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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi , l’énoncé économique qui a été présenté l’automne dernier. Comme l’ont fait remarquer un certain nombre d’intervenants, le débat d’aujourd’hui sur ce projet de loi est quelque peu ironique, car il est supplanté par un budget fédéral qui sera présenté la semaine prochaine.
Je dois souligner que cela fait plus de deux ans que le dernier budget a été présenté par le gouvernement, et c’est un record, mais pas un record dont un gouvernement devrait être fier. Tous les pays du G7 et toutes les provinces et tous les territoires du Canada ont déposé un budget l’an dernier. Lorsqu’un gouvernement ne présente pas de budget au Parlement, cela constitue un manquement fondamental à l’obligation de rendre des comptes à la population canadienne et au Parlement.
Lorsque j’ai eu le privilège d’être élu à la Chambre des communes il y a une douzaine d’années, l’une des premières choses que j’ai apprises est que l’une des principales responsabilités d’un parlementaire est d’examiner les dépenses du gouvernement. C’est pour cela que nous sommes envoyés ici par nos électeurs. Lorsqu’un gouvernement fédéral ne présente pas de budget, c’est une violation fondamentale de la responsabilité que nous avons envers les gens qui nous ont élus.
Cela dit, ce projet de loi me donne l’occasion de soulever certaines questions cruciales que, à mon avis, les Canadiens voulaient voir exprimer à l’automne, lorsque cet énoncé financier et ce projet de loi ont été présentés, et qu’ils veulent voir traiter dans le prochain budget. Je vais parler de plusieurs de ces priorités qui ne sont pas seulement des priorités pour les gens de Vancouver Kingsway, mais qui reflètent les aspirations et les besoins des gens partout au pays, dans toutes les collectivités.
Mes collègues ne seront pas surpris de m’entendre, en tant que porte-parole en matière de santé, commencer par certains problèmes de santé fondamentaux qui, à mon sens, doivent être abordés dans le prochain budget et que l’énoncé n’aborde pas de façon tangible et importante. Il a été noté à maintes reprises tout au long de la pandémie de COVID que si cette crise a créé de nombreux problèmes, elle en a également révélé d’autres, qui sont graves et de longue date. L’un d’eux est la crise de longue date des soins de longue durée au Canada.
Récemment, l’Institut canadien d’information sur la santé a publié des renseignements qui révèlent que le Canada a le pire bilan de tous les pays développés en ce qui concerne les décès dus à la COVID dans les établissements de soins de longue durée. Cela fait suite à des rapports antérieurs qui montraient que le taux de mortalité au Canada dans les établissements pour personnes âgées est le plus élevé parmi les pays de l’OCDE. C’est une honte internationale. Les données révèlent également que bon nombre de provinces et territoires ont tardé à agir et que des mesures auraient pu être prises pour éviter un grand nombre des décès survenus. À l’échelle internationale, les données soulignent que de nombreux autres pays étaient mieux préparés à une éventuelle épidémie de maladies infectieuses et ont consacré davantage de ressources et de fonds à ce secteur.
À quelques exceptions notables près, comme la province dont je suis originaire, la Colombie-Britannique, le rapport de l’ICIS indique que les leçons tirées de la première vague de la pandémie n’ont pas donné lieu à des changements dans les résultats lors de la deuxième vague, l’automne dernier, ce qui s’est traduit par un plus grand nombre d’éclosions, d’infections et de décès. Cette situation est inexcusable. Cela signifie que de nombreux décès d’aînés canadiens auraient pu et auraient dû être évités.
Certaines provinces ont pris des mesures rapides et efficaces pour régler les problèmes de longue date dans le domaine des soins de longue durée. Encore une fois, le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique a été l’un de ces chefs de file, prenant des mesures opportunes pour augmenter les ressources en personnel, interdire le travail entre plusieurs emplacements et relever les normes de soins. Ce leadership est confirmé par les données qui montrent que la Colombie-Britannique avait les meilleurs chiffres de toutes les administrations comparables. Cependant, la crise des soins de longue durée et le besoin urgent en ressources et changements législatifs sont d’envergure nationale. Les aînés ont le droit de recevoir des soins adéquats dans chaque province et chaque territoire, et pas seulement ceux qui ont la chance de résider dans certaines provinces qui réagissent aux problèmes.
