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HAFF Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 novembre 1999

• 1538

[Traduction]

Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): Nous avons quorum, chers collègues. Nous allons donc commencer nos travaux. Nous poursuivrons notre étude du projet de loi C-2, la Loi électorale du Canada.

Nous accueillons aujourd'hui des témoins des médias et du secteur de la radiodiffusion. Il y a deux groupes. Tout d'abord de l'Association canadienne des journaux, Mme Anne Kothawala, M. Blair Mackenzie et M. Michael Doody. De l'Association canadienne des radiodiffuseurs, Mme Cynthia Rathwell et M. David Goldstein. Lors de leurs présentations, ils voudront peut-être nous en dire un peu plus long sur leurs responsabilités respectives au sein de ces organisations ainsi que sur leurs antécédents.

Je suivrai l'ordre du jour fixé pour la réunion d'aujourd'hui. Habituellement, nous invitons nos témoins à présenter des exposés d'environ 10 minutes. Puis, après avoir entendu tous les témoins, nous procédons à un ou plusieurs tours de table pour les questions des députés. Si cela vous convient, nous allons commencer.

Nous allons commencer par l'Association canadienne des journaux. Présentez-vous tous les deux le même exposé?

Mme Anne Kothawala (vice-présidente, Politiques, Association canadienne des journaux): Oui.

Le président: Très bien. Merci. Allez-y.

Mme Anne Kothawala: Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous pour présenter nos commentaires au sujet du projet de loi C-2. Je m'appelle Anne Kothawala et je suis vice-présidente, Politiques, de l'Association canadienne des journaux. Je suis accompagnée de M. Blair Mackenzie, vice-président et conseiller juridique de Southam Inc., et de M. Michael Doody, vice-président et conseiller juridique de Thomson Newspapers.

• 1540

[Traduction]

Notre association représente 102 quotidiens canadiens d'expression anglaise et française. Nous avons pour objectif d'assurer qu'il existe au Canada une presse libre qui puisse offrir des services efficaces à ses lecteurs. C'est dans ce contexte que nous sommes venus vous faire part de nos préoccupations à l'égard du projet de loi C-2.

M. Blair Mackenzie (vice-président et conseiller juridique, Southam Inc., Association canadienne des journaux): Monsieur le président, avant de poursuivre, j'aimerais vous remercier d'avoir trouvé la salle parfaite pour ces audiences.

Dans la courte période qui nous est réservée cet après-midi, nous aimerions aborder deux questions qui touchent le texte du projet de loi, puis faire deux commentaires de nature plus générale à l'égard de cette mesure législative.

Nous aimerions d'abord parler des questions de rédaction. Tout d'abord, nous vous invitons à étudier le libellé de l'article 328, qui interdit la publication des résultats d'un sondage électoral la veille du jour du scrutin et le jour du scrutin. Tout compte fait, il s'agit d'une interdiction de la publication des résultats de n'importe quel sondage électoral, même les sondages dont les résultats ont déjà été publiés.

Le ministre, M. Boudria, lorsqu'il s'est récemment adressé à votre comité, a signalé que l'interdiction de publication prévue au projet de loi C-2 ne visait pas à interdire la discussion de sondages dont les résultats ont déjà été publiés. Nous sommes très heureux qu'il nous ait rassurés. Cependant, nous proposons que le projet de loi soit modifié pour refléter les commentaires du ministre.

On aurait tort de croire que nos préoccupations ne sont pas justifiées et que personne ne pourrait interpréter le projet de loi C-2 comme étant une interdiction de la publication des sondages dont les résultats ont déjà été publiés. J'aimerais vous rappeler que c'est justement la façon dont la Cour d'appel de l'Ontario a interprété la disposition semblable qu'on trouve dans le texte actuel de la Loi électorale du Canada.

De plus, je vous invite à regarder le texte du paragraphe 326(3) qui stipule que le demandeur d'un sondage de l'opinion publique doit dévoiler la méthode utilisée pour recueillir les données. Nous comprenons pourquoi le gouvernement désire que les demandeurs de sondages de l'opinion publique fournissent ces renseignements. Cependant, le libellé de cette disposition précise que ces renseignements doivent être fournis—et j'insiste sur l'expression utilisée—une fois que les résultats en sont diffusés au public. Ainsi, le paragraphe 326(1) est libellé d'une telle façon que si ces renseignements ne sont pas disponibles, les résultats du sondage ne peuvent être communiqués au public. Nous voudrions qu'on apporte quelques précisions.

Nous avons deux préoccupations d'ordre plus général à l'égard du projet de loi C-2. Il est fort probable que les tribunaux devront trancher sur la question. Cependant, nous exhortons les membres du comité à tenir compte de nos commentaires et à reconnaître que la façon la plus logique de procéder serait de modifier le projet de loi. Personne ne gagnerait s'il fallait à nouveau saisir les tribunaux de toutes ces affaires. Il y a certainement une meilleure façon d'investir les deniers publics.

Tout d'abord, vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'à notre avis, l'interdiction de deux jours à l'égard de la publication des résultats des sondages va à l'encontre de la Constitution. Qu'il s'agisse d'une interdiction de trois jours, de deux jours, peu importe, une interdiction de publication demeure une interdiction. Dans l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Thomson-Southam, on ne dit aucunement qu'alors qu'une interdiction de trois est trop longue, une interdiction de deux jours serait acceptable.

À notre avis, la question est bien claire. Une interdiction sur les publications comme celle-ci porte clairement atteinte à nos droits aux termes de la charte. Devant les tribunaux, il appartiendra au gouvernement de démontrer que cette interdiction est une limite raisonnable et justifiable des droits accordés par la charte. Cela veut dire que le gouvernement devra démontrer clairement comment la publication des résultats nuit au processus électoral.

Lors de la dernière étude d'une telle question par la Cour suprême, le Canada n'a pas pu présenter des preuves crédibles du danger que présente une telle publication. Sans cette preuve, l'interdiction de publication de trois jours a été rejetée. Nous ne croyons pas que les choses aient changé. Aucune nouvelle étude ou rapport n'ont été présentés. Le gouvernement n'est pas dans une position plus solide que la dernière fois.

Dans les commentaires qu'il a récemment faits devant votre comité, le ministre, M. Boudria, a laissé entendre que l'interdiction ne présentait pas un grave problème, parce qu'elle ne s'appliquait qu'aux journaux qui sont publiés le dimanche. Nous ne sommes pas du tout d'accord. Non seulement il y a des journaux très importants qui sont publiés les dimanches, notamment le Toronto Star, La Presse, le Ottawa Citizen et le Vancouver Province, pour n'en nommer que quelques-uns, mais tous les journaux membres de l'association publient un numéro le lundi. Nous rejetons l'argument selon lequel le jour de la semaine visé par l'interdiction rend cette dernière plus acceptable. Les principes dont nous avons parlé sont en jeu, peu importe la journée où cette interdiction entre en vigueur.

• 1545

Nous aimerions signaler en outre que le paragraphe 326(1) soulève également la question des déclarations obligatoires. Nous jugeons que le gouvernement n'a pas le droit de forcer les médias à présenter les nouvelles d'une façon particulière. La question du caractère constitutionnel des déclarations obligatoires dans un contexte de nouvelles n'a pas été étudiée officiellement dans l'affaire Thomson et Southam. C'est une question que les tribunaux pourraient étudier.

Enfin, nous voulons signaler que nous nous opposons carrément à la limite de 150 000 $ sur les dépenses pour la publicité électorale faite par des tiers. Une telle mesure fait en sorte que les partis politiques et ceux qui cherchent à être élus pourront exercer un monopole très clair sur l'accès aux médias et à la publicité de nature locale et nationale pendant la campagne électorale. Elle limite considérablement le dialogue national qui peut se dérouler pendant une campagne électorale. Nous doutons fort de la constitutionnalité de cette disposition. D'autres contesteront justement une telle mesure. Nous voulions profiter de l'occasion pour vous faire part de notre réserve à cet égard.

Monsieur le président, cela met fin à nos commentaires officiels. Nous répondrons volontiers à vos questions.

J'aimerais attirer votre attention sur une annexe dans laquelle nous avons cité les principaux extraits de l'arrêt de la majorité dans l'affaire Thomson et Southam.

Merci.

Le président: Je vous en remercie. Je suppose qu'on devrait vous remercier d'avoir annexé ce document car il pourrait sans aucun doute être fort intéressant; cependant, compte tenu de l'évolution de la charte et des rôles des tribunaux, l'adoption de mesures législatives appartient à la Chambre et au Sénat. Nous nous acquittons de cette tâche. Merci de nous avoir fourni ces extraits.

Nous passerons maintenant à nos témoins suivants qui représentent l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Vous avez la parole.

Mme Cynthia A. Rathwell (vice-présidente, Affaires juridiques, Association canadienne des radiodiffuseurs): Merci. Nous aussi nous vous présenterons des commentaires de la Cour, mais il s'agit également des opinions de l'Association canadienne des radiodiffuseurs et je n'hésiterai pas à le faire.

Je m'appelle Cynthia Rathwell et je suis vice-présidente des affaires juridiques pour l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. David Goldstein, directeur du service des relations gouvernementales de l'association.

L'ACR est une association nationale qui représente la grande majorité des services de programmation, dont les chaînes privées de télévision, les stations et les chaînes de radiodiffusion ainsi que les services spécialisés. L'ACR tient à remercier le comité de lui avoir offert cette occasion de le rencontrer aujourd'hui pour lui faire part de ses préoccupations à l'égard du projet de loi C-2. Nous vous fournirons peut-être des commentaires écrits plus détaillés au cours des deux prochaines semaines.

À titre de responsables de la transmission de publicité électorale et à titre de réalisateurs et fournisseurs de nouvelles et de programmations d'actualité, les radiodiffuseurs sont touchés directement par les mesures législatives proposées. Nous sommes des entreprises assujetties à la réglementation qui ont des responsabilités à l'égard du public telles que définies par la loi; ainsi les radiodiffuseurs sont habitués à tenir compte de l'intérêt public dans le contexte de la publicité électorale et politique.

La Loi sur la radiodiffusion nous enjoint de sauvegarder, enrichir et renforcer la structure politique du Canada; d'offrir une programmation de haute qualité; et, dans la mesure du possible, d'offrir au public l'occasion de prendre connaissance d'opinions divergentes sur des sujets qui l'intéressent. Nos membres sont donc parfaitement conscients de l'importance d'être sensibles à l'impact de leur programmation.

Enfin, étant des entreprises qui travaillent énergiquement à se placer dans une situation qui leur permettra de réussir au siècle prochain, les radiodiffuseurs ont évalué le nouvel environnement médiatique et les impacts qu'il aura ou pourrait avoir sur la façon dont les gens ont accès à l'information et au divertissement au cours des cinq ou dix prochaines années.

C'est en fonction de tous ces facteurs que nous présentons nos commentaires aujourd'hui sur le projet de loi C-2; nous nous limiterons aux questions suivantes: tout d'abord, les restrictions proposées à la transmission des résultats des sondages électoraux et à la publicité électorale pendant les deux jours précédant la fermeture des bureaux de scrutin et les limites proposées aux dépenses en matière de publicité faites par les tiers; deuxièmement, l'efficacité des mesures visant à contrôler la diffusion de l'expression politique dans le nouvel environnement médiatique; et, enfin, les nouveaux délais proposés pour la consultation concernant les conflits entre les radiodiffuseurs et les organismes de publicité en ce qui a trait à la vente de temps d'antenne.

L'ACR s'oppose carrément, par principe, à l'interdiction de la transmission des résultats des sondages d'opinions à partir de la veille des élections jusqu'à la fermeture des bureaux de scrutin. Cette question a été étudiée en détail par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général) concernant une disposition semblable de la Loi électorale du Canada.

• 1550

Comme vous le savez, dans l'affaire Thomson, la Cour a annulé la disposition prévoyant l'interdiction de publication des résultats d'un sondage de l'opinion publique. La Cour a confirmé la validité de l'objectif du gouvernement qui était d'empêcher toute influence pouvant découler de sondages inexacts, mais elle a conclu que le recours à l'interdiction de publication était une interdiction beaucoup trop générale pour atteindre cet objectif.

