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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 141 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 mai 2019

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Bonjour. Bienvenue à la 141e réunion du Comité permanent de la condition féminine. La réunion d'aujourd'hui est publique.
    Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 19 juin 2018, nous commencerons notre étude sur la situation des femmes au ministère de la Défense nationale.
    Pour cela, j'ai le plaisir d'accueillir Danielle Dewitt, à titre personnel, ainsi que Michelle Douglas et Martine Roy, respectivement présidente du conseil et présidente du Fonds Purge LGBT. Martine Roy est des nôtres par vidéoconférence depuis Montréal, au Québec.
    Je vais laisser la parole à Danielle. Vous avez sept minutes.
    Je m'appelle Danielle Dewitt. Je fais actuellement partie de la Défense nationale. J'en suis membre depuis 14 ans. Je me suis affirmée en tant que transgenre pendant un déploiement à l'étranger, étonnamment, et on m'a brutalement exclue d'un navire en Allemagne.
    Une des premières fois où je suis montée à bord et où j'ai débarqué... Je me suis rendu compte que c'était très difficile de l'autre côté, d'essayer d'être l'enseignant et l'élève en même temps. Le fait d'être un des premiers transgenres à s'affirmer comme tel a changé beaucoup de choses. Cela m'a ouvert les yeux de passer du côté masculin au côté féminin, de voir la discrimination du côté des hommes et comment toutes les femmes militaires étaient en fait touchées.
    J'ai subi des violences verbales, des insultes, quand je me suis affirmée comme transgenre, ce qui leur a permis de m'exclure de tous les navires. En tant que membre actif servant dans la Marine, j'ai trouvé cela très dur psychiquement. On m'a casée dans un bureau, pour m'aider à faire la transition correctement.
    Même au bureau, j'ai été insultée — pas par mes collègues, mais par des personnes qui passaient pour régler des affaires courantes. J'ai avisé ma chaîne de commandement de ce qui arrivait et elle m'a répondu que ça arrivait tout le temps.
    Nous avons un programme appelé opération Honour. Il ne marche pas à 100 %. Des femmes militaires portent plainte et demandent des enquêtes. Une fois les enquêtes bouclées, les enquêteurs décident qu'il n'y a eu aucun préjudice réel.
    La dernière fois, c'est quand j'ai été envoyée à Victoria et réintégrée à bord. Pendant la formation des officiers de navigation de la flotte, où j'étais chargée de former les officiers, j'ai été humiliée. Je pleurais toutes les nuits parce qu'on n'avait aucun respect pour quiconque de transgenre. J'en ai parlé à ma chaîne de commandement et, pendant son enquête, rien n'a été fait. Les personnes impliquées n'ont eu droit qu'à une réprimande symbolique.
    J'ai parlé aux autres femmes de mon unité — nous ne sommes que trois — et nous avons toutes dit la même chose. L'opération Honour ne marche pas. C'est même un échec. On n'est pas près de pouvoir continuer d'avancer.
    Je suis désolée. Je suis très nerveuse.
    Prenez votre temps. Tout va bien.
    Ce qu'il faut... À ce que je vois, on traite très mal les femmes. J'étais premier maître d'équipage sur mon navire. On m'a retiré ce poste pour le donner à un homme. Même si je me suis révélée être un très bon marin, on a dit à cette personne qu'elle était maintenant responsable à bord du navire. J'avais un poste de responsabilité et on me l'a retiré presque immédiatement, parce que ce n'était pas le moment pour eux.
    Leur excuse était que l'autre personne faisait partie de l'unité depuis plus longtemps, même si j'ai 14 ans d'ancienneté dans les forces armées et que cette personne n'en a que six. C'était leur excuse, mais je suis convaincue que c'est parce que je suis une femme. J'ai porté plainte à répétition contre plusieurs personnes qui me maltraitaient en tant que femme transgenre. Je me sentais victime de discrimination. Je l'ai signalé et, une fois de plus, il ne s'est rien passé. Aujourd'hui encore, je continue de me battre pour récupérer mon poste et je ne l'ai pas encore récupéré.
    Avec tous les effets négatifs sur la communauté LGBT dans les forces armées, on m'a encore retirée des navires, pour détresse psychologique. Quelqu'un m'a dit que si je mourais, je serais enterrée en tant qu'homme à cause de mes chromosomes masculins.
    On n'a rien fait à ce militaire. C'est un moment difficile.
    Quant à la situation des femmes dans les forces armées, j'ai observé la même chose. J'ai parlé à d'autres femmes, et elles ont remarqué que les postes sont donnés à leurs homologues masculins.
    Il y avait un navire entièrement féminin — tout le personnel du service pont, c'est-à-dire tous les maîtres d'équipage. On en a fait l'essai pendant un temps. On y a mis fin, mais je ne sais pas pourquoi. Peut-être que tout le monde a été muté ou que sais-je.
    Voilà tout ce que j'avais à dire.

  (0855)  

    Danielle, merci infiniment. Merci de nous avoir parlé.
    Michelle et Martine, vous êtes invitées à témoigner séparément. Vous avez donc sept minutes chacune.

[Français]

     Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Je suis vétérane. Je suis fonctionnaire depuis 30 ans. À l'heure actuelle, je suis employée par le ministère de la Justice ici, à Ottawa. Je tiens à préciser que je m'exprime à titre personnel et au nom du Fonds Purge LGBT.
    J'observe avec beaucoup d'intérêt les Forces armées canadiennes et j'expliquerai pourquoi. J'ai été officière dans les Forces armées canadiennes de 1986 à 1989. J'étais officière dans la Branche des services de sécurité, qui est comme la Branche des services de police militaire, et j'espérais faire une carrière militaire. J'avais très bien commencé. J'étais sortie major de tous les cours et entraînements militaires que j'ai suivis. Mais je n'étais pas destinée à une longue carrière.
    Après plusieurs interrogatoires et enquêtes de police intenses et brutaux, j'ai été expulsée des forces armées en 1989 au motif suivant: « Conditions d'emploi non favorables pour cause d'homosexualité ». Cela malgré le fait que j'étais une excellente militaire, loyale et assidue.
    Ma contestation judiciaire contre les Forces armées canadiennes et leur forme de discrimination codifiée, en 1992, est à l'origine de la fin officielle de l'interdiction des militaires LGBT, et je n'ai pas cessé de me battre depuis.
    Je considère que c'est une obligation pour moi de garder un oeil sur l'armée pour m'assurer qu'elle tient toutes ses promesses. Comme nous le voyons aujourd'hui et comme le témoignage de Danielle vient de le montrer, ce n'est pas tout à fait le cas.
    Je vais vous livrer quelques-unes de mes observations. Je ne parlerai évidemment pas au nom des militaires lesbiennes ou transgenres, mais je crois qu'il est bon que vous entendiez parler de l'évolution de la politique et des changements intervenus au cours des 30 dernières années.
    J'estime que, dans l'ensemble, la politique des forces armées en ce qui concerne l'inclusion, en particulier des femmes — cisgenres et transgenres — est, en fait, assez bonne. Les forces armées ont, bien entendu, tout ce qu'il faut: la parité salariale, l'accès à des cheminements de carrière, le soutien familial et j'en passe. La création du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle est une bonne chose, tout comme celle de l'opération Honour.
    Nous savons, cependant, que si la politique est essentielle, la pratique compte aussi.
    J'ai lu dernièrement les quatre éditions des rapports d'étape sur l'opération Honour. On s'aperçoit de quelque chose de très intéressant quand on creuse dans les détails. On escamote, par exemple, toutes les activités qui doivent être centrées sur les questions LGBT, alors que dans son rapport de 2015, Mme Deschamps souligne clairement qu'une attention particulière doit être accordée aux femmes et aux personnes LGBT. Le dernier rapport ne mentionne rien des activités des forces armées pour les personnes LGBT. Il faut remonter à 2016 pour trouver un rapport d'étape qui parle de telles activités.
    Je pense que, de manière générale, on devrait féliciter les forces armées de leur leadership à certains égards dans la recherche d'un milieu ouvert, divers et vraiment inclusif. En cela, le contraste entre le Canada et le reste du monde pratiquement est saisissant. Par exemple, pas plus tard que le mois dernier, je suis allée à Washington participer à un rassemblement en soutien aux militaires transgenres des forces armées américaines. On voit évidemment des personnes capables, loyales, courageuses et qui tiennent à servir leur pays. Cependant, en 2017, leur commandant en chef a déclaré dans un gazouillis que ces militaires transgenres ne sont pas acceptés et qu'ils n'avaient pas leur place dans les forces armées américaines.
    Au Canada, en revanche, quelques heures à peine après le gazouillis de 2017, j'ai été énormément réconfortée de voir le gazouillis du ministre Sajjan — la coïncidence était certainement fortuite — qui réaffirmait tout simplement que tous les Canadiens de toute orientation sexuelle et identité de genre avaient leur place au sein des forces armées et, en conclusion, il leur enjoignait en enthousiasme de s'engager. Il a raison à ce sujet. Son message est d'un grand soutien.

  (0900)  

    Pour avoir passé pas mal de temps avec des militaires en service actif dans des installations militaires récemment, y compris, par exemple, au QGDN et sur la BFC Moose Jaw, j'ai l'impression qu'on progresse nettement plus vers l'inclusion. J'y ai vu une question de leadership. J'ai trouvé que c'était sincère et que ce n'était pas que du vent. Comme nous le voyons, toutefois, il reste de vraies lacunes à combler.
     Je me suis rendue à la BFC Moose Jaw pour parler de l'histoire des LGBT et j'ai été invitée à parler avec le colonel de la base, c'est-à-dire le commandant de la 15e escadre, qui a projeté le film The Fruit Machine, qui raconte l'histoire de la purge honteuse qu'a connue notre pays. Dans ses observations préliminaires, le colonel O'Reilly a dit clairement qu'il ne tolérerait jamais de discrimination ou d'inconduite sur sa base et qu'il chasserait ceux qui ne respecteraient pas ces règles de respect. Il a déclaré qu'il aimait adhérer à ces règles de respect et qu'il aime y voir une autre forme de purge, cette fois contre l'intolérance. Je ne suis pas certaine d'aimer voir trop utiliser le terme dans ce contexte, mais son attitude n'en était pas moins bonne.
    Bien sûr, les politiques de tolérance zéro sont généralement ambitieuses. Les forces armées ne sont pas les seules à cet égard. Mais leur culture et leur environnement font que c'est un des endroits où on est le plus attentif à faire tout son possible pour soutenir ces politiques. Cependant, les efforts déployés en appui à ces politiques doivent être novateurs, efficaces et constants si les forces armées veulent espérer devenir un meilleur employeur pour les 15 % environ de militaires qui sont des femmes.
    On devrait continuer d'insister à tous les niveaux pour que les forces armées organisent des campagnes autour de l'initiative Espace positif, créent des groupes de travail LGBT et constituent des réseaux de la fierté. Les femmes qui font partie de la communauté LGBT ont besoin de ces ressources. Les militaires ont besoin d'un endroit où ils puissent aller demander conseil en toute sécurité sur les rapports avec les collègues LGBT qui sont peut-être en transition, qui sont non binaires ou qui font partie de la communauté LGBT, ou sur le soutien à leur apporter. Nous savons qu'il existe de tels endroits, mais seulement sur quelques bases. Par conséquent, si les dirigeants indiquent qu'il y en a partout et qu'ils sont largement acceptés, sachez que ce n'est pas le cas. Ils peuvent beaucoup mieux faire à cet égard.
    Pour conclure, j'aimerais parler un peu de formation. Elle est impérative non seulement pour les nouvelles recrues, mais à tous les niveaux. Les officiers et tout le monde doivent faire partie du soutien fondamental apporté à une réelle diversité et à des politiques de formation à un milieu de travail respectueux.
     Les soldats d'aujourd'hui doivent connaître leur histoire. Il y a seulement 30 ans — vous vous rappelez toutes et tous où vous étiez il y a 30 ans —, les forces armées chassaient de leurs rangs les militaires LGBT. L'histoire doit être racontée si nous voulons être un jour à la hauteur de ce que le premier ministre déclarait en 2017, à savoir qu'il était déterminé à ce que cela ne se reproduise jamais. Les militaires LGBT doivent faire partie intégrante de toutes les stratégies relatives à la diversité et à l'égalité. Il devrait être automatique de demander le point de vue de la communauté. Il faut tenir compte des commentaires des personnes pour qui cela compte le plus.
    Pour terminer, je souhaite préciser au Comité que le prochain témoin, Mme Martine Roy, et moi-même, nous travaillons sur certaines de ces mesures de réconciliation en administrant un fonds de 15 à 25 millions de dollars, ici, au Canada. Nous allons faire des choses incroyables, comme soutenir les militaires dans leur formation. Nous allons aussi ériger un monument national, dans la région de la capitale nationale, pour commémorer la période de la purge et en l'honneur des personnes LGBT.Nous réunissons des documents historiques afin qu'on sache pourquoi certaines de ces politiques ont été appliquées. Nous voulons faire partie de la solution qui fera du Canada un endroit plus inclusif et plus divers, et plus particulièrement dans la fonction publique, dans les forces armées et dans la GRC.

