CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent du patrimoine canadien
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 octobre 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi, tout le monde. Nous allons commencer.
Bienvenue devant le Comité permanent du patrimoine canadien.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui plusieurs témoins pour continuer notre étude de l'industrie canadienne du logiciel de divertissement.
Nos témoins sont des représentants de la Writers Guild of Canada, de l'Association canadienne du logiciel de divertissement, de KPMG, de Interactive Ontario et de l'Alliance numérique. Certains ne sont pas encore arrivés mais nous savons qu'ils sont en route.
Nous allons commencer par les déclarations liminaires. La plupart d'entre vous avez deux représentants et, comme nous avons prévu 10 minutes par organisation, vous pouvez vous partager ce temps comme vous l'entendez.
Comme quelqu'un doit commencer, je donne d'abord la parole aux représentantes de la Writers Guild of Canada, qui sont Maureen Parker, directrice générale, et Kelly Lynne Ashton, directrice de la Politique.
Merci beaucoup.
Nous allons essayer de nous limiter à sept minutes d'exposé parce que nous savons qu'il y a beaucoup de monde.
Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je m'appelle Maureen Parker et je suis directrice générale de la Writers Guild of Canada. Je suis accompagnée de Kelly Lynne Ashton, directrice de la Politique de la WGC. Merci de votre invitation.
La Writers Guild of Canada est une association nationale représentant plus de 2 000 scénaristes professionnels de langue anglaise travaillant pour le cinéma, la télévision, la radio et la production numérique. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de ce qu'ils font spécialement en production de logiciels de divertissement, et de la manière dont le gouvernement pourrait appuyer leur travail dans le cadre de l'industrie canadienne des jeux vidéo.
On croit souvent que les logiciels de divertissement ne sont que des jeux de fusillade pour adolescents, et les gens sont souvent surpris d'apprendre que des membres de la WGC travaillent dans ce secteur et que notre association a compétence en la matière.
Pourquoi employer des scénaristes dans ce secteur? Tout simplement, parce que le scénario est un élément essentiel d'un jeu vidéo. Ce genre de scénario est à maints égards semblable aux scénarios de cinéma ou de télévision, mais il comporte aussi certaines différences importantes. Contrairement à ce qui se passe en télévision, le scénariste d'un jeu vidéo est rarement l'initiateur du projet.
Bien que chaque jeu soit différent, le scénariste intervient fréquemment dès le début du processus avec le concepteur du jeu pour rédiger toute la trame de l'histoire, ce qui comprend la définition du monde dans lequel le jeu sera situé. Bien souvent, cela se traduira par des centaines et des centaines de pages de script. Nous en avons apporté un exemplaire pour votre information. Vous voyez qu'il y a des centaines et des centaines de pages. Toutefois, le scénariste peut aussi intervenir à la fin du processus de création du jeu pour rédiger quelques lignes de dialogue à l'intention de certains personnages non joueurs, de façon à leur donner une personnalité. Dans certains cas, ces dialogues peuvent comprendre jusqu'à 20 000 lignes ou plus. Même dans un simple jeu de fusillade, il faut qu'il y ait une histoire pour expliquer l'origine de la bataille, et il faut certains éléments dynamiques pour faire avancer l'action. On consacre aujourd'hui de plus en plus de temps et d'attention à la création du monde dans lequel se passe l'histoire, en produisant des récits de contexte et des scènes d'action ou de dialogue entre les personnages qui sont un bonus.
Lutter contre les méchants peut être amusant mais il faut qu'il y ait une raison pour que le jeu soit vraiment intéressant. Dans le marché très occupé du jeu vidéo, les auteurs veulent que l'histoire soit aussi intéressante que possible pour attirer les joueurs et les conserver, et pour veiller à ce qu'ils achètent les jeux suivants de la même série. De plus en plus, les producteurs de jeux font appel à des scénaristes de productions dramatiques ou de comédies pour donner de la vie à l'intrigue et aux personnages. Les scénaristes canadiens travaillent sur la production de jeux vidéo au Canada mais certaines sociétés canadiennes vont encore chercher leurs scénaristes à Los Angeles.
Peut-être serait-il utile de décrire certains des jeux scénarisés par nos membres pour vous donner une meilleure idée de leur travail et du rôle qu'ils jouent dans le processus.
Adrian Vershinin, qui est aussi un auteur de télévision, rédige des scénarios de jeux vidéo depuis qu'il a commencé pour un jeu de course, Need For Speed: Underground2, en 2004. Il rédige parfois des dialogues pour des personnages non joueurs, et parfois pour des scripts beaucoup plus étoffés, comme pour Battlefield3, un jeu dans lequel le joueur devient un Marine américain luttant contre des terroristes au Moyen-Orient. Ces scripts font souvent 300 pages, alors qu'un script de long métrage au cinéma fait entre 90 et 100 pages.
Matt MacLennan est un scénariste chevronné de séries dramatiques qui a travaillé sur The Listener et Republic of Doyle. Son travail le plus récent a consisté à travailler sur le scénario de Splinter Cell: Blacklist, de Tom Clancy, un jeu d'aventure concernant une division secrète d'intervention américaine éliminant des terroristes dans le monde. Je ne voudrais pas vous faire croire que tous les jeux vidéo sont des histoires de terroristes, et c'est pourquoi je mentionne aussi le travail de Mario Azzopardi pour Warriors: Legends of Troy. Il a rédigé 300 pages de script pour raconter la Guerre de Troie dans un jeu qui permet aux joueurs de participer à la bataille de Troie.
Rédiger le scénario d'un jeu vidéo peut prendre jusqu'à deux ans de travail. Un scénariste peut aussi être engagé pour jouer le rôle de concepteur du jeu, fonction qui exige du travail de rédaction. Les descriptions de tâches sont certainement plus fluides dans l'industrie du jeu vidéo que dans celles du cinéma ou de la télévision, mais le rôle du scénariste est de plus en plus reconnu et valorisé. Par exemple, on décerne aujourd'hui des prix pour les meilleurs scénarios de jeux vidéo dans le monde, y compris au Canada.
La WGC pense que la scénarisation de jeux vidéo est un secteur émergent de la profession. Certaines sociétés de jeux vidéo recrutent des scénaristes de cinéma et de télévision, et certains jeunes scénaristes choisissent de faire carrière dans la scénarisation de jeux vidéo.
Votre comité a demandé quelles mesures le gouvernement pourrait prendre pour stimuler la croissance, l'innovation et le succès commercial dans cette industrie vitale du XXIe siècle. Voici quelques suggestions. La création d'un crédit d'impôt basé sur la main-d'oeuvre a été très efficace pour stimuler l'industrie du logiciel de divertissement dans plusieurs provinces, comme la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec. Ce crédit d'impôt est basé sur les dépenses en main-d'oeuvre de la société basée dans la province considérée pour fabriquer un produit interactif admissible. Il peut être utilisé pour le financement ou comme un revenu de l'entreprise. Il encourage l'entreprise à engager et à développer des scénaristes locaux pour éviter d'en faire venir de l'étranger. Nous appuyons vigoureusement les mesures destinées non seulement à favoriser l'expansion des sociétés de jeux vidéo au Canada mais aussi le recrutement de collaborateurs locaux.
Le gouvernement a beaucoup fait pour Téléfilm, le Fonds des médias du Canada, et les crédits d'impôt du cinéma et de la télévision pour appuyer les petites entreprises de ce secteur et veiller aussi à ce qu'elles stimulent le talent canadien. Certes, l'industrie du logiciel de divertissement est un secteur différent qui a peut-être besoin de systèmes de soutien différents, mais le gouvernement devrait préserver ses objectifs de politique sociale concernant l'appui aux créateurs canadiens ainsi qu'aux producteurs canadiens. Cela veut dire qu'il faut favoriser le recrutement prioritaire de créateurs canadiens et veiller aussi à ce que la plupart des dépenses soient faites au Canada. Le programme expérimental du Fonds des médias du Canada, qui permet de financer des productions numériques innovatrices comme les jeux vidéo, exige que les entreprises soient sous propriété et contrôle canadiens, et que 75 p. 100 des dépenses soient destinées à des Canadiens. Elles ne peuvent pas être conditionnelles à un critère de recrutement comme celui du BCPAC car il n'en existe pas.
Toutefois, si le gouvernement décide d'appuyer directement la production de logiciels de divertissement canadiens, nous recommandons vigoureusement l'instauration d'un système comparable de recrutement de talents locaux pour faire en sorte que le financement fédéral contribue à l'épanouissement d'un bassin de collaborateurs canadiens et de sociétés capables. Précisons clairement que nous ne recommandons pas du tout l'instauration de critères de contenu pour le financement fédéral de jeux vidéo comme il y en a pour le cinéma et la télévision. Certes, un jeu vidéo reflétant la société et les histoires canadiennes serait très apprécié mais imposer une telle exigence comme condition du soutien financier irait à l'encontre du caractère imaginaire de la plupart des jeux vidéo. Nous ne recommandons pas l'insertion de castors dans les jeux de massacre et de fusillade.
Certains des témoins qui nous ont précédés ont évoqué la nécessité de financer plus de programmes universitaires dans ce secteur, par exemple sur la scénarisation de jeux vidéo. Bien que les programmes universitaires puissent être utiles, nous pensons qu'il serait tout aussi intéressant d'appuyer des programmes de formation en cours de carrière qui permettraient à des scénaristes chevronnés d'apprendre l'art particulier de la scénarisation de jeu vidéo, ce qui permettrait en outre d'accroître immédiatement le bassin de scénaristes disponibles. La transition de scénaristes de cinéma et de télévision vers le jeu vidéo est plus une affaire d'ateliers de formation que d'études universitaires.
L'avenir qui s'offre aux scénaristes de jeux vidéo est particulièrement enthousiasmant, et nous examinons activement les possibilités existant à cet égard. Le secteur pourrait bénéficier de l'appui du gouvernement fédéral dans les domaines du financement de la formation professionnelle, à condition que le gouvernement maintienne un cadre de réglementation axé sur le développement d'un bassin de talent canadien et d'une industrie canadienne du jeu vidéo.
Nous vous remercions de votre attention et répondrons avec plaisir à vos questions.
Merci.
Nous passons maintenant à l'Association canadienne du logiciel de divertissement, représentée par Jayson Hilchie, président-directeur général, et Jason Kee, directeur de la Politique et des affaires juridiques.
Vous avez la parole, messieurs.
Bon après-midi. Je m'appelle Jayson Hilchie et je suis président de l'Association canadienne du logiciel de divertissement. Je suis accompagné de Jason Kee, directeur de la Politique et des affaires juridiques de l’ACLD.
L’ACLD est une association nationale représentant des entreprises du Canada fabriquant, commercialisant et distribuant des jeux vidéo pour des consoles de jeux vidéo, des appareils portatifs et mobiles, des ordinateurs personnels et l'Internet. L'association représente l'industrie canadienne du jeu vidéo qui regroupe près de 350 entreprises de tout le pays employant collectivement près de 16 000 personnes et générant directement 1,7 milliard de dollars d'activité économique.
Permettez-moi d'abord de remercier le comité d'avoir entrepris cette étude de l'industrie canadienne du logiciel de divertissement, qui est actuellement la troisième au monde de par la taille, et la première par habitant. Nous sommes heureux de pouvoir discuter avec vous du succès de ce secteur.
Le secteur a connu une croissance extraordinaire ces dernières années, même en période de récession, et nous prévoyons qu'il enregistrera cette année environ 17 p. 100 de croissance.
Les emplois offerts dans l'industrie du logiciel de divertissement sont vraiment les emplois de l'avenir: très bien rémunérés, fortement axés sur le savoir et l'innovation, et à la pointe de la créativité artistique. Notre industrie comprend un ensemble tout à fait unique de professions artistiques et technologiques, et c'est leur collaboration qui engendre des produits vraiment innovateurs.
Elle favorise aussi la création et le développement de nombreuses compétences polyvalentes différentes, notamment en art et en design, en animation, en effets visuels, en conception de jeux, en sonorisation, en saisie de mouvement ou de performances, en génie informatique, en production, en assurance de la qualité, en développement narratif, et en commerce et marketing. Ces compétences transcendent l'interprétation étroite de ces diverses activités et constituent le type même de compétences transférables qu'on peut exploiter dans les diverses branches de l'économie canadienne du savoir.
Nous avons la conviction que ces emplois sont les emplois de l'avenir, à cause de la popularité croissante du divertissement interactif dans le monde entier. Le secteur des jeux vidéo est le secteur de loisir qui connaît la plus forte expansion au niveau mondial. On estime actuellement que le marché mondial est de l'ordre de 67 milliards de dollars US, ce qui est plus que les recettes des salles de cinéma. Avec un taux de croissance annuel de 7,2 p. 100 , cette industrie vaudra 83 milliards de dollars en 2016.
Les téléphones mobiles, les tablettes et les plates-formes de jeux en ligne élargissent de manière inattendue le marché global des jeux vidéo. Nous voyons jouer sur ces appareils des hommes et des femmes de plus de 55 ans. Les nouvelles technologies innovatrices transforment la manière dont les gens se divertissent, étendent la vie utile des jeux sur de multiples appareils, et offrent une expérience d'immersion aussi profonde que celle de la télévision et du cinéma. L'âge moyen des joueurs canadiens est de 31 ans, ce qui veut dire que l'idée que cette activité est strictement réservée à de jeunes adolescents dans leur cave est totalement dépassée.
