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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 057 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 mai 2017

[Enregistrement électronique]

  (1555)  

[Français]

    C'est avec beaucoup de plaisir que je vous accueille tous à cette réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

[Traduction]

    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à M. McDonald. C'est la première fois qu'il est ici.
    Bienvenue, monsieur McDonald.
    Il en va de même pour M. Oliver.
    Bienvenue, monsieur Oliver. C'est un plaisir de vous avoir tous les deux ici.

[Français]

    Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Me Réjean Aucoin, président de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse, et Mme Julie Chamagne, directrice générale de la Halifax Refugee Clinic. Nous avons aussi parmi nous des représentants du Barreau du Québec, soit Me Antoine Aylwin, vice-président, et Me Marc Sauvé, conseiller principal, Service de recherche et législation.
    Bienvenue à vous tous.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Aucoin. Vous avez la parole.
    C'est en tant que président de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse que j'ai accepté votre invitation. Nous sommes très honorés de venir témoigner devant vous.
    Je pratique le droit depuis 25 ans, et j'accepte les certificats d'aide juridique. Étant donné que j'habite Chéticamp, sur l'île du Cap-Breton, des bureaux de Port Hawkesbury, de Sydney et d'Antigonish m'adressent régulièrement des clients. Quand il s'agit de clients francophones et que le bureau local d'aide juridique n'a pas d'employé bilingue, il m'arrive de recevoir des certificats d'Halifax, de New Glasgow et d'ailleurs.
    Mon nom ainsi que mon numéro de téléphone figurent également sur la liste des avocats qui offrent des services Brydges, dans le cas où un avocat francophone doit intervenir auprès d'un justiciable qui se fait arrêter en-dehors des heures ouvrables.
    En Nouvelle-Écosse, les bureaux d'aide juridique sont répartis partout en province et ils sont indépendants les uns des autres. Par contre, le personnel est embauché à partir du bureau principal, situé à Halifax.
    Depuis quelques années, j'accepte beaucoup moins de certificats en raison notamment de l'ampleur du travail que cela exige et du faible taux horaire payé par l'aide juridique. Par exemple, la dernière facture que j'ai envoyée à l'aide juridique faisait état de 35 heures travaillées au taux de 80 $ l'heure, soit le taux horaire versé par l'aide juridique, bien que j'aie travaillé 40 heures de plus.
    Au début de ma pratique en droit, j'ai fait le constat d'une situation, laquelle existe toujours et qui me déçoit énormément: le nombre de procès en français et de demandes de services en français est directement lié au nombre d'avocats francophones, francophiles ou Acadiens qui pratiquent en Nouvelle-Écosse.
    Pour ce qui est de l'aide juridique, la situation est encore plus critique, car peu d'avocats pouvant exercer en français acceptent des certificats. De plus, peu d'avocats de l'aide juridique sont embauchés. Actuellement, les services d'aide juridique comptent une avocate francophone, une autre se joindra à elle dans un mois et il y a également une stagiaire, qui pourrait obtenir un poste.
    Lorsque nous avons communiqué avec le directeur des services d'aide juridique offerts à Halifax afin de connaître le nombre de demandes de services en français qui sont présentées, nous nous sommes rendu compte que ce bureau ne compile pas de statistiques à cet égard. Nous trouvons cela malheureux, car il est très important pour nous, qui appartenons à une minorité, d'avoir ces données.
    On ne sait pas combien de clients sont francophones, et, parmi les clients qui pourraient potentiellement être francophones, on ne sait pas combien d'entre eux avaient demandé des services en français. On n'a pas de statistiques quant au nombre de gens qui accepteraient de poursuivre une affaire en français.
    En Nouvelle-Écosse, la politique consiste à ne fournir des certificats relativement à des services en français que lorsqu'il s'agit de causes en droit criminel. Même si une demande provient d'un client francophone, par exemple en matière de droit de la famille, la politique s'applique. Par contre, je peux vous dire que dans ma région, au Cap-Breton, je reçois régulièrement des certificats concernant des francophones qui se présentent au bureau d'aide juridique.
    Normalement, on remet au client une liste d'avocats bilingues avec lesquels il pourra communiquer. Au bureau d'Halifax, on m'a dit aussi que, s'il y avait une demande liée au domaine pénal, on essaierait quand même de trouver un avocat bilingue qui accepterait un certificat d'aide juridique. Au besoin, on fournirait même un certificat à quelqu'un de l'extérieur de la province.
    J'ai parlé à des gens dans quelques bureaux, dont le bureau central d'Halifax. On m'a dit que, sur les formulaires de demande d'emploi, il est toujours demandé si la personne parle français, surtout quand on cherche des avocats ou du personnel bilingue. Le bilinguisme est un atout, mais à l'aide juridique de la Nouvelle-Écosse, il n'y a pas de poste désigné bilingue.

  (1600)  

    À part dans les journaux locaux, on fait très peu de recrutement en ce sens. On ne s'adresse pas nécessairement à des universités, comme l'Université d'Ottawa, l'Université de Moncton ou l'Université McGill, où des étudiants bilingues sont formés.
    Il est regrettable également que les statistiques ne tiennent pas compte de certains clients francophones qui pourraient avoir besoin de l'aide juridique. En effet, pour n'importe quelle langue autre que l'anglais, c'est la case « autre » qui est cochée, ce qui ne permet pas d'obtenir des données représentatives.
    À mon avis, tant qu'il n'y aura pas d'offre active en matière d'aide juridique, par exemple à la GRC ou dans les régions où la demande est importante, les gens ne pourront jamais choisir entre le français et l'anglais ni obtenir que leur procès se déroule en français.
    Voici une anecdote à ce sujet. Au cours de mes 15 premières années de pratique, chaque client qui me consultait, même dans mon village, me disait craindre que le juge lui en tienne rigueur s'il demandait un procès en français. Cependant, au cours des 10 dernières années, la question ne s'est plus posée, soit parce que j'ai gagné quelques procès, soit parce que les gens ont appris, en se fondant sur ma réputation ou sur l'expérience de personnes ayant eu recours au système de justice, que les choses se passent autrement.
    Toutefois, on me dit que, dans des régions où il n'y a pas d'offre active et où il y a moins d'avocats francophones, cette situation existe toujours. Par mes contacts, j'ai aussi appris que très peu d'avocats bilingues acceptent des certificats d'aide juridique. C'est pourquoi, même dans les autres régions acadiennes, peu de services sont offerts en français.
    En ce qui à trait à la Commission canadienne des droits de la personne, j'ai eu l'occasion de traiter au moins un cas lié à cet aspect du droit. La personne assignée au dossier était bilingue. Même si le cas a été réglé sans la tenue d'une audience, nous aurions cependant pu poursuivre l'affaire en français.
    Un autre de mes clients a dû traiter avec la Commission pendant une dizaine d'années. Des personnes y parlaient le français, mais toutes les réunions avec les parties se tenaient en anglais. Les avocats proposés par la Commission étaient anglophones; les mémoires étaient rédigés en anglais seulement; les cadres supérieurs ne possédaient aucune compétence en français; et aucune offre active de services n'était faite, même lors des comparutions devant les tribunaux.
    Pour terminer, j'aimerais dire que notre association a ouvert un Centre d'information juridique bilingue où les gens ont la possibilité de trouver de l'information. Je n'ai pas les statistiques en tête, mais je crois qu'environ 20 % des gens demandent des services en français.
    Malheureusement, il est très difficile d'atteindre les justiciables qui vivent dans des régions rurales, par exemple à l'île du Cap-Breton ou dans le sud-ouest de la province. La majorité des demandes de services en français proviennent de la communauté d'Halifax, et elles sont déposées par des immigrants ou des gens originaires d'autres provinces, notamment le Québec et le Nouveau-Brunswick. Les gens des autres régions acadiennes font moins de demandes de renseignement.
    Merci beaucoup. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

  (1605)  

    Merci beaucoup, monsieur Aucoin.
    Nous allons maintenant passer à Mme Chamagne.

[Traduction]

