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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 022 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 5 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1140)  

[Traduction]

     Bonjour à tous. La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 22e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
    Nous commencerons par reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
    La réunion d'aujourd'hui a lieu dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les membres sont présents en présentiel dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
    Les députés et les témoins qui participent virtuellement peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix, et vous verrez ces choix au bas de votre écran, en anglais ou en français.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 17 février 2022, le Comité reprend son étude sur la montée de l'extrémisme violent à caractère idéologique au Canada.
     Je souhaite la bienvenue aux témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Nous accueillons Mme Jane Bailey, professeure titulaire, Faculté de droit, Université d'Ottawa. Nous avons aussi M. Garth Davies, codirecteur, Institute violence, Terrorism and Security, Simon Fraser University et M. Tony McAleer, cofondateur de Life After Hate.
    Vous voyez ici l'avertissement de 30 secondes pour tous les intervenants. Mes collègues le connaissent bien. Les témoins s'y habitueront. Je vous donne une marge de manœuvre de 10 secondes, mais pas plus que cela, et si je dois vous interrompre, je le ferai. Vous êtes tous avertis, c'est la règle que nous suivons pour gérer notre temps.
    J'invite maintenant Mme Jane Bailey à présenter sa déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
    Madame Bailey, vous avez la parole.
     Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
    Je suis professeure de droit à l'Université d'Ottawa et je codirige le partenariat eQuality, une initiative financée par le Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH, qui met l'accent sur les expériences que vivent les jeunes dans le domaine de la protection de la vie privée et de l'égalité dans des environnements numériques en réseau. Nous examinons notamment les expériences liées à la violence facilitée par la technologie.
    Comme vous tous ici présents, je comparais aujourd'hui sur un territoire algonquin non cédé. Je tiens à remercier les Algonquins qui ont pris soin de cette terre et qui continuent de le faire.
     Vous avez entendu et vous entendrez de nombreux témoins dotés d'une expertise très spéciale dans le domaine de l'extrémisme violent à caractère idéologique, ou EVCI. Ils vous présenteront ce sujet sous de nombreux angles, notamment du point de vue psychologique ainsi que des domaines de la sécurité et de la technologie. Je vous le présenterai de manière plus générale en m'inspirant des résultats de mes travaux de recherche et des exposés que j'ai donnés sur la violence technologique ainsi que de mes travaux sur les discours haineux affichés sur Internet aux membres de communautés marginalisées. Je me suis lancée dans cette recherche après avoir défendu, il y a de nombreuses années, l'un des plaignants de la première cause de discours haineux en ligne entendue par le Tribunal canadien des droits de la personne en vertu de l'ancien article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Je suis heureuse de constater que la motion sur laquelle repose votre étude permettra éventuellement au gouvernement de déposer une réponse complète et approfondie. L'EVCI qui cible les membres de communautés marginalisées s'insère dans un spectre de haine et de violence contre ces personnes. Ce spectre reflète un contexte plus vaste et plus complexe, saturé d'inégalités sociales et d'oppressions systémiques. Il sera donc crucial d'établir une stratégie nationale pluridimensionnelle pour lutter efficacement contre la complexité de l'EVCI et contre d'autres formes de haine tout en confirmant et en respectant le droit qu'ont les membres des communautés marginalisées de participer pleinement à tous les aspects de la vie publique et privée sans subir des actes de violence et de haine.
    Le droit pénal ne devrait constituer qu'une partie de cette stratégie. La nature ponctuelle du droit pénal et son utilisation disproportionnée contre les membres des communautés marginalisées donneront à certains survivants d'actes haineux de bonnes raisons pour ne pas considérer le droit criminel, ou même le droit en général, comme une solution valable. Il faudra donc concevoir des approches distinctes des mesures juridiques, des approches proactives visant des facteurs structurels et systémiques. Nous devons à tout prix éviter les solutions qui causeront encore plus de tort aux communautés marginalisées qui sont visées de façon disproportionnée par la haine ainsi que par la surveillance et la violence discriminatoires de l'État.
    Je vais maintenant vous présenter sept considérations pour l'élaboration d'une stratégie nationale substantielle à multiples facettes axée sur les survivants et sur l'égalité.
    Premièrement, il faut centrer les membres des communautés touchées dans des processus stratégiques comme celui‑ci — les femmes, les Noirs, les Autochtones, les Juifs et les musulmans, les personnes de couleur et les membres de la communauté 2SLGBTQ+ — pour que ce processus souligne en priorité la diversité de leurs réalités vécues. Il faut aussi centrer l'expertise des chercheurs qui sont membres de ces communautés, dont ceux qui proviennent de disciplines autres que le droit, la criminologie et les études sur la sécurité, et centrer l'expérience des organismes communautaires auxquels ces personnes font confiance et dont ils reçoivent des services.
    Deuxièmement, il faut rejeter les approches qui tiennent les personnes et les groupes ciblés responsables d'éviter ces préjudices. Concentrons-nous plutôt sur la responsabilité de la société dans son ensemble, sur les auteurs de crimes individuels. Concentrons-nous aussi sur le rôle que joue le modèle commercial sous-jacent « d'échange de données contre des services » dans les réseaux numériques en façonnant cet environnement de manière problématique.
    Troisièmement, il faut mieux soutenir les membres des communautés marginalisées ciblés par la haine en finançant les organismes communautaires auxquels ils font confiance et dont ils reçoivent des services et en créant un organisme administratif chargé de les aider.
    Quatrièmement, il faut appuyer les initiatives d'éducation et de sensibilisation préventives axées sur les droits de la personne qui visent à démanteler les systèmes sous-jacents de discrimination et à déshumaniser les stéréotypes qui minent le droit qu'ont les membres des communautés marginalisées de participer pleinement à la vie de la société.
    Cinquièmement, il faut veiller à ce que l'objectif central de défense des droits des membres des communautés ciblées ne devienne pas une excuse pour étendre inutilement les pouvoirs des policiers et la surveillance.
    Sixièmement, il faut améliorer l'intervention du système de justice pénale pour les survivants qui souhaitent poursuivre dans cette voie en offrant aux agents d'application de la loi, aux procureurs et aux juges une formation sur le contexte social qui souligne les principes de l'égalité réelle.

  (1145)  

    Septièmement, il faut reconnaître que même si l'EVCI se manifeste dans un spectre de violence vécue par les membres de communautés marginalisées, la complexité de l'EVCI et d'autres formes de violence...
    Il vous reste 10 secondes, je vous prie.
    ... de ce spectre soulèvent des considérations très particulières qui exigent des mesures adaptées plutôt qu'une solution unique.
    Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci. Elles ne tarderont pas.
    J'invite maintenant M. Garth Davies à faire sa déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
    La parole est à vous, monsieur, dès que vous serez prêt.
    Je suis professeur agrégé de criminologie à l'Université Simon Fraser et codirecteur d'un institut sur la violence, le terrorisme et la sécurité. Je fais des recherches sur l'extrémisme depuis si longtemps que, lorsque j'ai commencé, nous parlions de terrorisme, qui en fait ne désigne que le contexte général.
    L'extrémisme violent à caractère idéologique, l'EVCI, avec le crime organisé et les armes fantômes, constituent les problèmes de sécurité publique les plus urgents au Canada aujourd'hui. Si nous relions l'EVCI au mouvement transnational que nous avons observé, par exemple, lors de l'occupation d'Ottawa émanant de la trajectoire antidémocratique de l'extrême droite, nous faisons aussi face à une menace à la sécurité nationale.
    De nombreuses circonstances sont à l'origine de la montée de l'EVCI, notamment, mais sans s'y limiter, la colère face à la mondialisation, le malaise causé par la rapidité des changements sociaux, les répercussions de la pandémie de la COVID‑19, les activités des entrepreneurs idéologiques qui préconisent l'EVCI et les effets de la présidence de Trump qui a attisé et aggravé cet extrémisme. Ces circonstances coïncidaient avec une vaste orientation internationale vers le populisme et vers la gouvernance autoritaire.
    L'occupation d'Ottawa a démontré, je crois, la rapidité avec laquelle des problèmes précis peuvent tomber dans le bourbier toxique des griefs qui motivent les extrémistes. La souplesse et l'ampleur de ces récits permettent aux extrémistes de s'adresser à un auditoire potentiellement massif et réceptif et d'établir des liens avec ses membres.
    Au sein de l'EVCI, les organismes d'écologie sociale, d'application de la loi, de renseignement et de sécurité nationale font face à une série de problèmes complexes et interreliés. Le premier est l'intégration des idéologies extrémistes et la normalisation conséquente de la haine, de la polarisation et de la crainte d'autrui.
    Le deuxième est la militarisation des théories du complot et de la désinformation. Les théories du complot ne sont plus ce qu'elles étaient autrefois, ce que nous appellerions des théories du complot de la vieille école, qui exigeaient des preuves. À l'heure actuelle, il suffit de lancer des insinuations ou de la pure invention, des mensonges purs et simples.
    Nous observons une zone grise de radicalisation qui prend de plus en plus d'importance. Elle se retrouve dans l'histoire de tante Margaret que nous connaissons tous. La tante se met tout à coup à parler des Protocoles des Sages de Sion, et les membres de sa famille se demandent « Qu'est‑il arrivé à tante Margaret? » Il est important de comprendre la portée réelle de ces activités de radicalisation.
    Le rôle central d'Internet et des médias sociaux dans la facilitation de l'EVCI est un principe essentiel de l'étude que mène votre comité, alors vous en êtes bien conscients.
    Enfin, le lien de plus en plus étroit entre les environnements en ligne et hors ligne pose un défi important, comme l'a démontré ce qui s'est passé à Ottawa. À la lumière de mes recherches et des graves expériences que nous avons collectivement vécues ces 20 dernières années, je tiens à vous présenter quelques mises en garde sur la façon dont le Canada pourrait réagir à l'EVCI.
    Premièrement, il est essentiel de reconnaître que l'EVCI est à la fois international, national et local. Dans le cadre du mandat de ce comité, je crains que l'EVCI ne soit perçu comme une entité étrangère au Canada. Ce n'est pas du tout le cas. Nous devons prêter attention aux aspects canadiens de ce problème et à sa nature communautaire.
     Il est important de comprendre qu'il est impossible de contrer l'émotion en présentant des faits ou un raisonnement rationnel. L'EVCI est alimentée par les récits émotionnels. On se trompe en pensant qu'il est possible de contrer cela en présentant des corrections, des statistiques ou un raisonnement logique.
    Le financement ne constitue pas une préoccupation majeure. Il est utile de parler de financement, car c'est un aspect important du problème. On en parle beaucoup et l'on insiste sur la nécessité d'agir, mais cela ne devrait pas éclipser les préoccupations. Le financement n'est pas à l'origine de l'EVCI. GoFundMe et les autres plateformes ne dirigent pas l'EVCI au Canada et ailleurs.
    Nous ne pouvons pas nous confier aux plateformes de médias sociaux et aux entreprises de technologie le gros travail que nous devons accomplir. Nous ne devrions pas non plus nous fier à ces entreprises. Les algorithmes ne sont pas des munitions magiques. Ce sont des outils utiles, mais nous avons un rôle important à assumer. Facebook, ou maintenant de Meta, me préoccupe beaucoup, car il détermine à quoi je peux accéder, moi et tous les autres gens.

