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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 101 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 17 avril 2018

[Énregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance du Comité qui s’amorce est consacrée à une question très sérieuse, à une proposition qui permettra au Canada de progresser sur le plan de la réconciliation, après les erreurs commises au cours de l’histoire. Je suis très heureuse de vous accueillir.
     Je commencerai par souligner que nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin. Il s’agit de rappeler l’importance de la démarche entreprise, non seulement à cause de sa valeur de symbole, mais aussi parce qu’elle rappelle à tous les Canadiens leur histoire et le fait qu’il reste bien des travaux inachevés. Il s’agit d’une discussion très opportune et importante, et nous avons hâte de vous entendre, conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 7 février 2018, sur le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Vous comparaissez pour nous présenter vos exposés. Chacun dispose de 10 minutes, après quoi nous passerons aux questions des députés.
    Paul, allez-vous commencer? Ensuite, j’inviterai Dwight à intervenir.
    Bienvenue.
     Merci, madame la présidente.
    Compte tenu de la nature du sujet, je devrais me présenter brièvement et dire un mot de mes antécédents. Je suis un Michif du Manitoba. Je suis l’un des 12 enfants d’un trappeur, pêcheur et menuisier métis. Je suis né en 1943. J’ai vécu dans des circonstances très différentes de celles d’aujourd’hui. Je suis un professeur de droit à la retraite et un avocat en exercice, et j’ai passé quelque 28 ans à participer périodiquement aux délibérations de Genève sur la Déclaration des Nations unies.
    Je vais aborder trois points fondamentaux. Le premier concerne l’interprétation du texte de la déclaration pour l’appliquer au Canada. Je m’oppose à l’approche formaliste. Je ferai également valoir la nécessité d’une politique fédérale de reconnaissance rationnelle et défendable à l’égard des peuples autochtones visés par l’article 35. Enfin, je soutiendrai que, dans l’élaboration du plan d’action envisagé dans le projet de loi C-262, il faut tenir compte de la Commission royale sur les peuples autochtones, qui a présenté son rapport en 1996. Je dois déclarer en toute honnêteté que j’ai été membre de cette commission.
    Tout d’abord, l’interprétation du texte. Je commencerai par insister sur les déclarations importantes du préambule du projet de loi, affirmant que les droits ancestraux et issus de traités ainsi que les droits de la personne sont des valeurs et des principes fondamentaux de la Constitution du Canada. Nous savons donc qu’aucune idée qui nous soit étrangère n’est immiscée ici. L’hésitation initiale du Canada et son refus d’adopter la Déclaration ont constitué un recul plutôt honteux par rapport à ce qu’un ami et collègue a décrit comme l’image du Canada à l’étranger, soit celle d’un boy-scout. Comme vous le savez, les efforts déployés par le Canada sur la scène internationale depuis l’époque de Lester Pearson ont projeté cette image. Il me semble que l’adoption du projet de loi C-262 aiderait à laver l’honneur du boy-scout.
    Excusez-moi de lire servilement une partie de ces notes, mais cela m’aide à ne pas céder à ma propension à prendre un ton professoral, moi qui ai eu une longue carrière universitaire.
    L’opposition à l’adoption de la Déclaration semble s’appuyer, du moins aux yeux du public, sur des raisons qui découlent d’une approche formaliste de son interprétation. L’exégète ne doit pas se laisser séduire par un examen attentif de chaque mot dans un texte. N’oublions pas que le texte de la Déclaration existe dans six langues officielles très différentes. Pour interpréter la Déclaration, il faut rejeter l’approche formaliste, qui consiste à prendre isolément chaque mot, chaque expression. Dans chaque cas, nous devons tenir compte de la pertinence des diverses normes en matière de droits de la personne qui sont énoncées dans la Déclaration, ainsi que d’autres normes en droit international, et les appliquer aux circonstances propres au Canada.
    Une approche réaliste de l’interprétation cherchera à appliquer à chaque situation qui concerne les relations entre l’État et les peuples autochtones les principes et les valeurs qui sous-tendent la Déclaration, intégrés comme ils doivent l’être aux valeurs des peuples autochtones sur lesquelles les faits attirent l’attention. La question porte sur la façon dont les normes en matière de droits de la personne, vues globalement, devraient s’appliquer aux faits de chaque cas. Il s’agit moins de voir ce que dit la Déclaration que de comprendre ce qu’elle signifie.

  (1540)  

    Le Canada doit commencer à accepter l’existence d’un pouvoir et d’une autorité qui découlent de sources diverses. J’insiste sur le fait que la Déclaration vise à orienter les relations entre l’État et les Autochtones. Par conséquent, au bout d’un certain temps, après que le Canada aura adopté la Déclaration et mis en oeuvre le projet de loi C-262, si nous avons mis au premier plan les valeurs et les objectifs de la Déclaration, cette approche de l’interprétation nous permettra de dire: « Eh bien, nous nous entendons mieux maintenant, n’est-ce pas? » N’est-ce pas là le véritable objectif?
    Deuxièmement, le Canada doit adopter une politique défendable de reconnaissance des peuples autochtones, au sens de l’article 35, et s’acquitter de son devoir constitutionnel de rendre réels les droits qui y sont prévus.
    Qui sont les peuples autochtones? J’ai un livre qui porte précisément ce titre. À Genève, personne du côté autochtone ne voulait aborder cette question. Certains États étaient réticents à accepter la Déclaration sans définition. Ce que je veux dire, c’est que l’adoption de la Déclaration ne fera pas grand-chose pour favoriser une meilleure compréhension des enjeux, et c’est une question très délicate.
    Les questions les plus importantes concernent la réaction à la reconnaissance des droits des peuples autochtones en 1982. Notre problème se rattache à l’histoire, à la politique que le Canada a eue par le passé et qui est enracinée dans la Loi sur les Indiens. Unilatéralement, en violation des traités, cette loi était censée offrir une reconnaissance juridique aux Indiens. Le problème, c’est que l’Indien est un fantôme de l’imagination européenne.
     Les peuples autochtones du Canada, ceux qui sont ici en tant qu’Autochtones ou depuis le début, sont les Micmacs, les Tlingits, les Cris, notamment les Haïdas, et ainsi de suite. Les descendants de certains des peuples autochtones qui n’ont pas été reconnus dans la loi essaient de se faire reconnaître comme faisant partie des peuples autochtones visés par l’article 35.
    Le nom qui a été utilisé par le passé pour désigner ces personnes est celui d’Indien non inscrit. Leur situation est devenue plus embrouillée à cause du grand nombre de personnes métisses qui, depuis les années 1980, ont demandé à se faire reconnaître. Comme les tribunaux l’ont statué, l’article 35 affirme des droits fondés sur les relations historiques entre l’État et les peuples autochtones, et non sur des antécédents personnels. Un des points à retenir, c’est que les consultations qui doivent avoir lieu en vertu du projet de loi C-262 doivent tenir compte de ces faits.
    Mon dernier point concerne le plan d’action national et les consultations. Il faudrait examiner sérieusement les analyses et les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones. Même la récente Commission de vérité et réconciliation a recommandé une proclamation royale comme bon point de départ symbolique. Le gouvernement fédéral a lui-même réorganisé ses structures en les divisant en deux ministères. J’ai publié des observations à ce sujet dans les médias.
     Une conférence des premiers ministres s’impose, car il faut que les provinces soient parties prenantes si nous voulons que la Constitution et les traités soient efficaces et que la Constitution soit légitime. Il faut concevoir de nouvelles institutions. Je ne vois pas de modèle plus important que celui du Tribunal des traités et des terres autochtones. Je vous exhorte vraiment à jeter un coup d’oeil au volume 2 de l’analyse de la CRPA, qui mène à la recommandation d’un tribunal des terres et des traités autochtones. La politique sur les revendications particulières et les politiques connexes ne fonctionnent vraiment pas, et il faudrait les rejeter.
    Je vais respecter les contraintes de temps, madame la présidente.

  (1545)  

    Merci.
    Monsieur Newman, à vous. Vous avez un maximum de 10 minutes.
    Bonjour. C’est un honneur de m’adresser au Comité dans le cadre de son étude du projet de loi C-262. J’aimerais également saluer le peuple algonquin sur le territoire duquel cette séance a lieu.
    Je m’appelle Dwight Newman. Je suis professeur de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits des Autochtones en droit constitutionnel et international, à l’Université de la Saskatchewan.
    Je comparais avec tout le respect que je dois aux nobles aspirations que le projet de loi C-262 traduit et aux efforts passionnés et soutenus du député qui l’a présenté, à l’appui qu’apportent au projet de loi beaucoup d’organisations de la société civile et à l’importance profonde pour le Canada de travailler à la concrétisation des aspirations dont la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones s’inspire.
    Je vais cependant faire valoir un point de vue différent de celui de certains autres témoins. Je suis venu vous dire que, selon moi, le projet de loi C-262, dans sa forme actuelle, risque d’avoir d’énormes conséquences imprévisibles. Il y a tout un éventail d’effets juridiques hautement imprévisibles à cause de deux facteurs: l’incertitude à l’égard des normes internationales en cause et les problèmes de rédaction législative dans le projet de loi même.
    Au cours des prochaines minutes, je vais essayer de vous exposer quelques éléments, mais je vous renvoie également à mon mémoire pour que vous puissiez vous y reporter ultérieurement, notamment à propos de certains problèmes de rédaction législative.
    À mon avis, le projet de loi pourrait avoir un très large éventail de répercussions. Les tribunaux risquent de ne lui accorder aucun poids ou au contraire de lui donner des effets énormes et inattendus qui pourraient, sans que cela soit recherché, causer des lacunes sur le plan de la gouvernance, par exemple l’abrogation implicite éventuelle de lois existantes, ou alors des effets juridiques qui pourraient dépendre de façon compliquée de l’ordre dans lequel les différents projets de loi actuellement à l’étude au Parlement seront adoptés.
    Je m’explique dans un instant, mais ma dernière question est la suivante: ne serait-il pas préférable que le Parlement détermine avec plus de précision ce qu’il essaie de faire et adopte un projet de loi clair pour faire exactement ce qu’il souhaite?
    Dans les quelques minutes qui me sont allouées, j’aborderai trois points principaux, l’un concernant le contenu de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, le deuxième portant sur les problèmes de rédaction du projet de loi et le dernier, rapidement, affirmant qu’il faudrait inviter d’autres comités à faire une analyse approfondie du projet de loi.
    Premièrement, le fond de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fait lui-même l’objet de plus de débats qu’on ne le pense souvent, et une loi s’inspirant de la Déclaration n’est pas moins sujette aux incertitudes qui découlent de ces débats en cours. Pour vous donner un exemple frappant, un certain nombre d’articles de la Déclaration invoquent la notion de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Certains de ces articles font référence à l’obligation d’obtenir ce consentement avant de prendre certaines mesures, et d’autres disent qu’il faut tenter, par la consultation et la coopération, d’obtenir le consentement. Le premier rapporteur spécial après l’adoption de la Déclaration, James Anaya, a accordé de l’importance à cette différence et a avancé que les obligations découlant de divers articles pouvaient varier.
    Dans les années qui ont suivi, de façon générale, les études en droit international ont donné lieu à trois interprétations principales de la Déclaration sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Il existe à propos de cette question une littérature de plus en plus volumineuse, mais je pourrais dire que le chapitre de Mauro Barelli dans le nouveau commentaire d’Oxford sur la Déclaration, publié cette année, constitue un document particulièrement utile pour décrire certaines de ces notions.
    Une interprétation s’en tient au texte de façon plus stricte et dit que, dans certaines circonstances, la Déclaration dispose qu’il suffit de demander ce consentement de bonne foi sans nécessairement l’obtenir. J’ai laissé entendre que c’est la position implicite que le document sur les 10 principes du Canada, publié l’été dernier, a prise un peu sournoisement, comme je l’ai fait valoir dans une lettre d’opinion, mais on peut soutenir que cette interprétation est plus conforme à la version française de la Déclaration et à une des interprétations possibles de la version anglaise.
    Selon une deuxième interprétation, l’exigence du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause correspond vraiment au type de processus requis et il est possible de s’éloigner de la discussion sur le consentement lui-même dans la mesure où on a le bon type de processus axé sur le consensus. Cette interprétation cadre avec l’approche de nombreux praticiens qui essaient d’utiliser de façon concrète cette notion du consentement.
    Selon une troisième interprétation, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause constitue un droit fondamental analogue au veto, et cette interprétation est, et continue d’être, encouragée par de nombreux défenseurs des intérêts des Autochtones, dont l’universitaire Pam Palmater est un exemple illustre au Canada.
    Dans le contexte du projet de loi C-262, quelle que soit l’interprétation de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les conséquences juridiques sont radicalement différentes. Faire abstraction de ce fait est une source de difficultés pour tout le monde.