  (0905)  

    Excellent. Je vous remercie beaucoup, Michelle.
    Nous allons passer à la vidéoconférence avec Martine Roy.
    Martine, vous disposez de sept minutes.
    Merci de m'avoir invitée.

[Français]

     Je m'appelle Martine Roy. Je travaille présentement pour la Banque TD en développement des affaires LGBTQI. Je veux le dire parce que c'est important; c'est un nouveau rôle. Cependant, je ne suis pas ici pour parler de ce rôle.

[Traduction]

    Aujourd'hui, je représente LGBT Purge en qualité de présidente. Michelle Douglas l'a bien expliqué. Je ne vais pas revenir sur ce qui est arrivé, parce que j'ai vécu la même chose. Je faisais partie de la Force régulière et j'ai été arrêtée, interrogée et congédiée pour homosexualité.

[Français]

     Quand j'étais dans l'armée, pendant l'entraînement à Borden, tout était très sexualisé. L'accès aux sorties, l'alcool vraiment peu cher et le groupe faisaient que cet endroit était parfait pour ce genre d'agressions.
    Il y a ceux qui viennent d'arriver, les recrues. Des gens qui sont dans l'armée depuis longtemps et loin de leur famille viennent faire leur entraînement et se retrouvent au même endroit que les recrues. Il y a des choses à faire à cet égard. J'entends dire que cela se passe encore dans les mêmes endroits.
    Je dois soulever le prochain point qui est important pour moi. La première lettre dans « LGBT » est « L ». Elle représente des femmes. Dans n'importe quelle organisation, nous, les femmes, devons prendre notre place, car, en partant, il y a un manque d'équité. Vu qu'il y a beaucoup moins de femmes que d'hommes, il y a un manque d'équité. Cela crée un déséquilibre et fait qu'il y a moins de respect envers les femmes.

[Traduction]

    Pour moi, c'est important parce que nous venons d'entendre le témoignage de quelqu'un qui a vécu une transition. Je pense qu'elle a vu ce que c'était d'être un homme blanc et de devenir une femme. Elle n'est plus transsexuelle pour moi. C'est une femme. À mon sens, en ayant été un homme blanc cisgenre en haut de sa hiérarchie avant de devenir une femme, elle a dû ressentir la discrimination.
    Je comparais devant vous pour parler des LGBT, certes, mais surtout pour parler des femmes. Il me semble que c'est le sujet. Comment se fait-il que dans beaucoup de secteurs d'activités, et je ne parle pas seulement de l'armée, nous ayons encore ce problème en 2019? Alors qu'une femme peut aller au combat et que nous savons qu'elle peut en faire autant qu'un homme, pourquoi n'arrivons-nous pas à imposer le respect pour qu'on ne subisse plus d'agressions?
    Dans mon mémoire, je mentionne beaucoup d'études sur les agressions qui continuent de se produire dans les Forces armées canadiennes aujourd'hui. Je suis peut-être moins positive que ma collègue Michelle Douglas au sujet de ce qui se passe parce que j'ai l'impression, quand je vois les chiffres — et Danielle, la première personne qui a parlé, aussi —, que nous avons encore des problèmes majeurs.
    C'est comme en 1969, quand on a décriminalisé de l'homosexualité, ça n'a pas tout réglé. Ce n'est pas parce qu'une loi ou une politique est en place, et que tous les officiers l'acceptent, qu'on la comprend dans les rangs ou dans le peloton.
    Ma collègue a évoqué The Fruit Machine. Nous présentons ce film où des personnes témoignent de ce qui leur est arrivé et nous nous rendons compte qu'il a un gros impact. Selon moi, nous devons aller dans les rangs. Nous devons aller à l'intérieur. Je crois qu'après toute l'enquête — et j'ai noté les chiffres, mais je ne vais pas tous vous les donner parce que je pense que vous comprenez bien et c'est pourquoi nous comparaissons devant vous aujourd'hui —, il y a encore un problème et nous devons trouver un moyen de le régler.

  (0910)  

    Après avoir été renvoyée, j'ai travaillé pendant une trentaine d'années dans différentes sociétés, et je peux vous confirmer que ce n'est pas que dans les Forces armées canadiennes. Mais je pense que si nous pouvons trouver la bonne façon d'aller dedans pour former et éduquer les gens comme cela, l'ignorance reculera. Quand tout le monde sait, personne ne peut dire qu'il ne savait pas. Tout le monde se responsabilise.
    Quand nous parlons d'alliés, ce ne sont pas seulement les hétérosexuels. Ce sont les lesbiennes, les homosexuels, les transsexuels. Nous avons besoin d'être les alliés les uns des autres et nous avons besoin d'alliés à l'extérieur aussi. Si tout le monde acceptait la diversité et l'inclusion et comprenait qu'en milieu de travail, le plus important, c'est vos compétences, ce que vous réussirez à faire à votre poste, vos capacités professionnelles et votre volonté de rester dans ce milieu, nous aurions un bon taux de maintien en poste et nous attirerions les meilleurs talents. Comme le milieu de travail occupe 75 % de notre temps, je crois que c'est un endroit où nous devons montrer nos compétences, être capables de collaborer et nous respecter les uns les autres.
    J'étais vraiment attristée en voyant le chiffre. J'étais vraiment attristée de voir que nous en sommes encore là. En tant que femme et que lesbienne, je peux vous dire qu'il reste beaucoup de problèmes de respect envers le sexe féminin et envers les femmes transsexuelles et bisexuelles. Il y a encore des problèmes de respect et nous avons besoin d'aide.
    Je vous remercie.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons commencer notre première série de questions par Bob Bratina.
    Bob, vous avez sept minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence. Par souci de transparence, je mentionnerai que ma sœur était dans l'armée dans les années 1970. Elle a pris sa retraite après une période de service complète. Elle était aussi une des premières femmes à être envoyées en affectation dans des conditions extrêmes, c'est-à-dire à Alert à l'époque. Je dois vous dire qu'elle est fière d'avoir servi le pays, mais elle n'est jamais entrée dans beaucoup de détails au sujet des problèmes qu'elle a pu rencontrer en ce temps-là.
    Tout d'abord, Danielle, on vous a manifestement très mal traitée. Vous avez fait des commentaires sur l'Opération HONOUR, sur ce qui marche et ainsi de suite. Dans les affaires, nous apprenons avec le temps que la première étape pour résoudre un problème est de reconnaître qu'on a un problème.
    C'est exact.
    Pensez-vous que nous admettons assez pleinement avoir un problème que nous essayons de régler?
    Pour ce qui est des forces armées, je crois que oui.
    Pourquoi?
    Une fois par an dans les forces armées, nous devons présenter un diaporama obligatoire sur l'Opération HONOUR pendant lequel les gens s'endorment, littéralement. Les responsables pensent que tout fonctionne bien, mais dans les rangs inférieurs — par exemple, à mon rang de matelot de 1ère classe ou de caporal —, on ne comprend pas. Certains comprennent et d'autres pas. Nous avons mentionné avant qu'il y a un problème dans le système de l'Opération HONOUR. J'ai dit à ma chaîne de commandement qu'il y a un problème. On m'a répondu, d'accord, d'accord, et c'est tout ce que j'ai obtenu depuis le début de l'Opération HONOUR.
    Nous ne voudrions pas nous contenter de formuler des voeux pieux ou de dire que, bon, cette opération est en cours. Par conséquent, que devons-nous faire précisément?
    Il faut notamment qu'on éduque plus au sujet de l'Opération HONOUR. Je suis convaincue que c'est un bon système, mais aussi qu'il a beaucoup de défauts. C'est une épée à double tranchant, dirons-nous, pour la victime par rapport à l'agression... Je ne me souviens pas du nom du gars. Les enquêtes ont lieu longtemps après l'incident et la plupart des gens ont oublié toute la formulation utilisée à son sujet.
    Quand arrive le moment de prendre une sanction contre quiconque, on est loin du compte. Dans le dernier incident que je mentionnais, la personne — je n'utiliserai pas le nom — a reçu une tape sur les doigts, à mon avis. Quelqu'un a déposé contre moi une plainte injustifiée dans le cadre de l'Opération HONOUR et la sanction qui m'a été infligée était plus sévère pour quelque chose qui se résumait à une mauvaise conversation sans rien de sexuel ou ayant trait au genre.

