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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1er novembre 1994

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

L'IMMIGRATION

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'adoption du 45e rapport 7474
    Adoption de la motion 7474

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

    Projet de loi C-57. Reprise de la motion portant deuxième lecture 7474
    M. Chrétien (Frontenac) 7477
    M. Tremblay (Rosemont) 7478
    M. Chrétien (Frontenac) 7484
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 7485
    M. Mills (Red Deer) 7488
    M. Chrétien (Frontenac) 7492
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 7499
    M. Leblanc (Longueuil) 7499

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'ÉGALITÉ

LES TRAVERSIERS

LES DÉLINQUANTS VIOLENTS

LE COQUELICOT

LE PROFESSEUR JOHN C. POLANYI

LE TRAVAIL SOCIAL

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

LA REVUE ESPRIT DE CORPS

L'IMMIGRATION

LE TOURISME

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Leroux (Shefford) 7502

LA JUSTICE

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

L'ÎLE BELL

L'AVIATION CIVILE

LA VIOLONISTE JULIETTE KANG

QUESTIONS ORALES

L'ÉTHIQUE

    M. Gauthier (Roberval) 7504
    M. Gauthier (Roberval) 7505
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 7506
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 7506
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 7507
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 7507

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

L'ÉTHIQUE

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

L'INDUSTRIE

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 7509

L'ÉTHIQUE

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

LE CRTC

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 7510

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

    Projet de loi C-57. Reprise de l'étude de la motion 7511
    M. Leblanc (Longueuil) 7511
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 7513
    M. Hill (Prince George-Peace River) 7517
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi et renvoi à un comité 7520

LOI SUR L'OFFICE DES DROITS DE SURFACE DU YUKON

    Projet de loi C-55. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 7520
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 7520

LA LOI CANADIENNE SUR L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

    Projet de loi C-56. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 7534
    Adoption de la motion par 180 voix contre 44 7535
    Deuxième lecture du projet de loi; renvoi à un comité 7535

LOI SUR LE MINISTÈRE DU PATRIMOINE CANADIEN

    Projet de loi C-53. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture, ainsi que l'amendement et dusous-amendement 7535
    La motion est rejetée par 131 voix contre 93 7535

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

    Projet de loi C-54. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture, ainsi que de l'amendement 7536

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR LA RÉVOCATION DES DÉPUTÉS

    Projet de loi C-210. Reprise de l'étude en deuxième lecture 7537
    Rejet de la motion par 179 voix contre 40 7538

LA JOURNÉE NATIONALE DES PATRIOTES

    Reprise de l'étude de la motion 7539
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 7539

MOTION D'AJOURNEMENT

LES DROITS DE LA PERSONNE

L'ÉTHIQUE


7469


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 1er novembre 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 28 pétitions.

* * *

L'IMMIGRATION

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, au nom du gouvernement, j'ai le vif plaisir de déposer le plan sur les niveaux d'immigration pour 1995.

Il y a un an cette semaine que notre gouvernement a été élu. La nouvelle façon de gouverner que nous avons alors mise en application nous a amenés à créer un ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration: un ministère qui tienne compte du lien qui a toujours existé, au Canada, entre l'arrivée de nouveaux citoyens et l'évolution du pays. Ces deux aspects se renforcent mutuellement. Les libéraux sont convaincus de la force positive et constructive de l'immigration.

Il y a dix mois, j'ai entrepris une vaste consultation auprès des Canadiens sur l'orientation future de notre programme d'immigration. Cette consultation partait de deux principes. Premièrement, il fallait amener les Canadiens à prendre part à une discussion éclairée et constructive. Le débat devait porter sur des problèmes, des faits et des chiffres ainsi que sur les attentes et les aspirations que nous entretenons à l'égard de notre pays. Nous devions essayer de mettre de côté les mythes et les idées fausses qui règnent malheureusement parfois dans ce domaine très sensible de la politique officielle fédérale.

Deuxièmement, il fallait atteindre le plus grand nombre de Canadiens possible, car nous ne voulions pas seulement discuter avec les groupes d'intérêts traditionnels qui ont aidé à élaborer notre politique d'immigration positive, mais aussi faire participer tous les Canadiens qui le désiraient. L'opinion des groupes spéciaux est importante, mais elle ne doit pas occulter les intérêts des Canadiens en général.

Il importait donc que, pour la première fois et à l'initiative de notre gouvernement, les intéressés non traditionnels à la question de l'immigration, les commissions scolaires, les représentants des municipalités, des syndicats et des travailleurs, et les citoyens ordinaires viennent à l'Université York ou à nos autres lieux de rencontre pour exprimer leurs sentiments et leurs convictions à l'égard de la politique d'immigration canadienne. Il faut reconnaître également que notre processus était aussi important que le sujet à l'étude. Pour la première fois nous avons étendu la consultation afin d'en arriver à un consensus sur l'orientation de nos politiques d'immigration des prochaines années.

[Français]

Nous voulions nous assurer d'une participation importante: plus de 13 000 chemises d'information ont été distribuées, partout au Canada, à des commissions scolaires, à des élus, à des groupes et à des particuliers intéressés à la question de l'immigration. Cent trente mille bulletins d'information ont été distribués. Et les Canadiens ont répondu à notre invitation.

De février à septembre, des milliers de Canadiens nous ont dit ce qu'ils pensaient dans le cadre d'assemblées communautaires et de cercles d'études. Nous avons reçu des centaines de lettres.

Il y a six semaines, nous avons tenu notre conférence nationale à Ottawa. Nous avons écouté et nous avons entendu.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous prenons les décisions que les Canadiens attendent de leur gouvernement, les décisions que les participants nous ont demandé de prendre. Notre gouvernement est déterminé à faire de la consultation la pierre angulaire de sa politique. Mais vient un moment où le gouvernement doit décider de cette politique.

Aujourd'hui, nous déposons au Parlement notre politique d'immigration pour 1995 et les années à venir. Elle prend sa source dans nos valeurs et reflète les idéaux que nous avons en tant que nation.

(1010)

Même si je n'ai que quelques minutes pour en parler, le document intitulé Une vision élargie: Plan concernant l'immigration et la citoyenneté, 1995-2000 marque un changement radical dans le programme d'immigration du Canada. Dans le passé, je suis d'avis que nous insistions trop sur les chiffres au lieu d'élaborer un plan exhaustif et à long terme qui aurait


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exprimé clairement la signification de ces chiffres et facilité leur acceptation.

Notre consultation s'est traduite par une nouvelle approche axée sur une vision plus globale et une meilleure compréhension des aspirations des Canadiens. Premièrement, au lieu de soumettre un chiffre précis à la Chambre des communes, le plan est fondé sur une estimation réaliste qu'en 1995, de 190 000 à 215 000 immigrants et réfugiés arriveront au Canada.

Un écart réaliste et honnête est ainsi déterminé entre les nombres minimum et maximum d'immigrants que nous pourrons recevoir compte tenu des décisions du gouvernement et des Canadiens, ainsi que des sources étrangères d'immigrants, dont certaines sont moins abondantes. Par exemple, il y a moins d'indépendants qui viennent au Canada, soit parce que la conjoncture économique canadienne est mauvaise, soit parce que la conjoncture économique de leur pays est bonne ou parce qu'ils ont l'impression que les portes du Canada sont closes. Pour les mêmes raisons, le nombre des familles est en baisse, de même que celui des immigrants entrepreneurs. Nous devons tenir compte de ces sources d'immigrants dans le monde.

D'un bout à l'autre du pays, on entend parler de la nécessité d'établir un meilleur équilibre entre les quatre catégories d'immigrants. Parfois, nous avons été trop obsédés par le nombre total d'immigrants que l'on prévoyait accepter, à tel point que ce seul chiffre se retrouvait au coeur de tout le débat. Cependant, il y a quatre catégories auxquelles nous devons accorder beaucoup d'attention, car il faut décider laquelle doit être privilégiée aux dépens des autres. Quel équilibre faut-il refaire entre la catégorie des familles, celle des autonomes, celles des gens d'affaires et celle des réfugiés?

Il me semble que le Parlement et le gouvernement doivent préciser et aller au fond des choses et prendre des décisions sur l'importance que doit avoir chaque catégorie plutôt que de simplement parler du nombre total d'immigrants.

Donc, la proportion des immigrants de la catégorie des gens d'affaires passera de 43 à environ 55 p. 100 du total, tandis que celle de la catégorie des familles sera ramenée de 51 à 44 p. 100 au cours de la période visée par le plan.

Voilà qui nous assurera un programme d'immigration et de citoyenneté réaliste et durable. Nous continuons de viser, à long terme, des niveaux d'immigration équivalant à environ 1 p. 100 de notre population, dans la mesure où nous pourrons accueillir ces immigrants et assurer leur établissement.

Il convient de préciser que les immigrants de la catégorie des familles ne sont pas restreints par les quotas établis pour cette seule catégorie, mais que, à toutes fins utiles, tout le programme leur est ouvert puisque lorsque nous invitons un immigrant indépendant à s'installer au Canada, celui-ci peut amener sa famille immédiate. C'est la même chose lorsque nous invitons les immigrants gens d'affaires et les réfugiés.

Par ailleurs, la catégorie des familles n'est plus une catégorie restreinte et les critères qui y sont rattachés sont appliqués avec compassion et équité à l'ensemble du programme d'immigration, ce qui témoigne de la philosophie libérale.

Les changements visant la sélection de travailleurs et d'immigrants qualifiés accroîtront les avantages économiques de l'immigration et réduiront peut-être même les coûts de l'établissement. Comme nous le soulignons dans notre document, il est important que notre système d'attribution de points soit adapté au nouveau type de compétences dont le Canada a besoin en ce moment.

La première compétence en importance, sera la langue. C'est la première priorité, tant ici au Canada qu'à l'étranger, pour nos agents des visas.

Les autres compétences comme le niveau d'instruction, l'âge, l'expérience compteront aussi. À côté de la classification professionnelle, les aptitudes professionnelles de base prendront de l'importance, car elles peuvent faciliter la transition des immigrants vers la nouvelle économie. Il faut penser que dorénavant, les gens auront deux, trois et parfois même quatre carrières au cours de leur vie active. Ce changement n'est attribuable à aucun mouvement dans un sens ou dans un autre, mais il est temps de dresser l'inventaire de l'économie du Canada de 1994. Les forces qui agissent sur le monde et sur le Canada aujourd'hui sont très différentes des forces qui agissaient, par exemple, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Je crois que, en matière d'immigration, nos outils, notamment notre système de points, doivent être adaptés au rythme des changements qui surviennent dans le monde et au Canada.

(1015)

Notre nouvelle façon de considérer la catégorie de la famille répondra aux attentes de tous ceux qui, actuellement, ne peuvent pas parrainer les parents qu'ils voudraient faire venir au Canada. Par ailleurs, tous les parrains seront tenus plus étroitement responsables de remplir leurs obligations.

En commençant avec le plan de 1995, les composantes réfugiés et immigrants seront gérées séparément. Cela mettra en relief la distinction entre les objectifs de protection et de réinstallation du programme humanitaire en faveur des réfugiés-dont tous les Canadiens devraient être fiers-et les objectifs sociaux et économiques qui sous-tendent les catégories des travailleurs qualifiés, des gens d'affaires et des familles.

[Français]

Le plan renforce notre volonté d'élaborer une nouvelle loi sur la citoyenneté, conçue pour créer un lien commun entre les Canadiens de naissance et les Canadiens par choix. Outre les droits, les responsabilités seront davantage mises en lumière, soulignant ainsi la valeur de la citoyenneté de tous les Canadiens. Enfin, le plan confirme notre détermination de collaborer avec les provinces pour cette responsabilité partagée que constitue l'immigration.

[Traduction]

Dans le document sur la stratégie pour les 10 prochaines années que je dépose aussi aujourd'hui, j'expose l'orientation que le gouvernement entend donner à la politique d'immigration et de citoyenneté à l'aube du XXIe siècle. Un cadre fondé sur cinq grands éléments et objectifs fondamentaux y est précisé.


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Premièrement, enrichir notre tissu social par la sélection d'immigrants qui réussiront à s'intégrer à la société canadienne en devenant des citoyens à part entière.

Deuxièmement, stimuler la croissance économique du Canada par des mesures de promotion dynamiques qui présentent notre pays comme le meilleur endroit au monde pour vivre et travailler, comme l'ONU l'a reconnu en deux des trois dernières années.

Troisièmement, reconnaître l'importance que les Canadiens accordent à la famille et maintenir le programme d'une manière durable et abordable.

Quatrièmement, remplir la mission humanitaire du Canada grâce à une stratégie cohérente qui sépare les volets des réfugiés et des immigrants et relève le double défi de la protection et de la prévention. Notre stratégie reflète fidèlement les engagements que nous avons pris en septembre au Caire lors de la Conférence internationale sur la population et le développement.

Cinquièmement, assurer l'équité d'accès et faire respecter la règle de droit toujours et par tous dans notre pays.

Tout au long de vastes et minutieuses consultations, les Canadiens ont souligné qu'ils avaient perdu confiance dans la capacité du programme d'immigration de contrôler l'entrée au Canada et de faire appliquer la Loi sur l'immigration dans le cas des personnes frappées de renvoi. Par des mesures législatives comme le projet de loi C-44, dont la Chambre a déjà été saisie, nous cherchons à regagner la confiance des Canadiens et à réaliser l'objectif plus vaste que s'est fixé notre gouvernement de rendre nos villes, nos rues et nos foyers sûrs.

Les consultations ont également révélé que les Canadiens s'inquiètent de la viabilité du système de sécurité sociale du Canada. Le gouvernement s'attaque à ce défi plus vaste en engageant un dialogue en vue d'améliorer la sécurité sociale au Canada. De notre côté, nous contribuerons à la solution en sélectionnant plus d'immigrants moins susceptibles de recourir à l'aide sociale.

Les modifications apportées aux obligations de parrainage et leur application plus rigoureuse accroîtront l'équité d'accès à la sécurité sociale. Nous avons déjà entamé des discussions avec les provinces, et des ententes sur l'échange de renseignements ont déjà été signées avec six municipalités de l'Ontario.

Je dirai en terminant qu'une bonne politique d'immigration a toujours été un trait de notre histoire et un facteur de développement de notre pays. Les libéraux croient que l'immigration a été bénéfique pour le Canada. Nous croyons que les forces de l'immigration ont contribué à bâtir un pays alors que beaucoup d'autres gens considèrent l'immigration comme une source de problèmes.

(1020)

Les libéraux croient également qu'il est nécessaire de harnacher ces forces positives pour faire face à l'immense changement en cours à l'échelle de la planète et à l'échelle de notre pays. La stratégie et le plan que je dépose aujourd'hui au nom de mes collègues et du gouvernement indiquent la bonne direction à prendre au moment où nous nous préparons à entrer dans le XXIe siècle.

Le plan a un caractère équitable, durable et abordable, tant pour les nouveaux arrivants que pour les Canadiens. J'invite tous les députés et, de fait, tous les Canadiens à se joindre à nous pour aller de l'avant et entrer avec audace, confiance et dynamisme dans ce XXIe siècle.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, nous avons reçu seulement ce matin le document déposé aujourd'hui par le ministre. Nous allons quand même faire quelques commentaires préliminaires.

Comme le ministre l'a dit, il y a eu des consultations qui ont duré dix mois, à un coût de un million de dollars. Malheureusement, nous n'avons pas devant nous un document contenant une véritable politique d'immigration et de citoyenneté. On ne voit pas, dans le discours du ministre ni dans le document déposé aujourd'hui, de fil conducteur. On ne sait pas encore où le ministre s'en va en matière d'immigration et de citoyenneté. On croyait que le ministre allait déposer, aujourd'hui, des décisions, ou enfin ce qu'il entend effectivement faire au cours des années à venir.

Tout ce qu'il nous dit, c'est que le nombre d'immigrants se situera, pour l'année 1995, entre 190 000 et 215 000 et que le nombre de réfugiés se situera entre 24 000 et 32 000 l'année prochaine. Je dis en passant que c'est une violation et une contradiction du livre rouge, dont l'objectif était de 1 p. 100 de la population, annuellement.

Ensuite, pour l'année 1994, les objectifs fixés par le ministre lui-même ne seront pas atteints. Il n'y aura pas plus de 230 000 immigrants, cette année, comparativement aux 250 000 annoncés par le ministre au début de l'année. Cependant, nous sommes d'accord avec le ministre concernant la réduction du nombre d'immigrants. On nous a dit que le nombre de demandes déposées pour venir s'installer au Canada a diminué, et nous sommes aussi conscients qu'il y a encore des difficultés au niveau de la reprise économique, que le taux de chômage est encore très élevé au Canada et encore plus au Québec.

Nous voudrions que le ministre profite de l'année qui vient, 1995, pour se concentrer surtout sur l'intégration des immigrants. Des milliers d'immigrants viennent ici, mais ils ne trouvent pas d'emploi et ne reçoivent pas non plus l'assistance des services gouvernementaux.

Concernant les réfugiés, nous voulons nous assurer que le ministre va continuer à remplir les obligations internationales, les obligations humanitaires du Canada envers cette catégorie de gens qui viennent chercher la protection du Canada.

(1025)

Il y a encore trop de réfugiés dans le monde, plus de 20 millions, et le Canada a sa part à faire dans ce domaine et nous, du Bloc québécois, sommes très sensibles à ce problème. Nous ne voyons pas très clairement dans la documentation soumise par le ministre, s'il entend respecter la juridiction du Québec en matière d'immigration, s'il entend respecter scrupuleusement l'entente McDougall-Gagnon-Tremblay, qui a été signée en 1991 et


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qui reconnaît au Québec son droit exclusif en matière d'intégration, d'accueil et de sélection des immigrants.

Le Québec, vous le savez tous et toutes, constitue une société distincte. Ayant sa propre langue officielle, étant le seul État francophone en Amérique du Nord, cette société doit protéger et favoriser l'immigration francophone. Nous ne voyons pas non plus, dans le document du ministre, comment il entend faire la promotion de l'immigration au Canada. On sait qu'il y a un sentiment croissant d'hostilité envers les immigrants, et surtout envers les réfugiés, mais nous croyons que l'État canadien, les provinces également, auront l'obligation d'informer la population sur les avantages, les aspects positifs de cette immigration.

L'immigration a contribué énormément à la prospérité économique du Canada. L'immigration est nécessaire pour faire face aux problèmes démographiques du Canada et du Québec. L'immigration est nécessaire pour renouveler notre population qui vieillit rapidement. Il faut l'expliquer, il faut dire aux Canadiens que les avantages sont beaucoup plus nombreux que les désavantages, et que les immigrants, malgré toute la propagande contraire, ont moins de recours aux services sociaux, au Canada, que les Canadiens de naissance, et que le taux de criminalité des immigrants est inférieur au taux de criminalité des Canadiens nés ici.

Le ministre ne dit pas non plus, dans son document, comment il va résoudre le problème de nominations à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il continue à faire des nominations. Il y a encore des plaintes qui viennent tant des avocats, des groupes qui s'occupent d'immigration et de réfugiés, que des clients ou de la population en général. Il y a encore des nominations qui ne sont pas faites sur la base de la compétence. Il y a encore des nominations qui sont seulement de nature politique et on aurait aimé que le ministre nous propose des mécanismes, comment faire des nominations non partisanes.

Est-ce possible de créer un comité d'avocats du barreau ou d'organismes qui s'occupent d'immigration, pour qu'il y ait une présélection, avant que le commissaire ne soit nommé? Le ministre ne traite pas d'un autre problème, soit celui des retards au ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté. Il y a trop de dossiers en retard, il y a trop de demandes qui prennent des mois et même des années. Le ministre a malheureusement endossé la décision du Parti conservateur de créer un super centre de traitement des dossiers à Végréville, en Alberta, et cela a occasionné énormément de problèmes.

Les gens ne s'y retrouvent plus. Aujourd'hui, on ne peut plus avoir accès à un agent pour expliquer la situation. Il faut toujours téléphoner à des numéros qui sont toujours occupés. On ne peut facilement avoir une trousse de documents pour les remplir et faire une demande.

(1030)

Les fonctionnaires ne sont pas satisfaits de ce fonctionnement. Il y a eu des coupures de postes au Québec et un peu dans toutes les provinces. Les services en français ne sont pas adéquatement donnés par ce centre de Végréville.

Le ministre nous annonce également qu'il va déposer un projet de loi sur la citoyenneté. Nous l'attendons. J'aimerais que le ministre se penche à nouveau et qu'il réfléchisse encore une fois au concept de la double citoyenneté. On sait que le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a proposé au ministre de mettre fin à la double citoyenneté. Nous croyons que ce serait un recul inacceptable, maintenant que tous les pays acceptent de plus en plus ce concept de double ou triple nationalité et alors que le taux de mobilité des populations et des gens s'est accru considérablement dans le monde. On ne peut pas mettre fin à un acquis si précieux pour tous les Canadiens et les Canadiennes, surtout pour les immigrants qui veulent garder un lien avec leur pays d'origine. C'est bon pour le Canada et c'est bon, je pense, pour les immigrants qui eux, parfois, sont des communicateurs avec leur pays d'origine. Ils font la promotion du commerce canadien avec leur pays d'origine. C'est bon qu'il y ait cette double nationalité, quand les gens souhaitent l'avoir.

Nous sommes aussi préoccupés par une partie de la documentation qui nous a été soumise aujourd'hui dans laquelle le ministre parle de la formation professionnelle. On y propose d'établir une collaboration entre le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et le ministère du Développement des ressourdes humaines à l'endroit des immigrants. Nous, du Bloc québécois, avons dit très clairement que la formation professionnelle est de juridiction exclusivement provinciale. Le fédéral ne devrait pas s'ingérer dans ce domaine. Les provinces sont plus près des clients. Nous connaissons mieux leurs besoins en matière de formation de main-d'oeuvre. Maintenant, le ministre dit vouloir créer un centre pour la formation professionnelle des immigrants en collaboration avec le ministère du Développement des ressources humaines. C'est inacceptable et nous rejetons fortement, nous, du Bloc québécois, cette proposition du ministre.

Finalement, j'aimerais vous dire que le Bloc québécois est un parti pro-immigration. Très souvent, nous ne partageons pas les vues un peu exagérées de nos collègues du Parti réformiste en matière d'immigration et de citoyenneté. Le Québec est et reste un pays, une nation, une province ouverte à l'immigration. Il y a un consensus social au Québec pour accepter les immigrants. Et, soit dit en passant, le Québec, selon nos prévisions, ne réduit pas le nombre d'immigrants pour l'année prochaine, en 1995. On va établir le même objectif de 40 000 nouveaux immigrants au Québec; pour l'année 1996, ce sera 42 000 et pour l'année 1997, il s'agira de 43 000. Nous, du Bloc Québécois, et je pense que la société québécoise dans son ensemble, sommes ouverts à l'immigration car nous la considérons comme une source de richesse sociale, une source de richesse culturelle, une source de richesse économique.

Je suis fier d'être moi-même un immigrant, fier d'être un Québécois et fier d'être d'origine chilienne.

(1035)

[Traduction]

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis sidéré et les Canadiens devraient être outrés par ce que vient de révéler le ministre.

Il y a près d'un an, le ministre a entrepris des consultations de un million de dollars auxquelles des milliers de Canadiens bien intentionnés et attachés à leur pays ont participé en consacrant temps, talents et énergies pour proposer des modifications à l'immigration. Au cours des derniers mois, le ministre a organisé une série de fuites bien orchestrées dans les médias, il a lancé des ballons d'essai, il a suscité des attentes, il s'est montré ferme dans ses propos et il a essayé d'aller plus loin que le Parti


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réformiste dans sa réforme, ou à tout le moins, c'est l'impression qu'il a voulu laisser.

La semaine dernière, il a reconnu que les ruptures d'engagements de parrainage concernant des membres de la famille coûtaient au moins 700 millions de dollars aux contribuables et il a promis de prendre des mesures à ce sujet. Ce matin, nous constatons que rien n'a changé, que rien n'a été fait. Les consultations ont été une supercherie. On a beaucoup parlé, on a longuement étudié la question, et il semble bien que les études vont se poursuivre.

Quiconque veut une leçon sur la politique à l'ancienne n'a qu'à examiner ce qui se produit actuellement. Nous recevons une leçon sur la façon de manipuler les médias et la population, sur la façon de ménager la chèvre et le chou, sur l'inaction gouvernementale.

Il suffit d'examiner la conduite du gouvernement actuel et de son ministre de l'Immigration pour avoir une bonne idée de ce qui s'est produit. Permettez-moi d'expliquer sans ambages ni beau discours ce que le ministre va faire cette année.

Le pourcentage d'immigrants de la composante à caractère économique avec les membres de leur famille était de 43 p. 100. En 1995, il sera encore de 43 p. 100. Le pourcentage d'immigrants qui ont déjà des parents au Canada et qui sont admis aux fins de la réunion des familles était de 51 p. 100. Cette année, il sera encore de 51 p. 100. Quant aux autres immigrants, ils représentaient 6 p. 100 l'an dernier. Cette année-oh! surprise!-leur pourcentage est de 6 p. 100. Le nombre total d'immigrants acceptés cette année atteint 230 000. L'an prochain, on prévoit en accepter 215 000, ce qui représente une différence d'à peine 6 p. 100.

Il ne s'agit pas là d'une réduction. Ce n'est rien de plus que les niveaux moins élevés déjà prévus. Selon des responsables de l'immigration, les niveaux sont tellement élevés que le Canada ne reçoit pas suffisamment de demandes pour les atteindre. Le ministre veut s'arroger le mérite des nombres moins élevés, mais ceux-ci n'ont absolument rien à voir avec l'adoption de mesures gouvernementales.

On étudiera la question d'un contrat pour les parrains, mais aucune mesure n'est prise dans l'immédiat. Le gouvernement prévoit d'étudier la question au cours de l'année et, pendant ce temps, les Canadiens devront verser au moins 700 millions de dollars pour les ruptures d'engagements de parrainage. Que fait-on pour remédier aux problèmes qui se posent déjà et pour épargner des deniers publics?

La politique à l'égard des réfugiés n'est presque pas modifiée, sauf pour ce qui est d'une amnistie dont bénéficient ceux qui peuvent encombrer le système pendant trois ans. Aucune modification n'est proposée à la surveillance et à l'application des règlements, sauf dans le projet de loi C-44 qui laisse à désirer et dont la Chambre est déjà saisie.

Le ministre a dit qu'il apporterait des changements pour que l'immigration fonctionne à l'avantage de la société. Il a dit qu'on accorderait plus d'importance aux immigrants indépendants. Mais, d'après le plan de l'an prochain, la réunion des familles reste la priorité numéro un du gouvernement et l'objectif ultime d'un niveau d'immigration égal à 1 p. 100 de la population demeure. Cela représente environ 300 000 personnes.

[Français]

M. Mercier: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je m'excuse, mais nous ne pouvons pas suivre, parce que la traduction simultanée ne fonctionne plus.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! Nous avions des problèmes techniques, mais ils sont maintenant réglés.

(1040)

[Traduction]

M. Hanger: Voyons les chiffres que donne le ministre. À la page 8, on lit que les immigrants de la catégorie de la famille accompagnante et ceux de la catégorie de la famille parrainée devraient, en 1995, représenter jusqu'à 80 p. 100 de tous les immigrants. À la page 9, on apprend que les immigrants de la composante à caractère économique, les travailleurs qualifiés et les immigrants de la catégorie des gens d'affaires formeront 43 p. 100 de l'ensemble des immigrants en 1995. Ce pourcentage est le même que celui enregistré en 1994. Si on ajoute à cela les immigrants familiaux et les immigrants indépendants, on obtient le chiffre élevé de 123 p. 100. Ça, c'est le calcul à la façon des libéraux. Rien n'a changé. Aucune mesure n'a été prise. L'annonce d'aujourd'hui n'est que de la poudre aux yeux.

Ce gouvernement pense qu'il peut faire croire à la population qu'il agit alors qu'il fait du sur-place, qu'il a réduit le nombre d'immigrants alors que ce dernier est le même et qu'un discours musclé est l'équivalent de mesures musclées dans l'esprit des électeurs. J'ai des petites nouvelles pour les ministériels. Les gens ne se laisseront pas duper.

Par l'annonce d'aujourd'hui, le gouvernement veut nous faire croire que l'application de la loi a été renforcée, que les dispositions sur l'expulsion seront clarifiées alors qu'en fait le ministre a créé une amnistie permanente pour les demandeurs du statut de réfugié dont la demande a été rejetée. En voilà une belle affaire. Ces gens-là qui ont congestionné le système avec des appels financés par les contribuables, avec la manipulation juridique pendant trois ans obtiennent une amnistie automatique.

Encore une fois, le gouvernement punit les candidats immigrants qui apportent une véritable contribution au pays. Il punit ces immigrants qui respectent les règles, qui remplissent les bonnes formules, qui attendent parfois des années, mais il récompense ceux qui sont venus illégalement, qui exploitent le système à l'aide d'avocats fournis par l'aide juridique et qui peuvent éviter l'expulsion pendant trois ans. C'est une honte.

Examinons les chiffres de nouveau. Le plan de 1994 prévoit l'entrée de 30 700 travailleurs qualifiés, et celui de 1995, l'entrée de 24 000 à 26 000 travailleurs qualifiés. Le plan de 1994 prévoit l'entrée de 6 000 immigrants de la catégorie des gens d'affaires, et celui de 1995, l'entrée de 4 000 à 5 000 immigrants de cette catégorie. Le nombre total d'immigrants de la composante à caractère économique s'est élevé à 97 700 en 1994. Cette année, il sera de 71 000 à 80 000.

Autrement dit, le gouvernement va réduire fortement le nombre des immigrants qui apportent une contribution immédiate et substantielle à l'économie tout en ne modifiant pas celui des immigrants dont la contribution est inconnue et en accordant une amnistie à ceux qui abusent du système et sautent leur tour.

7474

Je le répète, le nombre d'immigrants des catégories économiques et d'immigrants indépendants est réduit de beaucoup. Savez-vous pourquoi? Parce que les mêmes politiques nébuleuses qui guident le ministère de l'Immigration guident aussi le ministère des Finances, le ministère du Développement des Ressources humaines et les autres ministères.

Le gouvernement libéral a créé un climat économique caractérisé par des impôts élevés, une dette énorme et un faible rendement des investissements. Il décourage les immigrants qui pourraient contribuer le plus à l'économie du pays. En fait, à Calgary, il y a environ 400 immigrants de la catégorie des gens d'affaires qui n'ont pas fait d'investissements parce qu'ils ne voyaient aucun avantage à en faire. Le Canada ne présente plus d'intérêt pour les investisseurs et les gens d'affaires. Il demeure cependant la destination privilégiée des resquilleurs et des personnes qui revendiquent sous de faux prétextes le statut de réfugié.

Le plan d'immigration parle d'une vision plus large, d'un cadre de dix ans. Il propose, en fait, une vision plus large de la même vieille rengaine, un cadre nouveau pour les mêmes vieilles politiques. Il a fait perdre au programme d'immigration sa légitimité. Il a découragé les immigrants indépendants. Il a amené les Canadiens à remettre fondamentalement en question le rôle de l'immigration au Canada. C'est une honte!

(1045)

L'immigration peut et devrait nous apporter quelque chose. Il faudrait ici parler de l'édification de notre pays. Le gouvernement a utilisé cette expression maintes et maintes fois, mais cela sonne toujours faux dans la bouche des députés d'en face. L'immigration devrait enrichir le Canada. Elle devrait profiter à la fois aux immigrants et aux Canadiens.

Ce plan, c'est de la frime, du trucage de chiffres, de l'épate! Le gouvernement a laissé tomber les immigrants et les Canadiens.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 45e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Il porte sur la composition des comités.

[Français]

Monsieur le Président, je crois qu'il y aura consentement unanime de la Chambre pour dispenser de la lecture du 45e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Et si la Chambre donne son consentement, je propose que le 45e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le président suppléant (M. Kilger): Toutes les questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais signaler à la Chambre que, conformément à l'alinéa 33(2)b) du Règlement, en raison de la déclaration du ministre, l'étude des mesures d'initiative gouvernementale sera prolongée de 40 minutes.

_____________________________________________


7474

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-57, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord constituant l'Organisation mondiale du commerce, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, c'est certes un plaisir de pouvoir parler quelques minutes, ce matin, du projet de loi C-57, ainsi que du commerce mondial et de son importance pour le Canada, les Canadiens et, plus particulièrement, les hommes et les femmes qui travaillent dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui va créer la nouvelle Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et mettre en oeuvre le nouvel accord du GATT, cet accord d'une très grande portée qui touche 120 pays et qui a été conclu, en principe, en décembre dernier, puis approuvé par les pays membres au Maroc, en mars ou avril. Cet accord que l'OMC administrera offre de grands avantages aux Canadiens sur le plan de la création d'emplois et de la richesse, de l'établissement de nouveaux marchés essentiels pour nos produits d'exportation et de l'accès garanti à ces marchés.

Comme nous le savons tous, le Canada dépend du commerce. Cela n'est nulle part plus évident que dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. En 1993, nos exportations de produits agroalimentaires qui s'élevaient à 13,3 milliards de dollars ont rapporté un excédent commercial de plus de trois milliards de dollars au Canada, ce qui représentait près d'un tiers de la balance commerciale favorable du Canada pour les marchandises. Comme l'ancien ministre libéral de l'Agriculture, Eugene Whelan, l'a dit un jour, c'est l'agriculture qui paie les factures.

Pendant ce temps, la part du Canada sur le marché mondial de l'agroalimentaire ne cesse de diminuer depuis le début des années 60. Par contre, la part de l'Union européenne, notamment de la France et des Pays-Bas, a sensiblement augmenté. Nos expor-


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tations vers l'Europe, qui s'élevaient à 1,35 milliard de dollars en 1981, représentaient environ trois quarts de milliard de dollars en 1993. Durant la même période, nos importations en provenance de l'Union européenne passaient d'environ 400 millions de dollars à près de un milliard de dollars. Autrement dit, le secteur ne va pas si mal, mais il doit continuer d'essayer de faire mieux encore.

(1050)

L'année dernière, l'industrie et les gouvernements fédéral et provinciaux se sont entendus sur l'objectif consistant à accroître de moitié nos exportations de produits agroalimentaires pour les faire passer de 13 milliards de dollars, qu'elles étaient en 1993, à environ 20 milliards de dollars en l'an 2000.

En juillet de cette année, les ministres de l'Agriculture ont réaffirmé cet objectif et lui en ont même adjoint un autre, celui de conquérir 3,5 p. 100 du marché mondial de l'agroalimentaire. Il s'agit d'un objectif qui s'inscrit dans la logique de notre part traditionnelle, mais il nous obligera à porter la valeur totale de nos exportations à environ 23 milliards de dollars.

À ces étapes qui se déroulent au Canada s'ajoute le grand rôle que la nouvelle Organisation mondiale du commerce est appelée à jouer dans le but d'accroître nos exportations, de générer plus d'emplois et d'assurer notre prospérité. L'OMC représente, en effet, un grand pas pour le secteur agricole et agroalimentaire. L'accord impose enfin des règles claires concernant le commerce international des produits agricoles.

L'accord vise à réduire sensiblement les subventions à l'exportation et leur effet de distorsion sur les échanges commerciaux, à doter le secteur agricole de meilleures règles commerciales et, enfin, à assurer aux producteurs et transformateurs canadiens un accès plus étendu et plus sûr aux marchés internationaux. L'accord contribuera considérablement aux efforts persévérants que déploient les producteurs et transformateurs canadiens en vue de conquérir de nouveaux marchés internationaux. De nouveaux marchés viendront s'ajouter à ceux du Mexique et des États-Unis que nous a procurés l'ALENA. De nouvelles règles s'appliqueront universellement à tous les pays et des exemptions touchant certains pays seront abolies. Les Canadiens seront ainsi en mesure d'oeuvrer dans un environnement commercial international plus prévisible et plus équitable.

Qu'est-ce que cela signifie concrètement? La respectée OCDE, ou Organisation de coopération et de développement économiques, prévoit, en gros, que l'accord injectera dans l'ensemble des secteurs de l'économie canadienne près de huit milliards de dollars d'ici l'an 2002. Cela veut dire huit milliards de dollars de plus dans les poches des travailleurs et des travailleuses de notre pays au cours des huit prochaines années.

L'actuel gouvernement a été élu pour créer des emplois et générer de la richesse. C'est pour cette raison que je suis en faveur de l'OMC. Je sais que certains députés, surtout ceux du Québec, de l'Ontario et du Canada atlantique, sont réellement inquiets au sujet du type de répercussions que cet accord aura sur le secteur essentiel et prospère des produits soumis à la gestion des approvisionnements, je veux parler du secteur de la volaille, des oeufs et des produits laitiers.

Que les députés soient rassurés. On continuera de recourir à la gestion des approvisionnements comme moyen efficace de produire et de commercialiser les produits de la volaille et les produits laitiers. L'accord appuie l'industrie des produits soumis à la gestion de l'offre de deux façons. D'abord, grâce aux droits à l'importation annoncés en décembre 1993, qui assureront un niveau élevé de protection à ce secteur. Bien sûr, ces niveaux seront réduits de 15 p. 100 au cours des six prochaines années, d'un total de 15 p. 100 en six ans, mais cela n'empêchera pas les producteurs et l'industrie de transformation de jouir de la protection dont ils ont besoin. Cette période de six ans leur laissera amplement le temps de procéder aux ajustements nécessaires pour être compétitifs et s'implanter sur ce nouveau marché international.

Les importations qui seront admises dans les limites des engagements d'accès ne perturberont pas indûment le marché canadien. En ce qui concerne le beurre, les limites de l'engagement d'accès passeront d'environ 1 900 tonnes à 3 200 tonnes entre 1995 et l'an 2000, soit sur une période de cinq ans. Dans le secteur de la volaille, l'accès à l'importation de poulets continuera d'être régi par l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis. Dans le cas des dindons, il augmentera légèrement pour passer à 5 600 tonnes d'ici l'an 2000. Dans celui des oeufs, il augmentera aussi, mais très lentement. L'importation de produits de volaille ou de produits laitiers autres que ceux entrant dans les limites des engagements d'accès est improbable étant donné que les niveaux tarifaires en feront des produits non avantageux.

(1055)

Le gouvernement est très sérieux dans son engagement à l'égard de l'avenir et du bien-être du secteur des produits soumis à la gestion des approvisionnements. C'est pourquoi, le 16 décembre 1993, le ministre fédéral de l'Agriculture a formé avec ses homologues provinciaux un petit groupe de travail placé sous ma direction et chargé d'examiner ce que cela implique exactement pour le secteur canadien des produits soumis à la gestion des approvisionnements.

Après avoir consulté toutes les parties intéressées, le groupe de travail a proposé qu'un comité d'examen spécial soit constitué pour chaque groupe de produits. Ces comités spéciaux se sont réunis tout au long de l'année, ils tiendront des réunions durant l'automne et continueront de le faire afin de voir s'il est possible de parvenir à un consensus concernant des cadres de commercialisation ordonnée. Ce groupe de travail est censé présenter un rapport à la réunion fédérale-provinciale des ministres en décembre. Je suis en mesure de vous dire que les résultats sont très prometteurs, même si nos travaux ont posé un véritable défi et ne sont pas encore tout à fait complets. Nous parviendrons à des conclusions satisfaisantes qui permettront d'assurer la durabilité de notre système de commercialisation ordonnée, dans l'intérêt de l'industrie et de tous les Canadiens.

L'Organisation mondiale du commerce sera également utile pour d'autres secteurs de l'industrie agricole canadienne. Les exportations subventionnées de blé de l'Union européenne et des États-Unis diminueront, au cours des six prochaines années, de 40 p. 100 par rapport au niveau actuel. La réduction des subventions à l'exportation du blé, de l'orge, des huiles végétales et d'autres grains devrait améliorer sensiblement les débouchés pour les grains et les oléagineux canadiens sur les marchés mondiaux.


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L'accord comporte également des possibilités d'exportation intéressantes pour d'autres produits. La substitution, au sein de l'Union européenne, au Japon et en Corée, de tarifs aux restrictions et prélèvements sur les importations ouvrira des débouchés extérieurs supplémentaires pour nos produits, que ce soit le boeuf, le porc, le malt ou toute une gamme de produits alimentaires transformés. L'inclusion d'une entente sur les droits de propriété intellectuelle assurera la protection des marques canadiennes de whisky et de vin. Cette mesure devrait faciliter la mise en marché de ces produits partout dans le monde.

Les aliments et légumes transformés, comme les frites, le maïs en conserve, les bleuets et framboises congelés et d'autres produits comme le miel, le sirop d'érable et les pommes, bénéficieront d'un abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires, notamment au sein de l'Union européenne et au Japon. Les cultures spéciales comme les pois secs, les haricots, les lentilles, le tabac, les graines de moutarde, les graines à canaris et la luzerne profiteront aussi d'un accès accru. Par exemple, l'Union européenne abolira les tarifs sur les lentilles et les haricots ronds blancs pendant la période d'instauration graduelle et le Japon réduira de 36 p. 100 ses tarifs sur les lentilles.

Un cadre de règles permettra de réduire l'utilisation abusive de mesures techniques comme barrières commerciales. Les mesures visant à protéger la vie ou la santé humaine, animale ou végétale, habituellement appelées mesures sanitaires ou phytosanitaires, seront clairement régies. Nous continuerons d'avoir le droit de déterminer le niveau de protection de santé que nous jugeons approprié au Canada. Toutefois, les mesures prises par tout autre pays pour assurer ce niveau de protection devront être fondées sur des méthodes scientifiques solides.

Comme je l'ai dit plus tôt, l'OMC établira pour la première fois des règles claires en matière de commerce international de produits agricoles et éliminera les règles et les restrictions injustes et mal conçues. L'interprétation que font les États-Unis de l'article 22 en est un bon exemple. Ces derniers temps, cette mesure commerciale a été invoquée à maintes reprises et mise à l'avant-plan des relations entre le Canada et les États-Unis.

Quand l'Organisation mondiale du commerce sera mise en oeuvre en 1995, les États-Unis devront renoncer à la dérogation au titre du GATT, qui leur permet de prendre des mesures commerciales en vertu de l'article 22. Les désaccords ne cesseront pas pour autant dans nos importantes relations commerciales mutuellement avantageuses. Nous les réglerons un par un, à mesure qu'ils se présenteront. Grâce à cette organisation, une mesure aussi coûteuse que l'article 22 en matière de protection commerciale sera chose du passé.

Les pays du monde changeront pour respecter leurs engagements face à cette organisation, et le Canada devra en faire autant pour s'adapter au nouveau contexte du commerce international.

(1100)

Comme les dispositions de l'accord sur les subventions aux exportations auront des répercussions sur la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, le gouvernement du Canada a déjà amorcé des consultations avec les intéressés en vue de modifier cette loi. Le gouvernement vise ainsi à faire en sorte que cette loi réponde mieux aux besoins des producteurs, de l'industrie et des exportateurs, et qu'elle s'harmonise avec l'ensemble des programmes et des politiques gouvernementales, dans le nouveau contexte financier où évolue notre gouvernement.

Cette consultation vise à assurer aux intéressés un rôle vital dans l'élaboration d'une réforme bien canadienne de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Au cours des prochains mois, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire mettra fin à ces consultations afin de pouvoir émettre une proposition au début de 1995. Le gouvernement est sûr que ces réformes pourront être mises en oeuvre bien avant que les réductions prévues dans le cadre de la nouvelle organisation entrent en vigueur.

Le monde change et il importe que le Canada change avec lui, sans quoi il se fera dépasser. La création de l'OMC nous fera entrer dans une nouvelle ère dynamique et excitante au chapitre des relations commerciales internationales, où des règles claires remplaceront les barrières commerciales injustes et discriminatoires, où les produits canadiens seront compétitifs sur les marchés mondiaux en vertu de leur propre mérite sans que des restrictions commerciales viennent leur nuire et où les producteurs, les spécialistes de la transformation et les exportateurs n'auront plus à viser des objectifs inaccessibles.

Comme je le disais au début de mon intervention, le Canada est une nation commerçante. Une grande partie de sa richesse dépend du succès de ses échanges commerciaux. Pas moins du quart des emplois sont liés de près ou de loin au commerce, dans notre pays. Le secteur agricole, comme tous les secteurs, a besoin de stabilité et d'un marché bien établi, ce que l'Organisation mondiale du commerce peut lui assurer.

Les Canadiens sont prêts à se mettre au boulot et sont capables d'y arriver. Ils ont simplement besoin qu'on leur donne les moyens de faire leur travail. L'OMC leur donnera les moyens d'être compétitifs et de se tailler une place sur les marchés, d'accroître la compétitivité du Canada, de créer des emplois et d'assurer la prospérité pour tous. Je pense que les Canadiens méritent qu'on leur donne cette chance.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le secrétaire parlementaire pour le discours qu'il a prononcé ce matin au sujet de l'Organisation mondiale du commerce. À l'instar de bien des députés à la Chambre, il semble croire qu'il est essentiel pour le Canada que cette Organisation mondiale du commerce soit créée.

J'ai bien aimé les observations qu'il a faites au sujet de l'agriculture et du fait que le secteur agricole est l'un des grands gagnants des dernières négociations du GATT. Pour la première fois, des règles commerciales ont été établies pour régir l'industrie agricole. Je voudrais demander au secrétaire parlementaire s'il croit, tout comme moi, qu'il reste un secteur important de l'agriculture à revoir en profondeur, soit tout le secteur de la gestion de l'offre. Pour la première fois, nous avons vu les contingentements des importations être converties en droits de douane qui sont appelés à diminuer progressivement. À l'heure actuelle, les droits de douane sont très élevés, mais si j'ai bien compris, il y aura, dans cinq ou six ans, une deuxième ronde de négociations sur le secteur agricole qui sera dirigée par l'Organi-


7477

sation mondiale du commerce, lorsqu'elle aura été mise sur pied. À mon avis, ces négociations s'imposent.

Je me demande si le député croit, lui aussi, que nous devons absolument poursuivre nos efforts pour réduire les droits de douane et atteindre le but ultime du Canada et des États-Unis, soit le libre-échange dans ce secteur soumis à la gestion de l'offre. Ne serait-il pas important de demander à nos industries soumises à la gestion de l'offre de se fixer un délai? Tout le monde reconnaît que ces industries ont besoin de temps pour s'adapter. En tout cas, moi je le reconnais, parce que ces gens ont des obligations financières qu'ils ont contractées selon les règles du jeu précédentes.

La nouvelle Organisation mondiale du commerce fera la lumière sur certaines lacunes du Canada au niveau national, mais également sur les problèmes du Canada ainsi que des États-Unis en ce qui concerne les droits de douane en régime de gestion de l'offre qui demeurent extrêmement élevés. Le secrétaire parlementaire pourrait peut-être nous dire comment nous pouvons atteindre ces objectifs.

M. Vanclief: Monsieur le Président, si le député d'en face pense que les députés de ce côté-ci de la Chambre déclareront qu'ils ne croient pas en la gestion de l'offre dans les secteurs de la production du lait, des oeufs et de volaille, il se trompe. Nous y croyons. Nous appuyons ce principe et nous collaborons avec ces secteurs.

(1105)

J'ai eu l'occasion et j'ai encore l'honneur de présider le groupe de travail qui collabore avec tous les intervenants du secteur soumis à la gestion de l'offre. Chacune des industries, que ce soit la production laitière, la production d'oeufs ou l'aviculture, s'adapte et évolue.

Je suis sûr que le député sait ce qui s'est produit, par exemple, ces dernières semaines dans l'industrie avicole du Canada. Au Canada plus que dans tout autre pays du monde, l'industrie soumise à la gestion de l'offre a réussi à fournir aux consommateurs, à prix raisonnable, un approvisionnement des plus constants en produits de qualité, sans que les prix ne fluctuent. L'offre est constante, les produits sont de qualité et leur consommation ne pose aucun risque.

En retour, la gestion de offre a offert énormément de stabilité non seulement aux producteurs primaires, mais également aux transformateurs et à toute la chaîne agroalimentaire. Ces gens savent d'où viennent les produits. Ils en négocient le prix, puis, à leur tour, les consommateurs savent qu'ils auront toujours accès à des produits de qualité.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, le député de Prince Edward-Hastings disait tout à l'heure, dans son exposé de base, que la gestion de l'offre pouvait être maintenue. Et d'emblée, il a parlé de la haute tarification qui pourrait mettre à l'abri des agriculteurs qui vivent présentement sous un régime de l'offre réglementé. Tout le monde sait très bien en cette Chambre que l'agriculture qui est gérée par l'offre et la demande est concentrée principalement au Québec et en Ontario et que cette offre est réglementée par l'adjonction de quotas.

J'aimerais que le député me dise, pour me sécuriser et pour sécuriser nos agriculteurs, que ce soit les agriculteurs qui vivent de la production laitière, de la volaille ou de la production d'oeufs, ce qu'il adviendra de leurs quotas.

Encore la semaine passée, je rencontrais un gros producteur laitier qui me disait évaluer son quota de lait à 750 000 $. Les appréhensions de cet agriculteur étaient de voir la valeur de son quota s'effriter, et après six ans, sept ans, huit ans, dix ans, l'abolition totale de son quota. Il m'a fait la remarque suivante: «Moi, monsieur Chrétien, mon quota était mon fonds de pension. S'il ne vaut plus rien demain matin, je n'ai plus de fonds de pension.» S'il n'y a pas de quota, la valeur réelle de sa ferme vient d'en prendre un méchant coup.

J'aimerais que le député de Prince Edward-Hastings essaie de nous sécuriser, parce que vous savez très bien que 48 p. 100 de la production laitière est concentrée au Québec seulement. Évidemment, la plupart des agriculteurs de l'Ouest ne sont pas régis par la réglementation de l'offre. Pour eux, le GATT est merveilleux, bien sûr, mais pour nous, les agriculteurs du Québec, ce n'est pas encore prouvé que ce sera merveilleux.

[Traduction]

M. Vanclief: Monsieur le Président, je me permets de ne pas partager l'avis du député de Frontenac. Les producteurs laitiers du Québec et les producteurs de tous les secteurs à approvisionnement géré du Québec savent ce que vaut la gestion de l'approvisionnement. Si la traduction était exacte, il a dit qu'ils n'en connaissent pas la valeur ou qu'ils ne se rendent pas compte. Toutefois, je crois qu'il a fait valoir le contraire dans ses observations antérieures.

Oui, 48 p. 100 de la production canadienne de lait industriel viennent du Québec, non pas 48 p. 100 de la production totale. Une grande quantité de lait liquide ou de consommation industriel, c'est-à-dire du lait qui sert à la fabrication du fromage et qui est autrement transformé, vient donc du Québec.

Pour ce qui est de la valeur des contingents, cela fait des années que je dis-et je continuerai à le dire-que les contrôles frontaliers s'exercent non plus du point de vue de la quantité, mais bien de la tarification. J'ai très bon espoir que la gestion de l'approvisionnement de ces secteurs se fera pendant encore longtemps.

Je mets en doute la déclaration du député au sujet de la valeur des contingents. Si le député y regarde de plus près, il verra que, à quelques rares exceptions près, peut-être, la valeur des contingents a augmenté ces derniers mois ou depuis la signature de l'accord du GATT, il y a un an. Je ne crois pas qu'elle ait reculé, sinon de très peu. Elle varie en fonction de la production, notamment.

(1110)

Elle est solide et elle peut le rester. Notre gouvernement est certes disposé et a montré très clairement en collaborant ces derniers mois avec les divers éléments et intervenants du secteur industriel que son intention et son souhait sont de la garder pour le mieux-être de tous les Canadiens, depuis l'agriculteur-producteur jusqu'au consommateur.


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[Français]

M. Benoît Tremblay (Rosemont, BQ): Monsieur le Président, nous poursuivons ce matin le débat en deuxième lecture du projet de loi portant sur la mise en oeuvre des nouveaux accords du GATT et la création de l'Organisation mondiale du commerce. Ce débat, je dois le dire, a été fort brillamment amorcé par le ministre du Commerce international et par mon collègue de Verchères qui est le critique aux questions internationales pour le Bloc québécois.

La deuxième lecture est une discussion sur les principes et les grandes orientations du projet de loi, alors que les aspects plus techniques feront l'objet d'une analyse serrée en comité et, s'il y a lieu, le Bloc québécois déposera des amendements en troisième lecture.

Après une longue négociation, le Canada, comme tous les pays membres du GATT d'ailleurs, doit adopter maintenant une loi pour mettre en vigueur, à la date cible, à la date souhaitée, soit le 1er janvier 1995, les accords conclus en avril dernier suite aux négociations du GATT. Ces accords renforcent considérablement le système de droit qui encadre le commerce international et définissent beaucoup plus clairement les règles du jeu. Ces accords élargissent les secteurs soumis à ces règles, améliorent les mécanismes de règlement des conflits commerciaux et, finalement, créent l'Organisation mondiale du commerce qui était souhaitée depuis l'après-guerre.

C'est un progrès considérable vers l'égalité des chances sur les marchés internationaux pour les pays de petite et moyenne taille comme le Canada et le Québec, et en fait, comme la plupart des pays du monde. Même si les grandes puissances économiques comme les États-Unis, l'Europe et le Japon dominent encore largement le processus des négociations, à partir du moment où ces grands ensembles acceptent les nouvelles règles du jeu, ces règles s'appliquent automatiquement à l'ensemble des pays membres du GATT qui peuvent alors bénéficier d'une protection accrue pour leurs activités commerciales internationales.

Lorsque les règles du jeu sont les mêmes pour tous, la performance d'un pays sur les marchés internationaux est de moins en moins liée à sa taille, mais davantage à sa capacité de créer, de fabriquer et de vendre des produits et des services de qualité à des prix compétitifs. Or, sur ce terrain, les pays de petite et moyenne taille peuvent parfaitement tirer leur épingle du jeu et même réaliser une meilleure performance que les grands ensembles, comme la réalité économique internationale nous le démontre tous les jours.

Je comprends donc parfaitement l'enthousiasme du ministre du Commerce international qui affirmait dans son discours d'ouverture et je cite: «En créant un environnement plus ouvert et plus stable pour le commerce international, cet accord donnera lieu à une hausse des exportations et des investissements au Canada.»

Eh bien, le ministre a parfaitement raison, et je peux l'assurer qu'à la veille de devenir un pays souverain, le Québec partage tout à fait son enthousiasme et sa compréhension de l'évolution des règles du jeu du commerce international.

(1115)

Permettez-moi de citer un autre passage de son discours: «Aujourd'hui comme demain, la force économique du Canada repose fondamentalement sur les efforts que nous faisons pour rester d'ardents défenseurs du libre-échange, pour adopter un rôle dynamique et créateur, en nouant de nouvelles relations commerciales et en mettant sur pied des structures qui, avec le temps, auront pour effet de généraliser un ordre international fondé sur des règles.

Le système multilatéral au centre duquel se trouvera l'Organisation mondiale du commerce constituera la base de cet ordre international, mais n'est certainement pas le seul élément de ce qui doit s'imposer comme un ordre commercial complexe et en constante évolution. Sachons tirer parti des forces qui nous poussent tous vers une intégration économique plus prononcée. Il est maintenant plus exact de parler non pas de politique commerciale, mais de politique économique internationale.» Et écoutez bien, c'est le ministre qui parle: «Les compétences et les décisions qui, de tout temps, ont été considérées comme relevant éminemment de l'autorité nationale sont de plus en plus assujetties aux négociations et à la réglementation internationale.»