Le gouvernement, sans pour autant garantir qu'une obligation de publication des méthodes du sondage serait une solution de rechange acceptable à une interdiction de publication, tout en étant conforme à la Constitution, a discuté de la possibilité d'une solution de rechange comme suit:

    Il est [...] évident qu'une disposition qui interdirait la publication des sondages non accompagnés de données méthodologiques porterait moins atteinte à la liberté d'expression qu'une interdiction de publier de l'information touchant les sondages durant une période cruciale. Dans le premier cas, celui qui désire s'exprimer à un choix à faire: s'il choisit de se plier aux conditions prescrites, il peut s'exprimer. Dans le cas de l'interdiction, il n'a pas ce choix: l'information ne peut être communiquée [...]

Je dois préciser qu'il ne s'agit pas là de la position du gouvernement mais bien celle de la Cour. Je m'excuse de cette erreur.

Le projet de loi C-2 contient une interdiction importante à la publication, même si cette dernière a été réduite de trois jours à deux jours; on y a d'ailleurs ajouté une obligation de publication des données méthodologiques. Nous doutons fort que cette interdiction soit conforme à la Constitution, même si on en a réduit légèrement la durée d'application. Comme la Cour l'a signalé dans l'affaire Thomson, une telle interdiction représente:

    [...] une atteinte à la circulation d'information se rapportant à la fonction démocratique la plus importante dont s'acquittent la plupart des Canadiens au cours de leur vie: le choix de ceux qui vont les gouverner.

L'ACR exhorte le gouvernement de retirer la disposition du projet de loi C-2 qui porte sur l'interdiction de publication. Sinon, cette disposition sera contestée devant les tribunaux, ce qui sera coûteux, non seulement au point de vue financier, mais en ce qui a trait à la perception qu'on aura du gouvernement qui cherche à limiter le libre accès des Canadiens à des informations de nature politique. Comme M. le juge Bastarache l'a dit au nom de la majorité de la Cour:

    Je ne peux admettre, sans faire gravement insulte aux électeurs canadiens, qu'il y ait la moindre chance qu'un individu soit tellement séduit par les résultats d'un sondage donné que, au moment de voter, il laisse ceux-ci l'emporter sur son jugement.

Par ailleurs, l'ACR craint que l'interdiction de deux jours relative à la publicité électorale qui s'applique immédiatement avant la fermeture des bureaux de scrutin puisse violer la Charte des droits. Cela dit, nous appuyons l'idée de ramener la durée de l'interdiction de trois jours à deux.

Enfin, l'ACR tient à faire remarquer que les restrictions s'appliquant aux dépenses publicitaires des tiers pourraient aussi constituer des limites inacceptables à certains droits garantis par la charte, comme la liberté d'expression, la liberté d'association et le droit de faire un choix éclairé au moment d'un scrutin.

Peu importe que les mesures dont nous avons parlé soient contestées devant les tribunaux ou jugées inconstitutionnelles en raison de la charte, l'ACR souhaite présenter au comité ses observations sur une question tout aussi importante: la possibilité d'appliquer efficacement ces mesures dans le contexte des nouveaux médias.

L'ACR s'est engagée depuis peu dans l'élaboration d'un plan stratégique approfondi en vue de préparer les radiodiffuseurs à concurrencer les nouveaux médias et à en profiter. La première étape du plan consiste à analyser les progrès possibles et probables en ce qui concerne la façon dont l'information est fournie et reçue. Cette analyse indique que, d'ici cinq ou dix ans, les nouveaux médias fourniront des services qui s'apparenteront de près à la radiodiffusion et qui seront très répandus. Elle montre aussi que les médias traditionnels iront vers les nouveaux médias pour conserver leur pertinence et étendre leur auditoire.

Par ailleurs, l'ACR est d'avis—et cet avis est partagé par d'autres grands médias comme les journaux, la SRC, les compagnies de téléphone, de câblodiffusion et les services en ligne—qu'il est impossible dans la pratique d'imposer aux nouveaux médias la réglementation traditionnelle s'appliquant au contenu. Cette réglementation serait absolument inacceptable aux yeux du public canadien et peu pratique, puisque l'Internet ne tient pas compte des frontières géographiques.

Appelé à se prononcer sur l'opportunité de réglementer l'Internet, le CRTC a lui-même décidé au printemps dernier d'exempter les nouveaux médias de la réglementation. Il serait donc impossible de réglementer les nouveaux médias, mais il est tout aussi important de noter que l'efficacité des mesures imposées aux médias traditionnels, comme les radiodiffuseurs et les journaux, sera compromise au fur et à mesure que croîtra la popularité des nouveaux médias. S'il y a un groupe de médias qui est soumis à des restrictions, alors qu'un autre ne saurait l'être, les Canadiens se tourneront tout simplement vers les médias non assujettis à des restrictions pour obtenir l'information qu'ils souhaitent.

Dans une société où l'information est en voie de devenir rapidement le plus important produit de base, l'idée qu'il soit possible, voire nécessaire, de contrôler la transmission de l'information afin d'éviter que les Canadiens ne soient induits en erreur deviendra tout simplement désuète. Pour régler ce que l'on perçoit être un problème, à savoir l'absence de limites à la transmission de l'information, il suffit de bien initier les citoyens aux médias en vue de les préparer à ce nouvel environnement, au lieu de limiter l'accès à l'information.

• 1555

Nous constatons que le phénomène des nouveaux médias est abordé dans divers endroits du projet de loi comme tel, notamment à l'article 319, qui définit la publicité électorale et qui exclut de cette définition les sites Web personnels, et l'article 324, qui dispose que l'information affichée sur un site web avant le début de la période d'interdiction de la publicité est exemptée de l'interdiction.

Par contre, d'autres dispositions du projet de loi ne disent rien des questions qui se posent relativement aux nouveaux médias, alors même que les objectifs qu'elles visent pourraient être entièrement contournés par les caractéristiques technologiques propres aux nouveaux médias et le seront de façon certaine. Ainsi, l'article 330 du projet de loi interdit d'utiliser des stations de radiodiffusion à l'étranger pour diffuser de la publicité électorale. Il ne dit rien toutefois de la publicité diffusée sur des sites web à l'étranger ni de l'information affichée par des serveurs étrangers.

Nous tenons à être bien compris: nous ne disons pas qu'il faudrait réglementer l'Internet ni qu'il serait possible de le faire. Nous croyons en fait que l'Internet ne saurait être réglementé et qu'il ne devrait pas l'être. Nous disons simplement que, peu importe que les mesures dont nous avons discuté aujourd'hui soient contestées et annulées ou maintenues par les tribunaux, il deviendra de plus en plus difficile de réaliser l'objectif qu'elles visent, à savoir de protéger les Canadiens contre l'information jugée inopportune.

Enfin, si nous laissons de côté un peu les questions générales que nous avons abordées avec vous, il y a un article en particulier du projet de loi qui, d'après nous, devrait être modifié. L'article 344 exige que, dans un délai de deux jours suivant la réception d'un avis en ce sens d'un annonceur qui souhaite acheter du temps d'antenne, le radiodiffuseur doit consulter l'annonceur en question. En outre, s'il est impossible d'en arriver à une entente sur la vente de temps d'antenne dans un délai de deux jours, la question doit être renvoyée à l'arbitre en matière de radiodiffusion.

L'actuelle Loi électorale du Canada prévoit un délai de trois jours pour les consultations et le renvoi des différends à l'arbitre. Dans le cadre de nos activités, nous n'avons eu connaissance d'aucun cas où les délais prescrits auraient entravé l'accès équitable aux médias à tel point qu'il y aurait lieu de les ramener au délai de deux jours qui est proposé. En fait, l'allongement proposé de la période de vente de temps d'antenne qui débuterait dès le dépôt du bref d'élection, plutôt que 29 jours avant le jour du scrutin, donnera plus de temps pour négocier les contrats et régler les différends.

En l'absence de preuves convaincantes pour montrer que le délai de négociation ou de renvoi à l'arbitrage devrait être ramené à deux jours, nous invitons avec instance le comité à modifier l'article 344 afin de rétablir les délais de trois jours comme il est prévu à l'heure actuelle.

En conclusion, nous tenons à vous remercier de nous avoir permis de venir témoigner devant vous aujourd'hui. Nous sommes à même d'apprécier l'importance de la tâche dont votre comité est chargé, à savoir l'élaboration d'une nouvelle loi visant à permettre la tenue d'élections équitables pour le XXIe siècle.

Pour que la nouvelle loi puisse être efficace dans son application, nous vous invitons fortement à étudier l'efficacité réelle des mesures visant à contrôler la transmission de l'information dans un monde dominé par les nouveaux médias. Nous vous invitons fortement aussi à tenir compte de l'effet de ces mesures sur un électorat instruit qui est parfaitement à l'aise dans la nouvelle société de l'information.

Merci.

Le président: Merci.

Nous passons maintenant à M. White, pour le premier tour de cinq minutes.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Mackenzie, j'ai été intéressé par ce que vous avez dit au sujet des déclarations obligatoires lorsque les résultats d'un sondage sont publiés. J'ai une question à vous poser à ce sujet. Trouveriez-vous acceptable qu'il n'y ait aucune interdiction de publication de sondages à quelque moment que ce soit pendant la campagne électorale, mais que chaque sondage publié pendant cette période doive obligatoirement être accompagné des informations énumérées au paragraphe 326(3), la méthodologie, le nom de la personne ou de l'organisation qui l'a demandé, etc.? Pareille obligation serait-elle un problème pour vous, ou pourriez-vous vous en accommoder?

M. Blair Mackenzie: Chose certaine, une solution de rechange comme celle-là nous serait bien plus acceptable que l'idée d'interdire la publication. Je le dis en sachant que nous avons la conscience tranquille, car notre industrie a une assez bonne feuille de route pour ce qui est de publier l'information sur la méthodologie et de bien indiquer, le cas échéant, que le sondage dont nous publions les résultats s'apparente plutôt à un sondage intéressé qu'à une enquête scientifique. Ce que vous proposez donc semble assez près de ce que nous faisons déjà depuis longtemps sans y être astreints par la loi.

La question des déclarations obligatoires suscite des préoccupations dans notre industrie. Nous voudrions pouvoir y réfléchir. Je dirais qu'une solution comme celle que vous proposez serait, bien entendu, très préférable à celle qui donnerait l'impression que le gouvernement peut supprimer de l'information dans le cadre d'une campagne électorale.

M. Ted White: L'opposition officielle est d'avis, comme vous, qu'il est inacceptable de limiter la publication des résultats des sondages et qu'il faut trouver un moyen d'en permettre la publication tout en permettant la transmission d'informations aux électeurs. C'est peut-être là la solution. J'espère que le gouvernement y réfléchira.

• 1600

Madame Rathwell, vous avez soulevé des points intéressants en ce qui a trait à l'Internet et au fait qu'à cause des médias, les gens changent la façon dont ils obtiennent leurs informations. Vous avez notamment parlé de deux ou trois choses que j'avais notées moi aussi, les articles qui traitent des sites web personnels notamment. Encore là, l'opposition officielle est du même avis que vous. Il ne sert à rien d'essayer de réglementer ce qui se passe maintenant dans le domaine des communications personnelles. J'estime donc que le projet de loi, tel qu'il est façonné, ne tient vraiment pas compte des réalités de notre monde moderne. Si cela peut vous consoler, si nous avions notre mot à dire, nous amenderions les articles en question.

Je voudrais toutefois vous poser la même question que j'ai posée à M. Mackenzie, à savoir que si vous pouviez publier les résultats de sondages à n'importe quel moment pendant la campagne électorale, accepteriez-vous facilement de le faire si vous étiez soumis à l'obligation concomitante de publier en même temps la méthodologie?

Mme Cynthia Rathwell: Oui, je crois que ma réponse est essentiellement la même que celle de M. Mackenzie. Nos membres divulguent régulièrement cette information de toute façon, et ils estiment que cela fait partie de leurs obligations pour ce qui est de diffuser les informations et de se conformer aux normes rigoureuses qui leur sont imposées en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Cette obligation serait donc acceptable pour les radiodiffuseurs.

M. Ted White: En fait, le paragraphe 326(3) est assez complet et exige sans doute de dévoiler un peu plus de détails qu'on en donne normalement à la radio, où l'on parle de 3 000 personnes dans deux territoires.

Mme Cynthia Rathwell: En effet, nous avons justement discuté avec nos membres de la liste des renseignements qui doivent être publiées. Ils craignent à vrai dire que le fardeau ne soit trop lourd pour la radio, parce que le fait de ne pas pouvoir recourir à des supports visuels rend la tâche plus difficile pour la radio que pour la télévision.