  (0915)  

    Je vous remercie de ces commentaires.
    Michelle, permettez-moi de vous poser la question du recrutement et de la sélection des recrues. Y a-t-il quelque chose qui pourrait être avantageux par rapport au problème auquel nous sommes confrontés?
    Selon moi, il est tout à fait essentiel que les Forces armées canadiennes donnent le ton à la première occasion. Dans le cadre du processus de recrutement et d'après les premières indications... Je crois qu'il n'y a pas seulement l'expression de la partie excitante de l'armée, qui est manifestement un attrait au moment du recrutement, mais du point de vue des normes, on indique qu'on s'attend au respect des règlements relatifs à l'inconduite, et il est essentiel d'insister sur ce point dès que possible.
    Il me semble que c'est important parce que les gens doivent savoir dans quoi ils s'embarquent. S'ils sont incapables de bien se comporter, de respecter les règles et les normes telles qu'elles sont, alors vraiment... Soit ils s'engagent en étant totalement résolus, soit ce n'est pas fait pour eux.
    À mon sens, les responsables militaires sont très sincères dans leur engagement, d'après tout ce que j'ai vu et entendu. Je les crois et je ne suis pas encline, dans ce domaine, à faire confiance facilement. Les personnes à qui j'ai parlé s'investissent pour que les choses fonctionnent bien. Comme vous le savez, je pense que ce sont les premières étapes de la codification de ces choses — des règles et des définitions de l'inconduite — qui sont essentielles, et c'est une des conditions nécessaires au changement dont Danielle parle à propos de ce qui doit se produire.
    Oui, je dirais qu'on va aussi garder les recrues si on crée un milieu de travail ouvert et exempt de harcèlement.
    Très bien.
    Éliminez ceux qui ne se conforment pas aux règles.
    Madame Roy, du temps où j'avais une émission à la radio, dans les années 1980, un débat opposait ceux qui pensaient que les femmes devaient être autorisées à combattre et les autres. Je connaissais plusieurs femmes âgées qui avaient été dans l'armée en Israël, en Russie ou en Grèce et pour qui combattre n'était pas un problème.
    Si on prend l'exemple des aviateurs de Tuskegee, l'escadrille de pilotes noirs de l'armée de l'air américaine, croyez-vous qu'on devrait avoir une escadrille de femmes qui montreraient ce qu'elles sont capables de faire dans un contexte entièrement féminin?
    Je n'irais pas jusque-là, mais je pense qu'il faut confier aux femmes des rôles plus importants dans les Forces armées canadiennes. J'estime qu'il faut montrer l'exemple et aussi, comme je l'ai dit, faire preuve de respect.
    En effet.
    C'est la façon dont nous allons attribuer les rôles. Quand je vois une femme, je me demande combien de femmes forment les hommes. Il me semble que, très souvent, les hommes forment les hommes et les femmes forment les femmes. Ils devraient être au même niveau et les femmes devraient pouvoir former tous les pelotons.
    Certainement.
    Je suis d'accord avec cela au niveau des recrues. Je crois que c'est important à ce niveau, mais aussi tout du long. Souvent, nous pensons que c'est à l'intégration. Nous expliquons tout ce qu'il faut faire et ne pas faire à ce moment-là, mais le temps passe et nous n'y revenons jamais. Nous n'en parlons jamais. Selon moi, il faudrait y revenir à chaque instant, à chaque transition et dans tous les pelotons. Ce devrait être une priorité et ça devrait faire partie intégrante du processus.
    Pour nous, les LGBT, ce n'est pas un groupe social, et les femmes ne forment pas un petit groupe social à part. Cela fait partie du travail. C'est une partie du noyau. Si on veut qu'il y ait des femmes dans les forces armées, les forces armées ne seront plus les mêmes. Il faut que ce soit considéré comme essentiel. Aussi important et utile qu'un homme soit, une femme peut l'être tout autant.
    Je crois que nous faisons des efforts dans ce sens parce que je vois qu'il y a des camps, des essais de 10 jours et des choses comme ça qui permettent aux femmes de participer. Ce sont de bonnes initiatives, à mon avis.
    Je suis d'accord avec Michelle. J'ai rencontré des capitaines, dont un qui a créé le groupe diversité plus — LGBT — pour les Forces armées canadiennes. C'est une bonne initiative parce que ce groupe accueille tout le monde. Bravo! Les capitaines, les simples soldats et les adjudants. Ils sont tous ensemble pour une meilleure cause. Il y a dans les troupes des gens qui travaillent sur la question. Ce serait formidable si le mouvement pouvait prendre de l'ampleur. Je crois que ça pourrait aider.

