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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 10 février 2023

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Nous sommes aujourd'hui le 1er février 2023. Il s'agit de la 24e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne. La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres participent par Zoom et en personne.
    J'ai seulement quelques observations à faire avant de commencer. Avant que quiconque prenne la parole, le président doit vous avoir nommé. Pour ceux qui participent par Zoom, il y a une icône de globe au bas de votre écran. Vous pouvez écouter soit la langue originale en anglais et en français, soit l'interprétation.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre sous-comité étudie la question des pensionnats et des écoles préscolaires du gouvernement chinois dans la région autonome du Tibet et dans toutes les régions et comtés autonomes tibétains.
    Nous avons quatre témoins avec nous, deux en personnes et deux qui participent par Zoom.
    À titre personnel, nous recevons Mme Chemi Lhamo, organisatrice communautaire et militante des droits de la personne, et Mme Gyal Lo, chercheuse universitaire et sociologue spécialisée en éducation. Elles sont ici en personne.
    De l'organisme Human Rights Watch, nous accueillons Mme Sophie Richardson et, de Tibet Action Institute, nous recevons Mme Lhadon Tethong, directrice. Elles participent à la réunion avec vidéoconférence.
    Merci d'être ici aujourd'hui.
    Chaque témoin disposera de cinq minutes. Nous commencerons avec les témoins qui sont ici en personne. Je vous ferai signe de la main lorsqu'il restera une minute et 30 secondes, et vous devrez conclure vos remarques.
    Monsieur le président, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, puis‑je faire une requête? Mme Richardson pourrait peut-être prendre la parole en premier, Mme Tethong, en deuxième, Mme Lo, en troisième, et je prendrai la parole en dernier?
    Nous pouvons procéder ainsi. Habituellement, je vous nomme, et pour les autres interventions, procédons ainsi.
    Nous allons commencer avec Sophie Richardson par Zoom pour cinq minutes, je vous prie.
    Monsieur le président, merci beaucoup de me recevoir au nom de Human Rights Watch. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion de participer à cette étude. Je tiens également à vous féliciter pour l'adoption extraordinaire du projet de loi M‑62 la semaine dernière, qui a été un effort merveilleux à voir.
    Human Rights Watch a commencé à suivre les questions d'enseignement en langue dans les régions tibétaines il y a plus de 10 ans, lorsque des propositions visant à supprimer progressivement l'enseignement de la langue tibétaine dans les régions tibétaines de la province de Qinghai ont suscité des protestations qui ont été étouffées. L'arrestation en janvier 2016 de Tashi Wangchuk, un militant de la langue, a porté à croire que les autorités chinoises adoptaient une approche plus ferme sur la question.
    Néanmoins, il était extrêmement difficile de documenter les changements stratégiques. Toutefois, en mars 2020, nous avons pu publier des recherches montrant que, conformément à la vaste et vigoureuse campagne assimilationniste de sinisation du secrétaire général du Parti communiste chinois Xi Jinping, les affirmations des autorités chinoises selon lesquelles elles offraient une éducation soi-disant bilingue aux enfants tibétains étaient carrément un mensonge.
    Nos recherches ont montré que cette politique, mise en œuvre au cours de la dernière décennie dans ce que les autorités chinoises appellent la région autonome du Tibet et dans les zones tibétaines d'autres provinces, avait en fait augmenté la scolarisation en chinois à tous les niveaux, sauf pour l'étude de la langue tibétaine.
    En prétendant vouloir améliorer l'accès à l'éducation, les autorités chinoises ont créé des jardins d'enfants bilingues obligatoires pour immerger les enfants tibétains dans la langue chinoise et la propagande d'État à l'âge de 3 ans, au nom du renforcement de l'unité des nationalités. Elles ont également engagé des milliers d'enseignants qui ne parlent pas le tibétain dans d'autres régions de la Chine dans le programme Aid-Tibet et ont encouragé les classes ethniquement mixtes dans lesquelles, si un seul enfant qui parle le chinois est présent, toute la classe sera enseignée en chinois plutôt qu'en tibétain.
    En septembre 2019, des parents et enseignants dans six cantons ruraux de la municipalité de Nagchu, dans le nord de la Région autonome du Tibet, RAT, ont déclaré à Human Rights Watch que, depuis mars 2019, leurs écoles primaires locales étaient passées à l'utilisation du chinois comme langue d'enseignement. Il s'agit de violations du droit international des droits de la personne et de la constitution chinoise.
    La Convention relative aux droits de l'enfant des Nations unies et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipulent qu'il faut respecter l'enseignement dans la langue maternelle. Les comités des Nations unies chargés des droits de l'enfant, des droits économiques, sociaux et culturels, et de l'élimination de la discrimination raciale ont tous exprimé leur inquiétude quant au droit des Tibétains à recevoir un enseignement dans leur propre langue et culture dans toute la Chine.
    La constitution chinoise garantit les droits des minorités linguistiques. De plus, ces politiques vont à l'encontre des meilleures pratiques en matière d'éducation, qui suggèrent fortement la maîtrise de la langue maternelle avant l'apprentissage d'autres langues. Il convient de noter que de nombreux parents tibétains à qui nous avons parlé ont souligné qu'ils souhaitent que leurs enfants apprennent les deux langues, mais pas au détriment de l'apprentissage d'une seule d'entre elles. Ces politiques constituent une menace profonde pour l'identité des Tibétains.
    Le gouvernement canadien devrait non seulement faire part de ses préoccupations concernant ces pratiques lors de réunions bilatérales et de forums internationaux, mais aussi soutenir activement la préservation de l'enseignement de la langue tibétaine, y compris le matériel pédagogique et les enseignements.
    Je serai ravie de fournir plus de recommandations, mais je veux m'assurer de ne pas dépasser mon temps de parole.
    Je vous remercie.

  (1310)  

    Il vous reste deux minutes.
    J'ai été trop efficace. Je m'en excuse. Le Congrès est très strict.
    Je peux peut-être fournir quelques détails.
    Nous pensons que le gouvernement chinois a mis en oeuvre ces politiques en partie grâce à une ambiguïté très délibérée sur ce que les enseignants et les écoles étaient censés faire, mais souvent, lorsqu'elles étaient confrontées, par exemple, à l'accès à du matériel pédagogique uniquement en chinois, les écoles n'avaient pas d'autre choix que d'utiliser ce matériel puisque le matériel en tibétain n'était tout simplement pas disponible.
    De même, les restrictions concernant les langues que les enseignants recrutés étaient capables d'enseigner ont fait pencher le balancier dans de nombreuses circonstances différentes.
    Je pense que le fait que nous ayons observé les autorités persécuter — pas seulement poursuivre, mais persécuter — les personnes qui se sont exprimées pour défendre l'enseignement en langue tibétaine montre très clairement que ce qui pourrait être considéré comme une question académique pas terriblement incendiaire dans d'autres contextes fait partie d'une campagne politique plus vaste. Cela correspond également à ce que nous avons documenté concernant d'autres composantes essentielles de l'identité tibétaine, notamment l'empiétement extraordinaire sur le droit des Tibétains à la religion et à sa pratique.
    Nous avons constaté des changements semblables dans la politique et la gestion de la religion par les autorités chinoises, qui empiètent effectivement sur la capacité des personnes à vivre leur identité comme le droit international des droits de la personne leur en garantit le droit.
    Je vous remercie.
    Nous allons poursuivre avec Mme Lhadon Tethong pour cinq minutes.
    Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous. Je vais lire mes remarques et me chronométrer. Il est préférable que je m'aide à respecter le temps imparti.
    Mon père est né dans un Tibet libre et indépendant en 1934. Mon frère aîné est né dans un camp de réfugiés tibétains en Inde. Je suis née sur les terres traditionnelles des Nations Songhees et Esquimalt à Victoria sur l'île de Vancouver.
    En tant que Tibétaine et Canadienne, mes deux mondes se sont malheureusement heurtés il y a quelques années lorsque mon organisation, Tibet Action, a commencé à rechercher des informations selon lesquelles des parents tibétains étaient forcés, contraints, d'envoyer leurs enfants, y compris ceux âgés d'à peine quatre ou cinq ans, dans des pensionnats. Dans le cadre de nos recherches, nous avons découvert que la Chine avait mis sur pied un énorme système de pensionnats colonial au Tibet, qui menace la survie même du peuple tibétain et de la nation, car ils ont entièrement et complètement ciblé l'avenir du Tibet, de nos enfants, et même les plus jeunes.
    Ce système scolaire est la pierre angulaire d'un effort plus vaste pour anéantir la résistance actuelle et future de notre peuple tibétain extrêmement fier en éliminant notre langue, notre religion et notre mode de vie. Le système de pensionnats colonial rationalise et accélère ce plan génocidaire en arrachant les enfants tibétains à leurs racines, en leur volant leur langue et en essayant de les transformer en quelque chose qu'ils ne sont pas.
    J'ai quelques conclusions de haut niveau tirées de notre rapport. Au moins 800 000 enfants tibétains dans l'ensemble du Tibet historique — pas seulement la région autonome du Tibet ou ce que la Chine appelle le Tibet — représentant 78 % de tous les écoliers tibétains âgés de 6 à 18 ans, sont maintenant séparés de leur famille et vivent dans des pensionnats coloniaux. Ce chiffre n'inclut pas les enfants de quatre et cinq ans qui doivent vivre dans des pensionnats dans les régions rurales, car la Chine s'efforce activement de cacher l'existence de ce système.
    Ces enfants n'ont pas le droit de pratiquer la religion. Ils sont coupés de l'authentique culture tibétaine, au‑delà, bien sûr, de ce que le Parti communiste chinois approuve et de ce que vous verrez dans la propagande, à savoir des gens qui portent des vêtements tibétains et qui font la danse en cercle tibétaine.
    Ces enfants reçoivent un enseignement presque entièrement en chinois, avec peut-être une classe de langue tibétaine, par des enseignants principalement chinois, ou de plus en plus d'enseignants chinois, et à partir de manuels chinois qui reflètent la vie, l'histoire, la culture et les valeurs chinoises tout en niant complètement la riche histoire et la culture ancienne du Tibet, de nos histoires.
    En outre, ils sont soumis à un endoctrinement politique intense. Comme Mme Richardson l'a dit dans le passé, même les plus jeunes enfants reçoivent un endoctrinement politique intense comme la « pensée Xi Jinping », qui dit qu'ils doivent être loyaux envers le Parti communiste chinois et la nation chinoise d'abord et avant tout.
    Bien entendu, les parents tibétains n'ont pas d'autre choix que d'envoyer leurs enfants dans ces écoles, car les autorités ont fermé les écoles de village locales ainsi que la plupart des écoles tibétaines privées ou des écoles de monastère. C'est sans compter que les Tibétains, qui ont vécu 70 ans sous l'occupation chinoise et qui ont été confrontés à une violence intense de la part de l'État, savent qu'il est impossible de résister à ce genre de directives du gouvernement central sans encourir de très graves conséquences. Les parents qui résistent ou refusent sont menacés d'amendes et d'autres conséquences graves. Bien sûr, les enfants n'ont pas le choix.
    Une personne du Tibet a décrit la situation ainsi: « Je connais des enfants âgés de quatre ou cinq ans qui ne veulent pas être séparés de leur mère. Ils sont obligés d'aller dans des pensionnats. Dans certains cas, les enfants pleurent pendant des jours, en se collant aux genoux de leur mère... Tant les enfants que les parents ne veulent pas. »
    Cette politique insidieuse visant à isoler les enfants de leur famille afin d'effacer leur identité tibétaine et de la remplacer par une identité chinoise a été élaborée aux plus hauts niveaux du Parti communiste chinoise. Il s'agit d'une politique carrément raciste.

  (1315)  

    Tout comme les parents tibétains ne veulent pas devoir envoyer leurs enfants ailleurs, les Chinois ne veulent pas non plus envoyer leurs enfants ailleurs. En fait, une réaction contre les politiques de regroupement des écoles en Chine a mené le Conseil d'État à décréter en 2012 que tous les niveaux d'enseignement devraient, en principe, ne pas être dans des pensionnats, plus particulièrement pour les jeunes enfants de la 1ère à la 3e année. Ce même Conseil d'État a décrété en 2015 que, dans les zones dites minoritaires, les responsables doivent renforcer la construction de pensionnats et atteindre l'objectif que les élèves de toutes les minorités ethniques étudient dans une école, vivent dans une école et grandissent dans une école.
    Madame Tethong, pouvez-vous conclure vos remarques, s'il vous plaît?
    Bien sûr.
    Depuis la publication de ce rapport, de nombreuses personnes nous ont demandé pourquoi le monde n'est pas au courant de cela. Comment cela a‑t‑il pu passer inaperçu? Je veux simplement dire que le blocage total de l'information et le confinement dans lequel le Tibet a été placé ont fait en sorte que nous ne recevons à peu près plus d'informations de ce pays; les médias étrangers n'y sont plus présents. Les Tibétains ne peuvent ni entrer ni sortir du pays. Il y a une répression transnationale et des mesures punitives contre les entreprises qui pourraient citer le dalaï-lama, évoquer notre gouvernement ou parler en faveur du Tibet.
    Le silence actuel mis en place à dessein. Ce qui se passe au Tibet est une crise qui menace notre ancienne civilisation. D'une certaine manière, il s'agit d'un génocide d'un genre nouveau, car il se produit en temps réel, en ce moment même, mais avec très peu d'images, pas de vidéos et personne sur le terrain pour nous dire ce qui se passe, contrairement à ce que l'on peut voir partout ailleurs sur la planète.
     Je demande au gouvernement canadien, à vous tous, de nous aider à dénoncer ce système, car le gouvernement chinois essaie de le cacher. Je demande au gouvernement canadien de redoubler d'attention afin d'évoquer le Tibet de toutes les manières possibles auprès de Pékin, et de continuer à faire pression sur le gouvernement chinois — ce gouvernement met tout en œuvre pour nous faire disparaître, non seulement au Tibet, mais dans le monde entier — pour qu'il respecte les droits de la personne et les libertés du peuple tibétain.
    Je vous remercie.
    Merci de votre exposé, madame Tethong.
    Nous allons poursuivre avec Mme Lo, pour cinq minutes.

