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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 15 mars 1994

AFFAIRES COURANTES

LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

DÉCRETS DE NOMINATION

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LOI SUR LA DIVULGATION DE LA RÉMUNÉRATION VERSÉE AUX DIRIGEANTS D'ORGANISMES DE CHARITÉ ET D'ORGANISATIONS SANS BUT LUCRATIF

    Projet de loi C-224. Adoption des motions portant présentation et première lecture 2253

PÉTITIONS

LA LETTONIE

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

    M. Mills (Red Deer) 2279
    Mme Stewart (Northumberland) 2279
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 2284

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES CHAMPIONNATS JUNIORS DE SKI ALPIN

REVENU CANADA

L'EUTHANASIE

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 2285

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE DÉCÈS DE M. DAVE MCCOMB

LES MINORITÉS LINGUISTIQUES

    M. Leroux (Shefford) 2285

LE CANCER DU SEIN

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 2286

LE PORT DE HALIFAX

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES CONSOMMATEURS

    M. O'Brien (London-Middlesex) 2286

L'IMMIGRATION

LE FORUM DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE DU QUÉBEC

LE CHAMPIONNAT CANADIEN DE CURLING

LE TEMPLE CANADIEN DE LA RENOMMÉE MÉDICALE

LES DROITS DE LA PERSONNE

QUESTIONS ORALES

LA CRÉATION D'EMPLOIS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2288
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2288
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2288

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

LA CRÉATION D'EMPLOIS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2289
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2289
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2289

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

LA PETITE ENTREPRISE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2290
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2291

LES AFFAIRES INDIENNES

LES TAUX D'INTÉRÊT

    M. Harper (Calgary-Ouest) 2291
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2291
    M. Harper (Calgary-Ouest) 2291

L'ÉDITION

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2292
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2292
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2292

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LES BUREAUX RÉGIONAUX DES MINISTRES

    M. White (North Vancouver) 2293
    M. White (North Vancouver) 2293

L'ENVIRONNEMENT

    M. Chrétien (Frontenac) 2293
    M. Chrétien (Frontenac) 2293

L'IMMIGRATION

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

LA SURPÊCHE EN HAUTE MER

    M. Bernier (Gaspé) 2295

L'AGRICULTURE

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 2296

LE REVENU MINIMUM ANNUEL GARANTI

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LE DÉCÈS DE M. GILBERT RONDEAU

    M. Leroux (Shefford) 2296

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

    Reprise de l'étude de la motion et de l'amendement 2297
    M. Leblanc (Longueuil) 2302
    M. O'Brien (London-Middlesex) 2307

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption des motions 2309

LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

    Reprise de l'étude de la motion et de l'amendement 2309

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-214. Motion portant deuxième lecture 2315

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 18 h 10 2321

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ (ARTICLE 81)-LE BUDGET

    Reprise de l'étude de la motion de M. Speaker (Lethbridge) 2321
    Rejet de la motion par 193 voix contre 41 2322

2253


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 15 mars 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je voudrais déposer, dans les deux langues officielles, un document d'orientation à l'intention du Comité mixte spécial du Parlement qui examinera la politique étrangère du Canada.

* * *

DÉCRETS DE NOMINATION

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de déposer, dans les deux langues officielles, quelques décrets annonçant les nominations faites par le gouvernement.

Conformément au paragraphe 110(1) du Règlement, ces décrets sont renvoyés aux comités permanents énumérés dans la liste jointe.

* * *

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à trois pétitions.

* * *

LOI SUR LA DIVULGATION DE LA RÉMUNÉRATION VERSÉE AUX DIRIGEANTS D'ORGANISMES DE CHARITÉ ET D'ORGANISATIONS SANS BUT LUCRATIF

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth) demande à présenter le projet de loi C-224, Loi sur la divulgation de la rémunération versée aux dirigeants d'organismes de charité et d'organisations sans but lucratif.

-Monsieur le Président, j'interviens à la Chambre aujourd'hui pour présenter un projet de loi d'initiative parlementaire intitulé «Loi sur la divulgation de la rémunération versée aux dirigeants d'organismes de charité et d'organisations sans but lucratif», dont le but est d'obliger tous les organismes financés par les contribuables à rendre compte des salaires et des avantages accordés à leurs dirigeants.

Dès qu'un groupe reçoit, directement ou indirectement, de l'argent de la population, il doit être disposé à céder son droit à la confidentialité. Le principe qui exige la divulgation de la rémunération des députés devrait s'appliquer également à toute personne qui bénéficie de la confiance de la population. Le projet de loi porte sur ce principe.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LA LETTONIE

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de déposer une pétition signée par des habitants de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, du Québec et de l'Ontario, ce qui indique bien l'importance de la pétition.

Les pétitionnaires déclarent: attendu que des troupes russes continuent à occuper un grand emplacement radar en Lettonie; attendu que le rayonnement électromagnétique d'intensité maximale de cet emplacement a de profondes répercussions négatives sur la santé de la population des environs; attendu que la Lettonie, à titre d'État indépendant, a maintes fois exigé le retrait des troupes russes. À ces causes, les pétitionnaires demandent humblement qu'il plaise au Parlement d'inviter les Russes à retirer promptement leurs troupes de la Lettonie et d'avertir les Russes que le Canada liera son aide et son financement à l'exécution de cette demande.

Et les pétitionnaires ne cesseront de prier.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

(Les questions auxquelles une réponse verbale est donnée sont marquées d'un astérisque.)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, nous répondons aujourd'hui à la question no 13.

[Texte]

Question no 13-M. Grubel:

2254

En application du programme de réunion des familles, a) combien d'immigrants ont été admis au Canada ces douze derniers mois, b) quel est l'âge moyen des immigrants admis au Canada, c) combien d'immigrants le ministre de l'Immigration prévoit-il admettre annuellement au cours des trois prochaines années?
L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): En application du programme de réunion des familles:

a) Les données préliminaires pour 1993 indiquent que 109 765 immigrants ont été admis au Canada dans le cadre du programme de la réunion des familles.

b) Le programme de la réunion des familles comporte trois grandes catégories: les conjoints, les enfants à charge ainsi que les parents et les grands-parents. Le requérant principal peut amener avec lui les personnes qui sont à sa charge comme il est précisé dans le règlement. Des 109 765 immigrants admis, 50 p. 100 l'ont été dans la catégorie des conjoints, 12 p. 100 dans celle des enfants à charge et 38 p. 100 dans celle des parents et grands-parents.

L'âge moyen des requérants principaux de la catégorie des conjoints était de 31 ans. Quatre-vingt-dix p. 100 des personnes à charge des conjoints avaient moins de 19 ans et 9 p. 100 avaient entre 19 et 30 ans.

L'âge moyen des immigrants de la catégorie des enfants à charge était de 16 ans.

L'âge moyen des requérants principaux de la catégorie des parents et grands-parents était de 64 ans. Dans cette catégorie, 53 p. 100 des personnes à charge avaient moins de 30 ans, 20 p. 100 étaient âgées de 31 à 50 ans, et 26 p. 100 avaient plus de 50 ans.

c) Le plan d'immigration de 1994 qui a été déposé le 2 février 1994 annonçait un niveau de 111 000 immigrants de la catégorie de la famille pour l'année civile 1994.

Les niveaux d'immigration pour 1995 et les années subséquentes n'ont pas encore été précisés. Le 2 février 1994, le ministre a également annoncé qu'il lançait un nouveau processus de consultation publique destiné à façonner la politique d'immigration du Canada pour la prochaine décennie. Les consultations mèneront, l'automne prochain, à l'établissement d'un nouveau cadre stratégique décennal pour la politique d'immigration et de nouveaux plans d'immigration quinquennaux.

Les niveaux d'immigration pour 1995 et pour les années subséquentes, y compris pour la catégorie de la famille, seront annoncés une fois le processus de consultation terminé.

[Traduction]

Le Président: On a répondu à la question indiquée par le secrétaire parlementaire.

M. Milliken: Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

Le Président: Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.


2254

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1010)

[Français]

LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères) propose:

Qu'un comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat soit constitué pour examiner la politique étrangère du Canada, y compris le commerce international et l'aide étrangère;
Que le document intitulé «Lignes directrices pour le Comité mixte spécial chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada» soit renvoyé au comité;
Que le comité ait le mandat de procéder à de vastes consultations, à analyser les questions traitées dans le document susmentionné, et à formuler dans son rapport des recommandations sur les objectifs et l'application de la politique étrangère du Canada;
Que le comité soit composé de quinze députés de la Chambre des communes et de sept sénateurs;
Que les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes soient nommés au nom de la Chambre à titre de membres dudit comité;
Que le comité soit autorisé à siéger pendant les séances de la Chambre et les périodes d'ajournement;
Que le comité ait le pouvoir de faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, d'exiger la production de documents et de dossiers, et de faire imprimer ces documents et témoignages selon ce qu'ordonnera le comité;
Que le comité ait le pouvoir de retenir les services de spécialistes, de personnel professionnel, technique et de bureau;
Que le comité ait le pouvoir de se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada et à l'étranger et que, s'il y a lieu, le personnel nécessaire accompagne le comité;
Que le quorum du comité soit fixé à douze membres lorsque celui-ci doit voter, se prononcer sur une résolution ou prendre une autre décision, à condition que les deux Chambres soient représentées et que les coprésidents soient autorisés à tenir des réunions pour entendre des témoignages et en autoriser la publication, lorsque six membres sont présents, à condition que les deux Chambres soient représentées;
Que le comité ait le pouvoir de constituer en son sein les sous-comités qu'il juge souhaitables et de déléguer à de tels sous-comités la totalité ou une partie de ses pouvoirs, sauf celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes;
Que le comité ou ses représentants se réunissent, lorsqu'ils le jugent à propos, avec le Comité mixte spécial chargé d'examiner la politique de défense du Canada ou ses représentants;
Que le comité ait le pouvoir d'autoriser la télédiffusion et la radiodiffusion d'une partie ou de la totalité de ses travaux;
Que, nonobstant les usages en vigueur à la Chambre, si le Sénat ou la Chambre ne siège pas au moment où le comité termine son rapport intérimaire, le comité déposera son rapport auprès des Greffiers des deux Chambres et que ledit rapport soit alors réputé avoir été présenté aux deux Chambres;

2255

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 octobre 1994; et
Qu'un message soit envoyé au Sénat le priant de se joindre à la Chambre pour les fins susmentionnées et de choisir, s'il le juge opportun, des sénateurs pour le représenter audit comité mixte spécial.
-Monsieur le Président, nous croyons qu'il est temps d'examiner notre politique étrangère à la lumière des changements survenus dans le monde, de nos intérêts nationaux, mais aussi à la lumière de nos capacités et des nouvelles contraintes que nous connaissons aujourd'hui.

Le livre rouge dressait la liste des initiatives que le gouvernement libéral entendait poursuivre. Depuis ma nomination au poste de ministre des Affaires étrangères, le 4 novembre dernier, j'ai entrepris des mesures nécessaires afin d'arriver à ces objectifs.

Premièrement, le gouvernement ratifiera bientôt la Convention sur le droit de la mer. Nous reconnaissons le désir des Canadiens et des Canadiennes, en particulier ceux des régions atlantiques, de voir un mécanisme international de contrôle des pêcheries en haute mer plus efficace. À cette fin, mon collègue le ministre des Pêches et des Océans se rendait à New York hier pour participer à une conférence extraordinaire des Nations Unies sur cette question.

Par ailleurs, j'ai demandé aux fonctionnaires de mon ministère de produire un document de travail sur les grandes questions touchant la réforme de l'Organisation des Nations Unies. Alors que nous nous préparons à célébrer le 50e anniversaire de cette organisation en 1995, je rappellerai que le Canada a toujours occupé une importance relativement considérable aux Nations Unies. Nous avons accordé, dans le cadre de la préparation de ces fêtes du 50e anniversaire, une contribution financière à l'Association canadienne des Nations Unies, afin de l'appuyer dans ses efforts pour sensibiliser la population canadienne à cette réforme de l'Organisation des Nations Unies dans le contexte de ce 50e anniversaire.

De plus, de concert avec mon collègue le ministre de l'Environnement, je poursuis des efforts pour placer le développement durable au centre de notre programme d'aide internationale.

Enfin, nous avons aussi fait état dans notre livre rouge de notre volonté de démocratiser l'élaboration de la politique étrangère canadienne. Notre volonté est toujours aussi ferme.

(1015)

Ainsi, il me fait plaisir d'ouvrir aujourd'hui, en cette Chambre, le débat sur l'examen de la politique étrangère.

Nous avons promis de doter le Canada d'une politique étrangère indépendante. Qu'est-ce que cela veut dire une politique étrangère indépendante? C'est, d'abord et surtout, d'avoir le courage politique de dire ce que l'on pense, d'oser le dire parfois malgré les autres, d'oser le dire souvent avant les autres, mais de toujours le dire mieux que les autres. Notre politique étrangère, non seulement doit-elle être indépendante, mais nous devons la démocratiser. Et la meilleure façon de la démocratiser, c'est, bien sûr, d'être à l'écoute des préoccupations et des intérêts des Canadiens et des Canadiennes. C'est pourquoi nous voulons élargir le processus de consultations publiques afin, d'une part, de permettre au Parlement de jouer, au premier chef, un rôle important dans cette révision.

Nous avions promis que nous permettrions au Parlement d'exprimer son point de vue sur les grandes questions à caractère international. C'est ainsi que les députés ont eu l'occasion de débattre de notre rôle de maintien de la paix en Bosnie, ainsi que des essais des missiles de croisière au Canada. Je pense que ces initiatives nouvelles doivent être continuées. Je pense que le comité parlementaire a ainsi une occasion exceptionnelle de se pencher sur les grandes questions qui doivent faire l'objet d'une révision dans le cadre de l'examen de notre politique étrangère.

J'espère et je souhaite que les parlementaires tiendront des séances publiques un peu partout à travers le pays et inviteront la population canadienne, non seulement à soumettre des mémoires, non seulement à venir témoigner devant le comité parlementaire, mais à établir un dialogue avec le gouvernement par l'entremise des membres de ce comité de la Chambre des communes et du Sénat.

Nous allons aussi inviter la population à participer activement à cet examen. Ainsi, nous tiendrons les 21 et 22 mars prochains, ici à Ottawa, un Forum national sur les relations internationales du Canada. Ce forum sera parrainé par mes collègues, le ministre du Commerce international, le ministre de la Défense et moi-même. Le premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, présidera l'ouverture des travaux de ce forum.

Plus d'une centaine de personnalités canadiennes de différents milieux, représentant différents organismes, différents groupes, seront invités à examiner, en profondeur, dans des ateliers de travail, les grandes directions de notre politique étrangère en tenant compte des changements bouleversants de ces dernières années. Leurs remarques seront certainement très utiles lorsque nous ferons le bilan de notre politique étrangère. Nous devrions être en mesure de déterminer quelles sont les politiques qui continuent de servir nos intérêts et quelles sont celles qui méritent d'être reformulées.

Le gouvernement demandera, après la tenue du forum, à ce comité parlementaire mixte d'entreprendre son propre examen, de tenir compte de ce qui aura été dit au forum et de formuler des recommandations précises au gouvernement du Canada. Je souhaite que le comité ait l'occasion d'entendre les opinions et les points de vue les plus divers à travers le pays.

(1020)

Pendant ce temps, je poursuivrai avec mes collègues, les deux secrétaires d'État et le secrétaire parlementaire, une vaste consultation auprès de tous ceux et celles qui s'intéressent aux questions internationales et, en particulier, au programme d'aide au développement international.

Les récentes consultations annuelles sur les droits de la personne, avec les organisations non gouvernementales, ont été très fructueuses alors que nous nous préparions pour la Commission des droits de l'homme à Genève cette année. La récente semaine du développement international a été pour moi plus qu'un simple exercice d'écoute. Elle m'a permis en fait de poursuivre et de développer des liens de coopération avec nos interlocuteurs. C'est dans cet esprit que nous voulons poursuivre cette démarche, car il y a une multitude de citoyens qui, à l'intérieur des organismes non gouvernementaux, poursuivent la politique étrangère canadienne et participent à la bonne renommée que le Canada a à travers le monde en servant dignement et d'une façon très substantielle les intérêts canadiens à l'étranger.

Je tiens à souligner en cette Chambre l'importance que j'accorde au processus de la consultation. Le forum et les travaux du


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comité ne seront pas une dernière étape du processus de consultation. En effet, le gouvernement entend poursuivre ces consultations, comme je le disais, et nous espérons que ceci deviendra un heureux précédent qui se perpétuera tout au long du mandat de ce gouvernement.

Nous voulons que ce forum, dans les prochaines années, soit utilisé pour examiner certains aspects particuliers de la politique étrangère canadienne. Le gouvernement cherchera à maintenir un examen continu de sa politique étrangère auquel il associera les citoyens du pays et évidemment les représentants élus, car dans ce monde où les changements rapides et bouleversants sont la norme, nous devons établir et élaborer un mécanisme souple et efficace. C'est ce que nous avons l'intention de faire et c'est ce que je promets en cette Chambre.

Tout en étant engagés dans notre examen de la politique étrangère, nous ne pouvons pas ignorer que nos responsabilités internationales demeurent. À cet égard, cette année, nous devrons participer à cinq grandes rencontres multilatérales. Le premier ministre a déjà participé, au début de l'année, au récent Sommet de l'OTAN. Il ira en Italie, au cours de l'été, pour participer au Sommet annuel des pays du Groupe des Sept. Il se rendra à l'automne en Asie pour participer à celui de l'APEC, la Coopération économique de l'Asie pacifique. Finalement, il participera au Sommet de l'organisation des États américains et de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.

Nous serons donc, au cours de cette année, très présents sur la scène internationale et nous devons saisir cette opportunité pour y faire connaître nos points de vue et nos intérêts.

[Traduction]

Notre gouvernement a été élu et a reçu le mandat de renouveler notre économie, notre société, notre intégrité politique et notre confiance en l'avenir. Nous avons déjà amorcé le processus, mais nous savons qu'il nous reste encore beaucoup de chemin à faire. Malgré les nombreux obstacles, il est clair que nous devons aller de l'avant.

(1025)

Des défis énormes et des choix déchirants nous attendent et nous devrons faire face à bon nombre d'entre eux ici même, dans notre pays. Comme nous le disions dans le livre rouge, trouver des emplois, protéger l'environnement, promouvoir l'unité nationale, assurer la sécurité politique et enrichir l'identité culturelle du Canada sont tous des objectifs intrinsèquement liés aux mesures que prend le Canada sur la scène internationale.

La communauté internationale fait face à de graves problèmes. Pour les régler, les pays du monde entier devront unir leurs efforts. En matière d'économie, de sécurité mondiale, de respect du droit international, aucun pays ne peut faire cavalier seul. Nous avons tous des fardeaux similaires à porter et les liens qui nous unissent ne peuvent être rompus.

[Français]

Ce gouvernement sait à quel point la tâche de renouveau national est ardue, mais nous savons aussi que notre bien-être en tant que pays dépend d'un environnement international stable dans lequel nous serons en mesure de prospérer.

Comme le disait le premier ministre dans notre livre rouge: «Le Canada a toujours su s'adapter aux changements et surmonter l'adversité; ce sera aussi la clé de notre avenir.» Nous ne pouvons pas dissocier les changements survenus à l'étranger de ceux survenus chez nous. Nous devons faire preuve de détermination, d'imagination et de courage. Nous sommes confiants que nous réussirons à relever les défis de notre époque. Nous aurons cependant besoin de l'appui et de la confiance de tous les Canadiens et Canadiennes afin de relever ce défi extraordinaire. Nous avons démontré, dans le passé, notre volonté de résoudre les problèmes de ce pays de façon collégiale, de façon ouverte et de façon coopérative.

Le processus d'examen de la politique étrangère que je lance aujourd'hui entend poursuivre ces mêmes principes. Pourtant, nous ne cherchons pas à jouer aux iconoclastes. Nous ne cherchons pas à renier toutes les valeurs qui nous ont guidés dans la conduite de notre politique étrangère jusqu'à maintenant. Nous devons arriver à un équilibre entre continuité et changement. Il existe beaucoup d'éléments solides de notre politique étrangère qui demeurent valables et nécessaires encore aujourd'hui, des objectifs et des caractéristiques qui ont contribué à nous définir comme une nation indépendante aux yeux de la communauté internationale.

Je dirais que le monde entier attend quelque chose de nous qu'il n'attend pas des autres. En effet, il faut le rappeler, le Canada est un pays qui a quelque chose de spécial dont peu de pays au monde peuvent s'enorgueillir. Nous sommes, en quelque sorte, universels. Nous avons une universalité qui n'est pas semblable à aucun autre pays du monde. En effet, nous sommes d'Amérique, et parce que nous sommes d'Amérique nous avons, à travers l'ALENA, tissé des liens particuliers avec nos voisins américains et mexicains. Mais étant d'Amérique et étant membres de l'Organisation des États américains, nous sommes aussi partenaires des pays des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud. Mais nous ne sommes pas qu'Américains, nous sommes aussi, du fait de notre géographie, de l'Atlantique. C'est pourquoi notre passé, notre histoire transatlantique, nous amènent à avoir des liens très étroits avec l'Europe, avec les pays d'Europe. Par conséquent, au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, nous avons tissé des liens d'amitié, des liens de coopération avec les pays de l'Europe. Mais nous sommes aussi du Pacifique. Et, à l'intérieur de l'APEC, nous sommes en train de développer de plus en plus des liens importants avec les pays de l'Asie. Mais nous avons trois mers. Nous avons l'Arctique. Et, de par cette situation géographique, nous devons aussi nous occuper de nos relations et entretenir des liens de coopération importants avec les pays nordiques.

(1030)

Nous avons la chance d'avoir cette culture et ces langues française et anglaise, qui font que nous appartenons à la fois au Commonwealth et à la Francophonie. Et, à l'intérieur de ces organisations où le Canada joue un rôle important, nous sommes devenus des partenaires très importants, avec plusieurs de ces pays de l'Afrique et de l'Asie. À titre d'ancienne colonie britannique, nous avons des rapports fréquents et très harmonieux avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi avec une multitude de pays africains et asiatiques.

Nous avons pu jouer un rôle de rapprochement, de négociateur pour ramener la paix entre l'Inde et le Pakistan. Nous avons été entraînés dans la solution des règlements du conflit lors de la


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guerre de Corée. Nous avons participé activement en Europe, par nos militaires, à l'instauration d'une paix nouvelle à la suite de la dernière grande guerre mondiale. Et, plus récemment, avec les missions de paix des Nations Unies, le Canada a été présent un peu partout à travers le monde, mais plus particulièrement au Moyen-Orient, pour contribuer à l'édification d'un monde meilleur.

Or, quand nous faisons la somme de cette présence et de cette participation extraordinaire du Canada, nous nous rendons compte qu'il y a peu de pays sur la planète qui puissent prétendre posséder des relations aussi tangibles, aussi importantes avec des pays de tous les continents.

C'est donc en gardant cela à l'esprit que nous devrons penser comment nous pouvons améliorer et changer notre politique étrangère, en restant fidèles à ceux qui avant nous ont travaillé à l'édification de cette politique étrangère.

Nous devrons, bien sûr, faire des choix, faire des choix difficiles dans certains cas, mais nous ne pourrons pas trahir les espoirs et la confiance qu'a mis en nous un nombre important de pays à travers le monde qui, comme je le disais au début, s'attendent à quelque chose de nous qu'ils n'attendent pas des autres.

[Traduction]

Au moment d'amorcer ce processus d'examen de la politique étrangère, il faut tenir compte des mesures qui nous ont bien servis, de celles qui nous ont valu le respect et l'admiration des autres pays, des positions que nous avons prises et des progrès que nous avons réalisés dans des domaines cruciaux, comme la paix et la sécurité, les relations nord-sud et le respect des droits de la personne.

Nous pouvons être fiers du leadership dont a fait preuve le Canada dans la lutte mondiale contre l'apartheid en Afrique du Sud et dans la création des troupes de maintien de la paix. Nous avons toujours défendu nos valeurs et nos intérêts non pas par la force des armes et de la diplomatie belliqueuse, mais par la force de la raison et du dévouement. Nous avons toujours assumé les responsabilités qui nous incombent en tant que citoyens du monde et cherché à accroître la compréhension au niveau international grâce au multiculturalisme coopératif. Nous avons favorisé le commerce extérieur et les investissements au lieu de nous replier derrière une politique protectionniste. Le Canada a joué un rôle primordial dans le dénouement heureux des négociations de l'Uruguay Round et la création de l'Organisation mondiale du commerce.

(1035)

Après avoir jeté les bases des grands principes qui nous sont chers, nous continuerons d'appuyer la paix et la sécurité, la prospérité et le développement au niveau international, le respect des droits de la personne, la démocratie et le bon gouvernement, la primauté du droit et le libre-échange.

[Français]

Je pense que ces éléments continuent à être des objectifs primordiaux. Si des événements remarquables survenus ces dernières années nous donnent espoir, les temps modernes sont malheureusement toujours aussi dangereux et la guerre dans les Balkans en est un exemple, malheureusement, trop flagrant.

Ainsi, nous devons continuer à opérer la transition d'un système de sécurité destiné à contenir la menace soviétique à un système destiné à répondre aux crises et à l'imprévisible. Nous devons donc examiner l'avenir des organisations multilatérales, telles celles de l'OTAN et de la CSCE. Nous devons aussi redéfinir, comme je le disais plus tôt, le rôle des Nations Unies et nous devons aussi tenter de rendre plus efficaces et plus utiles des organisations régionales telle l'Organisation des États américains.

Nous devons aussi tuer dans l'oeuf de nouvelles sources de conflits possibles en poursuivant notre aide au programme de démantèlement des armes nucléaires, en l'élargissant et en faisant respecter les traités de non-prolifération, notamment en Corée du Nord, en Asie du Sud et au Moyen-Orient.

[Traduction]

Les armes chimiques et biologiques de destruction massive suscitent de nouvelles craintes. Les récents traités visant à mettre un terme à leur prolifération constituent un pas dans la bonne direction, mais il faudra améliorer les mesures sur le contrôle et l'accès. Il faudra aussi prendre des mesures internationales pour mettre un frein à l'accumulation excessive des armements classiques.

Les grands mouvements de population, qu'il s'agisse de réfugiés qui fuient la persécution ou de gens à la recherche de meilleures conditions économiques, se poursuivront. Tous les jours, la télé nous montre le désespoir des exilés, des scènes qui nous rappellent tout le chemin qu'il nous reste à parcourir.

Les pays devront tous collaborer pour régler les problèmes à l'origine des pressions qu'exercent les mouvements migratoires. Les mesures d'urgence visant à diminuer les pressions et à endiguer le flot d'immigrants finiront par échouer.

[Français]

La montée de l'ultranationalisme comme idéologie politique place les progrès de la démocratie à la merci de l'intolérance. Nous devons mener une action internationale pour résoudre les problèmes reliés au traitement des minorités ethniques, religieuses et culturelles. Le Canada a beaucoup à offrir à la communauté internationale dans ce domaine. Les volets politiques, sociaux et économiques et les différentes questions environnementales doivent être étudiés comme des composantes d'un tout. Les solutions que nous devons trouver aux nouvelles menaces écologiques ne seront pas toujours faciles à accepter. Le développement durable est la seule voie, à la fois pour les pays en développement, mais aussi pour les pays industrialisés.

(1040)

[Traduction]

Au plan économique, nous sommes aux prises avec une véritable révolution. Les progrès marqués de la technologie sont en train de transformer du tout au tout l'organisation de la production, les modèles d'investissement et les transferts financiers, changements qui défient les formes traditionnelles d'analyse et de contrôle.

Mon collègue, le ministre du Commerce international, va examiner de façon plus approfondie ces changements et leurs répercussions pour le Canada.


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Je tiens à faire remarquer que les changements économiques, politiques et sociaux ne peuvent être isolés les uns des autres. Comme on peut le voir en Europe de l'Est, ils s'entrecroisent, se chevauchent et se heurtent parfois.

[Français]

C'est avec cela en tête que nous désirons bénéficier de l'expérience et des connaissances des Canadiens et des Canadiennes. Nos compatriotes, je le sais, ont à coeur la politique étrangère de leur pays. Nous devons donc écouter la population. C'est elle qui le mieux peut nous dire quels sont les valeurs et les intérêts que ce pays doit promouvoir à l'étranger et quelles sont les meilleures contributions dont la Communauté internationale peut le plus bénéficier.

Cependant, je dirais que nous devrions tenir compte de l'importance de notre présence culturelle à l'étranger dans notre exercice d'examen de la politique étrangère. Nous devons reconnaître que cette composante de notre action internationale est aussi directement liée à nos efforts nationaux pour renforcer la créativité, l'innovation et le développement des ressources humaines.

Bien entendu, nos politiques doivent être réalistes. Nous ne pourrons pas malheureusement faire tout ce que nous voudrions. Ainsi, des choix difficiles devront être faits. Nos ressources étant limitées, nous devrons concentrer nos efforts là où notre contribution aura le plus d'impact. Nous ne déclarons aucun tabou dans cet exercice d'examen de la politique étrangère. Nous devons cependant, en tant que gouvernement, dresser les grandes lignes de cette politique et le gouvernement entend poursuivre son action dans les domaines suivants: premièrement, promouvoir la paix et la sécurité internationales; deuxièmement, définir la place du Canada dans un monde où le rôle des associations régionales est de plus en plus important; troisièmement, faire le lien entre nos valeurs et nos intérêts, y compris nos intérêts économiques et comemrciaux.

Geoffrey Pearson, dans son livre Seize the Day rappelle avec beaucoup d'à-propos comment Lester B. Pearson et ses collègues du ministère ont façonné une politique étrangère canadienne indépendante, originale, avant-gardiste, basée sur des valeurs vraiment canadiennes, mais axée sur une implication soutenue dans des instances internationales comme les Nations Unies et l'OTAN.

En effet, le Canada a toujours axé sa politique de sécurité autour de deux institutions multilatérales: l'OTAN afin de contenir la menace d'expansion communiste et de protéger la démocratie, et les Nations Unies afin de promouvoir les valeurs de dialogue et de coopération pour résoudre ou empêcher les conflits. La disparition du communisme a réduit l'importance de l'OTAN en tant qu'alliance militaire, mais je pense qu'il reste encore beaucoup à faire pour l'OTAN.

Dans cette Europe instable et au visage nouveau, l'OTAN doit se transformer en une organisation de sécurité collective, tout en accueillant parmi ses rangs les pays de l'Europe de l'Est qui veulent se joindre à nous et qui veulent être nos amis et non plus nos ennemis. Il y a là une opportunité que le monde occidental ne peut ignorer et ne peut refuser d'accepter et de comprendre et sur lequel il devra agir le plus rapidement possible.

(1045)

Si l'OTAN a un rôle différent, l'ONU, quant à elle, a dû faire face à une multitude de nouvelles demandes et son rôle, loin de diminuer, a considérablement augmenté. Le Canada, comme vous le savez, a grandement contribué à l'édification des Nations Unies, qui reflètent d'ailleurs de nombreuses valeurs chères aux Canadiens et aux Canadiennes. Après presque 40 ans de quasi-paralysie causée par la guerre froide, on demande maintenant aux Nations Unies de jouer un rôle de plus en plus actif dans la recherche et le maintien de la paix et de la sécurité internationale.

Bien entendu, une telle transition n'a pas été facile. Loin de succomber à la tentation de la critique, nous devons admettre que l'on a demandé à l'ONU, presque du jour au lendemain, de jouer un rôle pour lequel elle ne s'est jamais préparée. L'on en vient même à se demander comment elle a pu travailler au cours de cette période éprouvante. Je pense que nous devons remercier le secrétaire général, M. Boutros-Ghali, et saluer ses efforts remarquables. Il a besoin de l'appui et de l'encouragement de tous les pays et de tous les représentants des pays membres des Nations Unies qui recherchent la paix.

Le Canada a été à la tête des appels pour une réforme profonde de cet organisme. Mais nous devons faire preuve aujourd'hui de tout autant de courage, d'innovation et de détermination qu'au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale lorsque les nations du monde se sont unies pour créer les grandes institutions internationales qui, je le crois, nous ont, malgré tout, très bien servis, malgré leurs imperfections, au cours des années.

[Traduction]

Toutefois, l'inertie des institutions nuit à la pensée créatrice. Nous reconnaissons que le monde est beaucoup plus complexe aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 50 ans. Nous constatons qu'il y a aujourd'hui beaucoup plus de pays représentant beaucoup plus d'intérêts et de façons de voir, et nous comprenons qu'on ne peut pas faire table rase et recommencer à zéro, en ne tenant aucun compte de l'apport considérable des organisations internationales et, en particulier, des Nations Unies. Comme le disait Lester B. Pearson, il y a des années, on ne peut abandonner les Nations Unies comme principale structure de paix.

Cependant, nous croyons qu'il est à nouveau temps de chercher des idées nouvelles en ce qui concerne l'avenir que nous souhaitons pour la communauté mondiale. Nous pourrions puiser dans nos connaissances et nous inspirer de notre expérience pour mettre au point de nouvelles idées en matière de réalisation, de maintien et d'édification de la paix, de contrôle des armements et de désarmement, de formes d'arbitrage et de procédures de recours dans les cas de conflits entre États, de réforme des organismes des Nations Unies spécialisés dans les questions économiques, sociales ou culturelles, de mesures pratiques pour renforcer la collaboration entre les organisations de sécurité, d'amélioration des mécanismes multilatéraux de développement en vue de mettre fin au sous-développement chronique, de catastrophes écologiques internationales et de migrations internationales de populations.

Cette liste n'est manifestement pas exhaustive, mais elle cerne les domaines dans lesquels le Canada, de l'avis du gouvernement, peut contribuer à améliorer les choses. Maintenant que la guerre froide est terminée, il faut continuer à encourager les


2259

divers pays du monde à rechercher la paix. Il faut continuer à chercher des façons de promouvoir le dialogue et la collaboration entre les nations.

(1050)

Comme l'a dit Lester Pearson en acceptant le prix Nobel de la paix, en 1957:

La meilleure garantie de paix, ce n'est pas le pouvoir, mais la suppression de la cause de la guerre, un accord international qui établisse la paix sur des bases plus solides que la terreur de la destruction.
[Français]

Dans ce nouveau contexte international, le Canada doit revoir ses priorités géographiques. La fin d'un monde bipolaire et l'apparition de nouvelles puissances économiques ont contribué au développement des groupes régionaux. Les institutions régionales peuvent supporter de nombreux bénéfices au système international. Elles sont parfois le meilleur instrument de développement économique et de médiation.

Nous espérons que la puissance croissante de certains pays leur donnera la confiance et la détermination nécessaires afin de promouvoir une coopération entre régions sur un nombre important de questions internationales. Nous voulons établir des liens solides qui nous permettraient d'entamer un dialogue franc et ouvert sur nos préoccupations économiques, sociales, politiques et en particulier sur les droits de la personne. Cependant, il se peut que ces régions se constituent en blocs hostiles et agressifs. Le Canada a beaucoup à apporter afin d'éviter une telle évolution.

Nous connaissons l'importance du dialogue et de la coopération au Canada. Le gouvernement est déterminé à aider les pays du monde à adopter cette voie. Pour ce faire, il nous faudra examiner nos priorités. Nous demeurerons attachés à l'Europe, parce que nous y avons des liens historiques, culturels, politiques, économiques et de sécurité, mais nous devrons également regarder comment cette Europe évoluera avec le développement croissant de l'union européenne. Celle-ci, il faut le reconnaître, jouera un rôle de plus en plus important en Europe, ce qui amènera l'Amérique du Nord, le Canada en particulier, à revoir sa position envers le vieux continent.

[Traduction]

Il est clair que l'Amérique du Nord devra réévaluer sa présence et son influence dans une Europe qui devient plus forte et plus unie. Notre mission politique dans l'Europe d'aujourd'hui consiste à édifier les structures économiques et démocratiques, et à garantir la sécurité de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale, y compris en Russie et en Ukraine.

Les dernières élections en Russie nous posent de nouveaux défis. Les résultats des prochaines élections en Ukraine pourraient aussi avoir de sérieuses répercussions sur l'avenir de cette nation. Nous avons déjà fait état de notre volonté d'établir des relations particulières avec l'Ukraine et j'ai déjà annoncé des mesures précises en ce sens.

Il est évident qu'il y a encore beaucoup à faire. Nous continuerons de travailler en étroite collaboration avec nos alliés traditionnels et avec nos nouveaux amis européens pour promouvoir la sécurité. Les rôles respectifs de l'Amérique du Nord et de l'Europe changeront graduellement. La transition conduira à de nouveaux rapports aussi riches et harmonieux que ceux qui nous ont permis de survivre à la guerre froide, mais ils seront axés sur de nouvelles bases qui reflètent le contexte mondial actuel.

Par sa situation géographique, le Canada est une nation septentrionale. Nos rapports avec les États-Unis sont d'une extrême importance pour nous et les nombreux dossiers où convergent nos intérêts mutuels sont traités dans un climat qui rappelle celui des relations d'affaires. Nous avons l'intention d'entretenir ce même climat.

Les États-Unis sont en train de s'adapter à des changements qui se produisent sur leur territoire et à l'étranger, aussi partageons-nous beaucoup de préoccupations. Nous croyons que l'expérience du Canada, particulièrement notre conception des relations multilatérales, pourra être profitable aux Américains lorsque viendra le temps d'adopter de nouvelles perspectives dans ce domaine. Nous attendons avec impatience de commencer à travailler constructivement sur la scène internationale avec notre voisin.

(1055)

Cependant, cela ne signifie pas que nous modifierons nos priorités ou que nous compromettrons nos intérêts pour éviter à tout prix des différends entre nos deux pays. C'est ce que j'ai fait savoir très franchement et très directement à mon homologue américain, Warren Christopher, lors de ma récente visite à Washington, le mois dernier. Je lui ai exposé sans détour les préoccupations du Canada au sujet des efforts déployés par un certain groupe d'Américains pour réduire nos exportations de produits agricoles et autres.

J'ai également fait savoir à M. Christopher que le gouvernement libéral est déterminé à adopter une politique étrangère indépendante. Affirmer notre indépendance ne signifie pas que nous nous opposons à la politique américaine, mais que nous tenons à ce que certaines mesures tiennent compte du point de vue du Canada. Notre espoir de voir, par exemple, les États-Unis lever l'embargo commercial contre Cuba montre clairement notre désir. C'est une question dont j'ai discuté récemment avec mon homologue mexicain, M. Tello, lorsque je me suis rendu au Mexique à titre de chef de la délégation canadienne au comité ministériel mixte bilatéral.