Le ministre a parfaitement raison. Le Québec, encore une fois, est parfaitement d'accord avec le ministre canadien, à un point tel qu'on peut se demander si le ministre du Commerce international n'aurait pas consulté M. Jacques Parizeau ou M. Bernard Landry pour rédiger son discours. C'est ce que nous répétons régulièrement, de façon rationnelle, lorsqu'on envisage les futures relations du Québec avec le reste du Canada.

Alors, au moment où nous préparons une campagne référendaire qui sera déterminante pour l'avenir du Québec et pour l'avenir du reste du Canada sur le plan politique, je dois vous dire qu'il est tout à fait réconfortant de savoir que le gouvernement fédéral compte au moins un ministre qui affirme avec réalisme, clarté et enthousiasme, les règles du jeu et les orientations qui devront prévaloir dans le maintien des relations économiques Canada-Québec.

Vous pouvez être surpris de la conclusion et de l'éloge que je peux faire du ministre du Commerce international. C'est pourtant fort simple et tout à fait logique. Comment le ministre canadien pourrait-il vouloir s'associer économiquement et avec enthousiasme à tous les pays souverains de la planète sauf le Québec, alors que nous entretenons déjà des relations commerciales importantes et fructueuses avec le reste du Canada?

Les Canadiens et les Québécois comprendraient mal une telle attitude et tous les pays du monde seraient d'ailleurs fort surpris. Mais, comme les autres ministres, et en particulier le premier ministre, n'ont pas tous une attitude aussi ouverte et réaliste que le ministre du Commerce international, précisons un peu l'enjeu réel. En fait, bien que nous souhaitions, nous du Québec, une attitude ouverte et réaliste de la part de nos partenaires canadiens, les règles du jeu de nos futures relations économiques relèvent non pas seulement des attitudes, mais très largement des règles du GATT.

C'est très largement une question de droit international, un droit dont le ministre a applaudi, aujourd'hui, l'élargissement et le renforcement. En effet, l'article XXVI(5)c) du GATT prévoit qu'un nouvel État, issu d'une partie du territoire d'un État déjà membre du GATT devient automatiquement lui-même membre du GATT à la date de son accession à la souveraineté, s'il en fait la demande et s'il accepte les conditions et les exigences applicables à l'État dont il dépendait auparavant. C'est fort simple et très clair. D'ailleurs, dans une étude publiée par le C.D. Howe


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Institute, la plupart des grands spécialistes canadiens de cette question ont parfaitement reconnu cette réalité.

(1120)

C'est d'abord une question de droit. Vous savez que le Québec a déjà annoncé qu'il demanderait d'être reconnu comme membre du GATT et qu'il acceptait les conditions et les exigences applicables actuellement au Canada. Il ne reste donc plus au ministre du Commerce international qu'à accueillir avec le même enthousiasme qu'il manifeste pour les autres pays souverains les futures relations Québec-Canada. Je lui demande d'en informer le premier ministre. Évidemment, comme le premier ministre vient tout juste d'affirmer qu'il aime la bagarre, surtout avec le Québec, il est fort peu probable qu'il accueille les règles du GATT avec le même enthousiasme que son ministre du Commerce international.

À entendre le premier ministre, dans l'éventualité de la souveraineté politique du Québec, le reste du Canada voudrait se séparer économiquement du Québec tout en demeurant associé à tous les autres pays souverains de la planète. Eh bien, monsieur le ministre, vous allez devoir informer votre premier ministre que le Québec étant de facto membre du GATT, le reste du Canada serait dans la stricte obligation de respecter à l'égard du Québec les mêmes règles qu'il pratique à l'égard des autres pays souverains membres du GATT.

Dans le langage du commerce international ou du GATT, ce principe fort simple s'appelle le traitement de la nation la plus favorisée en vertu duquel lorsqu'un pays membre accorde une concession tarifaire à un autre pays membre, cette concession doit immédiatement et inconditionnellement être accordée à l'égard des produits similaires provenant de tous les États membres. Voilà une première règle de droit qui aura pour conséquence de limiter considérablement les instincts belliqueux du premier ministre.

Mais, ce n'est pas tout. Le GATT va plus loin. Le GATT ne se contente pas de prévoir la discrimination entre les pays. Il prévoit aussi la discrimination une fois que le produit est rendu à l'intérieur du pays où il est destiné; il prévoit donc éviter la discrimination avec les autres produits nationaux. C'est ce qu'on appelle le «traitement national» qui impose aux pays membres du GATT que ses lois relatives à la vente, au transport ou à l'emploi d'un produit étranger soient les mêmes, donc que le produit soit traité de la même façon que les produits nationaux similaires de ses propres entreprises.

Alors le premier ministre devra admettre que sa marge de manoeuvre est très mince s'il veut respecter le droit. Évidemment, si son instinct belliqueux est trop fort, il pourrait vouloir enfreindre les règles de droit et provoquer un conflit commercial avec le Québec.

Dans ce cas précis où l'instinct risquerait de l'emporter sur la raison, je me permets de répéter textuellement les paroles prononcées par son ministre du Commerce international au moment de la présentation de la présente loi: «L'accord exclut en fait l'adoption de mesures unilatérales en guise de réaction à des différends commerciaux. Le nouveau régime intégré de règlement des différends qui se caractérise par une plus grande clarté des règles, des délais plus courts, et pour la première fois, un processus d'appel avec décision exécutoire, constitue une amélioration sensible du régime antérieur du GATT.»

En dernière analyse, l'efficacité des règles est fonction des moyens de les faire respecter. Vous notez que nous avons maintenant un processus d'appel avec décision exécutoire. Donc, la possibilité de les faire respecter.

(1125)

Cette réforme globale du régime multilatéral des règles des différends commerciaux représente donc un avantage important, bien qu'impossible à quantifier pour les pays de petite ou moyenne importance commercialement, comme le Canada, qui sont intrinsèquement vulnérables à l'unilatéralisme des géants économiques. Et voilà, cela s'appliquerait aussi, bien sûr, au Québec et au Canada, donc pas de mesure unilatérale en guise de réaction. Alors, ce raisonnement s'applique, bien sûr.

Que peut-on conclure de cette brève analyse des règles du GATT et du discours du ministre responsable du commerce extérieur lorsqu'on les compare aux propos du premier ministre à l'égard des relations économiques futures du reste du Canada avec un Québec souverain?

Je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que le premier ministre du Canada semble confondre la préparation de la campagne référendaire avec la préparation d'une soirée d'Halloween. Plutôt que de présenter clairement et simplement le vrai visage des futures relations économiques Québec-Canada, il cherche actuellement à trouver un déguisement pour insécuriser, pour faire peur avant le référendum, alors que nous savons tous que, après un référendum gagnant et gagné pour le Québec, le reste du Canada n'aurait tout simplement pas le choix des règles du jeu à appliquer. Il devrait, impérativement et minimalement, suivre les règles du GATT.

Le premier ministre, après coup, voudra sans doute alors minimiser ses écarts de langage de la campagne passée, ses menaces à peine voilées d'avant le référendum. Il voudra sans doute nous expliquer qu'il s'agit d'erreurs mineures qui ne l'obligent surtout pas à démissionner.

Je dois avouer que, personnellement, j'ai beaucoup de difficultés à respecter ce genre de politicien. Un politicien qui, au cours de la dernière campagne électorale, affirmait qu'il ne signerait jamais l'Accord de libre-échange nord-américain sans une renégociation majeure et qui s'empressait, dans l'enthousiasme, de le signer, quelques semaines après son élection. Il joue aujourd'hui exactement le même jeu à l'égard des futures relations économiques Québec-Canada.

Lors de la dernière élection, les Québécois et les Québécoises ne se sont pas laissés prendre à son jeu et ont élu massivement des députés du Bloc québécois. J'ose espérer que le reste du Canada partage aujourd'hui le réalisme et l'enthousiasme du ministre responsable du commerce extérieur qui cherche à bâtir des relations économiques ouvertes et stables avec les pays souverains, plutôt que les attitudes étroites et dépassées du premier ministre lorsqu'il parle des relations économiques du reste du Canada avec un Québec souverain. Le reste du Canada a besoin d'un porte-parole comme le ministre responsable du commerce international pour préparer ses futures relations économiques avec le Québec sur des bases ouvertes, stables, fructueuses et qui s'inscrivent dans l'évolution irréversible des règles économiques internationales.


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Je veux assurer le ministre qu'il trouvera au Québec des interlocuteurs aussi enthousiastes et aussi déterminés que lui à privilégier l'ouverture, la stabilité et la croissance économique mutuellement avantageuses.

Aujourd'hui, grâce à ce projet de loi, nous avons pu traiter du GATT. Je voudrais vous dire que nous sommes tout aussi prêts, tout aussi disposés et tout aussi ouverts à une discussion et à une négociation à l'égard de l'accord de libre-échange du Pacte de l'automobile et à toutes les autres règles commerciales qui lient le Québec et le Canada.

(1130)

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt les remarques du député du Bloc au sujet des relations commerciales qui pourraient exister entre le Canada et le Québec si le Québec se séparait.

Le député a certainement le droit de poser ces questions hypothétiques à la Chambre. Cela fait d'ailleurs partie du plan de son parti en vue de rendre l'inacceptable acceptable. Les bloquistes croient que, s'ils nous parlent constamment de la séparation du Québec, nous finirons par l'accepter comme un fait.

Toutefois, je voudrais exposer à mon collègue le scénario suivant. D'autres députés du Bloc ont parlé de l'importance de la gestion de l'offre pour le Québec, particulièrement dans l'industrie laitière. En fait, la Fédération des producteurs de lait du Québec fournit presque 50 p. 100 de l'approvisionnement total pour le Canada, même si cette province ne représente que 25 p. 100 de la population du pays.

Dans un Québec souverain qui devrait faire concurrence aux autres pays en tant que fournisseur de ces produits de base, qu'arriverait-il, selon mon collègue, à ce quota vendu dans le reste du Canada? Le député croit-il que les consommateurs dans le reste du pays continueraient de payer plus cher pour des produits assujettis à la gestion de l'offre ou des produits à prix imposé?

La gestion de l'offre ne revêt pas la même signification selon qu'on en bénéficie ou qu'on paie plus cher à cause d'elle. Pour ceux qui bénéficient de la gestion de l'offre, c'est un système merveilleux. Pour les consommateurs, c'est de la fixation de prix. Tout dépend de la façon dont on voit les choses.

Tôt ou tard, le Québec ne pourra plus profiter de la gestion de l'offre ou de la fixation des prix. Il devra faire concurrence aux autres pays. Le député peut-il répondre à ma question principale? Dans un Québec souverain, croit-il que le reste du Canada continuera d'acheter les produits du Québec à un prix supérieur?

[Français]

M. Tremblay: Monsieur le Président, je remercie le député d'Edmonton-Sud-Ouest pour son intervention et sa question. Bien sûr, on peut aborder ce débat avec des détails techniques, le principe en général. On aura l'occasion en comité et en troisième lecture d'aborder les aspects plus techniques et en particulier, ce qui est prévu par le GATT à cet égard. Le Canada ne peut changer unilatéralement les règles du jeu qui étaient prévues ou qui ont existé antérieurement. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Comme principe général, il existe au Canada, et il existait beaucoup plus autrefois, toute une série d'industries protégées. Le député sait sans doute par exemple que les coûts de transport entre l'Ontario et les Maritimes sont beaucoup moins élevés qu'entre Montréal et Louiseville qui est à 30 kilomètres, parce qu'ils sont largement subventionnés. Ils vont l'être de moins en moins, puisque ce système de transport subventionné n'est plus possible dans le contexte de la concurrence mondiale dans laquelle nous nous trouvons.

Le député sait sans doute aussi que les céréales ont coûté des milliards de dollars pour être soutenues dans les dernières années, qu'avec la situation financière, on ne pourra pas les soutenir très longtemps à un même niveau. Les négociations commerciales visent précisément à diminuer les subventions de l'ensemble des pays en ce qui concerne les céréales.

Il en va de même des productions contingentées. Nous le savons très bien, et d'ailleurs, l'Accord du GATT le prévoit. Vous devez comprendre que vous ne sortez rien d'une boîte à surprise. L'Accord du GATT prévoit la transformation des quotas en tarifs et la diminution graduelle des tarifs.

Ce que vous nous dites, c'est que dans l'éventualité de la souveraineté politique du Québec, le Canada pourrait décider unilatéralement d'accélérer la diminution des tarifs, ce qui est déjà prévu dans les accords du GATT. Je vous réponds qu'il y a des règles au GATT. Vous pourrez toujours essayer et on verra comment cela se négociera dans le cadre du GATT, à moins que le Canada veuille se retirer du GATT et s'isoler sur la planète. Ces règles sont déjà prévues. Les agriculteurs devront bien sûr s'adapter.

(1135)

Vous connaissez le problème qu'on a, par exemple. C'est qu'on a une inefficacité complète de l'aide à l'adaptation des agriculteurs.

Je peux vous dire qu'on a rencontré, nous du Bloc québécois, la semaine dernière, le président de l'Union des producteurs agricoles du Québec et le directeur général de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Celui-ci est est un économiste réputé, d'ailleurs, qui a été conseiller à plusieurs reprises pour le gouvernement américain sur les questions agricoles, qui connaît très bien la scène internationale en termes d'échanges agricoles et qui est tout à fait prêt à faire face aux réalités du GATT et aux réalités internationales et qui est conscient que l'agriculture québécoise va devoir s'adapter, comme l'agriculture dans d'autres pays.

On a maintenant, comme vous le savez sans doute, un certain nombre d'étapes qui sont prévues aux accords du GATT, et d'ici un certain nombres d'années, ces barrières commerciales vont devoir diminuer régulièrement. Mais, vous savez, le problème dans l'alimentation est aussi la qualité de l'alimentation. Le problème d'avoir un poulet est de savoir si c'est le même poulet. Est-ce que le lait maintenant, avec les nouvelles hormones, a la


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même qualité? On en est à se demander si c'est un poulet ou une usine. Est-ce que c'est un produit chimique qu'on a ici?

Alors, on a des problèmes au niveau de la qualité de l'alimentation animale et du lait. Vous savez, un grand savant français a dit: «Pour la première fois au monde, depuis un certain temps, on se demande si la science est au bénéfice des humains.» Pendant des décennies, on a pensé que la science était au bénéfice des humains. On a changé d'idée pour la première fois avec la bombe atomique, mais maintenant, ça concerne l'alimentation, ça concerne la procréation in vitro, ça concerne toute une série de choses. On se demande si la science est vraiment à notre service. Avant de libéraliser tout le commerce sur l'alimentation avec les États-Unis, il va falloir y penser à deux fois, il va falloir penser à la santé des Canadiens.

[Traduction]

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey, Lib.): Monsieur le Président, il est toujours dangereux de s'aventurer dans le domaine des hypothèses. Mon collègue réformiste, le député d'Edmondon-Sud-Ouest, a posé une question très importante. Le fait demeure que le Québec, séparé ou non, devra toujours traiter avec le reste du Canada.

Je ne crois pas que nous puissions dire comment nous allons traiter avec lui, ni si ce serait plus efficace que maintenant. Notre premier ministre vient du Québec. Notre ministre des Finances également. Il me semble que les intérêts du Québec peuvent être bien servis par le régime actuel. Il peut aussi y avoir toutes sortes d'accommodements.

À la fois le Québec et le reste du Canada souffriront de la séparation. Il faut que les Québécois comprennent qu'ils vont remplacer une équipe de personnes, d'intellectuels, par une autre. Ils doivent se demander si ce sera une meilleure méthode que celle appliquée en ce moment. Je dirais pour ma part que la situation deviendra terriblement compliquée.

Le député d'Edmonton-Sud-Ouest a posé une question sur les quotas de production de lait. Nous avons beaucoup d'ententes entre membres d'une même famille, mais que se passera-t-il une fois que la séparation sera consommée et que vous ne ferez plus partie de la famille? Que se passera-t-il dans ce cas-là? Nous sommes dans le domaine des hypothèses.

C'est le régime actuel qui sert le mieux les intérêts du Québec. Ce régime lui-même va changer, étant donné l'évolution que suit toute l'humanité. Nous sommes passés par différentes révolutions. La révolution industrielle est derrière nous et nous sommes aujourd'hui dans l'ère de l'information.

Le Québec a assurément de nombreux atouts. Son système judiciaire est excellent. La manière dont il traite ses jeunes est louable. Il y a bien des choses que le reste du Canada peut apprendre du Québec. Mais il me semble que ce serait une erreur que de suivre cette bande d'intellectuels qui cherchent le pouvoir pour le pouvoir.

[Français]

M. Tremblay: Monsieur le Président, je voudrais simplement mentionner que je n'ai rien trouvé de substantiel dans l'intervention de mon collègue, sauf de tenter de dire aux Québécois qu'il les aime plus que leurs députés. Alors, je laisse les Québécois juger.

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, après avoir écouté le débat qui a précédé mon intervention sur le projet de loi C-57, je suis presque tenté de modifier celle-ci et de faire quelques observations sur ce qu'il adviendrait du système actuel de gestion des approvisionnements dans un Québec indépendant.

(1140)

Je me contenterai simplement de dire que le député de Rosemont esquive le problème et qu'il n'est pas prêt à expliquer très franchement, aux électeurs de sa circonscription et de l'ensemble du Québec, ce qu'il adviendrait si un Québec indépendant essayait de résoudre des problèmes commerciaux avec le reste du Canada.

Si je prends la parole ce matin, c'est pour participer au débat sur le projet de loi C-57. Je veux parler plus particulièrement de ses répercussions sur le transport du grain dans l'ouest du Canada. Ce projet de loi aura des répercussions très directes sur la vie des électeurs de ma circonscription, celle de Kindersley-Lloydminster. Tout compte fait, il aura des effets très positifs sur l'industrie agricole, et je comprends parfaitement pourquoi une telle mesure est nécessaire.

Je déplore l'absence de certains éléments dans le projet de loi et le fait qu'il aurait fallu faire plus dans de nombreux secteurs. Il est essentiel de mettre en oeuvre cet accord sur l'Organisation mondiale du commerce afin de guider vers le commerce, la paix et le bon sens les participants à la guerre commerciale internationale.

Ce gros projet de loi de trois pouces d'épaisseur est l'aboutissement des négociations de l'Uruguay Round dans le cadre du GATT, et cet accord est le résultat des plus importantes, complexes et vastes négociations commerciales jamais entreprises. L'adoption d'une série de règles communes qui régissent le commerce des produits agricoles constitue le principal point d'entente pour le Canada.

Par ce projet de loi, le Canada modifie 31 de ses lois afin de rendre ses distorsions commerciales internes conformes à la réglementation internationale. Mes observations d'aujourd'hui porteront sur les modifications proposées à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et les effets qu'elles auront sur le secteur de l'agriculture et plus particulièrement sur la région régie par la Commission canadienne du blé.

Malheureusement, ce projet de loi ne propose que des modifications les plus minimes possibles à la LTGO pour qu'elle soit conforme aux nouvelles dispositions du GATT et de l'Organisation mondiale du commerce. J'estime que nous devons continuer de travailler à la refonte complète de la LTGO pour qu'elle soit


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adaptée aux réalités actuelles. Je trouve quelque peu décourageant que les libéraux ne proposent que des modifications mineures et qu'ils le fassent uniquement parce qu'ils y ont été forcés.

La LTGO a été adoptée en 1983, et tous admettent que les exigences du transport agricole ont changé depuis cette date. La productivité agricole est plus élevée. Les fermes sont plus grandes et les rendements des récoltes ont rapidement augmenté.

Les modifications mineures proposées au système de transport du grain dans ce projet de loi font abstraction du fait que les changements survenus depuis 1983 ont été conformes à la tendance amorcée avant l'adoption de la LTGO. Il est devenu évident que la communauté internationale considère le système de transport du grain actuel comme une subvention directe.

Le projet de loi C-57 modifie très peu la loi et se contente de garantir qu'elle soit conforme aux règles internationales en vigueur. Cependant, ces modifications mineures vont nous causer des problèmes pour deux raisons. D'abord, le fait est qu'à mesure que les règles du GATT entreront en vigueur, nous serons forcés de continuer de modifier notre système de transport.

Plutôt que de modifier le système de fond en comble pour préparer le secteur agricole canadien au XXIe siècle, les libéraux ont opté pour une série de modifications mineures tout en cherchant à préserver le plus possible l'ancien système.

La deuxième raison pour laquelle il ne convient pas d'apporter des modifications mineures à la LTGO, c'est que ces dernières vont donner lieu à des injustices et à des partis pris parmi les ports du pays qui manutentionnent le grain.

Le port Lakehead de Thunder Bay est favorisé par la réglementation sur les subventions par rapport aux autres grands terminaux à Vancouver, à Churchill et à Prince Rupert. Thunder Bay a toujours joui d'un traitement de faveur par rapport aux ports de l'Ouest, et la confirmation de ce traitement ne fera qu'accroître le ressentiment des agriculteurs envers le système.

Les législateurs ont toujours justifié ce favoritisme en affirmant qu'il coûtait moins cher d'expédier le grain vers l'est par Thunder Bay que de l'expédier par les ports de la côte ouest.

Cependant, selon une étude de l'Office national des transports réalisée en 1992, le coût moyen du transport du grain vers l'est est de 1,04 $ la tonne. Il semble qu'en dépit de ce facteur le traitement de faveur soit maintenu. La Voie maritime du Saint-Laurent s'endette de plus en plus à cause de la hausse des coûts et de la diminution du trafic. Les composantes de l'industrie craignent que la modification du tarif du Nid-de-Corbeau n'entraîne la ruine de la Voie maritime.

Au lieu de procéder aux réformes requises pour venir en aide à la Voie maritime, qui est en difficulté, il semble que le gouvernement ait choisi de faire de la petite politique avec le système de transport agricole.

(1145)

La présentation de ce projet de loi nous donne une excellente occasion de remanier complètement la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. La question du transport du grain a fait l'objet de je ne sais combien d'études. Il est clair que les agriculteurs réclament un bien meilleur système. Je suis conscient du fait que le gouvernement préfère des études à des mesures concrètes, mais il y en a déjà tellement eu sur cette question qu'on ne peut s'imaginer qu'on pourrait en faire d'autres.

Je dois, en fait, remettre en question les motifs qui se cachent derrière la création d'un système à deux volets pour le transport du grain: l'un pour Thunder Bay et l'autre pour le reste du pays. En vertu des nouveaux règlements touchant les ports de Vancouver, Churchill et Prince Rupert, on plafonne maintenant les quantités de grain qui peuvent être visées par la subvention au titre de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

Plus précisément, ce plafond prend la forme suivante: premièrement, le volume des exportations subventionnées doit, en six ans, être réduit de 21 p. 100, par rapport aux niveaux de 1993; deuxièmement, il faut aussi réduire la somme totale consacrée aux subventions aux exportations de 36 p. 100 sur six ans, un minimum de 15 p. 100 étant prévu pour chaque produit; troisièmement, durant cette période de six ans, on doit diminuer de 20 p. 100 l'importance des programmes de soutien offerts au Canada.

Les programmes touchant le développement régional, la recherche, la protection de l'environnement et la protection du revenu agricole sont exemptés. En ce qui concerne l'accès aux marchés, toutes les barrières autres que les tarifs doivent être remplacées par des tarifs et réduites en moyenne de 36 p. 100 sur six ans.

Une fois le plafond dépassé, tous les coûts de la subvention au transport seront payés par l'expéditeur qui fera alors porter ce coût aux agriculteurs. Aucun de ces plafonds ne s'appliquera au grain passant par Thunder Bay. Très intéressant, n'est-ce pas! Cela va encourager les gens à fausser les règles du jeu sur le marché en expédiant, par exemple, leur grain jusqu'à Thunder Bay et en le ramenant ensuite vers l'Ouest, avant de l'exporter, pour qu'il puisse être admissible à la subvention au titre du transport du grain de l'Ouest.

Il n'est pas surprenant, dans ces circonstances, que nos concurrents aient des réserves au sujet de notre système. Il semble qu'on veuille subventionner la société Canada Steamship Lines et les autres compagnies de transport par bateau sur les Grands Lacs, dont certaines pourraient toucher les intérêts commerciaux du ministre des Finances.

Même si le fait de modifier l'application de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest créera des problèmes administratifs, les règles communes qu'utilisent actuellement nos concurrents internationaux sont finalement à l'avantage des agriculteurs canadiens. Le respect de ces règles peut entraîner certains problèmes sur le plan administratif, mais il est tout à fait dans l'intérêt des agriculteurs. C'est évident.

Je le répète, les modifications que le gouvernement apporte sont généralement bonnes, mais il aurait été encore beaucoup plus profitable de procéder à une réforme complète du système de transport.

À l'heure actuelle, la Loi sur le transport du grain de l'Ouest prévoit que la subvention du Nid-de-Corbeau doit être versée aux compagnies de chemin de fer. Dans les milieux agricoles, on se demande s'il ne serait pas souhaitable de payer le producteur pour l'aide au transport. Certains ont fait valoir qu'il serait beaucoup plus efficace et beaucoup plus valable de verser la subvention du Nid-de-Corbeau aux agriculteurs et de faire payer à ces producteurs le plein coût de l'expédition du produit à exporter.


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Selon les réformistes, le meilleur moyen d'avoir un système efficace et de faire en sorte que notre industrie agricole fonctionne d'une façon autorisée par le GATT est d'entreprendre une réforme complète et de consolider l'appui du gouvernement aux agriculteurs. Nous avons dit qu'il faudrait inclure les dépenses liées à la LTGO dans un nouveau programme de rajustement face à la distorsion des échanges qui serait mis à la disposition des agriculteurs qui sont pris dans la guerre commerciale entre les États-Unis et l'Europe. Notre programme de rajustement de la distorsion des échanges pourrait être harmonisé avec la diminution graduelle des subventions à l'exportation de nos concurrents commerciaux, surtout les États-Unis, avec leur programme d'encouragement aux exportations et, par conséquent, nous pourrions nous adresser aux producteurs qui sont pris dans la guerre commerciale.

Ce programme de rajustement de la distorsion des échanges semble respecter toutes les conditions du GATT en ce qui a trait aux pratiques commerciales loyales. Il est public et ne vise pas un produit en particulier. Il ne fournit pas aux producteurs un soutien artificiel des prix. Une réforme de ce genre non seulement respecterait tous les règlements du GATT et de l'OMC, mais aussi fournirait à l'industrie canadienne un système plus efficace. Un système de soutien consolidé fournirait aux agriculteurs un plan agricole plus rentable et mieux adapté à un milieu en pleine évolution.

Il faudrait que la réforme en profondeur du système du transport du grain corrige les nombreux problèmes que pose actuellement la LTGO. Le système actuel favorise des pratiques non efficientes comme le retour à charge de wagons complets de grains à partir de Thunder Bay, dont j'ai parlé tout à l'heure. Bien souvent, le même grain est expédié de Winnipeg à la tête des Grands Lacs pour revenir ensuite. Il s'agit là non seulement d'un gaspillage éhonté, mais aussi d'un gaspillage qui est fait, en partie, avec l'argent des contribuables. Malheureusement, le ministre de l'Agriculture tarde à prendre les mesures qu'il avait promis de prendre pour corriger cette pratique absurde que nous impose la LTGO.

(1150)

Le Canada a probablement le système de répartition de wagons-trémies le plus inefficace du monde. L'URSS en avait un qui était pire encore, mais elle a en quelque sorte fait faillite. Il y a beaucoup trop d'intervenants au niveau du transport. Toutes les parties intéressées de l'industrie, les producteurs, les sociétés céréalières, la Commission canadienne du blé, l'Office du transport du grain et les chemins de fer envoient des wagons partout et personne n'exerce un contrôle global sur la répartition et la coordination des wagons à grain.

On pourrait peut-être régler ce problème en privatisant le matériel roulant. Les incitatifs économiques ne sont pas à négliger. Il est peu probable que quelqu'un dont la subsistance dépend de l'efficacité du mouvement des wagons-trémies s'en tiendrait à la pratique actuelle qui consiste à entasser les wagons à un bout de la ligne, tandis que le grain s'accumule à l'autre, pas plus d'ailleurs qu'il ne laisserait des wagons, pleins ou vides, sur des voies de garage pendant des semaines.

Dans la petite localité de Kyle, qui se trouve dans ma circonscription, il arrive très souvent que la compagnie ferroviaire y envoie des wagons, mais, si on leur consacrait 15 minutes de plus, on pourrait repérer tous ces wagons, les charger et les renvoyer sur le marché de l'exportation. Notre système de réglementation actuel fait en sorte que ces wagons ne peuvent être repérés que s'ils sont immobilisés pendant huit heures. Ce n'est pas toujours le cas, mais cela se produit très souvent. L'équipage quitte donc la localité de Kyle en y laissant des wagons vides. Ces wagons auraient pu être chargés pendant ce délai de huit heures, mais, pour ce faire, il faudrait modifier certaines règles.

L'autre jour, à Beechy, petite localité dans ma circonscription, le train est arrivé et, à cause d'une confusion dans les commandes, il est reparti avec plusieurs wagons vides. On n'a pas prévu de mécanisme grâce auquel on aurait pu confier ces wagons à une autre société qui avait la portée qui convenait et aurait pu exécuter les commandes.

J'aimerais signaler un autre incident. Un de mes amis, qui fait souvent la navette entre Calgary et ma circonscription, a constaté que, depuis un certain temps, il croisait les mêmes wagons immobilisés sur une voie de garage à Hanna, en Alberta. Par simple curiosité, il a consigné les numéros de série du premier wagon et du dernier se trouvant sur cette voie pour savoir s'il s'agissait toujours d'un même groupe de wagons-trémies. Plusieurs mois plus tard, en passant à cet endroit, il a constaté que les mêmes wagons-trémies étaient encore sur la même voie de garage, qu'ils ne roulaient pas, qu'ils ne remplissaient pas la fonction pour laquelle on les avait achetés avec l'argent des contribuables. Ce système doit changer.

Le système actuel ne comporte aucun incitatif à un transport efficient du grain et, pire encore, il n'impose aucune sanction en cas d'inefficacité. Les intervenants n'ont pas d'incitation à participer au bon fonctionnement du système, au-delà de leur petite contribution personnelle au processus global.

Le système actuel est rigide et correspond davantage à la production agricole d'antan. Notre système de transport devrait servir l'économie agricole moderne et être orienté vers l'avenir. La Loi sur le transport du grain de l'Ouest, rigide comme elle est actuellement et peu importent les petits changements que propose ce projet de loi, empêche toute évolution de ce genre.

Les agriculteurs d'aujourd'hui ont diversifié leur production. Ils produisent maintenant du colza, des lentilles, des pois, de la moutarde et des graines à canaris, pour ne nommer que quelques-uns des nouveaux produits. À l'heure actuelle, notre système de transport n'est pas adapté à cette diversité et ne répond donc pas aux besoins des agriculteurs canadiens.

En outre, le système actuel entrave toute résolution innovatrice des problèmes de transport. Par exemple, de nombreux opérateurs privés ont offert de prendre en charge certains embranchements que le CN et le CP ne peuvent plus exploiter. En général, ils se sont butés, à chaque étape de leurs démarches, à une opposition de la part du gouvernement, des sociétés d'État et d'autres organismes quasi gouvernementaux. Je ne peux imaginer pourquoi le gouvernement s'opposerait à une proposition qui fournirait aux agriculteurs canadiens un service qu'il ne peut plus fournir lui-même.

Bref, l'industrie canadienne du transport du grain doit être entièrement restructurée pour s'adapter aux années 90 et se préparer à l'arrivée du XXIe siècle. Le projet de loi apporte des corrections qui s'imposent depuis longtemps, mais je répète


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qu'il renferme le strict minimum quant à l'observation des règles du GATT.

Je ne peux m'opposer à ce projet de loi parce que la ratification de l'Accord du GATT, par le truchement de cet accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, est absolument essentielle si nous voulons vraiment participer aux vastes secteurs du commerce et de l'exportation.

Je défie le gouvernement de modifier plus en profondeur la LTGO. En fait, je défie le gouvernement d'abolir les douzaines d'obstacles au commerce interprovincial qui montrent que nous ne sommes pas prêts à faire autant pour assurer le bon fonctionnement du commerce à l'intérieur de nos frontières que nous sommes prêts à faire pour veiller aux échanges avec nos partenaires commerciaux en adoptant ce nouvel accord sur l'Organisation mondiale du commerce. Je défie le gouvernement d'ajuster les mécanismes de soutien de l'agriculture aux exigences du XXIe siècle. Je défie les ministres du Commerce international et de l'Agriculture d'assurer le suivi de ce projet de loi C-57 en mettant en oeuvre le programme de réforme globale qui s'impose.

(1155)

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, comme mon collègue du Parti réformiste le dit si bien, le Canada est un grand pays. Dans ce grand pays, il y a de grandes divergences de vues, et de grandes divergences géographiques. Cela est vrai également en agriculture.

Tout au long de son allocution, mon collègue du Parti réformiste a parlé abondamment des producteurs céréaliers, de la Loi sur le transport des grains de l'Ouest, des fameux wagons trémies qui se promènent vides pour pouvoir toucher des subventions, mais en aucun moment, ou alors il n'a qu'effleuré le problème des producteurs de l'Est. La plupart d'entre eux gagnent leur vie dans un système de la gestion de l'offre.

Dans ce fameux dossier de la gestion de l'offre qu'on va éventuellement remplacer par une tarification, j'espère qu'on a fixé la barre assez haut pour pouvoir protéger nos agriculteurs du Québec et de l'Ontario, notamment les producteurs laitiers, les producteurs de volaille et d'oeufs. Cette tarification devrait diminuer de 15 p. 100, mais l'ensemble de la tarification devra atteindre 36 p. 100 en six ans de moyenne.

La question que j'aimerais poser à mon collègue du Parti réformiste est la suivante: Comment conçoit-il, dans la négociation du GATT, l'article XI à l'effet que nos agriculteurs vivant de la gestion de l'offre vont voir si leur marché sera suffisamment protégé? Évidemment, étant donné que notre collègue est un résidant de l'Ouest, il s'est attardé davantage à ses électeurs, et je le comprends très bien, mais le Québec en fait encore partie de ce Canada, pour le peu de temps qu'il nous reste, je l'espère.

J'aimerais connaître son point de vue quant à la gestion de l'offre, la tarification, et qu'il nous fasse connaître les positions de son parti dans ce domaine.

[Traduction]

M. Hermanson: Monsieur le Président, je remercie le député du Bloc pour sa question. Je voudrais tout d'abord l'informer qu'il y a des producteurs soumis au régime de gestion de l'offre non seulement dans l'ouest du Canada, mais également dans ma circonscription. Certains d'entre eux appuient la position du Parti réformiste au sujet de ce qu'il adviendra des secteurs assujettis à ce régime.

Pendant la campagne électorale, le Parti réformiste a été le seul parti à ne pas avoir peur des mots. Nous avions dit qu'il fallait apporter des changements aux secteurs soumis au régime de gestion de l'offre si nous voulions pouvoir nous conformer aux négociations du GATT qui étaient en cours à ce moment-là et qui ne se termineraient qu'après les élections.

En fait, nous prévisions ont été exactes à presque 100 p. 100. Les quotas d'importation ont été remplacés par des droits de douane. Nous avions laissé entendre que ces droits devraient être suffisamment élevés pour protéger ces secteurs pendant une période de transition vers une économie mondiale. Je dois dire que l'accord du GATT s'est révélé fort généreux pour les secteurs soumis au régime de gestion de l'offre, en ce sens que les droits de douane en vigueur sont extrêmement élevés, se situant à 300 p. 100 dans le cas de nombreux produits, ce qui, en substance, empêche absolument leur importation.

À la suite de cet accord sur l'Organisation mondiale du commerce et de son règlement d'application, il semble que les secteurs soumis au régime de gestion de l'offre bénéficient de traitements préférentiels par rapport à bien d'autres secteurs agricoles dont les traitements diminuent plus rapidement et qui doivent subir des réductions beaucoup plus fortes de leurs subventions.

Je répondrai au député en disant que les secteurs soumis au régime de gestion de l'offre s'en sont probablement mieux tirés que la majeure partie des producteurs de ma région, qui verront leurs subventions beaucoup plus réduites.

J'en profite également pour rappeler au député que si les choses se passent comme il le souhaite et que le Québec se sépare effectivement du reste du Canada, il sera certes difficile de maintenir ces conditions favorables. Je suis sûr que les Canadiens ne continueront pas d'accorder au Québec une part de marché allant jusqu'à 50 p. 100 pour le lait industriel importé au Canada, par exemple.

(1200)

À mon avis, il serait sage que le député explique cette situation à ses électeurs. En fait, ils souffriraient beaucoup plus s'ils se retireraient du Canada au lieu d'y demeurer, même si nous convenons qu'il y a lieu de réformer le régime de gestion de l'offre et de modifier certaines règles fondamentales qui le régissent.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, je vais essayer d'être le plus bref possible. J'ai été un peu heurté par les commentaires qui viennent d'être prononcés par mon collègue du Parti réformiste, lorsqu'il nous dit qu'advenant une éventuelle séparation, comme ils le disent, du Québec du reste du Canada, les conditions d'écoulement du lait québécois sur le marché canadien ne seront plus les mêmes.


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Puis-je me permettre de rappeler à mon honorable collègue que l'Ouest canadien, et particulièrement l'Alberta, jouit également de conditions d'écoulement du boeuf sur le marché québécois assez intéressantes.

Une voix: Huit cent millions.

M. Bergeron: Huit cent millions, me dit-on, de boeuf par année, c'est considérable. Alors, j'imagine que le Canada ne sera pas assez bête pour se priver lui-même d'un marché d'écoulement qu'est le Québec en essayant de jouer les fiers-à-bras avec un éventuel Québec souverain. Le président du Mouvement Desjardins disait que si le Canada voulait jouer, éventuellement, les fiers-à-bras avec le Québec après la souveraineté, il en supporterait probablement autant les conséquences économiques que le Québec lui-même.

Comme le Canada est un pays libre-échangiste, du moins j'ose l'espérer, qu'il est un pays capitaliste et qu'il souhaite pouvoir faire des profits, il ne va pas se priver d'un marché aussi intéressant que le Québec et, par conséquent, ne fermera pas ses propres portes aux produits québécois, risquant par le fait même de subir le même traitement de la part du Québec.

Cela étant dit, il faut également que mon collègue du Parti réformiste réalise que dans un contexte de libre-échange nord-américain, ces espèces de fantômes ou de peurs qu'on essaie de soulever contre les Québécois, à l'effet que le Canada pourrait éventuellement fermer ses portes sont tout à fait anachroniques et les Québécois en sont parfaitement conscients.

[Traduction]

M. Hermanson: Monsieur le Président, c'est intéressant que le député mentionne l'industrie du boeuf, parce que le boeuf est l'un des produits qui circulent le plus librement au Canada. S'il y a une chose que nous avons faite au Canada en matière de réglementation, c'est bien d'aider l'industrie du boeuf du Canada central en envoyant nos céréales fourragères dans l'est du Canada à des tarifs subventionnés en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. J'ai d'ailleurs parlé de cette loi. J'ai dit qu'elle devrait être abolie et que ces affaires devraient être administrées différemment.

Je ne suis pas sûr que l'industrie du boeuf au Québec pose un problème, mais je puis assurer au député que cette industrie n'est pas subventionnée dans l'Ouest. Je ne sais pas avec certitude si elle l'est dans sa région. Le seul secteur qui bénéficie de subventions importantes est celui du transport des céréales fourragères, dans sa région, pour aider l'industrie du boeuf de cette partie du pays.

Les producteurs de l'Ouest doivent être très efficaces et doivent réussir à faire des profits en exploitant leurs marchés. Je les en félicite. Selon moi, s'ils perdent le marché du Québec, ils pourront en trouver d'autres sans difficulté.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole afin d'attirer l'attention de mes collègues sur la question bien particulière de la culture dans l'ère économique ouverte de la mondialisation qui est la nôtre. Nous avons entrepris l'étude du projet de loi C-57, intitulé Loi portant sur la mise en oeuvre de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce. Ce projet de loi vise à harmoniser les lois canadiennes avec les grands principes négociés par les pays membres du GATT.

Lors de l'Uruguay Round, nous avons soutenu et nous soutenons encore qu'il est hautement souhaitable que dans ces grandes négociations mondiales sur le commerce, le domaine culturel bénéficie d'une protection spéciale qui respecte la souveraineté des États et leur volonté de conserver une identité qui leur est propre. Ici, évidemment, nous faisons référence aux revendications des Américains, dans leur tentative de libéraliser les échanges liés à la culture.

Ce n'est pas d'hier que les Américains tentent d'imposer leur industrie culturelle à l'ensemble de la planète. L'industrie audiovisuelle américaine représente leur deuxième secteur d'exportation. Leur marché intérieur est le plus important au monde et cette situation leur permet de développer une industrie culturelle très puissante.

(1205)

Voilà donc pourquoi, pour eux, la culture devrait être considérée comme un bien comme un autre, comme des souliers ou un ordinateur. C'est que dans ce secteur, les Américains ont une domination écrasante.

Dès 1947, l'Accord général sur les tarifs douaniers et de commerce comportait une disposition majeure, l'article IV, visant à contrer le danger que peut représenter pour les cultures nationales une mise en oeuvre sans nuances du principe de la libre circulation des biens. Cet article traitait de dispositions spéciales relatives à la cinématographie. Cette disposition permettait aux pays membres d'imposer des contingents de projection, soit un minimum de films nationaux sur l'ensemble de la projection en salle du pays.

En 1961, les Américains revendiquaient le traitement national prévu à l'article III et considéraient que les restrictions quantitatives imposées par certains États, dont le Canada, à l'encontre des émissions de télévision américaines étaient discriminatoires et contrevenaient à l'article III. Pour sa part, le Canada allégueait que son droit d'imposer de telles restrictions découlait de l'article IV de l'accord qui prévoit le droit pour un pays de limiter l'accès à son marché cinématographique. En fait, le Canada étendait à la télévision le droit qui lui était accordé de limiter la projection cinématographique étrangère. Est-il besoin de rappeler qu'en 1947, au moment de signer les accords du GATT, la télévision était un développement technologique difficilement prévisible?

Les différentes démarches en vue d'en arriver à un règlement s'avérèrent infructueuses, de sorte qu'en ce qui concerne les programmes de télévision, la portée exacte de l'article IV demeure encore imprécise. Toutefois, la controverse fit clairement voir le peu de sympathie qu'avait le gouvernement américain à l'endroit de restrictions aux échanges fondés sur un argument culturel.

À la fin des années 1970, les Américains récidivent. Le secrétariat du GATT est mandaté par les parties contractantes pour dresser la liste des barrières non tarifaires existantes. Dans la liste dressée par les États-Unis, on retrouve mentionnées diverses pratiques étrangères dont le but est de limiter l'importation de biens culturels américains. De plus, pour la première fois, les États-Unis dénoncent l'utilisation de subventions à leurs pro-


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ducteurs et distributeurs de films qu'effectuent 21 des pays membres. Encore une fois, le principe de liberté économique prôné par les intérêtes américains affronte celui du développement culturel et de l'identité nationale. Cet exercice ne déboucha sur aucune mesure concrète lors du Tokyo Round, entre autres, parce que l'essentiel de la production culturelle était souvent considéré, au sein de l'OCDE, comme relevant des échanges de services plutôt que des échanges de biens, ce qui l'excluait automatiquement alors du champ d'application du GATT.

À partir de 1986, à la demande pressante des États-Unis, la nouvelle ronde des négociations devait inclure trois nouveaux sujets: la propriété intellectuelle, les investissements et les services, la culture étant considérée comme un service. Il devenait alors de plus en plus difficile de soustraire l'ensemble des produits culturels à la logique marchande qui caractérise le GATT.

En 1990, dans le cadre de ces négociations, un comité spécial fut mis sur pied. Son mandat était de se pencher sur la libéralisation des échanges dans le domaine spécifique de l'audiovisuel. Deux conceptions s'affrontaient au sein de ce comité: celle des États-Unis qui ne voulaient aucune restriction à la circulation des biens et des services; et celle de la Communauté européenne qui voulait que, là où l'identité culturelle d'un État est en cause, l'État n'était pas contraint de faire des concessions susceptibles de menacer cette identité culturelle. Ce comité fut finalement aboli, ses membres ne s'entendant absolument pas.

Parallèlement à ces démarches multilatérales, le Canada négociait une entente de libre-échange avec les États-Unis. Dans ce cas aussi des débats sur la culture et la souveraineté culturelle se sont retrouvés au coeur des échanges. Tous les groupes de pression identifiés d'une façon ou d'une autre aux industries culturelles se sont organisés pour convaincre les négociateurs et la population de la nécessité d'exclure les produits culturels de cet accord. Le gouvernement conservateur changeait d'idée sur cette question comme certains changent de chemise: un jour, la culture était sur la table; le lendemain, croix de bois croix de fer, si je mens je vais en enfer, elle ne n'était plus.

(1210)

La vérité était tout a fait insaisissable, les déclarations étant tout à fait contradictoires. Le gouvernement prétendait que la question de la souveraineté culturelle était non négociable, mais n'exigeait pas dans les faits que les industries culturelles soient exclues des négociations de peur d'en compromettre le succès. Qui plus est, pendant les négociations, le gouvernement mit au rancart un projet de loi sur le cinéma qui devait, entre autres, garantir un meilleur contrôle sur la distribution des films étrangers à l'intérieur du pays.

Autrement dit, pendant que l'Accord de libre-échange nord-américain était encore au four, le gouvernement canadien reculait devant une de ses responsabilités fondamentales qui avaient été prévues pour soutenir son développement culturel. Quand on sait que 97 p. 100 de ce qui est vu sur nos écrans est du produit cinématographique américain, on ne peut que s'inquiéter du manque d'envergure du gouvernement canadien de l'époque.

Le retrait de ce projet de loi est inquiétant pour notre avenir culturel. En effet, au dire des experts, la protection culturelle obtenue par le Canada dans l'Accord de libre-échange et reconduite dans l'ALENA demeure ambiguë et n'est pas à toute épreuve. L'ambiguïté est toute résumée dans l'article 2005 de l'ALE qui prévoit, au paragraphe 1, que les industries culturelles sont exemptées des dispositions de l'Accord, et au paragraphe 2, que les Américains pourront prendre des mesures de représailles dans d'autres secteurs d'activité s'ils sentent que la politique culturelle canadienne leur nuit, ce qui hypothèque la capacité du Canada d'entreprendre toute mesure législative visant à son développement culturel. En effet, cela pourrait être mal perçu par les Américains qui riposteraient en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés au paragraphe 2 de l'article 2005.

On comprend maintenant que le gouvernement canadien ait retiré son projet de loi limitant la distribution des films étrangers sur son territoire et pourquoi le gouvernement que nous avons à l'heure actuelle hésite considérablement à amener devant le Parlement la Loi sur les droits d'auteur.

Pour ce qui est des dernières négociations du GATT, la culture, nous dit-on, l'a échappé belle. La tentative des Américains de faire accepter par tous l'idée que la culture est un produit comme un autre et devrait échapper à toute réglementation nationale comme internationale a avorté grâce à l'intervention musclée de la France, soutenue par la Communauté économique européenne.

Dans cette tentative de dernière heure pour sauver l'expression de la culture et de la démocratie des idées, le Canada a joué un rôle mineur à la remorque de nos cousins français. Le gouvernement actuel, faut-il le rappeler, a apporté un appui tardif après une période de silence coupable. Cette attitude du Canada est révélatrice du point de vue que notre pays a adopté sur cette question de la culture.

Un autre dossier tout aussi révélateur de la position canadienne sur la protection de notre développement culturel est le dossier de Ginn Publishing. En vertu de l'Accord de libre-échange et de l'Accord de libre-échange nord-américain, le gouvernement canadien peut mettre de l'avant des mesures de protection de l'industrie de l'édition et du livre. Cela devrait permettre au gouvernement canadien de maintenir sa politique portant sur les investissements étrangers dans le domaine de l'édition.

Pourquoi le ministre du Patrimoine a-t-il accepté de vendre Ginn Publishing? Avec la Loi sur les investissements étrangers, le gouvernement canadien s'était donné une armure pour protéger l'industrie canadienne de l'édition. C'est cependant avec le sourire et avec sa naïveté proverbiale que le ministre du Patrimoine a entériné l'américanisation de l'une de nos maisons d'édition. Ce ministre a présenté son dos aux coups de nos voisins, abandonnant de lui-même ce que rien ne l'obligeait à céder.

Croyez-vous vraiment que dans l'état actuel des choses, on puisse se fier à ce ministre pour protéger la culture de notre pays lors de la prochaine ronde des négociations multilatérales?

Des cas comme celui de Ginn nous amènent à nous questionner sur ce que plusieurs appellent «les clauses secrètes» de l'Accord du libre-échange. Est-il normal que dans un pays


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démocratique, notre gouvernement prenne ses décisions, non pas en consultant le Parlement et la population, non pas en accord avec ses propres lois, mais à la lumière des pressions imposées par d'autres pays?

Certains observateurs ont souligné que le manque d'implication du Canada dans les négociations multilatérales du GATT s'expliquait par le fait qu'il considère son secteur culturel comme déjà protégé par l'ALE et l'ALENA. Or, cette protection, on le sait, est limitée par la peur de représailles du géant américain, par des ententes verbales qui laissent des traces et par le manque de volonté de la part du gouvernement canadien de se tenir debout pour promouvoir la culture de ce pays.

(1215)

De plus, Mme Carla Hills a déclaré au Congrès que le GATT aurait préséance sur l'ALE, qu'il n'y avait donc pas lieu de s'inquiéter de cette concession faite aux Canadiens. Je voudrais souligner que c'est au Congrès américain qu'elle a fait cette déclaration. En fait, l'ALE a préséance sur le GATT. Cependant cette déclaration provenant de la bouche même de celle qui a présidé pour la partie américaine aux négociations de l'ALE en dit long sur la valeur relative que les États-Unis accordent à cet accord et sur leurs intentions futures de le remettre en cause.

Revenons à la dernière ronde de négociations du GATT qui a abordé pour la première fois la question de la propriété intellectuelle. Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui comporte une vingtaine d'articles portant sur le droit d'auteur. Ces modifications sont proposées, comme pour l'ensemble du projet de loi, afin de rendre conforme notre Loi sur les droits d'auteur aux ententes contenues dans le Trade Related Aspects of International Properties Rights, document qui élabore les règles de l'Organisation mondiale du commerce, entre autres en ce qui a trait aux droits d'auteur.

Ces changements sont certes mineurs. Ils ne créent qu'un seul nouveau droit, soit celui pour l'artiste interprète d'autoriser ou non la fixation et la diffusion de sa prestation. Le reste des articles portant sur le droit d'auteur visent à mettre à jour notre Loi sur les droits d'auteur en y intégrant les ententes convenues dans le Trade Related Aspects of International Properties Rights, et ceux de la Convention universelle du droit d'auteur, auxquels fait référence cette entente internationale.

Comme exemple de ces changements, notons les précisions apportées aux définitions sur la contrefaçon, la représentation, l'exécution et l'audition. En conséquence, le piratage industriel, ainsi que le commerce de marchandises de contrefaçon seront limités.

Les modifications imposées par le commerce international sont louables. Elles remettent cependant à l'ordre du jour de la nation l'inertie du gouvernement canadien en matière de droit d'auteur. La phase II de la révision de la Loi sur les droits d'auteur était prévue pour le printemps dernier. Le ministre du Patrimoine canadien qui comparaissait devant le Comité permanent du patrimoine le 4 mai dernier déclarait à cet effet, et je cite: «Dès le départ, en fait dès que j'ai pris charge de ce portefeuille, j'ai bien dit que notre législation sur les droits d'auteur était désuète. Elle n'a pas subi de modifications majeures depuis des années. Elle n'est même pas à la hauteur des accords internationaux sur les droits d'auteur. Elle a donc besoin d'être modernisée. Nous sommes en train d'y voir et il y a des équipes qui analysent cette législation, qui font des études d'incidences économiques et procèdent à de vastes consultations. [. . .]J'ai bien l'intention de présenter sous peu des amendements à la Loi sur les droits d'auteur.»

Mais voilà: comme l'ensemble de la communauté culturelle canadienne et québécoise, nous attendons toujours cette Loi sur les droits d'auteur. Mais ce retard est tragique. Il est tragique bien sûr pour nos artistes qui travaillent et revendiquent depuis plus ou moins une dizaine d'années des changements importants à cette loi. Il est également tragique parce qu'on soupçonne que ce retard pourrait être dû à la divergence d'opinion entre le ministère de l'Industrie et celui du Patrimoine canadien.

Or, l'Union des artistes écrivait le 22 décembre dernier au premier ministre, et je cite: «La Loi sur le droit d'auteur est présentement en voie de révision. [. . .]Sous le gouvernement précédent, un élément a fait obstacle à la révision harmonieuse de cette loi: le partage de la responsabilité du dossier entre le ministère du Patrimoine canadien et celui des Consommateurs et des Sociétés. Ce partage a donné lieu à une vision bicéphale qui s'est traduite plus souvent qu'autrement en objectifs contradictoires. Cette loi est la seule qui protège le droit des créateurs canadiens.»

Pour sa part, le ministre du Patrimoine canadien déclarait à la radio anglaise de Radio-Canada qu'on ne savait pas très bien ce que contiendrait la phase II du projet de loi sur le droit d'auteur, et qu'il y aurait vraisemblablement une phase III. Il semble que le ministre du Patrimoine n'ait plus aucun poids pour imposer son point de vue en cette matière. Dans la partie de bras de fer qu'il livre au ministre de l'Industrie, il est faible et isolé. Ceci est tout à fait tragique lorsqu'on sait qu'il revient à ce ministère de défendre les intérêts culturels du Canada.

Ce retard tragique et inacceptable est compensé par un pis-aller, par le projet de loi C-57. Le ministère du Commerce international prend les moyens pour rendre la loi actuelle conforme aux ententes internationales.

Il faudrait parler ici de l'importance du développement culturel pour une société.

(1220)

Le rôle du ministère dans ce débat est crucial et primordial. Pourquoi? Parce que, comme nous le démontre l'affaire Ginn, comme nous le démontre maintenant l'inertie dont est frappée la révision de la Loi sur le droit d'auteur, comme nous le démontrent les observateurs qui nous disent que cette fois-ci, on l'a échappé belle au GATT, dans le cadre de l'économie ouverte, le droit à la culture et les impératifs économiques sont sur le chemin de la collision frontale. Si le ministre du Patrimoine ne travaille pas immédiatement à créer des alliances stratégiques, ce ne sont pas seulement les industries culturelles canadiennes qui sont et seront en jeu, c'est la démocratie elle-même.

Pour bien comprendre cela, il nous faut définir la culture. On pourrait certes, ici, citer plusieurs auteurs. Retenons cependant la définition du sociologue britannique Raymond Williams, que les auteurs Marc Raboy, Yvan Bernier, Florian Sauvageau et Dave Atkinson reproduisent dans leur livre Développement culturel et mondialisation de l'économie et je cite: «À différents


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moments et dans différents contextes, le terme culture a été employé dans l'un ou l'autre des trois sens suivants. Premièrement, un processus général de développement intellectuel, spirituel et esthétique; deuxièmement, la manière de vivre d'un peuple ou d'un groupe dans un endroit ou à une époque déterminée; troisièmement, l'activité des artistes ou des intellectuels dans une société donnée.»