  (1150)  

    Enfin, nous ne devrions pas nous concentrer sur les mesures négatives. On entendra beaucoup discuter de l'élimination de plateformes et de l'expulsion de groupes d'Internet. Méfions-nous de tout cela, parce que nous signalons à ces groupes...
    Il vous reste 10 secondes, je vous prie.
    ... que nous avons peur d'eux et que nous devons essentiellement ne pas avoir peur de ces...
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Je donne maintenant la parole à M. Tony McAleer.
    Monsieur, merci d'être venu, d'être venu en présentiel. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous.
    Vous avez la parole pour faire votre déclaration préliminaire de cinq minutes.
    Je m'appelle Tony McAleer. Je suis l'auteur de The Cure for Hate: A White Supremacist's Journey from Violent Extremism to Radical Compassion.
    J'ai passé 15 ans dans l'extrême droite violente au Canada et aux États-Unis comme disciple, recruteur et leader. J'ai quitté ce mouvement en 1998 et j'ai entrepris un cheminement de transformation et de guérison qui a nécessité plus de 1 000 heures de counseling individuel et en groupe avec un mentor qui, ironiquement, était juif.
    En 2010, j'ai décidé d'aider d'autres gens qui avaient passé par là et j'ai cofondé l'organisme sans but lucratif américain Life After Hate, qui a aidé plus de 700 personnes à quitter des groupes extrémistes violents de l'extrême droite.
    Mon expérience d'entrée et de sortie de ces groupes et de ces idéologies m'a amené à conseiller les ordres de gouvernement dans trois continents, notamment les premiers ministres de l'Autriche et de la Nouvelle-Zélande.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
    Bien que la montée de l'extrémisme violent à caractère idéologique ne soit pas nouvelle, la vitesse à laquelle ces idées se répandent et la tendance récente à commettre des meurtres de masse en font une menace terroriste mondiale dangereuse.
    Nous nous souvenons d'Anders Breivik, qui a assassiné 76 personnes en Norvège, du massacre de la mosquée de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, de l'église AME à Charleston, du temple sikh d'Oak Creek au Wisconsin et de la synagogue Tree of Life à Pittsburgh.
    Plus près de chez nous, la fusillade dans une mosquée de Québec, les homicides de masse commis par des véhicules à London et à Toronto, la montée des attaques anti-asiatiques et les crimes haineux contre des communautés autochtones, noires et LGBTQ2S créent un climat de peur qui déchire notre tissu social.
    Il s'agit d'un problème complexe qui exige une réponse réfléchie et nuancée. Les solutions souvent bien intentionnées, mais opportunes, peuvent produire des résultats imprévus et s'avérer contre-productives. Les interventions se classent en trois catégories: la technologie, l'application de la loi et la santé publique.
    La technologie est l'arène dans laquelle ces idéologies sont diffusées, soit Internet et les médias sociaux. Encore une fois, il s'agit d'un domaine complexe, et il faut prendre grand soin de fixer de saines limites à la liberté d'expression.
    Dans les années 1990, j'ai dirigé le Canadian Liberty Net, un système de messagerie informatisé qui contenait des messages antisémites, anti-immigrants et de déni de l'Holocauste. Le Tribunal canadien des droits de la personne nous a imposé une injonction qui nous a entraînés jusqu'à la Cour suprême du Canada.
    Plus on tentait de supprimer notre ligne d'appels haineux, plus les gens appelaient et se laissaient attirer dans le monde de l'intolérance. À son apogée, cette ligne recevait 300 appels par jour. Les procédures judiciaires sont devenues un puissant outil de recrutement, un exemple de résultats imprévus surnommé l'effet Streisand. En interdisant les choses, on les rend plus populaires.
    Il est crucial d'examiner soigneusement les stratégies de lutte contre la haine en ligne afin d'éviter l'exagération et la politisation qui entraînent cette réaction.
    Les contenus affichés dans Internet ne disparaissent pas nécessairement, ils s'en vont ailleurs. Le contenu des grandes plateformes est retransmis à de plus petites plateformes qui n'ont souvent pas la capacité de le modérer.
    Des deux autres interventions principales, l'application de la loi et la santé publique, cette dernière présente de grandes lacunes et d'excellentes possibilités. Je vais donc me concentrer sur elle.
    Lorsqu'une personne commet des actes d'extrémisme violent et apparaît sur le radar des forces de l'ordre, plusieurs occasions ont déjà été ratées. Il existe un réseau croissant d'aidants, de travailleurs sociaux, de conseillers et de psychologues qui mènent des interventions. Cependant, nous pourrions lutter plus vigoureusement en mobilisant et en formant les ressources qu'offre déjà la collectivité afin qu'elles utilisent leurs compétences d'une façon qu'elles n'avaient pas envisagée en intervenant bien avant qu'on appelle les forces de l'ordre. La formation de conseillers scolaires en est un exemple.
    À l'heure actuelle, d'après le nombre de conversations que j'ai eues avec des représentants de plusieurs municipalités, il ne semble pas y avoir de prévention primaire.
    Croyez‑le ou non, l'idéologie n'est pas la principale raison pour laquelle les gens se joignent à ces mouvements. Oui, c'est un facteur, mais selon les résultats de la recherche, l'identité, l'appartenance et le sentiment d'avoir un but sont des attraits beaucoup plus importants. Ce sont les vulnérabilités que ces mouvements exploitent. L'idéologie est la pilule à avaler pour combler ces manques importants.

  (1155)  

    La recherche a démontré que 15 % des membres du grand public ont subi au moins deux événements indésirables pendant leur enfance, soit un traumatisme, l'abandon ou de la négligence. Cependant, 66 % des gens qui avaient commis un acte extrémiste violent pour des raisons idéologiques avaient subi quatre événements indésirables ou plus. Bien que le traumatisme crée souvent des vulnérabilités, soulignons qu'il ne prédit rien. Ces vulnérabilités peuvent causer toute une série de comportements antisociaux, comme la toxicomanie, et l'extrémisme violent n'en constitue qu'une petite section, mais elle est très dangereuse et nuisible.
    Chers collègues, nous allons maintenant passer à la première série de questions. Je vais d'abord donner la parole à M. Van Popta pour une série de questions de six minutes.

  (1200)  

     Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins de s'être joints à nous. Nous nous excusons encore pour le retard. Merci pour votre patience.
    Madame Bailey, je vais commencer par vous. Merci beaucoup pour votre témoignage. Il était très clair et concis, et je vous en remercie.
    Madame, je sais, d'après votre témoignage précédent et certaines de vos publications ainsi que d'après des déclarations que vous avez présentées à d'autres comités, que vous avez mis l'accent sur la violence facilitée par la technologie faite aux femmes et aux jeunes en particulier. Votre travail est très important.
    L'étude d'aujourd'hui porte sur l'extrémisme violent à caractère idéologique. Vous nous en avez parlé, mais peut-être pourriez-vous nous décrire le lien entre l'objectif principal de votre recherche et l'étude que nous entreprenons aujourd'hui.
    Il y a certainement des liens entre mon travail et l'EVCI. Tout d'abord, les jeunes ont été, du moins dans le passé, les principales cibles des initiatives de radicalisation. En ce qui concerne les attaques haineuses, nous n'avons qu'à regarder l'extrémisme incel au Canada et ailleurs dans le monde pour comprendre à quel point les femmes sont les objets d'attaques de violence physique et de rhétorique très violente et misogyne.
    De toute évidence, dans ce contexte et dans tout autre contexte, qu'il s'agisse de pornographie juvénile ou autre, nous ne pouvons pas établir de liens de causalité directs entre ces problèmes. Ce n'est pas ce que j'essaie de faire. Ils semblent toutefois être reliés et ils causent, évidemment, de graves préoccupations.
    Mon travail auprès des jeunes sur leur usage d'Internet est également important, car il m'a permis de mieux comprendre les priorités des jeunes face aux problèmes qu'ils observent et les types de soutiens et de solutions qu'ils aimeraient y apporter.
    Les jeunes avec qui nous nous sommes entretenus reconnaissent la place des recours juridiques contre le contenu extrémiste qui fait l'objet de cette audience. Ils s'intéressent toutefois à un autre aspect du spectre. Ils veulent recourir à d'autres méthodes qui permettraient de retirer ce contenu plus rapidement.
    Je comprends. Merci beaucoup.
    Dans votre témoignage, vous avez parlé d'une stratégie nationale en sept points. Je les ai griffonnés le plus rapidement possible. Votre troisième point était de rejeter les approches qui mettent l'accent sur le fait que les victimes doivent se défendre, et le cinquième était de le faire sans étendre les services politiques et les pouvoirs de la police.
    Un de mes collègues a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire visant à mettre fin à l'exploitation sexuelle dans Internet. Il s'appuie sur les recommandations formulées dans le cadre d'une étude du comité de l'éthique sur MindGeek et sur d'autres plateformes qui affichaient de la pornographie sans consentement. Ce projet de loi vise à interdire aux plateformes d'utiliser du matériel pornographique sans le consentement des sujets, et ceux‑ci doivent avoir au moins 18 ans.
    Voici un extrait d'un communiqué de presse:
Il est temps de faire porter le fardeau de la responsabilité et du contrôle préalable aux sociétés plutôt qu’aux survivants et aux forces de l’ordre.
    Qu'en dites-vous? D'après votre témoignage, je suppose que vous êtes d'accord.
    C'est un problème compliqué, comme le sont tous ces types de problèmes. Absolument, oui, je pense que nous avons eu tendance, par le passé, à nous concentrer sur des choses, surtout avec les jeunes, comme la planification de la sécurité — comment ils peuvent se tenir en sécurité, ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire — et moins sur l'écosystème qui crée des problèmes pour les jeunes en particulier.
    Je pense que nous devons penser au‑delà... L'analogie que j'utilise souvent, c'est que nous devons non seulement enseigner à nos enfants comment traverser la route en toute sécurité, mais aussi établir des règles sur ce que les gens qui empruntent la route sont autorisés à faire ou non. Le consentement est un élément très important de l'expression sexuelle, qu'elle soit affichée en ligne ou non.
    Pour revenir à ce que disait M. Davies, je tiens à souligner que nous devons faire attention à la mesure dans laquelle nous comptons sur des entités privées pour prendre ce genre de décisions à notre place.

  (1205)  

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Damoff pour ses six minutes de questions.
    Merci beaucoup, et merci à tous nos témoins. Les témoignages d'aujourd'hui ont été très instructifs.
    Monsieur McAleer, vous n'avez pas mâché vos mots en parlant de la déprogrammation des gens qui sont tombés dans l'extrémisme. Quelles recommandations feriez-vous au gouvernement pour nous aider à empêcher les gens de se joindre à ces groupes d'extrême droite et aussi à les quitter? Quelles recommandations nous feriez-vous à cet égard?
    Il y a deux aspects à cela. Il y a ce que nous pouvons faire avant que les gens se radicalisent et ce que nous pouvons faire après leur radicalisation. Il existe déjà des services d'intervention assez robustes au pays. De toute évidence, on pourrait les améliorer, et la sécurité publique y travaille.
    Toutefois, nous avons déjà des ressources dans la collectivité, comme des travailleurs sociaux, des psychologues et même de conseillers scolaires. Ces personnes ont la capacité d'intervenir dans ces situations, mais on ne leur a pas enseigné la nuance et la sensibilité culturelles requises pour traiter avec cette population très particulière. Plutôt que de créer des programmes complets avec des personnes dévouées comme des psychologues, je pense qu'on accomplirait beaucoup en habilitant les ressources locales qui existent déjà et en leur donnant la formation dont elles ont besoin pour agir.
    Du côté de la prévention, je pense qu'il y a une énorme lacune en matière de prévention primaire. Je ne parle pas de personnes. Je parle d'aider les collectivités et de renforcer leur résilience pour les prémunir contre... Il ne s'agit pas de services ou de programmes idéologiques, mais de programmes qui créent une résilience chez les jeunes et chez les personnes âgées afin qu'ils soient moins susceptibles de se laisser attirer par ces idéologies séductrices.
    Pensez-vous qu'il y a un manque de sensibilisation chez ces gens, par exemple à l'égard des mouvements suprémacistes blancs, et qu'ils ne sont pas nécessairement conscients que cela pourrait causer un problème chez les jeunes?
    Je perçois du changement, mais c'était certainement le cas jusqu'à ces dernières années. Nous étions déterminés à réagir aux menaces terroristes inspirées par Daech et par Al‑Qaïda, et nous avons ignoré la menace terroriste suprémaciste blanche. Cependant, je crois que cela change. C'est certainement important.
    Merci.
    Madame Bailey, vous avez parlé dans votre témoignage d'une approche axée sur les survivants. Je n'avais jamais entendu cette expression.
    Quel genre de recommandation notre comité devrait‑il présenter pour que nos interventions soient axées sur les survivants?