Le Canada a toujours été à l'avant-garde des initiatives diplomatiques. Nous avons reconnu la Chine avant les Américains et, d'une certaine façon, c'est nous qui avons ouvert la voie qui a mené le président Nixon en Chine. Nous avons contribué à changer considérablement les relations avec ce géant d'Asie.

Nous, les Canadiens, croyons que nous pouvons jouer un rôle très important pour faire régner la démocratie et le respect des droits de la personne dans tout l'hémisphère. Le Canada appliquera vigoureusement cette politique dans toutes les régions des Antilles, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, en collaboration avec d'autres pays et certainement pas contre la volonté des Américains, mais bien en tant que partenaire au sein de l'Organisation des États américains.


2260

[Français]

Il est évident que nous devons développer encore plus nos liens avec l'Amérique latine. C'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous voyons la possibilité de créer un véritable projet à l'échelle de l'hémisphère qui irait de nos banquises jusqu'à la Terre de feu. Notre commerce et nos investissements représentent un potentiel énorme. L'Accord trilatéral de libre-échange nord-amércain nous indique la marche à suivre. Cependant, avant d'arriver à un tel projet, de nombreuses étapes devront être franchies.

Nous voulons encourager ce dialogue franc et honnête avec nos partenaires au sujet de nos problèmes communs et respectifs. Nous devons définir ensemble les résultats que nous comptons obtenir afin d'établir clairement nos priorités.

L'Organisation des États américains peut jouer un rôle décisif dans nos relations au sein de l'hémisphère, et le Canada désire rendre cette organisation encore plus efficace et plus dynamique.

La création, par le gouvernement libéral, d'un poste de sous-secrétaire d'État, avec la responsabilité pour l'Amérique latine, démontre notre intérêt pour la région. Ma collègue, l'honorable Christine Stewart, a déjà effectué deux voyages en Amérique latine afin de promouvoir les liens du Canada avec ses partenaires de l'hémisphère. Je lui laisserais le soin de parler plus en détail de nos objectifs. Mais je veux aussi dire que Mme Stewart assume la responsabilité pour l'Afrique. Et c'est à ce titre qu'elle dirigera la délégation bilatérale canadienne à la mission d'observation des élections en Afrique du Sud et qu'elle visitera prochainement des pays d'Afrique pour maintenir nos liens très étroits avec ce continent.

La région de l'Asie-Pacifique est devenue une puissance économique de tout premier ordre.

(1100)

Comme nous l'avons dit dans notre livre rouge, notre prospérité économique dépend en partie de notre volonté de développer nos liens commerciaux avec les pays du bassin pacifique. Nous travaillerons sans relâche avec nos partenaires du secteur privé afin d'accroître les possibilités d'exportation pour nos entreprises.

Nous nous attendons également à voir la région jouer un rôle de plus en plus actif en matière de politique et de sécurité au fur et à mesure de l'accroissement de sa puissance économique.

Afin de marquer l'importance que nous accordons à cette question, le gouvernement a aussi nommé un secrétaire d'État pour l'Asie-Pacifique. Je sais que l'honorable Raymond Chan a déjà pris des mesures pour favoriser les liens et les échanges du Canada avec les pays de la région et qu'il a l'intention de vous les exposer plus tard aujourd'hui dans ce débat.

Avec sa côte ouest ouverte sur le Pacifique, le Canada a intérêt à développer et à diversifier ses liens économiques et sociaux avec les pays de la région, comme l'a démontré le premier ministre lors du Sommet de l'APEC à Seattle en novembre dernier.

Les intérêts du Canada sont d'ordre mondial et nous continuerons à avoir une politique étrangère active et à l'image de nos intérêts. Le Canada a joué un rôle important au fil des années dans la recherche de la paix. Nous participons actuellement, d'une façon très active, au processus de paix au Moyen-Orient et nous assumons la présidence du Comité de travail sur les réfugiés.

Nous avons présidé une réunion à Montebello le mois dernier pour coordonner le travail de tous les groupes multilatéraux participant au processus de paix au Moyen-Orient.

En Afrique du Sud, nous participons activement à la transition vers la démocratie. Ailleurs en Afrique, que ce soit bilatéralement ou au sein du Commonwealth ou de la Francophonie, nous travaillons activement avec les gouvernements et les organisations non gouvernementales afin de contribuer au développement économique et démocratique de ces pays.

Il est évident que nous continuerons à être actifs à travers le monde. Cependant, dans cette époque de contraintes budgétaires, notre rayon d'action ne peut plus être aussi large. Les changements survenus dans le monde ainsi que dans notre pays nous amèneront à faire des choix importants.

Nous voulons avoir une politique étrangère cohérente et efficace. Alors, ces choix doivent absolument être guidés par notre volonté d'établir des mécanismes régionaux et interrégionaux qui nous serviront bien dans le nouveau siècle qui approche.

[Traduction]

Nous resterons actifs et continuerons de respecter nos engagements envers la communauté internationale, mais nous ne pouvons plus assurer la même présence partout. C'est un point très important. Nous pouvons continuer d'assurer une présence, mais pas la même partout. À cause des changements dans le monde et dans notre propre capacité, nous devrons faire des choix, et ce comité parlementaire devra nous aider à faire ces choix et à établir des priorités.

[Français]

Je voudrais, en terminant, aborder la question des droits de la personne dans notre politique étrangère. Certains voudraient une politique étrangère axée uniquement sur la promotion stricte des droits de la personne et de leur valeur, tout en ignorant les autres intérêts du Canada. D'autres voudraient une politique étrangère au service exclusif de nos intérêts économiques.

Il est beaucoup trop facile et dangereux de simplifier le débat de la sorte. Nous ne ferions alors que compromettre la politique étrangère de ce pays. Nous devons reconnaître qu'une vision du monde ainsi tranchée serait mauvaise. Certes, nos intérêts économiques sont importants. Certes, nous voulons promouvoir les droits de la personne. Cependant, nous n'avons pas le droit d'imposer l'un au détriment de l'autre. L'insécurité, l'instabilité et la guerre sont néfastes au commerce international. Les droits de la personne, la démocratie et le bon gouvernement sont les meilleurs défenseurs de la paix et de la sécurité.

(1105)

L'histoire nous démontre que le développement économique et le respect des droits de la personne vont de pair. L'accroissement de la prospérité est souvent ce qui déclenche les changements sociaux. Lorsque nous parlons de prospérité économique, nous parlons aussi de commerce international et d'investissements. Il est clair que le développement du commerce internatio-


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nal et des investissements est essentiel pour le Canada, pour notre prospérité. Nous en dépendons pour notre propre développement, pour la création d'emploi et pour notre relance économique. Il y a donc une interaction complexe entre les valeurs et intérêts à la fois dans les pays en développement et chez nous au Canada.

N'y a-t-il pas moyen de mieux refléter nos valeurs et nos intérêts dans notre politique étrangère? N'y a-t-il pas moyen de les associer? Pouvons-nous mettre en place des mécanismes économiques et politiques qui illustreront la voie de la prospérité pour tous et qui passent également par les droits fondamentaux pour tous?

Je crois, et je le pense très profondément, que le droit et le devoir d'ingérence représentent un tournant dans l'histoire de l'humanité. Depuis peu de temps, le monde a compris et accepté cette intervention qui, pour certains, est considérée comme une ingérence dans la politique interne d'un pays, mais qui, pour beaucoup, est le gage de l'espoir.

Je le dis parce que j'ai vécu cette chose. J'ai rencontré, à Haïti, des religieux et des religieuses, des Canadiens qui oeuvrent là-bas, des être absolument remarquables qui m'ont, en fait, appris le devoir d'ingérence. Avec la capacité d'intervention que le Canada a, nous ne pouvons pas négliger d'utiliser cette capacité pour faire avancer les droits et le respect de la personne. Nous ne pouvons pas rester insensibles au fait qu'à travers le monde des millions d'êtres humains, des millions, sont bafoués dans leurs droits les plus élémentaires.

La barbarie moderne s'appelle l'indifférence. Nous devons donc multiplier nos efforts pour faire triompher la démocratie partout où l'occasion nous est offerte, à nous, Canadiens, car la démocratie demeure la valeur suprême, que ce soit ici dans la neige glacée, que ce soit là-bas dans les rizières, que ce soit dans l'herbe haute ou dans la forêt tropicale ou que ce soit encore sur le sable chaud ou la terre aride. Partout, la démocratie demeure la valeur suprême.

Et pour que la démocratie soit vraiment synonyme de paix, il faut, par l'entremise de notre politique étrangère, la soutenir. Là où il y a des régimes démocratiques, ces régimes respectent la paix et la poursuivent dans le monde. Là où il y a la démocratie, il y a partout le respect des minorités et la protection des droits de la personne.

(1110)

Nous devons donc, et je le dis, être les promoteurs inlassables à travers le monde, de la démocratie. Et, le faisant, nous allons influencer la paix et la sécurité dans le monde. Cela ne veut pas dire que nous devons couper nos liens politiques, économiques avec les pays qui ne respectent pas la démocratie et les droits de la personne, parce que, si nous les isolons, nous ne pourrons jamais les influencer. C'est pourquoi je dis à ceux qui voudraient absolument que nous mettions le respect des droits de la personne comme une condition sine qua non de nos relations commerciales avec certains de ces pays qu'ils font fausse route.

Autant devons-nous poursuivre sans relâche l'avancement de la démocratie dans ces pays où il n'y en a pas, autant devons-nous le faire d'une façon minutieuse, respectueuse, mais tenace, et jamais sans aucun fléchissement. Et je crois qu'avec persévérance et détermination, les valeurs canadiennes seront primées et sauront être retenues par ces pays que nous devons aider, ces pays que nous devons aider non pas pour les dirigeants de ces pays, mais pour la population de ces pays qui souffre et qui mérite mieux.

[Traduction]

Cela m'amène à parler de notre programme d'aide au développement. Les Canadiens sont fiers de notre travail dans le domaine de l'aide au développement, mais ils ont des inquiétudes à l'égard de la prestation du programme et de son efficacité à long terme.

La nécessité d'examiner les objectifs et l'utilité de l'aide au développement devient de plus en plus pressante en cette période où les gouvernements et les sociétés font face à des problèmes de dette, de déficit et d'adaptation structurelle. On insiste aussi de plus en plus pour que les pays que nous aidons prouvent l'utilité et l'efficacité de l'aide qu'ils reçoivent. Les pays en développement devront montrer qu'ils ont adopté ou qu'ils sont prêts à adopter des politiques sociales et économiques et des programmes politiques qui maximiseront la portée des programmes d'aide au développement.

Dans ses énoncés de politique précédents, le gouvernement a reconnu la relation d'interdépendance qui existe entre les pays développés et les pays en développement. Certains disent que nous devrions abandonner notre engagement envers le monde en développement parce que nous ne pouvons rien changer. Je répondrai à cela que nous devons changer quelque chose, autrement nous verrons s'accroître le degré d'insécurité, d'instabilité et d'incertitude à l'échelle mondiale, ce qui présentera une menace pour nous.

Nous devons travailler au niveau national et au niveau international avec les autres donneurs pour voir à ce que notre aide soit cohérente et à ce qu'elle produise les meilleurs résultats possibles.

[Français]

Nous croyons que le développement économique et social du tiers monde constitue un élément fondamental de notre propre sécurité. Les conséquences du sous-développement telles que la croissance incontrôlée de la population, les ravages écologiques et les migrations humaines massives ont un effet à long terme sur notre sécurité. Peut-être encore plus dangereux pour nous que la menace nucléaire est l'écart entre les riches et les pauvres sur la planète. Et cet écart va sans cesse grandissant. Malheureusement, les gens les plus pauvres savent qu'ils sont les plus pauvres.

Dans le monde d'aujourd'hui, avec les communications que nous avons, nous ne pouvons plus cacher cette réalité.

(1115)

Les gens du Sud qui souffrent, qui sont dans la misère, savent que les gens du Nord ont la richesse et l'opulence. Si nous ne pouvons poser des gestes pour assurer que ces gens du Sud vont profiter de la richesse des gens du Nord, nous aurons alors un problème immensément grave sur notre planète, parce que les mouvements ultranationalistes, les mouvements extrémistes, les mouvements intégristes se serviront de cette misère humaine pour les tourner contre les pays les plus riches et se serviront de cette situation pour être une force de révolution dans le monde. Il est donc impératif pour nous de nous associer à d'autres partenai-


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res afin de travailler à faire disparaître la misère humaine sur le globe.

Je pense qu'il est important, en formulant notre politique étrangère, de nous poser la question suivante: Dans quelle sorte de monde voulons-nous vivre?

[Traduction]

En formulant une politique étrangère, on ne devrait jamais séparer les questions touchant l'avenir du Canada de questions plus vastes touchant, par exemple, le genre de monde que nous souhaitons. Ce sera la question à laquelle les membres du comité parlementaire devront répondre en formulant des suggestions concernant notre politique étrangère. Je suis impatient de recevoir leurs points de vue et leurs conseils à cet égard.

Je vais vous dire dans quel genre de monde j'aimerais vivre. Je rêve d'un monde où il n'y aura plus de course aux armements, plus de famine ni de privations économiques. Je rêve d'un monde où tous les enfants iront à l'école le jour dans un environnement sans danger et iront se coucher le soir bien nourris et dans un logement convenable.

Il s'agit évidemment d'un rêve. Mais le Canada devrait travailler d'arrache-pied à faire de ce rêve une réalité. Après tout, de grands événements, impensables il y a quelques années, ont suscité un renouveau, un nouveau sentiment d'espoir, et doivent nous inspirer tous, nous les parlementaires engagés dans ce processus démocratique de prise de décisions pour notre pays.

Nelson Mandela a été libéré de sa cellule de prison et dirige maintenant son parti engagé dans les premières élections démocratiques de l'Afrique du Sud. L'électricien des chantiers maritimes de Gdansk et chef d'une organisation syndicale clandestine, Lech Walesa, est maintenant le président démocratiquement élu de la Pologne. Un prisonnier politique et auteur dramatique, Vaclav Havel, est maintenant le président de la République tchèque.

C'était impensable il y a quelques années à peine. Mais certains rêves se sont réalisés.

[Français]

Je pense que nous devons travailler activement à doter le Canada d'une politique étrangère qui correspond à nos aspirations et qui représente pour nous le maintien de notre présence sur la scène internationale, selon notre tradition d'excellence et selon notre travail bien fait dans le passé et qui doit continuer d'être bien fait dans le futur.

(1120)

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, je voudrais remercier le gouvernement de nous donner cette opportunité d'aborder des questions qui sont d'un intérêt vital et qui vont certainement inspirer des réflexions très importantes dans cette Chambre et dans les comités qui seront formés pour aborder le XXIe siècle, et déterminer le genre de relations que nous voulons avoir avec le reste de monde.

Je voudrais dire que j'ai trouvé extrêmement intéressante la perspective qu'a tracée le ministre de la problématique des questions qui se posent. J'ai trouvé qu'il y avait un certain souffle dans la vision de l'avenir tel que l'envisagent le ministre et le gouvernement. Je pense que c'est commencer de très bon augure une période de discussions extrêmement importantes.

Nous savons bien à quel point cette révision a tardé. Nous savons bien que depuis très longtemps il était très important que nous puissions entreprendre cette réflexion. Les changements qui sont survenus sont considérables. Ils ont été d'une intensité sans égale et, de plus, ils se sont déroulés sur une période extrêmement courte. Songeons que c'est en 1989 que nous avons vu tomber le mur de Berlin, et tout ce qui est arrivé par la suite dans l'empire soviétique.

Les changements, je ne crois pas qu'il soit opportun de les décrire tous aujourd'hui, puisque nous aurons l'occasion d'en débattre à fond au cours des travaux des comités, mais ils évoluent autour de deux grands axes. Le premier étant, bien sûr, le fait qu'il n'y a plus de guerre froide et qu'en conséquence cette espèce de bipolarisation qui a été au centre des relations internationales pendant plusieurs générations a pris fin.

Par contre, ce qui a précédé les changements actuels présentait cette caractéristique d'avoir une certaine clarté. À l'époque, il y avait les bons et les méchants et il était relativement facile de situer la place du Canada, par exemple, de situer le rôle du Canada dans un combat manichéen qui opposait des gens qui opprimaient les peuples et un autre camp qui voulait les libérer et qui fondait son action sur la démocratie. Donc, période propre à la lucidité, il n'y avait pas à hésiter à savoir si on s'engage du côté des forces de la démocratie contre le stalinisme, par exemple, ou non. C'était tellement clair.

Aujourd'hui, les choses ne sont pas aussi simples, puisque de cet éclatement a résulté la création d'un très grand nombre d'acteurs internationaux où les conflits sont devenus davantage diversifiés, mettant en cause des ingrédients beaucoup plus complexes. En particulier, s'agissant du Canada, la situation d'aujourd'hui n'est pas la même que celle qui prévalait à l'époque dorée de notre diplomatie, dirais-je, sous M. Lester B. Pearson. C'était au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, alors que le Canada s'était engagé du côté des alliés, qu'il avait été du côté des vainqueurs, qu'il avait joué un rôle très important, que tout le monde lui était reconnaissant et que l'économie canadienne était extrêmement florissante.

C'était l'époque où il n'y avait pas de déficit, où les finances publiques canadiennes ne souffraient pas des lacunes et des déficiences actuelles. Quand on dit qu'il y a eu des changements internationaux, il y a eu des changements internationaux généraux, pour tout le monde, comme ceux que je viens de mentionner: la fin de la guerre froide, la multiplicité des nouveaux acteurs internationaux.

Mais pour nous, les Canadiens et les Québécois, il y a une dimension nouvelle par rapport à l'environnement international, c'est que maintenant nous avons une dette de plus de 500 milliards de dollars, dont 40 p. 100 est financé à l'étranger. C'est dire que quand on parle d'indépendance, on parle d'une notion qui n'est plus la même. Si vous avez au-delà de 200 milliards de dollars de dette qui est financée à l'étranger et à très court terme, il y a une vulnérabilité nouvelle qui doit entrer dans l'éventail des facteurs dont nous devons tenir compte au moment de définir notre avenir collectif par rapport à nos relations avec l'étranger.


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Il est certain que les notions d'indépendance n'ont plus du tout la même connotation qu'elles avaient à l'époque de M. Pearson. M. Pearson n'avait pas à se demander quelle serait la réaction des prêteurs au Canada, quelle serait la réaction de ceux qui financent la dette canadienne à l'étranger. Il pouvait, en toute connaissance de cause, définir, avec son gouvernement et avec le Parlement, des orientations qui étaient très peu conditionnelles aux réactions de l'étranger, en tout cas, mais certainement des marchés financiers. Donc, beaucoup de questions se posent, et il n'est pas de ma prétention, comme il n'a pas été de celle non plus du ministre, de proposer des balises fixes quant à nos orientations pour l'avenir. C'est une période de réflexion qui commence.

(1125)

Alors, ce débat doit alimenter la réflexion, il doit permettre d'imaginer et d'élaborer les grandes questions qui doivent se poser. Il faut donc tracer un cadre d'activité au moment où les comités vont siéger; il faut que les paramètres de la réflexion soient plus ou moins définis, pour qu'ensuite des propositions plus précises découlent des réflexions qui seront tenues.

Je voudrais simplement, moi aussi, si vous me le permettez, m'en tenir à l'identification d'un certain nombre de questions et de problèmes à résoudre, des problèmes nouveaux, qui sont déterminés par les changements qui sont survenus.

Il y a des conséquences énormes qui découlent de ces modifications géopolitiques dont on vient de parler. Par exemple, du fait que la guerre froide soit terminée, nous avons assisté à la fin des affrontements idéologiques. Il y a assez peu de débats maintenant dans le monde sur qui a raison, Marx ou Henry Ford. Je ne dis pas que la question est tranchée et que les théoriciens pensent maintenant que c'est Ford qui avait raison, mais disons qu'il y a de moins en moins de gens qui tiennent à entreprendre ces débats intellectuels qui se sont en plus répercutés sur la vie politique des nations.

En Europe, cela a été extraordinaire: on a vu des sociétés qui ont été déchirées par ces débats, au niveau politique même; chez nous beaucoup moins, mais, quand même, du côté de notre voisin américain on a vu, par exemple, à quoi ont donné lieu les excès du maccarthysme, qu'une grande démocratie comme la démocratie américaine ait pu déraper sur les appréhensions qui naissaient de la guerre froide. C'est quand même un signe que ces débats idéologiques ont été très importants.

Nous-mêmes, nous avons vu que des écoles marxistes-léninistes sont nées, que certains mouvements politiques ont eu une certaine influence sur l'évolution de notre vie canadienne et québécoise, au Québec en particulier, je dirais, mais maintenant c'est terminé, dans le sens qu'il n'y a pas une confrontation des idéologies. On ne verra pas, dans un Parlement canadien ou québécois ou provincial, d'un côté les marxistes, et de l'autre les capitalistes, c'est fini. Maintenant, à cette guerre des idéologies a été substituée. . .

M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Ho! Ho!

M. Bouchard: Monsieur le Président, j'aimerais pouvoir continuer mon discours, essayer de traiter de ces choses-là au niveau où il faut le faire, au lieu de répondre à des sarcasmes qui viennent de l'autre côté. Je le regrette vraiment, monsieur le Président, et je demanderais que ce député soit rappelé à l'ordre.

Le Président: Nous voulons tous écouter ce que tous les honorables députés ont à dire et nous espérons que nous pourrons écouter attentivement pendant que le chef de l'opposition nous adresse la parole.

M. Bouchard: Monsieur le Président, ce qui a remplacé dans le monde, si je peux le dire en toute modestie, l'affrontement des idéologies c'est maintenant l'affrontement des intérêts commerciaux, la concurrence; la compétition est maintenant au centre des préoccupations internationales, et on voit que tout ça a déterminé un très grand mouvement antiprotectionniste. On a vu que les accords du GATT ont été rouverts, qu'il y a une intensification des mouvements libre-échangistes et que nous sommes nous-mêmes à la fine pointe, je dirais, en Amérique du Nord, de cette tendance, ayant posé des gestes concrets, ayant conclu, avec notre grand voisin américain et avec le Mexique maintenant, un accord de libre-échange qui va devoir s'étendre, nous le souhaitons, à d'autres pays de l'hémisphère. On pense que le Chili pourrait être le prochain à faire acte de candidature; il y a une clause d'accession dans le dernier traité qui a été signé. Il y a donc des changements très importants qui sont survenus à la place.

Maintenant, tout cela suscite des difficultés nouvelles. Il y a des problèmes nouveaux qui sont nés à la faveur de ces changements. Par exemple, puisque le développement économique international crée la suppression des frontières, les frontières économiques vont devenir les critères fondamentaux autour desquels vont s'articuler les mouvements internationaux. Il y a donc des dangers à l'horizon. Par exemple, si on parle de l'environnement, ce n'est pas un hasard si la préoccupation environnementale s'est affirmée en même temps que s'affirmait la tendance au développement économique mondial. On a très bien vu qu'il y avait un danger additionnel qui planait sur l'intégrité écologique. On a très bien vu que, si le développement économique devient la règle, il faudra trouver des façons de l'encadrer dans, par exemple, les contraintes du développement durable. Développer l'économie, oui! Créer un très grand glacier au-delà des frontières politiques pour la circulation des biens et des services, des capitaux, oui! Mais il faut voir si on n'est pas en train, à ce moment-là, d'alourdir le poids qui pèse sur la capacité de la planète et de notre patrimoine environnemental, de résister à ces contraintes. Si développer l'économie, c'est abattre les forêts à la coupe blanche; si c'est permettre la mondialisation des échanges d'afflux toxiques; si c'est polluer nos rivières, nos lacs; si c'est faire disparaître les poissons de nos rivières et des océans, pensons à ce qui se passe sur les côtes de Terre-Neuve en particulier, nous voyons très bien que le développement économique, ce n'est pas tout de même la valeur absolue, et qu'il y aura lieu, dans nos réflexions et dans la définition de notre politique internationale, de tenir compte de ces contraintes.

(1130)

Il y a aussi d'autres dangers. Le développement économique, en faveur de qui? Si on n'est pas prudents, est-ce qu'il n'y a pas le danger que seuls les forts triomphent? Est-ce que ce n'est pas une autre façon d'affirmer la règle de la force que de lever les brides au développement économique, aux échanges sans aucune contrainte? Il faut donc prévoir des façons d'aménager tout cela. Nous sommes libre-échangistes, nous savons que c'est la direction qu'il faut emprunter, mais il faut prendre garde que ce ne


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soit pas uniquement les très grands pays riches qui puissent gagner. Il faut donc pouvoir se mettre en situation de profiter, nous aussi, que nous les Canadiens, que nous les Québécois, si on parle du Québec, que nous soyons capables de gagner dans cette formule et que ce ne soit pas uniquement seuls les grands, les Japonais, les Américains qui triomphent.

Il faut donc prévoir des solutions. Quelles sont-elles? Je vais en dire un mot tout à l'heure. Mais il y a un danger. Si l'intérêt commercial devient la bible, que va-t-il arriver des pays du tiers monde? J'ai entendu le ministre, tout à l'heure, soulever la question de l'écart qui s'accroît entre les pays du tiers monde et nous. C'est une vérité que nous connaissons, mais le fait de la rappeler ne règle pas le problème. D'autant plus que nous sommes en très grande partie, nous les Occidentaux, nous les pays riches, des artisans de ce problème. Par exemple, nous avons créé des programmes de coopération internationale. Nous avons, il est vrai, dépensé beaucoup d'argent à l'étranger pour permettre à ces pays de se développer. Par contre, l'écart s'est creusé. Et si on fait un bilan global, on se rend compte que ce que nous avons envoyé à ces pays, je parle des pays du tiers monde, des pays en développement, en ce qui a trait à l'aide, c'est globablement inférieur à ce que nous en avons retiré en termes d'intérêt commercial.

Alors, si globaliser les marchés, si ouvrir la porte toute grande au libre-échange, c'est ne pas tenir compte de cela, il y a danger. Il faut donc qu'il y ait quelque part un nouvel ordre économique qui soit institué. Il faut donc que la réflexion s'engage chez nous et qu'elle débouche sur des gestes concrets pour qu'il y ait un minimum d'encadrement qui va permettre, non seulement de faire des discours pour déplorer l'écart qui se creuse entre le Sud et le Nord, mais pour faire en sorte qu'il y ait des façons de pallier les déficiences que nous avons observées.

Il y a également un autre problème, très évident, qui surgit. C'est qu'à partir du moment où les rapports internationaux ne sont plus réglés par deux superpuissances qui se font face, on a donc permis l'éclosion d'un très grand nombre d'acteurs internationaux, une multiplicité; à l'ONU présentement, je crois qu'il y en a 175 qui sont reconnus des pays souverains. On prétend qu'il y en aura peut-être plus près de 200, 275 à la fin du millénaire, donc d'ici quelques années. Et ça continue. Ça continue, parce que justement les petites et moyennes puissances, qui avaient peu de choses à dire, qui ont maintenant l'occasion d'intervenir elles-mêmes, puisque ce n'est pas uniquement un monologue entre l'empire soviétique et les Américains. Et cela s'accroît, du fait que les lignes de force naturelles de la dynamique nationale ont ressurgi et que, à la faveur de l'éclatement des structures impériales, par exemple, en Union soviétique, on voit que les nationalités reviennent à la surface, que ce vieux ressort national revient à la surface pour déterminer les découpages politiques. Donc, plus de monde qui va participer à la vie internationale.

(1135)

Que faut-il faire par rapport à cela? Il est évident que c'est plus complexe que ce l'était. C'est devenu plus difficile que du temps de M. Pearson, par exemple. Il ne s'agit pas uniquement de gérer un rapport avec un tandem qui s'affronte, mais il s'agit maintenant de tenter d'établir une certaine ordonnance dans la mise en place des relations avec une combinaison de près de 200 acteurs. Imaginez-vous la permutation des rapports bilatéraux.

Alors là, il y a deux dangers. D'abord le danger du désordre, et c'est du désordre que naissent les atteintes à la paix. On se rend compte maintenant finalement que dans cette espèce de vis-à-vis tendu que nous avons vécu durant la guerre froide, il y avait une sorte de stabilité, la stabilité de dissuasion-enfin, on sait comment cela s'est appelé-qui a fait en sorte que les deux ne se sont pas directement affrontés.

Mais maintenant que nous sommes des centaines, c'est moins facile, d'autant plus que les sources de conflits sont plus multiples et je dirais, d'une certaine façon-et c'est paradoxal de le dire-mais un peu moins rationnelles, puisqu'il s'agit des questions de religion, des conflits de territoires, des conflits ethniques. Là, l'irrationnel peut parfois prendre le dessus, de sorte que les sources de tension, les sources d'atteinte à la paix sont, en un sens, multipliées. Elles sont peut-être moins graves puisque ces pays n'ont pas d'armes ayant une capacité destructrice qu'avaient les puissances nucléaires qui s'affrontaient, mais il n'en reste pas moins qu'il y a là un danger.

L'autre danger, c'est celui de l'uniformisation. À partir du moment où on va abattre les frontières économiques et où il y aura une immense zone, un continuum d'une zone complète qui permettra la circulation de tous les biens et de toutes les cultures, mais quelles seront les cultures? La question se pose et je pense qu'on devra en débattre à fond durant les travaux des comités. Les questions culturelles, les questions d'identité vont se poser plus que jamais, parce qu'il est dangereux qu'une culture d'uniformisation prenne la place des identités nationales. S'il y a une chose dont tout le monde a besoin, face à une culture envahissante, c'est d'avoir des points d'ancrage qui nous permettront de nous reconnaître.

C'est ici que le débat devra se faire autour du concept des nationalismes. Je sais que la notion a souvent été débattue ici, à la Chambre des communes. Elle a fait l'objet récemment d'un débat au Sénat. J'ai lu récemment un discours sur le mot «nationalisme» qui a été prononcé par un sénateur dans l'autre Chambre et je crois qu'il va falloir faire ce débat, parce qu'il y a toutes sortes de nationalismes.

J'ai constaté tout à l'heure avec satisfaction que le ministre, lui, dans son discours, a fait allusion à la montée de ce facteur dans les rapports internationaux et il a pris soin de dire «ultranationalisme». Il parle des méfaits de l'ultranationalisme, de l'intolérance qui en résulte, alors que dans les notes qui avaient été distribuées un peu avant, on parlait du nationalisme et non pas d'un ultranationalisme. La nuance est très importante, parce que c'est le contraire.

Je rappellerai à cette Chambre que tout le monde ne pense pas la même chose du nationalisme. D'ailleurs, il y a toutes sortes de nationalismes. C'est un peu comme les langues d'Ésope, ce poète grec qui, parlant de la langue humaine, disait qu'elle est la source de tous les maux, mais également la source de tous les biens. Ça dépend ce qu'on en fait.


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Je référerai la Chambre à ce discours qui a été prononcé par M. Boutros Boutros-Ghali, l'actuel secrétaire général de l'ONU, à Montréal, le 24 mai 1992. Je voudrais citer, si vous me permettez, deux passages de ce discours où le secrétaire général de l'ONU s'interroge sur les différentes connotations de ce qu'on appelle le nationalisme. Il commence par une citation qui dit ceci: «Ce que chacun peut apporter de meilleur au monde, c'est lui-même», et il cite, en ce faisant, l'écrivain français Paul Claudel.

Il continue en disant: «Pour entrer en relation avec l'autre, il faut d'abord être soi-même. C'est pourquoi une saine mondialisation de la vie moderne suppose d'abord des identités solides, car une mondialisation, une culture uniforme, pourrait broyer les cultures, les fondre, ce à quoi le monde n'a rien à gagner.»

(1140)

Pour communiquer, il faut avoir quelque chose à communiquer. Pour engager un dialogue, il faut avoir quelque chose à dire. Alors, quand on est un acteur dans la vie internationale et qu'on veut communiquer sa culture à l'autre, comme le disait le ministre tout à l'heure, qui a l'intention de propager nos valeurs culturelles à l'étranger, il faut la connaître notre culture. Il faut la préserver, il faut qu'elle existe. Il faut donc dire que l'identité de ce que nous sommes doit être affirmée quelque part, et au centre des rapports que nous nouons avec l'étranger.

Dans un autre passage, M. Boutros-Ghali ajoute, et je cite: «Chaque individu a besoin d'un intermédiaire entre l'univers qui le dépasse et sa condition solitaire, ne serait-ce que parce qu'il lui faut une langue de départ pour comprendre et déchiffrer le monde extérieur. Il lui faut des solidarités pratiques et un ensemble de références culturelles, en un mot, un code d'accès au monde. C'est dans cet ensemble de besoins que répondent les États nations, lesquelles dépassent les solidarités immédiates de la famille, du clan, du village. Une nation est un vouloir-vivre commun qui constitue un premier pas vers l'universel, vers la civilisation de l'universel. Et dans le monde d'aujourd'hui, si vous détruisez les nations, vous n'aurez pas une vaste solidarité universelle, vous aurez des tribus, des liens primaires, ethniques ou religieux, comme en Somalie ou en Yougoslavie. Vous aurez aussi des super États pour les exploiter ou les dominer.»

Il y a un nationalisme chauvin, ghetto, replié sur lui-même; il y a aussi celui qui fait les grandes nations, comme les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne, la Russie; des gens qui vivent leur identité dans leurs structures politiques, qu'ils découpent en fonction de leurs besoins, de leurs préoccupations, de leur prolongement dans le monde et qui deviennent, à ce moment-là, des atouts à la civilisation. Le nationalisme bien compris est la façon de rejoindre l'universel. C'est le pont entre soi-même, et l'universel, et les autres.

Il n'y a jamais personne qui va parler mal des nations. Le Canada ne peut pas parler mal des nations, il en est une! Il existe au Canada anglais une nation qui, pour moi, regroupe des gens de culture et de langue identiques, des gens de langue anglaise et de culture anglophone, qui, en majorité, occupent le reste du Canada.

Il existe au Québec une nation qui est à prédominance francophone, qui a une culture francophone, qui a une vision francophone du monde, mais qui en même temps rejoint par sa langue, une langue universelle comme le français, comme les anglophones, par leur langue universelle qui est l'anglais, rejoignent l'universel. C'est ça la culture. La culture est une façon de rejoindre l'universel à partir de ce qu'on est, et on n'est pas tous pareils. On n'est pas tous pareils comme des individus; on n'est pas tous pareils non plus comme des collectivités.

Le problème canadien, c'est que nous sommes deux collectivités. Nous sommes deux groupes qui se définissent en fonction d'éléments qui sont différents: Les éléments fondamentaux dans la langue, en particulier, et la culture. Alors, tant que nous n'avons pas résolu ce problème, nous devrons le vivre politiquement.

Je voudrais, pour appuyer ce que je dis, référer à un passage du Rapport sur l'activité de l'Organisation de la quarante-septième session de l'assemblée générale de l'ONU, daté de septembre 1993. Enfin, je ne cite pas un nationaliste maladif, pathologique, je cite des gens qui vivent au sommet de la pyramide de la diplomatie mondiale et qui savent comment s'organisent les rapports entre nations et entre pays. Je cite deux courts passages: «Les individus trouvent leur identité dans la nation. Les nations, quant à elles, trouvent leur identité dans l'universalité. Il ne peut y avoir de communautés internationales sans nation. Dès lors, la prétendue contradiction entre pensée nationaliste et pensée mondialiste n'est qu'une illusion.» Un dernier passage à la même page: «La souveraineté est l'art de rendre égales des puissances inégales.»

Alors, je crois que, au cours des débats que nous aurons dans ces comités que nous devrons situer au niveau qui convient, il faut examiner ces questions parce que le problème canadien, le problème des rapports entre le Québec et le Canada, le problème des deux nations que nous constituons, d'après moi, n'est pas unique. C'est un problème universel. On va le retrouver au centre de tous les rapports internationaux, et si on devait définir une nouvelle politique internationale sans tenir compte de cela, bien, il faudrait recommencer la révision très rapidement.

(1145)

J'évoquais, tout à l'heure, la notion du désordre international auquel on s'expose du fait de la fragmentation des unités, des acteurs. On ne peut pas s'opposer à ce phénomène, on ne peut pas l'empêcher parce qu'il a quelque chose de bon. Ce qui est bon, c'est que cela reflète la réalité, la volonté des peuples. Dans cette mesure, il faut le respecter.

Cependant, il accroît le besoin de rapports internationaux qui soient davantage multilatéraux. On assistera moins à du bilatéral qu'à du multilatéral. On verra que les grands organismes internationaux vont devoir jouer un rôle de plus en plus considérable,


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c'est le cas de l'ONU en particulier, qui va devenir de plus en plus important, je dirais même essentiel.

Dans cette communauté de quelques centaines de pays souverains, il va falloir qu'il y ait un endroit où on puisse se parler, où on puisse dégager des orientations générales, où on puisse échanger sur les valeurs que l'on partage, où on puisse permettre le maintien de la paix. Je crois que cela passera de plus en plus par l'ONU.

Nous, le Canada, avons un dilemme que le ministre a un peu évoqué tout à l'heure dans son discours. Nous avons un dilemme, parce que ce positionnement géographique décrit par le ministre un pays sur trois océans, ouvert sur l'Atlantique, le Pacifique. C'est aussi un pays à côté des États-Unis. Et dans la mesure où il est vrai que nous devons participer de plus en plus à des rapports de nature multilatérale, c'est-à-dire des rapports où tout le monde se parle en même temps dans une organisation unique, internationale comme l'ONU, il faut également convenir qu'à côté il y a les États-Unis.

C'est une chance que nous les ayons à côté de nous, il faut le reconnaître, c'est un atout considérable. Le fait que nous puissions dire que nous avons un niveau de vie qui se situe parmi les plus importants du monde, c'est aussi, au moins en partie, parce que nous vivons dans ce grand continuum américain où nous avons une économie extrêmement prospère. N'oublions pas que 80 p. 100 de nos exportations vont aux États-Unis.

N'oublions pas que l'Ontario a axé son développement économique sur le Pacte de l'automobile. N'oublions pas que les États-Unis, à côté, c'est important pour nous, c'est vital. La plupart de nos grandes entreprises qui réussissent sont à capitaux américains. Il ne faut pas oublier cela. D'un certain côté, on ne pourra pas éviter d'avoir des rapports bilatéraux avec les États-Unis. Il faudra, dans nos comités, trouver une pondération.

D'une part, oui à l'ONU et oui aux rapports multiples avec l'ensemble des joueurs internationaux. C'est évident. Il doit y avoir une ouverture sur l'Asie, une ouverture sur l'Europe, trop souvent oubliée dans les discussions de l'édifice Lester B. Pearson. Mais il y a aussi les État-Unis. Alors, il faudra une pondération très savante, très fine, un dosage qui n'est pas évident. Je crois qu'il y a beaucoup de travail à faire pour cela.