  (1320)  

    Merci à vous tous de me permettre de vous parler du système des pensionnats coloniaux au Tibet.
     Je suis ici pour vous faire part des résultats de mes recherches et vous parler de ce dont j'ai été témoin au sujet des pensionnats préscolaires. Il s'agit d'une politique totalement cachée du gouvernement chinois. En me fiant aux 50 internats préscolaires et plus que j'ai vus de mes propres yeux, j'estime qu'au moins 100 000 enfants tibétains de 4 à 6 ans vivent désormais séparés de leurs parents, de leur famille et de leur collectivité.
    Après avoir obtenu mon doctorat à l'Université de Toronto, je suis retournée au Tibet en 2015. J'ai alors commencé à enseigner à l'Université normale de Yunnan. L'année suivante, mon frère m'a appelé, car il s'inquiétait du comportement de ses deux petites-filles. Je suis retournée chez moi pour les voir. C'était ma première expérience avec les pensionnats coloniaux préscolaires.
    Je suis allée chercher mes deux petites-nièces — l'une âgée de 4 ans et l'autre de 5 ans — dans leur pensionnat préscolaire le vendredi soir, puis je les ai observées attentivement lorsqu'elles étaient à la maison. J'ai clairement vu qu'elles ne faisaient pas de câlins à leurs grands-parents et qu'elles n'avaient pratiquement aucun échange émotionnel avec les membres de leur propre famille. Elles se sont assises un peu en retrait de nous, les membres de la famille, presque comme si elles étaient des invitées ou des étrangères dans leur propre maison. Elles ne conversaient entre elles qu'en mandarin, la langue chinoise. Cela s'est passé après seulement trois mois dans le nouveau pensionnat préscolaire de notre localité. Avant cela, elles ne parlaient pas le mandarin et elles avaient grandi dans un environnement entièrement tibétophone.
    J'ai réalisé que le cas de ma famille n'était pas unique. Le gouvernement chinois s'affairait à mettre en œuvre une politique d'éducation préscolaire obligatoire dans tout le Tibet. Pendant les trois années suivantes, durant les vacances d'été, j'ai effectué un travail de terrain à ce sujet dans une perspective universitaire. J'ai visité des pensionnats préscolaires dans tout le Tibet oriental, dans ce que la Chine appelle maintenant le Qinghai, le Gansu, le Yunnan et le Sichuan. J'ai parlé aux enfants, aux parents, aux enseignants et aux autres intervenants du village, et ma conclusion a été la même qu'avec mes deux petites-nièces.
    Il est très important de comprendre que les parents tibétains n'ont pas vraiment le choix d'envoyer leurs enfants dans ces endroits. Même les très jeunes enfants des zones rurales du Tibet — des enfants de 4 à 6 ans seulement — doivent fréquenter un pensionnat préscolaire. Les écoles locales ont été fermées dans les villages tibétains. Les écoles privées ont été fermées aussi. Il n'y a pas vraiment d'alternative locale, et il n'y a pas d'alternative tibétaine pour les parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants dans les pensionnats préscolaires de l'État.
    Tout cela a été conçu à dessein. Le gouvernement chinois investit d'énormes quantités de ressources et s'appuie sur une rhétorique savamment élaborée pour « déraciner » les enfants tibétains et les priver de notre culture et de leur famille. Il le fait en enseignant presque exclusivement en mandarin, la langue chinoise, et en transformant l'ensemble de l'environnement d'apprentissage en un environnement entièrement chinois.

  (1325)  

    Même l'approche pédagogique est très sophistiquée. Par exemple, on montre aux élèves des objets culturels chinois, puis on leur demande de fermer les yeux et d'imaginer ces objets. On leur demande ensuite de dessiner ce qu'ils ont imaginé. Plus tard, on leur demande d'expliquer en mandarin ce qu'ils ont dessiné. Il s'agit d'une méthode qui vise de façon très volontaire à faire passer l'ensemble des fondements psychologiques des enfants du tibétain au chinois.
    La Chine se sert délibérément du système scolaire comme d'une arme pour perpétrer un génocide. Je suis profondément inquiète pour le bien-être de ces enfants, pour celui de leurs parents et pour la survie de l'identité et de la culture tibétaines. Si cette politique de pensionnats coloniaux se poursuit pendant plus de 20 ans — et en particulier la politique des pensionnats préscolaires —, je crains que la Chine réussisse à mettre fin à notre civilisation et à causer des torts irréparables à notre peuple.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Lo, de votre témoignage.
    Enfin, nous avons Mme Lhamo. Madame Lhamo, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Tashi delek.Anee. Bonjour à tous. Je m'appelle Chemi Lhamo.
    Avant de commencer, je tiens à exprimer ma reconnaissance et ma gratitude aux premiers gardiens de cette terre, aux anciens d'hier et d'aujourd'hui et à tous ceux qui devraient être ici en ce moment et qui le sont peut-être physiquement, mentalement et spirituellement.
    Je suis née apatride dans un camp de réfugiés tibétains dans le sud de l'Inde. Jusqu'à l'âge de 11 ans, je n'avais pas de passeport, mais un certificat d'identité délivré par le gouvernement indien, que je devais renouveler chaque année pour maintenir mon existence politique précaire en tant que personne sans patrie.
    À 11 ans, j'ai émigré à Toronto dans un quartier appelé Parkdale. Parkdale abrite l'une des plus grandes communautés tibétaines en exil en dehors de l'Inde et du Népal. C'est l'un des rares endroits où les Tibétains ont pu reconstituer à la fois leur identité nationale et leur communauté culturelle. C'est un lieu sûr où nous avons le droit d'être qui nous sommes, où nous pouvons célébrer notre culture et apprendre notre langue. Dans ce milieu, nous sommes en mesure d'étudier nos écritures et de transmettre notre riche patrimoine ancien à la prochaine génération. Tous les mercredis, nous nous réunissons à un endroit qui s'appelle « Little Tibet » pour célébrer les éléments de notre identité et de notre culture qui sont interdits et criminalisés au Tibet.
    La culture est souvent désignée comme le mode de vie d'une société entière. C'est « la programmation collective de l'esprit ». Pour une communauté, c'est la culture qui guide les actions, les pensées et les sentiments collectifs. C'est ce qui nous rend uniques, humains. C'est une partie de ce qui fait notre dignité et donne un sens à nos vies.
    Cependant, la domination coloniale de la Chine sur le Tibet a ciblé et attaqué sans relâche chaque aspect de cette culture: la langue, la foi, la musique, la littérature, notre mode de vie nomade et les branches ancestrales de notre savoir qui nous ont permis de vivre en tant que gardiens bienveillants de l'un des écosystèmes les plus fragiles de la planète.
    Essentiellement, le parti communiste chinois a divisé notre nation en deux: il y a ceux qui sont à l'extérieur, qui ne peuvent pas entrer au pays parce que les visas leur sont refusés, et ceux qui sont à l'intérieur sans pouvoir sortir parce qu'ils n'ont pas de passeport. C'est une réalité de la vie tibétaine qui dure depuis longtemps, et aujourd'hui, l'attaque du gouvernement chinois contre les Tibétains a atteint un point de rupture. Les autorités chinoises s'en prennent aux trois piliers fondamentaux de notre identité — la religion, la langue et notre mode de vie nomade — afin de les éliminer complètement.
    Ce projet d'éradication est mis en œuvre partout: dans les monastères, sur les lieux de travail, dans les écoles primaires et les maternelles, dans les prairies et dans les villes, dans les quartiers et les maisons privées. Désormais, aucun espace tibétain n'échappe à l'emprise intrusive de l'État chinois.
     Des millions de nomades ont été déplacés des prairies vers des projets de logement qui ressemblent à des réserves. Ils se retrouvent donc au milieu de nulle part, avec peu ou pas d'accès à l'emploi. Les jeunes n'ont aucune perspective de survie ni même d'épanouissement. Dans les monastères, les moines et les nonnes sont lentement étranglés par des règles et des règlements qui les poussent vers la sortie et empêchent les nouveaux de se joindre à eux. Pour ceux qui restent, il n'y a pas de temps pour les études religieuses, car ils sont trop occupés à étudier les pensées de Xi Jinping et la dernière propagande que Pékin leur impose.
    Pour quiconque y prête attention, il ne fait aucun doute que le Parti communiste chinois s'acharne à essayer d'éradiquer notre identité fondamentale en transformant les Tibétains en Chinois. C'est là l'objectif ultime de ce projet d'assimilation forcée du berceau à la tombe, et cela commence par l'inscription obligatoire des enfants de 4 à 6 ans dans des pensionnats préscolaires, sans parler de près d'un million d'enfants arrachés à leurs parents et forcés ou contraints d'apprendre, de penser et même d'imaginer en chinois plutôt qu'en tibétain.
    Je suis ici aujourd'hui en tant que Tibétaine et Canadienne pour vous demander de vous prononcer en faveur du Tibet.
     Notre silence enhardit le Parti communiste chinois. C'est pour cela que nous le voyons envoyer de façon éhontée des ballons-espions dans le monde entier. C'est pour cela qu'il installe des postes de police dans nos pays démocratiques, qu'il s'ingère dans nos élections et qu'il menace et intimide les Canadiens sur leur propre territoire. Il est impératif que nous prenions position et que nous agissions.
    Certains diront peut-être que le Canada n'a pas à s'exprimer en raison de son propre héritage, mais je dis que c'est exactement pour cela que le Canada doit s'exprimer. C'est précisément la raison pour laquelle nous avons un devoir et une obligation encore plus grands de nous exprimer. Nous connaissons par nos propres erreurs le traumatisme intergénérationnel et le chagrin causés par ces types d'écoles et les relents génocidaires que ces écoles laissent derrière elles pour les générations à venir. Nous devons parler de nos expériences et de ce qui pourrait être fait différemment et veiller à ce que cela ne se reproduise plus jamais, ni ici ni ailleurs.

  (1330)  

    Il y a tant de choses que nous pouvons faire pour aider le Tibet.
    Premièrement, il faut publier une déclaration qui se fait l'écho des préoccupations des quatre rapporteurs spéciaux de l'ONU et presser la Chine de fermer ces systèmes de pensionnats coloniaux au Tibet. Cela inclut le Kham et l'Amdo.
    Deuxièmement, le Comité peut assurément mener une étude afin d'enquêter sur la politique des pensionnats coloniaux préscolaires du Parti communiste chinois, à propos de laquelle il n'existe aucune information. Il est clair que le gouvernement chinois cherche à la cacher et il fait tout ce qu'il peut en ce sens, car même lui sait que c'est mal. Nous devons nous assurer que les gens comme Mme Lo et les experts qui risquent leur vie pour être ici devant vous aujourd'hui afin de vous dire la vérité sur ces politiques cachées du gouvernement chinois sont pris au sérieux.
    Troisièmement, il faut imposer des sanctions aux fonctionnaires chinois et aux architectes qui supervisent ces pensionnats coloniaux en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus.
    Enfin, je tiens à vous remercier, ainsi que chaque personne qui nous écoute aujourd'hui, car ensemble, nous pouvons faire les choses correctement et nous assurer que cela ne se reproduira plus jamais.
    Merci.
    Merci, madame Lhamo.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Pour cette première série de questions, la durée des questions sera de sept minutes. Le premier intervenant sera M. Aboultaif et le deuxième sera M. Virani, puis se sera au tour des autres membres.
    Monsieur Aboultaif, vous avez sept minutes.
    Je vous remercie.
    Je remercie les témoins d'avoir comparu aujourd'hui devant le Comité.
    Madame Lhamo, vous avez répondu à certaines des questions que j'allais poser en décrivant la finalité de la stratégie du régime chinois ou du Parti communiste chinois pour la région du Tibet et la population tibétaine. Cependant, j'aimerais savoir quand la communauté internationale et le Canada ont appris l'existence de ce problème des pensionnats. Quand ce problème a‑t‑il été porté à notre attention?
     Vous dites que dans 20 ans, il y aura probablement une transformation complète de la culture, du système d'éducation et de l'avenir dans lequel grandiront ces générations. Je pense qu'il serait important de savoir à quel moment cette question a été portée à la connaissance de la communauté internationale et du Canada. Qu'avez-vous entendu de la part de la communauté internationale à ce propos?
    La question s'adresse à Mme Lhamo et à Mme Tethong du Tibet Action Institute.
    Je pense que Mme Tethong serait la personne toute désignée pour répondre à votre question, car le Tibet Action Institute a publié le rapport en 2020 et que cette publication a suscité une réaction franche de la communauté internationale. Nous voyons que le Royaume-Uni s'est exprimé.
    Nous avons également joint au document d'information la lettre de M. Jim McGovern — un membre du Congrès américain qui siège à la Commission exécutive du Congrès sur la Chine —, dans laquelle il interpelle la Chine et lui demande de fermer les pensionnats coloniaux.
    Nous avons besoin d'un engagement de la part du Canada. Le Royaume-Uni a pris position. Les États-Unis ont fait de même. L'ONU a également effectué ses propres recherches, lesquelles nous ont appris qu'un million d'enfants sont arrachés à leurs parents. Il est temps que le Canada se joigne à ce mouvement.
    Lhadon‑la.