Le Canada a enregistré des succès remarquables avec des jeux vidéo à gros budget, et nous sommes connus dans le monde entier pour des jeux sériels comme NHL, FIFA, Mass Effect, Dragon Age, Assassin's Creed et Splinter Cell, pour n'en nommer que quelques-uns. Toutefois, l'augmentation du nombre d'entreprises produisant des jeux pour des appareils mobiles est en grande mesure le fruit des nouvelles opportunités excitantes apparues sur le front de la communication mobile et des défis associés à des titres à grand risque et très gros budgets, dont la production exige des centaines de milliers de dollars et beaucoup plus d'années que les jeux plus anciens ou plus occasionnels.
Le secteur a aussi évolué vers un système de distribution numérique dans lequel le consommateur achète les jeux directement à partir de son téléphone mobile, de son ordinateur ou de sa console. Cela a engendré des défis nouveaux pour les systèmes de distribution existants, mais a aussi ouvert la porte à l'apparition d'un marché mondial pour ce genre de jeu.
L'innovation est un aspect crucial de notre industrie. Nous investissons des sommes considérables en recherche et développement pour faire continuellement avancer les fondements technologiques des jeux. Nos consommateurs exigent une expérience de jeu toujours meilleure, plus rapide et plus vaste, et notre industrie leur répond en investissant de manière concertée dans la technologie.
Selon une étude du Conseil national de recherches et de New Media BC, 55 p. 100 des sociétés canadiennes de jeu vidéo développent des technologies qui les aident pour leur production, et 61 p. 100 d'entre elles estiment qu'elles pourraient mettre au point des produits commercialement viables à partir de ces technologies. Notre étude de 2011 a montré que plus de 53 p. 100 des sociétés interrogées disaient consacrer entre 76 p. 100 et 100 p. 100 de leur budget de production à la création de nouvelle propriété intellectuelle. En outre, plus de 45 p. 100 ont dit que jusqu'à 25 p. 100 de leur budget de production était consacré à la mise au point de nouvelles technologies.
Si le Canada veut préserver son industrie dynamique du jeu vidéo, il doit saisir l'occasion qui lui est offerte de s'implanter comme chef de file mondial dans cette industrie innovatrice de pointe. À notre avis, cela suppose une démarche holistique respectant les interrelations existant entre les différents segments de l'écosystème numérique.
L’ACLD exhorte le gouvernement fédéral à formuler une stratégie de l'économie numérique abordant toute la gamme des questions pertinentes, notamment un accès facilité à une main-d'oeuvre qualifiée et au capital. Comme l'ont déjà dit des témoins qui nous ont précédés, notre industrie fait face à une pénurie de talents aux niveaux intermédiaire, supérieur et expert dans diverses disciplines, et les délais d'octroi de permis de travail aux travailleurs étrangers causent de sérieuses difficultés qu'il convient d'aplanir.
Nous avons une liste exhaustive de recommandations sur les mesures que l'on pourrait prendre pour continuer à instaurer les conditions nécessaires au succès de l'industrie du jeu vidéo au Canada. Nous l'avons distribuée avec notre documentation générale, ainsi qu'avec un mémoire plus détaillé sur la problématique du recours à des travailleurs étrangers temporaires. Nous vous adresserons aussi bientôt un rapport plus étoffé sur nos recommandations.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité et répondrons avec plaisir à vos questions.
Merci.
Je donne la parole à Rob DePetris et Carole Deniger, de KPMG. Rob est le directeur général, et Carole, la directrice exécutive.
La parole est à vous.
[Français]
Bonjour. Je vais faire ma présentation en français.
Je suis Carole Deniger, de SECOR-KPMG. Ça fait un peu drôle de prononcer ce nom, parce que la fusion entre SECOR et KPMG est toute récente. Mon collègue Rob DePetris s'adressera à vous par la suite. Je vais faire une présentation un peu plus générale alors que Rob traitera de questions spécifiques et de fiscalité.
L'expertise de KPMG-SECOR dans ce secteur se situe tant sur le plan de l'expertise fiscale et économique que sur le plan des études plus stratégiques, surtout celles que SECOR a faites à l'époque, autant pour le Québec, l'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard que pour de nombreux clients de l'industrie.
Au risque d'avoir l'air redondante, nos amis de l'Association canadienne du logiciel de divertissement nous ayant précédés, je pense qu'il est important de noter tous les changements profonds qui touchent l'industrie depuis quelques années.
On sait que la récession a nui au marché, mais il y a eu surtout des changements majeurs de paradigme, avec la distribution numérique, les nouvelles plateformes, la montée des plateformes mobiles et celles en ligne, les jeux en réseau, notamment les jeux sociaux, et tous les nouveaux modèles d'affaires qui suivent, avec les modèles par abonnement, par souscription et par microtransaction. Il y a donc des changements majeurs auxquels les entreprises canadiennes et étrangères doivent s'adapter.
J'aimerais ouvrir une petite parenthèse. Quand on parle d'entreprises canadiennes, selon moi, on parle encore beaucoup d'entreprises qui sont provinciales ou qui sont axées autour des métropoles, notamment Montréal, Toronto, Vancouver et différents pôles où on a développé une solide expertise et une grande maturité. Je crois que ces pôles ont réussi à positionner les entreprises canadiennes sur l'échiquier mondial. C'est aussi le cas des entreprises étrangères, parce qu'on sait que la grande partie de la main-d'oeuvre dans l'industrie du jeu se trouve au sein de grandes firmes qui sont la propriété de grands éditeurs, comme Ubisoft et Eidos, mais aussi de nombreuses entreprises nationales et de joueurs de plus petite taille mais très dynamiques.
Pour ce qui est de l'enjeu de la croissance, grâce entre autres aux crédits d'impôt, je pense qu'on est rendus à une telle maturité que ce n'est pas une priorité à l'heure actuelle. On a réussi à bâtir une masse critique, une expertise qui est reconnue et qu'on ne conteste plus. Il faut maintenant passer à une reconnaissance davantage liée à nos contenus et à nos succès, et c'est peut-être là que nous devons consacrer nos efforts, notamment à l'échelle fédérale et pancanadienne. En effet, pour le grand public, ce qui est fabriqué au Canada n'existe pas vraiment. Cela existe pour l'industrie professionnelle, car les gens se connaissent. Des initiatives telles que Game Nation commencent également à faire connaître davantage nos entreprises ici, mais on parle d'un secteur relatif au divertissement. Il est donc important de se positionner comme Canadiens sur l'échiquier mondial.
Qu'est-ce que cela veut dire? Il y a évidemment une question de marketing, mais il faut aussi s'assurer du soutien pour la propriété intellectuelle créée ici. Il faut réussir à maximiser le succès de cette propriété, c'est-à-dire des contenus originaux, la soutenir et être en mesure d'obtenir le maximum de profits. En fait, on parle d'une industrie de services, à certains égards, qui crée beaucoup d'emplois. On doit maintenant penser à créer de la valeur. Cela ne veut pas dire qu'on doit tout contrôler ici. Je pense qu'il est important d'avoir, surtout pour des jeux destinés à de très grands publics, des éditeurs qui sont à l'étranger. Toutefois, si nous sommes capables de retenir une plus grande partie de notre propriété intellectuelle, nous négocierons de meilleures conditions, nous obtiendrons de meilleures redevances et nous créerons plus de profits qui resteront ici.
Cela peut se faire par les mesures existantes, notamment le Fonds des médias du Canada, qui est un fonds assez important, surtout pour le volet expérimental. Cependant, il doit peut-être s'adapter pour soutenir davantage la création de contenu original. C'est ce qu'on appelle aussi le prototypage dans le secteur du jeu. Il faut se rendre au moins jusqu'au stade de prototype. Il y a évidemment le crédit d'impôt pour la recherche-développement qui existe déjà. Cela dit, les crédits d'impôt sont accordés en grande partie au provincial, et nous sommes bien servis à cet égard.
Je voudrais ouvrir une petite parenthèse. J'ai ressorti l'étude de KPMG. On peut y lire, comme vous le savez sans doute, que le Canada est la région mature où les coûts pour tout ce qui touche le divertissement numérique sont les plus faibles au monde. Nous sommes quand même bien servis de ce côté.
Je ne veux pas revenir sur l'immigration, mais la question des permis de travail, tout comme la question du soutien au marketing et à la commercialisation dont j'ai parlé tout à l'heure, devient un enjeu de plus en plus important. C'est la même chose pour le capital de risque en général. Je sais que vous avez financé des études sur ce sujet, notamment celle-ci, qui est une très bonne étude. Elle démontre qu'il y a des lacunes évidentes pour ce qui est des fonds d'aide au démarrage d'entreprises, notamment dans le secteur du divertissement numérique.
Merci.
Oui, je vais aborder la question d'un point de vue différent.
Je vous remercie d'abord de m'avoir invité. Cette réunion était tellement importante à mes yeux que j'ai renoncé à ma partie de quilles du mardi soir.
Chez KPMG, je m'occupe essentiellement de fiscalité mais, avant d'arriver dans cette société, je travaillais dans une société de jeux vidéo où j'étais vice-président des finances. J'aimerais vous résumer mon expérience dans ce domaine et vous parler de certaines des choses que nous avons faites en Ontario.
Notre objectif, quand nous avons examiné cette question du point de vue de l'Ontario, était d'assurer l'expansion du secteur. Il ne s'agissait pas d'autre chose, comme créer du contenu canadien. Nous étions concentrés sur une chose et une seule: créer des emplois dans une industrie du savoir en Ontario. Considérant cet objectif, nous avons beaucoup réfléchi au système de crédits d'impôt et avons décidé de modifier le système de crédits d'impôt de l'Ontario qui ne marchait pas, de façon à le faire marcher.
Nous avons aussi essayé d'attirer des investisseurs par le truchement d'incubateurs d'entreprises. Le gouvernement fédéral a joué un grand rôle à cet égard. Nous nous sommes demandé comment aider les entrepreneurs à investir dans ce secteur. Les crédits d'impôt et la formation à l'entreprenariat sont des choses sur lesquelles le gouvernement fédéral devrait se concentrer, à mon avis.
Voilà la raison pour laquelle les choses ont si bien progressé en Ontario, au Québec, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba. Je pense que la Colombie-Britannique a été affectée par la faiblesse du dollar canadien au moment où l'industrie a démarré là-bas. Au cours des 20 dernières années, les crédits d'impôt ont compensé la vigueur du dollar canadien. Au moment où l'industrie démarrait en Colombie-Britannique, notre dollar valait 0,64 à 0,65 dollar américain, alors qu'il est aujourd'hui à la parité, ce qui est compensé par les crédits d'impôt.
Je pense qu'il y a dans ce domaine une occasion à saisir. Je ne dis pas que le gouvernement fédéral doit se précipiter pour offrir des crédits d'impôt, mais je pense que les programmes RS&DE et autres du gouvernement fédéral ont été utiles. Il ne faut cependant pas oublier que, dans la plupart des sociétés de jeu vidéo, seulement 20 à 30 p. 100 des employés sont des programmeurs. Les autres sont des artistes, des scénaristes, des concepteurs, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas touchés par le programme de RS&DE. D'ailleurs, même beaucoup des programmeurs ne bénéficient pas nécessairement de ces crédits d'impôt, ce qui fait que le programme RS&DE aide très peu une société de jeux vidéo, alors que les crédits d'impôt numériques offerts par les provinces leur permettent de faire beaucoup plus.
Cela dit, nous devons nous concentrer sur l'expansion de l'industrie. L'une des choses dont je ne suis pas particulièrement fanatique, et c'est peut-être plus une réaction personnelle qu'autre chose, est le Fonds des médias du Canada. Il fait beaucoup de bonnes choses mais c'est un fonds de 375 millions de dollars. Comment se fait-il que la partie jeu vidéo de ce fonds n'est qu'une petite fraction de ce qu'on appelle les oeuvres « expérimentales »? Comment se fait-il qu'une industrie de 67 milliards de dollars soit considérée comme une industrie expérimentale au Canada? Je ne comprends pas.
Ce fonds doit mettre beaucoup plus l'accent sur le logiciel de divertissement. L'autre chose que je veux dire est que je ne suis pas sûr que le gouvernement soit le mieux placé pour essayer de choisir les gagnants et les perdants. J'aimerais savoir quel rendement sur investissement il tire de toutes les choses dans lesquelles il investit. Combien a-t-il réellement gagné jusqu'à présent? Ne pourrions-nous pas faire un meilleur usage de cet argent qu'en demandant à quelqu'un assis dans son bureau d'essayer de deviner quel jeu vidéo aura du succès commercial? Je n'ai pas de chiffres à ce sujet mais c'est une information que j'aimerais obtenir.
Voilà mes premières réflexions.
