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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 21 avril 2023

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue à la 28e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
    Notre réunion se déroulera dans un format hybride.
    Je souligne la présence du député Arif Virani au sein du Comité. Les membres habituels sont tous présents, mais je crois que vous êtes avec nous comme substitut. Soyez le bienvenu.
    J'ai quelques consignes à vous donner concernant le déroulement de la réunion. Attendez que je vous nomme avant de prendre la parole. Je vous signale que des services d'interprétation simultanée sont offerts. Pour y avoir accès, cliquez sur le petit globe avec la mention interprétation au bas de votre écran, et choisissez une langue. Veuillez vous exprimer clairement et lentement pour faciliter la traduction.
    Vous êtes également invités à toujours vous adresser à la présidence. Les tests de connexion requis ont été effectués avant la réunion.
    Nous menons les présents travaux conformément au paragraphe 108(2) du Règlement. Nous poursuivons notre étude des pensionnats et des écoles maternelles du gouvernement chinois dans la Région autonome du Tibet et dans les préfectures et les comtés autonomes tibétains.
    Nous sommes heureux de vous accueillir à cette séance du Comité.
    Nous recevons aujourd'hui les porte-parole du Comité Canada Tibet, du Tibet Action Institute, de Tibet Watch et du Tashi Lhunpo Monastery.
    Nous allons tout d'abord donner la parole des organismes et des groupes. Chacun disposera de cinq minutes pour nous livrer une déclaration liminaire.
    Sachez que nous accueillons aujourd'hui le porte-parole d'un monastère qui ne parle ni l'anglais ni le français. Nous allons donc lui accorder cinq minutes pour son allocution en langue tibétaine, et cinq minutes supplémentaires pour la traduction par une interprète qui est aussi dans la salle. Nous allons déroger un peu à nos pratiques habituelles, mais je suis certain que nous allons y arriver.
    Sans plus tarder, je donne la parole aux représentants du Tashi Lumpo Monastery, qui disposent de cinq minutes pour la déclaration liminaire, et de cinq minutes supplémentaires pour l'interprétation. Nous poursuivrons avec des temps de parole de cinq minutes pour les témoins suivants.
    Je cède la parole au témoin du monastère.
     [Le témoin s'exprime en tibétain et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Tashi delek. Bonjour à tous.
    En tant qu'abbé du monastère Tashi Lhunpo, je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour saisir le gouvernement canadien de quelques appels fervents des adeptes du bouddhisme tibétain du monde entier, des défenseurs des droits de la personne, de la liberté religieuse et des droits des enfants, ainsi que des millions de disciples de Sa Sainteté panchen-rinpoché, mieux connu sous le titre de panchen-lama, au Tibet et dans la région himalayenne.
    Le gouvernement chinois adopte actuellement des politiques impitoyables et contraignantes au Tibet. La situation se dégrade de jour en jour. Les droits de la personne sont bafoués, la liberté religieuse est brimée et les droits des enfants sont ignorés. Les Tibétains qui désapprouvent le gouvernement chinois sont détenus arbitrairement, et bon nombre d'entre eux disparaissent. Aujourd'hui, j'aimerais expliquer ce qui se passe au Tibet et le contexte de la disparition d'un chef spirituel éminent, Sa Sainteté le 11e panchen-lama.
    En 1989, le 10e panchen-lama est mort subitement, dans des circonstances mystérieuses, dans la ville tibétaine de Shigatse. Par la suite, conformément à la convention bouddhiste tibétaine, Sa Sainteté le dalaï-lama a annoncé, le 14 mai 1995, qu'il reconnaissait Gedhun Choekyi Nyima, de Nagchu, au Tibet, comme la réincarnation incontestée. Malheureusement, trois jours après cette annonce, soit le 17 mai 1995, les autorités chinoises ont écroué Gedhun Choekyi Nyima, alors âgé de moins de six ans, de même que ses parents et son entourage. On ne les a jamais revus, et cela fait maintenant 28 ans. Plus tard en 1995, comme si la situation n'était pas déjà assez grave, le gouvernement chinois s'est ingéré dans nos rituels religieux en désignant par la force un enfant nommé Gyaltsen Norbu comme 11e panchen-lama. Depuis, le gouvernement chinois utilise cet imposteur comme instrument politique.
    Sa Sainteté le 10e panchen-lama a travaillé sans relâche, tout au long de sa vie, et il a même sacrifié sa précieuse existence pour préserver la langue, la religion et la culture tibétaines à l'échelle du pays, notamment en présentant un rapport en 70 000 caractères. Sa Sainteté le 11e panchen-lama tient un rôle indispensable dans la perpétuation de l'héritage du 10e panchen-lama et la poursuite de ses grandes œuvres et de ses visions. Malgré les efforts déployés depuis 28 ans, nous n'avons aucune preuve tangible de ses allées et venues, et nous demandons instamment au gouvernement canadien de prendre des mesures plus concrètes.

  (1310)  

    C'est donc avec un profond sentiment d'inquiétude que nous saisissons le Parlement et le gouvernement du Canada des cinq appels suivants.
    Premièrement, nous exhortons le Parlement canadien à adopter une motion demandant au gouvernement canadien de mandater l'ambassadeur en Chine pour rencontrer le 11e panchen-lama afin de confirmer où il se trouve et qu'il se porte bien.
    Deuxièmement, nous exhortons le gouvernement canadien à rendre hommage au 11e panchen-lama en lui décernant une distinction reconnaissant qu'il a été victime de disparition forcée pendant 28 ans, ainsi que d'atteintes à ses droits de la personne, d'exercer sa liberté religieuse, de l'enfance et à d'autres droits fondamentaux de libre circulation, de résidence et d'action.
    Troisièmement, afin de favoriser sa libération rapide et d'attirer l'attention sur sa situation, nous exhortons le Parlement canadien à souligner l'anniversaire et la date de la disparition du 11e panchen-lama, soit le 25 avril et le 17 mai, respectivement.
    Quatrièmement, nous exhortons le gouvernement canadien à se prononcer contre le placement forcé d'enfants tibétains dans les pensionnats coloniaux afin de favoriser la pérennité de la culture tibétaine.
    Cinquièment, les Tibétains qui vivent au Tibet aspirent…

  (1315)  

    Excusez-moi de vous interrompre. Je suis vraiment désolée, mais il y a eu un problème avec la traduction et j'entends le français sur le canal anglais… Je tiens vraiment à connaître la cinquième demande.
    Je ne parle pas français, mais je vais essayer.

[Français]

     Je m'appelle Arnold Viersen.

[Traduction]