    Je remercie monsieur le président et les membres du Comité de nous avoir lancé cette invitation. C'est vraiment un grand honneur pour notre organisation de pouvoir présenter son point de vue au Comité.
    En tant que directrice générale d'un petit, mais puissant organisme sans but lucratif, je cherche habituellement sans vergogne à demander des fonds et à faire connaître notre clinique, mais aujourd'hui, mon but va consister à vous donner une idée de la façon dont fonctionne notre organisme, de nos succès, des solutions que nous avons trouvées pour faciliter l'accès à la justice pour nos clients, et à vous décrire quelques-uns des défis auxquels nous faisons face et à vous présenter des recommandations basées sur notre point de vue particulier.
    Notre clinique a été fondée par un avocat de la région spécialisé en immigration, Lee Cohen, en juin 2000, pour répondre au manque chronique d'aide juridique pour les personnes qui présentaient des demandes d'asile en Nouvelle-Écosse. Aujourd'hui, après près de 20 ans, il n'y a toujours pas d'aide juridique pour les questions d'immigration et de réfugié dans la province.
    Comme de nombreux organismes sans but lucratif, nous avons commencé modestement et de façon informelle en utilisant des cafés et des salons, des sous-sols d'église et de minuscules bureaux partagés. Nous occupons aujourd'hui une maison située dans le secteur nord d'Halifax, qui nous a été donnée par un de nos bénévoles et sympathisants. Nous sommes un organisme communautaire de base, non gouvernemental. Nous fournissons des services d'établissement et des services juridiques aux demandeurs d'asile ainsi que pour les autres demandes d'immigration fondées sur l'existence de risques ou sur des motifs humanitaires. Nous avons également lancé des initiatives d'information et de défense des droits.
    On pourrait dire que nous sommes une aide juridique financée par le secteur privé, mais nous avons adopté un modèle unique puisque nous sommes un organisme composé de bénévoles. Nous nous en remettons aux bénévoles parce que nous n'avons pas les moyens de faire autrement, mais aussi, par principe. Il incombe à la collectivité d'aider ceux qui fuient les persécutions, et c'est un privilège pour elle de le faire.
    Nos volontaires de base sont des avocats communautaires qui se chargent gratuitement des dossiers de certains clients et qui, avec l'aide de notre personnel et de notre avocat bénévole principal, reçoivent une formation pour pouvoir représenter leurs clients devant la Section de la protection des réfugiés, ainsi que devant la Section d'appel des réfugiés, la Cour fédérale, la Section de l'immigration et à l'occasion devant d'autres instances.
    Nous avons également une liste d'interprètes bénévoles, de professeurs de français et d'anglais, de conseillers en santé mentale, d'assistants de recherche, d'accompagnateurs communautaires ou de copains, d'étudiants en placement et de stagiaires dans des domaines qui vont du travail social à la science politique, à la comptabilité, à la médecine et, bien sûr, au droit.
    Nous sommes financés par la Law Foundation of Nova Scotia et grâce également à des dons privés, complétés par des campagnes internes de collecte de fonds. Notre budget de fonctionnement est presque toujours inférieur à 200 000 $ par année, et cette année il était de 167 000 $.
    En Nouvelle-Écosse, comme vous pouvez fort bien l'imaginer, le nombre de demandeurs d'asile est beaucoup plus faible que celui qu'on retrouve dans les grands centres des provinces comme le Québec et l'Ontario, mais nous avons toujours 30 à 50 nouveaux clients par an, dont 75 % sont des demandeurs d'asile de première étape. Jusqu'ici, pour 2016-2017, notre taux de réussite devant la Section de la protection des réfugiés est de 83,8 %.
    Représenter les demandeurs d'asile est une tâche complexe et délicate. Les dossiers varient beaucoup pour ce qui est de la complexité juridique et il faut tenir compte d'autres aspects de la situation des personnes concernées, notamment les traumatismes, les barrières éducationnelles et linguistiques, les différences culturelles et les interdictions autant d'éléments dont il faut s'occuper ou qu'il faut contourner. Il faut du temps et de la sensibilité pour établir une relation de confiance. Nous avons des délais à respecter pour remplir les formulaires exigés et décrire les faits sur lesquels repose la demande d'asile, ainsi que pour réunir et classer les preuves destinées à corroborer les craintes du demandeur devant la Section de la protection des réfugiés, un tribunal quasi judiciaire qui, comme beaucoup d'entre vous le savent, applique un modèle d'interrogatoire basé sur l'ordre inverse.
    Une des réponses uniques que nous avons apportées aux particularités de l'audience devant la Section de la protection des réfugiés est notre programme de préparation des audiences qui nous permet, avec l'aide de bénévoles, avocats notamment, de préparer nos clients à témoigner en organisant une série d'audiences simulées. Nous procédons de cette façon parce que l'audience de la Section de la protection des réfugiés peut avoir des conséquences très graves. Une mauvaise décision de la commission peut déboucher finalement sur l'expulsion, ce qui peut entraîner de la persécution, voire la mort.
    Tous les jours, nous devons répondre à ces besoins en tenant compte de nos limitations qui découlent d'un financement insuffisant et irrégulier, qui exige du personnel qu'il s'occupe de collecte de fonds, en plus de fournir les services directs pour simplement conserver nos programmes. C'est notre réalité. Notre situation n'est pas unique, mais c'est celle de nombreux organismes sans but lucratif qui existent au Canada.
    Notre modèle s'est développé progressivement à cause de cette absence d'accès à la justice. Au cours des années, l'absence d'accès à certains services a entraîné la création d'un solide volet établissement au sein de la clinique, parce que les demandeurs d'asile n'ont pas droit aux services offerts par les agences et les institutions qui sont financées par le CICR. L'absence de services sociaux, médicaux et axés sur l'établissement a souvent un effet direct et entraîne des résultats positifs sur le plan juridique, de sorte que nous approchons la prestation de nos services de façon holistique. Le demandeur d'asile qui est sans domicile fixe, qui souffre de problèmes de santé physique ou mentale, ou qui n'a pas d'argent pour se nourrir n'est pas en mesure de préparer correctement sa demande.

  (1610)  

    En plus des besoins multiples de notre clientèle et des iniquités systémiques que vivent les demandeurs d'asile pour avoir accès à la justice et aux services de base, nous sommes également responsables d'établir, de gérer les rapports avec d'autres entités, gouvernementales et autres, selon ce qu'exige la situation de nos clients, et de communiquer avec ces entités. Il faut des avocats ou des accompagnateurs compétents et fiables pour gérer ces situations multidimensionnelles, même lorsque nous nous occupons de personnes qui ont droit à ces services, étant donné que l'admissibilité et l'accès véritable sont deux choses différentes.
    Je vais vous donner un exemple qui j'espère va bien illustrer ce rôle crucial. L'année dernière, nous avons pris le dossier d'une femme qui avait fui la violence physique terrible que lui infligeait son mari, qui avait de bonnes relations politiques dans leur pays d'origine. C'est un pays dont je ne peux même pas mentionner le nom ici, parce qu'elle est encore terrifiée et qu'elle vit encore dans la semi-clandestinité. Elle est arrivée dans nos locaux enceinte de son quatrième enfant, et elle s'est rendue directement dans un refuge, ce que nous avons facilité avec l'aide de notre personnel et de bénévoles. Nous l'avons ensuite rencontrée dans son refuge pendant plusieurs semaines, avec l'aide de plusieurs interprètes bénévoles — ce n'était pas le genre de demande qui peut se préparer en une seule séance — et nous avons appris en détail les souvenirs terribles qu'il lui était encore douloureux de raconter. Nous avons fait venir des bénévoles pour s'occuper des enfants de façon à pouvoir correctement préparer leur mère et bien évidemment, également pour éviter que les enfants entendent ces histoires horribles.
    Nous avons préparé pendant des mois sa demande et l'audience qui devait suivre; nous avons traduit les documents qu'elle possédait; nous avons fait de la recherche sur les abus des droits de la personne et les protections qui existaient dans son pays d'origine; nous avons dû apprendre sur-le-champ comment se réglaient les aspects urgents de la garde en droit familial; nous avons été en communication avec l'avocat de sa famille, la police et la Couronne pour le dossier pénal de son ex-mari; nous avons communiqué avec les refuges qui l'accueillaient pour les tenir au courant des différentes étapes du processus d'immigration; nous avons présenté des demandes d'aide au revenu auprès du ministère des Services communautaires; nous avons parlé avec les services de protection de l'enfance; nous avons trouvé de nouvelles écoles pour les enfants et nous avons aidé à les faire inscrire; nous avons répondu aux besoins médicaux de notre cliente, notamment en soins prénataux et ensuite, en soins pour les nouveau-nés; et beaucoup d'autres choses.
    J'ai le plaisir de vous dire qu'elle et ses enfants ont obtenu le statut de réfugié et qu'ils sont maintenant en train de demander la résidence permanente. Mais c'est voilà tout ce qu'il faut faire pour reconstruire une vie en assurant la sécurité des intéressés. Tout ceci exige que leur consacre du temps, de l'expertise, de la compréhension, de la souplesse et du capital humain.
    Ce cas me permet de présenter notre première recommandation. Il faut reconnaître et valoriser le rôle que les organismes communautaires et sans but lucratif jouent pour favoriser l'accès à la justice, en particulier pour les groupes marginalisés et désavantagés. Une bonne représentation juridique est un aspect essentiel d'une demande d'asile, mais il existe tellement d'autres facteurs qui jouent un rôle qu'il est absolument indispensable d'avoir un guide ou un accompagnateur. Les gens qui accomplissent ces tâches sont sous-valorisés, surchargés de travail et mal payés — lorsqu'ils le sont. Notre recommandation serait d'examiner soigneusement le rôle que jouent ces intervenants communautaires et créer des flux de financement fédéraux destinés aux collectivités et aux organismes communautaires et sans but lucratif qui travaillent avec les personnes qui ont besoin d'avoir accès au système de justice.
    Une autre recommandation serait d'utiliser les organismes communautaires comme le nôtre pour s'en servir comme des outils éducatifs très puissants. Comme je l'ai mentionné, nous avons une longue liste d'étudiants qui viennent de nombreuses disciplines, travail social, droit, qui font des stages, du travail pratique, des internats, des stages d'apprentissage dans notre organisation pendant l'année scolaire et pendant l'été. Ce modèle nous donne les moyens d'offrir à nos clients des services qu'une petite organisation comme la nôtre ne pourrait fournir si elle n'avait pas accès à ce genre d'aide pour faire ce qui suit: accompagner les clients à leurs rendez-vous médicaux, appeler les propriétaires et organiser les visites d'appartement, faire de la recherche détaillée sur la persécution contre les minorités ethniques en Éthiopie, calculer la partie provinciale et fédérale de la TVH qu'a payée l'année dernière notre organisation, préparer un mémoire sur l'accès aux services de santé mentale en Guyane et étudier la jurisprudence relative à l'exclusion prévue à la disposition 1F(a) pour un membre de l'armée nationale afghane. Cela résume uniquement les activités qu'a exercées notre équipe d'été la semaine dernière.
    J'utilise tous ces exemples pour démontrer non seulement combien il est essentiel pour notre petite organisation d'avoir ce pouvoir, ces compétences et ces perspectives, mais aussi que cela représente une occasion inestimable pour que les étudiants se familiarisent avec les demandeurs d'asile et pour qu'ils puissent appliquer leur théorie à des situations concrètes. Je recommande donc de continuer à financer les stages destinés aux étudiants — nous avons à l'heure actuelle deux étudiants qui ont obtenu des emplois d'été financés par le Canada — et plus précisément, de créer des fonds pour les diplômés en droit pour qu'ils puissent faire des stages rémunérés pour des organismes sans but lucratif. Cela atténuerait également les difficultés qu'ont de nombreux étudiants en droit à obtenir un stage.
    J'ai une recommandation au sujet de la détention à des fins d'immigration. Bien évidemment, cela a fait les nouvelles. Je ne vais pas m'appesantir sur ce point. Cependant, c'est une grave question d'accès à la justice, en particulier pour les provinces comme la nôtre, dans lesquelles les détenus à des fins d'immigration n'ont pas accès à l'aide juridique et ils sont incarcérés avec la population générale des établissements carcéraux.
    Ma dernière recommandation touche la langue, comme moyen d'accès à la justice. Les mots à eux seuls ne veulent rien dire pour la personne qui ne peut les comprendre. Il est essentiel d'accorder des fonds pour les interprètes pour qu'on ne se décharge pas de ce travail en le confiant à des organismes communautaires, à des membres de la famille ou à des collectivités, ce qui soulève de nombreux problèmes, tout comme élargir l'admissibilité aux programmes d'apprentissage de l'anglais financés par le gouvernement fédéral pour les demandeurs d'asile.