«Outre la dernière définition qui ne s'applique qu'aux producteurs culturels, il appert que la culture est composée d'un vaste ensemble d'informations et de connaissances qui permettent aux individus de se développer, notamment par l'éducation, bien adaptée à la première définition de Williams, de s'adapter et de participer à leur milieu, liée à la deuxième définition de l'auteur. De ce point de vue, les artistes et les intellectuels semblent, comme les producteurs de culture, participer aussi bien au développement intellectuel, spirituel et esthétique des individus, qu'à leur révéler le milieu dans lequel ils vivent. D'où l'importance de leur activité qui rejoint les trois sens que Williams donne au terme culture.»

On pourrait également prendre en considération la définition de l'économiste canadien Michael Walker et je cite: «Ce que l'on appelle culture, c'est tout simplement la réunion, au niveau de la société, des choix individuels de ses membres.»

Dans cette optique, la culture n'est ni plus ni moins que la demande telle qu'elle s'exprime sur le marché. Cette définition met moins l'accent sur le contenu culturel, par exemple, un ensemble d'informations et de connaissances, que sur le mécanisme qui met en valeur la culture, un marché libre de toute entrave.

Opposer la définition de Williams à celle de Walker relève de la caricature, bien sûr, mais c'est une façon de signaler la tension qui existe entre les approches sociologiques et économiques de la culture, et plus particulièrement, la tension historique entre économie et culture qui a caractérisé, jusqu'à aujourd'hui, l'évolution des sociétés industrialisées.

Il me faut conclure. Les amendements que l'on apporte à la Loi sur le droit d'auteur sont ceux qui nous sont imposés de l'extérieur, ceux qui découlent des ententes commerciales, multilatérales que signe le Canada. Allons-nous laisser les autres pays décider ce qui est bon pour le Canada en termes culturels ou allons-nous voter les lois qui répondent à nos orientations, à nos désirs, aux désirs de nos créateurs et aux besoins de notre industrie culturelle, qui met en valeur le talent des créateurs canadiens et québécois? Le Bloc québécois a fait son lit. Il opte pour la souveraineté culturelle de ce pays.

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais, dans un premier temps, féliciter chaleureusement ma collègue de Rimouski-Témiscouata pour l'excellent discours qu'elle vient de nous livrer. Je trouve passablement révélateur que ma collègue ait pu faire un discours d'une vingtaine de minutes en traitant spécifiquement de la question culturelle contenue dans les accords de l'Uruguay Round et de ses applications au Canada.

Elle a fait un certain nombre de remarques sur les implications de l'accord de l'Uruguay Round sur la culture au Canada, et plus particulièrement, sur le droit d'auteur au Canada. Encore une fois, je trouve assez révélateur que nous soyons obligés de voir à certains aménagements du droit d'auteur au Canada, par l'intermédiaire d'ententes commerciales internationales.

(1225)

Ma collègue réclame à grands cris depuis plusieurs mois que le gouvernement fédéral légifère de façon claire et nette sur la question des droits d'auteur. Est-ce qu'il n'y a pas là une ambiguïté, un problème qui se révèle dans le fait que le gouvernement fédéral intervienne ou réagisse au niveau du dossier des droits d'auteur seulement dans le cadre des ententes commerciales internationales?

Je pose la question à ma collègue, parce que je suis sûr qu'elle a des arguments à faire valoir à cet égard, puisque, pour ma part, je suis tout à fait surpris de voir que le gouvernement fédéral tarde tant à légiférer en matière de droit d'auteur et qu'il le fasse simplement par la bande, une fois qu'il est obligé de le faire sur le plan des ententes internationales. N'est-ce pas là une preuve additionnelle du manque de poids, du manque de crédibilité du ministre actuel du Patrimoine canadien?

Mme Tremblay: Monsieur le Président, il est bien évident qu'il est impératif pour le Canada de légiférer rapidement, sereinement et en toute équité dans le domaine des droits d'auteur. Bien sûr, c'est un domaine qui est extrêmement difficile, et il ne faudrait pas attendre que nous soyons rendus trop loin dans l'autoroute électronique, parce que ça va se compliquer davantage. Ça va se complexifier.

Dans le domaine culturel, je suis particulièrement inquiète quand j'entends Mme Hills nous dire qu'on n'est pas protégé par l'ALE et par l'ALENA; on nous a fait accroire qu'on était protégé. Si c'est vrai qu'on n'est pas protégé, si c'est vrai que c'est le GATT qui va prédominer, ça veut dire, à brève échéance, que la culture américaine va envahir le Canada plus rapidement qu'on va être capable de s'en apercevoir.

Je ne voudrais pas qu'on me prête des intentions de faire du capital politique, mais il est grandement temps que les Canadiens, de Terre-Neuve à l'île de Vancouver, se rendent compte que la population anglophone du Canada est beaucoup plus menacée que la population francophone du Québec. Vous êtes beaucoup plus menacés par la culture américaine que nous le sommes. Nous sommes français, nous voulons le rester, c'est pourquoi nous voulons partir de ce pays qui ne se rend pas compte qu'il s'en va à la dérive.

Réveillez-vous, Canadiens anglophones, avant qu'il soit trop tard et que vous soyez devenus des Américains, parce que votre carte de crédit c'est présentement nous, et nous sommes à la veille de mettre fin à votre financement!

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec un vif intérêt ce qu'a dit la députée. Je suis d'accord avec elle sur certains points. Par contre, je suis vraiment inquiet quand j'entends certaines choses, par exemple qu'un croquemitaine cherche à nous intimider ou à détruire nos industries. Je ne suis pas très sûr de ce à quoi la députée fait allusion lorsqu'elle parle de toutes ces menaces qui existent à l'étranger.

Notre monde est en train de devenir de plus en plus petit et qu'en fait, nous devons commencer à nous tourner vers l'extérieur. Contrairement à ce que dit souvent le Bloc, nous ne pouvons plus rester renfermés sur nous-mêmes et, en quelque sorte, bloquer tout et tenir tout le monde à l'écart.


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J'aimerais que la députée dise à la Chambre quelles sont exactement ces terribles menaces étrangères à notre culture, autres que la menace américaine.

[Français]

Mme Tremblay: Monsieur le Président, je pense que la plus grande menace pour tous les pays du monde, ce sont les États-Unis. Les Américains ont voulu, tout de suite après la guerre, imposer leur culture à l'ensemble des pays européens qui étaient dans la dèche après la guerre.

Il y a eu une réaction mondiale disant: «Non, non, non, les films américains n'entreront pas sur notre marché aussi facilement que cela.» Il y a eu cette fameuse entente pour la production cinématographique.

Quand la télévision a commencé ici, au Canada, les Américains ont voulu à nouveau venir nous envahir; ils ont même boycotté le Canada pendant un certain temps. Et quand ils ont vu qu'on ne cédait pas et qu'on avait des règlements qui empêchaient l'envahissement américain, ils ont fini par accepter de parler. Ce que les Américains essaient de faire présentement, c'est de revenir par la bande et à nouveau vouloir imposer la culture américaine partout, d'un océan à l'autre, en en oubliant aucun, parce qu'ils ont les moyens de le faire. Et le jour où tout le monde ne verra que des films américains, que des soaps américains, que des nouvelles américaines, que des variétés américaines, ce monde ne sera plus démocratique parce que la démocratie, ça commence d'abord entre les deux oreilles.

(1230)

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je suis choqué par cette réponse, à savoir que la terrible menace, ce sont les États-Unis.

Je n'arrive vraiment pas à m'imaginer pourquoi une partie du Canada, quelle qu'elle soit, voudrait la séparation. De toute évidence, le reste du Canada va considérer d'un oeil moins favorable une province qui veut se séparer et détruire par là le pays dans lequel nous croyons.

Ils seront alors forcés de traiter avec les Américains et leur culture sera complètement dominée. Le meilleur moyen, à mon avis, pour le Québec de perdre sa culture, c'est de se séparer et de devenir totalement tributaire des États-Unis.

Je ne comprends strictement rien à cette réponse.

[Français]

Mme Tremblay: C'est très facile à comprendre, monsieur le Président. Nous sommes francophones, les Américains sont des Anglais. Nous n'écoutons pas les postes américains. Nous écoutons Radio-Canada français, TVA et TQS, en grande majorité parce que ce qu'on produit au Québec est d'une qualité tellement supérieure à ce qui se produit du côté américain et anglophone, qu'on n'a pas besoin de «zaper» chez les Anglais pour passer une bonne soirée à la télé. Nous écoutons notre télé. Nous avons en plus des ententes avec le monde de la francophonie avec TV5. Nous sommes satisfaits. Mais les anglophones dorment présentement et ne se rendent pas compte du rouleau compresseur américain qui est à leurs frontières. Tant pis, si vous voulez dormir et devenir des Américains, nous, nous resterons parce que nous sommes Québécois et Québécoises. Nous le resterons en quittant ce pays qui dort.

[Traduction]

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, c'est un privilège et un honneur que de pouvoir prendre la parole au sujet du projet de loi C-57.

Avant de commencer mon discours, je voudrais faire une ou deux observations au sujet de ce que j'ai entendu ce matin. J'ai pas mal voyagé, et je pense que la culture est très importante. Je n'ai jamais rencontré une vache qui parlait français ou un poulet qui parlait l'anglais ou le français. J'ai eu mes oeufs et mon jambon frits par des gens de différentes cultures et je les ai toujours appréciés, indépendamment de la langue du cuisinier.

Je pense que c'est une chose qui masque parfois les problèmes que nous avons. Pour moi, l'important est de considérer les vraies questions et de s'assurer qu'on ne détruise pas ces choses qui nous aident à survivre ou qui nous donnent la possibilité de vivre dans ce pays.

Comme nous le savons, ce projet de loi officialise l'entière participation du Canada à l'Organisation internationale du commerce. Il résulte de notre signature, en avril dernier, de l'accord de l'Uruguay Round négocié dans le cadre du GATT.

Cet accord est le résultat de la plus vaste et de la plus complexe des négociations commerciales jamais entreprises. Le document final comportait plus de 25 accords distincts. Les nations signataires se sont engagées à éliminer les tarifs douaniers et les autres obstacles au commerce.

Pour le Canada, l'accord signifie que nous devons modifier au moins 31 lois. Chaque pays devra modifier ses programmes d'aide et de subventions et ses mesures de contrôle aux frontières pour les rendre conformes à des normes mondiales.

Il y aura une réduction du volume des exportations subventionnées.

(1235)

Celles-ci devront être réduites de 21 p. 100 sur une période de six ans se terminant en 2001. Ce que nous dépensons en subventions à l'exportation doit être réduit de 36 p. 100 pendant cette même période.

Les programmes d'aide sur le marché intérieur doivent aussi être réduits de 20 p. 100 pendant la période de six ans, et la réduction minimale pour une denrée est de 15 p. 100. Les programmes de développement régional, de recherche, de protection de l'environnement et de protection du revenu agricole sont à l'abri de ces réductions.


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Le système des contingents qui existe dans les secteurs où l'offre est réglementée sera remplacé par des tarifs douaniers qui devront diminuer de 36 p. 100 en moyenne pendant les six années.

Je dois admettre que le système de régulation de l'offre a été bien protégé par le programme de tarification. Je limiterai mes commentaires aux domaines dont je suis chargé en tant que porte-parole du Parti réformiste, c'est-à-dire l'agriculture, les transports et le commerce agricole. Les pays qui adhèrent à cet accord se sont efforcés d'établir un ensemble de règles communes pour normaliser leur activité industrielle dans ces secteurs.

Le Parti réformiste est un ardent partisan du libre-échange. Nous avons appuyé l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et nous sommes en faveur d'une expansion du libre-échange en général par le truchement de l'ALENA et du GATT.

Je crois que l'accord de l'Uruguay Round nous permet d'anticiper une croissance économique mondiale accrue, ce qui engendrera un accroissement des investissements et du nombre d'emplois créés. Les agriculteurs canadiens tirent environ 50 p. 100 de leur revenu des exportations. Cela signifie que l'industrie agricole profitera sans contredit d'un accès accru aux marchés étrangers et de la réduction, dans d'autres pays, des subventions faussant les échanges qui sont la principale raison du faible prix des grains sur les marchés mondiaux.

Le Parti réformiste prône plusieurs réformes des transports. Le principe sur lequel reposent les réformes que nous proposons est la conviction que les produits agricoles canadiens doivent être acheminés vers les marchés par n'importe quel moyen efficace et rapide, selon n'importe quelle route et dans n'importe quelle forme ou n'importe quel état de transformation, selon le seul principe de la rentabilité et en tenant compte des meilleurs intérêts des consommateurs.

C'est une des raisons pour lesquelles je suis un ardent partisan du Hudson Bay Route Association, qui fait la promotion du port de Churchill. Si on examine la distance à parcourir pour atteindre Churchill et les autres ports, on se rend compte de l'importance des économies possibles sur le plan de l'entretien des lignes ferroviaires.

Quand je vois les statistiques compilées par divers groupes d'enquête ou groupes de travail, qui montrent que nous pourrions réduire nos coûts de transport de 20 $ à 25 $ la tonne, il me paraît évident qu'une telle mesure serait non seulement rentable mais écologique.

Nous devons également nous rappeler que le nord du Manitoba représente un territoire immense où les autochtones dépendent de ce type de transport.

Nous devrions nous efforcer de mettre en place des conditions propices à une industrie viable, autonome et axée sur le marché, en créant un environnement où le développement régional ne constitue plus un objectif de la politique de transport.

Nous sommes en faveur de l'élimination des subventions au transport, mais les fonds qui y étaient consacrés devraient être affectés systématiquement aux programmes de sécurité du revenu qui auraient pour fonction de protéger nos producteurs de l'agroalimentaire contre des forces sur lesquelles ils exercent peu de contrôle.

On ne peut pas éliminer complètement les subventions au transport sans un plan précis à long terme visant à aider l'industrie à s'adapter. En réaffectant les fonds et en les attribuant aux agriculteurs, dans le cadre d'un programme autorisé par le GATT, nous permettrons à notre économie de se diversifier et donnerons aux agriculteurs la possibilité de tirer avantage des forces du marché créées par le nouvel accord de commerce international.

(1240)

La chose qui m'a vraiment frappé l'autre jour lorsque l'ancien ministre de l'Agriculture, M. Whelan, a comparu devant le comité permanent, c'est le nombre d'industries secondaires, d'usines de transformation et d'abattoirs qui ont disparu à cause de problèmes de transport ou de la suppression de certaines subventions.

Il est crucial que nous essayions de résoudre ce problème. Le Canada devrait s'efforcer de mettre en place un système de transport vraiment concurrentiel. À cette fin, il faut déréglementer les chemins de fer et privatiser le matériel roulant du Canadien National.

Je n'ai pas toutes les réponses, mais si j'en crois le discours prononcé l'autre jour par le ministre des Transports et dans lequel il disait que l'efficacité de notre main-d'oeuvre ferroviaire est inférieure de 36 p. 100 à ce qu'elle est aux États-Unis, il est bien évident que les subventions ne sont pas le seul problème. Lorsqu'on sait que ce pays transporte 66 p. 100 de plus de marchandises par mille de rail que nous, il devient apparent que notre efficacité en la matière laisse à désirer.

Les producteurs canadiens de grains, d'oléagineux et de cultures spéciales devraient pouvoir compter sur un environnement commercial plus stable. On espère qu'au cours de la période de transition de six ans, les débouchés à l'exportation s'amélioreront et que les prix augmenteront sur le marché international. On s'attend à ce que les quantités de blé subventionné exportées par les États-Unis et par l'Union européenne diminuent de 40 p. 100 au cours des six prochaines années, ce qui devrait permettre aux agriculteurs canadiens de s'emparer d'une part importante du marché.

Une fois cet accord en place, les États-Unis ne pourront plus invoquer l'article 22 contre les importations de blé canadien. Je me permettrais de souligner que ces accords commerciaux n'ont aucune valeur si les gouvernements n'ont pas le courage de les faire respecter. Il y a eu d'autres accords du GATT et ils ont tous été violés par nos partenaires commerciaux les plus importants. Pour nous, Canadiens, c'est très inquiétant.

Prenons par exemple le pacte du blé que ce gouvernement a non seulement conclu avec les États-Unis, mais qu'il s'est imposé. Bien qu'étant parfaitement dans notre droit aux termes de l'Accord de libre-échange, nous avons été brimés. L'article 705.5 de l'Accord de libre-échange canado-américain stipule très clairement qu'on ne peut restreindre les ventes transfrontalières de grains que si elles augmentent sensiblement à la suite d'une modification importante des programmes de subvention


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de la céréale en question dans l'un ou l'autre pays, ce qui n'était pas le cas l'an dernier.

La hausse des exportations de blé et de blé dur vers les États-Unis l'an dernier a résulté d'une demande accrue aux États-Unis due à divers facteurs. Les programmes de soutien du Canada n'avaient vraiment prévu aucune augmentation. De toute façon, notre gouvernement a courbé l'échine. Dans les jours qui ont suivi la semaine où cet accord a été conclu, les États-Unis ont signé un accord de vente de blé à l'Algérie, qui représentait un important marché d'exportation de blé dur pour le Canada. Avec leur programme pour stimuler les exportations, les États-Unis manipulent les marchés céréaliers.

Si le gouvernement canadien n'avait pas cédé à la pression des Américains, leurs sénateurs, leurs représentants au Congrès et leurs agriculteurs se seraient vite rendu compte du tort que cause leur programme. Les agriculteurs canadiens ne se seraient remis que bien faiblement du préjudice causé par les pratiques commerciales déloyales des États-Unis.

Nous espérons qu'en vertu de cet accord, ils redresseront leur programme de subvention. Je me permets de souligner que, même s'il s'agit d'un différend bilatéral, les nouvelles règles du GATT comportent des dispositions qui obligeront les États-Unis à prouver que le Canada subventionne les exportations de façon déloyale.

Grâce à cette disposition, nous pouvons espérer que notre gouvernement ne pliera plus l'échine. C'est le message que nous avons saisi la semaine dernière, lorsque le département américain de l'Agriculture a commencé à exiger que les agriculteurs canadiens qui exportent du blé aux États-Unis obtiennent des certificats d'utilisateur ultime. Les Américains ont agi comme cela même après avoir signé un accord sur le blé qui comprenait une clause prévoyant que le Canada ne ferait pas l'objet de restrictions ni de mesures de harcèlement pendant 12 mois.

(1245)

Cela illustre à nouveau que les accords commerciaux sont inutiles quand un gouvernement semble incapable et peu intéressé à défendre les droits de la population. Le partenaire d'un accord commercial ne peut se montrer tyrannique. Si cela se produit, l'accord finit toujours par tomber.

Les agriculteurs canadiens tiennent simplement à ce que les règles du jeu soient équitables. Ils savent qu'ils peuvent relever la concurrence et qu'ils sont les meilleurs producteurs du monde, mais ils ne peuvent être constamment défavorisés sur le plan commercial. Si un ensemble de règles commerciales équitables s'appliquent également à tous les pays, on pourra vraiment parler de règles de jeu équitables.

Avant que les modifications entrent en vigueur, il faudra apporter des modifications importantes à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Selon le GATT, toute politique gouvernementale qui favorise l'expédition d'exportations est présumée correspondre à une subvention d'exportations. Le Canada soutient que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest prévoit un soutien intérieur aux agriculteurs, mais certains pays, dont les États-Unis, font valoir qu'il s'agit là d'une aide à l'exportation.

De récentes études confirment que le GATT sera aussi de cet avis. Encore une fois, on constate que la meilleure voie à suivre est celle qui conduit le plus rapidement au port d'exportation. Conformément à l'accord, deux systèmes régiront les restrictions relatives aux subventions prévues par la Loi sur le transport du grain de l'Ouest; le premier concernera le grain expédié par Vancouver, Prince Rupert ou Churchill, soit le grain assujetti à la réduction des subventions à l'exportation prévue par le GATT.

Le second système vise le grain expédié par Thunder Bay ou Armstrong, soit du grain destiné à l'exportation ou à la consommation nationale, de telle sorte que les paiements pour le transport du grain conformément à la LTGO peuvent être considérés comme des subventions à l'exportation ou comme un soutien de la consommation nationale, dépendant de l'endroit d'où il est expédié.

Cette disposition me semble être un gage de conflits et de désaccords énormes et ne saurait être que préjudiciable dans cet accord, étant probablement la source de beaucoup d'amertume non seulement parmi les producteurs, mais encore parmi les expéditeurs des diverses régions du Canada.

Les paiements prévus par la LTGO pour le transport du grain expédié par les ports de l'Ouest ne sont versés que si le grain est exporté. Ces paiements ont été portés à l'attention du GATT en tant que subventions à l'exportation et seront assujettis à la réduction de 36 p. 100 visant les subventions à l'exportation ainsi qu'à la réduction de 21 p. 100 intéressant le volume exporté. Les paiements versés conformément à la LTGO pour le grain expédié par Thunder Bay ont été rapportés au GATT comme étant un appui à la consommation nationale.

Je ne sais pas comment nous pouvons résoudre ce problème. Je crois que cela sera contesté et que l'histoire prouvera que ce n'est pas correct et qu'il faut modifier cela.

Conformément au texte de l'accord du GATT, le programme de transport du grain de l'Ouest dans son ensemble vise à soutenir la consommation nationale de blé ambré, alors que la partie concernant le transport du grain vers la côte ouest et Churchill est considérée comme une subvention à l'exportation. Le Canada devra apporter les modifications qui s'imposent pour respecter les dispositions du GATT intéressant les subventions à l'exportation.

Le défi pour le Canada consiste à rendre la LTGO acceptable pour le GATT. Le Parti réformiste a trouvé une excellente solution au problème dans un programme de distorsion commerciale que nous avons recommandé pour la LTGO au cours de la campagne électorale. Ce programme a été bien reçu et, tôt ou tard, le gouvernement devra se rendre compte que seul un programme de ce genre est vraiment juste et avantageux pour les agriculteurs de l'Ouest.

(1250)

Étant donné que le GATT exige que les subventions prévues par la LTGO ne soient plus versées aux chemins de fer, mais bien directement aux agriculteurs, c'est probablement la seule méthode qui serait conforme aux conditions du GATT.


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C'est là un autre domaine où le gouvernement libéral devra se montrer extrêmement diligent et créatif de façon à verser ces subventions sans fausser la valeur des terres ni la valeur des impôts fonciers pour les municipalités, car cela entraînerait un certain nombre de problèmes bien réels.

Je le répète, conformément à l'accord, les pays membres du GATT ont convenu de réduire de 36 p. 100 leurs subventions à l'exportation. Ce projet de loi soulève plusieurs questions. Je sais que les agriculteurs de ma circonscription auront un certain nombre de préoccupations.

Par exemple, quelles garanties ont-ils que les sociétés ferroviaires seront tenues de transporter le grain vers d'autres ports? En outre, quelles garanties avons-nous que les wagons n'iront pas tous aux États-Unis?

L'an dernier a été catastrophique pour le transport du grain principalement parce que les sociétés ferroviaires ont décidé de faire des affaires aux États-Unis. Étant donné que le cycle de rotation des wagons s'en est trouvé allongé, on a manqué de wagons à grain avec toutes les graves conséquences que cela a eues. Quelles garanties a-t-on que cela ne se répétera pas?

On dit aussi que les sociétés ferroviaires n'ont pas suffisamment de locomotives. Je voudrais savoir si l'on s'est penché sur ce problème en particulier. Nous avons les wagons, mais pas les locomotives pour les tirer. Cela ne fait pas un système de transport très efficace.

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais savoir une chose. Vous avez dit que les céréales qui doivent être transportées, comme tout autre produit agricole d'ailleurs, devraient l'être par les moyens et aux destinations que dicte le marché.

À la fin de votre discours, vous critiquez les sociétés ferroviaires. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. J'interromps le député pour rappeler à tous les députés qu'ils doivent toujours passer par l'intermédiaire de la présidence et ne pas s'adresser directement à leurs vis-à-vis.

M. Kirkby: Monsieur le Président, le député a dit que c'est le marché qui devrait déterminer par quel moyen de transport les céréales et les autres produits agricoles devraient être transportés. Presque à la fin de son intervention, il affirme qu'il y a une pénurie de wagons parce que les sociétés ferroviaires ont décidé d'en envoyer aux États-Unis pour y transporter des céréales. À mon avis, il manque singulièrement de cohérence et j'aimerais qu'il s'explique.

M. Hoeppner: Monsieur le Président, je ne crois pas avoir été incohérent. Ces wagons ont été utilisés pour transporter des céréales aux États-Unis parce que, aux termes de la Loi sur le transport des grains de l'Ouest, les sociétés ferroviaires sont payées en fonction de la quantité de céréales qu'elles transportent et le calcul est fait en fonction de la répartition des wagons.

Cependant, lorsque l'on n'a pas les locomotives pour remorquer les wagons, il ne sert à rien d'essayer de faire circuler le nombre de wagons dont on a besoin. Par conséquent, les wagons que les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral et la commission du blé avaient achetés pour le transport ont été détournés vers les États-Unis pour rapporter des revenus puisqu'ils ne pouvaient pas servir au Canada, à cause de la pénurie de locomotives.

Il est financièrement avantageux pour les sociétés ferroviaires de faire cela parce que, compte tenu des tarifs de fret aux États-Unis et de la rapidité des déplacements, ce que leur ont rapporté ces wagons est nettement supérieur à ce qu'ils auraient rapporté au Canada.

Nous avons exporté des céréales l'an dernier et l'agent qui expédiait ces céréales à l'étranger payait entre 250 $ et 750 $ par wagon, selon l'urgence du besoin. Puisqu'ils pouvaient rapporter des millions, il était extrêmement tentant d'envoyer aux États-Unis les wagons qui ne pouvaient pas être utilisés au Canada en raison de la pénurie de locomotives.

(1255)

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, je voudrais remercier mon collègue de Verchères qui pilote d'une façon admirable les discussions sur le projet de loi C-57. Pour débuter, je tiens à signaler qu'il est temps que nous ayons enfin l'occasion d'aborder le dossier important du GATT.

Le projet de loi C-57 nous permet de nous interroger sur certains aspects de cet accord, qui demeurent ce que j'appellerai des zones grises. L'objectif de mon intervention aujourd'hui n'est pas de m'opposer à ce projet de loi. Je désire plutôt soulever ces interrogations pour démontrer aux députés de cette Chambre qu'il est fondamental que nous ayons suffisamment de temps pour étudier ce projet de loi, avant de lui donner notre aval.

Le peuple québécois est depuis belle lurette ouvert et libre-échangiste. On se rappellera que le Québec a effectivement été au premier rang des alliés du libre-échange avec les États-Unis, même que sans cet appui, on est en droit de se demander si le Canada aurait refusé de signer le traité de libre-échange. Vous vous rappelez sûrement, lors de l'élection de 1988, alors que le Parti conservateur, dirigé par M. Mulroney, avait comme point majeur en son thème électoral l'accord de libre-échange avec les États-Unis, qu'il avait trouvé ses plus grands alliés au Québec.

Malgré les mésaventures que le Parti conservateur avaient rencontrées sur sa route lors de son premier mandat, les Québécois ont donné un accord vraiment massif au Parti progressiste conservateur, justement parce qu'il prônait le libre-échange avec les États-Unis. Dans une ligne de conduite cohérente, le Québec a par la suite grandement facilité la signature de l'ALENA et il favorise maintenant son élargissement aux autres pays d'Amérique latine.

Il n'est pas sorcier de voir la logique d'un tel comportement. Il est primordial que les petites et moyennes sociétés québécoises aient accès à de grands marchés. Donc, comme tous les Québécois et les Québécoises, je suis au préalable favorable au traité favorisant le libre-échange. J'ai, par conséquent, un préjugé favorable face au projet de loi C-57, dont il est question ce midi. Ce que je souhaite, cependant, je le répète, c'est d'avoir le temps de l'étudier attentivement, et l'adoption accélérée d'un projet de loi de cette envergure, poussée par le gouvernement libéral, est inacceptable.


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Quand on asseoit autour d'une même table de négociation, plusieurs grandes puissances dont les intérêts sont parfois divergents, on se doute qu'il est grandement difficile d'arriver à satisfaire tout ce beau monde. Dans le contexte économique actuel, il est primordial de s'entendre pour favoriser le développement des procédés de libre-échange. C'est pourquoi cette entente pourra, si elle est bien utilisée, servir de base pour des négociations commerciales futures.

(1300)

L'augmentation potentielle de 755 milliards de dollars, l'augmentation seulement de 755 milliards de dollars, du commerce international d'ici l'an 2005 est le gage le plus convaincant des retombées positives de l'entrée en vigueur de cet accord. L'Accord final de l'Uruguay Round signé à Marrakech le 15 avril dernier remplit certaines attentes du Québec et du Canada. Par contre, en ce qui a trait aux questions agricoles, cet accord est loin de satisfaire les producteurs québécois.

Depuis les tout débuts, la structure du GATT diffère de celle de la plupart des grandes institutions des Nations Unies. Même si le Canada était au nombre des 23 pays originalement membres, il se retrouve maintenant au même niveau que les 107 autres pays membres. Il vogue au courant des discussions qui sont dominées par trois grandes puissances: les États-Unis, le Japon et la Communauté européenne.

Comme tous les autres, il est relativement soumis aux priorités et aux décisions de ces géants, et plus particulièrement celles des États-Unis et de la Communauté européenne. Néanmoins, lorsque l'on s'attaque à un secteur qui touche le coeur de l'industrie québécoise et canadienne, comme le secteur agricole notamment, il faut mettre le holà et être prêt à se tenir debout.

Dans la défense des intérêts des producteurs agricoles, en ce qui concerne l'article XI, le Canada a fait bien piètre figure puisqu'il tenait un double discours. Cet article permettait, grosso modo, aux producteurs laitiers de l'Ontario et du Québec de profiter de leur système de gestion de l'offre. Il était bien évidemment d'une importance cruciale pour eux. Donc, dans l'Est on tient à conserver jalousement nos programmes de gestion de l'offre, alors que pour le secteur céréalier de l'Ouest, on prône l'ouverture des marchés. Le résultat de ce double discours, c'est qu'au niveau international on voit un pays qui doit gagner sur toute la ligne en raison de sa situation politique. Et le résultat, ce pays y perd de la crédibilité et un peu de plumes. Le gouvernement se retrouve coincé entre l'arbre et l'écorce.

Dans le cas de l'article XI, il ne pouvait laisser tomber les producteurs du Québec dans la conjoncture politique actuelle, et en revanche, les exportations céréalières ont des retombées économiques très importantes. Comme en négociation on doit faire des concessions pour tenter de gagner sur les dossiers qui nous semblent prioritaires, il faut connaître cependant ses priorités.

Ce petit exemple de couteau à double tranchant est un bon exemple que l'on devra mettre de l'ordre dans nos affaires, mais le problème est de taille. Comment une seule voix peut-elle défendre les intérêts divergents des producteurs de l'Ouest en même temps que ceux de l'Est?

Cette bataille sur l'article XI a de plus miné la crédibilité du Canada auprès de ses propres producteurs agricoles. Il a tenté de les rassurer en leur expliquant qu'avec des tarifs élevés, les producteurs agricoles contingentés seraient à court terme tout aussi protégés qu'avec cet article. Mais on ne parle pas du moyen et du long terme.

Pourtant, même si ces tarifs proposés au GATT par le Canada n'ont pas été contestés, rien ne garantit que nous ne nous retrouverons pas dans une situation de bataille commerciale perpétuelle après l'entrée en vigueur du GATT.

(1305)

Or, ce qui est inquiétant, c'est que dans les négociations bilatérales du dossier du blé dur, le Canada a plié l'échine pour éviter de faire durer la bataille en allant devant un panel.

Comment le Canada réagira-t-il lorsque les Américains relanceront le débat des productions contingentées et des tarifs sur le yogourt et la crème glacée, par exemple? Qui réglera la question de savoir lequel du GATT ou de l'ALENA aura préséance? Ces questions demeurent floues pour l'instant.

Pour nous rassurer, nous avons besoin que le gouvernement réponde à des questions bien précises. Ici, vous vous souviendrez encore, monsieur le Président, que lors de la dernière campagne électorale, celle de l'automne 1993, le Parti libéral, le premier ministre en tête, se promenait à la grandeur du Canada et disait: «Je ne signerai pas l'ALENA à moins qu'on reprenne les dossiers de A à Z. Et moi, je vais négocier.» Quelques semaines après son assermentation, il a fait un petit voyage aux États-Unis, il est revenu et il a signé avec empressement l'ALENA.

Alors, voyez-vous, le passé, dans ce cas-ci, n'est pas tellement garant de l'avenir.

Comment le Canada réagira-t-il lorsque les Américains relanceront le débat des productions tels le yogourt et la crème glacée? Qui réglera la question de savoir lequel du GATT ou de l'ALENA aura préséance?

Pour nous rassurer, nous avons besoin que le gouvernement réponde à des questions bien précises. C'est pourquoi nous devons aller en comité pour évaluer la portée de ce projet de loi. Il importe de plus d'être au fait des modifications et des démarches que feront nos principaux partenaires économiques pour se conformer au GATT. Le gouvernement canadien devra être en mesure, par exemple, de nous dire s'il s'entend avec le gouvernement américain sur la définition de ce qu'est le dumping.

Bien que l'on réalise que nos politiques agricoles devront être conformes à nos ententes internationales commerciales, le gouvernement doit faire preuve d'une grande honnêteté pour ne pas justifier des mesures de réduction du déficit par l'obligation de nous conformer au GATT. Dans bien des cas, le Canada a déjà réduit de plus de 20 p. 100 ses subventions intérieures. Il a donc rempli ses engagements de réduction de ses subventions pour l'actuel ronde de négociations.

Si on prend l'exemple des modifications apportées à la LTGO pour se conformer aux exigences du GATT, bien des questions demeurent en suspens. Nous ne savons toujours pas si la subvention du Nid-de-Corbeau sera transférée aux producteurs, ni comment cela se ferait si tel était le cas. Il faudrait donc s'attaquer à la question dès maintenant. Le ministre des Transports, jusqu'ici responsable de cette subvention, annonçait au printemps dernier qu'il ne reconduirait pas la subvention. Son collè-


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gue, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, s'est empressé d'affirmer que son ministère reprendrait cette subvention sur ses épaules, en la modifiant, cela va de soi, pour la rendre plus efficace, est-on en droit d'imaginer.

Depuis ce temps, le ministre a chargé le Comité d'examen de paiments aux producteurs d'étudier la question. Cette réflexion a donné naissance à des recommandations sur lesquelles le ministre n'a pas soufflé mot encore. Concernant la question du Nid-de-Corbeau, il affirmait pourtant à la revue Le Coopérateur, en juin dernier, et je cite le ministre: «C'est un problème qui perdure depuis de nombreuses années. C'est néanmoins une question que pour diverses raisons on doit chercher à résoudre sans plus attendre. Une raison, et non la moindre, c'est l'Accord du GATT.»

(1310)

On ignore cependant encore tout des intentions du ministre. Il est par ailleurs important de mentionner que le renforcement des règles commerciales est par ailleurs un gain pour le Québec et pour le Canada. On a vu au cours des 15 dernières années plusieurs États membres faire une utilisation outrancière de mesures protectionnistes, particulièrement de la part de nos voisins les États-Unis et de la Communauté européenne. Ainsi, l'éclaircissement des règles du Gatt en ce qui concerne la définition des subventions, la définition des types de subventions permises, compensatoires et prohibées, l'utilisation des droits compensateurs et les droits antidumpings favorisent largement un système international basé sur les rapports de droit plutôt que sur les rapports de force. Pour des États plus petits, comme le Québec, le Canada, ce renforcemment des règles commerciales est une planche de salut devant des géants comme les États-Unis.

Il peut y avoir de nombreux avantages à un accord du type de celui que nous discutons cet après-midi. De toute façon, il est certain qu'avec le phénomène de mondialisation des marchés, il faut prendre notre place sur la scène internationale et tirer profit des traités commerciaux. L'agriculture est uniquement une composante de l'accord, mais sa situation au sein de l'industrie québécoise et canadienne ne nous permet pas de minimiser l'impact des mesures qui touchent ce secteur. La perte de l'article XI va obliger une restructuration de notre secteur agricole. Seulement les années à venir nous diront si ces ajustements auront valu la peine, cependant. Et je persiste donc à croire que les zones grises ou les problèmes en suspens méritent que l'on demande que certains aspects du projet de loi C-57 soient éclaircis en comité.

De plus, je comprends mal pourquoi il est si urgent de clore ce débat alors que les deux géants, les Américains et les Européens, prennent tout leur temps. Les Américains y vont en douceur, puisque les membres du Congrès sont en période électorale et que ce genre d'accord n'a pas la cote d'amour auprès de l'électorat. Les Européens, pour leur part, en font une lutte de pouvoir entre la Commission européenne et le Conseil des ministres. Si ce projet de loi est vraiment acceptable, où est l'urgence de procéder?

Monsieur le Président, je vous remercie de votre attention, et je dois, encore une fois, en terminant, vous dire que mon collègue de Verchères qui est responsable de ce dossier le pilote d'une façon admirablement bien en vue de prendre et de défendre les intérêts majeurs du Québec.

(1315)

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les remarques qui ont été faites jusqu'à maintenant aujourd'hui dans le cadre de ce débat. Les députés du Bloc ont exprimé un appui quasi unanime à l'égard de la gestion de l'offre.

Les consommateurs n'ont pas tout à fait la même opinion de la gestion de l'offre que les producteurs. Tout dépend si la gestion de l'offre rapporte ou coûte de l'argent. Dans une autre industrie, la gestion de l'offre serait considérée comme de la manipulation de prix.

Le député pourrait-il nous faire part de sa perception de la gestion de l'offre au Québec, sans tenir compte de la relation entre le Québec et le reste du Canada? Croit-il que la gestion de l'offre est un bénéfice net ou non étant donné que les consommateurs doivent payer plus cher pour les produits laitiers et les produits avicoles? Cela augmente considérablement le coût de la vie pour le consommateur.

[Français]

M. Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, je tiens à remercier mon distingué collègue du Parti réformiste de sa question très pertinente. Cependant, vous savez qu'au Québec, il y a trois secteurs agricoles qui sont régis par la gestion de l'offre: volaille, oeufs et lait. La gestion de l'offre, dans ces trois domaines, est tellement bien structurée que des délégations de l'UPA reçoivent tous les mois des invitations d'autres pays, qui veulent se faire expliquer comment on a pu monter d'une façon aussi efficace un système où on gère l'offre.

Savez-vous, monsieur le Président, que s'il n'y avait pas ce règlement de l'offre au Québec, tout comme en Ontario, il n'y aurait plus un agriculteur qui pourrait tirer sa subsistance grâce à l'exploitation de ses volailles, de ses oeufs ou encore de son lait? Pourquoi? Parce qu'on aurait été envahis par les Américains. Encore la semaine dernière, le président de l'UPA me racontait qu'il avait visité une ferme aux États-Unis, où on élevait 100 000 bouvillons par année. Cent mille!

Il m'a dit: «Vois-tu, nous, au Québec, on ne produit pas ça, 100 000 bouvillons par année.» Alors que là-bas, une seule ferme, monstrueuse, bien sûr, produisait toute la production du Québec. Mais, une fois qu'on aurait tué l'agriculture au Québec et en Ontario, là, les prix ne seraient pas fixés par des organismes gouvernementaux à Québec ou en Ontario, mais seraient fixés par les agriculteurs américains, et c'est cela, l'indépendance d'un pays.

Lorsqu'un pays n'est pas capable de nourrir sa population, c'est un pays qui est faible. Et si on veut avoir un pays fort, il faut d'abord baser cette force sur une agriculture compétente, productive, mais aussi polyvalente. Alors, au Québec, grâce à cette agriculture où on gère l'offre, les agriculteurs, connaissant une certaine sécurité, ont pu investir et acquérir des fermes, les rendre rentables et profitables. Et moi, je pourrais dire, ici, à mon distingué collègue, dans le cadre de la production laitière, puisque je suis plus familier dans ce domaine, qu'il y a des agriculteurs qui se sont saignés à blanc. Ils ont hypothéqué leur ferme


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pour acheter, justement, ce qu'on appelle le droit de produire, ils ont acheté des quotas.

Encore, en fin de semaine passée, j'ai rencontré un de ces agriculteurs, qui évalue son quota à trois quarts de million. Trois quarts de million, et sa crainte est que lorsque la tarification va être bien rodée, que les quotas perdent leur valeur. Les quotas pourraient éventuellement disparaître.

(1320)

Je pose la question semaine après semaine à des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture, même à des membres du Comité de l'agriculture, et ils disent: «Cela viendra, il n'y a pas de problème pour les six premières années, ça, c'est certain.» Mais la septième, la dixième année? Quand un agriculteur a emprunté des sommes colossales pour acheter un bout de papier, pour avoir le droit de garder 25, 30 vaches de plus dans son établissement, et qu'on lui dit: «Écoute, les 750 000 $ que vaut ton quota, dans dix ans, il vaudra peut-être rien», est-ce que c'est rassurant? Est-ce que ce serait rassurant pour vous, monsieur le Président, si on vous disait: «Le fonds de pension que vous avez accumulé ici à la Chambre des communes ne vaudra rien dans six ou sept ans»? C'est hypothétique; peut-être qu'il va valoir quelque chose, peut-être qu'il ne vaudra rien. Je vous dis que cela vous inquiéterait, j'en suis certain.

Les agriculteurs ont besoin d'être rassurés. Pour un agriculteur, dont la ferme avec le quota vaut un million et demi, deux millions de dollars, à qui on vient dire: «Pour les six premières années, il n'y a pas de problème, mais après on verra», je vous dis que la gestion de l'offre est drôlement importante.

Pour ce qui est de la fixation indue des prix, je ne suis pas tellement d'accord avec mon collègue du Parti réformiste. Il faut ignorer ce qui se passe au Québec pour tenir de tels propos. Quand les agriculteurs veulent 1c. d'augmentation le litre, ils doivent passer devant un organisme qu'on appelle la Commission du lait, qui est régie par le gouvernement du Québec. Il y a les associations des consommateurs, l'Association des producteurs agricoles, l'Association des laiteries et là, ils négocient. Le coût de revient est tant, cela fait six mois, un an que vous ne nous avez pas donné d'augmentation. Les consommateurs disent: Le lait est déjà trop cher, il faudrait en baisser le prix et non l'augmenter. Les agriculteurs veulent l'augmenter de 5c., et puis vous avez des représentants de l'UPA qui essaient d'ajuster tout ce beau monde. Finalement, on demande 5c. et souvent, on reçoit 1c. d'augmentation.

Si bien que si vous venez vous promener au Québec et en Ontario, vous vous rendrez compte que les agriculteurs ne sont pas une classe d'ouvriers qui travaillent 40 heures par semaine et après vont se coucher. Les agriculteurs sont des personnes, souvent la famille au complet, qui travaillent sept jours par semaine, 365 jours par année, qui ne peuvent se payer des vacances dorées en Floride ou ailleurs en Europe pendant trois semaines, un mois. Ils doivent être sur leur ferme et l'exploiter.

J'en viens maintenant à mes perspectives sur la gestion de l'offre. Évidemment, j'aimerais bien que le gouvernement mette ses culottes, qu'il se lève et nous dise ce qui va arriver de la gestion de l'offre dans six ou sept ans. Les agriculteurs ont le droit de savoir; les agriculteurs, c'est la classe de travailleurs au Québec pour qui on devrait avoir le plus grand respect. On a sorti des moyennes, des statistiques-c'est pour l'ensemble du Canada-et on en arrivait à la conclusion que les travailleurs sur les fermes étaient ceux qui travaillent le nombre d'heures le plus élevé au Canada.

Je peux dire qu'au Québec, la moyenne d'heures travaillées par les agriculteurs est nettement supérieure au reste du Canada, parce que justement on a une agriculture qui est plus diversifiée.

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, si vous me le permettez, j'aimerais faire un court commentaire.

Je demeure un peu pantois devant la présentation très éloquente que vient de faire mon collègue de Frontenac. Il a insisté, je pense, sur ce qui a constitué le noeud du problème des négociations de l'Uruguay Round pour le Canada, à savoir le double langage adopté par le gouvernement fédéral quant à la défense des intérêts des agriculteurs et agricultrices du Canada et du Québec. D'une part, on tente de ménager les intérêts des producteurs de grain de l'Ouest et, d'autre part, on tente de protéger les intérêts des producteurs québécois de produits avicoles, laitiers, ainsi de suite.

(1325)

Ce qu'il faut également préciser c'est que, encore aujourd'hui, ce double langage, ce double standard persiste. À preuve, nous avons interrogé le gouvernement assez récemment sur ce dont mon collègue a fait état, à savoir quelle règle aurait préséance sur l'autre. Est-ce que ce serait les dispositions prévues dans l'ALENA ou les dispositions du GATT quant à la question des tarifs sur les produits laitiers, la volaille et ainsi de suite?

Le problème que l'on constate actuellement est la crainte de voir éventuellement un marchandage entre les deux productions, c'est-à-dire la production de grain et les productions d'oeufs, de lait, de volaille au Québec, lors de négociations avec les États-Unis. Actuellement, les États-Unis imposent des limites à l'importation de grain canadien, et le gouvernement du Canada pourrait fort bien, en échange d'une ouverture plus grande du marché américain, au niveau du grain canadien, être tenté de réduire les tarifs qui seront imposés sur les produits agricoles québécois, en remplacement des quotas.

Le gouvernement canadien pourrait être tenté de réduire ses tarifs pour ouvrir le marché américain au grain canadien. Il y a un danger, et le double langage dont faisait état mon collègue de Frontenac demeure. Il est important de préciser que nous sommes tout à fait conscients de ce problème et que nous allons avoir le gouvernement à l'oeil sur cette question.

M. Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, mon distingué collègue député de Verchères a entièrement raison. Cela me rappelait ce que mon collègue du Parti réformiste disait tout à l'heure au sujet des prix très élevés.

J'ai été faire l'épicerie avec mon épouse vendredi soir et je remarquais des prix anormalement élevés, pour cette saison, des pommes de terre qui venaient de l'île du Prince-Édouard. Il y a trois ans, au Nouveau-Brunswick on avait une surabondance de récolte de pommes de terre, et le gouvernement canadien de l'époque, et celui du Nouveau-Brunswick ont acheté les pommes de terre pour les enfouir dans un site, dans un dépotoir à ciel


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ouvert. On avait eu droit, aux nouvelles du Téléjournal de Radio-Canada, à des centaines et des centaines de milliers de tonnes de pommes de terre qu'on poussait avec un bélier mécanique pour les enfouir, alors qu'on aurait pu nourrir des personnes qui meurent de faim dans le monde.

Pour soutenir le prix des pommes de terre, nos deux gouvernements avaient acheté la récolte de nos agriculteurs. On ne les a pas mises sur le marché, justement pour faire une certaine rareté de pommes de terre. On parle des fois de faire attention à l'environnement, enfouir des pommes de terre, même pas faire du compost, ce n'est pas très intelligent, compte tenu du fait qu'il y a des millions des personnes, des dizaines de millions de personnes, chaque jour, qui ne prennent même pas un repas. Et nous ici, au Nouveau-Brunswick, il y a trois ans, on avait enfoui dans le sol des centaines et des centaines de milliers de tonnes de pommes de terre.

Quand on parlait de la gestion de l'offre, pensez-vous que si on avait eu une gestion de l'offre pour les pommes de terre, cela n'aurait pas été plus intelligent? Bien sûr, au Québec, on pourrait produire 25 p. 100 de plus de lait, si on voulait. Qu'est-ce que cela donne de produire 25 p. 100 de plus de lait si on ne peut pas en disposer?

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole pour participer à ce débat.

J'aime toujours entendre les interventions du député de Frontenac. Je tiens à lui signaler qu'on n'a pas enterré des pommes de terre à l'Île-du-Prince-Édouard pour soutenir un prix. Il s'agissait de pommes de terre de semence et on avait un problème. Il y avait un risque de maladie et, afin de protéger l'intégrité des pommes de terre de semence de l'Île-du-Prince-Édouard, qui sont parmi les meilleures du monde, on a déterminé que ce serait là la meilleure façon de se débarrasser de ces pommes de terre. Ce n'était pas une question de manipulation de prix.

(1330)

Je crois également que le député vient de tenir des propos qui porteront les bloquistes au sommet de la gloire. Nous avons entendu beaucoup de déclarations de la part des députés du Bloc à la Chambre, certaines étant plus ou moins absurdes que d'autres. Mais je dois dire que, lorsque le député de Frontenac a dit que nous devons protéger la gestion de l'offre parce que les agriculteurs du Québec travaillent plus fort que les autres, j'ai vraiment trouvé que c'en était trop. Comment le sait-il? Je suis certain que les agriculteurs de notre pays, qui sont des gens d'affaires, travaillent de très longues heures. Mais ne le faisons-nous pas tous? Je ne crois vraiment pas que les agriculteurs du Québec travaillent plus fort que ceux de n'importe quelle autre région du pays.

Des voix: Qu'en savez-vous?

M. McClelland: Évidemment, je n'ai aucun moyen de le savoir. Je crois tout simplement que nous n'avons pas besoin de faire de comparaison de ce genre. Le débat d'aujourd'hui a quand même été très révélateur, car nous pouvons y voir une intéressante contradiction.

Nous discutons aujourd'hui en vue de déterminer si le Canada devrait faire partie ou non de l'Organisation mondiale du commerce. Cette mesure législative est intitulée Loi portant mise en oeuvre de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce. Nous en sommes à l'étape de la deuxième lecture. Nous appuyons ce projet de loi.

Si on n'est pas dans une situation de concurrence, on ne peut pas être compétitif. C'est une vérité évidente. Nous devons donc avoir le désir de faire concurrence aux autres pays et d'être compétitifs. Voilà la contradiction qui se dégage de ce débat jusqu'à maintenant aujourd'hui. Il y a les députés du Bloc qui, en général, appuient la notion de libéralisation et d'expansion des échanges commerciaux, mais qui ont de sérieuses réserves à cause de son impact sur la gestion de l'offre.

Il est juste de dire qu'avec la mise en oeuvre de l'accord du GATT, la régulation de l'offre aura vécu ses derniers jours au Canada. Qu'on ne s'y trompe pas: la régulation de l'offre, c'est la manipulation des prix. S'il s'agissait de régulation de l'offre dans le domaine de la photo, on parlerait de manipulation des prix; s'il s'agissait de régulation de l'offre dans la fabrication de chaussures, on parlerait de manipulation des prix.

La régulation de l'offre crée une situation où un nombre limité de producteurs ont accès au marché à l'exclusion de tous les autres, et bénéficient donc d'un rendement assuré de leurs investissements. Il en résulte évidemment que toutes les entreprises qui dépendent de ces investissements bénéficient elles aussi d'un rendement assuré de leur investissement. C'est le cas des fournisseurs d'aliments pour animaux, des fournisseurs de machines agricoles, et ainsi de suite. Et vous savez qui paie pour les conséquences? Le consommateur et le pays.

Si nous voulons une situation où nous aurons des industries non compétitives, où les gagnants et les perdants dans la société seront déterminés non pas par le marché mais par l'État, la régulation de l'offre illustre parfaitement comment s'y prendre. L'un des principaux avantages qui résulteront de la signature de cet accord sera donc la fin opportune de la régulation de l'offre.

Tout ce système, comme beaucoup de gens le savent, a débuté en 1944. Il découle des accords de Bretton Woods. On avait jugé qu'au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ce ne serait pas une mauvaise idée que les divers pays du monde parviennent à mettre au point une entente grâce à laquelle ils apprendraient à commercer entre eux en respectant certaines règles et certaines conditions qui pourraient contribuer à éviter d'autres guerres à l'avenir. Voilà essentiellement la raison d'être de l'Organisation des Nations Unies et des accords de Bretton Woods.

Trois grandes institutions furent créées en 1944 dans le cadre de ces accords: le Fonds monétaire international, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et l'Organisation internationale du commerce.

Cette dernière n'a pas vraiment démarré, mais l'organisation qui lui a succédé, le GATT, y a réussi. Le GATT, pour la plupart des gens, reste un mot plutôt obscur. GATT est l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Il a des conséquences considérables dans la vie quotidienne de tous les Canadiens. Ce


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n'est pas un vague accord international que nous signons là, mais une entente qui modifiera profondément la vie de notre pays. Le moment est peut-être très bien choisi, à la veille d'un nouveau siècle, pour signer cet accord.

(1335)

Si on compare le Canada aujourd'hui à ce qu'il était à la signature de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, on peut dire que cette décision a été pour la plupart des Canadiens un saut dans l'inconnu. Nous devions commencer à abattre les barrières commerciales et à affronter la concurrence extérieure.

Tout d'abord, nous devions concurrencer les États-Unis. L'Accord de libre-échange nord-américain est venu par la suite; nous avons décidé de concurrencer à la fois les États-Unis et le Mexique. Nous allons encore plus loin avec l'accord du GATT, qui nous amènera tôt ou tard à livrer concurrence à tous les autres pays du monde.

Pour les Canadiens, qu'est-ce que cela veut dire? Quelles sont les conséquences, lorsque nous essayons de nous débrouiller tant bien que mal, de trouver un emploi, de payer le loyer? La réalité est simple: si nous ne faisons pas tous nos efforts, si, individuellement et collectivement, nous n'essayons pas d'exceller, nous allons rester en touche. Nous ne pouvons plus nous retrancher derrière des barrières tarifaires.

Les barrières tarifaires existent au Canada depuis des années, et elles ont donné lieu à des subventions artificielles, qui ont pour conséquences paradoxales, mais bien normales, des choses comme les accords d'aide financière ou les dispositions permettant l'acheminement de wagons de chemin de fer vides à destination et en provenance de Thunder Bay pour que les compagnies ferroviaires touchent des subventions ou obtiennent plus d'argent en vertu de quelque détestable programme du gouvernement. Le transport des céréales produites dans l'ouest du Canada vers les parcs d'engraissement du Canada central est subventionné pour que nous puissions vendre du boeuf produit dans cette région avec des céréales de l'Ouest, au lieu d'engraisser le boeuf avec ces mêmes céréales dans l'Ouest et d'expédier ensuite le boeuf abattu vers les marchés, ce qui mettrait à profit un avantage naturel.

Toutes ces distorsions qui sont consacrées par nos accords commerciaux à l'intérieur même du Canada n'ont qu'un seul résultat, nous rendre moins concurrentiels sur le marché mondial. Voilà pourquoi il est si important que les Canadiens, dans les secteurs actuellement assujettis à la gestion des approvisionnements et dans tous les autres secteurs, comprennent la nécessité absolue de devenir concurrentiels sur la scène commerciale mondiale.

Un quart de la richesse de notre pays provient du commerce international. Quatre-vingts pour cent de nos échanges commerciaux internationaux se font avec les États-Unis, et vingt-cinq pour cent de ces échanges se font au niveau intérieur, entre succursales de multinationales.