  (1335)  

    Merci. Cela s'est passé l'année dernière. Nous avons publié le rapport et nous avons informé certains gouvernements dans les coulisses juste avant décembre dernier. Cela a fait un an en décembre.
    Il y a eu un certain mouvement dans le bon sens, je pense, avec les rapporteurs spéciaux de l'ONU qui se sont exprimés récemment. Lundi dernier, ils ont publié un communiqué de presse au sujet des communications qu'ils ont adressées au gouvernement chinois afin d'obtenir de plus amples renseignements sur le système scolaire et pour lui signifier que cela semblait être une violation de tous les accords conclus par le gouvernement chinois sur les droits des Tibétains.
    Je pense que Mme Lo est celle qui l'explique le mieux. Depuis que le gouvernement chinois est au Tibet, il y a toujours eu des pensionnats coloniaux. Elle a fait partie de la vague d'universitaires, d'érudits et de Tibétains qui, pendant des années, ont essayé de tenir le phare et de faire pression pour qu'il y ait un contenu et un programme tibétains dans ces écoles.
    Or, cet espace d'intervention n'a cessé de se rétrécir avec le temps, à tel point que, sous Xi Jinping et aux termes des politiques ethniques de deuxième génération qui sont apparues ces dernières années, le gouvernement chinois a serré la vis d'un cran: l'enseignement primaire n'est plus dispensé en tibétain, et maintenant, ce sont les écoles maternelles qui sont visées. Auparavant, les Tibétains n'étaient pas obligés d'aller à l'école maternelle. Bien sûr, ce serait formidable qu'ils y aillent, qu'ils aillent à l'école maternelle dans leur langue maternelle. Ils n'y verraient aucun inconvénient, pour peu qu'ils n'aient pas à le faire dans un pensionnat, mais localement.
    Toutes ces nouvelles politiques sont le fait de Xi Jinping, et c'est ce que nous voyons en général.
    Madame Lo, en ce qui concerne le Tibet oriental — et je me réfère à votre témoignage —, j'aimerais savoir si vous avez eu la chance d'examiner le programme académique qui est imposé, disons, aux étudiants.
    Permettez-moi de répondre en deux temps.
    Les pensionnats coloniaux existent depuis 1979, mais la situation s'aggrave. Le régime de Xi Jinping a en effet adopté une nouvelle politique relative au système de pensionnats préscolaires.
    J'étais intensément active dans le dossier du programme scolaire et du contenu des manuels au cours des 10 années que j'ai passées à enseigner à mon ancienne université. Par exemple, j'ai conçu deux manuels fondés sur le savoir tibétain. J'ai également donné des conférences de formation, auxquelles la Chine a mis fin un an après l'ascension au pouvoir de Xi.
    Pourriez-vous nous donner des exemples tirés de ces manuels qui indiquent ce que le gouvernement chinois tente de faire, puis nous dire l'incidence réelle que cela aura sur l'avenir de ces jeunes générations?
    Oui. Il crée en fin de compte un environnement culturel purement chinois pour les enfants dans les écoles.
    Par exemple, tous les objets, les figures historiques et les éléments culturels du Tibet ont été évacués des salles de classe en 2018. Aussi, on demande aux enfants de porter l'uniforme des soldats chinois. Chaque jour, les enfants doivent aussi chanter l'hymne national en arrivant à l'école.
    J'ai une question à poser et il me reste environ 30 à 40 secondes. Est‑ce que les parents peuvent rendre visite à leurs enfants dans ces écoles?
    Il y en a deux types. Dans les pensionnats préscolaires, les parents ont le droit de venir les chercher le vendredi soir et de les ramener le dimanche soir. Il s'agit d'enfants de quatre à six ans. Dans les autres pensionnats, les enfants peuvent voir leurs parents presque une fois tous les trois mois.

  (1340)  

    Merci, monsieur Aboultaif.
    M. Virani a maintenant la parole pendant sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    D'abord, tuchi che. Merci énormément d'être des nôtres.
    Merci également à vous, madame Richardson, pour vos contributions.
    Merci aux membres du Comité et à la présidence de mener cette réunion et cette étude importantes.
    Mme Lhamo a mentionné la communauté de Parkdale. Au cours des sept années que j'ai passées à la représenter, j'ai certes beaucoup appris sur le Tibet et la lutte des Tibétains. À titre de président des Parlementaires amis du Tibet, j'ai parfois été encouragé par les politiques gouvernementales et la réaction internationale. Le témoignage d'aujourd'hui, toutefois, est fort perturbant.
    Il y a des aspects encourageants, comme le lancement d'une stratégie indopacifique qui fait expressément mention des violations des droits de la personne au Tibet. Il y a des choses comme le vote de décembre dernier sur la reprise d'un dialogue sino-tibétain qui est au point mort depuis que Sa Sainteté a cédé son pouvoir politique au sikyong. Ces pourparlers sont moribonds depuis 10 ans environ.
    J'estime que la tenue de cette étude est essentielle et je suis heureux que nous la menions, mais je veux d'abord connaître l'incidence sur les enfants et sur les parents.
    Madame Gyal Lo, peut-être pourriez-vous nous dire très précisément ce qui se passerait dans la Région autonome du Tibet ou dans toute région à majorité tibétaine si un parent essayait carrément de ne pas envoyer ses enfants soit dans une école maternelle ou un pensionnat pour les 6 à 18 ans. Quelles sont les conséquences?
    Il est pratiquement impossible pour les parents de s'opposer à la politique qui demande l'envoi de leurs enfants à ces écoles. Ils sont d'abord avertis que, s'ils n'envoient pas leurs enfants dans les pensionnats préscolaires, ces enfants ne pourront pas être admis dans l'une ou l'autre de ces écoles, ce qui veut dire qu'ils ne recevront pas d'éducation. L'autre façon serait simplement de biffer leur nom du système gouvernemental, ce qui les empêcherait du coup de bénéficier de toute prestation ou de tout soutien assuré par le gouvernement. Ensuite, s'ils n'envoient toujours pas leurs enfants à l'école, la police va les arrêter chez eux.
    Dans ce contexte, les enfants seraient déplacés de force. Peut‑on le dire ainsi?
    Bien sûr. Ils ont besoin d'enfants pour garder les écoles ouvertes.
    D'accord.
    Mme Lhamo a fait référence à l'histoire du Canada en matière de pensionnats. Nous pensons tous aux circonstances lamentables vécues par les Autochtones de ce pays pendant 150 ans. C'est un legs affreux. Une bonne partie de celui‑ci a également trait à des enfants qui essaient de s'échapper, de fuir à toutes jambes, à des enfants qui essaient de résister.
    Cette question s'adresse soit à Mme Gyal Lo, à Mme Tethong ou à Mme Richardson. Y a‑t‑il des preuves que des enfants essaient d'échapper au système, mais aussi de ce qu'on leur fait subir s'ils tentent de résister dans les écoles?
    Il y a deux options on ne peut plus claires: la première est qu'on vous ramène à l'école. La seconde est qu'on vous envoie dans une autre école, située plus loin afin que vous ne puissiez pas vous en échapper.
    On vous éloigne encore plus.
    De quelle façon cela a‑t‑il été exacerbé par la montée de l'État de surveillance sous Xi Jinping? Je sais qu'il y a deux caméras par personne en RPC, par exemple. C'est surréaliste. En quoi cela nuit‑il à la capacité de quelqu'un de résister ou de fuir dans ce contexte?
    Peut-être que Mme Richardson peut répondre, puis Mme Tethong.
    Merci.
    Human Rights Watch mène pas mal de recherches sur l'État de surveillance partout en Chine et sur la capacité des autorités à assurer virtuellement la surveillance de toutes les communications électroniques, mais également d'utiliser des outils pour suivre les gens à la trace. Je crois que l'on peut dire que le plateau tibétain est saturé de ce type de technologie. Elle est déployée de façon à empêcher la communication et à prévenir l'organisation de mouvements de masse.
    Je pourrais peut-être ajouter quelque chose brièvement sur les répercussions sur les enfants et les membres de la famille. Des gens nous ont dit que les enfants étaient incapables de communiquer avec les membres de leur famille après avoir été forcés à faire toutes leurs études en chinois. Les enfants ne pouvaient pas lire de textes traditionnels, évidemment, ni participer aux rites religieux. Ils ne comprenaient tout simplement pas assez la langue pour ce faire.
    Ce ne sont là que quelques exemples illustrant de façon flagrante qu'il suffit de changer le médium d'éducation pour détruire les familles et la transmission du savoir.
    Mme Tethong a certainement des choses à ajouter là‑dessus.

  (1345)  

    Oui.
    Nous avons reçu des rapports du Tibet, quoique très limités, sur des écoliers tibétains dans ces écoles qui protestaient contre la répression associée à la langue et leur retrait du Tibet, un phénomène qui prend de l'ampleur depuis quelques années. Nous essayons de nous pencher là‑dessus, bien que ce soit pour ainsi dire impossible en raison du contrôle total exercé sur l'information là‑bas.
    À propos des répercussions sur les enfants et les familles, j'ajouterais ceci: bien des Tibétains nous ont dit avoir eu l'impression qu'ils n'avaient d'autre choix que d'y envoyer leurs enfants et que, au moins, contrairement à eux, si leurs enfants apprenaient le chinois, ils auraient de meilleures possibilités, vu que le monde qui les entoure change si vite. Ils ont toutefois exprimé du regret par la suite, quand leurs enfants sont revenus à la maison complètement différents et distants. Ils en ont eu le cœur brisé. Ils avaient l'impression d'avoir pris la mauvaise décision.
    Madame Tethong, peut-être pourrais‑je poursuivre encore un peu là‑dessus avec vous. Vous avez cité l'application discriminatoire de ces politiques. Je me souviens avoir lu dans ce document plus détaillé de l'ONU que, bien que ces écoles existent, elles visent quelque chose comme 22 % des enfants des minorités, mais 78 % des enfants de la minorité tibétaine.
    Pourriez-vous vous prononcer là‑dessus, soit sur l'application directe ou l'application excessive aux Tibétains et ce que vous en concluez quant aux politiques du gouvernement chinois?
    Dans les régions les plus rurales de Chine, où vous pourriez croire que... Si c'est vraiment à propos de ce que vont citer les Chinois, soit les difficultés que présente le plateau tibétain peu peuplé, la topographie et la grande difficulté d'y aller à l'école... Dans les régions les plus rurales de Chine, le taux d'inscription au pensionnat est en moyenne de 20 %. Il n'y a pas de comparaison.
    On ne vise pas seulement les enfants tibétains, mais aussi les enfants ouïghours et de Mongolie intérieure. Bien sûr, au Turkestan oriental, ce que le gouvernement désigne comme la région autonome ouïghoure du Xinjiang, les circonstances sont différentes, car les parents de nombre de ces enfants sont dans des camps ou en détention.
    En Mongolie intérieure, on s'est concrètement rebellé contre les politiques linguistiques d'une façon qui a en partie contribué à retarder légèrement... Nous n'avons pas tous les détails, car il est difficile d'obtenir de l'information, mais nous savons que la population en pensionnat y est aussi très élevée.
    Je crois malheureusement que le Tibet est toujours au premier plan, toujours un peu plus avancé que les autres. En raison des revendications d'indépendance et de l'histoire du Tibet, ainsi que du soutien mondial dont il bénéficie, le gouvernement chinois traite le Tibet fort différemment à bien des égards, et y intervient en premier.
    Merci, madame Tethong.

[Français]

    Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez maintenant la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de participer à cette très importante étude du Comité.
    Je veux qu'ils sachent qu'ils trouveront en moi un allié. Je suis d'ailleurs interdit de séjour en Chine, si cela peut les rassurer.
    Madame Tethong, vous nous avez dit que certaines familles regrettaient leur choix parce qu'elles s'étaient laissé convaincre par le gouvernement chinois, d'une façon un peu pernicieuse, d'envoyer leurs enfants dans ces pensionnats.
    Êtes-vous en mesure de me dire si une famille peut refuser d'envoyer son enfant dans un pensionnat?
    Si une famille refuse de le faire, y a-t-il des sanctions ou des représailles de la part du gouvernement?