    Le problème est réglé. C'est bon.
    Vous pouvez poursuivre avec votre cinquième demande.
     [Le témoin s'exprime en tibétain et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Cinquièmement, les Tibétains qui vivent au Tibet aspirent au retour de Sa Sainteté le dalaï-lama le plus rapidement possible. Par conséquent, nous exhortons le gouvernement canadien à envisager des mesures concrètes afin d'aider Sa Sainteté le dalaï-lama et l'Administration centrale tibétaine à régler la question du Tibet avec le gouvernement chinois par l'approche mutuellement avantageuse de la voie du milieu.
    Le peuple et le gouvernement canadiens ont fait montre d'un soutien inconditionnel envers le peuple tibétain, et je profite de l'occasion pour leur exprimer ma gratitude. L'appel en cinq volets que je vous présente aujourd'hui touche aussi, en un sens, le bien-être mental de plusieurs millions de croyants et les droits démocratiques des personnes.
    J'ai bon espoir que le gouvernement canadien tiendra compte de la réalité tibétaine, particulièrement pour ce qui concerne Sa Sainteté le panchen-lama, et qu'il accueillera favorablement nos appels.
    Merci.
    C'est maintenant au tour du Comité Canada Tibet, représenté par son directeur général.
    Vous avez cinq minutes. Je vais essayer de vous donner un signal quand il restera une minute.
    Vous avez la parole.
    Monsieur le président, distingués membres du Comité, merci. Je suis profondément reconnaissant de pouvoir discuter avec vous de la question fondamentale de la langue et de l'éducation tibétaines.
    Le Comité Canada Tibet est une association indépendante et non partisane qui regroupe des Tibétains et des non-Tibétains de partout au Canada. Il a été fondé en 1987 et s'est donné comme mandat de promouvoir les droits de la personne des Tibétains soumis au joug du régime chinois.
    Comme les membres du Comité le savent, le droit à l'éducation est protégé à la fois par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par la Convention relative aux droits de l'enfant. Ces deux traités prévoient expressément que les groupes minoritaires ne peuvent pas être privés du droit d'utiliser leur propre langue, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de leur communauté. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels établit en outre le droit des personnes de disposer d'elles-mêmes, notamment pour ce qui concerne leur développement social et culturel.
     Au Canada, le gouvernement fédéral appuie les efforts des peuples autochtones pour se réapproprier et revitaliser leur héritage linguistique, et il a à cet escient adopté la Loi sur les langues autochtones en 2019. Au Québec, depuis plus de 40 ans, il est obligatoire pour tous les enfants de recevoir une éducation en français jusqu'à la fin du secondaire.
    Il est également intéressant de souligner que le gouvernement chinois a adopté une loi sur l'autonomie régionale des nationalités. À l'article 37, il est énoncé sans équivoque que les organes d'autogestion des régions autonomes nationales doivent pouvoir élaborer de façon indépendante les programmes éducatifs destinés aux minorités nationales et, dans la mesure du possible, utiliser des manuels et prodiguer l'enseignement dans leur propre langue.
    Malgré ces garanties, le gouvernement central a imposé une série de politiques pour l'ensemble de la Chine qui, sous le couvert de la lutte à la pauvreté ou de la protection de l'environnement, ont contribué à intensifier l'assaut contre la langue et les traditions tibétaines. Ces politiques englobent divers stratagèmes de déplacement de populations nomades, le regroupement des écoles et l'éducation bilingue. À cause de ces politiques, les enfants tibétains ont de moins en moins accès à l'enseignement dans leur propre langue, comme des témoins l'ont expliqué en détail au Comité lors de la réunion précédente.
    Il y a quelques années, Affaires mondiales Canada a financé un projet en appui aux efforts de la communauté des Tibétains en exil en Inde et au Népal pour offrir une éducation de qualité en langue tibétaine. En dépit des nombreuses différences dans le contexte général, des leçons importantes ont pu être tirées du projet concernant les difficultés de promouvoir l'usage de la langue tibétaine face à une autre langue dominante. Pour cette raison, le Canada est bien placé pour jouer un rôle de chef de file dans ce dossier.
    En conclusion, nous souhaitons soumettre quelques recommandations à la réflexion du Comité.
    Premièrement, qu'on engage un dialogue avec des interlocuteurs compétents du Congrès national du peuple sur les questions des langues minoritaires et de l'éducation au Tibet.
    Deuxièmement, qu'on invite des parlementaires chinois en visite à se rendre dans des communautés autochtones et au Québec pour leur donner un aperçu des expériences canadiennes en matière de protection et de promotion des langues minoritaires.
    Troisièmement, qu'on soutienne la recherche universitaire sur les incidences que les politiques de déplacement et d'éducation au Tibet ont eues ou pourrait avoir sur la vitalité de la langue et de la culture tibétaines.
    Quatrièmement, qu'on incite l'ambassade canadienne à Pékin à mettre en place des projets de financement par le Canada d'initiatives liées à l'éducation en langue tibétaine, y compris la création de bibliothèques de prêt de matériel en tibétain ou l'offre de formations à des professeurs de tibétain.
    Et cinquièmement, qu'on appuie les défenseurs des droits de la personne des Tibétains qui luttent pour la protection des droits linguistiques.
    Merci.

  (1320)  

    Merci à vous, monsieur Therchin. Vous terminez pile au bon moment.
    Je donne maintenant la parole au chercheur principal du Tibet Action Institute.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci. Je remercie les distingués membres du Comité de me donner l'occasion de prendre la parole.
    Dans l'éventail des outils de dépossession coloniale utilisés par les colons européens contre les populations autochtones de l'Amérique du Nord, le système des pensionnats se démarque par l'étendue, la gravité et la persistance de ses répercussions. Sous prétexte de favoriser leur éducation, le système des pensionnats a arraché les enfants autochtones à leur foyer, il a éradiqué leurs cultures et leurs langues, et il a laissé en héritage des traumatismes transmis de génération en génération et qui hantent encore les communautés autochtones aujourd'hui.
    Cette pratique coloniale du XIXe siècle a été subrepticement refait surface sur le plateau tibétain sous la férule du gouvernement chinois.
    Voilà deux ans, après avoir eu vent du placement forcé d'enfants dans des pensionnats d'État dans certaines régions de l'est du Tibet, mes collègues du Tibet Action Institute ont lancé une enquête. Après des mois de recherches, ils sont parvenus à la conclusion troublante qu'à peu près 800 000 enfants, soit 78 % des élèves tibétains de 6 à 18 ans, vivent dans des pensionnats. On parle de 800 000 enfants, un chiffre vertigineux qui ne tient pas compte des quelque 100 000 enfants tibétains de 4 à 6 ans qui sont probablement placés dans des pensionnats préscolaires.
    Dans ces pensionnats, les enfants suivent un programme hautement politisé qui a été conçu pour couper leurs liens avec leur religion et leur culture, leur faire oublier leur langue maternelle et remplacer méthodiquement leur identité tibétaine par une identité chinoise. Le système des pensionnats constitue l'élément central de la nouvelle solution chinoise au problème tibétain.
    Si les administrations précédentes des dirigeants Hu Jintao, Jiang Zemin et Deng Xiaoping compensaient en partie la répression politique en consentant certaines mesures de conciliation ethnique aux Tibétains, la Chine de Xi Jinping a plutôt opté pour une approche d'élimination totale. Cette nouvelle approche s'inscrit dans la mouvance ultranationaliste selon laquelle la stabilité politique passe obligatoirement par l'homogénéité ethnique.
    Auparavant, on croyait à Pékin que la meilleure façon de résoudre le problème des nationalités consistait à offrir aux minorités non han un éventail de mesures spéciales de protection et de conciliation culturelle. Toutefois, après l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, des intellectuels publics comme Ma Rong et Hu Angang ont commencé à dire que le traitement spécial accordé aux communautés minoritaires risquait d'une certaine façon de compromettre l'édification de la nation chinoise. Ils prônaient l'imposition par le Parti d'un modèle de nationalisme culturel hautement interventionniste. Aujourd'hui, ce n'est pas seulement l'idéologie séparatiste que Pékin veut anéantir, mais l'identité distincte des Tibétains. La dissidence n'est jamais restée impunie, mais Pékin va maintenant plus loin et criminalise même la différence.
    Parmi les caractéristiques de l'identité tibétaine, la langue est l'élément le plus rassembleur sur le plateau tibétain. La langue tibétaine est le socle sur lequel repose l'une des plus grandes civilisations de l'Asie. L'histoire écrite de cette région remonte à plus d'un millénaire, et sa littérature orale est encore plus ancienne. On y trouve également l'un des plus importants corpus de textes canoniques du bouddhisme tibétain dans le monde. De tous les marqueurs de l'identité distincte du peuple tibétain, la langue est l'élément central sur lequel repose sa fierté.
    C'est précisément pour cette raison que la Chine de Xi Jinping tient tant à faire disparaître la langue tibétaine. Et quoi de mieux que le système des pensionnats pour y arriver? Dans toutes les écoles du plateau, le tibétain a été remplacé par le chinois mandarin comme langue d'enseignement. Même si Pékin a voulu faire croire qu'il s'agissait d'une politique d'éducation bilingue, le système en place est tout sauf bilingue. Le tibétain a été relégué au rang de langue seconde, voire de langue tierce dans son lieu d'origine. C'est le moyen le plus sûr de faire disparaître la langue maternelle. Et pour aggraver les choses, la Chine a fait fermer des dizaines d'écoles locales et privées, tuant dans l'œuf toute tentative des villages d'offrir d'autres options que les pensionnats regroupés.
    Comble de l'ironie, lorsque des experts des Nations unies ont cuisiné la délégation chinoise à Genève il y a deux mois, ses représentants ont défendu la politique des pensionnats obligatoires en prétextant qu'il n'existait pas d'autres lieux d'enseignement dans les régions rurales du Tibet. Devinez quoi? Ils ont eux-mêmes détruit toutes les autres écoles locales. À cette même rencontre, quand on les a interrogés sur l'usage du mandarin comme langue d'enseignement au Tibet, les fonctionnaires chinois ont répliqué que le tibétain ne possédait pas le vocabulaire suffisant pour enseigner les mathématiques et les sciences. Cet argument est aussi raciste que faux.