Dans le Globe and Mail de samedi dernier, il y avait une publication, un rapport administratif de la Banque Royale. Je vais simplement le montrer très brièvement pour le bénéfice des téléspectateurs. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Sauf le respect que je dois à tous les téléspectateurs, dans cette merveilleuse Chambre, on n'utilise pas d'accessoires. Nous écouterons attentivement les propos éclairés du député d'Edmonton-Sud-Ouest.

M. McClelland: Monsieur le Président, je croyais pouvoir passer cela en douce, car je voulais rendre à César ce qui appartient à César. Des présidents moins attentifs m'ont déjà accordé ce privilège, mais je constate que vous êtes très vigilant aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, un rapport de l'une de nos banques, la Banque Royale, en l'occurrence, était inséré dans le Globe and Mail de samedi dernier.

(1340)

Le moment est peut-être tout indiqué pour dire un bon mot au sujet du comité de l'industrie de la Chambre des communes, qui a présenté le rapport sur les PME. Je crois que la plupart des députés ont reçu maintes propositions novatrices des banques désireuses d'encourager les petites entreprises.

Cela dit, dans sa publication, la Banque Royale explique certains des avantages et des aspects de la conjoncture commerciale dans laquelle nous nous trouvons. Si je veux présenter quelques-unes de ces statistiques, c'est parce que la signature de l'accord du GATT et notre engagement à devenir des partenaires commerciaux internationaux nous obligeront inévitablement à accorder beaucoup plus d'attention à la prochaine génération de Canadiens, de manière qu'ils puissent soutenir la concurrence à l'échelle mondiale. La prochaine génération canadienne soutiendra la concurrence à cause de ses ressources fondées sur le savoir.

Nous avons eu beaucoup de chance au Canada pendant de nombreuses années. Nous avons pu jouir d'un niveau de vie de loin supérieur à nos moyens grâce à l'exploitation de nos ressources naturelles. De façon générale, nous avons été des fournisseurs de matières premières à des prix relativement faibles, mais cela nous a apporté une très grande prospérité. Nous avons alors pu mettre cette richesse au service de programmes sociaux auxquels nous nous sommes habitués et que nous aimons bien. Le problème, c'est que nous ne sommes plus ce grand pays exportateur. Nous n'avons plus de ressources à exporter et nous ne les avons pas remplacées.

Laissez-moi vous donner un exemple. Le quart de la richesse nationale vient du commerce extérieur. Le tiers de nos emplois dépendent du commerce extérieur. Chaque milliard de dollars d'exportations supplémentaires se traduit par la création de 9 000 nouveaux emplois. Près de la moitié de la production industrielle canadienne est exportée et les exportations produisent plus de 5 000 $ par Canadien par année. Ce sont des données fort intéressantes.

Mais le problème concerne la nature de nos exportations: les voitures de tourisme, 24,1 milliards de dollars; les camions, 10,5 milliards de dollars; les pièces d'automobile, à l'exclusion des moteurs, 9,6 milliards de dollars, le bois d'oeuvre, 9,2 milliards de dollars; et le pétrole brut, 6,9 milliards de dollars. Que constate-t-on? Que presque toutes nos exportations à valeur ajoutée ont trait à l'industrie automobile.


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En Alberta, nous avons dépensé une fortune pour construire une des usines de pâte à papier les plus propres qui soient et l'une des moins polluantes. Le problème, c'est que nous n'obtenons que 25c. par arbre que nous abattons pour cette usine. Nous transformons cette pâte en produit fini, blanchi, ce qui causera des problèmes environnementaux plus tard, et nous l'envoyons au Japon, qui nous la revend sous forme de papier fini, de papier fin.

Le député de Lisgar-Marquette m'a appris plus tôt aujourd'hui que le Canada exportait autrefois vers le Japon une quantité énorme de farine moulue. Plus maintenant. Nous exportons du blé vers le Japon, qui le moud, puis le revend partout dans le monde. Comment se fait-il que, en fin de compte, nous soyons toujours les pourvoyeurs de matières premières? Nous devons récupérer les secteurs tertiaire et secondaire. Nous ne pouvons plus laisser exploiter nos matières premières comme il y a 30 ou 40 ans. Les choses ont changé; nous ne pouvons tout simplement plus agir ainsi.

Il y a quelques instants, j'ai parlé de quelques-unes de nos principales exportations. Quelles sont nos principales importations? Les pièces de véhicule automobile, à l'exclusion des moteurs, 18 milliards de dollars, les voitures de tourisme, 11,9 milliards, les ordinateurs électroniques, 9 milliards, le pétrole brut, 4,6 milliards, les tubes électroniques et les semi-conducteurs, 4,5 milliards de dollars.

(1345)

Par conséquent, en substance, nous sommes de grands exportateurs grâce au pacte de l'automobile, qui nous permet d'exporter et d'importer, et également de grands exportateurs de blé ou de pétrole.

Cependant, nous ne sommes pas de grands exportateurs de produits à valeur ajoutée. C'est là où notre pays a réellement un problème, surtout en ce qui concerne la prochaine génération.

L'autre jour, j'ai reçu une lettre d'un électeur qui disait que ce qui distinguait un politicien d'un homme d'État, c'est que le politicien pense aux prochaines élections, tandis que l'homme d'État pense à la prochaine génération.

Les parlementaires devraient peut-être commencer à penser, comme des hommes d'État, aux générations qui suivent plutôt qu'aux prochaines élections. Nous avons un sérieux problème sur les bras. Comment allons-nous rivaliser avec nos concurrents sur le marché international?

Songeons, par exemple, à toutes les barrières commerciales internes qui existent actuellement au Canada. Collectivement, nous n'avons ni la capacité ni la volonté nécessaires pour faire disparaître ces barrières commerciales chez nous. Quand nous avons négocié l'Accord de libre-échange nord-américain, trois partenaires étaient à la table: le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Quand nous avons essayé d'éliminer nos barrières commerciales internes, combien y avait-il de partenaires à la table? Il y avait toutes les provinces et le gouvernement fédéral.

À moins que nous ne soyons prêts à prendre le taureau par les cornes et à abolir ces barrières commerciales internes, nous devrons sans doute nous tenir à peu près ce langage: «Soit, nous formons le gouvernement fédéral. Nous représentons les Canadiens. Nous ne représentons pas les Albertains. Nous ne représentons ni les Ontariens ni les Québécois. Nous défendons des intérêts nationaux. Or, ces barrières commerciales nous font du tort. Elles nous empêchent de tenir tête à la concurrence sur le marché international. Le temps est venu de les supprimer. Vous avez exactement un an pour vous débarrasser de vos barrières commerciales. Si vous n'y parvenez pas, si vous ne réussissez pas à négocier leur suppression d'ici un an, vous pourrez leur dire adieu car elles se seront volatilisées. Elles auront disparu.»

Si nous ne sommes pas suffisamment déterminés à le faire, comment pourrons-nous rivaliser avec nos concurrents sur le marché international? Comment ferons-nous, si nous n'arrivons à rien chez nous, à l'intérieur de nos propres frontières? Pour pouvoir nous implanter sur les marchés mondiaux, à la suite de la disparition de ces barrières commerciales et de la suppression progressive des barrières tarifaires, il est absolument essentiel que nous soyons compétitifs au Canada même.

Pour ce faire, nous devons tout d'abord éliminer les barrières commerciales interprovinciales. Il faut veiller à ce que nos taxes soient aussi faibles que celles imposées dans n'importe quel pays du monde. Comment y arriverons-nous? Nous nous assurons qu'elles sont équitables et nous faisons en sorte de ne pas offrir des encouragements fiscaux qui, en fait, faussent le fonctionnement du marché.

Il s'agit de ne pas utiliser l'argent qu'on est venu prendre dans les poches de Canadiens touchant 10 $ ou 12 $ l'heure ou même 8 $ et qui ont du mal à joindre les deux bouts pour le verser à quelqu'un d'autre qui viendra concurrencer les gens qui ont versé ces impôts au départ.

Nous devons donc réduire les coûts associés au fait d'être Canadiens. Il faut que nous soyons compétitifs sur le marché mondial et, pour ce faire, il faudra prendre des décisions extrêmement stratégiques, à l'avenir, par rapport à nos investissements. Nous ne pouvons pas simplement être à l'origine d'idées. Il faut innover et offrir de nouveaux services ou produits.

Nous ne pouvons pas nous contenter d'inventer quelque chose et de voir cette idée novatrice mise sur le marché par les Américains, les Japonais ou les Allemands.

(1350)

Il va y avoir une nouvelle relation entre les innovateurs, les entrepreneurs, le gouvernement, le monde de l'éducation et celui des affaires. Il faut adopter une toute nouvelle attitude pour que notre pays honore et respecte au moins autant les innovateurs et les entrepreneurs que les joueurs de hockey.

C'est important! Pensez-y! Parmi les grands chefs d'entreprise, les entrepreneurs, les innovateurs ou les scientifiques, qui connaissons-nous? Sont-ils nos héros? Pas du tout, un marqueur de 50 buts au hockey ou le moindre petit joueur de baseball est un héros. C'est un changement radical dans la façon dont nous nous percevons et nous jugeons l'utilité des choses dans notre pays.


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Nous savons que notre nouvelle économie ne va pas fonctionner si nous essayons de reproduire ce que nous avons fait dans le passé. Rien ne nous empêche de nous lancer dans cette nouvelle ère économique avec confiance, car nous pouvons être compétitifs sur le marché mondial. Cependant, pour y parvenir, nous devrons viser l'excellence dans tout ce que nous entreprenons.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, comme toujours, j'aime écouter le député quand il parle de l'économie.

Je voudrais me concentrer sur une remarque très précise que le député a faite. Il a dit que nous devons faire des investissements stratégiques dans des idées. Il y a plusieurs années, nous avons, en tant que gouvernement, fait un investissement stratégique dans l'industrie de l'automobile au Canada.

Nous avons utilisé l'argent des contribuables pour créer un secteur de l'économie reconnu aujourd'hui comme l'un des meilleurs du monde. Nous pouvons nous lancer dans des coentreprises avec Mercedes-Benz, avec les Japonais, et avec d'autres. Nous avons utilisé l'argent des contribuables pour un investissement stratégique. Le député l'a reconnu.

Ma question au député est celle-ci: dans quels secteurs de l'économie le député suggère-t-il que nous fassions des investissements stratégiques aujourd'hui?

M. McClelland: Monsieur le Président, l'investissement stratégique auquel le député fait allusion est le Pacte de l'automobile. Ce pacte a vu le jour parce que le Canada, qui importait toutes ses automobiles des États-Unis, a pensé que ce ne serait pas une mauvaise idée d'en fabriquer une partie ici.

Nous avons donc conclu le Pacte de l'automobile qui, comme le député le sait, a presque failli mourir. Cet accord a eu du mal à se concrétiser. Le Pacte de l'automobile, signé il y a 35 ans, a été, à mon avis, un investissement stratégique très valable.

Quelles sortes d'investissements stratégiques devrions-nous faire aujourd'hui? À mon avis, nous devrions investir dans nos universités, dans la recherche et le développement, dans les collèges. Nous sommes en train d'examiner toutes sortes de possibilités.

Le Conseil national de recherches du Canada a un budget annuel de l'ordre de 450 millions de dollars. Imaginez que cette somme soit en quelque sorte investie dans les universités et qu'au lieu de rapporter 450 millions de dollars, cela nous rapporte un milliard de dollars. Nous investirions dans ceux qui sont capables d'apporter quelque chose de concret. Il y a là des gens qui font des choses, qui innovent, qui transfèrent cette technologie et qui l'appliquent.

L'autoroute électronique est un autre secteur que nous devrions examiner. Il y a des années de cela, la communication au Canada était assurée par bateau, par train. Est ensuite arrivée l'ère de l'aviation. Nous avons aménagé partout des aéroports dont nous essayons désespérément aujourd'hui de nous débarrasser. Cependant, nous en avions besoin à l'époque pour les communications.

(1355)

Notre avenir dépendra de notre capacité d'innover et de faire appel aux ressources intellectuelles de tous les citoyens, ceux qui travaillent chez eux, dans leur bureau, les entreprises et les universités. Il y a actuellement des gens qui ont un véritable engouement pour leur ordinateur, des gens qui au Canada pourraient bien détenir le secret dont nous avons absolument besoin pour faire fonctionner le reste. Nous devons relier entre elles toutes ces ressources intellectuelles. C'est le genre d'innovation et d'initiative gouvernementale stratégique qui, à mon avis, serait valable.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, le député a parlé beaucoup d'efficacité, de productivité et d'arrangements stratégiques. Il n'a pas parlé beaucoup des énormes dépenses faites par le gouvernement fédéral concernant la formation de la main-d'oeuvre. On sait que le gouvernement fédéral gaspille probablement un ou deux milliards de dollars par année en formation de main-d'oeuvre mal dirigée. Quand on sait que ce sont les provinces qui sont responsables de la formation, l'ingérence du gouvernement fédéral dans la formation fait en sorte qu'il y a un gaspillage énorme.

Je pense que si on continue en ce sens, on risque beaucoup de ne pas être compétitifs, justement, avec les autres pays du monde. Je suis tout en faveur du libre-échange, de l'ouverture des marchés dans le monde, mais pour y faire face, il faut absolument que nos gens soient bien formés. Il n'a pas parlé beaucoup de cela et j'aimerais qu'il donne plus de détails sur ce sujet, au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, de l'ingérence du fédéral dans ce domaine, de l'inefficacité que cela apporte et qui risque de nuire énormément à notre expansion.

[Traduction]

M. McClelland: Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de me donner l'occasion de dire quelques mots au sujet de la formation de la main-d'oeuvre. Le Bloc québécois aime bien parler de double emploi et de chevauchements.

Que le Bloc québécois réussisse ou non à séparer le Québec du reste du Canada, et j'espère sincèrement qu'il n'y parviendra pas, mais qu'il réussisse ou non à le faire, nous devrions déléguer les responsabilités au niveau le plus près possible des gens qui vont faire appel à ces responsabilités.

Si un travail peut être fait par le gouvernement fédéral mais pourrait être encore mieux fait par une administration municipale, c'est l'administration municipale qui devrait s'en occuper.

Le Président: Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés prévues à l'article 31 du Règlement.

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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'ÉGALITÉ

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le Président, il y a 65 ans, les Canadiennes ont gagné le droit de se faire reconnaître légalement comme des personnes.

Hier, cinq Canadiennes ont reçu un prix du gouverneur général en reconnaissance du travail qu'elles ont accompli pour promouvoir l'égalité des femmes.

Je voudrais féliciter Shirley Carr, le Dr Rose Charlie, Alice Girard, Morag O'Brien et Dodi Robb et les remercier de leur dévouement et leur persévérance.

Même si les femmes, au Canada, ont fait d'importants progrès depuis 1929, il leur reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Il suffit de jeter un coup d'oeil à la Chambre pour voir qu'elles n'y sont pas très nombreuses.

J'invite tous les députés et tous les Canadiens à continuer de favoriser l'avancement des Canadiennes dans toutes les sphères d'activité pour promouvoir l'égalité.

* * *

[Français]

LES TRAVERSIERS

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, voilà plus de 18 mois qu'Ottawa tarde à prendre une décision sur le remplacement du vétuste traversier Lucy Maud Montgomery, qui assure la liaison entre les îles de la Madeleine et l'Île-du-Prince-Édouard. Dès le début des travaux du présent Parlement, le Bloc québécois a poussé le ministre des Transports à prendre une décision dans ce dossier. Le ministre hésite toujours et tente de se défiler de ses responsabilités. Or, les traversiers interprovinciaux sont bel et bien de responsabilité fédérale et la coopérative de transport des Îles ne peut aller de l'avant sans le financement du fédéral.

Le ministre des Transports a reçu récemment des lettres des élus québécois à ce sujet. M. Farrah, député libéral des Îles-de-la-Madeleine à l'Assemblée nationale, et M. Paillé, ministre québécois de l'Industrie, s'entendent pour demander au ministre d'agir sans plus attendre.

Maintenant que le ministre sait que c'est lui qui doit prendre la décision, qu'attend-il pour la prendre?

[Traduction]

LES DÉLINQUANTS VIOLENTS

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, alors que le Parti réformiste, jouissant de l'appui de la base populaire, demande une protection accrue contre les délinquants violents et sans pitié, reconnus par les tribunaux comme une menace pour la société, le Parti libéral déclare qu'un projet de loi visant à garder les prédateurs sexuels derrière les barreaux serait anticonstitutionnel. Le gouvernement libéral nous dit qu'il n'a ni le courage ni la volonté de déposer un projet de loi visant à protéger les enfants innocents.

Un éminent juriste a déclaré que si le gouvernement avait recours à des constitutionnalistes plutôt qu'à des bureaucrates dont le seul souci est d'assurer le bon fonctionnement de leur ministère et non pas de protéger les intérêts des Canadiens, il serait possible de présenter un projet de loi qui soit jugé constitutionnel.

Quand le gouvernement libéral va-t-il faire preuve de bon sens, montrer sa volonté de protéger les simples Canadiens et renoncer à son immobilisme? Le recours à la législation provinciale de la santé pour garder les délinquants derrière les barreaux constitue une idée encore plus inepte.

Apprenez à connaître la Constitution. Rédigez des lois. Agissez, pour faire changement. Les simples Canadiens veulent ce que ce gouvernement semble refuser de leur accorder: la sécurité dans ce pays.

* * *

LE COQUELICOT

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Monsieur le Président, à cette époque-ci de l'année où la plupart d'entre nous portons le coquelicot, symbole du sacrifice suprême, une question revient parfois: les jeunes Canadiens qui ont consenti ce sacrifice sont-ils morts en vain?

Hier, au Bureau de la citoyenneté à Oshawa, quelque 54 personnes originaires de 17 pays ont répondu de façon éloquente à cette question, en décidant que le pays qui nous a été légué grâce aux sacrifices ultimes de trop nombreux jeunes Canadiens est, pour reprendre les mots souvent employés par un distingué député, «le pays où il fait le mieux vivre».

À ceux qui contesteraient ce point de vue, je répondrai que les faits leur donnent tort. Étant moi-même joueur de longue date, je suis prêt à parier. Cinquante-quatre personnes provenant de 17 cultures différentes soutiennent que vous avez tort. Joignez-vous à nous et faites en sorte que 18 cultures différentes travaillent ensemble à mettre en valeur ce qui nous est si cher.

Je voudrais également dire à tous les députés qui portent le coquelicot, ce symbole du sacrifice suprême, qu'ils devraient le porter au-dessus de tous les autres symboles et décorations, y compris l'épinglette parlementaire.

* * *

LE PROFESSEUR JOHN C. POLANYI

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, les 3 et 4 novembre, 12 lauréats du prix Nobel, dont quatre Canadiens, se réuniront à l'Université de Toronto pour inaugurer la chaire de chimie John C. Polanyi. Cette célébration sera accompagnée d'une série de conférences publiques gratuites sur le


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thème «La science dans la société», qui seront données par les lauréats à l'Université de Toronto.

Je mentionne cet événement non seulement parce qu'il honore un grand Canadien, un excellent professeur de l'Université de Toronto et, si je puis me permettre de le dire, un habitant de la circonscription de Rosedale, mais aussi parce qu'il nous rappelle la place qu'occupe la recherche scientifique dans la société canadienne d'aujourd'hui. Il nous rappelle le rôle de nos universités qui est de permettre que la recherche fondamentale continue de progresser dans l'intérêt de la science et de tous les Canadiens.

Nous devons beaucoup aux innombrables chercheurs dévoués de tout le Canada, dont John Polanyi est un exemple remarquable. Si l'on veut que le Canada continue d'être un pays à la fine pointe de la technologie, nous devons appuyer ces hommes et ces femmes, et les universités où ils travaillent et enseignent.

* * *

LE TRAVAIL SOCIAL

M. Tony Ianno (Trinity-Spadina, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière des diplômés de tout le Canada se sont réunis à Toronto pour célébrer le 80e anniversaire de la Faculté de travail social de l'Université de Toronto.

Les travailleurs sociaux jouent un rôle clé dans les collectivités canadiennes où ils font la promotion de la justice et de l'équité sociales pour tous les groupes, indépendamment de la classe, du sexe ou du patrimoine culturel, mais en particulier pour les désavantagés en périodes de difficultés financières.

En tant que plus ancienne faculté de travail social du Canada et la troisième en Amérique du Nord, elle a une fière tradition de réalisations. Les progrès réalisés dans les domaines du bien-être de l'enfant, du soin à domicile des victimes de la maladie d'Alzheimer et de la médiation familiale montrent combien la faculté a contribué à améliorer la société canadienne.

Je tiens donc à souligner les réalisations des travailleurs sociaux et à féliciter la Faculté de travail social de l'Université de Toronto à l'occasion de son 80e anniversaire.

* * *

(1405)

[Français]

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, ajoutant l'injure à l'insulte, le ministre du Patrimoine canadien a laissé entendre hier qu'il était disposé à considérer un certain rôle pour le Québec dans le dossier de l'autoroute électronique, un rôle aussi important nous dit-il que celui des câblodistributeurs ou des municipalités.

Le ministre étale ainsi au grand jour son indifférence face à la réalité culturelle québécoise. Comment ne pas comprendre que l'autoroute électronique aurait un impact déterminant sur la société québécoise? Comment ne pas se rendre compte que son contenu culturel, pédagogique et éducatif relève de la compétence exclusive du gouvernement du Québec?

Par ailleurs, comment le ministre peut-il justifier l'absence de représentants du milieu culturel québécois au sein du conseil consultatif de l'autoroute de l'information?

L'incompétence du ministre et son insensibilité dans ce dossier constituent une autre raison valable pour exiger sa démission.

* * *

[Traduction]

LA REVUE ESPRIT DE CORPS

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, outre les questions concernant l'intégrité du gouvernement au sujet des agissements du ministre du Patrimoine canadien, je dois soulever la question de son intégrité au sein du ministère de la Défense.

Il est maintenant évident que la Défense essaie activement, avec l'aide du ministère de l'Industrie et des Sciences, de nuire à la petite revue militaire Esprit de corps, et même de la mener à sa perte. Cette revue a eu l'audace de critiquer les méthodes et les fonctionnaires du ministère de la Défense.

En menaçant de refuser de passer des marchés avec des sociétés comme Mercedes-Benz et General Motors, qui font de la publicité dans cette revue, le gouvernement essaie de lui enlever son moyen de subsistance. Ces tactiques sont dignes d'un État policier, et non d'une démocratie. Au Canada, les citoyens ont le droit de critiquer le gouvernement s'ils n'approuvent pas ses politiques ou ses pratiques.

Monsieur le Président, je ne suis pas toujours d'accord avec ce qu'on peut lire dans Esprit de corps ni avec le ton employé, mais je suis prêt à défendre vigoureusement son droit de s'exprimer. Je suis d'ailleurs stupéfait de constater que des hauts fonctionnaires pensent autrement.

Le ministre de la Défense a été avisé plusieurs fois, mais il refuse de régler les problèmes que connaît son ministère. Il n'a aucune excuse pour ne rien faire dans ce cas.

* * *

L'IMMIGRATION

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, le plan annoncé aujourd'hui par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration est le résultat d'un processus de consultation détaillé. Ce plan est le premier résultat concret des consultations menées par le gouvernement.

Après avoir discuté avec des Canadiens de tous les milieux sur une période de huit mois, le ministre a déposé une stratégie qui reflète les besoins et les désirs de nos compatriotes. Les changements présentés mettent l'accent sur l'entrée d'immigrants


7502

ayant des compétences utiles et de l'argent à investir, tout en maintenant l'objectif de réunification des familles.

Ce plan mis au point par les Canadiens fait preuve de compassion, de sentiments humanitaires et de tolérance-toutes des valeurs prisées à notre époque par le Parti libéral.

Je lève mon chapeau au ministre et aux Canadiens pour avoir su concevoir un programme de citoyenneté et d'immigration détaillé et équilibré, qui répondra aux besoins des Canadiens dans les années à venir.

* * *

LE TOURISME

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, notre caucus de l'est de l'Ontario a appris que la seule augmentation du tourisme dans notre région pendant la récession était due au passage de touristes attirés au Canada et plus particulièrement au Québec par la campagne publicitaire du gouvernement de cette province.

Le gouvernement fédéral devrait travailler en collaboration avec le secteur privé, par l'intermédiaire de la nouvelle commission du tourisme, pour promouvoir le Canada et le patrimoine canadien. Dans l'est de l'Ontario, par exemple, les rivières Trent-Severn et Rideau constituent des réseaux navigables remarquables qui font partie du patrimoine national et qui sont pour les touristes des autres provinces et de l'étranger une attraction importante.

La promotion des éléments marquants de notre patrimoine attirera des touristes du monde entier et encouragera les Canadiens à visiter leur pays. Du même coup, la promotion du patrimoine canadien renforcera notre identité nationale.

Suscitons la curiosité de nos concitoyens et du monde entier pour le patrimoine canadien.

* * *

[Français]

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'informer cette Chambre que le chef du Bloc québécois vient de se rallier et donner son appui au premier ministre du Canada. En effet, le chef du Bloc québécois a déclaré hier qu'il désire maintenant un référendum, et je cite: «le plus rapidement possible».

Cette nouvelle position contraste passablement avec les propos que tenait le chef du Bloc québécois, le 20 septembre dernier, lorsqu'il plaidait en faveur du report du référendum pour assurer que ce dernier soit gagnant. Maintenant que l'opposition officielle et le gouvernement sont d'accord sur la tenue d'un référendum dans les meilleurs délais, il nous reste à souhaiter que le chef, celui qui se décrit comme le partenaire de Jacques Parizeau dans l'aventure référendaire, saura convaincre son associé de procéder sans tarder. Ainsi, comme l'a dit le premier ministre du Canada, on pourra mettre fin rapidement à l'incertitude qui découle de cette situation.

(1410)

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, dans son rapport dissident déposé hier, le Bloc québécois exige que le ministère de la Défense nationale fasse un réexamen complet de ses dépenses militaires, en particulier en ce qui concerne l'achat de sous-marins, et ce, en tenant compte des nouvelles missions qui lui seront conférées dans les années qui viennent.

Les mesures proposées dans le rapport majoritaire du Comité mixte spécial ne sont pas suffisantes. Le ministre de la Défense doit proposer un budget réaliste, adapté à l'état catastrophique du déficit fédéral. Le ministre doit faire un effort supplémentaire pour rationaliser son budget afin d'atteindre des coupures de l'ordre de 1,6 milliard de dollars.

Le gouvernement doit faire preuve de plus de courage et s'attaquer au déficit qui ronge peu à peu l'avenir de nos enfants.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, c'est la troisième fois en moins d'un mois qu'un avocat de la défense invoque l'excuse d'une ivresse excessive devant un tribunal criminel.

La décision que la Cour suprême a rendue dernièrement dans l'affaire Daviault a des répercussions dévastatrices pour toutes les victimes. En Alberta, un homme a été acquitté vendredi d'avoir agressé sa femme après une beuverie qui avait duré 24 heures en 1993. Le juge a décidé que l'homme ne pouvait être tenu responsable de ses actes puisqu'il était tellement ivre qu'il en avait perdu la raison.

Les députés réformistes ont demandé deux fois au ministre de la Justice de légiférer afin d'éliminer cette échappatoire, mais rien n'a encore été fait.

Il ne s'agit pas d'un conte et j'espère bien que le ministre de la Justice n'est pas une fée. Il semble qu'il soit troublé par ces cas, mais nous savons tous qu'il ne réglera pas la question avec un coup de baguette. Il doit présenter sans tarder une mesure modificative pour que tous les Canadiens ait droit à un peu de justice.

* * *

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, le ministre de l'Agriculture a déclaré que le débat sur l'avenir de la Commission canadienne du blé était important et, par conséquent, il a annoncé un processus où les agriculteurs seront notamment invités à donner leur avis.

La consultation est importante. En fait, il y a deux ans à peine, au cours du processus de consultation sur le transport, la grande majorité des agriculteurs et des habitants des régions rurales se sont prononcés en faveur du maintien de la subvention du Nid-de-Corbeau et du raffermissement de la Commission canadienne du blé. Ensuite, plus de 13 000 habitants des régions rurales de la Saskatchewan ont participé à un rassemblement à Saskatoon,

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où ils ont convenu d'avertir Ottawa qu'une Commission canadienne du blé plus puissante était nécessaire pour protéger l'avenir de l'agriculture au Canada.

Le ministre de l'Agriculture et ses collègues ont déjà dit qu'ils étaient très favorables à la Commission canadienne du blé. Compte tenu des consultations qui ont déjà eu lieu, j'invite le ministre à appuyer fermement la commission et son engagement à long terme envers les agriculteurs.

* * *

L'ÎLE BELL

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à rendre hommage aujourd'hui aux 69 hommes qui ont péri au large de l'île Bell, à Terre-Neuve, à l'automne de 1942, ainsi qu'aux gens de l'île qui ont gardé vivant le souvenir de ces hommes.

Beaucoup de Canadiens ignorent que l'île Bell est la seule région de l'Amérique du Nord a avoir été la cible du feu ennemi au cours de la Seconde Guerre mondiale. À l'automne de 1942, quatre navires, dont trois britanniques et un français, ont été coulés près de là par des U-boats lors de deux incidents distincts. Même si 69 hommes ont péri, les gens de l'île Bell ont le mérite d'avoir sauvé bien des vies.

Demain, 2 novembre, la Légion royale canadienne de l'île Bell va inaugurer un monument à la mémoire des marins, à Lance Cove, près de l'endroit où les quatre navires ont été coulés. Ce monument comprend une plaque spéciale en l'honneur des gens de Lance Cove.

Le gouvernement libéral a lancé le programme «Le Canada se souvient» et c'est dans le même esprit que la collectivité de l'île Bell se propose de commémorer demain un événement qui ne doit jamais tomber dans l'oubli.

* * *

L'AVIATION CIVILE

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, à titre de président du Comité des transports, j'ai l'honneur de souligner le cinquantième anniversaire de l'ouverture de la conférence internationale qui a eu lieu à Chicago et qui avait pour but de planifier l'avenir de l'aviation civile internationale d'après-guerre. Je précise que l'OACI a été créée pour veiller au bon développement de l'aviation civile.

À l'occasion de ce cinquantième anniversaire, l'OACI tiendra une autre conférence internationale sur les transports, à Montréal, le 23 novembre prochain. De grands changements au niveau international influeront sur l'évolution du transport aérien commercial dans les années qui viennent. On n'a qu'à penser aux structures commerciales, aux découvertes technologiques et à l'essor de pays auparavant moins développés.

Par conséquent, le moment est bien choisi pour inviter les nations du monde entier à réexaminer les règles économiques qui régissent les services aériens internationaux.

(1415)

Je désire féliciter l'OACI pour l'initiative qu'elle a prise en organisant cette conférence. Mes meilleurs voeux de succès accompagnent tous les participants à cette conférence.

* * *

LA VIOLONISTE JULIETTE KANG

M. John Loney (Edmonton-Nord, Lib.): Monsieur le Président, au nom de mes collègues, je veux féliciter la jeune et brillante violoniste Juliette Kang, d'Edmonton, qui a récemment remporté la médaille d'or, une bourse de 25 000 $ et la première place dans quatre catégories au concours international de violon d'Indianapolis. Elle a remporté plus de prix spéciaux que quiconque avant elle depuis que ce concours existe.

Mme Kang est reconnue internationalement pour sa virtuosité, sa grande maturité musicale ainsi que pour sa rare capacité d'établir un équilibre entre la technique et l'émotion.

Ce matin, Mme Kang était l'invitée principale à l'émission Morningside de la CBC. Elle y a démontré son talent exceptionnel en interprétant deux pièces musicales. J'espère que l'interview sera présentée à nouveau à l'occasion de l'émission spéciale The Best of Morningside diffusée ce soir pour que plus d'auditeurs puissent apprécier le talent de cette fabuleuse musicienne.

J'invite la Chambre à unir sa voix à la mienne pour féliciter Mme Kang pour son dévouement et les sacrifices qu'elle a consentis. Tous les Canadiens devraient être fiers d'avoir une représentante aussi douée sur la scène musicale internationale.

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7503

QUESTIONS ORALES

[Français]

L'ÉTHIQUE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, on apprend que le ministre du Patrimoine a adressé directement au CRTC pas moins de sept autres lettres qui s'ajoutent à sa lettre d'appui à une demande de permis. La faute du ministre s'aggrave donc singulièrement du fait de la régularité de ses ingérences dans les décisions du CRTC. En fait, le ministre estime normal d'entretenir une correspondance suivie avec ce tribunal quasi judiciaire. Il a lui-même déclaré ce matin que la révélation de sept autres lettres améliore sa crédibilité, ce qui donne la mesure de son jugement.


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Je demande au gouvernement comment il peut continuer à soutenir que le ministre du Patrimoine a commis une erreur honnête, sachant maintenant qu'il ne s'agit pas d'une faute isolée, mais plutôt d'un mode de fonctionnement courant pour ce ministre.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition a été ministre. Il sait qu'en tant que ministre, on devrait s'acquitter de ses responsabilités. Par exemple, quand les gens lui écrivent pour se plaindre du contenu des émissions de télévision, il n'a pas seulement le droit, mais bien la responsabilité de faire des références au CRTC, ce qui a été fait dans le cas de ces sept lettres. C'est quand même la responsabilité du ministre de faire des références appropriées au CRTC.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, vous me permettrez de rappeler que cinq ministres ont été pris la main dans le sac en envoyant, cette fois-là, des lettres d'appui et dans quatre cas, des lettres nommément et expressément d'appui au CRTC, s'immisçant ainsi directement et d'une façon tout à fait indue dans les prises de décision du CRTC.

Je demande au gouvernement combien de lettres additionnelles du ministre faudra-t-il pour le convaincre du manque de jugement de ce ministre. Est-ce que la vice-première ministre partage la position adoptée hier par le ministre de l'Immigration, à l'effet qu'un ministre ne doit pas communiquer directement avec un organisme dont il a la responsabilité, condamnant ainsi directement le comportement de son collègue du Patrimoine auprès du CRTC?

Faut-il comprendre que dans l'esprit du gouvernement, que dans l'esprit de la vice-première ministre, il existe deux règles d'éthique, l'une pour le ministre de l'Immigration, l'autre pour le ministre du Patrimoine?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition a déjà été ministre.

En tant que ministre, il devait de temps à autre écrire à des organismes qui relevaient de son portefeuille. Non seulement il avait le droit de communiquer avec ces organismes, mais encore il en avait la responsabilité.

Il me semble que, lorsque le ministre responsable des communications reçoit des plaintes du public sur, par exemple, la hausse des tarifs d'abonnement au câble, il a le droit et le devoir de les transmettre au CRTC.

Le chef de l'opposition devrait être la première personne à se plaindre si le ministre responsable des communications refusait de se mettre en rapport avec l'organisme chargé de réglementer le domaine des communications. C'est une de ses responsabilités. Il fait son travail et il continuera de le faire sous le régime instauré par les lignes directrices que le premier ministre a préparées.

(1420)

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, quand on entend le premier ministre nous promettre la définition de règles d'éthique plus sévères pour l'avenir, il n'est pas rassurant d'entendre ce que vient de dire la vice-première ministre. Elle nous promet que cela va continuer comme avant puisqu'on peut le faire. De plus, je rappellerai au gouvernement que sous les premiers ministres Joe Clark et Pierre Elliott Trudeau, il y avait des règles expressément formulées pour interdire aux ministres de communiquer directement avec des tribunaux comme le CRTC.

Pour montrer à quel point le ministre du Patrimoine ne vit pas sur la même planète que nous, une des lettres qu'il a envoyées au CRTC est datée du 13 octobre dernier, c'est-à-dire moins de deux semaines après avoir reçu l'absolution pour la première faute, celle de la lettre d'appui du 15 mars. La vice-première ministre ne voit-elle pas que le député de Laval-Ouest est dépourvu des qualités de jugement requises pour un ministre et qu'il est inepte, donc inapte à remplir cette fonction?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, j'ai un double de la lettre en question. Je voudrais la déposer avec les autres lettres auxquelles il a été fait allusion parce que j'estime qu'elles établissent très clairement que le ministre ne faisait que s'acquitter des responsabilités qui lui incombent.

Il répondait à une lettre que lui avait envoyée le député d'Okanagan-Similkameen-Merritt au nom d'un électeur de sa circonscription qui se plaignait des tarifs d'abonnement au câble.

Le ministre, en tant que responsable des communications, a, comme il le devait, transmis la lettre au CRTC. Il me semble que s'il n'avait pas donné suite à cette lettre ou s'il l'avait jetée au panier-ce qu'aurait apparemment préféré le député-il aurait manqué à son devoir.

Nous croyons que le ministre devrait s'acquitter de ses fonctions dans le cadre des lignes directrices très strictes qui ont été établies par le premier ministre pour éviter les conflits d'intérêts.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, on a appris de la Presse canadienne que le conseiller en éthique du gouvernement, M. Howard Wilson, se serait vu retirer en juillet 1992 son pouvoir de signer des contrats fédéraux au terme d'une enquête menée par le vérificateur général lui-même. Il s'est mérité cette sanction pour avoir accordé des contrats totalisant près de un million de dollars sans soumission.


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Est-ce que le gouvernement savait que M. Wilson s'était vu retirer en 1992 son pouvoir de signature par le sous-ministre de l'Industrie au moment où la décision a été prise de le nommer conseiller à l'éthique?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre et le gouvernement du Canada ont entière confiance dans l'intégrité et la moralité du conseiller en éthique.

Si le député de l'opposition a une preuve du contraire, qu'il la fasse connaître et qu'il porte une accusation.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, de la réponse de la vice-première ministre, je conclus que le gouvernement savait et que le premier ministre savait. Et, dans ce contexte, puisque le premier ministre savait, comment a-t-il pu cacher à l'opposition cette information? Lorsqu'il l'a consulté en juin dernier au sujet de la nomination de M. Wilson, est-ce que la vice-première ministre ne reconnaît pas que le premier ministre a ainsi commis lui-même un grave accroc aux règles élémentaires d'intégrité en cachant cela à l'opposition?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition, hier midi, en réponse à la déclaration faite par le premier ministre a dit, et je cite: «On n'a jamais mis en question l'intégrité du premier ministre.» Il l'a dit hier, il a même été consulté pour la nomination de la personne en question.

Alors maintenant, le premier ministre lui-même a dit hier qu'il prend entière et pleine responsabilité pour les décisions prises auprès de ses ministres. Alors, si le député d'en face veut attaquer les fonctionnaires qui n'ont pas le droit de se défendre, qu'il porte une accusation.

(1425)

[Traduction]

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a dit que son cabinet remettait aux ministres un recueil confidentiel de règles de conduite au moment où ils acceptent leur portefeuille. C'est bien le minimum auquel nous puissions nous attendre de la part d'un gouvernement qui prétend se soucier sérieusement de l'intégrité. Le public et le Parlement ont le droit de voir ces lignes directrices pour pouvoir juger si elles sont respectées ou violées.

Comme le premier ministre a promis un gouvernement marqué au coin de l'intégrité et de la transparence, accepterait-il de déposer ces lignes directrices initiales qui ont été remises en novembre aux ministres de sorte que nous puissions les comparer avec les nouvelles lignes directrices que le gouvernement propose d'appliquer et avec la position du gouvernement concernant les activités du ministre du Patrimoine canadien?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre a promis un débat complet et ouvert sur les nouvelles lignes directrices. Je suis convaincue que, dans le contexte de ces lignes directrices, le commissaire à l'éthique va vouloir faire connaître tous les faits.

J'espère qu'on tiendra une débat public complet, car je sais que ces lignes directrices résisteront à l'épreuve du temps. Nulle ligne directrice ne permet cependant de mesurer l'honnêteté d'une personne.

Le premier ministre a dit qu'il mettait son intégrité en jeu, car on ne jugera pas notre gouvernement d'après ce qui est écrit dans les lignes directrices, mais plutôt d'après l'honnêteté et l'intégrité dont lui et ses ministres auront fait preuve dans l'exercice de leurs fonctions. Personne ne met en doute l'honnêteté ou l'intégrité du premier ministre.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ils ne déposeront donc pas les lignes directrices.

Quiconque a étudié les relations des ministres avec les organismes quasi judiciaires sait qu'une seule ligne directrice devrait guider leurs communications. Ils devraient communiquer uniquement par le truchement des lois, des décrets du conseil et des mémoires déposés auprès des commissions d'enquête publique, et c'est tout.

Or, hier, le premier ministre a dit que la seule ligne directrice qu'il ait donnée en novembre dernier à ses ministres à propos de ces communications, c'est qu'ils devraient communiquer avec ces organismes en s'adressant uniquement aux personnes compétentes. Un premier ministre qui a passé 30 années de sa vie dans la vie publique, dont quelques-unes en tant que ministre de la Justice, peut sûrement émettre une meilleure ligne directrice que celle-là.

Est-ce que le reste des lignes directrices du gouvernement en matière d'éthique sont aussi faibles et piètrement énoncées que celle-là? Dans l'affirmative, que fera exactement le gouvernement pour les renforcer?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, si on suivait le raisonnement du chef du tiers parti, on dirait au député d'Okanagan-Similkameen-Merritt, qui a écrit au ministre au nom d'une de ses électrices qui s'alarmait de la hausse du coût d'abonnement au câble de télévision, que le ministre ne peut transmettre ses préoccupations. Or, dans l'exercice de ses fonctions, le ministre a le devoir de veiller à ce que le système de câblodiffusion fonctionne bien.

Le premier ministre a mis en place un système prévoyant que toutes les lettres passeront à l'avenir par le conseiller en éthique. Cela nous semble être une mesure provisoire équitable. Nous espérons avoir à la Chambre un débat complet et ouvert pour en arriver à des lignes directrices qui permettront aux ministres de s'acquitter de leurs responsabilités et aux députés d'obtenir les services qu'ils méritent de la part des ministres du gouvernement.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ce que font 99 p. 100 des ministres d'autres gouvernements, c'est conseiller à leur électeur de communiquer


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directement avec l'organisme et lui expliquer pourquoi. Pas besoin d'être grand clerc pour le comprendre.

Une voix: Exact.

M. Manning: Monsieur le Président, les règles de conduite des ministres et le rôle du conseiller en éthique sont indissociables. Hier, à la Chambre, le premier ministre a refusé de divulguer le contenu des échanges entre son cabinet et le conseiller en éthique au sujet des activités douteuses du ministre du Patrimoine canadien. En traitant ainsi une question d'éthique derrière des portes closes, d'une manière détournée et improvisée, le premier ministre trahit sa profession d'intégrité et de transparence.

Je demande directement à la vice-première ministre quel avis le conseiller en éthique a donné au gouvernement. A-t-il dit, oui ou non, que le ministre du Patrimoine canadien devait démissionner?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je rejette la prémisse du député selon laquelle, quand Jim Hart, député d'Okanagan-Similkameen-Merritt, a écrit au ministre. . .

Des voix: Oh, oh.

(1430)

Le Président: Chers collègues, il est préférable de ne pas désigner les députés par leur nom et d'utiliser plutôt celui de leur circonscription.

Mme Copps: Monsieur le Président, la lettre dit: «Monsieur le Ministre, une de mes électrices s'inquiète de la hausse imminente de l'abonnement au câble de Regional Cable T.V. Inc. Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir prendre connaissance des lettres ci-jointes de Mme Kirkland et de lui expliquer pourquoi elle doit payer l'abonnement de base 3 $ de plus par mois même si elle ne veut pas capter les canaux supplémentaires.»

On peut présumer que le ministre, en communiquant avec le CRTC, a transmis les préoccupations légitimement exprimées par un député au nom de ses électeurs. Cela fait partie du travail de député. Il est à souhaiter que le Parti réformiste ne cherche pas à paralyser les députés qui essaient de représenter leurs électeurs.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, manifestement, à écouter les réponses de la vice-première ministre, je dois constater que le ministre du Patrimoine canadien n'est pas le seul à confondre le rôle d'un député et celui d'un ministre.

La vice-première ministre peut-elle nous dire quelle crédibilité la population peut maintenant accorder au ministre du Patrimoine canadien, alors qu'il ne sait même pas juger de la nature des responsabilités qui le lient au CRTC?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre lui-même a déclaré dans cette Chambre que des erreurs ont été commises. Est-ce que la députée d'en face veut une solution ou un problème politique?

À partir de la semaine dernière, la solution qu'il a adoptée est d'écrire à chaque ministre pour l'informer qu'aucune correspondance ne peut être envoyée directement aux tribunaux quasi judiciaires. Cette solution a été adoptée avant que M. Wilson arrive avec une réglementation plus élargie qui sera débattue en Chambre. Il y avait un problème, des erreurs ont été commises; les erreurs ont été réglées et on veut tout de même respecter l'intégrité des ministres de remplir leurs fonctions.

Le chef de l'opposition a été ministre. Il sait qu'il avait des responsabilités à la fois envers ses concitoyens de Lac-Saint-Jean et envers le poste de ministre qu'il occupait. On ne veut pas lier les mains des simples citoyens de Lac-Saint-Jean parce que leur député était ministre. Ils veulent obtenir du service. On veut leur offrir un bon service, efficace et honnête, et c'est ce que nous essayons de faire.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, je ne suis pas ministre, mais mercredi soir dernier, quand on m'a montré la nouvelle, j'ai tout de suite su qu'il fallait que le ministre démissionne. C'est là la solution!

Des voix: Bravo!

Mme Tremblay: Et si ce n'est pas la solution, nous aurons un problème politique.

Alors, quelle crédibilité un ministre qui comprend si mal le fonctionnement des règles élémentaires du fonctionnement de son ministère peut-il défendre et comment peut-il mener à terme les importants dossiers dont il a la responsabilité, notamment le financement de Radio-Canada, l'avenir de Téléfilm Canada et celui de l'Office national du film, l'autoroute électronique et la révision de la Loi sur les droits d'auteur que nous attendons depuis une éternité?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre a dit très clairement qu'une erreur avait été commise et que le gouvernement avait mis en place un système pour garantir que cela ne se reproduise plus. Le ministre lui-même a dit très clairement que dès qu'il a pris conscience que le CRTC avait mal interprété sa lettre initiale, il lui a écrit une deuxième fois pour clarifier la situation.

La députée dit que nous allons avoir un problème politique. Si la députée s'intéresse vraiment au règlement de ce problème, elle reconnaîtra que, dès vendredi dernier, le premier ministre a transmis à tous les ministres une directive suivant laquelle toute lettre ministérielle à un organisme quasi judiciaire doit être examinée par M. Wilson.


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(1435)

Entre temps, M. Wilson n'est pas resté inactif. En fait, il a eu une réunion avec le Cabinet ce matin pour établir des lignes directrices strictes en regard des organismes quasi judiciaires, qui tiendront compte à la fois du travail des ministres et du droit des électeurs du pays d'être légitimement représentés au Parlement. Je ne veux pas que mes électeurs de Hamilton-Est soient pénalisés du simple fait que je suis ministre.

Le Président: Chers collègues, je vous demande à nouveau de bien vouloir être le plus brefs possible dans vos questions et vos réponses.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien.

Nous avons appris que le ministre du Patrimoine canadien a écrit huit lettres au CRTC. Dans sept d'entre elles, il reconnaît qu'il ne peut intervenir, mais dans la huitième, il n'aborde pas la question. Le ministre savait qu'il ne pouvait intervenir dans sept cas. Pourquoi alors a-t-il décidé d'intervenir, dans ce cas particulier, auprès de l'organisme quasi judiciaire dont il est responsable?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, une lettre que la députée a reçue de la personne dont elle a parlé hier quand elle a dit qu'il y avait des allégations d'abus d'influence vient contredire la prémisse de sa question.

En fait, le secrétaire général du CRTC a répondu à la députée que toutes les communications liées à un processus public sont traitées de la même façon, indépendamment de l'expéditeur, même s'il s'agit d'un ministre ou de tout autre député. La députée le sait pertinemment, car elle a reçu de M. Darling une lettre dans laquelle il dit expressément qu'aucun traitement spécial n'a été accordé.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adressait au ministre du Patrimoine canadien. Sauf erreur, il y a toujours un ministre du Patrimoine canadien de l'autre côté.

En ce qui concerne les communications entre le secrétaire général du CRTC et mon bureau, j'ai effectivement reçu un appel d'un secrétaire général complètement pris de panique hier.

Ma question s'adresse cette fois-ci à la vice-première ministre. Hier, dans une entrevue, le ministre de l'Immigration a dit qu'il n'enverrait pas de lettre à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il a dit qu'il ferait une erreur en écrivant à un organisme quasi judiciaire relevant directement de lui. Je suis perplexe. Il semble que le ministre de l'Immigration ait compris, mais pas le ministre du Patrimoine canadien.

Le premier ministre n'applique pas les mêmes critères d'éthique à tous les membres de son Cabinet. Si je pose la question expressément et directement, c'est que je veux une réponse. Pourquoi accorde-t-il, en l'occurrence, un traitement spécial au ministre du Patrimoine canadien?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre a pris la parole et a présenté à la Chambre tous les renseignements sur cette affaire. En fait, il a dit très clairement que le ministre concerné a fait une erreur.

(1440)

Le ministre a fait une erreur, et les lignes directrices sur les organismes quasi judiciaires n'étaient pas claires. On a pris des mesures pour rectifier la situation: le député a tout d'abord écrit une lettre au CRTC à ce sujet, et le premier ministre a ensuite demandé à M. Wilson de rédiger de nouvelles lignes directrices plus claires. Entre temps, il a établi des lignes directrices provisoires qui prévoient que toutes les communications des ministres avec des organismes quasi judiciaires devront dorénavant être approuvées par le conseiller en éthique.

Je crois qu'il a fait ce qu'il fallait en quatre jours et qu'il a respecté sa promesse de diriger un gouvernement honnête. Je crois qu'il a montré une fois de plus que l'éthique et l'intégrité sont la marque de son gouvernement, et non pas simplement matière à règlement.

* * *

[Français]

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, pendant que le ministre du Patrimoine poursuit son examen de conscience et se prépare, probablement, à faire une confession générale, vous me permettrez d'aborder un autre sujet. Ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Le SCRS se retrouve à nouveau sur la sellette. Selon le livre intitulé Betrayal qui paraîtra cette semaine, le SCRS a demandé à l'un de ses agents de poser une bombe à bord d'un avion d'Air India, à Rome, en 1986, afin d'en faire porter le blâme par des terroristes sikhs.

Le gouvernement entend-il vérifier le bien-fondé d'allégations aussi troublantes et reconnaît-il que, si elles s'avéraient fondées, ce genre de pratique criminelle devrait être réprimé avec la dernière vigueur?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité a examiné cette question et en a fait rapport publiquement en 1987-1988. Si je me souviens bien, le comité avait conclu que le SCRS avait agi comme il le convenait, contrairement aux allégations.


7508

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, je me permets de faire remarquer à l'honorable leader du gouvernement à la Chambre que c'est l'un de ses propres députés qui a fait une affirmation aussi sérieuse.

Compte tenu des allégations sur l'infiltration d'organismes démocratiques par le SCRS, sur l'écoute électronique de membres du gouvernement du Québec par le CST et sur la pose d'une bombe à bord d'un avion d'Air India par un agent du SCRS, le gouvernement se décidera-t-il enfin à mettre sur pied une véritable commission d'enquête sur les agissements des agents secrets fédéraux?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, c'est au ministre de la Défense nationale qu'il appartiendrait de répondre.

Pour ce qui est de la question qui, selon la presse, fait l'objet d'un livre, livre que je n'ai pas encore vu, mais dont j'ai entendu parler dans la presse, je crois savoir que le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité a examiné à fond le cas de Ryszard Paskowski et a déclaré dans son rapport annuel de 1987-1988 que le SCRS avait traité son cas comme il le fallait. Je pense que cela se passe d'explications.

* * *

L'ÉTHIQUE

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre et a trait au rôle qu'a joué le conseiller en éthique dans la désormais célèbre affaire du ministre du Patrimoine canadien.

Nous savons de bonne source, c'est-à-dire de la bouche même du conseiller, qu'il a pris connaissance de la lettre, le mercredi 26 octobre, par l'intermédiaire des médias et non du cabinet du premier ministre. Comme le cabinet du premier ministre ne lui a rien demandé, pas même de rédiger un rapport sur la lettre, il n'a donc rien fait.

Ma question est simple: pourquoi le premier ministre s'est-il donné la peine de nommer un conseiller en éthique et d'obliger les contribuables à assumer les frais de cette charge s'il ne le consulte pas sur une question de cette importance, alors qu'il aurait eu un mois pour le faire?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le premier ministre a répondu de façon plus que satisfaisante à cette question qui lui a été posée hier et la semaine dernière.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, nous répéterons la même question jusqu'à ce que nous ayons obtenu une réponse qui satisfasse la population canadienne.

(1445)

Le conseiller en éthique a confirmé que ce n'est que vendredi dernier, le 28 octobre, qu'on lui a remis un document énonçant les règles de conduite à l'intention des ministres et qu'on lui a demandé de l'examiner dans le contexte des relations avec les organismes quasi judiciaires. Hier, le premier ministre a déclaré que les recommandations de son conseiller étaient à l'étude au Cabinet.

La confiance du public n'y gagnerait-elle pas si les lignes directrices à l'intention des ministres étaient rendues publiques, débattues et modifiées à la Chambre, au besoin, puis approuvées à l'occasion d'un vote libre des députés qui serait tenu au nom de tous les Canadiens?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, c'est précisément la démarche que le premier ministre s'est engagé à suivre un peu plus tôt cette semaine.

* * *

[Français]

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien. Devant l'Association des câblodistributeurs québécois réunis en congrès hier à Québec, le ministre du Patrimoine a déclaré que le gouvernement fédéral devrait contrôler seul l'autoroute électronique afin d'établir des objectifs nationaux et promouvoir l'identité culturelle canadienne. Il a carrément nié tout rôle ou toute responsabilité des provinces en cette matière.

Comment le ministre du Patrimoine peut-il écarter les provinces, dont le Québec, du projet d'autoroute électronique, en ne les considérant que comme de simples groupes de pression au même titre que les câblodistributeurs et que les municipalités?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, si notre collègue s'était donné la peine de lire le discours que j'ai prononcé hier, il s'apercevrait que rien de ce qu'il vient d'avancer n'est exact.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, je me réfère à des citations que l'on peut retrouver dans tous les journaux aujourd'hui.

Doit-on comprendre, de l'attitude méprisante du ministre, que non seulement il nie dans les faits le caractère distinct du Québec, mais qu'il rejette aussi du revers de la main toutes les revendications historiques en matière de culture et de communication?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Il est très intéressant, monsieur le Président, de voir que l'on interprète à l'envers ce que je dis. En fait, j'ai exprimé la plus grande ouverture pour la contribution que pourraient faire et les industries et tous les intervenants au Québec au processus de développement de l'autoroute électronique.


7509

[Traduction]

L'INDUSTRIE

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais passer à un autre sujet si vous le permettez. Ma question s'adresse au secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie.

Nous siégeons ici, dans cette prestigieuse enceinte qu'est la Chambre des communes, depuis maintenant un an. En examinant mes dossiers, j'ai remarqué que le gouvernement avait promis, il y a un an, que nous deviendrions un pays exportateur.