[Traduction]

    Merci pour cette question.
    Il y a déjà eu plus d'options, mais leur nombre diminue d'année en année. Les Tibétains pouvaient envoyer leurs enfants dans des écoles tibétaines privées ou dans des écoles laïques tenues par des monastères, ce genre de choses. Le gouvernement chinois a toutefois mis fin à tout cela.
    Quand je dis qu'ils avaient le choix, j'entends par là que certains parents avaient le choix il y a quelques années de cela entre une école tibétaine ou cette école où leurs enfants obtiendraient une solide éducation en chinois. Quand les parents prenaient cette décision, peu importe pour quelle raison, c'est de cela que je parle. C'est de ce genre de regret.
    Les conséquences, vraiment... Une chose est toutefois évidente pour nous dans nos recherches: dans le cas de beaucoup de Tibétains qui veulent ou tentent de résister, la pression exercée sur les gens est beaucoup plus efficace avant même qu'ils songent à ne pas y envoyer leurs enfants.
    Maintenant, les parents déménagent dans des régions urbaines parce qu'il y a des externats, ce qui me rappelle des histoires que j'ai entendues sur les pensionnats au Canada. Ils séparent la famille et déménagent avec leurs enfants dans une région urbaine afin que les enfants puissent aller dans un externat ou vivre avec les enfants de quatre et cinq ans. Nous avons entendu parler de communautés nomades où les familles se relayaient pour aller vivre à proximité de l'école, même si elles ne peuvent pas voir les enfants, afin que quelqu'un de la communauté soit à proximité. Ces personnes vivent dans leur voiture toute la semaine.
    Voilà le genre d'histoires que nous entendons actuellement.

  (1350)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous avons entendu dire qu'il était pratiquement interdit de parler tibétain. Ces enfants doivent renoncer à leur culture et à leurs pratiques religieuses, parce qu'ils sont dans ces écoles chinoises, qui prônent le socialisme.
    Au terme de cette formation imposée par le gouvernement chinois, quelles sont les répercussions sur les enfants?
    Quel est le résultat lorsqu'un jeune Tibétain a été forcé d'aller dans ces pensionnats?
    Lorsqu'il en sort, est-il la même personne ou a-t-il complètement changé?

[Traduction]

    Merci pour votre question. C'est une question clé, je crois.
    Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, après trois mois, ils ont l'impression d'être devenus des invités ou des étrangers à la maison. Voilà comment ils coupent les enfants de leurs racines: en les séparant d'abord de leur foyer.

[Français]

    Il faut faire attention lorsqu'on compare des situations. Toutefois, au Canada, il y a quand même eu des pensionnats autochtones qui ont déraciné des enfants de force, ce que l'on a qualifié de génocide culturel. Maintenant, ici, il y a un processus de réconciliation en place.
     Ce qu'on voit du gouvernement chinois en ce qui a trait à la population tibétaine, c'est un génocide culturel.
    Seriez-vous prêt à affirmer cela?

[Traduction]

    Oui, tout à fait. C'est un signe manifeste de génocide culturel, selon moi.
    Selon la Convention sur le génocide, séparer les enfants de leurs parents est une forme de génocide. Même si cela risque d'être un génocide, nous avons l'obligation, à titre de membre de la communauté internationale, d'intervenir et, si nécessaire, de punir les responsables.

[Français]

    C'est exactement là où je voulais en venir. Le Canada est signataire de la Convention sur le génocide. En tant que signataire d'une telle convention, le Canada a des obligations, et ce n'est pas une simple formalité. Il y a des obligations pour les pays signataires, et le Canada est l'un de ces pays.
    Trouvez-vous que le Canada en fait assez en tant que signataire de la Convention sur le génocide de 1948?
    La Convention est claire: lorsqu'il y a seulement un risque de génocide, il faut agir, punir ou prévenir.
    Trouvez-vous que le Canada en fait assez? Sinon, que doit-il faire de plus?

[Traduction]

    Nous avons fourni les recommandations, mais je serai heureuse de les répéter.
    En réponse à votre question: « Trouvez-vous que le Canada en fait assez? », voici l'occasion d'agir. Depuis un an et demi environ, des expertes, Mmes Gyal Lo et Tethong sillonnent le globe sans relâche. Je sais que Mme Tethong a dû passer du temps loin de ses tout-petits, en faisant l'aller-retour. Elle était tout récemment à Ottawa. Elle devait prendre des vols qui ont été annulés.
    Elle est séparée exactement pour cette raison. Ce sacrifice vise à amener le Canada à prendre des mesures pour veiller à ce que les enfants ne soient plus séparés de leur famille, afin que nous puissions agir dans le cadre de notre obligation d'intervenir.

  (1355)  

[Français]

    Il vous reste 20 secondes.
    De quelle façon devons-nous intervenir? C'est cette question qu'il faut se poser. Nous sommes de tout cœur avec vous au Comité.
    En tant que parlementaires, quelles mesures devons-nous prendre?
    Comment pouvons-nous intervenir? Intervenir est une chose, mais la façon dont nous le faisons en est autre.
    Madame Tethong, je pense que vous vouliez répondre à cela.

[Traduction]

    Oui. Je crois que ce leadership serait très utile pour soulever la question auprès de pays aux vues similaires aux Nations unies. Avant toute chose, cela peut sembler évident, mais le gouvernement chinois cache cette politique pour une raison et empêche l'information de circuler pour une raison. Si personne ne sait ce qui se passe, il n'y a pas de problème. Pas de problème veut dire pas de solution. Avant toute chose, nous devons condamner directement cette politique: il faut l'exposer et aviser Pékin que le monde entier est au courant. C'est la base.
    Ensuite, je crois que vous comprenez tous le principe du Tibet qui est souvent cité dans de longues déclarations sur d'autres choses, par exemple en ajoutant « et le Tibet » ou encore « le cas du Tibet nous préoccupe ». Nous sommes reconnaissants des préoccupations soutenues à l'égard du Tibet, mais je crois que de nommer explicitement les politiques, puis de parler de génocide et de se pencher sur la question, permet de montrer très clairement que ce qui se passe va bien au‑delà des violations des droits de la personne.
    C'est quelque chose que nous vivons également. On nous classe dans une catégorie, comme s'il y avait ces violations individuelles, mais l'approche de Xi Jinping, surtout maintenant, est limpide. C'est une approche intégrale conçue pour éliminer les Tibétains d'une façon on ne peut plus génocidaire, et il faut aborder la question de cette façon.
    Dans le cas des Tibétains, des Ouïghours et des Mongols, je crois que nos problèmes doivent être abordés ensemble. Selon moi, Pékin n'aimerait rien de mieux que de nous garder tous bien isolés les uns des autres et de dire qu'il s'agit là d'une question antiterroriste, puis ici d'une question de séparatisme... C'est tout simplement trop facile de les laisser s'en tirer avec des politiques génocidaires à l'encontre de tous, et plus particulièrement des Tibétains, des Ouïghours et des habitants de la Mongolie intérieure qui ne sont pas des Hans.
    Merci, madame Tethong.

[Français]

    Merci, monsieur Brunelle‑Duceppe.
    Je vous remercie tous.

[Traduction]

    Poursuivons avec Mme McPherson pendant sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie de vos témoignages qui nous ont été très utiles. Je suis une mère, et je ne peux même pas imaginer les histoires que vous nous avez racontées cette semaine. Lorsque j'ai entendu vos témoignages en début de semaine, j'avais besoin de toute ma maîtrise pour ne pas me précipiter à la maison et serrer mes enfants un peu plus fort. Je tiens à vous exprimer toute ma sympathie pour ce qui vous arrive.
    Pour être tout à fait honnête, je suis un peu bouleversée par ces témoignages. Comme beaucoup d'autres membres du Comité, je suis interdite de séjour en Chine, parce que nous avons dénoncé le génocide dont est victime le peuple ouïghour. Je suppose que la raison pour laquelle je me sens un peu dépassée, c'est que vous soulevez la question des déclarations, de l'utilisation de sanctions semblables à celles prévues par la loi Magnitski et des mesures que le Canada peut prendre, et cela semble tellement insuffisant compte tenu de ce qui doit être fait.
    J'aimerais cependant savoir quelle a été la réaction de la Chine. Le rapport a été publié. Vous vous exprimez sur la scène internationale. Nous avons vu le Royaume-Uni, les États-Unis et d'autres pays soulever la question et en parler. La Chine a‑t‑elle totalement démenti le rapport? Quelle a été la réaction de la Chine à ce sujet?
    Je vais vous répondre rapidement, et Mme Richardson pourrait peut-être faire un suivi concernant la façon dont la Chine a réagi.
    En ce qui concerne les accusations particulières relatives au système de pensionnats, ils n'ont pas dit grand-chose, bien qu'ils aient donné des réponses directes. Ils n'ont pas répondu à l'ONU, mais ils ont publié quelque chose il y a quelque temps. Je pense que c'était par l'intermédiaire de l'ambassade canadienne de Chine, si je me souviens bien.
    Ils nient complètement l'existence des pensionnats, et ils pointent du doigt leur propagande en ligne qui montre des enfants tibétains apprenant le tibétain ou leurs vidéos habiles qui montrent des Tibétains apprenant le tibétain. Je mentionne rapidement que les gens vont demander comment nous pouvons dire qu'ils n'apprennent pas le tibétain alors que nous les voyons là en train d'apprendre le tibétain.
     Je tenais à souligner — et je pense que tous les Canadiens peuvent le comprendre — qu'un seul cours de langue tibétaine enseigné à des enfants tibétains au Tibet, où ils étudient en chinois de 9 à 10 heures par jour, ne suffit pas. Cela ne fera pas en sorte que ces jeunes, surtout s'ils sont séparés de leur famille et de leur communauté, parlent tibétain ou se comportent comme des Tibétains.
    C'est l'une des excuses que le gouvernement chinois mettra de l'avant, et il s'appuie sur sa propagande très soigneusement construite et sur d'autres éléments pour montrer cela, comme des Tibétains qui dansent et chantent. Ils ont mis en ligne des documents qui, à mon avis, sont de la propagande très révélatrice. Les questions que ces enquêteurs poseront aux jeunes Tibétains, soit par écrit, soit par vidéo... Les réponses des jeunes sont très révélatrices: leur famille leur manque, ils ne sont pas heureux depuis longtemps, et ils ont le mal du pays.
    Tout est là, mais tout le monde sait qu'au Tibet, il faut faire très attention à la façon dont on s'exprime devant les médias de l'État chinois.

  (1400)  

    Madame Richardson, y a‑t‑il quelque chose que vous aimeriez ajouter à cela?
    Merci.
    Je pourrais ajouter rapidement que le gouvernement chinois rejette désormais par réflexe tout ce que nous publions comme étant désespérément biaisé et fictif. Nous, les membres de l'organisation, avons été sanctionnés, ce qui n'est pas vraiment pertinent, sauf pour montrer qu'il n'y a jamais de conversation de fond sur les faits. En général, le gouvernement chinois continue d'insister sur le fait qu'il ne fait que permettre au plus grand nombre d'enfants possible d'avoir accès à l'éducation, et que tout cela est dans l'intérêt du public.
    Je pense qu'il est utile de souligner que la décision de 2010 visant à élargir l'accès à l'éducation préscolaire dans toutes les régions tibétaines, et en particulier dans la région autonome du Tibet, a rendu l'éducation préscolaire effectivement obligatoire. Lorsque nous réfléchissons aux conséquences de cette décision, nous constatons que l'une d'entre elles est qu'il est désormais impossible d'inscrire son enfant dans un établissement d'enseignement des niveaux suivants s'il n'a pas fréquenté l'une des écoles maternelles publiques, qu'il s'agisse d'un pensionnat ou non. Il n'y a plus d'options. Il n'y a pas d'options valables pour s'écarter du système public, car cela aurait, en fait, pour effet de retirer son enfant de tout enseignement à tous les niveaux.
    Cependant, le gouvernement chinois s'est montré particulièrement peu sincère dans ses réponses aux préoccupations également soulevées par le Comité des droits de l'enfant et le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations unies, qui ont tous deux signalé un problème lié aux autorités chinoises à plusieurs reprises depuis les années 1990. Habituellement, la réponse de l'État consiste à indiquer le nombre d'enfants scolarisés dans l'ensemble, sans répondre à la question de l'accès à l'éducation dans la langue maternelle ou du déni de ce droit.
    Vous avez certainement parlé des institutions et des tribunes multilatérales qui se sont penchées sur la question. Évidemment, dans le cas des Ouïghours, nous avons constaté que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies n'a pas été en mesure d'amorcer cette étude. Il n'a pas été en mesure d'obtenir les votes nécessaires pour permettre à cette étude d'aller de l'avant.
    Est‑ce un rôle que le Canada devrait jouer? Devrions-nous essayer de travailler avec des pays alliés pour nous prémunir contre l'influence de la Chine sur d'autres pays? Est‑ce un rôle que nous pouvons jouer?
    Je ne saurais trop vous inciter à le faire. Le Canada a beaucoup appuyé le vote d'octobre. J'espère vraiment que les gouvernements considéreront cet épisode non pas comme un échec, mais comme une progression de 18 voix vers le « oui ». Vous étiez à 18 voix du « oui ». Ces initiatives ne sont presque jamais adoptées du premier coup. J'espère que tout le monde se prépare, pas nécessairement pour la session de mars mais pour celle de juin, à retourner directement au Conseil et à essayer de faire adopter le même mémoire de décision.
    Vous savez cela: vous avez voté en leur faveur la semaine dernière de façon merveilleuse et émouvante, et je vous en remercie. Ces personnes méritent de jouir de leurs droits. Il devrait y avoir un débat au Conseil des droits de l'homme sur ce qui arrive aux Ouïghours et sur ce qui arrive aux enfants tibétains. Je pense que le leadership du gouvernement canadien à cet égard est incroyablement important.
    Madame Tethong, je vais juste préparer le terrain pour ma prochaine intervention. Vous avez parlé un peu du fait que les problèmes des Tibétains sont distincts de ceux des Ouïghours, de ceux des Mongols, de ceux des Hongkongais peut-être et de ceux de Taïwanais. Quels que soient les problèmes que nous affrontons en ce qui concerne l'agression chinoise, vous pourriez peut-être, au cours de ma prochaine intervention — car je sais que mon temps de parole est écoulé —, expliquer comment nous pouvons traiter le Tibet comme une entité distincte, mais aussi comme une partie du problème plus vaste qui nous occupe.
    Je sais que je ne peux pas vous demander de répondre à cette question maintenant, mais ma prochaine intervention portera sur cet enjeu.
    Merci, monsieur le président.

