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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 149 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 mai 2019

[Enregistrement électronique]

  (0835)  

[Traduction]

     Bonjour à tous. Merci d'être ici. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous étudions un très important projet de loi qui tente de faire avancer la question de la gestion, par le Canada, des systèmes de prestation des services aux enfants et aux familles autochtones. Comme les statistiques montrent que nous faisons un mauvais travail et que nous tentons d'améliorer la situation, votre avis est très important.
    Avant de commencer, nous reconnaissons que nous nous trouvons sur le territoire non cédé des Algonquins. Je ne dis pas cela, en l'espèce, comme une simple formalité ou par souci de civilité: c'est plutôt une occasion qui est offerte à chacun d'entre nous, tout particulièrement aux membres du présent comité, de même qu'à tous les Canadiens — puisque nos débats sont télévisés — de réfléchir à cette question. Que vous connaissiez une famille autochtone ou viviez dans une famille de colons, je vous incite à réfléchir à l'histoire du Canada et à cerner la vérité. Alors que nous nous employons à progresser sur la voie de la réconciliation, il s'agit là de l'un des gestes les plus importants que nous pouvons poser en tant que pays, et il est urgent de le faire.
    Merci beaucoup d'être venus. Vous disposerez généralement d'un maximum de 10 minutes. Si vous prenez moins de temps que cela, vous obtiendrez une récompense. Je vous ferai signe lorsque nous approcherons de la fin de la période qui vous sera réservée. Après avoir entendu tous les groupes, nous passerons aux questions des membres.
    Nous allons débuter par le Sommet des Premières Nations et le grand chef Edward John, de même que Cheryl Casimer.
    Bienvenue. Lorsque vous serez prêts, nous pourrons commencer.
    [Traduction]
    Bonjour à tous. Merci de m'avoir offert l'occasion de partager avec vous un certain nombre de réflexions sur le projet de loi. J'aimerais commencer par reconnaître le territoire non cédé des Algonquins et les remercier de nous avoir permis de réaliser cet important travail.
    Je suis membre de l'exécutif politique du Sommet des Premières Nations, en Colombie-Britannique. Nous représentons les Premières Nations qui ont participé aux négociations de traités avec le Canada et la Colombie-Britannique et qui appuient celles-ci. Je suis également membre du First Nations Leadership Council, qui est un organisme de collaboration politique entre le Sommet des Premières Nations, l'Union of BC Indian Chiefs et le BC Assembly of First Nations.
    Le projet de loi dont vous êtes saisis est l'un des plus importants textes de loi pour les membres des Premières Nations depuis une génération.
     Pour les 204 communautés et conseils tribaux des Premières Nations de Colombie-Britannique, de même que pour nos nations qui s'emploient activement à mettre en place des lois et des politiques concernant les enfants et les familles au sein de nos systèmes de gouvernement, ce projet de loi s'est fait attendre depuis fort longtemps.
    Nous avons collaboré avec le Canada et la Colombie-Britannique pour nous préparer à la mise en oeuvre des compétences des Premières Nations. En 2015, nous avons confirmé que nous entreprendrions une réforme législative, des politiques et des pratiques en vue d'atteindre cet objectif. Si nous savons que la tâche que représente cette réforme est colossale, il s'agit néanmoins de l'une des tâches les plus importantes que nous devrons accomplir.
     Le projet de loi C-92 doit être interprété dans le contexte du statu quo pour les enfants des Premières Nations. En réalité, près de 5 000 enfants des Premières Nations sont pris en charge en Colombie-Britannique, ce chiffre étant d'environ 40 000 au Canada. Il s'agit là d'un nombre plus considérable d'enfants que ceux qui se sont retrouvés dans les pensionnats indiens, au plus fort de leurs activités.
    Nous sommes collectivement confrontés à une crise humanitaire et nationale des droits de la personne. Je rends hommage au travail de l'ex-ministre Jane Philpott, qui a convoqué une réunion nationale d'urgence en janvier 2018 afin de trouver un moyen de résoudre cette crise nationale, en partenariat avec les Premières Nations, et de régler le problème qui afflige les enfants, les familles et les communautés des Premières Nations.
    Nous estimons que le projet de loi C-92 représente un premier pas significatif et important des instances fédérales à l'égard de la réforme législative nécessaire pour aider les Premières Nations à exercer la compétence qui est la leur en matière de protection de l'enfance. Bien qu'il soit possible de renforcer le projet de loi C-92, celui-ci présente de nombreuses caractéristiques positives.
    Les Premières Nations de la Colombie-Britannique souhaitent franchir ce prochain pas, et le projet de loi C-92 nous offre le soutien nécessaire dont nous avons besoin pour ce faire ainsi que pour situer comme il se doit le cadre de ce travail pour les étapes de mise en oeuvre. Cela permettra également au Canada de travailler de manière judicieuse avec les Premières Nations, en se fondant sur la reconnaissance et le respect de nos droits en vue de transformer la situation sur le plan de la protection de l'enfance et de rétablir les systèmes et les approches autochtones en matière d'aide aux enfants et aux familles.
    Ce projet de loi comporte au moins six aspects principaux qui prendront appui sur le travail que nous avons déjà accompli et permettront de le faire passer au niveau suivant: le premier est celui de la priorité accordée aux approches en matière de prévention, le deuxième est celui des dispositions sur l'égalité réelle, le troisième est celui des dispositions relatives à l'intérêt de l'enfant, le quatrième est celui de la priorité accordée au placement des enfants dans la famille et la communauté, le cinquième fait référence aux principes qui sous-tendent la prestation des services, tandis que le sixième est celui de l'application régulière de la loi. Cependant, il faudra impérativement veiller à ce que ces concepts fonctionnent sur le terrain et que la mise en oeuvre de la loi parvienne à mettre fin à la surreprésentation des enfants des Premières Nations dans les systèmes de protection de l'enfance, et cède le pas à la prévention et à la réunification des familles.
    Cela étant dit, j'aimerais maintenant mettre l'accent sur un certain nombre de recommandations clés qui, selon nous, permettraient de renforcer le projet de loi.
    Nous recommandons que le projet de loi C-92 confie à un défenseur indépendant des droits des enfants ou à un commissaire, au niveau fédéral, le rôle d'appuyer la mise en oeuvre des concepts et des droits du projet de loi C-92 ainsi que de surveiller la mise en oeuvre en plus d'aider les enfants, les jeunes et les familles à s'y retrouver dans les systèmes qui seront touchés par cette loi.
    En deuxième lieu, nous reconnaissons qu'est prévue une période d'examen de cinq ans pour évaluer l'efficacité du projet de loi. Nous sommes d'avis que ce délai pourrait être trop long dans le cas du premier de ces examens. En fait, nous croyons que le projet de loi devrait faire l'objet d'un examen après trois ans et que l'on devrait s'assurer que le premier examen spécial couvre les questions soulevées par de nombreuses personnes qui se seront exprimées devant le présent comité ainsi que sous la forme de commentaires publics sur le projet de loi, y compris au chapitre des questions relatives au financement, à la compétence, aux meilleurs résultats pour les enfants et les jeunes, à la réunification des familles, au respect des femmes et des filles et à l'élimination de la discrimination fondée sur le sexe.
    Nous aimerions également ajouter une référence à la déclaration des Nations unies dans l'objet. Je vous exhorte à ajouter une référence spécifique à la déclaration des Nations unies dans la section de l'objet du projet de loi C-92, comme ce fut le cas dans le projet de loi C-91 en ce qui concerne les langues autochtones, de sorte que la déclaration des Nations unies puisse fixer et assurer le contexte nécessaire pour ce travail, à tous les niveaux. Nous proposons l'adoption d'un amendement visant l'étude d'un alinéa c) qui prévoirait ce qui suit: de mettre en oeuvre la déclaration des Nations unies en tant que cadre progressif pour la résolution des problèmes de droits de la personne touchant les enfants, les jeunes et les familles.

  (0840)  

     Nous aimerions maintenant aborder la question du financement. Nous estimons que le projet de loi doit également aborder les questions de financement prévu par la loi. Si nous ne sommes pas sûrs du mandat du comité s'agissant de recommander des changements à cet égard, je souligne que le financement représente un aspect d'une importance cruciale pour la réforme de la protection de l'enfance de même que pour appuyer les services à l'enfance et à la famille des Premières Nations.
    Par la suite, sur la règle des « liens plus étroits », nous attirons votre attention sur le fait que certaines des dispositions du projet de loi peuvent semer la confusion relativement aux lois et aux pratiques de nos Premières Nations.
     Les dispositions sur les liens plus étroits de l'article 24 prévoient que, lorsqu'un conflit entre les règles de deux nations semble poser un problème relativement à celui des deux systèmes de Premières Nations qui s'applique à la décision applicable à un enfant ou à une famille en particulier, le test mis de l'avant dans le projet de loi prévoit que la loi applicable sera celle de la « communauté » qui présente les « liens plus étroits ». Si ce type de règle peut être utile, elle doit néanmoins être qualifiée afin de permettre aux lois des Premières Nations de déterminer également comment les conflits seront gérés. Nos systèmes intertribaux sont parvenus à mettre de l'avant des solutions à cet égard depuis des générations et le caractère inflexible de cette approche pourrait saper certaines de nos lois et pratiques.
     Pour cette raison, j'estime qu'il y aurait lieu d'ajouter un paragraphe à l'article 24 qui prévoirait que « les règles en matière de règlement des conflits entre les lois peuvent également céder la place à des accords entre instances dirigeantes autochtones ou aux lois autochtones applicables aux enfants et aux familles ».
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître et de faire part de mes commentaires sur ce projet de loi important et capital, et je vous exhorte à faire preuve de détermination pour parachever cette tâche à titre prioritaire ainsi qu'à mener à bien ce projet de loi. Il se fait attendre depuis longtemps et il représente un besoin impérieux.
    Merci.
     Merci, madame la présidente. Bonjour, membres du Comité.
    J'aimerais également rendre hommage aux Algonquins et à leurs terres ancestrales.
    Comme nous appartenons à la même organisation en Colombie-Britannique, je ne reviendrai pas sur cet aspect. Je tiens cependant à souligner que, lors du dépôt de ce rapport, le premier ministre de la Colombie-Britannique a demandé que, compte tenu du grand nombre d'enfants pris en charge, nous sollicitions des avis sur ce que la province devrait faire. Il s'agit d'un rapport de près de 200 pages qui renferme quelque 86 recommandations. Il examine de manière approfondie les répercussions des lois, des politiques et des normes de pratique.
    Je n'ai pas commencé là. J'ai plutôt commencé auprès des communautés, en leur demandant ce qu'elles pensaient et quels étaient leurs sentiments à l'égard des répercussions qu'avaient ces lois, politiques, règlements et normes en matière de pratique provinciaux. Le bilan reflète donc leur point de vue. Il s'agit de l'aspect pratique de ces répercussions sur nos communautés. Le greffier l'a en sa possession, de même qu'un résumé. Un autre document a été remis au greffier avec un énoncé de notre position.
    Le projet de loi C-92 représente un net progrès en matière de prévention, d'intervention précoce et de services de protection — à l'article 1 — pour les enfants, les jeunes et les familles autochtones dans leurs communautés respectives, tout en reconnaissant et en respectant la diversité des peuples autochtones.
    Si le projet de loi évoque les jeunes autochtones, dans ses dispositions d'application, les jeunes ne sont pas inclus. Je pense qu'il y aurait lieu de s'y arrêter. Peut-être s'agit-il d'un oubli.
    Le Comité consultatif national est un comité consultatif du ministre des Services aux Autochtones. Le rapport provisoire de ce comité a été soumis à l'ex-ministre des Services aux Autochtones, Jane Philpott, de même qu'au chef national de l'APN, Perry Bellegarde. J'ai présidé ce comité. Ce comité a recommandé que le gouvernement fédéral envisage de promulguer une loi fédérale en vue d'intervenir à l'égard des énormes problèmes auxquels sont confrontés les membres des Premières Nations en ce qui concerne les enfants et les familles. La ministre Philpott a conclu que ces défis représentaient des crises humanitaires. Nous nous souvenons tous de ce moment.
    Les peuples autochtones qui élaborent leurs propres lois, règlements, politiques et normes de pratique exerceront leurs responsabilités dans un contexte moderne et feront valoir leurs droits inhérents de subvenir aux besoins de leurs enfants et de leurs familles, en plus d'y donner suite. Il s'agirait de leurs lois rédigées par eux et pour eux. La lecture conjointe des articles 18, 2 et 8 jette des bases nécessaires et essentielles à cet égard.
    Les principes d'application de l'« égalité réelle » que l'on retrouve au paragraphe 9(3) de même que de la « continuité culturelle » que l'on retrouve au paragraphe 9(2) sont essentiels pour les peuples autochtones. Combinés au soutien important et nécessaire des gouvernements fédéral et provinciaux, ils contribueront à remédier aux ravages profondément enracinés imputables à plus de 150 années d'assimilation délibérée et malencontreuse des lois et des politiques de la Couronne. Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation a parlé de « génocide culturel ».
    Le projet de loi C-92 et le projet de loi C-91 portant sur les langues autochtones fournissent un cadre de fond pour remédier aux piliers des politiques antérieures du gouvernement qui visaient à « tuer l'Indien chez l'enfant » en retirant l'enfant de ses frères et soeurs, de sa famille, de sa communauté, en le séparant des aliments, des terres, des territoires et des ressources, et en donnant une éducation qui visait à christianiser et à « civiliser » l'enfant en déclarant inférieures les philosophies, les enseignements, les langues et la culture autochtones.
    Le projet de loi comporte des lacunes et n'est pas exhaustif. Les peuples autochtones seront confrontés à des défis, à des obstacles et à des difficultés tant internes qu'externes pour parvenir à réaliser de façon complète et effective cet aspect important du droit à l'autodétermination. Il faudra du temps pour que soient apportés les changements constructifs et indispensables dont ont besoin les peuples autochtones.
    J'aimerais vous soumettre trois recommandations.
    L'article 15 devrait être renforcé en assurant le soutien nécessaire et d'autres mesures pour les parents, la famille élargie et la communauté, de sorte qu'aucun enfant ne soit enlevé pour des raisons liées à la pauvreté ou à la situation socio-économique de sa famille.
    La recommandation qui porte sur le financement et les crédits est d'une importance cruciale. On ne retrouve qu'une seule référence dans le préambule. Je recommande que la substance sous-jacente de cette reconnaissance soit déplacée du préambule aux dispositions d'application du projet de loi.

  (0845)  

     Je suis d'accord avec la recommandation qui vise à modifier l'article 8 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Nous espérons que les trois projets de loi, soit le projet de loi C-262, le projet de loi C-91 et le projet de loi C-92, seront adoptés et que la sanction royale sera donnée avant la fin de la présente législature.
    Enfin, la Loi d'exécution du budget, qui contient de nombreux engagements financiers importants envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis, doit être adoptée. Nous ne pouvons laisser les engagements du Canada mourir au feuilleton. Nous sommes déjà passés par là.
    Je vous remercie.
    Si seulement nous pouvions contrôler le Sénat... Non, c'est une blague. Il y a bel et bien une deuxième chambre et nous ne sommes pas sûrs de ce qu'il en adviendra. Comme vous le savez certainement, ils sont également en train d'étudier le projet de loi. Nous sommes tous impatients de voir ce projet de loi adopté par la Chambre comme par le Sénat.
    Nous allons maintenant accueillir la Nation Nishnawbe Aski, avec Bobby Narcisse et Julian Falconer.
     Vous pouvez commencer lorsque vous êtes prêts.
    Bonjour à tous. Je m'appelle Bobby Narcisse. Je fais partie de la Nation Nishnawbe Aski, NAN, à l'origine de la Première Nation Aroland, dans le cadre des Traités nos 9 et 5. Nous aussi aimerions reconnaître le territoire des Algonquins. Nous sommes très heureux d'être ici pour présenter un mémoire au comité permanent.
    La Nation Nishnawbe Aski profite de cette occasion pour exprimer son point de vue sur le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. La NAN appuie l'idée d'une loi fédérale affirmant la compétence des Premières Nations en matière de protection de l'enfance et de la famille, mais s'inquiète néanmoins de certaines faiblesses que comporte la version actuelle du projet de loi C-92.
    La Nation Nishnawbe Aski s'est dotée d'un comité des chefs sur les enfants, les jeunes et les familles, et celui-ci a eu l'occasion, au cours des neuf derniers mois, de délibérer à de nombreuses reprises sur la législation fédérale relative aux services à l'enfance et à la famille. Nos membres du comité des chefs connaissent intimement et douloureusement les graves défaillances du paradigme actuel en matière de protection de l'enfance de même que les torts causés par plus d'un siècle d'interférence fédérale et provinciale dans la vie et la gouvernance des communautés et des familles de la Nation Nishnawbe Aski. Fait tout aussi important, les membres du comité des chefs connaissent intimement les forces et la sagesse de nos aînés et de nos ancêtres, au même titre que la richesse culturelle, intellectuelle et spirituelle sur lesquelles tant eux-mêmes que leurs communautés peuvent s'appuyer, et ils en sont reconnaissants.
    Le présent mémoire évalue le projet de loi C-92 par rapport aux caractéristiques essentielles de la législation telle qu'identifiée par le comité des chefs sur les enfants, les jeunes et les familles, qui furent endossées lors d'une réunion des chefs portant sur le thème de la protection de l'enfance en octobre 2018. La loi fédérale en matière de bien-être des enfants autochtones doit faciliter un changement de paradigme en ce qui concerne les services aux enfants et aux familles. Depuis trop longtemps, ces services n'ont pas été à la hauteur des besoins de nos enfants, de nos jeunes et de nos familles.
    Gardant cela à l'esprit, la Nation Nishnawbe Aski préconise une loi fédérale qui, dans un premier temps, affirme la compétence inhérente des Premières Nations en matière de bien-être des enfants et des familles et affirme que cette compétence est exclusive là où elle est revendiquée par une Première Nation, peu importe le lieu de résidence d'un enfant des Premières Nations. Une telle affirmation reconnaît que les Premières Nations sont les mieux placées pour prendre des décisions en ce qui concerne l'intérêt de leurs enfants.
     En deuxième lieu, nous préconisons une législation qui garantit un financement adéquat, durable, prévisible et équitable aux Premières Nations pour leur permettre d'exercer leur compétence inhérente dans le domaine du bien-être des enfants et des familles. La loi veille à ce que l'utilisation de termes tels que « codéveloppement » et « collaboration » soit définie et contextualisée comme signifiant « authentique collaboration ». De tels concepts devraient être utilisés pour faciliter l'accomplissement de l'obligation de consulter et d'obtenir un consentement libre, préalable et éclairé, et non de s'y substituer. Ces concepts devraient également assurer une rupture complète dans la manière dont l'« intérêt de l'enfant » a été utilisé par rapport aux enfants, aux jeunes et aux familles des Premières Nations.
    En ce qui concerne la compétence, le projet de loi C-92 a pour premier objectif d'affirmer les droits et la compétence des peuples autochtones en matière de services à l'enfance et à la famille. Il s'agit là d'un bon point de départ. Cependant, dans sa version actuelle, le projet de loi C-92 affaiblit la compétence des Premières Nations. L'effet combiné de l'absence de reconnaissance du fait que nous pouvons exercer une compétence exclusive sur nos enfants, et du maintien, par le Canada et les provinces et/ou leurs fournisseurs de services et leurs juges, d'un pouvoir prépondérant en invoquant l'intérêt de l'enfant, signifie que le projet de loi C-92 ne reconnaît pas pleinement la compétence inhérente de notre peuple en matière de bien-être des enfants et des familles.
    En ce qui concerne le financement, le projet de loi C-92 ne contient aucune garantie législative de financement pour nos enfants et nos familles. Ceci est profondément préoccupant. Il ne suffit pas que l'énoncé du préambule reconnaisse la demande actuelle de financement prévisible, stable, fondé sur les besoins et conforme au principe de l'égalité réelle pour les services à l'enfance et à la famille, afin de garantir des résultats positifs à long terme pour les enfants, les familles et les communautés autochtones. Cet appel doit être assorti de garanties prévues par la loi pour un tel financement.
    L'affaire de la Société de soutien devant le Tribunal canadien des droits de la personne a mis en lumière les violations des droits de la personne qui se produisent lorsque le financement de nos enfants n'est pas légiféré.

  (0850)  

    En 2011, la vérificatrice générale du Canada a déterminé que l'absence de fondement législatif à l'appui des programmes offerts dans les réserves et le caractère inapproprié des mécanismes de financement de ces programmes constituaient deux des quatre obstacles structurels qui limitaient gravement la prestation de services publics et nuisaient à l'amélioration des conditions de vie dans les communautés des Premières Nations.
    Lorsqu'il a témoigné devant le Comité permanent des comptes publics au sujet du rapport de la vérificatrice générale, en 2012, le sous-ministre d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada de l'époque a expliqué ce qui suit:
Un des aspects vraiment importants du rapport de la vérificatrice générale tient à ce qu'il indique l'existence de quatre... conditions manquantes. C'est la manière de les combiner qui aboutira vraisemblablement à un changement durable. On pourrait choisir l'une ou l'autre de ces conditions, par exemple une législation sans financement, ou un financement sans législation, et ainsi de suite.
    Cela pourrait se traduire par quelques résultats, mais ceux-ci seraient probablement, à notre avis, de nature temporaire. Si l'on veut un changement structurel durable, il faut combiner ces outils...
    Nous avons besoin d'un changement de paradigme. Nous avons besoin d'un changement durable. La législation doit s'accompagner de garanties législatives en matière de financement. La nouvelle législation sur les services policiers de l'Ontario est un bon modèle de solution législative efficace en matière de financement.

  (0855)  

    En ce qui concerne la collaboration, depuis août 2018, la nation nishnawbe-aski a fait part de plusieurs de ses préoccupations à SAC au sujet de la législation sur le bien-être des enfants autochtones, y compris au sujet de la collaboration dans la description du processus. Nous voulons nous assurer, compte tenu des préoccupations évoquées jusqu'ici, que le processus de collaboration du Canada...
     Cette disposition au sujet de la collaboration est inquiétante. Le Canada a l'obligation constitutionnelle de consulter les Premières Nations lorsqu'il envisage des mesures qui touchent leurs droits en vertu de l'article 35, ce que feraient les règlements prévus dans le projet de loi C-92. Cette obligation figure également dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui énonce clairement que le Canada doit obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations.
    Aussi, la manière dont « l'intérêt de l'enfant » est décrit dans le projet de loi est préoccupante. Dans un énoncé de principe rédigé en septembre 2018 afin d'orienter ses délibérations sur la législation fédérale sur le bien-être des enfants autochtones, le Comité des chefs a déclaré que le gouvernement fédéral a lamentablement échoué face à nos enfants et à nos familles. Au nom de l'« intérêt de l'enfant », le système des pensionnats indiens, tout d'abord, puis le système de protection de l'enfance, ont arraché nos enfants à leurs familles, à leurs communautés... Les conséquences de ces gestes se font toujours sentir, et sont intergénérationnelles. Le Canada et ses provinces n'ont aucune crédibilité pour ce qui est de faire valoir des droits ou de leur capacité à agir dans l'intérêt de nos enfants.
    L'idée d'une loi fédérale sur le bien-être des enfants autochtones qui affirmerait les droits et la compétence des peuples autochtones en matière de services à l’enfance et à la famille est encourageante pour la nation nishnawbe-aski. Le projet de loi C-92 devrait être renforcé et reconnaître clairement que notre compétence inhérente dans ce domaine est une compétence exclusive, il devrait garantir le financement nécessaire à l'exercice de notre compétence dans ce domaine, éviter l'ambiguïté découlant de l'utilisation des termes « collaborer de façon significative », qui sont mal définis, et éliminer les notions colonialistes, paternalistes et nocives perpétuées par les dispositions sur l'intérêt de l'enfant, afin de garantir une rupture complète avec le passé.
    Nous sommes prêts pour un nouveau paradigme dans le domaine des services à l’enfance et à la famille autochtones.
    Meegwetch.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre Jeffry Nilles, à titre d'étudiant et à titre personnel.
    Merci d'être venu ici.
     Merci de m'accueillir ici.
    Je m'appelle Jeffry Nilles, comme vous le savez, et j'ai vécu en famille d'accueil.
    C'était entre la fin des années 1960 et le début des années 1970. Je vais maintenant vous raconter mon histoire.
    Je suis originaire de Winnipeg, au Manitoba. Je suis ici pour vous raconter quelques-uns des souvenirs que je garde de ma petite enfance en famille d'accueil et de ma vie par la suite.
    Je vais d'abord vous parler de moi. Je suis ojibway. Ma mère vient de Waterhen, au Manitoba, une réserve située à quatre heures de route au nord de Winnipeg. Mon père vient du Luxembourg, en Europe. Quant à moi, je suis père de famille monoparentale. J'ai cinq enfants. Les trois plus jeunes vivent avec moi. J'ai 53 ans, je suis inscrit au collège Neeginan, où je suis un cours de technicien spécialisé en maintenance immobilière. Ma présence ici fait partie de mon cheminement vers la guérison et m'aidera à mieux me connaître en tant qu'Anishinabe.
    Je vais commencer par vous dire que je vais parler de mes souvenirs, bons et mauvais. Je n'ai jamais parlé de mon séjour en famille d'accueil avant l'an dernier, lorsque j'ai commencé à participer à un groupe de guérison pour hommes au centre pour Autochtones de Winnipeg. J'ai commencé à m'ouvrir et à parler de mon passé dans le cadre de mon groupe pour hommes, et c'est ce qui m'a conduit ici, à Ottawa.
    Je vais commencer par vous raconter mes premiers souvenirs d'enfant, avant d'être placé en famille d'accueil. Je vais commencer par vous parler de mon premier chiot, Skippy. Je me souviens l'avoir reçu de mon mishoomis, mon grand-père, à la campagne. Mes plus anciens souvenirs de mon grand-père concernent l'heure du coucher. Il nous racontait les histoires de Nanabush, à moi et à mes soeurs. Je me rappelle encore qu'il jouait du violon, le soir, que moi et mes cousins essayions de giguer, et que tout le monde riait. Je me rappelle aussi avoir reçu mes premiers points de suture après être tombé de ma bicyclette. Malheureusement, je me rappelle aussi que mes parents buvaient et se disputaient. Un jour, mon enseignante est venue à la maison et nous avons été emmenés. J'ai vu mes soeurs pleurer en demandant leur maman. J'avais six ans, cette année-là.
    J'ai passé plus de 45 ans à essayer d'oublier mon séjour en famille d'accueil. Ça me bouleverse encore quand je me rappelle cette période.
    Voici quelques-uns de mes souvenirs. Je vais vous les confier. L'un de mes premiers souvenirs est celui d'une dame qui me crie dessus. Je pense qu'elle criait parce que je n'arrêtais pas de pleurer. Je me rappelle que je voulais voir ma maman. On m'a mis en punition dans un coin en me disant de me mettre à genou face au mur. Je me rappelle être resté dans ce coin jusqu'à ce que j'arrête de pleurer. Il y a eu d'autres fois où on m'a envoyé au coin. Je me rappelle qu'une fois, pendant un repas, j'ai eu besoin d'aller aux toilettes, et je l'ai dit dans ma langue. On m'a envoyé au coin, et j'ai commencé à me pisser dessus. Je me rappelle qu'elle m'a agrippé et m'a emmené à la salle de bain, qu'elle m'a déshabillé en criant et en m'appelant « sale Indien ». Je ne savais pas ce qu'était un « Indien ».
    Une autre fois, la dame a fait des biscuits aux raisins. Elle les avait laissés refroidir sur la cuisinière. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai pris quelques raisins. Un peu plus tard, la dame s'est mise à crier encore une fois et à demander qui avait pris les raisins. J'ai encore été envoyé en punition dans un coin en me faisant dire que tout ce que les Indiens savent faire, c'est de voler. Je ne savais pas que ce que j'avais fait était mal. Une autre fois, je me promenais à bicyclette et je me suis perdu. Je me rappelle que la police m'a ramené chez la dame, ce soir-là. Je me rappelle qu'elle criait et disait: « Je veux que cet Indien sorte de ma maison. Ramenez-le d'où il vient. » Je me suis rappelé cette phrase plus d'une fois.
    Je ne me souviens pas combien de temps j'ai vécu en famille d'accueil. Quand j'ai retrouvé ma famille, mes parents nous ont emmenés en Colombie-Britannique, en 1972. Je le sais parce que j'ai encore les photos de ma classe de deuxième année qui ont été prises à l'école. Ma mère a commencé à nous enseigner à parler ojibway, à moi et à mes deux soeurs les plus jeunes, parce que nous ne nous souvenions d'aucun des mots qu'elle nous disait. Mes soeurs ont très vite réussi à comprendre ce que ma mère disait, mais pas moi. J'avais toujours un prétexte pour ne pas apprendre, et je disais que c'était trop difficile. Je pense que je ne voulais tout simplement pas apprendre.
    Nous sommes retournés à Winnipeg en 1974, et c'est là que j'ai à nouveau entendu les mots « sale Indien ». J'étais à l'école. J'avais neuf ans quand un élève plus grand que moi, dans ma classe, a tiré sur ma chaise juste au moment où j'allais m'asseoir. J'ai sauté sur mes pieds et tout le monde a ri. Je me rappelle qu'il disait: « Regardez le sale Indien. » L'instant d'après, je me suis retrouvé à me bagarrer à coups de poing pour la première fois. Je ne sais pas pourquoi j'étais aussi en colère; je sentais juste que tout le monde me dévisageait. Plus tard, ce jour-là, j'ai demandé à ma mère ce que signifiait le mot « Indien ». Elle m'a expliqué que nous étions le premier peuple de ce pays, et m'a dit que je devais être fier de notre identité. Je ne comprenais pas. Je ne me sentais pas fier.
    Nous avons déménagé deux autres fois avant que mon père achète une maison sur la rue Alexander, à l'été 1976. Nous sommes allés voir le père de ma mère, dans la réserve. Je me rappelle que mes cousins me taquinaient parce que je ne pouvais pas parler avec eux et que je ne comprenais rien de ce que les gens disaient.

  (0900)  

    Je n'aimais pas cet endroit; tout ce que je voulais, c'était retourner à la maison au plus vite. La dernière fois que je suis allé dans la réserve de ma mère, c'était pour enterrer son frère, en 1978. Je détestais tout de la réserve: la nourriture, l'eau, les toilettes extérieures. Je détestais la manière dont les gens vivaient. Il y avait des maisons aux vitres cassées. J'avais l'impression que tout le monde buvait tout le temps. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est la dernière fois où j'y suis allé.
    En 1980, mes parents ont divorcé. Mon frère cadet et moi sommes restés avec mon père et mes soeurs sont parties avec ma mère. L'année suivante, j'ai quitté l'école secondaire et j'ai commencé à travailler. On m'avait dit que si je travaillais dur et que je payais mes factures à temps, la vie serait belle. Lorsque je repense aux 30 dernières années de ma vie, je me rends compte que j'ai tourné le dos à ma famille et à mes proches en plusieurs occasions. Je n'allais ni aux mariages ni aux autres événements qui avaient lieu dans la réserve et auxquels j'étais invité. J'avais semble-t-il toujours une bonne raison de ne pas y aller.
    Ça a été encore plus évident quand ma mère est décédée, en 2006. Par égoïsme, j'ai fait enterrer sa dépouille à Winnipeg et non pas dans la réserve, pour ne pas avoir à y aller. C'est comme ça que j'agissais: je pensais toujours à moi. J'ai commencé à vivre des difficultés dans ma propre relation de couple. Après 17 ans de vie commune, nous nous sommes séparés, en 2016, et mon fils est venu vivre avec moi. L'année suivante, ma fille aînée est elle aussi venue vivre avec moi. Elle a obtenu son diplôme cette année-là, avec distinction. Elle a reçu une bourse d'études complète de la Tallman Foundation. Un moment de grande fierté pour son papa.
    Je me suis retrouvé avec une hernie, à cause du travail, et j'ai été mis à pied juste avant Noël, en 2017. Je devais être opéré au début de la nouvelle année. Les services à l'enfance et à la famille ont frappé à ma porte juste avant le jour de l'An, pour me demander si je pouvais prendre mes jumelles à la maison. Je n'ai pas hésité, j'ai invité tout le monde à entrer. On m'a dit que leur mère ne pouvait pas s'occuper d'elles. C'était le 8 janvier dernier. J'étais tellement heureux que mes enfants vivent tous avec moi, plutôt qu'avec des étrangers.
    On m'a dit que je serais le fournisseur de soins principal de mes jumelles et que les services à l'enfance et à la famille viendraient à la maison aux deux semaines pour voir comment je me débrouillais. Ça n'a pas été facile, le premier mois. Je les emmenais à l'école en utilisant les transports en commun. Il fallait prendre deux autobus pour s'y rendre. Je ne voulais pas qu'elles changent d'école parce que c'était leur dernière année à cet endroit.
    Un jour, après avoir déposé mes filles à l'école, j'ai décidé de rentrer à la maison à pied. En marchant, je suis passé près de l'ancienne gare, sur la rue Main. Je me suis rendu compte qu'il y avait là un centre éducatif pour Autochtones. Je suis entré, j'ai vu dans le répertoire qu'il y avait un groupe pour hommes et je me suis présenté aux aînés. Je leur ai un peu parlé de moi et ils m'ont dit qu'il y avait un cercle de partage et un programme parental pour hommes qui se terminait par une retraite et une cérémonie de la suerie.
    J'étais curieux et je me suis inscrit, puis je me suis mis à assister aux rencontres des deux groupes. C'était la première fois que j'étais exposé à ma culture. J'étais intrigué par les histoires qui étaient racontées dans les groupes. Ils réunissaient 12 étrangers dont l'âge allait du début de la vingtaine à la fin de la cinquantaine. Au cours des 10 semaines suivantes, j'ai appris les 7 enseignements sur la Terre mère. J'ai aussi appris à faire la cérémonie de la purification par la fumée, à prier et à demander pardon, pour moi et pour d'autres.
    Lorsque je retournais à la maison, après les rencontres, je pensais à mon passé, mais surtout, je pensais à ma mère et je me disais qu'elle serait tellement fière de moi. J'ai raconté quelques-unes de mes histoires à mes enfants. Mon fils le plus jeune m'a demandé si je connaissais ma langue. C'était la première fois que je pleurais devant mes enfants, je crois, quand j'ai essayé de leur expliquer pourquoi je ne connaissais pas ma langue et que je leur ai parlé de mon sentiment de culpabilité et de la honte que j'éprouvais à être qui j'étais devenu. Mes enfants m'ont fait tellement plaisir quand ils m'ont dit qu'il n'est jamais trop tard pour apprendre, mais au fond de moi, je savais ce que j'avais fait.
    Puis le jour de la suerie est arrivé. J'étais à la fois très excité et nerveux. La suerie a eu lieu à Beausejour, au Manitoba. C'était magnifique. On m'a dit de me déshabiller, de ne garder que mes sous-vêtements et d'apporter une serviette. Je suis entré en avançant à quatre pattes. Assis dans le noir, j'ai vécu une expérience marquante. Je me rappelle l'aîné qui aspergeait les grands-pères avec de l'eau, le grésillement de l'eau qui se transformait en vapeur, le puissant son du tambour, mon coeur qui battait et les chants. J'ai vécu une émotion incroyable.
    Nous avons remercié la Terre mère tout en demandant au créateur de guérir nos malades et nos dépendances et en priant pour demander pardon.