Je ne voudrais pas prendre trop de temps, mes collègues continueront après moi. Il me semble qu'il y a quelques conclusions que l'on peut tirer quand même. La première, c'est qu'il y a la nation et il y a l'individu. On découvre que l'individu a pris sa place dans la vie internationale. On parlait peu des individus autrefois dans les rapports internationaux, maintenant, on en parle. On en parle au point d'évoquer le devoir d'ingérence, dont a parlé le ministre, dans les pays étrangers souverains qui ne respectent pas les droits individuels.

Donc, au centre de notre politique, je crois qu'il faudra situer la promotion des droits individuels. Il faudra aussi se rendre compte qu'il n'y a pas de politique individuelle qui tienne s'il n'y a pas également une politique nationale. Les individus forment des collectivités. Il est très difficile de séparer les uns des autres. Il faudra finalement, en parlant de collectivités, parler de démocratie. Démocratie, droit de la personne sont, bien sûr, des clés de voûte des politiques internationales que nous devrons définir ensemble.

Et puis, si on cherche un rôle pour le Canada, il y en a certainement un, c'est d'accentuer ce rôle déjà commencé, de promouvoir la démocratie dans le concret, à l'étranger. D'aller, par exemple, surveiller des élections, de permettre aux étrangers de profiter de l'expertise que nous avons dans ce domaine avec Élections Canada. Il y a également le directeur général des Élections à Québec qui fournit de l'expertise et des conseils à l'étranger. Il faut que l'on soit très actifs, que l'on participe à des opérations comme celles de l'Érythrée, par exemple, où nous avons à surveiller le caractère démocratique d'un référendum d'accession à la souveraineté.

(1150)

Deuxièmement, une autre conclusion, c'est qu'il faut respecter les droits démocratiques partout où ils sont. Il faut reconnaître ces décisions démocratiques qui sont prises par les autres, lorsqu'elles ont été prises dans un cadre qui convient, quand elles ont été prises en respectant les critères qui nous paraissent conformes aux impératifs de la démocratie.

Troisièmement, il faut définir des modes d'intervention. Là, ce n'est pas facile, parce que le concept de sécurité, lui aussi, a évolué. La sécurité a été très longtemps perçue comme la nécessité de nous protéger contre des attaques militaires étrangères, contre des invasions militaires étrangères, et je dirais que tout le système de défense canadien est tourné vers le Nord, tout le dispositif de la défense canadienne est orienté vers le Nord, d'où ne vient plus de menaces, moins, infiniment moins. Donc il faut tout repenser cela, il faut aussi repenser les formes que peut prendre l'atteinte à la sécurité, des formes très insidieuses, si je peux dire, et qui passent en particulier par les injustices sociales.

Les problèmes de surpopulation, les problèmes d'analphabétisme, les problèmes de pauvreté dans le monde vont exercer de très grandes pressions sur l'immigration, vont creuser un écart tellement large qu'on peut assister à tous les désastres. En plus, il y a la question environnementale. En fait, la question environnementale, c'est encore l'intégrité du territoire, mais c'est l'intégrité, je dirais, écologique. Et puis l'ennemi, l'adversaire dans ce cas-là, ce ne sont pas uniquement les autres, je dirais que c'est d'abord nous-mêmes. C'est d'abord nous qui avons pollué nos rivières, pollué nos lacs, coupé nos forêts. C'est nous. Alors là, il faut bien se comprendre, il faut définir un nouveau concept de la sécurité et des facteurs qui la menacent.

Et puis s'agissant d'une question extrêmement importante mais tellement délicate qu'a abordée le ministre, c'est-à-dire du devoir ou droit d'ingérence, je crois qu'il faudra affiner quand même, parce que le droit d'ingérence, oui, oui dans certains cas. Lesquels? Il ne faudrait pas que le droit d'ingérence appartienne à n'importe qui, pour n'importe quoi, et que ce soit l'abitraire qui décide. Il ne faudrait pas que ce soit le pays qui exerce le droit à l'ingérence qui devrait lui-même définir les conditions de l'exercice. Je crois qu'il faudrait que ça passe par une concertation internationale. Il faudrait absolument, je pense, qu'il y ait un filtre de tout cela, que ce soit à l'ONU en particulier que l'on décide, si on convient qu'il faut parfois exercer ce droit, quand, dans quelles conditions et par qui? Je ne voudrais pas que ce soit


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les plus grandes puissances qui décident elles-mêmes des endroits et des circonstances dans lesquels elles pourraient le faire.

Il est entendu que c'est pour la promotion des droits de l'homme, mais on a vu que c'est parfois sélectif. Nous nous sommes vus tous intervenir dans le conflit du Koweït contre l'Iraq, vite, rapidement. Pourquoi? Parce qu'il y avait du pétrole sous le désert. Mais dans d'autres cas, on est moins rapide pour intervenir. On est beaucoup moins rapide en Yougoslavie. Le spectacle atroce de ce que nous voyons à Sarajevo, il a fallu le voir longtemps avant de poser des gestes un peu plus radicaux. Et encore qu'il en reste beaucoup à faire, parce que c'est ce qu'on voit à Sarajevo. Mais il y a d'autres endroits, d'autres enclaves actuellement en Bosnie où il n'y a pas de caméras de télévision et où les choses se passent quand même, peut-être d'autant plus qu'il n'y a pas de caméras de télévision.

Donc, oui le droit d'ingérence, mais attention à un lyrisme facile qui ne définirait pas les obligations et les critères dans lesquels il faudra le faire.

Et, en dernier lieu, parlant des conclusions à tirer, je dirais qu'il faudra cibler, parce que le ministre a prononcé un discours très ambitieux. Il a dit qu'il fallait faire des choix, mais c'est un discours très ambitieux. Il a dressé une fresque extrêmement large de ce que le Canada doit faire dans le monde, la place du Canada dans le monde. Oui, je veux bien, mais il y a une question de moyens, une question de cibler pour être plus efficaces. Je crois que ça aussi c'est un travail très délicat, mais très important, qui devrait être accompli par les membres des comités.

(1155)

[Traduction]

Je termine en signalant un changement radical qui s'est produit sur la scène internationale et dont nous devons tous être au courant: les affaires étrangères se sont transformées et sont devenues, dans une large mesure, des affaires internes.

On parle beaucoup de création d'emplois au Canada-et Dieu sait que nous en avons grandement besoin-mais quand on parle de cette question, on devrait savoir qu'il nous sera impossible de créer les emplois dont nous avons besoin en l'absence de certaines activités commerciales internationales. Plus de 25 p. 100 du niveau de vie des Canadiens est tributaire de nos exportations. Cette proportion est beaucoup moins élevée au Japon; elle y est de 12 p. 100. Cela signifie que nous devons être très actifs à l'étranger. Nous devons être innovateurs. Nous devons établir des relations très positives avec le reste du monde pour être concurrentiels; les questions nationales et internationales sont donc très étroitement liées.

Les mêmes remarques valent lorsqu'il est question de l'identité. Le problème de l'identité, que nous croyions particulier au Canada, se pose actuellement de façon très marquée partout dans le monde. Nous pensions que cette question ne concernait que le Québec, mais il n'en est rien. Elle concerne aussi le Canada, car celui-ci jouera un rôle important dans la mondialisation des échanges commerciaux. À ce titre, le Canada sera aussi menacé par l'invasion d'autres cultures. Les Canadiens anglais, si nous devons parler d'eux, devront se montrer très vigilants pour protéger leur identité. Le Québec devra faire de même.

Les problèmes sont très similaires à l'échelle tant nationale qu'internationale. Quand nous examinons ces questions, nous devons par ailleurs garder à l'esprit l'énorme déficit qui nous accable. Nous avons peut-être de grandes ambitions concernant le rôle du Canada, son identité, sa présence, son prestige et sa participation aux missions de maintien de la paix dans le monde entier, mais en avons-nous les moyens? Nous devrions y réfléchir sérieusement. Tant que nous ne redresserons pas la situation catastrophique de nos finances publiques, nous ne pourrons pas jouer un rôle utile sur la scène internationale.

Le gouvernement devrait être très vigilant et réaliste; il devrait redresser la situation à l'échelle du pays avant de s'imaginer que nous pouvons être présents partout dans le monde. Nous ne pouvons pas le faire. Nous ne pouvons pas maintenir une armée. Nous ne pouvons pas lutter contre les menaces environnementales, compte tenu de l'état actuel de nos finances. Le gouvernement essaie maintenant de camoufler le problème en le balayant sous le tapis, mais nous savons tous que le déficit est catastrophique. C'est un cancer qui ronge notre pays. Si nous n'en venons pas à bout, tous ces exercices et programmes seront inutiles.

[Français]

Je voudrais conclure avec deux réserves que nous faisons, nous du Bloc québécois, mais au plan du processus, non pas au plan du contenu.

La première réserve, c'est que nous nous inquiétons du fait que deux démarches soient en parallèle, la démarche du Comité de la défense et la démarche du Comité des affaires étrangères, dans les deux cas dans le but de réviser des politiques fondamentales.

Il y a pourtant des liens étroits. Je dirais que ça se tient. On ne peut pas définir l'une sans définir l'autre. Ce sont des liens tellement étroits qu'on peut s'inquiéter de voir deux opérations aussi disparates menées sur des rails parallèles, d'autant plus que les dates ultimes pour la production des rapports ne sont pas les mêmes. La main gauche ne semble pas savoir ce que fait la main droite et il est impossible de définir une politique étrangère sans y incorporer les éléments fondamentaux d'une politique de défense, et, réciproquement, il est impossible de définir une politique sensée de la défense sans l'harmoniser avec une politique internationale.

Tout cela se tient. Il n'y a qu'une politique en réalité. On a quatre groupes qui vont travailler: un groupe de la Chambre pour la défense, un groupe pour les politiques étrangères, donc, deux comités permanents, et puis il y aura deux comités mixtes en plus qui se superposent et qui étudient les mêmes choses sans qu'il y ait de juxtaposition, de synchronisme dans les dates du dépôt du rapport. Je trouve cela très inquiétant, je me demande où cela va nous mener. Cela risque de nous mener dans la dispersion et dans une espèce de fragmentation de la réflexion qui ne se conclura pas d'une façon aussi logique, aussi cohérente qu'on pourrait le souhaiter.

(1200)

La deuxième chose, c'est le fait qu'on forme des comités mixtes. D'abord, il y a déjà deux comités de la Chambre qui existent. Il me semble que c'est amplement suffisant, en ce qui a trait aux coûts, à la cohérence et à l'efficacité, et puis là, on ajoute à cela des comités mixtes avec le Sénat.

Le Bloc va voter contre la résolution. Nous voulons bien qu'on forme un comité où on puisse travailler, mais, justement, un comité efficace, formé d'élus, de gens qui représentent démocratiquement le Canada, le Québec et les différentes provinces, non


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pas des sénateurs qui ne sont pas élus, qui sont nommés à vie par un arrêté en conseil avec un trait de plume et qui ne représentent pas la population, monsieur le Président.

Alors, des gens qui, par leur présence, vont alourdir le poids des comités, vont gonfler les dépenses, vont éterniser les discussions parce que, finalement, leur intérêt n'est tellement pas branché sur la réalité actuelle, sur la réalité quotidienne, sur la démocratie électorale, qu'il n'est pas tellement intéressant de savoir ce que pensent les sénateurs. On peut faire n'importe quoi, à part s'occuper de ce que les sénateurs pensent.

Je suis convaincu que c'est une erreur très grave que de nous mettre les sénateurs dans les pattes dans ces comités. Ce sont les élus qui devraient le faire. Nous avons le mandat pour cela et je regrette que le gouvernement ait décidé de les inclure. Je souhaiterais que le gouvernement repense à la question, parce que nous pourrions alors voter avec lui sur la formation d'un comité qui serait formé de gens qui doivent véritablement se pencher sur ces questions importantes.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais simplement informer les députés et plus particulièrement ceux qui suivent le débat à la tribune ou ailleurs que les deux orateurs, le ministre et le chef de l'opposition officielle, avaient la parole pour une durée illimitée sans période de questions et observations, mais que nous passons maintenant à l'étape suivante du débat, conformément à l'article 43 du Règlement.

Je donne la parole au député de Red Deer, qui dispose de 20 minutes et d'une période de questions et d'observations de 10 minutes.

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je voudrais d'abord dire que nous appuyons très fermement la proposition d'examen des affaires étrangères et du commerce international.

Le Canada a besoin d'une nouvelle politique étrangère qui soit plus souple et lui permette de réagir plus rapidement et efficacement aux problèmes actuels. Cet examen doit nous préparer à entrer dans le XXIe siècle.

Si le Canada veut reprendre son rôle de puissance moyenne dans les relations internationales de l'après-guerre, nous devons choisir certains problèmes mondiaux et y apporter rapidement une solution en utilisant nos excellentes ressources et compétences. C'est ainsi que le Canada fera sentir sa présence. Du reste, il y a beaucoup trop de problèmes pour que le Canada tente de les régler tous.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je vous dirai comment je procéderai aujourd'hui. D'abord, je voudrais évaluer le processus lui-même. Je voudrais analyser les forces qui sont à l'oeuvre dans le monde, d'après moi. Je passerai ensuite aux points qui devraient être couverts par l'examen et, enfin, aux buts visés par l'ensemble du processus.

En ce qui concerne le processus lui-même, j'ai quelques réserves à formuler à cet égard, même si je suis d'accord qu'il faut réexaminer et moderniser. En premier lieu, il y a la participation du Sénat. J'étais très heureux d'entendre le dernier orateur dire qu'il appuyait notre position sur la participation du Sénat. Nous estimons que cela affaiblira considérablement notre capacité de présenter une politique qui soit vraiment représentative de la population et soit acceptée par elle.

Le Sénat ne jouit pas de la faveur populaire, et je défie tout député à dire le contraire. Pour le public, les sénateurs ne sont qu'une bande de parlementaires grassement payés et dépensiers, de créatures politiques sans crédibilité ni responsabilité ni électeurs à représenter.

Le point de vue international est à peu près le même. C'est une position qu'on ne peut même pas expliquer. Ils ne sont pas élus, mais nommés par favoritisme politique. Ils sont coupés de la réalité et n'ont pas le moindre électeur à représenter. Le seul rôle des sénateurs est celui de conseillers, pas celui de participants à part entière. Leur présence aura des conséquences immédiates pour la crédibilité de l'étude. Celle-ci passera simplement pour une autre étude politique qui ira dormir sur les rayons.

(1205)

La raison invoquée par le ministre pour inviter les sénateurs est qu'ils risquent de faire la même étude de leur côté, avec les coûts que cela comporte. Ma réponse? Qu'on les laisse faire. Qu'ils fassent leur propre étude. Selon moi, l'issue sera la même que l'augmentation de 6 000 $ qu'ils se sont accordée. Le public exigerait des comptes.

En ce qui concerne les déplacements du sous-comité, ils me semblent justifiés. Il est extrêmement important d'aller sur le terrain pour recueillir l'opinion de la base et laisser les simples citoyens s'exprimer sur cette question très importante.

La politique canadienne ne doit pas être définie par les relations diplomatiques. Elle ne doit pas refléter les voeux des consultants et des politiques, mais émaner des citoyens. Il nous faut des mécanismes permettant l'exercice de la démocratie directe, et c'est une bonne façon de s'y prendre. Il faut consulter les Canadiens directement et, à défaut, leurs représentants élus.

J'en arrive aux séances publiques. Il est essentiel de mener des consultations si l'on veut élaborer pour le Canada une politique étrangère crédible, mais le comité doit prendre garde de ne pas trop se laisser influencer par les nombreux groupes de lobbying très efficaces et très bien équipés dont les gouvernements antérieurs ont pris bien soin. Ces audiences pourraient fort bien attirer un nombre excessif de groupes d'intérêts, écartant beaucoup de simples citoyens. Il faut faire un effort particulier pour connaître les préoccupations et les voeux de la majorité des Canadiens.

Le calendrier est aussi une question à ne pas négliger. Nous déplorerions tous que l'étude s'éternise, mais il faut que cette politique étrangère puisse s'adapter au changement. Elle doit être conçue pour tenir compte des mutations constantes de notre monde. Reculons de quelques années. Qui aurait pu prévoir des


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changements fondamentaux comme la fin de la guerre froide, l'effondrement de l'Union soviétique, la chute du mur de Berlin et les nombreux changements d'ordre économique qui se sont produits de toutes parts?

De quels grands facteurs à l'oeuvre dans le monde faut-il tenir compte? Les ministères des Affaires étrangères et du Commerce international doivent pouvoir expliquer leur rôle à la population. Les Canadiens doivent concevoir les affaires étrangères et le commerce international comme un moyen d'entrer dans une ère nouvelle et de jouer un rôle important comme puissance intermédiaire.

Des changements innombrables se sont produits sur la scène mondiale. Examinons seulement quelques-uns d'entre eux. Commençons d'abord par certains changements politiques, dont le plus remarquable est, bien sûr, la fin de la guerre froide. La prévisibilité a fait place à la montée de guerres internationales, religieuses et ethniques qui nous ont tourmentés, par le passé, mais que la guerre froide a réprimées. Nous pourrions en évoquer des exemples comme l'Iran, l'Irak, Israël, l'Irlande, les Baltiques, l'ancienne Union Soviétique et de nombreuses parties de l'Afrique.

Il y a aussi sur la scène Jirnovski, le personnage féroce qui constitue une menace éventuelle pour l'Europe de l'Est. Dans toutes nos délibérations, nous devons examiner l'écart grandissant entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres, l'absence d'une superpuissance réelle et solide, ou le risque de la montée d'autres superpuissances qui pourraient nuire à la paix mondiale.

Ensuite, nous devons examiner la mondialisation, un des phénomènes les plus importants qui se produit actuellement dans le monde. Avec la mondialisation, le Canada s'aligne davantage sur l'hémisphère ouest et moins sur l'Europe. Il est évident que la présence de nos forces militaires en Europe n'est pas indispensable aux liens économiques canado-européens. Le Canada se taillera une place sur le marché européen par la force de ses diplomates et de ses entrepreneurs, et non de ses soldats.

Il est donc probable que la politique de défense canado-européenne intégrera son intérêt européen à une coopération et une force de sécurité plus mondiales, peut-être avec l'aide des Nations Unies.

Cela étant dit, nous devrions réévaluer notre engagement envers l'OTAN et le NORAD pour déterminer si ces alignements seront dans l'intérêt du Canada en 1994 et par la suite. Avec la mondialisation, le Canada rompt également ses liens commerciaux avec l'Europe pour en nouer avec l'hémisphère ouest et la région du Pacifique. En outre, étant donné l'avènement de la Communauté économique européenne, le Canada doit assurer sa position commerciale en Amérique du Nord. La position canado-américaine est sans contredit la relation bilatérale la plus importante dans la politique étrangère du Canada. Cela est particulièrement vrai en ce qui a trait à l'ALE, à l'ALENA et au renforcement éventuel de l'OEA à un niveau comparable à la CEE.

(1210)

Bien que l'hémisphère ouest revête la plus haute importance pour le commerce canadien, nous devons évaluer attentivement nos futures relations commerciales en tenant compte de toutes les possibilités. Nous devons examiner le choix d'alignements possibles, notamment dans la région du Pacifique, où nous devrons déployer beaucoup d'efforts pour faire mentir notre réputation de protagoniste de second plan.

Il s'agit évidemment d'un marché très concurrentiel, mais nous pouvons y progresser et y prospérer. Certains entrepreneurs canadiens sont déjà sur la bonne voie.

Troisièmement, il y a les préoccupations d'ordre environnemental. Il faut aborder le dossier de l'environnement dans une perspective tant nationale qu'internationale. Les dangers permanents que présentent l'appauvrissement de la couche d'ozone, la disparition de certaines espèces, l'accumulation des déchets dangereux et la diminution des terres arables peuvent déboucher sur de sérieuses crises internationales. C'est une question particulièrement difficile pour le Canada.

En ce qui concerne les dossiers comme celui des forêts du Brésil, par exemple, le Canada a demandé aux autres pays de se lancer dans un processus de développement durable semblable à notre plan national. Malheureusement, certains pays sont confrontés à un dilemme: l'environnement ou le développement. Aussi, certains pays se tournent-ils vers le Nord pour obtenir une aide financière qui puisse compenser les pertes occasionnées par le développement. Pour l'heure, le Canada ne peut pas offrir cette aide, compte tenu de sa situation économique actuelle.

Devant l'impossibilité de faire face à ces problèmes environnementaux, le Canada et, plus encore, le monde entier, se heurteront à un obstacle considérable sur la voie du développement durable.

Quatrièmement, il nous faut nous pencher sur le bilan démographique mondial. Comme nos ressources financières diminuent, nous sommes forcément moins à même de contribuer à atténuer le problème permanent de la surpopulation. Il est toutefois essentiel de poursuivre nos efforts en vue de ralentir cette poussée démographique qui menace le monde.

Il faut également tenir compte du Fonds monétaire international. À l'évidence, il importe de mettre de l'ordre dans nos affaires chez nous pour assurer la bonne marche de nos affaires à l'échelle internationale. Il ne faut pas oublier que notre dette publique et privée est, sur le plan international, la plus élevée des pays du G-7. Si jamais le FMI devait intervenir dans notre politique intérieure, cela ferait un tort considérable à notre réputation dans le monde. Cette menace persistera tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas réussi à remédier à notre dette et à notre déficit qui ne cessent de s'accroître.

Je voudrais aussi aborder certains aspects qui, selon mon parti et selon moi, doivent être pris en compte dans l'examen général de notre politique étrangère.

D'abord, quel est le rôle du Canada dans le monde? Face aux nouveaux défis que présentent la mondialisation des marchés, les problèmes environnementaux, l'émergence de nouveaux États, à une époque marquée par la diminution des ressources financières disponibles et une plus grande insécurité sur le plan politique, quel rôle devrions-nous jouer dans le monde? Nous


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devons nous concentrer sur les domaines où nous pouvons donner l'exemple et sur ceux qui sont de nature à susciter une fierté nationale chez nous et à maintenir notre réputation de chef de file dans le monde.

Importante puissance moyenne, le Canada peut jouer un rôle de premier plan, et cela, non pas en dépensant des sommes folles pour des consulats fastueux et voyants, en singeant les États-Unis, mais en étant lui-même, c'est-à-dire un gestionnaire des ressources financières et humaines qui soit travailleur, digne de confiance et compétent. Voilà un domaine où le gouvernement peut vraiment faire quelque chose pour notre fierté nationale qui a été ternie par les récents gouvernements.

Que faire en ce qui concerne notre ministère des Affaires étrangères et du Commerce international? Le fonctionnement de ce ministère doit figurer à l'ordre du jour de notre évaluation. Il nous faut nous assurer que certains critères de base sont respectés. Ce groupe doit être géré efficacement. Il importe au plus haut point de mettre l'accent sur les forces du Canada.

(1215)

Il est important que le comité se compose d'un petit groupe frugal de personnes extrêmement motivées, un groupe qui sache faire preuve de souplesse dans cet environnement en constante évolution. Les coûts doivent toujours passer avant tout. Le public ne tolérera plus les dépenses excessives et le gaspillage.

Nous devons aussi nous pencher sur la question de la privatisation pour voir si c'est possible. Cette question sera l'objet du discours d'un autre député. Ce ministère doit nous assurer plus de services avec moins de ressources.

Deux de mes collègues aborderont plus tard la question du maintien de la paix. Le règlement des conflits doit être considéré comme une industrie internationale en expansion et des points chauds doivent surgir constamment. Le Canada doit rehausser sa réputation dans le domaine du maintien de la paix.

Je suggère, en outre, que nous mettions notre expérience de la gestion des conflits au service de la création de centres internationaux de maintien de la paix, afin de former d'autres pays à cette spécialité. Cette formation non seulement rapporterait de l'argent, mais aussi placerait notre pays au rang de puissance mondiale et nous permettrait d'utiliser certaines des bases militaires que nous avons abandonnées.

En ce qui concerne le commerce, le Canada est une nation commerçante. Un de mes collègues en parlera plus longuement un peu plus tard. Nous ne devons toutefois pas oublier que ce n'est qu'en nous créant une place solide sur la scène commerciale internationale que nous réussirons vraiment à entrer de plain-pied dans le XXIe siècle.

On a discuté du rôle des Nations Unies. Il y a lieu de mettre en doute la capacité actuelle de l'organisation tout entière, tant sur le plan financier que sur le plan politique. L'administration des Nations Unies et les lignes directrices à la base de la réaction internationale doivent être réexaminées. Nous devons donc appuyer la convocation d'une conférence visant à examiner la Charte des Nations Unies en 1995.

Le Québec est, à court terme, une question dont nous devrions examiner les ramifications pour le Canada sur le plan international au cas où le Bloc québécois et le Parti québécois atteindraient leur objectif et qu'il y aurait séparation.

Nous devons notamment examiner la question du commerce, les accords commerciaux et les traités internationaux. Le Québec devrait renégocier, rien qu'avec les États-Unis, quelque 170 traités, dont l'ALE. Il faut aussi se demander quelle sera la position internationale du Canada sans le Québec.

Il y a beaucoup d'autres questions à examiner. Par exemple, l'ACDI et la question de l'aide étrangère dans son ensemble, sans oublier, bien sûr, la question des droits de la personne. Mais je laisse ce soin à d'autres députés.

Enfin, quels devraient être les objectifs de notre examen et de la politique étrangère qui va s'en dégager?

Cet examen devrait couvrir toutes les affaires du Canada à l'étranger, de sorte que les autres examens et organismes connexes puissent se concentrer exclusivement sur la situation interne de notre pays. Le dernier orateur a mentionné de nombreuses études actuellement en cours et nous devons nous concentrer sur ces études. Des points de vue opposés dans ce domaine ne serviraient à rien d'autre qu'à donner de fausses impressions à nos partenaires internationaux.

Les objectifs peuvent être résumés brièvement. Premièrement, rehausser l'image du Canada en démontrant que nous sommes réellement une puissance moyenne influente sur la scène internationale. Deuxièmement, se donner une politique qui nous permettra de placer rapidement nos ressources humaines et financières sur la scène internationale pour profiter des occasions que pourraient apporter de nouvelles technologies ou de nouvelles demandes. Troisièmement, faire savoir aux gouvernements, aux entreprises et aux syndicats que nous sommes en affaires et que la collaboration est le seul moyen de rehausser notre statut sur la scène internationale. Enfin, nous devons nous donner une politique d'aide qui respecte les droits de la personne et les grands principes démocratiques et qui nous permette d'aider ceux qui veulent faire quelque chose.

Le Parti réformiste souhaite ardemment travailler avec les autres députés à définir une politique étrangère vraiment représentative qui pourra servir le Canada au XXIe siècle.

Suite à ce que j'ai dit, je voudrais proposer l'amendement suivant à la motion:

a) par la suppression, au premier paragraphe, du mot «mixte» et des mots «et du Sénat»;
b) par la suppression, au quatrième paragraphe, des mots «et de sept sénateurs»;
c) par la suppression, au cinquième paragraphe, des mots «au nom de la Chambre»;
d) au dixième paragraphe, i) par la substitution, au mot «douze», du mot «huit»;
ii) par la suppression des mots «à condition que les deux Chambres sont représentées»; iii) par la substitution, aux mots «les coprésidents soient autorisés», des mots «le président soit autorisé»; iv) par la substitution, au mot «six», du mot «trois»;
e) par la suppression, au onzième paragraphe, des mots «au Sénat et»;
f) au quatorzième paragraphe, i) par la suppression des mots «le Sénat ou»; ii) par la substitution, aux mots «des greffiers des deux Chambres», des mots «du greffier de la Chambre»; iii) par la substitution, aux mots «aux deux Chambres» des mots «à la Chambre »; et

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g) par la suppression du siezième paragraphe.
(1220)

Nous proposons cette motion pour compléter l'examen, pour qu'il soit plus efficace et moins coûteux, et pour qu'il conduise à une politique étrangère canadienne plus valable.

Le président suppléant (M. Kilger): L'amendement est recevable.

[Français]

M. Louis Plamondon (Richelieu): Monsieur le Président, je parlerai quelques instants, surtout sur l'amendement proposé par le Parti réformiste. Je dirai que nous, du Bloc québécois, avions exactement les mêmes préoccupations en ce qui regarde la participation du Sénat qu'on devrait, je pense, dans le langage parlementaire, lorsque nous sommes en Chambre, appeler l'autre Chambre et non le Sénat. Je suis complètement d'accord avec l'amendemant à savoir de retirer les membres de l'autre Chambre de ce comité.

Je pense que le gouvernement-comme le disait le chef de l'opposition tout à l'heure-est en train de mettre deux trains sur des rails différents, parallèlement, sans qu'on sache le rôle des deux. C'est-à-dire qu'il y a déjà un comité de la défense, et on a fait un comité mixte de la défense par un projet de loi il y a quelques semaines. On a déjà un comité des affaires étrangères et du commerce international, et là on s'apprêterait à mettre sur pied un comité mixte avec la Chambre. Et je suis d'accord que l'autre Chambre n'a pas à siéger sur les comités, sur la réflexion que nous allons faire, parce qu'ils n'ont pas de mandat démocratique. Notre chef de parti l'a bien précisé dans son discours, tout à l'heure: Nous voulons faire une réflexion, bien sûr, au niveau des affaires étrangères, une réflexion nécessaire, mais par un comité de la Chambre des communes seulement.

(1225)

Dans ce sens, l'amendement qu'apporte le député du Parti réformiste est tout à fait souhaitable, et j'espère que nous allons nous priver de ce vestige de colonialisme qui s'appelle l'autre Chambre, de ces gens qui n'ont aucun mandat démocratique, de ces gens qui ont été nommés souvent par récompense politique seulement, qui sont des collecteurs de fonds parfois des deux partis principaux, dans les cas du Parti libéral et du Parti conservateur. Ces gens n'ont aucune raison de siéger au comité chargé de la réflexion future de notre politique étrangère. Et les membres dûment élus, surtout qu'il y a 205 nouveaux députés à la Chambre, ont quelque chose à dire, d'autant plus que le fait d'agrandir un comité, ou d'en faire un parallèlement, est une dépense inutile.

Je voudrais féliciter le député d'avoir présenté l'amendement et dire que je partage son interrogation quant à la pertinence d'avoir des sénateurs, quant aux coûts également, puisque le nombre de membres augmenté dans un comité, s'il y a des voyages et toutes les dépenses que cela entraîne, c'est un gaspillage éhonté de fonds puisque la réflexion, pour ce qui est de nous, du Bloc québécois, qu'il y a à faire au sujet du Sénat est beaucoup plus sur son abolition que sur sa participation à des comités.

[Traduction]

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je suis, en effet, heureux de cet appui. Comme je l'ai dit dans mon discours, notre opinion à ce sujet est bien arrêtée. J'espère que de nombreux députés d'en face admettront que l'autre endroit n'a pas à être représenté, et nous espérons certainement un vote sur cet aspect.

M. John Cannis (Scarborough-Centre): Monsieur le Président, j'ai, moi aussi, apprécié l'exposé du député de Red Deer.

J'ai bien aimé la façon dont il a dit que le Canada devrait définir son rôle en restant lui-même. Nous savons bien gérer les fonds, et je remercie le député de l'avoir reconnu.

Le député a aussi parlé de M. Jirinovski. Il y a un mois environ, j'ai lu, dans un journal, un article sur la façon dont M. Jirinovski modelait sa propre version de l'Europe, abattant des frontières ici et là. Aujourd'hui, à l'ère de l'économie globale, nous avons besoin d'instaurer la paix au sein de nos partenariats commerciaux et dans toutes nos relations commerciales.

Comment nous devrions réagir à ces questions quand, rien qu'en prononçant un mot, nous pouvons engendrer la stabilité ou l'instabilité? Face à l'emportement de gens comme M. Jirinovski, comment devons-nous réagir?

Comment obligeons-nous d'autres personnes à intervenir dans ce monde qui nous réserve chaque jour de nouveaux rebondissements? Comment reconnaissons-nous les nouveaux pays? Posons-nous des conditions préalables? Leur demandons-nous de s'approcher de la table et, avant de leur donner carte blanche, leur disons-nous qu'il faudrait régler ces différends avant que nous n'accordions notre reconnaissance? Comment devrions-nous réagir à de tels commentaires?

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, ce que le député fait remarquer, nous l'avons souligné à maintes reprises par le passé. C'est que nous devons bien réfléchir avant de réagir à ce que disent certaines personnes dans des endroits aussi instables que l'Union soviétique et à ce qui s'est produit là-bas.

Un député a fait un commentaire intéressant, hier. Il a dit que le caniche de Reagan était mort en Russie et que nous ne savions pas encore si ce serait un Rottweiler ou un Labrador qui allait prendre le contrôle de ce pays. C'est une analogie intéressante qui me plaît bien.

Je suis d'accord quand il dit que le caniche est mort. J'ai alors demandé au député si M. Jirinovski était le Rottweiler en question? Il m'a répondu que non, pour diverses raisons. Il y a d'autres personnes à craindre à cet égard. En Union soviétique, par exemple, on assiste à une montée du nationalisme. Quand on regarde l'ancienne situation, on constate que le changement économique n'a pas été positif. Nous devons en être conscients. C'est folie de vouloir réagir trop vite-et c'est justement ce qu'à fait l'ancien gouvernement.

(1230)

Je pense qu'il faudrait examiner très attentivement toute la question de la reconnaissance, par l'OTAN, de pays comme la Pologne. Nous devrions prendre notre temps. Nous devrions nous entendre au préalable avec le gouvernement et sûrement avec les membres du Comité des affaires étrangères. Nous ne


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devons pas réagir instantanément, mais réfléchir et agir intelligemment.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, je veux moi aussi féliciter le député pour le projet d'amendement qu'il a déposé et dire que nous avons l'intention de voter en faveur de cet amendement, parce qu'il s'agit d'un domaine où les Canadiens et les Canadiennes, les Québécois et les Québécoises, ont vraiment l'intention d'être représentés par ceux qu'ils ont élus. Je pense que ce serait respectueux de l'opinion des gens qui se sont exprimés l'automne passé, lors des élections générales, sur la façon dont ils veulent voir l'avenir de la politique étrangère qu'elle soit faite par les gens qui ont été élus lors des élections générales.

En même temps, ce serait pour nous une preuve de notre volonté de faire les choses à moindres coûts, de tenir compte de toutes les critiques qu'on a pu recevoir sur les dépenses inutiles qu'il peut y avoir dans le système fédéral canadien, comme dans tous les systèmes bureaucratiques. De toute façon, il ne s'agit pas ce matin de faire nécessairement le procès du système fédéral. Dans ce sens-là, l'amendement du Parti réformiste nous va très bien, et on espère que le gouvernement va s'y rendre aussi.

[Traduction]

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je remercie le député de ses remarques qui confirment un argument très valable. Nous le remercions de cet appui.

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne voudrais pas créer de confusion, mais le député de Richelieu a mentionné durant son intervention que nous devrions parler de l'autre endroit, comme on le fait généralement, et non du Sénat.

Puisque le mot Sénat est celui qui est mentionné dans la motion d'aujourd'hui, il me semble qu'il serait approprié que les députés utilisent aussi le mot Sénat dans les réponses, questions ou observations formulées aujourd'hui. Toutefois, ce qu'il faut retenir avant tout, c'est que nous devons demeurer vigilants et respectueux envers tous les députés de cette Chambre et tous les sénateurs de l'autre Chambre.

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, je suis heureux de participer à la discussion d'aujourd'hui, amorcée par mon collègue le ministre des Affaires étrangères, sur la politique étrangère du Canada.

Je veux partager avec les députés certaines réflexions sur le rôle du commerce dans l'élaboration de nos politiques sur les affaires étrangères en général, présenter un schéma des orientations possibles en ce domaine et encourager la discussion sur les meilleures voies à suivre à l'avenir.

Je suis aussi très heureux de coparrainer le forum sur les relations internationales du Canada, qui regroupera des gens de tous les coins du pays et des gens du secteur privé qui viendront nous donner leur avis sur la politique gouvernementale les 21 et 22 mars. J'ai aussi hâte de prendre connaissance des résultats des travaux du comité parlementaire constitué à la demande de mon collègue, le ministre des Affaires étrangères.

L'importance du commerce dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique étrangère du Canada est depuis longtemps le principe directeur de notre vision en matière de relations internationales. En 1957, lors de la remise de son prix Nobel, Lester B. Pearson avait prononcé un discours intitulé «La paix aux quatre visages». Le premier visage de la paix qu'il mentionnait, et celui qu'il décrivait de la manière la plus éloquente, était le commerce. M. Pearson avait déclaré:

En cette époque de démocratie de masse, plus l'homme se fixe des objectifs économiques élevés, plus il devient essentiel pour la stabilité politique et la paix de pouvoir pratiquer le commerce aussi librement que possible.
Il parlait de la très grande importance de civiliser les politiques commerciales des gouvernements en réduisant les obstacles au commerce et à l'investissement.

(1235)

M. Pearson comprenait que des accords commerciaux pouvaient étayer le développement humain et conduire, notamment, à un plus grand respect des droits fondamentaux de la personne en étendant la portée du droit international, en créant la croissance nécessaire pour soutenir le développement social et en rendant les gouvernements qui ont ouvert leurs marchés plus sensibles aux réactions des entreprises internationales et des autres gouvernements du monde. Une société autarcique, repliée sur elle-même, qui dépend très peu du commerce et des investissements internationaux, sera probablement moins portée à prendre des mesures constructives pour apaiser les craintes soulevées par d'autres pays.

La construction d'un système international prévoyant des droits formels, des obligations, ainsi que leur application effective, dont le Canada est l'un des principaux architectes aide à garantir que la règle de droit prévaut au lieu de laisser aux parties des pouvoirs illimités et la possibilité de prendre des mesures discriminatoires. L'établissement de règles commerciales cadre très bien avec cet objectif.

Malgré les conflits qui surgissent et l'étendue des barrières qui continuent d'empêcher les gens partout dans le monde de parvenir à atteindre leur véritable potentiel socio-économique, les règles acceptées mondialement régissant les relations commerciales peuvent être le ciment qui unit la communauté internationale.

[Français]

Notre gouvernement a fait de la reprise économique et de l'emploi ses principales préoccupations. Or, le commerce a des effets directs et immédiats en ce domaine.

Le Canada doit une grande partie de sa prospérité au fait qu'il a accès aux marchés étrangers. Les exportations de produits et de services représentent en effet plus du quart du Produit intérieur brut du Canada.

Au début des années 1990, cette proportion était légèrement moindre qu'en Allemagne, à peu près la même qu'en France et en Grande-Bretagne, et plus du double de celle qui existe aux États-Unis et au Japon. Directement et indirectement, les exportations soutiennent plus de deux millions d'emplois au Canada et l'importance des échanges commerciaux pour le maintien et la création d'emploi va certainement augmenter.