  (1405)  

    Je vous remercie de votre intervention, madame McPherson.
    Nous allons poursuivre la série de questions en donnant la parole à Mme Vandenbeld pendant cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie infiniment nos témoins de ces témoignages cruciaux. Je prends note du fait qu'il a été mentionné que la Chine déploie d'énormes efforts pour tenter d'éliminer la diffusion de l'information et pour éviter que l'on sache ce qui arrive aux enfants tibétains.
    Madame Lo, en votre qualité d'enseignante ayant une profonde affection pour les enfants, je tiens à vous remercier tout particulièrement de nous avoir apporté un témoignage direct et récent des faits que vous avez observés de vos propres yeux. Je crois qu'il est essentiel pour le Comité d'être en mesure d'entendre ce témoignage, mais aussi de l'amplifier. En fait, je remercie tous les membres du Comité, tous partis confondus, de nous avoir permis d'insérer votre témoignage dans notre emploi du temps pour que nous ayons une réunion exceptionnelle aujourd'hui et que nous puissions faire figurer votre témoignage dans le compte rendu, ce qui, je l'espère, contribuera à le faire connaître dans le monde entier.
    Mme Richardson a mentionné une tentative de sinisation. Mme Tethong a dit quelque chose à propos de l'examen de toutes ces questions ensemble. Comme vous le savez, notre comité a été, je pense, le premier du monde, tous parlements confondus, à étudier la situation des Ouïghours en 2018 et ce qui se passait là‑bas, à une époque où la Chine s'efforçait d'éviter que des renseignements à ce sujet soient rendus publics. Je constate qu'il y a des similitudes étranges dans la surveillance dont les Tibétains font l'objet et dans la tentative d'éradiquer complètement leur langue et leur culture en prenant en charge leurs enfants. Je me demande dans quelle mesure c'est quelque chose que...
    Je crois que c'est Mme Tethong qui a déclaré que le Tibet était le canari dans la mine de charbon. Le Tibet est en quelque sorte venu avant. En même temps, j'imagine que ces techniques et ces technologies sont mises en commun et qu'on en tire des enseignements. En ce qui concerne les Ouïgours, nous avons constaté que le gouverneur qui était au Tibet est ensuite allé au Xinjiang.
    Je me demande dans quelle mesure la Chine utilise ces techniques contre toutes ses minorités dans le cadre d'une tentative plus vaste d'éradication des peuples différents.
    J'aimerais commencer par interroger Mme Lo. Ensuite, chacun d'entre vous pourra peut-être répondre à cette question.
    Merci.
    Je vous remercie de votre question.
    Bien sûr, au fil des ans, pendant que j'enseignais dans mon ancienne université, j'ai eu un certain nombre de collègues mongols et ouïgours. Nous avons souvent échangé des idées. À l'université, au cours des réunions officielles, nous faisions semblant de ne pas nous connaître, mais le soir, nous nous invitions les uns les autres à dîner ensemble dans un certain endroit. Nous avons vécu ce genre d'expérience. Cette expérience consistait simplement à ne pas réagir aux pressions que le gouvernement exerçait sur nous, les intellectuels.
    Au fil de ces expériences, certaines choses sont devenues claires. Je remarque des similitudes entre les pensionnats pour les Ouïgours au Xinjiang et les pensionnats pour les Tibétains au Tibet. L'approche est exactement la même. Il n'y a aucune différence.
    Par contre, il existe certaines différences stratégiques entre le traitement que la Chine réserve aux Tibétains et celui qu'elle réserve aux Ouïghours. Je peux vous donner un exemple concret.
    En 2017, Guanxiong Pei, un universitaire en sciences sociales, a réalisé une enquête sociale sur la différence entre les Tibétains et les Ouïghours, selon leur point de vue. Il a dit d'éliminer les Tibétains des centres urbains en les faisant revenir dans leurs zones rurales, puis de tuer tous les Ouïgours de toutes les villes de Chine. Voilà les divers types d'attitudes qu'a le peuple chinois.

  (1410)  

    En ce qui concerne les membres de votre propre famille et les enfants qui se comportent comme des étrangers dans leur maison, je pense que tous les parents, grands-parents, tantes et oncles peuvent comprendre la situation et sont mortifiés à cette idée. Je vous remercie de ce témoignage.
    Madame Lhamo, voudriez-vous parler un peu de la manière dont les choses se passent selon les différentes cultures et les différentes races?
    Oui... en formulant de très brèves observations, s'il vous plaît.
    Oui, bien sûr.
    Je voudrais commencer par dire qu'une solidarité entre les mouvements existe. Nous l'avons vu au cours des Jeux olympiques de Pékin. J'étais en fait en Grèce avec mes amis ouïgours et hongkongais. Certains d'entre nous ont été arrêtés et détenus dans des prisons différentes, mais nous étions solidaires.
    En ce qui concerne les tactiques du gouvernement chinois, il est évident que la Chine reproduit constamment les tactiques utilisées par d'autres régimes autoritaires, qu'il s'agisse d'exercer une surveillance ou d'arracher des enfants à leur famille.
    Je tiens à insister sur ce point: le Tibet est confiné à dessein depuis 2008. Avant 2008, des milliers de personnes ont pu s'échapper. Nous avions souvent l'habitude d'obtenir des renseignements provenant d'experts comme Mme Gyal Lo. Après 2008, seul un petit nombre de personnes a réussi à s'échapper. Au cours des dernières années, peut-être cinq ou une poignée de personnes ont été en mesure de quitter la région.
    Je voudrais encourager les gens à réfléchir au type de renseignements que nous avons reçus de l'intérieur du Tibet et au type d'accès dont nous disposons. Nous avons pu voir les camps de concentration du Turkestan oriental, mais nous n'avons pas encore été en mesure de voir les pensionnats préscolaires. Même l'ONU n'en a pas fait état dans ses communiqués jusqu'à présent. En ce qui concerne les pensionnats préscolaires, nous sommes toujours dans le noir, alors l'accès est notre nouveau leitmotiv...
    Merci.
    Nous allons maintenant poursuivre en donnant la parole à M. Genuis pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ce témoignage est évidemment très touchant et tragique.
    Je voudrais commencer par vous demander si vous connaissez des cas ou des mécanismes de complicité liés à des sociétés occidentales ou des sociétés d'experts-conseils qui pourraient être mêlées à l'investissement dans ces pensionnats ou à la fourniture d'équipements ou de technologies pour ces pensionnats, et sur lesquelles nous devrions exercer des pressions pour mettre fin à cette complicité.
    Tous les témoins peuvent répondre à la question.
    N'hésitez pas à intervenir. La question est adressée à tout le monde. En général, si un témoin a des observations à formuler, il peut toujours le faire, même si la question ne lui est pas adressée.
    Oui, vous avez la parole.
    Madame Richardson, voulez-vous parler de l'ADN ou mentionner rapidement le lien avec l'ADN...?
    Bien sûr. Cette question n'est pas propre aux pensionnats, mais il y a plusieurs années, lorsque nous rédigions des documents sur la collecte forcée de données biographiques sur les Ouïgours, nous sommes tombés sur des documents concernant l'approvisionnement qui semblaient indiquer que Thermo Fisher, une société établie dans l'État du Massachusetts, avait vendu des séquenceurs d'ADN aux autorités du Xinjiang. La vente de ces séquenceurs n'était pas illégale à l'époque, et ne l'est toujours pas. Cela ne veut pas dire que la vente de ce matériel est une bonne idée ou qu'elle est conforme à l'éthique ou à la décence humaine fondamentale.
    La fréquence des attaques publiques visant cette entreprise ne semble pas l'avoir fait changer de comportement. Elle a déclaré qu'elle cesserait de vendre cette technologie dans cette région, mais par la suite, nous et d'autres personnes avons découvert que sa technologie était toujours vendue dans la région, et elle a indiqué que ce n'était pas sa faute. Nous pourrions entrer dans les détails si vous le souhaitez.
    Récemment, nous et d'autres personnes avons découvert que la même société vendait le même matériel aux autorités de la région autonome du Tibet, et nous avons publié en septembre un rapport montrant que les autorités collectent...
    Je suis désolé. En raison du peu de temps dont je dispose, pourriez-vous nous communiquer rapidement le nom de l'entreprise? Y a‑t‑il d'autres exemples d'entreprises ou de sociétés d'experts-conseils...? Si les gens n'ont pas cette information à portée de la main, je pense que le Comité aimerait la recevoir par écrit dans le cadre d'un suivi.
    Je sais que cela peut sembler un peu obscur, mais je pense que l'un des meilleurs moyens de lutter contre ces violations des droits de la personne est de demander des comptes à ceux à qui nous pouvons de demander des comptes dans une plus large mesure, car ils sont implantés dans notre société.
    Je vous enverrai les liens vers les documents pertinents que nous avons publiés.
    Merci.
    Quelqu'un d'autre souhaite‑t‑il ajouter quelque chose rapidement? Je vais passer à un autre sujet.
    Oui, j'allais dire que nous cherchons à déterminer à qui nous pourrions demander des comptes, qu'il s'agisse d'entités ou autre. L'un des nouveaux sujets que nous trouvons très intéressants, en particulier parce que Mme Gyal Lo connaît toutes ces personnes et tous ces individus, est celui des architectes intellectuels des politiques ethniques de deuxième génération que Xi Jinping a adoptées. Les personnes qui supervisent la mise en œuvre de ces politiques... pas seulement au Tibet, aussi au Turkestan oriental ou dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang.
    Ces personnes sont en fait mandatées par le plus haut niveau du gouvernement de l'État, le gouvernement central, pour se rendre au Tibet et au Turkestan oriental et trouver la manière la plus rapide de faire en sorte que les enfants tibétains et ouïghours parlent le mandarin, et les meilleures méthodes, sur le plan psychologique et autres, pour qu'ils apprennent plus vite. Comme vous pouvez l'imaginer, nous ne considérons pas ces personnes comme des universitaires ou des chercheurs. Leur but est tout autre. Il s'agit d'un génocide et les personnes responsables doivent répondre de leurs actes, en particulier s'ils ont été mandatés.

  (1415)  

    Oui, vous avez anticipé ma prochaine question. Pourriez-vous nous fournir le nom de sociétés qui pourraient participer à ce projet et en sont complices, et qui devraient être dénoncées et sanctionnées ? Nous faisons pression sur notre fonds de pension pour qu'il n'investisse pas dans des secteurs complices de ces actes.
    Il y a aussi la responsabilisation individuelle par l'entremise de l'imposition des sanctions Magnitski. À ma connaissance, ces sanctions n'ont jamais été imposées à des personnes ayant pris part à la répression au Tibet ou à Hong Kong. Elles ont été utilisées de façon très limitée dans le contexte du Turkestan oriental.
    Pouvez-vous fournir des noms au Comité et dire: « Nous savons que ces personnes jouent un rôle particulier relativement à ces pensionnats et nous devrions les responsabiliser en leur imposant des sanctions Magnitski »? Je pense pour ma part que le fait de nommer clairement les responsables constitue un outil très puissant pour dissuader ce genre de participation.
    Oui. Nous sommes tout à fait d'accord. En décembre, le département d'État des États-Unis a sanctionné deux fonctionnaires au Tibet. Je peux vous envoyer ces renseignements. Ce fut un moment très important pour les Tibétains. C'est nouveau, et il s'est passé beaucoup de choses dans le monde. Je ne pense donc pas que beaucoup de personnes soient au courant.
    Nous pourrions également vous envoyer des renseignements sur les personnes concernées.
    Le Comité vous serait reconnaissant de lui transmettre ces noms en vue de leur inclusion possible dans un rapport.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Genuis.
    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Brunelle‑Duceppe, qui aura cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais revenir un peu sur ce que mon collègue M. Genuis vient de dire.
    Nous sommes ici, au Comité, pour étoffer un dossier et accumuler le plus de preuves possible afin de pouvoir, comme parlementaires, poser des gestes ou du moins revendiquer certaines choses de notre Parlement ou du gouvernement en place au Canada.
    Pourriez-vous nous fournir de l'information dont vous ne nous avez pas encore fait part au sujet d'événements liés à ces pensionnats? Pourriez-vous nous la transmettre pour que nous puissions l'inclure dans le rapport?
    Ma question s'adresse à tous les témoins qui participent à la réunion d'aujourd'hui.
    Madame Richardson, je vous vois hocher la tête. Voulez-vous prendre la parole?