  (1550)  

    Ce que nous avons observé la semaine dernière concernant le pipeline Trans Mountain montre à quel point l’incertitude juridique peut influer sur le climat d’investissement, qui devrait être propice à la prospérité des Canadiens autochtones et non autochtones, mais il s’agit cette fois, évidemment, d’un projet qui est loin de faire l’unanimité.
    Ce que je veux dire, surtout, c’est que l’incertitude juridique n’aide personne et que le projet de loi à l’étude risque d’entraîner de nouvelles incertitudes dans le droit canadien parce qu’on ne sait pas trop à quoi s’en tenir au sujet de la Déclaration elle-même.
    Deuxièmement, le projet de loi tel qu’il est présenté comporte d’importants problèmes de rédaction législative. Je les explique plus en détail dans mon mémoire, mais je vais en évoquer brièvement quelques-uns.
    Premièrement, il utilise un certain nombre de termes juridiques qui n’ont jamais ou presque jamais été utilisés auparavant dans les lois canadiennes, ce qui signifie que, essentiellement, on parie sur la façon dont les tribunaux pourraient les interpréter. Conséquence? Il se peut que tout le projet de loi devienne, à une extrême, purement symbolique, ou que, à l’autre extrême, il ait des effets très importants. Ou bien il se peut que le résultat se situe n’importe où entre ces deux extrêmes.
    Deuxièmement, les différents articles du projet de loi font apparaître des tensions quant à savoir s’ils doivent être mis en œuvre immédiatement, s’ils doivent l’être sur une période de plusieurs décennies ou encore sur une période qui se situe entre les deux. Cela pourrait compromettre la clarté du sens.
    Troisièmement, les versions anglaise et française du projet de loi pourraient ne pas correspondre. Les versions françaises des termes du texte anglais ne sont pas les mêmes que les termes français utilisés pour les mêmes termes anglais dans d’autres lois, ce qui laisse entendre encore une fois qu’il y a peut-être d’autres questions de rédaction à examiner attentivement.
    Quatrièmement, l’interaction entre le projet de loi et d’autres lois ou projets de loi risque d’être vraiment complexe. Dans mon mémoire, je traite de la question en entrant dans les détails juridiques d’une façon qui est probablement un peu pénible, mais je dirais que, si les tribunaux donnaient vraiment du sens au projet de loi, cela risquerait d’entraîner l’abrogation implicite d’autres lois ou dispositions d’autres lois — peut-être de la Loi sur les Indiens — du jour au lendemain, ce qui pourrait aboutir à des lacunes en matière de gouvernance et à des vides juridiques. Ce n’est pas ainsi qu’il faut abolir la Loi sur les Indiens. Il faut l’abolir, bien sûr, mais cela devrait se faire de façon claire, sans susciter des problèmes pour les collectivités autochtones qui en utilisent les structures de gouvernance.
    Je soulève également la possibilité que, en raison des principes juridiques relatifs aux multiples lois promulguées par le Parlement, la signification des projets de loi C-68, C-69 et C-262, s’ils étaient tous adoptés, risque d’être fort différente, selon l’ordre où ils seront adoptés. Sauf votre respect, il faut avoir un plan cohérent, et il faut que la rédaction législative soit plus claire, si nous voulons régler certains de ces problèmes.
    Troisièmement, très brièvement, le projet de loi C-262 a le potentiel, voire l’objectif d’influer sur un vaste éventail de domaines du droit canadien. Le Comité seul est-il bien placé pour examiner les effets d’un article comme l’article 3 du projet de loi sur le régime de propriété intellectuelle du Canada? Peut-il, seul, examiner les répercussions de la Déclaration sur les divers contextes où se manifeste la liberté de religion?
    Dans mon mémoire, j’énumère quelques-uns des domaines très vastes de l’élaboration des politiques qui pourraient être touchées si le projet de loi était adopté, et sur quoi le projet de loi vise effectivement à avoir une incidence. Sauf votre respect, il s’agit d’un projet de loi analogue à un projet de loi omnibus qui, à mon avis, mériterait l’attention de presque tous les autres comités du Parlement. Je vous exhorte à examiner plus à fond ses effets.
    Pour conclure, je dirai que, à mon avis, le projet de loi C-262 mérite une étude et une analyse plus poussées. La rédaction n’est pas à la hauteur de toutes les normes d’excellence en rédaction législative, alors qu’il s’agit d’un projet de loi qui doit servir l’intérêt des peuples autochtones et est censé appuyer une meilleure relation entre les peuples autochtones et les autres Canadiens. Il y a tout un éventail d’effets hautement imprévisibles dans presque tous les domaines de la politique gouvernementale, et ces effets méritent d’être étudiés. Il se peut que des amendements puissent améliorer le projet de loi, mais ils doivent être élaborés avec le concours d’experts en rédaction législative comme ceux du ministère de la Justice. Je présume toutefois que ce ministère n’a pas apporté à cet égard un appui suffisant au Comité jusqu’à maintenant.
    Le gouvernement s’est engagé à apporter son appui, mais j’espère que nous obtiendrons d’autres résultats concrets dans les détails du projet de loi, et qu’il y aura un soutien à la rédaction législative, de sorte que les engagements du gouvernement à l’égard de la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones se concrétisent de la façon qui répond le mieux à ces engagements.

  (1555)  

    J’exhorte le Comité à demander un soutien plus solide pour son étude du projet de loi et à ne pas se contenter des brèves déclarations faites par les fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont comparu devant lui jusqu’à maintenant.
    Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de discuter plus à fond de ces questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer aux questions…
     Monsieur Richardson.
    Je ne vous blâme pas. Après avoir fait tout ce chemin…
    FJe m'appelle Miles Richardson. Je suis de la nation haïda, sur la côte Ouest. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. J'aimerais saluer le peuple algonquin, la nation algonquine, sur le territoire de laquelle nous sommes réunis aujourd'hui pour cette très importante discussion.
    Je tiens à remercier Romeo Saganash et tous les parlementaires pour ce projet de loi qui constitue, selon moi, un important jalon sur le chemin conduisant au rétablissement de la relation entre le Canada, en tant qu'État-nation, et les peuples autochtones qui ont été les premiers occupants de cette terre qui est notre patrie à tous et que nous appelons aujourd'hui le Canada. Je pense qu'il est grand temps de rétablir correctement cette relation.
    Ce n'est pas la première fois que nous nous trouvons à cette croisée des chemins, et le choix que nous devons faire est très simple. Il y a deux routes devant nous. Nous pouvons rester sur la même route, la route coloniale, celle du déni et de l'assimilation, en continuant à appliquer la Loi sur les Indiens et à soutenir les actions que la Commission de vérité et de réconciliation a confirmé être mauvaises pour nous tous. Je suppose que nous pourrions continuer sur cette route. En revanche, nous pourrions choisir l'autre route, la bonne à mon avis, celle que le gouvernement du Canada a affirmé avoir choisie pour notre pays, celle qui établit une juste relation de nation à nation entre chaque peuple autochtone et le Canada en tant qu'État.
    Le projet de loi C-262 est un jalon sur ce chemin qui, à mon avis, est le bon. En 1763, nous avons été confrontés au même choix. À l'époque, les Premières Nations de cette région du pays avaient un peu plus de poids, je dirais, face au Canada. Tout le monde connaît l'histoire. Sa Majesté le roi de Grande-Bretagne a pris l'engagement, à Niagara Falls, d'établir une relation avec les peuples autochtones, une relation qui n'affecterait en rien nos pouvoirs, nos intérêts ou nos champs de compétence, sans notre consentement donné en vertu d'un traité conclu avec la Couronne.
    C'est l'engagement que la Grande-Bretagne a pris à Niagara Falls. Les 27 tribus et nations de la côte Est ont par la suite rencontré ses représentants et ont pris des engagements, symbolisés par le wampum à deux rangs et la chaîne d'alliance. Les Haudenosaunee et d'autres nations ont pris des engagements qui auraient, encore aujourd'hui, l'assentiment des Premières Nations. J'ai discuté avec mon peuple. J'ai dirigé une grande partie de nos négociations et je peux dire que notre volonté d'être respectés en tant que nation et de collaborer dans le cadre constitutionnel du Canada est tout à fait conforme aux engagements représentés dans le wampum et à ceux pris à Niagara Falls. Il s'agissait d'engagements honorables qui n'ont pas fait long feu.
    L'an dernier, nous avons célébré les 150 ans du Canada. Néanmoins, dès le début des négociations des traités 1 à 11, le Canada n'a pas tardé à oublier ses engagements et à rédiger l'une des premières lois de ce Parlement, la Loi sur les Indiens, de même que la politique de déni de notre humanité et de nos droits fondamentaux. Voilà pourquoi nous en sommes là aujourd'hui.
    Je vous exhorte tous, en tant que parlementaires, à collaborer avec le gouvernement du Canada à l'établissement de cette relation positive de nation à nation. Le projet de loi C-262 est un début, comme le dit mon ami. Il ne peut être la fin. Il requiert une approche pangouvernementale. De nombreux débats sur les répercussions législatives et la portée de cette relation auront lieu. Plus nous retarderons l'adoption du projet de loi, plus nous entretiendrons l'incertitude. Nous allons être souvent confrontés à des situations comme celle que nous connaissons aujourd'hui sur la côte Ouest; c'est un exemple parmi d'autres. Dans le contexte actuel, c'est tellement prévisible.

  (1600)  

    En nous engageant à établir une relation de nation à nation, nous devrions être guidés par les appels à l'action 43, 44 et 45 de la Commission de vérité et de réconciliation, que vous pouvez tous lire.
    Dans son appel l'action 43, la Commission nous invite à fonder notre cadre de réconciliation sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le principe du consentement libre, préalable et éclairé. C'est là une sage recommandation. S'agissant d'une relation de nation à nation, nous ne devrions pas être rebutés par le principe du consentement. Nous parlons de respect mutuel et d'égalité, et je peux vous dire que mon peuple, le peuple haïda, n'attend rien de moins. Nous nous présentons toujours à la table des négociations avec cet espoir et en acceptant que, comme le sage juge de la Cour suprême l'a affirmé dans l'arrêt Delgamuukw, nous sommes tous ici pour de bon et que nous pouvons établir ce cadre constitutionnel, y compris l'article 35, qui place notre droit autochtone sur le même pied que le droit canadien.
    Nous pouvons y arriver, mais il faudra s'y engager. Compte tenu de toutes les nuances que nous devons examiner, la seule chose qui comptera, c'est la volonté politique. Si vous regardez le travail accompli par les tribunaux depuis 25 ans, vous constaterez qu'un grand nombre de Premières Nations ont réussi à faire reconnaître leur titre, ce qui a conféré une légitimité à la position que notre peuple a toujours défendue, depuis son premier contact avec les Européens.
    Qu'est-ce qui a changé? Pas grand-chose. Savez-vous pourquoi? Parce que le Parlement et les assemblées législatives n'ont pas fait leur travail. Ces lois ne riment à rien. Vous avez été élus comme parlementaires. Ces lois et ces décisions des tribunaux ne riment à rien si vous ne les appliquez pas. Le projet de loi C-262 vous donne une autre chance d'agir correctement.
    Je voulais vous raconter une histoire sur l'affaire Sparrow et vous dire comment cela... J'ai fait partie du groupe de travail sur les revendications de la Colombie-Britannique, chargé de concevoir le processus de négociation de traités pour cette province au début des années 1990, au moment où la Commission royale sur les peuples autochtones tenait ses audiences. Nous avions une idée là-dessus. Nous avions une reconnaissance mutuelle de gouvernement à gouvernement, mais dès que les Premières Nations ont été reconnues, nous avons dû prendre des mesures provisoires pour harmoniser toutes les lois fédérales et provinciales qui n'avaient encore jamais défini le titre ou le droit ancestral.
    Le ministre des Pêches s'est envolé vers la Colombie-Britannique pour rencontrer les Premières Nations. Je me rappelle qu'il nous a annoncé qu'il avait un problème parce que six mois auparavant, la Cour suprême du Canada avait rendu sa décision dans l'affaire Sparrow. Les peuples autochtones avaient des droits de pêche, et le ministre devait agir en conséquence. Il voulait une mesure provisoire.
    Nous avons commencé à négocier une mesure provisoire qui est devenue la politique sur les pêches autochtones. L'intention de départ était bonne, mais la situation a très rapidement dégénéré et Ottawa a repris sa bonne vieille habitude d'imposer ses règles et de nous donner notre part.
    Nous voilà maintenant près à reprendre la route, mais le Parlement a raté une belle occasion et les tribunaux... En 1996, il y a eu la décision sur les oeufs de hareng, une victoire éclatante pour les Heiltsuk. Ils ont obtenu le droit de vendre des oeufs. Il y a quelques années, la décision Ahousaht a maintenu leur droit de vendre tout le poisson pêché dans leurs territoires et, pourtant, ils sont encore là, sur la plage, à regarder tous les autres le faire.
    Aujourd'hui, nous assistons au bras-de-fer pour faire passer l'oléoduc de Kinder Morgan à travers la Colombie-Britannique. Nous allons tous en tirer des leçons, vous avez ma parole. Nous allons tirer des leçons de cette situation.