  (0905)  

    Quand est venu mon tour de parler, je ne pouvais penser qu'à ma mère et au fait que j'ai tourné le dos à ma culture. Je me suis senti envahi par la culpabilité. J'ai admis que j'étais en colère, tout le temps. J'avais fait des commentaires racistes visant ma mère, ma famille et ma culture. J'avais honte d'être Indien, et je ne comprenais pas pourquoi. Je voulais savoir qui j'étais.
    Les aînés m'ont dit de laisser aller mon passé, de me pardonner et de partager mes histoires sur la guérison. Quand la suerie s'est terminée, je me suis senti fier de comprendre un peu notre culture, nos croyances et nos rires. J'ai ressenti de l'espoir, l'impression d'avoir une deuxième chance d'être un meilleur père pour mes enfants. Je ne suis plus tout le temps aussi sérieux. Je ris, je pleure, mais surtout, j'ai appris à m'aimer à nouveau. Je suis inscrit dans un programme de formation au collège Neeginan. J'ai entrepris de m'instruire et d'instruire mes enfants au sujet de notre culture. J'ai ouvert mes yeux et mon coeur à cette nouvelle façon de vivre. Je fais la cérémonie de la purification par la fumée tous les matins avec mes enfants. La maxime préférée de mes jumelles est: partager, c'est aimer.
    Ceci est une partie de mon histoire. Meegwetch. Merci de m'avoir accueilli ici, et merci à tous ceux qui ont fait en sorte que je vienne ici, en particulier le centre pour Autochtones de Winnipeg.
    Si vous avez des questions, j'y répondrai avec plaisir. Merci beaucoup.

  (0910)  

    Merci, monsieur Nilles. Votre histoire est très percutante et nous vous remercions de nous l'avoir racontée. Vous avez vécu une histoire horrible. Encore aujourd'hui, il y a 11 000 enfants en famille d'accueil, uniquement au Manitoba, et nous devons agir face à cette situation. Notre comité est autorisé à jouer un rôle que nous espérons positif pour régler certains des problèmes évoqués. Merci beaucoup d'être venu ici.
    Nous allons maintenant permettre aux députés de poser des questions. Je vois que nous avons un peu moins de 20 minutes.
    Mesdames et Messieurs, souhaitez-vous conserver la formule des blocs de sept minutes? Oui? D'accord.
    Nous commencerons la période de questions en donnant la parole au député Yves Robillard.

[Français]

    Merci de vos témoignages.
    Ma première question s'adresse à Mme Casimer et au grand chef John.
    Au début de l'élaboration du projet de loi, vous avez mentionné dans un communiqué de presse l'importance d'une transition et d'une mise en oeuvre harmonieuses de la loi proposée.
    Comment voyez-vous cette transition maintenant? Pourriez-vous nous donner des précisions sur la meilleure voie à suivre pour une mise en oeuvre réussie?

[Traduction]

    Chef John.
    C'est une très bonne question. Une question que nos peuples auront tous à l'esprit, au sujet des transitions requises. En Colombie-Britannique, nous avons 23 organismes délégués et 204 Premières Nations, c'est-à-dire environ le tiers de toutes les Premières Nations du pays. Nous avons 84 Premières Nations qui n'ont pas de relation avec un organisme délégué et qui reçoivent les services du ministère des Enfants et de la Famille de la province. Les autres sont membres des 23 organismes délégués.
    La transition se fera maintenant du gouvernement de la Colombie-Britannique et des organismes délégués aux communautés; comment se fera-t-elle? Cela prendra du temps et beaucoup de planification. Plusieurs des organismes délégués dont je parle ont été mis sur pied par les Premières Nations elles-mêmes. Elles pourront choisir, si elles le désirent, de ne rien changer aux organismes, sauf qu'ils relèveront de leur autorité.
    Il existe des problèmes pratiques très importants. Pour moi, bien sûr, le principal problème consiste à savoir s'il s'agit d'un organisme délégué, d'un organisme des Premières Nations ou du gouvernement provincial, dans ce projet de loi. Je m'attends à ce que ces trois modèles survivent. Le très gros problème, pour moi, est celui du financement des services fournis. C'est ce qui nous a posé de très sérieux problèmes, de manière générale, tant avec le gouvernement fédéral qu'avec le gouvernement provincial. À cet égard, je pense que le Tribunal des droits de la personne offre un mécanisme de règlement des différends qui a été très utile pour régler les épineux défis posés par les questions financières.
    Je tiens à saluer Mme Jane Philpott. À titre de ministre responsable de ces questions, elle a été très attentive aux questions et aux problèmes qui ont été soulevés... tout comme son successeur, le ministre O'Regan, évidemment.

[Français]

    Madame Casimer, lorsque ce projet de loi a été présenté, vous avez dit que c'était sans doute l'une des mesures législatives les plus importantes pour les peuples autochtones depuis une génération, car elle permettra d'améliorer la situation des enfants et des jeunes Autochtones en mettant l'accent sur le renforcement et le maintien des familles plutôt que sur l'intervention et la séparation. Nous arrivons à la fin du processus législatif concernant ce projet de loi. Pensez-vous que nous avons pris la bonne direction en mettant en avant l'intérêt de l'enfant?

  (0915)  

[Traduction]

     Je crois sincèrement que ce projet de loi est l'oeuvre la plus importante que nous ferons en tant que membres des Premières Nations au Canada, mais il ne s'agit pas seulement des membres des Premières Nations. Je pense qu'il faut qu'il s'agisse d'un front collectif de non-Autochtones et d'Autochtones, afin d'assurer le succès de la réunification et de maintenir des liens solides entre nos enfants et nos jeunes et leurs communautés.
    Dans notre situation en Colombie-Britannique — et c'est uniquement pour nous que je peux parler —, je crois qu'il est très important que nous ayons une relation avec la province qui nous place dans une situation unique. Nous sommes actuellement assis à une table avec un processus tripartite entre le Canada, la Colombie-Britannique et le Conseil des leaders des Premières Nations. Grâce à ce processus, nous avons été en mesure de cerner les priorités, de déterminer ce qui fonctionnera pour aller de l'avant et d'apporter des changements importants dans nos communautés.
     Je crois que, grâce à cette relation, nous avons l'avantage de pouvoir travailler à la mise en oeuvre de la loi une fois qu'elle aura reçu la sanction royale.
    Je crois que le fait que la loi reconnaisse notre droit inhérent à notre compétence en matière de protection de l'enfance nous donne la capacité de mettre en place des mesures de protection, afin que nous ne soyons pas axés sur la protection, mais plutôt sur la prévention.
    Mon organisme, dans ma nation, a commencé par offrir des services de prévention, de sorte que nous puissions régler un problème dès qu'il a été identifié et que nous puissions fournir aux familles le soutien et les outils nécessaires pour qu'elles restent unies, au lieu d'en arriver à un point où les enfants doivent leur être retirés.
    Ce projet de loi nous donnera les outils nécessaires pour le faire à plus grande échelle. Je crois que, grâce à cela, nous assurerons la sécurité de nos enfants.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme Cathy McLeod.
    Merci à tous les témoins. Nous avons entendu des témoignages très convaincants.
    Comme vous le savez, ce projet de loi est appuyé de tous les côtés de l'assemblée. Il s'agit simplement de s'assurer qu'il est aussi adéquat que possible. Je ne pense pas que quiconque croit que c'est un projet de loi parfait. Je pense que nous essayons de faire de notre mieux pour l'améliorer.
     Je vais commencer par le grand chef John. Ce que j'ai eu du mal à comprendre, c'est qu'il a été question de la Déclaration de l'ONU et de l'intégration du projet de loi C-262 de M. Saganash dans la législation. Cela exigerait le consentement préalable, libre et éclairé de toutes les Premières Nations et de tous les peuples autochtones touchés.
    Nous entendrons plus tard les témoignages de l'Assemblée des chefs du Manitoba et d'autres intervenants qui n'appuient pas ce projet de loi. De toute évidence, ils ne donnent pas de consentement libre, préalable et éclairé. J'aimerais vraiment savoir comment traiter ces deux concepts. Vous nous demandez d'adopter un projet de loi. Nous savons que des communautés importantes au Canada — d'après l'article de la Déclaration des Nations unies et le consentement préalable, libre et éclairé — nous diraient de ne pas le faire.
    Je vous remercie.
    Comme vous le savez, j'étais à Genève lorsque la Déclaration de l'ONU a été négociée. J'y ai passé de nombreuses années. Je comprends le contexte dans lequel il a été élaboré et les raisons pour lesquelles les dispositions sont telles qu'elles sont. Il y a 46 articles dans la déclaration. Il y a 23 paragraphes de préambule qui visent tous à réaliser une chose en fin de compte: faire en sorte que les droits contiennent des normes minimales pour la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones. C'est à l'article 43.
    La question du consentement préalable, libre et éclairé est un fil conducteur de l'ensemble de la déclaration. Il ne s'agit pas simplement d'une seule disposition, mais de nombreuses dispositions différentes. Je tiens à préciser que cette disposition relative au consentement préalable, libre et éclairé n'est pas un nouveau droit. Il est déjà établi dans d'autres instruments internationaux que le concept de consentement préalable, libre et éclairé est un principe important du droit international coutumier.
    Nous l'avons observé au Canada lorsque les tribunaux se sont penchés sur la consultation et l'accommodement. Dans l'affaire Haida, même le consentement dans les cas graves et importants, je ne vois aucun cas où ce principe ne s'appliquerait pas.
    Le consentement libre, préalable et éclairé de la nation, s'ils veulent établir leurs propres lois, c'est leur choix. C'est ce que j'ai dit dans mes remarques liminaires. Ce sont eux qui légifèrent, pour eux. Je pense que c'est la forme la plus vraie de l'exercice du consentement libre, préalable et éclairé.

  (0920)  

    Je vais simplement faire un autre commentaire. J'aimerais ensuite donner à ma collègue Mme Philpott l'occasion de poser des questions.
    Je pense que l'article 19 parle de lois d'application générale. Je verrais cela comme une loi d'application générale. J'ai toujours de la difficulté. Nous pourrions peut-être avoir une plus longue conversation autour d'un café un jour, parce que j'ai vraiment de la difficulté à faire la distinction.
    J'aimerais partager mon temps de parole avec Mme Philpott.
    Merci beaucoup, madame McLeod, de me donner l'occasion de poser une question.
    Je tiens à saluer les collègues qui sont venus aujourd'hui et à vous féliciter pour tout le travail que vous avez accompli à ce sujet. Je remercie le Comité de son excellent travail sur ce projet de loi qui, à mon avis, est probablement le plus important sur lequel le gouvernement travaille, car il fera une différence dans la vie des enfants.
    Je suis d'accord avec Mme McLeod pour dire que le projet de loi n'est pas parfait. L'une de mes questions porte particulièrement sur le financement, qui est probablement l'une des critiques les plus sévères. Bobby, je pense que tu as soulevé d'excellents points.
    Selon moi, l'idéal serait que ce projet de loi soit financé, premièrement, conformément au principe de Jordan, qui exige que les enfants ne soient pas discriminés en fonction de l'endroit où ils vivent. Je pense qu'il existe des moyens d'obtenir du financement pour assurer le bien-être des enfants en appliquant le principe de Jordan, mais ce n'est pas la méthode idéale. Le deuxième, c'est l'engagement que le gouvernement a pris concernant le Tribunal des droits de la personne, qui l'oblige à payer les coûts réels pour prévenir le retrait des enfants. Ensuite, bien sûr, je pense qu'il y a l'argument très pragmatique du fait qu'en fin de compte, le financement et la prestation du financement prévu par la loi pour les services à l'enfance et à la famille sauveront la société en ce qui concerne les mesures financières et d'autres mesures dans l'avenir. Il ne fait aucun doute que le but ultime serait d'obtenir du financement prévu par la loi.
    Je suppose que ma question est la suivante: qu'allons-nous faire au cours des sept prochaines semaines? Quelles sont vos recommandations? Pour ce qui est de l'adoption de ce projet de loi, j'ai proposé un amendement suggérant que l'examen ne devrait pas avoir lieu après cinq ans, mais plutôt après trois ans. J'ai également proposé que l'examen comprenne expressément une analyse visant à déterminer si le financement a été adéquat, ce qui oblige les gouvernements et les organismes à s'assurer que ces services ont été financés adéquatement, et nous permettra, je l'espère, d'ici trois ans, d'obtenir un financement prévu par la loi.
    Avez-vous d'autres suggestions plus intéressantes? Je soupçonne que c'est le cas pour ce qui est de la façon dont nous pouvons régler ce problème. Certains ont suggéré que le projet de loi ne devrait pas être adopté s'il n'y a pas de financement. Je pense que le projet de loi devrait être adopté, mais comment pouvons-nous le renforcer afin de nous diriger très bientôt vers un monde où le financement prévu par la loi deviendrait une réalité?
    Il ne reste que 45 secondes.
    Veuillez poser votre question, et la réponse doit être très, très brève,
    À qui la posez-vous?
    M. Falconer.
    Je tiens à souligner et à réitérer mon respect pour la contribution que vous avez apportée en tant que ministre.
    Très vite, faute de temps, la première réponse à une situation de faiblesse, de carence ou de cassure, c'est d'y remédier. La loi est faible, déficiente et brisée en ce qui concerne le financement. Simplement ne pas éviter — et je ne dis pas que c'est ce que vous faites — comme une technique, et de dire passons à autre chose n'est pas une solution. C'est précisément l'exemple d'une mauvaise fondation qui mène à une série d'autres problèmes. La réponse est de prévoir un financement prévu par la loi.
    À mon avis, il n'y a pas d'autre solution que de réparer quelque chose qui est complètement brisé.
    Deuxièmement, je voudrais...

  (0925)  

    Je suis désolée, nous avons dépassé le temps alloué.
    C'est bon.
    Mme Rachel Blaney fera peut-être un suivi.
    L'interrogatoire durera environ cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord profiter de l'occasion pour remercier Jeffry Nilles pour ce témoignage extraordinaire.
    Merci d'avoir abordé ce sujet. Cela nous donne vraiment une base pour le travail que nous sommes sur le point d'accomplir, alors je vous en remercie. Je respecte vraiment tout ce travail acharné.
    Ma question revient toujours à l'argent. J'ai vécu dans une réserve. J'ai été un parent d'accueil dans la réserve pour que nous puissions garder nos enfants chez nous. Je sais à quel point cela peut être difficile, et je connais les limites et le manque de financement. J'ai tout vécu cela.
    L'une des choses que je propose, c'est que le projet de loi renferme des principes de financement. Nous savons qu'il n'est pas logique de fixer un montant d'argent dans ce projet de loi, mais ce qui l'est, ce sont les principes. Et, bien sûr, j'appuie Cindy Blackstock et la décision du Tribunal des droits de la personne ainsi que les principes qui s'y rattachent, qui, à mon avis, devraient figurer directement dans ce projet de loi.
    J'aimerais commencer par le grand chef Ed John et vous demander ce que vous en pensez, et j'espère que nous allons passer à quelques députés avant de passer à autre chose.
    Merci beaucoup, Rachel. Je l'apprécie vraiment et je tiens moi aussi à rendre hommage à mon frère Jeffry, et à lui rendre hommage pour l'histoire extrêmement difficile qu'il nous a racontée. Je suis également un survivant des pensionnats indiens, alors je me sens concerné par la question que vous avez soulevée.
    En ce qui concerne le financement et le niveau de financement, c'est une question importante que j'ai abordée dans mon rapport à la province. Je vois le libellé dans le préambule, mais je pense que le financement doit être équitable également. Les parents d'accueil ici reçoivent ce montant, et les grands-mères ici reçoivent un montant beaucoup moins élevé. Dans le rapport que j'ai présenté, j'ai recommandé qu'on établisse une équité.
    En fait, le 1er avril dernier, la Colombie-Britannique a uniformisé les règles du jeu de sorte que, si un enfant est retiré de cette famille d'accueil ici et placé chez sa grand-mère, par exemple, le financement doit être le même, et c'est un principe opérationnel. Le Yukon fonctionne de cette façon, je crois, depuis près d'un an ou peut-être un peu plus d'un an. Je pense qu'il vaudrait la peine d'examiner cet exemple pour répondre à la question que vous avez soulevée.
    Bobby, voulez-vous ajouter quelque chose?
    En ce qui concerne la nation nishnawbe-aski, nous avons travaillé avec diligence avec Services aux Autochtones Canada afin d'établir ce qu'on appelle un quotient d'éloignement grâce au travail du Tribunal canadien des droits de la personne qui examine les coûts réels de l'éloignement.
    Comme vous le savez, dans la nation nishnawbe-aski, il y a 49 communautés. Trente-quatre d'entre elles sont accessibles par avion, alors nos enfants, nos jeunes et nos familles ont beaucoup de difficulté à obtenir des services. Ce sont quelques-uns des aspects que nous avons défendus et sur lesquels nous avons travaillé avec Services aux Autochtones Canada en ce qui concerne le Tribunal des droits de la personne, pour examiner l'accès aux services et le temps qu'il faut à nos enfants pour accéder à bon nombre des services dont bénéficient les autres Canadiens. Nous voulons que ce soit également équitable. Nous continuons de collaborer avec Services autochtones Canada par le processus des tribunaux pour vraiment examiner la question et fournir des preuves empiriques du financement fondé sur les besoins pour nos programmes de services à l'enfance et à la famille. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction pour vraiment examiner certaines des options de financement.
    Pour ce qui est de la mise en oeuvre, il faut affecter des ressources à un plan de mise en oeuvre pour examiner les éléments qui font valoir nos pouvoirs et notre situation unique d'éloignement, et tenir compte de ces facteurs. Il faut également prévoir un niveau de mise en œuvre et des ressources lorsque nous sommes à déterminer la meilleure façon d'affirmer nos pouvoirs inhérents sur les services à l'enfance et à la famille.

  (0930)  

    Je vous remercie beaucoup. Nous n'avons plus de temps pour ce groupe de témoins. Nous aimerions pouvoir rester plus longtemps. Vos paroles étaient très significatives. Elles seront rendues publiques pour que tous les Canadiens puissent les examiner et en tirer de la sagesse.
    Au nom de tous les membres du Comité, meegwetch. Nous vous souhaitons un bon retour à la maison.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, et nous entendrons quatre témoins au cours de la prochaine heure.

  (0930)  


  (0930)  

    Je vais inviter nos témoins à venir devant, s'il vous plaît, pour que nous puissions commencer.
    Je sais que nous voulons passer du temps avec les témoins précédents. Nous voulons aussi entendre ceux qui sont venus de loin pour prendre la parole devant notre comité et ceux qui participent par vidéoconférence.
    Bienvenue.
     Nous sommes ici au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Nos témoins sont David Chartrand, président de la Fédération des Métis du Manitoba; Tischa Mason du Saskatchewan First Nations Family and Community Institute, Marlene Bugler des Kanaweyimik Child and Family Services et Katherine Whitecloud à titre personnel.
    Nous reconnaissons que nous sommes en territoire inconnu. Comme nous avons un invité spécial de ma ville natale, je tiens à souligner que je suis originaire du territoire du peuple métis et du territoire visé par le Traité no 1, et je veux vous souhaiter tout particulièrement la bienvenue.
    C'est bon de vous revoir, Katherine, encore une fois. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Nous allons commencer par la Fédération des Métis du Manitoba.

  (0935)  

    Je vous remercie beaucoup. Je vous ai donné un document à conserver au dossier. Je tiens à m'excuser auprès du Québec et de tous les francophones de ne pas l'avoir fait traduire à temps. Je m'en excuse sincèrement. J'aurais dû le faire faire, mais une personne de mon bureau n'a pas fait le suivi nécessaire.
     Honorable présidente MaryAnn Mihychuk et membres du comité permanent, bonjour. Merci de me donner l'occasion de présenter mon point de vue sur le projet de loi C-92, une loi qui touche les enfants, les jeunes et les familles inuits, métis et des Premières Nations.
    Aujourd'hui, je m'adresse à vous en tant que dirigeant de la nation métisse, mais je veux aussi m'adresser à vous en tant que parent et grand-parent. Je veux vous parler en tant que personne qui s'est battue pendant des décennies pour les enfants de ma nation qui ont été arrachés à leurs mères, pères, tantes, oncles, leurs communautés et leur nation. Pendant trop longtemps et malgré tous nos efforts, le statu quo pour nos enfants a été le retrait, le placement en famille d'accueil et l'adoption. Notre nation a été dépeuplée un enfant à la fois, pendant les rafles des années 1960 et à cause des pensionnats, de l'école de jour et de notre système de protection de l'enfance.
    L'an dernier, en janvier 2018, j'ai pris la parole lors d'une réunion d'urgence sur les services à l'enfance et à la famille autochtones et j'ai parlé de ce que la ministre Philpott appelait à l'époque une crise humanitaire et une crise des droits de la personne. Cette année, j'ai vu le gouvernement du Manitoba réduire le budget déjà sous-financé de la protection des enfants métis. À l'heure actuelle, au Manitoba, les enfants de la nation métisse valent, selon l'entente de financement, 1,39 $ par jour. C'est le seul montant supplémentaire que nous recevons. C'est moins qu'un café Tim Hortons.
    Malgré la réalité actuelle, au moins dans la province, il y a eu des changements positifs. Cela s'est fait grâce à notre propre travail et à notre propre développement. Après la rafle des années soixante, lorsque des milliers de nos enfants ont été enlevés, la Fédération des Métis a élaboré son propre plan en 1982, en organisant toutes sortes d'activités de financement. Nous avons recueilli notre propre argent pour retrouver nos enfants et les ramener à la maison. Nous avons eu la chance d'en trouver près de 100, je crois, mais il y en a plusieurs que nous ne retrouverons probablement jamais. Nous en retrouvons encore aujourd'hui. Nous sommes toujours en contact avec eux et essayons de rétablir les liens avec leur famille. Les histoires que vous entendez...
    Je vais mettre cela de côté pour un instant et vous parler en tant que dirigeant. Pour ceux d'entre vous qui n'ont peut-être jamais assisté à l'une de ces réunions, je vous encourage à assister à certaines d'entre elles. En tant que membre du comité, vous avez surtout le pouvoir de faire une différence dans ce pays par l'entremise de lois, d'actions et de votes. Je fais de la politique depuis près de 40 ans maintenant. J'ai remporté sept élections à titre de président et je suis président depuis 22 ans. Il y a 400 000 Métis dans l'Ouest canadien. J'ai présidé de nombreuses réunions au cours de ma carrière, non seulement au Canada, mais à l'échelle internationale. Tout au long de cette période, j'ai vécu la période la plus difficile de ma vie en tant que président pour superviser les discussions concernant les survivants de la rafle des années 1960. Je ne sais pas combien de fois j'ai pleuré sur ce podium, avec eux, en entendant leurs histoires d'abus sexuels et physiques — juste des abus; les animaux étaient mieux traités qu'eux. En fait, la ministre Philpott et moi avons assisté à une réunion et écouté les jeunes parler. C'étaient des survivants des services de protection de l'enfance, et nous avons entendu leurs histoires. La ministre Philpott et moi avons pleuré avec eux et leur avons promis que nous allions nous battre et continuer à nous battre pour que les choses changent, que le changement viendrait un jour, que cela ne se reproduirait plus jamais, et que cela ne pourrait plus se reproduire.
    Je suis triste de dire, cependant, que cela se produit encore aujourd'hui à cause de la façon dont le système est conçu actuellement au Manitoba, même si nous avons un système de protection de l'enfance obligatoire. Nous sommes le seul gouvernement de la nation métisse des Prairies à y avoir accès. Nous l'avons obtenu grâce à plusieurs enquêtes, pour lesquelles des gens ont dû mourir, puis les recommandations sont venues de là. Nous en sommes maintenant à l'étape où nous voyons un projet de loi qui nous permettra de nous assurer que les principales dispositions dont on parle et pour lesquelles on se bat seront protégées. Il s'agit de la culture et de l'identité, de veiller à ce que la famille soit la priorité numéro un et à ce que l'enfant reste dans la communauté. Nous aurons la protection du gouvernement fédéral que nous n'avons pas en tant que nation métisse. Nous aurons quelque chose qui nous assurera que nous n'aurons pas, en fait, à craindre que nos enfants soient arrachés ou retirés de leur maison et placés dans des familles d'accueil qui ne font pas partie de notre peuple et qui ne protègent pas notre culture.
    En fait, nous en avons perdu un — sans vouloir manquer de respect à la famille philippine — au profit d'un parent d'accueil philippin. La cour estimait que l'enfant était là depuis trop longtemps. Je crois que c'était pendant 18 mois.

  (0940)  

    L'enfant était assez jeune pour ne pas très bien comprendre qui sont ses parents. Si on l'enlevait à sa famille philippine, cela aurait un effet dévastateur sur lui. Ils l'ont laissé là et nous l'avons perdu. Nous sommes allés en cour et nous avons perdu notre cause. Nous ne pouvons plus permettre que cela se produise. Je suis fier du peuple juif, par exemple, qui ne permettrait jamais que cela se produise. Au Manitoba, il y a l'organisme Jewish Child and Family Services, et je le félicite parce qu'il a la force et les moyens de veiller à ce que cela n'arrive pas aux enfants de sa communauté. Mais pourquoi cela arrive-t-il à la nôtre et pourquoi le permettons-nous? Cela ne peut plus se produire — c'est le nouveau millénaire. Nous ne sommes pas au XIXe siècle ni à la fin du XXe. C'est le temps du changement, et le changement est arrivé.
    Ce projet de loi n'est pas parfait. Nous le savons tous. Je vous ai écoutés quand vous avez pris la parole ici. Je vous ai entendu dire encore une fois qu'il faudrait mettre de l'argent de côté. S'il existe quelqu'un que l'argent devrait inquiéter, c'est bien les Métis. Nous n'avons pas de système au Canada en ce moment. Les Premières Nations offrent des services dans les provinces et les territoires où elles travaillent. En fait, deux conseils de bande du Manitoba, la SCO et le MKO, travaillent avec moi. Nous sommes les trois seuls à avoir mandaté des organismes d'aide à l'enfance au Manitoba sous les auspices de la gouvernance. De toute évidence, conseillés par nos dirigeants, nous nous battons avec le gouvernement pour essayer de protéger nos enfants.
    Nous venons tout juste de nous réunir, les grands chefs et moi, et nous allons désespérément de l'avant avec notre plan visant à changer l'orientation de la province du Manitoba. Nous sommes livrés à la merci de la province et à la merci des changements qu'apportent les élections. Vous savez tous ce qui se passe pendant les élections, vous autres. Vous êtes tous des politiciens et d'une certaine façon, nous faisons tous de la politique. De nouveaux dirigeants et de nouvelles idéologies entrent en jeu. Dans ma province en ce moment, la réduction et l'élimination du déficit, c'est l'enjeu numéro un. Tout le reste est secondaire. Cela entraîne des compressions, et le système d'aide à l'enfance en a subi aussi. Comme je l'ai dit, nos enfants ne recevront que 1,39 $ par jour pendant les 3 prochaines années.
    Comment pouvons-nous changer cela? Au Manitoba, nous partons d'un système qui était fondé sur la prise en charge de l'enfant. Le système était comme ça, et c'est comme ça que vous obteniez un financement. Maintenant, tout le monde parle de prévention, y compris le gouvernement fédéral. Comment changer tout un système qui existait pour s'emparer des enfants, en un système qui fait de la prévention, ce qu'il aurait dû faire il y a des décennies de cela? Maintenant, nous voulons passer à la prévention et c'est l'approche voulue, l'approche directe. Laissez l'enfant dans sa famille, dans sa communauté. C'est l'occasion que nous donnera ce projet de loi. J'ai entendu Cathy parler de certaines choses, et je sais qu'il y a des questions de compétence qui entrent en jeu, mais c'est le bon sens qui devrait l'emporter. Nous avons toujours eu des défis à relever en tant que gouvernements, mais je suis sûr que si nous nous assoyons ensemble, l'esprit ouvert, nous trouverons une solution. Les provinces choisiront cette solution, ou elles la rejetteront.
    En ce moment, je sais que les provinces ne veulent pas payer la facture. Elles souhaitent que le gouvernement fédéral paie la facture. Nous devrons trouver une solution de compromis à cet enjeu. Quand il s'agit de ressources, je comprends que le rôle des Métis pose problème, mais nous espérons que si ce projet de loi est accepté, le financement viendra après. Nous le négocierons. Nous ne connaissons pas exactement notre objectif ou notre stratégie, ni ne savons jusqu'où nous irons pour ce qui est de la prévention et des dépenses. Je crois comprendre qu'on a posé une question à mon président lorsqu'il était ici. Ce n'est pas lui qui fournit les services d'aide à l'enfance, parce qu'il est le président national. C'est moi. La question est de savoir comment aviser la communauté, les Métis. Il y a la réserve, et il y a le conseil de bande. Nous aussi disposons de structures politiques, et elles existent depuis 1967. Mon gouvernement est un des plus forts de notre terre ancestrale. Notre système a été conçu pour être le plus démocratique au pays — il assure notre participation. Nous comptons des dirigeants locaux dans tous nos villages et dans nos centres urbains, en plus d'avoir des bureaux dans l'ensemble de la province.
    Il est très facile de joindre les Métis, d'aviser les gens. Notre méthode pour amener nos gens à dialoguer et à participer est une des plus simples. On n'a même pas besoin d'en discuter autour de cette table, parce que le système existe depuis un certain temps et qu'il fonctionne bien.
     Madame la présidente, je peux vous dire que le gouvernement métis du Manitoba et la nation métisse appuient énergiquement le projet de loi C-92. Nous l'appuierons et avec un peu de chance, nous vous convaincrons... Je vous ai entendu dire que vous l'appuyez tous. C'est ce que vous avez dit. Mais il y a des exceptions, je vous invite à la prudence. Ce projet de loi n'est pas parfait. Il n'est pas panautochtone. J'entends des gens dire qu'il est indépendant et que chaque nation a le droit de choisir. Tout le monde a le droit de l'adopter ou de le rejeter. Nous avons le choix. De notre point de vue, nous l'appuierons parce que nous savons qu'il apportera des changements qui permettront de sauver nos familles, de sauver nos enfants.