  (1615)  

    Je pense qu'à l'heure actuelle le taux de réussite est de 55 %. Si vous pensez au fait que plus de la moitié d'entre eux vont vivre de façon permanente au Canada et n'auront pas accès au programme d'apprentissage linguistique pendant plusieurs années, ce serait la plupart du temps une situation avantageuse pour tout le monde, qui renforcerait le sentiment d'appartenance de ces personnes et leur capacité à s'intégrer plus rapidement au marché de la main-d'oeuvre.
    Je vous remercie. Je me ferais un plaisir de vous fournir des détails ou des précisions et de répondre à vos questions ainsi qu'à vous parler d'autres idées ou recommandations que je pourrais avoir.

[Français]

    J'ai préparé mon témoignage en anglais, mais je suis prête à répondre aux questions des députés en français.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, madame Chamagne. C'est un plaisir de vous entendre.

[Français]

    Nous allons maintenant passer au Barreau du Québec.
    Messieurs Aylwin et Sauvé, la parole est à vous.
    Monsieur le président, monsieur l'ancien ministre de la Justice, messieurs les députés, je vous remercie.
    Le Barreau du Québec est l'ordre professionnel qui regroupe les 26 000 avocates et avocats du Québec. À ce titre, il doit assurer la protection du public, notamment par le contrôle de l'exercice de la profession. La protection du public comporte aussi une dimension sociétale. L'accès à la justice constitue un enjeu de société important, qui est lié au mandat du Barreau du Québec.
    Nous sommes heureux de contribuer aux travaux du Comité permanent de la justice et des droits de la personne concernant l'aide juridique parce que c'est à la fois une question de justice et de droits de la personne. C'est un sujet qui est primordial. En 2002, la juge en chef de la Cour suprême du Canada déclarait que l'aide juridique était un service public essentiel pour les Canadiens à faible revenu. Nous devons le considérer au même titre que les soins de santé et l'éducation. Le bien-être de notre système de justice et la confiance du public à son égard en dépendent.
    Ces propos, toujours d'actualité, sont souvent utilisés pour promouvoir une réforme de l'aide juridique tenant compte de la notion de service essentiel. Vous savez, le droit est la base de la démocratie et de la cohésion sociale dans la mesure où les citoyens y ont accès. La porte d'entrée est souvent l'aide juridique.
    Plus récemment, un rapport de la Colombie-Britannique revenait à la charge sur le même thème.

[Traduction]

Il énonce ce qui suit:
Il faut établir un large consensus qui reconnaisse que l'aide juridique est un service public essentiel. Tout comme l'éducation, la santé et l'aide sociale, c'est le quatrième pilier d'un engagement indéfectible à construire une société juste.

[Français]

    Le Barreau du Québec croit en ces paroles et fait des représentations auprès des différents ordres de gouvernement pour que cela soit reconnu.
    L'accès limité à l'aide juridique a des conséquences importantes sur les personnes qui se voient privées de droits fondamentaux, dont celui de l'égalité devant la loi. Les personnes vulnérables sont condamnées ou renoncent à leurs droits faute d'une représentation adéquate. Il y a aussi un coût important quant au fonctionnement du système judiciaire lorsque des personnes se représentent elles-mêmes.
    Dans une société de droit, il est fondamental que toute personne puisse être représentée adéquatement. Il est du devoir de l'État d'assurer une telle représentation dans le cas des citoyens les plus démunis et les plus vulnérables. Le réseau d'aide juridique du Québec a été mis en place pour fournir à l'ensemble des personnes défavorisées, particulièrement sur le plan économique, les services d'un avocat. Il a été mis en place dans les années 1950, année où existait un régime d'aide judiciaire basé sur le bénévolat des avocats.
    Cependant, au début des années 1970, il est devenu évident que le système ne parvenait pas à suffire à la tâche et qu'une intervention plus large était nécessaire. Le régime d'aide juridique québécois, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a été mis en place en 1973. Au Québec, il se caractérise par la mixité du régime, ou son caractère hybride, qui met à l'oeuvre des avocats permanents de l'aide juridique et des avocats de la pratique privée qui acceptent des mandats d'aide juridique pour lesquels ils sont rémunérés en fonction d'un tarif négocié.
    Je pense que le Québec est différent à cet égard des autres provinces parce que l'apport du secteur public se situe entre 40 % et 55 % chaque année. Il s'agit d'un régime hybride combinant la pratique privée et la pratique publique.
    La Loi sur l’aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques avait deux objectifs complémentaires: la défense individuelle des personnes défavorisées par des avocats et des notaires, et la transmission d'information juridique aux personnes défavorisées concernant leurs droits et obligations. Le fait que les avocats permanents salariés de l'aide juridique et les avocats en pratique privée soient en concurrence a permis de limiter les coûts et de réduire la bureaucratisation du système.
    Le premier volet de notre présentation vous donnera de l'information sur le régime du Québec, sur ce qui se passe actuellement et sur les discussions qui ont lieu avec le gouvernement provincial. Ensuite, nous parlerons de la contribution du gouvernement fédéral, c'est-à-dire le rôle qu'il devrait jouer sur le plan de l'aide juridique.
    En ce qui concerne le régime québécois, nos représentations sont faites en fonction de la prise en compte des groupes marginalisés. Même si les seuils d'admissibilité ont atteint, en 2016, celui du salaire minimum — il s'agit d'un rattrapage relativement à ce qui s'était passé au cours des dernières années —, il n'en reste pas moins que certains aspects du régime — qui date de 40 ans — devraient être modifiés pour faire en sorte que le régime demeure la meilleure façon de répondre aux besoins des plus démunis.
    Ainsi, le Québec est la seule province où le revenu annuel, et non pas le revenu mensuel, est utilisé pour établir l'admissibilité à l'aide juridique. Pourtant, quand les besoins d'ordre juridique apparaissent, c'est souvent parce qu'il y a une baisse de revenus, phénomène qui passe inaperçu si on se base sur les revenus touchés au cours d'une année complète. C'est une des difficultés que nous vivons, au Québec, pour ce qui est de l'admissibilité.

  (1620)  

    Il y a aussi la question de la clientèle désignée, dans le rapport de l'Association du Barreau canadien, Atteindre l'égalité devant la justice, comme étant celle des personnes qui vivent dans des milieux marginalisés. Dans le rapport du juge Cromwell, il est question des personnes pauvres et vulnérables qui sont particulièrement susceptibles de connaître des problèmes d'ordre juridique.
    Pour le juge de la Cour suprême, les personnes ayant de faibles revenus ou appartenant à des groupes vulnérables connaissent davantage de problèmes d'ordre juridique que celles qui touchent des revenus plus élevés ou qui appartiennent à des groupes en meilleure situation. Ces réalités préoccupent le milieu judiciaire et l'une des solutions réside en la création de cliniques spécialisées afin d'aider de façon plus efficace les plus démunis des démunis.
    En Ontario, on salue les initiatives visant à mettre sur pied des centres d'aide juridique spécialisés à l'intention de certaines clientèles.

[Traduction]

et l'African Canadian Legal Clinic, le South Asian Legal Clinic of Ontario, le Metro Toronto Chinese et le Southeast Asian Legal Clinic, le Centre for Spanish-Speaking Peoples et les Aboriginal Legal Services à Toronto.

[Français]

    Ces initiatives visent à aider des clientèles particularisées. L'approche est conforme à celle dont il est fait état dans le rapport Atteindre l'égalité devant la justice. En effet, la pierre angulaire de ce rapport est une justice humaine fondée sur les droits de la personne, c'est-à-dire tout ce qui touche les problèmes d'ordre juridique, les difficultés et les différends que connaissent aussi bien les personnes que les petites entreprises.
    Une première étape serait donc d'aider en priorité les personnes qui ont des besoins essentiels sur le plan juridique et de suivre l'approche des cliniques spécialisées afin d'éviter toute stigmatisation de ces clientèles. Un travail global devrait être entrepris pour permettre une diffusion élargie de l'information juridique et pour continuer à adapter celle-ci à des personnes vivant dans des milieux marginalisés, dont les personnes issues de groupes racialisés. Parfois, les ressources sont en place, mais ces populations n'y ont pas accès.
    Mme Chamagne faisait référence aux problèmes de traduction. Les personnes qui ne sont pas en mesure d'obtenir de l'aide en français ni en anglais au Québec n'accèdent pas à ces ressources.
    Je vous ai parlé de la question du revenu mensuel pris en compte pour déterminer l'admissibilité à l'aide juridique. Cette situation existe depuis 1996. Comme vous pouvez l'imaginer, elle crée plusieurs difficultés pour des personnes qui sont en perte d'emploi et qui ont des problèmes financiers. Divers problèmes d'ordre juridique peuvent survenir à ce moment-là: les personnes peuvent se voir opposer un refus de prestations d'assurance-salaire ou d'assurance-emploi, elles sont incapables de payer leur loyer, elles accumulent des dettes ou encore elles doivent composer avec des agences de recouvrement, et ainsi de suite.
    Un autre aspect est celui de la couverture des services. Ainsi, la gamme de services couverts par l'aide juridique a été réduite. Par exemple, les infractions dites sommaires en matière criminelle ne sont plus couvertes. Cela touche aussi le contexte fédéral, parce que certaines infractions émanent autant de lois fédérales que de lois provinciales. C'est seulement quand il y a des possibilités d'emprisonnement, de perte de moyens d'existence ou des circonstances exceptionnelles que l'aide juridique sera accordée.
    À notre avis, ces conditions sont beaucoup trop restrictives. Combien de personnes plaident coupables parce qu'elles n'ont pas accès aux services d'un avocat et qu'elles n'ont pas les moyens de se défendre alors qu'elles auraient de bons arguments de défense? Ces situations peuvent survenir dans des cas de discrimination généralisée et indirecte, comme le profilage racial.
    Combien de personnes, qui se sont représentées elles-mêmes, ont occasionné des ralentissements quant au fonctionnement des tribunaux? Ce sont des coûts supplémentaires que l'on peut difficilement comptabiliser, mais qui constituent une réalité que tout avocat ayant travaillé en salle d'audience et ayant vu une personne se représenter elle-même a pu constater.
    Il y a également l'enjeu lié aux négociations en cours concernant le tarif des avocats en pratique privée pour des services d'aide juridique. Les avocats du Québec revendiquent le droit, lorsqu'ils acceptent des mandats d'aide juridique, à une rémunération comparable à celle de leurs collègues des autres provinces, ce qui n'est pas le cas actuellement. Beaucoup de services sont payés à forfait et le nombre d'heures travaillées n'a alors pas d'importance. Cela constitue un incitatif négatif pour les avocats en pratique privée qui, en conséquence, hésitent à accepter des mandats d'aide juridique. Les statistiques sont éloquentes: il y a une nette diminution des mandats d'aide juridique en pratique privée et du nombre d'avocats qui acceptent des mandats d'aide juridique au fil des ans.
    Si je considère la période de 15 ans s'échelonnant de 2001 à 2016, il y a eu une diminution de 20 % du nombre d'avocats ayant accepté des mandats d'aide juridique, alors que le nombre d'avocats membres du Barreau a augmenté de 37 % pendant la même période. L'écart est considérable, tout comme la diminution du nombre d'avocats qui acceptent des mandats.