  (1605)  

    C'est malheureux. Malgré les engagements à établir une relation de nation à nation et l'importance de cette relation, les déclarations des derniers jours selon lesquelles l'oléoduc doit être construit coûte que coûte sont, pour moi, comme un message lancé à l'industrie et à ceux qui n'ont cessé de marginaliser les Autochtones durant toutes ces années leur confirmant que les droits autochtones ne signifient rien dans ce pays. C'est comme si on disait que les Autochtones auront les miettes une fois que ce projet sera terminé. Ce n'est tout simplement pas la bonne manière d'avancer.
    Le projet de loi C-262 est un pas dans la bonne direction. Il nécessitera beaucoup d'efforts et un profond engagement de la part de nous tous, mais c'est un pas dans la bonne direction.
    J'ai très hâte d'entendre l'exposé de Val Napoleon sur le droit autochtone. Si les négociations n'aboutissent pas, voilà comment les peuples autochtones obtiendront justice: en mettant en oeuvre nos lois et, j'imagine, en trouvant une solution dès que la poussière sera retombée.
    Je vous remercie, madame la présidente. J'ai hâte de poursuivre le débat.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions et c'est Will Amos qui commencera.
    Je remercie chaleureusement nos témoins. C'est vraiment extraordinaire de vous avoir parmi nous.
    Messieurs Newman et Richardson, je vais vous poser la même question, mais de deux points de vue différents. Je vais vous demander de répondre l'un après l'autre, si vous le voulez bien.
    Monsieur Newman, j'ai lu votre mémoire. Je suis content de voir que vous parlez des incertitudes potentielles, d'une série de risques juridiques potentiels pouvant, à votre avis, découler de la manière dont est formulé le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il est clair que les députés de ce côté-ci, de même que M. Saganash et notre gouvernement, sont très favorables à ce projet de loi, mais je pense que quiconque l'examine attentivement reconnaît qu'il y aura un traitement gouvernemental et un traitement judiciaire, quel que soit le projet de loi adopté.
    Si nous l'examinons dans sa forme actuelle, quelle direction devrions-nous prendre pour favoriser l'esprit de réconciliation — je vous invite d'ailleurs à présenter d'autres mémoires? Quels mécanismes pourraient être mis en place dans le cadre et au moyen de ce projet de loi pour dissiper certaines incertitudes et favoriser l'interaction entre les protections constitutionnelles existantes offertes aux peuples autochtones et leurs droits?
    Monsieur Richardson, je vous pose la même question, mais d'un point de vue opposé. Je crois comprendre que des gens sont réticents et se demandent si ce projet de loi finira par être adopté. Ils se demandent où cela nous mènera, mais, comme vous l'avez dit, de nombreuses décisions ont été rendues et votre nation est considérée comme un modèle à cet égard depuis des années. Comment donner plus de certitude et de clarté à ceux qui se demandent avec inquiétude si cette nouvelle loi ne nous plongera pas dans l'inconnu, si je peux m'exprimer ainsi.
    J'ai l'impression de vous demander de concilier vos points de vue ici même et maintenant.
    Je ne sais pas s'il est difficile de concilier nos points de vue parce qu'honnêtement, je ne crois pas être en désaccord avec ce que M. Richardson a dit. Je me pose cependant beaucoup de questions au sujet de ce projet de loi dans sa forme actuelle.
    Votre question est intéressante. Vous voulez savoir comment, précisément, ce projet de loi pourrait favoriser l'esprit de réconciliation. D'emblée, je vous signale que ce n'est pas facile pour moi de répondre à cette question pour deux raisons.
    Premièrement, je pense que le Parlement doit préciser l'objectif qu'il souhaite atteindre avec ce projet de loi. Est-il plus important de demander aux tribunaux de se prononcer sur diverses questions, comme semble le prévoir l'article 3, ou est-il plus important que le Parlement tranche lui-même? Je pense qu'il y a une opposition entre ces deux possibilités. Comme vous le dites, il y aura un traitement gouvernemental et un traitement judiciaire, mais il importe de réfléchir au traitement judiciaire qui découlera du choix qui sera fait.
     Le projet de loi C-641 déposé par M. Saganash durant une précédente législature ne contenait pas, si j'ai bien compris, toutes les dispositions du présent projet de loi. Nous devons donc nous demander si le fait que le projet de loi reprenne exactement les mêmes dispositions crée des problèmes, ou si ce n'est pas ce que le Parlement cherche justement à faire malgré les incertitudes qui pourraient en découler.
    La deuxième raison pour laquelle je ne suis pas la bonne personne pour répondre à cette question de manière exhaustive, c'est que certaines des questions que j'ai soulevées sont des questions d'interprétation juridique, un exercice que je suis souvent appelé à faire, mais celles-ci concernent la rédaction législative, et je ne suis pas un expert en la matière. Cela requiert une expertise très pointue. Il y a des spécialistes de la rédaction législative au ministère de la Justice et je pense qu'il est important de faire appel à leur expertise pour régler les questions de rédaction.

  (1610)  

    Avant d'entrer dans les détails juridiques et toutes les nuances pour savoir qui fait quoi et quelles lignes directrices il faut suivre, nous devons situer le contexte au niveau supérieur, celui des relations. La recommandation 45 de la Commission visant l'élaboration conjointe d'une proclamation royale moderne constitue un bon point de départ. Nous devons nous engager à établir une relation de nation à nation, entre le Canada, d'une part, et les Premières Nations, de l'autre. C'est un exercice ardu. Partout dans le monde, les gens prennent les armes avant d'y arriver. Je ne prétends pas que c'est facile, mais c'est le point de départ et c'est exactement ce que nous suggère la Commission.
    Nous avons la Proclamation royale de 1763. Nous devons la moderniser de manière à ce que le gouvernement du Canada, le Parlement du Canada, admette qu'il a fait fausse route, comme le lui a rappelé la Commission de vérité et de réconciliation. Le Parlement doit s'engager à le faire au nom de la nation. C'est la recommandation d'une commission royale moderne et nous devons formuler cette politique en accord avec les Premières Nations afin que ces discussions n'aient pas seulement lieu sur la Colline du Parlement. Elles doivent avoir lieu dans chaque ville, dans chaque foyer et dans chaque famille du pays. C'est justement ce que nous avons négligé de faire la dernière fois, à la fin des années 1700. Il est important de le faire. Nous sommes capables d'avoir ce débat.
    N'oublions pas que chaque Première Nation jouera un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre de cette loi. Je ne possède pas personnellement les droits des Haïdas. Je ne peux les exercer seul, ni avec ma famille ni avec ma communauté. C'est notre nation qui est la détentrice légitime des droits et du titre, et pour les exercer, nous devons prendre des décisions collectives en matière de gouvernance.
    Nous devons créer un espace et exercer nos droits dans un contexte contemporain. Comme la Commission royale sur les peuples autochtones l'a souligné, il y a environ 60 nations autochtones aujourd'hui dans le monde. Cette proclamation royale moderne ne serait qu'un début. Je ne pense pas que le moindre litige doive se retrouver devant les tribunaux. Si c'était le cas, nous n'en verrions jamais la fin.
    Nous pouvons établir des tribunaux mixtes pour nous assurer d'avoir à notre disposition des outils modernes de règlement de litiges afin d'en arriver à un accord ou à un consentement mutuel. C'est une tâche colossale, mais nécessaire.
    Je trouve que vous avez été très concis.
    Nous passons maintenant à Cathy McLeod.
    Je suis très contente des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui. Quelle que soit votre position sur le projet de loi C-262, je pense qu'il incombe à tous les partis au Parlement d'instaurer un climat propice à notre travail.
     Nous parlons du projet de loi C-262 qui décrit un segment important de la voie à suivre. Peut-être en existe-t-il une meilleure voie encore?
    Dans mon allocution d'ouverture à ce sujet, j'ai dit qu'il était dommage que ce projet de loi n'ait pas été présenté par le gouvernement, parce qu'il n'a pas été rédigé par des rédacteurs du ministère de la Justice. Monsieur Newman, puisqu'il s'agit d'un engagement que le gouvernement a pris à titre de signataire, ce projet de loi ne devrait-il pas être présenté par le gouvernement?
    J'aime votre façon d'expliquer les différentes interprétations de la notion de consentement. Vous en avez expliqué trois. Je pense que nous devrions adopter une interprétation commune ou que les peuples autochtones doivent s'entendre sur une interprétation commune de cette notion. C'est peut-être ce qui arrivera ultérieurement.
    Monsieur Newman, pourriez-vous glisser un mot là-dessus. Les différentes interprétations me préoccupent. Je pense que cette mesure législative devrait émaner du gouvernement.

  (1615)  

    Concernant votre première question, je ne sais pas si j'ai une opinion à ce sujet. Il s'agit ici d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Si le gouvernement décide de ne pas l'appuyer, je ne sais pas si le processus parlementaire est différent selon que le projet de loi est présenté par le gouvernement ou par un député. Par contre, si le gouvernement appuie ce projet de loi, j'espère qu'il investira les ressources nécessaires pour s'assurer qu'il sera rédigé de la meilleure façon possible; il devrait aussi aider le parrain — s'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire — à veiller à ce que sa rédaction soit impeccable.
    Quant à votre deuxième question, je pense qu'il est irréaliste de vouloir que les peuples autochtones ou que tous les universitaires autochtones s'entendent sur la définition de consentement. Cela n'arrivera pas de sitôt.
    La question que je poserais, dans ce cas, est la suivante. Le projet de loi doit-il préciser quelle est la définition de consentement adoptée par le gouvernement, au lieu de faire référence à un instrument qui suscite un débat sans fin sur la signification de ce terme. Je pense que c'est justement là que surviennent les complications quant à la meilleure façon de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. La meilleure solution consisterait peut-être à ajouter une disposition précisant que la Déclaration est intégrée à la loi canadienne.
    Les avocats devront ensuite conseiller les gens quant à sa signification de ce terme, puisqu'il n'a encore jamais été utilisé dans aucune loi. Ils doivent les informer de ce qu'il signifie dans le cadre de diverses décisions gouvernementales au sujet desquelles leurs clients essaient de faire des prédictions. À mon avis, c'est une tâche très difficile. Il serait vraiment avantageux pour tout le monde de préciser dans le projet de loi quelle définition le gouvernement a adoptée.
    Je crois que vous avez encore une fois souligné certains points dont j'ai parlé, qu’il s’agisse du projet de loi C-45, du projet de loi C-68 ou C-69.
    Je veux parler de Kinder Morgan parce que je pense que c’est un assez bon exemple des défis que nous avons à relever. Je pense qu’un projet minier est assez facile en ce qui concerne le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, l’identification du territoire où il se trouve et l’assurance que les droits et les titres sont respectés et reconnus et que les projets progressent.
    Vous avez parlé des préoccupations de votre communauté, monsieur Richardson. J’ai des chefs qui examinent ce pipeline et qui disent: « Nous en avons parlé dans notre communauté. Ils ont voté à 85 % en faveur. Un tiers du pipeline passe par notre territoire. » Des communautés sont établies tout le long du tracé du pipeline, et ce n’est pas seulement une question d’ententes sur les avantages. Ils en ont parlé dans leurs communautés, et même si 85 % n'est pas 100 %, c’est tout de même une proportion importante.
    C’est un peu comme pour les Canadiens en général. Certains ont des opinions très tranchées sur cette question. Comment le gouvernement pourra-t-il, si nous avons un projet de loi comme C-262, harmoniser toutes ces considérations importantes? Encore une fois, je regarde les communautés, les Shuswap qui sont établis principalement dans une région.
    C’est difficile. C’est compliqué. Je sais que nous avons examiné ce problème jusqu’à minuit hier soir. C’est important et je m’inquiète de ce que nous allons faire pour nous assurer de respecter les droits tout en continuant d’aller de l’avant avec des projets qui sont importants pour tous ceux qui vivent dans ce pays.
    M. Newman, puis M. Richardson pourraient peut-être nous en parler.