  (1210)  

     C'est au coeur de mes observations et cela me ramène à la question de tout à l'heure au sujet du projet de loi qui a été proposé.
    Les stratégies fondées sur les besoins des victimes tiennent compte de ce que souhaitent les victimes de certains types de violence et de ce dont elles ont besoin. Quels sont les types de mesures, de remèdes et de solutions qu'elles souhaitent?
     Je peux vous recommander un document de l'avocate générale du FAEJ, Pam Hrick. Il porte sur les mesures axées sur les besoins des victimes de la violence technologique fondée sur le sexe. Je pourrai vous le faire parvenir plus tard.
    Ce qui compte est que cela nous aide à éviter le problème dont j'ai également parlé, à savoir le risque d'élaborer des solutions non seulement inutiles, mais susceptibles de faire plus de mal que de bien, notamment aux membres les plus vulnérables de notre collectivité. Je ne sais pas si ma réponse vous éclaire, mais c'est ce que j'entends par mesures axées sur les besoins des victimes.
    Si vous pouviez fournir ce document au greffier, ce serait formidable.
    Ce sera fait.
    Merci.
    Monsieur Davies, à votre avis, est‑ce que le gouvernement fait suffisamment de suivi et d'analyse de l'extrémisme au Canada? Sinon, que devrait‑on faire de plus?
    Je crains que non. Au sein des organismes qui en sont chargés, il n'y a tout simplement pas suffisamment de ressources pour envisager la situation globalement. Beaucoup de nos organismes s'occupent des menaces quotidiennes ou imminentes. Mais nous n'avons tout simplement pas assez de ressources pour l'analyse des données, la projection des conséquences à long terme ou même l'anticipation des menaces potentielles. Il n'y a pas de base de données centrale qui nous permette de faire le suivi des activités ou des personnes auxquelles nous nous intéressons.
    Il y a des essais en cours, et...
    Il vous reste 10 secondes.
    ... Statistique Canada fait actuellement de l'excellent travail.
    On pourrait faire plus. Nous sommes en bonne voie, mais il reste encore beaucoup à faire.
    J'invite maintenant Mme Larouche à utiliser sa période de six minutes.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les trois témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je prends bien note de ce qu'ils nous disent.
    Monsieur McAleer, dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit avoir notamment voyagé en Autriche et en Nouvelle‑Zélande dans le cadre de votre démarche en matière de déradicalisation.
    Lors de ces voyages, avez-vous remarqué certaines pratiques ou mesures dont le Canada pourrait s'inspirer pour prévenir la radicalisation de certains groupes et le recrutement?

[Traduction]

    Tout à fait. Nous essayons d'obtenir des programmes de sortie — ce sont des programmes de réadaptation et d'incitation à quitter ces groupes... Ces groupes sont relativement nouveaux en Amérique du Nord. En Europe, ils existent depuis 20 ans.
    Je vous invite à prendre connaissance du réseau RAN de sensibilisation à la radicalisation. C'est un organisme de l'UE qui étudie cette question et s'intéresse aux jeunes, aux écoles, aux prisons et à la réadaptation en milieu ouvert. C'est une vaste source d'information et de pratiques exemplaires dont on pourrait s'inspirer.

  (1215)  

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur McAleer.
    Madame Bailey, j'aimerais revenir sur le mouvement « incel » dont il a été question plus tôt et sur les conséquences disproportionnées que les messages haineux en ligne peuvent avoir sur les femmes et sur certaines communautés marginalisées. Ce sont particulièrement les femmes qui en sont les cibles.
    Présentement, en faisons-nous assez pour contrer la haine en ligne? Je sais que le Comité permanent de la condition féminine s'est penché sur cette question.
    Certains groupes qui défendent l'approche féministe réclament une loi sur la haine en ligne. Selon eux, une telle loi pourrait être un outil permettant de lutter contre ces mouvements misogynes.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Les mesures que j'ai recommandées au Comité sont des mesures que j'ai également recommandées dans le cadre des discussions sur les méfaits en ligne et sur le projet de loi sur les méfaits en ligne. En bref, j'estime que nous n'en faisons pas assez pour lutter contre la misogynie systémique et d'autres formes d'oppression transversales dans notre pays. Cela me paraît clair. Les femmes, surtout celles de certaines communautés, sont exposées non seulement à la haine en ligne, mais aussi à la haine et à la violence hors ligne.
    Je trouve l'idée excellente... La note de M. Davies est assurément conforme aux résultats de notre enquête auprès des jeunes. Ceux d'entre nous qui pensaient que les espaces hors ligne et en ligne sont des espaces distincts doivent savoir que ce n'est absolument pas le monde dans lequel les jeunes, notamment, vivent. Je crois qu'en cette ère de la COVID‑19, et même aujourd'hui, après la COVID‑19, c'est la même chose pour les adultes.
    Je pense que nous devons beaucoup réfléchir à la violence sous-jacente aux systèmes d'oppression en général et ne pas nous pencher sur ce qui se passe en ligne comme si ce n’était pas lié aux autres problèmes que nous avons déjà dans le monde. Il reste encore beaucoup à faire, en effet.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame Bailey.
    Monsieur Davies, lors de votre allocution d'ouverture, vous avez parlé de l'occupation du centre-ville, à Ottawa. Dans un article sur la radicalisation, publié l'an dernier, vous avez également affirmé que la pandémie avait créé une tempête parfaite pour la radicalisation. Au bout du compte, ce qui s'est produit à Ottawa est probablement en lien direct avec cela.
    Pouvez-vous préciser ce que vous vouliez dire par « tempête parfaite pour la radicalisation » et nous expliquer le lien qui est fait avec la pandémie?
    Selon vous, quelles mesures le gouvernement pourrait-il prendre pour contrer ce fléau?

[Traduction]

    Merci beaucoup d'avoir lu mon article. J'en suis très heureux.
    Par « tempête parfaite », j'entendais le fait que l'extrême droite a toujours eu des mécanismes importants ou a toujours été encline à l'arsenalisation de toutes les opportunités, le principe étant de ne jamais perdre une bonne occasion. Je suis désolé de parler de la pandémie en ces termes, mais c'est exactement ce qui s'est passé. Avec une quantité de gens rivés à leur ordinateur et un public plus captif, la pandémie elle-même a fait en sorte que la droite...

  (1220)  

    Il vous reste 10 secondes.
    ... a pu s'emparer de toutes sortes d'enjeux, notamment de la peur du gouvernement, etc.
    Merci beaucoup.
    Monsieur MacGregor, vous avez la parole pour six minutes. Allez‑y quand vous serez prêt.
     Parfait, merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui et de nous guider dans cette importante étude.
    Monsieur Davies, j'aimerais commencer par vous.
    Vous avez exprimé quelques réserves concernant les mesures prises par le Canada face à ce problème. Vous avez dit que nous ne pouvons pas compter sur les plateformes de médias sociaux pour assumer le gros du travail. C'est devenu très évident. Nous avons reçu des représentants de Meta, la société mère de Facebook, et des représentants de Twitter. Ceux de Facebook ont tenté de faire valoir que beaucoup d'employés parcourent quotidiennement les publications à la recherche de ce genre de choses et que, à leur avis, ils ont des « conditions de service » très solides. Il n'en reste pas moins que, quand le convoi qui s'est rendu à Ottawa a fini par occuper illégalement la ville, l'un des principaux organisateurs, Pat King, a pu diffuser ses messages en continu sur Facebook et répandre tous ces contenus vitrioliques et très inquiétants. Pourtant, Facebook ne s'en est pas mêlé et n'a pas fermé son compte.
    Je sais que le sociomuselage comporte des risques et qu'elle a des conséquences, mais c'est ce qui nous interroge comme décideurs. Quel genre de système devrait‑on mettre en place? D'autres témoins nous ont recommandé de créer une sorte de bureau de l'ombudsman qui aurait des pouvoirs d'enquête, qui pourrait avoir accès aux algorithmes des médias sociaux et qui s'assurerait que ces entreprises respectent effectivement leurs conditions de service.
    Si vous étiez membre du Comité, quelle serait la mesure la plus solide que notre rapport pourrait recommander pour garantir que les plateformes de médias sociaux se gouvernent en conséquence et qu'elles se plient à des exigences de transparence et de reddition de comptes à l'égard de la population canadienne?
    Autrement dit, ce qui me préoccupe, c'est que nous allons jusqu'à nous interroger sur ce que nous attendons d'elles, au‑delà du simple respect — comme vous l'avez dit — de leurs conditions de service. Toutes ces tentatives alimentent en fait le narratif des tenants de l'extrême droite. Nous leur fournissons en fait le carburant dont ils ont besoin. Chaque tentative de sociomuselage ou d'identification de contenus à éliminer leur permet de dire: voyez, regardez, ils ont peur de nous. Ils ne veulent pas de ces idées.
    Cela soulève également des questions sur la nature du discours dans une société démocratique.
    Mis à part ce qu'on peut définir juridiquement — on n'a pas le droit d'inciter à la violence ni prôner la violence directe —, pour répondre à votre réponse précise, je pense qu'il faut faire preuve d'une plus grande tolérance. Je sais que cette idée ne suscitera pas beaucoup d'adhésion. Je n'aime pas ce que je lis. J'ai vécu dans ce monde de vitriol et de bêtises absolument toxiques, mais à moins que soient franchies des lignes rouges très claires en matière de violence, notre intention de légiférer me préoccupe beaucoup. Je crains davantage l'idée d'exiger que ces plateformes de médias sociaux s'en chargent.
    Je tiens également à avertir le Comité que cela pourra être interprété de diverses façons par les médias sociaux. Par exemple, l'extrême droite a demandé que des mouvements qu'elle tient pour des tenants de l'extrémisme — comme Black Lives Matter — devraient être sanctionnés par des mesures de sociomuselage. Je ne pense pas que quiconque ici soit d'accord avec ce point de vue, mais cela peut très bien arriver si nous nous mettons à nous demander qui devrait ou non décider des choses auxquelles on peut ou non avoir accès.
    Merci.
    Monsieur McAleer, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet? Vous n'avez pas vraiment eu le temps de terminer votre exposé préliminaire. Y a‑t‑il une chose sur laquelle vous vouliez conclure ou des points précis que vous vouliez soulever?
    J'avais presque fini de toute façon, mais je tiens à répéter que ces mesures doivent être mûrement réfléchies et nuancées. Elles concernent toute la société. Il faut utiliser un scalpel, pas une massue. C'est ce que j'ajouterais.
    Concernant les entreprises de médias sociaux, j'ai passé du temps dans la Silicon Valley, je suis allé voir Facebook et j'ai rencontré des représentants de Twitter, etc. pendant un certain nombre d'années, et je dois dire que c'est un problème très difficile. Si vous fermez un compte sur une plateforme, il ne disparaît pas. Il ne s'évapore pas. Il se retrouve sur une autre plateforme. On ne fait que le repousser. Les entreprises de médias sociaux ne sont pas toutes établies dans la Silicon Valley ou au Canada. Quand on va plus loin, on se rend compte que certaines de ces plateformes sont l'entreprise secondaire de deux gars en Pologne. Et ceux‑ci n'ont aucune capacité de modération.
    Ce n'est pas parce qu'on peut fermer un compte sur une plateforme qu'il disparaît. Il faut en être conscient. On joue au jeu de la taupe.

