1700)  

    Je vous remercie beaucoup.
    Major-général  Whitecross, vous êtes en train de déterminer quelles seraient les meilleures mesures de rendement pour évaluer le succès de celles qui seraient mises en vigueur par les Forces canadiennes. Or on dispose de peu d'informations sur les cas réglés dans le cadre d'un procès sommaire. Les sanctions imposées étaient en fait liées à un autre type d'infraction.
     Avez-vous déjà commencé à réfléchir à des façons de pallier le manque d'information préalable qui pourrait rendre plus difficile le développement d'un progrès à cet égard?

[Traduction]

    Vous avez tout à fait raison. Il nous manque de données sur bon nombre de ces enjeux. Une de nos priorités consiste à trouver une base de données à mettre en place; nous avons d'ailleurs retenu quelques bons points à ce chapitre dans les systèmes américains et australiens.

[Français]

    Il faut tout de même se concentrer sur l'état de la situation au Canada. Toutefois, il est difficile d'avoir une vue d'ensemble quand les statistiques sur ce type d'incidents, qui se produit souvent dans les Forces canadiennes, ne sont pas claires.
     Avez-vous pensé à une façon d'obtenir des données probantes sur l'état de la situation actuelle?

[Traduction]

    Comme Mme Deschamps l'a exprimé dans sa recommandation, il y a un certain nombre de questions à envisager, y compris veiller à ce que toutes les données demeurent au centre indépendant. Voilà donc une des choses que nous examinons. Les Américains ont une base de données assez uniforme, et nous nous y intéressons aussi.
    Le temps est écoulé, madame Michaud.
    Monsieur Chisu, vous avez cinq minutes.
    Madame la juge Deschamps, général Whitecross, je vous remercie de votre excellent travail qui vise à régler un problème au sein des FAC pouvant avoir une incidence sur l'état de préparation opérationnelle. C'est un nouveau dossier des plus importants, et je vous félicite.
    Comme vous le savez, j'ai passé 24 ans au service des FAC, et il y a une porte avant et une porte arrière dans l'organisation. La porte avant représente le recrutement. Avez-vous visité des centres de recrutement? Tous les problèmes commencent par là, et il est vraiment important d'aborder ces enjeux pour éviter les problèmes lorsque le candidat entre en service. La porte arrière représente quant à elle des gens qui ne subissent aucune contrainte, qui ne craignent pas de poursuivre leur carrière et qui vont de l'avant.
    Il est très important de savoir si vous avez constaté quoi que ce soit au sein des centres de recrutement, car votre deuxième recommandation consiste à mettre en place une stratégie pour changer la culture de façon à éliminer ces problèmes. Puis-je avoir la réponse des deux témoins?
    À vrai dire, je n'ai pas visité les centres de recrutement. Je me suis demandé dans quelle mesure ce volet pouvait être amélioré. C'était toutefois difficile à déterminer parce qu'il ne semble pas y avoir d'apogée à l'heure actuelle, contrairement à l'époque où le Canada était très présent en Afghanistan, d'après ce que j'ai entendu... J'ai entendu parler de cette période, et la procédure de recrutement de l'époque était critiquée, mais ces observations ne semblent pas viser la procédure actuelle. J'ai donc en quelque sorte dû mieux définir mon mandat et m'attarder à ce qui se passe sur le terrain.
    Je conviens que le recrutement est un élément fort important, et qu'il faut effectuer une bonne sélection. J'ai demandé à M. Galbreath, du SAPRO, s'il avait des méthodes à nous recommander pour faire ce genre de sélection, et il m'a répondu qu'il n'y avait actuellement aucune évaluation ou méthode qui permette d'améliorer le recrutement, aux États-Unis du moins.
    Je conviens qu'il s'agit là d'une question importante, mais je n'ai pas eu le temps ou la chance de m'y attarder davantage.

  (1705)  