Le prochain budget est le moment idéal pour répondre à l’appel répété du NPD pour une action fédérale urgente afin d’établir des normes nationales contraignantes dans le secteur des soins de longue durée au Canada, avec un financement fédéral lié au respect de ces normes.
Il s’agit notamment de facteurs très importants comme le respect des heures minimales de soins qui, je le note, ont été décrites récemment comme un minimum de six heures de soins pour chaque personne âgée en établissement de soins de longue durée. Nous avons besoin de ratios patients-aides qui permettent aux personnes qui travaillent dans ces foyers d’être en mesure de donner le genre de soins de qualité pour lesquels elles sont formées et qu’elles veulent désespérément fournir, et nous avons besoin de conditions de travail décentes pour tout le personnel. Il a été dit que les conditions de travail sont les conditions des soins. Nous devons veiller à ce que ce travail qualifié effectué par des travailleurs qualifiés — majoritairement des femmes d’ailleurs, souvent racialisées et historiquement sous-estimées — soit enfin reconnu pour les soins de santé publique essentiels qu’il représente, et rémunéré en conséquence.
En parlant de soins de santé publique, nous devons enfin nous attaquer aux problèmes de la prestation de services à but lucratif. Il est temps que nous construisions un secteur de soins de longue durée fondé sur la prestation de services à but non lucratif, de préférence par l’intermédiaire de notre système de santé publique et du secteur à but non lucratif. Les données sont accablantes, anciennes et claires: les soins à but lucratif réduisent les normes de soins, car il est évident qu’ils détournent vers les actionnaires et les profits de l’argent qui devraient aller directement à nos aînés, et qu’ils incitent à la réduction des coûts. Cela est confirmé par le fait que, de manière générale, le taux de mortalité, le taux d’infection et les mauvaises normes de soins sont plus élevés dans les systèmes de prestation à but lucratif.
Les problèmes nationaux exigent des solutions nationales. Il est temps que notre gouvernement fédéral agisse. Nos aînés canadiens le méritent.
Je voudrais parler d’un autre problème qui ne date pas d’hier et qui souligne le grave dysfonctionnement des politiques publiques, depuis des années, en ce qui concerne la capacité du Canada de produire des vaccins et, à vrai dire, la plupart des médicaments essentiels. Mes collègues se souviendront que l’été dernier, ou l’été d’avant, nous avons connu une grave pénurie d’Epipens au Canada, et qu’à quelques semaines près, nous aurions carrément manqué de ce médicament indispensable à la survie de Canadiens, surtout de jeunes Canadiens.
C’est manifestement là ce qui explique, entre autres, le déploiement particulièrement difficile de la campagne de vaccination, mais pas que. L’insuffisance de notre capacité de production se fait ressentir dans toutes sortes de domaines, notamment des médicaments d’importance vitale pour bon nombre de Canadiens, qui doivent alors faire face à des problèmes d’approvisionnement. Cette situation montre combien les Canadiens sont vulnérables face aux entreprises pharmaceutiques internationales et même aux gouvernements étrangers, en temps de crise.
Or, la situation était bien différente auparavant. Pendant sept décennies, les laboratoires de recherche médicale Connaught ont été une entreprise canadienne publique non commerciale, qui faisait partie des grands producteurs mondiaux de médicaments et de vaccins et qui, à partir de leur siège établi à Toronto en 1914, produisait un vaccin contre la diphtérie.
Cette entreprise s’est considérablement développée après la découverte de l’insuline par des Canadiens, à l’Université de Toronto, en 1921, si bien qu’elle est devenue un grand fabricant et distributeur d’insuline, au prix coûtant, au Canada et à l’étranger. De par son mandat non commercial, elle a permis de garder ce médicament accessible à des millions de gens qui, sinon, n’auraient pas pu se permettre de l’acheter. L’entreprise a également contribué à de grandes avancées médicales au XXe siècle, notamment l’insuline, la pénicilline et le vaccin contre la poliomyélite.
En 1972, Connaught a été rachetée par la Corporation de développement du Canada, laquelle appartenait au gouvernement fédéral et était chargée de développer et de financer des sociétés sous contrôle canadien, avec des investissements publics et privés. Connaught fournissait des vaccins aux Canadiens au prix coûtant, les fabriquait dans notre pays, et les exportait à des prix raisonnables. Elle n’avait pas besoin de l’appui financier du gouvernement. Elle faisait même des profits, qu’elle réinvestissait dans la recherche médicale. C’était un magnifique exemple d’entreprise publique.