  (1325)  

    Dans toutes les langues, l'émergence de nouveaux sujets soulève des défis qui peuvent être surmontés. Ces difficultés se sont posées pour la langue chinoise il n'y a pas si longtemps, et elle s'en est assez bien sortie en empruntant des milliers de termes au japonais et au russe. La langue tibétaine a aussi en grande partie résolu certaines de ces difficultés.
    Entretemps, le système des pensionnats a entraîné des bouleversements profonds dans les structures sociales, psychologiques, culturelles et linguistiques de la vie tibétaine. Nous voyons déjà poindre les effets dévastateurs de cette politique coloniale. Les enfants tibétains en dessous d'un certain âge deviennent des locuteurs natifs du mandarin. Ces enfants peinent à avoir des conversations substantielles avec leurs parents et ne peuvent plus communiquer avec leurs grands-parents. Il faut savoir qu'au Tibet, comme dans beaucoup de sociétés traditionnelles, les grands-parents jouent un rôle phare dans le développement psychologique général des enfants et l'orientation de leur vision culturelle du monde. Les enfants héritent les gènes de leurs parents, mais ils héritent leur culture de leurs grands-parents.
    Il est clair que l'objectif de ce système colonial est d'empêcher la transmission intergénérationnelle de la culture. Heureusement, le reste du monde se mobilise et commence à réaliser ce qui se passe. Il y a deux mois, les Nations unies ont envoyé un message clair à Pékin. Hier, le gouvernement allemand a officiellement demandé l'abolition de ce système.
    Ma recommandation au gouvernement canadien est de condamner publiquement le système des pensionnats regroupés et d'intimer au gouvernement chinois de l'abolir et de permettre la réouverture des écoles privées et locales dans les villages. Enfin, je demande au gouvernement canadien d'imposer des sanctions aux dirigeants et aux fonctionnaires chinois qui sont responsables de cette politique odieuse, y compris aux intellectuels qui sont les architectes à l'origine de l'élaboration et de la mise en œuvre de ce système.
    Merci.
    Nous allons entendre ensuite la recherchiste principale de l'organisme Tibet Watch.
    Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie de votre accueil.
    Au nom de Tibet Watch, je souhaite remercier les membres du Comité de l'attention qu'ils accordent à ce problème pressant. Je remercie également l'interprète qui nous permet de communiquer ensemble.
    Je voudrais tout d'abord insister sur le climat de peur et l'impression constante d'être épiés qui sont le lot quotidien des Tibétains qui vivent au Tibet. Depuis la vague des manifestations pour la liberté de 2008 et des suicides par immolation en 2009, le Tibet est devenu un État policier. La surveillance policière est omniprésente dans les villages, les villes, les carrefours, les salles communautaires, les monastères, les zones autour des passages frontaliers, les groupes de discussion et les médias sociaux.
    Le Parti communiste chinois prétend agir au nom de la stabilité sociale. Il organise des réunions pour annoncer ses décisions unilatérales. Les Tibétains du Tibet sont avisés de rompre les liens avec leurs amis et les personnes de leur famille qui sont en exil ou membres des diasporas. Des personnes âgées sont interrogées sur l'histoire de leur famille afin de livrer des renseignements sur les Tibétains qui vivent à l'étranger. D'importantes sommes d'argent sont promises pour dénoncer les communications entre des personnes qui vivent au Tibet et à l'étranger. Des policiers se présentent au domicile de parents vieillissants pour les forcer à avertir leurs enfants exilés de cesser de participer à des manifestations pour la libération du Tibet.
    Ce qui fait l'objet d'une oppression au pays est réprimé à l'étranger. Alors quel est l'objectif de l'école dans un pays occupé? Une jeune fille de 15 ans qui a récemment fui l'est du Tibet pour se réfugier en Inde nous a raconté ce qu'elle a vécu dans un pensionnat pour les élèves du secondaire en situation de minorité. Selon cette jeune réfugiée, les élèves doivent se lever entre 4 et 5 heures pour faire leurs exercices matinaux sous la surveillance étroite de caméras.
    L'enseignement se fait essentiellement en langue chinoise. Exception faite des cours de tibétain, les autres matières sont enseignées en langue chinoise. Les cours de tibétain sont facultatifs et le résultat à l'examen n'est même pas pris en compte dans le calcul de la note de l'examen final.
    La jeune fille s'est classée parmi les meilleurs élèves qui, contrairement aux autres, n'ont pas la possibilité d'aller à la maison la fin de semaine. Leurs enseignants sont parmi les meilleurs, mais seulement 10 d'entre eux sur les 50 que compte l'école sont d'origine tibétaine et enseignent le tibétain.
    Le portrait brossé par d'autres réfugiés récemment arrivés de l'est du Tibet est semblable. Ils ajoutent que les écoles n'ont de tibétaines que le nom. Les possibilités de carrière et d'emploi sont inexistantes dans une société axée sur le marché dans laquelle le principal critère d'embauche est la maîtrise de la langue chinoise.
    Pour contrer cette injustice structurelle, les Tibétains ont fait preuve de prudence et de détermination pour aménager des espaces afin d'assurer l'éducation en tibétain. Ils ont notamment créé des écoles privées, des groupes en ligne de discussion en tibétain ou des cours à domicile mais, malheureusement, ces espaces connaissent aussi un déclin rapide.
    Par exemple, en juillet 2021, l'école Sengdruk Taktse, fondée avec l'autorisation du gouvernement, a été fermée de force sans que les raisons soient précisées officiellement. Les élèves ont ensuite été inscrits dans des écoles d'État locales, et des enfants orphelins sans domicile fixe se sont retrouvés dans une situation très difficile. Une enseignante tibétaine de cette école qui a été profondément ébranlée par cette fermeture a cessé de s'alimenter. Elle a été mise en détention. La même année, Gyalten Getsa, une autre école tibétaine réputée, a reçu l'ordre de changer son programme et d'adopter le chinois comme langue d'enseignement et pour tous les examens, sous peine de fermeture.
    Ensuite, les manuels tibétains ont été remplacés par des manuels chinois. Des parents du comté de Darlag, au Golog, ont été informés qu'à partir de septembre 2021, tous les enfants seraient éduqués avec les manuels en chinois nouvellement arrivés. Deux jeunes qui avaient exprimé leur inquiétude quant aux répercussions de cette décision dans l'avenir dans un groupe de discussion en ligne ont été mis en détention.
    Un autre adolescent du comté de Ngaba a été mis en détention parce qu'il avait présenté une pétition contre l'enseignement en chinois et refusé d'assister à une réunion de propagande durant laquelle le Parti communiste chinois était porté aux nues. Peu après l'ouverture des écoles en septembre 2021, des enfants de 11, 15 et 16 ans du comté de Markham qui s'étaient insurgés contre l'absence de cours de tibétain ont été arrêtés dans leur pensionnat et envoyés au soi-disant « centre de réforme par l'éducation » sous le prétexte qu'ils avaient besoin de soutien psychologique.
    Le gouvernement chinois a émis deux autres avis en 2021 pour promouvoir le mandarin comme langue nationale commune pour les écoles prématernelles et maternelles, ainsi que la réduction des devoirs et des cours à l'extérieur de l'école. Cette double réduction, pour ainsi dire, est plutôt un moyen de surveiller ce qui se passe dans les cours de tibétain et dans d'autres matières qui sont donnés par des Tibétains à l'extérieur de l'école, et d'y mettre fin.
    Le système des pensionnats est aussi étroitement lié aux politiques étatiques de déplacement des populations nomades à l'extérieur de leurs territoires ancestraux. Dans la Région autonome du Tibet, par suite de ce programme dit de déplacement à des fins écologiques dans la région de très haute altitude, les populations de centaines de villages seront entièrement relocalisées à des centaines de kilomètres d'ici à 2025. Les parents perdront leurs moyens de subsistance traditionnels et durables. Même si leurs enfants et les pensionnats auront aussi été déplacés dans une nouvelle région, les parents auront perdu le territoire où ils ont toujours vécu et ils ne pourront plus transmettre leurs connaissances ancestrales de ce territoire.

  (1330)  

    C'est ainsi que le Parti communiste chinois, dans son jargon, entend aider les enfants du Tibet à réaliser leur plein potentiel. Sa méthode est de dévaloriser systématiquement leur langue maternelle et de l'en faire une matière enseignée dans un cours.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous en sommes aux périodes de questions. Nous allons commencer par des segments de sept minutes pour chacun des membres.
    Je cède la parole à M. Ziad Aboultaif.
    Merci de comparaître devant le Comité.
    C'est évident que le régime et le gouvernement chinois utilisent l'éducation comme imposer des changements dans la culture du Tibet et aux Tibétains en général. Depuis 2008, et probablement avant, on leur impose le système des pensionnats.
    Je vais m'adresser à M. Therchin pour commencer.
    Selon votre analyse, quelle est l'ampleur des répercussions de ces pensionnats sur la culture, la langue et la communauté en général?