  (0945)  

     Avec un peu de chance, au cours de la prochaine décennie, nous serons tous fiers de voir que nous avons exigé ensemble un énorme changement pour la nation métisse dans ce pays, et ce changement nous permettra effectivement de dire un jour: « Regardez l'argent que nous économisons aujourd'hui et les coûts qui ont diminué. Les familles sont plus fortes parce que nous avons décidé d'appuyer le projet de loi C-92. » Vous obtiendrez cet appui de la nation métisse.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant nous rendre en Saskatchewan par vidéoconférence. Nous accueillons deux témoins.
    Avez-vous l'intention de leur accorder 10 minutes chacun?
     Permettez-nous de vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui de notre appui au projet de loi C-92, en ce qu'il concerne les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations.
    Je m'appelle Tischa Mason, et je suis la directrice exécutive du Saskatchewan First Nations Family and Community Institute. Je suis accompagnée de Marlene Bugler, directrice exécutive de l'organisme Kanaweyimik Child and Family Services. Elle est également membre du conseil d'administration de l'institut. Nous représentons le territoire du Traité no 6 et les terres ancestrales des Métis ici à Saskatoon, en Saskatchewan.
    Voici une brève mise en contexte. L'institut a été créé en 2007 en tant qu'organisme sans but lucratif. Il a été constitué à la demande du directeur exécutif de Services à l'enfance et à la famille des Premières Nations, qui a déterminé le besoin d'obtenir d'un organisme une aide et une formation qui répondent aux besoins des Premières Nations, en plus d'être culturellement adaptées. Notre institut est apolitique.
    La mission de l'institut est d'aider à renforcer les capacités des organismes qui offrent des services aux enfants, aux jeunes et aux familles en fonction des valeurs des Premières Nations. Nous y arrivons en menant des travaux de recherche, en élaborant des politiques et des normes de pratique, ainsi que des programmes d'études et en dispensant de la formation. Nous offrons également aux travailleurs des services à l'enfance et à la famille des Premières Nations un soutien sur place portant sur leurs outils d'évaluation des risques, de même que sur la protection des enfants et la prévention.
     Nous avons préparé un rapport de recherche sur l'engagement communautaire des Premières Nations pour comprendre les priorités d'une réforme des services d'aide à l'enfance en Saskatchewan. Nous avons produit un document à distribuer qui établit une concordance entre le projet de loi C-92 et le rapport de recherche de l'institut, intitulé Voices for Reform. Le projet de loi C-92 compose avec un grand nombre de domaines que les Premières Nations de la Saskatchewan considèrent comme nécessitant une réforme. Toutefois, nous aimerions également déclarer que le libellé doit aborder certains domaines de manière plus poussée et les améliorer.
    Il faudrait compléter l'alinéa 16(1)e) proposé pour qu'il se lise comme suit: « tout autre adulte qui s'engage à maintenir le lien qui unit l'enfant à sa culture et à sa communauté ».
    De plus, le quatrième attendu à la page 1 exclut les hommes et les garçons.
    De même, il est possible de renforcer l'alinéa 9(3)e) proposé au moyen d'une référence au principe de Jordan visant à combler les lacunes dans les services attribuables à des conflits de compétence.
    Le projet de loi n'engage pas le gouvernement à financer les services. C'est mentionné dans le dernier attendu à la page 2, mais pas dans celui qui vient avant, qui dit que le gouvernement « s'est engagé [...] à travailler en coopération et en partenariat [...] à mener à bien la réconciliation » et « à dialoguer [...] les peuples autochtones ». Nous espérons que le gouvernement pourra s'engager à financer des organismes en fonction des besoins.
    En dernier lieu, nous estimons qu'il faut insister davantage sur le soutien concerté et stratégique aux partenariats afin de mettre sur pied des infrastructures et des systèmes étroitement liés qui auront ou qui ont actuellement une incidence sur l'aide à l'enfance. Les tribunaux de la famille en sont un exemple. Le succès repose sur notre capacité à établir et à entretenir des relations, à travailler ensemble.
     J'aimerais céder la parole à Marlene afin qu'elle vous explique cela d'un point de vue technique.
    Bonjour.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité permanent alors qu'il étudie le projet de loi C-92. Je vais parler du point de vue d'une technicienne, puisque la Fédération des nations autochtones souveraines exprimera un point de vue politique.
    J'ai une maîtrise en administration des affaires, 35 ans d'expérience en services à la personne et 25 ans en protection de l'enfance. J'ai travaillé dans des organismes d'aide à l'enfance des Premières Nations, de même que dans des organismes de services sociaux à l'enfance en Saskatchewan. J'ai vu des enfants pris en charge parce que leurs parents sont toxicomanes. Les parents sont vulnérables aux dépendances, car ils cachent la douleur causée par le traumatisme intergénérationnel. Nous avons appris que les parents ont besoin de programmes de désintoxication adaptés à leur culture pour briser le cycle de la dépendance dans les familles dysfonctionnelles. Kanaweyimik Child and Family Services a stabilisé le nombre d'enfants qui finissent par être pris en charge grâce aux services d'intervention précoce et aux mesures de soutien intensif culturellement adaptés qui sont offerts aux enfants et aux familles.
    Nous desservons 5 communautés des Premières Nations et comptons en moyenne de 50 à 60 enfants en n'importe quel moment; 85 % de ces enfants sont soit pupilles de l'État depuis longtemps, soit mis, par une ordonnance de la cour, sous la tutelle d'une personne qui leur porte un intérêt suffisant, ce qui signifie qu'ils sont pris en charge jusqu'à leur 18e anniversaire. Les 15 % qui restent viennent de se faire appréhender, mais nous avons remarqué qu'ils entrent et sortent de foyers d'accueil en très peu de temps. Les enfants autochtones pris en charge sont trop nombreux. De nombreuses circonstances particulières font augmenter ces chiffres. Beaucoup de nos familles autochtones souffrent depuis des décennies de traumatismes non résolus, et cela nuit à leurs compétences parentales. Il est très traumatisant pour un enfant de se faire arracher à son foyer familial. Nous pouvons deviner que ce déplacement aura une incidence sur la vie de l'enfant lorsqu'il deviendra lui-même parent. Ces enfants finissent toujours par retourner dans leur famille lorsqu'ils n'ont plus l'âge d'être pris en charge, indépendamment des antécédents de négligence.
     Il est important que nous pensions à des façons de préserver l'unité familiale et que nous travaillions à la réunification opportune grâce à des mesures de soutien culturellement adaptées. Je suis pour le projet de loi C-92 puisqu'il permettra aux organismes de services à l'enfance et à la famille des Premières Nations d'élargir les services culturellement adaptés aux enfants et aux familles vivant hors réserve, mais nous devons faire preuve de prudence en procédant au transfert des responsabilités afin de nous assurer qu'aucun enfant ne tombera entre les différents ordres de gouvernement [Difficultés techniques] entraînent la préparation des organismes de services à l'enfance et à la famille des Premières Nations de la Saskatchewan.
     Nous comptons 16 organismes en Saskatchewan, [Difficultés techniques] 20 à 25 ans d'expérience dans la prestation de services de protection de l'enfance. Seize organismes ont 10 ans d'expérience dans la préparation et la réalisation d'un éventail d'interventions précoces et de mesures de soutien intensif culturellement adaptées à l'intention des enfants et des familles. Deux organismes du Nord de la Saskatchewan ont conclu des ententes avec les Services sociaux de la province afin d'assurer la prestation de services d'aide à tous les enfants hors réserve qui résident dans ces régions. Trois organismes ont conclu des ententes avec les Services sociaux de la province pour offrir une intervention précoce et des mesures de soutien intensif culturellement adaptées aux enfants et aux familles qui sont passés par les services sociaux. Par exemple, Kanaweyimik a conclu des ententes pour gérer les services de visite pour enfants pris en charge par les services sociaux. À North Battleford, en Saskatchewan, les services sociaux envoient toutes les familles qui demandent une visite à Kanaweyimik. L'organisme coordonne et planifie les visites, puis surveille et transporte les enfants à destination et en provenance des lieux de visite. Kanaweyimik offre également deux foyers d'accueil d'urgence aux enfants pris en charge par les services sociaux pour s'assurer de les confier à un foyer des Premières Nations. Nous offrons une intervention précoce et des mesures de soutien intensif culturellement adaptées aux enfants et aux familles qui sont passés par les services sociaux, ce qui permet à bien des enfants de retourner chez eux rapidement.
    Mentionnons encore à titre d'exemple que nous avons des ententes avec le ministère de la Justice de la Saskatchewan pour offrir des traitements à toute victime de violence familiale, peu importe sa race, qui doit témoigner devant un tribunal chargé des causes de violence familiale à The Battlefords. Tous nos organismes ont conclu des ententes avec la Saskatchewan visant à trouver et à sélectionner des familles et des aidants naturels pour les enfants autochtones pris en charge par les services sociaux. Nous avons tous des ententes avec la province, encore une fois, pour gérer le dossier des enfants pris en charge, dès qu'ils sont placés dans un foyer évalué et approuvé, situé dans une réserve. Les employés de tous nos organismes ont été formés par les services sociaux pour offrir le programme PRIDE de formation des parents d'accueil aux futurs aidants naturels, alors je crois que la Saskatchewan est en mesure d'effectuer la transition de nos services de prévention à l'extérieur des réserves.

  (0950)  

     Parmi les points à considérer concernant le projet de loi C-92, on trouve la nécessité de veiller à ce que les capacités des organismes de services à l'enfance et à la famille des Premières Nations soient maintenues. De plus, nous avons besoin d'une loi qui engage les gouvernements à fournir un financement continu aux organismes en fonction des besoins réels, non seulement dans les réserves, mais aussi à l'extérieur. Ce domaine est tout nouveau pour nous.
    Nous avons besoin d'une loi qui aborde la responsabilité, comme la Child and Family Services Act de la Saskatchewan, qui prévoit, à l'article 79, l'immunité tant qu'un fonctionnaire agit de bonne foi. Nous avons besoin d'une loi qui exige l'établissement d'un processus de transfert intergouvernemental, similaire au protocole de transfert interprovincial, pour s'assurer qu'aucun enfant ne tombera entre les différents ordres de gouvernement.
    La loi doit s'engager à respecter le principe de Jordan de façon permanente afin de prévenir les lacunes dans les services aux enfants vulnérables.
    Nous avons besoin d'une loi qui habilite les organismes à changer radicalement la façon dont la protection de l'enfance est assurée, par exemple en retirant les parents du foyer plutôt que les enfants. La loi provinciale actuelle ne nous y autorise pas, le projet de loi C-92 non plus. C'est dans cette direction que s'engage l'organisme Kanaweyimik Child and Family Services. Nous l'avons essayé sur une base volontaire et ça s'est avéré très efficace.
    Nos aînés nous ont conseillé de nous concentrer sur les enfants et les jeunes, car ils représentent notre avenir. Nous devons établir un équilibre entre nos techniques modernes et nos valeurs et pratiques traditionnelles pour renforcer nos familles.

  (0955)  

    Je vous prie de conclure.
    D'accord.
    En terminant, je tiens à souligner l'importance de veiller à ce que le projet de loi C-92 donne aux organismes autochtones d'aide à l'enfance le pouvoir d'offrir des services culturellement adaptés.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Nous accueillons un troisième témoin, Katherine Whitecloud, qui témoignera à titre de grand-mère.
    Katherine, vous avez été de bon conseil dans beaucoup d'autres dossiers, alors nous avons hâte d'entendre vos commentaires.
    Bienvenue.
    Bonjour, madame la présidente, et merci beaucoup.
    [Le témoin s'exprime en lakota.]
    [Traduction]
    Mes parents, c'est le coeur joyeux que je vous serre la main pour m'avoir donné l'occasion de me présenter ici devant vous. J'ai utilisé ma langue maternelle pour annoncer à mes ancêtres que je suis ici pour parler au nom de nos enfants, de notre peuple et de notre communauté.
    Bien que je souhaite ardemment parler de tous les aspects techniques de ce projet de loi, mes savants collègues qui ont témoigné avant moi l'ont déjà fait, tout comme mes parents de la Saskatchewan. Je vais vous parler des réalités, de ce qu'il faut faire et de ce qui fonctionne pour les familles et les enfants de notre peuple.
     La terminologie est tellement importante, et dans notre culture comme dans nos coutumes, nous n'avons pas de terme pour désigner « aide à l'enfance ». Nous avons un terme pour désigner nos enfants, wakanyeja, qui signifie nos « êtres sacrés ». Notre vie consiste à envelopper les êtres sacrés comme les cadeaux qu'ils représentent.
     L'histoire de l'aide à l'enfance est longue. Les gouvernements successifs ont étudié et examiné la situation de l'aide à l'enfance et, par conséquent, la situation de notre peuple et de nos nations, et ils ont fait des recommandations à cet égard. Nous pouvons énumérer les examens et les recommandations. Toutefois, je suis ici aujourd'hui pour vous expliquer ce que nous nous sommes engagés à faire, en tant que [Le témoin s'exprime en lakota], et comment, pour assurer l'unité et le bien-être de la famille et, ce faisant, le bien-être de la communauté et la prospérité de la nation.
    Nous sommes tous conscients des effets qu'ont eus les pensionnats. Notre peuple les a sentis. Ma famille les a sentis. Mes parents les ont sentis. Notre peuple a vécu la rafle des années 1960, où des familles entières ont été décimées à cause notamment des organismes d'aide à l'enfance. Juste avant de partir pour venir ici, j'ai assisté aux funérailles d'une jeune fille qui a grandi pendant la rafle des années 1960. Sa soeur cadette — qui était là — ne savait rien de sa famille. Elle avait les larmes aux yeux quand je me suis adressée à elle comme à un membre de ma famille, quand je lui ai dit à quel point elle compte pour notre famille et à quel point nous sommes importants les uns pour les autres.
    Nombre de nos parents, pendant la rafle des années 1960, dans les pensionnats et dans le système d'aide à l'enfance, surtout nos femmes et nos jeunes filles, ont été exploités et tués dans le cadre d'enlèvements et d'assassinats. Le rapport qui sera présenté sous peu vous sera également remis.
    Il existe une corrélation directe entre toutes les conséquences des politiques de gouvernements antérieurs — les pensionnats, la rafle des années 1960, l'aide à l'enfance — et les conséquences d'autres politiques gouvernementales qui ont arraché nos enfants à nos communautés et à nos familles. Les femmes et les filles, en particulier, ont été directement touchées. Elles ont souffert, elles ont été portées disparues et/ou assassinées à cause de ce qu'elles ont vécu notamment comme parents dans le cadre de toutes les politiques que j'ai mentionnées.
    Notre peuple est unique. Nous formons une société distincte. Notre langue et notre culture ne ressemblent à aucune autre. Nos traditions sont solides. Nos croyances spirituelles sont profondes et nous guident à chaque moment de notre vie. C'est la raison pour laquelle j'ai utilisé ma langue maternelle pour commencer mon témoignage. C'est aussi pour montrer la résurgence de notre connaissance ancestrale — le savoir qui coule dans nos veines, le fait de savoir et de comprendre que nos grands-parents et nos ancêtres veillent sur nous et nous guident, et que leurs enseignements et toutes leurs connaissances circulent dans nos veines. C'est profond, et c'est vivant.
    Nous savons très bien que, pour que notre peuple s'épanouisse, nous devons être unis et en santé, dans notre corps comme dans notre âme. Nous devons prendre soin de nous-mêmes et nous devons prendre soin les uns des autres. Nous devons protéger et accompagner nos êtres sacrés, nos wakanyeja sacrés, nos enfants.
    C'est ce que nous devons faire, nous qui avons accepté le don et la responsabilité de parents — comme vous ou la plupart d'entre vous —, qui avons vécu et prospéré grâce aux connaissances sacrées de nos ancêtres qui nous ont été transmises par notre langue. Personne ne peut le faire à notre place. Il s'agit d'apporter unité et bien-être à nos familles. Il s'agit de réparer le capteur de rêves brisé de nos familles. Il s'agit de renouer avec la terre, avec notre pays, avec nos foyers. Il s'agit de redonner à nos familles et à nos foyers leur unité, en plaçant nos wakanyeja au centre de tout ce que nous faisons. Il s'agit de remplir notre rôle et nos responsabilités de [Le témoin s'exprime en lakota], et d'atteindre nos buts dans la vie.
    D'autres membres de notre peuple ont raconté de façon succincte et avec beaucoup de passion l'histoire de la dévastation infligée à notre peuple, à nos terres et à nos modes de vie. Il n'y a rien de plus odieux que les atrocités infligées à nos membres les plus vulnérables, à nos innocents, à nos enfants sacrés.

  (1000)  

    Nos enfants sont ceux qui ont souffert au-delà de toute souffrance. Lorsque vous avez arraché à une mère et à un père, ou à une grand-mère ou à un grand-père, leur raison de vivre — leur raison d'être, vous avez causé le plus grand préjudice connu des êtres humains.
     C'est dans ce contexte que le projet de loi C-92 est perçu. Pouvons-nous nous fier à vous? Nous fier à votre parole? Nous fier à ce que vous fassiez honneur à votre parole, à vos objectifs et au peuple que vous représentez et au nom duquel vous parlez? Voilà où en est la relation entre vous et notre peuple, nos familles et nos enfants.
     Des lacunes du projet de loi C-92 ont été repérées et signalées. Les collègues qui ont pris la parole ce matin ont parlé des changements nécessaires. Ceux qui ont rédigé ces mots et ceux qui continuent de défendre la suprématie inscrite dans ce document juridique ne doivent pas oublier que nos enfants sont les témoins des résultats. Nos mères et nos pères, nos grands-parents, nos tantes, nos oncles, nos frères et nos soeurs sont des témoins silencieux des résultats. Ils n'ont pas eu l'occasion de vous dire comment ils voient leurs familles réunies à nouveau. Les plus touchés n'ont pas leur mot à dire et n'ont aucune influence sur les décisions vitales que vous vous apprêtez à prendre.
     Le document sur lequel vous travaillez est fragile. Il peut être détruit, tout comme des familles ont été détruites par la perte de leurs enfants. Nos enfants sont notre chair et notre sang. Ils sont notre futur. Ils sont notre force vive. Ils sont notre destinée. Ils sont nos ancêtres. Nous seuls, [le témoin s'exprime en lakota], avons la responsabilité de nos enfants.
    L'histoire montre que tous nos efforts pour aider nos enfants ont échoué. Nos enfants sont un cadeau et une responsabilité que nous a confié notre créateur. Chaque enfant nous arrive comme un être humain unique, pour nous enseigner, pour nous relier à nos ancêtres et à notre futur, pour nous ouvrir le chemin vers de plus grandes choses à venir, pour porter notre histoire et pour écrire [de nouvelles pages] de notre histoire. Nous honorons notre enfant; nous élevons notre enfant. Nous aimons et nous chérissons, et nous partageons tous les mêmes objectifs et les mêmes desseins.
    C'est triste, mais nos enfants sont pris dans une tempête politique. Ils sont au beau milieu de celle-ci. La réalité de l'esprit et du bien-être de l'enfant est délaissée dans la lutte pour savoir qui réussira à gagner la bataille juridique ou politique. Nos enfants sont pris au piège. Personne ne peut parler pour eux, sauf notre collègue et frère qui a pris la parole ce matin en tant qu'adulte.
    Un système qui ne comprend pas notre culture, qui ne parle pas notre langue et qui ne comprend pas nos traditions et nos usages ne peut comprendre les besoins de nos enfants. C'est le processus où nous sommes piégés. Nous connaissons la solution. Notre plan et notre intention consistent à faire la transition vers des soutiens au bien-être familial fondés sur notre façon originale de soigner et d'éduquer nos enfants, de nourrir l'esprit individuel et sur notre mode de vie centré sur la famille. Ils s'appuieront sur la compréhension de nos relations de parenté et rétabliront le fondement imbattable de familles enraciné dans notre langue et notre culture et, ainsi, renoueront avec nos connaissances ancestrales qui nous ont soutenues depuis le début des temps: le pouvoir du respect, de la bonté, de la vérité, de l'honnêteté, de l'intégrité, du partage, de l'aide, du don et de l'amour.
    Ce que l'on désigne communément des services de prévention — ce que nous connaissons comme l'expression de la bonté, comme le souci d'autrui et l'amour et le soutien de nos systèmes de parenté — signifie de fournir du mentorat, de l'orientation et du soutien pour la guérison des familles. Cela signifie assumer la responsabilité de nos familles par nos enfants, par nos chefs de famille, par notre leadership familial, par nos grands-mères et par nos tantes. Cela signifie s'engager envers la famille et se serrer les coudes entre membres d'une même famille. Cela signifie donner vie à nos lois et règles inhérentes dans notre langue. Dans nos langues, notre système de parenté, nos règles de conduite et notre rôle dans la vie, nous sommes bénis par ce cadeau qu'est notre langue. C'est notre bouée de sauvetage.
    J'ai la plus grande foi que nous pouvons accomplir et que nous accomplirons ce que nos enfants et notre peuple nous ont dit de faire, que nos enfants reviendront à la maison, que nos familles seront unies et que notre peuple survivra. Nos jeunes sont engagés, nos proches sont engagés et nos dirigeants — les dirigeants de nos familles — sont engagés. Nous n'avons pas d'autre choix.
    J'ai cinq pages, MaryAnn.

  (1005)  

     Nous le ferons avec honneur et intégrité. Nous avons donné notre parole. Nous aimons nos enfants et nos parents. Personne ne peut le faire, sauf nous. Personne ne comprend notre langue, sauf nous. Personne ne représente nos enfants, sauf nous, notre tiyóspaye.
     Dans mon enfance, c'était considéré comme un déshonneur pour notre famille et pour notre famille élargie, notre tiyóspaye, si des enfants étaient appréhendés. Si la voiture bleue du gouvernement venait sur votre terrain, les gens se cachaient, honteux. Les grands-mères n'auraient pas permis cela. Cette voiture bleue est sur notre terrain tous les jours, maintenant, mais elle est conduite par des gens de notre peuple. Cette pratique doit cesser, et nous ne permettrons pas que cela continue. C'est un travail que nous devons faire dans nos foyers et dans nos communautés pour les gens de notre peuple.
    Le processus législatif auquel nous participons maintenant ne comprend pas ça, le coeur de notre peuple et l'héritage de nos ancêtres dont nous sommes porteurs. C'est là que résident les réponses.
     Nos jeunes renouent avec cela. Nos jeunes filles recherchent isnati, notre [rite de] passage à l'âge adulte. [inaudible ] recherchent eux aussi leur rite de passage à l'âge adulte. Nos jeunes hommes comprendront leur rôle de protecteurs, de cueilleurs et de pourvoyeurs et leurs responsabilités dans la vie. Nos enfants seront honorés et élevés, et nos familles et nos foyers seront entiers. Il le faut.
    Merci.
    Merci.
     [Le témoin s'exprime en lakota]
    [Traduction]
    Passons aux questions.
    Les questions commencent par le député Yves Robillard.

[Français]

    Madame la présidente, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Vandal.
    Ma première question s'adresse à M. Chartrand.
    Lors de son témoignage la semaine dernière, Mme Melanie Omeniho, présidente des Femmes Michif Otipemisiwak, nous a dit que les questions de compétence ont fait que les enfants métis passent entre les mailles du filet, notamment parce que certains ont été identifiés comme Autochtones d'origine inconnue.
    Avez-vous souvent vu de tels cas dans les communautés métisses que vous représentez? Pouvez-vous nous parler de l'ampleur de ce phénomène? Pensez-vous que ce projet de loi est suffisamment clair relativement à la compétence pour permettre d'améliorer les soins aux enfants métis?

[Traduction]

    C'est une très bonne question. C'est probablement le défi fondamental que notre peuple a connu, d'être laissés pour compte et de ne pas être reconnus comme un peuple autochtone. Maintenant que nous avons gagné la plupart de nos causes devant la Cour suprême du Canada et que nous sommes incontestablement un peuple titulaire de droits au titre de l'article 35, nous sommes convaincus que cela accroîtra le sentiment de reconnaissance et d'assurance par les gouvernements, qu'ils soient provinciaux ou fédéral, qu'ils doivent définir et travailler avec la nation métisse.
    Nos enfants ont été pris sans identification d'où ils étaient. Dans beaucoup de nos familles, c'était parce qu'ils étaient pauvres. Tous nos enfants, je suis désolé, ont été pris parce que nous sommes pauvres. Ce n'était pas parce que nous n'étions pas de bons parents. Nous sommes toujours de bons parents, mais comme nous étions des travailleurs pauvres, le système de protection de l'enfance nous a volé nos enfants.
    Souvent, nous ne pouvions les repérer et trouver où ils étaient. On ne tenait pas de dossiers appropriés sur ces enfants. Malheureusement pour nous, comme nous vivons hors des réserves, personne n'a tenu de bons dossiers sur notre peuple et ses enfants. C'est pourquoi il a été si difficile de les trouver aux États-Unis, de les retracer. En effet, nous venons d'en trouver un récemment qui ne peut revenir chez lui, parce qu'il ne peut avoir de passeport canadien. Il n'est plus Canadien, et il veut revenir chez lui. Nous travaillons avec le Canada pour essayer de résoudre le problème.
    Vous avez tout à fait raison, le plus grand défi qu'ont connu les Métis, c'est que personne ne nous définissait ou ne voulait nous définir par peur de devenir financièrement responsable de nous. J'ai toujours soutenu cette position, si je peux me permettre, monsieur Robillard. J'ai adopté la position que, en qualité de Canadiens, nous avons payé des milliards de dollars d'impôts dans ce pays. Et même en qualité de Canadien, je ne suis pas traité comme un Canadien, parce que je suis traité comme un Autochtone; mais alors lorsque je viens de ce côté-là de la table, personne ne veut reconnaître que j'en ai le droit. Nous avons probablement été absolument les plus grands perdants sur le plan de l'identification véritable. Cela a nui énormément à beaucoup de nos familles et de nos enfants.

  (1010)  

[Français]

    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Whitecloud. Ce projet de loi propose une nouvelle approche à bien des égards, dont l'un des plus importants concerne son libellé.
    Pourriez-vous nous donner votre point de vue sur le processus d'élaboration conjointe de ce projet de loi? Avez-vous été consultée?

[Traduction]

    J'ai participé aux activités au niveau du comité consultatif national en siégeant pour l'examen national des services de protection de l'enfance. Est-ce qu'on m'a consulté, ou est-ce que mon peuple a été consulté? Non.

[Français]

    Je vais laisser mon collègue poser la prochaine question.

[Traduction]

    Merci beaucoup à tous les trois de vos interventions.
    Monsieur le président David Chartrand, au début des années 2000, le gouvernement du Manitoba a procédé au transfert des responsabilités des services de protection de l'enfance. Je crois que vous étiez encore président — j'étais conseiller municipal et MaryAnn était ministre du cabinet, je crois. Cependant, avec le transfert des responsabilités des services de protection l'enfance au Manitoba, le retrait des enfants a augmenté. Qu'en pensez-vous, du point de vue de la fédération des Métis?
    J'ai effectivement joué un rôle dès le début. J'ai été président pendant 22 ans. Simplement pour fournir un peu de contexte, pour que les gens sachent qui je suis, je viens du ministère de la Justice. J'ai travaillé pour le ministère de la Justice pendant 10 ans avant de devenir président. J'étais un agent deprobation, puis j'ai été directeur à la division des tribunaux de l'un des ministères. Je me suis occupé de la justice et du système de protection de l'enfance pendant longtemps.
    J'ai repris le poste de président en 1996. Lorsque nous avons finalement eu le transfert de responsabilités en 2003, on nous a transféré le mandat du système de protection de l'enfance, mais les politiques générales n'ont pas changé. Comme je l'ai dit plus tôt dans mes commentaires, le système a été conçu pour appréhender les enfants. Il n'a pas été conçu pour maintenir les enfants dans leur famille ou dans leur communauté. Il a été conçu pour les retirer. Votre formule de financement était basée sur ce système: pour aider la famille, il fallait prendre l'enfant. Les gens doivent en être conscients. Vous prenez l'enfant, et la famille n'a aucun moyen — si vous avez entendu Katherine parler de certains problèmes — d'avoir de l'argent pour se défendre, aucun moyen d'avoir le droit de même parler ou de comprendre ce système compliqué. C'était alors aux mains des avocats devant les tribunaux et tout ce que ça comportait.
    Oui, Danny, le problème était tout à fait le contraire. Nous avons tenu un dossier de toutes les personnes que nous avons empêché d'appréhender. Ça n'avait aucune valeur pour la Province, ce qui nous semblait absolument ridicule, parce que ça montre qu'il y a eu prévention. Je parle de milliers. Quand on regarde ça de ce point de vue-là, c'était conçu pour appréhender.
    Maintenant il y a un changement majeur. Je sais qu'au Manitoba, la législation sur les soins conformes aux traditions, etc., a permis de travailler à la prévention. Mais le problème demeure maintenant... parce que nous sommes complètement sous-financés — les données, les statistiques, et toutes les preuves le montrent — pourtant, on nous dit que nous pouvons travailler à la prévention avec les fonds excédentaires. Comment pouvons-nous avoir des fonds excédentaires quand nous sommes déjà sous-financés? Il n'y a aucune façon que nous changions le côté prévention des choses.
     C'est notre espoir pour le projet de loi C-92. L'important dans le projet de loi C-92 est d'aller vers la prévention, de travailler avec la famille, de maintenir la famille chez elle. De s'assurer que les grands-parents, les tantes et les oncles sont tous impliqués. Laissez-nous prendre soin de nos propres enfants. Je ne sais pas combien de fois nous vous l'avons dit, à vous et à la société extérieure. Laissez-nous prendre soin de nos affaires.

  (1015)  

    Votre temps est écoulé.
    C'est maintenant le tour du député Kevin Waugh de poser des questions.
    Merci aux quatre groupes présents ici.
    Nous allons continuer là-dessus. Les soins préventifs ne sont mentionnés qu'une seule fois ici, à l'article 14. Monsieur le président Chartrand, est-ce que les soins préventifs — vous parliez de l'autre côté à ce sujet — devraient avoir plus de place dans ce projet de loi?
    Je suis prudent à propos de — vous ne m'entendrez jamais faire des recommandations pour trop changer la formulation d'une loi, et je vais d'abord vous dire pourquoi. Ensuite, je répondrai à votre question.
    J'ai peur qu'il y ait beaucoup d'amendements et d'exigences pour changer ceci, pour changer cela, pour répondre aux problèmes de chacun, que ça finisse par ne rien résoudre et ne pas être adopté avant juin. Mon inquiétude est une inquiétude sérieuse. Si le projet meurt au Feuilleton, qu'est-ce qui lui arrive? C'est un problème sérieux qui nous préoccupe moi, et mon peuple, et mes enfants dont nous avons parlé dans le rapport.
    La question où je pense qu'on peut trouver une réponse, Kevin, c'est que ça nous donnera le mandat d'accorder priorité à l'importance de la culture, de la famille, de la communauté. Nous utiliserons ça comme mesure préventive pour nous assurer que ça garantit que les enfants ne quitteront plus jamais nos familles. Je crois que c'est essentiellement protégé. C'est un aspect important, et nous aurons le contrôle là-dessus, personne d'autre. La prévention s'enclenchera automatiquement et se trouvera automatiquement dans les politiques que nous créerons, le pouvoir juridique de superviser nos propres enfants.
     J'ai un problème, car je consulte votre site Web et vous indiquez 3,5 employés qui supervisent 500 familles d'accueil.
    J'y arrivais. Nous avons soulevé cette question auprès de la province. J'ai du financement provincial, ne l'oubliez pas. Je n'ai pas de financement fédéral.
    Je vois seulement 3,5.
    J'espère que vous pouvez dire ça à mon premier ministre. Parce qu'en fin de compte, quand je vais revenir au Manitoba, je vais simplement répéter ça très fort, moi et les grands chefs du Manitoba, que le système est conçu pour que nous ne puissions pas...
    Comment peut-on gérer les familles d'accueil avec seulement 3,5 employés?
    À propos de nous donner du financement, laissez-moi vous dire ceci, Kevin; c'est une question grave que nous devons tous prendre en compte. J'espère que vous prendrez position là-dessus. Je pense que le Manitoba et une autre province sont les deux seules du pays qui ont repris l'argent des allocations pour enfant. Ils ont repris l'argent de ces allocations pour enfant qui devrait être mis de côté pour les enfants et leur futur.
    Mais au Manitoba, le gouvernement le reprend. Il le récupère. Une cause doit aller devant les tribunaux sous peu. Mais devinez ce qu'ils viennent de nous faire, au Manitoba, Kevin, en réponse au 3,5? Ils nous ont escroqués sur le montant total de ces allocations pour enfant qui ont été récupérées auparavant. Au lieu de, disons, hypothétiquement, me donner, je crois que c'était 53 millions de dollars, ils l'ont récupéré, parce qu'ils ont utilisé l'argent des allocations pour enfant avant. Ils ont coupé ces 6 millions de dollars. Maintenant, pour ouvrir mon organisme, ils me forcent à dépenser mon argent des allocations pour enfant pour fonctionner. Ils disent qu'ils ne récupèrent rien. Eh bien, ils me le font dépenser. Ils sont en train de m'escroquer.
    En fin de compte, les Premières Nations vivent la même chose. Pour la Southern Chiefs' Organization, c'était 17 millions de dollars, je crois. Quand vous commencez à regarder ces chiffres-là, ça fait peur. Cet argent des allocations pour enfant, c'est pour ces petits-là. Cet argent devrait être placé en fiducie pour eux. Cet argent-là devrait être utilisé pour eux. Beaucoup restent là pendant 10 ans ou plus. Lorsqu'ils s'en iront un jour, au moins ils ont de quoi commencer leur vie. Mais si vous les forcez à payer leur propre système de protection de l'enfance avec l'argent des allocations fédérales pour enfant, c'est une honte.
    Voilà pourquoi nous n'avons que 3,5 employés aujourd'hui, Kevin, parce que notre premier ministre coupe radicalement aujourd'hui. Le bien-être des enfants n'est pas une priorité.
    Merci.
    Je dois poursuivre.
    Je viens aussi du Traité no 6. Alors Tischa, merci beaucoup de participer par vidéoconférence de ma ville de Saskatoon.
    Vous avez parlé du principe de Jordan, ce matin. Où devrait-il s'appliquer dans le projet de loi?
    Je pense que ça va avec le financement basé sur les besoins. Je crois que c'est à propos de l'accès aux services pour les enfants et les familles et du placement d'un enfant.
    D'accord.
    Marlene, je vais vous donner la parole, parce que je ne sais pas si beaucoup de gens le savent, mais vous avez une des régions les plus difficiles du pays. Vous vous occupez d'endroits comme Red Pheasant, Saulteaux, Sweetgrass, Mosquito et ainsi de suite.
    Vous avez parlé aujourd'hui du besoin pour les enfants de retourner chez leurs parents le plus rapidement possible.
    Pensez-vous que le projet de loi aborde ce besoin adéquatement? Vous en avez parlé, Marlene.

  (1020)  

    Je crois que le projet de loi le permet. Tout dépendra de chaque Première Nation et de chaque organisme de services aux enfants et aux familles, qui devront y travailler dans leur propre législation qu'ils développeront, en vertu de cette législation-ci. Nous avons toujours eu cette priorité. Nous le faisons chaque jour. Notre travail est de nous assurer de fournir du soutien précoce aux enfants et aux familles.
    Qu'est-ce qui se passe si un enfant devient pupille de l'État? Le projet de loi devrait-il s'occuper de la priorité de réunir l'enfant avec sa famille?
    Oui, ça devrait être une priorité. C'est notre façon de faire habituelle. Dans un organisme des services aux enfants et aux familles d'une Première Nation avec lequel je travaille, c'est toujours notre but premier de garder la famille réunie. Nous faisons l'admission et l'évaluation du risque et nous déterminons le niveau de risque. Si le risque est faible, alors nous cherchons à soutenir l'unité familiale par du soutien intensif plutôt que de retirer l'enfant et nous essayons ensuite de travailler avec la famille. Dès le départ, nous travaillons avec la famille dans son ensemble.
    Madame Whitecloud, merci de votre exposé. Pouvons-nous avoir vos réflexions sur ce dont nous avons parlé ici?
    Je n'ai pas fait référence directement au projet de loi C-92; je l'ai passé sous silence, notamment parce qu'il y a tellement de gens qui oeuvrent sur le terrain. Mes collègues qui ont pris la parole plus tôt ce matin ont consacré énormément de temps et d'efforts à traiter de ces questions et l'ont fait par le biais du Comité consultatif national et des forums nationaux qui ont eu lieu partout au pays.
    Monsieur Waugh, je possède une formation comme éducatrice. J'ai été enseignante. Je suis directrice de l'enseignement et j'ai enseigné au niveau universitaire. Même si je ne fais pas directement référence au projet de loi C-92, il y a une raison pour cela. Dans notre culture, nous ne donnons pas de voix aux choses qui sont réelles. C'est comme lorsque vous sortez à l'extérieur et qu'il pleut. Nous savons qu'il pleut. Nous n'avons pas à l'exprimer.
    C'est une approche complètement différente. Dans mon travail et dans mes efforts pour soutenir nos enfants, je vis en accord avec mes traditions et j'utilise les connaissances et l'expérience acquises tout au long de ma vie professionnelle au service de nos gens.
    Merci.
    J'ai essayé d'être très polie, mais nous devons passer à Mme Rachel Blaney pour la prochaine série de questions.
    Merci.
    J'aimerais remercier tous les témoins présents aujourd'hui. Votre témoignage a été précieux.
    Une de mes principales préoccupations concernant ce projet de loi est qu'il constitue une loi-cadre. De nombreux témoins nous ont indiqué que le projet de loi ne contenait pas de principes sur le financement.
    Nous le constatons dans le préambule et il y a eu des recommandations visant à ce qu'il soit déplacé du préambule au projet de loi. De nombreux témoins ont également formulé des recommandations souhaitant que les principes du Tribunal canadien des droits de la personne concernant le financement équitable et la prise en compte des réalités fondées sur les besoins, comme vous avez été nombreux à le préciser aujourd'hui, doivent se retrouver dans le projet de loi afin que nous puissions tenir responsable le gouvernement en place, quel qu'il soit, pour nous assurer que les enfants autochtones partout au pays ont accès aux ressources dont ils ont besoin pour obtenir les soins qu'ils devraient recevoir.
    J'aimerais commencer en Saskatchewan, puisque vous êtes à l'écran devant moi. Pourriez-vous nous parler de vos préoccupations concernant le financement et nous dire si vous reconnaissez que les principes du financement devraient être inclus dans le projet de loi?
    Tischa.
    Je crois que les principes du financement devraient être inclus. Pour revenir aux commentaires de Kevin Waugh, si nous estimons que ce n'est pas suffisamment clair, même avec le principe de Jordan, peut-être faudrait-il ajouter un autre article pour préciser davantage le financement du principe de Jordan.
    En ce qui a trait au financement en général, nous examinons la différence entre ce qui est équitable, c'est-à-dire ce qui est égal pour tous les enfants, quelle que soit leur race ou leur situation familiale, et ce qui est fondé sur les besoins, qui selon moi tient compte des différents contextes historiques du colonialisme, des pensionnats et des traumatismes subis par les Premières Nations, qui pourraient faire en sorte que les besoins des Premières Nations sont différents de ceux des autres enfants. C'est la raison pour laquelle nous comptons mettre l'accent sur un financement fondé sur les besoins, et nous examinons les principes de base.
    Je crois que l'intérêt supérieur de l'enfant des Premières Nations ou de l'enfant autochtone est primordial. Nous visons une promotion du bien-être axé sur la prévention plutôt que sur l'appréhension et la nécessité d'une protection en offrant tous les services appropriés conçus pour maintenir, appuyer et préserver la famille de la façon la moins perturbatrice, contribuant à maintenir la stabilité des familles lorsqu'il est sécuritaire de le faire et à maintenir les enfants dans des environnements culturellement appropriés et à offrir des services communautaires à l'enfance, à la jeunesse et à la famille qui sont culturellement adaptés.
    En consultant notre rapport de recherche, nous y voyons tout ce continuum de soins lorsqu'il est question du bien-être de l'enfance. Une partie de notre recherche documentaire, ainsi que notre travail auprès des aînés et des autres experts en la matière dans notre recherche sur le savoir consistait à examiner et à déterminer les fonctions centrées sur l'enfant, les fonctions centrées sur la famille, les fonctions d'intendance communautaire et les fonctions de tutelle, qui sont peut-être plus institutionnelles, et à comprendre tout au long de ces processus où le besoin de financement pourrait apporter un soutien et diminuer le traumatisme vécu par les enfants et les familles, quelle que soit l'étape de la transition vers le bien-être de l'enfance.