  (1620)  

    Vous pouvez commencer.
    Je ne plaisante pas. Lisez le compte rendu de la Commission royale sur les peuples autochtones. Toutes les réponses aux questions que vous avez posées sont là. Cela remonte à plus de 20 ans.
    Cela signifie que... Tout commence par la reconnaissance. Cela fait partie du projet de loi. Cela fait partie de la relation de nation à nation et de la reconnaissance du statut de nation. Pour ce qui est des peuples autochtones, cela signifie qu’ils doivent être reconnus comme étant les détenteurs de droits et de titres ou participants aux traités. C’est très important.
    Ce qui se passe en Colombie-Britannique à l’heure actuelle, c’est que l’entreprise et les gouvernements fédéral et provincial s’adressent aux bandes indiennes et que celles-ci ne sont pas toujours associées aux bons droits et titulaires de titres; si vous voulez acheter un pont à San Francisco, j’ai une bonne affaire pour vous.
    Comme vous pouvez le constater, j’essaie de vous donner une idée de ce qui se passe. La reconnaissance est le point de départ, mais ce n’est pas ce qui se passe en ce moment.
    La parole est maintenant au député Romeo Saganash.
    Merci à tous les témoins présents aujourd’hui. J’apprécie vraiment votre contribution à notre travail relativement au projet de loi C-262, ainsi que vos commentaires, qui sont tous utiles selon moi. Je vais vous poser la même question à tous les trois.
    Nous vivons sous une suprématie constitutionnelle depuis 1982. La Cour suprême a récemment déclaré que les droits prévus dans notre Constitution — tant dans la partie I, la Charte des droits et libertés, que dans la partie II, les droits prévus à l’article 35 —, sont des dispositions parallèles qui servent à limiter les pouvoirs des gouvernements fédéral et provinciaux. C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
    J’ai une question très simple pour vous trois. Êtes-vous d’accord pour dire que les droits prévus dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne? C'est ainsi qu’ils sont perçus à l’échelle internationale.
    Deuxièmement, il est précisé au paragraphe 2(2) que ce projet de loi ne retarde pas l’application en droit canadien de la Déclaration des Nations unies. La Déclaration des Nations unies est décrite à l’article 3 comme un « instrument universel garantissant les droits internationaux de la personne et trouve application au Canada ». Comme on dit que ces droits sont intrinsèques, ils existent parce qu’il y a des Autochtones au pays.
    Je pose donc la même question à vous trois. Je n’ai que sept minutes, un seul essai, et c’est pourquoi je vous pose la même question à tous les trois.
    Pardonnez-moi mon ouïe très défaillante, mais je vais répondre à la question que j’ai entendue, à savoir si nous croyons que les droits énoncés dans la Déclaration sont de la même nature que des droits de la personne.
    Je réponds qu’ils font partie du régime international des droits de la personne. En conséquence, en ce sens, il s’agit indéniablement de droits de la personne.
    Si vous posez une question différente, si vous demandez comment la philosophie articule le caractère de ces droits, alors la question est ouverte. Je ne suis au courant d’aucune discussion philosophique qui précise la raison d’être des droits collectifs, mais ils existent. Ils relèvent de l’arène politique, et le monde entier a participé au merveilleux processus à Genève, à la formidable réalisation des représentants des États et des peuples autochtones qui ont produit cette déclaration, qui fait certainement partie du régime des droits de la personne.

  (1625)  

    Je suivrais l’interprétation du professeur James Anaya selon laquelle la Déclaration des Nations unies est essentiellement une déclaration normative au niveau international sur la façon dont les droits de la personne s’appliquent à la situation des peuples autochtones dans le monde. Je ne dis pas cela pour éluder la question; c’est ainsi que j'y répondrais.
    Ce que je dirais, c’est que ce n’est pas nécessairement un document qui s'applique comme une loi dans tous les pays du monde de la même façon. En conséquence, je ne suis pas certain que l’adoption de cette disposition et le fait de préciser à l’article 3 qu’elle s’applique en droit canadien — ce dont vous venez de parler — permettront de réaliser de la façon la plus souhaitable les objectifs de la Déclaration en matière de droits.
    S’agit-il de droits de la personne, cependant?
    C’est la première réponse que j’ai donnée. Les droits des Autochtones sont des droits de la personne, et la Déclaration des Nations unies constitue un important instrument normatif international concernant la façon dont les droits de la personne s’appliquent aux différentes situations...
    Vous dites toutefois qu’en ce qui concerne ces droits de la personne en particulier, nous devrions attendre un peu plus longtemps avant de les appliquer, et je ne suis pas du tout d’accord.
    Miles?
     Bien sûr, ce sont des droits fondamentaux de la personne. Je me considère comme un être humain. Je suis député, je suis citoyen d’une nation ancienne. Je suis de la génération vivante d’une nation ancienne qui a prospéré très efficacement sur ses terres ancestrales pendant des centaines de générations et des milliers d’années. Depuis des temps immémoriaux, nous existons à titre de sociétés organisées, la définition d’un peuple en vertu du droit international, et il y a de nombreux exemples au pays. Comme précisé dans le rapport de la Commission royale, il y a environ 60 peuples autochtones définis par une culture, des croyances, des langues et des institutions politiques et sociales communes. C’est donc un droit humain fondamental.
    Je pense qu’en ce qui concerne le droit canadien, nous devons commencer par établir des relations politiques et veiller à ce que ces lois s’y prêtent. La réalité de ces droits fondamentaux de la personne est bien réelle en ce moment. Je ne commencerai pas à exister, je ne me concrétiserai pas soudainement lorsque le Canada reconnaîtra mon existence. Non, j’existe déjà. Je suis un être humain compétent.
    C’est notre défi, et nous devons faire le pont entre ce que nous sommes et ce à quoi nous aspirons. Dans le processus des traités de la Colombie-Britannique, nous appelons cela des « mesures provisoires », mais je pense que vous vous êtes exprimé très clairement à ce sujet, Romeo.
    J’ai une brève question sur la notion d’incertitude.
    Miles et Paul, vous étiez là pendant les années constitutionnelles, et je pense que si vous comparez le concept des droits autochtones, personne ne savait exactement quel en était le contenu à l’époque. Nous voilà maintenant devant un projet de loi qui propose de préciser tous les droits intrinsèques des peuples autochtones.
    Lequel des deux éléments crée plus d’incertitude, les droits des Autochtones en général, la notion qui les sous-tend, ou la Déclaration?
    Un mot pour répondre, très rapidement...
    La Déclaration crée assurément plus de certitude.
    Il s’agit de questions très complexes et importantes. Nous devons apprendre à vivre dans l’incertitude. Il y a ici d’énormes débats philosophiques et culturels qui créent donc de l’incertitude. Ceux qui accordent trop d’importance à la lorgnette de l'interprétation ne sont peut-être pas aussi à l’aise avec l’incertitude qu’ils pourraient l’être.
    D’accord.
     On m'a livré un plaidoyer passionné. Le député Bossio souhaite en effet poser une question, mais il promet que ce sera très court, parce qu’il ne nous reste que 30 secondes.

  (1630)  

    Selon ce que j’en conclus... En fait, nous avons devant nous un groupe qui a parfaitement saisi le côté légaliste de la société et l'aspect nation à nation du débat.
    En fait, je dirais qu’il s’agit d’opposer la règle de droit immuable à la volonté politique, l'approche définie juridiquement à l'approche définie par une relation de nation à nation, et le projet de loi C-262 nous oblige à nous attaquer de front à cette question.
    Êtes-vous d’accord?
    Je suis d’accord avec vous, et je pense que le fait d’entrer dans les détails juridiques avant d’établir la relation et nos intentions dans le cadre de ces relations constitue la voie la plus sûre vers l'échec. C’est le meilleur moyen de tourner en rond, et cela fait partie du cercle vicieux des droits autochtones dont Romeo a parlé. Nous devons prendre l’initiative en exprimant un engagement politique très clair, ferme et inébranlable.
    Malgré cela, comme Paul l’a dit, nous ne pourrons en arriver à une certitude parfaite, mais peut-être pourrons-nous obtenir une certitude suffisante.
    J’ai participé à la mise en place de plusieurs ententes. Il y a une vingtaine d’années, nous avons conclu la première entente de nation à nation entre la Nation haïda et le Canada, que vous avez...
    Je ne fais que commencer, madame la présidente.
     Je vais devoir vous interrompre.
    Puis-je répondre?
    J’aimerais simplement préciser qu’il faut éviter ce choix selon moi. Je ne pense pas qu’il faille choisir entre un engagement ferme et les détails légalistes. Un engagement ferme peut être offert et un engagement sincère peut aussi être offert sans prendre nécessairement la forme d’une loi comme telle, mais d’autres mesures législatives devraient découler d’un engagement, et d’engagements législatifs plus précis.
    Je savais qu'il ne fallait pas céder la parole à Mike.
    J’ai été bref.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, et j’invite les nouveaux témoins à prendre place.