En ce qui concerne la propriété intellectuelle, il y a peut-être moyen de la conserver en ayant recours à un système de crédit d'impôt. Le plus gros problème que pose la conservation de la propriété intellectuelle canadienne vient simplement du fait que la plupart des jeux vidéo, à part certains des petits projets mobiles, sont des situations à la David et Goliath où un producteur canadien est financé essentiellement par un gros éditeur comme Ubisoft, Electronic Arts ou une autre grosse boîte du même genre. Il est impossible de gagner cette bataille. Si ces sociétés fournissent l'argent, elles obtiennent la propriété intellectuelle. Il est très rare qu'une petite société puisse conserver sa propriété intellectuelle.
L'autre chose que je veux mentionner rapidement concerne les crédits d'impôt pour investisseurs.
Nous commençons à manquer de temps et je suis sûr que vous pourrez en parler durant la période des questions.
Merci de votre exposé.
Nous passons maintenant à Interactive Ontario, représentée par Donald Anderson, président-directeur général, et Peter Miller, président.
Merci, monsieur le président. Je m'appelle Peter Miller et je vous remercie de nous avoir invités. Nous sommes très heureux de pouvoir nous adresser au comité pour discuter de l'un des énormes succès industriels du Canada, notre industrie du logiciel de divertissement, qui fait partie du secteur plus général des médias numériques.
Je vais demander à Don de commencer, après quoi je reprendrai la parole.
Merci, Peter. Bon après-midi, tout le monde.
Interactive Ontario est une association commerciale à but non lucratif qui a été créée il y a 12 ans pour aider ses membres à développer leurs entreprises, qui sont des entreprises de ce que nous appelons le secteur des médias numériques interactifs, ou MNI. Le secteur des MNI est l'un des six secteurs culturels appuyés par la Société de développement de l'industrie des médias de l'Ontario. Nous représentons environ 300 sociétés de médias numériques interactifs. Ce sont des sociétés qui créent du contenu interactif pour un large éventail de secteurs et une grande diversité d'appareils ou de plates-formes numériques.
Nos membres créent des jeux vidéo mais ils produisent aussi des applications d'apprentissage en ligne, du contenu Internet, des applications et d'autres types de contenu pour des appareils mobiles, des plates-formes transmedia de radiodiffuseurs ou d'autres détenteurs de droits, des campagnes publicitaires interactives et du contenu de médias sociaux.
Étant donné notre mandat et notre sociétariat, vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous avons une vue très globale de l'industrie du logiciel de divertissement. Comme plusieurs personnes l'ont déjà dit, l'idée de ce qu'est un jeu vidéo a changé de manière spectaculaire au cours des cinq dernières années. Vous avez déjà entendu des témoins représentant les studios de jeux triple-A qui créent des jeux pour des consoles telles que la Xbox 360, la PlayStation3 ou des ordinateurs personnels. C'est là l'idée traditionnelle d'un jeu vidéo.
Comme on vous l'a dit, l'industrie de l'Ontario est très différente de celle de Montréal. L'Ontario héberge un grand nombre de petits développeurs qui créent leurs petites entreprises avec des bouts de ficelle. Ils financent leurs propres projets et distribuent leur contenu au moyen des nouveaux marchés numériques comme le App Store.
Les gens utilisent cependant aussi le contenu des jeux de manière différente. On vous en a déjà parlé un peu. Certaines personnes, y compris dans cette salle, sortiront leur téléphone intelligent de leur poche en attendant l'autobus pour jouer très rapidement à un jeu électronique ou feront une pause au travail pour jouer par Facebook.
Les jeux ne sont pas que des objets ludiques, ce sont aussi des outils d'information ou d'éducation. À cet égard, ils ne sont pas différents des autres produits culturels que sont les films ou les émissions de télévision. Selon des données un peu dépassées, l'industrie ontarienne des médias numériques interactifs emploie environ 16 000 personnes à temps plein. Environ les deux tiers des entreprises emploient 10 personnes ou moins, ce qui montre que le secteur est très fortement axé sur les petites sociétés. En revanche, les sociétés de jeux numériques de l'Ontario sont fortement tournées vers l'exportation, la moitié d'entre elles environ disant que leurs ventes à l'étranger représentent 90 à 100 p. 100 de leurs revenus.
C'est l'un des grands succès industriels du Canada, et nous pensons que ce succès s'explique par quatre facteurs.
Premièrement, à la différence des secteurs de la fabrication ou des ressources naturelles, les obstacles à la création d'une société de MNI sont beaucoup plus bas, ce qui encourage l'entreprenariat et la création de petites entreprises. La principale ressource pour créer du contenu remarquable est d'avoir un talent remarquable. L'Ontario bénéficie d'un grand nombre de collèges et d'universités produisant de la main-d'oeuvre qualifiée pour créer ces jeux. Cela exige des compétences techniques, comme en sciences informatiques, ainsi que des compétences artistiques ou créatives, enseignées par le truchement de programmes tels que le programme d'animation de Sheridan, un chef de file mondial, ou le programme de conception de jeux du Centennial College.
Deuxièmement, il existe une concentration d'autres industries créatives en Ontario. La province bénéficie d'une longue tradition d'excellence dans les industries créatives telles que la musique, la radiodiffusion, l'édition, le cinéma, la télévision. Cela représente un bassin de talent et d'occasions de collaboration horizontale qui a engendré l'émergence d'un solide secteur de médias numériques.
Troisièmement, le gouvernement provincial a fait des médias numériques, ainsi que du secteur plus vaste des TIC, l'une de ses priorités économiques, dans laquelle il a investi par le truchement de crédits d'impôt et d'autres mécanismes de soutien.
Quatrièmement, les gouvernement fédéral et provincial ont fourni une aide ciblée à des entreprises canadiennes ainsi qu’à des sociétés de médias numériques étrangères, pas nécessairement de la même ampleur ou de la même manière, mais parce qu'ils ont compris que la création de solides entreprises canadiennes exige un écosystème comprenant les deux types de sociétés, grandes et petites. Certains des autres témoins vous en ont parlé aussi.
Le rôle du gouvernement à l'appui d'une industrie des médias numériques couronnés de succès est crucial et l'on ne saurait le sous-estimer. Cela dit, nous croyons que l'objectif doit être de créer une industrie créative qui réussit, et l'accent doit être mis sur le mot « industrie ». Il ne s'agit pas de subventionner des produits culturels comme on l'a fait pour d'autres industries culturelles. Autrement dit, contrairement à ce qui est souvent le cas pour le cinéma ou la télévision, le but doit être de gagner de l'argent et, pour le gouvernement, de recouvrer ses investissements par le truchement de l'emploi, de l'impôt, et même d'un rendement pur et simple sur ses investissements.
Merci, Don.
Il est typique que les témoins, dans une situation comme celle-ci, s'expriment avec beaucoup de certitude sur les industries qu'ils connaissent. Nous avons cependant pensé qu'il serait utile de vous parler un peu de certaines des choses que nous ne connaissons pas car cela pourrait nous éclairer sur certains des aspects méritant une étude plus approfondie.
Chose étonnante, l'une des choses que nous ne savons pas est la taille précise du secteur des médias numériques au Canada et en Ontario. L'Alliance interactive canadienne, association sectorielle dont nous sommes membres, avec l'Alliance numérique, a fait certaines études à ce sujet l'an passé. Elle a fait des enquêtes par échantillonnage et, même si elle n'a pas pu interroger la totalité des membres du secteur, elle a pu conclure qu'il y a environ 3 000 sociétés de médias numériques au Canada, dont 1 000 en Ontario. Ça semble être très simple. L'un de nos objectifs, comme association sectorielle, est de dresser une carte exacte du secteur en Ontario et de trouver des choses telles que l'ampleur de la dépendance des entreprises à l'égard du soutien gouvernemental, car ça reste tout simplement inconnu. C'est une chose que nous espérons faire avec le gouvernement de l'Ontario autour du capital-risque dans un avenir proche.
L'autre chose dont nous ne connaissons pas grand-chose est précisément la manière dont les synergies fonctionnent entre les sous-secteurs de l'industrie des médias numériques, ainsi qu'entre cette industrie elle-même et les médias traditionnels. Nous savons que c'est important, et nous savons que c'est un avantage compétitif pour le Canada et pour l'Ontario, mais nous ne savons pas exactement comment ça marche. Cela pourrait être une question intéressante à creuser car, si nous comprenions un peu mieux cette situation, nous pourrions peut-être la reproduire de manière plus structurée.
On a parlé des crédits d'impôt. Je partage ce qu'a dit Rob sur leur importance pour bâtir l’industrie et aider les entreprises à se développer. Là où nous avons eu moins de succès, c'est dans l'appui aux jeunes pousses. Dans mon esprit, les jeunes pousses sont à la fois les entreprises qui viennent tout juste d'être créées et les projets qui sont au tout début de leur vie utile. Cela mène à deux types de besoin en capital-risque pour le financement des entreprises aux premières étapes de leur épanouissement et le financement de projets particuliers. Le défi à cet égard, très franchement, est que nous ne savons pas quelle est la bonne combinaison. Nous ne savons pas comment faire. On tombe inévitablement sur le problème auquel Bob faisait allusion: si vous ne faites pas attention, vous vous mettez à choisir les gagnants et les perdants au lieu d'appuyer toutes les parties du secteur.
Une autre chose dont nous ne sommes pas encore vraiment sûrs est de savoir si la conception des crédits fédéraux et provinciaux, par exemple, l'intersection du RS&DE et des crédits provinciaux destinés aux médias numériques, fonctionne de manière idéale par hasard ou du fait d'une synergie parfaite. C'est fascinant, quand on y pense. Le programme de RS&DE avait été conçu pour quelque chose de complètement différent. Vous connaissez tous un peu l'histoire des crédits d'impôt à la R-D et de la controverse à ce sujet, mais on a aujourd'hui le programme de RS&DE qui occupe une place tellement importante du côté de la technologie, et les crédits d'impôt pour les médias numériques, en Ontario et au Québec, en particulier, sont là pour le côté du contenu. Les deux semblent très bien marcher l'un avec l'autre, mais nous ne savons pas vraiment s'il y aurait d'autres manières de s'en servir pour qu'ils marchent encore mieux. Y a-t-il entre les deux des failles à combler?
Cela dit, et c'est une question difficile de politique publique, nous pensons que les pouvoirs publics doivent accepter de prendre certains risques et d'expérimenter. Nous sommes une industrie et une technologie qui doivent se réinventer continuellement. Nous ne cessons de prendre des risques. Nous sommes toujours sur un nouveau terrain. Dans ce domaine, en particulier, nous pensons que le gouvernement devrait faire de même, être prêt à expérimenter, être prêt à examiner ce qu'il a fait et être prêt à améliorer ce qu'il a fait. Il n'y a pas de honte à ne pas atteindre exactement la cible du premier coup. Si nous voulons des sociétés de médias numériques de pointe au Canada, nous aurons besoin de politiques publiques de pointe aussi.
Merci beaucoup.
Merci.
C'est maintenant au tour de Pierre Proulx, directeur général, et Stéphane D’Astous, président du conseil, de l'Alliance numérique.
La parole est à vous, messieurs.
[Français]
Merci beaucoup.
À vrai dire, je ne ferai pas une grande introduction, car je vais répéter beaucoup de choses qui ont déjà été dites, notamment par le représentant d'Interactive Ontario. De fait, nous sommes deux organisations consoeurs au sein du gouvernement canadien, au Québec et en Ontario, et nous faisons partie toutes les deux de l'Alliance interactive canadienne. Bref, nos missions sont très similaires et nous avons à peu près la même origine.
Alliance numérique a 12 ans d'existence. Elle est le résultat d'une fusion de trois organisations qui a été réalisée dans le but de faire du Québec un centre d'excellence sur le plan du développement de l'industrie numérique pour tous les contenus, c'est-à-dire la création, la production et la distribution d'éléments de contenu numérique.
Alliance numérique, de par son mandat, appuie les entreprises et facilite leur développement de plusieurs manières. Nous jouons un très grand rôle d'unificateur de l'ensemble de l'écosystème autour d'enjeux communs. Je me plais à dire que 95 p. 100 des emplois dans l'industrie du jeu vidéo au Québec sont détenus par des membres d'Alliance numérique. Cela veut dire environ 8 200 emplois. Nous représentons donc bien l'industrie du jeu vidéo.
En fait, Montréal est vraiment la plaque tournante du jeu vidéo au Canada, car cette ville compte tout près de 8 000 emplois reliés au domaine du jeu vidéo. D'ailleurs, Stéphane D'Astous, président du conseil d'administration d'Alliance numérique, est le directeur général d'un des grands studios, Eidos-Montréal, qui est affilié à un grand groupe japonais, Square Enix. Cela vous montre à quel point la structure internationale de l'industrie du jeu vidéo est très forte.
Évidemment, Alliance numérique, comme bon nombre d'organisations au Canada, voit un lien, une convergence avec les autres secteurs, puisque nos membres proviennent aussi du secteur de l'apprentissage en ligne, de la mobilité et des services et applications Internet. Le numérique n'est plus vertical, mais bien horizontal. On retrouve donc nos contenus sur différentes plateformes et il est possible de consulter ou d'avoir accès à ces contenus.