  (1625)  

    Parlons maintenant de l'engagement du gouvernement fédéral en matière d'aide juridique. Nous ciblons maintenant le rôle essentiellement financier que le gouvernement peut jouer dans l'amélioration des régimes d'aide juridique. J'aborderai les deux sujets suivants: les dossiers en droit de l'immigration et les cliniques spécialisées, dont j'ai un peu parlé plus tôt.
    Je veux profiter de l'occasion pour souligner le rétablissement du Programme de contestation judiciaire, qui constituait une revendication du Barreau du Québec. À notre avis, le fait de pouvoir obtenir des fonds pour des causes de ce type contribue à l'accès à la justice.
    Je vais vous avouer en toute franchise que, jusqu'à tout récemment, j'ignorais que le gouvernement fédéral finançait les services d'aide juridique en matière de droit de l'immigration et de droit criminel. En 2014-2015, selon les statistiques que nous avons pu obtenir, il y a eu un engagement de 23,4 millions de dollars, pour le Québec seulement, en matière criminelle. De son côté, le Québec a contribué à hauteur de 134,1 millions au programme d'aide juridique.
    La première demande que nous aimerions vous adresser, c'est de faire en sorte que l'information soit plus transparente. Il y a quelques années, en fait plusieurs années, le financement issu du fédéral était de l'ordre de 50 %, et le financement issu du provincial, de 50 %. Par la suite, des ententes fédérales-provinciales ont fait en sorte que les transferts ont été amalgamés. Il est alors devenu difficile pour nous, quand nous négocions avec le gouvernement du Québec, de connaître les sommes versées par gouvernement fédéral et de nous assurer que ces fonds sont utilisés pour soutenir le système d'aide juridique au Québec. Il s'agit d'ailleurs d'un sujet d'actualité puisque nous sommes en négociations et que nous avons besoin de ces données pour évaluer le système.
    Le gouvernement fédéral a certainement des responsabilités en matière de droit criminel et de droit de l'immigration. Cependant, quand il décide, à tort ou à raison — je ne suis pas ici pour juger — qu'il faut infliger des peines minimales, et quand le droit de l'immigration se complexifie du fait de nouvelles lois, cela rend le travail des avocats plus laborieux. Au cours des dernières années, le droit de l'immigration s'est énormément complexifié, et les besoins d'ordre juridique ont augmenté en conséquence. Toutefois, le gouvernement fédéral a pour responsabilité de veiller à que les personnes touchées puissent recevoir des services d'aide juridique et à ce que ceux-ci soient suffisamment financés.
    Les personnes qui sont admissibles à l'aide juridique en matière d'immigration doivent souvent faire face à de graves menaces. Je vous parlais des droits de la personne plus tôt. Des personnes sont exposées à des mesures de renvoi ou d'expulsion, elles se voient opposer un refus de citoyenneté, elles sont séparées de la famille et des proches. Elles vivent des situations pires que tout ce que vous pouvez imaginer. Au cours des dernières années, les exigences ont été plus nombreuses et complexes. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait tenir compte de cette nouvelle complexité au moment de planifier le financement qu'il accordera en matière d'aide juridique.
    Pour ce qui est des cliniques spécialisées, il existe dans le domaine de la santé des cliniques spécialisées qui tiennent compte des besoins culturels propres à la clientèle. Une telle approche dans le domaine juridique ne pourrait être que bénéfique. Il en va de même lorsqu'il s'agit de la réalité multiculturelle et autochtone qui existe au Canada. Il faut une aide fédérale qui vise particulièrement des communautés souvent marginalisées, au moyen de la bonification du financement en matière d'aide juridique. En ce qui concerne les cliniques spécialisées privées, nous croyons que cela demande l'engagement du gouvernement fédéral. L'objectif de ces centres spécialisés est d'assurer une représentation à des groupes précis à l'aide d'experts qui s'intéressent non seulement aux clients démunis, mais aussi à ceux qui sont marginalisés.
    Permettez-moi de résumer les recommandations que nous aimerions faire aujourd'hui.
    Premièrement, il faut tenir compte, dans le financement en matière d'aide juridique, des nouvelles exigences législatives et de la complexité accrue des dossiers en droit de l'immigration.
    Deuxièmement, il faut envisager une aide fédérale qui vise particulièrement les communautés ou les groupes marginalisés, laquelle se traduira par le financement des services d'aide juridique offerts par des cliniques spécialisées privées.
    Troisièmement, il faut faire connaître le mode de calcul du financement fédéral en matière d'aide juridique et augmenter la visibilité du financement fédéral.
    Merci.

  (1630)  

    Merci beaucoup, monsieur Aylwin, de votre présentation.
    Merci à tous les témoins.

[Traduction]

    Cela a été un plaisir de vous entendre tous.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Nicholson.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie pour les témoignages que vous avez livrés aujourd'hui.
    Maître Aucoin, vous avez déclaré que vous vous étiez occupé d'un certain dossier, mais n'aviez pas facturé 40 heures de travail que vous aviez fait. Vous n'avez pas facturé ce travail parce que l'aide juridique ne le couvrait pas ou parce qu'il y avait des limites quant au nombre d'heures que vous pouviez consacrer à ce dossier? De quoi s'agissait-il?
    Le nombre maximum d'heures qui est autorisé est habituellement de 20 heures par dossier. C'était un dossier complexe. J'ai donc demandé des fonds supplémentaires. On m'a accordé 15 heures supplémentaires, mais en fin de compte, j'ai demandé d'autres fonds et ils m'ont été refusés. J'ai comptabilisé le temps que je passais sur ce dossier et j'ai dû consacrer 39 ou 40 heures de plus.
    Très bien.
    Vous avez dit qu'il y avait des avocats bilingues qui n'acceptaient pas les cas d'aide juridique. Pourquoi? Est-ce simplement parce que les honoraires qu'ils vont obtenir sont insuffisants, ou est-ce parce que cela est trop compliqué? Quel est le problème?
    Je pense que c'est principalement une question d'argent parce que les taux fixés se situent entre 65 et 80 $ de l'heure. Donc, pour la plupart des avocats bilingues...
    On les paie entre 50 et 80 $ de l'heure?
    Non, entre 65 et 80 $.
    Et 80 $ de l'heure.
    Les avocats à qui j'ai parlé au cours des ans m'ont mentionné que c'était là une des raisons pour lesquelles ils n'acceptaient pas ce genre de dossiers. Dans mon cas, la situation est un peu différente parce que je suis à une heure et trois quarts ou deux heures de route du palais de justice. J'accepte les certificats de l'aide juridique parce que cela rembourse une partie de mes frais et je complète mes gains avec des clients privés.
    Quand ces honoraires ont-ils été augmentés la dernière fois?
    Ils étaient fixés à 70 $ de l'heure, et je crois que ce montant a été augmenté il y a trois ou quatre ans, et c'est le maximum.
    Eh bien, vous êtes en pleine période électorale en Nouvelle-Écosse.
    Madame Chamagne, vous pouvez peut-être répondre également à cette question. Est-ce un aspect qui a été soulevé? Demandent-ils aux représentants des différents partis politiques quelle est leur position sur cette question?
    Pas que je sache.
    Non, pour ce qui est d'offrir de l'aide juridique dans le domaine de l'immigration et des demandes d'asile, je sais qu'il y a eu des discussions, mais je ne sais pas où cela en est. Je sais que la représentation des réfugiés va être financée en partie par le gouvernement fédéral. Je ne sais pas très bien quel sera le mécanisme utilisé par la Nouvelle-Écosse, mais c'est certainement une question que je vais poser à tous les candidats.
    Mais personne, à votre connaissance, ne pose de questions au sujet des ressources affectées à l'aide juridique, au cours de cette élection provinciale.
    Non.
    Très bien. J'ai posé la question parce que cela m'intéressait.
    Pas à ma connaissance. Nous ne sommes pas directement concernés par l'aide juridique parce que notre organisation a un statut particulier.
    Je comprends.
    Maître Aylwin, vous avez fait quelques commentaires intéressants. Vous avez dit que la concurrence que se faisaient les avocats de l'aide juridique et ceux du secteur privé avait été une bonne chose. Parlez-moi de cet aspect. Se font-ils concurrence pour obtenir du travail?