  (0920)  

    Merci.
    C'est maintenant au tour de Rachael Harder d'avoir la parole pendant sept minutes.
    À chacune d'entre vous, merci d'avoir saisi cette occasion et d'être disposées à partager avec nous un peu de votre histoire.
    Danielle, vous nous avez fait un récit percutant de votre vécu dans les forces armées jusqu'à présent — comme vous toutes, d'ailleurs.
    Peut-être que vous pourriez chacune répondre à ma question. Vous avez toutes vécu des situations différentes de discrimination et de mauvais traitement au sein des Forces armées canadiennes, et pourtant vous êtes restées engagées, dans diverses mesures, démontrant ainsi un certain degré de ténacité. Vous faites preuve d'engagement, de passion et de volonté, ainsi que d'un certain désir de changement. Vous pourriez peut-être expliquer un peu plus pourquoi vous restez engagées à l'endroit de cette initiative.
    Nous pourrions commencer par Danielle, puis Michelle, et ainsi de suite.
    Si je continue mon service, c'est principalement parce que j'aime le travail. J'espère aussi que les gens se révèlent dans leurs unités. Quand je suis retournée dans un environnement de bureau pendant cinq ans, j'ai lancé le groupe d'Espace positif à Halifax, en Nouvelle-Écosse, avec trois autres gentilles femmes. Le succès a été si retentissant, qu'Ottawa en a pris la direction. Maintenant, c'est un projet d'envergure nationale.
    Au cours de ces cinq ans, j'ai aidé plus de 50 transgenres à se révéler à leur unité. J'ai aidé le système médical à se réformer. J'ai pu observer bien des changements. J'ai pu voir beaucoup de bonnes choses découler de cela. J'ai aidé n'importe qui de la communauté LGBT. Je suis devenue l'espace positif dans mon propre groupe. Tout le monde dans l'unité savait exactement qui j'étais et pouvait venir me parler n'importe quand.
    J'ai été à Esquimalt, et là-bas il n'y avait pas d'espace positif; il n'y avait aucun groupe de travail LGBT. Depuis, j'en ai créé un et je ne suis là que depuis le mois d'août.
    Mon objectif est de rendre les forces armées très inclusives. Je sais que j'ai le soutien du commandant de la base et du capitaine de vaisseau; je sais donc que j'ai tout le soutien dont j'ai besoin pour réussir, y compris celui de ma propre chaîne de commandement. Jusqu'à présent, les choses ont très bien réussi.
    Génial.
    J'ai remarqué que les gens ont beaucoup changé leur façon d'être. Malheureusement, il reste encore quelques rares militaires qui sont d'avis que quiconque est LGBT ne devrait pas travailler, ou qui ont peur de se faire regarder d'une façon qui les dérange ou peur de ce qui pourrait arriver.
    Mais, j'aime ce travail.
    Fantastique. Merci.
    Michelle.
    Je suis, fondamentalement, en faveur des Forces armées canadiennes. Elles comptent beaucoup pour notre pays. Je crois qu'elles représentent les meilleures valeurs de notre pays, et je respecte le sacrifice, la détermination et l'engagement des personnes qui servent ainsi leur pays.
    Je voulais être une de ces personnes depuis très longtemps. Ça n'a pas marché. Si j'étais invitée à retourner servir mon pays dans les forces armées, je ne le ferais pas. Maintenant, je suis trop vieille.
    Cependant, je peux servir mon pays autrement. J'ai choisi, et ce, depuis 30 ans, d'être la voix omniprésente qui s'efforce de faire en sorte que les forces armées respectent les valeurs auxquelles elles prétendent.
    L'inclusion ne fonctionne pas si les gens ne se sentent pas inclus. La diversité, si elle se résume à une rhétorique et à un concept, ne suffit pas. J'estime simplement que, en tant que Canadienne qui est intéressée, c'est mon devoir de continuer à pousser.
    Quand on jette un regard sur les 30 dernières années environ, on peut voir un changement, ce qui est satisfaisant. On peut constater que les choses s'améliorent. Je suis une optimiste. Même si les forces armées ont changé ma vie et m'ont parfois humiliée, je tente encore de servir d'une façon différente et de chercher à en faire une meilleure organisation.
    Michelle, avant de poursuivre avec Martine, j'aimerais vous dire que nous avons laissé s'échapper quelque chose de précieux quand vous avez été renvoyée. Merci de votre dévouement au service en dépit de cela.

  (0925)  

    C'était un triste moment. Merci beaucoup.
    Martine.
    C'est une très bonne question et pour moi, comme pour Michelle, ce fut une expérience horrible. Toute ma vie a changé en un jour... J'ai mis 10 ans avant de trouver un travail dans lequel je me sentais bien, 10 ans avant de me risquer à travailler dans une très grande société. Je l'ai fait, et quand j'ai découvert que cette société était inclusive, je me suis dit que je devais le dire à tout le monde, et c'est ainsi que j'ai lancé Fierté au travail Canada en 2008.
    C'était ma façon de conter ce qui m'était arrivé, ce que je ne veux pas qui arrive à qui que ce soit d'autre au travail, parce que j'estime que cela ne doit pas être. En créant Fierté au travail Canada, j'ai commencé avec huit sociétés. Nous avons maintenant 120 sociétés, et j'avais pour objectif d'amener les Forces armées canadiennes à se joindre, ce qu'elles ont fait en 2016. Voilà pourquoi je suis si déterminée, mais en même temps, j'ai senti à un moment donné que ce que je disais ne correspondait pas vraiment à ce que je faisais, parce que j'avais accepté d'être renvoyée des Forces armées canadiennes et je n'ai rien fait.
    C'est la raison pour laquelle j'ai entrepris le recours collectif. Il fallait que je règle cela, et pas seulement pour moi. Quand j'ai découvert qu'il y en avait d'autres comme moi, comme Michelle, que nous étions très nombreuses, j'ai été encore plus motivée à me battre et à dire que nous ne pouvons continuer à prétendre que nous sommes un pays de paix, que nous sommes des innovateurs en diversité et tout cela, si nous ne mettons pas de l'ordre dans nos propres affaires. Il fallait nettoyer tout cela; il fallait commencer par admettre ce qui avait été fait, parce que personne ne l'a jamais fait, puis présenter des excuses, ce qui vient d'être fait. Maintenant, on peut passer à la réparation, ce qui est une bonne chose. Voilà pourquoi je suis encore devant vous aujourd'hui et parle encore de cela, parce que je crois que nous pouvons y arriver. Je crois que nous pouvons être un pays inclusif et que nous pouvons être un exemple pour les autres. Je le crois vraiment.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Irene Mathyssen.
    Irene, vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à nos témoins. Votre détermination est une inspiration, véritablement, tout comme l'est votre courage. Je vous remercie aussi de votre service.
    Danielle, vous avez parlé de ce qui est arrivé ou n'est pas arrivé quand vous avez fait rapport de la situation par la chaîne de commandement. D'après vous, qu'aurait-il dû se passer?
    Vous avez aussi fait allusion au fait que le résultat a été une petite tape sur les doigts et qu'il n'a semblé y avoir aucune trace ou compréhension de ce que vous aviez déclaré. Pouvez-vous m'expliquer cela? Il me semble étrange qu'il n'y ait pas eu au moins une trace documentaire.
    Essentiellement, dans le contexte de l'opération Honneur, les choses sont traitées dans l'unité. Je ne peux en dire plus parce que l'enquête n'est pas terminée. Quand j'ai appris ce qu'ils allaient initialement faire à cette personne, j'ai été profondément attristée. Le cas est maintenant passé au niveau supérieur, et le commandant d'Esquimalt examinera la question de plus près.
    Vous avez aussi mentionné le diaporama, l'exercice annuel de l'opération Honneur, et cela semblait être comme si des cases étaient simplement cochées.
    Oui.
    Est-ce cela?
    À mon avis, c'est cela. J'ai parlé à d'autres personnes, et tout le monde sait ce qu'est l'opération Honneur; mais, pour la plupart, quand cela s'est su, les gens disaient: « Oh, c'est hop pour elle », c'est-à-dire Op Honneur. On entend constamment l'opinion que c'est maintenant quelque chose de très faux. Les unités ont profité de cela et en ont fait l'opération Honneur, parce que nous ne pouvons plus utiliser la version abrégée du nom.
    Cet exercice est fait tous les ans, ou toutes les unités sont censées le faire. Cependant, ce ne sont pas toutes les unités qui sont disponibles, et donc, tout le monde n'est pas là et quand elles le font, c'est dans le cadre d'une journée pédagogique, au milieu de la journée quand les gens commencent déjà à être fatigués, ont faim ou sont grincheux. Par conséquent, je ne pense pas qu'ils prêtent attention à ce que c'est, et ceux qui y prêtent attention l'ont entendu tant de fois que cela n'a plus d'effet.
    Une des choses les plus importantes dont je me suis rendu compte, c'est que très peu de renseignements, vraiment, sont publiés au sujet de ce qui se passe du côté de l'opération Honneur. Quel en a été le résultat? On n'a pas besoin de connaître toute l'histoire, mais quel a été le résultat de cette enquête d'opération Honneur?
    Comme l'enquête se déroule à l'intérieur de l'unité la plupart du temps, on ne le sait jamais. Les deux parties de l'affaire ne disent jamais rien, parce qu'elles veulent éviter, autant que possible, que cela se sache et se répande, mais soyons réalistes: un navire est comme une école secondaire. Dès qu'une rumeur sort, elle se répand comme une traînée de poudre dans tout le navire; on essaie donc d'éviter cela.