  (1025)  

    Merci.
    Puis-je revenir à vous, David?
    Bien sûr, j'appuierais le principe d'avoir une caution parce que de nos jours, pourrait-on résumer cela à une question de confiance entre chacun en tant que gouvernements? Je crois que vous avez dit « quel que soit le gouvernement en place ». Je crois que c'est primordial.
    Je tiens à préciser ceci. Je ne veux pas qu'on apporte des modifications au projet de loi si cela est pour retarder son adoption. Si le projet de loi doit aller de l'avant avec l'accord de toutes les parties, surtout celui du gouvernement en place, et si ce dernier accepte d'inclure la clause, et si cela ne retarde pas l'adoption du projet de loi ou ne le modifie pas, alors je l'appuierais.
    Par contre, je serai clair, et Rachel, j'estime que votre question est très importante — à l'heure actuelle, la formule en vigueur au Manitoba, même au sein de l'organisme mandaté, est fondée entièrement sur la volonté du gouvernement.
    Dans nos agences, le ratio est de 700:1. Si votre ratio est supérieur à 700:1, une nouvelle agence devrait entrer en jeu. Une de nos agences a un ratio supérieur à 1 200, ce qui dépasse de 500 l'exigence.
    Le ratio client-travailleur social est également de 25:1. Nous dépassons ce ratio et nous revenons vers les zones de risque de 30, 35 ou 40:1, et cela est inquiétant. Kevin a soulevé la question indiquant que le chiffre de 3,5 employés pour surveiller toutes ces familles d'accueil dépasse l'entendement.
    Au Manitoba, il n'y a aucune disposition dans la loi portant sur le financement. C'est uniquement fondé sur la volonté d'un gouvernement. S'il y a des dispositions dans ce projet de loi, et que cela ne retarde pas l'adoption du projet de loi, je suis tout à fait pour, et je l'appuierais sans réserve.
    Puisqu'il est question de cela, je suis désolée, je dois profiter de cette occasion pour déposer une motion. Le 2 mai dernier, un incident malheureux s'est produit au sein de ce comité. Nous devions avoir cinq heures de délibérations et nous n'avons eu qu'une heure.
    Avec cette motion, je demande qu'on nous remette ces quatre heures parce que je tiens à m'assurer que les témoins seront être entendus.
    Ma motion est la suivante:
Étant donné que le comité a été privé de quatre heures de témoignage le 2 mai, l'étude par le comité du projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, soit prolongée de quatre heures le 14 mai.
    Merci.
    Mike.
    Oui, merci, madame la présidente.
    Je remercie ma collègue d'avoir déposé la motion.
    Pour moi, le problème est que nous devons retourner ce projet de loi à la Chambre le plus tôt possible. Je suis vraiment préoccupé par le fait de retarder le processus plus qu'il ne faut. Il est malheureux que nous n'ayons pas réussi à remplir cette heure. Les différentes organisations qui souhaitaient participer avaient été avisées suffisamment à l'avance. J'éprouve de l'empathie avec le fait que nous n'avons pas réussi à attirer des gens pour ces quatre heures, mais je ne souhaite pas retarder davantage ce processus. Je veux que le projet de loi retourne à la Chambre le plus rapidement possible afin de s'assurer que ce projet de loi très important est adopté.
    Cathy.
    Merci, madame la présidente.
    Il s'agit de quatre heures envers lesquelles nous nous étions engagés. Il y a plusieurs personnes ayant demandé à être entendues qui sont sur la liste des témoins. Nous avons effectivement une date de fixée pour l'étude article par article, et nous sommes engagés à travailler de longues heures, mais nous avons également des soirées. D'autres comités travaillent les soirs. D'autres comités travaillent les lundis et les vendredis. Selon moi, ce projet de loi est suffisamment important pour que tout le monde soit entendu. Nous pouvons certainement siéger une soirée; nous sommes prêts à siéger un lundi ou un mercredi pour entendre les témoins qui ont demandé à être entendus tout en respectant l'échéance pour notre étude article par article.
    Nous comprenons parfaitement et nous appuierons Mme Blaney avec sa motion.
    Dan.
    J'allais seulement proposer que, plutôt que de perdre le temps des délégations avec cette question, nous pourrions en discuter à la fin de la réunion, puis prendre une décision, et simplement continuer à entendre les délégations.

  (1030)  

    Le Comité est saisi d'une motion.
    Ce qui me préoccupe, c'est que nous avons déjà signalé la question à la présidente et demandé qu'elle soit traitée à notre dernière réunion, ce qui n'a pas été fait. Je ne veux évidemment pas empêcher personne de s'exprimer, et c'est la raison pour laquelle je demande ces heures supplémentaires. Je crois qu'il est important de bien faire les choses. S'il existe une solution que nous pouvons proposer et que l'on pourrait débattre aujourd'hui, je serais heureuse d'en discuter.
    J'apprécie votre compréhension, mais cela n'a rien à voir avec moi. Il est question des enfants autochtones de ce pays et de s'assurer que les gens sont entendus ici même.
    D'accord. À titre d'information, nous avons une réunion ordinaire le 14 mai, et cette réunion devrait être ajournée à 10 h 45.
    Dan.
    Je suis entièrement d'accord avec Rachel. Si nous pouvions simplement prendre cinq minutes pour voter sur cette question avant la fin de notre réunion à 13 h 30. De cette façon, nous pourrions poursuivre avec nos délégations. Nous nous engageons à voter sur la question.
    Je suis d'accord avec cela, tant que c'est fait aujourd'hui.
    Ça semble acceptable.
    Nous allouerons cinq à dix minutes à la fin avant d'ajourner la réunion afin de discuter des travaux du Comité, alors personne ne doit s'en aller.
    Je m'excuse de cette perturbation. Où en sommes-nous en ce qui a trait à l'horaire?
    J'ai l'honneur, au nom de tous les membres, de vous remercier de votre participation, que vous soyez présents par vidéoconférence ou sur place, ici à Ottawa. Nous voulons tous vous remercier pour vos propos. Ils seront consignés dans les dossiers permanents du Comité afin que tous les Canadiens puissent en prendre connaissance et comprendre l'importance de ce projet de loi.
    Meegwetch.
    La réunion est suspendue. Nous accueillerons les prochains témoins.

  (1030)  


  (1035)  

    Bonjour tout le monde. Nous sommes devant le Comité permanent des Affaires autochtones et du Nord du Parlement du Canada pour aborder la question du territoire non cédé du peuple algonquin. Nous en sommes à notre troisième témoin aujourd'hui.
    Nous sommes honorés d'accueillir le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde. Nous sommes également honorés d'accueillir, à titre personnel, Mary Ellen Turpel-Lafond, qui est directrice du Centre d'histoire et de dialogue sur les pensionnats autochtones et professeure à la Allard School of Law de l'Université de la Colombie-Britannique.
    Bienvenue à tous les deux. Vous aurez 10 minutes chacun pour votre présentation, après quoi les députés pourront vous poser des questions.
    Grand chef, vous pouvez commencer dès que vous êtes prêt.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien]
    [Traduction]
    C'est un peu d'Ukrainski. Je connais vos origines.
    [Le témoin s’exprime en cri ainsi qu'il suit:]
    ᓃᐢᑕ ᓇᓇᐢᑲᒧᐣ
    [Les propos du témoin sont traduits ainsi:]
    Je suis heureux d'être ici.
    [Le témoin s’exprime en cri ainsi qu'il suit:]
    ᑭᓇᓇᐢᑯᒥᑎᓈᐚᐤ
    [Les propos du témoin sont traduits ainsi:]
    Je vous remercie tous.
    [Traduction]
    En tant que famille et amis, je vous remercie également de reconnaître l'existence du territoire algonquin.
    Ce matin, j'accueille également les pensées bienveillantes, l'esprit et l'intellect de ma collègue, Mary Ellen Turpel-Lafond. Elle est bien connue partout au Canada et elle est une spécialiste du bien-être de l'enfance, entre autres choses.
    Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada a fourni de nombreuses propositions concrètes pour aller de l'avant avec la réconciliation et les droits de la personne des Premières Nations. La CVR a reconnu dans les cinq premiers appels à l'action que la question dont vous êtes saisis aujourd'hui, le bien-être de l'enfance, doit être résolue.
    La CVR a expressément souligné le besoin pour la législation fédérale de mettre en oeuvre les changements nécessaires pour mettre fin à la crise de la prise en charge disproportionnée des enfants des Premières Nations. La CVR a également mentionné que le respect des normes minimales en matière de droits de la personne de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est essentiel à la réconciliation.
    Cette approche a influencé les résolutions adoptées par l'Assemblée des Premières Nations, ce qui a mené à notre participation à cette initiative. Le motif est incontestable. Nous avons de nombreuses résolutions émanant de nos chefs à l'assemblée. Personne ne peut remettre en question le mandat ou demander à l'APN pourquoi elle agit de cette façon. Il est impossible d'obtenir l'unanimité chaque fois. Aucun de vos partis ne peut y arriver non plus. Même chose pour l'ensemble des Canadiens, quel que soit l'enjeu, tout comme l'APN. Mais nous avons un mandat et nous avons une orientation quant à notre processus. C'est ce qui explique notre action.
    Lorsque des droits sont violés et que la vie d'enfants est en danger, nous affirmons qu'au fil du temps, dans ces systèmes, le respect des droits de la personne les plus fondamentaux des enfants, des familles, des collectivités et des nations constitue le cadre approprié.
    Pourquoi le projet de loi C-92 est-il important? Il faut comprendre le projet de loi C-92 dans le contexte du statu quo qui prévaut aujourd'hui pour les enfants des Premières Nations. Tout cela peut paraître répétitif — vous avez entendu de nombreux témoins — mais nous continuerons de le dire jusqu'à ce que les gens comprennent. Il y a environ 40 000 enfants dans les services de protection partout au Canada. Certaines provinces sont pires que d'autres.
    Il y a deux systèmes: celui des organismes de services à l'enfance et à la famille dans les réserves, mais aussi les systèmes provinciaux, sur lesquels on doit se pencher. C'est ce que cette mesure tente de faire.
    Lorsque nous affirmons qu'il y a 40 000 enfants dans les services de protection au Canada, nous savons qu'il y a plus d'enfants en protection qu'il n'y en a eu dans les pensionnats autochtones au plus fort de leurs opérations. C'est une statistique tout à fait ahurissante. On est en présence d'une crise de droits de la personne au Canada. Nous affirmons donc qu'il s'agit d'une crise humanitaire et d'une crise nationale des droits de la personne. Ce n'est pas un problème qui se réglera par l'intervention des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux qui continueront d'imposer leur compétence présumée sur nos enfants tout en ignorant les droits inhérents des peuples des Premières Nations.
    Le statu quo a été un échec évident et inadmissible. Il a entraîné de lourdes conséquences pour des générations d'enfants, de familles et de collectivités. Le projet de loi C-92 marque un tournant décisif par rapport au statu quo juridique en ce qui a trait à la compétence des Premières Nations. Le projet de loi contient plusieurs dispositions qui affirment les droits autochtones inhérents et les droits conférés par traités des Premières Nations, y compris l'autodétermination et le droit à l'autonomie gouvernementale en ce qui a trait aux enfants et aux familles. De nombreuses Premières Nations sont prêtes à fonctionner selon leurs propres lois et défendent cette approche depuis des décennies.
    Je ne cesse de répéter ceci: Occupez le terrain. Vous avez des lois fédérales. Vous avez des lois provinciales et territoriales, mais vous pouvez — et devriez — aussi avoir des lois des Premières Nations dans différents secteurs. Occupez le terrain et revendiquez cette compétence en tant que droit inhérent.
    La Première Nation Slapsin et Kukpi7 Christian — il sera ici plus tard aujourd'hui — représentent un exemple type. Kukpi7 Christian et le conseil tribal sont prêts, comme le sont de nombreux autres conseils partout au Canada. Nous sommes bloqués par l'absence de législation appuyant et reconnaissant l'autorité et la compétence entières des Premières Nations en matière de services d'aide à l'enfance et à la famille.

  (1040)  

    En plus des affirmations en matière de compétence et de pouvoir législatif contenues dans le projet de loi, des principes opérationnels ont été ajoutés afin de s'assurer que les problèmes graves en protection de l'enfance peuvent être réglés immédiatement.
    Les principes comme la priorité accordée à la prévention et au placement des enfants sont conçus pour recalibrer le système de protection de l'enfance dès le premier jour suivant la sanction royale. La priorisation de la prévention par rapport à l'appréhension, de même que l'importance de placements culturellement adaptés, sont des améliorations immédiates accessibles aux Premières Nations même avant que les Premières Nations adoptent leurs propres lois.
    Le projet de loi C-92 fait également progresser la reconnaissance juridique concrète des droits de la personne des peuples des Premières Nations en affirmant les droits collectifs, les droits individuels de chaque enfant et chaque jeune, et les droits de leur famille et de leurs soignants.
    Le projet de loi C-92 est un pas dans la bonne direction. C'est un pas en avant pour les Premières Nations, et il y a une urgence extrême de compléter le travail et de faire adopter le projet de loi. C'est un travail très important de ce comité. Il faut se retrousser les manches. Vous devez obtenir les votes nécessaires et passer à l'étape du Sénat. C'est une autre avenue à explorer. Le mois de juin arrive à grands pas et il y a un sentiment d'urgence pour les amis et les proches.
    Nous sommes conscients qu'une seule loi ne réglera pas tous les problèmes, mais ce projet de loi est un pas en avant.
    C'est un pas en avant. Aucun instrument législatif ne suffira à lui seul. En commençant par un cadre national pendant que les innovations régionales et au niveau des nations se poursuivent, cela représente un bon départ. Il y a de la souplesse. Ce projet de loi complétera les accords de gouvernement autonome sans leur porter atteinte.
    L'impact du système de protection de l'enfance se fait sentir chaque jour au sein des collectivités des Premières Nations et des familles. Vous entendez constamment — et cela est vrai — qu'il n'y a pas de cadeau plus précieux du Créateur que nos enfants. Ceux-ci méritent de grandir et de se développer au sein de leur famille, en connaissant bien leur culture, leur langue, leurs coutumes et leurs traditions, avec l'amour et le soutien de leur Première Nation.
    Nous avons besoin d'un système qui affirme notre identité et nos systèmes familiaux, où nous n'aurons plus besoin d'implorer le soutien et la reconnaissance des gouvernements provinciaux: des gouvernements qui se sont contentés d'appliquer la Loi sur les Indiens et qui nous ont par conséquent imposé des politiques sévères qui ont laissé tomber nos enfants.
    Le projet de loi C-92 reconnaît et affirme ce en quoi nous croyons fermement et que nous avons toujours eu: le droit d'élever nos enfants et d'en prendre soin selon nos propres pratiques et valeurs et de transmettre notre langue et notre culture aux générations qui suivront.
    L'article 18 du projet de loi est essentiel pour nous. Il doit y avoir une approche fondée sur les droits qui affirme nos droits inhérents, y compris l'autonomie gouvernementale pour les services à l'enfance et à la famille. Il est temps que le Canada passe à un système qui aurait dû être mis en place il y a longtemps.
    Le projet de loi C-92 est un pas en avant important parce qu'il affirme notre compétence et crée un espace pour les lois et les pratiques des Premières Nations en ce qui a trait à nos familles. C'est une législation qui respecte les droits dans le contexte de la Déclaration des Nations unies, qui constitue la norme minimale pour la survie et la dignité des peuples autochtones. Il établit les principes qui empêcheront les enfants d'être retirés inutilement de leur foyer, favorise le maintien des enfants dans leur collectivité et veille à ce que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant soit compris et appliqué dans la perspective des Premières Nations pour nos enfants et nos familles.
    Nous sommes conscients que le projet de loi C-92 n'est pas parfait.
    J'y vais d'une affirmation de mon cru ici: La perfection dans un projet de loi ou une loi peut être perçue comme un ennemi du bien. La perfection viendra avec le temps parce qu'il y aura des révisions et des amendements, mais il faut commencer quelque part. Alors commençons. Adoptons le projet de loi.
    Ce projet de loi peut être renforcé et nous avons des recommandations pour le faire. Il y a quatre domaines.
    Le premier est le financement, un élément très important. Le financement devrait être précisé par trois amendements: a) la formulation du financement dans le préambule doit être plus précise pour affirmer que le Canada reconnaît la demande de financement et accepte la demande de financement; b) il est nécessaire d'inclure une disposition sur le financement dans le corps du projet de loi; et c) l'article 20 du projet de loi sur les accords de coordination doit être plus précis en ce qui a trait aux arrangements fiscaux nécessaires pour appuyer les gouvernements des Premières Nations et coordonner les services dans les systèmes sur les réserves et à l'extérieur des réserves. Il faut qu'il y ait une coordination.

  (1045)  

    Voilà pour un premier élément sur le financement.
     Deuxièmement, la référence à la déclaration des Nations unies dans le préambule est importante, mais doit aussi être incluse dans la section « Objet », article 8, indiquant la promotion de la déclaration des Nations unies comme objet clé de la loi. Cette disposition devrait être intégrée de la même façon que dans le projet de loi C-91, concernant les langues autochtones. La déclaration des Nations unies est un cadre de travail et compte beaucoup de dispositions importantes sur les enfants et les familles, comme l'article 8, sur le retrait forcé des enfants d'une culture à une autre.
    Troisièmement, les articles sur l'intérêt de l'enfant devraient être modifiés pour indiquer clairement que les instances dirigeantes des Premières Nations qui adoptent des lois prescrivant les facteurs de détermination de l'intérêt des enfants s'ajoutent aux facteurs prévus dans le projet de loi, venant reconnaître et soutenir nos façons de prendre soin des enfants et des familles. C'est important, car pour certains de nos peuples, nous ne retirons pas l'enfant. Nous retirons la personne qui cause du tort à l'enfant et nous gardons la famille intacte. Nous sommes convaincus que c'est dans l'intérêt de l'enfant. Nos lois doivent être affirmées et nos pratiques, soutenues pour préserver l'unité familiale.
     Quatrièmement, le principe de Jordan doit être invoqué explicitement relativement à l'égalité réelle des enfants pour que ce précieux outil juridique soit confirmé dans le projet de loi C-92, s'appuyant sur les résolutions du Parlement qui ont adopté le principe de Jordan. Cela pourrait être ajouté au préambule et à tous les articles invoquant l'« égalité réelle », y compris le paragraphe 9(3).
    J'affirme que tout cela est primordial pour l'intérêt des enfants et des familles des Premières Nations.
    Madame la présidente, ce sont les amendements officiels que je viens de lire. Je veux déposer officiellement ces amendements devant le Comité. Cela vous aidera dans la rédaction du rapport. Ils sont tous ici.
    C'est tout.
    Je vous remercie. C'est très bien.
    Nous aimons obtenir des suggestions qui sont présentées de façon à nous permettre de les examiner en vue des amendements, si c'est ce que le Comité veut. C'est bien.
    À la deuxième intervenante, bienvenue devant notre comité.
    Vous pouvez commencer dès que vous serez prête.
    Merci beaucoup et bonjour à tous. C'est un honneur pour moi d'être ici. C'est avec grand plaisir que je me joins aux chefs nationaux pour vous parler de cet important projet de loi et pour reconnaître l'importance du travail des membres du Comité. J'ai déjà eu l'occasion de prendre la parole devant le comité permanent du Sénat, et je constate que les deux chambres travaillent avec beaucoup d'attention à ces importantes questions nationales, qui méritent un examen soigneux et approfondi et j'estime qu'elles ont reçu beaucoup d'attention pendant longtemps.
    Je tenais aussi à faire remarquer que j'ai eu le grand privilège d'être la conseillère spéciale de plusieurs chefs, notamment les chefs d'un groupe de travail législatif de l'Assemblée des Premières Nations qui se rencontrent depuis la réunion d'urgence nationale sur la protection de l'enfance, qui a eu lieu en janvier 2018. Nous avons travaillé selon une méthodologie de recherche du consensus, c'est-à-dire que les chefs de partout au Canada, leurs conseillers et leurs experts de la protection de l'enfance se sont rencontrés environ 12 fois dans des réunions d'une journée complète pour évaluer les positions que les Premières Nations aimeraient apporter au Canada pour qu'elles soient intégrées dans un projet de loi.
    Ce processus a été très positif. Il va sans dire que je l'ai beaucoup apprécié, mais lorsque je dis processus de recherche du consensus, je reconnais qu'on ne peut pas toujours atteindre le consensus complet. Cependant, c'était notre objectif, guidé par l'esprit et l'approche de l'Assemblée des Premières Nations, de rechercher le consensus, de travailler ensemble et de construire ensemble. C'était une période de travail substantielle et ce travail a été communiqué au gouvernement du Canada.
    Nous avons rencontré le gouvernement du Canada à plusieurs reprises et je tiens également à souligner le travail important des fonctionnaires sur cette question et sur le projet de loi. Ils sont nombreux, et je ne vais pas tous les nommer, mais au moins trois d'entre eux méritent une attention particulière, je crois, car ils ont travaillé inlassablement: le sous-ministre des Services aux Autochtones, Jean-François Tremblay; la sous-ministre adjointe responsable de ce dossier et de l'éducation, Joanne Wilkinson; et la directrice de ce secteur, Isa Gros-Louis. Ce ne sont que trois parmi tous les fonctionnaires qui ont assisté aux réunions avec les chefs, qui nous ont entendus et qui ont écouté nos positions. De même, j'ai eu l'occasion de travailler avec eux comme experte indépendante. Je tenais à saluer l'effort incroyable et le dur labeur auxquels les fonctionnaires du gouvernement du Canada se sont astreints avec professionnalisme dans ce dossier, leur intérêt et leur détermination, surtout depuis janvier 2018 après la réunion d'urgence nationale, pour que le travail soit fait.
    Je veux commencer en abordant certaines questions constitutionnelles qui ont été soulevées devant le Comité. J'ai observé les débats et lu le hansard et je sais que le professeur Dwight Newman a témoigné et soulevé certaines questions constitutionnelles à propos du projet de loi. Je sais également que Peter Hogg, qui est probablement notre plus éminent professeur de droit constitutionnel au Canada, a témoigné tout juste un peu plus tôt cette semaine pour aborder les questions constitutionnelles relatives au projet de loi.
    Je tenais à clarifier que, de mon point de vue en tant qu'experte constitutionnelle, professeure de droit, ancienne juge et avocate en exercice qui a témoigné plusieurs fois devant la Cour suprême du Canada et en tant que personne qui exerce de nouveau relativement aux questions constitutionnelles, j'estime qu'il est incontestable que le projet de loi devant vous est valide sur le plan constitutionnel.
    Je crois qu'il est important de souligner que le paradigme provincial en place au Canada pour la protection de l'enfance ne se fonde pas vraiment sur une solide compréhension de la division des pouvoirs touchant les peuples autochtones. Je vous invite à consulter, bien entendu, le très important travail également de Sébastien Grammond, aujourd'hui juge, qui était également le doyen de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa et qui a beaucoup écrit à propos de la législation sur la protection de l'enfance. Je suis pleinement d'accord avec lui, et comme il est pleinement d'accord avec le professeur Peter Hogg, je vous dirais alors que la prépondérance de l'opinion constitutionnelle au Canada est qu'il entre tout à fait dans les pouvoirs du gouvernement fédéral en vertu du paragraphe 91(24) d'adopter ce projet de loi.
    Même au-delà de cette position, le gouvernement fédéral peut adopter une stratégie nationale pour traiter de questions de très grande importance. Vous remarquerez que dans le projet de loi C-92 il est indiqué qu'il s'agit d'un projet national où le gouvernement travaille avec les provinces, dans le préambule. Voilà ce qui est indiqué, et suivant une position de coordination des ententes, il cherche à adopter une nouvelle approche à l'échelle nationale.

  (1050)  

     J'ai lu les dispositions du projet de loi où il est dit que les pouvoirs et la compétence des provinces en matière de protection de l'enfance sont respectés. Le gouvernement fédéral a clairement, sur le plan constitutionnel, le pouvoir d'intervenir. Cependant, idéalement, il faut harmoniser et avoir ce que nous appelons parfois un « double aspect », ou avoir une approche de collaboration en matière de protection de l'enfance.
    J'irais un peu plus loin en affirmant que d'après l'expertise et la jurisprudence au Canada, et la reconnaissance et l'affirmation des droits inhérents des peuples autochtones et des Premières Nations, notamment à l'article 35 de notre Loi constitutionnelle de 1982, il est important d'avoir cette loi pour la raison suivante.
    Jusqu'à tout récemment, pour une raison ou l'autre, peut-être à cause de l'histoire coloniale de la Loi sur les Indiens et du traitement des peuples autochtones, le gouvernement fédéral a adopté la position qu'il était un simple bailleur de fonds pour la protection de l'enfance et qu'il n'avait aucune obligation envers les gens dans le cadre des systèmes de protection de l'enfance.
    Nous savons que dans les deux types de causes, les recours collectifs et causes civiles d'envergure, et les décisions constitutionnelles, que tous les gouvernements ont une obligation fiduciaire envers leurs citoyens, mais particulièrement envers les citoyens des Premières Nations, où l'honneur de la Couronne est en jeu. Le Canada a tout à fait le droit d'adopter des lois de ce genre pour intervenir en qualité de fiduciaire, étant entendu que l'honneur de la Couronne est en jeu.
    Il y a eu des échecs catastrophiques et horribles en matière de protection de l'enfance. Elles sont bien connues. J'ai travaillé de façon indépendante pour défendre les droits de l'enfant pendant une dizaine d'années en Colombie-Britannique, avec un personnel réduit. J'avais 17 000 causes de protection de l'enfance, dont la plupart concernaient des enfants autochtones. J'ai catalogué rapport sur rapport des défaillances incroyables qui survenaient en raison de l'absence d'une loi telle que celle avec laquelle nous avons affaire aujourd'hui.
    Je tiens à commencer en soulignant pour vous, étant ouverte à répondre à vos questions éventuelles, ou à présenter au Comité tout document dont vous pourriez avoir besoin, que notre paradigme actuel présente des lacunes. En particulier, les provinces détiennent les pouvoirs en matière de protection de l'enfance, car une disposition de l'article 88 de la Loi sur les Indiens leur permettait d'appliquer la législation sur la protection de l'enfance aux gens des Premières Nations sans leur consentement. C'est parce que la Loi sur les Indiens elle-même, entrée en vigueur en 1876, qui était une consolidation de certaines des ordonnances coloniales les plus haineuses. Cet horrible chapitre colonial de notre histoire cherchait à dépouiller les peuples autochtones de leur identité, de leurs terres, de leur culture. Cette Loi sur les Indiens reste dans les livres et c'est l'instrument par lequel la loi provinciale est appliquée.
    Le monde du Canada a plutôt changé en 1982, au moment du rapatriement de la Constitution. De 1982 à aujourd'hui, notre Constitution, appelée « arbre vivant », a changé. Nous avons connu 40 décisions majeures de la Cour suprême du Canada sur les droits des peuples autochtones qui ont constamment conclu précisément ce que je présente aujourd'hui, c'est qu'il faut des approches novatrices de collaboration pour remédier à ces échecs persistants des politiques publiques.
    On ne peut s'empêcher de conclure qu'en ce qui a trait à la protection de l'enfance, c'est un échec catastrophique total des politiques publiques, et un échec de notre cadre juridique auquel il faut répondre de façon actuelle, de profonds problèmes dont il faut s'occuper.
     La position juridique ou de politique que je souhaite exposer au Comité aujourd'hui, c'est que le projet de loi C-92 n'est pas seulement constitutionnel. Il est attendu depuis trop longtemps. Il est vital. Il est essentiel. Je crois qu'il résisterait sûrement à une contestation constitutionnelle. Ce qui ne veut pas dire que s'il est adopté, l'application de ce projet de loi dans des causes données et dans des endroits donnés n'aurait pas à être soigneusement évaluée pour en arriver à un équilibre entre les droits individuels, comme ceux des enfants qui peuvent être en danger, et les droits collectifs de leurs familles et de leurs nations et de leurs peuples.
    Dans l'application, beaucoup de problèmes devront être résolus. Toute législation, lorsqu'elle est nouvelle, prend du temps à être rodée en pratique. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Cependant, les changements présents dans ce projet de loi sont de très importants changements pour le Canada.
     J'ai travaillé directement dans le système de protection de l'enfance dans littéralement des milliers de causes. J'ai procédé à la première adoption selon les coutumes ancestrales en Saskatchewan pour un enfant nehiyaw des Premières Nations. J'ai représenté des chefs à plusieurs reprises devant les tribunaux pour qu'ils puissent au moins le droit de parler pour leurs enfants, un droit qu'on leur a souvent refusé. J'ai eu l'occasion, même maintenant, de témoigner dans des affaires de protection de l'enfance pour des chefs des Premières Nations et d'autres, et je vois les obstacles.

  (1055)  

    De fait, nous avons une affaire de protection de l'enfance en cours devant un tribunal de Colombie-Britannique, où le juge a lu le projet de loi et dit : « C'est une approche très utile. Je devrais peut-être attendre de décider jusqu'à ce qu'il soit adopté, car cela nous donnerait une nouvelle avenue à l'avenir pour faire des choses que nous ne pourrions pas faire pour soutenir cette famille, le chef et cette grand-mère. Nous pourrions avoir la réunification de la famille. ».
    Je veux conclure mon mot d'ouverture en disant qu'il y a des problèmes techniques, bien sûr. Aucun projet de loi, comme l'a dit le chef national, pour sa part, ne répondra à l'incroyable échec en matière de droits de la personne et au désastre en matière de politique que la protection de l'enfance a été, pour les enfants des Premières Nations en particulier. Ce projet de loi créera-t-il de nouveaux outils et de nouvelles occasions pour changer les choses de façon positive? Je le crois. Faudra-t-il le surveiller de près? Oui.
    D'importantes ressources sont nécessaires, et de nouvelles ressources sont arrivées dans le système de protection de l'enfance. Je suis convaincue qu'il faut une évaluation soigneuse des résultats pour les enfants. Ces ressources doivent aller aux enfants qui en ont besoin. Dans un changement de politique publique comme celui-ci, tout doit s'orienter sur un cadre de reddition des comptes envers les enfants. Les enfants obtiennent-ils les ressources nécessaires? Nous savons tous que le point de vue des résultats est important.
    J'arrête là. Merci encore. Je suis ravie de répondre aux questions et à fournir des références sur les questions que j'ai soulevées dans mon témoignage.
    Merci.

  (1100)  

    Merci.
    Nous passons maintenant aux questions des députés. Nous commençons avec le député Yves Robillard.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages.
    Mes questions s'adressent à Mme Turpel-Lafond.
    Des questions ont été soulevées la semaine dernière au sujet du fait que le projet de loi C-92 lie les provinces et qu'il pourrait y avoir une contestation devant les tribunaux. Pensez-vous que cet argument soit fondé? De quelle façon cette loi pourrait-elle être contestée devant les tribunaux par les provinces?

[Traduction]

    Je crois que l'argument n'est pas bien fondé. Par exemple, même le professeur Newman a témoigné devant vous, avant que la Cour d'appel de la Saskatchewan ne rende une décision dans la référence relative à la taxe sur le carbone, ce qui place certaines de ces questions en contexte, également. Je crois que l'idée d'une contestation constitutionnelle du projet de loi C-92 par une province... Bien entendu, les provinces peuvent s'adresser à n'importe quel tribunal. Comme nous l'avons vu dans l'affaire de la taxe sur le carbone, ça ne se passe pas toujours comme on le souhaiterait. Le raisonnement juridique et les principes constitutionnels sont très clairs, comme l'indiqueront le professeur Hogg et d'autres. C'est une législation valide sur le plan constitutionnel.
    C'est très bien de contester. C'est bon pour les salaires de la profession juridique, mais ça ne devrait pas préoccuper le Comité, parce que les gens utilisent des stratégies pour traiter ces choses-là. Parfois, il y a d'autres conflits entre le Canada et une province, ou que sais-je encore.
    Quand il est question de protection de l'enfance, c'est valide sur le plan constitutionnel. Qui plus est, comme il s'agit des enfants, j'espère de tout coeur que cela n'arrivera pas. Je me suis occupé récemment de la toute première entente de réconciliation entre la province de la Saskatchewan et le Conseil tribal de Saskatoon. Vous avez entendu le chef tribal plus tôt cette semaine. C'était la première fois que le gouvernement de la Saskatchewan entamait un processus de reconnaissance des compétences. J'étais là pour servir de témoin au premier ministre et j'ai parlé avec enthousiasme du fait que, pour le bien des enfants, nous ne devons pas recourir aux tribunaux et nous battre. Ils ont effectivement enterré la hache de guerre quant à des poursuites ce jour-là, et déclaré qu'ils allaient collaborer.
    Je crois que c'est une sage stratégie. J'espère que toute province qui pense à une position plus agressive devrait adopter cette stratégie.