  (1630)  


  (1635)  

    Très bien, commençons. Nous ne voulons pas réduire le temps de parole des témoins.
    Je vais demander aux membres du Comité d’examiner très rapidement le budget. Voulons-nous rembourser les dépenses de nos invités? Si c’est le cas, j’ai besoin d’un motionnaire.
    La motion est proposée par le député Vandal et appuyée par le député Saganash.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci.
    Très bien, nous allons passer aux travaux du Comité.
     Je vous remercie d’être venus. Nous avons hâte d’entendre vos exposés. Nous avons un présentateur vidéo qui regarde les activités. Je vous préviens que nous sommes tous très fébriles. Chacun de vous disposera d’un maximum de 10 minutes, ensuite de quoi nous passerons à la période de questions.
     Si nous ne proposons aucun amendement, nous allons commencer par Ryan Lake, poursuivre avec Val Napoleon et conclure avec Ken Coates.
    Très bien, Ryan, c’est à vous.
     Merci beaucoup.
    Comme je l’ai dit plus tôt, je distribuerai ma déclaration liminaire par la suite.
     Je suis ici pour vous faire part de mon point de vue et de mon expérience d’avocat qui milite en faveur de la reconnaissance et de la mise en oeuvre des droits ancestraux et issus de traités dans l’ensemble du pays, et aussi pour vous livrer quelques réflexions sur le fond d’un cadre qui donne du mordant aux principes énoncés dans la Déclaration.
    Pour commencer, j'estime que les efforts déployés par le gouvernement pour établir un cadre avec une nouvelle loi et une nouvelle politique qui enchâssent la mise en oeuvre des droits comme fondement de toutes les relations entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral constituent un pas en avant crucial. La contribution des gouvernements des Premières Nations et de leurs citoyens à l’élaboration de ce cadre sera tout aussi cruciale.
    Comme nous le savons, la reconnaissance et la mise en oeuvre des droits ancestraux ou issus de traités sont au coeur de la réconciliation. L’article 35 de la Loi constitutionnelle reconnaît et confirme ces droits, mais l'essence de ces droits a été laissée à la discrétion des tribunaux. Très peu de mesures ont été prises par les gouvernements canadiens, en collaboration avec leurs homologues des Premières Nations, pour mettre en oeuvre une reconnaissance unificatrice et intentionnelle de ces droits.
    Cet échec aggrave les injustices historiques. La reconnaissance et la mise en œuvre d’un cadre entourant ces droits peut assurer la protection nécessaire des droits autochtones, ainsi que la promotion et la réalisation de la réconciliation.
    J’ai examiné les articles et j’ai relevé certains problèmes systémiques connexes dont le cadre devra tenir compte selon moi, ce qui assurera l’harmonisation des lois du Canada avec la Déclaration, ou y mènera. Je vais vous donner quelques exemples concrets. L’article 26 décrit en détail les droits des peuples autochtones à l’égard de leurs terres, de la mise en valeur de leurs terres et de la protection de ces terres par l’État. L’article 28 prévoit que les peuples autochtones ont le droit d’obtenir réparation par des moyens qui peuvent inclure la restitution ou, lorsque cela n’est pas possible, une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres et les ressources.
    Ces articles sont pertinents dans le cadre des efforts continus et de longue haleine déployés pour régler des centaines de revendications particulières au pays. J’ai déjà fourni un document à une version différente de ce groupe, intitulé « Exploring Access to Justice through Canada's Specific Claims Process ». Ce document passe en revue les caractéristiques du processus de règlement des revendications particulières qui sont apparues au cours des 40 dernières années, caractéristiques qui ont été utilisées pour réparer les relations entre les parties découlant de ces revendications non réglées remontant parfois à plusieurs siècles. On y fournit une analyse détaillée et des commentaires sur le processus de règlement des différends dans sa forme actuelle.
    Le résultat souhaité est central à la notion de réparation. Cela commence par une promotion législative sans réserve de la réconciliation entre les Premières Nations, la Couronne et les populations non autochtones, et la résolution de ces injustices historiques.
    Parmi les obstacles qui existent actuellement, et qui peuvent être aplanis par une harmonisation législative avec les articles de la Déclaration, mentionnons par exemple l’élimination du plafond des revendications particulières, qui permettrait d'obtenir une réparation juste et équitable devant le Tribunal spécialisé des revendications particulières.
    Le plafond actuel de 150 millions de dollars est trop bas, à la lumière de l’évolution de la jurisprudence. Cela signifie qu’un grand nombre de griefs historiques et directs concernant des prélèvements illégaux de terres et des droits fonciers issus de traités échappent maintenant au processus du tribunal. En limitant les demandeurs à 150 millions de dollars en vertu de la politique et devant le tribunal, vous entravez l’accès à la justice pour d’innombrables Premières Nations dont les revendications sont maintenant soumises au processus judiciaire, qui doit s'occuper de nombreuses autres revendications.
    Cela nous amène à l'obstacle suivant qui, à mon avis, va à l’encontre des articles de la Déclaration. Il concerne les moyens de défense techniques qui sont universellement utilisés par la Couronne dans les cours supérieures. Comme nous le savons, jusqu’en 1951, les Premières Nations ne pouvaient pas recourir aux services d’un avocat-conseil. Aujourd’hui, dans tous les litiges devant les cours supérieures, la Couronne se défend sur la base de délais de prescription, dont l'application entraîne l'annulation de facto des droits ancestraux et issus de traités. Les délais de prescription devraient être modifiés afin de tenir compte des cas relevant de l’article 35. Les principes de la Déclaration pourraient servir de modèle de justification en ce sens.
    Ma simple recommandation à cet égard consiste à modifier la loi pour reconnaître comme on le fait actuellement devant les tribunaux que ces restrictions n’ont pas d’effet, ou de les modifier d’une autre façon qui accorde aux Premières Nations un délai raisonnable pour présenter leurs revendications. L’idée selon laquelle les délais de prescription imposés par les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent empêcher la présentation de rapports aux tribunaux est contraire à la garantie et à l’enchâssement des droits ancestraux et issus de traités à l’article 35.

  (1640)  

     Je vais passer directement à l’article 37 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones: « Les peuples autochtones ont droit à ce que les traités, accords et autres arrangements constructifs conclus avec des États ou leurs successeurs soient reconnus et effectivement appliqués. »
    La Convention sur le transfert des ressources naturelles conclue en 1930 a transféré à la Saskatchewan et à deux autres provinces des Prairies, si je ne m'abuse, tous les minéraux, toutes les terres et toutes les ressources naturelles, sous réserve de certaines conditions. L’une de ces conditions était que la province fournisse des terres de la Couronne inoccupées pour s'acquitter des obligations découlant des droits fonciers issus de traités qui restaient à respecter ou qui existaient toujours en vertu des traités.
    En 1992, dans l’une de ces provinces, les gouvernements provincial et fédéral et 25 Premières Nations ont signé l’Accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités de la Saskatchewan. Cet accord a établi le cadre de respect des obligations en matière de droits fonciers issus de traités. Une partie de cet accord a pavé la voie à la mise en oeuvre de cette obligation en vertu de la Convention sur le transfert des ressources naturelles pour les Premières Nations qui n’avaient jamais profité de leurs droits, ou de leurs pleins droits, en vertu du traité.
    Aujourd’hui, bon nombre des signataires n’ont toujours pas été en mesure d’acquérir ces terres de la Couronne parce que la province — pour une raison ou pour une autre, en grande partie politique — refuse de se conformer aux dispositions de l’Accord-cadre, suivant une interprétation étroite et restrictive. Par exemple, la Saskatchewan a manqué à ses obligations constitutionnelles, tout comme le gouvernement du Canada, et elle continue de ne pas mettre en oeuvre les dispositions du traité.
    Pourtant, au milieu de tout cela, nous n’avons pas obtenu de résultats retentissants de la part des tribunaux. La Saskatchewan poursuit la mise aux enchères publique en ligne des terres de la Couronne à des tiers privés sans aucun avis ni reconnaissance de ses engagements aux termes de l'Accord-cadre. Cette affaire a forcé des dizaines de Premières Nations à s’adresser aux tribunaux, où des défenses techniques et des tactiques procédurales exhaustives n'ont pas permis aux Premières Nations de la Saskatchewan de faire valoir leurs droits à ce jour.
    Enfin, il y a l’article 8, qui consacre le droit des Autochtones de ne pas subir d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture. Nous travaillons constamment avec les bandes indiennes qui ont historiquement été fusionnées de force avec d’autres bandes ou qui n’ont jamais été reconnues comme une bande indienne en vertu de la loi, même si la ministre peut, à sa discrétion, le faire à n’importe quel moment, ou dont tous les droits en vertu du traité n'ont pas été entièrement respectés.
    Ainsi prend fin ma déclaration liminaire.
    Très bien.
    Nous passons maintenant à notre prochain témoin, Mme Val Napoleon.
    Bienvenue, madame.
    Je suis ravie d'être parmi vous. J'ai raccourci mon exposé; je devrais donc arriver à respecter les délais qui me sont impartis.
    En plus d'être professeure et titulaire d'une chaire de recherche de la Faculté de droit de l'Université de Victoria, je suis directrice du tout premier programme de baccalauréat en droit autochtone du monde, programme qui sera lancé en septembre à l'Université de Victoria.
    Je vais m'exprimer aujourd'hui en adoptant le point de vue du droit autochtone. Pour ce faire, je prendrai appui sur les recherches que j'ai menées au cours de plusieurs dizaines d'années. Ma présentation s'articulera autour de deux questions. D'abord, avons-nous besoin de ce projet de loi? Ensuite, quelle est la signification du consentement et de quelle manière le droit autochtone peut-il influer sur le consentement?
    Pour ce qui est de la première question, je crois que ce projet de loi constitue une étape modeste et positive vers la réconciliation. En appelant à l'harmonisation et à l'application de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, aux lois fédérales, il jette des bases solides pour l'avenir de la réconciliation.
    Le Canada possède une histoire coloniale. Nous le savons tous. Les lois canadiennes n'ont pas été épargnées par cette histoire. Il faudra beaucoup plus que le projet de loi C-262 pour accomplir le processus de décolonisation du Canada et pour faire place à des gouvernements, des lois et des administrations autochtones. Il n'en demeure pas moins que ce projet de loi représente un premier pas dans cette direction.
    À propos, je tiens à dire que le « consentement libre, informé et préalable » – le CLIP – ne provient pas de la Déclaration des Nations unies; il s'agit plutôt d'une norme internationale de mesure de l'autodétermination. En 2008, environ 100 juristes et experts ont donné leur appui à la Déclaration. Ils ont soutenu qu'elle constituait essentiellement un cadre fondé sur des principes favorisant la justice et la réconciliation et qu'elle était au demeurant tout à fait conforme à la Constitution canadienne et à la Charte. La disposition relative à l'adoption de décisions équilibrées, contenue dans la Déclaration, exige que l'on tienne compte des principes suivants: la justice, la démocratie, le respect des droits de la personne, l'égalité, la non-discrimination, la bonne gouvernance et la bonne foi.
    Pour ce qui est de la signification du consentement, je voudrais soulever une discussion juridique de nature autochtone. Je crois que cette discussion influencera la mise en oeuvre du projet de loi C-262 de manière substantielle et constructive.
    Si l'on considère le consentement comme un concept juridique et politique collectif qui découle de systèmes de droit, y compris le droit autochtone, il suppose des obligations. Tous les systèmes juridiques reconnaissent, créent, modifient et imposent des obligations. Les obligations se trouvent au coeur du rôle social du droit. Décrire ces obligations, c'est expliquer l'autorité inhérente dans la loi. Nous pouvons à tout le moins comprendre le consentement comme l'acquiescement volontaire à la proposition d'une autre personne, comme l'acte ou le résultat d'un accord. Nous pouvons y voir un accord entre des esprits et une volonté d'agir ou de permettre la violation d'un intérêt.
    Autrement dit, le consentement est un acte de raison et de réflexion.
    Il nous faut réfléchir à l'imbrication du consentement dans le droit autochtone et aux normes nécessaires en matière de consentement dans le droit autochtone. Les possibilités et les difficultés liées au projet de loi C-262 nous forcent à réfléchir de manière critique aux questions de droit autochtone et de légitimité. Je présuppose que le droit autochtone doit être pris au sérieux. Les ordres juridiques autochtones ont, en droit, la portée dont toute société a besoin pour gérer ses affaires collectives, sur les plans social, politique ou économique. Dans l'histoire, nos peuples ont été confrontés à de la violence, à des problèmes liés aux terres, aux ressources, à la famille, aux droits de la personne, aux affaires, au commerce et aux relations internationales.