  (1225)  

     Il vous reste 10 secondes. Vous les cédez. Merci de votre générosité.
    Chers collègues, nous passons maintenant à la deuxième série de questions.
    J'invite M. Shipley à commencer, pour cinq minutes, dès qu'il sera prêt.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par M. McAleer. Merci de votre présence ici aujourd'hui, monsieur.
    Je trouve vos antécédents et votre histoire fascinants. J'imagine que, comme ancien membre d'un groupe de suprémacistes blancs, vous savez très bien comment ils obtiennent le capital nécessaire à la viabilité d'une organisation.
    Pourriez-vous nous en parler?
    Les choses ont beaucoup changé depuis. L'anonymat que permet Internet a transformé les possibilités de financement. Lorsque j'en étais membre, on n'avait pas beaucoup d'argent. Participer à ce genre d'organisation était une bonne façon de devenir fauché.
    Cela dit, je pense qu'avec la cryptomonnaie et les différentes plateformes, en plus de l'anonymat ou de la perception d'anonymat, les médias sociaux créent des communautés de n'importe quoi — bon ou mauvais. Quand une communauté est créée, elle peut recueillir des fonds et des dons.
    Il était beaucoup plus difficile de trouver et de bâtir ces communautés il y a 20 ou 30 ans.
    Merci.
    Voilà qui m'amène à ma deuxième question sur les communautés et le sentiment d'appartenance. Vous avez abordé brièvement ce sujet aujourd'hui. Cela m'intrigue, et j'aimerais qu'on en parle un peu plus.
    Vous avez dit, je crois, que beaucoup de ceux qui se joignent à ces groupes sont en quête d'appartenance ou d'une communauté. Pensez-vous qu'une politique gouvernementale, à quelque niveau que ce soit, pourrait pousser les gens vers l'extrémisme s'ils ont l'impression d'être chassés de la société ordinaire et de ne pas appartenir à un certain groupe?
    Effectivement. La mondialisation a aliéné les gens partout. Ces politiques sont décidées à un niveau très élevé.
    Il est tout à fait possible que différents programmes aliènent davantage les gens. Il y a toujours des conséquences imprévues. Quelles sont-elles? Les gouvernements peuvent très bien accroître ce sentiment d'aliénation, si c'est la question que vous posez.
    Vous avez fait allusion au fait que vous avez personnellement aidé plus de 700 personnes à renoncer à la haine. Merci. C'est un travail formidable.
    Ce n'est pas moi personnellement, c'est Life after Hate. C'est toute l'équipe.
    Sept cents, c'est quand même énorme. C'est un excellent travail.
    Selon vous, qu'est‑ce que le gouvernement pourrait faire de plus pour convaincre les gens? Vous avez manifestement eu beaucoup de succès avec votre groupe. Qu'est‑ce que le gouvernement pourrait faire de plus pour soutenir cette cause?
    Pour revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure, il y a des gens qui ont les compétences nécessaires pour dialoguer avec des gens radicalisés, comme les travailleurs sociaux, les psychologues, etc. Ils œuvrent déjà dans la société et sont peut-être mieux placés pour faire ce travail.
    Prenons l'exemple d'un conseiller scolaire ayant une formation en counselling. Il serait peut-être mieux placé pour repérer un enfant en mauvaise posture bien avant que les forces de l'ordre ne s'aperçoivent que cet enfant est mal parti. C'est aussi une façon très rentable d'utiliser les ressources existantes.
    Il y a des gens dans la collectivité qui savent tout cela et sont au courant de la radicalisation de certaines personnes bien avant que le gouvernement et les forces de l'ordre l'apprennent.
    Merci.
    J'ai une brève question pour M. Davies.
    Monsieur Davies, une partie de votre recherche porte sur les liens entre le Web obscur et les organisations extrémistes. Pouvez-vous expliquer en quoi ce Web est différent du Web ordinaire? Pourquoi est‑il plus efficace pour les organisations extrémistes?

  (1230)  

    Ce qu'on entend par Web obscur est en fait la partie du Web qui n'est pas facilement accessible au public. Le Web obscur constitue en réalité environ 90 % d'Internet. On croit généralement qu'il s'agit d'un vaste réseau, mais la grande majorité d'Internet — le Web obscur — est composée de plateformes allant de systèmes personnalisés à des chaînes codées ou chiffrées.
    Nos chercheurs ont constaté que, à ce stade, les terroristes n'utilisent pas beaucoup le Web obscur au profit de leurs organisations. Ce serait en partie attribuable au fait que le logiciel de chiffrement disponible, même la version commerciale actuelle, est de plus en plus difficile à percer et que leurs communications s'adressent en grande partie à la population générale. Ils essaient de recruter. Ils essaient de faire valoir leur cause.
    Quant aux communications privées, c'est une autre histoire. Du côté de la mise en place d'une organisation, nos chercheurs ont constaté que le Web obscur n'est pas un élément important.
     Merci beaucoup.
    Monsieur Chiang, la parole est à vous pour cinq minutes, dès que vous serez prêt.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de venir nous voir aujourd'hui et de nous avoir fait part de leurs conseils éclairés.
    Monsieur McAleer, d'après votre exposé préliminaire, vous avez une expérience directe de l'extrémisme. Pourquoi est‑il si facile d'ignorer le racisme extrémiste blanc? J'aimerais aussi savoir s'il est facile pour les suprémacistes blancs de s'en tirer impunément?
    En bref, personne n'aime examiner ses propres défauts et ses propres affaires. Les gens ont du mal à admettre que cela se passe dans leur propre groupe. Cela se passe toujours ailleurs. Je crois qu'il y a cet aveuglement à l'égard de ce qui est là, en pleine lumière, sous les yeux de tout le monde. Ces groupes exploitent cet aveuglement parce qu'ils peuvent agir et faire des choses qui n'attirent pas souvent l'attention qu'elles mériteraient.
    Tout à l'heure, vous avez dit, en réponse à une autre question, que les conseillers scolaires aident les jeunes esprits — les jeunes élèves — à ne pas tomber entre les mains de groupes extrémistes.
    Que pensez-vous des policiers qui travaillent dans les écoles secondaires? Sont-ils un bon moyen d'empêcher les jeunes esprits de se joindre à des groupes extrémistes?
    Cela ne devrait pas être leur objectif principal, mais ils devraient avoir les moyens de s'en occuper le cas échéant. C'est une question de compétence culturelle acquise par une formation. Je pense que les équipes d'évaluation de la menace dans les écoles, contrairement aux seuls conseillers, sont les mieux placées.
    Si j'ai bien compris, l'idéologie haineuse est souvent étroitement liée à l'identité. Comment votre organisme réussit‑il à transformer le point de vue de ces gens et à les éloigner des idéologies haineuses?
    Cela va sembler contre-intuitif, et je crois que M. Davies en a parlé tout à l'heure, mais c'est de l'ordre de l'émotivité. Cela ne passera pas nécessairement par une argumentation fondée sur des faits et des chiffres susceptibles de l'influencer. Il faut passer par le cœur. La compassion est au centre de la philosophie de Life after Hate.
    Je crois que la mesure dans laquelle nous déshumanisons d'autres êtres humains traduit notre propre déconnexion interne et notre propre déshumanisation et qu'il s'agit, dans notre travail avec ces gens, de les réhumaniser. Comment les réhumaniser? Par la compassion. Quand nous faisons preuve de compassion envers quelqu'un, nous lui montrons un miroir qui lui permet de voir sa propre humanité, alors qu'il ne peut pas la voir par lui-même.

  (1235)  

    Merci beaucoup, monsieur McAleer.
    Monsieur Davies, quels sont les malentendus courants au sujet de la haine et de la violence motivée par l'extrémisme? Quelles sont certaines des causes profondes de la haine et de l'extrémisme selon vos recherches?
    Il en a été question tout à l'heure, et je crois que M. McAleer en a parlé. Bien souvent, ce n'est pas la haine qui est la racine de la haine. Cela commence par un sentiment d'isolement ou un manque d'appartenance. Ce sont des problèmes d'identité et d'appartenance. Une série d'événements peut vous amener à entrer en contact avec des espaces ou des milieux sociaux où la haine est dominante.
    C'est la dynamique que nous ne comprenons pas toujours. Beaucoup de ces gens auraient pu se retrouver dans d'autres milieux sociaux. Et c'est là qu'ils se retrouvent pourtant. La prise en compte de cette dynamique permet de faire un travail plus positif de construction de l'identité, sans nécessairement présumer qu'il s'agit d'idéologie à proprement parler ou que la haine était le fondement initial.
    Il vous reste 10 secondes, si vous avez une dernière réflexion.
     Comment le gouvernement devrait‑il aborder ces priorités de l'EVCI...
    Cette question devra attendre. Je suis désolé, monsieur Chiang.
    Madame Larouche, vous avez la parole pour deux minutes et demie. Allez‑y.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Davies, que pensez-vous de la nouvelle loi qui a été mise en place en Europe concernant le contenu illégal en ligne?
    Le Canada pourrait-il s'en inspirer?

[Traduction]

    Les circonstances sont comparables. Je crains que l'Europe aille un peu loin dans ce qu'elle propose de faire, mais le contexte et l'histoire sont aussi très différents.
    Pour vous répondre brièvement, je dirais qu'on peut sélectionner et choisir des choses qui nous sont utiles, mais je vous mets en garde contre l'idée de faire de ces moyens une généralité. Ils sont trop inclusifs.

[Français]

    Madame Bailey, trouvez-vous également que cette nouvelle loi en Europe va trop loin?
    Le Canada devrait-il s'en inspirer?