  (1335)  

    Merci de poser cette question.
    Le placement forcé des enfants tibétains dans des pensionnats a fait en sorte qu'ils ne peuvent plus communiquer avec leurs grands-parents. Les grands-parents parlent tibétain et les enfants ne sont plus capables de parler cette langue. Le résultat est une rupture du lien, qui est plus large que la langue puisqu'il englobe aussi l'histoire que les grands-parents enseigneraient normalement à leurs petits-enfants.
    Ce n'est qu'un exemple, mais je vous renverrais à notre collègue du Tibet Action Institute, qui a fait de la recherche et consacré beaucoup de temps à cette question précise.
    Merci.
    Si vous le permettez, j'aimerais compléter très brièvement ce que mon collègue, Sherap Therchin, vient de dire: il est très difficile de faire des recherches approfondies sur le terrain pour déterminer exactement la portée et l'ampleur des répercussions, car le gouvernement chinois n'autorise aucun chercheur, universitaire, enquêteur indépendant ou journaliste étranger à se rendre au Tibet. Il ne laisse aucune information filtrer du Tibet.
     Au Tibet, l'une des raisons qui expliquent la présence d'un trou noir de l'information est que les messagers sont parfois punis plus sévèrement que les manifestants. Par ailleurs, voici quelques exemples que j'ai observés selon ma propre expérience: l'âge de l'enfant semble très important pour déterminer l'ampleur des répercussions, si nous nous limitons aux répercussions directes sur une famille. Mon collègue, M. Gyal Lo, qui est ici avec nous, a observé que chez les enfants de trois à six ans, il suffit de trois à six mois pour passer complètement du tibétain au mandarin. Il faut littéralement moins de six mois pour que l'érosion linguistique se produise à un niveau très fondamental.
    J'ai aussi rencontré une jeune élève tibétaine de 11 ou 12 ans. Elle avait récemment fréquenté l'un de ces pensionnats. Son histoire est un peu différente, car elle a grandi dans une famille qui était farouchement fière de ses racines tibétaines. Elle a grandi en ne parlant que le tibétain à la maison et c'était la langue usuelle, mais lorsqu'elle a été inscrite dans un pensionnat à l'âge de 10 ans, en l'espace d'un an, le mandarin a supplanté le tibétain comme langue usuelle. Lorsque je l'ai rencontrée, elle n'était plus à l'aise pour s'exprimer en tibétain. Elle me parlait dans un tibétain hésitant, et sa langue usuelle était très clairement le mandarin.
     Je lui ai demandé: « Et les autres élèves de ton école? En classe, bien sûr, vous parlez mandarin, mais à l'extérieur de la classe, quelle langue utilisez-vous entre vous, avec tes camarades? » Elle a répondu: « Le mandarin, le chinois ».
    À ce propos, si les pensionnats restent en place, combien de temps faudra-t-il pour anéantir la culture et la langue tibétaines?
    C'est l'implication qui préoccupe beaucoup d'entre nous, parce que c'est l'une de ces répercussions qui sont difficiles à observer et à remarquer. Imaginons. Dans l'exemple que je viens de décrire, les élèves âgés de 11 ou 12 ans ont déjà adopté le mandarin comme langue d'usage. Nous ne pouvons pas dire ce qui se passe pour les jeunes de 16, 17 ou 18 ans. Les gens peuvent penser que le tibétain se porte encore bien, parce qu'il est encore parlé, mais si nous extrapolons cet exemple, lorsque les gens de sa génération auront 40 ou 50 ans, nous aurons un monde où, au Tibet, la majorité de la population tibétaine s'exprimera en chinois, les uns avec les autres, et non en tibétain. Il n'y a rien de mal à être bilingue, mais il y a lieu de s'inquiéter lorsque les Tibétains se parlent en chinois comme s'il s'agissait de leur langue maternelle.
    C'est le scénario bien réel qui nous attend, car un effet de cohorte se produit. Pour l'instant, il est difficile de s'en rendre compte, mais lorsque le monde commencera à s'en rendre compte, il sera peut-être trop tard. C'est pourquoi il est temps d'agir.

  (1340)  

    Entre tenir tête à un régime qui n'en fait qu'à sa tête, qui se croit essentiellement tout puissant, et prendre des mesures pour préserver la culture et atténuer les répercussions de ce qui se passe dans les pensionnats, selon vous, quelle est la meilleure mesure à prendre pour atténuer les répercussions de la situation actuelle?
    Malheureusement, le temps qui vous est imparti est écoulé.
    Nous allons céder la parole à M. Virani pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de votre accueil au sein du Comité.
     Thugs rje che, c'est-à-dire merci en tibétain à tous les témoins, virtuels et en personne, qui sont venus nous communiquer des renseignements si importants. En tant que Canadien musulman, je suis bien conscient que c'est aujourd'hui l'Aïd el-Fitr et que les Canadiens musulmans sont libres de la célébrer en famille, comme je l'ai fait aujourd'hui, alors que le culte et la liberté religieuse dans d'autres parties du monde, y compris au Tibet, sont extrêmement restreints. Je pense que cela illustre la nécessité pour nous tous d'être vigilants. Permettez-moi de le souligner d'emblée.
    Je tiens à adresser une demande aux trois premiers témoins. J'ai pris des notes le plus rapidement possible, mais je pense qu'à vous trois, Thupten Rabgyal-la, Sherap Therchin et Tenzin Dorjee, vous avez formulé environ 12 recommandations différentes. Pourriez-vous vous assurer de fournir toutes ces recommandations par écrit à la greffière et aux analystes? Cela nous serait très utile, car nous voulons les examiner très attentivement.
    Ma première question de ces sept minutes s'adresse au Tibet Action Institute et à Tenzin Dorjee-la.
     D'après ce que nous avons entendu, il me semble que le Tibet se trouve au point d'inflexion où le Canada se trouvait peut-être dans les années 1870 ou 1880, au moment où nous concevions le système des pensionnats pour les enfants autochtones de ce pays. La politique manifeste du gouvernement du Canada à l'époque était de tuer l'Indien au coeur de l'enfant.
    Monsieur Dorjee-la, vous avez dit sans détour que la RPC sous Xi Jinping tente délibérément d'assimiler très concrètement les Tibétains en les convertissant à l'usage complet du mandarin. Quelles analogies voyez-vous entre la situation dans ce pays, et qui se poursuit malheureusement encore aujourd'hui au Canada, avec le système des pensionnats indiens où nous avons arraché des enfants de leur foyer autochtone pour les placer dans des endroits éloignés, en les obligeant à apprendre l'anglais comme une langue étrangère, et la situation actuelle au Tibet? Quelles leçons pouvons-nous tirer de notre propre expérience pour aider la cause tibétaine?
    Pourriez-vous commencer par cela, s'il vous plaît, monsieur Dorjee?
    Je pense que les deux situations sont très similaires en ce qui concerne l'intention du gouvernement. L'objectif principal du gouvernement et la plupart des stratégies qu'il utilise sont eux aussi très similaires. Certaines tactiques peuvent être légèrement différentes, mais la plupart des stratégies sont les mêmes. L'objectif est exactement le même.
    La seule différence majeure que je vois est que, en ce qui concerne ce que la Chine fait au Tibet en ce moment, il n'est pas trop tard, pas encore. Il est encore temps d'empêcher que cela se produise. Si l'expression « plus jamais » a un sens, nous avons une chance d'arrêter ce génocide.
    Merci, monsieur Dorjee-la.
    Je me tourne maintenant vers Sherap Therchin, du CCT.
     Il est évident que ce que la RPC fait est immoral. Son action viole les droits internationaux de la personne, et vous avez évoqué certaines conventions. Vous faites valoir aussi, semble-t-il, que le gouvernement chinois, même en vertu de sa propre législation intérieure, viole ses propres lois nationales, celles de la RPC, par ce qu'il fait subir au peuple tibétain.
     Pouvez-vous simplement nous rappeler quelles lois nationales de la Chine sont violées dans ce contexte, selon vous?
    En ce qui concerne les pratiques découlant des politiques du gouvernement chinois à l'égard du Tibet, la question cruciale demeure: sont-elles transparentes? Qu'en est-il de la mise en oeuvre réelle de politiques qui n'existent qu'en théorie? C'est là que l'idée d'une enquête indépendante portant sur ces pratiques, sans restriction de la part des autorités chinoises, est très importante pour le Tibet et les autres régions autonomes de la Chine.
    Sous ce rapport, je suggérerais l'idée d'une réciprocité, c'est-à-dire qu'en 2018, nous avons vu des fonctionnaires désignés par le gouvernement chinois venir témoigner devant le Comité des affaires étrangères et faire fait part de leurs réflexions, mais les fonctionnaires et les parlementaires canadiens n'ont pas la même possibilité de constater d'eux-mêmes la situation réelle au Tibet. Pour répondre à cette question, je dirais que l'accès réciproque au Tibet est très important.