Cela dit, après avoir passé la liste en revue deux ou trois fois, j'en suis arrivée à la conclusion qu'il serait possible de diffuser ces renseignements de façon assez succincte à la radio. Je me suis notamment dis que, si c'était la même personne ou la même organisation qui avait demandé le sondage et qui l'avait réalisé, il devrait alors être suffisant de le dire une fois. Il ne devrait pas être nécessaire de faire état de deux rôles distincts, si vous voulez.

M. Ted White: Seriez-vous prêts à reconnaître que le contexte qui prévaut pendant une campagne électorale est un peu différent du contexte habituel de la radiodiffusion et qu'il pourrait donc être nécessaire de fournir plus de détails qu'en temps ordinaire, en période non électorale?

Mme Cynthia Rathwell: Je crois que la plupart des renseignements sont déjà fournis en règle générale, et il y a d'autres éléments, comme l'information sur la location—il est loin toutefois d'être aussi important de divulguer des données de ce genre que d'assurer la liberté d'expression politique pendant une campagne électorale.

Cela dit, nous tenons à transmettre à nos auditoires le plus d'informations possible, par souci de servir l'intérêt public. Je crois qu'il serait possible de transmettre la plupart des renseignements énumérés dans le contexte de la radiodiffusion. Si la liste était trop longue et qu'elle nous empêchait, pour des raisons pratiques, de diffuser les résultats d'un sondage, il y aurait alors un problème. La liste, telle qu'elle s'applique au milieu de la radiodiffusion, me semble toutefois raisonnable.

M. Ted White: Merci. C'était ma seule question, monsieur le président.

Mme Cynthia Rathwell: Excusez-moi, avant que nous quittions le sujet, vous avez évoqué mes propos concernant les nouveaux médias, mais il y avait aussi une deuxième dimension à ces propos. Tout d'abord, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il est très difficile, voire impossible, de réglementer la transmission de l'information par les nouveaux médias, mais je tiens à bien insister sur les conséquences indirectes pour les médias existants et préciser que l'existence de deux systèmes parallèles est inacceptable.

M. Ted White: Vous avez bien raison. Oui.

Mme Cynthia Rathwell: Merci beaucoup.

Le président: Madame Dalphond-Guiral.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci d'être avec nous cet après-midi. J'ai trois questions à poser et j'aimerais entendre le point de vue de chacun des intervenants.

Voici ma première question. J'ai senti, dans la présentation de M. Mackenzie, qu'il y avait une opposition, sinon une très grande réserve quant au dévoilement des noms des clients qui commandent les sondages. C'est ce que j'ai senti. Pourtant, tout le monde reconnaît le professionnalisme des maisons de sondage. L'électeur étant intelligent, comme vous l'avez affirmé et comme nous le pensons, il est clair que quand maison de sondage sérieuse fait un sondage sérieux, le résultat ne variera pas selon le client qui le commande.

• 1605

J'aimerais comprendre pourquoi vous tenez tellement à ce que le client ne soit pas connu. C'est ma première question.

Ma deuxième comporte deux volets. Vous vous opposez unanimement à la limite de 150 000 $ pour les tierces parties, et les valeurs que vous invoquez sont, bien sûr, des valeurs que l'on retrouve dans la charte: le droit d'expression et le droit d'opinion.

Je suppose que vous trouvez qu'il ne devrait y avoir aucune limite. J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous pensez qu'il ne devrait y en avoir aucune, une fois qu'on a mis de côté la charte et le droit d'expression.

J'ai aussi des questions plus techniques à vous poser. Actuellement, en 1999, le coût d'une page de publicité dans un quotidien national, non pas à la page 49 mais en bonne position, ou d'une minute de publicité télé aux heures de grande écoute est très élevé. Je suis convaincue que 150 000 $, ce n'est pas beaucoup pour faire de la publicité from coast to coast dans les deux langues.

M. Blair Mackenzie: Monsieur le président, je regrette, mais je ne suis pas en mesure de répondre en français. Si vous me le permettez, je vais continuer en anglais.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Tout à fait. On est dans un pays bilingue et j'ai toujours mon écouteur à l'oreille.

[Traduction]

M. Blair Mackenzie: Si j'ai bien compris, vous vous demandez pourquoi la divulgation de la source d'un sondage devrait nous inquiéter. Cette divulgation ne nous inquiète pas. Pas du tout.

Ce qui nous préoccupe essentiellement c'est l'obligation de diffuser les résultats d'un sondage d'une façon particulière et vous comprendrez que c'est une question de principe. Mais notre inquiétude ne vient pas du fait qu'on exige que nous divulguions les auteurs du sondage. Du reste, d'habitude nous le faisons.

Cela répond-il à votre question?

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Donc, vous avez des réserves quant à la divulgation de la méthodologie.

M. Blair Mackenzie: Et l'idée même.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'accord, l'idée même.

[Traduction]

M. Blair Mackenzie: C'est ce que le gouvernement affirme: on exige que lorsque nous diffusons des informations, nous disions certaines choses précises. Cela nous pose problème, le fait qu'on nous dise comment diffuser l'information, les termes que nous devons utiliser, la façon dont nous devons nous y prendre.

Deuxièmement, vous avez abordé la question du plafond de 150 000 $. Si j'ai bien compris, vous vous demandiez si nous avions nous-mêmes une limite à proposer. Notre association, je l'admets, ne vient pas cet après-midi proposer une limite. Nous laissons à d'autres le soin de s'en occuper. Nous avons un intérêt assez manifeste pour l'aspect pécuniaire et nous craignons que si nous essayons d'en faire notre cheval de bataille, certains diront que c'est tout simplement parce que seules les recettes nous intéressent.

Ce n'est pas vrai à mon avis mais pour cette raison, nous laissons volontiers d'autres s'en occuper, si bien que nous n'avons pas de limite à vous proposer.

Anne, je dois compter sur vous pour nous dire combien coûte une pleine page de publicité, par exemple, dans le premier cahier du National Post ou du Globe and Mail. Je vais me renseigner car je devrais le savoir mais je ne le sais pas.

Mme Anne Kothawala: Je crains de ne pas pouvoir vous répondre moi non plus.

M. Michael Doody (chef du contentieux et secrétaire, Thomson Newspapers Company Limited; Association canadienne des journaux): En effet, je devrais savoir cela moi aussi en ce qui concerne le Global and Mail mais je ne le sais pas. Nous allons certainement nous renseigner et communiquer avec vous.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Peut-être que j'aurai plus de chance en demandant combien coûte une publicité à télévision.

M. Michael Doody: Peut-être.

Mme Cynthia Rathwell: Je crains de devoir vous décevoir en ce qui concerne la télévision. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une fourchette. Une publicité à la télévision peut coûter de plusieurs centaines de dollars pour 30 secondes à des centaines de milliers de dollars, suivant la nature de l'émission et l'heure d'écoute. Ce sont les heures de grande écoute qui vous intéressent et cela va certainement chercher dans les centaines de milliers de dollars dans la plupart des cas, même si c'est bien meilleur marché sur les chaînes de services spécialisés que sur les chaînes conventionnelles en direct parce que dans le premier cas l'auditoire est réduit et on y offre une programmation à créneaux.

• 1610

Pour répondre à vos autres questions, je suis désolée s'il y a un malentendu mais, pas plus que l'association des journaux, nous ne nous inquiétons de l'obligation de divulguer la source des données d'un sondage. En ce qui concerne une éventuelle limite appropriée pour les dépenses d'une tierce partie, nos adhérents n'ont rien fixé à cet égard. En règle générale, nous tenons à ce que cette limite ne soit pas restreinte de façon déraisonnable mais tout comme les membres de l'association des journaux, ce qui est le plus inquiétant pour nous c'est l'interdiction en ce qui concerne les sondages d'opinions.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Avez-vous songé à une limite pour les dépenses des tierces parties?

Mme Cynthia Rathwell: Non, je suis désolée, nous n'y avons pas réfléchi.

Le président: Merci.

Madame Parrish.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): M. Mackenzie a soulevé le désagréable sujet de l'intérêt pécuniaire potentiel à propos des 150 000 $ car manifestement, surtout dans la presse écrite... Dès qu'il y a une controverse sur la Colline, le Hill Times se remplit les poches car les gens veulent acheter des espaces publicitaires pour faire pression sur les députés et leur entourage. Puisque vous avez soulevé la question, je vais en parler.

À mon avis, nous avons affaire à des groupes intéressés car les dépenses électorales des candidats sont limitées—rien à voir avec les tiers parties—et nous devons payer le téléphone, le loyer, les dépliants et la publicité. Nous devons rendre compte de tout ce qui est dépensé pendant cette période de 36 jours. Les tiers quant à eux disposent d'un bureau établi, avec des lignes téléphoniques, et cela fait partie de leurs frais généraux. Ils jouissent déjà d'un certain avantage.

Deuxièmement, les tiers disposent d'années complètes, de trois ans et demi à quatre ans, pour faire de la publicité dans vos journaux ou à la télévision et ils peuvent nous anéantir si cela leur chante. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à propos des droits conférés par la charte et de la liberté d'expression dans ce contexte. Je ne comprends pas pourquoi la même chose ne pourrait pas s'appliquer à nous. Sommes-nous différents? Pourquoi impose-t-on des limites aux partis politiques? Pourquoi ne pas choisir de nous rembourser 60 000 $, vu qu'il s'agit de l'argent des contribuables, et nous laisser la possibilité de dépenser toute somme supplémentaire à notre propre compte au nom de la liberté d'expression. Un candidat pourrait dépenser un milliard et recueillir 99 p. 100 des voix.

Tout cela m'intrigue. Il me semble qu'il y a une petite inégalité. Les politiciens sont confinés et vitupérés alors que les tiers sont considérés comme des héros de la société et de toute évidence, vous vous enrichissez grâce aux sommes qu'ils vous versent pour la publicité qu'ils font. Expliquez-moi comment les limites qui nous sont imposées respectent la Charte des droits et libertés et prouvez-moi que vous n'avez pas un intérêt direct en la matière.

M. Blair Mackenzie: Monsieur le président, vous aurez sans doute compris maintenant que cet aspect n'est pas notre cheval de bataille. À vrai dire, c'est aux tiers de s'en occuper. Si je comprends bien leur position, ils ont certaines inquiétudes—qui leur appartient à eux, et pas à nous, d'exprimer—car ils trouvent qu'il est tout à fait compréhensible et normal que le Parlement souhaite limiter les dépenses des partis politiques, mais ils ne comprennent pas pourquoi, si les politiciens peuvent dépenser collectivement jusqu'à 20 millions de dollars, un tiers serait limité à 150 000 $. Mais voilà que j'essaie de parler en leur nom, ce que je ne devrais pas faire. À vous d'entendre leurs témoignages.

Mme Carolyn Parrish: Puis-je vous interrompre?

M. Blair Mackenzie: Je pense que c'est là-dessus...

Mme Carolyn Parrish: La limite de 150 000 $ est fixée pour une organisation. En réunissant de 60 à 70 organisations, on en arrive rapidement à des sommes astronomiques. Il ne s'agit pas d'une limite collective car elle est imposée à chaque organisation.

M. Blair Mackenzie: Je le répète, il faudrait en parler avec les intéressés. À mon avis, l'argument concernant la charte que les tiers vous exposeront est légitime car si les limites sont démesurées, il faudra que les tribunaux se prononcent. C'est à peu près tout ce que je peux vous en dire.

Mme Carolyn Parrish: Eh bien, parlons-en de la charte—et si je veux connaître votre opinion, c'est parce que j'ai été très impressionnée par ce que vous avez dit et qu'il me semble que vous avez procédé à une solide réflexion...

Monsieur White, je pensais que vous alliez m'arrêter.

Que pensez-vous de la limite imposée aux tiers alors? Si je proposais de dépenser 60 000 $ dans ma circonscription, montant qu'on me rembourserait, pour ensuite, forte des droits que me confère la Charte des droits et libertés, dépenser en plus, à ma guise, verriez-vous un inconvénient?