  (1635)  

    Non. Premièrement, je serais très heureux que les politiciens fassent campagne pour rémunérer davantage les avocats, mais je ne pense pas que cela se fasse dans un avenir proche.
    Cela me paraît être une excellente idée, mais c'est une autre question.
    La concurrence a eu des effets positifs au Québec parce que cela a obligé le système public et le système privé à être efficaces. L'objectif qui a été fixé au moment de la mise sur pied du régime en 1972 consistait à permettre aux avocats de la pratique privée de continuer à prendre ces mandats pour l'organisme public — non pas d'accepter toutes les demandes, mais d'en arriver à un équilibre pour qu'il n'y ait pas d'avocats qui n'aient rien à faire et pour constituer une réserve, les avocats de la pratique privée.
    Toutefois, récemment, nous avons constaté que le rôle du système public se développait sensiblement parce que les avocats de la pratique privée n'acceptaient pas les mandats, comme Me Aucoin l'a mentionné, compte tenu de l'insuffisance des honoraires qu'ils recevaient, ou alors ils limitaient leur pratique aux mandats qui leur paraissaient rentables. C'est une question de volume. Par exemple, il y a un tarif qui est intéressant. Si vous plaidez coupable à une accusation, cela prend peu de temps et vous recevez une somme globale. Si vous avez 20 clients qui plaident coupables au cours d'une matinée, cela est très rentable pour l'avocat.
    Oui. Ce n'est peut-être pas une bonne chose pour les clients, mais malgré tout, je comprends.
    Ce n'est pas un tarif horaire, c'est un incitatif. Si le client n'est pas disposé à plaider coupable, l'avocat va examiner le dossier et se demander s'il est bon de le prendre en charge parce que, si l'avocat doit y consacrer beaucoup de temps, comme Me Aucoin l'a fait dans l'exemple qu'il a donné, cela ne vaudra peut-être pas la peine pour lui.
    Nous avons donc vu un changement. Mais au départ, le système avait été vraiment conçu pour que la responsabilité d'assurer l'aide juridique ne soit pas laissée uniquement à une catégorie d'avocats, mais puisque le nombre des avocats de la pratique privée qui acceptent les mandats diminue, nous devons utiliser d'autres avocats pour le faire. Aujourd'hui, avec l'arrêt Jordan, nous sommes devant une grande difficulté parce qu'il y a davantage de juges, il y a davantage de procureurs de la Couronne, il y a davantage de salles d'audience, mais il n'y a pas davantage de fonds pour l'aide juridique. Nous ne disposons pas de ressources supplémentaires pour traiter ces dossiers.
    Voilà qui est intéressant. Dans un de vos exemples, vous avez dit que les avocats de l'aide juridique pouvaient parfois bien gagner leur vie s'ils obtenaient un certain nombre de plaidoyers ou de déclarations de culpabilité pour des infractions punissables sur déclaration sommaire. Mais parfois cela peut être désavantageux pour l'avocat...
    Tout à fait.
    ... si l'accusé est inculpé d'une infraction mixte et que l'avocat consacre beaucoup d'heures à convaincre la Couronne à la traiter comme une infraction sommaire pour ensuite constater qu'ils obtiennent leur chèque de 150 $ par courrier ou autrement. Ce n'est donc pas nécessairement à leur avantage.
    Non, pas nécessairement.
    Non.
    Ils font le calcul.
    Oui.
    Il ne faudrait pas que le système contienne des incitatifs qui pousseraient les avocats...
    C'est vrai.
    ... à calculer quels sont les mandats qu'ils vont accepter et les mandats qu'ils refuseront.
    C'est une excellente remarque.
    Vous avez parlé des infractions sommaires pénales et du rôle du gouvernement fédéral. À part la création des infractions, qui est le rôle du gouvernement fédéral, cela n'a pas de conséquence... Vous en avez parlé au milieu de votre témoignage et j'ai peut-être mal compris ce que vous avez dit, mais vous avez fait directement référence au gouvernement fédéral pour ce qui est de l'aide juridique. Je me demande si vous pouvez nous en dire davantage là-dessus.
    Permettez-moi de préciser ce que je voulais dire. La responsabilité en matière d'aide juridique est un aspect que je relie au législateur qui adopte les lois.
    Très bien.
    Ainsi, les infractions sommaires sont une responsabilité partagée. Certaines infractions pénales relèvent des gouvernements provinciaux et d'autres du gouvernement fédéral. C'est donc une responsabilité partagée.
    Très bien.
    C'est ce que je voulais dire.
    Vous avez dit que les honoraires qui étaient versés aux avocats ne pouvaient se comparer à ceux que versaient d'autres provinces. Est-ce que vous parliez du Québec en particulier?
    Exactement.
    Quelle est la situation du Québec? Est-ce que les honoraires sont inférieurs, supérieurs ou se situent-ils au milieu?
    Ils sont inférieurs. J'avais quelques exemples.

  (1640)  

    Sont-ils inférieurs aux 65 à 80 $ de l'heure dont ils ont parlé pour la Nouvelle-Écosse?
    Nous n'avons pas de taux horaire. Comme Me Aucoin l'a mentionné, si vous vous occupez d'une enquête préliminaire...

[Français]

     il s'agit en fait d'une enquête sur remise en liberté —,

[Traduction]

l'avocat du Québec reçoit 150 $. L'avocat de l'Ontario reçoit 218 $. Pour l'avocat de la Colombie-Britannique, le montant est de 250 $. Vous pouvez constater que les honoraires en Colombie-Britannique sont supérieurs de 40 % à ceux du Québec pour le même genre de travail, et il y a beaucoup d'exemples de ce genre.
    Je peux vous parler d'une instance de divorce avec mesures accessoires. Au Québec, l'avocat reçoit 850 $. En Ontario, ce serait 3 000 $.
    Avez-vous bien dit que l'avocat recevait 800 $ pour le divorce? Est-ce un divorce non contesté? Vous dites qu'il n'y a pas de taux horaire pour ce genre de chose. Il y a des divorces qui durent indéfiniment à cause des batailles.
    Je ne voudrais pas vous induire en erreur. Je pourrais vous revenir et vous fournir une réponse exacte.
    Je vous remercie tous pour vos témoignages.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Boissonnault, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Aucoin, merci de votre comparution et de votre témoignage.
    Comme vous le savez, cela fait longtemps que les francophones en situation minoritaire doivent faire face à des difficultés, voire des obstacles, en ce qui a trait à l'accès à la justice.
    Pouvez-vous brièvement nous expliquer quelles sont les conséquences, sur le plan personnel, subies par un francophone, un Acadien ou un Canadien en situation minoritaire, lorsqu'il n'a pas accès au système judiciaire dans sa langue maternelle?
    Pouvez-vous nous dire ce qu'il en coûte, sur le plan personnel, à un citoyen canadien de ne pas avoir accès à la justice dans sa langue maternelle?
    Un avocat qui a été juge et qui est maintenant à la retraite m'a dit qu'il y a 25 ans — je commençais alors ma pratique —, il était anglophone et venait dans mon village une fois par mois. Il m'a confié que, dans bien des cas, ses clients finissaient par plaider coupable pour des actes criminels parce que c'était plus simple, plus facile et plus rapide que de demander un procès en français. Certains, qui étaient initimidés par un procès en anglais, préféraient même plaider coupable et terminer l'affaire.
    Je peux vous dire aujourd'hui que, malgré l'arrêt dans l'affaire Jordan, si je demande un procès en français, ce sera encore difficile. On vient de nommer quelques autres juges francophones, au niveau provincial, mais par le passé, il n'était pas rare de devoir attendre quelques années ou de se voir imposer automatiquement au moins une étape de plus puisqu'il fallait attendre qu'on trouve un juge francophone avant de déterminer une date pour la tenue du procès. Il y avait souvent des délais parce que le juge francophone ne venait sur place que tous les trois ou quatre mois. Dans ma région, nous n'avions accès qu'à un juge francophone, qui venait d'Halifax ou du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.
    On ne peut pas calculer les effets de cette situation d'un point de vue monétaire, mais je pense qu'il y a une perte sur le plan de l'identité. Les gens n'en sont pas fiers, ils doivent faire des revendications pour être capables de parler leur langue lorsqu'ils interagissent avec le système de justice de la Nouvelle-Écosse.
    Je vous ai décrit la façon dont cela se passait au cours des 15 premières années de ma pratique. En fait, j'ai été le premier avocat à demander des services en français à l'île du Cap-Breton. La première fois que j'ai fait parvenir une lettre à la cour pour demander un procès en français, la greffière m'a appelé et m'a demandé ce que contenait cette lettre. Elle m'a dit que je devais la lui faire parvenir en anglais, ce à quoi j'ai répondu que mon client était francophone et qu'il ne me payait pas pour écrire une lettre en anglais. Elle m'a alors demandé si je pouvais au moins lui dire ce que contenait la lettre, et j'ai accepté de le faire.
    Depuis ce temps, les choses ont beaucoup progressé en Nouvelle-Écosse. Des cours ont été offerts et des personnes bilingues ont été embauchées pour occuper le poste de greffier. Cependant, il reste énormément de chemin à faire.
    De façon générale, cette situation fait en sorte que les Acadiens craignent de demander des services en français.
    C'est donc une question de perte d'identité et de fierté.
    Nous allons bientôt célébrer les Jeux de la francophonie canadienne de Moncton-Dieppe. Pour cette occasion, le slogan « Right Fiers » a été adopté.
    Cependant, je constate en vous écoutant que les gens ne sont pas « Right Fiers » de demander des services juridiques en français. Ils pensent que le risque d'être trouvé coupable et de subir de longs délais est plus élevé. Ils craignent que ce soit plus coûteux et difficile sur le plan personnel.
    C'est même pire que cela. Des gens se sont présentés à la cour, à Halifax et à d'autres endroits, pour demander un procès en français et les greffières leur ont répondu qu'il n'y avait pas de juge francophone, alors que c'était faux. Les greffières ne savaient peut-être pas qu'il y avait des juges francophones. Cela s'est produit il y a quelques années. Les choses se passeraient peut-être différemment aujourd'hui, du moins je l'espère.