Bon nombre de représentants des milieux d'affaires de Nepean et bon nombre de représentants de l'industrie de pointe se demandent si ce ministère a fait quelque chose pour que nous devenions un pays exportateur.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier la députée de Nepean de cette question des plus pertinentes.

Des voix: Oh, oh!

M. Mills (Broadview-Greenwood): Le Parti réformiste ne semble pas s'intéresser tellement à l'engagement que le gouvernement a pris envers les petites et moyennes entreprises. Nous entamons aujourd'hui le Mois national des services.

Les entreprises de services emploient près de neuf millions de Canadiens et le gouvernement du Canada s'est engagé à travailler avec nos organismes de services afin de voir à ce qu'ils soient bien équipés pour faire face à la concurrence, alors que nous nous dirigeons vers des échanges mondiaux. Nous cherchons à venir en aide de différentes façons à la BFD et au ministère de l'Industrie pour faire en sorte que l'on accorde toute l'attention nécessaire à ces entreprises.

Des voix: Bravo!

(1450)

Le Président: Nous reconnaissons tous, j'en suis certain, que toutes les questions ont une importance égale, qu'elles appellent toutes une réponse et que nous devons tous prêter attention à la réponse donnée. Je vous prierais de laisser à la personne à qui s'adresse la question la chance de répondre à cette question.

* * *

L'ÉTHIQUE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, moi aussi, je voudrais passer à un autre sujet. Les libéraux des années 90 ressemblent scandaleusement à ceux des années 70 sur le chapitre des allégations et des conflits d'intérêts.

En 1971, notre actuel premier ministre a appelé un juge du Québec. Quelle qu'en soit la raison, il a prétendu qu'il pouvait le faire puisqu'il agissait à titre de député et non de ministre. Avez-vous déjà entendu cela? Il n'a pas reconnu que c'était une erreur.

Se pourrait-il que ce soit pour cette raison que, 20 ans plus tard, le premier ministre n'a pas demandé à son ministre de démissionner, car il ne pouvait exiger de lui de se montrer plus responsable qu'il ne l'avait été lui-même à l'époque?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je suis surprise et déçue par le genre de questions que pose la députée.

Le fait est que personne dans cette enceinte n'est plus intègre ni plus honnête que le premier ministre.

Des voix: Bravo!

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, en 1976, le premier ministre Trudeau a présenté des lignes directrices établissant notamment qu'aucun membre du Cabinet ne pouvait communiquer avec des représentants d'organismes quasi judiciaires, à moins, bien entendu, de passer par les voies normales. Même en 1984, M. Mulroney a émis des lignes directrices semblables.

Ces lignes directrices des années 70 et 80 ne suffisent-elles pas aux libéraux des années 90? Le premier ministre va-t-il faire preuve d'intégrité en demandant au ministre de démissionner?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je pense que la députée donne l'impression à la population que ces lignes directrices sont quelque peu différentes de celles qui ont été mises en oeuvre dans le passé.

Les lignes directrices que le premier ministre a décidé d'appliquer au sujet des organismes quasi judiciaires sont celles qui existent depuis plus de dix ans. Il est évident qu'elles ne sont pas claires et c'est pourquoi, vendredi dernier, le premier ministre a demandé au conseiller en éthique de veiller à ce qu'il y ait un débat public complet sur cette question. Le ministre du gouvernement Mulroney a fait fi des propres lignes directrices de son gouvernement en 1989.

Le fait est que les lignes directrices actuelles ne sont pas assez précises et, pour dissiper tout doute, le premier ministre réclame un débat public parlementaire complet et transparent sur de nouvelles directives. Je ne vois pas comment il pourrait être plus clair.

* * *

[Français]

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, nous sommes présentement confrontés à une très grave crise financière, et même le ministre des Finances l'a découvert tout dernièrement. Dans ce même ordre d'idée, on apprend que les voyages des employés fédéraux l'an passé ont atteint 617 millions de dollars, c'est-à-dire plus de 2,5 millions de dollars par journée ouvrable pour les voyages des fonctionnaires fédéraux.


7510

(1455)

Le ministre, qui demande des suggestions au Bloc québécois, ne devrait-il pas s'attaquer à la réduction des dépenses de voyage des fonctionnaires fédéraux, qui coûtent, et je le rappelle, 2,5 millions de dollars par journée ouvrable?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, les dépenses de voyage ont en fait diminué.

Comme je l'ai déjà dit, il y a également eu diminution du nombre de fonctionnaires. Tout cela fait l'objet d'un examen attentif du Conseil du Trésor et des divers ministères. Nous avons l'intention de continuer.

Nous nous trouvons dans une situation où nous sommes obligés de réduire les dépenses du gouvernement si nous voulons ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB. Cela veut dire que nous devons faire attention à toutes les dépenses, y compris les dépenses de voyage. Nous avons l'intention de le faire.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, dans ce même contexte de voyages coûteux, ma deuxième question va s'adresser au ministre de la Défense. Est-ce que le ministre de la Défense peut nous confirmer que le lieutenant général Scott Clément a utilisé un Airbus 310 du gouvernement aux seules fins de se rendre au concours de tir de missiles Guillaume Tell, en Floride, alors qu'il aurait pu voyager en vol commercial?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais pas à quoi le député fait allusion.

Il arrive très souvent que l'on utilise des appareils A-310 et Challenger pour les vols d'entraînement. Je vais m'informer.

* * *

LE CRTC

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Au sujet du ministre du Patrimoine canadien, il apparaît de plus en plus évident que le ministre s'est ingéré dans le processus de soumission de demandes au CRTC.

En refusant la demande, le CRTC a peut-être lui-même pris une décision politique dans le seul but de protéger ses arrières. L'appel téléphonique à la députée de Calgary-Sud-Est, effectué hier en panique par M. Darling, confirme la crainte de nombreux Canadiens, à savoir que cet organisme quasi judiciaire fait l'objet de pressions politiques.

Comment le premier ministre peut-il nous assurer que les actes du ministre n'ont pas compromis l'intégrité du CRTC et de son processus décisionnel?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, dans sa lettre au député, le secrétaire général indique clairement que les communications qui sont liées à un processus public sont traitées de la même façon, et cela inclut les interventions d'un ministre ou d'autres députés.

Le député a fait remarquer à juste titre hier que de toute évidence l'influence du ministre n'avait pas été aussi importante puisque la demande a été rejetée.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, lorsqu'un ministre écrit une lettre à un organisme comme le CRTC, ce qui n'y figure pas peut l'influencer autant que le contenu de la lettre elle-même.

En 1976, le ministre des Travaux publics avait téléphoné à un juge au nom de l'actuel ministre des Affaires étrangères. Le ministre avait offert sa démission au premier ministre mais ce dernier, M. Trudeau, l'avait refusée.

Ce n'est certainement pas une tradition libérale que de s'ingérer impunément dans les affaires d'organismes judiciaires. Si c'est le cas, le premier ministre va-t-il rompre avec cette tradition, faire ce qu'il doit faire et demander la démission du ministre du Patrimoine canadien?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le député pourra poser sa question au premier ministre.

Le premier ministre n'est pas ici. Il nous est très difficile de répondre à des allégations concernant des choses qui ne figurent pas dans des lettres qui n'existent pas.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Les petites entreprises du Canada sont de plus en plus préoccupées par la croissance soutenue de l'économie, après la publication des résultats du troisième trimestre.

Les petites entreprises sont particulièrement touchées par la situation, puisqu'elles font actuellement des investissements à long terme et sont en train d'engager du personnel, à cause des promesses de croissance soutenue. Quelles garanties le ministre des Finances peut-il donner à la Chambre que la reprise est solide et bien amorcée?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député d'avoir posé une question au sujet de l'économie, qui est évidemment du plus grand intérêt pour les Canadiens, quoique cela n'intéresse manifestement pas l'opposition.

7511

(1500)

Les petites et moyennes entreprises sont de toute évidence très encouragées par la forte croissance que nous avons connue au mois d'août. Il importe cependant d'examiner cette croissance en détail.

Le fait est que la moitié de cette croissance est attribuable au secteur de la fabrication. En fait, la fabrication a connu une hausse de 8,7 p. 100 par rapport au mois d'août de l'an dernier. On note aussi une croissance de 7,7 p. 100 du secteur de la construction par rapport à l'an dernier. Les emplois se sont multipliés grâce à cette croissance, et les ventes au détail ont augmenté parce que les consommateurs ont repris confiance dans l'économie.

Je suis très heureux de pouvoir dire une chose, et je félicite le député d'avoir posé cette question, c'est que nous sommes sans nul doute sur la voie de la plus forte croissance que notre pays ait connue depuis 1988.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je signale aux députés la présence à notre tribune de parlementaires qui sont en visite ici avec l'Association parlementaire du Commonwealth. Ce sont Mme Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, l'honorable Gérald Clavette, du Nouveau-Brunswick, l'honorable Emery Barnes, Président de l'Assemblée législative de Colombie-Britannique, M. Anthony Whitford, député de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, M. Neil Reimer, greffier adjoint des comités de la Colombie-Britannique, et M. Peter Doucette, whip du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard.

Des voix: Bravo!

_____________________________________________


7511

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-57, loi portant mise en oeuvre de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, à titre de député du Bloc québécois, à titre de député de la province de Québec et à titre de député de Longueuil, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur ce projet de loi portant mise en oeuvre de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, et je le ferai à partir de mon expérience personnelle.

J'ai particulièrement été en affaires pendant une quinzaine d'années; j'avais une petite entreprise d'environ 25 employés. J'ai aussi été président d'une entreprise de commerce en gros qui comptait une trentaine d'employés. J'ai été président de la Chambre de commerce de la rive sud de Montréal, la troisième plus importante au Québec. Et en même temps, j'ai été aussi directeur au conseil d'administration d'une caisse populaire. Tout cela vous démontre à quel point les gens d'affaires, comme moi et la plupart des gens d'affaires du Québec, s'impliquent intensivement dans leur milieu social et de quelle façon ces gens sont pris par le temps.

Il est parfois difficile pour eux de s'occuper des affaires internationales. Dans cet esprit, je suis fier d'avoir été intensément impliqué dans le milieu des affaires, car c'est un monde merveilleux, passionnant, et c'est un monde qui, chaque jour, cherche de nouvelles méthodes pour améliorer la gestion et la productivité. C'est un monde créateur. C'est un monde qui est en perpétuel mouvement.

Comme homme d'affaires et politicien du Québec, je suis heureux de cette ouverture des marchés qui se fait présentement à partir de l'entente du GATT.

(1505)

Le monde des affaires, par le commerce, va aussi faire en sorte de mieux se connaître et probalement va être l'instrument le plus merveilleux pour que la paix dans le monde soit plus durable. Alors, l'Uruguay Round et le projet de loi C-57 sont des étapes importantes comme je viens de vous le mentionner. Aujourd'hui, la globalisation des marchés est un potentiel croissant et important. Les entreprises doivent être de plus en plus efficaces.

Les entreprises ont besoin d'un cadre souple et efficace, réglementant les échanges ainsi que les mécanismes crédibles pour régler des différends. Les entreprises doivent pouvoir compter sur la collaboration de partenaires gouvernementaux éclairés et aussi de syndicats sensibles à l'économie. Les entreprises ont besoin de lois et de règlements adaptés à ce nouveau contexte.

Les négociations de l'Uruguay Round sont un potentiel de croissance commerciale internationale. D'après certaines statistiques, la croissance sera de 750 milliards de dollars d'ici les dix prochaines années. C'est un potentiel énorme au niveau international, et l'argent va passer d'un pays à l'autre. Alors, il faut être très attentif à ce mouvement commercial international. C'est une augmentation aussi de la richesse globale d'environ 200 milliards de dollars.

Là aussi, les gens seront plus riches, plus en mesure de consommer et auront un plus grand potentiel pour le faire. Alors, avec le projet de loi C-57, qui est la mise en oeuvre de l'accord au Canada et au Québec, quels sont les enjeux pour le Québec, l'importance du commerce international pour le Québec? Le Québec a une longue tradition commerciale. L'histoire de notre peuple en est marquée.

Le commerce de la fourrure, du poisson, du bois, constitue l'épine dorsale de notre développement économique pendant les quatre derniers siècles. Encore aujourd'hui, on exporte le bois d'oeuvre, le papier journal, l'électricité, l'aluminium et des services de communication. Les trente dernières années ont été, pour le Québec, une ouverture sur le monde.

L'expansion du commerce international du Québec est importante et nous avons, bien sûr, établi des bases à l'étranger. Nous avons plusieurs bureaux dans plusieurs villes importantes dans le monde, aux États-Unis comme en Europe. Même au Japon, nous avons des délégués pour le commerce, ce qui fait en sorte que le Québec a une ouverture remarquable sur le monde et nous continuerons, bien sûr, à travailler dans ce sens.

Le Québec est très ouvert sur le monde. Voici un exemple qui s'est passé il n'y a pas très longtemps. En 1988, le gouvernement avait comme projet le libre-échange avec les États-Unis. Le Québec a été un des pionniers, a été un de ceux qui ont défendu le


7512

libre-échange. Il y avait presque unanimité des gouvernements au Québec, à tout le moins le gouvernement libéral du Québec et le Parti québécois, comme aussi la grande majorité des Québécois, pour appuyer le libre-échange.

Bien sûr, à cette époque, les libéraux fédéraux étaient contre le libre-échange. Avec le temps, ils ont compris, mais je peux vous dire que cela a été une bataille à n'en plus finir, particulièrement durant l'élection de 1988 qui a été une élection basée particulièrement sur le libre-échange. Les syndicats aussi étaient contre, parce qu'ils soutenaient le NPD. Mais maintenant, ils ont changé, ils commencent à comprendre que le libre-échange avec les États-Unis est une bonne chose, que la libéralisation des marchés dans le monde est une bonne chose pour la plupart de nos entreprises.

Le Québec a aussi appuyé la dernière entente, l'ALENA, entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Encore une fois, c'est la preuve que les Québécois sont très ouverts sur les marchés mondiaux. Je vais maintenant parler de l'ouverture à la venue des nouveaux partenaires dans l'ALENA. Le Québec, une société en plein essor, est devenu un partenaire crédible, efficace et respecté en Amérique du Nord, mais également en Europe. De plus en plus d'hommes et de femmes d'affaires du Québec sont actifs au niveau du commerce international. Le Québec a besoin d'un cadre juridique qui va lui permettre de développer ses exportations. Le commerce international est un défi pour les gens d'affaires du Québec. Le domaine des affaires est un milieu où les défis sont nombreux et quotidiens. Le commerce international est plus exigeant encore.

(1510)

Il y a quelques facteurs à considérer. Le premier est la santé financière de l'entreprise. Avant de considérer les coûts reliés à l'exportation, il faut estimer tous les coûts propres à la prospection et à l'établissement du réseau de distribution. Par exemple, les comptes à recevoir à l'étranger: dédouanement et taux de change.

Deuxièmement, le contrôle des coûts de production. Peut-elle répondre dans les délais requis sans affecter le service à la clientèle locale qui assure le pain et le beurre quotidiens?

Troisièmement, la compétence du personnel. Le personnel possède-t-il tous les attributs nécessaires pour répondre à la demande? Les aspects de la langue étrangère, les termes techniques et légaux, les réseaux d'affaires, organismes de support financement, marché, voyages, etc. Peut-on former du personnel actuel? Doit-on embaucher du personnel qualifié ou doit-on embaucher du personnel à l'étranger?

Quatrièmement, les outils de mise en marché. Avant d'investir dans des activités de mise en marché, une entreprise doit se renseigner sur toutes les habitudes d'affaires du pays visé.

Cinquièmement, les attentes de la clientèle. Vérifier si le produit ou le service que vous désirez exporter répond aux attentes de nos nouveaux clients. Le commerce international secteur complexe, d'où l'importance des ententes commerciales et des mécanismes nécessaires à leur application.

Le rôle des gouvernements. Les gouvernements internationaux, les 108 gouvernements membres de cet accord doivent d'abord encadrer le commerce international; la négociation d'ententes commerciales qui favorisent l'accès à de nouveaux marchés tout en assurant l'harmonie et l'équilibre; voir à l'élimination des barrières au commerce international. L'Uruguay Round répond en grande partie à ces visées.

Le soutien aux entreprises. Je crois qu'il est nécessaire que le gouvernement ait une oreille bien tendue pour voir le comportement des entreprises, leurs besoins et les différents items que j'ai mentionnés au préalable, c'est-à-dire par exemple une certaine garantie des comptes recevables. Quand on exporte à l'étranger, il est difficile d'aller percevoir ses comptes. Il faudrait que le gouvernement mette en place une certaine garantie. Cela existe déjà à une échelle pour les grandes sociétés, mais pour les petites sociétés, les PME, c'est très difficile et c'est très peu abordable. Il faudrait que les gouvernements créent une espèce de fonds pour garantir les comptes recevables pour la petite et moyenne entreprise qui désirent faire de l'exportation.

Il y a aussi les prêts pour la promotion de nos produits. Souvent il est très difficile pour une entreprise qui a un excellent produit et qui veut exporter, qui n'a pas le cash flow nécessaire pour faire de l'exportation et souvent ce cash flow n'est pas justifiable par les banques. Il faudrait élaborer et faire en sorte qu'il y ait des fonds disponibles pour la promotion des produits. Tout cet argent pourrait être disponible, non pas un don, mais un prêt garanti par les gouvernements ou garanti par les sociétés d'assurance indépendantes ou autres, mais il faudrait définitivement en créer un pour faire en sorte de favoriser la promotion de nos produits à l'étranger.

(1515)

Il y a aussi des maisons du commerce à l'étranger, dynamiques et disponibles, des bureaux de gens disponibles et qui sont très ouverts à la nécessité d'aider nos petites et moyennes entreprises qui veulent exporter et qui veulent ouvrir des marchés. Souvent, on a vu des fonctionnaires manquer de dynamisme. À cet égard, on fait beaucoup de diplomatie, mais quand vient le temps de faire des affaires, on pense que c'est quasiment pas correct. La meilleure façon de survivre, à mon avis, c'est de faire des affaires, surtout qu'avec ces marchés très ouverts, il sera vraiment nécessaire d'appuyer nos entreprises, du moins de leur donner les informations nécessaires sur la culture, l'économie de ces pays, la façon de faire les choses, toutes sortes d'informations que nos fonctionnaires des Affaires étrangères connaissent et qu'ils pourraient mettre au service de nos petites et moyennes entreprises.

Un item que le Québec revendique depuis très longtemps, et je vais m'y arrêter parce que je pense que c'est très important, est la formation de la main-d'oeuvre. Il y aura lieu de se concerter vraiment et de faire en sorte qu'on puisse être le plus efficace possible, de former des gens qui soient à la fine pointe pour être capables de produire, de créer, d'être productifs, d'avoir des employés adéquats, etc.

C'est un point très important. J'ai lu, dans la revue L'Actualité du 15 septembre dernier, un article qui m'a frappé. J'étais un peu au courant parce que lorsque j'étais président du Comité des sciences et de la technologie, on avait fait une tournée en Europe.


7513

J'avais particulièrement été frappé par le dynamisme des Allemands en ce qui concerne la formation, les sciences et la technologique. J'avais rencontré des scientifiques et je me suis rendu compte que le comportement des scientifiques est complètement différent de celui des nôtres. Ces scientifiques avaient l'air de vendeurs d'automobiles. Ils étaient tellement dynamiques et ils avaient le sens des affaires et cela est assez extraordinaire.

Dans cet article, écrit par Sylvie Halpern, on lit par exemple: «Une petite ville de 15 000 habitants peut parfaitement avoir son école technique, pourvu qu'elle soit industrieuse et qu'elle ait des besoins précis en main-d'oeuvre spécialisée. Ce sont les landers des 16 régions administratives allemandes qui les financent.»

Ce sont les régions, en Allemagne, qui sont responsables de la formation technique. Ce n'est pas le gouvernement fédéral, en haut, qui vient dicter aux régions leurs besoins en matière de formation, qui voient à cet encadrement de formation qui est très près de leurs besoins. On dit aussi qu'Ottawa et Québec se chicanent sur la question. J'aurais dû commencer par ceci: «Voici un modèle qui a fait ses preuves, celui des Allemands.»

Il y a très longtemps que les Allemands pratiquent ce système. Cela fait très longtemps qu'ils ont décentralisé la formation de la main-d'oeuvre, ils ont décentralisé une formation plus adéquate aux besoins de l'entreprise.

Il y a un autre passage intéressant: «La force des écoles supérieures de technologie allemandes, c'est que leurs étudiants profitent d'un va et vient constant.» Je dois dire que dans les écoles techniques, et même de haute technique, les étudiants passent un certain temps dans l'entreprise et une autre période de temps dans les écoles. Ils mettent en pratique au fur et à mesure ce qu'ils apprennent en théorie. Ainsi, lorsqu'ils arrivent sur le marché du travail, ils sont beaucoup plus aptes, beaucoup plus efficaces. Cela fait en sorte que les produits sont bien meilleurs, la productivité est supérieure, etc.

On dit aussi: «Les écoles supérieures de technologie sont des universités d'un nouveau type orientées vers la pratique.» C'est ce que l'on fait; on dit qu'il faut absolument qu'on enseigne de façon plus pratique au lieu d'enseigner à l'horizontale, de façon très vague. Il faut être plus axés et plus près des entreprises. Cela sera nécessaire.

On y dit: «Quelque 800 professionnels de l'industrie y enseignent.» Ce ne sont pas des professeurs qui ne connaissent pas l'industrie, qui ont appris en théorie de grands principes. Ce sont des professeurs qui viennent de l'industrie, qui la connaissent bien.

(1520)

Alors, ce que je veux dire par cela, c'est qu'il faut absolument que la formation de la main-d'oeuvre soit gérée par le Québec, par les entreprises et même par les régions qui ont des secteurs très spécialisés. C'est la seule façon par laquelle on va arriver à être productif et compétitif avec les autres pays du monde, par cette ouverture des marchés avec laquelle je suis d'accord. Mais, en même temps, il faut s'assurer que le personnel qui travaille reçoive une formation adéquate, que ce soit des techniciens, des administrateurs ou des propriétaires d'entreprise, pour faire face à ce grand marché international.

Dans ce sens, l'Allemagne est un excellent exemple. J'ai même pris la peine d'envoyer une copie de cet article à M. Garon, le nouveau ministre de l'Éducation du Québec, pour qu'il en prenne connaissance.

Il faut le répéter, car on ne le répétera jamais assez, parce que le gouvernement fédéral est complètement entêteté. On en parle depuis 20 à 30 ans, et depuis ce temps on prend du recul. À cet égard, il faut répéter et répéter à nouveau. Je ne sais pas comment on va y arriver, mais il y a un entêtement du pouvoir. Comme vous le savez, le fédéral veut garder son pouvoir de dépenser. Il est très important, parce qu'il veut dire aux Québécois: «Voici, si je n'avais pas été là, cela n'aurait pas pu arriver.» Vous voyez, c'est le principe. Ce n'est pas la logique, ce n'est pas la pratique. Ce n'est pas ce qu'il faut faire. Non. Le gouvernement fédéral dit: «Je veux m'imposer. Je veux prouver que je suis important. Si je ne suis pas là, vous ne pourrez pas réussir.» C'est ça la fausseté.

Mon temps de parole est-il écoulé, monsieur le Président? Il me semble que je ne parle que depuis dix minutes. J'avais encore bien des choses à dire. De toute façon, je suis très fier d'avoir participé à ce débat.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je viens d'entendre le député de l'opposition parler de l'entêtement du gouvernement du Canada, de l'entêtement des services gouvernementaux, dont le BFDRQ, la Banque fédérale de développement régionale, et des services qui s'occupent de promouvoir les exportations canadiennes.

J'aimerais bien savoir si le gouvernement fédéral s'est entêté quand est venu le temps de venir en aide à Canadair, à Bombardier, à SNC Lavalin, quand est venu le temps d'aider Spar Aerospace de Montréal, quand est venu le temps d'aider les compagnies pharmaceutiques du Québec. Est-ce qu'on appelle cela de l'entêtement du fédéral, quand plusieurs dizaines de milliers d'emplois ont été créés grâce à la participation directe du gouvernement du Canada?

Malheureusement, le député nous propose un discours qui ne fait pas état des réalisations et de l'appui inconditionnel du gouvernement canadien à venir en aide aux entreprises québécoises.

Quand j'entends le député d'en face nous parler de la compétence des représentants du Québec à l'étranger, que dites-vous de la nomination de l'ancien président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, un idéologue qui ne connaît rien dans le domaine des affaires au Québec, encore moins des affaires internationales. Vous appelez cela un représentant digne du Québec et des hommes d'affaires québécois qui oeuvrent à l'étranger?

Je le sais, je parle avec expérience, car j'ai eu le privilège de travailler à quelques occasions au Japon. De savoir que nous, Québécois, on est représenté par un idéologue de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal qui n'est seulement là que pour


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vendre la propagande séparatiste au lieu d'oeuvrer et d'ouvrir des nouveaux marchés pour les entreprises québécoises, je crois qu'il est temps qu'on se pose des questions à savoir quel est vraiment l'utilité de ces maisons québécoises à l'étranger, quand on est représenté par des gens comme M. Doyon, l'ancien président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

D'ailleurs, quand on parle, par exemple, de l'éducation en Allemagne, il faut se souvenir que le Québec n'a jamais été empêché de former une main-d'oeuvre spécialisée, car, on le sait fort bien, l'éducation est de ressort provincial. Le Québec a le contrôle de l'éducation depuis bien plus de 30 ans, c'est depuis 125 ans.

Alors, rien n'empêche le Québec de mettre en place un vrai programme de formation professionnelle qui réponde aux besoins des Québécois et qui réponde fort bien aux besoins du prochain siècle.

(1525)

J'aimerais bien avoir des réponses du député d'en face sur ces trois faits, à savoir, premièrement, que le gouvernement fédéral a toujours été présent et que plusieurs industries québécoises ont su en bénéficier; deuxièmement, que je mets en doute la compétence du délégué général du Québec à Tokyo; et troisièmement, qu'il reconnaisse que le Québec n'a jamais été empêché de mener son programme de formation professionnelle chez lui.

M. Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, quand le député parle des subventions que les entreprises québécoises ont reçues, je suis d'accord avec lui. Par contre, il y a une chose qu'il oublie de dire et dont j'ai parlé dans mon discours préalablement, c'est que l'argent que les Québécois reçoivent c'est l'argent que les Québécois ont envoyé à Ottawa précédemment. Il n'y a pas de cadeau du fédéral, c'est cela le problème.

Les fédéralistes essaient toujours de faire accroire aux Québécois que sans le fédéral, le Québec ne pourrait pas survivre. Mais l'argent qu'on donne au Québec, que ce soit l'argent qu'on donne à nos personnes âgées pour les programmes Nouveaux Horizons, les pensions de vieillesse, les subventions aux entreprises, c'est de l'argent qui vient des Québécois. Arrêtons de faire accroire que l'argent vient du fédéral! Il vient des poches des Québécois par leurs impôts et par leurs taxes. Dieu sait combien on en paie. Dieu sait aussi combien il y en a de gaspillé, parce que dans ce parcours de l'argent qui entre au Québec, qui va virer à Ottawa et qui revient au Québec, il y a une perte de peut-être 25, 30, 40 p. 100 en gaspillage, en incohérence, etc. C'est la première réponse.

Pour ce qui est des représentants à l'étranger, je peux dire que le gouvernement du Québec fait un excellent travail. Il y a déjà quatre ou cinq représentants soit à New York, à Boston, à Tokyo ou ailleurs qui ont été changés parce qu'il est tout à fait normal qu'un gouvernement qui a une vision des affaires, une vision de sa politique soit représenté par des gens qui correspondent à sa vision. Comment voulez-vous que le Parti libéral ne change pas ses représentants, s'ils ne correspondent pas à la vision du Parti libéral du Canada? Le Parti québécois le fait, il le fait très bien, il le fait rapidement et je n'ai rien à y redire.

En ce qui concerne l'ex-président de la Saint-Jean-Baptiste de Montréal, je le connais personnellement. Je peux vous dire que c'est un homme extraordinairement intelligent. Il a une vision beaucoup plus large que le député de la Gaspésie vient de mentionner, une vision beaucoup plus large qu'il ne le croit. Si c'est dans cet esprit étroit qu'il juge les gens, je pense qu'il n'a même pas raison d'être député en cette Chambre. Il y a un manque de respect flagrant pour cette personne qui s'est dévouée corps et âme pour protéger la langue française au Québec. Pour lui, ce n'est peut-être pas important, la langue française au Québec, mais pour nous, c'est très important et c'est une langue pour laquelle on a un grand respect et je pense qu'il devrait en avoir autant.

En ce qui concerne la formation, c'est certain que c'est le Québec qui est responsable de la formation. Mais le fédéral s'entête à dépenser des milliards à la formation de la main-d'oeuvre. Il va y avoir un surplus de deux milliards à l'assurance-chômage. Ce fonds, bien sûr, le fédéral va vouloir le garder pour aller au Québec dépenser cet argent-là et ensuite, il va pouvoir se vanter d'avoir rendu service aux Québécois. On sait que c'est dans le désordre que cet argent-là est dépensé. On sait qu'il correspond à une efficacité d'environ 25 p. 100. Je ne dis pas que ce qui est dépensé, c'est complètement nul, mais cela a une efficacité d'à peu près 25 p. 100 en ce qui concerne la formation de la main-d'oeuvre.

Il n'y a pas ou presque pas de formation vraiment adéquate qui corresponde au but visé par cet argent dépensé. Ce sont des sommes énormes! Imaginez-vous si le fédéral laissait cet argent dans les poches des Québécois, ces deux milliards, et qu'il le donnait au ministère de l'Éducation du Québec pour créer des programmes adéquats, plus pointus à l'égard des entreprises qui ont besoin de formation plus ajustée. Non, ce n'est pas ce qui se passe, c'est un gaspillage à 75 p. 100.

Encore lundi, je faisais du bureau dans mon comté de Longueuil et trois personnes qui ont des problèmes au niveau de la formation de la main-d'oeuvre étaient dans mon bureau pour dire qu'ils arrivaient à finir leur secondaire V et qu'on leur coupait leur aide parce qu'on leur a dit: «Vous n'y avez plus droit maintenant. C'est fini.»

(1530)

C'est de la folie furieuse, cette histoire-là. J'aime autant ne pas en parler, ça me fatigue, parce que chaque semaine, on a des problèmes avec ce système et ça fait longtemps qu'on revendique, au Québec, le rapatriement de la formation de la main-d'oeuvre. C'est une nécessité, il y a unanimité au Québec. Tout le monde, au Québec, que ce soient les gens d'affaires, les syndicats, le ministère de l'Éducation, le gouvernement libéral d'alors, le Parti québécois et le gouvernement actuel revendiquent cela. La Commission Bélanger-Campeau l'a aussi revendiqué et le fédéral s'entête et il n'y a rien à faire.

[Traduction]

Le Président: Le député d'Okanagan-Centre aura la parole dans un instant. J'informe les députés qu'après son intervention, les discours seront d'une durée de dix minutes puisque nous avons dépassé cinq heures de débat.

Cependant, le député d'Okanagan-Centre dispose d'une période complète de 20 minutes.


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M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-57.

Cette mesure appuie les conclusions du dernier cycle des négociations du GATT menant à un accord qui doit servir de structure dans laquelle le Canada et les autres pays du monde libre pourront prospérer et s'assurer un fondement économique solide au moment d'entrer dans le XXIe siècle.

Pour le Canada, qui dépend beaucoup du commerce, le GATT représente l'engagement du monde à l'égard d'un système international solide. Le GATT prouve que le monde a le courage de collaborer, qu'il n'a pas à se dissimuler derrière des mesures de destruction ou de protection, et qu'il peut trouver un mécanisme de règlement des différends qui fasse l'objet d'un accord, non seulement en théorie mais aussi en pratique.

Le GATT a établi l'Organisation mondiale du commerce, institution solide, efficace et permanente qui surveillera la politique mondiale du commerce et réglera les différends entre les pays sur une base multilatérale.

Le GATT a renforcé les règles commerciales sur les subventions et les droits compensateurs. Le GATT a obtenu l'engagement des 120 pays membres à réduire ou éliminer les tarifs ou autres barrières commerciales. Le GATT est multilatéral et 131 partenaires de 21 pays ont signé les accords. C'est un progrès. C'est la prospérité.

Cependant, le GATT fait une autre chose succincte, claire et retentissante. Il souligne qu'il est plus facile pour le Canada de commercer avec d'autres pays qu'il ne l'est pour des Canadiens de commercer avec d'autres Canadiens. Alors que le monde ouvre des débouchés, le gouvernement fédéral et les provinces n'arrivent pas à faire le moindre pas vers une réalisation comparable au Canada.

On insiste en disant qu'un emploi sur cinq dépend du commerce international et que 30 p. 100 du PIB du Canada résulte du commerce international. Mais qu'en est-il des quatre emplois qui dépendent du commerce intérieur et de la part de 70 p. 100 du PIB qui dépend encore d'un climat financier et monétaire sain à l'intérieur de nos propres frontières?

Pas besoin de chercher loin pour savoir que l'industrie du textile trouve plus de soutien au GATT qu'au Canada même. L'industrie canadienne du textile est sur le point de bénéficier d'un accès élargi aux marchés d'importants partenaires commerciaux développés dont l'Union européenne et le Japon. Cette industrie a lutté pour obtenir cela et elle l'a obtenu, mais pas ici, au Canada.

La même chose est vraie de onze autres secteurs, du bois à l'acier en passant par l'agriculture. Partout dans le monde, mais pas au Canada. Cela doit changer.

Le GATT fait plus qu'inviter le Canada a faire davantage de commerce sur la scène mondiale, il lui ouvre les portes du succès en éliminant les obstacles au commerce intérieur. À l'instar du GATT, nous devons reconnaître qu'il faut mettre sur pied un organisme central fort, comme l'Organisation mondiale du commerce, pour avoir un programme bien structuré.

Il nous faut au Canada un gouvernement central fort capable d'amener les provinces à conclure entre elles une entente multilatérale profitable à toutes comme le GATT. Il importe de reconnaître que le succès du Canada aux négociations du GATT est attribuable dans une large mesure au programme que prônaient les industries.

(1535)

Les industries savent ce qu'il faut pour accroître la production et pour créer des emplois. Le gouvernement fédéral doit les écouter, comme le monde l'a fait, car le dynamisme et la confiance des industries convaincront les provinces d'accroître leur commerce entre elles.

Comme le GATT, nous devons trouver un dénominateur commun. Nous devons stimuler l'expansion du commerce intérieur pour que notre système commercial ne fonctionne pas uniquement pour le bénéfice de quelques puissants. Nous devons créer un climat où toutes les provinces peuvent s'affirmer comme partenaires égaux et où chacune a accès à l'ensemble du marché canadien sans craindre de devoir faire des compromis coûteux et contre-productifs.

Le ministre de l'Industrie a déclaré à maintes reprises que nous devions assurer la prospérité du Canada, que les barrières au commerce sont une question économique et que nous devons libéraliser le commerce à l'intérieur des frontières canadiennes. Le ministre dit que nous faisons des progrès dans ce sens, mais je ne suis pas d'accord. Il ne semble pas y avoir beaucoup de gens qui voient le caractère urgent de cette affaire. Autrement, le gouvernement fédéral et les provinces feraient davantage d'efforts pour essayer d'en arriver à une entente.

L'accord du GATT devrait donner aux Canadiens la confiance nécessaire pour en arriver à une entente commerciale provisoire et leur faire comprendre qu'il est plus avantageux d'être moins et non plus protectionnistes à l'égard de nos marchés intérieurs. L'industrie le sait, mais le gouvernement est lent à réagir. L'industrie est impatiente de développer un marché vigoureux dans notre pays, mais elle est forcée de se tourner de plus en plus vers l'extérieur. Pourquoi? Parce que les provinces sont devenues tellement absorbées par leurs propres objectifs politiques qu'elles en ont oublié l'objectif initial.

Nous n'agissons pas comme un pays. Nous agissons comme des voisins jaloux qui ne cherchent qu'à protéger leurs propres intérêts sans se rendre compte que, en agissant ainsi, nous n'exploitons pas nos possibilités au maximum et limitons les marchés auxquels nous pourrions avoir accès. Le commerce intérieur est une question d'unité économique. Sans cette unité économique, au lieu de progresser, nous pataugeons dans des questions comme la souveraineté qui ne font que détourner notre attention.

Pendant que nous nous attardons à ces batailles secondaires, le reste du monde profite du marché mondial. Pendant que nous nous querellons sur des questions d'organisation et d'administration, nous ne pensons pas à établir une stratégie. Nous ne nous présentons pas au monde comme l'équipe Canada, mais bien comme douze petits pays distincts.


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L'ironie dans tout cela c'est que, pendant que nous nous acharnons à rester séparés, nous devons tous porter le fardeau des Canadiens à qui nous ne donnons pas la chance de réussir. Il est triste de constater que nous nous définissons en tant que Canadiens par nos échecs plus que par nos succès.

Nous avons échoué sur le plan du commerce intérieur. Les Canadiens ne sont pas bons dans ce domaine et, trop souvent, cette attitude se reflète dans notre façon de commercer avec le reste du monde. Le commerce international représente 30 p. 100 de notre PIB et ne touche qu'une centaine de sociétés. L'industrie pourrait accroître ses échanges et profiter des débouchés sur le marché mondial, si nos gouvernements établissaient un climat sûr et favorable au commerce.

Nous devons nous demander si le Canada peut profiter des occasions offertes par ce cycle du GATT. Sommes-nous en mesure d'offrir un marché mondial? Pouvons-nous survivre sur le marché mondial et y participer pleinement sans unir nos efforts? Est-il possible de trouver une façon de collaborer pour que les questions de souveraineté ne nous nuisent pas aux yeux du monde financier? Pouvons-nous nous payer le luxe de mener nos batailles culturelles, si nous n'établissons pas au préalable une bonne base économique? Avons-nous la possibilité de profiter pleinement des débouchés commerciaux qui s'offrent, si nous insistons pour être la somme de nos parties, plutôt qu'un tout?

D'aucuns prétendent que la nouvelle ère de mondialisation des échanges rend tout à fait inutile les barrières commerciales internes. D'après eux, l'industrie fera bientôt du lobbyisme à Genève, et non à Ottawa. Ils affirment également que, d'ici peu, les États délégueront graduellement leur souveraineté à des organisations commerciales mondiales. Cependant, c'est faire fi du fait que 70 p. 100 de notre PIB et 80 p. 100 de nos emplois dépendent de nos échanges intérieurs. Ce sera peut-être la situation de l'avenir, mais nous ne survivrons pas dans le futur, si nous ne pouvons le faire dans le présent.

Il faut que le gouvernement fédéral poursuive le démantèlement des barrières internes avec la même vigueur dont il a fait preuve dans le cadre des négociations du GATT. Il doit le faire pour s'assurer que les Canadiens travaillent mieux ensemble et pour améliorer les débouchés sur notre propre marché interne. S'il n'en fait rien, il sera alors coupable de négligence à la fois envers les Canadiens et à l'égard de l'unité du pays. Il est vrai que les gens divisés sont plus susceptibles d'échouer, mais nous avons tous les éléments nécessaires à une véritable union économique. Il est temps de faire en sorte que cela s'impose. Nous ne pouvons partir de l'hypothèse que nous sommes loin d'un échec. Il n'en est rien.

(1540)

Il faut libéraliser les échanges au Canada même. Nous avons besoin d'un accord qui reflétera les leçons utiles que nous avons tirées du GATT. Il s'agit de mettre l'accent sur la coopération pour créer des emplois et équilibrer le budget. Nous devons mettre de côté le programme politique pour poursuivre plutôt un programme favorable à l'industrie qui donnera à toutes les régions du pays des chances égales de réussite. Il faut comprendre que les barrières commerciales sont une question d'économie, et non de protectionnisme culturel. On ne doit pas se contenter de poser des jalons. Nous devons surmonter les barrières et profiter d'un marché commercial interne qui peut être rentable. Il faut réussir autant au Canada qu'à l'étranger.

Si 141 partenaires dans 21 pays ont trouvé une façon d'y parvenir, 13 partenaires dans un pays peuvent sûrement faire de même.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, au nom du Bloc québécois, j'interviens en cette Chambre aujourd'hui dans le cadre du débat portant sur le projet de loi C-57. Cette initiative gouvernementale, présentée par le ministre du Commerce international, concerne la mise en oeuvre de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce.

Ce projet de loi vise donc, principalement, à assurer la concordance des lois canadiennes actuelles avec cet accord, lequel fut signé par 117 pays membres du GATT, à Marrakech, le 15 avril dernier. Cette entente met un terme aux négociations de l'Uruguay Round, entreprises il y a plus de sept ans maintenant. Le projet de loi C-57 vient consacrer la pleine participation du Canada à l'Organisation mondiale du commerce, organisme qui remplacera le GATT à compter de janvier prochain.

Je ne surprendrai personne en affirmant que le Bloc québécois accorde son appui à la conclusion d'un tel accord et au projet de loi présenté par le gouvernement. Comme tous le savent, le Québec a toujours manifesté une très grande ouverture sur le monde. Depuis de nombreuses années, les différents gouvernements qui se sont succédés à Québec ont entretenu et continuent de maintenir des liens économiques, scientifiques et culturels avec plusieurs pays. Depuis longtemps déjà, le Québec s'est mis à l'écoute du village global. Il est donc normal que les députés du Bloc québécois soient libre-échangistes.

D'ailleurs, à l'élection fédérale de 1988, je n'ai pas besoin de rappeler en cette Chambre que ce sont les Québécois qui ont davantage supporté l'Accord de libre-échange. Plus récemment, on se souviendra tous également que les Québécois ont accueilli avec maturité et confiance l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, et qu'ils sont encore actuellement ceux qui, à travers le Canada, appuient le plus vigoureusement les mesures libre-échangistes.

Par contre, il y a quelques années à peine, nos collègues libéraux, à l'époque sur les banquettes de l'opposition, avaient engagé le combat de leur vie, soit celui de s'opposer à l'accord de libre-échange. Plus récemment, lors de la dernière élection fédérale, le livre rouge stipulait, et je cite: «Les deux accords de libre-échange sont très imparfaits», en parlant de l'Accord de libre-échange canado-américain et de l'ALENA. «Un gouvernement libéral les renégociera», disait-on. Le programme libéral allait même jusqu'à évoquer la résiliation des accords commerciaux si les modifications proposées n'étaient pas adoptées.

Nous sommes heureux de constater, aujourd'hui, que nos collègues aient été rattrapés par le réalisme économique et qu'ils soient devenus de fervents défenseurs de la libéralisation des échanges commerciaux. Toutefois, dans leur entreprise d'abandon de leurs promesses électorales, nous prévenons le gouvernement libéral que nous, du Bloc québécois, insisterons pour qu'il respecte son engagement de venir en aide aux entreprises, aux


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travailleurs et aux travailleuses affectés par les traités commerciaux.

(1545)

Le livre rouge est limpide à ce sujet, et je cite: «Dans le cadre de la libéralisation des échanges commerciaux, les pouvoirs publics doivent aider à la reconversion des travailleurs et des entreprises. Pour que la restructuration de l'économie canadienne trouve grâce aux yeux de la population, cet effort financier doit se faire.»

Il est impérieux et urgent que le gouvernement fédéral assume sa responsabilité concernant la réinsertion et l'intégration des travailleurs et des entreprises touchés par les ajustements nécessaires à la transformation de notre économie. Certains secteurs industriels seront particulièrement affectés par la compétition internationale et le gouvernement libéral doit respecter ses promesses pour que le Québec et le Canada prennent le virage de l'innovation et de l'excellence.

Nous savons cependant que dans l'ensemble, la libéralisation des échanges stimule la croissance économique et qu'ainsi, les gagnants de l'accord seront plus nombreux que les perdants. L'augmentation des exportations et des importations pourrait se traduire, selon l'OCDE, par des gains potentiels estimés à 270 milliards de dollars américains, dont six ou sept milliards de dollars pour le Canada. Évidemment, encore faut-il que les Québécois et les Canadiens sentent que le gouvernement les appuie et mette en oeuvre des mesures de reconversion industrielle. Ainsi, les entreprises pourront s'adapter aux nouvelles réalités et relever les défis du XXIe siècle.

De plus, nous ne serons pas les seuls à bénéficier de cette plus grande prospérité économique. Les pays les plus pauvres de la planète et les pays en développement pourraient également tirer leur épingle du jeu. De trop nombreuses barrières commerciales se sont montrées discriminatoires, dans le passé, à l'endroit des produits que ces pays sont les plus aptes à produire et à exporter.

L'Institut Nord-Sud soulevait récemment un cas flagrant de contradiction entre nos politiques d'aide et nos barrières commerciales. À titre d'exemple, en vertu de l'Accord multifibres, le Canada impose des barrières aux produits du textile en provenance du Bangladesh. «Si le Canada levait ces restrictions, le gain net pour le Bangladesh équivaudrait à 370 millions de dollars, soit près de trois fois le niveau de notre aide intergouvernementale.»

Il est possible d'évoquer de nombreux autres exemples de protectionnisme qui visent de manière disproportionnée les produits du Tiers-Monde. Nous n'avons qu'à penser aux actions anti-dumping, aux subventions sur les exportations de produits ou encore aux augmentations de tarifs douaniers. Voilà des mesures prises qui ont considérablement affecté les pays pauvres et auxquelles les gouvernements ne pourront plus recourir en vertu du nouvel accord.

Les mesures adoptées dans le cadre de l'Uruguay Round devraient augmenter le revenu net des pays en développement d'environ 70 milliards de dollars américains par an, ce qui équivaut à une augmentation de 3 p. 100 de leurs recettes d'exportation. Cette somme est supérieure à l'aide actuelle qu'ils reçoivent d'autres pays. Toutefois, comme le rappelait récemment l'OCDE et la Banque mondiale, il semblerait que la région la plus pauvre de la planète, l'Afrique subsaharienne, sortira perdante suite à la signature de ces accords. Le Canada et les autres pays signataires devront redoubler leurs efforts, afin de s'assurer que cette région du globe puisse bénéficier aussi de l'enrichissement planétaire.

De plus, il faudra surveiller, au cours des prochaines années, comment se répartira la richesse créée à l'intérieur des pays en développement. À l'exception de notre aide humanitaire, on a trop souvent remarqué que l'aide canadienne se retrouvait en bout de ligne à avantager soit nos propres entreprises locales, soit des régimes politiques dictatoriaux, soit ceux et celles qui étaient déjà les plus fortunés dans ces pays, soit à financer l'achat d'armement militaire ou paramilitaire.

La mondialisation des échanges, pour irréversible qu'elle apparaisse, ne signifie pas pour autant qu'elle doive servir aux seuls pays du Nord. Les pratiques commerciales envers les pays en développement doivent être redéfinies.

(1550)

La nouvelle Organisation mondiale du commerce qui vient d'être créée devra se pencher, nous l'espérons, sur des questions qui touchent non seulement la restructuration des économies riches, mais aussi sur la répartition de la richesse et une meilleure justice sociale et économique.

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, en ma qualité d'agriculteur de l'Ouest, c'est pour moi un privilège d'avoir l'occasion aujourd'hui de parler du projet de loi C-57. Comme on l'a déjà fait remarquer, par ce projet de loi, le Canada donne suite à l'engagement qu'il avait pris de participer à la mise sur pied de l'Organisation mondiale du commerce. Je suis heureux d'appuyer ce projet de loi.

Pour les céréaliculteurs qui ont connu de nombreuses années de prix avilis par la guerre des subventions entre la Communauté économique européenne et les États-Unis, la fin de l'Uruguay Round, au printemps dernier, après plus de sept ans de négociations qui ont semblé interminables, a été accueillie avec autant de joie que la première pluie printanière.

Bien que nous reconnaissions tous que cet accord ne constituait qu'une autre étape vers la libéralisation des règlements sur le commerce international, et pas la fin du processus, nous ne devons pas oublier que c'est tout de même une étape fort importante pour le Canada et les autres pays signataires. Comme je l'ai dit, nos producteurs de céréales sont particulièrement heureux de cette étape, car elle nous rapproche un peu du retour à une certaine logique dans le domaine du commerce international du grain.

Il est particulièrement encourageant de voir que l'Organisation mondiale du commerce succédera au GATT. Pour la première fois, malgré des efforts considérables de lobbying de la part des agriculteurs européens, les négociations du GATT ont porté sur l'agriculture. Le mécanisme de règlement des différends et le processus d'appel offrent aux agriculteurs canadiens une lueur d'espoir attendue depuis longtemps. Voilà le bon côté de la médaille. Est-ce que ce projet de loi propose suffisamment de mesures pour éliminer les inefficacités qui sont à l'origine de tant de distorsions commerciales dans le secteur agricole?


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Ma fille aînée a eu 16 ans aujourd'hui. Je me demande ce que sera son avenir et celui des autres éventuels agriculteurs. Si elle choisit de rester dans le domaine agricole et si nos programmes ne sont pas restructurés, ma fille, comme les autres agriculteurs canadiens, pourra-t-elle survivre au cours du XXIe siècle?

Même si elle représente une excellente première étape, l'Uruguay Round n'a fait qu'effleurer une partie des subventions injustes que nos agriculteurs doivent affronter sur le marché international. Le projet de loi C-57 modifie 31 lois en vue de la mise en oeuvre de l'Accord du GATT, mais il ne respecte pas l'esprit et la lettre du GATT, c'est-à-dire l'élimination des politiques de distortion commerciale mises de l'avant par des gouvernements qui n'ont cessé d'intervenir sur le marché pendant des décennies et des décennies.

Et que fait le gouvernement par ce projet de loi? Au lieu de restructurer complètement les programmes agricoles pour créer une industrie vraiment compétitive à l'échelle internationale, le gouvernement fait le strict minimum pour se conformer aux exigences du GATT. Il examine les programmes autorisés par le GATT, mais il n'en tient pas compte, même s'il accentue ainsi la distorsion au sein de notre marché intérieur. Il voit, par exemple, la Loi sur le transport du grain de l'Ouest qui n'est pas acceptable aux yeux du GATT et cherche un subterfuge pour retoucher cette loi tout juste assez pour la rendre moins inacceptable sur le marché international.

Le Canada a été doté de quelques-unes de plus belles terres agricoles au monde. La combinaison de divers facteurs, dont la brièveté de la saison de végétation et la longue distance qui sépare nos céréaliculteurs des marchés éventuels, fait que ceux-ci se trouvent assujettis à des conditions particulières qui influencent leurs décisions quant aux produits à cultiver, à la quantité de produits à cultiver et à la destination à donner à ces produits.

La Commission canadienne du blé a été créée en 1935 pour assurer un certain équilibre, ainsi que l'équité des prix et des parts des secteurs d'exportation au profit de l'ensemble des céréaliculteurs de l'Ouest. Vu le volume de ses achats, ce quasi-monopole a abouti à un système en proie à la dépendance et à la distorsion.

Ces jours-ci, la Commission canadienne du blé semble s'apprêter à outrepasser largement son traditionnel mandat d'office central de commercialisation au service des agriculteurs canadiens. Tout comme la Société canadienne des postes fait concurrence aux services privés de messageries, voilà que la Commission canadienne du blé entre directement en compétition avec des sociétés spécialisées dans le commerce du grain.

Certes, la CCB a peut-être joué un rôle essentiel à la survie des céréaliculteurs canadiens au moment de sa création, mais les temps ont bien changé. Alors que le GATT réduit les subventions à l'agriculture dans les autres pays, nous ne saurions tolérer des lacunes dans notre système de commercialisation et de transport, si nous voulons réussir au niveau international.

(1555)

Tout le monde est au courant de la nouvelle. Des agriculteurs-entrepreneurs des zones frontalières ne peuvent actuellement pas transporter par camion leur grain sur une courte distance vers le Sud. Ils doivent donc vendre leur grain d'exportation à la CCB qui le chargera probablement dans un train de marchandises pour l'expédier vers un port canadien situé à des milliers de milles.

Environ 90 p. 100 du grain produit par les agriculteurs canadiens va à l'exportation. Nous devons rester compétitifs au niveau international, si nous tenons à conserver notre part de marché. Or, nous sommes désavantagés. Sur le plan intérieur, les subventions au transport du grain ont eu un effet de distorsion sur nos coûts de production et de transport, tandis que les subventions à la production abondent sur le plan international.

Ces dernières années, les céréaliculteurs canadiens ont été mêlés à une guerre de subventions entre les États-Unis et la Communauté européenne. Ces pays ont investi des milliards de dollars pour se disputer mutuellement leurs parts de marché, mais ils ne sont parvenus qu'à faire baisser les prix internationaux du grain à des niveaux jamais vus depuis la dépression.

Le Canada dépense des milliards de dollars pour aider les producteurs de grains et d'oléagineux, mais cela n'a pas empêché des milliers de producteurs de grains de faire faillite. Pourtant, en plus des milliards de dollars que le gouvernement affecte directement aux programmes de stabilisation et d'assurance pour les agriculteurs, il verse plus de 700 millions de dollars par année sous forme de subventions aux sociétés ferroviaires, aux termes de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

En vertu de la LTGO, le gouvernement fédéral verse aux sociétés ferroviaires une subvention annuelle correspondant à un dollar la tonne pour payer le transport de grains admissibles des points d'expédition dans les Prairies jusqu'à Thunder Bay, Churchill, Vancouver et Prince Rupert. Par suite de l'analyse du GATT de nos subventions au transport, Thunder Bay n'est pas assujettie aux sanctions du GATT, mais les ports de l'Ouest et Churchill le sont.

Déjà, de précieux wagons sont retenus pour ramener le grain de Thunder Bay seulement pour qu'ils soient admissibles aux subventions. Est-ce logique? Le ministre de l'Agriculture actuel a déclaré qu'il ne pourra peut-être pas mettre un terme à cette pratique ridicule avant l'été prochain.

Comme le GATT a jugé que seuls les paiements versés en vertu de la LTGO pour le transport de grains jusqu'à la côte ouest et jusqu'à Churchill étaient des subventions à l'exportation, nous devrons donc réduire considérablement les expéditions de grains et d'oléagineux acheminées par ces ports au cours des prochaines années. Outre la réduction de volume, une partie du tonnage devra aussi faire l'objet d'une estimation selon le tarif de transport complet.

Il s'agit là d'une autre distorsion dans notre secteur du transport agricole. On sera fort tenté d'acheminer les grains par Thunder Bay, même si les marchés ont changé et si les pays du Pacifique représentent désormais une part croissante de notre marché céréalier. Pourtant, c'est dans les ports de la côte ouest que les volumes seront plafonnés. Même si une partie du grain acheminé à Thunder Bay est destinée à l'exportation, le GATT considère que les paiements versés aux termes de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest dans de tels cas font partie du programme de soutien au marché intérieur et que l'application de


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sanctions par le GATT ou de mesures compensatoires par d'autres pays n'est donc pas justifiée.

Étant donné que deux des ports visés sont situés en Colombie-Britannique, je me demande dans quelle mesure cet article de l'accord est juste. Les habitants de la Colombie-Britannique ont rejeté en masse l'Accord de Charlottetown, parce qu'il conférait un statut spécial à certains citoyens et à certaines provinces. Pourtant, nous avons ici un autre cas où le centre du pays jouit d'un statut spécial.