  (1345)  

    Merci, monsieur Therchin.
    Je vais adresser ma dernière question à l'abbé Tenzin Thupten Rabgyal.
     Comme je suis le président des Parlementaires amis du Tibet, je pense connaître assez bien le rôle du panchen-lama, mais je ne suis pas sûr que son importance dans le cadre de la succession du dalaï-lama soit claire comme de l'eau de roche pour tous les membres du Comité ni pour les gens qui nous regardent à la maison.
     Je crois savoir que chacun d'eux reconnaît la réincarnation de l'autre et que l'objectif stratégique final du gouvernement chinois est de contrôler qui succédera au 14e dalaï-lama, en contrôlant l'identité du panchen-lama et en essayant effectivement de remplacer le panchen-lama actuel, parce qu'il lui revient d'identifier qui sera le 15e dalaï-lama et de le reconnaître.
     Pouvez-vous expliquer aux téléspectateurs l'objectif stratégique que la Chine tente d'atteindre en enlevant Gendun Choeki Nyima et en essayant de le remplacer?
     Merci beaucoup pour votre présence, monsieur Rabgyal-la.
    [Le témoin s'exprime en tibétain et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Sa Sainteté le 10e panchen-rinpoché est très importante pour des millions d'adeptes du bouddhisme au Tibet et dans la région de l'Himalaya. Il est le maître-gourou de nombreux Tibétains.
     En ce qui concerne l'importance de Sa Sainteté le panchen-rinpoché par rapport à Sa Sainteté le dalaï-lama, nous faisons dans notre communauté une analogie entre le soleil et la lune, le soleil étant Sa Sainteté le dalaï-lama et la lune étant Sa Sainteté le panchen-lama, en conformité avec les traditions ancestrales entourant le dalaï-lama et le panchen-lama et avec la relation qui existe entre eux en tant que père et fils ou en tant que professeur et élève, et ce qui est très important, leur rôle dans la reconnaissance des réincarnations de l'un et de l'autre.
    Je vous remercie. C'est tout le temps dont nous disposons.
    Je cède maintenant la parole à M. Brunelle-Duceppe.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Vous faites très bien cela.
    D'abord, je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Pardonnez-moi si je prononce mal vos noms. Je vais faire tout mon possible pour ne pas trop les écorcher.
    Tous les témoins ont beaucoup parlé de la langue, qui est à la base de la culture tibétaine, avec le bouddhisme, bien entendu. En tant que Québécois, je peux très bien comprendre cela.
    Il y a déjà des exemples malheureux au Canada. On n'a qu'à penser à certaines provinces qui ont interdit l'éducation en français, notamment le Manitoba et l'Ontario. On a vu ce qui en a résulté. Lorsque le Manitoba a intégré la Confédération canadienne, en 1870, il comptait autant de francophones que d'anglophones. Lorsqu'on a interdit l'éducation en français, cela a donné les résultats qu'on connaît aujourd'hui. Malheureusement, c'est peut-être pour vous un exemple de ce que donne l'éducation forcée dans une autre langue, qui mène à l'assimilation des prochaines générations.
    J'aimerais entendre ce qu'a à dire M. Dorjee là-dessus. Il faut regarder le passé pour voir ce qui arrivera dans l'avenir. Peut-on utiliser ce qui s'est passé au Canada comme exemple de ce qui risque de se produire au Tibet?
    A-t-on bien compris mes propos, monsieur le président?

  (1350)  

[Traduction]

    J'ai compris l'essentiel. Je pense que l'interprétation de la dernière partie de la question m'a un peu échappé.
    Très bien, monsieur Brunelle-Duceppe, je vous accorde une minute de plus pour répéter votre question.

[Français]

    D'accord, je vais recommencer.
    Il y a eu des exemples d'assimilation des francophones dans certaines provinces canadiennes à la suite de l'interdiction de l'éducation en français. Je pense au Manitoba, entre autres.
    Pourrait-on prendre pour exemple ce qui est arrivé au Canada pour démontrer ce qui risque d'arriver au Tibet avec les pensionnats actuels?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    On ne saurait exagérer l'importance de la langue pour une personne, une société, un peuple et une famille. Parfois, je pense que nous commettons une erreur lorsque nous considérons la langue comme un outil de communication entre deux personnes ou deux sociétés. La langue est bien plus qu'un outil. C'est le fondement de l'être humain. À certains égards, c'est ce qui nous distingue de tous les autres comme êtres humains. La langue est fondamentalement une façon de penser. C'est une façon d'être dans le monde.
    Pas plus tard que ce matin, je discutais avec Gyal Lo de son importance, de ce que signifie la perte d'une langue. Lorsque quelqu'un perd sa langue, ce n'est pas la même chose que de perdre beaucoup d'autres choses importantes pour une personne. La personne qui perd sa langue maternelle n'acquiert pas toujours une autre langue au même niveau. En général, elle acquiert une demi-langue. En général, elle acquiert une langue incomplète.
     D'aucuns affirment, et les études le confirment, que la langue détermine fondamentalement la pensée. Elle détermine nos caractéristiques, notre personnalité. Elle influe sur ce que nous sommes, même à ce niveau. Lorsque nous parlons de la perte d'une langue, ce n'est pas seulement une perte traumatisante pour une personne. Ce n'est pas seulement une perte traumatisante pour une nation. Ce n'est pas seulement une perte pour la société ou pour les relations que les gens entretiennent. Nous perdons bien plus que ce que les mots permettent d'exprimer. Je pense que c'est l'avenir qui nous attend si nous échouons, si le monde ne prend pas conscience de la situation alarmante actuelle, si nous ne réagissons pas à cette alarme que constitue la situation actuelle.
     Je vous remercie.

[Français]

     Je vous remercie infiniment. Je pense aussi que la langue est à la base de la construction de la pensée. On pense différemment selon notre langue maternelle, c'est assez clair. Plusieurs sociologues pourraient le confirmer.
    J'ai maintenant une question à adresser à M. Therchin, du Comité Canada Tibet.
    Courez-vous un risque, lorsque vous défendez le peuple tibétain sur un autre territoire comme celui du Canada? Compte tenu de tout ce qu'on entend au sujet de l'ingérence chinoise, est-il difficile pour vous de défendre le peuple tibétain? Vous sentez-vous en sécurité au Canada, lorsque vous prenez la défense des Tibétains qui sont toujours au Tibet?

  (1355)  

[Traduction]

    Merci pour cette question.
    Je pense que la menace touche principalement les Tibétains qui ont encore de la famille au Tibet, que le gouvernement chinois utilise souvent pour contraindre et autocensurer les Tibétains vivant en exil.
     Je n'avais pas vraiment peur lorsque j'ai commencé à défendre le Tibet et à m'exprimer au Canada pour les droits de la personne au Tibet, mais récemment, après avoir entendu de nouveaux reportages traitant de l'influence et de l'ingérence de la Chine au Canada, et surtout après avoir entendu des reportages sur la présence de postes de police chinois au Canada, j'ai vraiment eu peur et je me suis demandé si j'étais en sécurité ou non. Je n'avais jamais éprouvé ce sentiment jusqu'à il y a deux ans.
    Merci de votre attention.

[Français]

    Merci beaucoup.
     Votre Sainteté l'abbé Rinpoché, si le Canada et les parlementaires de la Chambre des communes soutiennent vos cinq recommandations, croyez-vous que cela deviendra un exemple pour le monde et que d'autres pays démocratiques pourraient l'imiter et soutenir ces cinq recommandations?

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en tibétain et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Oui, le Canada serait un chef de file si le Parlement soutenait les cinq recommandations. Nous avons de grands espoirs de voir le Canada mener cette conversation pour les millions d'adeptes de Sa Sainteté le panchen-rinpoché, qui est, en l'occurrence, le deuxième plus haut dirigeant bouddhiste. Cette action du gouvernement canadien contribuera à faire connaître Sa Sainteté le panchen-rinpoché et sera d'un grand secours. Elle sera non seulement utile, mais nous avons bon espoir que le Canada pilotera cette initiative.
    Je vous remercie.
    Nous cédons maintenant la parole à Mme McPherson.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être venus et de nous avoir donné ce témoignage très difficile.
     Comme mon collègue du Parti libéral — et je devrais lui souhaiter Eid Mubarak — je vois aussi des points communs avec le système des pensionnats que nous avons connu au Canada. Il semble que les mêmes outils aient été utilisés pour détruire le peuple tibétain. C'est évidemment extrêmement choquant.
    Sa Sainteté vient de dire qu'elle souhaitait que le Canada joue un rôle de chef de file à cet égard. J'aimerais demander aux trois témoins s'ils peuvent nous dire ce que les autres pays ont dit et ce qu'ils ont offert comme soutien. J'aimerais simplement avoir une idée de la situation.
     Je sais qu'en ce qui concerne la RPC, il est toujours préférable de travailler de concert avec nos alliés et de faire bloc avec d'autres pays d'optique commune. C'est plus facile et plus efficace de travailler ainsi. Je me demande simplement où en sont les autres pays et si certains d'entre eux ont pris les devants et ont fait du très bon travail dont nous pourrions nous inspirer.
     Je vais peut-être céder la parole à Sa Sainteté, puis les deux autres témoins voudront peut-être intervenir.
    [Le témoin s'exprime en tibétain et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    En bref, partout où j'ai pu me rendre, que ce soit aux États-Unis, ici au Canada, en Europe, en Inde ou à Londres, où je m'apprête à aller, nous avons constaté un immense appui à la cause de Sa Sainteté le panchen-rinpoché.