  (1645)  

    Merci, maître Aucoin.
    Comme nous le savons, cette question est fondamentale pour l'épanouissement des communautés en situation minoritaire.
    Je vais maintenant poser une question à Me Aylwin, du Barreau du Québec.
    La situation est devenue plus complexe, notamment en ce qui a trait au droit de l'immigration et au droit criminel.
    Dans votre système, y a-t-il des personnes qui, en plus de devoir faire face à un problème d'accès à la justice en raison de leur faible revenu, sont dans une situation d'intersectionnalité du fait qu'elles sont autochtones ou membres de la communauté LGBTQ2, par exemple?
    Êtes-vous en mesure d'aider ces personnes ou manquez-vous d'argent pour le faire?
    En fait, je répondrais par l'affirmative dans les deux cas. Certaines ressources ne sont pas accessibles à des groupes de personnes, surtout dans les cas liés à l'immigration où il y a des problèmes d'ordre linguistique. Par exemple, une clinique qui dispose de peu de ressources, notamment pour la diffusion des services qu'elle offre, ne fait pas sa publicité en 18 langues. Elle se limite au français et à l'anglais.
    Par ailleurs, il n'y a pas nécessairement de services qui tiennent compte de la réalité de ces personnes. J'ai parlé de cliniques spécialisées dans les situations où des groupes sont racialisés ou marginalisés. Dans de tels cas, notamment celui des réfugiés, il faut des gens qui comprennent la réalité de ces personnes et pas seulement des gens qui peuvent offrir les services. À cet égard, je vous dirais que nous n'avons pas vraiment de ressources.
    Madame Chamagne, je vais m'adresser à vous au moment de la deuxième série de questions.
    Maître Aylwin, vous avez dit qu'il faudrait être plus transparent au sujet de l'argent qui est transféré à ces fins, au Québec.
    Y a-t-il d'autres politiques que le fédéral pourrait modifier pour améliorer l'accès à l'aide juridique au Québec?
    S'il était possible d'obtenir plus de financement, quelles seraient vos trois priorités quant à l'utilisation de ces fonds?
    C'est une très bonne question.
    Je ne pourrai certainement pas vous dire que le gouvernement fédéral ne peut pas aider davantage. Je ne veux pas non plus me mettre à dos mes collègues du Québec qui travaillent au dossier de l'aide juridique. Dans le respect de ces compétences, il n'y a pas seulement la question de la visibilité qui compte, il y a aussi la question de l'engagement du gouvernement fédéral au chapitre de l'aide juridique.
    Une chose me vient en tête en premier lieu, c'est le terme « by design ». On crée des lois dans le domaine de l'immigration et dans le domaine criminel, qui créent des besoins.
    Je comparais devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne et je ne pense pas vous surprendre en disant que notre code criminel est à revoir complètement. Le fait de faire des lois compliquées entraîne la nécessité de prévoir plus d'aide juridique. Ce que vous faites d'un côté, vous le payez de l'autre.
    À la base, au premier niveau, il faut des lois plus simples et plus accessibles pour les citoyens.
    Pourriez-vous s'il vous plaît revenir aux trois priorités concernant le nouveau financement?
    Je l'apprécierais beaucoup.
    Je vais le prendre en note.
    Cela pourrait se faire avec vos collègues. Vous n'auriez pas besoin d'être sur le spot pour répondre à la question. Vous auriez ainsi plus de temps pour réfléchir.
    Étant donné que je dois écrire au greffier pour la question de Me Nicholson, je vais en profiter pour ajouter des éléments.
    C'est parfait. Merci.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Aylwin.
    Merci beaucoup, monsieur Boissonnault.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. MacGregor.
    Merci, monsieur le président.
    Maître Aylwin, je crois que vous avez fait un commentaire dans votre réponse à une question de M. Nicholson dans lequel vous faisiez un lien entre la responsabilité pour l'aide juridique et le niveau de gouvernement qui avait adopté la mesure législative en question. Pourriez-vous simplement répéter ce que vous avez dit à ce sujet?
    Oui. Cela se combine à ce que je viens de dire. Le besoin d'aide juridique est relié aux lois qui fixent les obligations des citoyens, que ce soit en droit pénal, en immigration, etc. C'est parce que le gouvernement a décidé d'adopter certaines mesures législatives que les citoyens ont besoin d'aide juridique. C'est ainsi que j'établis un lien entre le fait qu'il faut réglementer les règles de vie en société — c'est ce que vous êtes obligé de faire tous les jours — et le fait que de cette façon, il faut tenir compte du fait que chaque nouvelle mesure législative a des répercussions sur les citoyens, sur certains davantage que sur d'autres. Le besoin d'aide juridique découle de cette mesure législative.

  (1650)  

    Parfait. Merci.
    Cela m'amène à m'adresser à vous, madame Chamagne, parce que vous avez souligné, au cours de votre témoignage, que vos clients n'avaient pas droit à l'aide juridique.
    La dernière fois que j'ai vérifié cette question, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ainsi que tous les règlements d'application, était une loi fédérale et tous les commissaires qui siégeaient à la commission ou à la section de la protection des réfugiés étaient nommés par le gouvernement fédéral.
    À la lumière des commentaires de Me Aylwin, pourriez-vous commenter cet aspect et formuler quelques recommandations que le comité pourrait transmettre au gouvernement fédéral?
    Oui, je pense que c'est absolument... Me Aylwin parlait de la complexité des ajouts récents, effectués au cours des dernières années, pour ce qui est des lois sur l'immigration et des aspects intersectoriels. Si d'un côté, on impose une peine minimale obligatoire de six mois et que de l'autre, on refuse aux résidents permanents le droit de s'adresser à la Section d'appel de l'immigration — pour une différence d'un jour, en fait — alors il y a beaucoup plus de gens qui sont visés par ces connexions et comme nous le disions, cela divise les familles. Cela a des conséquences très graves.
    Nous sommes un petit organisme sans but lucratif. Tous les mois ou tous les deux mois, nous réunissons nos avocats bénévoles, nous les formons et ils représentent leurs clients par vidéoconférence devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. C'est un domaine du droit qui est fort complexe. Il évolue constamment et il comporte de nombreuses dimensions et de nombreux aspects.
    Bien évidemment, nous recommandons que le gouvernement fédéral finance l'aide juridique pour les dossiers d'immigration et les demandes d'asile et, comme je le disais, reconnaisse le rôle que les organismes communautaires peuvent jouer lorsqu'ils s'occupent de groupes marginalisés et vulnérables. Les cliniques spécialisées que vous avez mentionnées jouent un rôle très important, non pas seulement pour l'admissibilité, mais en matière d'accès: accès linguistique, accès culturel et soutien.
    Maître Aucoin, je n'ai pas de question à vous poser, mais je vais poursuivre sur ce que disait M. Boissonnault. J'assistais à une conférence sur le bilinguisme législatif et judiciaire, et j'y ai entendu l'écho de préoccupations qui sont les vôtres, lorsque des clients n'ont pas accès à des services juridiques dans leur langue maternelle. Les notions juridiques sont fort complexes, et lorsqu'il n'y a pas de service de traduction et d'interprétation, cela devient très compliqué. Je vous remercie donc d'avoir ajouté votre témoignage sur ce point.
    Maître Aylwin, j'aimerais vous adresser des questions. La province du Québec est la plus grande province du pays, et elle possède dans le Nord un territoire très vaste. Quels sont les principaux défis que rencontrent les programmes d'aide juridique et sont-ils particuliers aux régions isolées et rurales du Québec, dans le Nord, et en particulier pour les Premières Nations?
    Merci d'avoir posé la question.
    Nous nous occupons depuis quelques années de ce que nous appelons la « justice dans le Nord ». Nous nous sommes rendus dans le Nord pour savoir quelle était la situation de la justice dans cette région. Il est honteux de vivre dans un pays qui accepte la façon dont les indigènes et les Autochtones sont traités dans le Nord. Voilà ce que je peux vous dire.
    Nous avons lancé une initiative. Nous avons organisé il y a deux ou trois semaines une clinique dans le Nord. Nous nous sommes joints à ProBono Québec pour offrir des services, mais il y a tellement de problèmes qu'il est très difficile de les aborder tous. Il y a le problème de la langue. Il y a le problème de la culture.
    Pendant des années, nous avons préparé des guides. Ils ne veulent pas de documents écrits. Ils ont une tradition orale, de sorte qu'il faut trouver une autre solution. Il nous a fallu un moment pour comprendre que, même si nous voulions vraiment aider ces personnes, les moyens que nous utilisions pour le faire n'étaient pas très efficaces.
    J'utilise l'expression « les plus démunis des démunis ». Si vous regardez ce qui se passe à l'heure actuelle dans le Nord, vous saurez que c'est un désastre. Cette région est une des priorités.

  (1655)  

    Cela fait quelque temps que le Comité a examiné la question de l'accès à la justice. Nous avons étudié un certain nombre de projets de loi présentés par la justice.
    Pour en revenir au témoignage de l'intervenant précédent, je constate qu'il a principalement porté sur le fait que le volet fédéral de l'aide juridique est intégré au transfert canadien en matière de programmes sociaux. Le gouvernement fédéral affirme qu'il finance l'aide juridique, mais les provinces répondent: « Non, ce n'est pas le cas. »
    Cela arrive fréquemment, et il y a beaucoup de gens qui ont recommandé que le gouvernement fédéral fournisse des fonds distincts pour l'aide juridique.
    J'aimerais obtenir une précision; nous allons bientôt rédiger notre rapport, et j'aimerais savoir si vous appuyez cette recommandation.
    Absolument. C'est une de nos recommandations.
    Très bien, merci.
    Merci.
    Monsieur Bittle.
    Je vous remercie.
    Madame Chamagne, vous avez mentionné que vous aviez d'autres recommandations. Si c'est bien le cas, seriez-vous prête à en parler?
    Oui.
    Une de mes recommandations consiste à essayer d'atténuer les critiques qui ont compromis la réputation des demandeurs d'asile ces dernières années. Les demandeurs d'asile sont un groupe qui a été largement stigmatisé.
    Je sais personnellement que ces personnes ne veulent pas être qualifiées de demandeurs d'asile. Je crois que cela est relié aux termes qu'on utilise à propos des demandeurs d'asile, comme « fausse demande », « fraude » et « resquilleur ».
    Récemment, toutefois, on a entendu des choses un peu plus positives au sujet des réfugiés. Je crois qu'on a un peu perdu de vue les demandeurs d'asile et que les gens ne savent pas encore très bien à quoi s'en tenir. Une de mes recommandations serait de s'intéresser non seulement aux réfugiés qui ont l'aide du gouvernement et aux réfugiés parrainés par des personnes privées, mais aussi, d'une façon générale, aux demandeurs d'asile.
    Merci.
    Maître Aucoin, comment le gouvernement fédéral pourrait-il inciter davantage de juges et d'avocats bilingues à pratiquer ou à accepter davantage de mandats d'aide juridique? Je sais que vous avez parlé d'une augmentation des fonds, mais plus précisément, pour ce qui est des avocats bilingues, y aurait-il des façons d'en attirer davantage?
    J'ai toujours pensé que, si l'on affichait des emplois désignés, que ce soit des postes fédéraux ou gouvernementaux, il faudrait bien alors trouver des candidats bilingues. Tant que ça ne sera pas fait, qu'il n'y aura pas une offre active de service et tant que...
    Je suis heureux que la question du financement ait été soulevée, parce que, si le gouvernement fédéral décide de financer l'aide juridique, pourquoi n'aurait-il pas l'obligation de fournir des services comme le fait la GRC et d'autres ministères? Pourquoi cela ne se fait-il pas? Les Acadiens et les francophones pourraient alors avoir accès à ces services. Tant qu'il n'y a pas d'obligation, tant qu'il n'y aura pas davantage d'avocats et davantage de juges, la situation sera difficile.
    On a constaté une augmentation du nombre des avocats bilingues qui pratiquaient en Nouvelle-Écosse. Ils sont de plus en plus demandés et ils sont embauchés. La situation évolue donc. Elle n'évolue peut-être pas aussi rapidement que j'aimerais, mais elle évolue.
    Comme me l'a dit un agent de l'aide juridique d'Halifax, lorsqu'un candidat bilingue possède des compétences équivalentes, il est généralement nommé, après consultation du bureau local. Ils sont heureux d'avoir des employés bilingues. Il n'y a toutefois pas de poste ou d'emploi désigné pour ce genre de personne.
    C'est tout ce que je peux vous dire pour le moment.
    Merci.
    Je vais élargir cette question. Pourrait-on utiliser la technologie pour combler ces lacunes, en particulier pour ce qui est des langages minoritaires? Nous avons parlé des communautés isolées et rurales des Premières Nations. Pour les dossiers d'immigration et les demandes d'asile, ne pourrait-on pas utiliser la technologie ou l'utiliser d'une différente façon? Je suis avocat, et je sais que les tribunaux sont souvent réticents à adopter les nouveautés, mais pensez-vous qu'il soit possible d'utiliser la technologie pour améliorer la situation?