Les États signataires du GATT se sont engagés à réduire, d'ici 2000 ou 2001, la valeur réelle de leurs niveaux de subventions à l'exportation d'au moins 36 p. 100, et leur volume de 21 p. 100, par rapport aux niveaux moyens enregistrés entre 1986 et 1990.

L'objectif de 36 p. 100 ne parvient pas à éliminer les principales subventions accordées à nos concurrents. La réduction des subventions à l'exportation est plutôt calculée en fonction des niveaux moyens de soutien au plus fort de la guerre des subventions entre les États-Unis et la CEE. À l'époque, les subventions à certaines exportations de grain provenant d'Europe représentaient au moins le double du prix du produit. Même si on les réduit de 36 p. 100, ces subventions sont quand même supérieures au coût du grain. Ce n'est pas ce que j'appelle des règles du jeu équitables pour les agriculteurs canadiens.

Nous ne pouvons nous permettre de modifier nos programmes de subventions dans l'espoir qu'ils soient conformes aux futurs accords du GATT. Nous devons agir dès aujourd'hui pour éliminer les obstacles à l'intérieur de notre système qui nous empêchent de rendre la manutention et le transport du grain plus efficaces. Nous devons agir dès maintenant pour fournir aux agriculteurs les renseignements et les outils dont ils ont besoin pour prendre de bonnes décisions de gestion en ce qui concerne le prix réel du marché et les frais de transport.

Si on leur en laisse la chance, les agriculteurs canadiens peuvent soutenir la concurrence sur le marché international, mais nous devons aller beaucoup plus loin que ne le fait le projet de loi, qui ne vise qu'à modifier nos programmes pour répondre aux attentes de la communauté internationale. À mesure que les subventions diminueront, nous devrons restructurer tous nos programmes pour éviter les distorsions internes qui pourraient se glisser dans le processus décisionnel national.

(1600)

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, il nous faut tous aujourd'hui regarder autour de nous et nous rendre compte que les accords dont il est ici question découlent de la mondialisation des marchés.

On a dit aujourd'hui que les agriculteurs demandent que les règles soient les mêmes pour tous et que cela redonne confiance au secteur industriel et aux Canadiens. On a dit que la gestion de l'approvisionnement tire à sa fin, mais que les gens auraient le temps de se faire à cette nouvelle situation.

Un député du Bloc a parlé d'une grande crainte et d'une haine des Américains qui essaient de détruire notre culture et de nous assimiler. Je tiens à dire aujourd'hui que la séparation me semble une bonne façon d'être assimilé, surtout si l'on songe que les États-Unis seront le partenaire commercial. Lorsqu'on commence à commercer avec les Américains, c'est en anglais que cela se passe, et les jeunes Québécois parleront davantage anglais que français.

Il est extrêmement paradoxal qu'on arrive à supprimer des barrières commerciales entre les pays, alors qu'il en reste tellement ici, entre les provinces. Conformément au système actuel, le marché canadien est terriblement fragmenté par suite des barrières commerciales provinciales, ce qui nuit non seulement à notre compétitivité au plan international, mais encore à notre prospérité collective ici, au Canada. Les obstacles provinciaux à la libéralisation des échanges à l'intérieur du Canada nous coûtent quelque 6,5 milliards de dollars par année, ce qui est absolument inacceptable. Cela revient à $ 1 000 par famille environ.

Le gouvernement, qui exerce d'énormes pressions en faveur de la libéralisation des échanges au plan international et qui présente ici un projet de loi instituant l'Organisation mondiale du commerce, devrait aussi faire campagne pour supprimer une bonne fois pour toutes les barrières commerciales provinciales. Si l'on pouvait supprimer ces barrières, les entreprises canadiennes seraient plus prospères et elles seraient plus rentables au plan international. Quelle meilleure façon y a-t-il d'améliorer notre position sur les marchés internationaux? Cela est d'autant plus vrai pour les petites et moyennes entreprises qui pâtissent dans le système actuel.

L'époque est à la mondialisation des marchés. On en a beaucoup parlé. Le monde est probablement en train de se diviser en trois grands ensembles: l'Europe y compris l'Europe de l'Est, les Amériques du Nord et du Sud, et la région Pacifique-Asie. Il nous faut participer à ce mouvement et nous rendre compte que le monde est petit au lieu de nous cacher la tête dans le sable en espérant que cela ne soit pas le cas.

J'ai été assez chanceux pour parcourir le pays et entendre les mémoires présentés par des Canadiens. Partout où nous allons, y compris dans des pays étrangers, on nous dit que nous ne sommes pas concurrentiels parce que nous ne sommes pas assez dynamiques, parce que nous n'allons pas au-devant des autres pour vanter notre pays et vendre nos produits.

Nous avons des ministères à vocation commerciale qui font du bon travail. Ils s'efforcent de faire connaître le Canada et de vendre les produits canadiens partout dans le monde. Un organisme comme l'Organisation mondiale du commerce représente de grands avantages pour eux parce que tous y sont sur le même pied et qu'il est une tribune idéale pour faire connaître le Canada et ses produits.

Dans le cadre de mon travail dans le domaine des affaires étrangères, j'ai entendu à maintes reprises parler de l'importance des systèmes multilatéraux réglementés. Il est vrai que l'OMC ne règle pas tous les problèmes qui existent dans le commerce international, mais il constitue un pas de géant dans la bonne direction. Un tel système de commerce multilatéral réglementé protégera les pays comme le Canada de la tendance qu'ont les grandes sociétés commerciales à prendre des mesures unilatérales et améliorera notre position dans les négociations avec les États-Unis. Il est à espérer qu'au cours des prochaines années, le Canada s'affirmera dans le renforcement de ce système multilatéral réglementé en faisant la promotion de l'OMC comme organisme compétent pour régler les questions de recours commerciaux et de mesures antidumping.


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Au Canada, plus d'un emploi sur cinq dépend des exportations. Cela représente plus de deux millions d'emplois. En outre, plus de 30 p. 100 du produit intérieur brut du Canada provient des exportations. Par conséquent, il est vital pour le Canada de faire preuve de dynamisme dans la promotion de ses produits à l'étranger. Si nous devenons des isolationnistes et des protectionnistes, tous les Canadiens y perdront. Par conséquent, il est vital que la Chambre appuie le projet de loi C-57.

(1605)

L'OMC offre aux agriculteurs et aux gens d'affaires canadiens un excellent outil pour accroître leurs ventes à l'étranger. Que nous devions, en retour, ouvrir notre marché aux étrangers ne constitue pas, à mon sens, une menace. Les entreprises canadiennes peuvent se mesurer avantageusement à tous leurs concurrents. Tout ce que nous voulons, c'est un système international juste et ouvert où les règles sont les mêmes pour tous et l'OMC est l'organisme qu'il faut pour nous aider à l'obtenir.

Lorsqu'il entrera en vigueur l'an prochain, cet accord obligera quelque 120 pays à réduire graduellement les obstacles au commerce, ce qui, à la longue, aura pour effet d'accroître considérablement les échanges commerciaux internationaux. Comme nous le savons, toute augmentation des échanges commerciaux internationaux veut dire plus d'exportations pour les entreprises canadiennes et plus d'emplois pour les travailleurs canadiens. Chaque milliard de dollars de nouvelles exportations nous donne plus de 11 000 emplois. Cela veut dire une plus grande prospérité pour les familles canadiennes, et c'est le but que tout gouvernement devrait rechercher.

Nous pourrions continuer et parler de choses comme la culture. Lorsque l'Orchestre symphonique de Montréal ou le Winnipeg Ballet se produisent quelque part, ils font la promotion de notre pays. C'est bon pour le pays et c'est bon pour le commerce. Nous devons cesser d'avoir un complexe d'infériorité. Nous sommes aussi bons ou même meilleurs que les autres, nous pouvons leur faire concurrence et l'OMC nous aidera à cet égard.

Je connais assez bien le secteur du tourisme, qui est un secteur important à l'échelle mondiale. Il y a tant de possibilités pour le Canada dans ce secteur. Il peut être un chef de file. Nous avons le plus beau pays et tout le monde s'entend sur ce point. Pourtant, nous avons à peine commencé à exploiter les possibilités qui s'offrent à nous. Nous devons absolument faire beaucoup plus pour promouvoir notre pays dans nos relations avec le reste du monde.

Le monde ne présente aucune menace pour le Canada. Nous devons nous ouvrir les yeux et commercer avec les autres pays. Cette nouvelle organisation nous aidera dans ce sens et c'est pourquoi j'appuie fortement cette mesure législative. Nous devons toutefois aller plus loin. Nous devons libéraliser nos institutions financières, nos télécommunications, nos normes professionnelles et techniques, nos conditions de délivrance de permis et ainsi de suite. Nous devons également collaborer du point de vue de l'environnement parce que, comme je l'ai dit hier à la Chambre, l'environnement est une question mondiale. Ce n'est pas l'affaire d'un seul pays.

En conclusion, le Canada doit promouvoir énergiquement la libéralisation des échanges commerciaux dans le monde entier. Cela veut dire qu'il faut éliminer les obstacles au commerce interprovincial chez nous et devenir un leader au sein de l'OMC. Je veux exprimer mon appui à l'égard du projet de loi C-57, qui contribuera à amener la prospérité à notre génération et à celle de nos enfants. Je demande donc à tous les députés de la Chambre de se joindre à moi pour appuyer ce projet de loi.

[Français]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote!

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé au comité.)

* * *

[Traduction]

LOI SUR L'OFFICE DES DROITS DE SURFACE DU YUKON

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 21 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-55, Loi établissant un organisme ayant compétence pour statuer sur les différends concernant les droits de surface au Yukon, et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat du projet de loi C-55, Loi sur l'Office des droits de surface du Yukon. Je me joins aux porte-parole du gouvernement qui m'ont précédé avant aujourd'hui, notamment le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, pour exhorter les députés à appuyer le projet de loi. Le temps est venu de conclure le débat en donnant notre appui unanime au projet de loi C-55.

(1610)

Comme les députés l'ont constaté, il s'agit d'une mesure complexe et à caractère technique, et il y a une bonne raison à cela: elle a en effet pour objet de mettre en place un régime global de droits de surface qui s'appliquera partout au Yukon. Cela ne peut pas se faire sans un exposé détaillé des droits, obligations et responsabilités. Le projet de loi C-55 aura cependant des répercussions beaucoup plus importantes que la création d'un nouvel organisme public, aussi important soit-il.

Cette mesure se trouve en fait à proclamer que la croissance économique et la création d'emplois au Yukon deviendront maintenant de véritables priorités. Quand nous venons de circonscriptions urbaines, nous avons souvent tendance à ne pas penser au Yukon ou aux Territoires du Nord-Ouest, tout préoccupés que nous sommes par nos propres activités.

Pendant mon séjour dans l'opposition, il me semblait que j'avais un peu plus de temps pour visiter diverses parties du pays. Durant mon premier mandat de député, j'ai eu la chance de visiter certains coins du Nord canadien. Comme bon nombre de députés le savent, c'est une région du pays dont la plupart des


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Canadiens ne savent pas grand-chose, sauf quand ils consultent la carte géographique. C'est à peu près la seule occasion où nous nous intéressons au Nord. Pendant mon premier mandat ici, notre chef a organisé une réunion du caucus à Iqaluit, dans la région est de l'Arctique. Notre collègue, la députée de Western Arctic, a amené certains d'entre nous à la baie James. Plus tard, au cours de notre mandat dans l'opposition, nous sommes allés dans la région ouest de l'Arctique, où nous avons visité diverses localités.

Tant qu'on n'est pas allé là-bas, on ne peut pas imaginer ce qui s'y passe. Parce que les habitants de ces régions sont loin de nous, nous n'y pensons pas dans notre programme d'action à la Chambre. Leurs problèmes et leurs préoccupations sont tout aussi importants pour eux que le sont pour nous nos préoccupations dans nos localités, que ce soit dans les grandes villes ou dans les régions rurales.

Le projet de loi vise à donner au Yukon les moyens ou l'outil nécessaires pour commencer à générer une partie de sa propre activité économique. Il faut d'abord que les députés le sachent, tout le monde, dans le Nord, appuie le projet de loi. Ce n'est pas comme si cette mesure donnera aux gens du Nord, que ce soient les gouvernements ou les gens d'affaires, les moyens de faire tout ce qu'ils veulent. Il y a deux points particuliers que je tiens à souligner dans notre examen du projet de loi. C'est à propos de l'environnement, et les dispositions pertinentes se trouvent à l'article 47 où il est question de conditions. Je voudrais citer cet article aux fins du compte rendu:

Saisi d'une demande formée par la première nation dont les terres désignées font l'objet d'un droit d'accès prévu à l'article 2 de l'annexe II et qui n'a pu s'entendre avec le ministre fédéral au sujet des conditions supplémentaires. . .
Il y a des conditions. Et voici ce que dit l'article 48:

Sauf accord contraire de la première nation touchée et du ministre fédéral, les conditions supplémentaires ne doivent viser que la réalisation des objectifs suivants:
a) la protection de l'environnement;
b) la protection des ressources fauniques et halieutiques, ainsi que leur habitat;
c) l'atténuation des conflits entre l'exercice du droit d'accès en cause et l'usage traditionnel ou culturel de la terre visée par la première nation ou un Indien du Yukon;
d) la protection de la jouissance paisible des terres servant à des fins résidentielles ou collectives.
(1615)

Ce projet de loi comporte des dispositions très précises pour garantir qu'on tiendra compte des préoccupations environnementales dans le Nord, dont nous nous soucions tous. Toutes les transactions doivent respecter les paramètres fixés par la loi.

J'exprime le voeu que tous les députés appuieront le projet de loi. Même si nous nous préoccupons avant tout de notre propre activité économique, de nos propres villes, n'oublions pas qu'il y a de nombreux Canadiens dans le Nord qui espèrent recevoir, grâce à ce projet de loi, les moyens de développer leur propre activité économique dans toute une série de secteurs, depuis l'exploitation minière jusqu'au tourisme. Ce projet de loi leur assurera la stabilité voulue pour prendre ces décisions.

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, le député de Broadview-Greenwood a abordé bien des questions différentes.

Bien qu'il soit censé fonctionner uniquement au Yukon et qu'il soit composé de deux groupes de représentants désignés par les Indiens du Yukon et le ministre des Affaires indiennes, l'Office des droits de surface sera entièrement financé avec des fonds fédéraux. Cette partie du projet de loi est particulièrement déplorable.

Si nous voulons que l'office jouisse d'une stabilité à long terme et qu'il réponde aux besoins locaux, je crois fermement que son financement doit provenir des groupes qui bénéficient de son existence. J'aimerais savoir ce que le député en pense.

De plus, lorsqu'il est question des localités du Nord, il importe de reconnaître l'existence d'une localité très moderne à Whitehorse, où vit 90 p. 100 de la population du Yukon. Cette ville de 25 000 habitants bénéficie d'un aéroport, de routes et de logements modernes, ainsi que de beaucoup plus d'installations que d'autres localités qui sont de taille comparable ou plus petites, dans ma province, la Colombie-Britannique. Lorsque je suis allé à Whitehorse cet été, j'y ai joué une extraordinaire partie de golf. À mon avis, on ne doit pas considérer ces localités et ces régions comme étant assujetties à des règles tout à fait différentes de celles qui existent dans les localités au sud du 60e parallèle, certainement pas dans le cas du Yukon.

Quelqu'un a aussi dit que toute la population du Yukon appuie ce projet de loi. Comme les députés le savent, ce projet de loi découle de mesures que la Chambre a adoptées plus tôt cette année, soit les projets de loi C-33 et C-34. Le député de Broadview-Greenwood sait pertinemment quelle était la position du Parti réformiste à l'égard de ces projets de loi. Le projet de loi C-55 est une mesure complémentaire nécessaire à la mise en oeuvre des projets de loi C-33 et C-34, ceux-ci ayant toutefois déjà reçu la sanction royale.

Lors de l'étude des projets de loi C-33 et C-34, on nous a aussi dit que ces deux mesures législatives avaient l'appui de toute la population du Yukon. En fait, elles n'avaient pas l'appui de toute la population du Yukon, mais le message qui a filtré à Ottawa, c'est que tout le monde au Yukon les appuyait.

(1620)

Comme les projets de loi C-33 et C-34 ont déjà reçu la sanction royale et que, à l'heure actuelle, nous étudions seulement le projet de loi C-55, la population du Yukon croit qu'il faut passer à autre chose, et le niveau d'appui est donc beaucoup plus élevé. Je suis le premier à le reconnaître en l'occurrence. Je ne peux toutefois pas laisser passer cette remarque tout bonnement sans faire de commentaire à ce sujet.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, je voudrais d'abord dire quelques mots sur les remarques liées à


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l'appui au projet de loi. Je n'ai pas voulu dire que tous étaient favorables au projet de loi. J'estime simplement que les gens y sont, dans l'ensemble, favorables. C'est ce que je voulais dire.

En ce qui concerne le financement de l'organisme par le gouvernement fédéral, le député a dit que cela posait problème pour lui. Ce n'est vraiment pas mon cas. Il arrive que je suis un député qui croit passionnément que le gouvernement du Canada doit s'assurer d'être bien présent dans toutes les régions du pays. En fait, je pense parfois que nous pratiquons trop rapidement la délégation au Canada. Le fait que nous finançons cet organisme nous conférerait sûrement un droit sur lui qui pourrait revêtir une grande importance pour les députés à longue échéance.

Ce qui importe davantage, ce sont les préoccupations d'ordre financier de tous les députés. Le Parti réformiste a fait de l'excellent travail en attirant notre attention sur les efforts visant à dégraisser le plus possible le système. Ce projet de loi porte en fait sur la création d'un cadre qui stimulera vraiment l'activité économique, ce qui se traduira par la transformation de cette collectivité en une unité économique dynamique où il se créera plus d'emplois, où le nombre de contribuables augmentera et où les coûts du système de sécurité sociale seront réduits.

Nous devons examiner toute l'équation économique. Comme nous devons financer certaines activités administratives et les membres de l'office pour stimuler l'économie du Nord, j'estime qu'à long terme ce projet de loi aura pour effet de créer un environnement plus responsable du point de vue financier et plus productif.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-55. Avant de commencer mes observations, je dois aborder quelques points que le député d'en face a soulevés.

Bien sûr, les entreprises du Yukon et du nord de la Colombie-Britannique appuient ce projet de loi. Elles n'ont réellement pas le choix. Ce que fait ce projet de loi, c'est atténuer les effets de mauvaises mesures législatives qui ont été adoptées à la Chambre au printemps dernier. Selon l'industrie minière, l'adoption de ce projet de loi sera la seule façon pour elle de continuer d'exercer ses activités au Yukon. Je dois souligner cela tout de suite et dire que c'est la raison pour laquelle le projet de loi recueille certains appuis. Ce n'est pas parce que les entreprises l'adorent. Elles estiment seulement ne pas avoir le choix.

(1625)

En quoi consiste ce projet de loi? Il s'agit d'une loi établissant un organisme ayant compétence pour statuer sur les différends concernant les droits de surface au Yukon, et modifiant certaines lois en conséquence. On croirait entendre un article de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Ce qu'il signifie en réalité, c'est qu'il y aura un organisme composé d'un président et de dix autres membres, dont au moins deux seront nommés par le ministre des Affaires indiennes. La moitié des membres, à l'exclusion du président, seront nommés sur proposition du Conseil des Indiens du Yukon et l'autre moitié, y compris le président, seront nommés par le ministre. La seule condition, c'est que tous les membres doivent résider au Yukon.

Cette mesure législative a trait aux projets de loi C-33 et C-34. Son adoption s'impose, car elle constitue la dernière étape dans la réalisation complète de l'autonomie gouvernementale du Yukon et dans la mise en oeuvre des projets de loi concernant les derniers accords sur les revendications territoriales qui ont été adoptés précipitamment par le Parlement en juin dernier et qui ont reçu la sanction royale le 7 juillet. Le projet de loi C-55 établira un office des droits de surface du Yukon, un groupe d'arbitrage qu'on juge nécessaire pour mettre en oeuvre les dispositions des projets de loi C-33 et C-34.

Je voudrais parler pendant quelques instants des projets de loi C-33 et C-34 et des accords sur les revendications territoriales qui ont été conclus dans le Nord en général, soit dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Au cours des trois ou quatre dernières années, nous avons conclu quatre accords: l'accord avec les Gwich'in, celui avec les Sahtu, les Dénés et les Métis, au printemps dernier, l'accord du Nunavut et, dernièrement, l'accord sur le règlement des revendications territoriales au Yukon.

Ces accords visent 560 000 kilomètres carrés de terres dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Les quatre revendications terrritoriales vont coûter 1,5 milliard de dollars aux contribuables canadiens. Les programmes autochtones qui existent actuellement au Canada sont garantis à perpétuité en vertu des accords qui ont été conclus. Ces quatre accords touchent 46 932 autochtones, visent une superficie totale de 560 000 kilomètres carrés, superficie qui correspond, en gros, à celle de la France, et vont coûter 1,5 milliard de dollars.

Naturellement, le Parti réformiste s'est opposé et s'oppose encore à ces règlements de revendications territoriales parce que nous estimons qu'ils sont trop généreux. Par ailleurs, ils ne modifient aucunement les obligations permanentes du gouvernement fédéral à l'égard des programmes autochtones. Ces obligations sont là pour toujours. Enfin, la conclusion de ces accords donne lieu à la création d'autres bureaucraties. C'est ce que nous disions en juin. Nous voyons maintenant que cela se concrétise avec l'Office des droits de surface du Yukon.

Nous reconnaissons qu'il faut examiner les règlements des revendications territoriales et que cela fait intervenir des territoires et de l'argent. Je ne pense pas que les Canadiens aient de doutes là-dessus. Cependant, la taille des territoires cédés et l'importance du montant en jeu nous dérangent. À notre avis, c'est beaucoup trop pour le nombre de personnes visées et cela va nuire aux Canadiens dans l'avenir. À l'heure actuelle, cela ne soulève pas de clameur publique parce qu'il n'y a pas beaucoup de non-autochtones dans cette région. Cependant, nous pensons à l'avenir. Nous nous sommes opposés à ces projets de loi parce que nous nous préoccupons des perspectives futures concernant les mines, les forêts et les autres ressources.

Je reviens au projet de loi. Étant donné que la moitié des membres, à l'exception du président, seront nommés sur proposition du Conseil des Indiens du Yukon et que l'autre moitié sera nommée directement par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, il y aura beaucoup de favoritisme.


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(1630)

Tout le monde sait ce qui se passe depuis toujours au Canada chaque fois que nous avons des élections et que les conservateurs succèdent aux libéraux. La prochaine fois, ce sera le tour des réformistes. Quand pareil changement de gouvernement se produit, nous voyons des conseils de port et des offices de transport, enfin toutes sortes d'organismes qui font l'objet de nominations politiques et qui, systématiquement, mystérieusement, du jour au lendemain, renouvellent toute leur composition. Ça a été le cas aux dernières élections, en octobre de l'année dernière.

Ces nominations sont passablement entachées de manoeuvres bassement politiques. Nos amis d'en face auront beau s'empresser de dire que l'esprit de parti ne règnera pas ici, les faits seront là. Telle est la situation.

Nous souhaiterions que des gens d'affaires de l'endroit soumettent une liste de noms au ministre. Celui-ci pourrait s'aider de cette liste pour procéder à des nominations. À tout le moins, cela aurait l'avantage de diminuer le nombre d'occasions ou de cas d'influence politique au sein de cet office. Voilà qui est très important pour l'industrie minière. Il est très important également que le monde croit que l'office sera impartial.

Il est prévu que trois personnes rendent un jugement sur chaque cas soumis à l'arbitrage de l'office. L'une de ces personnes doit être membre du Conseil des Indiens du Yukon, mais il n'est pas obligatoire qu'un des membres de l'office soit issu du milieu des affaires ou du secteur minier.

Cet office pourrait être biaisé et prendre des décisions non fondées sur la bonne représentation, qui devrait d'ailleurs être obligatoire, à notre avis.

Quant aux genres de différends que l'office devra résoudre, la médiation portera, par exemple, sur le droit de passage sur certaines terres. Nous nous préoccupons aussi de ce qui se produira sur les terres désignées non aménagées et de l'usage qui sera fait des terres non désignées. L'office exerce une assez grande influence dans le cas des terres non mentionnées dans les accords sur les revendications territoriales. Nous nous inquiétons à ce sujet, comme l'industrie minière sans doute.

De plus, cet office fait un travail semblable à celui de certains autres organismes déjà en place. À notre avis, il y a là un double emploi évident. Chaque membre de l'office pourra engager des contractuels, par exemple des conseillers, qui seront rémunérés selon un tarif quotidien, tout comme les membres eux-mêmes. Tout cela entraînera donc des coûts pour les contribuables. Toute une panoplie d'experts du MAINC, déjà rémunérés à même les deniers publics, sont bien capables de faire ce travail et n'attendent que cela.

Pourquoi ne pas choisir parmi ces gens qui travaillent déjà pour le gouvernement, au lieu d'engager des contractuels à des coûts supplémentaires pour les contribuables?

En outre, étant donné que le travail de l'office sera rémunéré au tarif quotidien, les délibérations pourraient se prolonger beaucoup plus longtemps que nécessaire, surtout si l'on songe que les membres reçoivent en moyenne de 200 $ à 300 $ par jour.

Nous aimerions voir dans ce projet de loi un certain mécanisme qui obligerait l'office à rendre compte de la durée des délibérations et limiterait ses interventions au minimum.

Des conflits d'intérêts sont également possibles, car on ne tient pas pour acquis que les revendications seront examinées par l'office en entier, mais bien par une formation de trois personnes comprenant au moins un membre dont la nomination a été proposée par le Conseil des Indiens du Yukon. Les deux autres membres sont choisis par le président. Ne pourrait-on pas aboutir à un parti pris flagrant, si tous les membres du comité venaient du Conseil des Indiens du Yukon? Comme je l'ai déjà précisé, il n'y a aucune règle qui l'empêche.

Le gouvernement dit vouloir que les peuples autochtones aient leur mot à dire au sujet des droits de surface et des droits d'exploitation du sous-sol, comme je crois que c'est possible, mais je doute, pour ma part, qu'il veuille vraiment s'assurer que les autochtones du Yukon sont capables de participer au processus décisionnel touchant l'utilisation des terres en question. En effet, le gouvernement ne veut apparemment pas étendre cela aux peuples Champagne et Aishihik dont les territoires traditionnels comprennent la région de Tatshenshini-Alsek, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.

(1635)

Les membres de ces deux peuples vivent principalement au Yukon, mais leurs territoires traditionnels sont dans la région de Tatshenshini-Alsek et ce qui est maintenant le parc Kluane. Ces gens ont perdu des débouchés économiques lorsqu'on a créé, en 1943, le Parc national Kluane sur leurs territoires traditionnels.

Ils risquent maintenant de voir la région de Tatshenshini-Alsek désignée comme un site du patrimoine mondial par les Nations Unies. C'est une proposition qui a été soumise aux Nations Unies et qui a reçu l'appui du gouvernement de la Colombie-Britannique et du gouvernement fédéral. Selon nos sources, on va se prononcer sur cette proposition le 14 décembre prochain. Si elle est adoptée par les Nations Unies, on va empiéter alors sur la souveraineté du Canada et l'empêcher à jamais de prendre des décisions touchant ces terres.

J'ai récemment mis la main sur une lettre écrite par le chef Paul Berkel qui représente les premières nations Champagne-Aishihik. Il a écrit au premier ministre de la Colombie-Britannique pour exprimer ses préoccupations, sa déception et son exaspération parce que la province avait décidé d'aller de l'avant et de transformer cette région en parc provincial sans consulter les peuples Champagne-Aishihik.

Or, voilà que le gouvernement fédéral se mêle de cette affaire en acceptant d'appuyer la Colombie-Britannique dans sa démarche pour faire désigner cette région comme un site du patrimoine


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mondial. J'aimerais lire un passage de la lettre que le chef Berkel a écrite au premier ministre Harcourt:

Je demande donc que vous retiriez l'appui de votre gouvernement à la désignation de la région du parc naturel de Tatshenshini-Alsek, en Colombie-Britannique, comme site du patrimoine mondial, tant que la question des droits autochtones, des titres et des intérêts des premières nations de Champagne et Aishihik n'aura pas été réglée à notre satisfaction mutuelle. Cette région a été désignée parc provincial de catégorie A en juin 1993, sans que les premières nations aient été consultées. C'est un manquement à la responsabilité du gouvernement et du Canada envers les premières nations. J'en appelle donc à vous afin que vous retiriez votre appui à la désignation de cette région traditionnelle du nord de la Colombie-Britannique comme site du patrimoine mondial.
J'estime que ces gens devraient avoir une possibilité égale à celle qu'a le Conseil des Indiens du Yukon dans le territoire du Yukon, de participer aux décisions relatives à l'utilisation des terres du nord de la Colombie-Britannique. De toute évidence, ce ne semble pas être le cas. J'exhorte les députés de l'autre côté de la Chambre à persuader le ministre du Patrimoine canadien et le premier ministre de renoncer à ce stade à faire de la région de Tatshenshini un site du patrimoine mondial. Il est clair que personne n'appuie cette décision.

Pour terminer, ce projet de loi est vague quant aux règles et règlements concernant les responsabilités primordiales. Il est fait état des exigences minimales pour le Conseil des Indiens du Yukon, mais non des exigences maximales. L'idée de négociations suffisantes comme condition préalable à la médiation est trompeuse et présente de gros risques sur le plan du favoritisme et de l'inégalité du traitement.

L'idée de verser une indemnité journalière aux membres de l'office et aux personnes qui travaillent pour eux à contrat durant la médiation peut masquer la réalité, à savoir la création d'un autre palier de bureaucratie. À mon avis, c'est toujours le même jeu.

Il n'y a rien qui empêche les membres de faire traîner les efforts de médiation pour gagner plus d'argent. Je suis consterné de constater que ce gouvernement, qui prêche la démocratie, est prêt à laisser le ministre des Affaires indiennes nommer la moitié des membres de l'office sur proposition du Conseil des Indiens du Yukon, mais non sur proposition similaire de l'industrie. Après tout, est-ce que cet office n'est pas censé arbitrer les revendications des autochtones et des non-autochtones? Dans ce cas, pourquoi le monde des affaires n'y serait-il pas représenté équitablement? Pourquoi le monde des affaires n'a-t-il pas été consulté sur ce projet de loi et n'a-t-il pas été autorisé à faire valoir son point de vue avant la mise en application? Comme je l'ai dit plus tôt, il est forcé d'accepter, il n'a pas le choix.

(1640)

Le gouvernement semble enfin prendre conscience du fait qu'il faut faire quelque chose au sujet de la dette nationale. On en entend parler de plus en plus, particulièrement de la part du ministre des Finances, mais pas encore de tout le monde, devrais-je dire. Donc, puisque cet office rajoute un nouveau niveau de bureaucratie à un gouvernement déjà fort lourd, pourquoi ne pas abolir les postes qui se trouvent dédoublés?

C'est ce que le Parti réformiste demande au gouvernement depuis le début, depuis notre élection en octobre dernier. Mettons fin aux dédoublements. Nous ne pouvons pas nous les permettre. Faisons une utilisation responsable de l'argent des contribuables.

Puisque les autochtones du Yukon veulent et ont maintenant obtenu, avec l'imposition de la clôture pour les projets de loi C-33 et C-34, un certain niveau d'autonomie, pourquoi n'aident-ils pas à financer cet office qui représentera principalement leurs intérêts? C'est trop logique pour que le gouvernement puisse le comprendre.

Je voudrais terminer en demandant aux députés qui croient à la justice, à l'honnêteté et à la responsabilité financière de rejeter ce projet de loi qui représente le plus patent exemple de favoritisme et de préjudice racial que les Canadiens aient jamais vu.

Je voudrais rappeler à la Chambre que ces revendications territoriales, ces autonomies et ces offices de médiation où il y a ségrégation raciale constitueront un précédent pour les futures négociations avec les autochtones, et les Canadiens risquent fort d'avoir du mal à les payer.

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui sur cette importante mesure législative, le projet de loi C-55, Loi sur l'Office des droits de surface du Yukon.

Je veux préciser quelque chose, car les propos du député qui a pris la parole avant moi peuvent prêter à confusion. Cette mesure est complémentaire aux projets de loi C-33, Loi sur le règlement des revendications territoriales des premières nations du Yukon, et C-34, Loi sur l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon. Ces deux mesures ont été adoptées au Parlement au cours de la session du printemps, mais n'entreront pas en vigueur tant que le projet de loi C-55 ne sera pas adopté à la Chambre des communes.

En tant que députée représentant le Yukon depuis sept ans et qui s'est déjà engagée à fond dans la défense des revendications territoriales du Yukon, je presse tous les députés d'adopter rapidement le projet de loi C-55 pour faire en sorte que tous les habitants du Yukon, autochtones et non-autochtones, aient les moyens qu'il faut pour progresser, les garanties nécessaires pour faire des affaires ainsi que le respect et la dignité qui ont été conférés aux premières nations du Yukon, qui leur assureront éventuellement l'autosuffisance du territoire du Yukon.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est une mesure administrative établissant un office des droits de surface du Yukon. Cet office s'occupera en fait de régler les différends entre les parties et de garantir l'accès à des terrains miniers sur des terres privées. C'est là un élément important et même essentiel de ce projet de loi. Cet office n'intervient qu'en cas de différend qui ne peut être réglé autrement. Un processus de règlement doit cependant être mis en oeuvre avant que cet office entre en jeu.

Cette mesure législative réglera les différends entre les parties qui détiennent des droits de surface et celles qui détiennent les droits d'exploitation souterraine. Ce rôle est évidemment très important dans une région où l'exploitation minière est un facteur majeur de l'économie. Ce projet de loi traite également de


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l'indemnisation en cas d'expropriations de terres désignées, et de l'indemnisation versée pour les parcelles de terres conservées par le gouvernement à l'intérieur des terres désignées.

On a entendu un certain nombre d'observations sur la composition de l'office. Si je me souviens bien, le député qui a pris la parole avant moi a dit qu'il y aurait de la discrimination raciale dans cet office.

(1645)

Le député réformiste qui a pris la parole avant moi a tout à fait tort. L'office tente de réconcilier et réunir, et non pas diviser les habitants du territoire comme le voudrait, je crois, mon collègue.

L'office, comme de nombreux autres offices régis par la loi sur les revendications territoriales que le Parlement a adoptée le printemps dernier, comprendra des représentants des premières nations.

Dans le cas des lois sur les revendications territoriales et sur l'autonomie gouvernementale, ainsi que du projet de loi dont nous sommes saisis, de nombreux groupes ont été consultés et ont approuvé ces mesures: le Yukon Chamber of Mines, le Klondike Placer Miners Association, l'Association minière du Canada, l'Association canadienne des producteurs pétroliers, l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, le gouvernement territorial du Yukon, tous les partis politiques du territoire du Yukon, le Conseil des Indiens du Yukon et le Conseil tribal des Gwich'in.

Divers représentants des milieux d'affaires, des intérêts privés et les autochtones du Yukon ont également été consultés.

Comme les lois sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales, le projet de loi C-55 reçoit l'appui de nombreux groupes du Yukon qui veulent que nous agissions, qui souhaitent que le Yukon jouisse du respect et de la dignité auxquels il a droit et que nous posions un geste très important non seulement pour le Yukon mais pour le Canada.

Nous voulons démontrer qu'il est possible, au Canada, de respecter les langues, les cultures et les traditions ancestrales de tous les peuples dans les limites d'un territoire et dans le respect de l'unité canadienne.

Au moment même où l'avenir et l'intégrité de ce pays sont remis en question, tous les députés devraient être fiers d'avoir participé à l'étude de ces mesures législatives historiques, dont le projet de loi actuel constitue le troisième volet, et qui permettront d'aplanir les différences, de satisfaire les demandes, de respecter, et j'insiste sur ce dernier mot, toutes ces caractéristiques, et cela à l'intérieur d'un Canada uni. Nous vivons un moment historique.

Je tiens à répondre à une question qui a été soulevée, si je ne me trompe, par le député de Skeena qui a pris la parole avant moi, et qui s'est porté à la défense du chef Paul Birckel, de la bande indienne de Champagne et de Aishihik. J'ajoute que cette bande est nommément désignée dans les lois sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale. Je tiens à dire au député de Skeena que je sais que plusieurs rencontres ont eu lieu entre la bande de Champagne et de Aishihik et le gouvernement de la Colombie-Britannique et que le gouvernement de cette province prend très au sérieux les questions soulevées par la bande de Champagne et de Aishihik.

Où était le député de Skeena lorsque son collègue du Parti réformiste a déclaré à la Chambre, le printemps dernier, que les membres de la bande de Champagne et de Aishihik étaient des fainéants et que les peuples autochtones du Yukon vivaient comme les habitants des mers du Sud, et autres propos semblables? Le député réformiste s'est-il alors porté à la défense du chef Paul Birckel et des membres de cette bande?

Je trouve vraiment ironique que le député prenne la parole aujourd'hui en cette Chambre, soi-disant pour prendre la défense de la bande de Champagne et de Aishihik alors que le printemps dernier, en cette même enceinte, il a voté contre la mesure législative qui permettra aux membres de la bande de Champagne et de Aishihik et d'autres bandes des premières nations du Yukon de devenir davantage autosuffisants et de faire reconnaître leurs droits ancestraux et traditionnels.

Ce genre de double langage n'augure rien de bon pour l'avenir de notre pays. Ce dont il s'agit ici est la façon dont les diverses régions de ce pays cohabitent ensemble en dépit de leurs différences de langues, de cultures et de traditions. Les Nations Unies ont dit que le Canada était l'un des pays où il était le plus agréable de vivre. Certains ici s'inscrivent en faux contre cette affirmation. Ce n'est cependant pas le cas de la majorité d'entre nous.

(1650)

Cette mesure législative, qui est la dernière d'une série portant sur l'autonomie gouvernementale et le règlement des revendications territoriales au Yukon, respecte l'intégrité du Canada et fait la promotion d'un Canada uni dans lequel chacun a sa place.

On a exprimé certaines réserves à l'égard de ce projet de loi. Le député de Skeena, comme je le disais plus tôt, semble y voir certains préjugés. Cela illustre les différences profondes qui existent entre la philosophie du Nouveau Parti démocratique et celle du Parti réformiste. Les néo-démocrates estiment qu'il est de leur devoir, en tant que députés élus à cette Chambre, de représenter non seulement leur circonscription, mais aussi l'ensemble du Canada, et de rapprocher les citoyens au lieu de chercher à les diviser.

Si nous voulons propulser notre pays dans le XXIe siècle, notre responsabilité en tant que législateurs pendant cette période cruciale est de trouver des façons de rapprocher les provinces, les territoires et les différents groupes qui constituent ce pays. Je trouve extrêmement choquant qu'il y ait dans cette Chambre des gens ayant l'objectif inverse.

Le consensus qui s'est formé au Yukon autour de cette mesure législative et des projets de loi connexes, à savoir le C-33 et le C-34, prouve qu'il est possible de réaliser des choses formidables dans ce pays. Cela ne se fait pas tout seul. Les négociations ont duré 21 ans. Il y a eu beaucoup de modifications. De nombreuses personnes représentant tous les secteurs de la collectivité ont pris part au processus. Certaines ne sont malheureusement plus de ce monde.


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L'adoption de cette mesure législative avec l'appui de cette Chambre est un grand pas en avant pour le Yukon et, je pense, pour le Canada.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je sais que la députée du Yukon a prononcé un discours vibrant et sincère, et je voudrais lui poser une question. D'après elle, est-il préférable de faire semblant qu'il n'y a pas de problème et de considérer tout ce que la Chambre fait au nom des Indiens, depuis le début de l'histoire écrite, en pensant que la situation que connaissent toujours les autochtones au Canada traduit le genre de compassion que la Chambre leur accorde et vaut la peine d'être maintenue, ou peut-être faudrait-il remettre en question les idées et les principes arrogants que professe la Chambre?

Mme McLaughlin: Monsieur le Président, le député pose une question pertinente. Il est vrai que le Parlement n'a pas toujours respecté les peuples des premières nations au Canada et qu'il a légiféré de telle sorte qu'il n'a accordé le droit de vote aux Indiens seulement au cours des années 1960 et qu'il fait une distinction entre les Indiens et les non-Indiens, en définissant le statut des Indiens.

On peut redresser des torts. La mesure législative actuellement à l'étude reconnaît le droit des peuples des premières nations qui n'ont pas subi la défaite, qui n'ont pas fait l'objet d'une conquête, aux terres qu'ils ont occupées bien avant que nos ancêtres, ceux du député et les miens, arrivent au Canada.

Un projet de ce genre rend honneur au Parlement en ce qu'il nous permet d'admettre que de mauvaises décisions ont été prises dans le passé, en raison du contexte culturel de l'époque, et d'envisager un redressement de la situation de manière que les peuples des premières nations en bénéficient et que leurs droits et leurs responsabilités soient non seulement reconnus, mais mis en valeur grâce à ce projet de loi ainsi qu'à d'autres semblables, notamment les lois C-33 et C-34.

(1655)

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais simplement faire quelques observations avant de poser une question à la députée du Yukon.

Je tiens avant tout à préciser que, même si le Parti réformiste et moi nous sommes prononcés contre les mesures législatives qui ont été présentées à la Chambre, cela ne signifie pas que nous sommes contre le règlement des revendications territoriales. Nous sommes contre le genre de règlement proposé aujourd'hui à la Chambre, pour les raisons suivantes: la générosité des accords, la lourdeur de la bureaucratie et l'admissibilité à vie aux programmes existants qui est garantie par ces accords.

Si la députée se préoccupe autant du bien-être des autochtones qu'elle le laisse entendre, elle voudra peut-être se joindre à moi pour aller rencontrer ses amis à Victoria qui ont déclaré la région de Tatshenshini-Alsek parc provincial de catégorie A, même si elle devrait être considérée comme un parc de catégorie internationale. La députée voudra peut-être se joindre à moi pour tenter de convaincre nos amis d'en face que nous serons heureux de retirer notre demande si la région est déclarée site historique de catégorie mondiale.

La députée accepte-t-elle de me seconder dans mes efforts?

Mme McLaughlin: Monsieur le Président, encore une fois, je trouve ironique le fait que le député de Skeena vienne soudainement de découvrir les intérêts des premières nations du Yukon. En tant que représentante du Yukon et de tous les habitants du Yukon, je peux assurer le député que le chef Paul Birckel a très bien su transmettre ses opinions au gouvernement de la Colombie-Britannique, qui lui a d'ailleurs répondu.

Même si je représente la bande indienne Champagne Aishihik à la Chambre, j'ai toujours eu énormément de respect pour le chef Paul Birckel et la bande indienne Champagne Aishihik et j'ai toujours cru qu'ils étaient capables de bien défendre leur cause. Je le répète, cette bande indienne était l'une des quatres bandes visées par la mesure législative dont la Chambre a été saisie au printemps dernier. L'argument du député de Skeena aurait été plus solide s'il avait appuyé la bande indienne Champagne Aishihik à ce moment-là.

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, la semaine dernière, le ministre des Affaires indiennes a fait savoir à la Chambre que le caucus réformiste n'avait jamais appuyé ici un seul projet de loi intéressant les autochtones. La semaine dernière, nous avions déjà appuyé le projet de loi C-36, Loi concernant l'accord de règlement de la première nation crie de Split Lake, dans le nord du Manitoba. Nous l'avons appuyé, vendredi dernier, à l'étape de la troisième lecture.

La députée du Yukon a employé une opinion toute faite à l'endroit de notre caucus alors qu'elle serait la première à se plaindre si quelqu'un d'autre se laissait aller à faire la même chose. Je demanderais à la députée du Yukon de bien vouloir répondre à cela.

Mme McLaughlin: Très brièvement, monsieur le Président, je crois que s'il y a des gens qui ont été ici victimes d'opinions toutes faites, ce sont les membres des premières nations que le député a qualifiés d'«enfants paresseux» et qui sont traités comme les habitants d'une île des mers du Sud. Et je dois dire que je suis extrêmement déçue que le chef du Parti réformiste ait promu ce député à des fonctions importantes.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir, à savoir: le député de Burnaby-Kingsway-Les droits de la personne; le député de Chambly-Les courtiers en douane; le député de Notre-Dame-de-Grâce-VIA Rail; le député de Kindersley-Lloydminster-L'éthique.


7527

[Traduction]

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, je suis honoré d'intervenir sur le projet de loi à l'étude aujourd'hui, mais c'est avec un peu d'hésitation que je prends la parole.

(1700)

En écoutant la députée de Yukon, j'ai enlevé quelques pages à mon discours en pensant que je ne connaissais probablement pas en profondeur les questions d'accords et de règlements des revendications territoriales autochtones. Par contre, j'ai une excellente idée de ce qu'est la division. Je sais également ce que signifie la collaboration.

En tant qu'agriculteur, je dois dire que je n'ai jamais vu une entreprise agricole fonctionner efficacement lorsque les participants commençaient à se diviser et à affirmer leur indépendance. Lorsqu'un père de famille possédait toutes les terres et toute la machinerie, et lorsqu'il dirigeait lui-même les opérations, la famille travaillait habituellement très bien ensemble. Il y avait très peu de conflits internes. Mais lorsque, tout à coup, certains membres estimaient être devenus plus sages que le fondateur de l'exploitation agricole et voulaient diviser pour fonctionner comme de petits États indépendants, les problèmes surgissaient.

Tôt ou tard, le gouverneur, comme je l'appelle, était négligé. La famille formait des comités composés de voisins pour tenter de régler les différends qui étaient apparus. Habituellement, il y avait un conflit et des personnes étaient blessées. Finalement, les membres de la famille ne voulaient plus se voir les uns les autres et certains allaient jusqu'à renier les leurs.

Je m'inquiète beaucoup lorsque l'on commence à régler nos problèmes en créant de petits États séparés. Nous avons beaucoup parlé de la question du Québec et j'ai expliqué très souvent à la Chambre que l'unité ne peut pas résulter de la division. Cela semble contradictoire. C'est un des défauts de ces projets de loi.

J'étais contre les projets de loi C-33 et C-34 pour une raison fort simple. J'ai soumis ces mesure législatives à certains de mes amis autochtones pour qu'ils les analysent. Je leur ai ensuite demandé de me conseiller quant à la façon dont je devrais voter sur ces deux projets de loi. Voici la réaction que j'ai eue d'un de ces autochtones. Il m'a dit que, si les projets de loi C-33 et C-34 étaient adoptés, il perdrait les droits de chasse et de pêche qu'il avait dans ce grand pays qu'est le nôtre et devrait dorénavant s'adresser à chaque nation individuellement pour obtenir ces privilèges. Cela m'a vraiment ouvert les yeux. Comment ce genre de sentiment aujourd'hui peut-il nous aider à régler des problèmes liés à ce qui s'est produit il y a environ un siècle?

L'autre chose que je n'ai pas aimée à propos de ces projets de loi, c'est la façon dont le gouvernement s'y est pris pour les faire adopter à toute vapeur à la Chambre. Lorsqu'on néglige la vraie démocratie, c'est généralement le début des violations des droits de la personne et de la désobéissance civile, ce qui, dans bien des cas, mène à la révolte ou à la révolution. C'est ce qui se passe actuellement dans les pays de l'Est.

Lorsque j'étais en Union soviétique en 1990-1991 et que je regardais les conditions dans lesquelles certaines personnes vivaient là-bas, je me demandais vraiment de quoi nous nous plaignons au Canada. Peu importe où nous vivons dans notre beau pays aujourd'hui, nous n'avons aucune raison de nous plaindre. Nous n'avons pas de gens qui meurent de faim. Nous n'avons pas de gens qui meurent de froid parce qu'ils n'ont rien à se mettre sur le dos. Nous n'avons pas de gens qui s'entretuent pour avoir de la nourriture.

Le gouvernement fédéral actuel dit aujourd'hui qu'il veut traiter tout le monde de façon égale parce que ce même gouvernement a déjà adopté non seulement des lois qui sont censées empêcher la discrimination, mais aussi des lois qui sont garanties par la Charte des droits et libertés. Quand je vois que nous créons maintenant des nations séparées et que ces lois qui fonctionnent si bien ne seront pas applicables, je me demande dans quoi nous nous embarquons.

(1705)

Quand je vois ce projet de loi qui crée un organisme dont la moitié des membres seront nommés par les Indiens du Yukon et l'autre moitié par le gouvernement fédéral, je me demande pourquoi. Je possède une propriété et il existe toutes sortes de lois qui protègent mes droits dans le cas où des sociétés minières ou des sociétés de forage pétrolier voudraient avoir accès à mon terrain. Si je suis mécontent de la décision que ces lois m'imposent, j'ai parfaitement le droit de recourir à la Cour suprême du Canada si je le désire. Je dois cependant payer les coûts qui sont associés à ce recours. Voilà un élément dissuasif qui me paraît très efficace pour éviter bon nombre de différends que nous aurions probablement autrement.

Il me semble que cet organisme aura le pouvoir de prendre des décisions. Si les autochtones estiment que la décision n'est pas juste, ils peuvent en appeler auprès des tribunaux du Yukon. Et s'ils estiment que le jugement leur est défavorable, que se passe-t-il alors? Vont-ils s'adresser à la Cour suprême du Canada? Sont-ce les autorités de police autochtones ou les autorités de police canadiennes qui feront respecter la loi? C'est une chose qui me dérange vraiment, car je suis convaincu qu'il y aura des différents dont le règlement paraîtra inacceptable aux deux parties, et il faudra alors qu'on fasse respecter la loi.

J'écoutais le député de Churchill l'autre jour quand il disait: «Mes semblables ont affirmé leur volonté de vivre en paix et de jouir des territoires et de leurs ressources pour le bien des générations à venir.» Quel rapport cela peut-il avoir avec le règlement de ces revendications territoriales ou avec la constitution de nations indépendantes? «Nous voulons vivre les uns avec les autres, nous voulons coopérer, mais nous voulons nous séparer.» Voilà, à mon avis, le meilleur moyen de courir au désastre.

Quand j'essaie d'analyser ces mesures législatives à la lumière de mon expérience dans d'autres situations, je trouve que nous exposons les générations à venir à une série interminable de conflits. Étant donné les conditions dans lesquelles ces organismes sont constitués, il me paraît impossible que nous réussis-


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sions un jour à les abolir. Nous aurons continuellement des difficultés à mettre en valeur ces vastes territoires.

On nous accuse souvent, nous, du Parti réformiste, de ne pas être généreux envers autrui. Pour ma part, je donnerais volontiers la moitié de mes ressources à la prochaine génération plutôt que de voir plus tard mes enfants ou mes petits-enfants se disputer entre eux et se faire imposer des règlements.

C'est ce que nous observons aujourd'hui dans l'ex-Yougoslavie. Ses composantes ont décidé soudain qu'elles pouvaient vivre mieux en tant que petites nations séparées. Il faut que des pays étrangers interviennent pour essayer de régler leurs conflits.

(1710)

Je ne pourrais jamais reposer en paix si j'étais mêlé à des accords qui, ultérieurement, pourraient donner lieu au recours à la force militaire ou à ce que je décrirais comme un autre type d'activité illégale.

Dans les années 40, juste après les difficiles années 30, les blancs et les autochtones de notre localité mettaient leurs biens et leurs aliments en commun parce que tout le monde était dans la misère. Si nous en revenions là, je ne crois pas qu'il serait question de ces énormes règlements de revendications territoriales.

Je trouve inquiétant que nous versions de 8 à 10 milliards de dollars chaque année à nos frères autochtones et que nous n'en recevions aucune reconnaissance.

Mme McLaughlin: Nous avons des soeurs.

M. Hoeppner: Des soeurs, des frères, peu importe. Je suis porté à croire que le gouvernement n'a jamais pu imprimer de billets. L'argent du gouvernement vient des contribuables, de contribuables qui travaillent et partagent avec les autres. Si de 8 à 10 milliards, ce n'est pas du partage, je me demande combien il faudrait avant que nous ne parlions de partage.

En ce moment, avec l'attitude de partage que notre gouvernement a adoptée, nous sommes endettés de 550 milliards de dollars, et il faudra bien qu'un jour, les enfants autochtones ou mes enfants remboursent. Comment ils y arriveront, je l'ignore, mais je voudrais que la députée du Yukon me propose des idées, car je lui donnerais mon appui pour n'importe quel type de solution permettant de résoudre le problème sans que nous fassions payer les autres.

Lorsque la crise financière frappe un pays, elle occasionne une foule d'autres problèmes. Il faut prendre conscience que, avec tous ces règlements, nous devons être justes avec les générations présentes si nous voulons l'être avec les générations futures. Nous allons les forcer à payer des choses que nous n'étions pas prêts à payer nous-mêmes.

Je conclus en disant que la Chambre doit prendre une décision qui ne sera pas avantageuse seulement pour nous dans l'immédiat, mais aussi pour les générations à venir.

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, le député a fait allusion à «des lois qui ont si bien fonctionné au fil des ans». Je me demande s'il parlait des lois en vertu desquelles on a créé des pensionnats ou des lois qui ont eu pour résultat que des enfants autochtones ont été enlevés à leurs parents. Faisait-il allusion aux lois qui ont empêché les autochtones de voter? Parlait-il des lois qui ont enlevé aux autochtones qui se sont battus pour leur pays ou sont devenus médecins ou avocats le droit d'être désignés comme Indiens inscrits?

On sait que le Parti réformiste a appuyé l'ALE et l'ALENA, ce qui était une erreur à mon avis. Je voudrais donc savoir si, en tant que membre de ce parti, le député, qui s'oppose tellement à ce projet de loi et à son mécanisme de règlement des différends, jugerait bon également de supprimer le mécanisme de règlement des différends que prévoient ces deux accords.

M. Hoeppner: Monsieur le Président, j'ai la ferme conviction qu'il existe des lois et des règlements qui ont injustement traité nos frères et soeurs autochtones. Cela me rend très triste d'avoir vécu assez longtemps pour être témoin de pareils abus.

(1715)

J'estime toutefois qu'avec les réformes législatives qui ont été effectuées ces choses-là risquent moins de se reproduire maintenant.

Je voudrais également rappeler à la députée du Yukon que les blancs n'ont pas toujours été là. J'ai lu quelque part dans un livre d'histoire que les peuples autochtones avaient aussi des problèmes quand ils se gouvernaient eux-mêmes. Ils avaient le droit à l'époque de vivre très pacifiquement. Ils avaient le droit de vivre sans crever de faim. En lisant les livres d'histoire, on constate que c'est arrivé quand même.

Je ne les blâme pas pour cela, mais nous devons nous rendre compte qu'ils ont eu des problèmes avant. Nous avons tiré des enseignements de ces difficultés et j'estime que nous sommes devenus plus sages. C'est ce qui est arrivé dans les années 30 et 40 où ces premières nations ont été victimes de beaucoup d'injustices. Cela m'attriste beaucoup.

J'estime aussi que si nous adoptons des lois et prenons des engagements que nous devrons respecter avec l'argent des générations futures, nous nous exposons à de graves difficultés et nous risquons d'aggraver davantage la situation financière actuelle du pays.