[Traduction]

C'est en fonction du bilan du Canada en matière commerciale et de l'importance pour notre pays des exportations, aussi bien que des importations, que nos relations commerciales doivent


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prendre assise sur deux piliers: tout d'abord, la recherche d'une plus grande sécurité internationale grâce à l'établissement et l'application, d'un commun accord, de règles bien précises; et ensuite, la création pour les Canadiens d'emplois garantis par notre compétitivité, quel que soit le produit ou le marché.

On reconnaît maintenant de façon générale que l'économie mondiale subit depuis trois décennies des changements fondamentaux qui sont d'abord et avant tout structurels. La mondialisation de la production, la croissance des industries de l'information et le déplacement de la richesse et du pouvoir vers la région Asie-Pacifique sont tous des facteurs qui contribuent à l'établissement d'un nouvel ordre économique mondial.

On croit aussi généralement que les tentatives faites par des gouvernements nationaux pour échapper à ces changements sont non seulement illusoires, mais présentent également des dangers. Il est vrai que cela n'a pas empêché certains gouvernements de prendre quand même des mesures en ce sens. Aux États-Unis, certains sont obsédés par le Japon, qui profite d'un énorme excédent commercial malgré la récession qu'il traverse à l'heure actuelle ou peut-être grâce à cette dernière. Les formules lapidaires comme la libéralisation des échanges et l'établissement de règles égales pour tous cachent souvent l'intention de remplacer la concurrence ouverte par le commerce administré, des quotas restrictifs et des balances commerciales réglementées. En Europe également, l'idée d'un bloc fermé et autosuffisant gagne de plus en plus d'adeptes dans certains milieux. La libéralisation régionale et l'harmonisation des politiques constituent certainement des objectifs louables s'ils visent à renforcer l'engagement de l'Europe en faveur d'une libéralisation des échanges commerciaux, mais ces objectifs deviennent moins admirables lorsqu'ils visent en outre à faire obstacle à la concurrence mondiale, en particulier de la part des fabricants à faible coût d'Asie et d'Amérique latine.

(1240)

Heureusement ou malheureusement, le phénomène de la mondialisation ne peut plus revenir en arrière. Comme pendant la révolution industrielle du siècle dernier, les changements provoqués par les progrès technologiques rapides et par la libéralisation du système commercial ont modifié pour de bon le paysage économique. Comme on a pu le voir dans le cas de l'ancien bloc communiste, les efforts visant à faire obstacle à ces forces ont fini par échouer, entraînant l'effondrement du mur de Berlin, en grande partie parce que les pays du bloc communiste ont été devancés dans une course technologique de plus en plus rapide et libre d'entrave. Les pays doivent s'adapter rapidement aux changements ou voir leur capacité de production se détériorer et leur niveau de vie décliner.

La mondialisation nous enseigne principalement que le Canada ne pourra assurer sa croissance économique qu'en appliquant une politique ouverte et axée sur les échanges avec l'extérieur. Dans le contexte économique national actuel, caractérisé par l'accumulation des dettes privée et publique, un impôt élevé et une consommation anémique, même la bonne solution macro-économique ne constituerait pas une garantie de relance de la demande. Toute stratégie sérieuse de croissance intérieure doit, presque par définition, être axée sur les exportations. Le gouvernement ne peut raisonnablement espérer obtenir une croissance économique et la création d'emplois à long terme qu'en ciblant de nouveaux marchés, en aidant les entreprises canadiennes à devenir plus concurrentielles sur ces marchés et en créant une base économique ouverte et axée sur l'extérieur à la fois pour les entreprises canadiennes et étrangères.

D'autre part, nous devons mettre l'accent non seulement sur la quantité mais aussi sur la diversité de nos exportations, sur le type de marchés que nous cherchons à conquérir, sur les systèmes de livraison que nous avons à offrir. Autre facteur peut-être encore plus important, nos efforts en vue de créer chez nous un climat propice à la production façonneront à bien des égards l'économie canadienne des années à venir.

Nous devons aussi reconnaître que dans un monde de changements rapides et complexes où les institutions internationales luttent pour suivre le rythme de l'évolution, où d'autres pays ont recours à une diversité de moyens pour s'assurer l'avantage sur le marché mondial et où le Canada fait figure de puissance moyenne, nous devons définir nos objectifs de façon plus précise.

Selon certains, la diplomatie politique est en train de céder le pas à la diplomatie économique. S'il veut continuer de jouer un rôle important sur la scène internationale, qui est principalement caractérisée par l'interaction des forces économiques, le Canada devra se trouver un créneau plus stratégique et moins universel sur la scène internationale. La politique commerciale commande de plus en plus de positionner le Canada dans l'économie mondiale de manière à lui permettre d'attirer les industries à valeur ajoutée élevée et les industries de technologie de pointe, et afin de créer les emplois de l'avenir.

Si nous voulons doter le Canada d'une stratégie commerciale efficace, nous devons commencer par définir plus précisément les priorités nationales, tant aux plans régional que sectoriel et, à cette fin, mieux voir où sont nos intérêts économiques. En pratique, cela signifie que nous devons collaborer directement avec les principaux secteurs d'exportation en vue d'établir des objectifs stratégiques plus précis, c'est-à-dire moins centrés sur les instruments commerciaux, les cadres institutionnels si l'on veut, que sur les objectifs commerciaux. Il nous faut, pour cela, utiliser tous les moyens d'action à notre disposition, qu'ils soient multilatéraux, régionaux ou bilatéraux, afin de réaliser des priorités nationales clairement définies. Dans un monde idéal, la libéralisation des échanges commerciaux se ferait de façon multilatérale sur le plus grand nombre de fronts possible. Malheureusement, nous vivons dans un monde imparfait et changeant qui nous oblige à avoir recours à toute une gamme de moyens d'action si nous voulons réaliser nos objectifs commerciaux.

(1245)

Bien que le temps me manque aujourd'hui pour expliquer en détail l'orientation de la politique commerciale du Canada pour les décennies à venir, j'aimerais présenter ce qui, à mes yeux, doit être nos trois principaux objectifs.

Premièrement, nous devons définir plus clairement nos priorités régionales, sur la base d'une évaluation rigoureuse des domaines dans lesquels le Canada est à même d'être concurrentiel. L'Europe demeure pour le Canada un riche marché d'exportation et une source de capitaux.

Nous continuerons à solliciter attentivement ce marché outre-Atlantique.


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Par ailleurs, le marché américain et la bonne gestion de nos relations commerciales avec notre voisin demeurent essentiels à la prospérité économique du Canada.

Néanmoins, les taux de ,croissance les plus élevés et les débouchés les plus prometteurs se trouvent dans l'hémisphère occidental, en Amérique latine et, plus spécialement, au-delà du Pacifique, en Asie.

Dans les années à venir, les produits canadiens seront extrêmement concurrentiels sur ces marchés en pleine expansion, où ils trouveront des débouchés beaucoup plus intéressants que sur les marchés européens ou même américains.

Comment pouvons-nous nous assurer d'avoir toujours accès à nos marchés traditionnels tout en multipliant nos liens économiques avec les marchés d'outre-mer en pleine croissance? Les échanges multilatéraux doivent demeurer la base de notre politique commerciale. C'est pour cette raison que nous tenons à ce que la nouvelle organisation internationale du commerce commence ses travaux le plus tôt possible. Issue de l'Uruguay Round du GATT, principalement à la suggestion du Canada, cette organisation complète le système de paiements et d'échanges commerciaux de l'après-guerre dans la plus pure tradition de la politique étrangère canadienne.

Nous allons vivement encourager la communauté internationale à élaborer un programme de travail plus progressiste et plus précis, compte tenu des intérêts canadiens et des nouveaux dossiers commerciaux, particulièrement dans le domaine de l'environnement, ainsi que de la possibilité de substituer au mécanisme antidumping une politique de la concurrence née d'une plus grande intégration à l'échelle mondiale.

Par ailleurs, nous encouragerons la recherche de moyens permettant à la nouvelle organisation mondiale du commerce, à la Banque mondiale et au FMI de coordonner leurs efforts en vue d'atteindre les objectifs communs de leur politique. Nous ferons campagne pour que la Chine, Taïwan et la Russie deviennent membres de ce nouvel organisme avec tous les droits et toutes les obligations que cela comporte.

Les États-Unis, où vont plus de 70 p. 100 de nos exportations, et en fait l'Amérique du Nord tout entière demeurent les principaux partenaires économiques du Canada.

Pour assurer le maintien de cette relation, le Canada s'appuie sur le cadre de réglementation plus complet qu'il a obtenu grâce au récent Accord de libre-échange nord-américain.

L'engagement du gouvernement à renforcer cette réglementation est consolidé par le succès de ses efforts pour établir des groupes de travail de l'ALENA. Ceux-ci vont faire tout ce qui est en leur pouvoir pour modifier les pratiques résultant d'un usage inapproprié des droits antidumping et compensateurs.

L'ALENA ne peut favoriser les possibilités d'exportations canadiennes que s'il demeure ouvert à l'économie mondiale. Ce que nous ne voulons pas, c'est de voir l'ALENA fonctionner en vase clos et se transformer en un outil de protectionnisme à l'échelle du continent.

C'est pourquoi nous devons nous concentrer sur la question de l'accession et souligner l'importance de l'accord en tant que renforçateur des relations commerciales et des possibilités d'investissement à l'étranger-non seulement dans notre hémisphère, mais aussi de l'autre côté du Pacifique, avec les pays asiatiques qui sont prêts à établir un partenariat économique global.

La nouvelle organisation mondiale du commerce et l'ALENA ne sont pas les seuls instruments qui s'offrent au Canada, dans ses démarches pour accroître ses relations commerciales hors de l'Amérique du Nord.

(1250)

Il peut aussi examiner les possibilités de négocier tout un éventail d'ententes commerciales bilatérales avec des États qui connaissent une croissance rapide. Une telle politique ne nuirait en rien à notre relation actuelle fondamentale avec les États-Unis. L'objectif ne serait pas de rendre le Canada plus indépendant au moyen d'une troisième option plus dynamique. Dans un monde de plus en plus interdépendant, il serait très illusoire d'aspirer à une telle indépendance, même si c'était souhaitable du point de vue économique.

Au contraire, la participation du Canada à l'Accord de libre-échange, et maintenant à l'ALENA, devrait lui conférer des avantages sur le plan de la concurrence, en favorisant de plus grandes économies d'échelle, en facilitant un mode d'approvisionnement et la création de réseaux qui seront à l'avantage de tous les participants, et en aidant les Canadiens à mettre sur pied des industries compétitives à l'échelle mondiale. Il faut absolument envisager notre base nord-américaine comme un tremplin qui facilitera notre intégration à une économie mondiale en rapide expansion, et non pas comme une protection contre la concurrence mondiale.

Les accords commerciaux nous ouvrent des portes. Nos activités d'expansion commerciale aident les entreprises à les franchir. En fait, il est tout aussi important de s'installer officiellement sur les marchés des économies naissantes de l'Asie et du Pacifique ou de l'Amérique latine, et d'y établir des liens commerciaux ou des alliances solides, que de conclure des ententes officielles donnant accès à ces marchés.

Dans la deuxième partie de notre stratégie commerciale, nous devons aussi trouver le moyen de cibler plus précisément les programmes et les ressources du gouvernement afin d'aider les entreprises canadiennes à s'établir sur des marchés clés.

Le gouvernement s'inquiète particulièrement du rôle des petites et des moyennes entreprises qui peuvent être les moteurs d'une croissance, mais auxquelles il manque souvent la masse critique, les ressources financières ou les connaissances techniques spécialisées qu'il leur faut pour percer les marchés étrangers. L'établissement de liens plus solides avec le secteur privé, une meilleure distribution des renseignements sur les marchés et la coordination des programmes gouvernementaux, tant fédéraux que provinciaux, ainsi qu'une répartition plus efficace des


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ressources financières canadiennes, toutes ces questions font maintenant l'objet de discussions.

Le principal objectif ne vise évidemment pas à encourager le gouvernement à mieux exporter, mais plutôt à encourager le dynamisme des entreprises pour qu'elles se tournent vers l'extérieur et pénètrent le marché mondial.

Comment pouvons-nous repenser nos institutions de promotion commerciale et nos activités pour arriver à mieux coordonner la répartition et l'utilisation de nos ressources limitées? Devrions-nous envisager de collaborer avec les provinces et l'industrie pour devenir le pivot de stratégies d'exportation efficaces? Devrions-nous, pour promouvoir le commerce, adopter une attitude plus axée sur les marchés et devenir, en matière d'exportation, un facilitateur plutôt qu'un leader? Nous pouvons fixer nos véritables priorités commerciales à partir des signaux qu'envoient les marchés.

Enfin, nous devons créer au Canada un climat économique qui favorise une croissance axée sur les exportations. De nos jours, on constate aisément qu'il y a une séparation de moins en moins nette entre les questions nationales et internationales, de même qu'entre les instruments de la politique intérieure et ceux de la politique extérieure, il y a souvent bien peu de différence. Nous devons revoir les politiques réglementaires et fiscales qui nuisent inutilement aux exportations. Nous devons aussi repenser les régimes et les restrictions qui bloquent l'investissement international constructif. À mesure que l'économie mondiale s'ouvre, le Canada devra inévitablement faire face à un mouvement des investissements plus vaste et plus fluide.

Nous devons faire en sorte que le Canada puisse attirer des investissements étrangers de qualité qui lui permettront de tirer avantage des transferts d'expertise venant des marchés mondiaux et de demeurer au centre des alliances et des liens internationaux. L'objectif fondamental de notre politique est de faire progresser les intérêts économiques du Canada au moment où ces intérêts montrent une stabilité encore plus grande que ceux du monde de plus en plus complexe et compétitif auquel nous sommes confrontés. Nous pouvons veiller bien davantage à ce que ces intérêts se traduisent dans des objectifs politiques précis et des priorités claires.

(1255)

À cette fin, nous avons l'intention de nous assurer que les affaires du gouvernement sont elles-mêmes en ordre en ce qui a trait à l'aide à l'expansion internationale des entreprises. Lorsque nous avons pris le pouvoir, nous avons pu constater que des doubles emplois, des chevauchements et parfois même des mandats peu clairs contrecarraient les efforts de nos exportateurs à devenir concurrentiels sur les marchés étrangers. Nous nous proposons de remédier à cette situation et de mettre au point un seul programme intégré qui réponde à des questions comme la présentation rapide et la diffusion de l'information commerciale, la nécessité de modifier les mécanismes de financement des exportations et la promotion d'une collaboration scientifique et technologique mutuellement avantageuse entre les sociétés canadiennes et les sociétés étrangères.

Il faut trouver de meilleurs moyens de faire les choses, tant parce que la responsabilité financière l'exige que parce que la réalité budgétaire oblige tout le monde à agir de façon responsable aussi bien que créatrice.

En outre, nous entendons mettre ce programme au point grâce à un partenariat vraiment étroit et actif avec les gouvernements provinciaux et le secteur privé.

Cette démarche et les consultations en cours sur la politique étrangère vont nous aider à choisir les bons outils et à assurer l'efficacité du programme. D'ici la fin de 1994, j'annoncerai les résultats concrets des consultations que nous avons entreprises.

Nous devons veiller par une meilleure coordination à ce que tous les outils de la politique étrangère canadienne visant à appuyer nos intérêts à l'étranger tiennent compte du fait que ces intérêts seront toujours variées. Je tiens à rassurer la Chambre: le gouvernement va défendre énergiquement son accès à des marchés étrangers, car cet accès, il l'a obtenu par des négociations et grâce aux efforts concrets de nos exportateurs. Nous n'hésiterons pas à rappeler à l'ordre les pays qui ne respecteront pas leurs obligations internationales en matière commerciale et économique, menaçant ainsi les intérêts et les emplois des Canadiens.

Après tout, c'est pour cela qu'on établit des règles internationales. Nous allons multiplier nos démarches auprès des autres pays et invoquer les dispositions des accords commerciaux internationaux relatives au règlement des différends pour défendre les intérêts de tous les Canadiens.

Le présent débat qui survient en début de mandat se veut une période de réflexion et d'échange sur l'orientation de la politique étrangère du Canada dans un monde nouveau où la compétition est de plus en plus féroce et où les questions commerciales et économiques prennent une place plus importante que jamais. Je suis persuadé que si nous nous attaquons à ces questions ensemble, nous verrons plus clairement l'objectif à poursuivre et nous prendrons à l'étranger une orientation qui ne pourra qu'être avantageuse pour toutes les régions du Canada.

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, quand on observe les relations extérieures du Canada en deux volets, l'aide au développement et le commerce international, si on a un oeil un peu critique, on est obligé de reconnaître qu'en faisant de l'aide le Canada fait du commerce, et qu'en faisant de l'aide il veut faire aussi du commerce.

Est-ce que le ministre croit qu'il serait possible de mieux séparer, sans bâtir un mur, les deux objets des interventions canadiennes, à savoir que lorsqu'il s'agit de commerce il soit clair que c'est du commerce, et lorsque c'est de l'aide ce soit vraiment de l'aide, pour tenter d'éliminer les influences plus ou moins indues qui se manifestent sans doute dans ce domaine-là?

[Traduction]

M. MacLaren: Monsieur le Président, le député soulève une question importante en ce qui concerne l'objet précis de l'aide extérieure. Tout au long de ce débat, d'autres orateurs voudront sûrement aborder cette question, mais de façon plus générale.

Pour répondre à la question précise du député, qui porte sur les relations commerciales dans le cadre de notre programme d'aide


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à l'étranger, je dirai que le volet commercial du programme de l'ACDI peut souvent avoir des répercussions positives. Je pense à certains cas où l'ACDI peut très souvent offrir la formation nécessaire au pays bénéficiaire, un pays du tiers-monde, qui envisage l'achat de biens ou de services canadiens, afin que l'investissement soit des plus rentables. Je pense également aux sociétés canadiennes qui ont décidé de participer à des coentreprises ou d'investir directement dans un pays en développement et qui devront inévitablement faire face à un problème à court terme, soit la pénurie de main-d'oeuvre locale apte à travailler dans leur usine ou leur industrie. Il est arrivé très souvent, dans de tels cas, que l'ACDI puisse financer la formation nécessaire pour permettre aux travailleurs locaux d'obtenir un emploi dans ces nouvelles entreprises.

(1300)

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, j'ai une question pour le ministre. Je débuterai par un préambule.

Dans le passé, l'une des critiques formulées contre le ministère du Commerce c'est qu'il n'avait pas de relations étroites et solides avec le secteur privé, dont les investisseurs, ce qui l'amenait à se sentir un peu tenu à l'écart. Si j'ai bien compris, le ministre a dit que cette situation serait étudiée au cours de l'examen qui s'amorce.

Le ministre pourrait-il confirmer que c'est bien ce qu'il a dit?

M. MacLaren: Monsieur le Président, je ne voudrais pas donner l'impression que j'ai des doutes sur la capacité des fonctionnaires du ministère d'établir et d'entretenir des rapports professionnels étroits avec le secteur privé canadien.

Je crois que tous, le député le premier, sont prêts à reconnaître que le monde change rapidement. La technologie évolue à un rythme tel que l'on comprend facilement que les rapports entre le Service des délégués commerciaux, le personnel en poste à Ottawa et le monde des affaires, doivent être constamment réévalués.

C'est pourquoi nous étudions le type de financement qu'obtiennent les entreprises canadiennes pour leurs exportations. Il est évident que les ressources financières accessibles aux exportateurs, qu'elles proviennent du gouvernement ou du secteur privé, sont limitées au Canada.

En ce moment même, nous discutons avec les banques pour trouver le moyen de mieux coordonner notre aide financière aux exportateurs. Comme je l'ai mentionné brièvement dans mon exposé, nous examinons tout particulièrement la possibilité de faciliter l'accès aux capitaux aux petites et moyennes entreprises intéressées à se lancer à l'assaut de nouveaux marchés dans un monde qui est souvent déroutant pour elles, ce qui explique pourquoi elles ont besoin du soutien réel des gouvernements fédéral et provinciaux et des banques.

C'est là un exemple des secteurs où nous cherchons activement le moyen d'instaurer des rapports plus étroits entre le ministère, la Société pour l'expansion des exportations et le secteur privé.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, le 17 février dernier, le gouvernement conviait cette Chambre à un troisième débat sur la défense nationale, lequel constituait le coup d'envoi du processus devant conduire à la révision de la politique de défense du Canada.

Je soulignais à ce moment l'incongruité suivante: le gouvernement entreprenait ce troisième débat sans avoir fait connaître ses propres orientations, ses propres intentions en matière de défense. Entre-temps, il avait déjà décidé d'autoriser les États-Unis à reprendre les essais de missiles de croisière en territoire canadien et, quelques jours plus tard, il annonçait des coupures draconiennes dans le budget de la défense, la fermeture de plusieurs bases et de deux collèges militaires, puis la prolongation de six mois de la présence des Casques bleus canadiens en Bosnie-Herzégovine. Toutes ces décisions qui ont une incidence directe sur la politique de défense du Canada ont été prises sans que le gouvernement ait pris la peine d'annoncer ses couleurs et avant même que le comité mixte chargé de conduire la révision de la politique de défense du Canada ait véritablement entrepris ses travaux.

(1305)

«Qui plus est, [ai-je souligné au moment de ce débat] le gouvernement agit comme si la politique de défense pouvait être envisagée indépendamment de la politique étrangère, ce qui [disais-je] ne saurait être possible. Et là encore, le gouvernement a soigneusement omis de faire connaître ses intentions quant aux grandes orientations de cette nouvelle politique étrangère qu'il appelle de tous ses voeux.»

Cette affirmation conserve encore aujourd'hui tout son sens, près de quatre semaines plus tard. Le gouvernement nous convie aujourd'hui à prendre part au coup d'envoi du processus de révision de la politique étrangère du Canada, tout en étant, encore une fois, demeuré vague et réservé quant à ses propres intentions. À tout le moins, avons-nous eu la chance ce matin d'entendre le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international nous faire état des grandes lignes directrices qu'entend poursuivre le gouvernement en matière de politique étrangère.

Je crois qu'on doit également déplorer le fait qu'on ne nous ait remis que ce matin le document de réflexion qui doit alimenter ce débat sur la politique étrangère du Canada. D'autre part, le gouvernement semble s'entêter à vouloir considérer les processus de révision de la politique de défense et de la politique étrangère comme étant tout à fait indépendants l'un de l'autre, ce qui, à plusieurs égards, n'a absolument aucun sens.

La politique étrangère est intimement liée à la notion de sécurité et de défense. C'est particulièrement vrai dans le cas du Canada, qui a orienté toute sa politique étrangère de l'après-guerre en fonction des systèmes de sécurité collective qui ont été mis en place dans le cadre de l'ONU, de l'OTAN et de NORAD.

La révision de la politique étrangère que nous nous apprêtons à entreprendre fait suite aux deux grands examens de la politique étrangère auxquels le gouvernement canadien a procédé au cours des 25 dernières années. Le premier examen a été entrepris sous


2277

le gouvernement Trudeau en 1969-1970, et le deuxième par le gouvernement Mulroney en 1984. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et certains événements ont su faire couler beaucoup d'encre. Je pense notamment à la chute du mur de Berlin et à la réunification de l'Allemagne, de même qu'à la chute du communisme et à la dislocation de l'Union soviétique.

La révision de la politique de défense et la révision de la politique étrangère s'imposent en grande partie par la modification radicale de l'environnement international. Le concept de sécurité prend aujourd'hui une signification radicalement différente de celle qu'elle avait il n'y a pas si longtemps.

Mais plusieurs autres modifications majeures ne sont également pas étrangères à la nécessité ressentie par le gouvernement fédéral de procéder à une révision de la politique étrangère du Canada. Je pense notamment au développement des communications et à la montée des préoccupations environnementales, mais je pense également au phénomène de la globalisation des marchés.

La globalisation des marchés est, il est important de le préciser, un phénomène inéluctable. C'est une tendance lourde qui caractérise l'économie de tous les pays, autant ceux du G-7 que ceux qui sont en développement. Vouloir y échapper équivaut à ignorer l'apparition de nouveaux moyens de communication et de nouvelles capacités de production, bref à ignorer les transformations qui se sont opérées au sein de notre environnement économique.

Dans un précédent discours prononcé en cette Chambre, je relevais que l'économie québécoise, tout comme l'économie canadienne dans son ensemble, est largement tributaire des exportations de biens et services, à raison de près de 16 p. 100 de son produit intérieur brut. Comment ne pas comprendre que seul l'accès à de grands marchés peut permettre à une population de 7 millions d'individus d'assurer sa prospérité économique? Ce qui est également vrai pour les 28 millions de population canadienne. Je m'interroge ainsi sur les hésitations du Canada anglais à reconnaître la présence d'une tendance potentiellement bénéfique, pour peu qu'elle soit bien gérée.

Toutefois, si la globalisation des marchés implique une certaine intégration dans un ensemble économique transcendant les frontières nationales, elle n'équivaut pas à l'abdication des petits pays face aux puissances économiques de ce monde.

De cette manière, ils s'assurent que leurs intérêts seront protégés, puisqu'ils auront été inscrits dans des ententes dûment négociées et appliquées par des instances internationales qui se voudront neutres. En outre, ils peuvent bénéficier des mêmes avantages que leurs partenaires et concurrents économiques.

(1310)

De nombreux petits pays comme le Danemark ou les États du Benelux ont su tirer leur épingle du jeu face à des géants économiques comme l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni et ont reconnu l'importance de s'ouvrir à l'extérieur.

Notre protection face à l'arbitraire quasi illimité des grandes puissances ne peut être assurée que par de solides négociations et par l'instauration de mécanismes de règlement des différends qui sauront résister aux pressions politiques. Bien entendu, le laxisme et les définitions nébuleuses ne doivent sous aucune considération être acceptés d'emblée.

Les avantages du libre-échange et de la mondialisation des marchés ne s'arrêtent pas là. En effet, il nous est permis d'espérer qu'en ayant accès aux marchés des États-Unis et de l'Amérique du Nord, les entreprises étrangères choisiront de plus en plus le Canada et le Québec comme porte d'entrée au continent.

Le Bloc québécois, vous vous en doutez bien, n'est pas contre la réouverture de l'ALENA en vue de l'inclusion de nouveaux joueurs. Bien au contraire, il salue l'arrivée de nouveaux partenaires. Toutefois, il souhaite vivement que les projets du gouvernement incluront des mesures significatives visant à aider les entreprises et les travailleurs québécois et canadiens à s'adapter à cette nouvelle réalité.

Si l'adoption et la mise en oeuvre du traité de libre-échange et de l'ALENA ont suscité autant d'opposition de la part de divers milieux, c'est qu'aucune mesure d'adaptation n'avait été prévue.

Enfin, la dernière mise en garde que je ferai face à l'ouverture des marchés m'est inspirée par la Chambre de commerce du Canada qui formulait, lors d'une table ronde sur le commerce extérieur, le commentaire suivant, et je cite: «Le GATT, l'ALENA et d'autres ententes régionales concourent à la création d'un environnement commercial plus dynamique, plus prévisible et plus stable. Toutefois, les membres croient que la mondialisation du commerce représente des défis croissants pour le Canada. Ils estiment que la capacité des entreprises canadiennes de tirer parti des occasions nées du GATT et de l'ALENA et de préserver leur part du marché intérieur dépendra directement de la capacité du Canada d'assainir ses finances.»

Le chef de l'opposition faisait justement référence à cet aspect de la question, ce matin, lors de son discours.

Par ailleurs, je désire souligner d'emblée que la Chambre de commerce prêche également en faveur d'une meilleure collaboration entre les secteurs privé et public. Cela signifie, entre autres, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'exprimer en cette Chambre, que le gouvernement doit rendre accessibles les informations et l'expertise qu'il possède et qu'il doit créer un climat propice à l'investissement au Québec et au Canada.

Quoique le Canada et le Québec se soient engagés de façon irrémédiable sur la voie de la libéralisation des échanges commerciaux par le biais de l'Accord de libre-échange, de l'Accord de libre-échange nord-américain et des ententes négociées dans le cadre du GATT, il demeure qu'il nous faut toujours faire preuve de prudence et de vigilance à l'égard des décisions arbitraires dont nos industries peuvent toujours être victimes de la part de nos partenaires commerciaux, dont, au premier chef, les États-Unis.

Il ne fait aucun doute que le processus qui doit conduire à l'élimination progressive des barrières commerciales entre le Canada et les États-Unis va bon train et se déroule selon


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l'échéancier prévu, ce qui n'empêche pas nos voisins du Sud d'imposer à certains de nos produits et certaines de nos industries des mesures protectionnistes qui apparaissent tout à fait anachroniques dans le contexte de globalisation des marchés qui prévaut actuellement.

Ce non-respect des règles du jeu international que manifestent les États-Unis en matière de commerce est perceptible dans un certain nombre de secteurs de l'activité économique canadienne. Pensons simplement aux conflits qui opposent le Canada et les États-Unis dans les domaines de l'acier, du bois d'oeuvre, de la bière, de certains produits agricoles et de l'uranium.

Dans ces différents secteurs d'activités, les autorités américaines s'emploient systématiquement à obstruer l'entrée du marché américain aux produits canadiens, et ce par le biais de toutes sortes de subterfuges habiles et harassants, tels que l'application de tracasseries administratives et bureaucratiques incessantes, l'imposition de droits compensatoires, les recours répétés aux divers mécanismes de règlement des différends, etc.

La dernière arme que les États-Unis viennent tout juste de sortir de leur arsenal d'entraves au commerce est le super 301. Cette mesure pour le moins exceptionnelle permet à l'administration américaine de punir les pays que celle-ci aura jugés coupables de pratiques commerciales déloyales à l'endroit des États-Unis.

Le super 301, qui est tout à fait incompatible avec les règles et l'esprit du GATT et de l'ALENA, a été fortement dénoncé partout à travers le monde, notamment par le secrétaire général du GATT et par le commissaire européen du commerce international.

(1315)

Fort heureusement, le Canada n'est pas directement visé par l'application éventuelle du Super 301 par les États-Unis, du moins, pas pour le moment. Actuellement, c'est le Japon que les États-Unis menacent de représailles commerciales s'il n'ouvre pas davantage son marché à certains produits américains. Cependant, il y a lieu de craindre pour le Canada les effets potentiellement négatifs de l'application du Super 301 au Japon par les États-Unis. C'est d'ailleurs une crainte que manifestent déjà le premier ministre de l'Australie et certains parlementaires français.

Ce que démontrent ces relents de protectionnisme d'une autre époque, c'est la nécessité de mettre sur pied des institutions internationales fortes qui pourrront garantir la poursuite du mouvement de libéralisation des échanges et aider les États à se prémunir contre des décisions arbitraires et unilatérales de la part des grandes puissances économiques.

À cet égard, la création de l'Organisation mondiale du commerce, à compter du 1er janvier 1995, semble constituer un pas dans la bonne direction. De la même façon, il faudra veiller à ce que l'ALENA se dote de mécanismes clairs et fonctionnels de règlements des différends et que les discussions portant sur les notions de dumping et de subventions, qui avaient été réclamées par le gouvernement fédéral, portent leurs fruits.

Comme j'en faisais état plus tôt, la libéralisation des marchés et la globalisation des échanges apparaissent comme une tendance, un phénomène irrémédiable. La prospérité des peuples passera de plus en plus par le commerce international. C'est une donnée qui fait désormais partie du paysage économique canadien. Il ne faut donc pas se surprendre, comme je le signalais en cette Chambre le 1er février dernier, de l'accueil chaleureux et de l'appui sans équivoque qu'on a pu constater au Québec, tant dans les milieux fédéralistes que souverainistes, à l'égard de l'accord de libre-échange avec les État-Unis, dans un premier temps, puis à l'Accord de libre-échange nord-américain.

Dans un contexte de globalisation des marchés, il m'apparaît essentiel que les provinces puissent assurer le développement respectif de leur économie, de leur culture et de leur société. Cette prise de position, inspirée de la doctrine Gérin-Lajoie, implique que les établissements des gouvernements provinciaux à l'étranger assurent le prolongement sur la scène internationale des champs de compétence exclusifs des provinces.

C'est dans cette optique que le Québec a, au cours des années 1960, commencé à établir un réseau assurant sa présence internationale. Il possède aujourd'hui 27 bureaux à l'étranger dont le mandat est de promouvoir les exportations québécoises, de faire de la prospection d'investissements, d'appliquer les ententes sur l'immigration et de favoriser les échanges en matière d'éducation, de langue et de culture.

D'autres provinces dont le Nouveau-Brunswick, l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario ont également procédé à l'établissement d'un certain nombre de bureaux à l'étranger. Notons toutefois que l'Ontario a récemment pris la décision de fermer ses bureaux à l'extérieur des frontières du Canada.

Lorsqu'un gouvernement provincial fait le choix de maintenir une mission à l'étranger pour y promouvoir ses intérêts et y mettre en valeur sa culture, il ne doit pas s'attendre à ce que le gouvernement fédéral entreprenne des mesures d'obstruction à son égard. Pour être en mesure d'attirer des investisseurs et aider nos entreprises à percer les marchés étrangers, il faut éviter ces offensives centralisatrices ou ces pressions de la part du fédéral sur les provinces.

J'aimerais profiter de l'occasion pour ajouter quelques mots sur le projet du gouvernement connu sous le nom de «Team Canada». Il ne faut pas confondre, évidemment, avec l'équipe de hockey qui porte le même nom. Ce projet vise à favoriser et à développer une synergie, une collaboration entre les divers intervenants canadiens dans le secteur de l'exportation. «Team Canada», on en exprime le souhait, doit demeurer une organisation souple de coopération et de collaboration entre ces divers intervenants canadiens dans le domaine de l'exportation.

Trop souvent a-t-on vu de telles initiatives se transformer en des opérations de centralisation aux allures de monstre bureaucratique. Qui plus est, le gouvernement doit à tout prix consulter les provinces, non seulement dans le but d'éviter les dédoublements, mais également afin de puiser dans leur expertise et de connaître leurs véritables besoins.

Quoi qu'il en soit, il apparaît bien évident que tout le processus de révision de la politique étrangère du Canada, particulièrement dans le secteur du commerce international, devra s'effectuer en tenant compte du point de vue, des attentes et des préoccupations des différents intervenants concernés.

Mais si j'ai pris la peine, au tout début de cette allocution, de manifester mes réserves et mes préoccupations à l'égard du processus de révision de la politique étrangère qui, je le rappelle, semble tout à fait désincarné du processus de révision de la politique de défense du Canada, ce qui procède d'une logique


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plutôt douteuse, j'aimerais maintenant exprimer mes appréhensions à l'égard de la forme que prendra cette fameuse révision.

(1320)

La motion présentée par le gouvernement propose la création d'un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat. La création d'un tel comité m'apparaît tout à fait inutile et inappropriée. L'ajout d'un certain nombre de sénateurs aux députés qui composent déjà le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international ne fera qu'alourdir la structure, rendant par le fait même le comité inefficace et improductif. La présence de sénateurs sur ce comité rendra également les déplacements plus coûteux, dans la mesure où le nombre de personnes à déplacer s'en trouve augmenté.

À mon sens, la création de sous-comités de travail, que certains entrevoient comme une solution aux problèmes de coûts et d'efficacité liés à la taille du comité mixte, s'avère être une proposition qui nuira, à terme, à la cohérence et à l'unité du travail de tous les membres du comité.

Certains prétendront que la création d'un comité mixte aura permis d'éviter les dédoublements de fonction entre le Comité permanent de la Chambre des communes et celui du Sénat dans le domaine des affaires étrangères et du commerce international, évitant de ce fait les dépenses inhérentes au fonctionnement en parallèle de deux comités travaillant simultanément sur la même question. Cet argument est tout à fait inopérant, puisque, de toute façon, ces deux comités, comme tous les comités de la Chambre qui trouvent leur vis-à-vis au Sénat, se chevauchent et se dédoublent continuellement en temps normal.

Nous sommes en accord avec les prémisses qui incitent le gouvernement à proposer la création d'un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat, à savoir la volonté d'éliminer les dédoublements coûteux et inutiles entre les deux comités s'occupant des affaires étrangères et du commerce international.

Manifestement, c'est sur les moyens à prendre que nous divergeons d'opinions. Alors que les libéraux proposent un cataplasme temporaire au véritable problème qui découle de l'existence même du Sénat, nous soumettons respectueusement à l'attention de nos collègues que la création d'un tel comité mixte n'a pour seul objectif que de légitimer la pérennité de cette institution vétuste, poussiéreuse et complètement déconnectée de la réalité canadienne. C'est pourquoi nous nous opposons à la création de ce comité mixte.

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, j'ai une toute petite question à poser. Nous sommes certainement d'accord avec le député au sujet du Sénat. Je constate que le Canada éprouve de la difficulté à se faire connaître au sein de la communauté internationale.

Le député a parlé de l'efficacité de certains pays de plus petite taille. Il en a mentionné plusieurs. Je voudrais toutefois qu'il examine le cas d'un pays comme la Norvège, qui a un énorme fardeau fiscal et une dette très élevé et qui ne réussit peut-être pas aussi bien que les autres pays que le député a mentionnés.

Ma question concerne la taille des pays. Le député a laissé entendre que les petits pays peuvent fort bien tirer leur épingle du jeu au sein de la communauté internationale. Je me demandais s'il pouvait nous donner d'autres explications à ce sujet.

[Français]

M. Bergeron: Monsieur le Président, je trouve intéressant que mon collègue de Red Deer ait fait référence spécifiquement à un des États scandinaves qui, on le sait, ont connu une croissance des dépenses publiques au cours des dernières années, dont ils doivent maintenant supporter les conséquences.

Je crois que c'est un choix tout à fait subjectif de sa part d'avoir ciblé un des États scandinaves pour illustrer son propos. Il aurait très bien pu choisir des États autres qu'un des États scandinaves, comme l'Autriche, le Danemark ou la Suisse, par exemple. Il a préféré choisir la Norvège pour signifier qu'un petit État n'était pas nécessairement plus efficace qu'un plus grand État.

À cela, je répondrai tout simplement que le Canada, étant un plus grand État, n'a pas une situation financière tellement plus reluisante que celle de la Norvège.

[Traduction]

L'hon. Christine Stewart (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique)): Monsieur le Président, je suis très heureuse de pouvoir parler à la Chambre à l'occasion du lancement de l'examen de notre politique étrangère.