Malgré ce bilan remarquable, Connaught a été privatisée en 1986 par les conservateurs de Mulroney pour des raisons purement idéologiques. Les libéraux sont tout autant à blâmer pour ce manque de vision catastrophique qui a rendu les Canadiens particulièrement vulnérables en 2021. Ils ont été au pouvoir pendant 19 ans après la privatisation, ils ont eu 15 ans de gouvernement majoritaire pendant lesquels ils pouvaient faire tout ce qu’ils voulaient, mais malgré cela, les libéraux n’ont jamais levé le petit doigt pour rétablir un système public de fabrication de médicaments, de sorte que, lorsqu’ils disent aux Canadiens que nous ne pouvons pas produire des vaccins à un rythme suffisant au Canada parce que nous n’avons pas la capacité de production, les Canadiens sont tout à fait justifiés de les regarder droit dans les yeux et de leur demander pourquoi ils les ont laissé tomber.
Pourquoi les gouvernements fédéraux conservateurs et libéraux qui se sont succédé ont-ils laissé tomber les Canadiens au point de les rendre tributaires d’une poignée de fabricants de vaccins établis dans d’autres pays, pour des vaccins d’importance vitale? C’est là le résultat des décisions prises par les gouvernements libéraux et conservateurs, et les Canadiens sont aujourd’hui en droit de leur demander des comptes.
Les Canadiens ne doivent plus jamais se retrouver dans une position aussi vulnérable. En tant que pays du G7, nous devons avoir pour priorité sanitaire absolue d’être autosuffisants pour tous les médicaments et vaccins essentiels, et j’attends avec impatience le budget de la semaine prochaine. Je rappelle que l’énoncé économique ne parlait absolument pas de la création d’une entreprise publique de fabrication de médicaments au Canada. Or, en créant ce genre d’entreprise, on pourrait démultiplier la recherche publique faite dans les universités canadiennes où, soit dit en passant, la plupart des nouvelles molécules et des nouveaux médicaments trouvent leur origine, et les transformer en médicaments novateurs, à un coût raisonnable, dans l’intérêt du public et pas dans celui des entreprises privées.
En cette année où nous allons célébrer le centième anniversaire de la découverte de l’insuline au Canada par des Canadiens, profitons-en pour renforcer notre capacité de fabrication de médicaments. Nous l’avons déjà fait. Nous en sommes capables. J’aimerais bien que cela figure dans le budget de la semaine prochaine, faute de quoi, j’invite mes collègues libéraux à m’expliquer pourquoi ce ne serait pas une bonne idée.
Pour passer à une autre question fondamentale, je dirai que les libéraux sont au pouvoir depuis six ans maintenant. C’est suffisant pour dresser un bilan. Lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir en 2015, notre pays faisait face à une grave crise du logement. Les libéraux ont eu six ans pour la régler. Où sont les logements abordables? Le fait est que la crise n’a cessé d’empirer depuis qu’ils ont pris le pouvoir. Les jeunes Canadiens de toutes les régions du pays n’ont aucune chance de pouvoir acheter un logement, et on compte aujourd’hui des millions de Canadiens qui vivent dans des logements précaires et qui ne peuvent pas trouver de logements décents, pas plus à louer qu’à acheter.
À mon avis, le logement est un droit humain fondamental et répond à un besoin essentiel à la santé et à l’épanouissement de tout individu. C’est aussi un déterminant fondamental de la santé, parmi l’ensemble des déterminants sociaux qui contribuent au bien-être des Canadiens. Chaque Canadien doit pouvoir avoir accès à un logement. Il est tout simplement inacceptable qu’un pays aussi riche que le Canada soit incapable de fournir à chaque citoyen la possibilité d’acquérir son propre logement, surtout quand on pense à la vaste superficie du pays et à sa faible densité démographique. Posséder un logement n’est pas un luxe, c’est une nécessité.
Je crois que l’itinérance et le logement précaire sont des fléaux sociaux qui devraient nous faire honte en tant que société, mais ils ne sont ni inévitables ni insolubles. Avec des ressources financières et un engagement politique suffisants, il n’y a tout simplement aucune raison pour qu’un pays riche du G7 comme le Canada ne soit pas en mesure de garantir que chaque citoyen puisse avoir un foyer abordable, sûr et décent.