M. Blair Mackenzie: Je tiens à rappeler que je représente ici l'ACJ, et étant donné votre question, je vais vous donner ma réponse personnelle car il n'incombe pas à l'association de répondre à une telle question. Je comprends parfaitement pourquoi on doit imposer des limites aux dépenses des partis politiques. Je vous dirai que personnellement je ne vois aucun inconvénient à ce que l'on impose des limites et que je serais inquiet s'il n'y en avait absolument pas. Je conviens avec vous que l'imposition de limites de dépenses aboutit à une situation de justice fondamentale. Je ne vois rien à redire là-dessus.

• 1615

Le problème que perçoit l'association, à mon avis, et je pense que vous en entendrez parler, est que l'on a l'impression qu'une limite de 150 000 $ par organisation est trop basse étant donné la configuration des choses. Cela revient à la question soulevée par la représentante du Bloc québécois concernant les prix élevés car 150 000 $ ne vous mènent pas très loin.

Mme Carolyn Parrish: Une dernière question, si j'en ai le temps

Si en tant que membre du Parti libéral—et non pas député—je réussissais à réunir 100 000 $ par année grâce à mon association de circonscription et si je décidais de faire de la publicité dans votre journal une fois par semaine pendant quatre ans pour vanter les services que je rends au pays et au Parti libéral, est-ce que l'on crierait haro sur moi?

M. Blair Mackenzie: Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question.

Mme Carolyn Parrish: Les tiers disposent de 365 jours par année pour faire de la publicité.

M. Blair Mackenzie: Je vois, je vois où vous voulez en venir.

Mme Carolyn Parrish: Donc, si en tant que libéral, je réserve un espace publicitaire hebdomadaire dans le Toronto Star—et pour cela il faudrait que je sois une libérale très riche—, à longueur d'année, pendant quatre ans, est-ce qu'on se récrierait en disant que les libéraux utilisent leur planche à billets pour faire connaître leurs opinions plutôt que de communiquer avec la population posément grâce aux Communes?

M. Blair Mackenzie: C'est possible. À la vérité, vous ne posez pas votre question à la bonne organisation. Nous représentons ici l'Association canadienne des journaux et on nous a demandé de nous prononcer sur les questions entourant la tenue d'une élection et non pas sur les dépenses politiques en général à longueur d'année. Je suis désolé mais je n'essaie pas d'éluder la question. Honnêtement, je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse à ce sujet.

Mme Carolyn Parrish: Loin de moi l'idée de ne pas jouer franc jeu avec les médias.

M. Blair Mackenzie: Je sais bien.

Mme Carolyn Parrish: Une fois que vous avez mis le sujet sur le tapis, dans votre exposé, vous vous exposiez à des questions.

M. Blair Mackenzie: Je pense que le sujet a été soulevé lors de la période des questions et c'est dans ce contexte que nous avons répondu. Je ne pense pas que nous en ayons parlé dans notre mémoire, où nous nous contentons d'exprimer une inquiétude concernant une limite.

Mme Carolyn Parrish: Mais nous sommes entre amis ici.

M. Blair Mackenzie: À la bonne heure. Je m'en réjouis.

Le président: Merci.

Monsieur Solomon.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Merci, monsieur le président.

J'ai lu le jugement de la Cour suprême concernant les sondages. Les adhérents à votre association pourront diffuser et imprimer des informations tous les jours de l'année et tous les jours de la campagne électorale à l'exception des deux derniers, si ces modifications sont adoptées.

Et de un, où est la difficulté? Et de deux, ne pensez-vous pas qu'il serait injuste que l'on publie un sondage pirate, disons la veille du jour des élections, sans qu'il soit possible de rétorquer? J'ai fait 37 campagnes électorales et j'ai eu connaissance de certains sondages pirates très féroces. Ils ont influencé certains électeurs indécis, et ce au niveau municipal, provincial, comme fédéral. Pourquoi accepteriez-vous cela et pensez-vous que c'est porter atteinte à la Constitution ou à la Charte des droits que d'exiger une période d'accalmie de deux jours pour permettre aux gens de départager ces messages transmis pendant les semaines de campagne électorale?

M. Michael Doody: Tout d'abord, le discours entendu pendant une campagne électorale est sans doute plus important pour le pays que celui qui a cours à d'autres moments. Le caractère démocratique de notre pays exige que les gens puissent communiquer pendant la campagne électorale et ce, jusqu'à la dernière minute. C'est ce que l'arrêt de la Cour suprême de l'année dernière affirme.

Je voudrais revenir sur ce que le président a dit à la fin de notre exposé. Il a dit que l'arrêt de la Cour suprême était intéressant mais qu'il n'offrait qu'un intérêt historique et n'était pas véritablement pertinent étant donné la question dont nous sommes saisis. Que l'on n'aille pas croire que l'interdiction de publication proposée ici est essentiellement la même que celle que l'on imposait auparavant, celle-là même qui a été rejetée par la Cour suprême. Autrefois, il s'agissait d'une interdiction de trois jours et désormais c'est une interdiction de deux jours. Étant donné qu'il s'agit des derniers jours avant le scrutin, je ne pense pas que cela tire vraiment à conséquence.

Permettez-moi de vous citer un passage du jugement qui ne se trouve pas dans les extraits que nous vous avons fournis. Ce passage explique le principe qui a conduit la Cour à déterminer que cette interdiction de publication était offensante. Voici ce que la Cour a dit à propos des anciennes mesures législatives, car selon elle l'interdiction de trois jours, son acceptation,

    [...] suppose plutôt que les Canadiens sont tellement hypnotisés par l'avalanche de sondages publiés dans les médias qu'ils en oublient les enjeux sur lesquels ils devraient plutôt se concentrer. Ce raisonnement ne peut être admis. Il faut présumer aux électeurs canadiens un certain degré de maturité et d'intelligence.

• 1620

Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que le maintien de l'interdiction suppose précisément que les électeurs canadiens ne peuvent pas faire preuve d'un certain degré de maturité et d'intelligence. Certains vont jusqu'à dire que le maintien de cette interdiction fait affront aux électeurs canadiens car cela laisse entendre que les électeurs canadiens devraient être privés d'information de certains renseignements au cours d'une période qui précède le moment crucial du scrutin.

M. Blair Mackenzie: Je voudrais ajouter quelque chose. Si je ne m'abuse, vous vous demandez essentiellement ce qui ne va pas avec une interdiction, surtout dans un contexte où, dites-vous, il peut arriver que les résultats d'un sondage publié soient faux.

M. John Solomon: C'est arrivé. C'est un fait. Vous savez mieux que moi.

M. Blair Mackenzie: Personne ne prétend contester cela.

Je souhaiterais répondre à votre question très directement et en tenant compte des faits.

Nulle part au Canada trouverez-vous facilement un éditeur intègre, quelle que soit sa langue officielle, qui aimerait que l'on dise de lui que des renseignements mettant une élection en péril ont été publiés par ses soins. Il y va de l'intérêt le plus absolu de tous de ne pas tripatouiller les élections ou de ne pas les mettre en péril par une diffusion inappropriée de renseignements. Ainsi, l'intérêt de tous est le même à cet égard.

Là où nos intérêts divergent c'est à propos des préjudices causés, car quant à nous, nous n'avons pas pu en constater et nous ne pouvons pas nous convaincre qu'ils existent. On a énormément spéculé là-dessus. Il y a eu beaucoup de «peut-être» et de «il se peut». Rien toutefois ne prouve un véritable préjudice. Si on en fait la preuve, vous nous aurez convaincus totalement, car aucun éditeur ne voudrait avoir la réputation d'avoir mis en péril une élection, ne voudrait avoir cela sur la conscience. Qu'on nous montre où est le problème.

Si cela intéresse les membres du comité, le juge Bastarache en a traité et il reconnaît qu'il est arrivé que des faux renseignements soient publiés. Mais dans un contexte où l'information circule librement, l'effet est contré. Les électeurs comprendront que les résultats du sondage sont farfelus. Et il faut compter sur un minimum d'intelligence. Nous sommes du même avis que lui.

M. John Solomon: J'ai une question concernant le financement des tierces parties. Mme Parrish a parlé des tierces parties. Il y a à Ottawa 3 300 lobbyistes enregistrés. Il y en a deux qui sont présents cet après-midi. Les lobbyistes disposent de quatre ans pour faire leur travail. Très bien. Nous sommes en démocratie, ils en ont le droit.

Mais en ce qui concerne les autres tierces parties, les 29 millions d'autres qui sont des tierces parties, vous proposez qu'elles ne devraient faire l'objet d'aucune règle pendant une campagne électorale pour ce qui est des dépenses, mais qu'il devrait exister des règles pour les 12 partis politiques enregistrés durant une élection au cours de laquelle, en passant, les 12 partis présentent leur plate-forme en fonction de laquelle la population devrait les évaluer, et pourtant ils se trouvent limiter par le financement.

C'est une mesure que vous appuyez effectivement, mais la question que je me pose est la suivante: en tant que radiodiffuseurs et journaux, comment procéderiez-vous à l'attribution de la publicité? Disons que 3 300 lobbyistes viennent vous voir pendant une campagne électorale et ont chacun un million de dollars à dépenser dans diverses régions, ce qui représente des dizaines de millions de dollars. Aimeriez-vous avoir l'entière discrétion de déterminer qui pourra faire de la publicité, plutôt que d'avoir des règles? Ou, n'avez-vous aucune règle pour ce genre de chose non plus?

M. Blair Mackenzie: Si je peux répondre le premier, nous ne proposons pas qu'aucune limite ne soit établie pour la publicité faite par des tiers. Nous ne proposons pas que les dépenses de publicité soient illimitées. Nous disons simplement que nous sommes du même avis que ceux qui se plaignent sans aucun doute devant vous qu'un montant de 150 000 $ est très faible compte tenu des circonstances. C'est donc la position que nous avons adoptée. Nous n'irons pas jusqu'à dire qu'il ne devrait pas y avoir de limite. Ce n'est absolument pas la position que nous avons adoptée.

M. John Solomon: Comment procéderiez-vous à la répartition de la publicité? Comment établissez-vous les priorités?

Mme Cynthia Rathwell: Si vous me le permettez, en ce qui concerne l'Association canadienne des radiodiffuseurs, nous n'avons aucune objection aux règles relatives à la répartition telles qu'elles existent en vertu de la loi actuelle ou en vertu du projet de loi. Il existe un arbitre en matière de radiodiffusion et un régime de répartition pour les partis enregistrés et pour les tiers.

• 1625

En plus, nous sommes assujettis à la politique d'équilibre du CRTC qui exige une distribution juste et équitable de la programmation. Donc si une plainte est déposée à propos de la façon dont on procède à la répartition, cela devient une affaire qui relève du domaine public et fait partie de nos processus d'octroi de licence, et c'est donc un mécanisme qui permet d'éviter la répartition non équilibrée.

À l'instar de l'Association canadienne des journaux, nous n'avons pas pris position sur ce qui devrait constituer un montant approprié. Nous ne nous opposons pas à l'établissement de limite et nous ne sommes certainement pas partisans d'une attribution déséquilibrée.

M. Michael Doody: En ce qui concerne l'attribution, les journaux ont un peu plus de marge de manoeuvre, parce que nous n'avons pas un nombre fixe de secondes par jour; nous pouvons augmenter le nombre de pages du journal. Donc cela nous offre une certaine souplesse.

M. John Solomon: Je vous remercie.

Le président: J'aimerais avoir un éclaircissement de Mme Rathwell. Avez-vous dit que les radiodiffuseurs sont tenus d'assurer l'équilibre de leur publicité...

Mme Cynthia Rathwell: Oui.

Le président: ... ou avez-vous dit qu'ils devaient équilibrer la programmation?

Mme Cynthia Rathwell: Ils doivent équilibrer les deux. Le CRTC considère la publicité comme une forme de programmation aussi. Donc je pense que si la publicité était attribuée de façon déséquilibrée, cela pourrait être contesté.

Le président: Où se trouve la directive ou le règlement sur l'équilibre en matière de publicité?

Mme Cynthia Rathwell: Je pense qu'il s'agit de la politique du CRTC sur l'équilibre dans la programmation communautaire.

Le président: Il me semble qu'il serait difficile d'équilibrer l'aspect financier et les autres aspects.

Donc, vous dites que les radiodiffuseurs équilibrent sciemment la publicité qu'ils diffusent pendant les campagnes politiques?

Mme Cynthia Rathwell: Ils sont conscients de leur programmation générale pendant toute la journée d'émission...

Le président: Je sais qu'ils sont conscients et qu'ils ont une conscience, mais...