Mes remarques s'inscrivent dans le contexte de l'engagement de notre gouvernement à l'égard de l'examen de notre politique étrangère. Le gouvernement lance cet examen aujourd'hui, à la Chambre des communes, en donnant aux députés l'occasion d'aborder des questions qui, même si elles ne semblent pas aussi urgentes que le bien-être de leurs électeurs, sont en fait tout aussi essentielles à notre bien-être que les soins de santé, l'aide sociale et le filet de sécurité sociale. De nombreux facteurs à l'extérieur du Canada peuvent avoir une incidence sur notre vie de tous les jours et sur celle de nos enfants et de nos petits-enfants au même titre que le chômage, les soins de santé, l'éducation et les difficultés liées à notre dette et à nos déficits élevés.

(1325)

Si la population mondiale continue de s'accroître au rythme actuel, si la pauvreté continue de ravager notre environnement mondial, si on maintient les niveaux de consommation actuels sans se préoccuper de la notion de développement durable, si les femmes dans le monde ne sont pas reconnues comme étant le déterminant critique pour ce qui est des normes en matière de santé, d'éducation et de bien-être économique et si elles ne reçoivent pas l'appui nécessaire à cet égard, alors ce n'est pas seulement notre bien-être économique et social qui sera menacé, mais bien notre existence même.

Les députés ne sont pas élus pour représenter uniquement les intérêts immédiats de leurs électeurs, aussi importants que ces intérêts puissent être. Les députés sont obligés de chercher un équilibre entre les intérêts de leurs électeurs et les intérêts plus vastes et souvent contradictoires des diverses régions du Canada et du pays tout entier. De plus, sur la scène fédérale, les députés doivent ajouter à cela les intérêts de l'ensemble de l'humanité,


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de la grande famille planétaire. Nous ne pouvons pas porter des oeillères qui nous empêchent de voir les questions importantes dans un monde qui change très rapidement.

Je suis certaine que tous les députés ont remarqué, depuis l'ouverture de la 35e législature, que choisir les voies dans lesquelles notre pays doit s'engager est une tâche complexe et difficile. Depuis longtemps, le Canada jouit d'une excellente réputation pour le leadership dont il fait preuve dans la recherche de solutions aux problèmes internationaux, et nous avons l'intention de renforcer cette réputation. Toutefois, aucun gouvernement n'a toutes les réponses.

En cette époque de l'après-guerre froide, nous nous retrouvons constamment devant des situations qui changent rapidement, de nouveaux défis et de nouvelles possibilités. C'est pour cette raison que le gouvernement lance aujourd'hui un vaste processus de consultation avec les Canadiens.

[Français]

Le gouvernement devra prendre, en fin de compte, des décisions de principe, mais nous reconnaissons que les Canadiens, grâce à leur culture, leur éducation, leurs voyages et leur expérience professionnelle, sont, plus que jamais, en mesure de contribuer à la formulation de politiques. Cette culture, cette éducation, cette expérience internationale sont de magnifiques qualités qu'aucun pays ne possède plus que le Canada.

Le gouvernement libéral ne part pas de zéro dans cet examen de la politique étrangère. Au cours des quatre dernières années, nous avons consulté le peuple canadien sur toute une gamme de questions telles que la réforme de l'ONU, l'aide, les droits de la personne et le développement durable. Nous avons formulé nos principes avec clarté, et c'est sur eux que nous souhaitons fonder notre examen.

Mon voeu le plus cher est que nous soyons capables, à la fin de ce processus, de formuler une politique étrangère plus cohérente, dans laquelle les divers éléments qui la constituent, à savoir l'aide, le commerce, la défense, l'environnement, la santé, l'agriculture, l'immigration et la politique, viendront se compléter mutuellement.

[Traduction]

Par le passé, certains éléments de la politique étrangère canadienne ont souvent été appliqués sans égard à leurs répercussions dans d'autres secteurs. Cela a donné des mesures qui visaient souvent des fins contradictoires et qui risquaient d'annuler leurs avantages mutuels. Notre planète fragile ne peut supporter plus longtemps ce manque de vision. Il faut harmoniser l'utilisation de nos maigres ressources, publiques et privées, pour tirer le maximum de nos moyens limités. Un examen complet de notre politique étrangère est indispensable pour nous aider à comprendre comment obtenir des résultats cohérents.

J'interviens dans le débat d'aujourd'hui pour mettre plus particulièrement en lumière les questions qu'il faut aborder dans le contexte de mes secteurs de responsabilité, soit l'Amérique latine, les Antilles et l'Afrique.

Je commencerai par exposer certaines réflexions concernant tout d'abord l'Afrique. Ce continent, riche en cultures et en ressources humaines et naturelles, ne peut être marginalisé. L'Afrique compte actuellement une population de 650 millions d'habitants, un chiffre qui pourrait doubler d'ici l'an 2010.

(1330)

Étant donné des pressions démographiques aussi énormes, que pouvons-nous faire quand les Africains sont forcés de faire disparaître certaines de leurs ressources naturelles à seule fin de survivre? C'est dans ces situations que les questions environnementales deviennent pour le Canada un problème de sécurité aussi préoccupant que le terrorisme.

La nature de l'aide que le Canada apporte à l'Afrique a changé ces dernières années. L'argent que nous dépensons à cet égard sert de plus en plus à fournir des secours plutôt qu'à aider au développement, à quoi s'ajoute l'argent dépensé pour répondre aux bouleversements sociaux, économiques et politiques.

Finalement, le Canada est forcé d'apporter de fortes contributions aux programmes de réfugiés ici et à l'étranger. Nous devons reconnaître les coûts énormes des crises sociales, politiques et économiques, et leur incidence sur notre propre bien-être ici au Canada.

Le coût que représentent pour le Canada les secours d'urgence, les opérations de maintien de la paix ainsi que les soins aux réfugiés et le traitement de leurs dossiers dans les zones de guerre dépasse de beaucoup ce qu'il en coûte pour bâtir des sociétés tranquilles et stables grâce au développement à long terme. Il est devenu nettement évident ces dernières années que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas promouvoir la paix et la sécurité.

L'aide au développement, quelle que soit son importance, ne peut suffire à elle seule à la tâche. L'argent que le Canada dépense pour le développement devrait servir de complément aux politiques et aux programmes du gouvernement des pays bénéficiaires qui poursuivent les mêmes fins.

Le développement durable, une saine gestion publique, le respect des droits humains, l'adhésion aux principes démocratiques, la transparence économique et le respect de normes acceptables de reponsabilisation, voilà autant de préalables. Nous n'avons pas les moyens de gaspiller beaucoup d'argent en aide au développement dans des pays qui ne respectent pas les principes et les objectifs de nos initiatives.

À cet égard, le Canada a déjà commencé à lier son aide à des principes comme le respect des droits humains et une gestion économique compétente. On abordera certainement ces aspects dans le cadre de l'examen de notre politique étrangère.

Il s'agit évidemment d'une démarche de la plus grande importance. Or même une politique d'octroi d'aide au développement aux pays qui appliquent des politiques de saine gestion publique ne suffira pas à elle seule à établir un développement durable dans ces pays. Le développement économique doit également y être possible.

Dans beaucoup de pays africains, le fardeau de la dette risque d'empêcher l'émergence d'une économie viable. Les pays en voie de développement ont également besoin de politiques qui encouragent les investissements étrangers et de politiques internationales qui permettent des échanges libres et équitables avec les pays plus pauvres.

Il faut avant tout chez tous les intervenants une volonté politique pour effectuer les réformes nécessaires, et je suis persuadée que le processus d'examen de notre politique étrangère aidera le gouvernement canadien à mettre au point des méthodes dynamiques et efficaces pour réaliser cet objectif.


2281

[Français]

L'Afrique traverse une période de grands changements. Les populations de nombreuses nations africaines montrent qu'elles sont décidées à se débarrasser des problèmes périodiques de corruption et d'abus de pouvoir associés à leurs gouvernements. Le peuple africain veut vivre sous des gouvernements capables de satisfaire les besoins fondamentaux de ces sociétés, à savoir la santé, l'éducation, la paix, le développement durable et la stabilité économique.

La tâche qui attend l'Afrique n'est pas facile. Les changements exigés ne se produiront pas sans un travail et un dévouement énormes de la part du peuple africain. Le Canada sait que l'évolution vers la démocratisation ne se fera pas sans difficultés. Tout changement politique s'accompagne inévitablement de problèmes ou de détours imprévus. Néanmoins, il importe que le processus de démocratisation prenne racine dans le respect des coutumes, des traditions et des valeurs africaines, afin de s'ancrer profondément et de donner de l'espoir aux futures générations d'Africains.

Dans les nations qui commencent à se démocratiser, il ne suffit pas de soutenir le processus de démocratisation et les principes de bonne gestion des affaires publiques jusqu'au jour du scrutin seulement. Les élections ne sont qu'un premier pas, bien que décisives. Le Canada doit se faire un devoir de continuer d'apporter son soutien aux principes de bonne gestion des affaires publiques.

[Traduction]

Nous ne devrions pas sous-estimer non plus les liens économiques que le Canada a établis avec l'Afrique. Chaque région du Canada entretient avec l'Afrique des relations commerciales qui ont permis à de nombreuses entreprises d'utiliser plus efficacement leurs connaissances technologiques.

(1335)

C'est très avantageux pour les Canadiens, qui ont non seulement accès à des marchés, mais qui bénéficient aussi de la création d'emplois et d'une sécurité économique accrue. En mettant à profit ses connaissances et en fournissant ses produits là où il existe une demande, le Canada maintient et accroît sa compétitivité.

Il convient de rappeler que les Nations Unies, le Commonwealth et la Francophonie sont des organisations multilatérales importantes qui unissent étroitement les Canadiens et les Africains. Bon nombre de députés ne le savent peut-être pas, mais les pays africains représentent 30 p. 100 des États membres des Nations Unies, 27 p. 100 des États membres du Commonwealth et 52 p. 100 des États membres de la Francophonie.

Les liens linguistiques, culturels et historiques qui unissent nos pays existent depuis beaucoup plus longtemps que nos relations dans le cadre des programmes d'aide; d'ailleurs, le caractère bilingue et multiculturel du Canada a été un facteur important dans l'établissement de ces relations à long terme. C'est là la base sur laquelle nous pourrons établir un partenariat fructueux et à long terme. Il suffit que nous ayons la volonté politique de le faire. À mon avis, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer cette occasion.

Dans le cadre de ses programmes d'aide au développement, le Canada a généralement accordé la priorité aux activités qui visent à réduire la pauvreté dans le monde. Il a été reconnu que la criminalité, la violence et les conflits sur une grande échelle sont souvent à l'origine de la pauvreté.

Le gouvernement s'est fixé comme objectif d'utiliser 25 p. 100 de l'aide publique au développement pour répondre aux besoins fondamentaux des êtres humains et mettre en valeur les ressources humaines, pour fournir les soins de santé et les services d'éducation fondamentaux, pour travailler plus étroitement avec les femmes qui sont les principales personnes à dispenser des soins de santé aux leurs, à nourrir ceux-ci et à veiller à leur éducation, et pour assurer le développement durable de manière que les générations futures puissent aussi vivre en paix et en sécurité.

Le gouvernement s'est fait élire en promettant d'assumer ses responsabilités sur le plan budgétaire. Même si nous ne sommes pas en mesure d'accroître le financement de notre programme d'aide au développement à l'heure actuelle, notre objectif demeure le même: que l'aide publique au développement représente 0,7 p. 100 de notre PNB.

Malgré la nécessité de procéder à des compressions budgétaires, je ne crois pas que des ressources financières limitées soient obligatoirement synonymes d'une efficacité réduite. Grâce à des programmes créatifs, dynamiques et bien administrés, nous pouvons même faire davantage. Ainsi, au chapitre des droits de la personne, les programmes administrés sur une petite échelle peuvent souvent avoir de vastes répercussions. Notre défi est d'administrer tous nos programmes plus efficacement.

Nous reconnaissons que les changements nécessaires peuvent avoir des répercussions différentes sur certains groupes de la société. Le Canada essaie de tenir compte de cette réalité en s'efforçant avec les institutions financières internationales et les autorités locales, de protéger les programmes d'adaptation existants, et en tentant d'atténuer les répercussions négatives par le lancement de nouveaux programmes sociaux à l'intention de personnes le plus directement touchées par les rajustements. Nous espérons que l'examen de la politique étrangère permettra de résoudre ce problème.

La dette qui continue d'accabler l'Afrique entrave toutefois sérieusement les efforts de cette dernière en matière de développement durable. À titre de partenaires dans ce domaine, nous devons examiner les meilleures solutions pour alléger son fardeau. Si nous y réussissons, nous favoriserons la création d'économies africaines plus saines.

[Français]

Monsieur le Président, maintenant, permettez-moi de parler de l'Amérique latine. Le Canada fait partie des Amériques. Sous l'effet de la mondialisation, l'Amérique latine et les Antilles se retrouvent de plus en plus au centre de la politique étrangère du Canada. Cette région s'est déjà engagée dans un processus de changement et de modernisation fondamental d'ordre économique, politique et social. Le Canada a une occasion unique de pouvoir participer à cette évolution et d'aider à la modeler grâce à une collaboration positive. Dans cet hémisphère, nous sommes considérés comme un partenaire responsable et de plus en plus engagé et je crois que nous avons tout à gagner dans ce partenariat.

Tout en reconnaissant le potentiel qu'offre ce partenariat, nous devons également admettre que le Canada a beaucoup à


2282

apprendre pour éviter d'être marginalisé dans l'évolution de ses relations avec les autres pays de l'hémisphère. Ces pays ont une histoire, une langue et une culture très différentes des nôtres, et la compréhension que nous aurons de leur situation influera sur l'étendue et le succès de nos relations.

(1340)

La politique étrangère du Canada à l'égard de cette région se heurte à beaucoup de difficultés. Notre attitude envers l'Amérique latine et les Antilles doit être en harmonie avec les objectifs généraux de notre politique étrangère, à savoir le soulagement de la pauvreté, la promotion d'une saine gestion publique, les droits de la personne, la stabilité sociale, l'égalité des sexes et des races, un environnement durable et la paix et la stabilité internationales.

Bien que la population soit assez instruite comparativement à d'autres régions en développement, elle connaît de graves problèmes d'ordre social qui doivent être traités à la source. Il est indispensable de résoudre ces problèmes si l'on veut garantir le bien-être de la population à l'avenir.

Ces dernières années, il y a eu des tendances politiques positives en Amérique latine. Au début des années 1980, beaucoup de pays avaient des régimes militaires. Actuellement, presque tous les gouvernements de la région ont été élus démocratiquement, selon des procédures constitutionnelles libres. À mesure que ces pays se familiarisent avec le processus démocratique, ils adaptent leur politique aux normes internationales.

[Traduction]

Des efforts sont faits en Amérique latine et dans les Antilles pour consolider et renforcer les institutions démocratiques, judiciaires et celles chargées des droits de la personne. L'aide canadienne demeure importante pour le renforcement de ces tendances. Dans la plupart des pays, les militaires font maintenant preuve d'un plus grand respect pour le pouvoir civil et se contentent de jouer un rôle limité dans la société, comme il se doit.

Le Canada appuie ce processus de démocratisation, qu'il trouve encourageant. Comme le montre notre travail en Afrique, il ne faut jamais oublier qu'en soi les élections ne créent pas la démocratie. Il incombe donc aux pays donateurs de maintenir leur appui jusqu'à l'établissement d'une société vraiment démocratique. En fait, nous prévoyons qu'un jour nous pourrons tirer des enseignements de nos expériences réciproques.

Dans les Antilles membres du Commonwealth, le Canada entretient depuis longtemps de solides liens avec les gouvernements et la population. Ces liens sont fondés sur des traditions parlementaires et démocratiques communes, des valeurs communes, des contacts personnels étroits avec les dirigeants politiques, des relations touristiques importantes et une forte participation des banques canadiennes. Nous nous attendons à ce que ces liens soient non seulement maintenus, mais renforcés, dans les années à venir.

De quelle manière nos relations avec cette région devraient-elles être modifiées pour refléter l'intérêt mondial et futur? Des progrès marqués ont été faits également dans le domaine économique en Amérique latine et dans les Antilles, ce qui favorisera une croissance et un développement durables.

Nombre de pays de la région font des progrès considérables dans la mise en oeuvre de réformes économiques axées sur le marché, la privatisation, la déréglementation et la production destinée à l'exportation. Ces pays s'intègrent également aux marchés régionaux et mondiaux. La confiance des investisseurs s'améliore.

Il en résulte que c'est une région en plein développement où, de plus en plus, le Canada détient des intérêts commerciaux et fait des investissements importants qui contribuent à la relance de l'économie canadienne. Nous devons saisir ces occasions le plus efficacement possible.

L'aide au développement que fournit le Canada joue un rôle important dans nos relations avec les pays de l'Amérique latine et des Antilles. À cet égard, il existe certainement des similitudes avec les relations que nous entretenons avec les pays africains.

En appuyant le processus de réforme économique et en encourageant les gouvernements à faire davantage maintenant pour minimiser les coûts sociaux que cela entraîne, le programme d'aide du Canada a fait la promotion du développement durable, notamment en matière de gestion des ressources naturelles, a contribué à la réduction de la pauvreté et favorisé le respect des droits de la personne, des progrès de la démocratie et d'une bonne gestion économique.

J'ai constaté sur place, par les projets populaires dans toute l'Amérique centrale, tout le bien que peuvent apporter les initiatives de développement communautaire à dimension humaine qu'appuient les Canadiens. Nos programmes d'aide à plus grande échelle ont également eu des effets favorables dans des secteurs vitaux, qu'il s'agisse de production alimentaire, de droits de la personne, de développement de sources d'eau propre et de réforme économique, contribuant ainsi aux améliorations socio-économiques en cours.

(1345)

[Français]

Depuis qu'en 1989 le Canada a adhéré à l'Organisation des États américains, il a activement soutenu celle-ci dans la promotion de la démocratie et du régime constitutionnel, dans la réforme judiciaire et la protection des droits de la personne. Ses missions lui ont donné l'occasion de renforcer le développement humain dans toutes les régions.

Je crois que le Canada devrait continuer de soutenir des initiatives régionales visant à encourager le respect des droits de la personne, la protection de l'environnement et la recherche de débouchés commerciaux.

Dans ce processus, nous devons également faire en sorte que les nations pauvres ne soient pas marginalisées. La marginalisation des pays les moins riches peut avoir pour résultat l'instabilité, des déplacements massifs des populations des États pauvres vers les États riches, et elle peut compromettre les économies


2283

naissantes. Des situations de ce genre ont des effets à l'échelle mondiale. Il n'est donc pas inutile de s'efforcer de les prévenir.

Le Canada s'est très récemment lancé dans un partenariat avec un pays de son hémisphère, à savoir Haïti. Comme il est l'un des quatre pays amis avec les États-Unis, la France et le Venezuela, il va jouer un grand rôle au sein de l'Organisation des États américains et de l'ONU pour rétablir le régime démocratique et constitutionnel en Haïti, appuyer le retour du président Aristide, et protéger les droits de la personne.

[Traduction]

Cuba constitue un autre défi. L'économie de ce pays s'est gravement détériorée. Les réformes économiques y ont été limitées, tout comme les améliorations dans le domaine des droits de la personne. J'estime cependant que nous ne pouvons nous permettre de marginaliser quelque pays que ce soit dans notre hémisphère. Une évaluation soigneuse s'impose pour favoriser la complète réintégration de Cuba dans la famille que forment les pays de notre hémisphère, ce qui n'ira pas sans de profonds changements.

Les relations du Canada avec les pays d'Amérique latine et des Antilles ne peuvent se définir en termes généraux, car tous ces pays sont très différents les uns des autres. Dans ceux qui en sont aux premières étapes de leur développement, il ne suffit pas d'éduquer la population et d'atténuer la pauvreté. Nous devons aussi les aider à nouer des relations commerciales plus équitables avec leurs partenaires commerciaux du monde entier.

L'Amérique latine est sur le point d'obtenir une plus grande influence dans la politique internationale, car elle peut maintenant réaliser son projet de devenir un acteur important sur la scène internationale. Ce que le Canada doit faire, c'est adopter une attitude souple et profiter des avantages que promet le maintien de ses relations avec l'Amérique latine et les Antilles.

Pour conclure, je dirai que le Parti libéral souhaite, par cet examen, saisir la conception que les Canadiens se font de leur avenir. Cette démarche devrait permettre l'adoption d'une politique qui soit non seulement à l'écoute des besoins des Canadiens, mais qui projette aussi sur la scène internationale l'image que doivent donner de leur pays les initiatives de leur gouvernement.

Nous cherchons en tout cela, à bâtir un meilleur avenir, un avenir où il y aura beaucoup moins de pauvreté, un avenir placé sous le signe du développement durable, de la justice sociale et politique non seulement pour nous, mais aussi pour tous les hommes, femmes et enfants du monde et pour nos partenaires d'Amérique latine, des Antilles et d'Afrique. J'espère que tous ceux qui sont ici présents nous aideront à atteindre cet objectif.

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, je tiens à féliciter la ministre pour les observations qu'elle a formulées cet après-midi dans le cadre de ce très important débat sur notre politique étrangère.

La ministre a parlé de la nécessité de fournir de l'aide aux régions qu'elle représente, soit l'Amérique latine et l'Afrique. Est-elle d'accord avec le vérificateur général pour dire qu'il y a lieu de réduire le nombre de pays que nous aidons afin de mieux cibler nos ressources? J'aimerais connaître l'avis de la ministre là-dessus.

Mme Stewart (Northumberland): Monsieur le Président, je suis heureuse de donner mon avis. Plus tôt dans la journée, le ministre des Affaires étrangères a dit, si j'ai bien compris, que nous devions viser des objectifs plus précis dans nos politiques d'aide à l'étranger. Quand on parle d'une plus grande concentration, on ne vise pas seulement l'aide. Nous nous posons sans cesse la question de savoir si nous pouvons nous concentrer sur un nombre plus petit de pays et restreindre nos relations bilatérales dans le monde. C'est ce qui nous a amenés à limiter davantage l'aide au développement à certaines régions.

(1350)

À l'instar du gouvernement actuel, je souscris à l'élaboration des initiatives régionales dans le monde, mais je suis d'avis que nous ne devrions exclure aucun pays des relations bilatérales que nous établissons au niveau international. Toutefois, outre l'aide, il existe bon nombre d'autres instruments de politique étrangère que nous pouvons mettre au service du renforcement et de la promotion des relations bilatérales avec les pays du monde entier.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, je remercie la ministre de ses observations. Puisque nous sommes tous heureux de ce débat sur la politique étrangère, j'espère que nous verrons au moins les balbutiements d'un processus qui définira notre politique pour le siècle prochain.

Une des choses que je voudrais bien qu'elle commente, c'est l'utilité d'adopter une mesure législative créant l'ACDI. J'ai été surpris de constater que l'ACDI n'a pas réellement d'existence légale. L'agence a simplement été créée par le Cabinet.

La ministre pourrait-elle nous donner son avis sur l'utilité d'une mesure législative de création, car il me semble que son absence gêne quelque peu les activités de l'ACDI. Par ailleurs, est-ce que, à son avis, cela n'aiderait pas à limiter certains frais qui, depuis quelques années, reviennent comme une plaie récurrente dans le rapport du vérificateur général?

Mme Stewart (Northumberland): Monsieur le Président, je suis sûre que l'aide au développement, l'aide étrangère et, en particulier, le rôle de l'ACDI dans la prestation de cette aide dans le monde occuperont une place importante dans cet examen de notre politique étrangère.

Historiquement, le gouvernement a toujours voulu conserver le contrôle de l'ACDI pour l'utiliser, avec l'aide étrangère, comme un instrument de politique étrangère et la faire contribuer aux autres initiatives de politique étrangère. C'est pour cela qu'il n'y a pas de loi sur l'ACDI qui lui donnerait une certaine indépendance, comme c'est le cas du Centre de recherches pour le

2284

développement international ou du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.

Je ne voudrais pas, à ce stade, me prononcer sur une évolution éventuelle de l'ACDI. Ce que je peux dire, c'est que je souhaite que l'on discute de ces questions au cours de notre examen de la politique étrangère, car nous voulons savoir ce que les Canadiens considèrent comme le meilleur instrument d'aide au développement dans tout ce qui entoure notre politique étrangère.

Le président suppléant (M. Kilger): Je prends note du fait que le député s'est levé, mais, à moins qu'il n'y ait eu un réaménagement des sièges, il n'est pas à sa place. Il voudra peut-être y aller pour que je lui donne la parole.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je remercie la députée de son excellent discours. Je voudrais seulement lui demander si, à son avis, le Canada, avec l'aide des Nations Unies, pourrait jouer un rôle en amenant la communauté internationale à utiliser des leviers économiques contre des pays qui abuseraient de l'aide étrangère qu'ils reçoivent ou qui se rendraient coupables de graves violations des droits de la personne?

Mme Stewart (Northumberland): Monsieur le Président, le gouvernement canadien s'est engagé à travailler en étroite collaboration avec les Nations Unies pour tenter de renforcer cet organisme afin qu'il soit mieux en mesure d'affronter toutes les situations complexes qui existent sur la scène mondiale. À l'heure actuelle, cet organisme est dominé par un conseil de sécurité dont les membres sont fort peu nombreux, ce qui reflète à bien des égards l'époque de la guerre froide et non celle où nous vivons maintenant.

(1355)

Étant donné la structure actuelle des Nations Unies, il leur est très difficile de réagir, comme le propose le député, à quelques-uns des problèmes qui existent dans le monde. Toutefois, comme je l'ai dit, le Canada est très désireux, non seulement de continuer d'appuyer les Nations Unies, mais également de les aider à se réformer sous de nombreux rapports pour qu'elles reflètent mieux les besoins de tous les pays.

Certes, dans ses relations bilatérales, le Canada est très préoccupé par les problèmes de corruption et de mauvaise utilisation des fonds qui sont accordés à d'autres pays à des fins de développement. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir et nous utilisons tous les moyens bilatéraux que nous avons à notre disposition pour tenter d'encourager les gouvernements qui se livreraient à des activités de corruption à mettre fin à ces activités.

D'après mon expérience en tant que ministre qui voyage un peu partout en Amérique Latine et en Afrique, je peux dire que les initiatives que le Canada a prises à cet égard ont eu des effets positifs et que des représentants d'autres pays m'abordent maintenant pour me parler des mesures qu'ils prennent pour surmonter les problèmes. En fait, beaucoup de pays commencent à se surveiller les uns les autres au moyen d'approches régionales.

Nous fondons donc beaucoup d'espoir sur les mesures que nous pouvons prendre pour affronter les difficultés que le député a soulevées et que nous considérons comme graves. Le Canada peut prendre certaines mesures bilatéralement, mais il peut faire encore davantage en aidant les Nations Unies à se réformer et à réformer leurs institutions afin qu'elles puissent contribuer à s'attaquer à ces questions.

Le Président: Puisqu'il n'y a pas d'autres questions et comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés en vertu de l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


2284

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Français]

LES CHAMPIONNATS JUNIORS DE SKI ALPIN

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis): Monsieur le Président, je m'en voudrais de passer sous silence l'incroyable performance de Mélanie Turgeon aux Championnats juniors de ski alpin à Lake Placid, dans l'État de New York. Cette athlète canadienne âgée seulement de 17 ans a ébloui la foule et les journalistes lorsqu'elle a remporté hier sa cinquième médaille.

[Traduction]

Pendant toutes les compétitions, qui ont duré une semaine, Mélanie a montré au monde entier ses talents extraordinaires. Elle a remporté une médaille d'or en slalom géant, une autre au combiné, une médaille d'argent au super-G, une médaille de bronze en descente et une autre au slalom.

Cette jeune athlète, tout à fait remarquable, est la première skieuse à avoir remporté cinq médailles au Championnat du monde junior de ski alpin, un exploit qui annonce une brillante carrière.

[Français]

Monsieur le Président, je joins ma voix à celle des Canadiens et des Canadiennes pour exprimer toute ma fierté et mon admiration à l'égard de Mélanie Turgeon qui fait réellement honneur à notre pays. Toutes nos félicitations à Mélanie!

* * *

REVENU CANADA

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne): Monsieur le Président, récemment, une commettante de mon comté me faisait parvenir une lettre pour m'informer qu'il était impossible d'accéder à un service téléphonique du gouvernement fédéral. Ce service de Revenu Canada, c'est la ligne 1-800 d'information concernant les prestations fiscales pour enfants.

Près de trois millions de citoyens et de citoyennes sont donc affectés par l'insuccès de ce service. Ce sont à ces mêmes citoyens à qui l'on demande de payer leurs impôts sans retard, tout en leur refusant un service d'information de qualité leur permettant, peut-être, de bénéficier d'une déduction à laquelle ils ont droit.

Cette situation est intolérable et démontre un manque de respect à l'égard des contribuables. J'espère que des correctifs permanents seront apportés dans les plus brefs délais afin que les concitoyens et les concitoyennes n'aient plus à subir cette frustration.


2285

[Traduction]

L'EUTHANASIE

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, les médias en quête de nouvelles à sensation se sont récemment emparés de la question de l'euthanasie et ont fait peu de cas des risques encourus.

Il y a, dans ma circonscription, un groupe de consultation publique apolitique qui me donne son opinion sur toutes les questions. Ce groupe s'est dit clairement opposé à la légalisation de l'euthanasie. C'est également l'avis de la plupart des personnes qui ont participé à l'assemblée publique que nous avons organisée récemment à Aldergrove, en Colombie-Britannique.

Il est bon, parfois, d'écouter les enfants, car ils ont le don de nous ramener à la réalité.

(1400)

Voici ce qu'a dit un jeune garçon de neuf ans, Dustan Chadsey, de Clearbrook, en Colombie-Britannique: «Je ne pense pas que quiconque devrait pouvoir enlever la vie d'une autre personne ou s'enlever la vie. Seul Dieu peut décider si nous devons vivre ou mourir.»

Avant que les médias ne causent plus de tort, je demande à tous les députés de sonder les habitants de leur circonscription sur cette importante question.

* * *

[Français]

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

M. Gilles Bernier (Beauce): Monsieur le Président, la Défense nationale passe aux coupures: le gouvernement n'a pas le choix et je l'appuie dans ces décisions difficiles. Je sympathise avec les communautés de Saint-Jean, Victoria, Cornwall et de la Nouvelle-Écosse, mais nous devons parfois sacrifier des symboles et des monuments pour redresser nos finances.

Il y a place aux compromis pour le Collège militaire royal de Saint-Jean. Le gouvernement canadien, en collaboration avec celui du Québec, offre de trouver une autre vocation au collège afin que la communauté de Saint-Jean n'en souffre pas trop sur le plan économique. Le débat actuel est émotif et frise parfois l'irrationnel: on en fait une guerre des langues.

Au Budget, aucune région n'a été épargnée. Nous sommes ici pour prendre des décisions et je souhaite que ce gouvernement continue d'afficher de la fermeté. Au fait, pour tenter de sauver le Royal Roads Military College, à quand une marche à Victoria, en Colombie-Britannique, avec la participation de la loyale opposition officielle de Sa Majesté?

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton): Monsieur le Président, la violation des droits de la personne continue de tourmenter le monde moderne.

Les reportages des médias sur les atrocités en Bosnie, au Punjab, au Soudan, en Afrique du Sud et dans d'autres régions devraient choquer les gens du monde entier.

Il est trop simple d'écarter le problème, sous prétexte que ces atrocités sont perpétrées dans des régions si lointaines. Ce n'est pas le cas. Ces événements atroces affectent les Canadiens.

Un crime contre une personne est un crime contre l'humanité tout entière.

Aussi, voudrais-je préciser que j'appuie la récente nomination d'un Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

Il appartient à ceux qui jouissent de la liberté de protester contre les violations des droits de la personne, où qu'elles aient lieu.

* * *

LE DÉCÈS DE M. DAVE MCCOMB

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey): Monsieur le Président, c'est une occasion extrêmement triste, le décès d'un de mes conseillers, qui m'amène aujourd'hui à prendre la parole.

Je continue à l'appeler mon conseiller, alors que voilà déjà quatre mois que j'ai renoncé à mes fonctions de maire pour venir à la Chambre. C'était un homme charmant. Il s'appelait Dave McComb.

La meilleure façon de résumer les réalisations de Dave et sa contribution à ma collectivité est peut-être de dire qu'en politique, comme dans le jeu ou dans d'autres domaines qui ont été pour lui une passion, il a toujours fait preuve d'intégrité, de bienveillance et de gentillesse et qu'il a toujours su, dans toutes ses entreprises, enrichir les habitants de notre collectivité.

Il a prouvé-et c'est une preuve dont nous avons bien besoin-que toutes les collectivités ont besoin de personnes dynamiques et que le dynamisme atteint sa plénitude chez tous ceux et celles qui servent leur collectivité.

Je suis sûr que les députés se joindront à moi pour adresser à sa femme, Nancy, et à sa famille toutes nos sincères condoléances.

* * *

[Français]

LES MINORITÉS LINGUISTIQUES

M. Jean H. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, comme vous le savez, les anglophones du Québec jouissent de droits que leur garantit l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le Québec a toujours respecté les droits de ses minorités.

J'aimerais, pour le bénéfice des députés de cette Chambre et pour les Canadiens qui nous regardent, énumérer une partie du


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patrimoine commun dont jouit la communauté anglophone du Québec. D'abord, à Montréal, où est concentrée la population anglophone, il y a un réseau complet d'hôpitaux dans leur langue. Ils ont également deux universités importantes à Montréal, McGill et Concordia, et l'Université Bishop dans les Cantons de l'Est. Ils ont leur propre système scolaire à l'élémentaire, au secondaire et au collégial, complètement subventionné par l'État du Québec.

Le Québec a toujours bien traité ses minorités, car nous savons ce que c'est que d'être une minorité. J'invite tous les députés des autres provinces à venir visiter le Québec et voir par eux-mêmes la justesse de mes propos.

* * *

[Traduction]

LE CANCER DU SEIN

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, on vient d'apprendre qu'un chercheur de Montréal aurait fabriqué des données utilisées pour décider du traitement du cancer du sein depuis dix ans. Le même chercheur s'est également servi de patientes qui n'avaient pas consenti à participer à son étude. Nous apprenons aujourd'hui que l'Association médicale du Québec aurait peut-être été au courant du dossier depuis trois ans déjà.

(1405)

La recherche en cause avait établi que la lumpectomie permettait de sauver autant de vies que l'ablation complète du sein et que le médicament tamoxifen pouvait, dans certains cas, prévenir la réapparition de cette forme de cancer.

Les femmes peuvent-elles être certaines de la validité des conclusions de cette étude?

Comment une chose comme celle-là peut-elle se produire? En novembre dernier, le gouvernement a reçu le rapport final de la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction. On y souligne de façon bien explicite qu'il est inacceptable d'utiliser certaines connaissances d'une façon contraire à l'éthique. Cela s'applique également à tous les domaines de la médecine.

J'exhorte vivement le gouvernement à faire enquête au sujet de cet incident très grave, afin de protéger la santé des femmes de tout le pays.

* * *

LE PORT DE HALIFAX

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, je voudrais signaler à la Chambre la situation au port de Halifax.

La société Atlantic Container Lines était prête à garantir un volume additionnel de 8 000 conteneurs par année à destination de Chicago, du simple fait que Halifax est le port d'entrée le plus compétitif pour les cargaisons à destination du Midwest américain.

La Société du port de Halifax et le syndicat des débardeurs s'étaient entendus sur une réduction importante des frais de manutention et des suppléments pour obtenir ces contrats et les conserver. Cependant, la semaine dernière, l'Association des employeurs maritimes, un conseil dominé par des intérêts concurrençant Halifax, a rejeté l'offre du syndicat de réduire les avantages accordés aux employés. Ce n'est qu'à la suite du tollé général soulevé par cette décision que le conseil a décidé d'accepter une nouvelle offre.

Cependant, je suis quand même tout à fait sidéré de voir qu'une association d'employeurs censée être réfléchie peut avoir envisagé de rejeter les concessions que lui offrait son syndicat en vue de réduire ses frais de fonctionnement et d'accroître sa compétitivité.

Pour le moment, le port de Halifax a peut-être échappé à des torts permanents, mais cet incident m'amène à remettre en question le système en vertu duquel ce port peut être gêné dans sa poursuite du succès par un conseil composé de ses concurrents.

* * *

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES CONSOMMATEURS

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, nous célébrons aujourd'hui la journée internationale des droits des consommateurs, telle que l'a proclamée l'Organisation internationale des unions de consommateurs.

Un peu partout dans le monde, les consommateurs marquent l'événement en participant à des activités qui font ressortir leur contribution au marché au sein de nos sociétés. Les consommateurs ont un rôle vital à jouer dans le maintien de la richesse et de la compétitivité de ce pays; en fait, plus de 60 p. 100 du PIB du Canada est attribuable à la demande des consommateurs.

Il faut donc prêter l'oreille aux revendications des consommateurs et respecter leurs droits. L'OIUC définit huit droits fondamentaux des consommateurs, conformément aux lignes directrices des Nations Unies, soit le droit à la satisfaction des besoins essentiels, à la sécurité, à l'information, au choix, le droit de se faire entendre, le droit à la réparation, à l'éducation et à un environnement sain.

Nous sommes privilégiés au Canada puisque bon nombre des droits des consommateurs sont déjà reconnus. Il existe d'excellentes lois sur la protection des consommateurs et la majorité des entreprises s'efforcent de produire des biens et d'offrir des services de grande qualité en faisant appel à des pratiques de commercialisation honnêtes.

Les consommateurs qui habitent des pays prospères comme le Canada sont chanceux car ils peuvent choisir parmi une grande variété de biens.

* * *

L'IMMIGRATION

M. Tony Ianno (Trinity-Spadina): Monsieur le Président, dans le Toronto Star de lundi, le 14 mars, j'ai lu que deux députés du Parti réformiste avaient visité ma circonscription de Trinity-Spadina. Durant cette visite, ils se sont rendus dans le quartier chinois et au marché de Kensington où ils espéraient rencontrer des Canadiens de diverses origines, autres que française ou britannique, qui partageraient leur avis sur le besoin de réduire considérablement le nombre d'immigrants admis au Canada.


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Durant cette visite, ils ont constaté que la majorité de ceux à qui ils ont parlé approuvaient la politique gouvernementale en matière d'immigration; en fait, un homme d'affaires récemment immigré au Canada, M. Danny Tran, qui crée lui-même de l'emploi, a déclaré qu'un plus grande nombre d'immigrants signifiait un plus grand nombre d'emplois.

À cause de cette expérience, le titre de l'article «Reformers Get An Education» laissait entendre que les réformistes avaient appris leur leçon. Personne n'a été surpris, et certainement pas moi, de voir les députés réformistes découvrir que le mélange multiculturel de Trinity-Spadina contribue au dynamisme de Toronto.

Si ces députés s'étaient rendus un peu plus loin, jusqu'à l'ensemble résidentiel du parc Alexander, ils auraient aussi appris comment, il y a trois ans, un groupe uni et déterminé de résidents de toutes origines culturelles, dirigé par M. Sonny Atkinson, avait réussi à mettre fin au problème de drogue qui régnait dans ce quartier.