Un élément nous démarque d'autres endroits au Canada: il s'agit de la création, il y a maintenant neuf ans, du Sommet international du jeu de Montréal. D'ailleurs, nous avions un petit prospectus à vous montrer, mais puisqu'il n'est qu'en anglais, il n'a pas pu vous être remis. Je m'excuse, mais nous avons seulement des versions anglaises. C'est pour vous montrer que ce sommet est l'événement de ce genre le plus important au Canada et sur la côte Est nord-américaine. Nos concurrents se trouvent davantage à San Francisco ou à Seattle que sur la côte Est ou dans le reste du Canada.
J'aimerais également attirer votre attention sur le fait qu'Alliance numérique organise plusieurs activités ou missions commerciales partout dans le monde. Vous verrez, dans la documentation qu'on vous a remise, que nous faisons pratiquement le tour du monde chaque année avec nos sociétés pour les amener à se commercialiser sur une base internationale, puisque la Terre n'est qu'un seul pays dans le monde du numérique. Le marché québécois et le marché canadien étant très petits, nous devons aller vers des marchés internationaux si nous voulons assurer le succès de nos entreprises.
Il y a un élément négatif, et nous aimerions peut-être aborder davantage cela cet après-midi. En effet, le financement est très difficile à obtenir. Les crédits d'impôt offerts par les gouvernements provinciaux appuient la création des produits, mais très peu d'aide existe pour la commercialisation. Or on a de la difficulté, dans bon nombre de cas, surtout lorsqu'on parle de jeunes entreprises en démarrage qui veulent lancer leur propre propriété intellectuelle. Cela est davantage difficile pour celles-ci, car souvent, comme nous l'avons expliqué, elles sont à la merci d'un grand éditeur ou encore de sociétés qui vont accaparer une forte partie des revenus, moyennant les services qu'elles offriront pour faire pénétrer le produit dans l'ensemble du marché international, une démarche vraiment difficile à faire et très coûteuse.
Nous souhaitons aborder trois éléments, ou voir le gouvernement fédéral agir à cet égard. Ce sont des choses qui sont très importantes pour assurer la stabilité de l'industrie.
Le premier élément est de permettre une accélération dans l'obtention de permis d'immigration nécessaires pour nos travailleurs. Présentement, les délais sont souvent de 14 à 16 semaines avant de recevoir une réponse, ce qui signifie que plusieurs studios sont obligés de renoncer à des projets. L'ensemble du projet, qui requiert normalement de 40 à 50 personnes sur une base de deux à trois ans, ne peut être fait dans les studios canadiens. Nous déplorons cette situation.
Par ailleurs — et certains intervenants l'ont mentionné plus tôt —, il n'y a pas suffisamment de soutien pour assurer la commercialisation et le développement adéquat de la propriété intellectuelle canadienne dans certains domaines. Il faudrait vraiment préciser ce qui pourrait bonifier l'aide et soutenir les entreprises qui développent leur propriété intellectuelle, notamment, mais il faudrait également les aider relativement à cette commercialisation.
Pour terminer, je vais soulever un troisième point, qui a été abordé lorsqu'il a été question du financement octroyé par le Fonds des médias du Canada.
On parle de considérer l'industrie du jeu vidéo comme une industrie culturelle à part entière, au Canada, mais il faudrait également que le financement accordé par l'entremise des autres entités vouées à la culture se fasse de façon beaucoup plus cohérente et importante.
Si on arrondit les chiffres, on peut dire qu'environ 10 p. 100 du financement du Fonds des médias est octroyé à ce qui est qualifié d'expérimental. Il va sans dire que nous avons adoré qu'on qualifie notre secteur d'expérimental. Bref, on parle d'environ 33 millions de dollars sur les 330 millions de dollars et plus versés annuellement. C'est à peine 10 p. 100, ce qui est très minime, compte tenu des retombées, du renouveau, de la croissance et des salaires versés. Dans le cas de l'industrie du jeu vidéo, on parle effectivement d'une moyenne de 63 000 $ pour chacune des 16 000 personnes qui y travaillent. Ça représente énormément d'argent pour l'économie canadienne. De plus, ces gens sont tous de bons contribuables, notamment au palier fédéral. On comprendra donc qu'il est important d'appuyer l'industrie plus adéquatement dans ce domaine, qui pourrait être prioritaire.
Je vais maintenant céder la parole à Stéphane. Nous sommes ici aujourd'hui avant tout pour échanger avec vous.
[Traduction]
Bon après-midi, tout le monde. En bon Montréalais, je veux vous parler un peu en français et mettre donc les interprètes à contribution.
Merci de nous avoir donné un peu de temps pour préparer notre témoignage et exprimer notre pensée sur notre grande industrie. C'est un grand succès!
Je représente plusieurs points de vue différents aujourd'hui. Comme l'a dit Pierre, je suis le fier président de l'Alliance numérique, mais aussi le fier directeur général d'un grand studio de Montréal.
La semaine dernière, le gouvernement fédéral m'a invité à participer à un panel à Seattle pour Investir au Canada. Les trois industries choisies étaient l'aérospatiale, l'énergie verte et les médias numériques.
Cet été, je suis allé aux Jeux olympiques et je suis allé à la Maison du Canada, au mois d'août, pour une session de travail d'Investir au Canada avec des investisseurs étrangers potentiels. Je vais prêcher pour ma paroisse! Évidemment, les médias numériques ont suscité beaucoup d'intérêt et ont reçu le plus de questions après la session, et je pense que c'est le secteur qui a suscité le plus d'intérêt de la part des investisseurs.
Les jeux vidéo sont un secteur commercial sérieux, avec de vrais capitaux et de vrais emplois. Je vous donne l'exemple de mon studio: nous avons ouvert nos portes il y a à peine cinq ans et avons créé 500 emplois très bien rémunérés. Notre premier jeu a exigé 4 000 mois-hommes de travail. Pensez-y: environ 100 personnes pendant 40 mois. Nous sommes bien loin de deux zigotos s'amusant dans leur cave. Ne vous méprenez pas, cela arrive encore, à certains égards, mais la maturité de l'industrie est incontestable.
Comme l'a dit Pierre, ce que cherchent vraiment les investisseurs, selon ce qu'ils nous ont dit, c'est le talent qui existe chez nous. Certes, les subventions et les incitatifs sont vraiment importants, mais l'argent sans le talent ne mène pas très loin. Il faut que le bassin de talent soit là. Oui, les écoles jouent un rôle. Nous travaillons dur avec la province, mais nous devons parfois aller chercher en dehors du Canada, malheureusement.
Il y a 12 ans, mon effectif comprenait environ 24 nationalités différentes, environ 15 p. 100, et aujourd'hui, deux ans plus tard, environ 20 p. 100. Nous devons parfois aller à l'étranger tellement la demande est forte. Quand c'est le cas, nous avons besoin d'une certaine aide du gouvernement. Comme l'a dit Pierre, les délais ne cessent de s'allonger. Il y a deux ans, il fallait à peu près huit semaines. Aujourd'hui, il en faut 16. Ça nuit vraiment au succès d'un projet. Quand nous investissons dans des spécialistes des RH pour aller trouver de bons talents ailleurs dans le monde, de bons spécialistes, il faut quatre à cinq mois pour que le candidat choisi entre dans nos bureaux afin de nous aider à produire des jeux de grande qualité internationale. Cela nous nuit beaucoup. Il nous faut parfois annuler certains projets à cause de ça.
C'est évidemment une question qui nous tient beaucoup à coeur.
[Français]
Comme Pierre l'a mentionné, nous aimerions que le produit du jeu vidéo soit reconnu pour ce qu'il est. L'année dernière, je crois, la Supreme Court of the United States a dit considérer officiellement le jeu vidéo comme un produit culturel. Cette reconnaissance qui a été énoncée au sud de nos frontières était tout à fait bienvenue. Je ne sais pas pourquoi nous ne pourrions pas en faire autant. Comme vous le savez, les produits canadiens dans ce domaine sont majoritairement de grande qualité, internationalement reconnus et applaudis. Je crois que nous avons atteint à cet égard un niveau de maturité qui mériterait une certaine reconnaissance.
Pour ce qui est de la propriété intellectuelle, on retrouve au Canada, et plus particulièrement à Montréal, plusieurs éditeurs internationaux. Or pour qu'il y ait un retour du balancier, il serait bon de stimuler la propriété intellectuelle canadienne liée à nos produits.
Merci.
[Traduction]
Je remercie tous les témoins de ces exposés truffés d'informations utiles.
Nous allons maintenant passer à la période des questions. Le premier tour sera de sept minutes, et je tiens à prévenir les membres du comité que je m'en tiendrai strictement aux sept minutes.
Le premier sera M. Armstrong.
Merci, monsieur le président.
Nous avons vu certaines tendances apparaître en vous écoutant. L'une d'elles concerne l'exportation et la distribution, une autre, la formation professionnelle par rapport à l'immigration et au problème de l'immigration, et d'autres encore l'accès au capital, le Fonds canadien des médias et certains obstacles à l'obtention de capital. Je vais aborder ces trois aspects l'un après l'autre.
Premièrement, monsieur Hilchie, vous avez dit que l'industrie vaut à peu près 1,7 milliard de dollars au Canada. L'exportation représente quel pourcentage?
Selon notre enquête de 2011, la moitié des sociétés disaient que 90 à 100 p. 100 de leurs revenus provenaient de l'exportation. On peut donc dire que l'exportation représente pratiquement la moitié du chiffre d'affaires global.
Bien. Si je vous ai bien compris, son taux de croissance actuel signifie qu'elle vaudra 83 milliards de dollars en 2016, contre 67 milliards actuellement. Pensez-vous que l'industrie canadienne continuera son expansion à un rythme semblable à celui de l'industrie mondiale?
C'est ce que nous visons. Nous voulons contribuer à l'expansion de l'industrie au Canada et veiller à ce que la main-d'oeuvre soit disponible, et à ce que l'appui des gouvernements soit disponible, pour faire en sorte que des entreprises soient créées ici, investissent ici et se développent ici.
Vous avez parlé de la disponibilité de travailleurs qualifiés. À l'échelle du Canada, nous voyons que 15 p. 100 de nos jeunes sont sans emploi, et que les gouvernements prennent de nombreuses mesures pour essayer de leur trouver du travail. Votre industrie est jeune. Les gens qui y travaillent n'ont-ils pas tendance à être plus jeunes que dans beaucoup d'autres secteurs?
Je n'en suis pas sûr, quand je compare aux autres industries du Canada. Certes, notre secteur emploie manifestement des jeunes diplômés, et ceux-ci sont très attrayants pour nos employeurs. Les sociétés de notre secteur sont donc manifestement à la recherche de ces jeunes.
La question importante concerne plutôt les employés de niveau intermédiaire ou supérieur dont ont besoin les sociétés de jeux vidéo pour bâtir des studios et créer des jeux. Il est difficile à une industrie, quelle qu'elle soit, de s'épanouir uniquement avec des jeunes diplômés. Ce dont on a besoin, c'est d'une bonne combinaison de nouveaux diplômés et d'employés de niveaux intermédiaire et supérieur, ces derniers pouvant jouer le rôle de mentors à l'égard des jeunes pour les former afin qu'ils deviennent à leur tour des employés de niveaux intermédiaire et supérieur qui formeront d'autres jeunes qui sortiront plus tard de nos universités.
L'âge moyen des développeurs est de 34 ans environ. C'est la moyenne des 400 personnes à peu près qui travaillent spécifiquement dans le développement.
Je dois ajouter que nous avons un service d'assurance de la qualité, un groupe de contrôleurs, si je peux m'exprimer ainsi. Nous en avons une centaine, et ce sont des garçons et des filles qui sont beaucoup plus jeunes parce que c'est un poste d'accès au secteur. L'âge moyen de nos contrôleurs est de l'ordre de 26 ans.
Il ne fait aucun doute, chacun en conviendra certainement, qu'il y a ici un potentiel très intéressant. Considérant la proportion élevée de jeunes Canadiens au chômage et leurs difficultés pour trouver du travail, surtout leur premier emploi, il y a probablement là une excellente occasion à saisir si nous pouvons appuyer l'expansion du secteur dans son ensemble.
Êtes-vous d'accord avec ça? C'est une jeune industrie.
Une voix: Oui.
Je pense que vous avez tout à fait raison.
Il y a deux aspects au problème de recrutement auquel nous faisons face.
Le premier est le défi immédiat que nous avons aux niveaux intermédiaire et supérieur, pour lesquels nous ne trouvons pas l'expertise voulue. L'offre au Canada n'est pas suffisante, ce qui nous oblige à recruter à l'étranger.
Ce n'est pas la préférence générale du secteur. Nous payons une prime quand nous faisons venir ces gens. Nous préférerions de loin les trouver chez nous si c'était possible. C'est seulement par nécessité que nous allons à l'étranger faire du recrutement pour ces deux niveaux. C'est le défi immédiat que nous avons à relever, et c'est pourquoi nous l'avons souligné devant vous aujourd'hui.
Le deuxième problème est l'élément de développement du talent à long terme, c'est-à-dire veiller à continuer de produire les diplômés nécessaires pour occuper ces postes d'entrée dans le secteur, diplômés qui recevront ensuite une formation auprès de ces employés plus âgés que nous aurons recrutés à l'étranger, qui acquerront de l'expérience avec le temps et qui deviendront ensuite les professionnels de l'organisation.