Mme Cynthia Rathwell: Non, je n'ai pas dit «conscience»; j'ai dit «conscients» de leurs obligations. Je n'essaie pas de faire de l'esprit. Mais si on craignait qu'une publicité excessive de la part d'un parti, peu importe ce que l'on entend par «excessive», risquait de déséquilibrer la programmation, ce serait certainement une question qui amènerait le CRTC à examiner les activités d'un radiodiffuseur, et je peux honnêtement dire qu'ils en tiendraient compte dans leurs méthodes de programmation.

Le président: Très bien. Je vous remercie.

Madame Catterall, avez-vous des questions?

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Oui, j'ai quelques questions sur les sondages.

Toutes sortes de groupes font des sondages. Les sondages peuvent être faits par une maison de sondage puis vendus à quelqu'un, mais de plus en plus, les sondages sont faits par les médias. Il me semble qu'en commandant des sondages, les médias se trouvent en fait à créer des nouvelles. Pourquoi le font-ils?

M. Blair Mackenzie: Je pense que vous venez de mettre le doigt dessus. Si nos lecteurs considèrent qu'il s'agit d'une question importante et si les médias ont l'impression que le lecteur s'intéresse à une question sur laquelle personne n'a fait de sondage, alors ils n'hésitent pas à commander un sondage de ce genre.

Mme Marlene Catterall: Vous n'iriez pas provoquer un incendie ou un accident d'automobile ou voler quelque chose pour créer des nouvelles, mais dans ce cas-ci, vous choisissez de créer des nouvelles. Pourquoi?

M. Blair Mackenzie: Nos lecteurs considèrent que cela présente un intérêt. Je ne suis pas sûr de bien voir quelle est la différence.

Mme Marlene Catterall: Les lecteurs considèrent qu'un incendie est une nouvelle intéressante. Il y a bien des choses qu'ils peuvent considérer intéressantes. Mais le rôle des médias n'est pas de créer les actualités mais d'en faire rapport.

Mme Anne Kothawala: Cela est indépendant de leur volonté.

M. Michael Doody: On ne rapporte pas la création d'opinions; il s'agit de déterminer quelles sont ces opinions et d'en faire rapport, ce qui diffère de votre analogie de l'incendie qui est provoqué.

Il y a des gens qui ont des opinions. L'objectif du sondage est de déterminer quelles sont ces opinions et de les faire connaître, mais pas de créer les opinions.

Mme Marlene Catterall: Y a-t-il toujours concordance entre les résultats de différents sondages?

M. Michael Doody: Non.

Mme Marlene Catterall: Donc, il est impossible d'avoir un sondage complètement objectif?

M. Michael Doody: Peut-être pas.

Mme Marlene Catterall: Très bien.

J'arrive à l'argument que je veux faire valoir, qui est le suivant: Effectivement, les résultats des sondages diffèrent. Ils diffèrent peut-être à cause de la méthodologie, des questions posées, ou de l'habilité de l'entreprise qui fait le sondage, mais quoi qu'il en soit, comme vous l'avez mentionné, monsieur Mackenzie, le Star paraît le dimanche mais pas le Globe and Mail. Donc le Star a un avantage sur le Globe and Mail parce qu'il peut publier un article cette journée-là, et le public n'a alors pas la possibilité de prendre connaissance d'un débat équilibré de ce sondage de la part de deux journaux différents.

• 1630

M. Michael Doody: Le Globe paraît le lundi.

Mme Anne Kothawala: Oui. On semble avoir oublié le lundi. Avec tout le respect que je lui dois, le ministre Boudria a mis l'accent sur le fait que cela ne concerne que les journaux qui paraissent le dimanche.

Mme Marlene Catterall: Écoutez, il s'agit d'une période électorale de 36 jours, ce qui signifie que vous pouvez couvrir 36 sondages, au minimum. Ils peuvent le faire encore plus souvent s'ils le veulent.

Si Dieu a eu besoin d'un jour de repos au bout de sept jours, je pense que les électeurs ont droit à un repos de cette surcharge d'information—parce que c'est ce qu'ils ressentent vers la fin d'une période électorale—pour réfléchir...

Mme Anne Kothawala: Mais, en avons-nous des preuves?

Mme Marlene Catterall: ... et se faire une opinion.

Mme Anne Kothawala: Quelles en sont les preuves? C'est la question que nous posons: s'il existe des indications—et la Cour suprême a été d'accord là-dessus. Elle a dit...

Mme Marlene Catterall: Très bien, laissez-moi alors vous posez cette question. Si je suis votre raisonnement jusqu'à sa conclusion logique, cela signifie qu'étant donné que plus il y a d'information, mieux c'est, je devrais pouvoir accompagner un candidat au bureau de vote pour renseigner les électeurs. Pourquoi m'interdit-on de le faire? Je devrais pouvoir faire de la publicité le jour des élections. Pourquoi m'en empêche-t-on?

Je pense que c'est parce qu'il existe un consensus général dans notre pays selon lequel nous avons une période de temps définie pour fournir de l'information aux électeurs. On utilise cette période du mieux que l'on peut—cela s'applique aux médias, aux candidats et aux tiers—puis on laisse le public tranquille pour qu'il réfléchisse pendant 48 heures. Cela ne me semble pas déraisonnable. Franchement, je ne comprends pas pourquoi ces 48 heures de plus sont si importantes pour vous. Pouvez-vous m'apporter des éclaircissements à ce sujet?

M. Michael Doody: Dans toute la série de causes qui ont été portées devant les tribunaux, jusqu'à la Cour suprême, le gouvernement a eu toutes les occasions possibles de présenter autant de preuves qu'il le voulait pour montrer à quel point cela était préjudiciable, mais il n'est pas arrivé à présenter d'arguments le moindrement convaincants. Donc, ce que nous sommes en train de dire, comme Blair Mackenzie l'a dit plus tôt, c'est que s'il existe des preuves absolument convaincantes, alors de toute évidence nous y prêterions attention—et les tribunaux y auraient certainement prêté attention—mais on n'a pu en produire aucune.

Mme Marlene Catterall: Très bien. Alors, acceptez-vous ou non que je ne devrais pas pouvoir en tant que candidate me présenter au bureau de scrutin et faire de la publicité pour mes services ou faire campagne? Si vous l'acceptez, dites-moi pourquoi.

M. Michael Doody: À titre strictement personnel, je n'y aurais aucune objection, parce qu'au moment où j'irais au bureau de scrutin, je saurais pour qui je vais voter. Il est possible que d'autres personnes soient offusquées. C'est ma réaction personnelle. Je n'aurais aucune objection à ce qu'il y aient des affiches dans l'isoloir. Personnellement, cela ne me dérangerait pas. Suis-je si faible d'esprit que je vais être complètement déboussolé par la présence d'une affiche? J'espère que non.

Mme Marlene Catterall: Je pense que pour nous le principe sous-jacent de l'établissement de limites, c'est-à-dire la limite en ce qui concerne la publicité dans les médias et en ce qui concerne les sondages, c'est tout simplement que les gens ont besoin d'une période de réflexion. C'est une limite que nous avons acceptée pour une très bonne raison, à mon avis.

M. Blair Mackenzie: Monsieur le président, ai-je le temps de répondre brièvement?

Le président: Je dois avouer à mes collègues que j'ai oublié de régler mon chronomètre. M. White va être dans tous ses états, et M. Harvey attend son tour.

Veuillez donner votre réponse après quoi nous passerons à M. Harvey.

M. Blair Mackenzie: Je serai très bref. Nous sommes en train de nous acheminer très rapidement vers ce que nos collègues d'expression française appelleraient un dialogue de sourds. Nous sommes arrivés à un stade où nous avons d'une part un point de départ qui indique que les électeurs ont besoin d'une période de repos et de réflexion, une opinion qui est certainement très répandue et certainement acceptée par l'arrêt minoritaire de la Cour suprême, et une opinion que nous entendons souvent de la part de ceux qui participent très étroitement au processus électoral.

De notre côté, nous partons fondamentalement du principe que l'État n'a pas à dire aux médias quelle information ils peuvent ou non transmettre au public pendant des élections. S'il est impossible de régler cette question par d'autres moyens, elle doit alors être réglée par les tribunaux. C'est leur raison d'être. S'il n'y a aucun autre moyen de régler ce différend, c'est là où il devra être réglé une fois de plus.

• 1635

Donc nous partons en fait du principe que si on nous demande ou on nous dit dans ce cas-ci de ne pas publier de l'information, nous demandons d'avoir l'obligeance de nous indiquer en quoi cela est préjudiciable. Nous attendons toujours la réponse. C'est donc, en bref, notre position.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Harvey, vous avez cinq minutes.

[Français]

M. André Harvey (Chicoutimi, PC): Je ne suis pas très à l'aise devant l'orientation que nous avons adoptée sur la question des sondages et sur celle des tiers. Je vais y aller bien spontanément. J'ai l'impression qu'il y a quasiment ce que vous appelez anglais un buildup. J'ai l'impression qu'on est quasiment en train de créer le problème. Ma collègue parlait du temps de réflexion. Je sais que dans les 48 dernières heures, les choix sont faits. Il y a peut-être 1 ou 2 p. 100 des gens qui sont encore indécis les deux derniers jours. Je ne vois pas en quoi les sondages pourraient être déterminants à ce moment-là et pourquoi on devrait alors les interdire. Je ne suis pas à l'aise devant ces deux questions, qui comportent beaucoup de points litigieux.

Pour confirmer ceci, j'aimerais savoir si vous avez déjà fait des sondages pour illustrer le fait que les sondages n'ont pas d'impact sur le choix des citoyens lorsque vient le temps de voter. Pour ma part, je pense qu'ils n'ont pas d'impact. Si on considère nos propres expériences personnelles et celles de tous nos amis, on voit que le vote s'attache à des éléments autres que le portrait publié dans un journal. Je peux me tromper et je vous demande si vous avez des statistiques sur l'importance de l'influence des sondages lors du vote.

Il y a un deuxième petit point, et il s'agit de l'encadrement des budgets des tiers. Tous mes collègues travaillent fort ici pour faire la lumière sur ces points. Je pense que ce ne sont pas les tiers qui dépensent des millions et des milliards de dollars. La plupart sont des organismes bénévoles qui ont, pour la plupart, beaucoup de difficulté à assurer leur financement. Je ne m'attends pas à des publicités de 1 million ou de 10 millions de dollars lors d'une campagne sur un point spécifique. Mais encore là, cela n'aurait pas beaucoup d'impact parce que les campagnes électorales se font au niveau du leadership. Les sondages nous prouvent que les choix de vote se font à 95 p. 100 en fonction du leader. Donc, les campagnes sur des points objectifs n'ont pas d'impact sur le vote. C'est comme cela.

J'aimerais savoir si vous avez une idée des sommes qui ont été dépensées par les tiers lors des campagnes électorales de 1997, de 1993 et même de 1988, alors que nous avions un enjeu qui dépersonnalisait la campagne, à savoir le libre-échange. Cela, c'était différent.

Les gens votent en faveur d'un leader parce qu'ils l'aiment. Les idées jouent très peu. Je peux me tromper radicalement, mais à ce que je sache, les campagnes se font autour de deux, trois ou quatre idées, et ensuite autour de la confiance qu'on a dans le leader. Un député est responsable de 5 p. 100 de ses propres votes. Il ne faut jamais oublier cela. Il ne faut pas être prétentieux. C'est le leader qui nous traîne: M. Mulroney, M. Trudeau et tous les autres. C'est comme cela que les choses fonctionnent.

Donc, j'ai deux petites questions: premièrement, l'impact des sondages et, deuxièmement, les sommes qui ont été dépensées dans vos médias par les tiers.

[Traduction]

M. Blair Mackenzie: Monsieur le président, puis-je répondre?

Le président: Monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: Merci beaucoup.

Pour répondre brièvement à votre question, notre industrie ne tient pas de statistiques sur l'influence précise, si influence il y a, des sondages d'opinion publique sur le résultat des élections.

Lors de la préparation du procès qui a eu lieu récemment, nous avons demandé le témoignage de spécialistes en sciences politiques, qui nous ont dit et qui ont dit aux tribunaux que, bien que la publication de sondages d'opinion ait souvent cinq ou six conséquences, celles-ci semblent se neutraliser. Nous n'avons trouvé aucun moyen de faire un sondage permettant d'aller au fond de la question.