Mme McLaughlin: Monsieur le Président, je voudrais simplement poser la question suivante au député. Ce dernier est contre ce projet de loi, qui prévoit un mécanisme de règlement des différends. N'est-il pas d'avis aussi que l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis devrait être abrogé parce qu'il comprend un mécanisme de règlement des différends?

M. Hoeppner: Monsieur le Président, si nous avions un seul gouvernement et les mêmes lois, nous n'aurions pas besoin d'un mécanisme de règlement des différends. Au lieu de cela, nous créons d'autres paliers de gouvernement, d'autres lois, et nous


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imposons d'autres mécanismes de règlement des différends à la société.

Si nous ne formions qu'un seul pays avec les États-Unis, nous n'aurions même pas besoin des lois commerciales. C'est un très bon exemple. Si nous formions une seule collectivité nord-américaine, nombre de ces problèmes ne verraient jamais le jour. Mais comme nous sommes des pays différents, nous nous battons pour chaque droit. C'est tout naturel.

C'est pourquoi j'ai essayé d'expliquer que si un père laisse son fils s'engager dans d'autres activités, cela entraîne généralement des difficultés. C'est ce que j'ai voulu souligner. La division est contraire à l'unité, et vice versa.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi. Je pense ne prendre personne par surprise, car il est bien évident, après avoir appuyé les projets de loi C-33 et C-34 sur l'autonomie gouvernementale dans le Yukon et sur les revendications territoriales, qu'on va appuyer le projet de loi C-55 présentement à l'étude.

Je m'en voudrais d'en venir, comme la plupart des gens le font, au coeur du débat immédiatement. J'ai une façon de traiter les dossiers autochtones qui me semble assez particulière. J'imagine que je n'ai pas réinventer la roue, sauf qu'il me paraît important d'aller rencontrer les gens qui sont aux prises avec des injustices de longue date.

Je me suis rendu au Yukon et je m'en voudrais, comme je vous le disais, de ne pas vous expliquer un peu l'attitude et l'atmosphère qui règnent au Yukon suite, entre autres, à l'adoption des deux projets de loi d'avant la session actuelle et leur anticipation de l'adoption du projet de loi à l'étude.

C'était la première fois que j'allais au Yukon. J'avais amené ma jeune fille de 13 ans qui découvrait l'ouest et le nord-ouest du pays. Nous avons tous les deux été ébahis devant la beauté du paysage, surpris de voir comment des gens ont pu s'y installer bien avant notre arrivée et partager un aussi beau paysage. Entre autres, le fleuve Yukon est d'une extraordinaire beauté. Au moment où j'y suis allé, pendant l'été, même les glaciers fondaient et ça donnait une couleur d'un bleu que je n'ai jamais vu dans nos rivières ici au Québec. C'était quelque chose de fort intéressant de voir la beauté du paysage comme tel et la beauté de l'atmosphère de vie qui règne au Yukon.

(1720)

Entre autres, j'avais lu, dans plusieurs bouquins, la ruée vers l'or du Klondike et aujourd'hui, ça s'appelle Dawson City et j'ai eu l'occasion de m'y rendre et de voir comment, dans un si beau paysage, les entreprises minières ont pu détruire un peu le paysage comme tel, en faisant une exploitation éhontée, souvent, de richesses qui sont là et de richesses, soit dit en passant, qui n'ont pas nécessairement profité aux Premières nations.

Mais, ce que j'ai découvert aussi, ce sont d'autres choses, comme le soleil qui se couche à minuit. Nous n'avons pas cela ici et là-bas, on l'avait. Les autochtones m'ont emmené sur une montagne qui s'appelle The Dome où j'ai pu assister, à 23 h 30, à un coucher de soleil. Je vous avoue que ça m'a vraiment impressionné et j'ai été touché par ce geste.

Ce que j'ai découvert au-delà de cela, aussi, c'est la force d'accueil, la force de bienvenue de ces gens-là. C'est là qu'on voit la grande capacité des autochtones canadiens et des autochtones de la planète à souvent parler de partage. Ce sont des gens qui n'estiment pas avoir été conquis. Ils estiment avoir été les premiers occupants et ils considèrent que l'arrivée des Européens, à l'époque, pour eux, était tout simplement une possibilité de partager leur territoire et de partager leurs richesses.

Malheureusement, ce qui s'est passé, c'est que fort probablement, ne cachons pas les mots, avec la cupidité des Européens, ce qu'on s'est trouvé à faire, à l'époque, c'est une espèce de contrat social où on a dit à ces gens: «Écoutez, on s'occupe complètement de vous, on va s'accaparer de 95 p. 100 de vos richesses, on va vous cantonner dans des réserves et on va payer pour vous autres.» Cela a occasionné beaucoup de problèmes, je vais y revenir tout à l'heure, mais disons qu'au départ, on constate qu'il y a eu une injustice flagrante et qu'on est en train de la corriger, ici, dans le Yukon, minimalement.

On a commencé à le faire avec les deux projets de loi que je vous citais tout à l'heure, mais aussi avec le projet de loi C-55, qui viendra, finalement, opérationnaliser les deux premier projets de loi qui, pour l'instant, attendent l'adoption du projet de loi C-55 qui est devant nous. Comme je vous dis, cela rend opérationnel les deux autres projets de loi et ça rend aussi justice à ces gens.

Effectivement, les gens ont constaté à travers des décennies et je dirais même des centenaires qu'il y avait injustice. Les autochtones se rendaient compte qu'il y avait injustice et, il y a de cela 21 ans, ils ont initié un processus de négociation qui les a conduits aux adoptions des projets de loi qu'on a eus avant la session actuelle, et à l'adoption du projet de loi C-55 qui est devant nous, qui va, comme je vous l'ai dit, je vous le répète, opérationnaliser les deux premiers projets de loi.

Je pense qu'il est important de s'arrêter quelques minutes sur les deux premiers projets de loi. L'autonomie gouvernementale, qu'est-ce que c'est au juste? Beaucoup de gens cherchent une définition à cela. Est-ce que c'est important d'arriver à une définition exacte, à la ligne, qui peut se différencier d'une personne à l'autre? Moi, je me suis référé au dictionnaire, et autonomie veut dire indépendance, gouvernementale, je n'ai pas besoin de le dire, c'est l'importance d'une indépendance politique pour diriger sa propre destinée.

On a plusieurs exemples, actuellement, de la non-performance de la Loi sur les Indiens. Je pense qu'on n'a pas besoin de faire des grands discours. On peut voir que du côté du développement socio-économique, c'est probablement la classe de gens la plus dépourvue au Canada. Du côté de la santé, ce matin, j'ai été l'hôte du Comité de la santé et on se penche sur la santé des autocthones. On constate qu'il y a là d'énormes problèmes, d'énormes problèmes de santé, d'énormes problèmes sociaux.

On constate tout simplement que le contrat social qui existait à l'époque, c'est-à-dire la prise en charge et la prise de leurs richesses, ne peut plus s'appliquer, n'aurait jamais dû s'appliquer, et on est en voie de corriger la situation. La volonté des autochtones existe-t-elle? Moi, je pense que oui. Il y a une volonté des autochtones à se prendre en main, on va s'en tenir au Yukon pour l'instant, mais je constate que c'est pas mal partout pareil au Canada. Les autochtones se rendent compte eux-mê-


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mes que la période où le gouvernement doit payer pour eux et les entretenir dans un climat paternaliste, à leur propre condition, dans leur propre schème de valeur, que ce n'est plus efficace.

Je pense que là-dessus, au Yukon comme ailleurs, les autochtones se rendent compte que la solution à leurs problèmes est l'autonomie gouvernementale.

(1725)

Donc, la volonté des autochtones à se prendre véritablement en main est là. Ce que je ressens de la part du gouvernement canadien, c'est sa volonté de se retirer de la Loi sur les Indiens. Je pense que le ministre l'a annoncé aussi. C'est sûr que cela ne se fait pas du jour au lendemain. Des projets-pilotes sont en cours, entre autres, au Manitoba, en ce qui concerne la possibilité que les Premières nations se retirent de la Loi sur les Indiens.

Les recherches de solutions entourant l'autonomie gouvernementale sont une partie du règlement du problème de se retirer de la Loi sur les Indiens afin que le gouvernement puisse procéder au démantèlement le plus rapidement possible. À cet égard, le ministre et le gouvernement ont fait part de leur intention de mettre fin à la tutelle sur les Indiens. Le Bloc québécois va suivre cela de près. Le gouvernement s'est suffisamment engagé pour dire qu'il fallait y mettre fin. Maintenant, on va veiller, nous, en tant qu'opposition officielle, à ce que ce soit fait correctement.

Il faut que ce soit fait dans le respect des cultures. De notre côté, nous avons à l'origine une culture européenne. Les autochtones étaient les premiers arrivants. Comment fait-on pour qu'il y ait un heureux mariage entre tout cela? Justement, le processus de négociation de notre autonomie gouvernementale nous conduit à cela. Il nous conduit à dire: «Que peut-on dévoluer à ces gens comme autonomie, comme créneaux d'activités, comme lois?» Ce sont des choses qui leur permettront de vivre de façon compatible avec nous, qui peuvent s'appliquer de façon compatible à nos lois.

À mon avis, le type d'entente qui est devant nous permet, justement, d'en arriver à trouver une espèce de zone d'entente qui leur permette de se détacher de la Loi sur les Indiens, de se prendre en main et de vivre en complète compatibilité avec nos lois. Il est très important pour eux aussi de se prendre en main, parce que l'application du système de santé, si on prend cet exemple, n'est pas la même pour eux que pour nous. Leur approche est beaucoup plus holistique. Ils ont beaucoup plus de cercles de guérison, c'est beaucoup plus grégaire que l'approche curative que nous avons, nous, actuellement dans la société canadienne.

C'est la même chose pour la justice. On constate que souvent, dans des communautés très isolées, ils appliquent leur propre justice. Ce sont des cercles de guérison qui prennent en main le jeune délinquant ou la personne qui a un peu de difficulté à s'adapter. Ils corrigent eux-mêmes les problèmes auxquels ils sont confrontés. On ne se rend même pas compte que quand on arrive avec notre façon à nous de voir ces faits, souvent, elle ne s'adapte pas et souvent le problème est amplifié.

Tout cela pour vous dire que, du côté de l'autonomie gouvernementale, le projet de loi était là. Il est important qu'il soit là. Maintenant, il va aussi être important de le mettre en oeuvre.

Maintenant, comment fonctionne-t-on? Le député qui m'a précédé disait: «On donne 8 milliards de dollars par année.» Ce n'est pas tout à fait 8 milliards, je pense que c'est plus aux alentours de 6 milliards. Mais si on veut que cela cesse, il faut leur permettre de se prendre en main.

Donc, il nous faut des assises territoriales suffisamment grandes, où il y a suffisamment de ressources pour dire: «Les millions de dollars qu'on vous donnait dans les domaines de l'éducation, de la santé, etc., maintenant, vous allez vous prendre en main. Nous, on veut se retirer de façon continue de notre financement. Pour cette raison, on va vous permettre soit de taxer ou soit de retirer des royautés de l'ensemble des territoires que vous occupez.» Je pense que c'est aussi une solution qui a fait qu'on consacre des assises territoriales du côté du Yukon qui vont leur permettre de développer leur propre territoire afin de compenser pour le manque à gagner qu'ils subiront de notre part.

Il y a aussi des compensations de l'ordre de 242 millions qui permettront à ces gens de prendre leurs décisions maintenant. Ce ne sera plus Ottawa, ce ne seront plus des fonctionnaires fédéraux qui diront: «Là, on a des programmes et on va essayer de les appliquer chez vous.» Ce sont eux qui vont créer leurs propres programmes, et je pense que c'est digne de mention.

Naturellement, il faut avoir confiance en ces gens. J'ai confiance en eux, parce que je les ai vus agir. J'ai vu le sérieux qu'ils mettent à se prendre en main, et je pense qu'il faut tout simplement reconnaître que les autochtones seront beaucoup mieux placés que des fonctionnaires à Ottawa pour appliquer les programmes, et il faut leur faire confiance.

Le Québec est bien placé pour essayer de donner un coup de main de ce côté. Si je regarde la Convention de la Baie James, la motion adoptée à l'Assemblée nationale, le Québec peut s'enorgueillir d'être à l'avant-garde du côté de la dévolution des pouvoirs aux nations autochtones. Selon moi, la Convention de la Baie James est un modèle. Elle est d'ailleurs un modèle dont s'inspirent beaucoup de conventions, actuellement, et beaucoup d'ententes sur l'autonomie gouvernementale s'inspirent, selon moi, de ce modèle québécois.

(1730)

Je vous rappelle que ce modèle-là a été entièrement financé par le gouvernement du Québec. Donc, la prise en charge et le rapport entre les autochtones et le gouvernement du Québec sont de plus en plus proches. On a une concrétisation de ce que j'avance en voyant de quelle façon le gouvernement actuel à Québec est en train d'essayer de gérer la cogestion avec les autochtones. Des négociations importantes et fort judicieuses se poursuivent à cet effet.

Avant que je passe sur la composition et les articles du projet de loi C-55, il y a des choses qui finissent par me peiner. Je ne voudrais pas sembler trop critique pour mes amis du Parti réformiste, mais on doit quand même constater que du côté des autochtones, les immigrants sont des gens qui, à mon point de vue, n'ont pas une approche très correcte vis-à-vis des autochtones. Je veux bien donner le bénéfice du doute et dire qu'il y a des implications monétaires, il y a des implications financières, des implications territoriales qu'il faut regarder, d'ailleurs on le fait en comité et ici même, mais au départ on sait qu'il n'y a pas ce respect pour cette prise en charge des autochtones. Il n'y a pas non plus ce respect de la capacité des autochtones de le faire.


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J'ai soulevé des allocutions de certains députés, entre autres celui d'Okanagan-Shuswap qui mentionne que, selon lui, «aucun groupe autochtone ne devrait se voir accorder des droits à l'autonomie gouvernementale supérieurs à ceux des gouvernements municipaux». Je m'excuse, mais ce sont les premiers arrivants ici. Ce sont plus que des gouvernements municipaux.

D'ailleurs dans notre guide parlementaire, nous du Bloc québécois considérons que ces gens ont droit à l'autonomie gouvernementale. Ce sont des nations, comme on a une nation du Québec, une nation anglo-saxonne, une nation acadienne, on a aussi des nations autochtones, et c'est important de le souligner.

Le député qui m'a précédé parlait de ses droits de pêche et de chasse dont il avait peur. On peut tous dire aussi que l'arrivée des Européens ici a bouleversé leurs droits de chasse et de pêche, à eux aussi. Dire que maintenant en revoyant les règles du jeu je ne pourrai plus aller chasser, je ne pourrai plus aller pêcher au Yukon, je peux lui dire que c'est prendre les choses par le mauvais bout. Moi-même y ayant été, j'invite mon confrère à y aller aussi.

On m'a emmené pêcher. Cela ne m'a pas empêché, sur les territoires autochtones, d'être très bien reçu. On aurait bien pu me dire que c'était des ressources autochtones et qu'on ne pouvait pas m'inviter. Au contraire. Comme les siècles nous l'ont démontré, les autochtones ont le sens du partage, et j'étais heureux d'être invité à aller pêcher là. Je pense que les droits de pêche et de chasse vont être maintenus.

J'ai entendu aussi du Parti réformiste que ce sont des enfants gâtés. J'ai entendu du Parti réformiste qu'on les comparait à des gens sur des îles du Sud. Je vous ai donné quelques statistiques tout à l'heure, quelques avis: c'est faux. Ce ne sont pas des gens en villégiature près du 60e parallèle. Ce ne sont pas des gens en villégiature quand on constate que le taux de chômage est de 50 p. 100. Les gens en villégiature ne se préoccupent pas du taux de chômage, ils sont capables de se payer un voyage dans le Sud.

Beaucoup de ces gens ne sont pas capables de s'en payer autant, et je pense que ce type d'exemple mis de l'avant par le Parti réformiste n'aide pas dans le débat. Je peux constater qu'il peut y avoir des justifications, des argumentations financières, mais des argumentations basées sur un manque de confiance envers les nations autochtones, c'est plus difficile pour moi de l'accepter.

Sur le projet de loi C-55 comme tel, ce qui est intéressant dans ce projet de loi, c'est qu'on crée un office qui va permettre de trancher les différends. Trancher les différends c'est important, parce qu'il y a des choses du côté des trappeurs, des compagnies minières, des compagnies forestières. Ces gens vont certainement être confrontés à certains litiges à un moment donné. Justement, par le projet de loi C-55, on va retrouver une capacité pour ces nations, qui vont former une bonne partie de l'office, de trancher dans ces litiges. C'est beaucoup mieux que ce qu'on voit dans le reste du Canada. Je pense que les échecs ailleurs au Canada ont sûrement inspiré la présentation du projet de loi qui est devant nous.

(1735)

J'ai, entre autres, l'exemple de Split Lake où, même si on a conclu une entente avec une des nations, on constate que dans ce coin du pays, tout le réseau hydrique a été courtcircuité, bouleversé, et ces gens-là n'ont presque pas de moyens de contester sauf par arbitrage. Donc, si on avait un office qui serait beaucoup plus près d'eux, ces gens réussiraient à régler leurs différends plus rapidement.

Je termine en disant que le Bloc québécois va continuer quand même à faire son travail d'analyse en comité. De prime abord, c'est évident que nous sommes favorables au projet de loi C-55, bien qu'on constate que certains passages de la loi doivent être améliorés. On va faire notre travail sérieusement, on va faire notre examen d'appoint sur le projet de loi, on va faire notre programme d'analyse, on va le pousser un peu plus loin en comité. Mais de prime abord, je dois vous avouer que le projet de loi C-55, nous ne pouvons pas, nous du Bloc québécois, faire autrement que l'endosser parce qu'on a fait des discours pour appuyer les gens qui, de génération en génération, ont mis toute leur confiance dans un processus de négociation au Yukon et qui ont vu leur rêve exaucé avant cette session-ci. Et, celui-là, on viendrait dire maintenant qu'on ne le met pas en opération parce qu'on est contre le projet de loi C-55, je pense que ce serait tout à fait incohérent de notre part.

Je finirai en disant que pour ma part et de la part du Bloc québécois, la confiance aux autochtones existe. Il y a des choses qu'on reconnaît aux autochtones, que ce sont les premiers arrivants, et on reconnaît que maintenant il faut faire un pas de plus pour les respecter et faire en sorte qu'ils puissent se prendre en main complètement. Et cela demande une très bonne dose de confiance. Je pense que là-dessus, nous faisons totalement confiance aux autochtones.

Les programmes qui étaient à Ottawa seront beaucoup plus près d'eux si c'est dans leur propre communauté que cela se passe, et j'espère ne plus entendre de commentaires qui vont être négatifs et presque méchants à l'égard des autochtones. Ces gens-là suivent ces débats à la Chambre des communes, et je pense que des fois ils ont une mauvaise idée de la démocratie parlementaire. Ils ont une approche différente qui marche par consensus, mais ce qui habite profondément leur âme et leur coeur, c'est un besoin de respect.

Je suis un de ceux qui respectent le plus ces autochtones au Canada. Je reconnais que beaucoup d'injustices ont été commises à leur égard, et je pense qu'on se doit de les corriger. Les projets de loi qui étaient devant nous corrigeaient ces injustices, et le projet de loi C-55 va venir confirmer enfin l'envol de 14 Premières nations au Yukon. Il y en a quatre qui ont conclu, mais il y en a 10 autres qui sont en voie de négociation. Ils vont s'envoler vers une autonomie gouvernementale. Ils vont s'envoler en prenant soin de leur communauté, parce que je leur fais confiance là-dessus.

On va pouvoir épargner, selon moi, certaines sommes d'argent gouvernementales fédérales en leur permettant d'avoir des assises territoriales qui leur permettent de s'agrandir et de devenir économiquement beaucoup plus indépendants.

Naturellement, étant du Québec et étant très versé dans les questions d'indépendance, je me dois de comprendre tout à fait qu'une Première nation ou que des Premières nations autochtones veulent avoir cette indépendance, et dans ce sens-là, cela nous fait extrêmement plaisir d'appuyer le projet de loi C-55, même si nous allons faire un travail de forme pour faire en sorte que le projet de loi soit bien adapté à la vision qu'on a. Mais sur le fond, l'autonomie gouvernementale dans le Yukon et comme ailleurs est extrêmement importante, et il me fait plaisir de dire aux gens du Yukon qui nous regardent actuellement, aux autoch-


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tones du Yukon, que le Bloc québécois va appuyer le projet de loi C-55.

[Traduction]

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, à mon avis, le député bloquiste de Saint-Jean qui vient de prendre la parole a dépeint des situations qui n'existent tout simplement pas et des conflits là où il n'y en a pas.

À maintes occasions à la Chambre, nous avons discuté d'une autonomie gouvernementale de type municipal. J'en ai aussi parlé publiquement.

(1740)

Nous en avons un excellent exemple avec la bande sechelte en Colombie-Britannique. Cette forme d'autonomie gouvernementale s'est avérée très progressiste pour cette bande. La population veut cela et prospère grâce à ce type d'autonomie gouvernementale.

Dire que cette forme d'autonomie gouvernementale serait inadéquate dans de nombreux autres secteurs n'est absolument pas fondé. Je tiens à ce que cela soit très clair.

En l'occurrence, ce sont les objectifs de la province de Québec qu'on a exposés au reste du Canada. Le Bloc québécois n'est pas l'intendant des ressources fédérales ou de celles des autres provinces. Lorsque le député a parlé de la baie James, il a fait valoir les mérites d'une participation provinciale à 100 p. 100 dans ce domaine. Je vois là une contradiction par rapport à ce dont nous discutons aujourd'hui. Le député pourrait peut-être apporter quelques éclaircissements à cet égard.

[Français]

M. Bachand: Monsieur le Président, je veux dire à mon collègue qui est membre du Comité des affaires autochtones comme moi, que les propos du député d'Okanagan-Shuswap que j'ai rapportés n'ont pas pour but de dire qu'il n'y aucune application possible du côté d'un modèle municipal. Je rapportais tout simplement les paroles du député d'Okanagan-Shuswap qui disait qu'aucun groupe autochtone ne devrait se voir accorder des droits à l'autonomie gouvernementale supérieurs à ceux des gouvernements municipaux.

S'il y a un modèle de gouvernement municipal qui s'applique, et il semble que du côté des Sechelts, cela pourrait être le cas, c'est tant mieux. Mais comparer automatiquement les Premières nations à un gouvernement municipal, je pense que ce n'est pas les mettre au bon niveau. C'est tout simplement cela que je disais. Je ne disais pas que je rejetais le modèle municipal, je rejetais plutôt les termes employés par le député d'Okanagan-Shuswap.

En ce qui a trait à la Baie James, je me dois de réitérer que cela continue, selon moi et mon parti, d'être un modèle. Le gouvernement fédéral n'a pas mis d'argent là-dedans. Cela a été promu directement par le gouvernement du Québec et je ne pense pas non plus que l'on contrôle une espèce d'agenda secret qu'on voudrait cacher au Parti réformiste. Le gouvernement du Québec, on le sait, a des liens étroits avec eux. Ils ont une façon de conduire les dossiers. Nous, ici au fédéral, nous avons une autre façon de conduire les dossiers.

On écoute tous les propos qui sont tenus, on examine l'ensemble des projets de loi. On les étudie au mérite. Quelquefois, on propose des amendements et d'autres fois, on appuie. Il pourra même arriver, parfois, qu'on rejette certains projets de loi. Mais de là à dire qu'on a un agenda caché, je tiens à le rassurer à cet égard. Il n'est pas question pour nous d'agenda caché, mais nous voulons faire notre travail le plus efficacement possible, un travail basé sur une confiance mutuelle avec les autochtones.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais empiéter un peu sur mon temps de parole et demander au député de Saint-Jean, qui n'a pas tari d'éloges sur le règlement résultant, sauf erreur, des projets de loi C-33 et C-34, s'il utiliserait ce modèle pour conclure un règlement territorial avec les Cris du nord du Québec, un règlement comportant exactement les mêmes conditions, la même base territoriale, les mêmes droits de surface et d'exploitation du sous-sol et les mêmes sommes.

[Français]

Le vice-président: Puisque l'honorable député a posé une question avant de commencer son discours, j'accepte que l'honorable député de Saint-Jean y réponde.

(1745)

M. Bachand: Monsieur le Président, je dois vous avouer qu'effectivement, la Baie James est un modèle, mais l'autonomie gouvernementale ne s'applique pas mur à mur, d'Halifax jusqu'à Vancouver. On peut avoir une autonomie gouvernementale avec les Sechelts, une façon de l'appliquer qui respecte leur passé, leurs traditions. On peut avoir une façon de l'appliquer comme on l'a fait avec les Cris, à la Baie James, et on peut avoir une façon de l'appliquer dans le nord du Québec.

Alors, quand il y aura des négociations avec les Inuits du Nord, on verra comment appliquer l'autonomie gouvernementale, on écoutera ce qu'ils auront à dire, ce qu'ils proposent comme négociations et on réagira à ce moment-là. Je voudrais tout simplement dire à mon collègue qu'il n'y a pas une façon uniforme d'appliquer l'autonomie gouvernementale, il n'y a pas un schéma prédéterminé. L'autonomie s'applique selon la tradition et selon le climat de négociation qui existe entre les gouvernements et les Premières nations impliquées.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pourriez-vous me dire de combien de temps je dispose?

Le président suppléant: Le député dispose de 20 minutes, mais le timbre sonnera à 18 heures.

M. McClelland: Les députés du Bloc sont toujours prêts à nous dire quoi faire, comment le faire et avec quel argent, mais quand il s'agit de savoir si c'est ce qu'ils feraient, ils se défilent. C'est vraiment bizarre. Il est pour ainsi dire impossible à la Chambre de leur faire dire ce qu'ils feraient. Je dois féliciter les députés de ce parti de leur habileté à parler de différentes ques-


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tions sans se mouiller. Cela dit, honnêtement, j'espère de tout coeur que les députés du Bloc demeureront des nôtres et que nous continuerons de former un Canada uni. Je l'espère sincèrement.

Je voudrais aussi remercier la députée du Yukon de sa participation à ce débat. Elle nous a apporté un autre point de vue. Comme nous le savons, nous sommes assis, ici, à écouter les discours préparés à l'avance et les opinions de chacun sur différentes questions. Quand une personne parvient à mettre un peu d'émotion dans le débat, cela le rend beaucoup plus intéressant. C'est ce que la députée a réussi à faire en remettant en question les motifs qui animaient certains députés de mon parti, à titre personnel, et mon parti dans son ensemble. Je pense qu'elle a critiqué injustement le rôle que nous jouons ici, au Parlement.

Je demande à tous les Canadiens, y compris aux députés du Bloc, de s'interroger, même un seul instant, pour savoir s'ils ont des raisons d'être fiers de ce qu'ils ont fait à leurs frères et soeurs autochtones. Je me demande si quelqu'un, à la Chambre, pense qu'il vaut la peine de répéter l'expérience.

Lorsqu'un parti siège à la Chambre, il a tout d'abord pour rôle de mettre en doute la sagesse d'un projet de loi présenté par le gouvernement. Ensuite, il a peut-être des leçons à tirer.

Le fait est que ce n'est pas d'hier ou depuis mon élection que je suis sensibilisé à la situation des Indiens dans notre pays. J'habite dans l'ouest du Canada. J'ai grandi et vécu parmi des Indiens, et des Indiens qui vivaient dans des pensionnats fréquentaient la même école que moi. Nous avons joué ensemble. Nous avons eu du plaisir ensemble. Nous avons entretenu des rapports ensemble, que ce soit par mariage ou adoption. Nos rapports avec les Indiens de l'Ouest sont beaucoup plus étroits que ceux qui existent ailleurs au Canada. Dans bien des cas, ces rapports font partie de notre vie quotidienne. Il est absurde de laisser entendre que, parce que notre opinion ne coïncide pas avec un projet de loi gouvernemental ou l'opinion d'un groupe d'intérêt ou d'une personne qui bénéficiera de cette mesure, nous sommes contre les Indiens ou racistes. Nous avons pour fonction, pour rôle et pour obligation de mettre des mesures législatives en doute. C'est ce que nous sommes tous censés faire.

(1750)

Si nous le faisions plus souvent, du côté du gouvernement comme de l'opposition, au lieu de nous borner à saluer automatiquement le drapeau parce qu'il est hissé au mât, le pays ne serait peut-être pas dans cette situation déplorable, écrasé sous le poids d'une dette que nous ne pourrons jamais payer au cours de cette génération, parce que cette génération et la précédente nous ont mis dans le pétrin.

Si nous faisons faillite collectivement à cause de décisions idiotes, sera-t-il important de savoir si ceux qui sont en faillite sont des Indiens ou pas? Cela changera-t-il quelque chose à l'affaire s'il s'agit d'un immigrant en faillite? Si notre pays ne dispose pas des fonds nécessaires pour honorer nos engagements, est-ce que nos origines pèseront dans la balance? Non. Il faut que nous commencions à penser que nos responsabilités s'étendent aux générations futures et ne se limitent pas aux prochaines élections.

Comme je l'ai déjà dit, j'ai reçu une lettre d'un électeur l'autre jour qui disait que ce qui distinguait un homme d'État d'un politicien, c'était que le politicien pensait aux prochaines élections, tandis que l'homme d'État pensait aux prochaines générations. Nous devrions peut-être passer plus de temps à penser aux prochaines générations, moins de temps aux prochaines élections et encore beaucoup moins de temps à essayer de faire valoir des arguments politiques ou de faire de fausses déclarations dans l'espoir de remporter d'autres élections. C'est avilissant et indigne de la Chambre.

Une autre grande question se dégage de ce débat, et cela concerne nos relations avec les Indiens du Canada. En effet, nous devons nous départir d'un ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien omniscient qui prend à lui seul toutes les décisions et confier plutôt le soin de prendre les décisions aux personnes intéressées. Quant à moi, il n'y a rien comme la responsabilité pour susciter l'indépendance et le respect de soi, deux facteurs indispensables du progrès.

Nous ne pouvons pas donner à ces gens de grosses ou même de petites sommes d'argent en leur disant: «Il y en a encore. Ne vous sentez pas obligés d'en faire bon usage et d'en rendre compte. C'est un puits sans fond!» Tout en leur donnant la possibilité de générer des richesses et des revenus, nous devons leur en imputer la responsabilité. Sans cela, nous n'aboutirons à rien.

Avant de faire tout cela, nous devrions trouver le moyen de démanteler le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et de confier les responsabilités à qui de droit, c'est-à-dire aux Indiens eux-mêmes. La pierre angulaire de la réussite est la dignité et la fierté.

Je voudrais maintenant consacrer une ou deux minutes à un autre point pertinent, la notion du wampum à deux rangs. L'hiver dernier, un groupe d'Indiens ont manifesté devant l'édifice de l'Ouest et sur la colline du Parlement. L'hiver dernier à Ottawa était particulièrement froid. Au bout de trois jours environ, j'ai regardé ces gens qui manifestaient debout et tentaient d'attirer l'attention et je me suis dit qu'ils devaient vraiment croire en leur cause pour rester ainsi au froid, au lieu d'engager des gens qui auraient manifesté à leur place, pour vraiment faire eux-mêmes l'effort afin d'attirer l'attention.

Je suis sorti leur parler un moment. J'ai fait connaissance avec certains d'entre eux, dont un en particulier, Stuart Myiow, d'Akwasasne, éditeur d'un petit journal de l'endroit, The Eagle's Cry. Il voulait attirer l'attention des parlementaires parce que, selon lui, nous avions brisé le wampum à deux rangs. Le wampum à deux rangs signifie égaux mais distincts. Il signifie que vous ne pouvez avoir les pieds dans deux canots différents en même temps et que, lorsque certains Indiens adoptent la vie des blancs, ils ne peuvent plus être des Indiens. Comment pourraient-ils être les deux à la fois? Selon Stuart Myiow, cela créait toute une série de problèmes sociaux, de problèmes d'identité et de difficultés dans la planification de l'avenir.


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(1755)

Cela m'amène à m'interroger sur la différence entre les droits collectifs et les droits individuels. Nous avons peut-être grandi en respectant et en valorisant l'initiative personnelle et les droits individuels.

Selon ma propre expérience, même si ce n'est peut-être pas généralisé, bon nombre des bandes indiennes et des Indiens ont entre eux et à l'égard de la société une attitude beaucoup plus collective. Si nous voulons, un jour, combler ce gouffre qui existe, selon moi, et nous tourner vers l'avenir, nous devrons respecter les traditions des Indiens concernant les responsabilités collectives.

Ainsi, comme le député de Saint-Jean l'a dit tout à l'heure, il se peut que le système de justice que nous avons apporté en Amérique du Nord ne convienne pas aux Indiens. Le taux de récidive parmi les Indiens est beaucoup plus élevé que dans la population en général. Je pense que les Indiens du Canada représentent quelque chose comme 5 p. 100 de la population, mais de 25 à 30 p. 100, ou même plus, des personnes incarcérées. Ce sont des chiffres tout à fait disproportionnés. Dans le cas présent, nous devrions donc examiner peut-être des façons non traditionnelles de modifier les habitudes, comme on essaie de le faire actuellement dans l'Ouest grâce aux sueries et à l'établissement des peines par la collectivité.

Si nous sommes certainement contre ce projet de loi, ce n'est pas parce qu'il prévoit un mécanisme de règlement des différends. Il est évident que c'est nécessaire et on suit, dans le cas présent, ce qui se fait en Alberta de toute façon. Nous sommes contre cette mesure, car nous nous opposons aux lois C-33 et C-34 dont elle découle. Nous ne voulons pas créer de problèmes aux Indiens, mais bien trouver de véritables solutions. Nous souhaitons, dans le cadre de ce débat, aborder les véritables questions et parler de la situation actuelle, plutôt que de celle que nous souhaiterions voir.

Nous devons comprendre qu'il y a toutes sortes de groupes qui ont un intérêt dans ce débat, et pas simplement le ministère des Affaires indiennes, les parlementaires, les bandes indiennes ou leurs leaders. Nous ne sommes pas arrivés là par accident, mais bien parce que nous nous sommes complètement trompés dans tout ce que nous avons fait, de l'avis des Indiens, depuis notre arrivée au Canada.

Ce n'est pas en prenant des mesures semblables que nous allons nous sortir de la situation catastrophique dans laquelle nous sommes. Nous avons besoin d'idées nouvelles. Il nous faut une nouvelle vision et, par-dessus tout, il est nécessaire de remettre en question toutes les initiatives et toutes les paroles du gouvernement libéral qui est responsable, au départ, des problèmes actuels.

LA LOI CANADIENNE SUR L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 31 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le vice-président: Comme il est 18 heures, conformément à l'alinéa 45(5)a) du Règlement, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion portant deuxième lecture du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 95)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Althouse
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bakopanos
Barnes
Bellemare
Benoit
Bernier (Beauce)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Breitkreuz (Yellowhead)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast)
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bélair
Caccia
Calder
Catterall
Chamberlain
Chan
Chatters
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Culbert
Cummins
de Jong
DeVillers
Dromisky
Duhamel
Duncan
Dupuy
Eggleton
English
Epp
Finestone
Finlay
Fontana
Forseth
Frazer
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Gerrard
Gilmour
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grey (Beaver River)
Grose
Hanger
Hanrahan
Harb
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Harvard
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jennings
Johnston
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc (Cape/Cap Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacLaren (Etobicoke North)
MacLellan (Cape/Cap Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manning
Marchi
Marleau
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Martin (LaSalle-Émard)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McCormick
McKinnon


7535

McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Mills (Red Deer)
Minna
Murphy
Murray
Nault
O'Brien
O'Reilly
Parrish
Patry
Penson
Peric
Peters
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Ramsay
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Riis
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robinson
Rock
Rompkey
Schmidt
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Scott (Skeena)
Shepherd
Sheridan
Silye
Simmons
Skoke
Solberg
Solomon
Speller
Steckle
Stewart (Northumberland)
Stinson
Strahl
Szabo
Taylor
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Thompson
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Verran
Volpe
Wappel
Wayne
White (Fraser Valley West)
Williams
Wood
Young
Zed-180

CONTRE

Députés
Bachand
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bouchard
Bélisle
Canuel
Caron
Chrétien (Frontenac)
Crête
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
de Savoye
Dubé
Duceppe
Dumas
Gauthier (Roberval)
Godin
Guay
Guimond
Jacob
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Marchand
Mercier
Ménard
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Rocheleau
Sauvageau
St-Laurent
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Venne-44

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bernier (Gaspé)
Brien
Deshaies
Discepola
Fillion
Lefebvre
Loubier
MacAulay
MacDonald
Manley
Ouellet
Peterson
Pillitteri
Tremblay (Rosemont)
Walker

(1825)

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée. Par conséquent, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent de l'environnement et du développement durable.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté le jeudi 27 octobre 1994, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-53, Loi constituant le ministère du Patrimoine canadien et modifiant ou abrogeant certaines lois.

* * *

LOI SUR LE MINISTÈRE DU PATRIMOINE CANADIEN

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 28 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-53, Loi constituant le ministère du Patrimoine canadien et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement et du sous-amendement.

(Le sous-amendement, mis aux voix, est rejeté.)

(Vote no 96)

POUR

Députés
Ablonczy
Althouse
Bachand
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Bouchard
Breitkreuz (Yellowhead)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast)
Bélisle
Canuel
Caron
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
de Jong
de Savoye
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gauthier (Roberval)
Gilmour
Godin
Grey (Beaver River)
Guay
Guimond
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Manning
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McLaughlin
Mercier
Mills (Red Deer)
Ménard
Nunez
Paré
Penson
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Ramsay
Riis
Robinson
Rocheleau
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Solomon
St-Laurent
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Venne
White (Fraser Valley West)
Williams-93


7536

CONTRE

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bakopanos
Barnes
Bellemare
Bernier (Beauce)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bélair
Caccia
Calder
Catterall
Chamberlain
Chan
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Culbert
DeVillers
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Eggleton
English
Finestone
Finlay
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Harb
Harvard
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc (Cape/Cap Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacLaren (Etobicoke North)
MacLellan (Cape/Cap Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
McCormick
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Murphy
Murray
Nault
O'Brien
O'Reilly
Parrish
Patry
Peric
Peters
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Rock
Rompkey
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Speller
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Verran
Volpe
Wappel
Wayne
Wood
Young
Zed-131

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bernier (Gaspé)
Brien
Deshaies
Discepola
Fillion
Lefebvre
Loubier
MacAulay
MacDonald
Manley
Ouellet
Peterson
Pillitteri
Tremblay (Rosemont)
Walker

(1835)

[Français]

Le vice-président: Je déclare le sous-amendement rejeté.

* * *

[Traduction]

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 28 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les allocations spéciales pour enfants et la Loi sur l'assurance-chômage, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté le jeudi 27 octobre 1994, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé sur l'amendement de M. Dumas à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les allocations spéciales pour enfants et la Loi sur l'assurance-chômage.

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Vous constaterez qu'il y a unanimité pour que le résultat du vote sur la motion principale du projet de loi C-56 s'applique à l'inverse au projet de loi C-54. Il est possible qu'un député prenne la parole pour indiquer que les néo-démocrates ne sont pas d'accord, mais cela nous permettrait de gagner du temps.

(1840)

M. Taylor: Monsieur le Président, je prends la parole pour répondre à l'offre du côté gouvernemental en ce qui concerne l'application du vote. Les néo-démocrates, dans ce coin de la Chambre, sont prêts à accepter l'offre, mais nous voudrions que notre vote soit enregistré comme un vote positif, un vote oui, dans ce cas-ci.

Le vice-président: Sous réserve de ces observations, y a-t-il consentement unanime pour procéder ainsi?

Des voix: D'accord.

(L'amendement, mis aux voix, est rejeté.)

7537

(Vote no 97)

POUR

Députés
Althouse
Bachand
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Bouchard
Bélisle
Canuel
Caron
Chrétien (Frontenac)
Crête
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
de Jong
de Savoye
Dubé
Duceppe
Dumas
Gauthier (Roberval)
Godin
Guay
Guimond
Jacob
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Marchand
McLaughlin
Mercier
Ménard
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Riis
Robinson
Rocheleau
Sauvageau
Solomon
St-Laurent
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Venne-52

CONTRE

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bakopanos
Barnes
Bellemare
Benoit
Bernier (Beauce)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Breitkreuz (Yellowhead)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast)
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bélair
Caccia
Calder
Catterall
Chamberlain
Chan
Chatters
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Culbert
Cummins
DeVillers
Dromisky
Duhamel
Duncan
Dupuy
Eggleton
English
Epp
Finestone
Finlay
Fontana
Forseth
Frazer
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Gerrard
Gilmour
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grey (Beaver River)
Grose
Hanger
Hanrahan
Harb
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Harvard
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jennings
Johnston
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc (Cape/Cap Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacLaren (Etobicoke North)
MacLellan (Cape/Cap Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manning
Marchi
Marleau
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Martin (LaSalle-Émard)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McCormick
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Mills (Red Deer)
Minna
Murphy
Murray
Nault
O'Brien
O'Reilly
Parrish
Patry
Penson
Peric
Peters
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Ramsay
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Rock
Rompkey
Schmidt
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Scott (Skeena)
Shepherd
Sheridan
Silye
Simmons
Skoke
Solberg
Speller
Steckle
Stewart (Northumberland)
Stinson
Strahl
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Thompson
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Verran
Volpe
Wappel
Wayne
White (Fraser Valley West)
Williams
Wood
Young
Zed-172

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bernier (Gaspé)
Brien
Deshaies
Discepola
Fillion
Lefebvre
Loubier
MacAulay
MacDonald
Manley
Ouellet
Peterson
Pillitteri
Tremblay (Rosemont)
Walker

_____________________________________________


7537

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LOI SUR LA RÉVOCATION DES DÉPUTÉS

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 28 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-210, loi prévoyant la révocation des députés de la Chambre des communes, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.


7538

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté le jeudi 27 octobre 1994, la Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion de la députée de Beaver River, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-210.

Nous allons voter rangée par rangée, en commençant par la députée qui a présenté la motion. Ensuite, nous poursuivrons avec ceux qui sont en faveur de la motion, une rangée à la fois, du même côté de la Chambre que la députée qui a présenté la motion. Ensuite, les votes de ceux qui appuient la motion et qui se trouvent de l'autre côté de la Chambre seront enregistrés. Ceux qui sont contre la motion seront appelés de la même façon.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

(Vote no 98)

POUR

Députés
Ablonczy
Benoit
Breitkreuz (Yellowhead)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast)
Chatters
Cummins
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Grey (Beaver River)
Hanrahan
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jennings
Johnston
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
Mills (Red Deer)
Penson
Ramsay
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Stinson
Strahl
Thompson
White (Fraser Valley West)
Williams-40

CONTRE

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bachand
Bakopanos
Barnes
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Bouchard
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bélair
Bélisle
Caccia
Calder
Canuel
Caron
Catterall
Chamberlain
Chan
Chrétien (Frontenac)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Crête
Culbert
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
de Jong
de Savoye
DeVillers
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Eggleton
English
Finestone
Finlay
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Gauthier (Roberval)
Gerrard
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guay
Guimond
Harb
Harvard
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Landry
Langlois
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
LeBlanc (Cape/Cap Breton Highlands-Canso)
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
MacLaren (Etobicoke North)
MacLellan (Cape/Cap Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Marchand
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
McCormick
McKinnon
McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
Mercier
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Murphy
Murray
Ménard
Nault
O'Brien
O'Reilly
Parrish
Paré
Patry
Peric
Peters
Phinney
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Plamondon
Pomerleau
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robinson
Rocheleau
Rock
Rompkey
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Solomon
Speller
St-Laurent
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Taylor
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Ur
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Volpe
Wappel
Wayne
Wood
Young
Zed-179

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bernier (Gaspé)
Brien
Deshaies
Discepola
Fillion
Lefebvre
Loubier
MacAulay
MacDonald
Manley
Ouellet
Peterson
Pillitteri
Tremblay (Rosemont)
Walker


7539

Le vice-président: Je déclare la motion rejetée.

(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

[Traduction]

M. Hanger: Monsieur le Président, je n'étais pas ici pour le vote, toutefois, si j'avais été présent j'aurais voté en faveur de la motion.

Le vice-président: Comme il 18 h 52, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

* * *

RECONNAISSANCE DE LA CONTRIBUTION DES PATRIOTES DU BAS-CANADA ET DES RÉFORMISTES DU HAUT-CANADA

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 20 juin, de la motion.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole pour parler de la motion présentée par le député de Verchères.

Dans sa motion, mon collègue recommande que la Chambre reconnaisse officiellement la contribution historique des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada à l'établissement d'un système de gouvernement démocratique et responsable au Canada et au Québec.

Avant de commencer, je voudrais citer brièvement un article de S.W. Wallace, paru dans le premier numéro de la Canadian Historical Review:

La véritable importance de l'histoire canadienne réside dans le fait que dans l'évolution d'un phénomène nouveau et sans précédent, le Commonwealth britannique, le Canada a joué un rôle dominant. C'est au Canada que le principe du gouvernement responsable a été mis en place en premier dans un milieu colonial.
(1855)

Le concept de gouvernement responsable est indubitablement canadien et fait partie de notre riche histoire socio-politique. La période des questions, par exemple, est une des façons de tenir le gouvernement responsable de ses actions.

De toute manière, je ne suis pas ici ce soir pour dire qui, de Joseph Howe ou du duo Louis Joseph Papineau et William Lyon Mackenzie, a le mieux défendu le concept de gouvernement responsable. Chacun d'eux a contribué à sa façon à l'établissement d'un gouvernement responsable au Canada.

Ce qui me préoccupe, c'est qu'on propose de proclamer une journée qui met l'accent sur le fait que des citoyens ordinaires ont pris les armes contre le gouvernement de l'époque. Même si la Chambre adoptait la motion proposée par le député de Verchères, à quelle date devrions-nous commémorer les Patriotes et les Réformistes? Le dimanche le plus près du 23 novembre, comme l'a fait le Parti québécois en 1982?

Je sais bien que mon collègue ne demande pas la proclamation d'un jour de fête nationale, mais nous avons déjà deux jours de fête au Canada, la Fête du patrimoine et la Fête du Canada, pendant lesquels les Canadiens peuvent faire une pause et réfléchir à ce grand pays qui est le nôtre.

À l'occasion de ces fêtes, les Canadiens méditent et célèbrent leur pays. Qu'est-ce qui nous empêche de commémorer, le troisième lundi de février ou le 1er juillet, la contribution des Patriotes et des Réformistes à l'établissement d'un système de gouvernement responsable?

Par exemple, à Liverpool, en Nouvelle-Écosse, et tout le long de la côte sud, la fin de semaine de la Fête du Canada marque le début d'une fête du patrimoine local appelée Fête des corsaires. Les corsaires faisaient la contrebande de marchandises au lieu de servir dans la Marine royale pendant la révolution américaine, les guerres napoléoniennes et la Guerre de 1812.

Durant les activités commémoratives, des feux d'artifice éclairent le port de Liverpool pendant la soirée du vendredi, en mémoire des corsaires. Le samedi, deux défilés recréent les événements d'antan. À ma connaissance, la Chambre des communes n'a jamais reconnu officiellement les corsaires de Nouvelle-Écosse ou leur contribution à la prospérité économique de la côte sud de la Nouvelle-Écosse, mais chaque année pendant la fin de semaine de la Fête du Canada, tous les membres de la communauté se souviennent des corsaires.

Qu'est-ce qui empêche le député de Verchères d'encourager les dirigeants de la communauté à organiser des activités pour commémorer Louis-Joseph Papineau et ses partisans? Il n'a certainement pas besoin de l'approbation du gouvernement fédéral pour organiser des festivités.

La vraie raison de mon opposition à cette motion vient du fait que les souverainistes du Québec accordent un statut particulier aux Patriotes, dans l'histoire. Je pense que si la Chambre adoptait cette motion, elle raviverait la flamme du nationalisme et du séparatisme.

Je veux citer un article paru dans L'action nationale, sans nul doute un instrument de propagande pour les nationalistes québécois. L'article est signé par Gilles Rhéaume qui, à l'époque, était directeur de la Ligue d'action nationale et président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, l'un des groupes nationalistes les plus radicaux du Québec. Dans ce court article, M. Rhéaume affirmait:

[Français]

«Admirer les Patriotes, c'est bien, s'en inspirer, c'est mieux. Inspirons-nous du culte qu'ils éveillent pour la liberté et pour la souveraineté. Pour s'inspirer des Patriotes de 1837-1838, il faut s'en donner les moyens. C'est pourquoi la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a salué avec joie le décret du gouvernement du Québec déclarant Journée nationale des Patriotes le dimanche le plus près du 23 novembre, anniversaire de la victoire de Saint-Denis.»


7540

[Traduction]

Les souverainistes du Québec utilisent la rébellion des Patriotes de 1837-1838 comme un motif justifiant leur lutte pour l'indépendance du Québec. Les souverainistes d'aujourd'hui essaient de démontrer à leurs compatriotes québécois que Louis-Joseph Papineau et ses disciples se rebellaient contre la tyrannie outrancière du pouvoir britannique, tout à fait comme le Bloc siège maintenant au Parlement pour combattre le pouvoir fédéral.

J'admets que les conditions de vie au Bas-Canada, durant les années 1830, étaient difficiles et frustrantes pour la majorité canadienne-française. C'était difficile à cause de la misère dans laquelle vivait la classe ouvrière francophone, et frustrant parce que la petite bourgeoisie francophone constituait la majorité des députés à la Chambre basse. Le problème, c'est que ces mêmes députés avaient très peu d'influence dans la gestion financière de la colonie.

(1900)

Ce qui m'inquiète dans la possibilité que la Chambre adopte la motion no 257, c'est que nous allons jouer le jeu du Bloc québécois et du Parti québécois, parce qu'on peut établir certains parallèles entre les causes défendues en 1837-1838 et la bataille actuelle au sujet de l'unité canadienne.

Encore une fois, je m'inspire des propos de M. Rhéaume pour étayer mon argument. M. Rhéaume affirme que les conditions économiques, et surtout le manque total de pouvoir des Canadiens français quant à la distribution du trésor colonial, étaient l'une des principales causes de la rébellion de 1837-1838. Aujourd'hui, les nationalistes québécois se plaignent qu'ils n'ont que des pouvoirs partiels pour ce qui est de la gestion de leur économie. Les leviers essentiels du pouvoir sont entre les mains du gouvernement fédéral où les députés québécois sont une minorité.

Les Patriotes croyaient que seule la maîtrise totale de tous les leviers économiques permettait aux Canadiens français de survivre en tant que peuple. Aujourd'hui, l'élite nationaliste québécoise a recours au même argument pour défendre sa langue, sa culture et sa tradition.

Les nationalistes québécois voient un parallèle très clair entre les événements de 1837-1838 et ceux qui se dessinent pour 1994-1995. Si cette Chambre prend vraiment fait et cause en faveur d'un Canada uni et fort, il serait hypocrite de la part des députés de voter en faveur de cette motion.

Puisque notre collègue de Verchères s'intéresse beaucoup à l'histoire, comme devraient le faire tous les Canadiens, passons en revue toutes les cérémonies commémoratives glorifiant les Patriotes qui ont eu lieu au fil des ans. Depuis 1962, année du 125e anniversaire de la rébellion, les cérémonies commémoratives qui ont lieu à Montréal en l'honneur de la victoire de Saint-Denis ont pris un ton de plus en plus nationaliste. Par exemple, en 1970, au beau milieu de la crise d'octobre, près de 3 000 personnes étaient rassemblées autour du monument à la mémoire des Patriotes. Des représentants des Chevaliers de l'indépendance et du FLQ étaient présents. Camille Laurin, alors chef du Parti québécois à l'Assemblée nationale déclarait:

[Français]

On emploie des moyens de plus en plus insidieux pour maintenir le colonialisme au Québec, mais c'est par des moyens pacifiques que le Québec obtiendra son indépendance.

[Traduction]

En 1973, lors d'une célébration similaire, François Albert Angers, l'un des plus ardents partisans de la souveraineté économique, demandait aux Canadiens français d'appuyer le Parti québécois afin qu'il puisse battre plus facilement le parti politique anglophone. Il y a un lien entre les souverainistes québécois et la commémoration des Patriotes.

En 1977, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal décernait le prix de patriote de l'année à Camille Laurin, le ministre qui a piloté le projet de loi 101 à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une coïncidence. Les nationalistes ont déclaré patriote de l'année un ministre du Parti québécois qui a sévèrement restreint, on pourrait presque dire interdit, l'usage de l'anglais dans sa province. Lors de leur dernier passage au pouvoir, les péquistes ont également rebaptisé une route en l'honneur des Patriotes en plus de faire du dimanche tombant le plus près du 23 novembre le jour officiel des cérémonies commémoratives.

Les péquistes se servent des combats de leurs aïeux lors de la rébellion de 1837-1838 pour légitimer leur lutte contre le fédéralisme canadien. De nos jours, le terme patriote a pris une connotation presque anti-anglaise et anti-fédéraliste au Québec. Alors que les premiers Patriotes ont lutté en partie pour établir un système de gouvernement responsable, les Patriotes d'aujourd'hui semblent plutôt travailler à la disparition de notre grand pays.

Louis Joseph Papineau, William Lyon Mackenzie et leurs partisans ont certes enrichi l'histoire du Canada, comme l'ont fait des milliers d'autres hommes et femmes. En m'opposant à cette motion, je ne veux déprécier en rien leur contribution. Je m'inquiète cependant du message que nous enverrions aux souverainistes québécois si nous légitimions les actions des Patriotes. J'exhorte donc tous les députés à la Chambre qui veulent préserver notre pays de voter contre la motion no 257.

[Français]

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Sans doute, sans le vouloir, la députée qui vient de parler a insulté énormément de Québécois lorsqu'elle a traité la Société Saint-Jean-Baptiste de radicale ou d'extrémiste. Plusieurs millions de Québécois-et je serai très bref, monsieur le Président-ont fait partie de la Société Saint-Jean-Baptiste, et c'était un mouvement tout à fait indépendant des partis politiques. Des libéraux sont encore membres de la Société Saint-Jean-Baptiste, comme d'autres formations. Alors. . .


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(1905)

Le vice-président: Comme mon collègue le sait très bien, c'est une question de débat, pas une question de rappel au Règlement. Ils auront la chance de parler aussi, maintenant c'est le tour de son collègue. . .

M. Plamondon: J'invoque le Règlement. J'insiste, monsieur le Président.

Le vice-président: Est-ce que le député de Blainville-Deux-Montagnes veut céder sa place à son collègue?

M. Mercier: Je ne veux pas céder ma place, il s'agit d'un recours au Règlement, monsieur le Président.

Le vice-président: Sur le même recours au Règlement, le député de Richelieu.

M. Plamondon: Je voudrais qu'on retire le mot «radical» ou «extrémiste» envers la Société Saint-Jean-Baptiste. C'est anti-parlementaire de dire cela ici.

Le vice-président: Alors, nous reprenons le débat avec l'honorable député de Blainville-Deux-Montagnes.

M. Mercier: Monsieur le Président, je veux bien prendre la parole mais je crois que ce n'était pas dans cet ordre-là qu'il était convenu que nous parlions.

Le vice-président: Alors, je cède la parole au député de Trois-Rivières.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le débat concernant la contribution des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada à l'évolution démocratique de nos mécanismes de représentation.