[Traduction]

    Nous nous ferions un plaisir de vous communiquer les rapports détaillés que nous avons établis sur la politique d'éducation, les abus qui y sont liés et, de façon plus générale, sur la sinisation dans cette région, si ces renseignements peuvent vous être utiles.
    Nombre de ces documents comprennent également — pour répondre à la question de M. Genuis — le nom des fonctionnaires concernés. Mme Lhadon et d'autres personnes pourront peut-être fournir des précisions à ce sujet, notamment sur les pensionnats.
    Merci pour cette question.
    Nous savons évidemment qui est l'architecte de ce programme. Il y a une personne que je connais personnellement depuis de nombreuses années. Je peux vous donner son nom.
    On y trouve également des institutions installées par la Chine centrale, le gouvernement de la Chine à Lanzhou. Elles sont chargées de mener des recherches sur l'ensemble de la zone des minorités de l'Ouest, qui couvre largement le Xinjiang et le Tibet.

[Français]

    Merci, monsieur Lo.
    Nous allons prendre tout ce que vous pouvez nous donner. Nous avons la chance, au Comité, d'avoir des analystes extrêmement efficaces qui vont nous aider à rédiger quelque chose de solide.
    Comme la plupart de mes collègues parlementaires qui sont ici aujourd'hui, j'ai travaillé sur le dossier des Ouïghours, et le gouvernement chinois a un modus operandi semblable à l'égard des Tibétains. On remarque une aggravation des violations des droits de la personne en Chine depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping.
    J'aimerais que nous en parlions davantage, car, pour nous, en tant que parlementaires, c'est un de nos vis-à-vis à l'international. Si nous pouvions accumuler des preuves démontrant que les violations des droits de la personne se sont aggravées depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, c'est certain que cela nous aiderait à passer à l'action par la suite.
    Avons-nous raison de dire que, depuis que Xi Jinping est au pouvoir, il y a une aggravation des violations des droits de la personne? Avez-vous des exemples à nous donner pour étoffer notre dossier?
    Madame Tethong, je vous ai vue réagir.

  (1420)  

[Traduction]

    Tout à fait.
    Sous Xi Jinping, nous assistons à une répression que certaines personnes comparent à la Révolution culturelle. Certaines pratiques et activités culturelles tibétaines étaient autrefois tolérées ou jugées inoffensives, comme le fait d'accrocher des drapeaux de prière ou d'ériger des statues bouddhistes tibétaines. Aujourd'hui, ces signes sont détruits. On interdit aux gens de se livrer à des pratiques bouddhistes très simples qui n'ont aucune signification politique apparente.
    De plus, des restrictions sont imposées aux monastères et au processus de reconnaissance des lamas réincarnés. Des lignées qui remontent à plusieurs générations sont coupées et brisées. Ces mesures sont prises sous tous les angles. Il y a aussi le fait que — via la surveillance — on empêche les personnes d'accéder aux monastères ou de participer aux traditions, aux fêtes ou aux événements réellement importants du bouddhisme tibétain, ou qu'on leur interdise de le faire. Je ne peux même pas imaginer ne pas pouvoir faire la circumambulation du temple pour accumuler du mérite. Même pour ces choses très simples, la répression est totale sous sa direction.
    Puis‑je ajouter quelque chose?

[Français]

    Il ne vous reste que trois secondes, monsieur Brunelle‑Duceppe.

[Traduction]

    Allez‑y, madame Lo.
    Au cours de son premier mandat, Xi Jinping n'a pas fait grand-chose, mais dès qu'il a stabilisé son second mandat, il a accru de façon spectaculaire ce nationalisme exacerbé conjugué à la domination du Parti communiste, qui a été de plus en plus mise au programme. Voilà un exemple.
    L'autre exemple concret que je peux vous donner est qu'en 2015, lorsque je m'asseyais avec des universitaires chinois, ils me disaient: « Nous pouvons accorder une autonomie généreuse au Tibet, mais l'intégralité de la région tibétaine est une zone trop vaste. » À l'époque, nous pouvions en parler, mais en 2018, ces universitaires chinois ont commencé à se détacher des amitiés de longue date qu'ils avaient établies avec des universitaires tibétains et d'autres minorités. L'atmosphère sociale s'est teintée d'un nationalisme exacerbé au sein de la société.
    Merci pour cette intervention.

[Français]

     Nous poursuivons avec Mme McPherson.

[Traduction]

    Vous avez cinq minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup pour tous ces renseignements. Vous m'avez donné beaucoup de matière à réflexion.
    J'aimerais revenir, si possible, à Mme Tethong, et lui demander si elle peut répondre à cette question. Nous avons un peu parlé de la façon dont nous soutenons le Tibet dans ce contexte. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce sujet?
    Bien sûr. Je pense que j'ai dit que le gouvernement chinois serait ravi que nous abordions toutes ces questions séparément et en silos.
    Il y a tellement de liens, et je pense que nous devons... Les Tibétains, les Ouïgours et les Hongkongais travaillent tous ensemble, dans la limite de leurs capacités, et je pense qu'il serait formidable que le gouvernement nous soutienne et nous défende davantage, tout simplement en menant une étude groupée de nos combats et en examinant la manière dont ils sont liés, et la façon dont nous pourrions confronter Pékin ou l'obliger à répondre du traitement que la Chine nous inflige à tous, car je pense que nous aurions alors plus de poids.
    J'estime qu'il est également très important... Ce que je disais, c'est que l'on parle actuellement beaucoup du Tibet, et je comprends que c'est à cause d'un manque de renseignements, mais je pense aussi qu'il y a une responsabilité supplémentaire. Si vous observez les Ouïgours et les Tibétains au fil des ans, d'une certaine manière, ce qu'ils font aux Ouïgours est dû à un manque d'attention et de soutien, à la guerre contre le terrorisme et à toutes les raisons que nous connaissons. Le Tibet bénéficiait de ce soutien et de l'attention de la communauté internationale. La Chine a donc intentionnellement créé un plan pour y mettre fin.
    Je pense qu'il nous incombe désormais de travailler davantage pour obtenir une vue d'ensemble. C'est mon avis. Malgré les coupures d'information et le confinement, les Tibétains ont risqué leur vie pour faire circuler l'information. Nous en avons une grande quantité. Il est plus difficile d'y voir clair, mais je pense que nous devons travailler plus dur pour fournir le même niveau d'effort qu'a déployé la Chine pour obscurcir le tableau. Elle le fait non pas parce que les choses s'améliorent, mais parce qu'elles empirent. Je pense que c'est la prochaine étape pour les autres lieux. Je regrette de le dire.
    Combien de temps faudra‑t‑il pour qu'ils réduisent le Turkestan oriental au silence? Combien de temps pour Hong Kong? Où sont passés les défenseurs des droits des Chinois et des communautés religieuses en Chine? Il ne s'agit pas seulement du lien entre nous tous et de notre foi. Cet enjeu concerne aussi la communauté internationale. Je pense que nous le savons.

  (1425)  

    C'est absolument terrifiant. Cela me rappelle toutes les difficultés qu'ont rencontrées les Nations unies à obtenir des renseignements sur ce qui se passait avec les Ouïgours.
    L'un d'entre vous a‑t‑il seulement foi en la capacité de la communauté internationale à obtenir des renseignements? Si les Nations unies procédaient à un examen, pourraient-elles même accéder à ces renseignements? Serions-nous en mesure d'obtenir les renseignements dont nous aurions besoin?
    Je vous vois hocher la tête, madame Richardson. Voulez-vous commencer?
    Oui. Je pense que la clé pour les autres gouvernements, et en particulier pour les démocraties, est d'égaler et de dépasser l'ambition, la discipline et les ressources que Xi Jinping consacre à la suppression des droits de la personne à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
    Les efforts des Nations unies sont importants en partie parce qu'ils visent à obliger le gouvernement chinois à respecter les mêmes normes que celles que vous souhaiteriez probablement que le gouvernement canadien respecte, et que les gouvernements ont acceptées librement. Personne n'a obligé le gouvernement chinois à signer des traités sur les droits de la personne. Il les a signés de son propre gré. Il a accepté de respecter les mêmes règles et d'être soumis au même degré de surveillance.
    Si nous ne pouvons pas discuter des crimes atroces commis contre les Ouïghours au sein du Conseil des droits de l'homme, alors je ne vois pas l'utilité de cette institution. Devons-nous l'abandonner? Non. Nous voulons qu'elle fonctionne.
    Cependant, il y a aussi le fait qu'aujourd'hui, certaines communautés ont besoin d'aide, et je pense donc à certaines des mesures nationales que le gouvernement canadien pourrait mettre en place...
    Comme l'ont mentionné les professeures Gyal Lo, Chemi et Lhadon, je pense que nous pouvons faire beaucoup de choses, qu'il s'agisse de la préservation de la langue et de la culture, du soutien aux efforts communautaires ou de l'assurance que les fonctionnaires canadiens qui travaillent sur des questions en Chine n'aient pas seulement la possibilité d'apprendre le chinois, mais aussi le tibétain, l'ouïgour, le mongol ou le cantonais. Je pense que toutes ces choses sont importantes. Toutefois, si les démocraties ne s'unissent pas rapidement pour s'opposer à un plan clair et très préoccupant de Xi, notre fenêtre d'opportunité commencera à se refermer.
     Je suis en congé sabbatique. Je ne suis pas censée dire ces choses à voix haute en ce moment, mais je trouve très déconcertant de voir que, par exemple, un fonctionnaire de la région ouïgoure est reçu au Royaume‑Uni et à Bruxelles. Je trouve très inquiétant que l'Union européenne poursuive un nouveau cycle de dialogue bilatéral sur les droits de la personne avec le gouvernement chinois. Ce gouvernement devrait faire l'objet d'une enquête et de poursuites.
    Existe‑t‑il des preuves et peut‑on les regrouper dans le cadre, par exemple, du rapport du Haut Commissariat aux droits de l’homme sur la région ouïgoure? Tout à fait. Soutenez cette idée. Donnez‑lui un soutien politique et financier, et les ressources humaines nécessaires.
    Nous devons rassembler un grand nombre de renseignements, non seulement pour les documenter, mais aussi à des fins de responsabilisation. Les personnes responsables doivent rendre compte de ces crimes.
    Tout à fait, et j'ai l'impression que l'un des problèmes que nous rencontrons est que nous vivons dans un monde multipolaire, et que d'autres pays observent la manière dont la Chine réduit sa propre population au silence. Cette situation pose de grands risques.

  (1430)  