En terminant, j'aimerais inviter tous les Canadiens à visiter Trinity-Spadina; ils y découvriront le secret bien gardé de la réussite du multiculturalisme. J'aimerais inviter tout particulièrement les autres députés du Parti réformiste, qui pourraient aussi apprendre leur leçon.

* * *

[Français]

LE FORUM DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE DU QUÉBEC

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, un événement sans précédent s'est déroulé samedi à Montréal: le Forum de la solidarité sociale du Québec. Pour la première fois, plus d'un millier de représentants des groupes populaires et communautaires les plus divers, de l'Assemblée des évêques et des syndicats de toutes les régions se sont réunis sur une même plate-forme de lutte au chômage et à la pauvreté par la solidarité sociale.

Après avoir tracé un portrait alarmant de la pauvreté au Québec, ils ont pointé du doigt la politique fédérale de lutte à l'inflation, qui a fait grimper de 50 p. 100 la dette fédérale, incitant les gouvernements à couper toujours davantage dans les politiques sociales.

Surtout, ils ont conclu à la nécessité de passer à l'action dans la construction d'un Québec solidaire autour d'une politique de création d'emploi impliquant partage du travail, réaffirmation du rôle de l'État, révision de la fiscalité, maintien des programmes sociaux et élargissement de l'espace démocratique.

C'est l'espoir pour le Québec.

(1410)

[Traduction]

LE CHAMPIONNAT CANADIEN DE CURLING

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de féliciter Rick Folk et son équipe de Colombie-Britannique, qui ont décroché le prix le plus prestigieux en curling masculin au Canada.

Après une semaine de rudes compétitions face aux autres équipes provinciales, Folk a affronté dimanche l'équipe de Russ Howard, de l'Ontario, qu'il a vaincue par le compte de huit à cinq au Briar de Red Deer, en Alberta. La Colombie-Britannique n'avait pas remporté le championnat canadien de curling depuis 30 ans, soit en 1964 avec Lyall Dagg.

Je suis sûr que tous mes collègues de la Colombie-Britannique se joindront à moi pour féliciter Rick Folk, capitaine de l'équipe de Colombie-Britannique et ses coéquipiers, Gerry Richard, Bert Gretzinger et Pat Ryan.

Nous leur souhaitons tout le succès possible et nous espérons qu'ils représenteront le Canada aux Championnats mondiaux de curling qui se tiendront à Oberstdorf, en Allemagne.

* * *

LE TEMPLE CANADIEN DE LA RENOMMÉE MÉDICALE

Mme Sue Barnes (London-Ouest): Monsieur le Président, je me réjouis de la création du Temple canadien de la renommée médicale.

La création du Temple canadien de la renommée médicale avait été annoncée en novembre 1993 à London, en Ontario; les premiers lauréats y seront admis à London, le 27 mai prochain.

Situé dans le nouveau Centre des congrès de London et parrainé par le Conseil de recherches médicales du Canada, le Temple canadien de la renommée médicale consacrera notre reconnaissance des Canadiens et Canadiennes qui ont contribué de façon importante à mieux comprendre la maladie et à promouvoir la santé partout.

Les lauréats admis au Temple canadien de la renommée médicale seront choisis chaque année dans les catégories de médecine clinique, de recherche médicale fondamentale et de recherche médicale appliquée.

Les Canadiens peuvent être fiers du Temple canadien de la renommée médicale, une importante initiative nationale qui rend hommage aux découvertes et innovations dans le domaine des sciences médicales.

* * *

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est): Monsieur le Président, un certain nombre d'électeurs de Vancouver-Est ont écrit,

2288

demandant que le gouvernement canadien intervienne dans une très grave affaire de violation des droits de la personne.

Douze religieuses bouddhistes tibétaines ont récemment été condamnées à des peines de prison pour avoir participé à une manifestation à laquelle il n'y a pas eu de témoin. Une jeune fille de 15 ans est au nombre des personnes arrêtées. Ces femmes, qui ont été jetées en prison sans avoir eu droit à un procès en bonne et due forme, risquent d'être torturées et même mises à mort.

Mes électeurs demandent au gouvernement canadien d'utiliser son influence pour demander que ces femmes soient relâchées immédiatement et sans aucune condition et que la situation au Tibet soit placée sous surveillance internationale.

La situation est urgente et les droits de ces personnes doivent être respectés.

_____________________________________________


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QUESTIONS ORALES

[Français]

LA CRÉATION D'EMPLOIS

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Hier, en cette Chambre, le premier ministre niait la possibilité que son ministre des Finances propose au Sommet de Détroit un crédit d'impôt alloué aux entreprises créatrices d'emplois et je le cite:

Je ne pense pas que le ministre des Finances va faire une proposition sur la taxation canadienne à Detroit.
Or, dès l'ouverture du Sommet des Sept, hier à Detroit, à peu près au même moment où le ministre disait ce que je viens de rapporter, le ministre des Finances a soumis une telle proposition à ses partenaires du G-7.

Comment le premier ministre concilie-t-il sa déclaration avec la proposition qui a été faite au même moment hier par son ministre des Finances à ses partenaires du G-7?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le ministre des Finances participe à une réunion avec des collègues des autres pays du G-7. Ils discutent de certains dispositifs qui pourraient être utilisés pour créer des emplois.

Stimuler l'emploi par l'intermédiaire de crédits d'impôt est une chose dont nous avons discuté ici, mais qu'on n'a pas inscrite de façon définitive dans le budget. Lors des discussions, le ministre a soulevé la proposition devant l'assemblée. Il a certainement eu la réaction des autres ministres et il va en tenir compte dans la préparation de son prochain budget. Ils sont là-bas pour échanger des idées et discuter entre les divers gouvernements. Connaissant le ministre des Finances, je sais qu'il n'a pas peur d'explorer de nouvelles avenues.

[Traduction]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, cela donne une idée du genre de coordination qui existe au sein du Cabinet.

Le premier ministre pourrait-il dire à la Chambre si le ministre des Finances était autorisé par le Cabinet à faire une telle proposition au sommet du G-7 à Detroit? Parlait-il en son nom, ou au nom du gouvernement?

(1415)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le ministre des Finances a fait une proposition, il a discuté d'une idée, et lorsque le ministre des Finances ou certains de mes collègues ont des idées nouvelles dont ils veulent discuter, ils ne m'appellent pas tous pour me demander la permission d'avoir des idées nouvelles.

J'encourage vivement mes ministres à explorer des idées nouvelles et à faire des propositions au Cabinet. Je déciderai alors si nous pouvons les incorporer au budget.

Je n'en voudrais certainement jamais à l'un de mes ministres d'avoir discuté, à un sommet, de méthodes nouvelles pour créer des emplois. Je l'en féliciterais plutôt.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Loin de moi l'idée de vouloir interdire au ministre d'avoir des idées nouvelles! De toute façon, il n'en a pas. Il se contente de copier celles des conservateurs.

Le fait est qu'hier, en cette enceinte, le premier ministre nous a dit que son ministre n'avancerait pas l'idée d'un crédit d'impôt à Detroit. Et pourtant le voilà qui a pris l'initiative qu'il n'aurait pas dû prendre, si nous en croyons ce que le premier ministre nous a dit hier.

Le premier ministre a-t-il l'intention d'appuyer la proposition qui a été faite hier par son ministre et devons-nous nous attendre, dès son retour de Detroit, à une déclaration annonçant un crédit d'impôt pour les entreprises créatrices d'emplois?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le budget a été adopté et je ne prévois pas que le ministre des Finances dépose un nouveau budget la semaine prochaine. Il est à Detroit pour explorer des idées nouvelles. De ce côté-ci de la Chambre, nous sommes très capables d'avoir des idées nouvelles.

Malheureusement pour lui, le chef de l'opposition doit changer cinq fois de parti pour en avoir. Nous, nous les trouvons au sein d'un seul et même parti.

* * *

[Français]

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, vendredi, le ministre de la Défense refusait de confirmer qu'il y avait des négociations avec le gouvernement du Québec relativement à l'avenir du Collège militaire de Saint-Jean. Par ailleurs, le premier ministre parlait hier de discussions avec le gouvernement du Québec, tandis que le ministre des Affaires intergouvernementales affirmait pour sa part que l'entente était presque conclue, et ce, en présence de son collègue de la Défense nationale qui visiblement réprouvait ses propos.


2289

Ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales. Dans l'accord qu'il a vu lui-même, le ministre peut-il nous dire s'il est prévu de maintenir certaines activités militaires au Collège de Saint-Jean, comme le demande le gouvernement du Québec?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, nous sommes en négociation avec les autorités du gouvernement du Québec pour essayer de déterminer quel est le meilleur usage des installations du Collège militaire royal de Saint-Jean.

Quand on négocie, évidemment, c'est comme une partie de poker, on ne met pas toutes ses cartes sur la table parce que ce serait trop facile de jouer la partie. Dans les circonstances présentes, comme j'ai indiqué hier, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral était prêt à négocier sur la base d'un loyer à raison de 1 $ par année pour les bâtiments et les terrains qui valent à peu près 42 millions de dollars, c'est la base de notre négociation. Les aspects ultérieurs devront être appris plus tard.

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, ma question va s'adresser au premier ministre. Compte tenu que les sons de cloche provenant de son gouvernement sont très discordants, le premier ministre pourrait-il donner l'heure juste quant à l'état des négociations avec le gouvernement du Québec sur l'avenir du Collège militaire de Saint-Jean?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, comme je viens de l'indiquer, on ne négocie pas en public. On a indiqué au gouvernement du Québec quels étaient nos conditions; il nous a également indiqué quelles seraient ses préférences. Il n'y a aucun désaccord entre les ministres du gouvernement ni avec le premier ministre parce que c'est ensemble qu'on a étudié quels pouvaient être les conditions de la négociation. Et il suffira d'attendre quelques jours ou quelques semaines pour voir les résultats.

* * *

(1420)

[Traduction]

LA CRÉATION D'EMPLOIS

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Les ministres de premier plan de son gouvernement continuent à envoyer des signaux contradictoires au sujet d'une promesse éculée, soit celle de créer des emplois. Selon le ministre du Développement des ressources humaines, le gouvernement y parviendra directement en dépensant encore plus l'argent provenant des impôts. Or, voici le ministre des Finances qui qualifie une forte imposition de cancer de la création d'emplois et qui a dit à Don Newman, au cours de l'émission Capital Report: «Nous allons réduire les dépenses gouvernementales et nous allons le faire d'une façon radicale.»

Ces déclarations ne sont pas le fruit d'une démarche équilibrée, mais plutôt contradictoire face à la création d'emplois. Ma question est la suivante: Le premier ministre peut-il nous dire lequel de ses ministres de premier plan présente correctement la position du gouvernement en matière de création d'emplois?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je rappelle au chef du Parti réformiste que notre programme de création d'emplois a été déposé à la Chambre des communes il y a quelques semaines, dans le budget. Il n'a qu'à lire ce document pour connaître la position du gouvernement.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je ne sais vraiment pas comment exposer le problème plus simplement. Le gouvernement ne peut pas dépenser plus d'argent provenant des impôts et réduire ses dépenses en même temps. Un ministre ne peut appuyer sur l'accélérateur tandis qu'un autre freine et qu'il n'y a personne au volant!

La stratégie du gouvernement pour créer des emplois présente une contradiction profonde, intrinsèque et systématique. Voici ma question: Le premier ministre peut-il expliquer aux Canadiens comment et quand il entend éliminer cette contradiction?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons comprimé les dépenses et nous engageons des dépenses pour créer des emplois en collaborant avec les municipalités et les provinces. Notre programme a été approuvé par tous les premiers ministres provinciaux et tous les maires, y compris celui de Calgary. Je le répète sans cesse.

C'est une affaire de dimensions. Hier, deux collègues du député sont intervenus pour nous demander de dépenser davantage. Or, chaque fois que le chef de ce parti se lève, c'est pour nous dire de ne pas dépenser. Quand se décidera-t-il à mettre de l'ordre dans son petit chez-soi pour nous laisser en mettre dans notre grand chez-nous?

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, les députés de ce côté-ci ne font pas de déclarations en faveur de dépenses.

Hier, le premier ministre a reconnu que les dépenses pour des travaux publics ne créaient que des emplois temporaires. Son ministre des Finances a déclaré que la dette et les hausses d'impôt étouffaient la création d'emplois à long terme dans le secteur privé.

Pourquoi le premier ministre n'engage-t-il pas son gouvernement à créer des emplois à long terme dans le secteur privé? Pourquoi n'élimine-t-il pas la contradiction en se prononçant résolument et clairement pour la réduction du déficit et des impôts?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, c'est ce que nous avons fait en réduisant le niveau des contributions à l'assurance-chômage. Nous l'avons réduit de 300 millions de dollars pour permettre aux petites et aux moyennes entreprises de créer des emplois. Cependant, en même temps, nous avons dit qu'il fallait investir davantage dans le secteur de la recherche et du développement. C'est justement ce que demandait hier encore un des collègues du député.

Nous voulons que des emplois soient créés par le secteur privé. En fait, il n'y a aucun programme visant l'expansion du secteur public. Construire des routes et des ponts, ce n'est pas du gaspillage; c'est une dépense importante qui stimule la producti-


2290

vité canadienne. Un pays qui possède des infrastructures en bon état est mieux en mesure de relever la concurrence que celui où l'on se déplace en voiture à cheval.

* * *

[Français]

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, on apprend avec consternation que le ministre des Affaires intergouvernemantales joue l'avenir du Collège militaire royal de Saint-Jean comme il joue au poker. Il en sortira certainement perdant. De toute façon, son partenaire, le ministre de la Défense nationale, est visiblement en désaccord avec lui. Je cite le ministre des Affaires intergouvernementales: «Dans l'accord que j'ai moi-même vu, tous les coûts de fonctionnement, y compris les taxes, seraient payés par la province puisqu'elle aura le choix d'utiliser gratuitement les installations du Collège pour donner des cours d'éducation de son choix.» «C'est une propriété qui vaut 41 millions, a-t-il ajouté, nous l'offrons pour 1 $ par année.»

(1425)

Doit-on comprendre des propos du ministre des Affaires intergouvernementales que le gouvernement s'apprêterait, non pas à céder, mais à louer le Collège militaire de Saint-Jean, en gardant la main haute sur les installations et en transférant la totalité des coûts au gouvernement du Québec?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, l'intention du gouvernement en ce moment est de louer les bâtiments et les terrains du Collège militaire royal de Saint-Jean pour 1 $ par année. C'est une contribution qui, en soi, est très importante.

Maintenant, le gouvernement provincial va avoir le choix de transformer les bâtiments de façon à pouvoir créer des institutions de savoir universitaire ou de haut niveau. À ce moment-là évidemment, c'est le gouvernement provincial qui utilise les installations, qui les utilise pour des activités de son choix et qui, par conséquent, doit payer les coûts d'opération pour les cours qu'il donne dans ces installations.

La contribution du gouvernement fédéral, c'est la valeur des installations; la contribution du gouvernement provincial, c'est évidemment le coût d'opération des cours qui y seront donnés.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, le premier ministre ne convient-il pas que le compromis de son ministre des Affaires intergouvernementales n'a pour seul objectif que de permettre au gouvernement de liquider une partie de ses obligations envers le bilinguisme canadien, pour une piastre?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, il me fait plaisir de voir que l'opposition soit tellement intéressée au bilinguisme, et je les en félicite. Il est à peu près temps qu'ils se penchent sur ce problème.

Nous, de notre côté, nous préoccupons du problème total. Le problème dont je m'occupe, c'est uniquement celui d'un accord avec la province sur l'utilisation à venir des installations du Collège militaire royal de Saint-Jean.

Quant au bilinguisme et à l'usage du français dans les forces armées, ce sont des obligations que nous avons d'ailleurs très bien remplies dans le passé, et mon collègue, le ministre de la Défense nationale, continue d'indiquer qu'elles seront également bien déchargées à l'avenir.

* * *

[Traduction]

LA PETITE ENTREPRISE

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

On l'a déjà dit, le gouvernement envisage d'établir un crédit d'impôt sur les ressources humaines pour subventionner l'embauche. En tant que petit entrepreneur, je puis assurer au premier ministre que les gens d'affaires ne veulent pas de nouvelles subventions gouvernementales pour stimuler l'emploi et ne veulent pas se faire dire comment diriger leurs entreprises.

Le premier ministre a dit à plusieurs reprises qu'il compte sur la petite entreprise pour créer la majorité des emplois qui sont si désespérément attendus par 1,5 million de chômeurs canadiens.

Dans ce cas, pourquoi n'écoute-t-il pas ce que les petits entrepreneurs lui disent au sujet de la création d'emplois: «Cessez de vous en prendre à notre argent et de nous dire quoi faire, afin que nous puissions créer de véritables emplois dans une nouvelle économie»?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, si le député examine le budget, il constatera que nous avons pris beaucoup de mesures pour aider les PME. Nous avons non seulement parlé de réduire les cotisations d'assurance-chômage, mais aussi d'aider les entrepreneurs à obtenir du crédit des banques, afin qu'ils puissent innover et s'établir sur les marchés d'exportation. Les entrepreneurs ont salué ces mesures avec satisfaction.

Je le dis à qui veut l'entendre, le gouvernement est là pour aider, et non pour nuire. C'est exactement ce que notre gouvernement essaie de faire, actuellement, pour les petites et moyennes entreprises.

(1430)

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, pendant les 25 années où le premier ministre était politicien, moi, j'étais dans les affaires. Le premier ministre peut m'en appren-


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dre sur le fonctionnement du régime de pensions des députés, mais il pourrait peut-être en apprendre un peu de ceux qui ont passé 25 ans dans le vrai monde.

Les programmes gouvernementaux conçus pour aider la petite entreprise risquent plutôt de nuire à la création d'emplois dans le secteur privé. Pourquoi le gouvernement envisage-t-il de créer une autre nuisance, une subvention qui viendra gêner les décisions d'affaires et, en bout de ligne, augmenter les impôts et nuire encore une fois à la création d'emplois dans le secteur privé?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je ne comprends pas pourquoi le député adopte une telle attitude. Nous n'avons rien annoncé de la sorte. Nous cherchons de meilleurs moyens d'aider les PME au Canada.

Le président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a déclaré que c'était un bon budget, qu'il aimait notre tactique. Par conséquent, vous auriez dû écouter ce que John Bulloch avait à dire au sujet du budget.

Le Président: Toutes les questions et toutes les réponses doivent, bien sûr, être adressées au Président.

* * *

[Français]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes.

Hier, on apprenait que le Conseil de bande de Kahnawake avait émis un avis d'expulsion à quelque 143 familles vivant sur cette réserve, et ce depuis plusieurs années. Dans les arguments invoqués pour justifier cette décision, on mentionne le manque d'espace et même la pureté génétique.

À titre de fiduciaire des droits des autochtones, le gouvernement fédéral cautionne-t-il cet avis d'expulsion inacceptable et tout à fait contraire à la Charte canadienne des droits et libertés?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question. Ce problème, dont on m'a informé tôt ce matin, me préoccupe beaucoup.

À ma connaissance, le conseil de bande de Kahnawake s'est prévalu, en 1973, de l'alinéa 81(1)h) de la Loi sur les Indiens, qui régit l'utilisation des immeubles dans les réserves, pour établir des règlements sur le fait que des membres de la bande et d'autres personnes élisent domicile dans la réserve.

Je crois savoir que les tribunaux sont présentement saisis d'une affaire à cet égard. Il ne serait donc pas opportun d'en parler plus longuement. Toutefois, j'espère que cette procédure légale nous permettra de définir exactement si, comme le craint le député, cela est contraire à la Charte des droits.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, est-ce que le ministre est en train de nous dire qu'il ne peut émettre d'opinion sur une décision aussi indigne qui a été prise hier? Et est-ce qu'il entend intervenir, en tant que ministre responsable et aussi personnellement, pour mettre fin à cette opération disgracieuse et discriminatoire, plutôt que de se réfugier derrière des propos légalistes qui ne correspondent en aucune façon à la réalité vécue par des hommes et des femmes sur le territoire de Kahnawake, dont plusieurs sont des autochtones expulsés par leurs pairs.

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, le député a beau se lancer dans une harangue et élever le ton, je ne parlerai pas d'une affaire dont les tribunaux sont saisis. On me critiquerait sévèrement si je le faisais.

J'ai une certaine confiance dans la jurisprudence de notre pays, quoi qu'en pense mon collègue, et je suis disposé à attendre le verdict des tribunaux.

* * *

LES TAUX D'INTÉRÊT

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre, en l'absence du ministre des Finances.

Le Président: Le député aura sans doute oublié qu'on ne doit pas parler de la présence ou de l'absence de quiconque à la Chambre. Aurait-il l'obligeance de poser tout simplement sa question?

M. Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, je voudrais que le premier ministre réponde à ma question, sans égard à la présence de qui que ce soit à la Chambre.

La semaine dernière, le ministre des Finances a dit, comme en fait foi le hansard à la page 2042, que les taux d'intérêt utilisés dans le budget étaient actuellement plus élevés que les taux en vigueur. Cette affirmation est complètement fausse. Nous savons, par exemple, que les taux d'intérêt à long terme dépassent actuellement de plus d'un point de pourcentage les taux prévus dans le budget.

Le premier ministre a professé aujourd'hui un grand intérêt pour la création d'emplois dans le secteur privé. Admettra-t-il que ces erreurs de calcul entraîneront la perte de centaines de milliers d'emplois dans le secteur privé et celle de fonds qui pourraient servir à y créer des emplois?

(1435)

[Français]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je voudrais dire à l'honorable député que le ministre des Finances a déposé son budget et que ce budget a été bien reçu par la population canadienne, ainsi que par les milieux financiers. Il y a toujours des fluctuations des taux d'intérêt, et ce n'est pas l'habitude du premier ministre ou du ministre des Finances d'émettre des commentaires sur des fluctuations temporaires du marché.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, nous avons remarqué une réaction très négative dans le secteur privé envers ce budget.


2292

[Traduction]

Voyons, par exemple, les taux d'intérêt. Depuis le dépôt du budget, les taux d'intérêt ont augmenté de 35 centièmes au cours des six dernières semaines. Le taux d'escompte a augmenté de 9 centièmes aujourd'hui. Nous avons observé une hausse de 3/4 p. 100 du taux d'intérêt des obligations du gouvernement de six mois et de plus d'un point de pourcentage des taux d'intérêt à long terme.

Le premier ministre admettra-t-il que non seulement le pays en souffrira au chapitre de la création d'emplois, mais que cela se répercutera sur les frais de service de la dette publique pour les contribuables? Il est également important de noter que cela coûte déjà aux Canadiens des millions de dollars en paiements hypothécaires plus élevés.

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Le député doit sûrement savoir qu'on en a discuté la semaine dernière au comité avec les hauts fonctionnaires. Les grandes lignes du budget ont été élaborées d'une façon très prudente. Nous avons tenu compte de ce genre de considérations pour veiller à ce que notre budget soit un document extrêmement valable.

* * *

L'ÉDITION

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

En dépit des questions répétées que nous posons depuis une semaine au sujet de Ginn Publishing, le gouvernement refuse de faire la lumière sur les raisons de la vente d'une maison d'édition canadienne au géant américain Paramount.

Pourquoi le premier ministre refuse-t-il de révéler l'identité de la personne qui, par une simple entente verbale, a consenti à la prise de contrôle de Ginn Publishing par des Américains?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, personne ne refuse d'admettre qui est le responsable de cette prise de contrôle. Il s'agit d'une décision prise par le gouvernement précédent. Cette décision nous liait légalement et nous avons été contraints d'y donner suite lorsque nous sommes arrivés au pouvoir.

Il n'y a aucun secret entourant l'identité des responsables: c'est le gouvernement précédent.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, encore une fois, les libéraux, ces soi-disant grands défenseurs de l'identité canadienne. . .

Des voix: Bravo!

Mme Tremblay: Monsieur le Président, ils applaudissent quand on les qualifie ainsi. C'est leur affaire. Ils montrent leur vrai visage.

Le premier ministre ne pourrait-il pas trouver le courage de faire comme il a fait dans le cas de l'aéroport international Pearson et annuler tout simplement l'accord pour que nos industries culturelles demeurent entre les mains de Canadiens?

[Français]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, c'est comme l'a affirmé le secrétaire d'État (Institutions financières internationales). Cet accord a été conclu avec le gouvernement conservateur qui était alors au pouvoir. Et comme le veut la tradition, un gouvernement est dans l'obligation de respecter les accords de cette nature qui ont été conclus entre le gouvernement précédent et l'autre. Il n'y a rien que nous puissions faire en ce moment.

Si un document semblable nous était présenté aujourd'hui, sans les contraintes qui nous ont été léguées par l'autre gouvernement, peut-être que nous prendrions une décision différente. Mais dans un contrat privé entre les parties, parce que le gouvernement précédent a changé d'idée, la compagnie américaine en question s'est prévalue de la situation qu'elle avait, telle que prévue dans le contrat, et nous avons été obligés de respecter les obligations que nous avions comme gouvernement.

* * *

(1440)

[Traduction]

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest): Monsieur le Président, pour certaines commissions scolaires qui comptent jusqu'à 15 p. 100 d'employés acceptant de travailler dix mois par année, il est d'usage courant de remettre des lettres de cessation d'emploi à ceux-ci le 30 juin, de les réembaucher en septembre et de leur conseiller de profiter du congé scolaire pour demander des prestations d'assurance-chômage.

Voici ma question au ministre du Développement des ressources humaines: peut-on modifier les règles de l'assurance-chômage de manière à empêcher ceux qui ont des emplois rémunérateurs et sûrs d'abuser d'un régime déjà trop mis à contribution?

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, comme la députée le sait peut-être, en cette période de difficultés financières et de changements économiques, certains secteurs embauchent de plus en plus d'employés à contrat. Cela crée des pressions sur le régime d'assurance-chômage.

Je veux toutefois donner à la députée l'assurance que la plupart de ceux qui se prévalent du régime d'assurance-chômage sont des victimes et non pas des fraudeurs.

Nous avons déjà prévu dans le budget fédéral des mesures pour remédier au problème. Ainsi, pour résoudre celui des recours répétés à l'assurance-chômage, on étudiera peut-être des façons de réglementer plus efficacement le travail sporadique.

Il s'agit évidemment d'un problème complexe, et j'espère que les députés nous feront part de leurs suggestions à ce sujet.


2293

LES BUREAUX RÉGIONAUX DES MINISTRES

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Le gouvernement procède actuellement à l'ouverture de trois bureaux régionaux somptueusement meublés pour les ministres. L'un de ces bureaux se trouve à Québec, alors qu'il n'y a pas de ministres de cette région et qu'il existe déjà un bureau à Montréal.

La vice-première ministre peut-elle expliquer à la Chambre pourquoi le gouvernement ne ferme pas les bureaux régionaux des ministres au lieu d'investir encore 1,5 million de dollars dans de nouveaux bureaux?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, cette question a été examinée et certains bureaux ont été fermés.

Le bureau de Québec a été ouvert parce que cette ville est la capitale du Québec et qu'il est important pour nos relations avec cette province, notamment pour nos ministres, lorsqu'ils se rendent à Québec afin de s'entretenir avec leurs homologues provinciaux.

Néanmoins, l'ensemble des bureaux régionaux des ministres est soumis à un examen afin de déterminer s'il est possible de réduire les coûts et s'il y en a dont on pourrait se passer. Nous avons déjà examiné la question et nous continuerons de le faire, car nous voulons utiliser l'argent des contribuables de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible.

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, je suis content d'entendre le député nous dire que ces bureaux font actuellement l'objet d'un examen.

Cette réponse me surprend cependant quelque peu, car, le 15 avril 1986, la vice-première ministre avait demandé dans une question posée à la Chambre au gouvernement conservateur pourquoi le gouvernement tournait le dos aux travailleurs retraités et ouvrait six bureaux régionaux pour les ministres. Ce gouvernement fait exactement la même chose.

Les Canadiens voudraient bien savoir une chose. Est-ce que cela veut dire que la vice-première ministre est devenue une conservatrice sous des apparences libérales? Est-ce que ce gouvernement suit un programme conservateur?

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion du Canada atlantique): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. La réponse est tout simplement non.

Le député devrait apprendre à vérifier les faits avant de faire des interventions à la Chambre. En fait, ce gouvernement a fermé plus de neuf bureaux régionaux depuis son arrivée au pouvoir.

Comme l'a signalé le ministre responsable du Conseil du Trésor, les bureaux régionaux des ministres font l'objet d'un examen constant, de même que les dépenses engagées par les ministres pour le personnel exonéré et leurs bureaux au Canada.

[Français]

L'ENVIRONNEMENT

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, on apprenait samedi dernier qu'à peine 56 p. 100 des sommes votées pour la phase I du Plan d'action Saint-Laurent avaient réellement été dépensées.

(1445)

Plus encore, seulement 11 des 23 projets acceptés étaient directement reliés au fleuve Saint-Laurent. Des 20 millions de dollars initialement prévus, moins de 5 ont été utilisés pour dépolluer le Saint-Laurent.

Comment la ministre de l'Environnement peut-elle justifier qu'une si petite partie de l'argent ait été réellement investie dans la dépollution du fleuve Saint-Laurent?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, c'est très simple. Sous le régime de l'ancien gouvernement, quand le ministre de l'Environnement était son collègue, le chef de l'opposition, les conservateurs ont signé un accord qui n'a pas respecté les normes de dépollution du fleuve Saint-Laurent.

Je peux assurer au député que M. Paradis, mon homologue de la province de Québec, et moi-même sommes sur le point de signer une entente sur la deuxième phase du Plan d'action Saint-Laurent qui assurera que tous les fonds soient dépensés pour la dépollution du fleuve Saint-Laurent, contrairement à ce qui a été fait par mon collègue, l'ancien ministre de l'Environnement.

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, est-ce que la ministre de l'Environnement est prête aujourd'hui, en cette Chambre, à prendre l'engagement formel que 100 p. 100 des fonds seront dépensés le long du fleuve Saint-Laurent?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je vous donne ma garantie que cela sera fait à 100 p. 100.

Heureusement que le présent gouvernement est prêt à faire davantage pour assainir l'environnement que ne l'était l'actuel chef de l'opposition lorsqu'il était ministre de l'Environnement!

* * *

L'IMMIGRATION

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Selon de récents sondages, la grande majorité des Canadiens sont sensibles aux malheurs des immigrants, mais restent d'avis qu'il faut réduire les niveaux d'immigration.


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Le ministre a, à maintes reprises, justifié ses contingents d'immigration en citant le livre rouge et le vieux rapport du Conseil économique du Canada. Il est clair que, sur ce point, le livre rouge ne répond pas aux voeux de la population canadienne.

Le ministre peut-il expliquer les raisons qui l'amènent à poursuivre cette politique, alors que, de toute évidence, les Canadiens n'y souscrivent pas?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Premièrement, je tiens à souhaiter la bienvenue au député qui nous revient d'un séjour éducatif dans le Grand Toronto. Je trouve que sa déclaration d'aujourd'hui diffère quelque peu des propos qu'il a tenus aux Torontois et qui sont rapportés dans le Toronto Star, et je cite: «Je ne vois pas en quoi notre politique va à l'encontre des opinions que j'ai entendu exprimer ces derniers jours.»

Deuxièmement, je défie le député de prendre les résultats d'une enquête d'opinion publique et d'en arriver à la conclusion qu'il faille légiférer à l'emporte-pièce. En effet, lorsqu'on se penche sur les opinions émises par les Canadiens sur le chômage et l'immigration et recueillies par Gallup ces 25 dernières années, on constate qu'en 1982, l'étude réalisée par Ekos Research a constaté presque les mêmes niveaux. Par ailleurs, en 1988 et en 1990, un taux record de 65 à 70 p. 100 de personnes interrogées se déclaraient en faveur d'une augmentation des niveaux d'immigration.

On ne peut demander aux gens de se prononcer sur l'immigration, comme s'il s'agissait de faire connaître leur parfum préféré de crème glacée. La chose est beaucoup plus complexe que cela.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Il ne fait aucun doute, monsieur le Président, qu'il y a un processus d'éducation en jeu ici.

Le Parti réformiste ne s'oppose pas à l'immigration en soi, mais à l'augmentation des niveaux d'immigration à ce moment-ci. Il semblerait qu'une majorité de Canadiens appuient notre position et aimeraient que le ministre révise sa politique.

(1450)

Compte tenu de ces renseignements, le ministre serait-il prêt à revenir sur la déclaration qu'il a faite à la presse lorsqu'il a affirmé que tous ceux qui désapprouvaient sa politique étaient ignorants et mal informés?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je ne me rétracterai pas parce que je n'ai jamais dit ça. Si quelqu'un doit se rétracter, c'est le député, étant donné les déclarations qu'il a faites dans le Grand Toronto.

Des voix: Bravo!

M. Marchi: Même si le député a dit qu'il fallait continuer de faire de l'éducation, le Toronto Star rapporte qu'il a aussi dit, et je cite: «Les immigrants semblent n'être que des gens comme tout le monde».

Voici ce qu'il faut faire. Au lieu de nous en tenir aux résultats d'un sondage réalisé à un moment précis de notre histoire, nous devrions faire participer nos concitoyens à la question, aller au-delà de la superficialité d'un seul sondage et bien comprendre les forces en jeu.

* * *

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan): Monsieur le Président, l'exercice financier du gouvernement prend fin au mois de mars, ce qui signifie que la plupart des ministères décident habituellement à la dernière minute de faire des achats avant la date limite. Dans bien des cas, la frénésie des achats n'est pas fondée sur des besoins réels, mais on estime que puisque l'argent est disponible il doit être dépensé.

Que font les ministères pour empêcher les dépenses inutiles durant le mois de mars?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, fidèle à l'usage, je remercie le député de sa question.

Le vérificateur général a examiné cette question il y a déjà plusieurs années et avait relevé certaines pratiques de gestion de la trésorerie qui laissaient à désirer. Le vérificateur général n'a pas dit que les gestionnaires faisaient preuve de gaspillage dans leurs dépenses de fin d'année mais que puisque les fonds n'étaient pas reportables au-delà de la fin de l'année, soit le mois de mars, les gestionnaires pouvaient avoir tendance à dépenser de façon prématurée, notamment en effectuant des achats ou en réglant des comptes qui n'étaient pas à échéance.

Afin de prévenir ce genre de situation, le Conseil du Trésor a procédé, à la fin du dernier exercice financier, à une expérience qui consistait à reporter sur l'exercice financier suivant 2 p. 100 des budgets des ministères afin d'éviter la frénésie de fin d'année dont parle le député. L'expérience ne visait que quelques ministères.

Cette année, le gouvernement y a inclus tous les ministères et il leur permet de reporter 5 p. 100 de leur budget. Cette solution devrait mettre un terme à la frénésie de fin d'année.

* * *

[Français]

LA SURPÊCHE EN HAUTE MER

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, le ministre canadien des Pêches et Océans a exhorté hier les membres de l'ONU à adopter d'ici à l'automne des règles très strictes pour mettre fin à la surpêche en haute mer, sinon le ministre envisagera des mesures concrètes. Il n'acceptera pas de signer une autre déclaration de principe, puisque, selon lui, la Convention du droit de la mer ne fonctionne pas.

Ma question s'adresse au premier ministre. Le premier ministre peut-il nous indiquer à quelles mesures concrètes son ministre fait allusion pour mettre fin à la surpêche étrangère, si une convention internationale n'est pas signée d'ici à l'automne? Quelles sont les mesures concrètes?


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L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, au nom du ministre des Pêches et Océans, je peux assurer le député que le gouvernement du Canada était très content du résultat que le ministre a eu quand il a fait sa visite. De plus, il est prêt à travailler de façon très étroite avec ses collègues de l'OPANO, justement pour assurer que nous ayons un stratégie internationale élaborée pour régler ce problème, qui ne touche pas seulement la pêche, mais aussi la conservation et l'environnement.

Les ministres impliqués travaillent très étroitement pour s'assurer que le bon travail des Nations Unies ne soit pas affaibli par les bateaux de l'extérieur qui viennent pêcher sans avoir le bon drapeau ou sans tenir compte de leur responsabilité environnementale.

(1455)

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, d'après la réponse de la vice-première ministre, je comprends que pour les mesures concrètes on revient au scénario de départ à l'égard de l'OPANO.

Ma question est la suivante: Pourquoi le gouvernement à ce moment-là s'avère-t-il incapable de convaincre ses partenaires commerciaux quant à la nécessité d'obtenir un renforcement des dispositions de la Convention du droit de la mer en matière de pêches? Pourquoi est-il incapable de faire cela, puisqu'il doit revenir encore de toute façon?

[Traduction]

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest est formée de 14 pays membres; ils n'étaient pas tous représentés à Bruxelles et, en fait, trois se sont abstenus, lorsque notre ministre des Pêches a réussi à obtenir un accord, ce qui constituait un succès plutôt inhabituel.

Le problème auquel nous sommes maintenant confrontés, surtout en ce qui concerne les extrémités des Grands Bancs, c'est bien entendu, celui des navires qui naviguent sous un pavillon de complaisance, qui ne viennent pas de pays membres et de ports régis par l'organisation. C'est pourquoi il est particulièrement important pour le ministre des Pêches et des Océans de préciser très clairement, à New York, que nous ne voulons plus passer sur nos désaccords et nous contenter de déclarations de principe.

Nous souhaitons, à ce stade-ci, obtenir des résultats concrets en établissant des restrictions précises en matière de pêche comme celles que le ministre des Pêches a réussi à obtenir, je dois le reconnaître, à Bruxelles, il y a quelques semaines. Je ne peux qu'espérer, et je suis persuadé que mon collègue est d'accord avec moi là-dessus, que le ministre aura autant de succès aux Nations Unies qu'à Bruxelles.

* * *

L'AGRICULTURE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

Le 7 février dernier, on a abandonné la protection tarifaire accordée aux pomiculteurs canadiens. Depuis, les producteurs américains inondent le marché canadien de leurs produits sous-évalués, ce qui a des répercussions catastrophiques pour les producteurs d'Okanagan-Similkameen-Merritt et de tout le pays. Ils ont demandé au gouvernement de s'assurer que les échanges sont équitables et d'appliquer la législation canadienne en matière de commerce.

Quand le gouvernement va-t-il prendre des mesures pour lutter contre le dumping de pommes pratiqué par les Américains?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de sa question et d'avoir eu la courtoisie de m'en aviser à l'avance.

Il va comprendre, j'en suis persuadé, qu'étant donné que le TCCE est, en fait, un organisme quasi judiciaire, il ne conviendrait pas pour moi de me prononcer sur sa décision.