    Monsieur le président, j'aimerais simplement ajouter qu'un des premiers endroits où nous avons organisé une séance de discussion ouverte était l'école de recrutement de Saint-Jean, justement pour cette raison. Un des objectifs de l'éducation et de la formation est de commencer dès l'instant où les militaires enfilent l'uniforme, jusqu'au jour où ils l'enlèvent.
    Merci.
    J'aimerais également aborder la question de la septième recommandation. Vous proposez de simplifier le processus de traitement des plaintes de harcèlement en transmettant les plaintes officielles aux commandants, qui agiraient comme arbitres des griefs. Un grief peut toutefois être très long à régler.
    Il est plus efficace de s'attarder à ces problèmes le plus vite possible.
    À l'heure actuelle, la procédure prend déjà beaucoup de temps, et elle est suivie d'un processus de grief. Afin de diminuer le temps nécessaire, je recommande donc de s'attarder directement au grief selon une procédure simplifiée. Nous ne parlons pas du processus de grief aux pages 1, 2 et 3, conformément à la convention collective; il faut plutôt s'adresser directement au commandant pour qu'il agisse à titre d'arbitre.
    Votre temps est écoulé, monsieur Chisu.
    Madame Murray, vous avez cinq minutes.
    Je suis vraiment ravie de constater que les deux témoins sont sincèrement déterminées à changer cette culture et à favoriser un milieu positif de confiance. En tant que femme ayant une fille et une petite-fille ainsi qu'un grand respect à l'égard des FAC, je suis d'accord avec elles.
    Je vais poser des questions sur la procédure, car je pense que des personnes bien intentionnées ne peuvent pas toujours compenser une procédure inadaptée. Ce volet est donc important.
    Pour faire suite aux échanges concernant l'évaluation et les déclarations, il faut créer une structure permettant de faire ces évaluations et déclarations. Madame Deschamps, croyez-vous qu'il suffirait que la Défense nationale s'en charge? Sinon, devrait-on prévoir une composante externe indépendante pour l'évaluation et les déclarations, ou pour la production de rapports seulement?
    Pour commencer, si c'est la Défense nationale qui s'en charge plutôt que les FAC, je considérerais personnellement que la procédure est indépendante. Je n'ai pas dit qu'il faut reproduire le système civil ou engager des fournisseurs indépendants, car une certaine communication est nécessaire. S'il faut poursuivre un contrevenant, il doit y avoir une certaine communication entre les deux systèmes.
    Je vois.
    Ce doit être fait le plus loin possible des FAC, mais je n'irais pas jusqu'à recommander de confier la tâche à un entrepreneur contractuel... J'ignore si ce serait... Mais il s'agit pour l'instant de mon avis personnel.
    Bien, merci.
    Major-général Whitecross, envisageriez-vous de mettre en place un processus d'examen externe régulier, comme celui que Mme Deschamps vient de réaliser, pour que les enjeux demeurent sous le feu des projecteurs jusqu'à ce qu'il soit clair que les changements voulus ont été opérés? Sinon, croyez-vous qu'il soit acceptable que l'évaluation soit réalisée au sein de l'organisation?
    Monsieur le président, je peux vous dire tout de suite que les Australiens procèdent ainsi. Ils ont obtenu l'appui de Mme Broderick. C'est donc une procédure que nous envisageons.

  (1710)  

    Vous y pensez; c'est excellent.
    J'aimerais brièvement revenir sur la procédure, madame Deschamps. Je crois savoir que l'ombudsman des forces armées a refusé de participer à votre examen. Vous avez d'ailleurs constaté que tous ceux qui ont fait appel à lui ont trouvé la procédure inutile.
    Lorsque l'ombudsman a comparu devant notre comité après la parution des articles dans le Maclean's, je lui ai demandé combien de plaintes il avait reçues. Il a dit que son bureau n'est pas à même de traiter ces plaintes, et qu'il les a renvoyées à la police militaire. Je lui ai également demandé combien il en avait reçu et transféré, et même cette information n'a pas été consignée.
    À votre avis, quel rôle l'ombudsman devrait-il jouer relativement aux plaintes d'inconduite sexuelle, le cas échéant, qui parviennent à son bureau? Aussi, croyez-vous qu'une structure de reddition de comptes ou de suivi devrait être mise en place?
    Je dis dans mon rapport que les victimes ne doivent pas considérer l'ombudsman comme faisant partie de la solution. C'est assez clair.
    D'accord. Les gens devraient donc savoir que ce n'est pas à lui qu'il faut s'adresser.
    Pour revenir à mon inquiétude relative à la directive de mise en oeuvre, je vois que la cinquième recommandation parle d'élaborer « une définition simple et large du harcèlement sexuel qui englobe toutes les dimensions des relations entre les militaires au sein des FAC ». Mais si je m'attarde à la raison d'être de l'exigence du chef d'état-major, dans sa directive de mise en oeuvre, on y voit très clairement que la définition de harcèlement du Conseil du Trésor, qui se reflète dans DAOD 5012-0, demeurera en vigueur.
    Ce sont là deux réponses différentes. Comment peut-on les concilier tant que la directive de mise en oeuvre s'applique?
    La cinquième recommandation présente quatre ou cinq définitions que Mme Deschamps demande d'examiner, et nous nous penchons sur chacune d'elles. J'ai d'ailleurs l'appui du chef d'état-major à ce chapitre.
    Votre temps est écoulé, madame Murray.
    Juge Deschamps, général Whitecross, je vous remercie d'avoir passé du temps avec nous aujourd'hui. Vous pourriez bien être convoquées à nouveau lorsque vous réaliserez votre plan d'action. Nous vous remercions encore de nous avoir accordé ce temps et de nous avoir fait bénéficier de votre expertise aujourd'hui.
    Nous allons maintenant suspendre la séance jusqu'à ce que la salle soit vide, après quoi nous poursuivrons à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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