La situation actuelle est manifestement le fruit de décennies de mauvaises politiques à tous les paliers de gouvernement, qu’ils soient fédéral, provincial ou municipal. À mon avis, plusieurs facteurs ont contribué à cette calamité, notamment un gouvernement fédéral qui a été largement absent du dossier du logement depuis la fin des années 1980, un manque d’investissement public dans le logement abordable de tout type, des lois extrêmement laxistes qui permettent l’entrée de capitaux étrangers considérables dans nos collectivités, des capitaux qui déstabilisent les prix des maisons au pays, et une croyance erronée selon laquelle l’industrie du développement immobilier privé peut fournir des logements abordables et le fera. Tous ces facteurs ont contribué à créer une situation désastreuse dans laquelle des personnes qui ont fait d’énormes sacrifices et qui ont tout fait dans les règles ne peuvent même pas acheter une maison modeste dans les collectivités où elles vivent et travaillent.
Je crois que nous avons besoin d’une approche sur plusieurs fronts pour remédier à cette situation inacceptable et nous garderons un œil attentif sur le budget à venir pour voir s’il fait une place à ces suggestions. Je pense que la solution passe par un programme national avec un leadership fédéral et l’exploitation de la créativité et de l’innovation locales. Plus important encore, l’approche met à contribution l’entreprise publique.
Les solutions comprennent des restrictions musclées et efficaces visant les investissements de capitaux étrangers dans l’immobilier résidentiel, en particulier dans les marchés locaux en surchauffe où le coût du logement n’a aucune commune mesure avec le revenu moyen ou les salaires des habitants locaux. Pour quiconque cherche une preuve de l’effet déstabilisant des capitaux étrangers, qu’il suffise de regarder un endroit comme le Lower Mainland, où les maisons se vendent, 2, 3, 4 et 5 millions de dollars alors que 98 % des personnes qui travaillent ici ne peuvent pas se les payer. Qui les achète? Ce ne sont certainement pas les habitants de nos collectivités.
Nous avons besoin d’encouragements fiscaux qui favorisent la construction d’immeubles locatifs abordables, pas seulement des immeubles locatifs du marché, mais des immeubles locatifs abordables. Nous devons veiller à ce que tous les lotissements au-delà d’une certaine taille comportent un nombre minimum de logements vraiment abordables appartenant peut-être à perpétuité aux municipalités, comme on le fait à Vienne.
Nous devons créer un ambitieux programme national de coopératives d’habitation en vue de construire 500 000 logements au cours des 10 prochaines années. Il pourrait s’agir d’une version moderne du programme extrêmement efficace des années 1970 et 1980, avec des objectifs élargis et un engagement ferme envers le principe de l’établissement du loyer en fonction du revenu, disons au plus 30 %. Je sais que la vie en coopérative ne convient pas à tout le monde, mais elle représente un modèle éprouvé qui permet de loger des personnes de différentes situations familiales, de tous âges et de toutes catégories socioéconomiques et qui offre la sécurité d’occupation, un logement abordable et la possibilité de vieillir sur place.
On trouve encore un grand nombre de ces merveilleuses collectivités à Vancouver Kingsway et je crois que ce concept peut être exploité pour loger une nouvelle génération de Canadiens. Voyons si, la semaine prochaine, le gouvernement fédéral fera preuve de la créativité nécessaire en proposant un solide programme national de coopératives d’habitation.
Nous devons donner suite à chacune des suggestions liées aux initiatives qui s’inscrivent dans la campagne Recovery for All. Je pense que tous les parlementaires ont probablement reçu ce document qui suggère d’excellentes politiques fédérales sur des choses qu’ils peuvent mettre en place dans leur coin de pays. Nous avons besoin d’une loi efficace sur la stratégie nationale du logement, de la nomination d’un défenseur fédéral du logement et de membres d’un conseil national du logement ayant du mordant.
Au bout du compte, un logement sûr et digne représente un besoin fondamental et essentiel sans lequel la capacité de chacun à participer de façon utile à la société ou à réaliser son potentiel est sérieusement compromise. Il doit s’agir d’une priorité de premier plan. J’aimerais pouvoir dire que c’est ainsi que pense le gouvernement fédéral, mais vu son manque de progrès significatif à ce jour dans ce dossier crucial, je ne peux que conclure qu’il n’est pas disposé à affecter les ressources ou à adopter les politiques qui sont vraiment nécessaires pour réagir convenablement à cette crise.