  (1700)  

    Puis-je intervenir sur votre dernière question?
    Absolument, oui.
    Lorsque le gouvernement fédéral affirme que les juges de la Cour suprême doivent être bilingues, cela incite de nombreux avocats canadiens à devenir bilingues. C'est une condition très positive, qui répond à la question que vous avez posée. Si nous voulons faire de la discrimination positive pour les universités ou les écoles du Barreau pour favoriser les francophones, ou pour que les personnes bilingues deviennent avocates... Je parle de la dernière possibilité, parce qu'il est plus facile de faire un avocat d'une personne bilingue que de rendre bilingue un avocat.
    Des députés: Oh, oh!
    Me Antoine Aylwin: Je sais qu'à l'Université Dalhousie, il y a, si je ne m'abuse, un programme pour les Autochtones. C'est une discrimination positive qui les favorise, pour que l'on puisse avoir des avocats autochtones. C'est peut-être une façon de remédier à la situation.
    Quant à l'emploi de la technologie pour l'accès à la justice, il y a malheureusement beaucoup de gens qui n'ont pas accès à la justice et qui n'ont pas non plus accès à la technologie. Ne vous méprenez pas, c'est une priorité pour nous. Il faut introduire la technologie dans les salles d'audience, il faut cesser de transporter autant de papier — non pas seulement pour la santé des avocats, mais tout simplement pour être plus efficace. Il est insensé de voir les quantités de papier qui se promènent dans notre système de justice.
    Dans le cas des personnes les plus défavorisées, qui ont des besoins fondamentaux, il faut savoir qu'elles n'ont pas souvent accès à la technologie. Pour fournir, des services, nous pourrions penser à offrir des services de traduction sur Skype, quelque chose du genre, comme plan de rechange. Mais je ne pense pas qu'il soit possible de fournir ainsi les services de première ligne.
    Je partage un peu ces réticences. Comme je le disais, toutes nos audiences devant la Section de la protection des réfugiés, se font par vidéoconférence — ce n'est pas ce que nous avons choisi, mais cela fait partie des changements législatifs introduits en 2012.
    Parallèlement, nous avons utilisé la technologie; nous avons utilisé les vidéoconférences; nous avons participé à la mise sur pied d'une clinique satellite qui fonctionne de la même façon que notre modèle au Nouveau-Brunswick, et qui ne peut offrir l'aide juridique pour les dossiers d'immigration et de demandes d'asile. Elle s'appelle la New Brunswick Refugee Clinic. Nous sommes en contact avec cette clinique, bien évidemment, par téléphone. Je ne sais pas si cela est de la technologie; elle existe depuis un moment. Nous sommes également en contact par vidéoconférence, et c'est une bonne façon de préparer nos clients à ces audiences.
    Cela serait fort utile, non seulement en raison du volume incroyable de papier utilisé et d'arbres détruits, mais aussi parce que pour nous, lorsque nous envoyons par courrier des dossiers volumineux à la Commission de l'immigration et des réfugiés de Montréal, cela nous coûte 30 $ à chaque fois. Il serait bien préférable de pouvoir simplement scanner ces dossiers et d'envoyer ces documents par Internet. Les frais postaux sont très élevés, en fait, pour une petite organisation.
    Oui, je pense qu'effectivement la technologie a un rôle à jouer.
    Si je peux ajouter quelque chose, vous parliez, monsieur Boissonnault, de ce que le gouvernement fédéral peut faire. Je sais que vous ne préparez pas les règles de la Cour fédérale, mais vous préparez les lois.
    Les règles ne favorisent pas le recours à la technologie et à des pratiques efficaces. Nous perdons tellement de temps à faire des copies et à vérifier que les marges sont correctes, et ce genre de choses, que nous perdons de vue ce que nous essayons de faire.
    Nous essayons parfois de très bien faire les choses, mais je ne sais pas si nous obtenons vraiment ce que nous souhaitons, en adoptant des règles aussi compliquées.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions brèves que les membres du Comité aimeraient poser.
    J'aimerais souhaiter maintenant la bienvenue à M. Levitt et à M. Duguid, qui se sont joints à nous aujourd'hui. C'est une bonne chose que vous soyez ici.
    Monsieur Boissonnault.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Chers collègues, merci d'avoir mentionné que les juges à la Cour suprême doivent maintenant être bilingues.
    Le Programme de contestation judiciaire est une priorité pour les ministres Joly et Wilson-Raybould. Quand je siégeais au Comité permanent des langues officielles, comme secrétaire parlementaire, c'était une question importante pour nous.
    Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il s'agit d'un gain pour la communauté et pour le principe d'accès à la justice. Je suis content de vous l'entendre dire.
    Comme vous le savez, le Comité permanent des langues officielles est en train d'étudier la question de l'accès à la justice dans le plein respect de la Loi sur les langues officielles. Je vous encourage à suivre ses travaux de près.
    J'aimerais d'abord vous faire une suggestion. Ensuite, je vais poser une question à Mme Chamagne.
    Nous avons vu que l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, où ACUFC, voulait avoir davantage de médecins francophones. Selon cette association, il n'y avait pas assez de francophones inscrits dans les programmes de médecine. L'ACUFC a alors fait un sondage auprès de tous les étudiants inscrits en médecine partout au pays, peu importe la langue dans laquelle ils avaient étudié. Selon ce sondage, 642 francophones et francophiles disaient vouloir offrir des services en français au cours de leur carrière dans le domaine médical. C'était le tiers du nombre d'étudiants inscrits partout au pays.
    J'encourage fortement le système de justice et vos collègues à faire la même chose auprès de tous les étudiants inscrits en droit, parce que je pense qu'il y a là des bijoux à trouver.
    Comme vous l'avez dit, on peut former quelqu'un une fois qu'il a appris la langue, mais pas dans la situation inverse.
    Madame Chamagne, j'aimerais savoir si vous avez eu l'occasion, au cours de vos démarches, de travailler avec des personnes autochtones ou des personnes de la communauté LGBTQ2 en ce qui concerne les réfugiés?

  (1705)  

    De plus en plus, je dirais. En fait, je n'ai pas eu l'occasion de travailler avec les populations autochtones, mais j'ai eu la possibilité de le faire avec la population LGBTQ+.
    Nous avons eu des cas de personnes venant du Yémen, de l'Arabie saoudite, de l'Ouganda et d'un peu partout dans le monde. Nous avons eu non seulement beaucoup de demandes d'asile, dont nous nous occupons, bien sûr, mais aussi beaucoup de demandes sur la question de savoir s'il s'agissait d'une bonne idée pour ces personnes d'entreprendre cette démarche. Parfois, des étudiants étrangers sont venus nous demander si cela valait la peine de perdre leur statut d'étudiant. Nous accomplissons beaucoup de travail concernant cette question à la Halifax Refugee Clinic.
    D'ailleurs, nous offrirons une séance de formation et d'information aux avocats bénévoles de la clinique et aux autres bénévoles au sujet du nouveau guide.
    S'agit-il du nouveau guide s'adressant aux réfugiés?
    Oui, merci.
    Il s'agit en fait des nouvelles directives de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada portant sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre. La formation vise à mieux faire comprendre les changements et les obstacles en ce qui concerne la représentation de la population LGBTQ.
    Ma prochaine question s'adresse à tous les témoins.
    Il s'agit d'une question ayant un élément de collaboration entre les échelons provincial, territorial et fédéral.
    Si nous étions capables d'avoir un programme de formation ou de trouver plus de moyens pour aider à former les avocats en ce qui concerne les personnes marginalisées — surtout dans les domaines du droit criminel et du droit de l'immigration —, croyez-vous que cela susciterait de l'intérêt auprès des avocats?
    Est-ce quelque chose que nous pourrions aborder avec les systèmes de justice de vos propres provinces?
    Premièrement, pour ce qui est de votre invitation à suivre les travaux du Comité permanent des langues officielles, je vous inviterais à lire le mémoire du Barreau du Québec qui lui a été envoyé tout récemment. L'automne dernier, j'ai comparu devant ce comité pour parler de la traduction des jugements. C'est un sujet qui nous préoccupe beaucoup.
    Deuxièmement, pour ce qui est de la formation des avocats concernant des personnes marginalisées, l'École du Barreau a eu une initiative au cours de la dernière année qui visait une personne d'origine autochtone. Cela a été couronné de succès. Nous pensons donc que nous pouvons viser d'autres groupes marginalisés afin de les faire cheminer dans le système de justice et pour qu'ils deviennent des avocats. Cela devrait effectivement être une façon d'aider ces gens à sortir de la marginalisation.
    Cela va au-delà du droit. Cela porte sur le fait d'avoir des modèles et des personnes à qui se référer par la suite. Pour nous, c'est très positif.
    C'est un bel exemple. Merci.