[Traduction]

    À mon avis, il y a un peu plus de marge de manœuvre que ne l'estime M. Davies.
    La raison en est qu'on doit tenir compte d'autres éléments du contexte. Qui paie pour le contenu publié? Ce sont les collectivités visées. Ce n'est pas un jeu à somme nulle. Il faut réfléchir à ce que l'inertie entraîne du côté de l'aptitude des membres des communautés marginalisées à fonctionner réellement dans la société et à y contribuer de façon significative.
    Je crois aussi qu'il faut tenir compte du fait que ce sont les médias sociaux, les plateformes de médias sociaux, même s'ils ne sont certainement pas ce qu'il y a de mieux pour traiter des valeurs publiques, qui décident des contenus publiés tous les jours. Leurs conditions de service leur réservent le droit absolu de décider des contenus qui seront publiés. Il y a très peu de transparence et de reddition de comptes à cet égard.
    Ce n'est pas comme s'ils ne le faisaient pas déjà. Ils le font. C'est simplement que nous, la population, n'avons pas accès aux données qui nous permettraient de comprendre sur quoi ces décisions sont fondées.
    Il faut aussi reconnaître...
    Merci beaucoup.
    Si vous pouvez terminer en cinq secondes, allez‑y.
    Il y a à la base un modèle d'affaires qui produit des clics et des profils au profit du sensationnalisme. On ne peut pas l'ignorer.
    Merci beaucoup.
    Monsieur MacGregor, vous avez deux minutes et demie pour mettre fin à la séance.
    Allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Ma dernière question s'adresse à vous, monsieur McAleer.
    Dans son exposé préliminaire, M. Davies a dit qu'il n'est pas possible d'argumenter contre l'émotion avec des faits et des statistiques. Vous y avez fait écho. Je pense que tous les députés en font l'expérience quand ils sont confrontés à des théories complotistes. On essaie d'argumenter, de prouver que c'est faux pour telle ou telle raison. Mais cela ne fonctionne évidemment pas, cela ne crée pas de lien.
    Comme décideurs et comme citoyens, nous voulons à juste titre dénoncer les idéologies haineuses. Où est l'équilibre entre la dénonciation et la compassion à l'égard de la personne qui récite ces certitudes et comment ne pas se l'aliéner?
    Nous voulons évidemment contrer les opinions suprémacistes blanches, les idées néonazies et la haine dirigées contre des minorités, mais comment trouver cet équilibre pour éviter de rejeter ces gens et arriver à les éloigner du précipice?

  (1240)  

    C'est une excellente question.
    Le problème est que l'idéologie et l'identité sont liées. Quand on attaque l'idéologie d'une personne, on attaque aussi son identité, et tous les mécanismes de défense s'activent aussitôt. Ils réagissent alors agressivement ou se ferment. Comment surmonter ces difficultés?
    Dans notre organisme Life after Hate, nous avons un principe: « ne jamais concéder, ne jamais condamner ». Les gens me demandent ce qu'ils peuvent répondre à leur oncle ou à la tante Maggie, qui débitent toutes ces absurdités. Je leur demande s'ils veulent avoir raison ou s'ils veulent changer les choses. S'ils veulent avoir raison, ils n'ont qu'à énumérer à la tante Maggie toutes les raisons pour lesquelles elle a tort. S'ils veulent changer les choses, ils doivent écouter. Ce qui compte n'est pas ce qu'ils disent, mais ce qu'ils font.
    C'est cette tension entre ne jamais rien concéder de ses valeurs et ne jamais condamner la personne. L'idéologie et l'activité sont détestables, mais on a quand même affaire à un être humain. C'est la tension entre ne jamais concéder et ne jamais condamner.
    Les faits, les chiffres et les contre-propos sont utiles lorsque l'intéressé vient de découvrir ce genre d'information. C'est là qu'on peut déployer efficacement ce genre d'argumentation, pas en aval.
     Merci beaucoup.
    Chers collègues, nous arrivons à la fin de la deuxième série de questions.
     J'adresse nos excuses aux témoins pour le retard. C'est le monde de la cloche, et nous n'avons d'autre choix que de l'écouter et de respecter les contraintes de temps qu'elle impose.
    Au nom de tous les membres du Comité et du Parlement lui-même, je tiens à vous remercier d'être venus partager votre expertise et votre sagesse sur un sujet très actuel, controversé et important pour le Canada. Merci beaucoup à tous.
    Chers collègues, ce sera très rapide. Le greffier me dit que le prochain groupe de témoins est prêt: nous serons donc de retour dans environ deux minutes.

  (1240)  


  (1245)  

    Chers collègues, cela a été rapide, et nous voilà prêts pour la deuxième heure de témoignages.
    J'ai le plaisir d'accueillir Samuel Tanner, professeur titulaire à l'École de criminologie de l'Université de Montréal...
    Je suis désolé, monsieur le président, mais j'aurais un bref rappel au Règlement avant de commencer.
    Merci aux témoins. Excusez-moi.
    Nous sommes déjà pressés par le temps, et je serai donc bref. On nous interrompt beaucoup dernièrement, et nous ne pouvons pas contrôler les problèmes liés à la cloche de 11 heures. Cela entrave évidemment le travail du Comité.
    Je voulais simplement savoir si nous allons siéger jusqu'à 13 h 30 la plupart des jours à venir pour que nous puissions adapter nos horaires en conséquence. Nous avons tous des choses à faire et nous devons parfois rejoindre les membres de notre parti vers 13 h 30. Je voudrais simplement savoir ce que nous allons faire aujourd'hui pour que nous puissions tous planifier nos horaires en conséquence.
    La première chose à faire est de demander au greffier s'il a la permission de la Chambre des communes de prolonger notre séance. C'est le cas, nous pourrons donc siéger jusqu'à 13 h 30. Nous avons pu faire une série complète, puis une demi-série de questions, et nous continuerons donc probablement ainsi.
    Je m'en remets à vous. Si nous avons encore moins de temps, nous devrons prendre d'autres décisions, mais, jusqu'ici, cela fonctionne plutôt bien. Nous siégerons jusqu'à 13 h 30, si nous pouvons obtenir la demi-heure nécessaire — et le greffier a réussi à le faire —, puis nous aurons une conversation complète avec les témoins si nous avons la demi-heure supplémentaire.
    Y a‑t‑il d'autres commentaires au sujet du rappel au Règlement ou pouvons-nous continuer?
    Je vous présente Michael Mostyn, directeur général du Bureau national de B'nai Brith. Marvin Rotrand, directeur national de la Ligue des droits de la personne de B'nai Brith, est également des nôtres. Nous accueillons aussi Imran Ahmed, directeur général du Center for Countering Digital Hate.
    Bienvenue à tous les témoins. Chacun aura un maximum de cinq minutes pour faire son exposé préliminaire, et nous allons commencer par M. Tanner.
    Allez‑y, monsieur, dès que vous serez prêt.

  (1250)  

[Français]

    Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
    En premier lieu, je souhaite formuler quelques remarques préliminaires sur l'extrémisme violent à caractère idéologique. Ce type d'extrémisme et le processus de radicalisation qui le précède posent une triple énigme. Il faut chercher à comprendre ce que les personnes pensent, chercher à comprendre la façon dont elles en viennent à penser ce qu'elles pensent et chercher à comprendre la progression, ou pas, de la pensée à l'action.
    Pour ce faire, présumons que les structures physiques et virtuelles dans lesquelles évoluent les auteurs de l'extrémisme violent à caractère idéologique affectent la manière dont ils se représentent leur environnement et que cela les mène à adopter des cadres généralement en rupture avec les référents sociopolitiques ordinaires et partagés par la grande majorité du public.
    Dans ce contexte, l'accès à l'information, c'est-à-dire ce qui alimente notre compréhension et notre lecture de l'environnement, et la métamorphose de l'écosystème informationnel causée par l'arrivée des médias sociaux, tout comme les outils grâce auxquels nous accédons à cette information — soit en grande partie les médias sociaux — constituent un nœud central à considérer dans le processus menant à l'extrémisme violent à caractère idéologique. Mon intervention porte sur la sphère virtuelle et le rôle des médias sociaux dans ce processus.
    Un deuxième élément qu'il m'apparaît important de mentionner est le rapport entre, d'une part, le contexte de crise et d'incertitude et, d'autre part, l'information, les médias sociaux et l'extrémisme violent à caractère idéologique.
    Nous observons une massification de l'information qui, pour être bien comprise, nous oblige à faire confiance aux sources auxquelles nous nous abreuvons. Or, en contexte d'incertitude, de crise ou de bouleversement social, comme celui de la pandémie, des crises liées à l'immigration ou de l'opposition aux mesures sanitaires visant à lutter contre la pandémie de COVID‑19, les mécanismes de confiance s'avèrent passablement ébranlés. Les plateformes numériques deviennent alors des outils de perturbation massive. En témoignent notamment la multiplication des messages à caractère douteux, voire faux, et la mobilisation du public autour de ces informations problématiques.
    Les médias sociaux sont des outils de communication et de marketing utilisés par des gens que nous pouvons qualifier d'influenceurs politiques. Ces derniers agissent de manière à donner forme à l'opinion publique, non pas en recourant à de la publicité ou à du placement de produits, comme cela se fait dans les formes les plus classiques de l'influence, mais en diffusant plutôt du doute ou une forme de prêt-à-penser. Ainsi, ils proposent des idées ou des solutions faciles à des crises et à des incertitudes sociales, sanitaires ou politiques qui, elles, sont complexes. Ces idées ou ces solutions trouvent une résonance auprès de la population désireuse, avant tout, d'être rassurée et d'éprouver un sentiment d'ordre et de sécurité.
    Il s'agit pour ces influenceurs et activistes de développer une crédibilité alternative quant aux sources traditionnelles de légitimité, comme les autorités, les élites intellectuelles ou encore les journalistes.
    À cet égard, La Meute et sa page Facebook sont particulièrement représentatives de ce phénomène. Rappelons qu'à l'origine, ce groupe a pris forme au Québec, sur une page Facebook créée à l'automne 2015. Nous sommes alors en pleine crise syrienne, qui provoque un afflux de migrants vers les pays occidentaux, dont le Canada.
    Rappelons également que 2015 a été une année marquée par une série d'attentats islamistes, dont l'attentat visant le journal Charlie Hebdo en janvier, puis ceux de Paris, en France, en novembre 2015. Les cas de jeunes en partance pour la Syrie, qui ont fait les manchettes au Québec en 2014, et la fusillade qui a eu lieu au Parlement du Canada, le 14 octobre 2014, étaient déjà venus accentuer un sentiment d'insécurité au sein de la population.
    La page Facebook de La Meute devient alors très rapidement un outil et un forum de discussion sur ces questions ainsi qu'un espace propice à la diffusion des propos de citoyens préoccupés par la situation. Ces derniers accusent le gouvernement de mettre en danger la population par son manque d'action à l'égard du danger terroriste et son inaction perçue par rapport à une islamisation du Québec et du Canada.
    Nous observons donc la naissance d'un discours de type prêt-à-penser populiste, identitaire, anti-immigration, anti-multiculturalisme et anti-musulman, qui trouve très rapidement un large auditoire. À cette époque, La Meute compte 60 000 abonnés. Émerge alors une communauté d'individus en rupture avec les référents sociopolitiques ordinaires et partagés par la grande majorité du public. Nos travaux montrent que les médias sociaux contribuent à banaliser et à promouvoir un racisme ordinaire chez les citoyens. Cela fabrique ainsi des lignes de rupture au sein de la population.
    Je vous remercie.