  (1645)  

    C'est là tout le problème. Nous savons que le droit autochtone n'a pas évolué au Canada. Il a été discrédité et il existe des lacunes et des distorsions. Il ne suffit pas de savoir ce qu'est la loi. Il faut encore savoir quoi faire lorsqu'il y a infraction à la loi. Ainsi, toute analyse juridique autochtone doit à tout le moins prévoir des processus juridiques qui permettront de répondre de manière légitime à un préjudice, à un conflit ou à un problème.
    Nous devons savoir qui sont les décideurs qui font autorité. Quelles sont les obligations légales? Quels sont les droits fondamentaux et les droits procéduraux? Quels sont les principes juridiques directeurs? Par quelles institutions publiques le droit passe-t-il, dans le passé comme dans le présent? En répondant à ces questions, nous pouvons savoir ce qu'est le droit et de quelle manière il devrait être appliqué aux problèmes d'aujourd'hui. Tous les ordres juridiques autochtones présentent les ressources intellectuelles nécessaires pour permettre aux gens de participer à des processus de raisonnement fondés sur des principes. La légitimité est fondée là-dessus précisément, y compris dans le cas de la loi sur le consentement.
    Quelles sont les normes nécessaires en matière de consentement selon le droit autochtone? Le consentement doit être légal, conformément au droit autochtone. Dans notre travail auprès de plus de 40 communautés autochtones du Canada, nous constatons des tendances générales. Par exemple, le droit canadien, comme le droit autochtone et d'autres systèmes de droit, est fondé sur les aspirations, c'est-à-dire sur la volonté qu'ont les gens de surpasser les possibilités que présente leur situation particulière. Nous ne sommes jamais à la hauteur de ces ambitions, mais ce qui compte, c'est d'avoir la possibilité d'essayer de les satisfaire.
    Dans le cas des différentes personnes avec lesquelles nous avons travaillé à travers le pays, les aspirations étaient entre autres les suivantes: la sécurité dans la communauté; la participation aux décisions; l'équité dans le processus pour les personnes lésées, pour celles qui ont causé du tort et pour les autres personnes touchées; la dignité et l'autonomie, fondées sur la compréhension du libre arbitre qui permet aux gens d'agir à titre individuel comme à titre collectif; enfin, la souplesse et la cohérence dans la réponse apportée aux problèmes humains. Aujourd'hui, ces aspirations peuvent être considérées comme des normes de consentement. Elles font partie des conceptions de la justice qui découlent des ordres juridiques autochtones.
    Je vous propose de retenir cinq éléments.
    Premièrement, le droit autochtone du consentement est essentiel. Pour s'assurer que les expressions du consentement dans les instruments et les arrangements politiques seront stables et durables, il faut se montrer attentif à leur importance dans le droit autochtone.
    Deuxièmement, il existe au Canada des espaces d'anarchie provenant des lacunes du droit autochtone — là où celui-ci a été compromis — et d'un échec du droit canadien. Ce sont les femmes et les filles autochtones qui ont été victimes de la violence qu'ont suscitée ces espaces non régis par des lois.
    Troisièmement, le droit autochtone n'a pas progressé, mais la situation est inégale. Le travail important qu'il y a à faire aujourd'hui, c'est de reconstruire le droit autochtone. Voilà qui demandera autant d'effort qu'il en faudrait pour tout autre système de droit dans le monde.
    Quatrièmement, grâce au droit autochtone, le Canada deviendra un endroit plus propice pour régler les problèmes au moyen d'un processus multijuridique. Le droit compte au nombre des modes de gouvernance distincts.
    Cinquièmement, le droit autochtone doit être conçu à plus grande échelle et la reconstruction de ce droit doit comprendre les droits de la personne des Autochtones provenant des ordres juridiques autochtones dans le contexte de la gouvernance autochtone.
    Merci.

  (1650)  

    Merci.
    Nous passons maintenant au troisième témoin, M. Ken Coates de Saskatoon.
    Oh, vous êtes à Kelowna. J'en suis navrée.
    Bienvenue, monsieur.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie également les membres du Comité. C'est un honneur pour moi que de vous parler d'une question qui est, à mon avis, d'une importance fondamentale pour l'avenir du Canada. Je me trouve aujourd'hui sur les terres de la nation Okanagan. J'étais censé être en Norvège, mais l'hiver torontois a forcé la fermeture de l'aéroport et je me suis retrouvé à Kelowna. Voilà qui n'est pas sans signification, selon moi.
    Je m'appelle Ken Coates. Je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada à l'Université de la Saskatchewan. Je suis ravi de m'adresser à vous aujourd'hui.
    La DNUDPA est issue d'un processus international remarquable que nous devrions toujours reconnaître et estimer. Ce processus a donné lieu à deux messages clés, à savoir que, d'une part, les peuples autochtones ont été marginalisés dans le monde et que, d'autre part, ils ont formulé une stratégie pour leur propre inclusion, leur autonomie et leur survie culturelle. La Déclaration des Nations unies nous rappelle aussi le simple fait suivant: on n'a jamais « accordé » aux peuples autochtones la pleine reconnaissance de leurs droits. Ces peuples ont dû se battre sans relâche pendant des années pour obtenir ces droits.
    Lorsque le gouvernement du Canada a examiné la Déclaration, celle-ci a été décrite comme un document tourné vers les aspirations des peuples. On y énonce très clairement les rêves des peuples autochtones et les objectifs que le peuple et le gouvernement du Canada devraient vouloir atteindre, même si ce n'est pas encore le cas. J'appuie entièrement l'esprit de la Déclaration, qui définit ce que les peuples autochtones souhaitent et méritent. Ce document peut permettre d'exiger que les nations du monde rendent des comptes.
    La question principale qui se pose à vous tous aujourd'hui est de savoir si le projet de loi C-262 est le bon mécanisme pour réaliser le potentiel de la Déclaration des Nations unies. Bien que ce me semble être le cas à bien des égards, il reste que la réponse est loin d'être tranchée, à mon avis. Je signale au passage que je ne suis pas avocat. Je suis historien et responsable des politiques publiques. D'autres personnes connaissent bien mieux que moi les nuances du droit. Toutefois, je suis une personne pragmatique. Ainsi, je cherche à savoir si ce projet de loi permettra d'obtenir de très bons résultats pour les peuples autochtones du Canada à court terme, à moyen terme et à long terme. Pour l'heure, il me semble que la réponse à cette question est la suivante: peut-être. Je pense que nous pouvons faire mieux, non seulement dans le contexte de ce projet de loi, mais aussi dans celui de discussions à venir.
    On parle beaucoup de l'obligation de consulter les gens et d'obtenir un consentement libre, informé et préalable. Plutôt que d'aborder ce sujet, je me focaliserai ici sur d'autres questions. La Déclaration des Nations unies est un document remarquable et très exhaustif. Nous devrions tous prendre conscience du fait qu'elle est très largement fondée sur les besoins et les aspirations des peuples autochtones. Bon nombre d'articles portent sur des sujets comme l'amélioration des résultats en matière de santé et d'éducation ou la protection et la préservation des langues et des cultures autochtones. Sachant cela, lorsque l'on envisage d'harmoniser les lois et de leur donner un sens, on ne peut qu'imaginer ce que cela voudrait dire pour le Canada, un pays qui compte plus de 60 Premières Nations et une panoplie de langues, si nous nous engagions vraiment à améliorer l'éducation, y compris l'apprentissage des langues autochtones.
    Nous aurions dû faire cela il y a 50 ou même 100 ans. Aujourd'hui, la plupart des langues de ces nations sont en voie d'être détruites ou de disparaître. Si on en faisait une priorité nationale, ce problème à lui seul coûterait des centaines de millions de dollars.
    Je suis tout à fait d'accord avec la position exprimée dans la Déclaration au sujet du droit à l'autonomie gouvernementale et à une autonomie véritable. Ce qui, selon moi, améliorera vraiment la condition des peuples autochtones, c'est le rétablissement du pouvoir des communautés et des nations autochtones. À ce chapitre, l'obtention d'un financement approprié et équitable est de loin l'objectif le plus important. Nous n'avons pas forcément besoin de nouveaux programmes gouvernementaux.
    Je m'inquiète du fait que le projet de loi n'indique pas vraiment la marche à suivre pour faire des progrès et pour fixer les cibles de résultats souhaités. Comment allons-nous faire pour déterminer s'il s'agit d'une réussite? Je partage certaines des préoccupations exprimées aujourd'hui par mon collègue Dwight Newman au sujet de la possibilité que la Déclaration entraîne un accroissement rapide de l'activité juridique. À l'échelle nationale, au cours des 20 ou 30 dernières années, les peuples autochtones n'ont eu d'autre choix que de s'adresser constamment aux tribunaux pour défendre leurs droits fondamentaux et cela a eu une très grande incidence sur ces communautés. Des centaines de millions de dollars ont été dépensés sans que cela entraîne les résultats et les solutions que nous nécessitons et que nous souhaitons voir advenir. La question est de savoir si la Déclaration et son adaptation aux lois canadiennes changent la situation du tout au tout.
    À ce sujet, j'ai une autre préoccupation qui remonte au moment de la publication de la DNUDPA. Je travaille énormément avec les communautés autochtones du Nord du Canada et de l'Ouest et je m'adresse souvent à des groupes d'élèves ou d'étudiants dans les écoles secondaires et les universités. Lorsque la Déclaration a été rendue publique pour la première fois, elle a suscité beaucoup d'enthousiasme du fait de son exhaustivité, des choses qu'elle offrait et des changements qu'elle promettait. Ce qui me préoccupe — je vous demande de considérer la chose très sérieusement —, c'est de savoir si le Canada, en matière de droits des Autochtones, fera encore une fois des promesses excessives sans que ses actions soient à la hauteur de ces promesses. Nous avons vécu ce genre de cycle à maintes reprises sans jamais y mettre fin. Ces implications sont d'un très grand intérêt. Le projet de loi va-t-il vraiment changer ce genre de pratique ou va-t-il simplement préparer le terrain pour de nouvelles évaluations menées au fil du temps?

  (1700)  

    Le gouvernement actuel a pris beaucoup d'engagements au cours des dernières années. Mentionnons son énoncé de principes, son nouveau cadre pour les relations avec les peuples autochtones et son engagement à repenser les processus judiciaires. Je suis tout à fait d'accord avec ce dernier point. Toutefois, Cindy Blackstock a aussi déployé des efforts remarquables pour accroître le soutien aux services sociaux dans les collectivités autochtones; la bataille a été longue pour s'attaquer à ce problème que la plupart des gens reconnaissaient de façon ouverte et constante.
    Je suppose que l'autre aspect de la question est de savoir si les communautés autochtones peuvent s'attendre à ce que la Déclaration des Nations unies serve maintenant à établir les priorités opérationnelles du Canada. Comment pouvons-nous gérer le pays dans le cadre d'une entente qui respecte véritablement les relations de nation à nation et l'autonomie des peuples autochtones? Je m'inquiète de la possibilité que nous ne fassions que présenter un rapport annuel indiquant ce que nous n'avons pas fait et comment le pays a raté l'occasion qui se présentait à lui.
    J'espère que ce projet de loi ou les stratégies de mise en oeuvre qui en découleront... Les références portent précisément sur la stabilité des accords négociés avec les peuples autochtones afin que l'on veille à ce que les accords conclus de bonne foi demeurent et se poursuivent. Qui plus est, il me tarde de voir que nous nous engageons à adopter une façon différente de prendre des décisions au Canada. Je suis pour ce que j'appelle une « coproduction de politiques », c'est-à-dire que, lorsque les affaires autochtones sont en jeu, les peuples autochtones participent au processus, et lorsque des décisions de financement sont prises, les priorités de financement sont fixées dans le cadre de cette coproduction. Il s'agit d'éviter que le gouvernement, aussi bien intentionné soit-il, se croise les bras et prenne les décisions de loin. Il faut plutôt qu'il négocie directement avec les peuples autochtones.
    J'ai également espoir que, dans la présentation du projet de loi ou encore dans le projet de loi lui-même, le Parlement reconnaîtra la complexité et le coût potentiel des engagements pris dans le cadre de la DNUDPA. Il en coûterait des milliards de dollars pour respecter, ne serait-ce que la moitié des obligations énoncées dans la Déclaration. À mon avis, c'est de l'argent que nous devons dépenser et que nous aurions dû dépenser il y a longtemps, mais il faut savoir que cela coûtera très cher et exigera beaucoup d'efforts.
    En examinant la situation, je constate que nous avons l'occasion et l'obligation, au Canada, de relier tous les éléments. Il se passe beaucoup de choses dans l'espace autochtone du pays. La Déclaration des Nations unies fait partie du casse-tête à résoudre. Nous souhaitons voir advenir les éléments suivants: des relations de nation à nation, l'énoncé de principes du gouvernement, toute la question des droits inhérents, des droits issus de traités et des droits autochtones, l'achèvement des processus des traités modernes, l'autonomie gouvernementale des Autochtones, la réévaluation qui, je l'espère, sera la renégociation des traités antérieurs en commençant par les provinces maritimes, la réforme des systèmes judiciaires et des systèmes de résolution de conflits et enfin le financement approprié des services et des infrastructures autochtones.
    Ce projet de loi va-t-il dans la bonne direction? Je n'en suis pas sûr. J'espère que oui. Je salue l'esprit et les aspirations de la Déclaration des Nations unies. Je crois que nous devons nous concentrer sur l'application pratique.
    Permettez-moi de terminer par une brève observation. Lorsque les gouvernements élaborent des politiques — non seulement avec les peuples autochtones, mais avec tous les peuples dans tous les domaines des politiques —, il y a deux éléments dont il faut tenir compte. Le premier est la formulation des politiques et des lois. C'est ce processus que vous êtes en train d'accomplir en ce moment, chers concitoyens. Il s'agit de présenter le projet de loi, de l'adopter et d'affirmer l'intention du gouvernement, l'intention du Parlement du Canada.
    Le second élément concerne la mise en oeuvre de la politique. Qu'en faites-vous réellement? Quels sont les résultats? En tant qu'universitaires, décideurs et commentateurs, nous accordons beaucoup plus d'attention à l'élaboration des politiques qu'à leur mise en oeuvre. Or, si ce projet de loi devient loi sans que nous mettions l'accent sur la mise en oeuvre, comment allons-nous faire pour harmoniser les lois? Quels seront les délais? Quelles seront les affectations de fonds? Y aura-t-il de véritables changements en fin de compte? Si nous ne discutons pas de mise en oeuvre, la Déclaration perdra de son efficacité et deviendra une autre vaine promesse faite aux peuples autochtones.
     C'est là le cœur de mon propos. Ne replongeons pas les peuples autochtones dans un échec causé par le gouvernement du Canada. C'est arrivé trop souvent déjà. Nous avons le pouvoir de changer cette trajectoire et ce programme de façon marquée.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions, en commençant par M. Vandal.
    Je vous remercie tous de vos exposés. Ils sont très appréciés.
     Comme vous le savez tous, au Canada, les droits des Autochtones sont enchâssés dans notre Constitution, à l’article 35. Les droits des Métis, des Premières Nations et des Inuits sont énoncés à l’article 35, qui a été à la base des nombreuses victoires judiciaires dont plusieurs ont parlé cet après-midi. En plus de la discussion très importante que nous avons aujourd’hui, le premier ministre a annoncé, il y a plusieurs mois, que nous nous engageons dans un cadre de reconnaissance des droits. Quels sont ces droits aux termes de l’article 35? Comment pouvons-nous les formuler, les décrire et les mettre sur papier? Nous le faisons en consultation avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits de tout le Canada.
     Ma question à tous est très simple. Supposons que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones soit approuvée par le Parlement. Je crois que la majorité est en faveur de cela. Quelle est la prochaine étape? Quelle devrait être l'étape suivante pour la mise en oeuvre de ce que nous avons approuvé?
     Permettez-moi de commencer par Ryan Lake.