  (1400)  

    Je dirais que beaucoup d'autres pays ont certainement adopté une position ferme sur la question non seulement des droits de la personne, mais de la situation politique du Tibet. Je citerai l'exemple des projets de loi qui ont été adoptés aux États-Unis ces dernières années. Les États-Unis ont promulgué la Reciprocal Access to Tibet Act, tout comme la Tibetan Policy and Support Act.
     Actuellement, un projet de loi sur la résolution du conflit sino-tibétain est également à l'étude au Congrès américain.
     En ce qui concerne la plateforme multilatérale, je voudrais citer un exemple qui date probablement d'un peu plus d'un an, je pense. En réponse à une question d'un représentant chinois, l'ambassadeur du Canada aux Nations unies, Bob Rae, a mentionné que le Canada reconnaît son histoire avec les peuples autochtones et s'engage à la réconciliation avec eux. C'est ce qui se passe à l'échelle internationale chaque fois qu'on tente de souligner le traitement que la Chine réserve à ses populations, qu'il s'agisse des Tibétains, des Ouïghours ou des Mongols. La Chine en profite souvent pour contre-attaquer en rappelant aux gouvernements occidentaux leur propre histoire. C'est dans ce contexte que la réponse de Bob Rae m'a semblé excellente.
    Monsieur Dorjee, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'ajouterai brièvement qu'il y a deux mois, les Nations unies ont fait une déclaration très ferme à ce sujet, demandant au gouvernement chinois d'abolir l'ensemble du système colonial des pensionnats au Tibet. Hier encore, par l'entremise de son ministère des Affaires étrangères, le gouvernement allemand a pris position et a lancé un appel très fort au gouvernement chinois pour qu'il mette également fin au système colonial des pensionnats.
    Je vous remercie.
    Monsieur Therchin, comment évalueriez-vous la réponse du Canada à ce jour? Que pensez-vous du Canada?
    Je sais que vous avez formulé plusieurs recommandations que nous pouvons examiner, mais que pensez-vous de ce que le Canada a fait à ce jour?
    Je pense que l'existence même de cette réunion est une reconnaissance de l'intérêt actif que le Canada porte à cette question. Le fait que nous ayons récemment adopté à l'unanimité, le 14 décembre, une motion soutenant la reprise du dialogue sino-tibétain est un signe que le Canada s'intéresse de plus en plus à la résolution des problèmes liés aux droits de l'homme et du conflit sino-tibétain. J'espère que l'intérêt se maintiendra. J'espère que ce n'est qu'un début.
    Je pense moi aussi que la réponse du Parlement canadien a été très encourageante pour nous jusqu'à présent. Le fait est que nous tenons cette séance et que le peuple tibétain suit cet événement. Nous pouvons assurer que les habitants du Tibet, qui n'ont pas vraiment de voix parce qu'ils sont écrasés par le gouvernement chinois, suivent les actions du gouvernement canadien, du Parlement et d'autres gouvernements dans le monde.
    Je pense que le gouvernement canadien pourrait aller beaucoup plus loin qu'il ne le fait. En réalité, il pourrait adopter une position beaucoup plus ferme, de la part du gouvernement, en publiant une déclaration des plus hauts dirigeants du gouvernement et en lançant des appels vigoureux au gouvernement chinois pour qu'il mette fin à ce système, en particulier en raison de notre propre histoire ici en Amérique du Nord. Je pense qu'ironiquement, l'histoire coloniale du Canada place paradoxalement le gouvernement canadien dans une position de force pour agir sur cette question.
    Merci infiniment.
    Je crois que mon temps de parole est presque écoulé.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'allais faire un tour de table pour sonder les membres. Voulez-vous faire un autre tour?
    Je sais que nous devons consacrer une heure aux travaux du comité par la suite. J'aimerais recevoir une motion en vue de faire un autre tour. Est-ce que cela plairait au Comité?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Nous allons faire un autre tour de cinq minutes.

  (1405)  

    Monsieur le président, d'un point de vue administratif, M. Dorjee pourrait-il nous fournir les deux déclarations qu'il a mentionnées en répondant à Mme McPherson? Il a mentionné une position du gouvernement allemand et un rapport de l'ONU. Je pense que cela pourrait être utile pour notre analyse.
    Nous allons faire un deuxième tour. Il s'agira d'une série de questions de cinq minutes.
    Anita Vendenbeld est la première sur ma liste.
    Monsieur le président, est-ce que cela signifie que nous n'aurons pas de deuxième tour pour notre camp? Si c'est le cas, je partagerai probablement mon temps de parole avec M. Ehsassi.
    Oui, si j'ai bien compris, nous ne ferons qu'un seul tour supplémentaire.
    Dans ce cas, je partagerai mon temps avec M. Ehsassi. J'essaierai d'être très brève.
    Dans votre témoignage, vous avez évoqué entre autres choses le spectre d'une génération qui perdra sa langue et sa culture si nous n'agissons pas sans délai. Pour chacun d'entre nous ici, l'idée que des enfants ne puissent pas s'entretenir avec leurs propres grands-parents est absolument déchirante, mais elle inspire aussi la colère et l'action, alors je vous remercie beaucoup d'en avoir témoigné.
     J'ai une brève question pour M. Therchin. Tout d'abord, vous avez parlé des défenseurs des droits de la personne et de la nécessité que le Canada en fasse davantage pour aider ceux qui ont besoin de venir ici. Par l'entremise de ce comité, nous avons d'abord proposé de créer 250 places pour permettre à des défenseurs des droits de la personne de venir au Canada cette année, ce que le gouvernement a maintenant fait.
    Pensez-vous que nous devrions augmenter ce nombre et élargir cette initiative afin de permettre à un plus grand nombre de défenseurs des droits de la personne du monde entier, dont des Tibétains, de venir dans le cadre d'un volet d'immigration particulier, non pas en tant que réfugiés ou immigrés, mais explicitement en tant que défenseurs des droits de la personne? Ensuite, s'ils ont besoin de revenir ou de rester ici, les critères seraient souples.
    Il est certain que si le Comité pouvait élargir ce programme, des invitations devraient être envoyées aux défenseurs tibétains des droits de la personne à l'intérieur du Tibet. De nombreux membres du Comité connaissent l'histoire du défenseur de la langue tibétaine, Tashi Wangchuk, qui a été condamné à cinq ans de prison pour le simple fait d'avoir défendu la langue tibétaine et d'avoir parlé de sa préservation et de sa promotion à un journaliste du New York Times.
    Le gouvernement canadien a fait des déclarations pour réclamer la libération immédiate et inconditionnelle de Tashi Wangchuk. Nous avons communiqué avec des fonctionnaires canadiens à l'ambassade à Pékin, et nous sommes reconnaissants à l'ambassade d'avoir dépêché son représentant pour tenter d'entrer au tribunal, alors que l'audience de détermination de la peine était sur le point de commencer.
     Malheureusement, et sans surprise, les représentants canadiens, comme ceux d'autres pays, n'ont pas été autorisés à entrer dans la salle d'audience pour entendre le tribunal fournir les détails. C'est généralement le cas pour de nombreux Tibétains, et j'en ai parlé lors de mon précédent témoignage devant le Comité des affaires étrangères. De nombreux Tibétains qui sont des prisonniers politiques ou des prisonniers de conscience n'ont pas accès à un avocat ou à leur famille lorsqu'ils sont détenus.
    Je vous remercie. Ce sont des recommandations très importantes.
    Contrairement aux défenseurs des droits de la personne qui se trouvent toujours au Tibet, d'autres se trouvent ici aujourd'hui. Monsieur Therchin, vous avez dit qu'il y avait eu un changement au cours des deux ou trois dernières années.
    Pensez-vous que le gouvernement fédéral, peut-être au sein de la GRC, devrait créer une sorte de service de protection, peut-être un service de protection des personnes publiques, pour les personnes qui sont ciblées explicitement en raison de leur activisme?
    Est-ce une mesure que vous...? Je vous demanderais de répondre très brièvement, afin de laisser un peu de temps à M. Ehsassi.
    Merci pour cette question très importante.
    La personne la mieux placée pour répondre serait ma collègue ici présente, car Chemi Lhamo a été une victime.
    Mme Lhamo.
    Oui, je serai brève. Un rapport d'Amnistie internationale a été présenté à plusieurs reprises. J'ai personnellement témoigné ici plus de deux fois pour présenter les recommandations. La première, qui est la plus facile à mettre en oeuvre, consiste à désigner une personne de référence qui serait en mesure de nous aiguiller vers des ressources ou de nous mettre en contact avec des personnes qui pourraient nous aider, parce que nous avons toujours frappé à plusieurs portes et nous n'avons jamais vraiment obtenu d'aide. Mon cas a été présenté en 2019.