  (1255)  

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Mostyn et monsieur Rotrand, vous avez cinq minutes pour faire un exposé préliminaire.
    C'est à vous, dès que vous serez prêt.
    Je m'appelle Michael Mostyn. Je suis le directeur général de B'nai Brith. Je vais partager mon temps avec Marvin Rotrand, le directeur national de la ligue.
    B'nai Brith est le plus ancien organisme communautaire juif du Canada voué à l'éradication du racisme, de l'antisémitisme et de la haine sous toutes ses formes. Nous défendons les droits des personnes marginalisées tout en répondant aux besoins humains fondamentaux des membres de notre communauté. Nous luttons contre l'antisémitisme, mais nous sommes évidemment préoccupés par toutes les formes de discrimination. La haine, c'est la haine, peu importe la source.
    Il y a deux petites choses que je veux préciser ici. Tout d'abord, le Corps des Gardiens de la révolution islamique d'Iran est une entité que ma communauté et beaucoup d'autres demandent depuis des années de désigner comme entité terroriste. Cela doit être fait de toute urgence.
    Par ailleurs, concernant l'EVCI et le terrorisme en général, il faut mettre en œuvre un système efficace. Notre système est remis en question en ce moment. Le week-end dernier, le National Post a publié en première page un article sur Khaled Barakat. Khaled Barakat dirige le FPLP. Cette organisation est considérée comme une organisation terroriste du Canada. Les organisations vouées à l'EVCI ne sont pas toutes de droite. Celle‑ci est une organisation marxiste-léniniste, antisémite et haineuse. Elle est active, et l'un de ses dirigeants est présent au Canada. Les Canadiens se demandent pourquoi il est ici. Il est strictement interdit aux membres d'organisations terroristes d'entrer au Canada ou d'obtenir la citoyenneté canadienne. Les citoyens canadiens n'obtiennent pas de réponse.
    Nous devons nous occuper de l'EVCI. Nous devons nous attaquer à toutes ses causes. Nous devons lutter contre la haine en tant que telle, mais les Canadiens exigent également des explications concernant la présence au Canada de membres d'organisations terroristes reconnues. Nous avons besoin d'être sûrs que notre système fonctionne et qu'il est efficace. Nous avons besoin d'une stratégie nationale et de mesures concrètes pour traiter cette question de façon globale.
    Je cède la parole à mon collègue M. Rotrand.
     Je m'appelle Marvin Rotrand. J'ai été conseiller municipal à Montréal et je suis aujourd'hui directeur national de la Ligue des droits de la personne de B'nai Brith Canada.
    Nous nous opposons effectivement à toutes les formes de discrimination, mais la mission principale de notre organisation est la lutte contre l'antisémitisme. Nous existons depuis 1875.
    Nous avons récemment publié notre audit de 2021 sur les incidents antisémites au Canada et nous avons constaté qu'ils ont atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré depuis 40 ans au Canada. C'est surtout la haine en ligne qui a fortement augmenté. Pendant la pandémie, il y a eu moins de harcèlement direct, mais la haine en ligne a explosé. En fait, le nombre d'incidents recensés en 2021 s'élève à 2 799. La plupart sont des incidents en ligne. En à peine cinq ans, les incidents en ligne ont augmenté de près de 100 %. Il est clair que la violence et la haine motivées par des raisons idéologiques sont prônées sur Facebook, sur YouTube et sur des balados.
    Je retiens une déclaration du Parti libéral pendant la campagne électorale, que voici:
Un gouvernement libéral réélu s'engage à:
Adopter, au cours des 100 premiers jours, une loi afin de lutter contre les manifestations graves de contenu toxique en ligne, en particulier les discours haineux, le contenu terroriste, le contenu qui incite à la violence, le matériel pédopornographique et la diffusion non consensuelle d'images intimes. Cela assurera que les plateformes des médias sociaux soient tenues responsables du contenu qu'elles hébergent. Notre loi reconnaîtra l'importance de la liberté d'expression de tous les Canadiens et adoptera une approche équilibrée et ciblée afin de contrer les discours extrêmes et toxiques.
    Nous appuyons cette déclaration et les mesures que prendra le Parlement à cet égard.
    Nous invitons instamment le gouvernement à actualiser la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme de 2019‑2022, qui prend fin cette année. Dans la nouvelle stratégie, il faudrait définir plus précisément la haine plutôt que le racisme. Je signale que les juifs forment 1,25 % de la population canadienne. Selon Statistique Canada, en 2020, 61 % de toutes les victimes de haine étaient des membres de minorités religieuses.
    Nous félicitons le gouvernement du Canada de l'engagement pris à Malmö par le premier ministre en octobre 2021, et nous invitons instamment le Parlement à renouveler, dès octobre 2022, les promesses pleines d'espoir faites à Malmö.
    Nous estimons entre autres nécessaire de mieux sensibiliser la population au souvenir de l'Holocauste pour lutter contre le déni et la distorsion du passé. Nous invitons le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada à se réunir pour examiner les pratiques exemplaires. L'éducation est une compétence provinciale, mais nous invitons les députés fédéraux à s'en préoccuper en ayant à l'esprit d'inciter les provinces à améliorer ce qui est enseigné à l'école pour que les élèves qui terminent leurs études secondaires sachent vraiment ce qu'est l'Holocauste.
    Merci. J'ai terminé pour l'instant, monsieur Carr.

  (1300)  

     Merci beaucoup.
    Chers collègues, nous aurons maintenant une série complète de questions, et c'est tout le temps que nous aurons.
     Madame Dancho, c'est à vous. Allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Mes questions s'adressent aux représentants de B'nai Brith. Merci encore d'être parmi nous aujourd'hui. Pour vous donner un peu de contexte, je ne savais rien de l'antisémitisme quand j'étais enfant. J'ai grandi dans une région rurale du Manitoba, et nous n'y étions pas vraiment exposés. Plus tard, je suis allée à l'Université McGill, et ce sont les manifestations, vastes à mes yeux et très agressives du mouvement Boycott, Désinvestissements, Sanctions qui m'y ont sensibilisée pour la première fois. C'est là que j'ai commencé à me renseigner sur ces questions, et les images de ces manifestations sont restées gravées dans ma mémoire.
    L'Université McGill s'est récemment trouvée dans une situation délicate à cause de son association étudiante. Il y a, sur votre site Web, un communiqué de presse sur un vote de l'association étudiante en faveur de l'adoption d'une politique extrême de solidarité de la Palestine, document qui accuse Israël de s'engager dans un apartheid colonial à l'égard des Palestiniens et engage l'AEUM, l'association des étudiants, à boycotter toutes les entités qu'elle juge complices de cette ségrégation.
    D'après votre interprétation, ce document est si général qu'il pourrait obliger l'association étudiante à boycotter pratiquement tous les clubs et associations juifs sur le campus.
    Je suis très inquiète à cet égard et à l'égard des répercussions sur les étudiants juifs, aussi bien à McGill que dans toutes les universités du Canada. Pourriez-vous nous parler de l'impact que cela peut avoir sur les étudiants juifs et de ce que peut être leur vie étudiante dans ces circonstances?
    Je vais laisser Michael Mostyn commencer. Je serai heureux d'ajouter quelques mots, mais c'est son dossier.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Cela inquiète beaucoup la communauté juive et notamment les étudiants juifs du campus, tout comme leurs parents. Sur un campus universitaire canadien, personne ne devrait se préoccuper d'autre chose que d'obtenir une excellente éducation, mais malheureusement, les étudiants juifs ne s'y sentent pas en sécurité pour diverses raisons. La solution pourrait passer par le processus politique des syndicats, et il y a eu des mises à jour à McGill depuis. Nous l'observons sur des campus partout au Canada. Ils communiquent avec nous et avec d'autres organisations juives. Cela tient en grande partie au fait que les juifs sont souvent forcés de se défendre face à ce que d'autres estiment qu'ils sont et pensent en raison de leurs liens avec l'État juif d'Israël du fait qu'ils sont juifs. Le terme « sioniste » est souvent considéré comme une insulte sur les campus, et, si vous êtes juif ou semblez l'être, vous risquez de subir diverses formes de mauvais traitements.
    De fait, à l'Université de Toronto, il est arrivé à quelques reprises que des syndicats d'étudiants estiment qu'il faudrait même s'en prendre à la nourriture casher, qui est un commandement religieux pour les juifs. Elle ne devrait pas être autorisée pour ceux qui adhèrent à une certaine idéologie politique, celle du sionisme. Plus de 90 % des juifs au Canada sont évidemment sionistes. C'est le lien global entre les membres de notre communauté. C'est troublant. Nous considérons le mouvement BDS comme antisémite...
    Excusez-moi de vous interrompre, mais, à ce sujet, en 2017, un membre du conseil législatif et du conseil d'administration de l'AEUM — comme vous l'avez indiqué sur votre site Web — a notoirement invité les abonnés de son compte Twitter... à « cogner un sioniste aujourd'hui ». Je m'en souviens. Est‑ce que vos étudiants subissent de la violence?
    On nous signale des menaces, rarement de la violence réelle sur les campus, mais nous devrions tous nous inquiéter. L'audit de cette année révèle que le nombre d'incidents violents contre les Juifs au Canada est passé de 9 en 2020 à 75 en 2021, soit une augmentation de 733 %. À McGill, le conseil d'administration a annulé la motion de l'association étudiante, mais il y a clairement sur certains campus un mouvement assimilant antisionisme et antisémitisme, refusant aux juifs le droit à l'autodétermination dans leur patrie historique et attaquant des juifs partout en raison des décisions prises par Israël.
    Vous vous souviendrez peut-être que, en 2016, le Parlement a adopté une motion anti-BDS. Il serait peut-être utile que le Parlement la mette à jour. En Allemagne, en Autriche et dans certains pays, la promotion du mouvement BDS est en fait illégale. Au Canada, la motion adoptée par le Parlement n'avait pas force de loi.

  (1305)  