[Français]

    Merci.
    Dans l'affaire Parents Naturels c. Superintendent of Child Welfare et al. ayant eu lieu en 1976, le juge Martland a reconnu que les lois provinciales relatives à l'adoption s'appliquaient aux enfants autochtones, à moins que le Parlement n'ait légiféré d'une manière qui empêcherait son application. Pensez-vous que cela s'applique également aux cas de la protection de l'enfance autochtone? Quel est le lien entre cette affaire et le projet de loi C-92?

[Traduction]

    Avant tout, c'est une assez ancienne cause. C'est une importante cause. Il y a en fait une cause de 1867 appelée Connolly c. Woolrich, qui est importante pour les Britanno-Colombiens parce que la mère de la femme de Sir James Douglas est la famille de la plaignante. C'était un mariage cri selon la coutume du pays entre un commerçant de fourrures et une femme crie. Il y avait un problème dans un tribunal du Québec en 1867 à savoir si les lois des Cris... Il y avait l'obligation de s'assurer que le droit familial coutumier s'appliquait. Dans Connolly c. Woolrich, on avait reconnu qu'il y avait quelque chose appelé « mariages selon la coutume du pays » et les lois autochtones de la famille, et que ces mariages étaient valides.
    Il existe toute une variété de causes. C'est une cause très importante, et la cause que vous citez est également cruciale. Il existe également de récentes décisions, sur des questions comme l'adoption selon la coutume et d'autres choses. Nous avons trois sources de droit au Canada. Nous avons le droit des Autochtones, le Code civil et la common law. Nous devons toujours penser à la façon de les harmoniser.
     C'est pourquoi je pense que le projet de loi C-92 est très positif. En nous concentrant sur les enfants, et sur la réunification de l'enfant et de la famille, nous irons probablement au-delà de ces concepts, comme l'adoption, qui ne sont pas nécessairement des concepts autochtones. Nous nous occuperons davantage de l'unité familiale. Je crois que c'est un aspect progressif. Je crois que ça respecte la jurisprudence, mais nous devons comprendre qu'après 1982, la jurisprudence au Canada a progressé.

  (1105)  

    Merci.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse au chef national Bellegarde.
    Certains témoins nous ont fait part de leur opinion selon laquelle il était difficile de comprendre ce projet de loi en matière de compétence. Selon vous, y a-t-il des façons de le clarifier ?

[Traduction]

    Merci de cette question.
    Il est certain que les choses peuvent toujours être clarifiées. J'ai présenté quatre recommandations pour clarifier les choses dans quatre domaines. On cherche toujours des moyens de rendre les choses meilleures, de les améliorer, mais je reviens toujours au sentiment d'urgence. Oui, rendons les choses meilleures et améliorons-les, mais faisons avancer le processus dès que possible pour les votes appropriés à la Chambre et ensuite au Sénat. C'est une question de temps.
    Il y a un sentiment d'urgence et une occasion, surtout à la lumière des prochaines élections en octobre. Vous connaissez le processus législatif. Tout peut arriver. Il y aura un discours du Trône. Il y aura un nouveau cabinet. Il y aura d'autres priorités. Nous ne savons pas quelle priorité cela représentera pour un gouvernement ou l'autre, mais il s'agit des enfants et c'est maintenant l'occasion de faire quelque chose.
    Je vous invite tous instamment à le faire avancer aussi soigneusement, mais aussi promptement, que possible.
    Merci.
    Je donne la parole à M. Ouellette.
    Je n'ai qu'une question rapide sur le paragraphe 9(3), qui porte sur l'égalité réelle.
    Madame Turpel-Lafond, je me demandais simplement si vous pouviez nous donner un peu plus d'explications sur votre interprétation à ce sujet, et si un gouvernement futur pourrait être poursuivi s'il décidait de ne pas financer cela de façon appropriée.
    Les principes d'égalité réelle à l'article 9 sont très importants. Ils sont aussi dans le préambule.
    En quelque sorte, je vois un peu cette disposition comme la disposition du principe de Jordan, sans nommer le principe de Jordan. Je ne suis pas certaine de pourquoi on ne peut pas. Je pense qu'il y a des règles d'interprétation des lois qui interdisent de nommer des gens dans les lois, bien que j'aimerais que vous fassiez une exception, comme le chef national l'a proposé, et de nommer le principe de Jordan.
    Sur la question du financement prévu dans la loi, par excès de prudence et étant donné les conflits qui sont survenus auparavant, je pense qu'il serait très important d'avoir une disposition autonome sur le financement dans ce projet de loi. Je pense que la disposition du préambule sur la demande de financement devrait être déplacée pour en faire une vraie disposition dans le projet de loi, probablement après l'article 15.
    Les dispositions sur l'égalité réelle pourraient en fait être utilisées pour débattre de financement parce qu'on a eu ces cas, et je suis certaine que vous connaissez ces cas, comme le cas CN, le cas Auton et d'autres, où l'atteinte concrète de l'égalité nécessite des ressources. Un wagon doit être adapté aux gens qui ont une invalidité. Les enfants autistes ne peuvent pas ne pas recevoir de financement et ne pas être en classe.
    Je vous soulève seulement le fait qu'il y a des choses qui font référence à des normes et à l'égalité réelle ici. C'est possible. Votre question est juste. C'est possible de bâtir un argumentaire, mais je pense qu'une disposition serait préférable.
    C'est maintenant au tour de la députée Cathy McLeod de poser des questions.
    Je remercie les témoins.
    J'ai promis de partager mon temps, et j'ai deux questions importantes, donc j'imagine qu'on doit y aller.
    J'ai aimé vos commentaires sur la constitutionnalité, parce que c'est quelque chose sur lequel je me suis questionné et entendre différentes opinions là-dessus est, je crois, très utile. Nous avons entendu une opinion, et vous l'avez abordé aussi, à propos de l'article 88 de la Loi sur les Indiens, qui donne le droit aux provinces d'intervenir. J'ai demandé s'il devait être effacé dans ce projet de loi pour donner une meilleure clarté. L'opinion à ce moment-là était que non.
    Êtes-vous d'accord avec l'opinion que ce n'est pas nécessaire qu'il fasse partie du projet de loi en raison de la primauté de cette loi?
    Oui. Je suis très fortement d'avis que l'article 88 de la Loi sur les Indiens ne devrait pas être mentionné dans ce projet de loi. La Loi sur les Indiens ne devrait être mentionnée d'aucune façon que ce soit.
    Toute initiative fédérale qui cherche à réhabiliter et à réformer la Loi sur les Indiens est tellement fondamentalement déficiente qu'elle est complètement inacceptable. Cela pourrait compromettre le projet de loi. Cela compromettrait le soutien des Premières Nations envers le projet de loi, mais cela pourrait aussi servir à maintenir un système qui ne fonctionne pas.
    Est-ce que c'est nécessaire? Je ne pense pas que c'est nécessaire. Je pense que la structure du projet de loi est acceptable et que les lois des Premières Nations vont s'en débarrasser. Il y a aussi des Premières Nations qui veulent prendre leur temps. Elles ne veulent pas s'en débarrasser immédiatement. Ce serait instable.

  (1110)  

    Je comprends, parce que je craignais que, si cela restait dedans, cela puisse toujours s'appliquer et cela créerait des ennuis.
    Chef national Bellegarde, nous avons eu de nombreuses conversations au cours de la dernière année à propos de la déclaration de l'ONU, et j'ai certainement exprimé mes préoccupations.
    Vous avez demandé que ce soit dans la principale partie du projet de loi, et je regarde l'article 19 et la question du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et je sais — je pense que c'est dans le prochain groupe de témoins —, nous allons avoir l'Assemblée des chefs du Manitoba qui va nous dire de ne pas adopter ce projet de loi.
    Si on insère la déclaration de l'ONU dans le projet de loi, et puis on a l'article 19, la déclaration de l'ONU sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ils vont dire: « On ne donne pas notre consentement libre, préalable et en connaissance de cause. » Comment est-ce qu'on concilie ces concepts?
    Pouvez-vous m'avertir dans une minute? Je veux m'assurer que mon collègue a du temps.
     C'est une bonne question, encore une fois, et je sais que nous avons aussi rencontré votre leader de nombreuses fois et que nous avons parlé de ces questions. Je dirais qu'il y a beaucoup de projets de loi importants, mais nous nous sommes toujours concentrés sur C-91, les langues; C-92 la protection de l'enfance; et puis C-262, la déclaration de l'ONU.
    J'ai dit que je serais un chef national heureux s'ils passent tous d'ici la fin de juin. Je sais que l'enjeu est le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Les gens se demandent si c'est un droit de veto, et de disent: « As-tu entendu Paul Joffe et les autres experts? »
    D'après moi, ce n'est pas un droit de veto, mais il faut respecter les droits des Autochtones, les droits inhérents et issus des traités, et faire participer les détenteurs de titres et de droits tôt ou tard dans toute initiative. Avec le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, lorsque les gens... Vous avez mentionné que l'Assemblée des chefs du Manitoba va s'opposer à l'adoption du projet de loi. C'est une région, et c'est un chef régional. Le grand chef Arlen sera ici pour le dire.
    Vous connaissez les chiffres au Canada. Il y a 203 chefs en Colombie-Britannique. Il y en a 47 en Alberta. Il y en a 74 en Saskatchewan. Il y en a 66 au Manitoba. Il y en a plus de 134 en Ontario. Il y en a 47 dans la belle province du Québec. Il y en a 13 en Nouvelle-Écosse, 15 au Nouveau-Brunswick, deux à l'Île-du-Prince-Édouard, deux à Terre-Neuve, 14 au Yukon et 28 dans les Territoires du Nord-Ouest.
    Pensez-vous qu'il y a unanimité?
    Voilà, mais nous avons plus de 400 chefs qui soutiennent ce projet de loi. Nous avons de nombreuses résolutions qui le soutiennent. J'encourage les gens à réfléchir à commencer à régler cela, parce que je vais respectueusement contredire des gens, le statu quo n'est pas acceptable, et ça ne devrait pas être acceptable d'avoir 40 000 enfants en familles d'accueil. C'est à ça que je pense tout le temps.
    Comme vous savez, nous appuyons ce projet de loi. Nous pensons qu'il est important et nous voulons le faire progresser, mais je crois qu'il y aurait des complications liées à l'article 19 et liées aux individus.
    Je vais donner la parole à mon collègue. Il a probablement quelques minutes.
    Il a deux minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos invités d'être ici.
    Grand chef, vous avez mentionné plusieurs fois le moment où survient ce projet de loi et le fait de le faire progresser.
    J'étais à votre rassemblement du 4 au 6 décembre, où vous avez fait un plaidoyer, particulièrement à propos d'un enfant, et il semble que cela a fonctionné, parce qu'aussitôt que nous sommes revenus ici en février, le projet de loi était déposé.
    Ce que je trouve intéressant, c'est le fait que cela a pris aussi longtemps. Nous avions trois ans. Maintenant, une chose parmi deux aurait pu arriver. Il y aurait pu y avoir des consultations approfondies afin de créer un consensus, et tout le monde ne se serait pas pointé ici avec des inquiétudes par rapport au projet de loi. Autrement, cela veut dire qu'il a simplement été lancé à la dernière minute comme outil politique, avec les élections qui approchent.
    Il me semble simplement que le moment de la présentation de ce projet de loi est intéressant, et je suis peut-être un peu cynique à ce sujet. Je vois le lien entre votre rassemblement du 4 décembre ici à Ottawa et le plaidoyer pour ceci, et puis le projet de loi était déposé. Les consultations ont eu lieu avant cela. Qu'est-ce qui a empêché de déposer ce projet de loi deux ans plus tôt?

  (1115)  

    Juste une réponse courte, s'il vous plaît.
    Le déclencheur a été quand l'ancienne ministre Jane Philpott a convoqué cette réunion d'urgence. Cela a été le déclencheur qui a mis la situation en lumière, non seulement au Canada, mais à travers le monde, et qui a révélé que quelque chose devait être fait. Cela a donné l'impulsion d'entreprendre quelque chose. C'est à ce moment-là que les comités ont été réunis, les gens ont été rassemblés et les experts ont été rassemblés avec le comité consultatif national. Nous avons rejoint ce processus.
    Ce n'était pas aussi solide que, par exemple, le projet de loi C-91 sur les langues, mais c'était quelque chose. Parce que nous voulions atteindre cet échéancier aussi vite que possible, c'est ce qui est arrivé, et voilà la réalité.
    Je ne veux pas être cynique à propos de ceci, parce qu'on parle d'enfants. Nous partons du Tribunal canadien des droits de la personne et du travail que nous y avons fait pour régler la discrimination dans les réserves avec plus de ressources pour répondre aux besoins des enfants. C'est maintenant à l'extérieur des réserves, sur un autre territoire de compétence, alors il fallait faire quelque chose là, et c'est à cela que ça s'adresse. Le déclencheur, toutefois, a été en janvier. Nous travaillons aussi assidument et aussi rapidement que possible pour régler cette question.
    Très bien.
    C'est maintenant au tour de Rachel Blaney de poser des questions.
    Si nous choisissons de prendre 10 minutes pour les affaires du Comité, vous avez environ cinq minutes pour vos questions.
    Merci pour cette déclaration très intéressante.
    Je vais commencer avec Mary Ellen Turpel-Lafond.
    Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
    Une des choses que vous avez dites m'a vraiment frappée. Vous avez dit que c'est vraiment quelque chose qui aurait dû être fait depuis longtemps sur le plan constitutionnel. Ce qu'on a entendu des autres témoins, c'est que souvent, les enfants autochtones sur les réserves et à l'extérieur sont comme une patate chaude que les gens se passent parce que personne ne veut prendre la responsabilité, et que ce projet de loi permet en fait de placer plus de compétence et de responsabilité sur le gouvernement fédéral.
    Je me demande simplement, avec tous ces commentaires que vous avez faits, si vous pourriez seulement parler de pourquoi c'est quelque chose qui aurait dû être fait depuis longtemps sur le plan constitutionnel et de comment cela règlerait la question de la compétence pour que nos enfants ne passent plus d'une main à l'autre comme des patates chaudes. Est-ce qu'il y a quelque chose qui manque dans cette loi qui pourrait empêcher cela?
    Oui, je pense que la question que vous posez est très importante, en ce qui a trait à si c'est suffisant pour s'attaquer au problème et mettre les efforts au bon endroit.
    Je serais d'accord avec le chef national et les autres qui se sont exprimés. Je pense que c'est un changement. C'est un gros changement, et je pense qu'il est très important au Canada que nous fassions ce changement, mais je pense aussi que c'est important que nous ne fassions pas un changement tellement important que les provinces et les autres ne travaillent plus ensemble, et qu'on ne puisse plus rassembler les provinces et les Premières Nations.
    Il va y avoir des Premières Nations qui ne voudront pas travailler avec la province. J'ai moi-même cette expérience avec certains clients et d'autres dans l'historique de ma propre Première Nation. Parfois, les gens ne veulent pas travailler avec la province, mais en pratique, si tu veux sortir tes enfants du système de protection de l'enfance, tu dois travailler avec la province.
    C'est un assez gros changement. Si c'était trop sévère, cela pourrait être trop dirigiste pour les provinces. J'aime l'article 20 sur les accords de coordination. Je reconnais aussi le fait que personne n'est obligé de travailler avec les provinces s'il ne veut pas. Je pense que c'est l'occasion de placer les enfants au coeur. Je partage fortement votre avis sur l'égalité réelle.
    J'attirerais vraiment votre attention sur quelque chose qui est tellement puissant dans ce projet de loi, et c'est l'alinéa 9(2)d), qui est à propos des services qui doivent être fournis aux enfants autochtones d'une façon qui ne contribue pas à l'assimilation du peuple, du groupe ou de l'enfant, ou à la destruction de sa culture. Peu importe qui s'occupe de l'enfant, les services doivent respecter et protéger la culture. Cet article par lui-même est tellement utile comme point de vue d'ensemble. Voilà les mesures cruciales.
    Est-ce que c'est tout? Je pense que c'est un gros changement, et je pense que nous, sur le terrain, allons travailler avec cela très fortement afin de soutenir les enfants des Premières Nations dans leur identité, leur culture et leur communauté. Je pense que nous devons nous rappeler qu'il y a des chefs et des droits collectifs, mais il y a aussi les droits des enfants. Nous devons aussi rester concentrés sur... Les enfants doivent voir leurs droits reconnus, et ce genre de choses est très important pour les droits des enfants.
    Une autre question qui a été soulevée par d'autres témoins, aussi, est celle de l'intérêt de l'enfant.
    Premièrement, j'aimerais dire, particulièrement au grand chef Bellegarde, que j'ai aimé que vous parliez de l'aspect financement dans la loi. C'est une chose sur laquelle j'ai questionné tout le monde, mais j'ai senti que vous avez bien fait le tour du sujet.
    Je veux prendre cette occasion pour parler de la définition de l'« intérêt de l'enfant ». Je crains que s'il y a un aspect colonial à la définition, cela puisse poser problème plus tard. Je vous lance la question à tous les deux, avec une minute et demie restante.

  (1120)  

    Je vais en parler rapidement.
    L'article 3 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant dit que l'intérêt de l'enfant est primordial. Il y a aussi un commentaire général sur les enfants autochtones.
    Le défi avec l'intérêt de l'enfant au Canada, c'est qu'il a été utilisé comme arme contre les familles autochtones, avec tous ces sentiments affreux à propos des familles autochtones, tout comme les pensionnats ont été utilisés. C'est pour cela que la Commission de vérité et réconciliation a dit, dans les séquelles, de faire ce travail qui nous attend aujourd'hui. L'« intérêt de l'enfant », c'est quelque chose de très difficile, mais il y a de nouveaux concepts, un nouveau, je dirais, de nouvelles lunettes d'interprétation offertes par ce projet de loi, ce qui est très utile.
    Il y a un problème, et je suis d'accord avec le témoignage de l'Assemblée des Premières Nations et celui des chefs de la Colombie-Britannique plus tôt. Je pense qu'une petite clarification sur l'intérêt de l'enfant est que lorsqu'il y a des lois autochtones, l'intérêt de l'enfant doit concorder avec elles aussi. Il faut être prudents. Il y a un petit changement, je pense, qu'on pourrait faire, si nécessaire. Si on ne le fait pas, je pense quand même qu'on a rétabli l'intérêt de l'enfant. L'intérêt de l'enfant ne sera plus abordé isolément desa famille, sa communauté, sa nation et sa culture. C'est un énorme progrès. Cela va être la loi sur la protection de l'enfance la plus progressiste dans le G7 pour les enfants d'origine autochtone. C'est un changement plutôt considérable.
    Est-ce que ce sera interprété de cette façon progressiste sur le terrain dès le premier jour? Non. Le système de protection de l'enfance est difficile à changer. J'en ai fait partie. Il y a eu des moments où nous avons dû littéralement aller en cour et dire: « Excusez-moi, vous avez oublié que cet enfant est un enfant autochtone et qu'il a une communauté. Nous voulons la qualité pour agir. » Nous devons nous battre parfois.
    Il ne changera pas du jour au lendemain. La culture... Cela va prendre beaucoup de travail de la part de beaucoup de gens pour au moins amorcer le changement dans la bonne direction. C'est à ce moment-là que ceux d'entre nous sur le terrain et les jeunes qui prennent le relai vont prendre ces outils, et je pense qu'ils vont travailler avec eux. Ils sont très capables de le faire.
    Désolée d'interrompre, mais il a été proposé qu'on déplace l'heure du comité à la plage de 13 h 30, plutôt que maintenant.
    D'accord?
    Veuillez poursuivre.
    Merci. Désolée pour cette interruption.
    Je pense que ma dernière question va... J'essaie vraiment de penser à comment présenter cela, parce que je ne savais pas que j'aurais plus de temps.
    Lorsque je pense à l'identité d'un enfant, est-ce que cela va garantir...?
    Je pense à mes enfants. Pendant un an, quand leur voix muait, ils devaient aller à la rivière chaque jour pour se baigner. J'ai beaucoup d'admiration pour eux de l'avoir fait, parce que c'est leur culture. Lorsque je repense à leur progression comme adolescents, je vois le sens des responsabilités en eux, la force en eux. Voilà qui ils sont. C'est de là qu'ils proviennent.
    Est-ce que cette loi permet de s'assurer que, même s'il est difficile de trouver un membre de la famille, on n'oublie pas que l'enfant doit revenir et faire toutes ces choses traditionnelles et être connecté à sa communauté?
    Oui. Je pense qu'il est très important de remarquer que pour les familles des Premières Nations — ma famille des Premières Nations, les autres — la transmission de la culture et de la spiritualité a été très difficile. Je pense que le bouleversement qui a été causé... Vous aviez un témoin plus tôt. Ç'a été l'horreur. Le renouveau de la culture des Premières Nations, tout comme le renouveau des langues des Premières Nations, que le chef national et les chefs ont encouragé, tout cela va ensemble.
    Dans 20 ans, nous allons y repenser, et je pense que nous serons en bien meilleure position grâce à des choses comme ce que fait votre fils. Nos enfants apprennent leurs langues, même si leurs grands-parents ont été dans les pensionnats et se sont fait dire non.
    Nos enfants nous demandent des comptes. Je sais que mes enfants m'appellent régulièrement et me demandent: « Maman, qu'est-ce que tu fais pour régler ce problème? Pourquoi est-ce qu'il y a cette Loi sur les Indiens? » Et je dis: « Je crois que je me suis un peu penchée sur la question, chéri. » Ils sont fougueux. Les jeunes sont fougueux, mais ils réalisent aussi qu'au Canada c'est possible de célébrer la culture et l'identité des Premières Nations, et que c'est en fait une solution aux traumatismes.
    Le projet de loi contient un certain nombre de dispositions sur la reconnaissance de la culture, la reconnaissance de la relation avec le territoire, qui sont très importantes. La guérison axée sur la terre est très importante. Il y a là des concepts qui, je pense, soutiennent cela. Mais c'est le travail acharné des parents et des communautés pour couver leurs enfants qui va vraiment mener aux changements dont nous avons besoin.
    Merci.
    C'est maintenant au tour du député Robert-Falcon Ouellette de poser ses questions.

  (1125)  

    Merci beaucoup.
    Je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte de vous entendre parler tous les deux.
    J'aimerais poser quelques questions au grand chef sur la compétence ainsi que sur la manière dont une nation autochtone adopterait une loi.
    De toute évidence, nous reconnaissons que vous venez du territoire visé par le Traité no 4, mais vous êtes également le chef national. Le territoire visé par le Traité no 4 s'étend également au Manitoba. Est-ce exact?
    Oui, et en Alberta.
    J'ai deux questions. L'une est liée à la manière dont vous adoptez une loi.
    Que se passerait-il si le Manitoba, par exemple, était exempté de cette loi et si certaines parties du territoire visé par le Traité no 4 n'étaient pas autorisées à participer avec le reste du Traité no 4 parce qu'elles sont situées au Manitoba?
    C'est une bonne question. Encore une fois, Kukpi7 Wayne sera ici plus tard dans la journée pour parler de compétence. Cela concerne ce territoire en Colombie-Britannique. Même notre Assemblée des Premières Nations a notre charte. Il y a un chef national. Je ne suis pas un grand chef. Je suis un chef national élu par les 634 Premières Nations, et 60 % des chefs doivent voter pour moi. J'ai 10 chefs régionaux, et ils sont élus par les provinces et les territoires. Est-ce que cela est colonial? Sommes-nous même structurés par nations? Sommes-nous structurés par territoires visés par un traité? Non, mais ça commence à bouger.
    Le Traité no 1 s'organise tout comme le Grand Conseil du Traité no 3; puis nous avons établi le Traité no 4. Notre compétence s'étend au-delà de la province de la Saskatchewan. Nous n'avons pas de directeur général régional pour le Traité no 4. Nous avons un directeur général régional pour la région de la Saskatchewan du ministère des Affaires autochtones, du ministère des Services aux Autochtones. Vous avez vos 10 directeurs généraux régionaux.
    Tout est établi selon les frontières des gouvernements provinciaux et territoriaux et ne prend pas en compte les terres ancestrales, les terres visées par un traité, les territoires visés par un traité. Un changement monumental doit donc avoir lieu à cet égard. Cette question ne sera pas abordée ici. Ce projet de loi vise à faciliter le travail commun des gouvernements, à faire en sorte que chacun respecte les compétences de l'autre. C'est sur cela que porte le projet de loi. Par exemple, les 8, 9 et 10 juillet aura lieu la réunion du Conseil de la fédération. Les premiers ministres se réuniront.
    J'ai mentionné plus tôt qu'il y a quelques années, j'ai réussi à faire en sorte que les premiers ministres du Canada acceptent de se concentrer sur un point, à savoir le bien-être des enfants. Ce projet de loi facilitera la poursuite du dialogue et le rapprochement des différentes compétences, que ce soit dans le cadre du Traité no 4, du Traité no 1 ou du Traité no 7. C'est de cela qu'il s'agit. C'est un changement transformationnel dont nous avons besoin. Retrouvez-vous à la table et travaillez-y. Ce ne sera pas facile, mais au moins, cela facilitera la tâche des provinces, province par province. À un moment donné, nous aurons mis en place un gouvernement du Traité no 4 qui étendra sa compétence sur nos terres visées par le Traité no 4. Nous n'en sommes pas encore là, mais c'est une bonne suggestion. C'est à cela que j'exhorte nos peuples à travailler.
    Je pense que le point essentiel est que l'article 20 du projet de loi aborde la possibilité de coordonner les compétences non seulement d'une province, mais de toutes les provinces où vivent des peuples autochtones. Les peuples autochtones ont mis en place des organes de gouvernement autochtones. Je pense que la loi a laissé la voie ouverte parce que nous sommes en transition et que nous devons laisser les gens choisir notre gouvernement. Ce ne sera peut-être pas un conseil de bande régi par la Loi sur les Indiens, comme l'a dit le chef national. Ce sera peut-être cela dans certains endroits où je travaille, avec les Huu-ay-aht, les Nisga'a ou les Haidas. Il s'agit d'une approche nationale.
    L'autorité responsable des enfants est l'autorité responsable des personnes. Comme vous le savez sûrement, dans l'Ouest du Canada, il arrive souvent que de nombreux enfants des Premières Nations du Manitoba se retrouvent en Colombie-Britannique. Nous devons les rapatrier. Protéger les enfants implique de prendre des décisions concernant des enfants qui sont reliés à des personnes et à des lieux. Ce n'est pas anormal pour nous de faire cela. C'est simplement que notre système de bien-être des enfants est très morcelé et qu'il y a de nombreux transferts interprovinciaux d'enfants sans qu'il y ait de règles. Cela nous permettra peut-être de mieux nous coordonner, de nous fonder davantage sur des principes et, espérons-le, d'élaborer des règlements sur certaines des questions très précises que vous avez soulevées.
    Il est intéressant que vous souleviez toute la question de la transition. Considérez-vous cela comme une loi définitive de type « figé » ou d'une loi qui évoluera avec le temps à mesure que nous mettrons au point de meilleures pratiques?
    Absolument, ce n'est pas gravé dans la pierre.
    Encore une fois, en tant que personne qui a réellement travaillé dans les tranchées, et à un haut niveau, je vois cela comme un cadre. C'est comme la charpente d'une maison. Il faudra mettre en place un règlement. Je viens juste de discuter d'un règlement en cours d'élaboration en collaboration avec les peuples autochtones. Cela en soi est une innovation. Et une innovation très importante.
    Qu'il s'agisse des chefs manitobains ou autres... Vous savez, ils veulent que leur propre loi sur le bien-être des enfants trace la voie pour l'Assemblée des chefs du Manitoba, et c'est très bien. Je pense qu'il est important de reconnaître qu'ils peuvent faire cela. En vertu de cette loi, s’ils veulent adopter leur propre loi, ils peuvent le faire dès le premier jour. Ou ils peuvent prendre leur temps. Ils peuvent travailler avec ce cadre, et des options sont offertes.
     C’est la pièce la plus importante, mais une fois qu’ils choisiront une option, ils pourront avoir besoin d'un règlement concernant les normes, la façon dont ils échangeront de l'information et la façon dont les enfants seront protégés lors de leur transfert d’un système provincial, car, parfois, vous devez pouvoir intercepter un enfant en cas d'urgence, peu importe qui vous êtes.
     C'est pourquoi la question des services d'urgence est mentionnée dans cette loi. Si l'enfant se trouve au centre-ville de Winnipeg, vous ne pouvez pas dire: « Je suis désolé, nous ne pouvons rien faire, car c'est un enfant de Norway House. Attendons que quelqu'un prenne l'avion et vienne ici. ». Vous devez pratiquement résoudre le problème sur-le-champ. Et comment procéderez-vous, de manière pratique, sur le plan de la politique? Il y a une loi, il y a un règlement et il y a une politique.
    Il ne fait aucun doute que nous devrons adopter certains règlements. Aux États-Unis, en vertu de la loi indienne sur le bien-être des enfants, en vigueur depuis près de 40 ans, le Congrès élabore des règlements approfondis qui traitent de questions détaillées; ces règlements sont élaborés au fil du temps et révisés. Cela fait partie du processus. Aujourd'hui, vous avez affaire à l'architecture d'une certaine loi. La manière dont elle sera définie, les détails de sa finition et la manière dont elle se réalisera dépendront du règlement. Cela est important, et je suis d'accord avec ce qui a été dit plus tôt, soit qu'il sera bon de l'examiner dans trois ans. N'attendons peut-être pas cinq ans, car il sera bien de constater comment cela a fonctionné et comment les choses se déroulent. Je pense que cela se déroulera d'une manière qui nous permettra de régler les problèmes, pratiquement comme le font les Canadiens. Paix, ordre et bon gouvernement: nous trouverons des solutions.

  (1130)  

     C'est le moment de terminer, car notre séance est à court de temps. Ce groupe de témoins a été très intéressant. Merci beaucoup pour votre participation et pour faire partie de ce que nous espérons mettre en place, soit une loi transformatrice qui améliorera la vie des enfants autochtones.
    Meegwetch.
    Nous allons suspendre la séance pour quelques minutes et faire entrer le prochain groupe de témoins.

  (1130)  


  (1130)  

    Nous allons reprendre la séance. Veuillez prendre place rapidement.
    Notre groupe de témoins est composé du grand chef Arlen Dumas, du Ottawa Inuit Children's Centre, et de Natasha Reimer, directrice de Youth in Care Canada pour le Manitoba.
    Que tout le monde se présente.
    Je sais que je précipite un peu les choses, mais vous avez des choses très importantes à dire sur l'un des projets de loi les plus importants que nous ayons jamais eus à étudier; je suis donc très impatiente de commencer. Je vous remercie
    Veuillez excuser les membres du Comité qui prennent des rafraîchissements, etc. Nous sommes en plein dans un marathon d'une durée de cinq heures et...

  (1135)  

    Le Comité est débordé...
    Le Comité est débordé, mais cela en vaut la peine.
     Bienvenue sur le territoire non cédé du peuple algonquin, et je salue tout particulièrement les nations du Manitoba. Je viens du territoire visé par le Traité no 1. C'est là que je vis maintenant dans la patrie du peuple métis, mais j'ai eu l'occasion de visiter de nombreuses nations du Manitoba et de partout au pays.
     Ce qui arrive aux enfants autochtones est une tragédie, et le système ne fonctionne pas. Nous avons donc très hâte de vous entendre et de connaître votre point de vue sur le projet de loi C-92. Dans ce groupe de témoins, nous commencerons par l’Assemblée des chefs du Manitoba.
    Bienvenue, Arlen. Vous pouvez commencer quand vous le voulez.
    Je suis le grand chef Arlen Dumas de l'Assemblée des chefs du Manitoba. Merci de m'avoir donné l'occasion de parler de cette question très importante.
    Comme l'a dit notre modérateur, le Manitoba est le point zéro des inquiétudes au sujet du bien-être des enfants. Cela valide les déclarations des représentants du gouvernement qui ont affirmé qu'il s'agissait d'une crise humanitaire.
    Tout d'abord, je tiens à reconnaître le territoire sur lequel nous sommes, avec les membres de nos familles ici présents, et à transmettre les salutations de l'Assemblée des chefs du Manitoba. Je tiens également à saluer le travail accompli par les chefs et les membres du conseil des femmes, qui ont réalisé le gros du travail ces dernières années, à la demande des chefs. Je tiens également à féliciter le Manitoba pour l'excellent travail qu'il a accompli dans le domaine du bien-être des enfants au cours des 40 dernières années afin de trouver des moyens novateurs de collaborer avec nos partenaires. Lorsque vos partenaires sont pleins de bonne volonté, vous pouvez faire des choses formidables.
    Cependant, je vous transmets aujourd'hui le message que l'Assemblée des chefs du Manitoba ne peut pas appuyer ce projet de loi tel qu'il est, et que si nous continuons dans cette voie, cela ne fera que créer de nouvelles complications. Cela ouvrira la porte à des conflits. Cela supprimera les 40 dernières années de bon travail et de collaboration que nous avons tenté de réaliser. Essentiellement, le problème est notre province.
    L'Assemblée des chefs du Manitoba — notre région — n'a jamais été consultée pour travailler à ce projet de loi. Il y a plus d'un an, nous avons pris l'initiative de préparer le terrain, de nous appuyer sur nos succès passés et de proposer une solution concrète et un plan concret, avec notre propre loi, pour traiter la nature complexe de notre province et de notre histoire. Le ministère a investi dans cette pratique passée — ce travail de qualité — et nous avions commencé un travail de longue haleine, en travaillant avec l'ensemble de la région afin de proposer un concept qui servirait les intérêts de tous, de la meilleure façon qui soit. C'est ce qu'on a appelé la loi sur le retour à la maison de nos enfants, qui a été créée au Manitoba.
    Par conséquent, nous avons été très surpris quand le projet de loi C-92 nous a été présenté. C'était presque une gifle, car nous avions consacré beaucoup de temps à proposer une solution qui plairait à tous.
    J'ai entendu les aspirations des précédents intervenants, mais la réalité, dans nos vies et dans nos collectivités, est que si vous ne définissez pas les choses correctement, vous adopterez un accord intérimaire pour une durée de 40 à 50 ans. Au Manitoba, nous avons pris l’initiative de proposer une solution à partir de laquelle tout le monde pourrait travailler.
    Il n'y a pas eu de consultation. Cela entravera nos activités dans nos collectivités et nos nations. Cela entraînera des divisions. Comme je l’ai dit plus tôt, cela créera plus de conflits avec nos partenaires dans notre région. Par conséquent, l'Assemblée des chefs du Manitoba ne pourra pas appuyer le projet de loi C-92.
    Une autre partie des problèmes que soulève ce projet de loi, c'est qu’il est de nature panautochtone. Tous ceux avec qui j'ai parlé auparavant sont originaires de diverses régions du pays qui ont établi des accords et des relations uniques avec les collectivités. Cette loi aura une incidence sur ces accords individuels. En fait, il est à craindre que vous abandonniez des travaux très importants réalisés dans d'autres régions, tout simplement parce que vous obligerez la province à jouer un rôle plus important que nécessaire. Cela est très problématique.
    Le problème que nous avons au Manitoba, c'est la province. Il est faux de supposer qu'avec le temps, nous aurons une relation de travail merveilleuse avec les entités mêmes qui kidnappent nos enfants. Nous ne pouvons même pas inciter la province du Manitoba à signer une taxe sur le carbone, encore moins à conclure un accord de cette importance avec les collectivités des Premières Nations ou leurs partenaires.
    L'Assemblée des chefs du Manitoba est l'appareil politique de notre région. L'assemblée a mandaté d'autres entités pour jouer des rôles particuliers en ce qui concerne la collaboration avec nos partenaires, mais nous représentons la volonté des chefs, et la volonté de ceux-ci est d'assurer notre propre avenir, au moyen de nos propres processus et de nos propres pratiques.