Cependant, je peux confirmer que j'ai eu l'occasion de rencontrer les représentants des producteurs canadiens le lundi 7 mars, lorsqu'ils étaient à Ottawa pour assister au Congrès national du Conseil canadien de l'horticulture. Nous avons discuté de tout un éventail de solutions quant à la façon de réagir à la décision du TCCE et nous avons notamment examiné les diverses formes d'appel qui s'offraient à eux et les autres solutions possibles.

J'étudie à l'heure actuelle les recommandations que j'ai reçues des pomiculteurs il y a une semaine et demie. En temps voulu, nous déciderons du meilleur moyen de répondre à cette décision.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, je remercie le ministre de sa réponse.

L'Accord de libre-échange Canada-États-Unis est censé renfermer des mécanismes permettant de mettre un terme à des pratiques commerciales injustes. Le ministre prend-il des mesures pour les utiliser, afin d'aider les pomiculteurs canadiens?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, bien entendu, les dispositions de l'Accord de libre-échange constituent l'une des solutions qui s'offrent à nous. On peut également contester la décision devant la Cour fédérale ou exiger une nouvelle enquête du TCCE.

Le problème que posent toutes ces démarches, c'est évidemment qu'elles prennent beaucoup de temps. C'est justement ce facteur qui inquiétait particulièrement les pomiculteurs lorsque je les ai rencontrés. Dans le cadre de mon examen de la réaction possible du gouvernement, je tiens compte du facteur temps qui les préoccupait au plus haut point.

* * *

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

En rachetant Maclean Hunter, la société Rogers Communications se trouve pour ainsi dire à monopoliser le secteur privé de l'autoroute électronique au Canada. Nous savons que le CRTC et


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le bureau de la concurrence devront approuver cette transaction, mais il faut certes déterminer d'abord où réside l'intérêt public à long terme et comment il serait le mieux servi.

Le gouvernement chargera-t-il le Comité permanent du patrimoine ou un comité spécial du Parlement d'élaborer une position qui soit dans l'intérêt public en ce qui concerne la propriété et l'exploitation de l'autoroute électronique?

(1500)

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question.

Comme nous l'avons affirmé à la Chambre et dans le discours du Trône, cette question est très importante. Elle est prioritaire pour le gouvernement et nous allons en discuter éventuellement au comité.

* * *

LE REVENU MINIMUM ANNUEL GARANTI

Mme Jane Stewart (Brant): Monsieur le Président, depuis que j'ai soulevé à la Chambre la question du revenu minimum annuel garanti, le mois dernier, j'ai reçu beaucoup de lettres d'appui de partout au Canada.

Je voudrais demander au secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines si le gouvernement étudiera sérieusement la possibilité de refondre tous les programmes de soutien du revenu actuels en un seul programme de revenu minimum annuel garanti?

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, je remercie la députée pour sa question.

La députée se souvient sans aucun doute que, le 31 janvier dernier, le ministre du Développement des ressources humaines a annoncé un processus de consultation en trois étapes devant conduire à l'adoption d'une nouvelle loi canadienne sur la sécurité sociale. Nous écouterons les Canadiens des quatre coins du pays et nous apporterons à notre système de sécurité sociale le genre de changements positifs qu'ils ont dit vouloir le 25 octobre dernier.

Bien sûr, parmi les options, nous étudierons l'idée d'un revenu minimum garanti, peut-être même le modèle présenté dans le rapport de la commission sur la relance économique de Terre-Neuve.

Je profite de l'occasion pour encourager tous les députés à participer à cette importante initiative du gouvernement.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Messieurs et mesdames les députés, je signale la présence à notre tribune de l'honorable Sandy Jolly, ministre des Affaires municipales de la Nouvelle-Écosse.

Des voix: Bravo!

[Français]

LE DÉCÈS DE M. GILBERT RONDEAU

Le Président: Il y a quelques jours, chers collègues, M. Gilbert Rondeau, un de nos anciens collègues, est décédé. Le député de Shefford désire prendre la parole pour lui rendre hommage.

M. Jean H. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, jeudi passé, j'apprenais, avec beaucoup de tristesse, le décès de M. Gilbert Rondeau qui fut député de ma circonscrption de Shefford de 1962 à 1965 et de 1968 à 1979.

Lorsque j'étais étudiant à l'Université d'Ottawa, j'ai eu le plaisir de le voir, ici à la Chambre, et de me rendre à son bureau. Il était toujours aimable, coloré et disponible pour me fournir la documentation dont j'avais besoin pour réaliser mes travaux d'études.

Comme vous le savez, Gilbert Rondeau fut le bras droit de M. Réal Caouette, du Crédit social, et un digne représentant de la circonscription de Shefford. Il ne faudrait pas oublier que ce sont les créditistes, lors de leur arrivée en cette Chambre, qui forcèrent le Parlement à adopter l'interprétation simultanée des travaux de la Chambre.

Toute sa vie, M. Gilbert Rondeau fut un homme d'action, un tribun du peuple et l'ami des pauvres. Au nom des mes collèges du Bloc québécois et des électeurs du comté de Shefford, je veux offrir à Mme Rondeau, à Micheline Rondeau-Parent, sa fille qui est greffière ici à la Chambre, et à ses enfants et petits-enfants, mes plus sincères condoléances.

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, au nom du Parti libéral du Canada et au nom du gouvernement, je veux présenter mes vives condoléances à la famille de Gilbert Rondeau.

J'ai eu l'occasion de siéger en cette Chambre alors que M. Rondeau était député. Il a été un serviteur très actif de la population au sein d'une formation politique qui avait des racines populistes dans la province de Québec, le Crédit social.

Il a, comme le député de Shefford vient de le mentionner, été un proche collaborateur du chef du Crédit social du Canada, M. Réal Caouette. Il a, pendant de nombreuses années, servi la population de Shefford au meilleur de ses connaissances et de sa compétence. Il était jovial. Il était un excellent père de famille et je pense qu'il a tenté de bien servir la population qui lui a fait confiance à plusieurs reprises.

(1505)

J'ai eu l'occasion d'apprécier le travail de sa fille qui, comme vous le savez, travaille ici à la Chambre des communes et qui, d'une certaine façon, continue l'oeuvre de son père qui était au service de la population. En étant au service des députés de la Chambre des communes, c'est une façon de perpétuer le travail qui avait été commencé au Parlement par son père.

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Je sais aussi qu'une autre de ses filles, Nicole, a déjà travaillé à la Chambre des communes et au Sénat. C'est donc un peu, pour la famille Rondeau, une affaire de famille que le Parlement du Canada.

Je veux donc, encore une fois, exprimer à Micheline, à ses soeurs et à ses frères nos plus vives condoléances à la suite du décès de l'ancien député Gilbert Rondeau.

_____________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

La Chambre reprend l'étude de la motion et de l'amendement.

M. Charlie Penson (Peace River): Madame la Présidente, je me réjouis de l'examen de la politique étrangère et du commerce international du Canada. Je crois que cet exercice suscitera beaucoup d'intérêt et j'invite les Canadiens d'un océan à l'autre à participer à ce grand débat.

Le forum national qui se tiendra sous peu arrive à point nommé et est important. La guerre froide est terminée. La politique étrangère de nombreux pays est à la dérive et doit être réévaluée. Comme la situation à l'échelle mondiale a changé rapidement, la plupart des pays industrialisés examinent leur politique étrangère.

J'ai des réserves au sujet de notre politique étrangère, et plus particulièrement de l'ACDI, mais comme d'autres députés de notre parti parleront de cette question plus tard aujourd'hui, mes observations porteront surtout sur le commerce international.

Selon moi, les perspectives commerciales internationales sont synonymes de possibilités d'expansion de notre commerce avec les autres pays et de possibilités que nos entreprises bénéficient des importants accords commerciaux que nous venons de conclure.

Au nombre de ces possibilités, mentionnons l'expansion de notre commerce avec le Mexique dans le cadre de l'ALENA. Je suis impatient que le Canada commence à participer à cet accord commercial très important et aux pourparlers qui auront lieu en vue d'élargir la portée de l'ALENA. Comme vous le savez, le Chili est l'un des pays qui souhaite élargir cet accord ou y souscrire. J'encourage nos partenaires commerciaux à accepter le Chili comme partie à cet important accord commercial.

À l'heure actuelle, 80 p. 100 de nos exportations sont destinées aux États-Unis. Les Américains sont nos plus importants partenaires commerciaux. Je tiens à dire que nous souhaitons qu'ils le demeurent. À mon avis, nos relations commerciales avec eux coulent de source et se poursuivront, mais je crois que nous devons aussi chercher de nouvelles perspectives commerciales.

Il en existe en Asie du Sud-Est. Cette région est actuellement en plein essor. On y prévoit un taux de croissance de plus de 8 p. 100 par année, alors que le taux prévu dans les pays de l'OCDE est inférieur à 3 p. 100. L'Asie du Sud-Est est l'une des régions du monde où le commerce est en pleine expansion.

Le Canada est très bien placé pour exporter dans cette région. Nos provinces de l'Ouest, notamment la Colombie-Britannique, ont un avantage naturel parce que le transport maritime est très économique.

Le Canada a déjà réussi à vendre certains de ses produits dans cette région du Pacifique. Le Japon est notre deuxième partenaire commercial en importance, et la Corée du Sud vient au sixième rang. Six pays de l'Asie du Sud-Est, soit Singapour, la Chine, Taïwan, Hong Kong, l'Indonésie et la Thaïlande, figurent parmi les 25 principaux marchés pour les produits canadiens. Toutefois, le total de nos exportations de biens vers ces six pays ne représente que 2,7 p. 100 de tous nos échanges. Le Canada pourrait trouver de ce côté-là d'excellents débouchés. Nous pouvons et nous devons faire mieux sur ces marchés.

(1510)

Nous possédons une importante ressource inexploitée. Je songe au million de Canadiens d'origine asiatique. Ils connaissent la langue, la culture, les habitudes de consommation de ces pays. Ils sont au courant des normes de l'entreprise et des dispositions qui s'imposent, et ils ont souvent des parents qui vivent encore là-bas. Ces précieuses connaissances ne se trouvent pas dans les manuels, mais elles n'en sont pas moins réelles et il faut s'en servir.

Nous pourrions encourager l'étude des langues asiatiques dans nos universités et inciter nos entreprises à soutenir cet effort. Nous devrions envisager la possibilité que notre propre ministère du Commerce international engage plus de gens qui ont un bagage culturel asiatique pour profiter de ces liens naturels.

Je voudrais dire un mot des prévisions que fait l'entreprise canadienne. La Canadian Cattle Commission est un bon exemple d'organisme qui entend exploiter les marchés de cette région extrêmement riche. Elle estime que, d'ici l'an 2000, soit dans six ans seulement, les exportations vers cette région seront multipliées par douze, passant de 6 000 à 75 000 tonnes de boeuf par année.

La Commission canadienne du blé prévoit une croissance soutenue des ventes dans la même région, et la Corée du Sud achète déjà un bonne quantité de céréales fourragères.

Le Canada est un pays commerçant. Nos exportations de biens et de services assurent 25 p. 100 de notre produit intérieur brut et procurent plus de 2 millions d'emplois aux Canadiens.

La reprise en cours est alimentée par de fortes augmentations de nos exportations. Le Canada jouit d'une excellente réputation en tant que chef de file dans ce domaine. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a fait de l'excellent travail dans la prospection de nouveaux marchés. Le Canada s'est acquis cette réputation en participant à la fondation


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du GATT après la Seconde Guerre mondiale et, plus près de nous, à celle du nouvel organisme de commerce international.

J'estime qu'au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international la composante chargée du commerce devrait maintenant être réduite afin d'être plus économique. Nous avons besoin d'un ministère solide pour promouvoir les intérêts canadiens à l'étranger, et c'est là un moyen que nous allons prendre pour maintenir la croissance.

Nous avons entendu le ministre parler ce matin de l'examen en cours au ministère. Je l'appuie dans cette entreprise. Je voudrais également l'inviter à faire participer davantage le milieu des affaires, le secteur privé, à notre organisation commerciale. Il faudrait tenir davantage compte des gens d'affaires.

Il faudrait faire davantage appel à des employés du ministère connaissant bien l'Asie pour promouvoir notre commerce en Asie du Sud-Est. Il faudrait songer à ouvrir des consulats commerciaux dans de nouveaux pays industrialisés comme ceux de l'Asie du Sud-Est et à adopter le mode de la coentreprise, dont il a été question plus tôt aujourd'hui, comme méthode la plus économique pour promouvoir nos intérêts à l'étranger.

Il faut remédier à certains problèmes internes afin de pouvoir devenir des exportateurs efficaces. Nous ne pouvons pas demander à nos entreprises d'exercer leur activité en ayant les mains liées derrière le dos. Si nous ne pouvons pas accorder des chances égales à nos entreprises, nos efforts seront vraiment inutiles. Nos entreprises, petites, moyennes et grandes, qui doivent percer ces marchés étrangers, ne peuvent le faire efficacement. Elles sont désavantagées par de mauvais résultats internes parce que notre gouvernement n'agit pas d'une façon responsable sur le plan de la gestion fiscale.

Les impôts doivent être réduits. Les déficits doivent être éliminés et les dépenses excessives de la part du gouvernement doivent cesser. Il faut mettre davantage l'accent sur la suppression des barrières internes au commerce. Nous devons créer un climat propice au commerce. J'estime que nous devons établir des droits de douane réalistes pour ne pas inciter nos partenaires commerciaux à les contester par suite des très importantes négociations du GATT qui viennent de prendre fin.

En conclusion, je suis certainement favorable à l'examen de notre politique étrangère, de notre politique de défense et de notre politique commerciale. Elles sont toutes examinées en même temps.

(1515)

La constitution d'un comité mixte de la défense et des affaires étrangères pour examiner à fond ces dossiers est une bonne chose. C'est très important, vu que les politiques mises en place cette année détermineront la position du Canada à l'orée du XXIe siècle.

Selon moi, il s'agit d'un examen qui revêt une très grande importance. J'ai hâte de voir le processus se mettre en branle. J'espère que cet examen sera suivi par le plus grand nombre de Canadiens possible.

Par ailleurs, j'ai des réserves, tout comme mon collègue qui a parlé de la composition du comité mixte. Je souscris à l'idée de parcourir le pays pour faire témoigner sur place les personnes intéressées, plutôt que de les faire venir à Ottawa. Voilà un autre aspect très important de ce processus.

J'ajouterai, en terminant, que la tenue des deux examens marque une étape très importante de l'histoire du Canada. Les temps sont difficiles. Tous les pays procèdent à ce genre d'examen en raison des bouleversements survenus dans le monde, de la mondialisation des marchés, et j'espère que nous saurons relever ce défi.

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Madame la Présidente, je tiens seulement à remercier le député pour l'aimable appui accordé par son parti à cet examen de la politique.

Je sais que son parti et lui éprouvent certaines réserves à l'égard d'un comité mixte avec le Sénat. Le député ne convient-il pas cependant que nombre de sénateurs pourraient nous être très utiles? Je pense aux sénateurs comme le sénateur Allan MacEachen, qui a été secrétaire d'État aux Affaires extérieures. Le député ne convient-il pas que certains sénateurs pourraient apporter une précieuse contribution à cet examen de la politique?

M. Penson: Madame la Présidente, je voudrais remercier le député de cette question très importante. Je vois là une certaine expertise.

Mon avis est qu'ils devraient présenter des mémoires au comité au même titre que les autres témoins. L'idée de leur participation ne me plaît pas parce que ce ne sont pas des représentants élus. Je pense néanmoins qu'il y a un certain avantage à faire appel à leur contribution, vu leur grande expertise et leurs connaissances. Peut-être serait-ce un moyen de s'en assurer.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Puis-je demander aux députés réformistes s'ils ont l'intention de partager leur temps, à raison de dix minutes chacun?

M. Strahl: Madame la Présidente, nos deux premiers orateurs utiliseront les 20 minutes prévues. Si nous en décidons autrement, nous vous le ferons savoir.

L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique)): Madame la Présidente, comme mes collègues, le ministre des Affaires étrangères, le ministre du Commerce international et la secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique) l'ont tous mentionné, le gouvernement croit qu'il est temps d'examiner notre politique étrangère, d'examiner nos intérêts internationaux, ainsi que nos capacités et nos limites à défendre ces intérêts.

J'ai écouté attentivement chacun de leurs commentaires. Je voudrais vous donner mon point de vue sur la politique étrangère du Canada, plus précisément sur ses liens avec le portefeuille dont je suis responsable en tant que secrétaire d'État pour l'Asie et le Pacifique.

En tant que secrétaire d'État pour l'Asie et le Pacifique, je dois tout d'abord conseiller le ministre Ouellet sur les questions qui touchent cette région. Je suis donc responsable à la fois de questions géographiques et de questions sectorielles, comme les questions économiques, politiques et d'aide au développement social.


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Les Canadiens disent que nous devons créer des emplois et leur faire retrouver confiance dans notre économie. Nous pouvons atteindre ces deux buts grâce, en grande partie, à une reprise axée sur les exportations. À l'heure actuelle, près du quart des emplois, au Canada, sont directement liés aux exportations.

(1520)

Les marchés asiatiques des pâtes et papiers, des télécommunications et des équipements de transport, des matériaux de construction, de l'agro-alimentaire et des produits pétrochimiques présentent des possibilités extraordinaires pour la croissance économique du Canada, tout en répondant aux besoins de nombreux pays en développement. De plus, la région de l'Asie et du Pacifique n'assure pas seulement des débouchés à nos exportations. C'est aussi une source importante de technologies, de capitaux et de compétences dont nous avons besoin pour accroître la compétitivité du Canada.

Dans une grande partie de la région de l'Asie et du Pacifique, les taux de croissance enregistrés au cours des années 80 ont été plus de deux fois plus élevés que dans les autres pays du monde. La part du revenu mondial détenue par l'Asie pourrait passer de 24 p. 100 en 1989 à 35 p. 100 en l'an 2010 et à plus de 50 p. 100 en l'an 2040.

Les entreprises canadiennes doivent se préparer à profiter des débouchés qui s'offrent à elles, sinon nous risquons en tant que nation d'assister à l'érosion des institutions qui font du Canada l'envie du monde entier.

Notre succès dépendra de notre capacité de remporter un plus grand succès sur ces marchés et d'élaborer des projets qui permettront de rendre les exportations canadiennes les plus compétitives possible. Dans le cadre de toute cette initiative, nous devrons réexaminer nos accords économiques et commerciaux bilatéraux et multilatéraux avec les pays de la région Asie-Pacifique à la lumière des changements économiques importants qui se produisent.

Il faut également tenir compte du fait qu'un élément de plus en plus important des relations commerciales et économiques du Canada avec la région Asie-Pacifique sera la mise sur pied de nouvelles institutions comme l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique. Cette organisation représente cinq des dix principaux marchés du Canada. Comme on peut le voir, il est essentiel pour la défense de nos intérêts que notre pays joue un rôle actif au sein de cette organisation.

J'ai été heureux de voir que ma première fonction officielle en tant que secrétaire d'État (Asie-Pacifique) consistait à assister au sommet de l'organisation, en novembre, à Seattle, en compagnie du premier ministre et du ministre du Commerce international.

Cette organisation est un phénomène relativement récent, de même que la croissance explosive de la région. Depuis sa création, il y a cinq ans, elle est devenue la principale tribune de la région pour discuter de la croissance régionale, de l'interdépendance économique, du renforcement du système commercial multilatéral et d'une réduction des barrières au commerce des biens et des services, ainsi qu'aux investissements. C'est aussi maintenant un véhicule important de coopération sur des questions sectorielles comme les problèmes environnementaux.

Lors de mon premier voyage à l'étranger en janvier, lorsque je me suis rendu à Hong Kong, dans le sud de la Chine, en Thaïlande et au Japon, j'ai été en mesure de discuter plus en détail de beaucoup de ces questions. Ce sont là certains des marchés les plus importants pour le Canada et qui se développent le plus rapidement. Je le répète, nous avons les compétences voulues pour répondre à une bonne partie de leurs besoins.

Il faut trouver les moyens de cibler les ressources et les programmes gouvernementaux de façon efficace, afin d'aider les entreprises canadiennes à réussir encore mieux sur le marché international. Ce qui inquiète particulièrement notre gouvernement, c'est le rôle des petites et moyennes entreprises qui peuvent être le moteur de la croissance à l'avenir, mais auxquelles il manque souvent la masse critique, les ressources financières ou les compétences techniques nécessaires pour s'implanter sur des marchés étrangers.

Le gouvernement doit faciliter l'accès de nos entreprises aux marchés de la région Asie-Pacifique. Nous avons d'excellents exemples de projets pratiques que le secteur privé et les gouvernements entreprennent conjointement.

À Hong Kong, la Chambre de commerce du Canada planifie la Semaine Canada-Hong-Kong du commerce et de l'investissement. Le thème choisi, de façon fort appropriée d'ailleurs, pour cet événement qui se déroulera à Hong Kong et à Guangzhou au début du mois de mai, est Comment profiter de partenariats.

(1525)

Ce projet, que le gouvernement et l'industrie approuvent totalement, vise à favoriser les liens entre les gens d'affaires du Canada, de Hong Kong et de la Chine. En outre, il permettra aux Canadiens d'en apprendre davantage sur les occasions d'affaires en Asie.

Le ministre du Commerce international nous l'a annoncé récemment, il a entrepris, en collaboration avec le ministre de l'Industrie, de réexaminer entièrement ces questions pour s'assurer que nos petites et moyennes entreprises aient l'appui et les conditions qui leur permettent d'être concurrentielles.

On discute actuellement de divers enjeux, soit le financement des exportations et des initiatives, la distribution de données sur les marchés, la coordination des programmes gouvernementaux et la mise en commun des ressources du secteur privé. En adoptant une méthode de stimulation des échanges commerciaux plus axée sur les marchés et donnant au gouvernement un rôle de facilitateur plutôt que de meneur en matière d'exportations, nous pouvons établir nos véritables priorités en fonction des besoins du marché. Nous devons mettre au point une stratégie nationale pour exploiter efficacement le marché de l'Asie et du Pacifique. Pour concevoir une stratégie efficace, nous devons consulter les parlementaires et les Canadiens.

Toutefois, le ministère des Affaires étrangères ne doit pas s'occuper seulement de commerce international, mais aussi des questions politiques, sociales et économiques. Au cours de la campagne électorale, le premier ministre Chrétien a formulé clairement la mission qu'il s'était donnée d'amener le Canada à jouer un rôle plus fort et plus indépendant, sur la scène internationale.

Le premier ministre a affirmé que, selon lui, le gouvernement devait consolider l'image du Canada, qui est réputé pour sa tolérance et son ouverture, en veillant à ce que tous les aspects de la politique étrangère reflètent ces valeurs. Le ministre des


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Affaires étrangères travaille fort pour réaliser cette mission. Je suis très heureux d'avoir la chance de l'assister dans cette entreprise.

La question du développement est l'un des éléments importants de la relation qu'entretient le Canada avec les pays de l'Asie et du Pacifique. Il y a peu de temps encore, de nombreuses personnes estimaient qu'il n'existait aucun lien entre le commerce, l'aide et le développement. Or, le programme du Canada en matière d'aide au développement comporte de nombreuses facettes.

En premier lieu, l'aide accordée en vue de permettre aux sociétés de répondre aux besoins humains fondamentaux de leurs citoyens constitue un des piliers du programme canadien d'aide au développement international, mais l'aide au développement ne s'arrête pas là. L'environnement, la pacification et le maintien de la paix, le bon gouvernement, la promotion des droits de la personne et l'égalité des races et des sexes sont aussi des questions propres au développement.

L'aide au développement a été particulièrement efficace dans les pays de l'Asie et du Pacifique. Par suite des progrès réalisés, les priorités du Canada en matière d'aide au développement sont passées de la planification de projets isolés à des initiatives de portée plus étendue qui permettent à des Canadiens de collaborer au développement durable des régions où ils oeuvrent.

La stratégie de ACDI en Asie et dans le Pacifique compte cinq priorités: renforcer la capacité de l'agence de soutenir le développement durable; collaborer à la solution de problèmes environnementaux nationaux, régionaux et mondiaux; promouvoir la coopération entre les secteurs privés du Canada et des pays de la région de l'Asie et du Pacifique; favoriser l'établissement de liens et de réseaux institutionnels; encourager le respect des droits de la personne et promouvoir le bon gouvernement.

Comme l'indiquent clairement ces cinq priorités, les aspects sociaux, économiques et politiques des politiques étrangères sont reliés entre eux. En tant que pays, nous en bénéficierons de considérer les choses dans une optique globale.

La semaine dernière encore, durant mon séjour au Bangladesh et au Cambodge, j'ai été témoin de la mise en oeuvre de ces cinq priorités. J'ai ensuite quitté la délégation canadienne pour me rendre à la réunion du CIRC à Tokyo. Le sigle CIRC désigne le Comité international pour la reconstruction du Cambodge. Mon voyage visait principalement à renforcer nos relations avec le Bangladesh et le Cambodge et à observer sur place les effets des programmes d'aide canadiens.

(1530)

J'ai été très impressionné par l'ampleur de l'engagement du Canada.

Le Bangladesh est le pays qui bénéficie le plus de l'aide canadienne et en dépit de problèmes sérieux causés par la surpopulation et les agressions écologiques. Le Bangladesh a réalisé des progrès importants dans de nombreux domaines, notamment la planification familiale et l'autosuffisance alimentaire, et il a enregistré un taux de croissance économique de 4 p. 100 en 1993.

Le Bangladesh s'affranchit graduellement de l'aide étrangère puisque son budget de développement ne dépend plus qu'à 70 p. 100 des dons, comparativement à 100 p. 100 il y a quelques années.

L'engagement du Canada au Cambodge représente également une initiative de plusieurs années. Le Canada a signé l'accord de paix de Paris en 1991 et il a joué un rôle important dans la création du comité d'administration transitoire des Nations Unies, qui a préparé l'accession au pouvoir du nouveau gouvernement l'an dernier.

Après plusieurs années de guerre, le Cambodge est maintenant doté d'un gouvernement élu démocratiquement, mais le Canada continue d'aider ce pays dans des domaines d'importance cruciale comme le déminage, l'aide technique et la lutte à la pauvreté dans les régions rurales. On peut difficilement imaginer un problème environnemental plus urgent que le déminage. La communauté internationale a reconnu le rôle de premier plan qu'a joué le Canada à cet égard.

Le point culminant de mon voyage a été ma rencontre avec les 13 Canadiens qui enseignent actuellement à des soldats cambodgiens comment effectuer la difficile tâche du déminage.

Comme l'expliquait le lieutenant-colonel Focsaneanu des Forces canadiennes, la population cambodgienne ne pourra reprendre le travail agricole que lorsque tous les champs auront été déminés. Le déminage est la principale opération faisant partie de l'aide au développement du Cambodge.

Les relations politiques entre le Canada et la région Asie-Pacifique sont complexes. Depuis la fin de la guerre froide, la région a évolué et elle est plus stable, plus productive et plus juste. Il reste néanmoins de grandes causes d'inquiétudes, qui pourraient donner lieu à des désaccords et à des conflits.

En dépit d'une croissance générale impressionnante, des écarts persistent. Tandis que l'Asie de l'Est et l'Asie du Sud-Est progressent et se distancent de tous les autres pays, la majorité de tous les démunis du monde se trouvent toujours dans la région Asie-Pacifique.

Les incertitudes compliquent tout examen des relations entre le Canada et la région en matière de politique et de sécurité.

Le progrès le plus marquant des dernières années dans la région Asie-Pacifique est la volonté grandissante de s'attaquer aux questions de sécurité et aux problèmes que risque de provoquer le recours multilatéral à des organisations telles que le processus de consultation ministérielle de l'ANASE, auquel participe le Canada.

Le processus de consultation multilatérale entre des gouvernements régionaux ne fait que commencer et il reste encore beaucoup de travail à faire avant que la région ne mette au point des mécanismes lui permettant de régler des conflits et des désaccords.

Entre-temps, on a vu apparaître des méthodes informelles de consultation auxquelles participent des universitaires, des gens d'affaires et des fonctionnaires qui agissent à titre non officiel. Des Canadiens ont été des leaders dans ces activités, notamment en créant le Dialogue sur la sécurité coopérative dans le Pacifique Nord, en 1990.


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Grâce au financement accordé par l'ACDI, le Canada a aussi permis la tenue de consultations sur des questions précises risquant de provoquer des conflits. Il y a notamment eu le Programme sur la mer de Chine méridionale.

Dans la région Asie-Pacifique, comme ailleurs, la sécurité coopérative ne signifie pas simplement la réduction des armements et la création d'obstacles aux ambitions militaires.

(1535)

On ne peut jouir d'une véritable sécurité dans un monde où la faim, la pauvreté, l'injustice sociale et la dégradation de l'environnement persistent. Notre politique étrangère doit se fonder sur une optique englobant le commerce, le respect des droits de la personne, l'appui au développement social et l'institutionnalisation de gouvernements probes et transparents.

Récemment, le débat sur l'injustice sociale dans la région de l'Asie et du Pacifique a atteint de nouvelles proportions. Certains ont prétendu que l'établissement d'une démocratie doit nécessairement passer au second plan pour faire place au développement économique. Je suis cependant de ceux qui croient que les deux ne sont pas absolument incompatibles.

Évidemment, il est prouvé que la libéralisation des échanges commerciaux mène à une plus grande souplesse politique et que les gouvernements qui ont ouvert leur marché au commerce international sont plus sensibles aux opinions et aux réactions des autres pays. Une société portée à l'introspection qui ne compte pas tellement sur le commerce extérieur et les investissements internationaux est moins susceptible de réagir aux inquiétudes exprimées par les étrangers.

Le commerce réduit le repli sur soi. Le commerce contribue à accroître le champ d'application du droit international et à favoriser la croissance économique nécessaire au développement et aux changements sociaux. La libéralisation des échanges tend également à multiplier les groupes d'intérêt au sein d'une société. Néanmoins, toutes les sociétés doivent résoudre le dilemme entre les droits individuels et les droits collectifs et veiller au respect des droits fondamentaux.

À cette fin, il est essentiel que notre gouvernement continue de soulever la question du respect des droits de la personne avec les pays qui, à notre connaissance, profitent de chaque occasion pour les bafouer. Bien que nous respections les traditions et les cultures des divers peuples, nous avons toujours maintenu que la meilleure garantie de stabilité et de prospérité repose sur un gouvernement à l'écoute de la population qu'il représente.

Les sujets que j'ai abordés aujourd'hui vous donnent une idée du genre de questions sur lesquelles nous devrons nous pencher dans notre examen de la politique étrangère du Canada en ce qui concerne les relations entre notre pays et ceux du Pacifique et de l'Asie. Nous sollicitons l'avis et les conseils de Canadiens de tous les horizons dans l'établissement de notre nouvelle politique et de nos nouvelles initiatives dans la région Asie-Pacifique.

L'établissement de relations économiques et commerciales fortes et efficaces avec nos partenaires de l'Asie et du Pacifique est notre premier objectif, mais nous allons continuer à promouvoir le respect des droits de la personne, l'établissement d'institutions politiques vraiment démocratiques et les objectifs du développement durable dans nos relations avec les pays de la région. En fait, il importe pour le Canada d'établir des relations économiques et commerciales fortes et efficaces avec les pays de la région. Mais, comme j'espère l'avoir bien fait ressortir, nous avons beaucoup plus à nous offrir mutuellement que de simples possibilités commerciales.

Dans le cadre de l'examen de la politique étrangère, je me propose de sonder les Canadiens sur l'élargissement de toute la gamme de nos relations avec les pays de la région du Pacifique et de l'Asie, à savoir aux plans politique, social, écologique et économique.

En tant que pays borné à la fois par l'océan Atlantique et par l'océan Pacifique, le Canada a la possibilité de s'ouvrir dans les deux directions. Je crois que le temps est venu de réaliser pleinement notre potentiel en participant à l'évolution dynamique de la région du Pacifique et de l'Asie et j'ai hâte d'entendre les Canadiens sur la meilleure façon d'atteindre ce but.

Dans la région du Pacifique et de l'Asie, le Canada doit relever un certain nombre de défis très importants. Nous devons continuer à établir des relations commerciales avantageuses et nous devons aussi nous efforcer de promouvoir l'établissement de liens bilatéraux aussi bien que multilatéraux. Nous devons continuer à appuyer le développement économique et social de la région, tout en en respectant la diversité culturelle, et nous devons tirer parti de nos avantages «humains» naturels pour réaliser ce potentiel énorme.

(1540)

[Français]

M. René Canuel (Matapédia-Matane): Monsieur le Président, je remercie mon collègue d'avoir très bien décrit un immense marché et une population incroyable. Depuis certaines années, bien sûr, il y a des efforts très louables entre le Canada et l'Asie-Pacifique.

Je viens d'un comté rural et nous faisons ce qu'on appelle chez moi des baguettes chinoises. On a pris une certaine part du marché, mais nous avons énormément de difficultés à percer ce marché-là. Nous avons du bois en quantité. Mon collègue a parlé tantôt des pâtes et papiers et dans ma région nous avons de telles usines.

Ma question est la suivante: Quelles sont les grandes difficultés à percer ce marché? On sait très bien dans ma région que les rapports sont très faciles avec les États-Unis et l'Europe. Mais beaucoup de personnes qui se sont rendues en Asie en sont revenues je ne dirais pas déçues, mais en mentionnant que c'était un peu lent.

Quelles sont les difficultés à surmonter afin d'obtenir une part de ce marché qui est très grand et, d'autres part, sachant que les multinationales peuvent se payer du personnel pour faire du lobbying et que c'est plus facile pour elles, comment une petite entreprise peut-elle arriver à obtenir une part de ce marché?

[Traduction]

M. Chan: Madame la Présidente, je remercie le député pour sa question. J'ai entendu le genre de plaintes dont il fait état partout


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au Canada lorsque j'ai enquêté sur les problèmes auxquels sont confrontés les industriels canadiens.

Je sais très bien de quoi parle le député lorsqu'il décrit les problèmes des petites et moyennes entreprises. Cependant, la question revêt plusieurs facettes. Tout d'abord, beaucoup de pays d'Asie ne se sont pas encore dotés de lois sur le commerce. Ils ont une culture différente. Ils ont aussi des façons différentes de faire des affaires. De plus, en raison des barrières linguistiques et autres, les gens d'affaires canadiens qui veulent percer sur les marchés des pays de la région de l'Asie et du Pacifique éprouvent habituellement énormément plus de difficulté qu'en Europe ou en Amérique du Nord. C'est pourquoi seules les grandes entreprises ont réussi ces derniers temps à faire des affaires dans la région.

Cette situation explique aussi pourquoi il est si important dans nos rapports officiels avec ces pays de faire la promotion du développement social et d'un développement économique qui les aidera à se doter de systèmes de gouvernement ouverts et efficaces.

Cependant, pour le moment, nous devons encore faire la promotion des échanges au nom de nos petites et moyennes entreprises. Présentement, le ministère cherche à mettre sur pied un système officiel qui faciliterait l'accès aux marchés pour ces entreprises. Dans certains cas, elles peuvent se payer un voyage dans la région de l'Asie et du Pacifique, mais elles ne sont pas nécessairement en mesure de soutenir l'effort.

Nous croyons que les délégations commerciales de nos missions officielles et des structures plus permanentes nous permettraient d'aider les petites et moyennes entreprises. Nous tentons aussi d'attirer des délégations commerciales des pays de l'Asie et du Pacifique à venir au Canada et à convaincre divers pays d'accueillir nos propres délégations. En établissant des contacts entre des gens d'affaires des deux côtés de l'océan, en les aidant à s'associer et à lancer des entreprises conjointes, nous espérons faciliter les échanges commerciaux.

(1545)

Puisque nous commençons à peine à explorer les marchés asiatiques, nous avons encore beaucoup de travail. Le monde des affaires a déjà fait beaucoup par lui-même. Maintenant que le gouvernement s'est engagé à apporter une aide, nous pouvons nous attendre à des progrès réels dans un proche avenir.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Madame la Présidente, je remercie le secrétaire parlementaire de ses remarques. Je suis essentiellement d'accord avec ce que le député a dit plus tôt lorsqu'il a signalé que notre prospérité future dépendra à la fois de notre accès aux marchés étrangers et de notre capacité d'attirer les investisseurs étrangers au Canada. Les récentes négociations du GATT nous donnent accès à ces marchés. C'est une bonne décision. L'approbation de l'ALENA est également une bonne décision.

Un des ministres qui rend compte au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a mentionné qu'il ne fait pas de distinction entre les affaires étrangères et le commerce international. Les deux sont presque indissociables à bien des égards, et cela fait partie des choses que nous allons examiner au cours des prochains mois.

Comme le député s'intéresse également depuis longtemps à la question des droits de la personne, j'aimerais savoir s'il croit qu'il devrait y avoir un lien entre le respect ou le non-respect des droits de la personne et le commerce international.

M. Chan: Madame la Présidente, je veux remercier le député de l'intérêt qu'il porte à la relation entre les droits de la personne et le commerce.

Il ne faut pas employer une méthode uniforme en ce qui concerne les droits de la personne. La méthode à utiliser dépend de la relation entre les deux pays et aussi de la situation qui existe dans un pays en particulier. Dans certains cas où le gouvernement d'un pays n'est pas disposé à dialoguer ni même à s'ouvrir pour établir des relations commerciales, nous devons adopter une méthode fort différente.

Cependant, dans bien des pays de la région de l'Asie et du Pacifique, par exemple en Chine et en Indonésie, le gouvernement en place est disposé à dialoguer au sujet des droits de la personne et à libéraliser son économie, et il y a beaucoup d'échanges culturels et sociaux qui se font, notamment grâce aux universitaires. C'est grâce à ce genre d'échanges qu'on arrive à sensibiliser les dirigeants de ces pays aux préoccupations de la communauté internationale.

Le développement du commerce avec ces pays les aide à se tailler une place sur la scène internationale. Il les amène à participer aux institutions internationales. Il leur permet de participer aux mouvements internationaux de défense des droits de la personne et, du même coup, les encourage à répondre aux critères imposés par la communauté internationale à cet égard.

Nous nous servons donc du commerce pour encourager ces pays à participer. C'est là un des points. L'autre point c'est que, grâce au commerce, nous pouvons aider au développement économique du pays. Si le pays améliore sa position économique, cela pourra contribuer à le sensibiliser davantage à la question des droits de la personne et ainsi de suite.

Je vois toujours le commerce comme un moyen d'aider les pays à se développer. Pour moi, ces deux questions ne s'excluent pas mutuellement. Nous pouvons avoir des relations commerciales avec un pays tout en contribuant à promouvoir le respect des droits de la personne dans ce pays. J'espère que j'ai répondu à la question du député.