    Merci.
    S'agissant de leur impact, pensez-vous qu'il y a un lien entre ces mouvements sur les campus universitaires et les manifestations que nous voyons en appui au mouvement BDS. Par exemple, à Toronto, comme vous le savez sans doute, il y a eu récemment une grande manifestation en soutien au mouvement BDS. Les participants scandaient des choses comme « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », ce qui fait référence à une solution à État unique. Pensez-vous qu'il y a un lien entre ce qui se produit sur les campus universitaires et les discours extrémistes et haineux que nous entendons dans bon nombre de ces manifestations à Toronto et ailleurs?
     Oui...
     Oui...
    M. Marvin Rotrand: Allez‑y.
    M. Michael Mostyn: Nous le pensons tous les deux, et c'est ce que ressent la communauté juive de façon générale.
    En tant que communauté, nous nous plaignons depuis des années que si cela est permis sur le campus, si vous êtes autorisé à faire de la discrimination et si les universités n'appliquent pas leurs propres règles pour protéger leurs étudiants, leurs professeurs et leur personnel administratif, alors il finira par y avoir des retombées dans la société en général. Nous avons vu cela se produire...
    Merci.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais dans les 15 secondes qui me restent, quel rôle le gouvernement joue-t‑il dans la résolution de ce problème?
    Le Canada doit appuyer la solution à deux États, comme il l'a fait récemment, en répétant que le Canada doit dénoncer les efforts visant à dépeindre Israël comme un régime d'apartheid, et il doit soutenir l'expression démocratique en Palestine pour permettre au peuple palestinien d'avoir enfin des voix qui le représentent...
    Il faut aussi mettre en œuvre l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, l'AIMH...
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Chers collègues, nous devons revenir à l'ordre du jour.
    J'ai oublié par inadvertance d'accorder à M. Ahmed ses cinq minutes pour sa déclaration préliminaire.
    Je vous donne la parole, monsieur, avec mes excuses. Vous avez cinq minutes.
    Le Center for Countering Digital Hate, le CCDH, est un organisme à but non lucratif qui cherche à perturber l'architecture monétisée de la haine et de la désinformation en ligne, qui submergent la lumière apportée par les valeurs de tolérance, par la science et la démocratie qui sous-tendent la prospérité de nos pays.
    Notre organisation existe depuis six ans. Nous avons une vingtaine d'employés à Londres et à Washington. Nous sommes indépendants. Nous ne sommes affiliés à aucun parti politique. Nous n'acceptons pas d'argent des gouvernements ou des entreprises technologiques.
    Tout au long de ces six années nos recherches ont suivi la montée de la haine en ligne, y compris l'antisémitisme. La raison pour laquelle nous avons créé cette organisation, c'est que nous assistions au Royaume-Uni à la montée de l'antisémitisme virulent et de la désinformation à gauche, et nous constations que des acteurs marginaux, allant des antivaccins aux incels misogynes en passant par les racistes comme les suprémacistes blancs et les djihadistes, pouvaient facilement exploiter des plateformes numériques pour promouvoir leur propre contenu.
    Les plateformes et les moteurs de recherche bénéficient de ce système sur le plan commercial, et c'est l'une des principales conclusions du CCDH: l'économie et l'industrie de la haine et la désinformation sont désormais tellement profitables que cela mène intrinsèquement à la viabilité et à la prolifération de cette industrie et cela explique que les plateformes ne sont pas incitées à faire davantage qu'envoyer un communiqué de presse lorsque des problèmes sont soulevés.
    Pour le dire simplement, nous avons un triple problème.
     Le premier est la prolifération des acteurs malveillants. Ce sont des extrémistes qui diffusent de la désinformation dangereuse et du contenu haineux en ligne. Ils sont organisés et habiles à exploiter les structures des plateformes et à miner la sécurité publique et la démocratie.
    Le deuxième problème, c'est que les plateformes tirent profit de la diffusion de contenu extrême au moyen d'un système qui favorise la visibilité au détriment de toute autre valeur, y compris le bien public, la sécurité ou quoi que ce soit d'autre. Les entreprises ne tiennent pas compte de la sécurité publique dans la conception de leurs produits et ne s'autorégulent pas efficacement faute d'allouer les ressources nécessaires à l'application de leurs propres règles.
    Enfin il y a les lois inadaptées ainsi que l'absence de législation et de coordination mondiale à une échelle suffisante pour protéger les citoyens en définissant et en appliquant des normes communes et en échangeant des renseignements et des mesures à leur sujet.
    Nous avons publié une série de rapports, notamment sur l'antisémitisme. Notre plus récente publication portait sur la haine envers les musulmans. Elle a montré que même lorsque vous signalez des manifestations de haine des musulmans à des plateformes en utilisant leurs propres outils, neuf fois sur dix, elles n'enlèvent pas les contenus. Cela comprend des publications qui font la promotion de la théorie du complot du grand remplacement, en violation des promesses qu'elles ont faites à la suite des attaques à la mosquée de Christchurch en 2019, lorsqu'elles ont signé l'appel de Christchurch. Cette théorie du complot a inspiré les attaques de Christchurch ainsi que les attaques de la synagogue Tree of Life en Pennsylvanie, aux États-Unis.
    Il y a donc des acteurs commerciaux de la haine et de la désinformation qui gagnent beaucoup d'argent en répandant la discorde et en colportant des mensonges. J'ai utilisé la haine antimusulmane comme exemple, mais nous avons constaté précédemment les mêmes chiffres pour les contenus haineux antisémites, misogynes et anti-noirs.
    Pourquoi n'agissent-ils pas? La vérité, c'est qu'il y a un réseau d'acteurs commerciaux qui sont intégrés aux contenus haineux, cela va des plateformes aux processus de paiement, en passant par les gens qui fournissent une technologie publicitaire. Ce réseau rémunère les auteurs de ces contenus haineux pour chaque vue qu'ils peuvent attirer. Les revenus se comptent en millions, en dizaines de millions et en centaines de millions de dollars, faisant la fortune de certains entrepreneurs de ce secteur.
     Par exemple, Joe Mercola, le principal antivaccin aux États-Unis, a affirmé dans un témoignage devant un tribunal qu'il valait 100 millions de dollars. C'est ce que vaut cette industrie.
    La création de cette industrie a nécessité une série de choix moraux de la part des entreprises pour profiter de cette haine. À l'appui de cela, ces entreprises cupides, égoïstes et franchement paresseuses ont défendu l'idée qu'elles ont raison de profiter de la haine, sans critique, sans boycott, sans réglementation et même opprobre moral justifiable. C'est en quelque sorte un droit divin, parce qu'une violation de ce droit, dit‑on, reviendrait à les éliminer — ce qui est absurde.

  (1310)  

    Notre expérience au sein d'organismes nous fait dire qu'il manque quatre choses aux pouvoirs existants à l'échelle mondiale. Premièrement l'application de la sécurité dès la conception. Deuxièmement, le pouvoir d'exiger la transparence au sujet des algorithmes, de l'application des normes communautaires et des aspects financiers. Nous avons besoin d'organismes qui tiennent les entreprises responsables de leurs actes et qui établissent des normes pour éviter une course vers le bas sur le plan moral. Enfin, nous devons avoir le pouvoir de tenir les plateformes de médias sociaux et leurs dirigeants pour responsables des décisions qu'ils prennent.
    Merci beaucoup.
    Encore une fois, je m'excuse de vous avoir oublié, monsieur Ahmed.
    Nous revenons maintenant aux questions. Monsieur Zuberi, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence et de leurs témoignages. C'est très intéressant et important.
    J'aimerais commencer par M. Ahmed. Ce que vous venez de nous dire est vraiment très intéressant.
    Avez-vous connaissance d'un projet de loi dont nous discutons actuellement au Parlement au sujet de la haine en ligne? Si oui, qu'en pensez-vous?
    Je suis désolé, je ne suis pas au courant. On m'a demandé de comparaître à la dernière minute. Cependant, je connais très bien les efforts internationaux à cet égard.
    En fait, nous organisons une conférence à Washington dans deux semaines pour discuter de l'harmonisation mondiale d'un ensemble de normes qui nous permettraient d'analyser l'efficacité de toute mesure législative. Nous avons invité vos collègues à y assister.
    Puis‑je vous expliquer très simplement en quoi consistent ces normes? Je pense que cela vous aidera à savoir si le projet de loi que vous proposez répond ou non à leurs exigences.
    L'une d'elles consiste à imposer la sécurité dès la conception. À l'heure actuelle, les entreprises peuvent faire preuve d'une grande négligence dans la conception de leurs systèmes. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, par exemple, on insiste beaucoup pour assurer la sécurité pour les enfants dès la conception, mais il n'y a aucune raison pour que cela ne s'applique pas également aux adultes.
    Deuxièmement, la transparence. Il s'agit de la transparence du fonctionnement des algorithmes, de leurs résultats et de la transparence des aspects financiers. N'oublions pas que 98 % des revenus de Meta proviennent de la publicité. Il y a une raison pour laquelle le contenu est structuré de cette façon. Il est structuré de manière à maximiser les possibilités de publicité. Il est absolument essentiel de comprendre ces aspects économiques. Ensuite, il y a les décisions d'application des règlements. Pourquoi les entreprises décident-elles de supprimer un élément de contenu et pas un autre, ou d'en laisser un alors qu'elles en ont supprimé un semblable? Il s'agit de comprendre ces décisions.
    Troisièmement, il y a la responsabilité. Y a‑t‑il des organismes qui établissent les normes et qui effectuent également une analyse indépendante de l'efficacité de ce travail? C'est un domaine qui doit s'appuyer sur des partenariats public-privé parce que, bien sûr, tout cela ne peut pas être fait par l'État.
     Enfin, certains mécanismes de responsabilité sont nécessaires, qu'il s'agisse de poursuites civiles ou de responsabilité pénale. Lorsque les entreprises et les dirigeants créent des externalités négatives dont le coût se paye en vies humaines, une partie de ce coût devrait être assumée par les entreprises elles-mêmes sur le plan économique, afin de décourager la production de contenus malfaisants. Avez-vous des mécanismes adéquats pour décourager d'emblée la production de tels contenus?
    C'est notre programme de sécurité, de transparence et de responsabilité à l'aune duquel nous encourageons les pays du monde entier à évaluer leur règlementation.

  (1315)  

    Merci.
    J'aimerais changer de sujet.

[Français]

    Monsieur Tanner, j'aimerais maintenant m'adresser à vous.

[Traduction]

    Vous êtes l'auteur d'une récente publication intitulée « The Process of Radicalization: Right-Wing Skinheads in Quebec ». Vous avez indiqué que vous « identifiez les mécanismes qui ouvrent la voie vers l'extrémisme et la violence ».

[Français]

    Pourriez-vous commenter davantage ce point?
    Je vous remercie de la question.
    Dans ce rapport, qui date de 2014, nous cherchions à dresser un premier portrait de l'extrême droite au Québec. Nous nous étions intéressés à différents profils que nous avions établis. Grâce, essentiellement, à des sources ouvertes, nous avions pu mener des entrevues au Québec avec des membres qui avaient, d'une manière ou d'une autre, participé à des activités ou à des groupes liés à l'extrême droite.
    Nous nous sommes rendu compte que ces personnes étaient profondément en quête de sens et qu'elles se retrouvaient, par une sorte d'opportunisme, à s'intéresser à des contenus plus idéologiques, en lien avec l'immigration et, essentiellement, avec la protection du suprématisme blanc.
    Nous avions constaté une forme de radicalisation dans la mesure où ces personnes s'intéressaient d'abord à un groupe, puis constataient que, au sein de ce dernier, les gens ne faisaient que boire de l'alcool et qu'ils finissaient par se montrer violents entre eux. Ces personnes se tournaient alors vers des groupes de plus en plus idéologiquement radicalisés, ce qui correspondait mieux à ce qu'ils pouvaient percevoir comme une forme d'extrémisme de l'idée.
    J'espère que cela répond à votre question.

[Traduction]

     C'est le cas en effet, et c'est très intéressant.
    J'aimerais souligner ce que M. Ahmed a mentionné au sujet des algorithmes qui se manifestent sur les plateformes de médias sociaux, car je crois que c'est très important.
    Pour les 30 secondes qu'il me reste, j'aimerais m'adresser à M. Rotrand.
    Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de l'investissement de 20 millions de dollars que le gouvernement fédéral fait dans le nouveau Musée de l'Holocauste Montréal et comment cela aidera à sensibiliser les Canadiens et les Montréalais à l'antisémitisme et à l'Holocauste en particulier?
    Nous sommes tout à fait favorables à tout investissement visant à promouvoir la mémoire de l'Holocauste, mais nous aimerions aussi beaucoup voir une amélioration des programmes scolaires, surtout au niveau secondaire. De plus, nous aimerions que le mandat de l'envoyé spécial du Canada pour la préservation de la mémoire de l'Holocauste et la lutte contre l'antisémitisme soit élargi. L'honorable Irwin Cotler vient d'être nommé à cette fonction, et son mandat comprend la préservation de la mémoire de l'Holocauste.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    J'invite maintenant Mme Larouche à commencer ses six minutes de questions. Allez‑y.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie encore une fois les témoins d'être avec nous.
    Je vais tenter de m'adresser à chacun des témoins.
    Monsieur Ahmed, pendant cette pandémie, vous avez réussi à identifier 12 individus que l'on appelle des super-propagateurs et qui ont propagé de fausses nouvelles. Il s'agit d'humains, et non de robots. Ce n'est quand même pas rien: ils étaient responsables de 65 % des messages anti-vaccins publiés sur Facebook et Twitter en février et en mars 2021.
    Pouvez-vous nous expliquer de quelle façon vous vous y êtes pris pour les identifier?
    Ces individus ont-ils été dénoncés auprès de ces plateformes et ont-ils pu garder leurs comptes?