Ce que me disent les membres de l'association, c'est qu'ils n'ont pas de difficulté à recruter des employés juniors, des jeunes qui feront de l'assurance de la qualité ou qui joueront le rôle de contrôleurs des produits. Ce n'est manifestement pas un problème. Nous avons donc l'occasion de contribuer à réduire le chômage des jeunes en leur offrant des emplois d'entrée dans notre industrie, mais ce n'est pas le problème auquel l'industrie est confrontée actuellement.
Permettez-moi d'élargir un peu le débat. Il y a beaucoup de petites entreprises, beaucoup d'entrepreneurs, et beaucoup de jeunes qui font des choses que vous et moi n'aurions jamais faites. Ils prennent des risques et créent des choses, ils créent des entreprises parce qu'ils ne peuvent pas trouver d'emplois traditionnels.
Votre question est de savoir si, en appuyant le secteur, nous appuyons les jeunes et les aidons à trouver des emplois de haut niveau et bien rémunérés. Je vous réponds oui, absolument.
Ce qui est magnifique dans cet écosystème, c'est qu'il se nourrit de lui-même. Vous avez des petites sociétés créées par des Canadiens qui ont l'esprit d'entreprise. Elles peuvent être rachetées par les grosses sociétés et, qu'elles réussissent ou échouent, leurs créateurs apprennent et contribuent à l'expansion du secteur. C'est un facteur énorme.
Nous comprenons absolument la nécessité de la formation dans les universités et les écoles. Nous avons aussi de nombreux programmes pour le cinéma et la télévision, mais il arrive un moment, dans une entreprise, où l'on peut, par exemple, s'adresser aux scénaristes chevronnés. Ils n'ont pas besoin de formation professionnelle, ils n'ont pas besoin d'universités. Ils peuvent peut-être avoir besoin d'un atelier professionnel. En ce qui concerne l'appui gouvernemental, les crédits d'impôt et autres mesures de cette nature, l'industrie du cinéma et de la télévision en bénéficie, mais elle emploie toute la gamme des créateurs canadiens et des équipes techniques.
Tout cela est fondé sur l'offre de bons emplois aux Canadiens. Ce sont de bons emplois, et nous sommes certainement prêts à dispenser une formation pour les doter. Cela n'exige pas de diplôme universitaire. Nous pourrions organiser un atelier.
Vous avez mentionné l'étape suivante. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est l'émergence de la distribution numérique des jeux, et pas seulement vers les appareils mobiles. C'est comme ça qu'ils sont distribués. C'est comme ça qu'ils sont commercialisés et que vous mettez votre produit à la disposition du client.
Est-ce que le prochain problème auquel vous serez confronté, comme industrie, sera la distribution de produits compétitifs par d'autres pays, qui les distribueront numériquement aussi?
Il est clair que le grand défi pour l'industrie aujourd'hui est la transformation de la distribution de produits matériels en distribution de produits numérisés par téléchargement. Il y a manifestement une transition de l'industrie à cet égard.
Cela représente un défi, mais c'est aussi une source d'opportunités car cela peut nous ouvrir de nouveaux marchés et nous donner accès à de nouveaux clients. En outre, à certains égards, c'est une méthode plus efficiente et moins coûteuse pour distribuer nos produits.
Je représente une circonscription rurale. Ne pensez-vous pas que cela va mettre un peu tout le monde sur un pied d'égalité? Si vous aviez une entreprise qui produisait quelque chose dans une région très éloignée et deviez le distribuer sur un support matériel, les coûts seraient élevés à cause des frais de transport, du prix de l'essence, etc. Par contre, si vous pouviez le distribuer numériquement, vous pourriez le distribuer dans le monde entier. La fait que votre entreprise soit située à Tatamagouche, en Nouvelle-Écosse, d'où je viens, ou au centre-ville de Toronto ou de New York, n'aurait strictement aucune importance.
Cette forme de distribution numérique des produits ne va-t-elle pas mettre tous les concurrents sur un pied d'égalité, de ce point de vue?
Ce que cela a fait, c'est que ça a créé une renaissance — je pense que mon collègue M. Kee a employé ce mot — de la communauté indépendante de développement des produits. Cela a mis tout le monde sur un pied d'égalité en permettant aux petites entreprises de fabriquer des jeux et de les distribuer aux consommateurs dans les mêmes conditions que les grandes. Dans le passé, cela leur aurait été impossible car elles n'avaient pas le capital nécessaire pour produire les boîtes en carton, y placer les CD et assumer toute la logistique qui va avec.
Donc, oui, cela a eu cet effet sur les entreprises.
Quand vous voyez les localités qui ont vraiment du succès, à l'heure actuelle, comme Montréal, Halifax, l'Ontario et la Colombie-Britannique, ce sont typiquement les grandes villes qui ont été les noyaux de cette industrie. Ce que vous me dites, c'est que votre industrie a maintenant l'occasion, avec ce changement de méthode de distribution, de voir une partie de cette activité économique explosive se produire dans les régions rurales.
D'après ce que vous avez dit, l'un des obstacles auxquels vous êtes confrontés est de trouver suffisamment de créateurs pour fabriquer vos produits. Dans l'ensemble, ils se trouvent dans les grandes villes. Pour que l'industrie puisse vraiment s'épanouir en dehors des grands centres urbains, nous allons devoir appuyer aussi cette communauté de créateurs dans les régions rurales. Êtes-vous d'accord?
Je suis désolé mais j'essaye de m'en tenir à sept minutes par tour. Je ne faisais pas attention au chronomètre. Quelqu'un pourra peut-être vous poser à nouveau la question plus tard.
Monsieur Nantel.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à tous vous remercier d'être ici. Vous semblez tous être très enthousiastes à venir parler de votre entreprise, et c'est super. Il est rare qu'on ait des échanges aussi spontanés. On s'intéresse à ce domaine, mais c'est un milieu qu'on méconnaît, comme la plupart des gens. Vous êtes heureux d'en parler, et c'est tant mieux.
Venant de l'industrie du disque, je trouve très étrange de voir que c'est complètement l'inverse de la situation du disque. Pour une fois, les grands joueurs sont plus présents à Montréal, alors qu'il y a plus d'indépendants à Toronto, ce qui est très étrange.
Est-ce là ce qui expliquerait la différence dans les besoins en immigration? M. Kee a parlé des problèmes d'immigration, mais je pense que ce besoin est plus criant au Québec, étant donné qu'il y a plus de grosses boîtes ayant besoin de spécialistes pour de gros lancements.
Savez-vous si les enjeux d'immigration relèvent des compétences propres au Québec ou plutôt des compétences fédérales?
Je peux répondre à votre question. Comme on le sait, pour qu'un permis de travail soit émis, on doit obtenir l'accord des deux ordres de gouvernement. C'est du côté du fédéral que nous éprouvons le plus de difficulté à obtenir des délais réduits.
Les grosses boîtes recrutent-elles nécessairement plus à l'étranger? J'oserais croire que oui. Je pense qu'on peut faire cette corrélation. J'ai quatre projets en cours, et ce sont tous des productions d'au moins 30 millions de dollars. Dans ces projets, il y a des spécialités de pointe très spécifiques pour lesquelles on doit trouver un expert qui nous aidera à accomplir ce que nous voulons faire.
Il ne faudrait pas généraliser, mais selon moi, la grande majorité du recrutement international se fait pour des projets d'envergure qui nécessitent beaucoup d'expertise.
[Traduction]
Pour compléter cette réponse, je suis tout à fait d'accord. Je pense que le problème est devenu particulièrement aigu au Québec parce qu'il y a au Québec une plus grande concentration de grosses boîtes que dans les autres provinces. Je puis vous assurer que nos membres qui travaillent en Ontario et en Colombie-Britannique font face aux mêmes difficultés. Ce n'est simplement pas aussi aigu qu’au Québec parce qu'il n’y a tout simplement pas autant de grosses boîtes là-bas.
[Français]
On parle de formation de la main-d'oeuvre. Je comprends très bien que, dans le cas d'une personne qui a conceptualisé un élément bien précis qu'on veut intégrer à un jeu, cette expertise ne s'invente pas. Même si la personne est prête à venir travailler, il n'en demeure pas moins que la formation de la main-d'oeuvre est importante. En tant que résidants de notre pays et de nos provinces, nous avons intérêt à ce que notre monde travaille.
Vous aussi avez intérêt à embaucher des gens d'ici. En effet, cela vous coûterait beaucoup moins cher d'engager quelqu'un d'ici que de faire venir quelqu'un du Sri Lanka. Pour vous, la formation de la main-d'oeuvre est-elle un domaine où vous pourriez dialoguer de façon plus concrète avec les responsables pour tailler cela un peu sur mesure? Les gens de Toronto parlent beaucoup du Sheridan College et du Centennial College, qui semblent avoir rempli un certain besoin. A-t-on des institutions similaires au Québec?
Comme le disait plus tôt la dame de l'ACTRA... Non, il ne s'agit pas de l'ACTRA, mais des Publishers... Qu'est-ce que c'est, déjà?
[Traduction]
Une voix: La Writers Guild.
M. Pierre Nantel: Merci. Je ne me souvenais pas de l'acronyme mais je me souviens de cette merveilleuse dame de la Writers Guild.
[Français]
Cette personne disait que, potentiellement, elle pourrait organiser des séminaires avec son personnel qui est déjà formé pour écrire pour la télévision.
Cela se fait, notamment au Québec. Après la fermeture du Campus Ubisoft, il y a deux ou trois ans, nous avons mis sur pied, avec les 12 plus grandes sociétés, un groupe pour prendre la relève. En effet, nous avions remarqué à l'époque que la formation collégiale n'était plus suffisante. Au minimum, tout le monde devait avoir une formation universitaire afin d'être en mesure de répondre aux besoins des entreprises. Cela a mené à créer un répertoire de besoins. On arrivait en moyenne à un certain nombre de programmeurs, par exemple. Il fallait environ 800 ou 900 personnes par année pour les trois prochaines années.
Cela étant dit, c'est bon. Les nouveaux étudiants vont sortir des bancs d'école et nous allons les faire entrer au sein de l'industrie.
Par contre, pour mes employés qui sont présentement de calibre intermédiaire, ou pour mes employés plus expérimentés, que faire pour les amener à remplacer les gens que je vais chercher à l'autre bout du monde? La compagnie Behaviour de Montréal a célébré, il y a deux semaines, son 20e anniversaire. Elle fait partie des plus vieilles entreprises au Canada dans ce domaine. La majorité d'entre elles ont 15 ans ou moins. D'ailleurs, 80 p. 100 d'entre elles sont beaucoup plus jeunes. Par conséquent, des gens chevronnés et capables de diriger une entreprise ou un groupe de 40 individus ou plus ne sont pas légion. Lorsque, dans le cadre d'un projet, on exige une réponse rapide, sans quoi le projet sera fait ailleurs, il faut que le délai soit très court et que la personne qui vient de l'étranger soit en mesure de confirmer qu'elle peut reprendre le projet et le livrer dans deux ans. Donc, le délai de trois à quatre mois pour faire venir quelqu'un de l'étranger est très important.
Cela étant dit, nous avons fait une étude qui nous a amenés à décider d'organiser des classes de maître pour répondre à ces besoins. Nous en avons obtenu tout près d'une douzaine auxquelles ont participé des gens comme des scénaristes et des personnes qui travaillent sur l'aspect technologique également. Nous faisons venir des gens de Californie, là où a été créé le logiciel que nous voulons. Faire venir ce spécialiste pour former 12 personnes pendant deux jours nous coûte 100 000 $. Si les entreprises sont prêtes à faire ce choix et à payer ces montants, c'est parce qu'elles ont besoin de former ces gens. C'est pour leur développement.
Comme vous l'avez dit — et je vais répondre à une autre question qui a été posée —, la part de l'exportation est presque de 100 p. 100. En moyenne, de 3 à 5 p. 100 des ventes d'une entreprise se font au Québec, si elle est chanceuse; au Canada, ça oscille entre 5 et 8 p. 100. Tout le reste sera vendu ailleurs dans le monde, et pas au Canada. On comprendra que ce n'est pas un bien de consommation. La population étant petite, les ventes se font sur des marchés étrangers plutôt qu'ici.
Pour revenir à la question, je dirais qu'en effet, il est possible d'organiser des classes de maître. Cependant, il n'y a pas d'écoles spécialisées comme celles en Ontario dont vous avez parlé.
Par contre, les studios établissent présentement beaucoup plus de liens directement avec les universités québécoises. Ainsi, quelqu'un de Eidos Montréal peut rencontrer un professeur ou un directeur de département en animation ou en programmation pour parler de différentes avenues et d'enjeux à venir, afin de changer et améliorer les programmes de cours. Je dirais que cela se fait sur une base mensuelle.
C'est dommage, parce qu'au Québec — et je pense que ça s'applique à peu près partout —, des instituts cherchent à former de la main-d'oeuvre dans le domaine du spectacle et de la télévision. Or ce milieu est en décroissance, du moins en général, bien que la demande soit élevée. Il serait certainement plus facile de trouver des gens qui, ultimement, auraient un emploi après avoir suivi une telle formation.