  (1140)  

    Nous avons établi notre crédibilité au cours des 40 dernières années, et c'est là l'orientation que nous souhaitons prendre. Nous ne pourrons pas appuyer le projet de loi C-92, car il comporte une multitude de problèmes et aggravera également les problèmes actuels, tout comme le fait que cette loi n'offre aucune garantie financière. Il continuera de perpétuer les conflits et les tâtonnements sur le plan des compétences. Par conséquent, l'Assemblée des chefs du Manitoba n'appuiera pas le projet de loi C-92.
    Je vous supplie maintenant de repenser cette loi tous ensemble et de rassembler nos esprits de la meilleure façon possible. Si nous ne le faisons pas, je garantis qu'il y aura des conflits parce que nous serons obligés de chasser les provinces hors de nos collectivités. Les instruments avec lesquels nous avons tenté de travailler ces 40 dernières années créeront des conflits dans nos collectivités. Ils vont continuer à kidnapper nos enfants. Ils éloigneront davantage les gens de leurs maisons et de leurs identités, et nous serons tous lésés si nous permettons que ce projet de loi aille de l'avant. Voilà le message que je porte aujourd'hui.
     S'il y a des problèmes techniques, je me ferai un plaisir de vous fournir l'expertise technique que vous voulez. Comme je l'ai dit, de nombreuses personnes qualifiées ont présenté notre loi sur le retour de nos enfants à la maison et ont incité nos collectivités à présenter véritablement ce que nous voulons et devons faire au Manitoba. Cette approche panautochtone ne fonctionnera pas.
    [Le témoin s'exprime en cri ainsi qu'il suit:]
    ᐁᑯᓯ ᑭᓈᓇᐢᑯᒥᑎᓈᐘᐤ
    [Les propos du témoin sont traduits ainsi:]
    C’est tout, merci à tous.
    [Traduction]
    Je sais que le temps est précieux.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Nous nous adressons maintenant au Ottawa Inuit Children's Centre. Alyssa Flaherty-Spence et Karen Baker-Anderson prendront la parole.
    C'est à vous de décider de la manière de partager ce temps ou de la personne qui parlera. Je vous prie de commencer.
    [La témoin s'exprime en inuktitut ainsi qu'il suit:]
    ᖁᔭᓐᓇᒦᒃ
    ᐅᓪᓛᒃᑯᑦ, ᐊᓕᓴ ᕙᓚᐅᕋᑎ-ᓯᐱᓐᔅ-ᖑᔪᖓ
    [Les propos de la témoin sont traduits ainsi:]
    Merci.
    Bonjour. Je m'appelle Alyssa Flaherty-Spence.
    [Traduction]
    Je vous remercie de me recevoir ici aujourd'hui. Je suis présidente d'un organisme qui était auparavant connu sous le nom d'Ottawa Inuit Children's Centre et qui est maintenant le Inuuqatigiit Centre for Inuit Children, Youth and Families. Nous avons adopté ce nouveau nom pour refléter notre collectivité.
    Merci, membres du Comité et madame la présidente, de nous accueillir ici aujourd'hui. À Inuuqatigiit, nous offrons des services aux enfants, aux jeunes et aux familles inuits d'Ottawa. Notre objectif et notre mandat, en partenariat avec les parents et la collectivité, est de promouvoir le bien-être des enfants, des adolescents et des familles inuits en fournissant un environnement d’apprentissage qui améliore le développement général des enfants au moyen d'un soutien et d'une éducation parentaux, tout en encourageant les Inuits à être fiers leur culture et leur langue inuites.
    L'organisme a été créé en 2005 par des parents et des enfants inscrits au programme Bon départ à Ottawa. Aujourd'hui, nous sommes une organisation inuite multiservices qui fournit des services de soutien culturel, éducatif, récréatif et social aux enfants, aux jeunes et aux familles de la collectivité inuite d'Ottawa, qui est en pleine croissance. En offrant un accès équitable aux services et aux réseaux de soutien familial, Inuuqatigiit encourage les enfants, les jeunes et les familles inuits d’Ottawa à devenir des membres forts, en bonne santé et fiers de la communauté, tout en ayant la connaissance de leur lien culturel avec la collectivité inuite locale. Nous accomplissons ce travail grâce à de solides programmes fondés sur la culture, et à des services individualisés destinés aux enfants, aux jeunes et aux familles, en vue d’améliorer leur capacité à mener de bonnes vies. Les principes inuits constituent la base de tous nos programmes et de notre travail de défense des intérêts.
    Qui servons-nous? Comme beaucoup d’entre vous le savent peut-être, la population inuite d’Ottawa est importante. Ces gens sont venus ici pour diverses raisons: services médicaux et rendez-vous professionnels et spécialisés, études, travail, temps de détention et besoins des enfants du Nunavut liés au placement en famille d'accueil, à l'adoption et aux foyers de groupe. De manière générale, ce projet de loi aura des conséquences sur notre collectivité inuite, ici à Ottawa et dans le sud du Canada, car nous sommes un fournisseur de services pour les enfants, les jeunes et les familles inuits, et notre objectif est d'aider les personnes nécessitant des services à l'enfance et à la famille.
    Quelle sera l'influence de ce projet de loi sur les enfants et les jeunes à Ottawa? Il est question ici des conséquences et des réalités interjuridictionnelles. Comme je l'ai mentionné, beaucoup d'enfants inuits du Nunavut viennent à Ottawa. À l'heure actuelle, un grand nombre d'Inuits à Ottawa ont besoin d'accéder à des services essentiels simplement parce qu'ils ne sont pas fournis par leur territoire d'origine, le Nunavut. Cette question soulève des préoccupations intergouvernementales qui doivent être abordées dans le projet de loi. Un grand nombre d'enfants inuits doivent avoir accès aux services de base ici, à Ottawa, et beaucoup doivent avoir recours aux services à l'enfance et à la famille offerts par l'Ontario.
     Le deuxième aspect de cette loi est la désagrégation et la collecte de données, en particulier l'alinéa 28a), comme l'a mentionné l'autre jour Natan Obed, mon collègue de l'Inuit Tapiriit Kanatami. Nous disposons actuellement de données incomplètes sur les enfants et les jeunes inuits pris en charge en Ontario et dans le sud du Canada en général. Cependant, comme nous sommes un organisme permanent sur le terrain axé sur les partenariats communautaires, nous entretenons des relations avec des représentants de la Société de l'aide à l'enfance, par exemple, mais ce n'est pas le cas de tous les organismes, et nous pouvons être considérés comme une exception.
     Où sont nos enfants? C’est ce que cette collecte de données devrait nous permettre de savoir. Inuuqatigiit sait que de nombreux Inuits ont accès à des services tels que ceux offerts par la Société de l'aide à l'enfance d'Ottawa, car nous sommes sur le terrain et aidons les familles au quotidien. Cependant, nous avons toujours besoin de cette collecte de données et nous avons des besoins précis en matière de données propres aux Inuits.

  (1145)  

     Nous avons besoin que les provinces et les territoires disposent de chiffres exacts pour garantir aux enfants inuits des services accessibles, équitables et adaptés à leur culture à l'extérieur de l'Inuit Nunangat.
     En ce qui concerne les données propres aux Inuits — comme l’a mentionné mon collègue à ma gauche — nous avons actuellement une approche panautochtone en vertu de l’alinéa 28a). L'organisme Inuuqatigiit a du succès parce que nous fournissons aux enfants et aux familles inuits des programmes et des services adaptés à la culture inuite. Et nous en sommes fiers. Nous avons besoin de données et de rapports actifs et continus sur les Inuits pour comprendre les besoins des enfants, des jeunes et des familles inuits et leur fournir des services équitables, accessibles et adaptés à leur culture.
    Je vous recommanderai en particulier les alinéas 9(2)a) à e), qui concerne le lien avec la culture et la continuité. Cette section est essentielle au bien-être des enfants inuits; ces alinéas touchent les services à l’enfance et à la famille. Beaucoup d'enfants que nous desservons ont davantage besoin de cette continuité culturelle, compte tenu de la distance et de l'isolement qui les séparent de leur territoire d'origine dans l'Inuit Nunangat. Le mal du pays et le fait de s'éloigner de leurs collectivités dans l'Inuit Nunangat peuvent avoir des conséquences graves et causer plus de tort que de bien. Les Inuits quittent leur territoire d'origine pour l'Ontario et d'autres provinces, ce qui peut avoir une forte influence sur leurs moyens de subsistance.
    Dernier point, mais non le moindre, les lacunes dans le financement qui ne figurent pas dans cette loi. Étant donné que nous sommes des fournisseurs de services aux enfants et aux jeunes, nous effectuons actuellement ce travail sans ressources. Les organismes qui offrent des services aux enfants, aux jeunes et aux familles examinent ce type de loi et se demandent ce que ce type de loi fera de différent de ce que nous faisons actuellement. Inuuqatigiit et les organisations communautaires font ce travail, mais avec peu ou pas de ressources. Ce serait irrespectueux envers les enfants, les jeunes et les familles inuits d'Ottawa et de l'Inuit Nunangat si je ne faisais pas de ce point une priorité et si je ne vous en parlais pas. Je demande que la question des fonds soit intégrée à cette loi. J'espère que vous envisagez cela sérieusement et, le cas échéant, d'une manière distincte et équitable pour les Inuits.
    Je vais maintenant passer le micro à ma collègue et directrice générale, Karen Baker-Anderson, qui travaille pour la communauté depuis de très nombreuses années.

  (1150)  

    Ce qu'elle veut dire, c'est que je suis vieille.
    Chers membres du Comité permanent, c'est un honneur pour moi d'être ici pour vous parler d'un sujet qui me passionne entièrement: les enfants inuits et la protection des enfants.
     En tant que directrice exécutive d'Inuuqatigiit, j'ai suivi ces familles qui ont eu affaire avec la protection de l'enfance. J'ai été témoin du regard dans les yeux des enfants lorsqu'ils quittent notre centre et sont mis dans la voiture d'un parfait inconnu, ne sachant pas où ils vont se rendre. J'ai vu les yeux d'une mère qui a perdu son enfant et je sais que la douleur est indescriptible.
    Si cette loi peut entraîner des changements positifs pour nos enfants inuits de ce pays, l'Inuuqatigiit la soutient pleinement ainsi que tout le travail connexe. Nous soutenons les points de vue de l'Inuit Tapiriit Kanatami. Nous appuyons le projet de loi C-92 dans l'espoir qu'on y reconnaisse, afin que cette loi place les droits des enfants au centre de toutes les décisions de justice, que le changement d'un point de vue systémique doit se produire au même moment et sur le terrain. Nous ne pouvons pas attendre que ce projet de loi soit adopté. Nous savons déjà quels sont les problèmes. Dans le cas contraire, ce projet de loi devenir simplement une tentative de résoudre un problème d’un point de vue politique, mais sans garder un pied dans la réalité des collectivités et des enfants que nous voyons tous les jours.
     Comment pouvons-nous admettre, en tant que Canadiens, que 52 % des enfants pris en charge sont Autochtones alors qu'ils ne représentent que 7 % de la population?
    Il convient de saluer le lien entre ce projet de loi et les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. En tant qu'organisme desservant les enfants inuits touchés par les quatre revendications territoriales, nous avons collaboré avec la Société de l'aide à l'enfance d'Ottawa pour établir une relation avec eux afin que les familles restent ensemble. Ce n'est pas parfait, mais nous savons qu'un réel changement est en train de se produire à Ottawa. Des services de protection de l’enfance sont requis dans ce pays.
    Les Canadiens doivent comprendre la raison pour laquelle tant d'enfants sont pris en charge. Les Inuits ont vécu des années et des années de traumatismes multiples. Ces traumatismes ont des incidences profondes sur eux, y compris sur leur capacité à élever leurs enfants. Je pense que ce fait est reconnu dans cette loi.
     Si le traumatisme est la cause première et que le gouvernement canadien s'approprie les causes de ce traumatisme, pourquoi alors sommes-nous ici pour parler d'une loi? Nous avons besoin de financement. Nous devons nous assurer que le processus de guérison se déroule en ce moment même.
    En examinant les dossiers des enfants pris en charge à Ottawa, nous pouvons vous dire que les causes... Je possède des statistiques réelles sur le nombre d'enfants inuits pris en charge et sur les causes de cette situation. Je peux vous dire que cela est fondé sur des traumatismes.
    Votre temps est écoulé, je vais donc vous demander de résumer.
     D'accord. Le dernier point que je veux soulever est que nous disons qu'il s'agit ici d'une question de protection de l’enfance. Mais c'est un problème de système. Nous savons que les enfants sont pris en charge au moyen de nombreux systèmes. Nous savons que les appels proviennent d'écoles, de services de police et de soins pédiatriques. Nous devons veiller à ce que cette approche des systèmes garantisse l’intention du projet de loi C-92 de redresser la situation en matière de protection des enfants dans ce pays. Nous le devons à nos enfants inuits pour que l'histoire de la prochaine génération d'enfants soit pleine d'espoir et non de détresse.
     Merci.

  (1155)  

    Je vous remercie.
    Nous en sommes à notre dernier intervenant, Natasha Reimer, directrice de Youth in Care Canada pour le Manitoba et fondatrice de Foster Up. Bienvenue à notre comité. Vous pouvez commencer quand vous le voulez.
    Tansi. Je m'appelle Natasha Reimer. Je suis une ancienne cliente du système de protection de l'enfance du Manitoba.
    Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui.
    Je prends la parole devant ce comité pour parler de ma propre expérience et de celle de gens de ma collectivité. Je ne parle pas au nom de tous les enfants et jeunes autochtones pris en charge, mais je voulais vous raconter mon histoire et, espérons-le, expliquer comment le système a influencé ma vie et comment nous devrions aller de l'avant.
    Je suis l'une des nombreux enfants qui ont grandi en famille d'accueil. Je suis entrée dans le système à l'âge d'un an. J'ai alors été adoptée par une famille blanche. Mon nom a été changé, et je n'ai jamais pu ensuite renouer avec ma famille biologique.
    Je n'ai pas grandi en apprenant ma culture et ma langue, et j'ai passé beaucoup de temps à me demander qui j'étais, d'où je venais et si mes vrais parents étaient en vie. Cela n'est pas rare pour les enfants pris en charge. Les enfants pris en charge sont placés dans des foyers mal équipés pour faire face aux traumatismes intergénérationnels des pensionnats que subissent les enfants autochtones.
    Pour moi, grandir a été un vrai cauchemar. À l'âge de 14 ans, mon adoption étant devenue un échec, j'ai réintégré le système. À ce moment-là, tout ce que je pouvais me dire c'est « survis, ma fille ».
    Les enfants pris en charge par le système sont désavantagés en raison des défis auxquels ils sont confrontés. Lorsque vous êtes en famille d'accueil, l'école secondaire ou les études supérieures ne sont pas des sujets abordés par les travailleurs sociaux ou les parents d'accueil. Parmi les défis auxquels vous êtes confrontés dans le système, il y a les coûts liés aux déménagements. Dans mon cas, il y a eu sept foyers d’accueil différents, allant de la campagne à la ville, et de longues périodes de transition lorsque j’entrais dans une école. Les longues périodes de transition étaient dues au fait de changer de foyer d'accueil en plein milieu d'un semestre.
    Cela constitue en soi une rupture dans le développement de la croissance d'un enfant. Les enfants pris en charge ont de très faibles taux... Au Manitoba, 33 % de ces enfants obtiennent leur diplôme d'études secondaires. Ces systèmes doivent tenter de réduire le nombre de transitions que doivent vivre ces enfants.
    Je pense que les enfants autochtones sont les enfants les plus vulnérables au Canada. Je suis d'accord avec ce que dit le projet de loi sur la nécessité de rendre les pratiques culturelles et traditionnelles accessibles, mais je pense qu'il est plus important que nous nous assurions que... Mon problème concerne l'alinéa 16e) lorsqu'il est question d'« autre adulte ». Je suis entrée dans cette catégorie d'« autre adulte » et je ne souhaite à personne de grandir sans lien avec sa communauté. Je pense que cette section doit être réexaminée, et si vous voulez que d'autres adultes hors des collectivités autochtones s'occupent d'enfants et de jeunes autochtones pris en charge, vous devez vous assurer qu'ils possèdent la formation, les connaissances et les compétences sur les conséquences laissées par les pensionnats indiens, le traumatisme du colonialisme, les torts causés aux peuples autochtones.
    De plus, il est important de reconnaître que le principe de Jordan n'a jamais été cité en référence. Nous devons également examiner ce que nous considérons comme l'intérêt supérieur de l’enfant. Les jeunes ont une voix. Ils savent ce qui est bon pour eux. Ils ont des idées importantes et connaissent leur situation mieux que quiconque.
    Le dernier point que je souhaite aborder concerne les soins post-traitement. Au Manitoba, l'âge de la fin de la prise en charge dans le système des foyers d'accueil est 18 ans. J'ai eu la chance de bénéficier d'une prolongation de cette prise en charge jusqu'à 21 ans. Pourtant, rien ne mentionne cette fin de prise en charge ni le soutien offert à ces personnes. Rien ne permet de reconnaître les difficultés que vivent les enfants pris en charge dans leur enfance et leur adolescence ni le fait qu'ils risquent de n'avoir même pas terminé leurs études secondaires à 18 ans.

  (1200)  

    Nous devons examiner la façon dont nous aiderons ces gens. Ils ne devraient pas simplement survivre, mais être capables de prospérer. Ils devraient pouvoir avoir accès à des études postsecondaires et vivre pleinement leur vie. C’est quelque chose qui me préoccupe quelque peu, à savoir que ce projet de loi n’en parle pas vraiment.
    C'est tout ce que j'ai à dire. Merci beaucoup de m'avoir écouté aujourd'hui.
     Merci pour ce témoignage très convaincant et merci à tous les témoins.
    Nous commencerons notre premier tour par le député Dan Vandal.
    Je m'excuse. Je n'étais pas au courant de votre protocole ici. En fait, j'ai sauté un peu pour permettre à mon cotémoin de parler, parce que je pensais qu'on lui donnerait son propre temps de parole.
    Nous avons cinq minutes de retard par rapport à l'heure de notre témoin. Nous pouvons vous donner quelques minutes.
    Je vous en suis reconnaissant.
    Madame Morgan, peut-être pourriez-vous résumer?
    Je veux juste reconnaître le territoire et les familles que nous desservons au bureau de la défenseure des familles des Premières Nations. J'espère rendre justice à la cause que nous défendons au Manitoba.
    À l'heure actuelle, plus de 11 000 enfants sont pris en charge dans le cadre du système de protection de l'enfance du Manitoba. C'est comme si on prenait un stade ou un aréna où tous les sièges seraient remplis d'enfants sans parents. Parmi eux, 9 000 sont des enfants des Premières Nations. Lorsque nous prenons en compte les parents de ces enfants, car ils souffrent également, nous arrivons à au moins 20 000 personnes supplémentaires. Et si nous additionnons les grands-parents, c'est 40 000 personnes de plus. Tous les membres des Premières Nations du Manitoba sont touchés par le système de protection de l'enfance d'une manière ou d'une autre.
    Je souhaite partager un message de l'un de nos aînés, William Lathlin. Selon lui, l'acte le plus violent que vous puissiez commettre contre une femme, c'est de lui voler son enfant ou de le lui prendre. Nous le constatons chaque jour au bureau de la défenseure des familles des Premières Nations, qui fait partie de l'Assemblée des chefs du Manitoba et qui s'est engagé à s'attaquer aux atrocités commises dans le cadre des Services à l'enfance et à la famille ces 30 dernières années au Manitoba.
     Je tiens à souligner qu'entre 2008 et 2016, 546 enfants des Premières Nations sont décédés dans le système de protection de l'enfance du Manitoba et que ce taux de décès est supérieur à la moyenne des enfants décédés dans le contexte des pensionnats indiens à l'échelle nationale et pour toute leur durée. Nous ne parlons ici que de notre province.
    Ce qui se produit ici, à l'heure actuelle, nous n'aimons pas le comparer aux pensionnats indiens, mais à l'époque de ceux-ci, nos enfants passaient les années les plus fondamentales de leur vie avec leurs parents, de la naissance à quatre, cinq ou six ans. À l'heure actuelle, à Winnipeg, le taux de prise en charge des nouveau-nés est le plus élevé à l'échelle nationale. Ce lundi seulement, notre bureau a répondu à des appels concernant quatre nouveau-nés sur le point d'être pris en charge en une journée. C'était cette semaine, et cela se produit tous les jours.
    Je crois que nous vivons à une époque où la situation est comparable, voire pire, que celle des pensionnats indiens. Je crois qu’à l’époque des pensionnats indiens, la société en général n’était pas au courant de ce qui se passait pour les enfants, mais aujourd’hui, nous le savons. Bien que nous ne puissions jamais ressentir pleinement les effets intergénérationnels des pensionnats, ils se manifestent dans tous les aspects de notre vie en tant que membres des Premières Nations. La trajectoire de nos enfants pris en charge est sombre. Ils sont associés à des taux élevés de sans-abri, de problèmes de santé mentale, d'incarcération, de suicide, de stress post-traumatique, de toxicomanies, de pauvreté, de faibles niveaux d'instruction, de perte d'identité, et ainsi de suite.
     Ce que nous faisons aujourd'hui, en ce moment, touchera des milliers de personnes. Il y a beaucoup en jeu. L'un des aînés avec qui j'avais l'habitude de passer du temps il y a une quinzaine d'années m'avait dit, lorsqu'on préparait des conventions de règlement liées aux pensionnats indiens: « Ils peuvent garder mon argent, mais qu'ils s'assurent que nos enfants ne revivent plus jamais une telle situation ». À ce moment-là, je n'avais pas compris ce qu'il voulait dire, mais je le comprends maintenant.
    Nous avons vécu beaucoup de tragédies. J'ai parlé des décès. En 2005, nous avons eu Phoenix Sinclair, qui est mort dans le système de protection de l'enfance. Onze ans plus tard, un rapport a été publié, mais l'Assemblée des chefs du Manitoba a pris des mesures parce qu'elle n'était pas satisfaite du résultat. Elle a alors adopté ses propres mesures, qui ont été à la base de la loi sur le retour à la maison de nos enfants, soit le rapport Bringing Our Children Home.
    Lorsque Tina Fontaine a été assassinée en 2014, l'Assemblée des chefs du Manitoba a de nouveau réagi en créant le Bureau de la défenseure des familles des Premières Nations. Il a été ouvert le 1er juin 2015. Cela a attiré l'attention de la ministre Bennett. La ministre Bennett a rendu visite à l'Assemblée des chefs du Manitoba et m'a rendu visite à titre de défenseure des familles des Premières Nations. Elle a rencontré les familles avec lesquelles nous avons travaillé et un nouveau-né pour qui nous avons empêché la prise en charge.
    Lorsque AINC a été divisé, la ministre Philpott s'est engagée à honorer les engagements pris par la ministre Bennett; ensuite, elles se sont engagées à signer un protocole d'entente avec l'Assemblée des chefs du Manitoba en décembre 2017.

  (1205)  

    Madame Morgan, puis-je vous demander de conclure? Nous voulons que tout le monde ait au moins un tour.
    Certainement.
    En fin de compte, nous n’avons pas de bonnes relations avec la province du Manitoba. Leurs réformes au fil des ans ont été plus préjudiciables. Le nombre de nos enfants pris en charge n'a cessé d'augmenter. Les réformes en cours sont vraiment dangereuses pour nos familles. Les experts de notre Assemblée des chefs du Manitoba, les aînés et les membres du conseil des femmes ont investi beaucoup de temps dans la création de la loi qui vise à ramener nos enfants à la maison. Je crois que nos familles manitobaines ne méritent rien de moins.
    Je ne crois pas que la province acceptera le projet de loi C-92. Parce que la question du financement est tellement peu claire, que je les vois difficilement faire un changement de paradigme et, en plus, investir dans cela. Parce que le financement n'est pas précisé, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que notre gouvernement provincial y participe.
    Meegwetch.
    Je vous remercie.
    Nous allons commencer maintenant avec le député Dan Vandal.
    Merci beaucoup.
    Tout d’abord, merci pour toutes vos observations. Elles étaient très intéressantes.
    Je travaille à cette question depuis un certain temps, et le point central du projet de loi consiste à affirmer le droit inhérent de toutes les nations autochtones du Canada, y compris celles du Manitoba, d'élaborer et de mettre en oeuvre leurs propres lois en matière de protection de l'enfance.
    Je veux lire directement du projet de loi. L'article 22 parle des nations autochtones et des lois fédérales et stipule: « Les dispositions relatives aux services à l’enfance et à la famille de tout texte législatif d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones l’emportent sur les dispositions incompatibles relatives aux services à l’enfance et à la famille, [...] et les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de toute loi fédérale ou de tout règlement pris en vertu d’une telle loi. »
     Le paragraphe 22(3) concerne également les relations avec la province:
Il est entendu que les dispositions relatives aux services à l’enfance et à la famille de tout texte législatif d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones l’emportent sur les dispositions incompatibles relatives aux services à l’enfance et à la famille de toute loi provinciale ou de tout règlement pris en vertu d’une telle loi.
    Ma question s'adresse au grand chef Dumas. Je n'ai pas lu votre projet de loi, mais en cas de conflit avec la province ou le gouvernement fédéral, votre loi prévaudrait. Sur cette base, j'ai du mal à comprendre où réside le problème que vous ou l'Assemblée des chefs du Manitoba voyez dans ce projet de loi.
    Si vous me le permettez, Dan, je suis un peu surpris par votre question, car je vous avais convoqué à mon bureau expressément en présence de l'ancien chef Jim Bear afin d'avoir une discussion sur cette question il y a près de deux ans. Je suis surpris d'apprendre que vous n'avez pas lu la Bringing Our Children Home Act étant donné que vous venez de notre province.
    Si vous suivez la logique de la législation, fondamentalement, c'est le ministre qui est investi de l'autorité centrale. J'avancerais également les exemples de ce que j'ai affirmé plus tôt. En ce moment, ce gouvernement éprouve de la difficulté à convaincre des gouvernements provinciaux à consentir à une entente relative à une taxe sur le carbone, qui relève de la loi fédérale. Je ne suis pas avocat, mais je suis sûr que vous avez entendu parler de la disposition de dérogation. Je suis sûr que vous avez entendu parler de divisions de pouvoirs et de l'ensemble de ces arguments et de toute cette rhétorique qui va se produire. Fondamentalement, si vous voulez vraiment traiter cette question, lisez l'article 88 de la Loi sur les Indiens. Retirez cela et nous pourrons aller de l'avant. Cela existe déjà.
    Ça ne fonctionnera pas, Dan. Je vous le dis, et je m'appuie sur 40 années passées à essayer en toute bonne foi. Nous avons créé des agences. Nous avons mis sur pied des autorités réglementaires, mais fondamentalement, l'autorité de la province est reconnue avant la nôtre. La législation peut bien le dire, mais la mise en application est tout autre.
    Vous nous dites que, malgré la partie du libellé du projet de loi qui vous donne primauté sur les lois provinciales et les lois fédérales, cela n'arrivera pas.
    Cela n'arrivera pas. Vous devez aussi avoir une appréciation complète de l'historique du précédent ayant été établi. Tout l'historique du litige passé et toutes ces autres pièces qui seront intégrées dans les activités courantes de notre système.

  (1210)  

    Grand chef, en tout respect de votre opinion, des constitutionnalistes ont pris place exactement là où vous êtes assis en ce moment et ont affirmé que les dispositions de ce projet de loi ont préséance sur la perspective provinciale, voire sur la perspective fédérale. Nous avons parlé à beaucoup de gens — des experts en matière constitutionnelle — qui ont une opinion qui diffère de la vôtre.
    Bien, sauf le respect que je vous dois, Dan, j'ai entendu des constitutionnalistes me dire pendant 30 ans que mes droits en vertu de l'article 35 étaient vides de sens. Par magie, au cours des trois dernières années, je me suis fait dire que mes droits constitutionnels en vertu de l'article 35 sont entiers. Au bout du compte, nous connaissons l'histoire et l'héritage de cette question et, si nous ne saisissons pas l'occasion de bien faire les choses, avec des personnes ayant la bonne perspective, aucun progrès ne sera réalisé sur la question.
    Je veux lire une autre partie du projet de loi, l'alinéa 9(2)d):
les services à l'enfance et à la famille sont fournis à l'égard d'un enfant autochtone de manière à ne pas contribuer à l'assimilation du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtones dont il fait partie ou à la destruction de la culture de ce groupe, de cette collectivité ou de ce peuple;
    Pouvez-vous commenter là-dessus?
    Oui. Pour aller droit du but, comment allez-vous être en mesure de réaliser une quelconque partie de ce travail en l'absence d'un engagement financier pour assurer que ces choses se produisent? Ce n'est pas ce qui est fait en ce moment et ça ne se fera pas par magie demain.
    Laissez-vous entendre que le projet de loi doit prévoir un engagement financier?
    Absolument, afin de pouvoir faire toutes ces choses.
    Natasha, merci pour votre présentation. Elle fut très convaincante.
    Nous n'avons pas beaucoup de temps. Avez-vous une recommandation à nous formuler pour améliorer la vie des jeunes Autochtones dans le système de protection de la jeunesse allant de l'avant?
    Oui. Je pense que le financement est un volet clé. En l'absence de fonds, de services et de ressources adéquats, nous ne nous acquittons pas de nos obligations à l'égard de ces enfants et ces jeunes. Nous les laissons à eux-mêmes et dans l'impossibilité de s'épanouir ou de réaliser leur plein potentiel. À mon avis, il est essentiel que nous ayons un texte législatif qui assure l'allocation de fonds à cette fin et que ces ressources soient optimisées dans la pleine mesure possible, car c'est de la vie des enfants dont nous parlons ici. Ils méritent une chance. Après tout, ce sont des enfants.
    Merci beaucoup à vous tous pour vos présentations.
    La période de questions passe maintenant au député Arnold Viersen, qui partage son temps avec le député Kevin Waugh, je crois.
    Cela dépend de la longueur des minutes que vous m'accordez. C'est toujours comme ça que ça se passe.
    À vous la parole. Maintenant que c'est vous, je devrai vérifier l'heure à deux reprises.
    Madame Morgan, merci de votre témoignage aujourd'hui. Vous avez mentionné que, pas plus tard que cette semaine, vous êtes intervenue dans quatre dossiers. Je viens juste de faire une recherche Google sur Services à l'enfant et à la famille Manitoba. On est intervenu dans un cas où quelques enfants jouaient dans la cour arrière sans supervision. Selon moi, ça me semble aller très loin.
    C'est peut-être une question de respect de la vie privée ou quelque chose du genre, mais pouvez-vous nous expliquer un peu pourquoi Services à l'enfant et à la famille est intervenu en premier lieu dans ces quatre dossiers?

  (1215)  

    Voici une pratique courante: si une mère a déjà des enfants qui sont placés, tout enfant qu'elle a par la suite lui est automatiquement retiré. Lorsque des jeunes atteignent l'âge où le système de protection de la jeunesse ne s'occupe plus d'eux et ont des enfants à leur tour, il arrive souvent qu'ils soient ciblés par des signalements de naissance. C'est une pratique courante.
    Un de ces cas est survenu lundi. Il s'agissait d'une mère originaire de l'Ontario. L'Ontario a ses propres lois inhérentes et ce sont ces lois qui orientent le fonctionnement de la protection de la jeunesse au sein des cinq Premières Nations relevant du Traité no 3. Comme la jeune mère a accouché de son bébé à Winnipeg, elle s'est automatiquement trouvée sous l'égide du système de protection de la jeunesse du Manitoba. Les dirigeants ontariens ont demandé que nous soyons présents, car le système de protection de la jeunesse du Manitoba était engagé dans le dossier. Leur position était que le bébé pouvait facilement être remis à sa mère. Cependant, comme les deux étaient dans notre province, cela soulevait des questions qui ne se posaient pas en Ontario.
    Ensuite, nous avons eu le cas d'une mère dont le bébé était malade et recevait des soins. La mère et son conjoint faisaient l'objet de profilage racial. On avait raison de croire que les parents n'étaient pas en santé. La protection de la jeunesse est donc intervenue et a retiré le bébé. Nous sommes intervenus à notre tour pour ramener le bébé à l'hôpital et retourner les parents et leur enfant dans le Nord.
    C'est monnaie courante. Chaque jour à Winnipeg, un nouveau-né sera retiré d'un de nos hôpitaux.
    Un des aspects couverts par le projet de loi est l'intérêt supérieur de l'enfant. Quelqu'un nous a livré une présentation et nous a conseillé d'y ajouter un raisonnement interdit. Il me semble que certains de ces cas pourraient avoir... Par exemple, si vous avez survécu au système de familles d'accueil et que vous avez maintenant vous-même un enfant, il semble que Services à l'enfant et à la famille se pointe. Nous pourrions peut-être en faire une partie du raisonnement interdit, en affirmant quelque chose comme ce n'est pas une bonne raison.
     Nous avons déjà cela au Manitoba, dans la version actuelle de la Loi sur les services à l'enfant et à la famille, que c'est dans l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est ainsi que le Manitoba fonctionne; c'est dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Donc, lorsque j'ai vu que dans le projet de loi C-92, ça nous fait peur, parce que nous travaillons apparemment dans l'intérêt supérieur des enfants et, de l'avis de nos Premières Nations, ce n'est pas...
    Qui établit ce qui est dans l'intérêt supérieur?
    C'est exact. Ensuite, il y a toutes ces définitions déformées qui ne sont pas de notre intérêt supérieur et qui ne sont pas la définition de nos Premières Nations.
    C'est l'occasion à saisir ici. L'intérêt supérieur de l'enfant est un concept qui s'est imposé dans le système judiciaire au fil du temps. Maintenant, nous avons l'occasion d'établir par la voie législative ce que ça veut dire exactement.
    Auriez-vous une recommandation à formuler si vous étiez la personne définissant le sens à donner à l'intérêt supérieur de l'enfant?
    Ultimement, nos aînés ont une définition de ce qui est dans l'intérêt supérieur des enfants, en raison de nos façons inhérentes de percevoir les enfants comme ce qu'il y a de plus précieux dans nos vies. Et nous sommes là pour nous occuper des enfants. Au bout du compte, ces définitions doivent être concrétisées, car nous ne serons pas mieux servis en nous rabattant sur les définitions d'autres personnes de ce qui est de notre intérêt supérieur.
    Exactement.
    Chef, cette discussion que nous avons, fondamentalement, en ce qui me concerne, en est une sur les droits parentaux. Votre organisme a-t-il travaillé sur une charte des droits parentaux ou quelque chose du genre?
    Dans les faits, nous avons réalisé beaucoup de travail. Nous avons élaboré notre propre législation. Nous avons réalisé des engagements avec des communautés. Nous avons créé nos propres lois sur la base des cinq langues autochtones du Manitoba. Nous avons réalisé des choses très globales. Si ce comité préfère se concentrer sur la Bringing Our Children Home Act, cela conviendrait aux besoins de tout le monde. C'est la façon de faire.
    Amender quoi que ce soit dans le libellé actuel, autrement que carrément le supprimer et nous permettre de le réécrire pour vous... c'est probablement la seule solution.