[Traduction]

    Le 24 mars 2021, nous avons publié notre rapport selon lequel la désinformation... et cela montrait que 12 super-propagateurs de désinformation étaient responsables de 65 % du contenu partagé sur les médias sociaux qui minait la confiance à l'égard du vaccin. Cela peut sembler extraordinaire, que 12 personnes puissent être responsables d'une part si importante de la désinformation, mais c'est parce qu'il ne s'agit pas seulement d'individus; il s'agit souvent d'organismes sans but lucratif ou de sociétés à responsabilité limitée qui se cachent derrière une figure emblématique et qui produisent du contenu de la plus haute qualité.
    Si vous songez à l'impact qu'un seul homme, un britannique nommé Andrew Wakefield, a eu sur l'adhésion au vaccin ROR, on comprend alors qu'un petit nombre de personnes très motivées et très talentueuses qui propagent de la désinformation puissent causer tant de dommages.
    C'est ce qui est arrivé. Le jour même de la publication du rapport, Mark Zuckerberg a comparu devant le Comité de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants du Congrès américain. Il a dit qu'il prendrait des mesures à cet égard. Au mois de juin le président lui a dit: « Écoutez, ces gens sont des tueurs, vous devez agir. Imaginez si l'un de vos proches faisait partie des gens qui reçoivent cette information. » Malgré tout, seulement 50 % de leurs comptes et de leurs abonnés ont été supprimés.
    Prenez l'exemple de Robert F. Kennedy junior, un de ses comptes sur Instagram a été supprimé, mais pas ses comptes sur Facebook, ce qui est un échec extraordinaire. Nous avons assisté à une application fragmentaire de la loi, même lorsqu'il s'agit de super-propagateurs malveillants identifiables. Ce ne sont pas seulement des super-propagateurs, ce sont des super-contrevenants aux propres normes communautaires de ces plateformes. Cela montre simplement qu'elles sont plus attachées aux profits associés à l'attention générée par ces contenus qu'elles ne le sont à agir convenablement.

  (1320)  

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Ahmed.
    Monsieur Tanner, dans le cadre de vos recherches, vous vous seriez intéressé à la façon dont les médias sociaux influent sur les pratiques policières.
    Avez-vous étudié l'influence des médias sociaux dans le cadre de la lutte contre l'extrémisme violent?
    Pouvez-vous nous parler brièvement de cela et de ce que vous avez retiré de l'étude de ces pratiques policières?
    Je vous remercie de la question.
    Nos recherches n'ont pas porté directement sur la manière dont les organisations policières se servent des médias sociaux pour lutter contre l'extrémisme violent, mais plutôt sur la manière dont les médias sociaux participent à la mise en visibilité de ces discours problématiques.
    Je suis mal à l'aise de répondre à cette question pour ces raisons.
    Il n'y a aucun problème, monsieur Tanner.
    J'aimerais maintenant m'adresser aux deux représentants du mouvement B'nai Brith Canada.
    Messieurs Mostyn et Rotrand, vous avez dit que vous attendiez la mise en œuvre de la loi sur le contenu haineux en ligne du gouvernement fédéral.
    Pouvez-vous proposer quelques éléments qui devraient se retrouver dans cette loi afin qu'elle soit la plus efficace possible?
    Je vous remercie de la question.
    Selon nous, il est important de trouver un équilibre entre la liberté d'expression et la sécurité des minorités religieuses et raciales au Canada.

[Traduction]

     J'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Ahmed. De toute évidence, il serait utile d'harmoniser les normes internationales, car nous assistons au même débat un peu partout, à savoir que les nouvelles technologies puissantes ont dépassé la capacité de nos lois de réglementer la haine en ligne. Les chiffres présentés dans notre vérification augmentent fortement chaque année.
    Nous aimerions que les entreprises soient placées devant leur responsabilité, dans un délai raisonnable, non seulement d'éliminer la littérature haineuse, mais aussi de trouver une façon de modifier leurs algorithmes. Je ne suis pas un expert en la matière. Cependant, nous pouvons voir chaque jour — et nous recevons de plus en plus de plaintes de la part de notre communauté — ce qui est en ligne et comment cela mène au vandalisme et à la violence antisémite dans nos rues.
    L'une des recommandations que nous avons faites dans le passé au sujet de la haine en ligne, c'est la mise en place d'un programme de signaleurs fiables, afin que les organismes puissent signaler certains problèmes de contenu lorsqu'ils sont racistes ou haineux. C'est une grande source de frustration pour quiconque souhaite faire d'Internet un espace plus sûr, parce qu'il est impossible de se faire entendre de l'une ou l'autre de ces plateformes.
    Il vous reste sept secondes.

  (1325)  

[Français]

    Je remercie encore une fois tous les témoins d'avoir été avec nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Pour terminer, je cède la parole à M. MacGregor.
    Monsieur, vous avez six minutes pour terminer la séance des questions posées à ce groupe de témoins.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Ahmed, j'aimerais commencer par vous.
     Deux témoins du groupe précédent nous ont dit que nous ne pouvons pas nous fier aux plateformes de médias sociaux pour faire le gros du travail par elles-mêmes, mais aussi que le sociomuselage a des conséquences. Ainsi le sociomuselage de certains de ces acteurs pourrait provoquer leur déploiement sur d'autres plateformes qui ne sont pas aussi soigneusement réglementées. C'est précisément pour cette raison qu'il y a eu une explosion de plateformes de médias sociaux de remplacement.
     Je suppose que c'est la difficulté à laquelle nous décideurs sommes confrontés, parce que cela peut ressembler au jeu de la taupe. Vous essayez de bannir quelqu'un d'une plateforme et il ressurgit sur une autre.
     D'après l'expérience de votre organisation, comment abordez-vous ce problème, et avez-vous des recommandations à faire à notre comité?
    Permettez-moi de commencer par dire qu'il est essentiel que le sociomuselage soit un outil mis à la disposition des plateformes pour éliminer les publications malveillantes qu'elles hébergent. Le sociomuselage est un élément essentiel du nettoyage global de l'infrastructure, mais il permet aussi de s'assurer que les résultats de leurs algorithmes ne sont pas pernicieux. C'est l'amplification algorithmique des acteurs malveillants, le fait qu'on leur donne accès à d'énormes auditoires et qu'on les amplifie...
    L'un de nos rapports de recherche intitulé Malgorithm, portait sur le fonctionnement de l'algorithme sur Instagram. Il a montré que si vous suivez des contenus consacrés au mieux-être, l'algorithme vous donne du contenu anti-vaccin. Si vous suivez des contenus anti-vaccins, il vous donne du contenu antisémite et du contenu de QAnon. L'algorithme sait que certaines personnes sont vulnérables à la désinformation et aux théories du complot, et que les théories du complot, en raison de leurs liens avec la psychologie — elles sont motivées par l'anxiété épistémique, mais elles ne parviennent jamais à dissiper cette anxiété épistémique — mènent au repli sur soi.
    L'algorithme pousse les gens à s'enfoncer de plus en plus dans les théories du complot. Pourquoi? Parce que l'impératif commercial est simple. Vous trouvez des théories du complot sur les plateformes de médias sociaux parce que, dans le domaine de la publication de masse, ce sont les espaces les moins réglementés en matière de contrôle de la qualité.
    Le sociomuselage de ces gens pour les mettre dans leur propre petit trou, un petit trou d'antisémites, d'anti-vaccination et d'aliénés est une bonne chose parce que vous limitez leur capacité d'infecter d'autres personnes. De plus, pour ce qui est des tendances comme la convergence et l'hybridation des idéologies... Il y a quelques semaines, j'ai participé à un rassemblement contre la vaccination à Los Angeles, et j'y ai vu des membres de la famille Kennedy, des membres du mouvement QAnon, des antisémites, des Proud Boys et des hippies excentriques qui fument de l'ayahuasca. La convergence des médias sociaux rassemble des gens très différents.
    Le sociomuselage des gens est essentiel pour que nous ne nous retrouvions pas avec le genre de problèmes auxquels vous avez été confrontés au Canada il y a quelques mois.
     J'aimerais maintenant m'adresser à B'nai Brith et à M. Mostyn.
    Dans le groupe de témoins précédent, nous avions un ancien suprémaciste blanc repenti et qui dirige maintenant un organisme qui se consacre à vraiment aider les gens du mouvement suprémaciste blanc à en sortir. Tout à l'heure, je lui ai posé une question au sujet de notre dilemme. D'une part, la puissance publique veut dénoncer des idéologies haineuses comme la suprématie blanche et le néonazisme, mais d'autre part, elle se bat pour essayer de faire preuve de compassion et pour faire sortir les gens de ces mouvements. M. McAleer, notre témoin, expliquait à quel point l'idéologie est intimement liée à l'estime de soi d'une personne.
    Est‑ce que B'nai Brith a acquis une expérience précieuse en parlant avec d'anciens membres de mouvements suprémacistes blancs? Quelles leçons votre organisme a‑t‑il tirées de cette expérience qui pourraient être utile à notre comité?
    Ce sont d'excellentes questions.
     De grands programmes de déradicalisation ont été mis en œuvre au Canada et à l'étranger pour s'attaquer à divers types de radicalisation. Parfois, il s'agit de radicalisation religieuse. À l'instar du système de justice pénale, notre système de justice doit pouvoir identifier ceux qui peuvent être déradicalisés et ceux qui ne le peuvent pas.
     Différentes choses entrent en ligne de compte dans la détermination de la peine dans notre système de justice pénale. Il faut qu'il y ait des programmes de déradicalisation pour ceux qui viennent de l'extrême droite. Si nous ne voulons pas que ces idées se propagent, il faut donner aux gens la possibilité d'être éduqués, et il est très difficile, comme vous l'avez mentionné, d'éduquer ceux qui croient si fermement que leur opinion est la bonne qu'ils sont parfois prêts à commettre des actes de violence contre ceux qui voient les choses différemment.
    Nous recommandons de ne pas séparer la haine des différentes idéologies. La haine doit être traitée comme telle, mais dans l'ensemble, elle doit être abordée au prisme de la sécurité publique. S'agit‑il de criminalité? S'agit‑il de terrorisme? Ou s'agit‑il d'opinions, peut-être très arrêtées, mais qui ne sont pas criminelles? Il y a des façons de faire.
    Les gens avaient des choses répugnantes à dire bien avant Internet. Les suprémacistes blancs avaient l'habitude de placer des prospectus sur les voitures des gens. Internet permet aux gens de parler plus longtemps et, comme M. Ahmed l'a dit tout à l'heure, il n'y a rien de mal à limiter leur capacité de propager la haine.

  (1330)  

    Merci beaucoup.
    Chers collègues, cela nous amène à la fin de la séance.
    Je remercie les témoins de leur patience. Nous nous excusons du retard. C'est un moment de la session parlementaire avec lequel nous devons composer.
     Vous avez été patients et vos témoignages ont été importants et instructifs. Au nom des membres de ce comité et de tous les parlementaires, je tiens à vous remercier de nous aider à comprendre ces questions complexes.
    Chers collègues, c'est tout pour aujourd'hui. Bonne fin de semaine à tous, et à mardi.
    La séance est levée.
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