• 1640

En fait, les propres preuves du gouvernement provenaient en majeure partie du rapport Lachapelle, qui admettait fondamentalement qu'il était très difficile d'en évaluer les conséquences et qu'en grande partie celles-ci se neutralisaient. Cela se trouve bien entendu au coeur des préoccupations que nous avons exprimées ce matin.

Mais pour vous répondre brièvement: non, je n'ai pas de sondage à vous remettre pour répondre à la question que vous venez de poser.

En ce qui concerne votre deuxième question, vous nous demandez si nous avons de l'information au sujet des budgets des tiers. Vous avez indiqué qu'un grand nombre de ces organisations sont très petites.

Pour répondre brièvement à cette question, je dois malheureusement vous dire ici aussi que nous n'avons pas d'information cohérente à ce sujet. Je ne suis pas en mesure de vous indiquer quel est le budget type d'une organisation de ce genre. C'est une information qui pourra vous être fournie par un représentant de l'une de ces organisations.

Si j'ai mal compris vos questions, je m'en excuse, et je me ferai un plaisir d'y répondre à nouveau.

M. André Harvey: Non, c'est très bien.

Je vous remercie.

Le président: M. Goldstein voulait ajouter quelque chose à une question qui a été posée plus tôt. Je vais lui donner l'occasion de le faire maintenant, s'il le souhaite.

M. David Goldstein (directeur, Relations gouvernementales, Association canadienne des radiodiffuseurs): Très bien, à moins que Mme Rathwell ne veuille d'abord répondre à la question de M. Harvey.

Je veux répondre aux questions posées par Mme Catterall, car elle a soulevé certains aspects intéressants—notamment, quand une campagne est-elle terminée, et quand avons-nous cette période de réflexion avant d'aller voter?

Je crois que personne ici présent ne sera étonné d'apprendre que Mme Catterall elle-même est une candidate qui mène une campagne acharnée et qui profiterait de ce dimanche précédant le jour des élections et dépêcherait sans doute des troupes, en grand nombre, dans les rues pour tâcher de recueillir le plus de voix possible le jour même des élections.

Quand la campagne prend-elle fin? Officiellement, elle prend fin à une centaine de mètres de l'isoloir, où aucune affiche ne peut être installée ni aucune brochure remise. Mais si nous établissons un point d'arrêt arbitraire d'une campagne pour les sondages ou pour d'autres types de communications, devons-nous alors envisager un moment arbitraire où il faut cesser de publier des éditoriaux dans les journaux? Devons-nous envisager un moment où la campagne elle-même prend fin?

On s'aventure en terrain glissant. À quel stade—c'est-à-dire la période de 29 jours ou la période de 36 jours—la campagne prend-elle fin?

Pour répondre à votre question plus précisément—à savoir devrions-nous pouvoir publier des sondages, et comment pouvons-nous publier des sondages sans que vous publiiez des annonces?—je pense que l'argument que nous faisons valoir dans notre mémoire, c'est qu'il ne faudrait pas imposer de moratoire sur la publication d'annonces ou de résultats de sondages.

Le président: Très bien.

À moins qu'il ne s'agisse d'une question de privilège personnel, madame Catterall, nous...

Mme Marlene Catterall: Ce n'est pas une question de privilège personnel...

Le président: Non, je blague.

Mme Marlene Catterall: ... mais la réponse, en fait, se trouve dans la loi même. Quand vos membres du secteur de la radiodiffusion sont-ils libérés de l'obligation d'offrir du temps gratuit aux partis politiques?

M. David Goldstein: Je crois que ce dont il s'agit...

Mme Marlene Catterall: C'est 48 heures avant. C'est votre délai arbitraire.

Le président: Je vous remercie.

Je vais maintenant poser une question pour laquelle je ne demande pas de réponse. Il s'agit d'une théorie. Vous vous demandez pourquoi on devrait interdire la publication, et je vais vous proposer une explication. Je n'ai pas besoin de réponse, mais mes collègues voudront peut-être en discuter.

Je vais appeler cela le concept des «coups bas». Qu'il s'agisse des résultats d'un sondage ou d'autres éléments d'information communiqués au moyen de publicités lors d'une campagne, l'article 91 du projet de loi prévoit qu'il est interdit de publier:

    une fausse déclaration concernant la réputation ou la conduite personnelle d'un candidat ou d'une personne qui désire se porter candidat avec l'intention d'influencer les résultats de l'élection.

La loi prévoit donc une interdiction, ainsi qu'une procédure d'injonction à laquelle peut recourir le directeur général des élections—notamment pour assurer un certain ordre dans cette course de chevaux. Il ne s'agit pas de savoir quel cheval franchira la ligne d'arrivée le premier; la décision est prise par tous ceux qui observent la course depuis les tribunes. Ce que nous tâchons de faire, et ce que nous estimons avoir l'obligation de faire, c'est de maintenir un certain ordre dans cette course, et notamment de ne pas laisser le système être faussé par les choses étranges qui se passent dans les tribunes, où se trouvent tous les juges.

• 1645

Donc, ce qui importe par-dessus tout, c'est la course, et non pas ce qui se passe dans les tribunes, et c'est ce sur quoi nous mettons l'accent. Je considère que l'une des raisons pour lesquelles nous avons une interdiction de publication et des règles, dans ce cas-ci cette règle des 48 heures, c'est pour empêcher les coups bas, les faux sondages achetés par un participant quelconque aux élections, qu'il s'agisse d'un tiers ou d'un candidat, ou les faux renseignements publicitaires publiés au cours des 48 dernières heures.

En prévoyant une interdiction de publication, nous réduisons le risque que le processus soit faussé et nous donnons aux partis, ou au directeur général des élections ou à n'importe qui d'autre, la possibilité de répondre avant le jour du scrutin.

C'est donc l'une des raisons pour lesquelles nous avons besoin d'une interdiction de publication. Si vous voulez y répondre lors d'une autre question, libre à vous.

Je dois céder la parole à M. Bergeron, puis à M. White de nouveau.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le président, il semble que nous soyons en communion d'esprit puisque j'avais l'intention de poser une question sur ce même sujet. J'ai été un petit peu surpris d'entendre M. Harvey dire tout à l'heure qu'au fond, les idées et les candidats et candidates n'avaient aucune importance, que l'important, c'étaient les chefs.

Sans vouloir me prendre pour un autre ou être présomptueux, je pense qu'il ne faut pas minimiser ou banaliser le rôle que peuvent jouer les idées et les candidats. Si le tout ne repose que sur le chef, je postule qu'il sera en bien mauvaise posture lors des prochaines élections.

Cela dit, j'aimerais maintenant en arriver à ma question.

M. André Harvey: Monsieur le président, je veux préciser que je n'ai pas dit tout à fait cela. J'ai énuméré les choses selon leur ordre d'importance en termes d'impact lors d'une campagne électorale. Mon ami Stéphane est très conscient de cette réalité. Qu'il se souvienne de 1993, alors que M. Bouchard a joué un important rôle de leadership. Il est prouvé statistiquement que de 90 à 95 p. 100 des votes sont attribuables au chef lors d'une campagne nationale. Merci.

M. Stéphane Bergeron: Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais poursuivre.

Je suis toujours un petit peu surpris qu'on invoque, pour s'opposer à l'idée d'un black-out sur les sondages, le fait qu'on n'a pas réussi à faire la démonstration que le black-out avait une certaine utilité. On a beau invoquer le fait qu'on veut prémunir les candidats et candidates contre des informations erronées en toute fin de campagne, contre lesquelles ils ne pourraient eux-mêmes réagir puisqu'ils n'auraient pas le temps de le faire, on a beau invoquer le fait que plusieurs journaux ne paraissent pas le dimanche et qu'ils sont conséquemment dans une position d'iniquité par rapport à ceux qui paraissent le dimanche, on a beau invoquer le fait qu'il est important que les électeurs, après avoir été soumis à un bombardement d'information pendant 36 jours, aient à tout le moins 48 heures pour prendre un certain recul par rapport à toutes ces informations et faire un choix éclairé, il semble que ce ne soit pas suffisant pour convaincre un certain nombre d'intervenants, notamment l'Association canadienne des journaux et l'Association canadienne des radiodiffuseurs, de la pertinence d'imposer un black-out.

Pourtant, ils voudraient que nous éliminions quelque black-out que ce soit sur les sondages sans avoir pu eux-mêmes faire la démonstration de l'utilité du sondage, puisqu'ils reconnaissent d'emblée que le sondage n'a aucun impact sur le résultat du vote. Si le sondage n'a absolument aucun impact sur le résultat du vote, quelle est l'utilité pour l'Association canadienne des journaux ou l'Association canadienne des radiodiffuseurs de diffuser un sondage à quelques heures du moment du vote?

[Traduction]

Le président: Monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: Si vous me le permettez, monsieur le président, je répondrai d'abord à la question que vous avez posée.

Je ne peux pas parler au nom des radiodiffuseurs, mais il arrive couramment que les journaux refusent de publier, à la fin d'une campagne, de l'information qu'ils considèrent comme tout à fait déplacée. Au cours de ma carrière, j'ai refusé de publier des annonces qui devaient paraître le jour des élections ou avant les élections, précisément parce qu'elles faisaient de nouvelles insinuations scandaleuses que personne n'aurait l'occasion de réfuter. À ce stade-là, cela devient entièrement une question d'intérêt public.

• 1650

Ce qui nous pose problème dans le cas d'une interdiction, c'est lorsque l'État va plus loin et déclare qu'il ne peut pas compter sur nous pour prendre ce genre de décisions et qu'il doute que nous puissions être raisonnables. Il va donc nous imposer d'en haut l'interdiction de publier ce genre de choses.

Mais je peux vous assurer que j'ai refusé de publier des annonces précisément pour les raisons que vous avez mentionnées.

J'aimerais répondre brièvement à la question posée par M. Bergeron. Notre position n'est pas que les sondages n'ont aucune influence. Notre position—et c'est la position que nous avons maintenue tout au long du procès—c'est qu'ils ont des impacts assez différents, mais que, d'après ce que nous avons pu déterminer, ceux-ci semblent se neutraliser. Nous considérons que les sondages n'ont pas nécessairement une influence quelconque. Ils ont cinq ou six effets différents. Donc nous ne considérons pas qu'ils n'ont aucun impact.

À notre avis, il est très évident que nos lecteurs sont extrêmement intéressés par les sondages, surtout ceux qui souhaitent voter de façon stratégique. Le meilleur exemple possible serait non pas dans le contexte de la Loi électorale du Canada, mais dans le contexte d'un référendum, où vous pouvez croire que nos lecteurs tiennent désespérément à savoir qui mène et qui est à la traîne, et pourquoi, et à obtenir un point de vue différent.

Donc, oui, ils nous intéressent et, oui, ils ont un impact, mais nous ne sommes pas en mesure d'évaluer précisément quel en est l'impact.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président...

[Traduction]

Le président: Monsieur Bergeron, nous venons de dépasser la limite de cinq minutes.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Très bien. Ça va.

[Traduction]

Le président: Si nous prenons la nouvelle habitude de ne poser qu'une question à la fois, nous ferons alors un tour de table rapide. Monsieur White, suivi de M. Harvey, et Mme Parrish a une question à poser, aussi.

M. Ted White: Monsieur le président, j'aurais préféré croire que nous étions en train d'établir des règles pour dénicher de nouveaux talents plutôt que pour une course de chevaux, mais je m'écarte du sujet.

Mme Parrish et Mme Catterall ont soulevé une question concernant les droits des candidats. Je crois que les discussions entourant ce projet de loi ont permis de constater qu'il touche beaucoup de gens, beaucoup d'organisations et beaucoup d'intérêts. J'ai l'impression qu'il n'y a pas eu suffisamment de consultations de la part du gouvernement ou de consultations suffisamment étroites des groupes touchés.

Par exemple, en ce qui concerne la question des tiers soulevée par Mme Parrish. Elle a demandé: pourquoi devrait-on m'imposer des restrictions? Je pense que c'est l'orientation que nous sommes en train de prendre. Comme le gouvernement est en train d'imposer à nouveau ce que le public considère comme la loi du bâillon, cette loi sera contestée et abrogée. Il restera alors peut-être à Mme Parrish à aller devant les tribunaux et à dire que cette loi est également injuste à son égard, et elle sera annulée.