  (1220)  

    Je cède le temps qu'il me reste.
    Merci, cher collègue.
    Je vais me rendre aux Inuits, car Natan Obed d'ITK a invoqué les défis auxquels vous faites face. J'aurais pensé que la région d'Ottawa aurait été la deuxième région la plus densément peuplée — certainement la première en importance dans le sud du Canada — par des Inuits. C'était une question selon laquelle ils sont répartis sur un si grand territoire dans le Nord, puis aboutissent entre vos mains ici dans la région d'Ottawa.
    Parlons-en, car c'est une préoccupation pour ITK. Nous ne comptons pas vraiment beaucoup de familles d'accueil dans le Nord. Lorsqu'ils descendent ici jusqu'à Ottawa, je suis sûr que vous vivez des difficultés également.
    Oui. Une partie des difficultés s'explique par le fait que nous devons porter le fardeau de ces services et de ce que nous devons fournir en partenariat avec d'autres organismes comme le CHEO, par exemple.
    Nous devons effectuer ce travail en fonction du type d'organisme que nous sommes. Comme vous l'avez mentionné, un grand nombre d'Inuits arrivent à Ottawa directement d'Iqaluit et de l'île de Baffin. Nous portons ce fardeau sur nos épaules, parfois sans aucune aide des provinces ou des territoires.
    Pour notre part, nous acceptons de nous charger de ces rôles et je pense que je laisserai à Karen le soin de vous en dire un peu plus à ce propos.
    Il ne vous reste que cinq secondes, alors vous allez peut-être devoir garder cela pour vous.
    Nous allons passer à la députée Rachel Blaney.
    Je voulais simplement dire qu'il est très compliqué lorsque les enfants débarquent directement ici à Ottawa. À l'heure actuelle, nous comptons une soixantaine d'enfants vivant en soins de groupe qui viennent du Nunavut et 15 enfants qui sont ici en raison de problèmes médicaux complexes.
    Nous avons demandé des fonds pour être en mesure d'aider ces enfants. Quant aux enfants ayant des problèmes médicaux complexes, ça a brisé le cœur de savoir qu'ils étaient ici. Je n'en savais rien jusqu'à il y a environ un an, lorsque le CHEO l'a porté à mon attention. Ces enfants n'avaient pas vu un visage d'Inuk et n'avaient pas entendu parler inuktitut depuis qu'ils avaient quitté leur patrie. Maintenant, nous leur rendons visite.
    La complexité s'explique par le fait qu'ils arrivent ici sans aucune documentation et se butent au système scolaire qui leur demande où sont leurs documents. En Ontario, nous documentons les enfants à outrance afin que nous puissions démontrer les services dont ils ont besoin. Il y a un réel écart à cet égard.
    Nous nous sommes rendus au Nunavut à plusieurs reprises pour discuter de cet écart, mais la réalité est que, d'un point de vue juridique, les services sociaux du Nunavut demeurent responsables des enfants même si ces derniers vivent en Ontario. C'est une question complexe que nous avons présentée à ITK et nous avons hâte de travailler avec ses représentants pour trouver des solutions qui fonctionnent pour ces enfants.
    Merci.
    Je vous ai entendu exprimer toutes sortes de préoccupations différentes, mais celle que vous avez en commun concerne le financement. C'est ce qui me préoccupe le plus de ce texte législatif, bien que j'aie certainement entendu beaucoup d'autres points qui devraient nous préoccuper tout autant.
    Je me demande simplement si je peux tous vous demander de vous prononcer sur une de mes propositions. À tout le moins, le texte législatif devrait enchâsser certains principes de financement. À l'heure actuelle, ça se trouve hors du texte législatif, c'est dans le préambule. Par conséquent, personne n'est obligé d'en tenir compte. Ça me préoccupe vivement, car, s'il n'y a aucune mesure de reddition de comptes, ça ne sera rien de plus qu'une autre mesure législative creuse qui se n'attaque pas vraiment au cœur du problème.
    Je vais commencer avec vous, grand chef Dumas. Veuillez vous exprimer sur les préoccupations relatives au financement.
    Madame Morgan, aimeriez-vous commencer?
    À la fin de la journée, nous avons fait le travail dans le dossier de la Bringing Our Children Home Act et c'est un engagement qui nous avait été fait. Nous avions établi ces paramètres dans ce document et c'était une approche des Premières Nations en raison de la crise qui sévissait au Manitoba.
     Nous avons tenu une cérémonie. Nous nourrissions beaucoup d'espoir et y avions investi beaucoup de travail. Ça couvrait de nombreux aspects que le projet de loi C-92 ne couvre pas, car nous devons aussi ramener tous nos enfants à la maison. Je sais que vous avez pu entendre Natasha et Jeff ce matin, qui vous ont entretenu notamment sur toutes ces choses qui marquent nos jeunes ayant déjà quitté le système en raison de leur âge. Nous parlons de milliers de personnes ici.
     Le projet de loi C-92 ne s'attaque aucunement à ces choses. Nous ne cherchons qu'à aller de l'avant et non pas à très court terme, car nous avons la participation des provinces. Je constate qu'elles ne lâcheront pas le morceau facilement.
    La question du financement est lourde de conséquences, si vous voulez être en mesure de faire ce prolongement et de donner l'apparence véritable et légitime que des ressources seraient au rendez-vous. Ma préoccupation, au Manitoba, est que, à l'heure actuelle, la province contribue au budget de 546 millions de dollars à hauteur de 60 %. Le gouvernement fédéral n'y contribue qu'à hauteur de 40 %. Je me demande donc si le modèle de financement sera d'une certaine façon entièrement transformé. Faudrait-il que la province paye une part encore plus grande pour que ça fonctionne?
     Si c'est là où ça va bloquer, nous n'aurons alors jamais de projet de loi C-92. C'est pourquoi nous réclamons un engagement concernant la Bringing Our Children Act, car nous voulons de telles relations directes avec le Canada.

  (1225)  

    Merci.
    Par la suite, une fois que vous abordez ce volet financier, vous constaterez combien la division de l'autorité est solide au Manitoba. Lorsqu'il est question de cette contribution financière qui est faite sur le dos de nos enfants, vous constaterez que cet argent aboutit dans les coffres du gouvernement provincial. Vous arriverez alors à la conclusion que ce texte législatif est truffé d'erreurs et ne fera pas ce qu'il est censé faire.
    Merci.
    Karen ou Alyssa...?
    Nous sommes chanceux d'être en Ontario. La Loi sur les services à l'enfance et à la famille a été modifiée l'an dernier. Nous avons été très engagés dans ce travail.
    La Loi sur les services à l'enfance et à la famille a été modifiée, mais aucun financement n'a été alloué aux changements qui sont nécessaires. Je suppose que cela explique pourquoi, lorsque j'ai entendu parler d'une législation supplémentaire, ma réaction a été « Oh! Une autre législation sans financement ».
    À mon avis, quelque chose de brillant que notre province a fait, avant cette élection, a été de nous permettre, comme communauté et comme organisme, de développer un programme préventif pour les enfants. Le gouvernement provincial nous a accordé un budget pour développer ce programme.
    Nous avions la communauté et les aînés dans une pièce. Nous avons posé la question suivante: « Si nous devions apporter un changement pour nos enfants demain, quelle forme prendrait ce changement? » Il n'était pas question d'une énorme quantité d'argent, ça concernait davantage le processus. Le financement était souple et c'est nous qui avons établi les postes budgétaires. Ce fut difficile pour le personnel du ministère de lâcher prise.
    C'est ce qu'on appelle du financement pour le bien-être des familles et je vous recommande fortement de vous pencher de plus près sur la question. Nous avons un membre du personnel qui fait tout le travail pour nous. Aujourd'hui, je peux vous affirmer que nous soutenons 35 familles à Ottawa qui ont un dossier au service de protection de l'enfance.
    Je veux simplement m'assurer que Natasha ait l'occasion de se prononcer directement sur la question du financement.
    Je pense que c'est extrêmement important et que nous devons nous y pencher. C'est ce que j'avais dit à Dan là-bas.
    Ce financement est tellement important au soutien de ces communautés, des peuples autochtones. Ce financement doit être prévu dans le projet de loi. Sinon... Je me rappelle, alors que je recevais des soins, que mes travailleurs sociaux m'ont dit qu'ils n'avaient pas de fonds pour me venir en aide. Je venais d'avoir 21 ans. J'étais au milieu de mon deuxième trimestre d'études universitaires. La période des examens approchait. Je leur ai demandé s'il y avait un moyen qu'ils me viennent en aide. Ils m'ont répondu: « Non, nous n'avons pas les fonds. »
    Je ne me suis jamais sentie aussi seule dans toute ma vie. Je vivais le stress de l'université, je n'aurais bientôt plus accès à des soins en raison de mon âge et je ne bénéficiais d'aucun soutien financier. Je ne veux pas que d'autres enfants aient à vivre cela. C'est tellement brutal et vous réalisez combien vous êtes seul. Vous ne bénéficiez d'aucun soutien pour vos médicaments et votre santé mentale — rien du tout. Tout est coupé. Voici la réponse à laquelle j'ai eu droit de mes travailleurs sociaux: « Il n'y a pas de fonds. Il n'y a rien à faire. Nous sommes désolés. Nous vous souhaitons la meilleure des chances. »
    C'était un message puissant.
    Nous avons peut-être une minute et demie pour le député Robert-Falcon Ouellette.
    Merci beaucoup.
     La Bringing Our Children Home Act est un important projet de loi qui, d'après moi, fera de grandes choses pour les Autochtones du Manitoba.
    Une des choses intéressantes, c'est qu'il aborde la médiation pour le soutien des familles en crise, alors il traite davantage des types de règlements, mais il y a aussi l'histoire de la création, qui est écrite là.
    Cora, vous parliez de la spiritualité et des cérémonies, et de leur importance. Il semble que ce que vous avez fait est quelque chose qui probablement... je ne sais pas si cet endroit fait beaucoup de choses spirituelles comme cela. Je pense qu'ils agissent d'une manière plus laïque.
    Pouvez-vous décrire la spiritualité qui a été apportée à la loi que vous avez rédigée ici et aux règlements potentiels?

  (1230)  

    Après que la ministre Philpott ait proposé de créer la Bringing Our Children Home Act, nous pensions qu'il était important de mettre les aînés de l'avant, le conseil des femmes et tous ces membres. Nous avons une responsable des cérémonies qui est aussi une avocate et une aide au sein de notre communauté. Elle l'a rédigé. Avant que quelqu'un le lise ou aille à la cérémonie, nous avons eu une cérémonie de l'eau, une cérémonie du calumet, une suerie et un festin. Lorsque nous avons fait cela, c'était pour demander d'être guidés pour que la Bringing Our Children Home Act avance sur la bonne voie, et pour que toutes les bonnes personnes apportent ce qu'il faut pour représenter notre peuple de la meilleure façon possible.
    Au fil du temps, nous avons fait plusieurs cérémonies pour la Bringing Our Children Home Act, parce que cela a rassemblé nos aînés. Dans ce processus, nous avons perdu deux de ces aînés, qui jouaient des rôles importants: l'aîné Elmer Courchene et l'aînée Doris Pratt.
    Nous voulions pouvoir leur rendre hommage de la meilleure façon, et continuer à appuyer cela, parce que c'est ce que souhaitent les experts en protection de l'enfance, les experts des Premières Nations, depuis 30 ans. Nous voulons rendre justice et nous voulons ce qui nous a été promis.
    Meegwetch.
    Le Manitoba fait face à de nombreux et énormes défis. Nous espérons tous que nous trouverons un moyen d'atteindre une résolution. Il y a 11 000 enfants autochtones pris en charge. Ce sont des circonstances particulièrement graves. Je crois que nous vous avons tous entendus.
    Nous comprenons l'histoire et vos avertissements, grande chef.
    Nous voulons vous remercier tous pour votre participation à cette très importante discussion sur la vie future de nos enfants autochtones pris en charge.
    Merci. Meegwetch.
    Nous allons suspendre pour quelques minutes et convoquer notre prochain groupe

  (1230)  


  (1235)  

    Nous avons 4 participants, et nous prendrons 10 minutes à la fin de cette séance...
    Est-ce que nous nous entendons pour 10 minutes? La fin de cette séance sera à 13 h 30.
    J'ai cru comprendre que le 10 minutes serait à 13 h30.
    Vous voulez dire après 13 h 30.
    Oui, c'est ce que j'ai compris.
    D'accord, on s'entend pour dire qu'on dépassera.
    Nous avons quatre groupes.
    Bienvenue au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord du Parlement.
    Nous étudions un projet de loi qui tente de réparer ce que certains décriraient comme pire que les pensionnats, un système qui a pris un grand, grand nombre d'enfants en charge et qui constitue une crise des droits de la personne au Canada. Nous sommes engagés et nous écoutons des opinions afin de pouvoir créer le meilleur projet de loi possible dans ce qui sera, nous l'espérons, un système d'approbation législative très court.
    La façon par laquelle ça fonctionne, c'est que vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Après toutes les présentations, nous passerons aux questions des députés. Je crois que nous commençons par le chef Wayne Christian.
    Nous sommes heureux de vous accueillir. Bienvenue. Lorsque vous êtes prêt, vous pouvez commencer.
    [ Le témoin s'exprime en secwepemctsín.]
     [Traduction]
    Bonjour à tous. Mon nom indien est Grande Voix qui dit la Vérité. Je suis le chef du peuple de la nation Splatsin Shuswap.
    Je reconnais les ancêtres de ce territoire, leurs descendants actuels et cette très importante question dont nous parlons. Je suis le père de 5 enfants, le grand-père de 28, et l'arrière-grand-père d'un. Je suis un ancien enfant pris en charge de la rafle des années 1960. Ma mère était une survivante des pensionnats.
    En prenant la parole aujourd'hui, je rends hommage à mon passé et à mon frère décédé, Adelard, qui s'est enlevé la vie. Nous sommes retournés dans notre communauté en 1977, et ma mère est décédée peu après lui, deux ans plus tard.
    J'ai commencé à m'occuper de cette question à 23 ans. J'ai travaillé là-dessus pendant 42 ans en tant que chef et conseiller pour ma communauté pendant 23 ans et en travaillant dans le domaine de la guérison et de la dépendance, aidant notre peuple pendant presque 20 ans. C'est le point de vue que je vais vous présenter, membres du Parlement.
    Nous savons tous pourquoi nous sommes ici, en ce qui concerne la façon par laquelle les lois du Canada et le génocide législatif, comme je l'appelle, ont créé notre situation actuelle. Notre réponse à cela est, je crois, importante, parce que quand j'ai été élu chef en 1980, une jeune mère est venue me voir et m'a demandé de l'aide pour ses quatre garçons qui allaient être enlevés par la province. Nous avons posé à nos aînés cette question : « Qu'est-ce que nous faisions avant qu'ils nous imposent cette loi blanche? Comment est-ce que nous nous occupions des nôtres? » Ils nous ont dit que nous avions notre propre tribunal autochtone. Nous avions nos propres prisons. Nous avions nos propres lois. Nous avions nos propres systèmes pour prendre soin de nous.
    En sachant cela, nous avons mis en place une législation basée sur la communauté en un peu plus d'un an, travaillant avec une très jeune avocate nommée Louise Mandell. Vous la connaissez peut-être. Elle est assez bien connue en ce qui a trait aux titres et aux droits autochtones partout au pays. Elle a travaillé avec nous pendant toute une année pour concevoir ce processus et mettre cette loi en place.
    Depuis 1980, nous fonctionnons sous notre propre compétence et nos propres lois, qui sont fondées sur notre droit inhérent. La relation que nous avons eue avec le gouvernement provincial a été intéressante, parce qu'ils, comme vous le savez, revendiquent une prétendue compétence sur nos enfants, mais ils n'ont pas compétence.
    Nous avons dû monter une campagne politique nommée la « caravane des enfants indiens » en 1980, puis le vice-premier ministre et la ministre des Enfants et de la Famille, Grace McCarthy, sont parvenus à une entente avec notre communauté pour reconnaître notre compétence et nous remettre les enfants. Nous avons planifié conjointement pour chaque enfant et nous avons demandé des ressources au gouvernement fédéral. Depuis 1980, c'est ce que nous avons fait.
    Il est vraiment important de comprendre que le fondement de notre compétence n'est pas lié au lieu de résidence. Ce n'est pas juste sur la réserve; c'est partout. Peu importe où il se trouve, si un de nos enfants a besoin de protection, on y va. Nous sommes allés aux États-Unis, à Dallas, au Texas et en Géorgie. Nous sommes allés partout au Canada. Nous sommes allés dans toutes les villes de la Colombie-Britannique, à Vancouver et dans les grandes villes. Il faut que vous compreniez bien.
    Le projet de loi C-92 qui a été proposé ouvre la porte à cet espace de compétence inhérente. Nous avons fait cela et nous avons une certaine expérience dans ce domaine. Vous avez entendu beaucoup de présentations au sujet des différents aspects de ce qui se passe. Nous avons fait cela pendant 40 ans, et je pense que c'est important que les gens comprennent cela. Il a fallu lutter, parce que le gouvernement provincial a commencé à essayer de faire respecter le fait qu'ils avaient compétence pour les enfants qui ne se trouvaient pas dans nos communautés.
    Nous avons déposé un bref, une contestation constitutionnelle, en 2015, qui contestait la revendication du gouvernement provincial quant à ce pouvoir. Nous avons commencé à négocier avec la Colombie-Britannique et obtenu une ordonnance de suspension, et nous avons établi un protocole d'entente avec la Colombie-Britannique pour dire que nous allions discuter du problème de compétence, établir un processus juridictionnel, un processus opérationnel, et nous pencher sur une transition pour passer de là où les choses en étaient jusqu'à là où elles devaient aller. Nous avons fait cela en tant que communauté, mais nous avons aussi établi cela en tant que nation Shuswap.
     Vous avez une soumission écrite qui explique qui nous sommes en tant que nation. Il existe 32 collectivités, 17 bandes au sens de la Loi sur les Indiens, une population d'environ 15 000 et un territoire de 180 000 kilomètres carrés. Nous dépassons 168 pays sur le plan de la masse terrestre.
     Je pense que vous devez vraiment comprendre que, dans le contexte du projet de loi C-92, il y a des questions fondamentales précises qui doivent être abordées.
    D'abord, il y a la question de la modification du financement pour passer vers une relation financière, parce que nous croyons vraiment qu'il s'agit d'un processus nation à nation avec le Canada. Vous avez entendu d'autres chefs parler de cela. Arrêtez d'appeler cela du financement et passez à une relation financière et, dans ce cadre, sortez cela du préambule de la loi pour le mettre directement dans le corps du texte de loi. C'est une solution facile. Je crois que c'est possible.

  (1240)  

    Dans le préambule, nous parlons aussi de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je crois qu'il faut que ça sorte du préambule pour aller dans le corps du texte de loi.
    La question du principe de Jordan est citée dans le l'alinéa 9(3)e). Nous trouvons que c'est très intéressant, simplement parce que sous notre compétence, pendant environ 40 ans, nous avons eu des situations où des enfants sont physiquement handicapés et leurs parents ne peuvent pas s'occuper d'eux. Dans le système, ils auraient simplement été perdus, ou ils seraient décédés, bien honnêtement.
    Pour ce qui est de ce que nous avons été capables de faire avec les enfants que nous prenons en charge, nous avons une jeune fille qui a maintenant 25 ans et qui est en vie parce que nous sommes intervenus et avons pris soin d'elle pendant toute sa vie. Je pense que c'est vraiment une partie importante. C'est ce qu'avoir compétence signifie, avoir les ressources et prendre ces décisions pour cet enfant.
    Je crois que ce qui est vraiment important dans le principe de Jordan, c'est la manière par laquelle il est abordé. Il doit être traité en fonction de la façon dont la compétence part de la communauté vers le haut, pas dans la communauté, mais à partir de la communauté vers le processus. Je crois que c'est important.
    Ce genre de choses sont importantes pour ce qui est du processus.
    Modifiez le paragraphe 10(1) sur les « intérêts supérieurs ». Cette disposition doit inclure la famille, les communautés et la continuité culturelle comme considérations premières dans l'application de ce projet de loi. Cela est vraiment important. Je crois que la question de l'intérêt supérieur doit être définie par la communauté et par la nation, pas par le Canada ou la Colombie-Britannique.
    Concernant l'alinéa 13b) et l'inclusion à la définition du « fournisseur de soin » ayant « qualité de partie », nous sommes absolument en désaccord avec cela. Les fournisseurs de soins ne deviennent fournisseurs de soins que parce qu'ils ont une entente contractuelle pour s'occuper de l'enfant. Ils ne devraient pas avoir de capacité juridique dans ces processus et dans ces décisions entourant nos enfants.
     Pour la question des « liens plus étroits », il faut que cela soit modifié pour que ce soit de nation à nation — nation autochtone à nation autochtone travaillant l'une avec l'autre pour avoir une idée vraiment claire de l'appartenance de cet enfant, pour que, peu importe que ce soit avec les Secwepemc, les Sq'ewlets, ou les Tsilhqot'in — n'importe qui — nous avons nous-mêmes cette capacité. Nous avons des traités historiques avec les nations autour de nous, autour de ce que nous appelons kwséltkten, notre parenté. Je crois que c'est vraiment important.
    Le dernier commentaire sur la loi c'est vraiment que la période de cinq ans est trop longue. Nous devrions y aller avec un examen annuel, parce que je pense que nous avons vraiment besoin d'amener ces choses sur le terrain tout de suite. Lorsque je parle de ces questions, mon expérience c'est que dans un processus fondé sur la communauté, vous pouvez régler les problèmes.
    C'était un gros problème que nous avons eu avec Grace McCarthy. Elle continuait à me demander, en tant que chef, en 1980, « Pouvez-vous vous occuper de vos enfants? ». Ce que je lui ai dit, c'est : « Regardez, quand vous faites une erreur dans votre système, vous ne pouvez pas la corriger. Ça prend beaucoup de temps pour la corriger. » C'est ce qui se passe ici aujourd'hui. Voilà, 40 ans plus tard, et le système est encore le même. Il n'a pas été corrigé.
    Nous pouvons changer les règles et les règlements et nous ajuster au système en place sur le terrain. Pour le Canada et la Colombie-Britannique, dans vos lois, vous ne pouvez pas, et je crois que c'est le problème avec le système. Je vous apprécie tous, chacun d'entre vous. Vous êtes des législateurs. Vous faites les lois pour le Canada. Nos lois viennent de notre histoire orale et de notre interaction avec la terre. Nous avons vécu sur la terre pendant 10 000 ans, alors ça nous informe dans nos actions. Dans notre histoire orale, nous avons beaucoup d'histoires qui parlent des enfants. En deux mots, ce qu'ils disent dans ces histoires, c'est que la personne qui paie le prix ultime est habituellement l'enfant. Ce sont des histoires orales qui remontent à très longtemps. Nous devons porter attention à cela.
    Avec cette loi qui va de l'avant, vous aurez une occasion de changer la vie de milliers d'enfants. Je parle ici en tant qu'ancien enfant pris en charge, en tant que père et en tant que grand-père. Je parle au nom de ma mère et de mon frère. Comme la mort de mon frère en 1977, il y a eu des milliers de morts dans le système depuis. Comme ma mère, il y a un grand nombre de mères qui n'ont aucune voix dans le système. On vous a parlé d'elles aujourd'hui. Ils enlèvent les enfants aux mères directement dans les hôpitaux. C'est ridicule. Il faut que ça s'arrête.
    Le Canada va-t-il devenir adulte? Sérieusement, nous devons avoir cette loi afin qu'elle puisse créer un espace pour la reconnaissance de nos lois et de nos compétences. En d'autres mots, il s'agit du droit à l'autodétermination. Les communautés peuvent décider si elles acceptent ou si elles refusent. La décision leur revient. C'est ce qui est essentiel dans cette législation.
    On me fait signe.
    Des voix: Oh, oh!
    Chef Wayne Christian: Merci de m'avoir écouté. Une présentation écrite a été soumise.

  (1245)  

    Je donne effectivement des signaux quand vous approchez de la fin.
    Elle vient de faire « qu'on lui coupe la tête! »
    Des voix: Oh, oh!
    Vous n'êtes pas censé partager ça.
    Des voix: Oh, oh!
    La présidente: Je crois comprendre que nous nous sommes entendus pour passer à Katherine Hensel ensuite, même si nous avons aussi, et nous sommes honorés d'avoir, dans ce groupe de témoins, une ministre de la province de l'Ontario. Nous en sommes reconnaissants.
    Nous allons passer à Katherine Hensel.
    [Le témoin s'exprime en secwepemctsin.]
     [Traduction ]
    Je suis également une Secwepemc. Je suis mère de quatre enfants et avocate plaidante. Environ 60 à 80 % de ma pratique se fait dans le domaine de la protection de l'enfance autochtone pour des agences, nations, collectivités, grands-parents et parents autochtones, et parfois pour d'autres agences.
    Mes premiers et très courts commentaires sont que, bien sûr, j'appuie et suis sensible aux commentaires de notre Kukpi7 national, Wayne Christian, et je suis entièrement d'accord avec chacun d'entre eux. Je soulignerais au Comité, et je ne vous apprends probablement rien, que le projet de loi C-92 n'accorde rien aux peuples autochtones. Il sert uniquement à limiter et contraindre les systèmes et gouvernements provinciaux et fédéraux. Nos compétences, pour autant qu'elles existent... nos lois sont inhérentes, et, comme les chefs et les autres techniciens qui ont témoigné devant vous l'ont souligné, ne sont pas assujetties à une surveillance provinciale ou fédérale. Elles permettent à toutes les nations et collectivités autochtones du Canada d'exercer leurs compétences en tout temps — sous réserve des actes de répression et du manque de ressources et de la négation de ces compétences, ou des tentatives de négation de ces compétences, par les organismes de la Couronne et les gouvernements provinciaux et fédéraux.
    Cela dit, en ce qui a trait à ce projet de loi, bien que des améliorations soient encore possibles, comme on peut le voir dans la soumission du Kukpi7 Christian et des autres, il vient un moment où, comme l'ont expliqué les autres témoins, la situation sur le terrain est tellement critique que la législation doit se réaliser en temps opportun pour un certain nombre de raisons dont le Comité est bien conscient. Bien que la possibilité d'exercer ses compétences ait toujours été ouverte à chaque nation ou collectivité, les ressources et la liberté de le faire n'étaient simplement pas là pour être capable de le faire. Les compétences ont toujours été affirmées, de façon continue, depuis des temps immémoriaux, mais personne en dehors des collectivités Spallumcheen et du Kukpi7 Christian n'a été capable d'exercer ces compétences avec succès et de façon exclusive.
     Je n'ai qu'un seul autre commentaire concernant les commentaires du Kukpi7 Christian, et il concerne les fournisseurs de soins. Je veux seulement préciser que lorsque les kohkom, ou kikia7as — les grand-mères — sont les fournisseurs de soins, elles peuvent aussi, en vertu de nombreux systèmes de droit autochtone, avoir capacité juridique, donc on ne devrait pas leur empêcher automatiquement d'avoir capacité en vertu du projet de loi. C'est la seule nuance que j'apporterais à mon appui sans réserve aux commentaires du Kukpi7 Christian.
    Merci. Kukwstsétsemc.

  (1250)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer au gouvernement de l'Ontario. Nous avons avec nous la ministre des Services à l'enfance et des Services sociaux et communautaires, et ministre déléguée à la Condition féminine, l'honorable Lisa MacLeod.
    Bienvenue.
    Chers collègues, collègues présentateurs, mon nom est Lisa MacLeod. Je suis la ministre responsable des enfants et de la jeunesse, des services sociaux et communautaires, de la condition féminine, de l'immigration et des réfugiés... et de la réduction de la pauvreté dans la province de l'Ontario.
    Il y a deux semaines, j'ai eu le privilège de me joindre à mes collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux à Saskatoon pour discuter d'une multitude de questions parmi lesquelles figuraient la protection des enfants autochtones et le projet de loi C-92. Je peux assurer le Comité du fait que l'Ontario prend au sérieux la question de la protection des enfants autochtones, ce qui explique que nous ayons accordé notre soutien à 12, et bientôt à 14, sociétés d'aide à l'enfance dirigées par des Autochtones axées sur les responsabilités traditionnelles. Nous comptons sur 38 services d'aide sociale à l'enfance non autochtones. Je me réjouis du fait que tant Amber que Theresa soient parmi nous aujourd'hui.
    Nous reconnaissons que les enfants autochtones sont surreprésentés sur le plan de la prise en charge et nous nous sommes engagés à offrir de meilleurs résultats à ces enfants, leurs familles et leurs communautés. Comme je l'ai dit à Saskatoon, l'Ontario fait preuve d'un optimisme prudent au sujet du projet de loi C-92 et du désir de mieux soutenir les enfants et les jeunes autochtones pris en charge.
    Ceci étant dit, à l'instar de mes collègues des provinces et des territoires, j'ai un certain nombre de préoccupations dont j'aimerais vous faire part, pour vous exposer notre point de vue. Après avoir consulté les dirigeants autochtones de l'Ontario, nous estimons qu'il y a un certain nombre de conséquences pour l'Ontario, tout particulièrement en ce qui concerne les définitions, les normes et les exigences, la prépondérance, l'affirmation de l'autonomie gouvernementale, la compétence et, bien évidemment, le financement.
    Permettez-moi de passer en revue certaines des répercussions pour la province de l'Ontario.
    Notre analyse préliminaire a identifié un certain nombre d'impacts potentiels dans les domaines suivants.
    L'un d'entre eux tient aux définitions. Dans les cas où les définitions que l'on retrouve dans le projet de loi C-92 diffèrent de celles de la Loi sur les services à l'enfance, à la jeunesse et à la famille (LSEJF), ou ne cadrent pas avec celles-ci, pourraient se poser des conséquences pour l'interprétation de la LSEJF. À titre d'exemple, il se peut que les rôles envisagés pour les instances dirigeantes autochtones dans le projet de loi C-92 ne cadrent pas avec ceux qui sont mis de l'avant pour les bandes et les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis en vertu de la LSEJF.
    Se pose ensuite la question des normes et des exigences. Le fait, à titre d'exemple, que les exigences relatives au droit de faire des représentations et de partager des informations du projet de loi C-92 soient différentes de celles qui sont mises de l'avant dans la LSEJF, ou ne cadrent pas avec celles-ci, pourrait avoir des répercussions sur la façon dont les sociétés d'aide à l'enfance autochtones et non autochtones de l'Ontario fournissent des services aux enfants et aux familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. À titre d'exemple, le projet de loi C-92 et la LSEJF contiennent des dispositions différentes en ce qui concerne l'intérêt supérieur de l'enfant. Des éclaircissements supplémentaires de la part du Canada quant à la façon dont la disposition sur les « normes minimales » doit être interprétée en cas de conflit ou d'incohérence, tout particulièrement dans les cas où celles-ci sont moins contraignantes dans le projet C-92 qu'elles ne le sont dans la LSEJF de l'Ontario, seraient accueillis d'un bon oeil.
    En troisième lieu se pose la question de la prépondérance. Il serait souhaitable de recevoir, du Canada, des éclaircissements supplémentaires sur la façon dont la question de la prépondérance s'appliquerait dans le contexte d'un certain nombre de questions et notamment les situations de conflit ou d'incohérence entre des lois autochtones, provinciales et fédérales, ou parmi celles-ci. Une analyse complémentaire serait nécessaire pour identifier les dispositions de la LSEJF qui pourraient être rendues inopérantes, sur le plan constitutionnel, en vertu de la doctrine du projet de loi C-92, si celui-ci devait être adopté. Nous aimerions que la Direction du droit constitutionnel de l'Ontario s'efforce... d'intervenir à l'égard de cette question.
    Le quatrième aspect est celui de l'affirmation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Cette affirmation, par le Canada, dans le projet de loi C-92, en vertu de laquelle le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est reconnu et confirmé par l'article 35 et comprend la compétence en matière de services à l'enfance et à la famille, va au-delà de l'état actuel du droit. Cette affirmation pourrait appuyer la tenue de discussions trilatérales sur la question de la compétence dans le but de faire progresser les aspirations autochtones. Nous aimerions recevoir des éclaircissements sur la meilleure façon dont nous pourrions intervenir à l'égard de cette question.
    Le cinquième aspect est celui de la compétence et de la législation. Il pourrait y avoir des répercussions sur le plan d'un processus bilatéral avec les partenaires des Premières Nations sur la mise en oeuvre potentielle des lois et des systèmes. Certains partenaires pourraient estimer que la législation fédérale représente une complication ou un fardeau et inciter la province à précipiter la conclusion d'accords avant que la loi n'entre en vigueur.
    Le sixième aspect est celui du financement. À défaut de financement fédéral imposé pour appuyer le projet de loi C-92, il est difficile d'établir clairement comment la mise en oeuvre de celui-ci sera financée et quelles seront les répercussions sur les modalités de financement existantes entre le Canada, l'Ontario et les Premières Nations. L'absence de financement imposé dans le projet de loi C-92 accentue également le fossé existant dans les services financés par le gouvernement fédéral à l'intention des enfants et des familles des Inuits et des Métis.
    J'aimerais enfin réitérer les remarques formulées par le chef au sujet du principe de Jordan. Comme vous aurez l'occasion de le constater et, probablement, de l'entendre de la part de mes collègues des provinces et des territoires, nous aimerions obtenir plus de précisions à cet égard.
    Si les positions des partenaires autochtones de l'Ontario seront représentées ici aujourd'hui, j'aimerais simplement vous faire part d'un certain nombre d'entre elles que j'ai reçues à mon ministère.
    Les Premières Nations de l'Ontario se sont également penchées sur l'intention du projet de loi en vue d'en évaluer les répercussions et de déterminer leur soutien. Elles ont cependant toutes fait part à notre ministère des inquiétudes qui sont les leurs quant à l'absence d'un engagement spécifique en matière de financement dans le projet de loi. Dans sa réponse, la chef régionale de l'Ontario, RoseAnne Archibald, a déclaré que « rien ne garantit que le financement [...] sera fondé sur les besoins et équitable » et qu'à défaut de financement lié à la législation « nous risquons de ne pas être en mesure d'exercer nos compétences ». Les chefs de l'Ontario ont également exprimé leurs craintes que le projet de loi C-92 entraîne la disparition des gains réalisés en Ontario et abaisse les normes. Le grand chef de la nation nishnawbe-aski, Alvin Fiddler, a déclaré dans sa réponse que le projet de loi omet de reconnaître la compétence exclusive des Premières Nations à l'égard des enfants, où qu'ils résident. Le grand chef de l'Association of Iroquois and Allied Indians (AIAI), Joel Abram, a souligné que le manque de financement en vertu de la loi pourrait se traduire par l'absence du soutien de la part de l'AIAI. Le chef Glen Hare du Grand conseil de la nation Anishinabek a déclaré que la nation Anishinabek était « encouragée par le dépôt de ce projet de loi aujourd'hui et qu'elle parvenait à cerner un mécanisme visant à réparer les torts que continuent de subir nos familles et nos communautés ».