Je sais que les libéraux vont se lever pour dire que c’est une priorité pour eux, mais je leur demande une fois de plus de me montrer les logements. Après six ans au pouvoir, peuvent-ils me montrer où sont les dizaines de milliers de logements abordables qui auraient pu et qui auraient dû être construits au cours des six dernières années. Ils ne peuvent pas le faire. Ils vont trouver toutes sortes de piètres excuses, comme le fait que le logement prend du temps. Je leur rappellerais qu’après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement du Canada a construit en 36 mois 300 000 logements abordables pour les soldats de retour au pays. Voilà ce qu’un gouvernement qui a le logement à cœur peut faire et fera.
J’exhorte le gouvernement actuel à faire de la création, de la construction et de la multiplication de logements abordables de toutes catégories une priorité politique de premier plan dans le budget à venir. Après tout, il nous incombe à tous de veiller à ce que chaque membre de notre communauté dispose d’un logement convenable.
Enfin, je tiens à dire un mot sur les changements climatiques. En politique, peu d’enjeux sont de nature existentielle. La crise climatique à laquelle notre planète est confrontée en est un. Le GIEC a déclaré à maintes reprises que nous avons moins de 10 ans pour prendre des mesures concrètes et inverser les répercussions calamiteuses qui se produiront si nous ne le faisons pas. Je tiens à souligner que les émissions de carbone ont augmenté au cours du mandat du gouvernement depuis 2015. En fait, depuis le début des années 1990, malgré les promesses répétées de réduire les émissions de carbone d’ici telle ou telle date, aucun gouvernement n’a jamais atteint ces cibles. Cela doit changer…
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Madame la Présidente, cela me fait très plaisir d'intervenir aujourd'hui au nom du Bloc québécois sur le projet de loi , qui porte exécution de certaines dispositions de l'énoncé économique du 30 novembre 2020 et met en œuvre d'autres mesures.
Il est tout de même un peu particulier qu'on en soit encore à parler de l'énoncé économique un 13 avril alors qu'on a un budget qui arrive lundi. Cela fait partie des délais inhérents à ce type de processus parlementaire et il faut vivre avec.
Ce n'est plus un secret. Comme le Bloc québécois l'a déjà dit il y a déjà un certain temps, notre parti est en faveur du projet de loi, sans toutefois déborder d'enthousiasme. Ce projet de loi ne réinvente pas la roue, comme on dit au Québec, mais notre position est claire: nous allons quand même soutenir toute initiative dont le but est de soutenir les Québécoises et les Québécois. À cet égard, le projet de loi comporte plusieurs éléments intéressants que nous voyons d'un bon œil, mais d'autres pour lesquels la prudence est de mise.
Ainsi, nous sommes en faveur de l'élimination des intérêts pour les prêts d'études consentis aux étudiants et aux apprentis pour l'année 2021-2022. Les étudiants méritent de l'aide. Cela va toucher à peu près 1,4 million d'emprunteurs à l'extérieur du Québec. Par contre, n'oublions pas que le Québec a son propre programme de prêts et bourses. Il faut donc à tout prix s'assurer qu'il y a compensation pour les jeunes du Québec, au prorata du nombre d'étudiants au niveau postsecondaire. En tant qu'ex-étudiant de longue durée, j'ai terminé mes études universitaires à l'âge de 30 ans par un doctorat en 2018 et je connais cette réalité. Il est important d'indemniser les étudiants et de les aider. J'ai récemment accordé une entrevue au Regroupement des étudiants et des étudiantes du Cégep de Saint-Hyacinthe, dans ma circonscription. Je leur ai parlé de cela, et ils comprenaient tout à fait le dossier. À bien des égards, il est probable qu'ils le comprennent mieux que nous tous, car ils le vivent au quotidien.
Cependant, je veux quand même parler des industries oubliées dans cet énoncé économique. J'en ai parlé tout à l'heure pendant la période des questions orales, j'ai également signé une lettre ouverte aujourd'hui même dans Le Journal de Montréal, sur cette fameuse industrie aérospatiale qui est absente de cet énoncé économique et du discours du Trône. Espérons du fond du cœur qu'elle se retrouvera dans le budget qui sera présenté lundi, car le temps est venu d'agir.