  (1410)  

    Nous nous en souviendrons quand nous formulerons nos recommandations.
    Monsieur Ehsassi, je ne sais pas s'il reste du temps, mais allez-y, je vous en prie.
    Je pense que je dispose de 30 secondes. Merci, madame Vandenbeld.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais plonger et je dirai d'abord disant qu'en tant que Canadiens, nous comprenons évidemment l'importance de la langue et de l'identité.
    Je voulais interroger M. Therchin sur les fonds qu'AMC a mis à disposition. Vous avez effleuré le sujet. Pouvez-vous nous en expliquer l'importance et nous dire si d'autres fonds sont nécessaires pour préserver la langue tibétaine?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, AMC a financé ce projet. À ma connaissance, il s'agit du deuxième projet financé au cours des six dernières années, et il se poursuit. Il vise à aider des écoles tibétaines en Inde et au Népal, soit plus de 76 écoles tibétaines, en permettant aux élèves d'apprendre dans leur propre langue tibétaine. Nous parlons ici de Tibétains en exil.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, cette présence et cette possibilité montrent au gouvernement chinois que les Tibétains pourraient réussir, si on leur en donnait la chance. Comme mon collègue du Tibet Action Institute l'a mentionné, la langue tibétaine possède toutes les qualités pour réussir en tant que langue, quelles que soient les aspirations de chacun.
    L'Administration centrale tibétaine a demandé au gouvernement canadien de maintenir cette aide financière. J'en appelle au Comité pour maintenir le financement des écoles tibétaines en Inde et au Népal.
    Je vous remercie.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Aboultaif pour cinq minutes.
    Je vous remercie.
     Le gouvernement chinois a signé la Déclaration des Nations unies, article 26, sur l'éducation et le droit des parents de choisir le type d'éducation à donner à leurs enfants. Que se passe-t-il ici? Le gouvernement chinois fait aujourd'hui le contraire.
     J'aimerais que vous me disiez si les Nations unies font pression sur le gouvernement chinois pour qu'il respecte l'engagement qu'il a pris en tant que signataire.
     Ensuite, j'aimerais, si vous le voulez bien, que vous abordiez le rôle des institutions religieuses dans la réalisation l'objectif du gouvernement chinois concernant le Tibet. Je vous remercie de votre attention.
    Merci beaucoup.
     Le gouvernement chinois a réagi au fait que le monde a commencé à critiquer l'organisation des pensionnats coloniaux. Nous avons remarqué qu'après l'envoi d'une communication des Nations unies à Pékin, après avoir appris la tenue d'audiences au Congrès américain, et maintenant au Parlement canadien, le gouvernement chinois prend vraiment cette question au sérieux.
     Contrairement à l'idée reçue selon laquelle le gouvernement chinois ne se préoccupe pas de ce que pense le monde — rien ne peut l'émouvoir, il est trop puissant, il ne bougera pas —, Pékin se préoccupe en fait beaucoup de la question. Ils ont réagi au plus haut niveau, en publiant des écrits dans leurs propres médias sur cette question et en essayant de nous contrer.
     Voilà pourquoi ils tentent de trouver tous ces arguments fictifs pour expliquer pourquoi les Tibétains devraient être dans des internats et pourquoi la langue tibétaine n'est pas adaptée à l'apprentissage des mathématiques et des sciences. Si le monde, les gouvernements et les différentes organisations continuent à exercer une pression accrue, je crois qu'il est possible que le gouvernement chinois cède, change de comportement et modifie sa politique.
     Nous avons entendu entre les branches que, dans certaines petites localités, dans certains comtés du Tibet, il semble y avoir de nouveaux changements. Il y a un renversement des politiques qui n'est pas déclaré, qui n'est pas encore complètement officiel, mais il y a une certaine adaptation et un certain changement sur le terrain. Nous y voyons des signes que, si le monde agit, nous pouvons réellement changer le comportement de la Chine.

  (1415)  

    Formidable.
     Ma deuxième question s'adresse à M. Rabgyal.
     Pouvez-vous nous conseiller sur ce qui me semble être une question très importante? Quel est le rôle des institutions religieuses dans l'exécution de l'objectif du gouvernement chinois?
     [Le témoin s'exprime en tibétain, et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    En ce qui concerne Sa Sainteté le panchen-rinpoché après 1959, Sa Sainteté le 10e panchen-rinpoché a travaillé sans relâche au maintien de diverses institutions religieuses, ainsi qu'à l'éducation et à la protection de notre culture tibétaine et du système éducatif. Ses contributions sont inégalées. Depuis son décès, l'impact sur la communauté tibétaine et les Tibétains a été terrible. Tel a été l'impact de Sa Sainteté la 10e réincarnation du panchen-rinpoché.
     Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, dans la déclaration précédente, il a été mentionné que Sa Sainteté le 10e panchen-rinpoché est décédé soudainement et mystérieusement. Juste après cela, il y a eu le 11e panchen-lama, Gedhun Choekyi Nyima, qui avait six ans lorsqu'il a été kidnappé et enlevé. Cela montre clairement jusqu'où le gouvernement chinois peut aller lorsque des institutions religieuses représentent une menace pour lui.
     Sa Sainteté le dalaï-lama a également exprimé publiquement sa profonde tristesse pour la disparition du 10e panchen-rinpoché, car si le 10e panchen-rinpoché était encore en vie ou si le 11e panchen-rinpoché était encore ici et connu du monde, l'impact sur la communauté tibétaine aurait été insurmontable. C'est pourquoi Sa Sainteté le dalaï-lama s'est également exprimé publiquement sur l'impact de Sa Sainteté le 10e panchen-rinpoché et sur l'importance pour nous de trouver le 11e.
    Je vous remercie.
     Nous passons maintenant à M. Brunelle-Duceppe pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Dorjee, on a beaucoup parlé des pensionnats où il est interdit de recevoir une éducation en tibétain et d'avoir des pratiques religieuses. Certaines personnes parlent aussi d'une forme d'endoctrinement politique forcé par Pékin auprès des enfants de ces pensionnats.
    Que pensez-vous de cela?

  (1420)  

[Traduction]

    C'est une question très importante.
     En ce qui concerne l'éducation religieuse et culturelle, non seulement les enfants tibétains ne reçoivent pas le genre d'éducation qui correspond à leur propre culture, à leur propre histoire et à leur propre vision du monde, mais ils reçoivent en fait une version très politisée et extrêmement propagandiste de la vision du monde qu'a le parti communiste chinois.
    Ce qui est choquant, c'est que cela commence très tôt. Ils n'attendent même pas que les enfants aient 10 ou 15 ans. Les enfants de quatre, cinq ou six ans sont déjà bombardés par ce type d'endoctrinement propagandiste et politisé. En fait, ils suppriment ce qui fait qu'un enfant est tibétain, c'est-à-dire la manière culturelle, locale, scientifique, naturelle et écologique de sa famille d'exister dans le monde. Il ne s'agit pas seulement de la langue, mais aussi de l'orientation psychologique vers ce monde. Ils suppriment toutes ces choses et remplissent ce récipient vide avec un endoctrinement politique sur la grandeur du parti communiste chinois et l'horreur des occupants japonais et des soldats japonais.
     Ce n'est qu'un exemple. J'ai vu certains de ces manuels avec des images extrêmement violentes, extrêmement perturbantes, extrêmement sanglantes et extrêmement sordides. C'est le genre de livres qui sont utilisés pour enseigner à de très jeunes enfants, à partir de cinq ou six ans. Telle est la réalité du type d'endoctrinement et d'éducation politique qu'ils reçoivent.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Madame Choekyi, j'aimerais vous poser une simple question.
    Vous savez probablement que certains de mes collègues et moi-même avons été bannis de la Chine, de son territoire. Évidemment, c'est politique.
    Lorsqu'on s'attaque au régime communiste chinois, comme nous l'avons fait pour défendre la cause des Ouïghours, par exemple, et lorsqu'il est question des Tibétains, et ainsi de suite, un certain discours s'élève contre nous, selon lequel nous tenons un discours raciste anti-Chinois. Lorsque cela se produit, je crois qu'il s'agit un peu de la propagande de Pékin, qui est reprise dans l'espace public.
    À quel point cette propagande est-elle importante dans l'espace public? Selon vous, comment fait-on pour éviter de tomber dans ce piège?
    Je vous remercie, monsieur Brunelle‑Duceppe, de la question, qui concerne les Tibétains et tous les autres qui soutiennent le Tibet depuis des années.
    Je crois qu'il faut tout d'abord garder confiance en nous sachant que nous défendons la cause du Tibet, parce que c'est une cause de la vérité, et qu'il n'y a pas de liberté dans un pays occupé. Cela fait plus de 70 ans que ce pays est sous l'occupation chinoise.
    Nous défendons donc des valeurs qui sont très précieuses pour nous dans un pays démocratique. Même si ces arguments peuvent tout de même sembler très dangereux, dans notre cœur et à la base, c'est parce que nous défendons nos valeurs, qui sont précieuses autant pour nous que pour les autres.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Dorjee, en octobre 2020, vous avez publié dans le magazine Foreign Policy un article dans lequel vous parliez des outils de promotion de la démocratie qui ont connu un succès modeste dans de plus petits régimes, mais qui ont échoué devant Pékin. Ce serait en partie attribuable à l'état de surveillance mis en place par le gouvernement chinois contre son peuple.
    De quelle façon la Chine utilise-t-elle les données et la surveillance pour réprimer son peuple, particulièrement la minorité tibétaine?