  (1705)  

    La prochaine étape nous amènera logiquement aux assemblées législatives de tout le pays, où les gouvernements provinciaux auront maintenant un incitatif à emboîter le pas et à décider de la façon dont ils vont mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies, grâce aux pouvoirs que leur confère la Constitution. Cependant, elle sera aussi invoquée devant les tribunaux, où nos pouvoirs seront renforcés de mon point de vue. Je n’aurai plus à me fier à la Proclamation royale de 1763 pour conceptualiser ce que signifient les droits issus de traités ou les droits ancestraux. Elle offrira plus de nuances et de mordant pour présenter des arguments concernant les diverses questions auxquelles sont confrontées les Premières Nations.
    La première étape, à mon avis, consiste à appuyer la reconstruction du droit autochtone sur la base de l’ordre juridique autochtone. Il s'agit de l’ordre juridique à grande échelle, et non pas collectivité par collectivité, mais dans le contexte d'alliances autour de questions juridiques précises.
     C’est le travail que nous faisons actuellement avec l’unité de recherche en droit autochtone. Nous avons beaucoup axé le droit autochtone sur les questions de terres et de ressources, d’eau, de gouvernance et de règlement des différends. Nous commençons à nous pencher sur la protection de l’enfance et l’élaboration d'une constitution. C’est un travail qu'il est tout à fait possible d'entreprendre avec l’appui des groupes autochtones, mais qui nécessite l'établissement d'un rapport symétrique entre le droit autochtone et le droit canadien et qui signifie que le rapprochement doit se faire de façon réciproque et non pas seulement en se fondant sur le droit canadien.
    N’avons-nous pas beaucoup de travail à faire avant cela avec nos propres lois au Parlement, pas nécessairement avant, mais au moins simultanément?
    Le travail peut se faire en même temps, les communautés autochtones prenant en charge le travail à faire pour reconstruire nos propres ordres juridiques.
    C’est une excellente question. J’insisterais beaucoup sur ce que j’appelle le symbolisme. Je crois que nous avons besoin d’un énoncé national de réconciliation. On peut parler de Proclamation royale, comme Miles Richardson vient de le faire. Tout ce que tout le monde a dit est tout à fait logique, mais nous avons besoin de la participation du public et d'une cérémonie. Nous avons besoin d’un événement dans le cadre duquel nos parlementaires, de préférence aux niveaux provincial, territorial et fédéral et avec la participation de tous les groupes autochtones, se mettent debout ensemble et disent que nous sommes sur une nouvelle voie. Si cela passe par toute une série de modifications législatives, les choses bougeront un peu, mais si tous se mettent debout pour dire que le pays a changé...
     Vous souvenez-vous de 1982? Je suis assez vieux pour me souvenir de 1982, quand la Constitution a été rapatriée. En fait, immédiatement après, les gens ont commencé à parler différemment de leur pays. Nous avons besoin de ce genre de choses. Sans une telle déclaration publique importante, ce qui se passe dans le processus juridique se perd, nous n’obtenons pas suffisamment d’engagement et nous ne célébrons pas suffisamment le fait que nous allons faire les choses différemment au Canada à l’avenir.
    Plusieurs personnes ici présentes ont souvent dit que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne prévoit pas vraiment de nouvelles lois, mais qu’elle clarifie celles qui existent. La Déclaration des Nations unies est véritablement un instrument international. Pourquoi a-t-il été nécessaire que le Canada adopte ce qui était pour l'essentiel un instrument international pour aller de l’avant?
    Permettez-moi de commencer par Val. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Le droit est un mode distinct de gouvernance. Il fait partie de la façon dont nous nous gouvernons, et comprend toutes les aspirations politiques correspondant aux êtres humains vivant en société. Ce que la Déclaration des Nations unies nous permet de faire, c’est de bâtir un concept national, un concept juridique à l’intérieur duquel il est possible d’établir un type différent de relations entre les peuples autochtones et le reste du Canada. Il s’agit de construire un intellectualisme public dans lequel nous pouvons nous voir et nous faire confiance les uns aux autres, et nous pouvons nous imaginer résoudre des problèmes sans recourir à la violence. C’est la promesse du droit, et nous devons nous prémunir contre l’échec du droit, au moyen de processus de légitimité et de processus comme le consentement.

  (1710)  

    Je suis d’accord avec cela.
     Cela n’a pas tant à voir avec la raison pour laquelle nous avons dû demander à cet organisme international de produire cet énoncé de principes. Je pense que cela est le reflet de la perspective mondiale des droits des Autochtones et est très complémentaire de la perspective locale de ces droits. Je pense que les deux vont aller de pair.
    Très bien.
     Monsieur Waugh.
    Bienvenue à tous.
     Monsieur Coates, vous venez de ma ville, alors je pense que vous avez fait le bon choix aujourd’hui. À l'ouest, jeune homme. L’aéroport de Toronto est un désastre. Okanagan est beaucoup plus agréable que la Norvège.
    Je vais commencer par Me Lake.
     Nous sommes heureux de vous revoir. Vous étiez ici en septembre, je crois.
    Merci de m'avoir invité.
    Si des questions sont susceptibles de se retrouver devant les tribunaux, comme vous l’avez dit, pourquoi ne pas définir les termes avant que ne se produisent les litiges?
    Vous avez déclaré cela.
    Prenons l’exemple de l’Accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités. Cet instrument, qui est quasi constitutionnel selon moi, définit en fait cette relation et ces termes. Toutefois, sur le plan politique, vous constaterez que les gouvernements prennent des décisions idéologiques pour en contourner ou en circonscrire étroitement la signification. Cela prive les Premières Nations de leur capacité, dans ce contexte, d’atteindre le résultat raisonnable auquel elles s’attendaient lorsqu’elles ont conclu cet accord, il y a une trentaine d’années.
    Je verrais quelque chose comme la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones entrer en ligne de compte, ce qui ferait dire: « Attendez un instant, non seulement cette conduite n’est pas honorable, du fait qu'elle consiste à interpréter ces dispositions de façon étroite, afin de contrecarrer l’acquisition des droits fonciers issus de traités, mais elle va à l’encontre du sentiment international selon lequel nous avons le droit de faire appliquer cet accord, sans que cela passe par une série de batailles juridiques techniques qui sont menées dans l'ensemble de la province sans résultat concret. »
    Cela simplifierait peut-être les choses pour un juge qui se bornerait à dire: A plus B égale C.
    Nous avons vu le gouvernement provincial vendre des terres publiques, comme l’a dit Me Lake.
     Monsieur Coates, puisque vous venez de la Saskatchewan, qu’en pensez-vous? Vous êtes à l’Université de la Saskatchewan, et notre gouvernement, que ce soit cette année, l’année dernière ou l’année précédente — vous le voyez tous les jours dans les annonces et les journaux — continue de vendre des terres publiques.
    Je me demande si vous pouvez commenter et peut-être appuyer ce que Me Lake a dit plus tôt.
    Comme Ryan l’a dit, je crois fermement que nous devons trouver une façon de régler ces problèmes, afin que les Premières Nations aient l’impression d’avoir été respectées et honorées dans le processus. Le problème avec ces questions, c’est qu’elles traînent en longueur et que nous n’avons pas de mécanismes adéquats pour nous attaquer au problème et trouver une solution.
    L’autre question, bien sûr, c’est le fédéralisme canadien. Lorsque nous essayons d’élaborer une politique nationale pour traiter avec les Autochtones, il faut tenir compte des complications liées aux relations fédérales-provinciales. La Saskatchewan, par exemple, refuse catégoriquement d’envisager le partage des revenus tirés des ressources. La situation est similaire au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, au Labrador et dans le nord du Québec, et des discussions à ce sujet se tiennent avec l'Alberta et l'Ontario. En Colombie-Britannique, il y a partage des revenus tirés des ressources.
     On se retrouve avec un ramassis de politiques qui permettent à de nombreuses collectivités de profiter directement de l’exploitation des ressources. En Saskatchewan, malheureusement, cela se fait un peu plus indirectement. Nous devons concilier ces choses dans un cadre national où il y a plein [Difficultés techniques] et où les orientations sont beaucoup plus claires, comme l’a suggéré Me Lake.
    Madame Napoleon, nous avons beaucoup parlé de l’élaboration des politiques et de leur mise en oeuvre. Pouvez-vous aborder ces deux sujets aussi?