Je veux aussi permettre à mes collègues d'intervenir.
Je vais vous donner l'exemple de notre compagnie. Au moins 15 fois par année, j'assiste à des galas de finissants dans des collèges ou des universités. Nous consacrons grosso modo 10 000 $ à des bourses dans le but d'établir des ponts avec l'École polytechnique ainsi qu'avec divers collèges et universités. Dans mon ordre du jour, c'est prioritaire.
[Traduction]
Merci, monsieur le président, et merci à nos invités.
Il me semble, et je constate cela depuis les deux dernières réunions, que c'est une industrie plus vaste et plus complexe que je ne l'avais imaginé. Cela dit, nous faisons cette étude parce que nous voulons produire un rapport dans lequel nous formulerons des recommandations.
L'aspect scolaire est très intéressant parce que nous devrions probablement nous tourner vers un modèle similaire à celui de l'Allemagne, qui s'est en fait dotée d'écoles techniques autour de certaines grappes industrielles, précisément pour cette raison. Nous n'en sommes évidemment pas là. Peut-être devrions-nous envisager cette solution, mais c'est l'aspect culturel qui m'intéresse vraiment, parce que nous avons des industries culturelles dans lesquelles nous investissons, et parfois à très haut niveau. Nous avons créé le Fonds des médias du Canada et d'autres organismes mais il me semble que la majeure partie de la conversation porte sur les crédits d'impôt. Il y a des crédits d'impôt basés sur la main-d'oeuvre, et il y a la stratégie de l'économie numérique. Il y a le programme de RS&DE. Vous avez mentionné ce programme, mais il ne concerne en fait que 25 à 30 p. 100 de la main-d'oeuvre, les programmeurs. L'autre aspect, ce sont les créatifs, et c'est là que Patrimoine canadien joue un rôle. Donc, nous retournons aux entités traditionnelles dans lesquelles nous investissons, comme le Fonds des médias du Canada.
Nous avons aussi des règlements sur le contenu canadien, et Dieu sait que j'adorerais voir un puffin en colère dans Angry Birds, parce que je viens de Terre-Neuve. J'adorerais ça.
Une voix: Nous utilisons Montréal dans nos jeux vidéo.
M. Scott Simms: Vous voyez que c'est possible. Il y a d'ailleurs un jeu qui s'appelle Puffins: Island Adventure et qui a été produit par Other Ocean Interactive de St. John's, à Terre-Neuve. St. John’s n'est pas une ville typique, ce n'est pas Montréal. Ce n'est pas aussi grand que Toronto mais il se trouve qu'il y a là-bas une petite industrie du jeu vidéo. Ce qui est intéressant, c'est que cette société de jeux vidéo de St. John’s produit Iron Brigade et des jeux CSI. Elle produit aussi quelque chose qui est basé sur South Park. Tous ces jeux ne sont pas canadiens en soi, mais sur le site Web de Puffins: Island Adventure, il y a un petit macaron disant « Téléfilm Canada ».
Ma première question concerne les recommandations basées sur l'investissement culturel, qu'il s'agisse du Fonds des médias du Canada ou, selon ceci, de Téléfilm Canada. Je ne comprends pas bien ça et j'espère que quelqu'un pourra m'éclairer.
Que devrions-nous recommander pour les sources traditionnelles d'investissement ou les incitatifs fiscaux par le truchement du ministère du Patrimoine canadien?
Pour commencer, je pense que cela a été financé par l'ancien FMC, pas le nouveau FMC.
Une voix: Le Fonds canadien pour les nouveaux médias, qui était Téléfilm.
Mme Maureen Parker: Oui, le Fonds des médias du Canada a un certain budget pour la production interactive expérimentale, ce qui désigne généralement les jeux vidéo, le reste de l'argent étant affecté à la télévision et à ce qu'ils appellent le contenu convergent. Il s'agit du contenu numérique qui accompagne les émissions télévisées.
La manière dont fonctionne le FMC, et nous sommes satisfaits de la manière dont il fonctionne, est basée sur un système de points. Si l'on obtient 10 points, cela veut dire que tous les éléments sont canadiens: il y a des Canadiens qui travaillent sur les projets, ce sont des Canadiens qui payent des impôts, ils sont employés au Canada pour créer du contenu canadien. Nous appuyons certainement la demande de financement, etc. Nous pensons simplement que, s'il y a de l'argent fédéral en jeu, cet argent doit être accompagné d'emplois canadiens. Il pourrait peut-être y avoir un système modulable. Si vous continuez de former, il pourrait y avoir un crédit modulable.
Je ne veux pas vous interrompre mais je pense que nous avons ici une superbe table ronde et j'aimerais bien vous laisser continuer.
Jason.
Nous avons des discussions poussées à ce sujet dans nos recommandations. Au fond, il y en a trois.
À notre avis, il y a un rôle à jouer dans une combinaison de financement basé sur un crédit d'impôt, ce qui est la méthode traditionnelle de la plupart de nos provinces. Cela présente l'avantage de l'agnosticisme. L'une des raisons pour lesquelles, à notre avis en tout cas, les crédits d'impôt de MNI qui sont apparus notamment au Québec et en Ontario ont eu du succès est qu'ils ont été déployés sous forme de plan de développement économique et pas nécessairement comme objectif de politique culturelle.
Il y a un lien avec la main-d'oeuvre canadienne. Il faut qu'il y ait du personnel faisant le travail qui réside dans la province pendant un certain temps. C'est ce qui est nécessaire pour être admissible. C'est tout à fait cohérent. C'est un développement économique fondé sur la création d'emplois. C'est un prérequis. Ce crédit d'impôt est utile pour certains types d'entreprises, mais il signifie que vous obtiendrez cet argent après avoir terminé et livré votre projet, ce qui pourrait prendre des années. Une petite société pourrait avoir des problèmes de cash-flow, auquel cas des options de financement direct lui seraient plus utiles. Ces petites sociétés jouent un rôle dans l'écosystème et l'on doit s'assurer qu'elles peuvent survivre longtemps. Il y a un rôle à jouer à cet égard.
Le lien d'un fonds de MNI avec ce qui était à l'origine le Fonds canadien de télévision et qui a été scindé en deux volets est un peu problématique dans la mesure où il est informé par une perspective de télévision et de film — j'appellerais ça un biais — qui ne reflète pas nécessairement tout l'éventail de la production MNI, notamment du côté des jeux, lesquels, d'un point de vue production, fonctionnent très différemment, surtout pour les petits projets. Un découplage vaudrait la peine.
La plupart des crédits d'impôt consentis aux petites entreprises au Canada le sont à l'achèvement des projets, comme l'a dit Jason. Les grandes entreprises, quant à elles, ont des crédits d'impôt annualisés. La différence est qu'on ne peut pas aller demander un emprunt à sa banque sur la base de ces crédits d'impôt puisque les projets ne sont pas achevés. La banque refusera de vous prêter de l'argent en vous demandant ce qui se passera si le projet n'aboutit pas. Ceux qui ont besoin de l'annualisation ne l'ont pas pour la totalité ou la majeure partie de leur crédit d'impôt, à cause de leur taille.
À Terre-Neuve-et-Labrador, le gouvernement s'éloigne des crédits d'impôt et commence à passer des ententes individuelles avec les entreprises qui investissent localement. Il y a des programmes différents de prêts et de subventions, et l'aide ne repose pas réellement sur un système de crédits d'impôt.
Au Québec, un mécanisme de crédit-relais à faible coût peut vous aider à obtenir votre argent avant la fin du projet parce que vous allez obtenir un revenu assuré. Cela permet aussi de faire le pont.
Merci, c'est une excellente question.
Je vais vous répondre du point de vue de quelqu'un qui a travaillé dans les médias traditionnels pendant 20 ans. Je n'exerce mes fonctions à Interactive Ontario que depuis cinq mois, à titre gracieux.
Je vais être très direct: la pire chose que vous puissiez faire avec les médias numériques est de les envisager de la même manière que le film et la télévision, alors que c'est complètement différent. Il faut absolument éviter de tomber dans ce piège.
J'animais hier un panel lors d'une conférence de ce qui s'appelle l'Institut international des communications et il y a eu une discussion à ce sujet. J'ai demandé aux participants ce que je devrais dire à ce sujet parce que j'avais besoin de conseils. Un producteur indépendant m'a dit très franchement que le problème du cinéma et de la télévision traditionnels est que les sociétés gagnent leur vie en récoltant des honoraires plutôt qu'en réalisant des profits. C'est un modèle d'affaires totalement différent. Malgré tout le respect que je dois à mon amie Maureen, la dernière chose à faire est d'importer dans le monde des médias numériques quelque chose comme un système de points ou l'une quelconque de ces cochonneries qu'il y a dans le monde du cinéma et de la télévision. Ce serait une grave erreur.
Pour terminer, vous devrez faire des choix parce que les ressources du gouvernement sont limitées. L'une des choses que vous devriez vous demander est de savoir à quoi consacrer des deniers publics qui sont limités.
Une voix: Pourrions-nous connaître l’avis de ces deux messieurs?
Merci.
Avec votre accord, je vais demander à M. Armstrong de terminer ce qu'il demandait tout à l'heure.
La question que j'ai posée à M. Henderson concernait les obstacles, le fait que la distribution numérique des produits met tout le monde sur un pied d'égalité, ce qui peut être bénéfique aux régions rurales, mais aussi le défi que pose le fait d'avoir cette culture créative en dehors des régions urbaines. Vous avez été interrompu et vous pourriez peut-être conclure votre réponse.
Certainement. Je vous dirai deux choses. La première est que ces jeux triple-A ne peuvent pas être fabriqués dans des petites collectivités. Celles-ci n'ont tout simplement pas les personnes de talent qui sont nécessaires, comme nous l'avons déjà dit.
En revanche, il y a en Ontario beaucoup de petites entreprises, parfois de deux ou trois personnes seulement, et on peut trouver deux ou trois personnes de talent pratiquement n'importe où, ce qui veut dire qu'elles ont vraiment la possibilité de créer de très bonnes choses. Ces jeux sont différents de ceux qui sont distribués dans des boîtes en carton parce qu'on peut y jouer par téléphone. Le studio qui a fabriqué le jeu Puffin était un grand studio, mais le jeu a probablement été réalisé par une petite équipe. Je pense que c'est un avantage.
En outre, si ces petites équipes fabriquent un petit produit, elles ont quand même besoin d'aide pour le faire savoir au reste du monde. Quelqu'un y a fait allusion en disant qu'on a besoin d'un soutien accru pour le marketing. Votre petite équipe peut être basée n'importe où et produire le meilleur jeu au monde mais, si personne ne le sait, il n'existe pas. Je pense qu'il y a donc un véritable besoin d'appuyer le marketing — ce qu'on appelle la possibilité de découvrir — parce qu'il y a tellement de contenu qui est créé. Le revers de la médaille, quand les barrières à l'entrée sont tellement basses, c'est que beaucoup de gens peuvent produire du contenu.
Merci. Vous consacrez 4 000 mois-personnes à créer un jeu vidéo et quelqu'un d'autre appelle cela du contenu. C'est un peu démoralisant, parfois.
Merci à tous d'être venus, au fait.
Je veux poser une question à Maureen Parker.
Vous avez parlé du développement d'un bassin de talent canadien. Pourriez-vous nous dire brièvement comment cela pourrait se faire? Le gouvernement fédéral aurait-il un rôle à y jouer?
Merci de la question.
Nous n’envisageons pas le même système que pour le cinéma et la télévision. Je suis d'accord avec mon collègue, Peter Miller, car nous ne réclamons pas un système de points et nous ne voulons pas contrôler le contenu, comme disait Kelly Lynne, avec les castors et tout le reste. Ce que nous souhaitons, c'est relier l'argent fédéral public à des emplois canadiens.
Nous comprenons qu'il y a une courbe d'apprentissage et vous avez dit qu'une des sociétés existe depuis 25 ans.
Une voix: Vingt ans.
Vingt ans. Il me semble que ça fait beaucoup de temps pour dispenser de la formation. À certains égards, l'industrie du cinéma et de la division fait aussi constamment du recyclage professionnel.
Nous travaillons avec des écrans verts, etc. La technologie change tellement vite dans notre secteur qu'il y a toujours de la formation professionnelle mais, dans les industries culturelles, dont j'estime que vous faites partie, nous avons pris l'engagement de veiller à ce que nos emplois de plus haut niveau iront à des créateurs et à des résidents canadiens parce que ce sont des histoires, ce sont des produits culturels, quelle que soit la manière dont vous voulez les raconter.
J'estime certainement qu'un certain soutien est nécessaire, et peut-être plus de soutien à la formation dans différents domaines.
Pour répondre à votre question, ce que nous souhaitons, c'est clairement un lien entre l'argent fédéral et l'exigence d'un bassin de talent national.
La corollaire est que les États-Unis ou le Royaume-Uni pourraient faire la même chose pour leur propre talent. Avez-vous déjà réfléchi à ce revers de la médaille?