    Merci, madame McPherson.
    Nous allons maintenant avoir deux tours plus courts de trois minutes et demie. Nous allons commencer avec M. Virani, puis nous passerons à M. Genuis et nous continuerons.
    Monsieur Virani, vous avez trois minutes et demie.
    Merci.
    Je veux être certain d'avoir bien compris certains points. J'aimerais commencer par lire quelque chose et demander à Mme Gyal Lo si ces renseignements lui semblent cohérents.
    Il s'agit d'un document du rapport des rapporteurs spéciaux des Nations unies, daté du 11 novembre 2022, qui décrit ce qui suit:
On limite la participation des élèves aux pratiques religieuses tibétaines traditionnelles qui les relient à leur famille et à leur communauté. Ces écoles comptent très peu d'enseignants tibétains, et la majorité des enseignants sont des Hans. Les enseignants ne s'expriment qu'en mandarin et conduisent toutes les activités d'enseignement en mandarin...
    Plus loin, on peut lire:
La scolarisation en pensionnat des enfants tibétains a également sur eux des effets psychologiques et sociaux négatifs profonds et graves, notamment la perte des liens familiaux, l'apathie, l'anxiété, les troubles de l'interaction, les sentiments de solitude, d'isolement, d'aliénation, le mal du pays et d'autres formes de détresse physique ou émotionnelle.
    Sur la base de votre expérience et de votre compréhension de la situation sur le terrain, après avoir visité ces 50 écoles, pensez-vous qu'il s'agisse d'une description exacte de ce que vous avez vu?
    Oui.
    Merci, madame Gyal Lo.
    Madame Richardson, j'aimerais être sûr de bien comprendre ce point. Vous avez dit dans votre déclaration liminaire que la maternelle obligatoire pouvait commencer dès trois ans. Est‑ce exact?
    Oui.
    Je suis très sensible à cet aspect du mouvement des sanctions, car — comme on l'a souligné à juste titre — nous avons émis certaines sanctions à l'encontre de dirigeants chinois responsables de la discrimination au Xinjiang. Je me fais l'écho de certaines des préoccupations que vous avez entendues de la part d'autres personnes sur la nécessité de disposer d'une liste de noms précise. Je pense que c'est vraiment essentiel.
    Puis‑je demander à Mme Lhadon et à Mme Richardson de m'aider un peu? J'enfile maintenant mon chapeau d'avocat. J'aimerais un peu mieux comprendre les effets discriminatoires. Madame Tethong, vous avez mentionné une décision de 2010. On a pris une décision exigeant que l'enseignement soit aussi local que possible, mais en 2015, on a établi une dérogation selon laquelle, si vous faisiez partie d'une minorité, l'enseignement pouvait être aussi éloigné que possible, sans que cela pose problème.
    Madame Richardson, pourriez-vous nous en dire plus sur la façon dont les Chinois violent non seulement les conventions internationales, mais aussi leurs propres lois nationales, et pourriez-vous indiquer quelles lois nationales sont violées? Ces renseignements seraient utiles au Comité.
    Je vous laisse la parole à toutes les deux, Mme Lhadon et ensuite Mme Richardson.
    Oui. Le décret du Conseil d'État de 2012, je crois, portait sur le fait que l'éducation devait en principe être locale, en particulier pour les plus jeunes. C'était en 2012, et ce même Conseil d'État... Notez qu'en 2015, cette politique ethnique de deuxième génération prend son essor et que Xi Jinping adhère à cette idée. En 2015, il y a la décision du Conseil d'État sur l'éducation ethnique. Je ne me souviens pas du nom exact, mais le même Conseil d'État a déclaré qu'on devait augmenter la construction de pensionnats pour les enfants des minorités ethniques, et que ces derniers devaient vivre dans l'école ou grandir dans l'école.
    C'est là toute la différence. Il ne s'agit pas de l'éducation, des idéaux de l'éducation, de la maternelle universelle ou autre. Il s'agit de politiques spécifiques ciblées destinées aux Tibétains, aux Ouïghours et aux Mongols du Sud, et le fait que l'éducation bilingue se résume à un cours de langue maternelle par jour est risible.
    Merci, madame Tethong.
    Nous passons au prochain intervenant.
    Monsieur Genuis, vous disposez de trois minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    On a mentionné à quelques reprises que les Canadiens assimileraient cette information notamment en faisant des comparaisons avec les horreurs qui ont eu lieu dans les pensionnats ici, au Canada. Je me demande si certains d'entre vous veulent parler un peu plus précisément — ceux qui font ces comparaisons — de ce que vous considérez comme des similitudes et des différences. De plus, comment cela façonne‑t‑il la situation du Canada, sa capacité à parler de ces questions en fonction de sa propre expérience?
    N'importe qui peut répondre à cette question.
    Très rapidement, je pense qu'il est vraiment important que nous n'essayions pas de dire que c'est la même chose. L'intention du gouvernement, les objectifs politiques au plus haut niveau sont, je pense, les mêmes — assimiler ou forcer l'assimilation ou commettre un génocide —, mais ensuite, sur le plan de la mise en œuvre, on nous pose automatiquement des questions sur les mauvais traitements et la négligence, parce que c'est une partie tellement importante de l'histoire des pensionnats au Canada: les horreurs des pensionnats au Canada.
    Nous n'avons pas assez de renseignements provenant du Tibet. Nous supposons que de mauvais traitements sont infligés et que de la négligence est commise, mais l'idée... On voit beaucoup de propagande en ligne au sujet de ces écoles. Les installations sont peut-être très belles, neuves et modernes. La nourriture est peut-être fantastique. Toutes ces choses sont vraies, mais ce qu'y s'y passe n'en est pas moins répréhensible.
    Le gouvernement chinois sait mieux comment faire ces choses maintenant, dans le sens où il utilise les mots « modernisation » et « éducation préscolaire universelle » et toutes ces idées pour masquer le véritable objectif, mais ensuite, dans leurs documents politiques et leurs décrets, on peut voir le véritable objectif.

  (1435)  

    C'est vrai, et je pense que j'en retire quelques différences qu'il est utile de comprendre. Entre autres, nous en savons moins sur ce qui se passe là‑bas en ce moment que sur l'histoire des pensionnats au Canada. C'est compréhensible, compte tenu du moment et aussi du travail qui a été accompli du côté canadien. Par ailleurs, il y a le jargon progressiste moderne de l'éducation, parce que l'État chinois est suffisamment habile pour reprendre ce discours à son propre avantage. Peut-être que ce que vous dites, c'est que l'idéologie est similaire, mais que la rhétorique et les justifications sont différentes.
    Absolument, et dans le contexte de la mondialisation, la clé, ce sont les ressources qui sont consacrées aux relations publiques. Nous savons à quel point Pékin a investi dans sa stratégie mondiale de relations publiques, essentiellement.
    Mon temps est peut-être presque écoulé, mais est‑ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose?
    Est‑ce que quelqu'un veut dire une dernière chose?
    Oui. En bref, l'objectif est de retirer tout ce qui est tibétain des enfants tibétains.
    Merci.
    Merci, monsieur Genuis.

[Français]

    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole pour trois minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Pour répondre à M. Genuis, la différence, c'est que la société civile et la classe politique canadienne ont dénoncé les pensionnats autochtones. Or, je ne pense pas que ce soit le cas en Chine présentement. Lorsque les Chinois nous disent qu'il y a eu des pensionnats autochtones au Canada, nous leur répondons que nous sommes justement en train de faire la lumière sur ces crimes, et ce sont des crimes.
    Les Chinois ne peuvent donc pas nous prendre en défaut sur cette question. Nous sommes justement en train de créer des tables de discussions en vue de favoriser la réconciliation. Je ne veux pas m'étendre sur le sujet. Je veux revenir à ce que je disais sur Xi Jinping.
    D'après ce que je comprends, on a beau imposer des sanctions en vertu de la loi de Sergueï Magnitski à certains fonctionnaires et à certaines institutions ou organisations qui se trouvent en sol chinois et qui participent présentement à l'élaboration de ces pensionnats — donc à un génocide culturel ou à une assimilation —, il n'en demeure pas moins que celui qui chapeaute toute cette politique de plus en plus agressive, c'est Xi Jinping.
    Pourtant, je n'entends pas les gouvernements occidentaux s'attaquer directement à Xi Jinping lorsqu'il est question de ces pensionnats. Lorsqu'il est fait mention du génocide des Ouïghours, on ne parle jamais directement de Xi Jinping.
    Ne serait-ce pas là peut-être le meilleur angle à envisager pour les gouvernements démocratiques de partout sur la planète?
    Lorsqu'il est question de génocide, qu'on est signataire d'une telle convention et qu'il y a visiblement un responsable qui chapeaute toute cette politique de génocide culturel, voir de génocide des Ouïghours, les gouvernements ou les parlements de partout sur la planète ne devraient-ils pas s'attaquer directement à Xi Jinping au moyen de sanctions ou de blâmes? Je lance la question.
    Madame Richardson, avez-vous des commentaires à ce sujet?

[Traduction]

    Je ne pourrais pas être plus d'accord avec vous.
    Il s'agit d'un système politique très centralisé, et c'est aussi un système qui prend au sérieux le gouvernement d'où provient la critique. Bien que j'aie trouvé formidable de voir le premier ministre Trudeau participer au vote la semaine dernière, il serait tout aussi important de l'entendre émettre une critique à l'endroit de Xi Jinping, sur cette question et sur bien d'autres questions.

  (1440)  

[Français]

    Madame Tethong, avez-vous quelque chose à dire?

[Traduction]

    J'allais simplement dire que les Tibétains du Tibet diront toujours qu'il faut comprendre que les dirigeants chinois respectent la force. Nous pouvons constater que tourner autour du pot, faire n'importe quoi pour éviter tout échange inconfortable, ce n'est pas leur approche.
     En même temps, ils font ce qu'ils font et la situation s'aggrave en partie parce que nous y avons tous contribué en nous laissant entraîner dans un dialogue sans fin et sans résultat et en affaiblissant tous les mécanismes qui pourraient les rendre responsables.
    Je pense qu'il est temps de revenir à une position plus ferme, en ciblant directement, exactement comme vous l'avez dit, les personnes responsables au plus haut niveau.

[Français]

    Je sais que des parlementaires de partout dans le monde ont conclu des ententes économiques avec la Chine et que, lorsqu'on se lève face à la Chine, cela a des répercussions économiques sur les populations de nos propres circonscriptions.
    Je suis d'avis qu'il faut être du bon côté de l'histoire. Malheureusement, il y a eu des génocides dans le passé et on s'est toujours pris en retard pour s'en occuper. Présentement, des violations extrêmes des droits de la personne ont cours en Chine et le gouvernement du Canada n'en fait pas assez, selon moi. C'est à vous de juger.
    À mon avis, Mme Tethong a mis le doigt sur le bon bouton. Le Canada a toujours fait preuve de leadership en matière de droits de la personne, et notez que c'est un souverainiste québécois qui vous dit cela.
    Selon vous, le Canada est-il à la hauteur de ce qu'il a déjà été dans le passé en tant que leader en matière de droits de la personne en Chine?

[Traduction]

    Nous sommes en prolongation. Vous avez 30 secondes, s'il vous plaît.
    Absolument, et je pense que le Canada a démontré de plus d'une façon que, en tant que nation, il tient à entretenir une relation et des liens d'amitié avec la Chine. Je pense que cela doit aller de pair avec le respect de nos valeurs dans l'intérêt de tous.
     Je dirais également qu'il est vraiment important de comprendre que, compte tenu de ce qui s'est passé en Chine — les récentes manifestations auxquelles des jeunes ont participé contre les politiques relatives à la COVID, les sentiments que bon nombre d'entre eux ont exprimés, et maintenant, ils ont disparu —, il ne s'agit pas seulement de nous. Il s'agit aussi d'eux, de leurs droits et de leurs libertés.
     Je pense que les possibilités et l'espoir sont plus grands que jamais auparavant en raison, malheureusement, de la répression engendrée par les politiques liées à la COVID et des excès de pouvoir du gouvernement que les gens ont vécu et de la façon dont ils ont été traités. Ils ont exprimé leur solidarité envers les Ouïghours maintenant. Ils se sont exprimés et ont risqué leur vie, alors je pense que nous leur devons aussi d'en faire plus.
     Merci, madame Tethong. Merci, monsieur Brunelle-Duceppe.
    Madame McPherson, vous disposez de trois minutes et demie.
    Allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'essaie de faire des liens dans ma tête. Je siège au comité sur les relations entre le Canada et la Chine en plus de siéger au comité des droits internationaux de la personne. Nous avons récemment parlé de l'ingérence de la Chine au Canada et de ses répercussions sur des Canadiens d'origine chinoise et d'autres personnes au Canada.
     Je me demande si vous pourriez nous parler un peu des tactiques d'intimidation, dont nous avons certainement entendu parler. On dit qu'il y a des postes de police chinois au pays, dans des endroits comme Vancouver et Toronto, qui sont utilisés comme base pour intimider les personnes qui défendent leurs droits et qui expriment leur dissidence par rapport à la Chine.
    Pourriez-vous en parler un peu, s'il vous plaît?
    Je vous remercie de la question.
    En fait, j'ai témoigné devant le comité sur les relations entre le Canada et la Chine en 2019 pour parler de ma propre situation, lorsque j'étais candidate à la présidence du syndicat étudiant de l'Université de Toronto. J'ai reçu des milliers de menaces de mort et de viol. Je me suis adressée au SCRS, à la GRC et à tout type d'organisme de sécurité qu'on peut imaginer. Nous avons également recommandé, dans un rapport d'Amnistie, que le moins que le gouvernement canadien puisse faire est de désigner une personne à qui nous pourrions demander de l'aide. On nous a envoyés partout, mais il n'y a toujours aucun endroit où nous pouvons obtenir du soutien.
     M. Gyal Lo témoigne publiquement ici aujourd'hui et vous dit la vérité sur les politiques cachées des pensionnats préscolaires. Si jamais il reçoit une menace demain et qu'il vient me demander conseil, je n'aurai aucun bon conseil à lui donner. Moi, qui ai eu le privilège de m'adresser au Parlement et d'accéder à tous les types d'organismes de sécurité possibles au Canada, je n'ai aucune réponse à lui donner. Je ne sais pas quoi dire d'autre à cet égard.
    Les tactiques d'intimidation sont partout et pour ce qui est des postes de police, nous avons peur dans nos propres communautés. Nous savons qu'il y a des espions. Cela fait des années que nous le disons aux gens, mais aucune mesure n'a été prise. Nous espérons que les choses changeront bientôt.