Jadis, alors qu'il siégeait à la Chambre, le regretté Jean Lapierre avait déclaré que l'aérospatiale était au Québec ce que l'automobile était à l'Ontario. Il avait raison, car l'aérospatiale est une industrie « stratégique ». C'est le mot qu'il faut employer. En effet, bien qu'on en néglige souvent l'importance, le Grand Montréal est le troisième pôle aéronautique de la planète derrière Seattle avec Boeing et Toulouse avec Airbus. Il n'y a que trois endroits au monde où l'on trouve l'ensemble des composantes et des pièces qui permettent de construire un avion de A à Z et l'un de ces trois endroits est le Québec. C'est une fierté pour nous.
Au Québec, l'aérospatiale représente 220 entreprises, dont 200 PME, plus de 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. C'est le principal secteur d'exportation du Québec. Quand je dis « stratégique », c'est effectivement une industrie stratégique. Avec des ventes annuelles de plus de 15 milliards de dollars, le secteur représente à lui seul environ la moitié de l'activité aérospatiale canadienne. À titre d'exemple, notre industrie fabrique le meilleur avion au monde et le moins polluant, puisqu'il renouvelle son air en vol. Nos chercheurs sont même en train de penser à un avion carboneutre. Quand on sait les défis environnementaux qui nous guettent depuis longtemps et qui accaparent de plus en plus le débat public, ne devrait-on pas se tourner vers cela au XXIe siècle? C'est un véritable joyau de recherche et développement. Seule l'inconscience pourrait délaisser ce secteur-là.
Je pourrais dévoiler des chiffres et des statistiques sans fin qui montrent à quel point le secteur de l'aérospatiale contribue à alimenter la renommée du Québec et, par extension, notre fierté. Cependant, à cette fierté succèdent de lourdes inquiétudes, qui ne sont pas que le seul fruit de la crise sanitaire.
En effet, l'absence de vision et le manque de volonté politique d'Ottawa ont miné l'aérospatiale depuis plusieurs années et la pandémie n'a fait qu'exacerber cette situation précaire, comme dans bien d'autres cas. Je prends l'exemple des transferts en santé: les besoins existaient avant la pandémie, la population vieillit, les coûts explosent et les provinces ont à faire des embauches; or, l'argent reste à Ottawa.
Dans l'aérospatiale, c'est à peu près la même chose. La pandémie accentue nettement l'intensité des soubresauts, mais ne crée pas la problématique de toutes pièces — sans vouloir faire de mauvais jeu de mots avec l'aérospatiale. Sur le plan conjoncturel, il n'aura échappé à personne que la pandémie de la COVID-19 a cloué les avions au sol. Les activités d'entretien sont limitées et les commandes d'avions neufs sont grandement fragilisées, voire inexistantes. Cela a d'évidentes répercussions sur les techniciennes et les techniciens, que la précarité pousse vers l'industrie de la construction pour boucler les fins de mois. Cela risque de faire perdre de l'expertise et la capacité de rebondir pour l'ère post-COVID.
L'échelon fédéral nous projette sans cesse vers le monde de l'après-COVID. Cependant, il serait grand temps que les actes suivent les mots, car l'inaction fédérale pourrait détruire en quelques mois ce qu’il nous a fallu plusieurs générations à bâtir. Le secteur souffre et est inquiet d'observer l'attentisme dont fait preuve Ottawa. Il est inquiet qu'Ottawa, par son inaction, condamne 20 000 de nos concitoyens et nos concitoyennes à être arrachés à leur emploi dans les 18 mois à venir. Il est inquiet d'oser imaginer que c'est peut-être ce qu'Ottawa désire secrètement. Mes chers collègues, le silence est éloquent et sa permanence condamne tout un secteur, un savoir-faire, une expertise locale. Chaque jour, le talon d'Achille de notre secteur aérospatial se fait grandissant et la blessure, plus vive. Ce secteur devient une proie de plus en plus accessible et dénudée pour les investisseurs étrangers. Qu'attendons-nous pour agir?
Une aide financière ciblée aux secteurs les plus en difficulté s'impose donc. Oui, nous étions en faveur de certaines mesures et nous en avons même suggéré plusieurs, contribuant à les améliorer et faisant plusieurs suggestions pour bonifier les programmes d'aide générale. Toutefois, une aide spécifique aux secteurs les plus en difficulté est nécessaire et l'aérospatiale en fait partie. Il faut impérativement que le prochain budget fédéral débloque les sommes nécessaires.