Certainement. Je n'utilise la télévision que comme exemple, parce que c'est ce que je connais, mais nous faisons des choses qu'on appelle des coproductions, en minorité et majorité. On négocie des ententes basées sur qui met le plus d'argent sur la table et on répartit le financement.
Nous ne disons pas qu'il ne peut pas y avoir n'importe quel niveau — j'écoutais quand l'alliance parlait d'avoir un expert en logiciel de San Francisco, qui est la seule personne pouvant faire ça. Ça me semble raisonnable. Il faut qu'il y ait une certaine souplesse dans le système, mais nous savons certainement, d'après notre expérience, que nous pouvons fournir des scénaristes et qu'il n'est pas nécessaire d'aller à Los Angeles pour trouver un scénariste pour Assassin’s Creed. Voilà ce que je voulais dire.
Merci.
Monsieur Hilchie, vous avez dit que le Canada est le troisième pays au monde pour l'industrie du jeu. Pouvez-vous me dire pourquoi en 45 secondes?
Nous avons beaucoup parlé des raisons dans les diverses conversations que nous avons eues mais, en général, je pense que le thème est que le bassin de talent qui existe, la main-d'oeuvre qualifiée qui est disponible, avec le soutien gouvernemental et la nature créative des employés et de l'industrie, constituent une combinaison fantastique pour aider l'industrie à s'épanouir.
À mesure qu'elle s'est développée, l'industrie a formé sa propre main-d'oeuvre et a élargi le bassin de main-d'oeuvre pour pouvoir s'épanouir. Les jeux qui ont été créés ici, NHL, FIFA, Assassin's Creed, Mass Effect, ont eu un succès commercial gigantesque et se sont vendus à des millions d'exemplaires dans le monde entier. Dans un sens, contribuer à des projets commerciaux comme cela a produit le bassin de compétences qui permet à ces employés de continuer à créer d'autres jeux comme ceux-là, et les sociétés d'ici bénéficient du soutien.
Monsieur DePetris, vous disiez que le Fonds des médias du Canada fait beaucoup de bonnes choses. C'est 375 millions de dollars. Vous avez dit aussi que l'industrie du jeu est encore considérée comme une industrie expérimentale. J'ai l'impression qu'ils sont largement en retard à ce sujet.
Vous avez dit qu'on pourrait peut-être faire un meilleur usage de l'argent. S'il n'en tenait qu’à vous, comment feriez-vous cela?
S'il n'en tenait qu'à moi, je m'occuperais moins de choisir les gagnants et les perdants en utilisant un fonds. Je commencerais par me demander ce qui fait le succès de ce fonds. Est-ce qu'il gagne de l'argent? Le critère me semble être qu'on doit investir dans des projets commercialement viables. C'est un prêt remboursable et il faut se demander quelle partie en a été remboursée au bout d'un certain nombre d'années. J'aimerais avoir la réponse à cette question. Mon instinct me dit que ça ne doit pas être beaucoup, mais je ne sais pas vraiment.
Que ferais-je?
Je mettrais l'argent dans l'infrastructure, dans l'investissement dans des incubateurs pour aider les petits entrepreneurs. Le gouvernement fédéral a fait un peu cela dans ma ville d'origine. Je mettrais l'argent dans l'examen des systèmes et des crédits ou subventions qui sont donnés aux gens, sans essayer de choisir un gagnant ou un perdant.
Oui. Je pense que des mesures automatiques comme les crédits d'impôt ont beaucoup de valeur. Les résultats ont été remarquables jusqu'à présent dans l'industrie du jeu, essentiellement pour les crédits d'impôt provinciaux.
Je suis d'accord avec Rob, dans un sens, au sujet des gagnants et des perdants. Une autre option serait de ne pas prendre l'argent dans le Fonds des médias du Canada, mais ça pourrait être en parallèle. On a beaucoup dit qu'il n'y a pas beaucoup de capital-risque et de capital-actions, surtout pour investir dans des projets. Le capital-risque privé de tierce partie a eu beaucoup de succès pour choisir les perdants et les gagnants, mais d'une manière qui est plus axée sur le marché avec une approche de portefeuille. Il faut qu'il y ait des perdants. Il ne peut pas y avoir que des gagnants. Le gouvernement peut jouer un rôle en appuyant ces investisseurs de tierce partie, soit directement, soit au moyen d'incitatifs à des investisseurs individuels et privés dans le fonds de capital-risque de tierce partie.
Un exemple de cela serait le gouvernement de l'Ontario qui a mis sur pied un fonds pour investir dans certains projets innovateurs, un fonds de fonds.
Mme Carole Deniger: Oui.
Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
Nous avons aujourd'hui une excellente occasion, comme parlementaires, de mieux comprendre ce qui n'est pas une industrie expérimentale mais une partie très importante de l'économie canadienne et de l'espace culturel que nous nous efforçons d'appuyer.
À ce sujet, je voudrais parler du besoin d'un plan exhaustif du numérique du côté gouvernemental. Je pense que beaucoup d'entre vous avez contribué à l'étude de 2010 du gouvernement du Canada. Serait-il important pour le secteur que le gouvernement divulgue finalement les résultats de cette étude? Ça fait presque trois ans qu'elle a été réalisée.
Je pose d'abord la question aux gens de l'Ontario, et les autres pourront répondre ensuite.
Merci, monsieur le président.
Évidemment, on a besoin d'un paquet de politiques fonctionnant ensemble pour aider à appuyer cette industrie très compliquée. Je pense que c'est l’ACLD qui a contribué à la stratégie des médias numériques, plutôt que nous, et je laisserai donc Jayson en parler.
C'est évidemment une industrie compliquée. Il y a beaucoup de questions auxquelles nous n'avons pas les réponses et qui appellent des recherches.
Pour répondre directement à votre question, il serait utile d'avoir une trajectoire pour savoir ce qu'il faut faire. Je pense que c'est l'objectif de ce genre de réunion, éduquer et informer les députés des deux côtés de la Chambre au sujet de ce qu'il faut faire.
Nous avons participé à la rédaction d'un mémoire avec TechnoMontréal en 2010. Essentiellement, ce que nous demandions au gouvernement fédéral, c'était qu'il mette de l'argent pour aider à réaliser l'infrastructure à l'échelle du Canada pour que tout le monde ait accès à des services de large bande à bas prix, sur n'importe quel appareil: en utilisant un téléphone cellulaire dans le métro ou n'importe où ailleurs au Canada, si possible, et en utilisant un téléphone cellulaire ou une tablette avec Wifi n'importe où au Canada. Cela résume essentiellement notre position. Il y a moyen de donner accès à tout le monde au Canada avec une infrastructure qui aidera tout le monde.
Si l'on cherche une vision plus globale, évidemment, le divertissement et l'information viennent à l'esprit, mais il y a aussi l'éducation numérique.
Ma fille, qui a 15 ans, a commencé cette année avec un iPad comme nouveau support. J'ai un service médical de large bande.
Dès que vous commencez à vous intéresser à un plan numérique, vous avez intérêt à vous accrocher parce que vous allez parler de beaucoup de choses qui ont un impact sur beaucoup de gens de manières différentes.
Donc, pour que ce soit clair, cela faisait partie de votre contribution en 2010.
D’autres y avaient participé, je crois.
Certainement. Notre position fondamentale est qu'il y a beaucoup d'interdépendances et d'interrelations entre des éléments disparates qui entrent en jeu avec la stratégie de l'économie numérique. Cela allait être un processus long et difficile. Nous aussi aimerions beaucoup voir la stratégie. Cela dit, je préfère que le gouvernement prenne le temps de bien faire plutôt que de publier quelque chose dans la précipitation rien que pour répondre à la critique qu'il n'agit pas assez vite.
À notre avis, il y avait différents éléments. L'un d'entre eux était la question de l'accès au capital. Cela comprend les crédits de RS&DE. Cela comprend un crédit de MNI. Cela comprend des options de financement direct comme le Fonds des médias du Canada. Il y a des questions d'accès aux talents en termes de problèmes d'immigration, en termes de développement de talent à long terme. Il y a des questions de services de large bande en s'assurant qu'on déploie l'infrastructure parce que c’est l'avenir de notre industrie. Nous avons besoin de services de large bande pour avoir accès à nos clients.
Il y a des questions de réglementation intelligente pour s'assurer que, chaque fois qu'on décide de réglementer dans un domaine touchant notre industrie, qui est naissante et en est à ses balbutiements, l'on pense aux permutations possibles de ce genre d'interventions de façon à ne pas souffrir d’effets inutiles ou imprévus.
Voilà l'éventail des questions qui ont été abordées dans notre stratégie de l'économie numérique. Nous avons essentiellement actualisé certaines de ces recommandations dans les documentations que nous avons fournies, et cela couvrait pratiquement toute la problématique. C'était un large éventail de questions.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'avoir pris le temps de venir nous parler de certains de ces succès remarquables. C'est magnifique d'entendre ces chiffres — 16 000 employés dans 350 sociétés — et d'apprendre que le Canada est troisième, et premier par habitant.
Je vais vous lancer une proposition et chacun d'entre vous pourra peut-être essayer de me dire ce qu'il en pense et pourquoi. Je veux savoir ce que vous pensez de la raison pour laquelle le Canada a une position aussi forte sur la scène mondiale? Qu'est-ce qui donne au Canada un tel avantage concurrentiel?
Ce sera rapide car je suis sûre que tout le monde a quelque chose à dire. La position que nous avons aujourd'hui est acquise, à moins que nous fassions marche arrière et reprenions tout. Nous sommes là, surtout au Québec, depuis plus de 20 ans.
Je dois dire que c'était la vision de développement économique du premier ministre et du ministre des Finances à l'époque. C'était une décision extrêmement audacieuse et risquée à l'époque, mais le résultat a été extraordinaire. Le Québec représente plus de 50 p. 100 de l'industrie canadienne.
Comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, sur la côte Ouest, c'était un peu différent. C'était la valeur du dollar et des choses comme ça.
Le fait est que ce niveau de maturité et le lien avec d'autres industries — nous avons le film et l'animation, l'Office national du film, et l'industrie des TI —, tout cela nourrit tout l'écosystème. C'est acquis, maintenant, quelles que soient les raisons, parce qu'il y en a beaucoup.
La question est de savoir comment maintenir et développer ça. Comment ajouter de la valeur?
Tout l'aspect multiculturel est un aspect très intéressant, je pense. À Montréal, nous sommes fiers d'attirer ça. Nous comprenons que nous ne voulons pas prendre des emplois aux Canadiens, mais c'est enthousiasmant de pouvoir attirer des gens pour travailler dans des sociétés canadiennes dans ces domaines.
J'ajoute quelques mots à la réponse de Carole. Il y a 10 ou 20 ans, peut-être, il y avait une fuite des cerveaux. Des gens du Canada s'en allaient au sud, ou dans n'importe quelle autre direction, parfois à cause du manque de projets importants dans leur domaine. Ce que je peux dire, c'est que je suis vraiment fier que ma petite entreprise soit capable d'attirer ces gens-là, qui sont partis il y a 10 ans, pour les faire revenir au Canada, parce que nous avons les projets les plus intéressants dans notre domaine. C'est une fuite des cerveaux à l'envers.
J'ai tenté de résumer en une phrase la vie quotidienne dans un studio de l'industrie du jeu vidéo. C'est comme la collision de deux trains à grande vitesse entre l'art et la technologie. Il n'y a aucune autre industrie qui peut dire qu'elle a ces deux éléments. Comment gérer cette énergie? Je pense que le Canada, en particulier, Montréal, la côte Ouest et l'Ontario, ont une certaine aptitude à gérer ces deux grandes forces.
Notre industrie a en fait toujours été mondiale. Nous n'avons jamais considéré que notre marché national serait notre seul marché. Nous ne pourrions pas survivre dans cette industrie, parce que nous ne sommes pas assez gros. Le Canada représente en fait 2 à 3 p. 100 du marché mondial. C'est pour cette raison que nous nous sommes toujours tournés vers l'extérieur. En fait, c'est pourquoi l'introduction de nouvelles plateformes en ligne et mobiles s'est accélérée. Nous avons des occasions fantastiques à exploiter.
Quand nous avions déjà le bassin de talent ici, quand nous avions déjà les instructions, quand nous avions l'appui gouvernemental sous forme de crédits d'impôt provinciaux et d'autres options de financement, cela signifiait essentiellement que nous avions tout un faisceau de facteurs agissant en notre faveur et que nous avons pu exploiter.
Pour revenir à ce que disait Carole, l'une des choses auxquelles nous devons faire très attention est de ne pas nous reposer sur nos lauriers. Nous sommes troisième au monde actuellement. Nous n'avons pas toujours été troisième. Nous ne resterons pas nécessairement troisième si nous ne faisons pas attention. Nous sommes constamment en concurrence avec le Royaume-Uni, en particulier, qui a tendance à attacher beaucoup d'importance à ce secteur. Mais nous avons d'énormes forces de développement en Corée du Sud, en Chine et dans beaucoup des nations asiatiques qui ont beaucoup plus d'industries émergentes extrêmement solides. Ils sont extrêmement bons quand il s'agit d'exploiter certains des secteurs émergents qui vont menacer notre place de troisième. Nous devons toujours veiller à ajuster nos outils de politique publique pour nous assurer de conserver cette place, voire de passer à la deuxième et peut-être même de supplanter les Américains à la première.