  (1715)  

    Les valeurs sous-jacentes des politiques et de leur mise en oeuvre doivent inclure la démocratie et l’importance du droit pour prendre des décisions que les gens défendront, même s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent. Autrement dit, leurs processus sont légitimes et inclusifs. Le droit et ces valeurs sous-jacentes permettent aux gens de fonctionner, peu importe où ils se situent dans notre société, de façon à ce qu'ils puissent ancrer leurs convictions dans une volonté politique collective plus large.
    L'occasion nous est offerte de rassembler toutes nos idées et nos espoirs quant à ce qui est possible au Canada. Ce qui est important, c’est de reconnaître que le droit, y compris le droit autochtone, ne sera jamais une panacée, mais qu’il existe des processus constructifs grâce auxquels des décisions difficiles seront prises. Les peuples autochtones ont toujours eu à prendre des décisions difficiles, tout au long de leur histoire, et ils continuent de le faire aujourd’hui.
    Quelles sont les différentes façons dont nous allons permettre que cela se produise avec l'intensité nécessaire, compte tenu de la complexité de la situation? Comment allons-nous aider les gens, les éduquer et créer le genre de conversations qui nous permettront à tous de donner suite à ces décisions et d’aller de l’avant?
    D’autres pays ont-ils été confrontés à des questions juridiques dans l’application de la Déclaration des Nations unies et, si oui, comment ont-ils traité la question du consentement préalable, libre et éclairé? Il en a été beaucoup question, ainsi que d’autres sujets connexes. Y a-t-il des leçons à tirer de l'expérience des autres?
    J’ai lu un article dans le Hill Times, rédigé par vous en fait monsieur Coates, et par M. Newman. Vous avez abordé un peu cette question. Avons-nous tiré ou devons-nous tirer des leçons des autres pays?
    Si vous me permettez de répondre à cette question, je dirais que nous devons absolument apprendre des autres. Beaucoup d’autres apprennent de nous, soit dit en passant, et beaucoup d’entre nous qui se spécialisent dans ce domaine finissent par recevoir de nombreuses invitations dans d’autres pays pour parler de ce qui fonctionne bien et de ce qui fonctionne moins bien chez nous.
    Nous pouvons apprendre de la Norvège. En fait, la Norvège est très enthousiaste à l’idée d’accepter des instruments internationaux comme la Convention 169 de l'Organisation internationale du Travail. J’étais là-bas il y a quelques semaines, et en fait, lors de cinq réunions différentes, les gens en ont parlé et ont expliqué pourquoi ils le faisaient et pourquoi ils avaient mis en place ces politiques. C’était assez intéressant à entendre.
     Nous pouvons certainement apprendre beaucoup de ce qui se passe en Nouvelle-Zélande. Ce pays a signé un traité, le traité de Waitangi, en 1840, qu'il a assez rapidement laissé de côté par la suite. Ce dernier a eu une nouvelle vie dans les années 1970, 1980 et 1990 et est maintenant utilisé comme fondement absolu de la prise de décisions à l'échelle nationale, en incluant les Maoris de façon très sophistiquée et complète et en trouvant une façon — comme Me Lake l’a dit au sujet de la résolution de conflits — qui leur permet de s'écarter du processus juridique et de travailler davantage dans le contexte des intérêts culturels. Nous pouvons aussi tirer des leçons de leur expérience.
     Nous pouvons aussi apprendre d'endroits comme l’Australie, où cette démarche n'a pas très bien réussi, où les peuples autochtones ont été marginalisés sur les plans juridique et constitutionnel, et où on peut voir les effets persistants du refus d’une obligation nationale de collaborer avec les peuples autochtones.
    Merci.
     La parole va maintenant à M. Saganash.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins.
     Je veux commencer par Val, parce que j’ai écouté avec intérêt l’initiative que vous avez prise à Victoria. Je sais pertinemment que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a été traduite en plus de 50 langues autochtones, si je ne m'abuse, dans le monde entier.
    Dans ma langue, le consentement n’existe pas, mais il existe un concept entre le consentement et le veto dans le droit cri. En fait, nous avons intégré ce concept dans l’une de nos ententes sur la foresterie, en 2002, de sorte que toute la notion de butshtenamoon est intégrée dans l’entente de 2002 avec le Québec.
     Comment pensez-vous que cela fonctionnera à l’avenir, compte tenu de toutes les recherches que vous avez faites jusqu’à présent, et comment pouvons-nous intégrer ce droit autochtone dans les traités et les autres instruments ou ententes?

  (1720)  

    L’une des principales initiatives de recherche que nous avons en ce moment porte sur trois régions où il y a pénurie d’eau. Nous utilisons le droit de l'eau dans nos travaux avec les Tsilhqot’in, les tribus des Cowichan et la Première Nation Lower Similkameen. En plus de la recherche sur le droit autochtone, nous examinons toutes les lois coloniales connexes. Le but de cela est de réunir intégralement les lois, sur une période de trois ans, afin de permettre aux populations d'établir des systèmes de gérance de l’eau dans leur région.
    De même, outre le travail que nous faisons au sujet des terres et des ressources, en plus d’interpréter de façon substantielle les lois des Tsimshian et les lois des Secwepemc, par exemple, nous examinons également un exemple semblable avec les lois fédérales et provinciales canadiennes. Nous cherchons des façons dont les peuples autochtones des différentes régions avec lesquelles nous travaillons seront en mesure de déterminer, avec le Canada, comment les lois vont s’appliquer et quelle importance cela aura en ce qui concerne les sujets qui préoccupent les peuples autochtones.
     Ce sont là quelques exemples. Nous en avons beaucoup.
    Il est absolument possible de travailler dans le contexte du droit autochtone. Les ressources juridiques offertes par le droit autochtone peuvent s’appliquer aux problèmes complexes d’aujourd’hui, et elles devraient l’être. Les ressources juridiques autochtones ont beaucoup à offrir en ce qui a trait aux différents débats qui se tiennent au sein de ce comité et sur d’autres tribunes.
    Merci et félicitations pour cette initiative remarquable.
    Ma prochaine question s’adresse à Ken et à Ryan.
    Ken, on vous a demandé s’il y aurait de meilleurs résultats pour les peuples autochtones une fois que ce projet de loi serait adopté et vous avez répondu « peut-être ». Vous ne savez pas trop si la Déclaration des Nations unies va changer quoi que ce soit pour les peuples autochtones. Je suis en quelque sorte d’accord avec cela parce que nous, des peuples autochtones, avons souvent signé des ententes ou des traités qui, dès le lendemain de la signature, ne sont pas respectés.
    J’estime que les droits des Autochtones ont été reconnus et confirmés par l’article 35 de la Constitution. Ils ont été reconnus et confirmés dans la Déclaration des Nations unies. Ils ont été confirmés à maintes reprises par les tribunaux. Le problème, c’est que les gouvernements n’ont pas respecté ces décisions ou ces dispositions du droit constitutionnel ou international. Voilà le problème.
    D’une certaine façon, cela va continuer même après l’adoption du projet de loi C-262, malheureusement, à moins qu’un tout nouveau gouvernement de l’autre côté de la salle au Parlement s’engage à faire les choses différemment.
    J’aimerais savoir ce que vous en pensez, Ken et Ryan.
    Si vous êtes d’accord, Ryan, je vais commencer.
    Premièrement, je suis étonné de la patience des peuples autochtones. Nous parlons de leurs droits depuis 150 ans, et l’une des plus grandes continuités du droit autochtone est la violation par le gouvernement de ses propres lois, c’est-à-dire qu’on adopte une loi pour ensuite la bafouer.
    La Cour suprême donne raison aux Autochtones, qui se disent: « C’est formidable », et puis, 10 ans plus tard, qu’avez-vous obtenu? Le taux de suicide a doublé. Il y a davantage de gens marginalisés qui vivent dans la pauvreté. Je trouve cela vraiment frustrant.
    À l’heure actuelle, toutes les parties souhaitent en arriver à une relation différente et à vouloir faire avancer les choses. Personnellement, puisque je n’ai qu’une seule occasion de vous le dire à tous, je pense que tout ce qui concerne les droits des Autochtones devrait être soustrait de toute politique partisane. Nous devrions en faire un processus multipartite pour négocier avec les Premières Nations et travailler avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, et dépolitiser ce processus. C’est trop important. Ce sont les Autochtones qui en paient la totalité du prix. Ce sont eux qui souffrent. Ce sont eux qui continuent de souffrir.
    Je suis toutefois un optimiste devant l'éternel. J’ai grandi au Yukon. Le Yukon de 2018 n’est pas le Yukon où j’ai grandi dans les années 1960. Les peuples autochtones ont été habilités. Le gouvernement territorial du Yukon a accepté et intégré la participation des Autochtones à toutes sortes de niveaux. La célébration de la culture, de la langue et des traditions autochtones est extrêmement forte. Nous avons vu cela se produire dans un endroit qui, très franchement, était discriminatoire dans les années 1960. Les Autochtones étaient marginalisés, comme vous l’avez dit, et vous le comprenez très bien dans les administrations du Nord et les économies axées sur les ressources naturelles. Le Yukon n’est plus le même endroit. Je me demande si nous ne pourrions pas nous inspirer de l’expérience du Nord, qui est très riche et très diversifiée et, plutôt que d'appliquer les idées du gouvernement fédéral vers le bas, importer l'expérience du Nord pour l'appliquer dans le Sud.

  (1725)  

     Merci.
    Ryan.
    Je reviens à l'application du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause dans d’autres pays, et si nous l'examinons du point de vue du Canada, nous avons vu l'application de ce consentement historiquement sous le gouvernement Laurier, quand des dispositions de la Loi sur les Indiens qui exigeaient l'obtention d'un consentement donné en connaissance de cause pour que des terres de réserves puissent être enlevées aux Premières Nations, mais celles-ci ont tout de même perdu 40 % de leurs terres en très peu de temps.
    Le fait de mettre à jour, de reconnaître, et de décider que nous prenons maintenant cette question au sérieux, à mon avis, est une étape importante dans notre évolution pour nous assurer de ne pas laisser ces erreurs du passé se reproduire à l’avenir.
    Nous allons conclure avec les questions du député Anandasangaree.
    Merci madame la présidente.
     Je remercie les témoins de s’être joints à nous aujourd’hui.
     Madame Napoleon, la Déclaration des Nations unies fait-elle partie du droit autochtone? Le processus s’est échelonné sur près de trois décennies. Pensez-vous que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, comme ensemble de lois, englobe toutes les questions que nous pouvons examiner actuellement en ce qui concerne les défis auxquels nous sommes confrontés au Canada?
    Comme vous l’avez souligné, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est le fruit de décennies de travail de la part de nombreuses personnes, y compris de nombreux peuples autochtones, et je pense qu’il est important, lorsque l’on examine le droit autochtone, de comprendre qu’il évolue au fil des ans, selon la situation en cours. Nous avons un droit et des institutions juridiques historiques, ainsi qu'un droit et des institutions contemporaines, et les gens continueront de s’acquitter de leurs obligations juridiques de toutes les façons possibles.
    Par exemple, certaines des initiatives en matière de justice au Canada ressemblent à des initiatives ordinaires en la matière, mais lorsque vous demandez aux gens pourquoi ils y participent, qu’il s'agisse d'aînés ou d’autres personnes, ils parlent des obligations juridiques dont ils essaient de s'acquitter envers la prochaine génération, la terre et les uns envers les autres.
     Il serait très intéressant de se pencher aujourd’hui sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre d’un processus juridique autochtone et de voir si elle permet aux gens d’agir en fonction des obligations découlant de leurs ordres juridiques, et si elle éclaire les décisions, car je crois qu’elle permettra aux gens d’apprendre, de changer et de continuer à gérer leurs affaires.
    Vous avez tous les deux parlé d’« aspirations », et je pense que vous l’avez probablement utilisé dans des contextes différents. Qu’entendez-vous par là? Souvent, lorsque nous entendons le mot « aspirations », c’est presque comme si ce n’était pas faisable. C’est un rêve et, dans une certaine mesure, c’est abstrait, et même si nous pouvons examiner cette possibilité, nous n’allons pas y arriver.
    Croyez-vous que la Déclaration correspond à des aspirations en ce sens, ou dans le sens qu’elle est disponible et que nous pouvons réaliser les principes de la Déclaration?
    Le Canada aspire à l’égalité et à l’équité, et c’est pour cela que la Charte a été créée. Quand on pense aux aspirations du Canada, c’est de cette façon que j’examine les aspirations qui ont été relevées par les peuples autochtones avec leurs lois. Mais nous avons besoin de processus juridiques et légitimes pour comprendre l’importance de ces aspirations dans les relations humaines, surtout lorsqu’il y a des relations de pouvoir entre les gens.
    Deux aspects sont nécessaires. Premièrement, nous avons besoin du rêve et de l’espoir de réaliser notre plein potentiel, et deuxièmement, nous avons besoin de processus qui nous permettront de réaliser ce rêve.

  (1730)  

    Nous en arrivons à la fin de notre réunion. Je sais que nous aimerions poursuivre nos travaux, mais sans le consentement unanime... Nous avons tous d’autres affaires à examiner.
    Je remercie les témoins de nous avoir éclairés et d’avoir contribué à la discussion. Je vous sais vraiment gré de votre participation.
    La séance est levée.
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