Le Bloc québécois s'est attelé à la tâche depuis longtemps. Cependant, encore faudrait-il que la majorité sache précisément sur quoi nous les interpellons. Tandis que le discours du Trône évacuait totalement l'existence même de cette industrie névralgique, je me souviens d'avoir questionné à plusieurs reprises le , la , le et le sur ce dossier. Or, répétant la logorrhée de la majorité gouvernante, tous m'ont répondu en chœur qu'Ottawa travaillait très fort pour le secteur « aérien ». Encore tout à l'heure, à la période des questions orales, j'ai eu droit à une telle réponse: j'ai posé une question au gouvernement sur l'aide à l'aérospatiale et me suis fait répondre qu'on avait annoncé hier une aide à Air Canada.
On part de loin, quand même. On peut difficilement espérer que les gens comprennent ce qu'est une politique sur l'aérospatiale s'ils ne comprennent même pas ce qu'est l'aérospatiale, nous en convenons.
Ce n'est pas compliqué. Le transport aérien, ce sont les transporteurs, ce sont les voyages commerciaux, diplomatiques ou récréatifs, bref, ce sont les avions et l'achat des billets. Pour sa part, l'industrie aérospatiale, ce sont les PME qui entretiennent, construisent et recyclent des pièces, en plus d'être une grappe en recherche et développement absolument remarquable. Peut-on enfin comprendre qu'il ne s'agit pas de la même chose? Il y a bien entendu un lien, celui du carnet de commandes, mais les deux secteurs ne sont pas la même chose, les deux industries ne sont pas synonymes. Que l'on cesse de prétendre que c'est le cas!
Cette dissonance, ce fossé entre la réalité, d'une part, et la perception qu'en ont les libéraux, d'autre part, témoigne de façon éclatante de la totale incompréhension de ce dont nous parlons. Un soutien financier va de soi et le Bloc québécois, dont je suis à cette tribune le porte-parole en matière d'aérospatiale, le réclame.
Quand l'Ontario en a besoin pour l'automobile, il l'obtient. Quand l'Ouest en a besoin pour le pétrole, il l'obtient. Nous demandons donc au gouvernement fédéral que son plan de relance ne néglige pas ce secteur brillant qui souffre. Plus encore, cela est cohérent avec le discours que nous tenons depuis des années aux côtés de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale et du syndicat Unifor. Nous souhaitons profiter de la conjoncture sanitaire pour nous doter d'une véritable politique de l'aérospatiale. Il en va de notre souveraineté et de notre capacité à préserver un diamant de longue date.
La politique aérospatiale à laquelle je fais référence doit tout d'abord être le fruit d'une table de concertation permanente, qui inclut Ottawa, le Québec, l'industrie et les syndicats. Comme c'est à l'instar de ce qu'Ottawa fait pour l'industrie automobile, on n'a même pas besoin de réinventer la roue. Ce n'est pas si compliqué que cela. Cela dit, les chantiers envisagés sont très nombreux.
À l'automne dernier, j'ai fait une allocution sur l'aérospatiale. Il y a plusieurs choses que l'on peut faire. On peut faire un virage vert. Il faudrait aussi qu'il y ait une politique de recyclage des pièces. Le Québec a une expertise dans ce domaine. On peut le faire.
Il faudrait qu'il y ait des conditions de verdissement en lien avec l'aide financière. Nous sommes en faveur d'offrir de l'aide sur le plan financier, mais pas à n'importe quelle condition. L'industrie que l'on veut soutenir doit être assujettie à des conditions, et le verdissement en fait partie. C'est au Québec que l'on a inventé l'un des avions les plus écologiques au monde. Le virage vert va être payant pour nous.
Il faut aussi aller du côté d'une politique d'entretien, d'octroi de liquidités, de prêts pour les acheteurs, de politique d'achats militaires et de soutien à la recherche-développement, qui est extrêmement importante dans le domaine. Je vais expliquer à quel point cela est important, et pas seulement au Québec. En Europe, on a inventé une valve cardiaque basée sur des pièces du secteur aérospatial. Cela démontre à quel point on est avancé sur le plan de la recherche-développement dans ce domaine, et ce, partout au monde. Il y a évidemment une politique de formation de la main-d'œuvre.
Toutes sortes d'éléments devraient constituer un programme cohérent qui reconnaît l'aérospatiale en tant qu'écosystème. Le Québec possède une politique liée au secteur aérospatial depuis une vingtaine d'années. Toutefois, notre marge de manœuvre est évidemment limitée, puisqu'il y a des choses qu'une province ne peut pas faire.