Merci, monsieur le président, et merci à nos nombreux témoins. Je vais essayer de me limiter à un sujet parce que nous n'aurons pas assez de temps pour en aborder d'autres.
J'ai lu le document de l’ACLD sur les travailleurs étrangers temporaires. J'ai constaté que la main-d'oeuvre est l'une de vos grandes préoccupations. Ce que j'entends constamment, c'est que nous voudrions engager des Canadiens mais que nous n'avons pas encore les talents voulus. Cela semble concerner largement les spécialités techniques, si j'ai bien compris. Les talents n'existent pas encore au niveau supérieur pour créer cette équipe de base. Nous avons aussi entendu cela la dernière fois de la part d'autres témoins.
Ce que m'a appris votre document sur les travailleurs étrangers temporaires, c'est que, si le talent n'existe pas encore maintenant, nous devons accélérer le processus d'approbation des visas car, si nous n'investissons pas dans l'industrie et n'attirons pas ces leaders dont l'industrie a besoin pour s'épanouir, nous ne pouvons risquer de perdre cette industrie et de perdre cette troisième place. Il y a eu des changements dans les politiques de RHDCC et de CIC qui font que c'est plus difficile. J'ai aussi entendu Mme Parker dire que nous devons nous assurer que nous engageons des Canadiens.
J'adresse ma question à tout le monde, en vous rappelant que vous n'aurez probablement que 30 à 45 secondes chacun pour répondre.
Que devrions-nous faire pour qu'il soit plus facile aux sociétés d'engager des Canadiens? Si les Canadiens ne sont pas disponibles immédiatement, quelle formation pourrait-on leur donner ou que pourrait-on faire d'autre pour obtenir rapidement des travailleurs canadiens? Si nous ne faisons pas cela, je dirais que nous devrions veiller à rendre plus rapide le processus d'octroi des visas de façon à faire venir ces bons talents dans le pays.
L'une des choses que nous examinons est de voir où se situe le vrai problème et de cibler ces domaines réels. Pour la scénarisation, nous avons des personnes de talent ici. Essayons de dispenser une formation de niveau intermédiaire pour attirer ces gens dans le secteur des jeux vidéo.
J'ajoute que ça doit être donnant donnant. Si nous donnons quelque chose, nous devons recevoir quelque chose en retour.
En ce qui concerne le contexte du mémoire, ce ne sont pas les professions créatives plus conventionnelles ou traditionnelles qui préoccupent le plus nos sociétés membres, selon ce que j'entends dire. Ce ne sont pas toutes les professions techniques. Ce ne sont pas tous les codeurs et autres. Ils ne constituent que 25 à 30 p. 100 de notre effectif global. Il y a des groupes que nous avons mis dans l'élément créatif de notre industrie qui ne sont pas les créatifs traditionnels auxquels on pourrait penser dans le cinéma et la télévision. Ce sont les concepteurs, les concepteurs de niveau. Ce sont les types qui travaillent dans les arts numériques, qui créent les éléments artistiques, etc. Cela exige un haut niveau d'expertise spécialisée. Ce n'est pas quelque chose qu'on apprend à l'école. Voilà le genre d'emplois dont nous parlons.
Il ne s'agit pas simplement d'organiser un atelier pour avoir rapidement des gens capables d'occuper ces postes. Si tel était le cas, nous le ferions avec plaisir. Chaque grande entreprise dispense beaucoup de formation interne sur la base des outils individuels qu'elle utilise pour ses propres jeux, essentiellement pour s'assurer que les nouveaux diplômés, ou même ceux qui sont chevronnés, sont vraiment qualifiés pour travailler sur les projets particuliers sur lesquels elle travaille.
Je vais me faire l'avocate du diable pour Mme Parker. Engageons-nous surtout des scénaristes canadiens pour nos jeux? Vous représentez la Writers Guild et je vais donc essayer de les aider. Recrutons-nous essentiellement des Canadiens pour rédiger les scénarios et, ensuite, s'ils n'ont pas la capacité technique de rédaction spécifique qu’exige un jeu vidéo, les aidons-nous à l'acquérir?
Je vois que l'équipe du Québec approuve de la tête. Cela se fait-il aussi en Ontario et dans le reste du pays?
En Ontario, ce sont les grands projets qui emploient des scénaristes professionnels parce que ce sont des projets plus vastes, où la narration a plus d'importance que pour quelque chose qui est plus petit et auquel on joue sur son téléphone. Ubisoft Toronto est membre de notre association et engage des scénaristes locaux.
Parfois, mais c'est peu fréquent. Je suis désolée, j'aimerais bien que ce soit vrai. Nous discuterions plus souvent que simplement ici, et nous allons peut-être essayer de plus discuter.
Il importe aussi de souligner que le genre de projet qui nécessiterait le recours à des scénaristes professionnels représente une proportion relativement minime de tous les jeux que nous produisons collectivement. Pour un petit jeu par iPhone, comme l'a dit Don, on n'a pas nécessairement besoin d'un scénariste professionnel. En outre…
citizen's arrest 3 [Note de la rédaction: inaudible]... vous avez fait, et vous avez utilisé un scénariste de Los Angeles pour celui-là.
Dans certains cas, une société individuelle fera des choix individuels et ne sera donc pas admissible aux crédits d'impôt pour ces choix.
Merci, tout le monde. Nous allons passer à la question suivante, même si ça devient intéressant.
Monsieur Brown, vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous nos témoins.
J'ai eu ce matin l'occasion de discuter avec Mme Parker et avec Mme Ashton, et nous avons parlé de formation professionnelle. Je sais qu'il ne nous reste que quelques minutes et je vais donc vous en donner quelques-unes pour vous faire parler de ces choses-là, parce que je sais que c'est très important pour vous. Si nous voulons que l'industrie tire plus souvent avantage des talents que nous avons ici, des scénaristes présents au Canada, dites-nous comment nous pouvons faire encore mieux appel à eux que nous le faisons maintenant.
Ce à quoi nous pensons, ce sont des ateliers. C'est une chose qu'on peut faire pour la scénarisation. Dans les gros jeux d'aventure, l'histoire et les personnages sont importants. Les scénaristes qui ont travaillé sur des séries dramatiques et des séries comiques savent très bien faire ça et ont acquis les compétences voulues à la télévision. Voilà pourquoi Ubisoft Toronto a engagé pour la dernière version de Splinter Cell un scénariste qui avait travaillé sur The Listener et Republic of Doyle.
Si nous avons ce genre de formation ciblée de scénaristes chevronnés et qualifiés de tout le Canada, ils pourront faire partie du bassin de talents et travailler sur ces jeux qui racontent une histoire. Nous parlons à Interactive Ontario et nous aimerions parler à Alliance numérique de ce genre de partenariats dans lesquels nous pourrions présenter leurs membres à nos membres, ce qui est aussi l'autre partie de l'histoire. Ils doivent savoir que nos gens peuvent faire le travail.
Mais pas par dessous.
Je respecte la Writers Guild mais, la dernière fois que j'ai fait un jeu vidéo — je suis maintenant chez KPMG —, j'avais une équipe de 100 personnes et trois ou quatre scénaristes — et vous pouvez peut-être éclairer ma lanterne, les gars. La plupart des gens dont nous parlons ici sont des programmeurs et des artistes, et certains concepteurs, je comprends bien.
Je peux vous dire que quand nous faisions un jeu vidéo, tous nos scénaristes étaient canadiens, et nous tentions d'en employer autant que possible. N'oubliez pas que, quand nous faisons ces jeux, ce n'est pas comme un film où l'on fait un projet, on réalise le film, et tous les acteurs rentrent chez eux, après quoi ils reviennent. Eidos, à Montréal, a 500 personnes. L'an prochain, ils vont réaliser quatre nouveaux projets et il leur faudra 500 personnes, ou peut-être 700. Ces sociétés continuent et ce sont tous des Canadiens.
Oui, nous devons faire venir des talents de l'extérieur. Quand quelqu'un dit que nous étions là il y a 20 ans, oui, nous étions là il y a 20 ans quand l'industrie représentait 1 000 personnes à Montréal. Aujourd'hui, elle en représente 16 000. Nous sommes une victime de notre succès. Notre croissance est tellement rapide que nous devons faire venir des talents de l'étranger mais, en réalité, combien de gens avons-nous formé ces dernières années pour occuper ces emplois? Nous faisons un travail phénoménal.
Voyez quelle est la situation réelle ici. Cette question d'immigration est une chose dont on doit s'occuper, et nous avons besoin d'aide pour continuer la croissance de notre industrie, mais c'est un problème mineur.
Je dois répondre en fonction de ce que nous faisons. Je comprends que ce que vous faites est différent mais vous dites que vous voulez être considérés comme une industrie culturelle et avoir…
Je croyais avoir entendu ça. J'ai entendu accès FMC, j'ai entendu ces choses-là.
Je pense que ce qui compte, c'est que nous employons aussi des centaines de milliers de personnes. Elles ne travaillent pas seulement pendant huit mois. Elles travaillent pendant huit mois puis elles commencent un autre emploi. Nous ne sommes pas ici pour parler uniquement des scénaristes. Nous sommes ici pour parler du principe d'investir dans un bassin de talents canadiens. Je comprends que vous allez avoir des besoins à court terme qui devront être satisfaits de l'extérieur du pays mais, je le répète, j'ai la ferme conviction que nous avons tout ce qu'il faut pour former des Canadiens pour ces très bons emplois.
Une voix: Moi aussi.
Pour notre dernier jeu, nous avions une équipe de quatre scénaristes à temps plein, peut-être, sur 135. Ça vous donne une idée du pourcentage de scénaristes pour un jeu. Quatre-vingts pour cent des scénaristes sont du Canada. Il faut avoir les bonnes personnes au bon endroit. En affaires, il y a deux choses absolument cruciales: l'offre et la demande. Veuillez m'excuser, mais pourquoi irais-je en dehors du Canada? S'il y a une personne qualifiée au Canada, pourquoi irais-je chercher ailleurs? S'il vous plaît, que quelqu'un m'explique cela. Si j'investis dans mes ressources humaines pour aller à l'étranger, c'est parce que nous avons cherché à l'interne. Admettez au moins cela. S'il y a quelqu'un en Colombie-Britannique, en Ontario, dans les Maritimes, nous ferons évidemment appel à lui. Pour nous, cette personne, ce grand talent, sera disponible en quelques jours, semaines ou mois. Si je dois aller à l'étranger, c'est pour de bonnes raisons.
Monsieur Brown, votre temps de parole est écoulé.
Pour l'information des participants, nous devrons bientôt aller en Chambre pour des votes. La cloche va se mettre à sonner dans une minute ou deux. Elle n'a pas encore commencé mais, dès qu'elle commencera, nous devrons conclure immédiatement la séance. En attendant, monsieur Dubé, il nous reste un peu de temps.
[Français]
Merci beaucoup. On sent la pression de l'horloge.
Dans le cadre de la discussion en cours, soit un genre de table ronde, comme le disait M. Simms, je voudrais faire valoir que ça se situe au-delà d'un rôle spécifique. Je ne veux pas établir une trop grande similitude entre la conception d'un jeu vidéo et le domaine de la télévision ou du cinéma, mais s'il y a une similarité, c'est qu'il s'agit de plus en plus d'un travail d'équipe. Les gens proviennent de bien des milieux. Justement, à la une de la revue L'actualité cette semaine, on mentionnait que le fait de détenir un bac en histoire pouvait nous aider à contribuer à un jeu vidéo. On utilisait, bien sûr, l'exemple du jeu Assassin's Creed.
Je me permets de revenir sur l'erreur que M. Nantel a faite plus tôt en parlant de l'ACTRA. En fait, dans ce cas également, il a été question de l'importance de la capture du mouvement, qui sollicite de plus en plus la contribution d'acteurs. On parle des scénaristes, des consultants en histoire. Même dans les jeux de guerre, on consulte des gens ayant un passé militaire.
Quand une entreprise est établie dans une communauté, elle espère que des gens des alentours peuvent offrir ce genre de contribution. C'est le cas à Montréal, mais je connais moins la situation dans les autres villes.
En quoi est-ce que ça vous aide quand ces gens...
[Traduction]
Je regrette, monsieur Dubé, mais vous n'avez pas posé votre question à temps, la cloche a commencé à sonner.
J'aimerais soulever quelque chose. Je ne sais pas si c'est un rappel au Règlement, vous verrez bien.
Ceci ne marche pas, très franchement. Nous avons ici une table ronde avec une discussion incroyablement intéressante et on nous coupe la parole au bout de cinq minutes. Très franchement, ça ne marche pas. Je veux le dire en public parce que je pense qu'il nous faut changer la procédure. Nous pourrions allonger les temps de parole. Le fait est que nous ne sommes plus dans une période de questions mais dans une période de discussion. Normalement, nous pourrions scinder le groupe…
Monsieur Simms, les temps de parole ont été décidés par le comité. Nous pourrons en discuter en sous-comité et modifier notre règlement si c'est ce que nous voulons.
Entre-temps, je tiens à remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui.
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