À mon avis, il aurait été préférable que le gouvernement s'adresse directement aux groupes touchés et tâche d'arriver à un certain compromis. Existe-t-il un terrain d'entente qui nous permettra de collaborer à l'établissement de règles pour dénicher de nouveaux talents?

C'est pourquoi je vais demander à chacun des représentants des organisations ici présents s'il est au courant de toute démarche faite directement par le gouvernement auprès de son organisation pour tâcher d'arriver à un compromis sur cette cause très importante impliquant Southam afin de trouver un terrain d'entente qui pourrait faire partie de ces règles.

M. Blair Mackenzie: La réponse est non, aucune démarche officielle n'a été faite auprès de notre association. Nous tenons toutefois à remercier le ministre Boudria, qui, après que nous eûmes demandé à le rencontrer, a accepté de nous rencontrer brièvement à l'occasion d'un petit déjeuner. C'est là l'étendue des consultations qui ont eu lieu.

M. Ted White: Si je pouvais simplement poser une question supplémentaire—et j'aimerais poursuivre dans la même veine—croyez-vous qu'il vous aurait été possible de céder un peu de terrain et d'arriver à négocier un compromis qui aurait satisfait tout le monde?

M. Blair Mackenzie: Nous avons participé, par exemple, à de vastes consultations sur la loi destinée à protéger les renseignements personnels. Nous avons assisté à un certain nombre de réunions et avons été heureux d'arriver à un compromis. Bien entendu, si on nous offrait l'occasion de discuter de cette question dans un autre cadre, je suis sûr—et, Anne, je pense que vous seriez d'accord...

Mme Anne Kothawala: Tout à fait.

M. Blair Mackenzie: ... pour dire que nous y participerions.

M. Ted White: Monsieur Doody, monsieur Goldstein, ou madame Rathwell.

M. David Goldstein: Nous sommes du même avis.

M. Ted White: Très bien, je vous remercie.

Le président: Monsieur Harvey.

[Français]

M. André Harvey: Monsieur Mackenzie, êtes-vous capable de trouver une raison pour laquelle le projet de loi du gouvernement devrait encadrer toute la question des sondages et celle des dépenses des tiers si cette réalité n'existe pas, si c'est inutile, si on est en train d'encadrer le vide? Êtes-vous capable de justifier cela rationnellement, de trouver une seule raison pour laquelle cela devrait se faire et pour laquelle on pourrait aller en litige?

• 1655

[Traduction]

M. Blair Mackenzie: Si j'ai bien compris votre question en ce qui concerne l'interdiction de publication de sondages d'opinion, j'aimerais y répondre. Nous n'arrivons pas vraiment à comprendre pourquoi le gouvernement a cherché, au moyen du projet de loi C-2, à s'aventurer dans ce territoire que la Cour suprême du Canada avait à notre avis parcouru de long en large et à rétablir une interdiction alors que nous pensions qu'il était tout à fait clair qu'il n'existait aucune preuve permettant d'appuyer une telle initiative.

En ce qui concerne la publicité par une tierce partie, je dirai simplement que personnellement j'ai beaucoup de sympathie pour ceux qui doivent concevoir un régime pour cette question. Je ne peux pas dire que je suis venu ici cet après-midi avec des réponses, mais nous avons une position, et c'est simplement ce que nous avons dit, à savoir qu'il ne nous semble pas que le plafond de 150 000 $ soit trop bas. Mais je veux que l'on comprenne bien que cela n'est pas du tout une question facile. J'ai beaucoup de sympathie pour ceux qui essaient de trouver une solution.

Le président: Madame Parrish.

Mme Carolyn Parrish: Merci.

L'exemple que vous avez donné à M. Lee d'annonces supprimées illustre très bien la chose pour moi. Je sais que vous êtes intègre, mais j'arrive au point où je commence à croire que les médias créent la nouvelle au lieu de la relater. La ligne est fine. D'autres journalistes n'ont peut-être pas votre intégrité.

Le fait que vous ayez dû supprimer des annonces vraiment mauvaises à la fin et le fait qu'en 1993 j'ai presque fait l'objet d'une annonce qui était vraiment terrible me renforcent dans ma conviction que l'embargo de 48 heures est absolument nécessaire.

L'autre chose, c'est qu'au cours des 48 dernières heures les gens sont plus au courant. Je pense que les électeurs se contentent de feuilleter le journal, mais au cours des 48 dernières heures, ils sont plus au courant. Cela a donc beaucoup plus d'effet.

Voici l'effet auquel je pense: deux électeurs qui habitent ensemble sont appelés à la porte, et l'un des deux n'est pas très enthousiaste. Au dernier instant, cette personne dit qu'elle ne sait pas pour qui voter, mais son épouse est très décidée. Je pense que les sondages, l'information que l'on met sur leurs portes et les collants que l'on met sur leurs boîtes aux lettres peuvent l'influencer, lui, et il va aller à la porte et se dire: je pense que je vais voter pour celui-ci, ou, alors, le National Post dit que les Conservateurs vont gagner; alors je vais voter pour l'équipe gagnante.

Vous m'avez demandé des cas qui expliquent pourquoi cette avalanche d'information n'est pas bonne. Regardez la participation des électeurs au cours des 15 dernières années pendant lesquelles les médias sont devenus beaucoup plus perfectionnés et combatifs. Partout où l'on regarde, les médias se jettent sur vous. La participation des électeurs baisse de plus en plus. Ce n'est pas seulement parce qu'ils sont surmenés. Si vous leur donnez un sondage à la 11e heure qui dit que les Conservateurs vont gagner haut la main, pourquoi se donner la peine de voter? Je pense que ça, c'est un exemple.

La dernière chose que je dirai, c'est que je pense que vous voulez publier un sondage le dernier jour parce que c'est l'équivalent des Olympiques pour les médias. Chacun veut avoir le sondage qui se rapprochera le plus du résultat le dernier jour. Il y a donc beaucoup de concurrence. Vous souriez. Je pense qu'intérieurement c'est la moitié de la raison pour laquelle vous voulez publier un sondage le dernier jour. Tous les éditeurs misent sur qui aura le meilleur sondage à la fin.

Comme vous l'avez dit, cela ne fait que des dégâts, et fait baisser la participation des électeurs, qui sont moins bien informés, parce que la conscientisation de dernière minute de l'électeur hésitant, comme mon mari, que je traîne dehors—non, il vote de son plein gré. Il aime que je ne reste pas à la maison...

Une voix: Et il vote pour vous.

Mme Carolyn Parrish: Et il vote pour moi chaque fois. Mais je pense qu'au bout du compte plus j'écoute tout le monde, plus je réalise que vous faites ce qu'il faut ici. Merci.

M. Michael Doody: Je crois que la véritable raison de ce refus, c'est que l'on ne fait pas confiance aux électeurs. Vous pensez que les électeurs sont trop stupides pour comprendre.

Mme Carolyn Parrish: Non, pas du tout. Les électeurs qui nous écoutent depuis quatre ans savent pour qui ils vont voter. Toute la publicité au monde n'est qu'une perte de temps.

Je ne suis pas d'accord ave M. Harvey quand il dit que tout le monde vote pour le chef. Si le vote est très serré et si la participation électorale est faible, ces 5 p. 100 font une énorme différence. Je n'ai pas envie de vous voir publier un sondage dans ma circonscription à la dernière minute...

Mme Marlene Catterall: Auquel vous ne pouvez pas répondre.

Mme Carolyn Parrish: ... pour dire à mes partisans: ne prenez pas la peine de vous déranger parce qu'elle va perdre de toute façon...

Mme Marlene Catterall: Ou qu'elle va l'emporter massivement.

Mme Carolyn Parrish: ... ou qu'elle va l'emporter massivement; donc inutile de se déranger. J'ai déjà perdu une élection à cause de cela.

M. Michael Doody: C'est simplement un élément d'information disponible...

Mme Carolyn Parrish: Je sais, et il y a trop...

M. Michael Doody: ... je crois que dans l'ensemble les électeurs sont suffisamment intelligents pour examiner toutes ces sources d'information et les soupeser.

Mme Carolyn Parrish: C'est pour cela que les Canadiens ont élu un gouvernement libéral aux deux dernières élections...

M. Michael Doody: Je ne m'engagerai pas sur ce terrain.

Mme Carolyn Parrish: ... et que nous avons fait campagne tous les jours. Une campagne électorale, cela ne se fait pas dans les 30 derniers jours seulement, sinon on perd. Regardez ce qui est arrivé à M. Mulroney. Il avait plus d'argent, plus de place dans les journaux et à la télévision, et il a réussi à faire élire deux personnes, deux.

• 1700

M. Michael Doody: Enfin, tout ce que nous disons, c'est qu'à notre avis on ne doit pas cacher d'informations aux électeurs.

M. Carolyn Parrish: Nous ne cachons rien. Nous calmons simplement...

M. Michael Doody: Seulement au cours des deux derniers jours.

Mme Carolyn Parrish: D'accord.

Le président: Pour autant que je sache, la loi n'interdit pas aux journaux de publier des informations. Ils peuvent publier des informations et des éditoriaux. Ce qui est restreint, c'est la publicité et les sondages. On ne peut donc pas honnêtement parler d'occultation complète de l'information. Ce n'est absolument pas cela. C'est seulement...

M. Michael Doody: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Mme Anne Kothawala: J'aimerais cependant ajouter qu'à notre avis les sondages sont un élément d'information. Pour reprendre la question que posait M. Bergeron tout à l'heure—«Alors, pourquoi voulez-vous publier cela s'il est prouvé que cela ne sert à rien?»—la véritable question, c'est que nous, les journalistes, nous ne sommes là que pour recueillir et diffuser l'information, et dans la mesure où les sondages sont des éléments d'information, nous souhaitons pouvoir diffuser cette information. C'est notre rôle dans une société démocratique.

Il ne s'agit pas de savoir si ces informations sont utiles. Qu'elles le soient ou non, ce sont des informations que nous souhaitons pouvoir continuer à communiquer à nos lecteurs. Tout obstacle à cette liberté est une entrave à notre rôle dans une société démocratique.

Le président: Monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: Merci. Je voudrais simplement répondre à la remarque de Mme Parrish, qui laisse entendre que si la participation électorale est faible, c'est en partie ou totalement à cause des journaux. Voilà une argumentation que je ne connaissais pas.

Mme Carolyn Parrish: J'en suis convaincue.

M. Blair Mackenzie: Je le veux bien, mais j'aimerais bien entendre quelque chose de plus solide que cette simple affirmation.

Mme Carolyn Parrish: C'est ma conviction profonde.

M. Blair Mackenzie: J'aimerais tout de même avoir autre chose qu'une simple conviction profonde, et si vous avez quelque chose de vraiment concret pour appuyer cette conviction, nous sommes tout ouïe.

Le président: Je crois que nous avons encore trois questions. M. Bergeron en a une, et M. Richardson aussi. Vous aussi, monsieur White?

M. Ted White: Non.

Le président: Bon, c'est simplement M. Bergeron et M. Richardson.

M. Ted White: Je suis d'accord avec tout ce que disent les témoins. Je n'ai pas d'autres questions à poser.

Le président: Bon.

Monsieur Bergeron.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, j'aimerais poursuivre sur la question que j'ai posée tout à l'heure. Je m'étonne toujours de voir un certain nombre d'intervenants invoquer les jugements des tribunaux sur la question des limites de dépenses des tiers et sur celle des sondages. On invoque jusqu'à plus soif les décisions des tribunaux pour se justifier de demander qu'il n'y ait pas de limite sur les dépenses des tiers ou que les limites soient plus élevées. De la même façon, on invoque les jugements des tribunaux pour justifier le fait qu'il ne devrait pas y avoir d'interdiction de publication des sondages durant les 48 dernières heures.

Cependant, lorsqu'on regarde attentivement les jugements qui ont été rendus par les tribunaux sur ces deux questions, on voit que les tribunaux estiment que, oui, il y a peut-être limitation des droits, mais que cette limitation était justifiée, quoique excessive. On reconnaît dans les deux cas la logique qui sous-tend la décision du gouvernement d'imposer une limite de dépenses.