  (0930)  

    Au sujet des femmes sur un navire, dans des espaces restreints loin d'un port, avez-vous des recommandations quant à la façon dont elles pourraient être protégées, de même que les membres de l'équipage qui sont transgenres?
    À l'heure actuelle, seule la Marine maintient la séparation des couchettes. Dans l'armée et l'aviation, je crois bien que tout le monde dort sous la même tente. Leurs salles de toilette et salles de bain sont distinctes, comme pour nous, et avec raison. Dans la Marine, les femmes ont leur propre mess et leurs propres toilettes et salles de bain, qui sont séparés du reste du navire. Malheureusement, sur mon navire, qui est un navire de classe Orca — un très petit navire —, comme je suis manœuvrière séniore, je suis toujours jetée au fond au lieu d'avoir ma propre cabine, parce qu'ils refusent la séparation, ou refusent de... « fraterniser », pour bien dire.
    Mais en général, les femmes sur un navire sont très mal traitées, ce que j'ai vu de près, puisque 95 % de mon temps s'est passé sur des navires. Comme la séparation est toujours établie, une fois les portes fermées et loin des mess des femmes, les hommes commencent à parler. En particulier, cela me peine de le dire, à une certaine période du mois, quand le cycle de toutes les femmes à bord est plutôt synchronisé après six mois de déploiement, tous les hommes se tiennent loin de là. Mais ils se moquent toujours et attaquent verbalement les femmes derrière leur dos, loin de leurs oreilles.
    Bon. Merci.
    Madame Douglas, en 2015 je crois, Mme Deschamps est venue à ce comité parler de la mesure dans laquelle elle nourrissait des espoirs au sujet de l'opération Honneur. Cependant, cinq ans plus tard, il semble que peu de progrès ait été fait.
    Vous avez parlé de quelques rares endroits sûrs, sur les bases. Qu'est-ce qui empêche toutes les bases, toutes les installations, d'être des endroits sûrs?
    Je doute que ce soit un problème systémique. Certaines des personnes sur les bases à qui j'ai parlé souhaiteraient les voir ainsi, et c'est probablement, à mon avis, une question de leadership.
    Je crois que si le leadership politique au sein des forces armées en fait une exigence pratique qui doit être respectée, ce serait une bonne chose. Les militaires savent très bien suivre les ordres qui leur sont donnés. Par conséquent, si l'exigence est renforcée au niveau politique le plus élevé, par exemple du ministre au chef d'état-major de la défense, elles seraient respectées.
    Je crois qu'il y a des lacunes. Je sais qu'il y en a. Nous pouvons faire mieux. C'est un bon moyen de faire en sorte que les gens se sentent inclus, sentent qu'ils ont une certaine importance sur la base, de sorte que le leader de ce groupe particulier pourrait s'adresser au commandant de la base si les choses ne sont pas traitées aussi bien qu'elles devraient l'être.
    Ce serait un moyen rapide et tangible d'obtenir des changements réels.
    Merci.
    Madame Roy, vous avez parlé du besoin d'équilibre, d'avoir plus de femmes dans les forces armées. Selon vous, quels sont les principaux obstacles au recrutement et au maintien en poste de personnes lesbiennes, gaies, transgenres ou bispirituelles? Qu'est-ce qui fait qu'elles ne s'engagent pas dans les forces armées et quelle est la raison pour laquelle elles n'y restent pas?
    Je crois qu'il y a encore un certain scepticisme quant à la façon dont elles seront traitées. Elles sont encore craintives. C'est exactement ça: d'une base à l'autre, ce n'est pas la même chose. Vous venez de parler de Mme Deschamps. Elle vient de parler de nouveau, quatre ans plus tard, n'est-ce pas? Elle dit qu'elle ne voit toujours pas de stratégie globale. Elle n'en voit pas encore partout.
    Il y a des changements qui doivent être soulignés. On ne diffuse peut-être pas suffisamment l'existence des programmes dans le cadre desquels les femmes peuvent faire un essai de 10 jours. Je l'ignorais. Peut-être que les activités de recrutement devraient être intensifiées — événements ou jeunes universitaires. Je n'ai jamais vu les Forces armées canadiennes aux événements auxquels j'assiste pour le recrutement de nouveaux talents. Ce serait intéressant.
    Aussi, le message de recrutement devrait être plus adapté aux femmes. Qu'est-ce que les femmes aiment? Nous savons ce que les hommes aiment. Qu'est-ce que les femmes aiment? Pour ma part, j'ai été une assistante médicale parce que j'aime aider. Je sais qu'en tant que femme, j'aime aider. C'était l'un des rôles que j'ai choisi dans l'armée. Le premier rôle que j'ai choisi dans l'armée. Que pourrions-nous souligner d'autres qui représente des rôles précis que les femmes aimeraient avoir dans l'armée? Dans les publicités, on parle beaucoup de combat et des activités de ce genre. Peut-être que nous pourrions parler un peu plus des choses que les femmes aimeraient faire. Nous devrions pouvoir nous identifier aux rôles qui nous sont présentés, à mon avis.
    Pour ma part, l'armée est comme une grande société. C'est la même chose. Le message doit être partout, dans toutes les bases. Tout le monde doit l'adopter. Il devrait y avoir une personne responsable de la qualité qui fait la tournée et vérifie. On se moque des normes ISO 9000, mais c'est un peu la même chose.
    Désolée.