  (1445)  

    Nous avons reçu des représentants de la GRC et du SCRS et, bien sûr, le ministre de la Sécurité publique. J'ai essayé de lui faire comprendre très clairement que ce que j'entends dans mon bureau de circonscription, c'est que ces gens n'ont nulle part où aller. Ils n'ont personne à qui parler. Ils n'arrivent pas à recevoir de réponses et ils ne sont pas protégés.
    Nous avons également parlé de la création d'un registre des agents étrangers. Pensez-vous qu'il s'agirait d'un outil utile que le Canada pourrait mettre en place pour protéger les gens?
    Oui.
    C'était très clair.
    Je pense que c'est une idée à laquelle le gouvernement a dit s'intéresser, mais j'ai l'impression que nous avons eu beaucoup de temps pour le faire. Ce n'est pas nouveau, comme l'ont dit tous les témoins, je pense. Rien de tout cela ne vient de commencer. C'est juste que la situation s'aggrave, et nous devons agir à cet égard.
    Est‑ce que les témoins qui sont en ligne veulent aussi dire quelque chose?
    Voulez-vous intervenir, madame Richardson?
    J'ajouterai rapidement que nous avons examiné cette question au Canada et dans deux ou trois autres démocraties en ce qui concerne les menaces du gouvernement chinois à l'égard de la liberté universitaire, dans des pays comme le Canada, les États-Unis, etc.
     Il a surtout été question de la liberté des étudiants et des universitaires chinois de participer à la vie universitaire, aux débats et à la recherche, sans ingérence. Je ne pense pas que nous ayons vu une démocratie ou des universités faire suffisamment d'efforts pour mettre en place des mesures de protection afin que les gens puissent réellement apprendre, étudier et débattre.
    De même, l'exemple de Mme Lhamo est probablement l'un des plus connus, mais de nombreuses personnes nous ont dit qu'elles ne se sentaient même pas libres de présenter leurs idées ou d'en débattre sur un campus, en partie parce qu'elles ne pensent pas que l'institution comprenne ce que sont ces pressions et encore moins comment mettre en place des mécanismes pour les signaler ou les repousser efficacement
    Je pense qu'il s'agit là d'un autre aspect qui pourrait mériter une plus grande attention.
    Absolument.
    Nous constatons que des recherches sont menées dans les universités au pays, dans toute une série de secteurs pour lesquels nous devons nous assurer que nous en faisons davantage pour protéger les gens.
    Madame Tethong, voulez-vous intervenir?
    J'ai vu que vous vouliez intervenir.
    Puisque nous avons encore dépassé le temps imparti, veuillez ne faire que quelques brèves remarques.
    Je pense que c'est dans l'intérêt national du Canada. Il ne s'agit pas seulement de nous protéger. Je pense que si le Canada protège mieux les membres de nos communautés contre la menace que nous savons que le gouvernement chinois représente, alors je pense que dans la communauté — où se trouve toute l'information sur ce que le gouvernement chinois fait pour nuire à nos élections et ainsi de suite —, cette information sortira plus facilement. Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle, les gens se sentent très protégés lorsqu'ils communiquent ce genre d'information.
    Merci beaucoup.
    Nous allons poursuivre avec un dernier tour, dont les interventions seront de deux minutes et demie. C'est M. Battiste qui commence.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins de leurs témoignages. Je suis membre d'une communauté micmaque. Ma tante a fréquenté un pensionnat. J'ai des cousins qui sont allés dans des pensionnats. Vos témoignages et cette volonté de tuer le Tibétain dans l'enfant ressemblent étrangement à l'expérience que les Premières Nations canadiennes ont vécue dans les pensionnats. Il y a quelques différences, mais il est pour moi vraiment horrifiant et révoltant de savoir que des gouvernements de notre époque peuvent faire de telles choses.
     Je suis ravi de pouvoir entendre... Nous faisons une étude sur ce sujet et nous le mettons en lumière, mais que peuvent faire de plus le gouvernement canadien et les Premières Nations du Canada qui ont vécu ce processus et qui ne voudraient pas qu'une autre nation ou une autre communauté religieuse ait à vivre ce que nous avons vécu pendant des générations? Que pouvons-nous faire de plus?
    Merci beaucoup, encore une fois.
    Je suis venu ici pour défendre la cause du Tibet en Chine maintenant. Il y a beaucoup de Tibétains. Il y a mes anciens étudiants, mes collègues et mes vieux amis. Toutes les communautés que j'ai visitées... Je dois sonner l'alarme auprès de la communauté internationale. J'ai une responsabilité envers mon peuple au Tibet.
     S'il vous plaît, soutenez-nous pour augmenter la pression sur la Chine afin qu'elle cesse ou freine au moins ce qu'elle fait à nos enfants de quatre à six ans.

  (1450)  

    Une chose que j'aimerais aussi vraiment, en tant que jeune Canadienne d'origine tibétaine qui a été élevée et déplacée dans différentes parties du monde, c'est établir des liens significatifs avec toute personne qui nous écoute. Il s'agit des communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits qui sont issues de cette génération et qui souffrent de traumatismes intergénérationnels.
     Nous le vivons actuellement, et nous devons trouver des moyens d'avoir des espaces sûrs pour nous réunir et guérir, même si c'est un long processus. Nous devons continuer à être solidaires les uns des autres pour sonner l'alarme, comme l'a dit M. Gya.
    Est‑ce que quelqu'un en ligne veut aussi faire des observations?
    Allez‑y très brièvement.
    Oui.
     Nous avons tellement à apprendre du côté tibétain. En écoutant les histoires des survivants des pensionnats au Canada, j'ai trouvé de la force et une direction, car la situation crée de la confusion.
    Si vous envoyez votre enfant dans une école, choisissez-vous cette école? Quand on a vécu sous le régime de la colonisation et de la répression pendant si longtemps, est‑ce soudain notre faute si nous envoyons des enfants dans ces écoles alors que nous n'avons pas vraiment le choix?
    Nous, les gens de la communauté tibétaine, à l'intérieur et à l'extérieur du Tibet, avons beaucoup à apprendre. J'aimerais que le Canada — le gouvernement du Canada, peut-être — nous aide à mieux comprendre, au sein de notre propre communauté, la menace à laquelle nous sommes confrontés, parce que nous la subissons. Il est très difficile de voir, à certains égards, où cela va aboutir.
    Merci.
    Nous passons au prochain intervenant.
    Monsieur Aboultaif, vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci.
     J'ai une brève question. J'allais parler de l'accord en 17 points et du 9e point, qui porte sur le système d'éducation. Ce que la Chine a l'intention de faire est écrit, concernant le 9e point de l'accord en 17 points.
     Ma question porte sur le rôle que le Canada peut jouer. Lors du vote qui a eu lieu en octobre, nous étions à 18 voix près. Le Canada peut‑il travailler avec le Groupe des cinq et avec ses alliés pour s'assurer que la prochaine fois, nous pourrons y arriver, afin que, dans une communauté internationale soucieuse des droits de la personne, il y ait, dans cette situation, des résultats similaires à ceux de la situation des Ouïghours qui se produit également en Chine?
    Je ne saurais trop vous encourager à donner suite à cette stratégie et à trouver tous les alliés possibles. C'est un groupe inhabituel qui a signé en octobre, et je pense que l'on pourrait obtenir davantage avec des partisans plus diversifiés. Je pense qu'il faut une certaine initiative diplomatique au plus haut niveau, encore une fois, pour lutter efficacement contre l'ambition de Xi Jinping.
    C'est faisable, mais je pense que les démocraties doivent décider non seulement de ce qu'elles feront des séances du Conseil des droits de l'homme en mars, juin et septembre de cette année, mais qu'elles doivent aussi réfléchir à ce qu'elles devraient faire dans 5 ans et dans 10 ans. Elles devraient penser dès maintenant à inciter d'autres gouvernements d'Asie à se présenter au Conseil des droits de l'homme, afin que la Chine ne soit peut-être pas réélue. Elle a failli perdre la dernière fois qu'elle s'est présentée, et je pense qu'avec une initiative diplomatique concertée, il serait possible de se fixer cet objectif et de l'atteindre.
    Le vote qui a eu lieu en octobre a montré en partie que le gouvernement chinois peut, en réalité, faire l'objet d'une surveillance internationale par les principaux organismes de défense des droits de la personne, mais cela demande de la discipline, des ressources et de l'ambition. Il faudrait se projeter dans une décennie et travailler ensuite à rebours sur tous les enjeux, des pensionnats coloniaux au Tibet aux Ouïghours, en passant par de nombreuses autres questions, notamment les défenseurs chinois des droits de la personne, Hong Kong et la répression transnationale. Il y a de la place pour toutes ces questions aux Nations unies, et je pense que vous constaterez qu'avec le leadership du Canada, vous obtiendrez l'appui de nombreux autres gouvernements.

  (1455)  

    J'aimerais faire un dernier commentaire. Je pense que nous aimerions avoir une stratégie à long terme. Je sais que le temps ne joue pas en notre faveur, mais le temps ne joue pas non plus en faveur de la Chine. Je pense que si nous commençons à déployer les efforts nécessaires, nous pourrons obtenir de bons résultats et nous assurer de rétablir les droits où ils doivent l'être.
    Je sais que le temps est limité, mais si vous pouviez nous parler d'une stratégie à long terme qui pourrait être adoptée ou utilisée par tout gouvernement canadien actuel ou futur, ce serait formidable. Je vous remercie.
    Je soutiendrais la candidature des démocraties au Conseil des droits de l'homme. Je ne laisserais aucun siège ou comité non contesté. Je ne laisserais aucun examen sans surveillance. Ensuite? Je pense qu'il faudrait soutenir fortement les groupes indépendants de la société civile, y compris ceux qui sont établis au Canada, pour qu'ils participent à des évaluations du gouvernement chinois à de multiples niveaux. Enfin, et surtout, j'aimerais que les gouvernements exercent des pressions pour la création d'un rapporteur spécial sur la Chine, comme nous l'avons vu dans d'autres pays lors de crises liées aux droits de la personne.
     Je vous remercie, monsieur Aboultaif.
    Maintenant, étant donné que M. Brunelle-Duceppe et Mme McPherson ont tous les deux dépassé le temps imparti, nous allons malheureusement devoir nous limiter à une seule série de questions d'une minute et demie par personne.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    On entend de plus en plus parler d'une possible intervention de la Chine à Taïwan. La question n'est d'ailleurs pas de savoir « si » elle aura lieu, mais « quand » cela se produira.
    Qu'est-ce qu'une intervention de la Chine à Taïwan signifie pour le peuple tibétain? Est-ce que cela aura une incidence sur le peuple tibétain?
    Madame Tethong, pourriez-vous m'en dire un peu plus là-dessus?

[Traduction]

    Je pense que pour chaque Tibétain, ce qui semble impossible aux autres est, bien entendu, totalement évident et possible pour nous. Nous ne pensions pas que la chute de Hong Kong était impossible et maintenant, oui, tous les Tibétains sont inquiets pour Taïwan.
    Je pense également que nous voyons, à Taïwan, ce qui existe là‑bas, c'est‑à‑dire le peuple et l'esprit. De nombreuses mesures devraient être prises pour renforcer le soutien à Hong Kong. Je pense que c'est la chose la plus importante pour les Tibétains, car nous n'avions pas cela lorsque nous avons perdu notre nation. Nous aurions peut-être dû travailler plus fort pour l'obtenir, mais c'était une autre époque.
    Je pense tout simplement que la chose la plus importante, dans ce cas‑ci, c'est l'autodétermination et le soutien du gouvernement canadien et d'autres gouvernements à cet égard. Ce que souhaitent les Taïwanais, les Hongkongais, les Tibétains et les Ouïghours est certainement important.

[Français]

    Permettez-moi de poser une dernière question, monsieur le président.
    Quelles seront les répercussions sur les Tibétains si la Chine intervient à Taïwan?

[Traduction]

    Quelqu'un souhaite‑t‑il faire un bref commentaire à ce sujet?
    Mme Gyal Lo a peut-être quelque chose à ajouter.
    Je pense qu'il ne fait aucun doute que ce pays va officiellement adopter d'autres politiques néfastes et qu'il finira par éradiquer l'identité tibétaine.

[Français]

    Merci, monsieur Lo.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur le président, si les participants à distance souhaitent faire des commentaires, je serai heureuse de céder mon temps de parole à M. Brunelle-Duceppe.
    Quelqu'un souhaite‑t‑il formuler d'autres commentaires sur cette question précise?

[Français]

    Je vais reprendre la parole, car ce sujet m'importe.
    Nous savons que la Chine va envahir Taïwan. Nous savons que Xi Jinping a cette île dans son collimateur. Nous ne savons pas quand cela va arriver, mais nous pensons que ce sera bientôt. Cela aura nécessairement un effet sur les minorités culturelles en Chine, comme les Ouïghours et les Tibétains. C'est ce que je pense, mais j'aimerais l'entendre de la bouche de personnes comme vous, monsieur Lo, qui êtes plus au fait de la situation.

[Traduction]

    D'après ce que je comprends du gouvernement chinois, sa façon de penser ne fait aucun doute. Afin de stabiliser la position du parti communiste et de diriger la Chine, il souhaite en faire une autre Corée du Nord. Les gens en parlaient tout le temps lorsque j'étais en Chine, au Tibet.
    Il est évident qu'il va modifier radicalement son attitude. Il adoptera la politique la plus néfaste possible en faisant la promotion de l'idéologie d'une seule nation — ce qui signifie les Chinois Han —, d'une seule langue et d'un seul pays. Il a déjà lancé ce programme en déclarant que d'ici 2035, la Chine sera une seule nation, une seule culture, un seul pays. Oui, je pense que cela ne laisse aucun doute sur ses intentions.

  (1500)  

    Je vous remercie.
    C'était très aimable de votre part, madame McPherson.
    Il est maintenant 15 heures. J'aimerais remercier tous les témoins d'avoir comparu et je vous souhaite la force nécessaire pour continuer à soulever la question du Tibet et à informer les gens comme nous, ainsi que la société civile, sur cet enjeu. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de comparaître devant le Comité aujourd'hui, que ce soit par l'entremise de Zoom ou en personne.
    La séance est levée.
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