Concernant les dépenses des tiers, cela va beaucoup plus loin. On dit même qu'on devrait effectivement fixer une limite de dépenses des tiers et que cette limite devrait être en deçà de celle qui est fixée pour les partis politiques. M. White répète inlassablement que les tribunaux disent qu'il ne devrait pas y avoir de limite aux dépenses des tiers. Je dirai que M. White transporte la vérité sans précaution. Il y a, bien sûr, le fait que la limitation des dépenses des tiers telle qu'elle était prévue autrefois dans la Loi électorale était trop restrictive, mais le tribunal reconnaît qu'on doit effectivement fixer une limite des dépenses des tiers et que cette limite doit être en deçà de celle qui est fixée pour les partis politiques.

• 1705

Cela dit, j'aimerais revenir sur le commentaire que faisait madame à propos de la question que j'ai posée. J'ai simplement voulu faire une analogie entre le fait que vous demandez aux parlementaires des justifications, des arguments motivant la décision d'imposer une limitation quant à la publication des sondages. De la même façon, je demande une justification pour ne pas le faire. Si votre seule justification est de dire: «Nous sommes des disséminateurs d'information et nous devons avoir toute liberté pour disséminer l'information, quelle qu'elle soit, à quelque moment que ce soit», je vous dirai que nous avons, de notre côté, le devoir de préserver l'intérêt public. Dans ce sens-là, il y a un certain nombre d'arguments qu'on invoque et que j'ai invoqués tout à l'heure qui ne semblent pas vous satisfaire en soi, mais qui nous apparaissent, comme législateurs, suffisamment importants pour que nous ayons l'impression de devoir imposer une limite quant à la diffusion des sondages.

Il s'agit davantage d'un commentaire sur la discussion que nous avons eue que d'une question bien précise, mais peut-être ce commentaire appellera-t-il une réponse de votre part.

[Traduction]

M. Michael Doody: Vous nous demandez de donner une justification au fait que vous ne devriez pas appliquer l'interdiction de publication. En fait, c'est le contraire qu'il faudrait faire. Ce que la Cour suprême a dit, c'est que tout le monde au Canada a le droit de s'exprimer et de donner des informations. C'est la liberté d'expression. C'est un droit garanti par la Constitution.

En fait, c'est au gouvernement qu'il appartient de se justifier s'il veut limiter ce droit, puisque nous savons que la Cour suprême considère que l'on ne doit pas limiter ce droit à moins d'avoir une raison de force majeure. Le gouvernement n'a pas été en mesure de se justifier la dernière fois, et à notre connaissance le ministre Boudria a simplement dit que la situation n'avait pas changé. C'est donc au gouvernement qu'il appartient de démontrer pourquoi il devrait limiter les droits constitutionnels des Canadiens.

Le président: J'espère que le Parlement pourra énoncer ces raisons et que les avocats du gouvernement pourront les reformuler au besoin ultérieurement. Quand vous parlez du gouvernement, j'imagine que vous parlez du Parlement.

M. Michael Doody: Je pensais que si le Parlement discutait d'une éventuelle limitation de certains droits, il chercherait à savoir si cela se justifie ou non.

Le président: Oui, bien sûr.

M. Michael Doody: Pourtant, il ne l'a pas fait la dernière fois.

Le président: Nous essayons de nous assurer que toutes nos lois respectent la Charte et sont claires et acceptables sur le plan constitutionnel. C'est bien évident. Merci de nous avoir rappelé cela.

M. Michael Doody: Pourtant, cela n'a pas été le cas la dernière fois, monsieur le président. Je sais que vous laissez entendre que la décision de la Cour suprême n'est pas tout à fait pertinente, mais nous sommes là pour vous dire que non.

Le président: Je n'ai jamais dit que cette décision n'était pas pertinente. Nous apprécions les orientations que nous proposent les tribunaux, mais, en fin de compte, c'est le Parlement qui doit se prononcer sur la loi, et nous faisons tout notre possible pour le faire conformément à la Constitution et à notre rôle.

M. Michael Doody: Nous reconnaissons pleinement le rôle du Parlement.

Le président: Bien.

Monsieur Richardson, vous avez une question.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur une question abordée tout à l'heure et qui n'a pas suscité à mon avis la discussion qu'elle aurait méritée; je veux parler de la possibilité que les gens qui reçoivent une subvention inférieure à 150 000 $ et qui ont une communauté d'intérêt ou une cause commune regroupent tout leur argent dans une cagnotte commune pour mettre tout leur poids financier au service de leur cause.

Il peut s'agir d'une cause religieuse, comme on l'a vu lors d'élections où des groupes religieux partageant des valeurs semblables se sont alliés, si l'on peut dire. Ces gens-là peuvent mener une campagne négative en disant: «Ne votez pas pour un tel», ou une campagne positive en disant: «Votez pour un tel.» Quelquefois, c'est une simple feuille de papier qu'on distribue de porte à porte. Parfois, c'est une publicité dans les journaux pour dire qu'il ne faut pas appuyer un parti ou voter pour lui.

J'ai l'impression que, dans une société démocratique, ces personnes qui n'ont pas de fonds et qui ne travaillent pas quotidiennement, mais apparaissent tout d'un coup au moment des élections, avec l'appui, soit dit en passant, du système... Je crois qu'un jour il arrivera une situation où des tiers de ce genre auront plus d'argent à dépenser pour une cause que tous les partis.

• 1710

Prenons un petit exemple. La dernière fois, c'était les partisans des armes à feu qui disaient: «Ne votez pas pour un tel ni pour un tel», et qui distribuaient une liste des gens qu'ils considéraient comme leurs partisans ou leurs adversaires. C'est à cela qu'ils utilisaient leur argent. Il pourrait y avoir d'autres cas tout à fait semblables.

En tant que démocrate, j'ai peine à croire que ce soit une bonne façon de procéder. Quand des partis dépensent de l'argent, on sait qui ils sont et ce qu'ils représentent, et l'argent qu'ils ont, c'est à la force de leur travail qu'ils le doivent. Les autres arrivent la bouche en coeur avec de l'argent tout simplement, et des valeurs qui sont peut-être différentes ou des points de vue différents, et ils exigent qu'on s'en occupe efficacement.

Je pense donc que la question est loin d'être réglée.

Le président: Un des témoins souhaite-t-il répondre?

Monsieur Richardson, vous parliez de la limite des dépenses des tiers.

M. John Richardson: L'intervention des tiers, oui.

Le président: Pas l'intervention des tiers, mais la limite des dépenses.

M. John Richardson: C'est exact.

Le président: Très bien.

Je voudrais remercier nos témoins. Vous nous avez apporté des points de vue très importants sur des articles importants de ce projet de loi. Les questions que vous avez soulevées ici ont déjà été discutées officiellement à la Chambre et vont continuer d'y être débattues exactement comme ici. Vos interventions ont permis aux députés de mieux cerner les paramètres de ces questions importantes, qui concernent toutes la Charte et la société canadienne.

Merci encore une fois pour vos interventions.

Monsieur Bergeron.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Je veux simplement clarifier quelque chose pour M. Mackenzie. J'ai cru comprendre en écoutant la présentation, et vous pourrez me corriger si je fais erreur, que la position de nos témoins est qu'au moment du début de l'interdiction de publier les sondages, l'électorat est déjà assez bien fixé et a déjà une bonne idée du choix qu'il va faire. C'est pour cela que j'ai dit que, selon vous, il n'y avait pas d'impact.

Donc, si je comprends bien, l'impact que vous envisagez n'est pas surtout au niveau du choix, sinon pour une partie assez limitée de la population qui ferait ce que vous avez appelé un vote stratégique. Les quelques gens qui resteraient indécis 48 heures avant le vote pourraient attendre de voir la tendance afin de voter du côté du gagnant ou Dieu sait quoi. Mais, d'une façon générale, j'ai cru comprendre que vous reconnaissiez qu'à 48 heures de l'élection, la très grande majorité des électeurs avaient déjà fait leur choix dans leur esprit.

[Traduction]

M. Blair Mackenzie: Si vous le permettez, monsieur le président, je ne crois pas que nous ayons dit que 48 heures avant les élections tout le monde avait fait son choix. Si je me souviens bien, c'est peut-être M. Harvey qui l'a dit. Pardonnez-moi si je me trompe.

Ce que nous disons, c'est que la publication de sondages d'opinion a manifestement une certaine influence au cours de la campagne. Nous disons seulement qu'à notre avis ils semblent se neutraliser les uns les autres. Mais je ne pense pas que nous soyons en mesure de dire que 48 heures avant les élections tout le monde a fait son choix. Certainement pas.

M. Stéphane Bergeron: Je n'ai pas dit «tout le monde».

M. Blair Mackenzie: Soit.

Le président: C'est parfait.

Je n'aime pas avoir le dernier mot, mais je n'y résiste pas.

Si les sondages—et nous sommes peut-être tous d'accord là- dessus—ont effectivement une influence au cours des derniers jours d'une campagne, ils n'influencent cependant qu'une très faible marge de l'électorat. Mais je pense que l'on peut dire qu'en fin de campagne cette très faible marge d'électeurs peut en fait faire la différence dans une élection locale.

• 1715

Je ne voudrais pas vous obliger à accepter que cela soit le dernier mot, et par conséquent si les témoins ne sont pas d'accord avec la façon dont j'interprète cette situation des derniers jours, ils peuvent le dire.

Sinon, je laisserai M. Solomon conclure, et nous pourrons lever la séance.

M. John Solomon: J'ai une autre question sur laquelle j'aimerais bien que vous vous penchiez, et c'est, encore une fois, celle de la publication des sondages d'opinion.

Si nous levons l'interdiction de publication des sondages d'opinion, n'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il faudrait aussi lever l'interdiction d'annoncer les résultats du dernier sondage le jour des élections en fonction du décalage horaire? Par exemple, dans l'Ouest canadien actuellement, nous ne pouvons pas savoir ce qui s'est passé dans l'Est avant que tous les bureaux de vote soient fermés. Il y a un black-out complet des médias.

Êtes-vous en faveur de la suppression de ce black-out aussi pour le dernier sondage, qui est en fait le meilleur?

M. Blair Mackenzie: Nous ne voyons pas pourquoi vous voudriez interdire la publication des résultats du dernier sondage, comme vous dites, le sondage décisif, parce qu'en fonction du décalage cela nous semble logique.

M. John Solomon: Pourquoi? C'est le sondage le plus précis. Il n'y a plus de sondage parasite. C'est la situation exacte telle qu'elle se présente. Toutefois, on risque de parler de sondage vicieux si ce sondage est publié par un groupe ou un particulier à l'avance.

M. Michael Doody: À notre avis, le résultat des élections n'est pas la même chose, qualitativement parlant, que les sondages d'opinion menés durant la campagne.

M. John Solomon: Certainement, mais si cela ne modifie pas les sondages publiés dans les journaux la veille, pourquoi est-ce que cela modifierait le résultat final de l'élection?

M. Michael Doody: Nous ne disons pas que cela ne le modifie pas.

M. John Solomon: Est-ce que cela le modifie?

M. Michael Doody: Nous disons qu'il s'agit d'informations que les électeurs sont en droit de connaître et que nous avons le droit de les formuler.

M. John Solomon: Mais ils n'ont pas le droit de les connaître le jour des élections? Si je suis en Saskatchewan et que je vote à 20 h 30 en Saskatchewan, c'est-à-dire à minuit, heure de Terre-Neuve, pourquoi ne pourrais-je pas savoir comment on a voté à Terre-Neuve quatre ou cinq heures avant, quand on a fermé les bureaux de vote là-bas?

M. Michael Doody: Nous estimons que c'est qualitativement différent.

Le président: Comme il s'agit plus de radiotélédiffusion que de communication de l'information dans les journaux, peut-être Mme Rathwell voudrait-elle intervenir.

Mme Cynthia Rathwell: Merci, oui.

Les radiodiffuseurs ne sont pas contre le fait de restreindre la publication des résultats, et je crois qu'il est important de ne pas communiquer cette information avant que tous les bureaux de vote d'une région soient fermés, parce que l'on veut que les électeurs de tout le pays comprennent qu'ils ont une voix légitime à formuler pour l'élection de leurs représentants.

Vous savez, depuis des années nous entendons dire que les provinces à l'ouest de l'Ontario n'ont pas suffisamment de poids parce que tout est décidé avant la fermeture de leurs bureaux de vote. Je pense que si on levait l'interdiction actuelle de publication des résultats, cela ne ferait qu'aggraver ce problème. Il est important que tous les électeurs du pays soient convaincus de la valeur de leur vote.

Le président: C'est Mme Rathwell qui a eu le dernier mot.

Merci encore d'être venus.

La séance est levée.