Je suis d'autant plus heureux de parler en ce 1er novembre 1994, qu'il y a exactement sept ans aujourd'hui, le 1er novembre 1987, décédait un très grand patriote québécois, un grand démocrate québécois, l'ancien premier ministre du Québec, M. Lévesque, qui a invité les Québécois a avoir le goût du Québec, qui a donné confiance et fierté aux Québécois et qui les a conviés à se décrire comme peuple, à se considérer comme peuple ayant le plus haut statut politique pour le Québec.

J'ose espérer que lors de la campagne référendaire qui vient les Québécois sauront s'en souvenir et sauront s'inspirer de ce grand personnage que fut René Lévesque.

Je suis aussi très heureux de participer à ce débat suscité par mon collègue de Verchères que je veux féliciter, qui a présenté la motion suivante que je veux bien lire pour situer les choses dans leur contexte:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement reconnaisse officiellement la contribution historique des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada à l'établissement d'un système de gouvernement démocratique et responsable au Canada et au Québec comme l'a fait en 1982 le gouvernement du Québec en proclamant par décret une Journée nationale des Patriotes.
Je suis d'autant plus fier et quelque peu ému que j'ai personnellement participé aux célébrations qui, depuis une trentaine d'années, soulignent les événements de 1837-1838 au Québec, à Saint-Denis sur Richelieu, et je voudrais profiter de la circonstance pour remercier et féliciter deux personnes de Saint-Denis sur Richelieu qui s'occupent, depuis une bonne douzaine d'années dans mon esprit, d'organiser ces fêtes de façon très efficace, de façon compétente, modeste et combien digne, et j'ai nommé M. et Mme Onil Perrier, de Saint-Denis sur Richelieu, qui doivent recevoir tous nos hommages.

Pour bien comprendre l'évolution de ces mécanismes dits démocratiques, il faut remonter quarante ans avant les troubles de 1837-1838. Il faut remonter en 1791 avec l'avènement de l'Acte de Québec qui forme deux provinces avec le Bas-Canada et le Haut-Canada, le Bas-Canada étant le Québec et le Haut-Canada, l'Ontario.

Sur le plan politique, il faut se souvenir qu'il y avait là quatre pouvoirs précis qui font l'objet justement de tiraillements pour aboutir aux événements que l'on sait. Le premier pouvoir, concentré entre les mains du gouverneur et de ses bureaucrates qui forment une oligarchie que l'on a qualifié à Québec de clique du château, et en Ontario, dans le Haut-Canada, de Family Compact. Autour du gouverneur se situe le conseil exécutif, en plus de deux autres chambres, celles du conseil législatif et de l'assemblée législative.

(1910)

Le gouverneur et le conseil exécutif ne sont non seulement pas redevables au peuple et à ses représentants, à ses élus, mais ils peuvent même rejeter les lois adoptées par le Parlement. Le conseil législatif, lui, est carrément un nid à patronage et devient, en l'occurrence, une sorte de succursale du conseil exécutif où on s'échange d'ailleurs de bons procédés, où l'un siège à un niveau, l'autre à un autre, et on s'échange cela et même certains siègent sur les deux en même temps.

Le conseil législatif est l'objet, pendant toutes ces années, d'un très vif mécontentement de la part de la population. Il faut savoir que lors de la présentation des 92 résolutions, en 1834, 31 des 92 résolutions portent sur le conseil législatif et ce mécontentement se manifeste autant chez les francophones que chez les anglophones progressistes démocrates.

Dans ce contexte, l'Assemblée législative formée des élus et des députés est simplement une société de discussion, un peu comme l'est le Forum national de la santé préconisé actuellement par le premier ministre du Canada. Donc, c'est une société de discussion sans pouvoir réel, sauf celui de réglementer ses propres activités, s'étant même fait refuser la nomination qui s'était faite au niveau de sa présidence, en l'occurrence Louis Joseph Papineau, qui fut refusée par le gouverneur du temps,M. Dalhousie.

Les revendications, pendant toute cette période, tant des Patriotes que des Réformistes, portaient sur les points suivants, et le plus important était effectivement celui de la responsabilité ministérielle, de faire en sorte que l'exécutif soit redevable, rende des comptes aux élus du peuple et au peuple lui-même, par l'entremise de ses élus.

Une autre revendication portait sur le fait que les élus, l'Assemblée législative ait droit de regard et de contrôle sur les subsides, sur l'utilisation des impôts, de l'argent en cause, quel'Assemblée législative aussi soit partie prenante à la nomination des hauts fonctionnaires de l'époque. Enfin, une autre


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revendication, qui est toujours d'actualité, de faire en sorte que le Conseil législatif de l'époque, un peu l'équivalent sur le plan fédéral de l'autre Chambre, soit formé d'élus, qu'il soit élu par la population au lieu d'être nommé par le gouverneur.

Vous aurez compris que ces revendications ont été l'objet, pendant toute cette période, de débats très intenses, incessants et d'affrontements et de confrontations constantes entre l'exécutif et le législatif. Devant le comportement arbitraire et combien méprisant du gouverneur et de sa clique, les représentants du peuple et tous les démocrates dans la population avaient un choix devant ce mépris et cet arbitraire, soit de s'y soumettre ou encore de prendre les moyens à leur disposition pour faire entendre leurs droits et faire entendre leurs voix.

C'est cette dernière voie qu'ils ont prise et ils ont malheureusement connu la défaite, en 1837-1838, de part et d'autre. Ils ont connu la défaite dans l'immédiat, mais dix ans plus tard, seulement dix ans plus tard, en 1848, lors de leur victoire, était reconnue la responsabilité ministérielle. Nous en profitons tous ici dans cette Chambre, car cela nous permet, représentants du peuple que nous sommes, députés que nous sommes, de participer et de poser des questions.

Sans doute conviendrez-vous que la qualité des questions posées est beaucoup plus évidente que la qualité des réponses, surtout quand les questions viennent de l'opposition officielle par les temps qui courent, mais cela nous permet, aujourd'hui, d'avoir le droit de poser des questions au gouvernement. Cela nous donne le droit d'exiger parfois la démission des ministres, cela fait partie des nouveaux pouvoirs. À l'époque, ils ont été gagnés avec la responsabilité ministérielle. Cela donne le pouvoir aux élus d'adopter les budgets et les crédits et ça permet aussi aux élus de questionner le gouvernement sur la nomination des hauts fonctionnaires.

C'est cela la contribution des Patriotes et des Réformistes. C'est cette démarche sur laquelle nous invitons cette Chambre à se prononcer pour reconnaître le fait qu'il y a eu contribution très valable à l'époque, et des Patriotes et des Réformistes, quant à l'évolution de notre démocratie. Je ne vous cacherai pas qu'il y a effectivement des similitudes entre le contexte qui a été vécu à ce moment-là et la situation que l'on vit aujourd'hui.

(1915)

À l'époque, il faut se rappeler qu'il y a eu, comme la députée l'a mentionné tantôt, effectivement renvendidation et déclaration d'indépendance. Aujourd'hui, le mouvement souverainiste est au pouvoir à Québec et il constitue l'opposition officielle ici, à Ottawa. Cela nous démontre combien la pensée souverainiste est enracinée dans notre peuple, combien l'aspiration à la souveraineté est profonde et combien le projet de devenir un jour un pays pour les Québécois n'est pas la chose d'un homme mais bien une volonté collective très très bien enracinée dans notre peuple.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir aujourd'hui de participer à ce débat sur la motion qui se lit comme suit:

Que [. . .] le gouvernement reconnaisse officiellement la contribution historique des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada à l'établissement d'un système de gouvernement démocratique et responsable au Canada et au Québec. . .
Je reviendrai sur cette proposition tantôt.

Tout d'abord, je suis un de ceux qui seront dans l'impossibilité d'appuyer cette motion en donnant mon accord aujourd'hui. Je veux toutefois indiquer que je ne partage aucunement-et je dis bien «aucunement»-les propos et les raisons qu'a évoqués la députée de Calgary-Sud-Est pour être contre ce projet de loi. Ces raisons ne sont pas les miennes, qui sont différentes, et je pense qu'il est important de l'indiquer à présent.

C'est avec un grand intérêt que je prends la parole aujourd'hui pour parler de ce dossier important. La plupart des Canadiens n'ont pas besoin de retourner à leur manuel d'histoire pour se rappeler le rôle que les Réformistes et les Patriotes ont joué dans le siècle passé. Chacun sait que les Patriotes ont provoqué les événements qu'on désigne de nos jours sous le vocable Rébellion de 1837.

Même si je reconnais qu'il est important de souligner l'apport de ces individus dont l'action a favorisé l'établissement d'un gouvernement responsable, je ne souscris pas sans réserve à la proposition de mon honorable collègue. Si l'objectif que veut le député de Verchères est de souligner de notables contributions à la démocratie canadienne, sa proposition semble un peu restrictive.

Tout d'abord, le Canada est un pays immense, dont les frontières sont baignées par trois océans. Cette seule image suffit à nous convaincre de la multitude d'individus qui ont dû conjuguer leurs efforts pour bâtir ce grand pays. La motion du député souligne la contribution historique des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada, seulement, nonobstant cela, si la motion avait été formulée de façon différente, j'aurais pu y souscrire. Je m'y oppose toutefois parce que le projet de loi ne tient pas compte des contributions essentielles de Canadiens d'autres régions.

«L'amour de la démocratie est celui de l'égalité», disait Montesquieu. S'il y a reconnaissance de citoyens, faisons-le de façon égale.

Il serait important de souligner ou, en tout cas, de ne pas passer sous silence le rôle de Joseph Howe, car c'est à lui qu'on doit le crédit du gouvernement responsable dans un premier temps. Je ne dis pas cela pour négliger ou pour diminuer ce qu'ont fait William Lyon Mackenzie dans le Haut-Canada ni Louis Joseph Papineau dans le Bas-Canada, mais il n'en demeure pas moins que Joseph Howe était l'originaire du concept de gouvernement responsable. Il était journaliste du Nova Scotian, journal influent de l'époque. Il avait fait campagne en faveur de l'établissement d'un gouvernement responsable. Lorsqu'il est entré en politique, en 1836, il a joué un rôle important dans l'établissement, en Nouvelle-Écosse, du gouvernement réformiste libéral, comme il s'appelait. C'est lui qui défendait, auprès des autorités britanniques du temps, la formule du pouvoir exécutif responsable devant les membres élus de l'assemblée législative.


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(1920)

C'est de là qu'a débuté cette forme de gouvernement responsable. Comme l'a souligné le député qui a pris la parole avant moi, Louis Joseph Papineau et son comité avaient présenté les 92 résolutions, préconisant leurs revendications à propos du contrôle des revenus par l'Assemblée législative. Mais la responsabilité de l'exécutif, à l'élection d'un conseil, et leur action s'inscrivaient dans un vaste mouvement qui n'était pas étranger au combat mené ailleurs, soit par exemple par Joseph Howe en Nouvelle-Écosse, ou bien par William Lyon Mackenzie, dans le Haut-Canada.

Ce qui serait important de souligner, je pense, lorsqu'on parle de l'histoire du Haut et du Bas-Canada, c'est que les provinces du Haut et du Bas-Canada ont été constituées par la Loi constitutionnelle de 1791 qui a fait cette marque à l'ouest de la Seigneurie de Vaudreuil, pour ensuite créer cette nouvelle province du Haut-Canada qui était, à l'époque, une sorte de société distincte pour les anglophones, pour qu'ils puissent avoir le droit commun et le pouvoir également de posséder le fond de terre, ce qu'on appelle communément «free hold land tenure».

Alors, ces deux principes avaient fait en sorte qu'on avait établi, à l'époque, cette colonie qui avait justement ces différences. Mais dois-je rappeler que cette colonie du Haut-Canada n'était qu'une lisière de terre au nord du fleuve Saint-Laurent, tout comme d'ailleurs celle du Bas-Canada qui n'était qu'une colonie assez restreinte, des deux côtés du fleuve.

Il n'en demeure pas moins que si on prend la résolution telle qu'elle est inscrite aujourd'hui à l'ordre du jour, les Patriotes du Bas-Canada et les Réformistes du Haut-Canada, si on voulait traduire cela en termes de 1994, on parlerait du gouvernement responsable et démocratique au Québec, qui est le Bas-Canada, et en Ontario, qui est le Haut-Canada, non pas dans les autres huit provinces de ce grand pays. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les initiatives de Joseph Howe précédaient celles de William Lyon Mackenzie, lorsque lui et son groupe d'amis se sont révoltés, je pense, avec quelques fusils, plusieurs fourches, quelques pelles et je ne sais trop quelle autre arme rustique qu'ils avaient à l'époque pour indiquer leur mécontentement.

Inutile de dire que ces gens ne sont pas allés très loin. Ils ont été, en grande partie, bannis, emprisonnés, etc., et on ne les a revus que plusieurs années plus tard. Dans le cas du Bas-Canada, on se souvient bien sûr de Louis Joseph Papineau et de ses amis, qu'on a nommés à l'époque les Patriotes. On se souvient qu'ils ont joué un rôle parallèle à celui de William Lyon Mackenzie qui était le grand-père d'un premier ministre libéral élu plusieurs années plus tard, William Lyon Mackenzie King.

Alors, on connaît tout ça et je ne suis pas un de ceux qui enlèveraient ou qui tenteraient d'insulter d'aucune façon le rôle qu'ont joué les Patriotes. Je répète en terminant ce que j'ai dit au début, que je me dissocie totalement de certains commentaires qui ont été faits plus tôt aujourd'hui. Je vous dis que si cette motion avait pour but de reconnaître en Ontario et au Québec, dans ces deux provinces, la contribution de ces groupes, j'appuierais cette motion avec plaisir. Je dois vous dire que si le député d'en face était prêt à exiger un consentement unanime de cette Chambre pour changer ce mot, je l'appuierais immédiatement.

Mais je pense qu'il y a un autre objectif, peut-être, différent dans cette motion. Je vois qu'on conclut en indiquant: «Le Canada et le Québec, comme si c'était en fait deux entités politiques distinctes et équivalentes.»

(1925)

Bien sûr, l'Ontario et le Québec sont deux provinces. Le Québec est une province de ce grand pays qu'est le Canada, ce grand pays qui, j'espère, restera fort et uni pour toujours.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, je me lève aujourd'hui en cette Chambre pour appuyer la proposition de mon collègue, le député de Verchères, qui est la suivante:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement reconnaisse officiellement la contribution historique des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada à l'établissement d'un système de gouvernement démocratique et responsable au Canada et au Québec comme l'a fait en 1982 le gouvernement du Québec en proclamant par décret une Journée nationale des Patriotes.
Je désire souligner d'entrée de jeu que la présente proposition n'a pas pour objet aucunement d'ajouter un nouveau congé férié au calendrier. Il n'a jamais été question dans l'esprit du proposeur d'ajouter un tel nouveau congé.

Ce qui est en question, c'est de reconnaître la contribution des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada par une décision de cette Chambre de ce faire.

Il été invoqué le fait que la violence des rébellions de 1837 et 1838 ne devait pas être cautionnée. Bien sûr. Il faut aussi cependant se rappeler que pendant des années les Patriotes et les Réformistes ont exprimé leurs doléances et leurs revendications dans des pamphlets, des articles, dans des journaux, dans des rassemblements populaires, dans des suppliques et dans des discours à la Chambre d'assemblée de l'époque, avant que certains d'entre eux ne choisissent de suivre la voie des armes.

La motion de mon collègue vise aujourd'hui simplement à rendre hommage, indépendamment de ces manifestations, hélas violentes, de rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui croyaient en la nécessité d'établir un gouvernement responsable et véritablement démocratique. Parmi celles et ceux qui ont cru et pris part à ce mouvement, certains sont devenus, nous le savons, des personnages publics estimés et respectés pour leurs convictions, car ils ont contribué grandement à la société que nous connaissons maintenant aujourd'hui.

Nous pouvons penser notamment à Louis Joseph Papineau, à Louis Hippolyte Lafontaine, à Robert Baldwin ou à George Étienne Cartier. Bien sûr, les Patriotes et les Réformistes ne sont pas les seuls à avoir contribué à l'instauration d'un gouvernement responsable dans ce pays. Il y en a d'autres aussi qui ont fait une contribution tout à fait historique à la construction du Canada. Sans aucun doute il conviendra ultérieurement que des mesures soient aussi proposées pour honorer leur mémoire.

Certains Patriotes sont plus connus que d'autres, certains endroits sont plus connus que d'autres, mais j'ai l'honneur, dans mon comté, d'avoir un endroit où il y a eu une assemblée des Patriotes, et je parle de l'assemblée du 16 juillet 1837 qui s'est tenue à Deschambault, dans le comté de Portneuf.


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Deschambault est une des nombreuses petites municipalités de mon comté qui est située directement sur le fleuve Saint-Laurent, qui possède un quai, un promontoir qui s'appelle cap Lauzon, et on y retrouve une église qui était là à l'époque. On y retrouve également un magasin général qui est toujours là et qui s'appelle le Magasin général Paré.

Alors imaginons-nous pour un instant, chers collègues, que nous sommes il y a 157 ans, le 16 juillet 1837, devant le magasin général, à côté de la vieille église, et écoutons ce que les Patriotes de l'époque disent:

«Résolution no 1. Que cette assemblée condamne et proteste solennellement contre les résolutions dernièrement introduites concernant les affaires de cette province par le ministre dans le parlement britannique qui les a passées à une grande majorité, et qui par là a sanctionné un principe qui tôt ou tard servira de précédent, pour attaquer et détruire non seulement les droits et les libertés des autres colonies britanniques, mais même ceux du peuple anglais.»

(1930)

Il y a, dans ces propos historiques, des enseignements précieux qui peuvent peut-être nous éclairer sur la situation que nous vivons actuellement.

La résolution no 2 est: «Que les résolutions soumises par lord John Russell dans la Chambre des communes en Angleterre le 6 mars dernier, au nom des ministres, aux fins de faire autoriser par le Parlement impérial à saisir dans la caisse provinciale les deniers provenant des labeurs du peuple pour payer des serviteurs publics, dont le plus grand nombre a démérité du pays, et adoptées depuis par les communes et les lords, sont un attentat et une violation des droits et privilèges constitutionnels du peuple de cette province.»

La résolution no 3 est: «Que l'adoption de ces résolutions démontre un mépris absolu pour les justes demandes des habitants de cette province; qu'elle détruit notre confiance dans le Parlement britannique; et qu'elle devrait porter la conviction chez notre peuple, qu'à l'avenir il ne doit attendre du Royaume-Uni ni redressement de ses griefs, ni respect de ses droits politiques.» Plus ça change, vous en conviendrez, hélas, on aurait envie de dire plus c'est pareil.

La résolution no 4 est: «Que le peuple de ce pays serait marqué du sceau de la dégradation et serait esclave s'il se soumettait à être taxé, et son argent arraché par la violence de la caisse publique, pour être distribué à des serviteurs pervers, sans la sanction de ses représentants auxquels seulement appartient le droit d'en faire l'appropriation.» À l'époque, on n'avait pas un déficit, on n'avait pas une dette publique. Or, les propos sont déjà très sévères. Qu'auraient dit nos Patriotes, il y a 157 ans, s'ils se voyaient transposés en cette Chambre aujourd'hui, avec le niveau de taxation qui est le nôtre et l'usage que l'on fait des deniers publics? Il y a 157 ans, les gens avaient du gros bon sens, je crois que nous en avons toujours.

La résolution no 5 est: «Que le Parlement britannique en passant une de ces résolutions, pour s'emparer des revenus de cette province, s'est rendu coupable d'une violation outrageante de nos droits les mieux reconnus, qu'il est d'un devoir impérieux pour nous tous, de résister à cette violation par tous les moyens légaux-voilà ce qui a été dit- qui sont en notre pouvoir, et que dorénavant nous devons avoir la fermeté d'âme de ne plus avoir recours à un corps qui s'est déclaré si fortement hostile à nos libertés.»

La résolution no 6 est: «Que pour l'établissement solide et la préservation de ces libertés, il est de notre prudence de nous préparer aux difficultés que nous pourrons rencontrer par des habitudes de stricte économie dans nos dépenses personnelles, par nos efforts à promouvoir l'éducation, l'agriculture, l'industrie, les manufactures, le commerce dans cette province.» Mon Dieu que ça sonne contemporain!

La résolution no 7 est: «Que lorsque les revenus de cette province sont dilapidés pour satisfaire la cupidité de ceux qui sont toujours opposés aux désirs et aux besoins du peuple, il est de notre devoir comme de notre intérêt immédiat d'améliorer nos manufactures domestiques et de recommander à nos concitoyens d'en répandre généralement l'usage et de nous abstenir autant qu'il est en notre pouvoir du produit de celles qui paient des droits.»

Il y a 157 ans, les Québécoises et les Québécois, des Patriotes, exprimaient déjà la voie qu'il nous fallait suivre. Il y a encore plusieurs résolutions, mais je considère que cela a été un privilège pour moi, ici, ce soir, en cette Chambre, de relire des propos pleins de gros bon sens, que nos ancêtres ont exprimés à des moments difficiles et qui savent aujourd'hui encore nous éclairer, nous indiquer le chemin et nous guider.

En terminant, monsieur le Président, vous me permettrez de nommer ces personnes qui ont ainsi écrit les choses que j'ai lues: M. Louis Gariépy, président et M. N. G. Gauthier, secrétaire. Ceci a paru dans La Minerve, le 24 juillet 1837.

(1935)

[Traduction]

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur la motion no 257, qui invite le gouvernement à reconnaître officiellement la contribution historique des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada à l'établissement d'un système de gouvernement démocratique et responsable au Canada.

Je tiens d'abord à signaler à mon collègue, le député de Verchères, que le gouvernement du Canada n'a absolument pas négligé de célébrer notre patrimoine historique et d'encourager tous les Canadiens à faire de même. Le gouvernement a déjà institué une journée de fête nationale qui souligne la contribution à l'édification de notre pays de tous les patriotes canadiens, qu'ils soient anglophones, francophones, autochtones ou allophones. Je veux évidemment parler de la Fête du Canada.

La Fête du Canada est en effet une occasion unique et toute indiquée pour célébrer l'apport de tous les Canadiens à l'édification de notre pays, y compris ceux qui ont travaillé à l'établissement d'un gouvernement démocratique et à son évolution constante.

Des milliers de Canadiens ont aussi l'occasion de célébrer la Fête du patrimoine en février et d'organiser des activités faisant ressortir la richesse et la diversité de notre patrimoine commun.


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C'est l'occasion parfaite pour honorer la mémoire de tous les grands Canadiens qui ont contribué à notre histoire.

Permettez-moi de mentionner que le patrimoine est un vaste concept qui englobe, comme l'a écrit George Kapelos, la compréhension, la reconnaissance et la préservation d'éléments importants de notre héritage culturel et historique. Il va sans dire que le rôle capital joué par les Patriotes et les Réformistes de 1837 fait partie de ces éléments importants.

Il convient aussi de souligner que, en matière patrimoniale, le rôle plus traditionnel du gouvernement fédéral a consisté à protéger les lieux historiques ou architecturaux nationaux et à créer des programmes de recherche pour accroître la connaissance que nous avons de notre passé.

Le gouvernement fédéral et ceux des provinces et des territoires coopèrent toutefois dans de nombreux domaines de la reconnaissance et de la préservation patrimoniales. Voilà pourquoi, à titre d'Ontarien et de Canadien, je me réjouis que le gouvernement du Québec ait officiellement souligné la contribution des Patriotes à l'établissement de structures plus démocratiques, en instituant une Journée des Patriotes célébrée chaque année en novembre.

Je n'ai certainement pas l'intention de décourager les groupes de citoyens du Québec et de l'Ontario qui veulent s'assurer que les Patriotes et les Réformistes aient la place qui leur revient dans notre histoire collective. Certes, le fait de mieux connaître l'histoire du Canada nous permet d'avoir une vision plus claire du pays, une vision qui nous permet de prendre des décisions plus éclairées dans la gestion du présent et la préparation de l'avenir.

Je m'oppose à la motion du député de Verchères parce qu'elle met l'accent sur le rôle joué par certaines personnes dans le processus qui a abouti à l'établissement du gouvernement responsable. Je ne crois pas que le gouvernement du Canada devrait attribuer tout le crédit des progrès de la démocratie au Canada aux Patriotes de la Rébellion de 1837. Cela serait inacceptable parce qu'on écarterait alors la contribution de milliers de Canadiens de toutes les régions du pays qui ont joué un rôle non négligeable dans l'établissement d'une véritable démocratie au Canada.

Je dois donc souligner, comme mon collègue, le député de Pontiac-Gatineau-Labelle, l'a fait il y a quelques mois, que la motion du député de Verchères ne tient pas compte de la contribution qu'un grand nombre de Canadiens ont apportée à l'avènement du gouvernement responsable au Canada. Il s'agit des Joseph Howe, des Nellie McClung, des Thérèse Casgrain et des nombreux autres qui, tout au long de notre histoire, ont participé au processus d'établissement du gouvernement responsable et à l'évolution constante de notre système démocratique de gouvernement.

À l'instar de Joseph Howe, je ne puis que mettre en doute le lien que cette motion tente de faire entre les actes des Patriotes et des Réformistes du siècle dernier et l'établissement du gouvernement responsable. N'est-ce pas en fait lord Durham qui, dans le rapport qu'il a rédigé après les troubles de 1837, a été le premier à recommander l'établissement du gouvernement responsable et l'union des deux Canada? On me dira qu'il a également proposé l'assimilation des Canadiens français, ce qui est indéniable.

(1940)

Je tiens à signaler, cependant, que c'est aux réformistes modérés qu'on doit le concept de gouvernement responsable. C'est pourquoi Joseph Howe, de la Nouvelle-Écosse, a joué un rôle si essentiel. Il a été le premier à établir un gouvernement responsable dans l'Empire britannique, dans l'une des colonies qui allait devenir le Canada à une époque où le patriote Louis-Joseph Papineau prônait des élections de type américain.

Joseph Howe, Robert Baldwin et Louis Lafontaine ont ensuite bâti des partis solides et modérés qui, en 1848, ont conduit la Grande-Bretagne à accepter l'instauration d'un gouvernement responsable parfaitement fonctionnel. Je tiens aussi à signaler que même si la notion de gouvernement responsable représentait un progrès dans le système parlementaire au Canada, ce régime n'était pas, au début, tout à fait démocratique.

C'est grâce aux luttes menées par des femmes remarquables comme Nelly McClung et Thérèse Casgrain que les femmes ont obtenu le droit de vote qu'on leur a nié jusqu'au XXe siècle. Ainsi, c'est à Nelly McClung qu'on doit le fait que le Manitoba est devenu la première province canadienne à accorder ce droit aux femmes, en 1916. Le Québec a dû attendre l'arrivée de Thérèse Casgrain pour reconnaître ce droit aux femmes dans le cadre d'élections provinciales. En outre, ce n'est qu'en 1960 que les Indiens inscrits ont pu voter pour la première fois dans le cadre d'élections fédérales.

Si le Canada voulait reconnaître officiellement la contribution de ses citoyens dans l'établissement d'un gouvernement responsable, il devrait le faire en soulignant l'apport de tous les Canadiens, plutôt qu'en se limitant aux Patriotes. Je ne vois pas vraiment comment les Canadiens dans leur ensemble seraient favorables à l'idée à consacrer une journée nationale à un seul des éléments qui ont contribué à un immense mouvement collectif conduisant à l'instauration d'une véritable démocratie.

Il est difficile de concevoir que les femmes puissent souscrire à nouveau à une version de l'histoire leur niant la place qui leur revient. Je doute que les Canadiens des provinces autres que l'Ontario et le Québec acceptent la décision du gouvernement de ne célébrer que la contribution de certains Patriotes. Il est improbable également que les premières nations voient d'un bon oeil le fait de nier leur rôle dans l'établissement d'un régime démocratique au Canada.

Étant donné que l'adoption de ce projet de loi entraînera des dépenses supplémentaires, je pense qu'on ne devrait pas aller de l'avant avec ce dernier. Le gouvernement canadien lui-même est un gouvernement responsable du fait des événements historiques qui l'ont créé. Ainsi, il a des priorités auxquelles il doit consacrer tous ses efforts, toutes ses ressources humaines et financières.


7546

Nous avons promis aux Canadiens des emplois, en d'autres termes du pain et non un miroir aux alouettes. Cela dit, je ne voudrais pas que les gens interprètent mal l'importance que j'attache aux actions de nos Patriotes nationaux. Je reconnais que Papineau et Mackenzie ont joué un rôle essentiel dans le développement de notre pays en précipitant les événements avec leur position radicale, mais je suis aussi conscient du fait que Baldwin et Lafontaine ont contribué ensemble aux progrès de la démocratie en adoptant une position plus modérée.

C'est la grande leçon que le Canada nous enseigne. Il y a parfois des intérêts et des positions contradictoires; puis, au-dessus de tout cela, il y a un Canada pacifique qui se développe et se transforme sans conflits armés pour autant.

Pour ma part, je suis fier de vivre dans un pays qui a adopté un gouvernement responsable et rendu, par le fait même, inutiles les fourches et les fusils du passé. J'encourage donc tous les Canadiens à célébrer à leur façon la tradition démocratique dont ils ont hérité. Comme ils l'ont si souvent démontré dans le passé, les Canadiens ne manquent pas d'imagination.

Ils peuvent, s'ils le souhaitent, monter des reconstitutions historiques des événements qui ont conduit à l'instauration d'un gouvernement responsable. Rien ne les empêche également, avec l'aide de sociétés historiques locales ou de groupes de conservation du patrimoine, d'organiser des activités commémoratives. En terminant, je voudrais dire que même si je m'oppose à cette mesure, cela ne diminue en rien l'importance des événements historiques qui nous permettent de parler dans cette enceinte.

[Français]

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes, BQ): Monsieur le Président, la motion de mon collègue de Verchères m'interpelle tout particulièrement, parce qu'un bon nombre des événements de la Rébellion de 1837 se sont passés dans mon comté, dans la ville désormais historique de Saint-Eustache, ainsi que dans les villages circonvoisins.

(1945)

Il est impossible de se promener dans cette région sans y voir à presque tous les kilomètres des traces laissées par ces événements. Certains des villages et des lieux-dits portent des noms significatifs et évocateurs. C'est ainsi que nous avons le village du «grand brûlé» et celui du «grand chicot» et du «petit chicot». Les chicots, c'était ce qui restait des villages après que les Anglais, dans la phase de représailles, les aient brûlés.

La façade de l'église principale de Saint-Eustache porte encore des traces de boulets des canons anglais. Un bon nombre des rues de la ville portent les noms d'acteurs de ces événements. Le CLSC Jean-Olivier-Chénier rappelle le nom du leader des Patriotes dans cette région. Voilà donc quelques traces encore visibles des événements qui opposèrent, en 1837, l'armée britannique aux Patriotes. Il nous serait impossible, à nous qui vivons dans cette région, quand même nous le voudrions, d'oublier ces événements; leurs traces sont encore sous nos yeux.

Il faut dès le départ dissiper un mythe: les affrontements de cette époque n'avaient pas pour objet la volonté des Patriotes d'accéder à la souveraineté. La motion ne concerne pas uniquement les Patriotes du Bas-Canada mais aussi les Réformistes du Haut-Canada. Je rappelerai ici quelques propos de mon collègue de Verchères, à l'origine de cette motion, qu'il tenait le 20 juin dernier: «Le but visé par la motion que je soumets à l'attention de la Chambre aujourd'hui est de rectifier certaines perceptions comme quoi il s'agissait de criminels et de faire en sorte que soit enfin reconnue la contribution historique des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada dans l'établissement d'un gouvernement véritablement démocratique et responsable au Canada et au Québec.»

À cette époque, les Patriotes comme les Réformistes se battaient pour une cause qui nous est encore chère, celle de la démocratie tout simplement.

Qu'ils soient donc du Haut ou du Bas-Canada, les insurgés luttent pour que l'Assemblée coloniable, qui, elle, émane du peuple, participe plus activement au pouvoir et obtienne graduellement la gestion interne de la colonie. Cette gestion, comme on le sait, appartient alors à la métropole, par l'intermédiaire du gouverneur et des conseils.

Bref, ce qu'ils veulent, les insurgés, et ce pourquoi, à mes yeux, c'est l'ensemble du Canada qui a à leur égard un devoir de reconnaissance, c'est, je le répète, que les institutions de leur pays se démocratisent.

Que ce soit sur le terrain ou au bout d'une corde, dira-t-on que le sacrifice de ceux qui y perdirent la vie aura été inutile? Non pas, car, malgré leur défaite, leur soulèvement eut pour résultat d'attirer l'attention du pouvoir sur des aspirations populaires que Londres s'obstinait à ignorer jusqu'alors. C'est à la suite des événements de 1837-1838 que la métropole, on s'en souvient, chargea Lord Durham de mener une enquête et de proposer des solutions aux problèmes que posaient ces aspirations des colonies du nord des États-Unis d'Amérique.

(1950)

Critiquable bien entendu sous bien des aspects, en particulier pour nous Québécois, le rapport Durham n'en donne pas moins raison aux Réformistes et aux Patriotes, en ceci que ce rapport ridiculise, critique la constitution de 1791, laquelle constitution, tout en accordant un gouvernement représentatif, n'admettait pas la responsabilité des ministres à l'égard des élus. Or, c'est là ce qu'exigeaient les insurgés et sur ce point, Lord Durham était en somme d'accord avec eux.

Il serait abusif d'affirmer que l'action des Patriotes et des Réformistes aura, à elle seule, eu pour effet l'envoi de la mission Durham, la prise de conscience du pouvoir que cette mission a provoquée et, en conséquence, la reconnaissance en 1848 de la responsabilité ministérielle à l'égard des représentants du peuple. Ce serait être injuste à l'égard d'autres artisans de cette démocratisation de nos institutions. Mais il demeure que cette action eut un effet déterminant sur la décision de charger Lord Durham de la mission que l'on sait, et que les conclusions de

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cette mission influencèrent fortement la décision de Londres en 1848.

Il ne s'agit donc pas ici, et je reviendrai sur ce point, de dire que les Patriotes et les Réformistes sont à l'origine, et eux seuls, du mouvement vers la démocratie que l'on a connu depuis 1848, mais il s'agit de reconnaître leur juste part et je vais revenir sur ce point qui est important. On ne veut faire de tort à personne.

Disons aussi que les motifs concrets qui, au XVIIIe et au XIXe siècle ont poussé les Américains, puis les Français, puis des Canadiens à se soulever violemment contre l'autorité, ces motifs sont, dans des contextes historiques différents, évidemment différents. Toutefois, le fil conducteur était le même: c'était la volonté des peuples désormais majeurs de gérer leurs propres affaires. C'est une évidence qui désormais se levait dans les différents pays du monde occidental.

Sans pour autant faire l'apologie de la violence, il ne faudrait pas jouer à l'autruche et refuser de reconnaître, au nom du sacro-saint concept «politically correct», le rôle important et même parfois fondateur qu'ont joué les soulèvements populaires dans le cheminement de ces peuples vers la démocratie.

Au Canada comme ailleurs, l'histoire montre éloquemment que ces actes de violence n'interviennent d'ailleurs qu'en dernier recours dans les tentatives des peuples pour se faire entendre, quand tous les moyens pacifiques employés jusqu'alors ont échoué. Je pourrais rappeler ici les propos de mon collègue de Portneuf et souligner le ton respectueux de ces résolutions qu'il nous a lues et le fait qu'il y était employé l'expression qu'ils voulaient arriver à leurs fins par des moyens légaux. Ce n'est qu'à partir du moment où l'inefficience de ces moyens légaux est apparue qu'ils ont dû se résoudre à prendre les armes.

Toutes ces tentatives ont échoué. Il y avait des discours au Parlement, il y avait des manifestations dans la rue, des articles dans les journaux: quand les Patriotes et les Réformistes ont dû se résoudre à faire parler les armes, tous ces moyens avaient échoué en vue d'obtenir de Londres la limitation du pouvoir discrétionnaire du gouverneur.

Au Canada comme ailleurs également, l'action violente, même vaincue sur le terrain, aura eu pour effet d'alerter le pouvoir au point de le faire infléchir sur sa position inflexible jusqu'alors.

C'est dans cette perspective que la motion vise à reconnaître l'apport historique des insurgés de 1837-1838 qui se sont battus pour démocratiser les institutions de leur époque.

(1955)

Il ne faut pas trop s'étonner qu'il ait fallu tant d'années pour décanter les événements de 1837-1838. Entre parenthèses, on se rappellera que le clergé, quant à lui, a mis plus de 130, 140 ans à permettre. . .

Le vice-président: Excusez-moi. S'il y a consentement unanime, le député peut continuer, mais son temps de parole est écoulé. Alors, une minute de plus.

M. Mercier: Monsieur le Président, je voudrais rappeler ceci, quand même, pour faire un parallèle, c'est que c'est le 14 juillet 1789 que la Bastille a été enlevée et ce n'est que 100 ans après que la prise de la Bastille est devenue fête nationale. Pourtant, la Bastille, ce n'était pris que par les Parisiens. Je pense à ce que disait mon collègue d'en face tout à l'heure, ce n'était que la prise faite par les Parisiens, et pourtant, c'est toute la France qui a pour fête nationale cet événement local et c'est à ce titre, par cet exemple que je veux illustrer le fait que nous demandons la reconnaissance de ces événements.

Quelle que soit l'opinion des députés de cette Chambre, en ce qui concerne l'avenir du Canada, il me paraît légitime qu'aujourd'hui nous nous tournions avec respect et émotion vers le passé, nous nous inclinions devant cette poignée d'hommes qui au prix de leur vie parfois, voici un siècle et demi, ont aidé à façonner nos institutions démocratiques.

Le vice-président: La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée.

[Traduction]

Conformément à l'article 93 du Règlement, l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

_____________________________________________


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MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, récemment, j'ai posé une question au gouvernement, plus précisément au secrétaire d'État à l'Asie et au Pacifique, au sujet de la visite prochaine en Asie du premier ministre et de l'Équipe Canada, accompagnés de neuf premiers ministres provinciaux. J'ai parlé plus particulièrement des droits de la personne et de la démocratie dans les pays d'Asie que le premier ministre et les premiers ministres provinciaux s'apprêtent à visiter.

J'ai prié instamment le premier ministre de se faire le défenseur des droits de la personne et de la démocratie, surtout en Chine, au Tibet, en Indonésie et dans le Timor oriental. Je voudrais rappeler au premier ministre les propos qu'il a tenus dans une lettre écrite en décembre 1991. Il avait dit que, dans de nombreux pays, les progrès réalisés sur le chapitre du respect des droits de la personne sont le résultat direct des pressions exercées par les démocraties occidentales.

Je trouve ironique que le secrétaire d'État à l'Asie et au Pacifique a été l'un des porte-parole les plus éloquents du mouvement en faveur de la démocratie au Canada et qu'il a réclamé l'instauration de la démocratie et le respect des droits de la personne en Chine. En fait, il a eu plusieurs différends avec le gouvernement de ce pays. Il a été l'un des principaux organisateurs d'une délégation pour la défense des droits de la personne à laquelle j'ai eu l'honneur de participer avec deux autres députés, dont sa collègue, la députée libérale de Nepean.

Je voudrais aujourd'hui demander de nouveau au premier ministre, au secrétaire d'État à l'Asie et au Pacifique et au ministre des Affaires étrangères de reconnaître que les préoccupations qui ont donné lieu, en 1991, à ce plaidoyer en faveur du respect des droits de la personne et qui ont été une source de


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motivation pour le secrétaire d'État à l'Asie et au Pacifique dans les années suivantes et, en fait, avant cela, existent encore.

En ce qui concerne la situation en Chine, le 4 juin dernier, à l'occasion du cinquième anniversaire du massacre de la place Tiananmen, le premier ministre Li Peng a décidé d'appliquer de nouveaux règlements très sévères qui censurent encore plus les droits de la personne.

Des mesures de répression ont été prises contre les dissidents du côté ouvrier. La situation au Tibet est très grave. Nous savons, par exemple, que la Chine a récemment interdit l'affichage de photos du dalaï-lama, qu'elle poursuit ses essais nucléaires, qu'elle continue de vendre des armes à des régimes répressifs et, ce qui est plus grave encore, qu'elle maintient sa politique inhumaine d'échange de populations. La répression brutale des religieuses et moines bouddhistes se poursuit au Tibet.

(2000)

Au Timor oriental, les violations des droits de la personne sont également très graves. J'exhorte le gouvernement à cesser de financer la promotion d'échanges commerciaux avec l'Indonésie, de soutenir l'embargo international sur les armes, de réclamer la libération de Xanana Gusmoa et de tous les prisonniers politiques du Timor oriental, de souscrire au droit à l'autodétermination du Timor oriental, comme le premier ministre l'a fait dans sa lettre de décembre 1991.

En conclusion, j'espère que le gouvernement réaffirmera au gouvernement chinois l'importance que nous attachons à la démocratie, à la liberté d'expression et à la primauté du droit pour Hong Kong, à la veille de la période de transition prévue pour le 1er juin 1997.

Il y aura très bientôt un grand banquet à Beijing. J'espère que notre gouvernement reconnaîtra que, en plus de faire de la promotion commerciale, nous devons proclamer haut et fort les droits de la personne et la démocratie. Il faut réclamer la libération immédiate de Wei Jingsheng. En effet, tout doit être mis en oeuvre pour promouvoir les droits de la personne et la démocratie, deux concepts qui sont si importants et si profondément enracinés, tant au Canada qu'en Asie.

L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique), Lib.): Monsieur le Président, le respect des droits de l'homme en Chine demeure un objectif important de notre programme à l'échelon bilatéral et à l'échelon multilatéral. Sur le plan bilatéral, nous mettons à profit toute occasion de rappeler nos préoccupations aux responsables de haut niveau du gouvernement chinois. Nous continuons d'essayer, par les voies diplomatiques, d'établir un dialogue sérieux à ce sujet.

Nous continuerons de poursuivre les questions relatives aux droits de la personne dans les organisations multilatérales, y compris un dialogue à ce sujet avec les représentants chinois. À la Commission des droits de l'homme qui s'est réunie à Genève de janvier à mars, cette année, le Canada a été le co-auteur d'un projet de résolution sur les droits de la personne en Chine.

Dans cette résolution, les co-auteurs exprimaient leur préoccupation au sujet des rapports continus faisant état de cas de violation des droits de la personne et des libertés fondamentales, y compris la torture, les limites graves imposées à la liberté d'expression, de religion, d'assemblée, d'association et à un procès équitable. Les co-auteurs demandaient à la Chine de prendre des mesures supplémentaires pour veiller au plein respect de tous les droits de la personne, y compris les droits des femmes.

Nous devons aussi reconnaître que certains éléments fondamentaux doivent être renforcés en Chine pour que ce pays devienne un État moderne, ouvert et respectueux des droits de la personne. Nous devons donc, en cette période de libéralisation intensive que traverse la Chine, appuyer tout nouveau moyen de réformer le système chinois.

Nous le ferons en appuyant les activités dans les secteurs où nous estimons que nous pouvons influencer la Chine. Nous allons lancer un certain nombre de projets de coopération afin d'aider la RPC dans ses efforts en vue de réformer sa structure juridique et judiciaire ainsi que dans ses efforts en vue de mettre en valeur ses ressources humaines.

Le commerce, le développement économique et les droits de la personne se renforcent mutuellement. Une Chine ouverte au monde ne peut qu'avoir un effet bénéfique pour sa population, tant sur le plan économique que sur le plan politique, et que faire avancer la cause du respect des droits de la personne.

[Français]

LES COURTIERS EN DOUANES

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, j'adressais en cette Chambre deux questions au ministre du Revenu, concernant les nouveaux règlements en ce qui a trait aux modes de perception des droits et taxes relatifs à l'importation qui entreront en vigueur le 16 janvier prochain.

Dans un document signé de la main du sous-ministre à Revenu Canada, Douanes, Taxes et Accise, après un long préambule tentant de justifier la mesure, et notamment en voulant sécuriser les importateurs, le ministère décide unilatéralement de faire passer les garanties que doivent fournir les importateurs à un montant de 100 p. 100 de leurs remises mensuelles, jusqu'à concurrence de 10 millions de dollars. La raison qui entraîne cette modification est due aux pertes que le gouvernement a subies par des courtiers ou importateurs qui ne pouvaient plus faire leurs paiements.

(2005)

Pour l'instant mais pour peu de temps, ces garanties sont de 35 p. 100 des premiers 200 000 $ et de 17,5 p. 100 des 1,8 million de dollars suivants, jusqu'à concurrence d'un maximum de 2 millions de dollars de garantie.

Une telle garantie peut notamment être une somme d'argent, des bons du Trésor, une lettre de garantie bancaire ou une lettre de garantie émise par le gouvernement.

Selon la Loi sur les douanes, c'est l'importateur qui est en dernier lieu responsable du paiement des droits et des taxes. Au Canada, annuellement, ces droits et taxes s'élèvent à environ 11,5 milliards de dollars dont la majorité est perçue par les courtiers en douanes, et ce, sans frais pour le gouvernement.

Un manufacturier désireux d'importer une quantité quelconque de matériaux ou produits peut importer lui-même ses biens. Le recours à un courtier en douanes n'est que facultatif et non obligatoire.

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Dans la revue des importateurs canadiens du 5 octobre dernier, ceux-ci soulèvent de réelles objections quant à la hausse des garanties exigées. Cette hausse aurait pour effet de les forcer à geler des actifs qui sont pour la plupart affectés à la garantie de leur fonds de roulement.

Lors du dépôt du rapport du Comité de l'industrie sur le financement de la PME, la conclusion qui en ressort est que le manque de financement des PME est la faute de tout le monde sauf du gouvernement. C'est à n'y rien comprendre.

De plus, j'apprends aujourd'hui même que de très gros importateurs, telles GM, Chrysler et Honda, se refusent énergiquement à fournir une telle garantie et qu'ils sont en négociation avec le ministère du Revenu national afin de lui faire revoir cette politique. On négocie avec les gros, mais on écrase les petits.

Une compagnie importatrice ou un très gros courtier en douanes qui a des redevances mensuelles de 250 millions de dollars, mais qui n'en garantit que 10 millions, ne se trouve-t-il pas avantagé par cette mesure, alors qu'un tout petit courtier doit garantir, lui, 100 p. 100 de ses remises mensuelles? N'y aurait-il pas un certain favoritisme aux dépens des plus petits? Le gouvernement se dit prêt à encourager la PME, mais lorsque vient le temps de tenir parole, il se dégonfle.

J'aimerais obtenir une explication là-dessus.

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, le ministère a connu un nombre important de non-paiements de la part des courtiers en douanes au cours des dernières années lorsque le cautionnement ne suffisait pas à couvrir ces manquements. Par conséquent, en vue de protéger la Couronne et les importateurs, une augmentation du cautionnement s'est avérée essentielle.

[Traduction]

Les importateurs sont toujours tenus entièrement responsables du paiement de droits et de taxes en vertu de la Loi sur les douanes, indépendamment de tout arrangement conclu avec un courtier en douane pour agir en leur nom. Dans le cas de non-paiements par les courtiers en douane, les importateurs, qui ont déjà acquitté leurs droits et taxes à leurs courtiers en douane, doivent payer une partie de la somme totale une deuxième fois directement au ministère.

À la suite de consultations, il a été décidé que le nouveau niveau de garantie serait égal à 100 p. 100 de la moyenne du relevé K 84 mensuel, allant jusqu'à un maximum de 10 millions de dollars.

Le plafonnement de 10 millions de dollars s'applique, que le cautionnement soit déposé par les importateurs ou qu'il le soit par un courtier en douane de la part de ses clients.

Le plafonnement a été établi parce que les sociétés de cautionnement ont avisé qu'il n'y avait pas suffisamment de cautions au Canada pour garantir l'ensemble des cautionnements dont disposent les commissions de courtage dans un mois donné.

[Français]

L'histoire démontre que c'est parmi les plus petits et moyens courtiers que l'on dénote la plupart des difficultés, tandis que les courtiers d'envergure n'ont fourni aucune preuve qu'ils constituaient un risque. Par conséquent, il est primordial que le groupe assujetti à un risque plus élevé soit couvert jusqu'à 100 p. 100.

Je dois aussi mentionner que la Société canadienne des courtiers en douanes a négocié un programme de cautionnement principal avec une société de garantie qui sera mis à la disposition de ses membres. Les sociétés pourront ainsi obtenir plus facilement la garantie nécessaire.

La société de garantie inscrite au programme de cautionnement principal de la Société canadienne des courtiers en douanes a précisé que, sous réserve du nouveau régime de cautionnement, les 80 sociétés cautionnées actuellement seront couvertes.

(2010)

[Traduction]

L'ÉTHIQUE

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, j'ai récemment posé une question au premier ministre sur l'éthique et le rôle de son conseiller privé en matière d'éthique. Sa réponse évasive est loin de m'avoir satisfait. Cette réponse et l'attitude du premier ministre face aux questions d'intégrité et de responsabilité entrent en contradiction flagrante avec ce qui est dit dans le livre rouge.

Le gouvernement semble avoir une mémoire très sélective lorsqu'il s'agit du contenu de son livre rouge et de ses promesses électorales. Si leurs promesses coïncident avec ce qu'ils font, les libéraux les rappellent et les citent. S'ils ont changé d'idée ou si leurs promesses les embarrassent, les libéraux oublient ce qu'ils disaient il y a un an.

Je voudrais leur rafraîchir la mémoire en leur rappelant ce qu'ils disaient sur l'intégrité et l'éthique. À la page 88 du livre rouge, on lit: «La transparence sera le mot d'ordre des libéraux.» Pourquoi, en ce cas, entourent-ils d'un si grand secret les actions, les responsabilités et les activités du conseiller en éthique? En page 91 du livre rouge, on lit: «Nous désignerons un conseiller indépendant [. . .]Le conseiller sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes et fera rapport au Parlement.»

Le premier ministre tente de faire croire qu'il est préférable que le conseiller en éthique lui rende directement compte plutôt qu'au Parlement. Il a déclaré à maintes reprises que le rôle du conseiller, c'est d'être le conseiller privé du premier ministre. Cela entre en contradiction flagrante avec une promesse très claire faite pendant la campagne électorale. Cette action est indigne d'un gouvernement qui cherche à rétablir l'intégrité et à rassurer les Canadiens devenus cyniques.

Si le conseiller en éthique n'a pas de comptes à rendre à la Chambre des communes, il n'est alors rien d'autre pour le gouvernement qu'un chien de salon et un béni-oui-oui. Il est clair que M. Wilson n'a pas pour rôle d'assurer quelque norme éthique que ce soit pour le gouvernement. Il est évident pour tous le

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Canadiens que la fonction de conseiller en éthique a été créée pour donner au public l'impression qu'on se soucie d'éthique. C'est de la politique à l'ancienne et une honteuse façade.

Les Canadiens s'interrogent sur l'intégrité et l'éthique au gouvernement. Ce dernier réagit en exhibant le conseiller en éthique qu'il garde enfermé dans une pièce jusqu'à ce qu'il en ait besoin, dans l'espoir que cela réussisse à berner le public. M. Wilson porterait un titre plus approprié si on l'appelait le doreur d'image du gouvernement en matière d'éthique.

Tout au long de cette affaire concernant les actions inopportunes du ministre du Patrimoine canadien, le premier ministre a été évasif et incohérent. Le Parlement ne sait toujours pas quand on a communiqué avec le conseiller en éthique, qui a communiqué avec lui, quel conseil il a donné et si ce conseil a été suivi.

Je mets le gouvernement au défi d'agir avec honneur et de rendre publique la correspondance avec le conseiller en éthique au sujet du scandale du ministre du Patrimoine canadien. S'il n'y a pas eu de correspondance en bonne et due forme entre le premier ministre et M. Wilson, c'est tout aussi inadmissible.

Le premier ministre ne semble pas certain que la conduite du ministre soit inacceptable. Cela peut se comprendre, car il a lui-même eu des problèmes comme ministre par le passé. En 1971, lorsqu'il était ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, le premier ministre a suscité passablement de controverse en communiquant avec un juge de la cour supérieure au sujet d'une affaire en instance.

En guise de conclusion, je dirai que les comportements contestables ou d'une éthique douteuse ne sont pas étrangers au gouvernement. Dans leur livre rouge, les libéraux ont comparé leur comportement à celui du gouvernement conservateur précédent.

Le gouvernement n'est-il pas conscient qu'il établit des normes d'éthique fort peu exigeantes et qu'il n'arrive même pas à respecter ces normes?

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suis très étonné que le député de Kindersley-Lloydminister utilise des mots comme «scandale» et d'autres du même genre pour décrire cette situation.

Il sait pertinemment que ses remarques sont inopportunes et extrêmement exagérées. Bien sûr, il essaie de plaire à un public cher au Parti réformiste, en se drapant dans sa vertu, comme c'était la coutume chez les néo-démocrates à la Chambre, mais dont ils n'ont même plus la prétention.

Le député sait pertinemment que la démarche du gouvernement dans ce cas est tout à fait conforme aux politiques énoncées dans le livre rouge. Quand il en a cité des passages, il a omis de signaler qu'il s'agissait d'extraits d'un chapitre où il est question d'obliger les lobbyistes à divulguer certains faits au Parlement.

Nous avons parlé de transparence à propos des lobbyistes parce que nous étions préoccupés du fait que, sous le précédent gouvernement, certaines tractations entre des lobbyistes et des députés et des membres du Cabinet se sont déroulées loin de la place publique. Nous avons décidé qu'il fallait plus de transparence. Nous avons donc présenté le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, laquelle, comme le sait pertinemment le député, est actuellement à l'étude d'un comité.

Le projet de loi C-43 permet au conseiller en éthique non seulement de donner des conseils au premier ministre, mais aussi de présenter certaines instances au Parlement. Il a ses coudées franches en ce qui a trait aux lobbyistes. S'il a des raisons de croire qu'il y a eu infraction au code de conduite des lobbyistes, le conseiller en éthique peut décider d'enquêter; dans ce cas son rapport serait présenté au Parlement.

En vertu du même projet de loi, le conseiller en éthique doit aussi présenter annuellement un rapport au Parlement sur l'administration de la législation sur les lobbyistes.

Le député sait parfaitement que tout cela est prévu dans le projet de loi. Il aurait agi de façon plus responsable s'il l'avait signalé durant son intervention. Il sait très bien que c'est le cas.

En fait, le premier ministre a accepté l'entière responsabilité des gestes posés par le ministre du Patrimoine canadien, dans le cas qui nous occupe, et avec raison. Il a décrit ces gestes comme des erreurs commises de bonne foi et que le ministre a corrigées à la première occasion.

Je ne comprends pas pourquoi le député n'accepte pas cette explication que j'estime raisonnable. Comme le premier ministre l'a dit hier, à la période des questions, la responsabilité, c'est lui qui l'assume, et aucun conseiller en éthique ne peut enlever cette responsabilité au premier ministre du Canada, qui est ultimement responsable de tous envers la Chambre.

Le vice-président: Conformément au paragraphe 38(5), la motion d'ajournement est adoptée d'office. La Chambre s'ajourne à 14 heures demain.

(La séance est levée à 20 h 16.)