  (0935)  

    C'est très bien. Vous nous présentez un excellent témoignage.
    Madame Zahid, vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à vous trois de votre présence aujourd'hui. Merci de votre courage et de votre détermination, et d'être une fille et une soeur de membres des forces armées. Merci aussi de votre service envers notre pays.
    J'adresse ma première question à Mme Douglas, puis d'autres pourraient aussi commenter.
    La société a manifestement beaucoup évolué au fil des ans au sujet des LGBT et de l'égalité des femmes. Au Collège militaire royal, la culture a-t-elle changé? La nouvelle génération d'officiers et de recrues a-t-elle une nouvelle attitude? Y a-t-il une formation appropriée au niveau d'entrée pour renforcer cela? Comment pouvons-nous l'appuyer?
    Je ne suis pas aussi au courant que je pourrais l'être de la façon précise dont ces jeunes femmes, en particulier au Collège militaire royal ou aux autres organisations d'entrée, forment l'ensemble des officiers; je vous le signale simplement.
    Nous savons que les jeunes femmes d'aujourd'hui ont de nombreuses attentes, surtout celles qui vont à l'université. Elles sont intelligentes et dynamiques, et elles savent où elles sont dans la structure des organisations. Cela, combiné à une certaine instruction sur l'histoire récente, constitue le fondement d'un nouveau leadership progressif dans les forces armées. On le voit déjà maintenant.
    On dit bien qu'il est difficile de changer les vieilles habitudes. Je dis simplement qu'il est quand même possible d'amener les personnes ancrées dans la tradition ou dont l'idéologie est rétrograde à être des véritables dirigeants progressistes dans ce nouvel environnement.
    C'est ce qu'il nous faut voir chez nos dirigeants militaires actuels. Ils seront appuyés et encouragés et, à vrai dire, les nouvelles recrues venant des institutions militaires comme le Collège militaire royal insisteront là-dessus.
    Nous devons créer des Forces armées canadiennes plus inclusives et diversifiées.
    Absolument.
    Comment le faire?
    Tout se joue sur le recrutement, que la personne puisse se voir au service de son pays. L'idée de forces armées diversifiées a beaucoup de chemin à faire. Les femmes ne constituent que 15 % des Forces armées canadiennes. Il faut une plus grande diversité, tout comme dans toutes les sphères de la vie canadienne. En ce qui concerne les institutions militaires, comme le Collège militaire royal, je ne suis pas suffisamment au courant de ce qu'ils font maintenant pour pouvoir vous aider.

  (0940)  

    Madame Dewitt, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je ne peux pas vraiment vous en dire beaucoup sur le Collège militaire royal, mais je vois des officiers quotidiennement, puisque c'est mon travail de former des officiers. Je représente généralement leur première interaction avec un membre LGBT du monde transgenre, et ils sont généralement abasourdis et choqués: « Oh, mon Dieu, il y a une transgenre sur ce navire. Qu'est-ce que je fais? »
    Je les forme. Nous avons convenu avec le NCSM Venture, les gens qui forment les officiers à terre, que j'irais de temps à autre parler avec eux pour que ce soit une introduction graduelle avant qu'ils arrivent à bord du navire où ils auront à travailler directement avec moi.
    À ma connaissance, il y a un major... deux majors, le major Foss et je ne me souviens pas du nom de l'autre major. Il travaille au Collège militaire royal. Les officiers qui viennent du Collège militaire royal devraient avoir une certaine connaissance d'une personne transgenre.
    Là encore, tout commence par le recrutement. J'ai de nombreux amis qui auraient aimé entrer dans les forces armées. J'ai communiqué avec le centre de recrutement pour demander ce qu'ils devraient faire pour s'engager en tant que personnes transgenres, et les gens du centre de recrutement n'en avaient aucune idée. Ils ne savaient pas comment il faut traiter les personnes transgenres, ni même si elles sont autorisées à s'engager pendant qu'elles sont encore en transition.
    Je leur parle, je leur dis que leur transition physique et médicale doit être complète avant l'entrée dans les forces. J'ignore si c'est la politique. Je ne sais pas ce qui se passe, parce que je n'ai jamais trouvé de documentation disant le contraire. La personne soit arrête sa transition, fait son entraînement de base, puis fait sa transition médicale, soit fait sa transition médicale, puis s'engage dans les forces armées.
    Madame Roy, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. C'est intéressant. J'ai parlé avec un des nouveaux officiers avec qui je travaille. J'ai constaté que, parce qu'ils sont des millénaux et qu'ils sont plus jeunes, on suppose qu'ils ont de meilleurs antécédents et ils sont plus inclusifs, mais il n'en est rien. Certains le sont, certes, mais d'autres pas. Je crois que c'est toujours du pouvoir du groupe, le pouvoir du peloton et le pouvoir de l'idée « Qu'est-ce que les autres vont penser? » qui prime. Parfois, c'est ce qui fout tout en l'air. Une personne peut venir d'une famille très inclusive, avoir été élevée ainsi, etc., mais elle peut finir dans un groupe de personnes qui ne pensent pas de la même façon.
    Dans l'armée, souvent, on ne va pas dire ou faire quelque chose parce qu'on a peur d'être jugé par les autres. C'est un des problèmes, à mon avis. C'est une chose que nous devons éliminer — éliminer le pouvoir qu'elle exerce dès le départ. Je crois que oui, si nous formons nos nouveaux officiers et nous assurons de les joindre tous, s'ils finissent dans le même navire ou s'ils sont dirigés par une lesbienne ou une personne transsexuelle, ils réagiront bien.
    En fin de compte, tout se joue dans la formation.
    Je regarde l'heure. Je suis entièrement fascinée. J'aimerais accepter une question par groupe, pour que tout le monde puisse avoir une dernière question.
    Salma, voulez-vous décider qui a la prochaine question?
    Rachael, vous avez la parole pour une question. Soyez brève, deux minutes si possible.
    Emmanuella.
    Emmanuella.
    Nous avons donc Rachael, Emmanuella, puis Irene. Soyez succinctes. Bonne chance.
    Je vous adresse à toutes une question.
    Si vous deviez nous recommander une seule chose, quelle serait votre recommandation pour un changement au sein des Forces armées canadiennes?
    Je recommanderais une meilleure formation, que la question des LGBT fasse partie de la formation au niveau élémentaire ou au niveau du Collège militaire royal.
    Je recommanderais moi aussi une meilleure formation, avec le souvenir de l'histoire des forces armées, ainsi que des émotions et de la puissance de cette expérience. Conter l'histoire de vraies personnes permet davantage de s'identifier et, à mon avis, intensifie le sentiment de responsabilité des personnes quand elles pensent à leurs propres actions.
    Un autre élément, connexe, est le fait que les choses vont du haut vers le bas. Si l'ordre est donné, ce sera fait et je crois que la différence sera tangible.