  (1255)  

    D'autres partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont exprimé des préoccupations similaires à notre ministère au cours des dernières semaines, depuis mon retour de Saskatoon.
    Compte tenu de ce qui précède, j'aimerais inviter le gouvernement fédéral à préciser plus clairement, tant pour l'Ontario que pour nos partenaires autochtones de la province, quels articles seraient proclamés au moment de l'adoption du projet de loi. Je me permets de réitérer, ici, l'appel lancé par mes partenaires provinciaux et territoriaux invitant le ministre fédéral des Services aux Autochtones à revenir à la table et à rencontrer ses homologues afin que nous puissions mieux comprendre les répercussions sur la protection de l'enfance au sein de nos communautés autochtones non seulement partout dans notre province de l'Ontario, mais aussi dans le reste du Canada, puisqu'en la matière, nos compétences sont partagées.
    Merci beaucoup de votre temps et de votre attention. Ce fut un grand honneur pour moi d'être présente ici avec vous, madame la présidente, de même qu'avec mes honorables présentateurs et, bien évidemment, avec vos collègues.
    Merci beaucoup.
    Nos derniers présentateurs sont Theresa Stevens et Amber Crowe de l'Association of Native Child and Family Services Agencies of Ontario.
    Vous pouvez commencer quand vous le souhaitez.
    Bonjour, membres du Comité. Merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur cette question de la plus haute importance pour l'avenir de nos enfants.
    [Le témoin s'exprime en ojibway.]
    [Traduction]
     Mon nom est Theresa Stevens, je suis directrice exécutive de l'Association of Native Child and Family Services Agencies of Ontario (ANCFSAO). L'ANCFSAO a été constituée en organisation en 1994, bien que nos organismes aient été désignés depuis 1987. Sous une forme ou une autre, nos organismes fournissent des services de prévention de diverse nature, depuis les années 1970. Nous sommes une organisation autochtone provinciale. Nous avons pour mission d'offrir une vie meilleure à tous les enfants autochtones grâce à la promotion de services axés sur la culture à nos enfants, nos familles et nos communautés. Nous représentons 13 des 14 organismes responsables du bien-être des enfants autochtones de l'Ontario et ceux-ci desservent 90 % de toutes les Premières Nations de l'Ontario.
    Comme nous sommes le porte-parole technique de la protection de l'enfance autochtone, nous sommes les praticiens en cette matière sur le terrain et nous servons de groupe de référence que les gouvernements et les organismes connexes consultent sur le sujet du mieux-être des enfants autochtones. Notre organisation se compose de membres et notre travail consiste à fournir des ressources à nos organismes membres de sorte que soient offerts des services de qualité à ceux-ci par le biais de l'éducation et de la formation, de l'élaboration et de l'analyse de politiques, ainsi que de la recherche et de la défense des droits.
    Affaires autochtones et du Nord Canada a mobilisé nos membres sur le projet de loi en août 2018. Cette consultation a permis de relever plusieurs thèmes. En tout premier lieu, en tant qu'experts techniques, nous avons fait part à Affaires autochtones et du Nord Canada de l'importance de la congruence culturelle et de la mise en valeur des identités culturelles. Nous avons fait preuve de cohérence en affirmant que cet aspect était essentiel à toute législation éventuelle touchant le mieux-être des enfants autochtones. Nous avons également affirmé, de manière uniforme, que la législation fédérale devait prendre acte de la diversité culturelle de toutes nos Premières Nations et que des systèmes culturels devaient être mis en place afin de constituer le fondement de toute pratique en matière de protection de l'enfance.
    Nous nous inquiétions également du processus de mobilisation. Nous souhaitions nous assurer qu'il était acquis que notre participation au processus ne pouvait être interprétée comme constituant une consultation prévue en vertu des obligations de la Couronne. Nous avons ensuite formulé des recommandations sur les conditions socioéconomiques. Nous avons affirmé que nous estimions qu'à moins que le projet de loi ne s'attaque aux conditions socioéconomiques à l'origine du fait que les enfants doivent être pris en charge en tout premier lieu, il n'irait pas suffisamment loin. Nous avons souligné la nécessité de réduire la surreprésentation et les raisons pour lesquelles les enfants sont pris en charge, comme la pauvreté, le chômage, les mauvaises conditions de logement, l'instabilité alimentaire, la violence familiale et la toxicomanie.
    Nous avons également formulé une recommandation sur la question du financement en précisant que celui-ci devait être fondé sur les besoins et basé sur les coûts réels, tout en tenant compte de l'éloignement et de la complexité des cas.
    Puis, sur la question de ces quatre thèmes, nous avons également exprimé quatre principes. Nous étions d'avis qu'il était important que la loi fasse preuve de souplesse en plus de tenir compte des questions relatives à la prévention et à la préservation de la famille, de la communauté et de la nation, dont nous estimons qu'elles sont au coeur de la pratique en matière de protection de l'enfance autochtone. Furent également évoqués les questions de la compétence et de la souveraineté des Premières Nations ainsi que le fait que les soins de qualité doivent être fondés sur les pratiques exemplaires.
    Je me permets de répéter que notre mandat nous vient de nos Premières Nations. Nos organismes sont formés par la réunion d'un groupe de Premières Nations qui, par résolution, nous désignent comme leur fournisseur de services chargé de protéger leurs enfants en leur nom. En cela, notre approche est dictée par les dirigeants de nos Premières Nations et nous nous conformons à l'orientation qu'ils nous soumettent relativement à la façon dont ils souhaitent que nous abordions la question de la législation fédérale.

  (1300)  

    [La témoin s'exprime en ojibway.]
    [Traduction]
    Je suis de la Première Nation d'Alderville, et mon nom est Amber Crowe. Je suis la directrice exécutive de Dnaagdawenmag Binnoojiiyag Child and Family Services, l'organisme le plus récemment habilité d'Ontario, par le biais du ministère de l'Ontario. Nous desservons huit Premières Nations.
    Vous avez nos observations écrites. Je soulignerai quatre points ou préoccupations essentiels qui s'y retrouvent en tant que praticiens ou prestataires des services devant être fournis en vertu de la loi.
    Comme Theresa vient de le souligner, notre mandat nous provient des dirigeants des Premières Nations et d'autres communautés autochtones, dans le cas des organismes qui desservent une population plus vaste. À ce titre, nous nous conformons aux décisions politiques et à la volonté des Premières Nations qui font partie de nos organismes bien que nous recevions également un mandat en vertu de la loi provinciale.
    Parce que nous suivons le leadership de nos Premières Nations, se pose le risque, en vertu de ce projet de loi, que nous soyons assujettis à plusieurs lois et compétences. Nous servons plusieurs Premières Nations qui se sont dotées de leurs propres approches et priorités à l'égard de la façon dont les services doivent être assurés en vertu de cette loi. Si tel est le cas, nous devons assurer l'atténuation des risques liés à la prestation des services en vertu, éventuellement, de multiples lois régissant les Premières Nations.
    Nous voulons également soulever la question de la définition retenue dans cette loi. Il s'agit de la même définition des peuples autochtones que celle que l'on retrouve dans la Constitution. Cette définition n'inclut que les Indiens, les Métis et les Inuits. Pour bon nombre de nos organismes, ceci ne rend pas compte de nos populations actuelles. Nous desservons des populations plus étendues que celles qui sont admissibles en tant qu'Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens. Nous estimons également que l'emploi de cette définition irait à l'encontre de la Charte elle-même. Cela nous imposerait de faire preuve de discrimination à l'encontre de nos enfants, sur la base de leur statut, et peut-être sur la base de leur lieu de résidence.
    Les principes mis de l'avant dans ce projet de loi incluent la continuité culturelle, l'intérêt de l'enfant et l'égalité réelle. Ces principes ne constitueraient pas le fondement du projet de loi si cette définition des peuples autochtones devait être utilisée.
    Un autre enjeu dont nous souhaitons faire part est celui du financement fondé sur les besoins. Nous ne devons pas nous doter d'un moyen basé sur des formules pour assurer le financement de la protection de l'enfance. Celui-ci ne doit pas inciter à la prise en charge d'enfants autochtones. Il doit être fondé sur les besoins, il doit aussi être souple. Il doit être en mesure d'assurer le financement de nos modèles de service qui sont holistiques et basés sur la prévention. Enfin, il doit tenir compte de l'éloignement, de la complexité des besoins et de la disponibilité des ressources dans la région où les services sont fournis.
    Le dernier point sur lequel nous souhaitons attirer l'attention dans nos observations orales concerne l'expérience des praticiens fournissant des services en vertu de normes et de règlements imposés qui sont définis pour nous et nous sont fournis, plutôt qu'ils ne proviennent de nos communautés autochtones qui se seront chargées de les développer intégralement elles-mêmes, à partir de la base. Nous craignons que les dispositions de cette loi aient une incidence sur notre capacité à fournir des services de la façon dont nos Premières Nations nous le demandent. Si cela ne signifie pas pour autant que nous soyons en désaccord avec un aspect ou l'autre du projet de loi, sur ces questions, ce n'est pas au Canada qu'il revient de les fournir. C'est aux communautés autochtones qu'incombe cette responsabilité.
    Merci.

  (1305)  

    Très bien.
    Nous allons maintenant passer à la partie des questions de la réunion, en commençant par le député Will Amos.
    Merci à nos distingués experts.
    Je suis très intéressé par la question des aspects liés aux compétences. Tout au long de ces rencontres, nous avons eu une discussion intéressante sur le thème de la répartition des pouvoirs. Un professeur de droit de la Saskatchewan a affirmé que l'article 7 du projet de loi pourrait soulever des problèmes, tout particulièrement en ce qu'il fait référence aux provinces.
    J'ai entendu le commentaire de Mme Hensel au sujet de la compétence inhérente. Je prends note de ces propos. Malgré cela, je suis d'avis qu'une question touchant à la Constitution canadienne se pose néanmoins à cet égard. Je serais très curieux d'entendre Mme Hensel s'exprimer sur ce que la province de l'Ontario affirme être certaines des questions de compétence qui sont soulevées.
     Je serais également curieux d'entendre le point de vue de la ministre MacLeod sur la question de savoir si un problème particulier se pose quant à l'article 7, parce que celui-ci fait spécifiquement mention des provinces. Je soulignerais de surcroît que mardi, nous avons entendu le professeur Peter Hogg qui a expliqué de manière on ne peut plus claire, comme l'a fait le juge Sébastien Grammond dans un récent article, qu'il n'y a absolument aucune question de compétence constitutionnelle relativement au droit du gouvernement fédéral d'occuper ce champ afin de permettre le contrôle autochtone en matière de protection de l'enfance.
    La parole est à vous, madame Hensel.
    La ministre me corrigera si je me trompe. Au cours des dernières années, l'Ontario a tacitement reconnu, à tout le moins, la possibilité de l'exercice de la compétence inhérente de la part des Premières Nations en Ontario. Selon moi, ceci est tout à fait conforme avec le contenu du projet de loi. C'est ce que l'on entrevoit.
    Ceci étant dit, dans l'analyse de l'affaire Van der Peet, l'article 35 de la Constitution n'accorde pas non plus quoi que ce soit aux peuples autochtones. Il limite tout simplement les activités de la Couronne qui portent atteinte aux droits inhérents ou issus de traités que pourraient avoir les peuples autochtones. Telle est la règle du droit autochtone et la question de la compétence n'est qu'un élément de celle-ci.
    S'agissant de savoir si l'article 7 impose une contrainte à une province, je ferais valoir qu'en l'espèce, le Canada reconnaît tout simplement ses propres obligations prédominantes à l'égard des peuples autochtones et la responsabilité qui est la sienne de jouer un rôle de premier plan à cet égard. Je pense que c'est le cas de ce projet de loi.
    Les ministres Philpott et Bennett ont reconnu la nécessité cruciale d'agir en ce sens il y a un an à Ottawa, lors de la réunion interministérielle. Si peuvent se poser des problèmes de compétences, des difficultés d'ordre opérationnel et des défis sur le plan de l'interprétation, je maintiens ma suggestion antérieure selon laquelle l'aspect de la compétence, comme l'a souligné le chef Christian, est antérieur à tout ce qui s'est passé dans ces territoires au cours des 500 dernières années.
    La seule complication potentielle dans un cadre constitutionnel canadien et auprès d'un tribunal canadien non mentionnée est celle que représente la dernière étape des critères dits « Van der Peet » relativement à la justification, comme à savoir si l'atteinte à l'égard d'un droit inhérent est justifiée. À défaut de ressources, nous courons le risque que soit exercé un recours constitutionnel, avec succès, par une province ou par quelqu'un d'autre.

  (1310)  

    D'où la nécessité d'intégrer ce genre de chose dans le corps de la loi.
    Oui.
    Merci.
    Madame la ministre.
     En Ontario, nous reconnaissons que, sur les plans constitutionnel et juridique, les responsabilités des gouvernements fédéral et provinciaux se chevauchent en ce qui concerne les relations avec les Autochtones. Je pense que mon exposé a permis d'établir relativement clairement le fait que nous nous inquiétons davantage de la fragilisation, en quelque sorte, de certaines des normes que nous avons instaurées en Ontario du point de vue de la protection de l'enfance qui nous incombe.
    Comme je l'ai dit au ministre lorsque nous étions à Saskatoon, je faisais preuve d'un optimisme prudent et nous espérons que cette initiative sera couronnée de succès. Je souhaite simplement, ici, faire part de certaines des préoccupations qui sont les nôtres, tout particulièrement en ce qui concerne les articles 10 et 17 du projet de loi et leur signification quant à la Loi sur les services à l'enfance, à la jeunesse et à la famille. Devrons-nous apporter des modifications à cette loi?
    Telle est la raison pour laquelle je souhaite obtenir des précisions quant à ce qui se passera lorsque le projet de loi sera adopté. Vous disposez d'une majorité: je sais pertinemment comment fonctionne le système. Tous les aspects du projet de loi recevront-ils la sanction royale sur-le-champ ou les provinces et les territoires se verront-ils offrir l'occasion de prendre un peu de temps et de collaborer avec le gouvernement fédéral pour régler certains de ces détails?
    Comme je l'ai déjà dit, en Ontario, nous sommes très fiers de compter sur 50 sociétés d'aide à l'enfance dont 12 — et bientôt 14 — seront dirigées par des Autochtones. Je pense que nous accomplissons de grands progrès et mes deux homologues de l'Ontario qui se trouvent avec nous ici aujourd'hui et qui se sont exprimés sur le sujet de l'enfance et de la jeunesse dans ce contexte autochtone témoignent des possibilités qui s'offrent à nous.
    Il me semble que nous adoptons une approche axée sur la collaboration entre notre province et le gouvernement fédéral en ce qui concerne cette mesure législative. Si je ne peux affirmer que tel sera le cas pour chaque projet de loi, nous nous réjouissons indiscutablement à l'idée de faire en sorte qu'en l'espèce, nous nous préoccupions principalement non pas d'un groupe de politiciens à Toronto et à Ottawa, mais plutôt des enfants, des familles et des communautés.
    C'est ce que nous avons essayé de faire en Ontario et je veux tout simplement m'assurer qu'au coeur des préoccupations de ce projet de loi, au demeurant tout à fait louable, figure ce jeune enfant qui sera pris en charge par un programme de responsabilités traditionnelles en Ontario et qui continue de recevoir de telles mesures de soutien global.
    Telle est ma motivation. Tel est mon objectif. Je me soucie moins d'engager un débat d'ordre constitutionnel que de m'assurer que les normes dont nous nous sommes dotées dans notre loi et qui ont conféré des pouvoirs aux organisations de Mme Crowe et de Mme Stevens ne soient pas édulcorées. Tel est le défi qui se pose à nous à titre de législateurs et telle est simplement la situation dans laquelle nous nous retrouvons.
    Nous voulons tout simplement obtenir cette précision. Puisque je m'exprime au nom de mes collègues des provinces et des territoires, si je suis très heureuse de pouvoir converser de nouveau avec le ministre, je me réjouis indiscutablement de la possibilité qui m'a été offerte de me joindre à vous aujourd'hui et de faire part de certaines des préoccupations que nous avons à l'égard de la loi que nous avons déjà adoptée, notre objectif étant de veiller à en préserver l'intégrité.

  (1315)  

    Merci.
    La parole sera maintenant donnée à Mme McLeod.
    Merci, et j'espère partager le temps qui me sera consenti avec M. Waugh.
    J'ai déjà eu l'occasion de croiser Grace McCarthy. Je suis également originaire de Colombie-Britannique.
    Cette approche tournée vers l'avenir me plaît énormément. J'ai pu en être témoin là où j'habite, en Colombie-Britannique, et où des progrès importants ont été accomplis, comme on entend que c'est le cas en Ontario. Si nous comprenons que certaines autres provinces continuent d'être confrontées à des défis importants, je pense que tout le monde, que ce soit au niveau provincial... Tous les partis présents à la Chambre affirment que c'est important et que nous devons aller de l'avant.
    Je pense qu'on s'inquiète de la rapidité avec laquelle nous devons avancer en raison de la situation dans laquelle nous nous trouvons, compte tenu du cycle parlementaire. Il arrive parfois qu'on commette des erreurs lorsqu'on tente de faire avancer les choses trop rapidement. Si la capacité de recueillir le point de vue des provinces n'est pas sans poser de problèmes lorsqu'on tente de faire évoluer les choses rapidement, je pense que tout le monde s'entend sur la nécessité d'adopter les mesures qui seront les meilleures pour les enfants. Il me semble que cela va s'en dire.
    Je commencerai par Mme Hensel. J'ai posé cette question à quelques reprises, et j'ai obtenu deux réponses.
    En ce qui concerne l'article 88 de la Loi sur les Indiens, quelqu'un a souligné qu'il ne fallait pas toucher à cette loi en vertu de laquelle la province s'est manifestement vue concéder des pouvoirs à l'égard des enfants vivant dans les réserves. J'ai demandé s'il y avait lieu de supprimer cet article. Une personne a affirmé qu'il ne fallait pas y toucher puisque cela serait dangereux, et il me semble que les chefs du Manitoba ont exprimé l'idée selon laquelle il fallait intervenir.
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Si on se réfère à l'interprétation type...
    Il est question de la Loi sur les Indiens.
    ... de l'article 88, la loi provinciale s'applique dans les cas où le gouvernement fédéral n'a pas expressément occupé le champ de compétence ou lorsque la question ne touche pas l'indianité. À titre d'exemple, l'Ontario exerce, dans les faits, une compétence en vertu d'un accord de financement ou d'une relation physique et il n'y a aucune véritable délégation de pouvoir. L'article 88 stipule que la loi provinciale s'applique dans les cas où la question ne va pas au coeur de l'indianité et où le gouvernement fédéral n'a pas expressément légiféré autrement.
    Ce n'est véritablement pas le cas. Les provinces ont tout simplement assumé des pouvoirs et je pense que cette délégation de pouvoirs faisait l'affaire du gouvernement à l'époque. Cette opération a été réalisée par différents mécanismes, en différents endroits, mais si vous revenez aux principes fondamentaux qui concernent la répartition des pouvoirs et les compétences provinciales et fédérales, les relations avec les Autochtones relèvent clairement du mandat et de la compétence du gouvernement fédéral.
     Vous faites part de vos inquiétudes à l'égard de ce fossé dans cet exposé.
    Parce que les provinces ont occupé le champ de compétence, l'article 88 constituera un levier par l'entremise duquel les provinces pourraient envisager de contester, tout comme il permettra à d'autres d'insister sur le fait que les provinces continuent d'avoir une compétence exclusive en ce qui a trait aux enfants vivant dans les réserves.
    Je crains que cette question ne soulève des contestations. Je ne pense pas que tel devrait être le cas, mais cela représente une possibilité. Quant à leur chance de réussite, je suis d'avis que si on revient aux principes fondamentaux, rien ne vise plus directement ce qui permet de définir un peuple et son indianité que de savoir si, comment et dans quelle mesure un peuple est en mesure de se gouverner, en tant que tel, sur la question de la prise en charge de leurs enfants. Il s'agit-là d'une fonction gouvernementale essentielle et si nous comptons nous doter d'une forme quelconque d'autodétermination, les nations autochtones doivent avoir le droit de légiférer et de faire appliquer leurs lois.
    La question ne concerne pas simplement le pouvoir de prendre soin de leurs enfants. Elle concerne le droit de légiférer et de faire appliquer ces lois, y compris sur une base involontaire. J'estime que l'article 88 ne devrait pas s'appliquer.
    Madame la ministre MacLeod, la réunion que vous avez eue il y a quelques semaines à peine représentait-elle la première occasion que vous aviez de discuter avec les ministres sur la question du projet de loi C-92? Y a-t-il eu d'autres conversations?
    Nous aurions aimé que puisse se tenir un dialogue dans un contexte qui aurait permis aux seuls ministres d'y participer et nos voeux ne furent pas exaucés. Nous avons préconisé une telle approche. Mon collègue de la Saskatchewan, qui a présidé ce processus a fait preuve à cet égard d'un grand leadership. De nombreuses voix se sont exprimées autour de la table, ce qui, à mon avis, était important et nous a permis de recueillir de multiples points de vue.
    Je pense qu'en matière de protection de l'enfance — cette responsabilité incombe aux provinces, nous travaillons avec nos partenaires sur le terrain et je peux parler de la situation qui concerne plus précisément l'Ontario —, nous voulons nous assurer que les voix de nos communautés autochtones sont représentées. À titre de ministre responsable de la protection de l'enfance en Ontario, j'ai eu l'impression qu'elles n'étaient pas consultées adéquatement. Mon travail consiste à faire en sorte que leurs voix soient entendues autour de la table et j'ai directement fait part au ministre des Services aux Autochtones de mon optimisme prudent. Je veux que cette initiative soit couronnée de succès parce que les enfants autochtones de l'Ontario — et je ne doute pas que ce soit la même chose partout au pays — se retrouvent surreprésentés dans les sociétés d'aide à l'enfance et cela est véritablement déchirant. La même situation prévaut dans le cas des enfants LGBTQ+, de même que dans celui des jeunes de couleur.
    Comment pouvons-nous accomplir un meilleur travail? Si nous voulons bien évidemment compter sur un bon partenaire fédéral, solide, qui nous permet de réussir, lorsque nous avons sollicité nos partenaires autochtones — j'ai commencé à le faire en mars et nous avons renouvelé l'opération en mai —, ils n'avaient pas l'impression d'avoir été entendus.
    Je voulais tout simplement m'assurer, aujourd'hui, de venir me présenter ici pour souhaiter à ce comité et au gouvernement de connaître énormément de succès puisque celui-ci signifiera que les enfants sont protégés et que nous accomplissons des progrès. Je pense que nous devons toujours veiller à ce que, si des normes plus élevées ont été établies dans une province, nous nous employions à adhérer à celles-ci plutôt que de nous contenter de normes moins exigeantes. Je pense que ma présence ici aujourd'hui s'explique du fait que nous avons connu beaucoup de succès. Nous avons des partenaires incroyables. Ceux-ci accomplissent des choses extraordinaires. L'un des premiers gestes que j'ai posés après que j'ai été nommée il y a 11 mois — et j'ai eu l'occasion de servir dans cinq ministères — consistait à rencontrer mes collègues puisqu'il s'agit d'un problème grave pour notre province et que je sais que c'est également le cas ailleurs au pays.
     Nous devons poursuivre le dialogue. Je sais que de nombreuses voix tentent simultanément de se faire entendre puisque se pose une telle multitude de problèmes de compétence. Je suis cependant d'avis que la meilleure approche pour nous consiste à recueillir le point de vue de chacun et de veiller à ce qu'au fil de cette conversation, notre priorité demeure cet enfant de sept ans qui n'a ni mère ni père. Je comprends très bien qu'il faut tenir compte des compétences et que nous devons respecter la Constitution. Ayant moi-même rédigé une thèse sur le thème de la Constitution, je suis fort consciente de cette réalité. Ma priorité va cependant à cet enfant de sept ans.

  (1320)  

    Je n'ai pas pris le temps de Kevin?
    Comme vous vous êtes déjà exprimé pendant sept minutes, vous avez utilisé le temps réservé à Kevin et, en fait, l'intégralité du temps qui vous était consacré.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Blaney.
    J'aimerais vous remercier tous de votre présence ici aujourd'hui.
    J'aimerais débuter en posant une question au chef Christian et peut-être celle-ci intéressera-t-elle également Mme Hensel.
    L'un des aspects que vous avez mentionnés dans votre discours concerne la définition et la compréhension de la notion d'intérêt de l'enfant. Si on s'en réfère à ce que vous nous avez dit au sujet de votre communauté et du travail que vous avez accompli, il semble que cet aspect ait été fortement identifié. L'une des préoccupations dont on nous a fait part tient au fait que la définition d'intérêt de l'enfant pourrait être interprétée d'un point de vue colonial dans cette législation-cadre et ne tienne pas véritablement compte des valeurs fondamentales de la communauté autochtone.
    Je me demande si vous avez des recommandations, des réflexions ou des conseils à soumettre à notre comité quant à la façon dont nous devrions nous y prendre pour veiller à ce que cette définition soit affirmée de façon suffisamment forte dans ce projet de loi.
     L'un des éléments clés réside dans le fait que la définition doit être élargie afin d'inclure, en tant que considération primordiale, la famille, les communautés et la continuité culturelle. En définitive, lorsque nous sommes confrontés à cette situation au sein des communautés, il importe de se rappeler que nous connaissons les familles qui sont présentes localement et, traditionnellement, peut-être depuis 40 ans, et que nous savons véritablement de qui il s'agit. Il s'agit-là d'un aspect important et il convient de comprendre ces liens puis de bien saisir la famille élargie à l'extérieur de notre communauté au sein de la nation Tsilhqot'in. Cette définition doit être telle qu'elle englobe les familles et les communautés à titre de considération primordiale — la famille élargie et non simplement la famille biologique. Cette considération est vraiment importante.
    Il s'agit d'aspects qui permettront de la renforcer et de rehausser cette notion d'intérêt de l'enfant, laquelle, encore une fois, devrait être basée sur la culture et la nation en tant que telle s'agissant de déterminer la formulation précise de cette définition. Si on note des différences dans certaines cultures quant à ce à quoi pourrait correspondre cette définition, on retrouve un certain nombre de similitudes quant au lien avec la famille élargie, et c'est cet aspect qui importe véritablement. C'est ainsi qu'elle pourrait être renforcée.
    Voilà ce que nous avons remarqué dans le projet de loi. Il doit être renforcé à cet égard, puisqu'à défaut, il ne répondra pas aux besoins. Il propose une définition similaire à celle du gouvernement provincial qui ne donne pas nécessairement de bons résultats.
    J'ai appris à mes dépens, en Ontario, dans le cadre de l'itération précédente de ce qu'est devenue la LSEJF, que si on élabore un critère portant sur l'intérêt de l'enfant et que nous le soumettons à un tribunal canadien ou à un organisme non autochtone, il est interprété et appliqué d'une manière qui laisse une large place au contexte culturel. Non seulement subit-il une influence culturelle, mais l'intérêt de l'enfant représente un élément réel, crucial et central de la culture.
    Chaque fois qu'on applique une disposition qui répertorie différents moyens de garantir, de façon optimale, les besoins en matière de développement d'un enfant, par exemple, le milieu culturel dans lequel l'enfant est élevé déterminera comment procéder et ce qui constitue l'intérêt de l'enfant. Lorsqu'on soumet un critère tel que celui-ci à un tribunal non autochtone, on obtient une réponse non autochtone quant à la façon de répondre au mieux aux besoins en matière de développement de cet enfant autochtone et cette réponse est fréquemment la mauvaise.
    La loi ontarienne a désormais, en partie du fait de la cause que j'ai perdue devant la Cour d'appel de l'Ontario, renforcé la notion d'intérêt de l'enfant. On y précise que, pour les enfants autochtones, la culture est une considération primordiale. L'Ontario a renforcé cet aspect. Dans d'autres régions du pays, cette approche est appliquée de manière variable.
    Par conséquent, je suis d'accord avec Kukpi7 Christian qui estime que cette définition devrait être renforcée. L'aspect prédominant de la culture autochtone devrait être souligné et renforcé pour les fins du critère de l'intérêt de l'enfant qu'on y retrouve. Si on prend ce critère de l'intérêt de l'enfant et qu'on le soumet aux bons soins des responsables des lois inhérentes d'une nation autochtone ou qu'on tente d'y appliquer celui-ci, ceux-ci l'interpréteront et l'appliqueront d'une manière qui tient compte de leur culture et de leurs propres lois. Cela ne le rend pas nécessairement incompatible avec ces lois, aspect dont je sais qu'il constitue une préoccupation qui a été soulevée par d'autres.
    La situation est périlleuse. Lorsqu'on soumet le critère de l'intérêt de l'enfant à un organisme non autochtone, même s'il s'agit d'un organisme autochtone régi par une loi provinciale, ou à un tribunal non autochtone, on peut obtenir des résultats très médiocres, de sorte que cet aspect doit être souligné de manière constructive dans le texte de ce projet de loi.

  (1325)  

    Merci, j'en prends bonne note.
    Madame Crowe, j'ai pu noter votre intérêt. Auriez-vous quelque chose à ajouter?
    Je commencerais par dire que la notion d'intérêt de l'enfant doit être définie par les Premières Nations ainsi que par les communautés autochtones qui promulgueront des lois, plutôt que d'être mise de l'avant par le Canada. J'ajouterais cependant que je suis aussi d'accord avec ce qui a été dit, à savoir que si cette notion doit être définie, elle doit s'y retrouver.
    Ce qui m'a particulièrement intéressée au sujet de l'évocation, par Mme Hensel, du critère qui consiste à déterminer si un aspect relève de la compétence provinciale ou fédérale, ce qui renvoie à la notion fondamentale d'« indianité », comme le souligne la jurisprudence, est que je ne parviens pas à comprendre en quoi la protection de l'enfance et les services aux enfants et aux familles n'incarnent pas l'indianité, en vertu de ces critères. Je ne parviens donc pas à comprendre comment quelque province que ce soit pourrait faire valoir qu'elle n'avait pas la compétence constitutionnelle.
    La situation est délicate puisque manifestement, elle concerne les Indiens, ce qui, comme nous l'avons expliqué dans nos exposés, n'est pas acceptable.
    Mesdames Crowe et Stevens, permettez-moi de revenir vers vous. Vous avez évoqué certaines des préoccupations qui étaient les vôtres au sujet de la mise en oeuvre en tant qu'organisation supervisant plusieurs communautés autochtones, soulignant que vous craignez de délaisser certaines personnes.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Je citerai le cas de mon propre organisme, puisque c'est celui que je connais le mieux. Je dessers huit Premières Nations et elles n'appartiennent pas toutes aux mêmes organisations politico-territoriales. J'en compte au moins trois, voire quatre. Elles pourraient même choisir de ne pas se conformer à leurs organisations provinciales et territoriales. Elles pourraient choisir d'agir seules. Ceci complique la situation.
    J'ai également le mandat et l'intention juridictionnelle de desservir tous les peuples autochtones qui se trouvent à l'intérieur d'une très vaste région géographique où on retrouve des Autochtones vivant tant dans les réserves qu'en dehors de celles-ci. Pourraient également être incluses des personnes qui se déclarent autochtones et non seulement des Indiens, des Métis et des Inuits. Nous pourrions devoir gérer une loi de la nation métisse de l'Ontario, une loi des Chiefs of Ontario et une loi de la Première Nation d'Alderville. Nous pourrions nous retrouver avec plusieurs lois de sorte que la difficulté qui consiste à fournir les services tient à la nécessité de savoir quelle loi s'applique à chacun des enfants. Le travailleur de première ligne devra connaître et comprendre plusieurs lois. Même lorsqu'on est assujetti qu'à une seule loi, les services ne sont pas fournis de la façon dont ils devraient l'être.
    Merci.
    Ainsi se termine le temps qui nous était imparti. Nous avons l'obligation de siéger à huis clos de sorte que je crains que nous ne soyons un peu pressés. Avant que nous n'abordions les questions qui concernent notre comité, au nom de tous les députés, je tiens à vous remercier de votre présence, de votre présentation et des conseils dont vous nous aurez fait part dans le cadre de l'étude que nous faisons de ce projet de loi très important.
    Meegwetch. Merci d'être venus.
    Nous devons maintenant quitter la pièce.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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