Parmi tous les pays qui ont une industrie aérospatiale d'envergure, le Canada est le seul à ne pas avoir de politique pour encadrer et soutenir son développement. Il faut que cela cesse; il faut une politique dans le domaine. Il faut remédier à ce lent suicide prémédité.
Si Ottawa n'agit pas, peut-être devrions-nous songer à laisser au Québec la liberté d'être l'artisan souverain de cette réaction tant attendue. J'ai dit « peut-être », mais on comprendra qu'il s'agit d'un « peut-être » assuré. Il s'agit d'une question rhétorique, mais je suis déjà convaincu de la réponse.
Pour illustrer mes propos, je voudrais m'appuyer sur l'exemple symbolique de Bombardier. On pense souvent à tort que l'aérospatiale se résume à Bombardier. C'en est bien sûr le navire amiral, mais ce n'est pas la seule entreprise qui œuvre dans le domaine, bien entendu. En fait, il y a 220 entreprises qui œuvrent dans ce domaine. Je suis conscient que la construction, l'entretien et tout le reste ne viennent pas seulement de Bombardier, mais je vais néanmoins mentionner l'exemple suivant.
En février dernier, j'ai exprimé ma sincère solidarité aux 1 600 travailleurs mis à pied par Bombardier, tout en dénonçant une nouvelle fois la cécité dont Ottawa fait preuve pour soutenir le secteur durement touché par la pandémie. Parmi les postes supprimés, 700 se trouvaient à Montréal, et plusieurs étaient liés à l'avion d'affaires Global, dont la finition intérieure a été réalisée en région montréalaise. Cette regrettable perte s'ajoute à la suppression de 2 500 emplois, en majeure partie au Québec, effectuée par l'entreprise à l'été 2020.
En tant que parlementaire, c'est mon devoir de m'offusquer de la mauvaise direction qu'Ottawa fait emprunter aux provinces, et surtout au Québec, en matière d'aérospatiale. C'est parfaitement symbolisé par la vente de la division Transport de Bombardier, par le retrait de ce dernier du A220 ou encore par la vente amère, par une entreprise délaissée, de la C Series à Airbus.
C'est vrai qu'il faut aider notre secteur, mais à certaines conditions. Au vu de son poids, il faut exiger certaines garanties à Ottawa pour préserver l'indépendance de l'aérospatiale en plus des aides. Cet argent devra impérativement bénéficier aux travailleurs et travailleuses et à l'innovation, et non pas aux hauts dirigeants. Les activités doivent rester chez nous. Cela est possible.
Quand on a une entente avec une entreprise pour laquelle on débloque de l'aide, il est possible de lui dire de ne pas hausser la rémunération de ses hauts dirigeants avec ces sommes et de conserver son siège social ici. Cela se fait. Si nous étions dans un Parlement, dans un pays et dans un gouvernement qui comprend le moindrement ce qu'est le nationalisme économique, nous n'aurions pas à l'expliquer aujourd'hui.
Je voudrais également parler d'un autre secteur, celui de la culture. Je regrette que ce secteur soit, lui aussi, complètement laissé de côté par cet énoncé économique. Ottawa doit soutenir les efforts du Québec pour relancer les arts de la scène de manière prévisible et sécuritaire pour les différents acteurs de l'industrie créative, parce que, pour nous, la culture est très importante. À une époque où près d'un artisan de la scène sur deux songe à quitter son métier pour de bon, la perspective de pouvoir recommencer prudemment à travailler arrive à point. On ne peut pas se résigner à ce que les maîtres et les maîtresses des plus belles formes d'expression de la voix de la nation québécoise se taisent à jamais. On ne peut pas accepter cela.
Ottawa doit participer à cette relance en soutenant les lieux de diffusion, en y facilitant l'accès sécuritaire pour le public et en tenant compte de la réalité distincte des créateurs et des créatrices du Québec. Par conséquent, il y a urgence d'agir afin que puisse exister une après-pandémie pour les arts de la scène. Il faut que ce secteur survive. Ottawa ne peut pas rester immobile devant l'exode potentiel, vers d'autres horizons professionnels, de nos artistes et de nos artisans éprouvés par plus d'un an d'inactivité, d'incertitude face à l'avenir, d'ennuis financiers. Alors que le Québec autorise la réouverture des salles de spectacle depuis le 26 mars, même en zone rouge, le Bloc québécois a fait six propositions d'urgence au gouvernement Trudeau.
Madame la Présidente, j'aimerais savoir si j'ai le temps de les annoncer.