  (0945)  

    Michelle, bien qu'il soit triste, mais je montrerais The Fruit Machine à tous les militaires. Pourquoi ne pas aller directement à l'essentiel et obtenir les résultats? Nous savons que cela fonctionne, que c'est un bon film. C'est exactement comme il le montre. C'est un bon sujet, à mon avis.
    Merci.
    Emmanuella.
    Je n'ai pas encore eu l'occasion de vous remercier. Merci à toutes de votre présence aujourd'hui et de ce témoignage extraordinaire.
    Vous avez toutes les trois mentionné l'existence de politiques; or, si les politiques sont excellentes sur papier, elles ne sont pas toujours suivies. Quelles seraient certaines des façons dont les politiques pourraient être appliquées, comme Opération Honneur ou même un centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle? Ces outils seraient-ils plus efficaces? Que proposeriez-vous que les dirigeants fassent pour s'assurer que tous les grades obéissent?
    Ils pourraient tenir des tables rondes lors des séances ou des assemblées au sein de leurs unités. Les dirigeants de ces unités pourraient demander une rétroaction précise.
    Je crois que cela pourrait faire partie d'un système d'évaluation de la responsabilisation. S'il y avait une rétroaction en découlant, on peut espérer que celle-ci serait sincèrement entendue. Elle pourrait être transmise à leurs supérieurs, et figurer dans certains des rapports annuels ou des outils d'évaluation qui sont utilisés. Si cela est fait, je crois qu'on entendrait des voix réelles à la base présentant leur opinion et se tenant responsables de l'exécution grâce au processus d'évaluation. Ce pourrait être une des façons de combler l'écart entre la politique et l'action.
    Je suis tout à fait d'accord en ce qui concerne les tables rondes, parce que les diaporamas PowerPoint ne fonctionnent pas. Nous avons été assommés à mort de diaporamas tant de fois au cours de notre carrière qu'ils ont perdu le pouvoir d'épater. Une table ronde à laquelle des questions sont posées et les gens présentent leur rétroaction est un meilleur moyen d'arriver au but.
    Je suis tout à fait d'accord pour ce qui est de la table ronde. Je vais justement assister à une à Longue-Pointe — je crois bien que c'est ça. La communauté LBGTQ a toutes sortes d'organisations. Ici, à Montréal, elle demande l'aide de ces organisations et de l'armée, et les invite à présenter des exposés.
    Pourquoi pas? Pourquoi ne pas s'ouvrir à l'extérieur? Dans l'armée c'est toujours l'armée, et les autres sont des civils. Eh bien, je suis d'avis que maintenant, les civils peuvent venir aider l'armée dans ces tables rondes, avec des exposés et une bonne collaboration avec ces organisations. Il y en a partout au Canada.
    Ce pourrait être une bonne initiative qui serait utile.
    Génial.
    Merci beaucoup.
    Irene, vous avez la parole pour la dernière question.
    On a parlé d'un fonds de réconciliation, un investissement de 15 à 25 millions de dollars.
    Vous avez parlé de la formation, puis vous avez parlé d'un monument, mais quelle forme la formation prendrait-elle, en ce qui concerne le fonds?
    Madame la présidente, j'ai une question pour vous. Pensez-vous que nous pourrions visionner le film The Fruit Machine?
    Oui, tout à fait.
    J'aimerais beaucoup vous entendre davantage.
    En ce qui concerne le Fonds Purge LGBT, un fonds de 15 à 25 millions de dollars a été établi à la suite du recours collectif intenté par les victimes de purge LGBT au Canada. On estime que quelque 9 000 personnes ont été victimes d'une discrimination systémique entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1990. Cela représente 9 000 Canadiens victimes de cette forme de discrimination. À l'heure actuelle, il est possible que moins de 1 000 soient encore vivants.
    Ce fonds prévoit, entre autres, de trouver des moyens de collaborer avec la fonction publique du Canada, la GRC et les forces armées pour recruter une personne experte en la matière qui pourra examiner et amplifier les programmes de formation actuels afin de faire en sorte que les termes « inclusion » et « diversité » ont une signification réelle, que ce ne sont pas de simples notions ou concepts, mais une réalité.
    Nous ne faisons que commencer. Nous n'avons reçu qu'en mars 2019 notre premier paiement de 15 millions de dollars du gouvernement du Canada découlant de ce recours collectif; par conséquent, notre organisation est encore à l'état embryonnaire. Nous travaillons fort et vite pour une mise en oeuvre rapide.
    Nous recevons un bon soutien, un soutien des niveaux supérieurs, une bonne chose à laquelle nous n'étions pas habitués. Ça fait du bien d'avoir de l'argent et de pouvoir offrir une formation nouvelle et rafraîchie à ces organisations.

  (0950)  

    Merci.
    Pour répondre à cette question, Irene, voici comment j'ai rencontré certaines de ces merveilleuses témoins; j'ai rencontré Michelle Douglas par le truchement de The Fruit Machine. Nous l'avons présenté l'an dernier. Je ne suis pas sûre de ce que nous pourrons faire au cours des prochains jours, mais je peux vous dire que nous l'amènerons à London.
    Une fois de plus, j'aimerais remercier beaucoup Danielle Dewitt, Michelle Douglas et Martine Roy pour leur témoignage percutant aujourd'hui.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes avant d'aborder les travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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