[Traduction]

    Maître Aylwin, j'ai soulevé, avec les témoins précédents, des questions concernant la Charte des droits et libertés et l'aide juridique, en particulier les articles 7 et 15. C'est une grande coïncidence qu'il y a quelques semaines seulement, la Single Mothers' Alliance BC a lancé une poursuite devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Elle invoquait les articles 7 et 15, et elle soutenait que les conditions d'admissibilité à l'aide juridique étaient si restrictives en Colombie-Britannique, en particulier, qu'elle touchait le droit des femmes à être en sécurité.
    Il y a eu un cas où une femme a essayé d'échapper à un mari violent et où les obstacles auxquels elle a fait face dans le système juridique ne lui ont pas permis de s'éloigner de ce conjoint violent. Aux termes de l'article 15, nous avons l'égalité devant la loi et le droit de ne pas faire l'objet de discrimination. Je me demande si vous connaissez cette affaire. Avez-vous des idées sur l'application des dispositions constitutionnelles à la question de l'aide juridique? Je sais qu'il y a eu des décisions judiciaires sur cette question, mais j'aimerais avoir votre avis.

  (1710)  

    Oui, nous avons entendu parler de cette affaire. Je ne dis pas que nous ne pourrions pas intervenir à l'avenir. Nous avons eu des discussions au Québec au sujet des nouveaux tarifs. Avec le nouveau code de procédure civile, le coût des divorces non contestés a triplé. Nous en sommes arrivés à nous demander si les coûts n'ont pas atteint un niveau tel que les personnes ne peuvent pas divorcer parce qu'elles n'ont pas les moyens d'assumer le coût de dépôt d'une demande de divorce devant les tribunaux. C'est évidemment une grave question. Je sais qu'il n'est pas facile de modifier la Charte, mais j'aimerais qu'il soit reconnu expressément que les conseils et la représentation juridiques sont un droit fondamental dans notre société.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur McKinnon.
    J'aimerais poser une question à Mme Chamagne. J'aimerais parler davantage des barrières culturelles à l'accès à la justice, auxquelles vous avez fait référence, je crois, en relation avec les réfugiés.
    Y a-t-il une réticence culturelle à demander de l'aide ou est-ce que le système ne tient pas compte des différences culturelles qui existent entre les personnes qu'il dessert?
    Ces différences peuvent prendre des formes très variées. J'essaie de penser à des exemples. Les gens ne se souviennent pas toujours des choses de la même façon. Dans de nombreuses cultures, les gens n'estiment pas que les dates sont aussi importantes qu'elles le sont dans notre culture et aussi importantes pour une demande d'asile. Il y a des demandeurs d'asile qui sont réticents à parler de leurs traumatismes, parce que cela les leur ferait revivre, à cause d'aspects culturels ou dans le cas de l'accès aux services de santé mentale, à cause des problèmes culturels et de stigmatisation.
    Les obstacles culturels vont dans les deux sens. Je constate parfois que la façon dont une personne témoigne, quand elle le fait selon sa culture, soulève des questions de crédibilité, par exemple, au sujet des motifs pour lesquels cette personne ne peut pas se souvenir d'une date importante. Cela revient à transposer nos valeurs culturelles aux demandeurs d'asile et à leurs expériences. C'est à cela que je penserais. Bien évidemment, chaque situation est différente et c'est cela qui justifie la nécessité de mettre sur pied des cliniques juridiques spécialisées. C'est un aspect que nous ne devons jamais oublier lorsque nous recueillons les témoignages et les versions de nos clients, et lorsque ces derniers témoignent.
    Pensez-vous que cela fait partie des inégalités systémiques que vous avez mentionnées ou que cela pourrait être un aspect beaucoup plus vaste?
    Oui, je crois qu'elles le sont. Cela varie peut-être d'une province à l'autre, et je ne peux parler que de la Nouvelle-Écosse et des choses qu'ont vécues certains de nos clients. Le manque de sensibilité culturelle qu'ont les agences gouvernementales et les autres organismes est une des principales raisons pour lesquelles les gens n'ont pas accès aux services auxquels ils pourraient avoir droit. Je parlais des différences entre l'admissibilité aux services et l'accès réel aux services.
    J'aimerais revenir sur un aspect dont a parlé M. MacGregor. Il parlait de vos commentaires selon lesquels il n'y avait pas d'aide juridique pour les réfugiés.
    Je crois savoir qu'il n'y a pas de financement pour tout ce qui touche la CISR. Est-ce ce que vous vouliez dire ou est-ce plutôt le fait que ces personnes n'ont pas encore obtenu la résidence permanente ou le statut de citoyen, ce qui les exclut pour une raison ou pour une autre des autres aspects de l'aide juridique?

  (1715)  

    Non. Je peux vous préciser autant que je peux cet aspect parce que je ne suis pas une porte-parole de la Nova Scotia Legal Aid, mais les demandeurs d'asile et les personnes qui n'ont pas la citoyenneté ou la résidence permanente ont accès aux services de l'aide juridique dans différents domaines, en droit de la famille et en droit pénal, s'ils répondent aux conditions d'admissibilité financière.
    C'est le domaine juridique qui n'est pas financé et non pas la personne.
    Je vous donne une dernière occasion de nous enseigner quelque chose et je vous demande de m'expliquer à moi, qui ne suis pas avocat, ce qu'est le modèle d'interrogatoire en ordre inverse.
    Vous avez dit que le processus...
    Au lieu que ce soit l'avocat qui pose des questions à son témoin, l'interrogatoire selon l'ordre inverse qui est pratiqué à la Section de la protection des réfugiés est mené par un des commissaires. Cela peut soulever des problèmes. Il est également difficile à nos avocats bénévoles de s'habituer à ce système.
    Merci de m'avoir éclairé.
    Merci, monsieur McKinnon.
    Monsieur Falk, vous êtes le suivant.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Maître Aylwin, vous avez déclaré que les taux de rémunération variaient d'une province à l'autre. Ces taux sont-ils établis par les provinces?
    Exactement.
    Avez-vous proposé dans votre témoignage de confier au gouvernement fédéral le soin d'établir ces taux pour les provinces?
    Ce n'est pas quelque chose que je propose. Je voulais simplement vous informer de la situation actuelle. Nous sommes en négociation à l'heure actuelle. Nous avons décidé, au cours des négociations, de comparer la rémunération prévue par les différentes provinces. C'est ce que nous sommes en train de faire.
    Je pensais qu'il serait utile que vous connaissiez les raisons des différences qui existent entre les provinces. Le fait que nous ayons un solide régime public explique peut-être en partie pourquoi il existe une telle différence, parce que les gens ont davantage de possibilités au Québec qu'ils en auraient ailleurs.
    Seriez-vous en faveur de l'uniformisation générale du barème de rémunération?
    Je crois que cela serait difficile à mettre en oeuvre parce que, si vous regardez les différents systèmes d'aide juridique, chaque province décide quelles sont les questions qui seront acceptées et comment elles le seront. Je crois qu'il serait très difficile de comparer les décisions qui sont prises par les différentes provinces.
    Si vous parlez d'adopter des normes pour l'immigration ou les délinquants, cela pourrait se justifier, mais si vous parlez de l'ensemble de l'aide juridique du côté civil, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de confier cela au gouvernement fédéral.
    Très bien. Parfait. Merci.
    Madame Chamagne, je vous remercie également d'avoir livré votre témoignage. Pourriez-vous me décrire les bonnes pratiques que votre organisme a adoptées à l'égard des réfugiés? Je crois que vous en avez parlé un peu au cours de votre témoignage.
    Comme je le disais, cela dépend en fait du dossier. Nous essayons d'intervenir en adoptant un point de vue très souple et positif. Cela me paraît important. Évidemment, nous parlons beaucoup de ce dont je parlais, qui est une approche holistique à la prestation de services, qui regroupe l'accès à la justice et d'autres services pour que la personne puisse bien présenter son dossier à la Commission de l'immigration et de la protection des réfugiés.
    Bien évidemment, nous essayons de conserver une distance professionnelle, tout en aplanissant également les différences de niveaux. C'est une excellente chose que d'établir une relation de confiance.
    Vous occupez-vous principalement des personnes qui sont légalement entrées au Canada et qui ont présenté une demande d'asile ou de personnes qui sont entrées illégalement?
    Nous nous occupons principalement des demandeurs d'asile ainsi que des demandes fondées sur des considérations humanitaires et des demandes d'immigration fondées sur le risque.
    Quant à savoir comment ces demandeurs d'asile sont entrés au pays, je dirais qu'Halifax est une ville universitaire importante, et qu'il y a donc des étudiants étrangers qui sont ici depuis plusieurs années et dont la situation dans le pays d'origine est reliée à leurs opinions politiques. Il arrive que la situation dans leur pays change et que leur financement soit coupé; ils risquent alors de perdre leur statut d'étudiant et d'être ainsi obligés de quitter le Canada ou d'en être expulsés. C'est à ce moment qu'ils présentent une demande d'asile.
    Nous sommes également une ville portuaire et il y a des gens qui arrivent sur des porte-conteneurs et à l'aéroport. Nous avons eu quelques clients qui sont venus en passant par le Nouveau-Brunswick et qui ont présenté leur demande dans un bureau intérieur lorsqu'ils sont arrivés à Halifax.
    Nos clients arrivent donc ici de nombreuses façons différentes.

  (1720)  

    Merci.
    Je vous remercie.
    Je ne pense pas qu'il y ait d'autres questions.
    J'aimerais remercier tous les témoins qui sont venus aujourd'hui. Vos témoignages nous seront fort utiles lorsque nous passerons à l'étape de la rédaction de notre rapport.

[Français]

    Je vous souhaite une bonne journée.

[Traduction]

    La séance est levée.
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