[Traduction]

    Répondez très rapidement.
    Je vous remercie.
     Le gouvernement chinois a été très efficace et a plutôt bien réussi à mobiliser les mégadonnées du totalitarisme et divers outils transnationaux de tyrannie pour réduire au silence les Tibétains à l'étranger et pour réprimer les Tibétains à l'intérieur du Tibet. L'un des outils clés qu'ils utilisent pour y parvenir consiste à relier les Tibétains vivant dans la diaspora aux membres de leur famille au Tibet. En utilisant ce lien et cette relation, ils utilisent les familles qui sont au Tibet comme des otages. Ils ne s'en cachent pas.
     Je connais beaucoup de Tibétains — Américains ou Canadiens tibétains — qui se sont rendus au Tibet. Ces agents du Front uni leur disent explicitement et directement: « Vous vivez dans la liberté, dans le monde libre, mais si vous critiquez le gouvernement chinois, n'oubliez pas que votre famille est ici sous notre coupe. » C'est le genre de menaces que la Chine utilise comme stratégie pour faire taire le monde.
     Au Tibet, il y a eu des cas où des prélèvements d'ADN sans consentement ont eu lieu dans des écoles et dans diverses collectivités. De nombreuses questions subsistent quant à l'objectif exact poursuivi par le gouvernement chinois, mais il n'y a rien de bénin là-dedans. Tout cela ne produira jamais rien de bon.
     Nous vivons une époque très inquiétante, où le monde pourrait basculer dans une situation très différente. La Chine est à la pointe, à l'avant-garde et proche de la manière dont les technologies sont mobilisées pour accroître la tyrannie. Il y a 20 ans, nous rêvions que l'internet libérerait l'humanité et favoriserait la démocratie et que les technologies de libération nous aideraient. Au lieu de cela, le gouvernement chinois joue un rôle énorme dans l'inversion de toute cette logique.
     Aujourd'hui, c'est une autre raison pour laquelle nous devons être très prudents et demander des comptes aux entreprises, en particulier aux multinationales occidentales, qui profitent de notre démocratie et de notre liberté tout en fournissant leurs logiciels au gouvernement chinois et en l'aidant à imposer sa tyrannie non seulement en Chine, mais aussi à l'étranger. Nous devons également demander des comptes à ces entreprises.

  (1425)  

[Français]

     Je remercie infiniment tous les témoins.

[Traduction]

    Nous avons maintenant cinq minutes pour Mme McPherson.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci encore aux témoins.
    Je suis très intéressée par la dernière question. Je pense que le président a demandé une réponse un peu brève, mais j'aimerais approfondir la question.
     Je reviens tout juste de Taïwan. J'y ai vu ce à quoi les Taïwanais doivent faire face en ce qui concerne les campagnes de désinformation et les cyberattaques dont ils sont la cible, avec jusqu'à un million par jour. Nous savons également que les droits de la personne sont bafoués en ce qui concerne les Ouïghours et Hong Kong. Tous ces éléments s'inscrivent dans un contexte plus large où la Chine devient de plus en plus belliqueuse.
     Je compte parmi les députés qui, comme M. Brunelle-Duceppe, s'est vu interdire de se rendre en Chine. J'aimerais que tous les témoins me renseignent davantage sur la façon dont la RPC dissimule les violations des droits de la personne qu'elle commet, sur la façon dont elle réduit les Tibétains au silence et sur la façon dont elle utilise les outils numériques pour supprimer l'information.
     J'aimerais commencer par notre invité de Tibet Watch. Nous n'avons pas eu l'occasion de l'entendre aussi souvent.
    Madame Choekyi, puis-je commencer par vous?
    Merci pour cette question très importante. C'est à dessein qu'ils se cachent, délibérément et intentionnellement, par tous les moyens, la technologie et la surveillance des groupes de discussion en ligne.
    Nous avons reçu des rapports sur des Tibétains qui se sont opposés à Lhakar — Mercredi blanc —, un mouvement décentralisé de célébration de l'identité tibétaine le jour de l'âme de Sa Sainteté le dalaï-lama. Des personnes ont été arrêtées pour de simples messages en ligne.
     Il y a des gens qui surveillent les communications en ligne. D'importantes récompenses en espèces sont prévues pour les personnes qui dénoncent à la police des Tibétains en contact avec des Tibétains vivant à l'étranger, ainsi que des récompenses en espèces pour la surveillance des personnes qui traversent les zones frontalières. C'est pourquoi, après 2008, seuls quelques réfugiés tibétains ont pu s'enfuir au Népal.
     Il y a également des membres du Parti communiste chinois dans les monastères. Les monastères sont des centres d'apprentissage où l'objectif de l'éducation est la libération de la souffrance, non seulement pour soi-même, mais aussi pour le bénéfice de tous les êtres vivants sensibles. Cependant, depuis 2012, il existe dans les monastères des comités de gestion monastique où des membres du PCC, qui sont athées, sont là en permanence pour contrôler, surveiller et superviser toutes les activités des moines. Des études de cas montrent que des postes de police ont été construits juste à côté d'un monastère dans le comté de Shuanghu, par exemple.
     Les groupes de discussion sont surveillés. Les communications en ligne sont surveillées. Les messages en ligne sur les médias sociaux individuels sont surveillés, de même que la diffusion en direct. Nous savons que des musiciens tibétains se sont abstenus de s'exprimer en tibétain pour éviter que leur diffusion en direct soit interrompue.
     J'ai également la preuve qu'une mère tibétaine et son enfant se parlent sur un compte de diffusion en direct. Le petit garçon, qui griffonnait des dessins, comme n'importe quel enfant, a demandé innocemment à sa mère: « Maman, si je parle en tibétain sur Douyin », une plateforme de partage de vidéos, « ils disent qu'ils vont fermer notre compte, alors je ne sais pas si je dois parler en tibétain ou en chinois ». La mère n'avait pas de réponse. Elle s'est contentée de dire: « Je sais. Je vais demander, d'accord? » L'enfant a répondu: « D'accord, maman. » Il s'agit d'une plateforme de partage de vidéos en ligne. La mère n'a pas de réponse. Elle a 26 000 followers, mais c'est comme ça.
     Les Tibétains ne peuvent pas s'échapper. Les Tibétains ont une liste interminable de pensées dans leur esprit, et cette liste ne cesse de s'allonger. Il s'agit de savoir ce qu'il faut dire, ce qu'il faut penser, ce qu'il ne faut pas dire, ce qu'il ne faut pas penser et de toujours aimer le PCC. En 2021, lorsque le PCC a célébré son 100e anniversaire, les enfants de la région autonome du Tibet, comme ils l'appellent, ont dû chanter une chanson intitulée « J'aime le PCC ». Tous ces enfants portaient des vêtements tibétains, mais ils chantaient « J'aime le PCC ».
     Il y a la fermeture de groupes de discussion et la surveillance de tout espace en ligne, ainsi que des informateurs au coin des rues, dans les monastères et dans les villages ruraux. L'ordre est partout. C'est un État policier.

  (1430)  

     J'aimerais poser des questions aux autres témoins, mais je crois que je n'ai plus de temps.
     Est-ce exact, monsieur Viersen?
    Oui, nous sommes arrivés à la fin du temps imparti.
     Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui et de nous avoir présenté leur témoignage. Nous allons rassembler tous ces éléments dans un rapport. Les renseignements que vous nous avez fournis sont très précieux. Nous avons hâte de produire notre rapport qui sera publié, je l'espère, assez rapidement.
     Vous pouvez également nous soumettre tout renseignement que vous avez mentionné ici aujourd'hui ou que nous avons besoin de connaître, à votre avis. Vous pouvez les soumettre à la greffière. Nous vous demandons de faire vite, car nous espérons que ce rapport sera publié le plus rapidement possible.
     Sur ce, nous suspendons la séance.
     Mesdames et messieurs les députés, veuillez reprendre la séance sur le lien à huis clos qui vous a été envoyé. Je suspends la séance et je vous retrouverai à huis clos dans une demi-heure.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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