(1550)

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil): Madame la Présidente, c'est avec beaucoup d'intérêt que je prends la parole aujourd'hui dans le but de commenter la motion du gouvernement. Le ministre des


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Affaires étrangères demande aujourd'hui à la Chambre des communes de se joindre au Sénat pour constituer un Comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat afin d'étudier la politique étrangère du Canada, y compris les questions de commerce international et de l'aide étrangère.

Madame la Présidente, permettez-moi de dire quelques mots en ce qui concerne ce comité. Que nous fassions une étude de la politique étrangère du Canada, du commerce international et de l'aide étrangère, je suis très heureux et fier de pouvoir en discuter parce que je considère que c'est un domaine très important. Par contre, que le gouvernement nous impose de constituer un Comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat, je suis tout à fait contre.

D'ailleurs, j'aurai le plaisir d'appuyer la motion du Parti réformiste selon laquelle le Sénat ne devrait pas faire partie de ce comité et je m'explique. Les Québécois et Québécoises ne croient plus en la raison d'être des sénateurs et des sénatrices et de la Chambre haute et en leur crédibilité. Les Québécois et Québécoises pensent qu'ils ne représentent plus la réalité fondamentale de la population, puisqu'ils sont décrochés de la réalité.

Constamment, les gens de Longueuil que je rencontre me demandent toujours quand on parle de budget: «Quand allez-vous fermer ce Sénat inutile?». Quatre-vingt-cinq à 90 p. 100 de la population de Longueuil appuie l'abolition du Sénat, ceci pour vous dire que la crédibilité n'est pas très grande. C'est pour ces raisons que je souhaite que le Sénat ne fasse pas partie de ce comité.

Les Québécois nous ont élus très majoritairement au Québec. Cinquante-quatre députés du Bloc québécois, vingt libéraux et un du Parti progressiste-conservateur ont été élus au Québec. Cette majorité éclatante et écrasante et la volonté des Québécois et Québécoises d'abolir le Sénat me signifient que je dois dire aujourd'hui être opposé à ce que le Sénat fasse partie de ce comité.

Le gouvernement crée un ou des comités mixtes, et c'est la deuxième fois que nous avons un comité mixte, le premier étant celui de la défense qui a été créé il y a quelques semaines, et maintenant c'est le comité des affaires extérieures. Quel est le but du gouvernement? Que recherche-t-il? J'en suis venu à la conclusion que le gouvernement veut diluer le droit de parole des Québécois et des Québécoises. En réduisant le nombre de députés à ce comité, parce que si on y ajoute des sénateurs, par le fait même, on doit diminuer la proportion de la représentation des députés du Québec, qui devrait se situer à environ 25 p. 100, mais qui ne sera que de 10 p. 100. Cela veut dire qu'on dilue le pouvoir des Québécois dans ce comité. À mon avis, c'est un affront que l'on fait à la population du Québec, un affront que l'on fait aussi à la population qui a élu le Parti réformiste.

Je déplore cette ingérence des sénateurs et des sénatrices dans nos affaires. Le Sénat n'est-il pas là pour réviser les projets de loi et pour faire des recommandations ou des amendements? Les Québécois vont se sentir encore une fois trompés par cette entreprise fédéraliste dominatrice. Pour ces raisons, je vais appuyer la motion du Parti réformiste selon laquelle le Sénat devrait se retirer de ce comité.

(1555)

Que le gouvernement souhaite reviser la politique étrangère du commerce international et de l'aide internationale, cela m'apparaît une excellente initiative pour plusieurs raisons. La première, parce que le monde qui nous entoure est en perpétuel changement.

Regardons ensemble ce qui se passe au niveau de la Communauté économique européenne, ce qui s'est passé en URSS, la nouvelle entente, l'ALENA, ici en Amérique du Nord, la réunification de l'Allemagne et l'Asie de l'Est. Cela modifie considérablement les perspectives en relations internationales. De nouvelles réalités économiques, c'est-à-dire la mondialisation des échanges, de nouvelles politiques, de nouvelles structures démocratiques sont en train de s'installer dans le monde. Des priorités se démarquent aussi dans les droits de la personne: les valeurs démocratiques, la politique de vie et de la protection de l'environnement. De nouveaux défis se présentent, de nouveaux intervenants, des incertitudes, une interdépendance encore plus complexe. En tant que député du Québec et citoyen du Canada, il m'apparaît particulièrement important de réévaluer notre position pour être en mesure de relever ces défis. Quels sont ces changements, quels sont ces défis?

D'abord, je vais vous parler de la situation en Europe. Depuis une trentaine d'années, les Européens essaient de se regrouper. Tout en demeurant des pays très souverains, tout en conservant leur langue et leur culture, ces pays essaient, bien sûr, de créer une meilleure intégration économique et prennent des moyens comme l'élimination des barrières commerciales, la concertation politique et de nouvelles infrastructures. Comme on l'a vu dernièrement, pour pouvoir mieux communiquer en Europe, on a décidé de creuser le tunnel sous la Manche, ce qu'on doit prendre en considération comme quelque chose de très sérieux dans l'unification et le travail en commun des pays souverains de l'Europe qui ont décidé de vraiment avancer. Mais comme vous le voyez, ce n'est pas simple. Cela fait 30 ans qu'on le fait, mais il reste quand même que, comme Canadiens, nous devons prendre ces faits en considération.

Regardons un peu aussi la réunification de l'Allemagne. J'ai eu le bonheur et le privilège d'être en Allemagne environ une semaine après que le mur fut tombé, et je peux vous assurer que ce fut, comme certainement vous vous en souvenez, tout un événement. Les Allemands se sont retrouvés un peu plus fiers, un peu plus heureux de se retrouver, parce que ces familles-là avaient été divisées après la guerre de façon très cavalière. Alors, j'ai été tout à fait étonné de voir qu'après seulement quelques semaines que le mur fut tombé les Allemands ont décidé de réunifier l'Allemagne. On doit être fier aujourd'hui de les voir s'unir et de faire une grande nation et une puissance intéressante pour le développement économique de l'Europe.

Par contre, on doit, nous, comme Canadiens, prendre en considération que les Allemands investissaient beaucoup au Canada, particulièrement à Montréal, dans les immeubles ou ailleurs. Alors, maintenant, où vont-ils concentrer leurs investisse-


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ments? Probablement qu'ils vont investir davantage en Allemagne de l'Est. Le comité devra donc prendre cela en considération.

L'Europe de l'Est, cela inclut bien sûr l'Allemagne de l'Est, où des changements importants sont arrivés. D'abord, un virage économique: l'économie qui était dirigée est abandonnée et est maintenant devenue une économie de marché. On doit prendre aussi en considération tous ces pays qui sont devenus souverains et qui ont changé leur façon de s'administrer, c'est-à-dire avec la démocratie et avec aussi des marchés libres.

(1600)

Je pense que le plus important de tous les grands changements survenus depuis les dernières années, particulièrement dans les années 1990, est le démantèlement de l'URSS. D'abord parce que cela signifiait la fin de la guerre froide.

Vous savez, pendant plusieurs années, chaque jour, chaque semaine, on s'inquiétait de tout ce qui survenait dans le monde par rapport à ces deux grandes puissances qu'étaient l'URSS et les États-Unis. Cela créait des conflits un peu partout dans le monde et on peut considérer que maintenant, puisque l'URSS n'existe plus, les grands conflits sont presque éliminés.

Mais il faut tenir compte du fait que ces 300 millions d'individus étaient répartis dans environ une quinzaine de républiques qui sont maintenant devenues des pays souverains. Les mouvements d'affirmation nationale de la Russie, de l'Ukraine et des pays baltes font en sorte que ces pays, devenus souverains, ces peuples qui se reconnaissent maintenant vont définitivement mieux s'épanouir, mieux réussir. Il faudra donc que nous, comme Canadiens et Québécois, soyons bien avisés et bien préparés à faire face à ces changements très importants.

On ne parlera jamais assez de tous ces changements, de ces bouleversements si importants. Je pense que la plupart des gens se sont demandé ce qui allait se passer dans le monde lorsque l'URSS a décidé de laisser les pays devenir libres et s'épanouir à l'intérieur de leur population, de leur culture. Ces changements concernent, bien sûr, l'économie. Avant, c'était le gouvernement qui dirigeait l'économie de A à Z. Les gens n'étaient pas habitués à prendre des initiatives, alors qu'aujourd'hui on vit dans un marché libre.

Pendant une centaine d'années on a dirigé l'économie, d'en haut, et tout à coup on laisse le peuple dans un marché libre. Imaginez les changements qui surviennent et les problèmes que les gens rencontrent. Cela crée des difficultés d'adaptation, et on le constate par les changements qui s'effectuent, principalement en Russie. C'est inquiétant pour les gens qui y vivent, mais c'est aussi inquiétant pour nous qui essayons de collaborer avec eux.

En ce sens, cela devient très délicat au niveau économique de même qu'au niveau politique. Il n'est pas certain que les Russes accepteront de passer du système communiste au système libéral, ou au système de libre entreprise. Il se peut qu'il y ait des problèmes et de l'instabilité pour encore plusieurs décennies. Cela rend la situation des Canadiens un peu difficile, à savoir comment traiter avec eux. C'est dans ce sens-là, je pense, que le comité devra se pencher très sérieusement sur nos relations avec les ex-pays de l'URSS.

Il y a aussi l'Asie-Pacifique. En Asie-Ppacifique, on voit particulièrement le géant japonais, devenu une puissance économique mondiale, réussir à s'imposer avec énormément de succès dans tous les marchés du monde. Il se voit aujourd'hui dans l'obligation de redéfinir ses relations avec ses partenaires commerciaux en Occident.

On voit aussi la Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Singapour, les quatre dragons de l'Asie du Sud-Est, comme on les appelle, qui constituent, avec le Japon, les piliers du développement économique dans la région et de sérieux compétiteurs à l'échelle internationale. Nous aurons aussi à composer avec ces gens, ces pays.

(1605)

Arrêtons-nous un peu pour penser à un pays qu'on a tendance parfois à oublier, mais qui a une population nettement supérieure à tous les autres pays du monde, il s'agit de la Chine.

La Chine est un pays complexe, avec une population de 1,2 milliard de personnes. Elle vit également des changements très importants. Depuis quelques années, on assiste à un important virage économique. L'an passé, la Chine a eu une croissance économique de près de 15 p. 100, en comparaison avec le Canada, qui a une croissance d'environ 1,5 p. 100.

Avec le développement de l'économie de marché, la Chine est en voie de devenir une puissance économique. Certains prédisent que la Chine sera au premier rang des puissances économiques mondiales dès le début de la prochaine décennie. Cela nous avise, comme Canadiens, que nous devrons rajuster nos relations avec la Chine.

J'ai eu le privilège de me rendre au Japon et aux Philippines au mois de janvier dernier où j'ai pu faire certaines observations. J'ai assisté au Forum annuel des parlementaires d'Asie-Pacifique où environ 14 pays étaient représentés. Les grandes discussions, bien sûr, portaient sur la façon dont ces pays vont s'unir et créer, eux aussi, une espèce de pacte ou de libre-échange entre pays d'Asie. Aussi, ils ont des difficultés à comprendre ou à accepter que l'Amérique du Nord se soit unie dans un libre-échange. Cela leur fait peur. Ils veulent aussi avoir leur pacte économique, comme l'Europe, l'Amérique et l'Asie, bien sûr. Les pays de l'Asie, particulièrement ceux de l'Asie-Pacifique et de l'Asie de l'Est ont commencé à tenir des débats et à discuter en vue de créer leur propre pacte économique.

Nous avons aussi observé ce qui se passe actuellement en Asie. Ce sont des pays dynamiques où les gens sont intelligents, instruits et veulent réussir. Et je peux vous dire que la croissance économique de ces pays est assez remarquable. Encore une fois, on devra surveiller de près pour être bien positionnés à l'avenir pour être bien capables d'échanger avec eux, de se développer ensemble et de profiter de leurs connaissances et de leur savoir autant qu'ils pourront profiter des nôtres.

Prenons l'exemple de la situation en Amérique du Nord. En ce qui nous concerne, en Amérique du Nord, nous avons fait des pas de géant, afin d'être en mesure de composer avec la mondialisation de l'économie. Le fait marquant est sans aucun doute l'ALENA, qui nous offre la possibilité de nous intégrer dans un marché nord-américain, un des marchés les plus importants du monde, où environ 350 millions de personnes y vivent.


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Particulièrement pour nous du Québec, je peux vous dire que le libre-échange nord-américain est très important parce qu'à Montréal, par exemple, si on fait un cercle alentour de Montréal, on se rend compte que dans un cercle de 1 000 kilomètres, il y a 100 millions de population, 100 millions de consommateurs, les meilleurs consommateurs du monde. Alors, il faut s'imaginer que la ligne qui sépare les États-Unis et le Québec doit être éliminée le plus rapidement possible pour qu'on puisse être capables de vendre nos produits. On pense très sincèrement que ce sont toujours les plus petits pays et non les grands qui gagnent dans les ententes commerciales, parce que les plus petits, souvent, ont des plus petites entreprises, et les petites entreprises peuvent doubler leur production sans que personne ne s'en aperçoive. C'est comme ça que le Québec va en profiter.

Alors, j'ai été heureux de parler de cet important sujet des affaires internationales, et je serai très actif au sein de ce comité pour que le Québec particulièrement soit bien positionné pour faire face à cette économie mondiale, à ces marchés qui sont de plus en plus ouverts. Je suis convaincu que nous réussirons ensemble, nous, députés intelligents qui représentons ce comité.

(1610)

Mme Maud Debien (Laval-Est): Madame la Présidente, je ne sais pas s'il faut se réjouir de débattre aujourd'hui la motion déposée par le gouvernement visant à créer un comité mixte pour examiner la politique étrangère du Canada. Entendons-nous bien. D'une part, nous sommes satisfaits de pouvoir enfin discuter en cette Chambre des orientations de la politique étrangère canadienne. Nous croyons qu'il est nécessaire d'avoir un débat d'idées et que les parlementaires puissent s'exprimer sur la pertinence des actions passées et à venir du gouvernement canadien à l'étranger.

Les objectifs et les politiques du gouvernement canadien en matière de diplomatie, d'aide extérieure, de sécurité et de commerce international, pour ne nommer que ceux-là, nécessitent effectivement une réflexion. Le Bloc québécois croit qu'une révision d'ensemble de la politique étrangère canadienne est opportune.

D'autre part, la formation du comité mixte que nous propose le gouvernement nous laisse songeurs. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international remplit déjà, nous semble-t-il, le rôle et les mandats que l'on veut maintenant confier au nouveau comité mixte. Le comité permanent peut convoquer des témoins, exiger la production de documents et de dossiers, retenir les services de spécialistes, se déplacer pour recueillir des informations jugées nécessaires et formuler des recommandations sur la politique étrangère canadienne.

Pourquoi alors créer un comité mixte ayant les mêmes fonctions et les mêmes tâches que celles dévolues au comité permanent? Est-ce que le gouvernement se rend compte qu'il alourdit non seulement le processus de prise de décisions, mais également la mise en place de sa politique internationale, et qu'il prend ainsi le risque de rendre le comité moins efficient?

Quant à la présence des sénateurs au comité de révision de la politique étrangère, nous croyons, comme l'a souligné le chef de l'opposition, que ce sont les élus qui doivent définir les grandes orientations d'une politique étrangère. Les membres de l'autre Chambre ne sont pas élus et ne représentent personne.

Évidemment, on pourrait aussi parler de gaspillage et de dédoublement, mais je me rends compte que ce n'est pas un comité de plus qui va ébranler les colonnes du temple bureaucratique et du gaspillage. Peu importe, en cette période de restrictions budgétaires, le gouvernement aurait pu éviter cette duplication de comités.

Autre chose, l'opposition officielle s'interroge sur le fait que le gouvernement canadien a déjà entrepris une révision de la politique de la défense nationale avant même de baliser sa philosophie d'intervention sur la scène internationale. Les liens sont trop étroits entre la politique étrangère et la politique de défense pour que des comités fonctionnent de façon parallèle. Espérons toutefois que ces deux comités mis sur pied par le gouvernement pourront se concerter le plus rapidement possible. Je rêve sans doute!

Quoi qu'il en soit, je pourrais élaborer encore longuement sur ce sujet mais je vais surtout profiter de l'occasion qui m'est accordée pour aborder des thèmes spécifiques de la politique étrangère canadienne.

Comme je l'ai souligné précédemment, une révision en profondeur de la politique étrangère nous semble nécessaire. Au fil des ans, le Canada s'est taillé une réputation qui, dit-on, fait l'envie de plusieurs. Nous devons nous demander pourquoi il en est ainsi et chercher à savoir si l'on peut espérer autant de succès en poursuivant sur la même voie ou s'il faut réorienter nos façons de faire.

(1615)

Trois domaines ont permis au Canada d'obtenir cette réputation enviable sur la scène internationale, à savoir: la participation des troupes canadiennes aux missions de maintien de la paix, l'effort en matière d'aide au développement et, plus récemment, la contribution au respect des droits humains et des droits démocratiques.

La notoriété canadienne dans ces champs d'intervention risque toutefois d'être menacée. Par exemple, le Canada s'était fixé comme objectif de consacrer 0,7 p. 100 de son produit intérieur brut à des programmes d'aide au développement. La réalité actuelle fait en sorte que le gouvernement a effectué à ce chapitre une série de coupures qui a réduit sa participation à 0,4 p. 100 de son PIB. Dès son retour au pouvoir, le gouvernement libéral a poursuivi la même politique que les conservateurs en proposant une coupe supplémentaire de l'ordre de 2 p. 100 dans le budget de l'Aide internationale pour la prochaine année.

Au train où vont les choses, madame la Présidente, la renommée de générosité du Canada que nous avons acquise auprès des pays les plus pauvres risque de disparaître, ou à tout le moins de s'amenuiser. Malgré son énorme problème de finances publiques, le Canada demeure l'un des pays les plus riches. Le Bloc québécois ne croit pas que c'est en s'attaquant aux plus pauvres de la planète que nous réglerons les problèmes actuels. Le rôle du gouvernement du Canada devrait être, entre autres, dans le cadre de la révision de sa politique, de s'assurer que les sommes consacrées à l'aide se rendent vraiment aux populations les plus démunies.

Comme le soulignait aussi le dernier rapport du vérificateur général du Canada, l'aide canadienne n'est pas très efficiente, ni


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efficace. Le Canada doit préciser ses objectifs et ses priorités en matière d'aide et s'assurer que ceux-ci sont atteints aux meilleurs coûts possibles.

Nous de ce côté-ci de la Chambre ne croyons pas que des exemples de gaspillage de fonds doivent justifier un retrait de l'aide. Il faut améliorer le processus, conserver et même accroître l'aide aux pays pauvres parce que les besoins sont toujours aussi pressants. Malgré les efforts consentis, la situation des pays les moins nantis ne s'est guère améliorée.

Comme le rappelait ce matin le ministre des Affaires étrangères, l'écart des richesses s'est même au contraire accru entre les pays riches du Nord et les pays pauvres du Sud. Endettement excessif, surpopulation, pauvreté, exploitation abusive des ressources naturelles, éducation déficiente, mortalité infantile élevée, espérance de vie diminuée caractérisent toujours le quotidien de ces pays.

La Banque mondiale, par exemple, nous indique que la dette extérieure de l'ensemble des pays en développement est passée de 62 milliards de dollars en 1970 à 1 703 milliard de dollars en 1992. Ce sont souvent les grands financiers et les multinationales qui bénéficient le plus d'une telle situation. Ces entreprises peuvent tirer profit des conditions extrêmement difficiles des pays pauvres en surexploitant les ressources humaines et naturelles. Quant aux pays pauvres, ils ne font que s'enliser dans une spirale de pauvreté et de misère.

L'une des plus dramatiques illustrations de cette misère est le problème de la surpopulation. Le taux de croissance de la population atteint 2,9 p. 100 annuellement en Afrique, comparativement à 1,1 p. 100 en Amérique du Nord et 0,3 en Europe. L'indice de fécondité est donc beaucoup plus élevé en Afrique qu'en Amérique du Nord et qu'en Europe. Quatre-vingt-quinze pour cent de l'accroissement de la population mondiale est imputable aux pays en développement.

Il y a 1,18 milliard d'habitants dans les pays industrialisés, comparativement à 4,3 milliards dans les pays en développement.

(1620)

Les projections pour l'an 2025 indiquent que la population des pays en développement augmentera de 3 milliards d'habitants pour se situer à plus de 7 milliards. Les pays les plus riches, eux, verront leur population s'accroître de 0,15 milliard d'habitants pour s'établir à 1,35 milliard de personnes.

C'est la région de l'Afrique subsaharienne, région déjà la plus pauvre du globe, qui connaîtra la croissance démographique la plus élevée. Une explosion démographique est également prévue dans les pays islamiques et pourrait avoir pour effet d'exacerber les problèmes inhérents à la modernisation politique et économique.

Cet accroissement rapide de la population mondiale dans les pays les plus pauvres entraîne aussi trop souvent davantage de pauvreté et de surexploitation des richesses naturelles. Si les projections s'avèrent exactes et que la population mondiale double au milieu du XXIe siècle et atteint 10 milliards, l'expansion de l'économie devra augmenter de 5 à 10 fois pour répondre aux besoins. Ce qui est de bien mauvais augure pour l'environnement mondial.

Les conditions de santé et d'hygiène de ces pays pauvres sont également inquiétantes. Malgré les efforts déployés, l'espérance de vie d'un jeune Nord-Américain est supérieure de 23 ans par rapport à celle d'un jeune Africain. En 1970, ce même écart se chiffrait à 25 années d'espérance de vie de plus pour un Nord-Américain.

Rappelons-nous également que 14 millions d'enfants meurent chaque année des suites de la pauvreté, de la maladie et de la malnutrition. De plus, la maladie du SIDA risque d'avoir un effet sur le processus de développement et d'anéantir plusieurs années d'aide. Sur les 10 millions de cas de séropositivité estimés dans le monde, plus de 65 p. 100 se trouvent en Afrique. Sans notre aide, les pays en développement ne pourront relever le défi d'enrayer la propagation du virus et faire face aux conséquences de cette terrible maladie. Le Canada doit jouer un rôle de leader dans la stratégie de résolution de ce problème.

Nous devons également rappeler que l'enrichissement des pays pauvres est hautement souhaitable, autant pour le bien-être des populations du Sud que pour nous-mêmes. Nous bénéficions largement de l'accroissement des revenus dans ces pays. L'Institut nord-sud estime que, durant les années 1980, la chute du pouvoir d'achat des pays en développement aurait privé le Canada de 180 000 emplois. L'aide au développement ne peut plus être considérérée comme une simple dépense, ce pourrait être également un investissement.

Par ailleurs, en 1986, le Rapport Winegard rappelait que l'aide canadienne était trop liée à des intérêts diplomatiques ou commerciaux et pas suffisamment sur le développement efficace des pays pauvres. Le même rapport soulignait également que l'aide publique au développement devait avoir comme premier objectif le développement des ressources humaines des pays les plus défavorisés et que cette aide soit concentrée dans les pays étant les plus nécessiteux. Une recommandation proposait de confirmer aussi cet objectif d'aide aux plus pauvres dans un mandat législatif.

Le document de la stratégie canadienne de 1988 intitulé Partageons notre avenir a tenté de répondre aux demandes du Rapport Winegard sans que la réorientation fondamentale souhaitée ne soit opérée, les principales raisons de l'échec, semble-t-il, étant les coupures budgétaires opérées à la même époque et l'incapacité de l'ACDI de devenir un véritable organisme d'aide aux pauvres, trop préoccupée qu'elle était à porter attention à l'influence politique et bureaucratique.

(1625)

Malgré les discours et les documents gouvernementaux, l'aide publique n'est toujours pas accordée aux pays, aux régions et aux gens les plus pauvres. On estime à moins de 10 p. 100 du budget de l'Aide canadienne au développement la part qui est consacrée aux domaines prioritaires que sont les soins médicaux, l'enseignement de base et les services d'eau et d'hygiène. À titre de comparaison, souvenons-nous que 62 p. 100 de l'argent consacré à l'aide est dépensé ici même au Canada.

Le gouvernement libéral qui souhaitait une plus grande transparence dans l'élaboration et la mise en place de la nouvelle politique étrangère canadienne nous a mis, lors du dépôt du


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dernier Budget, devant un fait accompli. En effet, le ministre des Finances a annoncé le 22 février dernier que l'aide canadienne serait réduite de 400 millions de dollars au cours des trois prochaines années.

Les Québécois et les Canadiens seront donc appelés à un questionnement important. Voulons-nous continuer à jouir de notre enviable renommée sur la scène internationale? Obnubilés par nos problèmes, avons-nous perdu toute forme de compassion pour les plus démunis de la terre?

Le géocentrisme, qui semble plaire à certains, ignore la dépendance qui existe entre nations riches et pauvres. L'interdépendance est particulièrement remarquable lorsqu'il est question de paix, d'environnement et d'explosion démographique. Si nous cessons aujourd'hui de faire preuve de solidarité humaine et retirons ainsi graduellement notre aide, ce sont des problèmes beaucoup plus considérables que nous risquons d'affronter demain.

J'aimerais élaborer quelque peu sur l'épineuse question de l'environnement mondial. Depuis 1972, les questions environnementales ont été portées sur la scène mondiale à Stockholm, lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain. En 1983, l'Assemblée générale de l'ONU a créé la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, chargée d'enquêter sur les principaux problèmes d'environnement et de développement et d'élaborer des propositions permettant une plus grande coopération internationale dans ce domaine.

La Commission Brundtland, comme on l'appelle, a déposé son rapport en 1987, intitulé Notre avenir à tous. Ce rapport a souligné, une fois de plus, l'urgence d'agir à l'échelle planétaire. Il nous rappelait que la terre se désertifie à raison de six millions d'hectares par an, que 11 millions d'hectares de forêt tropicale sont détruits annuellement, qu'il est possible qu'au cours des 50 dernières années le réchauffement de la terre ait été aussi considérable que durant les 10 000 années qui ont précédé, que l'utilisation du carburant s'est multipliée par plus de 30 au cours du siècle dernier.

Le même rapport en arrivait à la conclusion qu'il fallait favoriser le progrès humain de façon durable et soutenue. Ainsi est né le concept de ce qu'on appelle aujourd'hui le développement durable, c'est-à-dire répondre aux besoins actuels sans hypothéquer ceux du futur.

Depuis ce temps, le Canada a signé cinq ententes environnementales internationales lors du Sommet de la Terre à Rio en juin 1992. Le Canada doit poursuivre ses efforts de promotion du développement durable sur la scène internationale.

J'aimerais en terminant, madame la Présidente, aborder une autre question rapidement, intimement liée d'ailleurs à toutes les précédentes. Il s'agit de la protection des droits humains dans les pays pauvres et en voie de développement où le Canada intervient par le biais de son aide ou par la voie de ses relations commerciales. Les droits de la personne comportent plusieurs facettes dont les principales relèvent des besoins fondamentaux que sont l'alimentation, l'habitation, la santé et l'éducation. Dans plusieurs pays, nous sommes loin du compte.

Le Canada figure au nombre des pays très actifs dans le dossier des droits humains, et nous souhaitons qu'il le demeure.

Le ministre des Affaires étrangères, ce matin, nous a fait partager un beau rêve, celui d'un monde, et je le cite presque textuellement, «où il n'y aurait plus d'arsenaux, de famine, de pillage économique et où les enfants iraient à l'école, auraient un toit et mangeraient à leur faim.»

(1630)

Je voudrais partager le rêve du ministre, hélas les moyens avancés lors de la parution du Budget des dépenses m'ont faite vite revenir sur terre.

[Traduction]

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Madame la Présidente, j'ai écouté avec intérêt les propos de ma collègue selon qui la réputation du Canada dans le monde serait menacée. Dans ses arguments, elle a parlé de la reconnaissance de la triple contribution apportée au monde par le Canada en matière d'aide étrangère, de maintien de la paix et de respect des droits de la personne.

Elle s'est ensuite contentée d'aborder un de ces trois thèmes en faisant clairement comprendre que c'est parce que nous n'avons pas réussi à atteindre notre objectif de 0,7 p. 100 du PIB au chapitre de l'aide étrangère que nous risquons de voir notre réputation gravement compromise.

Je me permettrai de rappeler à la députée que nous ne le cédons à personne dans le monde aujourd'hui quant à nos efforts de maintien de la paix. Nous devons en être très fiers comme nous le sommes sûrement tous. Au chapitre des droits de la personne, là encore, le Canada tient un discours éloquent et se fait le champion d'un meilleur respect des droits humains aussi bien ici au Canada, comme nous le constatons jour après jour dans les réponses du ministre de l'Immigration qui nous reproche de ce côté-ci de la Chambre de ne pas bien accueillir les immigrants au Canada, de même que dans nos efforts pour encourager d'autres gouvernements à respecter les droits de la personne quand ce n'est pas le cas dans leur propre pays. Il y a quelques jours à peine, j'ai évoqué ici à la Chambre la situation dans l'État du Chiapas, au Mexique, dont beaucoup de Canadiens se préoccupent.

La députée a fait allusion à ces trois points. Elle a fustigé le gouvernement en disant que notre aide internationale équivalait à 0,4 p. 100 seulement du PIB et que cela ternissait notre réputation dans le monde. Elle a ensuite parlé de l'interdépendance entre les pays, ce qu'on pourrait appeler le supranationalisme.

Je m'en réjouis et je suis certainement d'accord avec ce qu'elle pense à cet égard. Il est cependant étonnant d'entendre cela de la part de la représentante d'un parti dont le programme politique préconise un retour au nationalisme mesquin du XIXe siècle voulant qu'une nation ne repose que sur le principe que ceux qui parlent une même langue doivent constituer en eux-mêmes une nation, un parti qui cherche à ruiner une nouvelle expérience de nationalisme que représente notre Confédération, un néo-nationalisme que Macdonald et Cartier ont eu, de concert avec de


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nombreux autres Canadiens, le projet de mettre en oeuvre dans notre grand pays.

J'ai écouté avec intérêt la députée et le chef de son parti plus tôt aujourd'hui. Leurs arguments fondés sur un type de nationalisme dépassé depuis au moins un siècle et demi m'ont attristé. Ce qui était un rêve au XIXe siècle est en effet devenu le cauchemar du XXe siècle, certaines des guerres les plus dévastatrices de l'histoire de l'humanité s'étant alors produites. Je me réjouis d'entendre parler autant de l'interdépendance des États, mais je m'étonne que ces observations viennent d'une députée dont le parti a un programme politique extrêmement destructeur, à tout le moins pour le Canada.

Voici la question que je veux poser à la députée: ne croit-elle pas que, si le Bloc québécois arrive à ses fins et que le Québec se sépare du reste du Canada, le Québec sans le Canada et le Canada sans le Québec accompliront certainement beaucoup moins que ce qu'ils auraient pu réaliser ensemble s'ils avaient formé un pays? Ne croit-elle pas que c'est peut-être la plus grande menace qui pèse sur notre réputation internationale et qu'elle vient de son parti?

(1635)

[Français]

Mme Debien: Tout d'abord, madame la Présidente, le député a abordé de très nombreux commentaires par rapport au discours que je viens de prononcer. Je ne sais pas s'il a bien compris ce que j'ai dit. Effectivement, j'ai fait l'éloge de la politique étrangère canadienne dans bien des domaines et je pense que je n'ai rien reproché ou omis à ce titre. Je pense avoir été équitable et je suis ici de bonne foi pour parler de politique étrangère et pour dire au gouvernement ce que je pense devrait être la politique étrangère du Canada, tant que je siégerai dans cette Chambre.

D'autre part, il y a une question sur laquelle je voudrais revenir. C'est que le député a semblé dire que je reprochais au gouvernement, parmi les très peu nombreux reproches que j'ai faits d'ailleurs, de n'avoir affecté qu'un faible pourcentage d'aide au développement, à l'aide publique. C'est parce que je me reportais ici au document du livre rouge où on disait «parmi les engagements du gouvernement libéral de réitérer la promesse du Canada d'effectuer 0,7 p. 100 du PNB au développement international». Mon reproche se situait donc à ce niveau-là, en ce qui a trait au non-respect d'une promesse électorale. Pour le reste, je pense avoir été très généreuse dans mes propos à l'égard de l'ensemble de la politique étrangère canadienne.

En ce qui concerne la dernière question concernant, comment dirais-je, le nationalisme étroit dont le Bloc québécois semble vouloir être prenant, je dirais que le nationalisme, comme vous l'avez mentionné tantôt, vous avez fait appel à la question de langue en parlant de nationalisme, je pense que le nationalisme ne se limite pas à une question de langue. Il est beaucoup plus vaste, il est beaucoup plus large. C'est une culture. D'ailleurs, le chef de l'opposition l'a très bien mentionné ce matin. Je vous ferai remarquer aussi que ce matin, dans le discours du ministre des Affaires étrangères, ce dernier a parlé du nationalisme, c'est-à-dire qu'il n'a pas parlé du nationalisme, il a parlé de l'ultranationalisme, ce que je pense le Bloc n'est pas.

Vous savez, si je regarde aussi dans le contexte de la mondialisation des échanges, de la globalisation des marchés, malgré ce phénomène d'universalisation, nous nous retrouvons en face-le ministre des Affaires étrangères l'a mentionné lui-même ce matin-d'États nations, et vous savez que le Québec se considère comme une nation. C'est dans ce sens que nous parlons de nationalisme, parce que nous nous considérons comme une nation, une nation avec une culture, avec une langue, avec une histoire qui, au départ, est différente de l'histoire, à l'origine, j'entends, du Canada anglais.

Alors, c'est dans ce sens que nous pensons qu'un État nation peut très bien, et on en a la preuve évidente depuis quelque temps, on pense qu'un État nation peut survivre, si petit soit-il, parmi une plus grande interdépendance avec d'autres nations. Je pense que c'est ça la position que le Bloc défend depuis toujours. Ça ne veut pas dire une fermeture au monde, ça ne veut pas dire d'appliquer la théorie de géocentrisme dont j'ai parlé tantôt, au contraire. Je pense que le Québec, depuis toujours, a manifesté une grande ouverture sur le monde, dans l'espoir de devenir une nation un jour et de le demeurer.

(1640)

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je suis désolée, mais la période des questions et observations est terminée.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Madame la Présidente, il y a eu des pourparlers entre les partis, et je crois que vous constaterez que la Chambre consent à l'unanimité à adopter la motion suivante. Je propose:

Que le vote par appel nominal prévu sur la motion sur le budget le mercredi 16 mars 1994 à 18h30 soit différé jusqu'au mardi 22 mars 1994, à la fin de la période prévue pour l'étude des Ordres émanant du gouvernement.
J'ai aussi une deuxième motion à présenter. Je propose:

Que l'heure ordinaire de l'ajournement quotidien soit suspendue aujourd'hui pour permettre la poursuite du débat sur la motion du ministre des Affaires étrangères portant création d'un Comité mixte spécial et sur tout amendement s'y rattachant et que, durant cette prolongation de séance, que la Présidence refuse que des motions dilatoires soient présentées ou que l'absence de quorum soit signalée, et lorsqu'il n'y a plus de député pour prendre la parole, mais au plus tard à 23 heures, que le Président mette aux voix sur-le-champ, sans plus ample débat, toute question nécessaire pour disposer de ladite motion; tout vote sera réputé avoir été demandé et le vote par appel nominal sera différé jusqu'à la fin de la période prévue pour l'étude des Ordres émanant du gouvernement, le mercredi 16 mars 1994, et sur ce, le Président ajournera la Chambre jusqu'au mercredi 16 mars 1994, à 14 heures.
La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre a entendu les motions. Les motions sont-elles adoptées?

Des voix: D'accord.

(Les motions sont adoptées.)


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LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

La Chambre reprend l'étude de la motion et de l'amendement.

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Madame la Présidente, les quelques dernières minutes du débat me donnent à penser que les Canadiens sont fiers du rôle que joue leur pays sur la scène internationale. Nous définissons ce rôle comme celui d'un honnête courtier, d'une puissance intermédiaire qui cherche à faire prévaloir la bonne volonté et la civilité. C'est également un rôle, un symbole qui a fait l'espoir des populations malheureuses qui sont déplacées. Nous sommes particulièrement fiers du rôle qu'ont joué nos politiques sur l'immigration et les réfugiés pour aider à bâtir notre réputation internationale.

Les Canadiens se sont toujours montrés compatissants envers ceux qui fuient la persécution. Ils ont accueilli aussi bien les loyalistes de l'empire que les Hongrois qui fuyaient le communisme ou encore les familles innocentes qui tentaient d'échapper au dictateur sanguinaire de l'Ouganda et, plus récemment, les réfugiés vietnamiens lancés à la dérive sur la mer.

Dans un monde en proie à de profonds bouleversements, nous ne pouvons plus considérer les politiques sur l'immigration et les réfugiés comme une réaction ponctuelle à d'occasionnelles crises internationales. Selon moi, l'immigration et le problème des réfugiés doivent être à l'avant-plan non seulement de la politique étrangère du Canada, mais aussi des initiatives de politique étrangère des pays dit développés.

En outre, je crois que nous devons nous attaquer au problème démographique et susciter une politique internationale cohérente qui tiendra compte des questions et des difficultés importantes dont il a été question à la Chambre aujourd'hui.

(1645)

Cet examen de notre politique étrangère est, selon moi, une initiative des plus heureuses. En outre, il coïncide avec le processus de consultation nationale sur l'avenir de notre programme d'immigration que j'ai inauguré les 6 et 7 mars. Je crois que ces deux initiatives ne doivent pas emprunter deux voies parallèles, mais aller de pair puisqu'elles ont beaucoup de points en commun.

Au moment d'élaborer nos programmes d'immigration, il nous faut, bien sûr, tenir compte des priorités et des préoccupations de nos concitoyens. Cela va de soi. Il faut également jauger la situation internationale, les pressions qui s'y exercent et les changements qui y interviennent. Nous ne saurions exclure nos programmes nationaux de notre objectif qui est de rendre la communauté internationale plus saine et plus compatissante.

Nous avons également besoin d'une grande ouverture d'esprit pour reconnaître que, chaque fois que nous tentons d'aider l'humanité dans un coin de la planète, nous posons en même temps les fondations des ponts qui, un jour, seront plus qu'un signe de bonne volonté, puisqu'ils procureront des avantages sociaux, culturels et économiques aux deux pays.

Je crois qu'en Europe de l'Est, après la chute du mur de Berlin, l'immigration a pu constituer l'un de ces ponts. Il faut non pas encourager une exode des cerveaux, lorsque ces pays cherchent à consolider leur base et à créer une nouvelle société qui soit dynamique et attrayante, mais plutôt essayer de répondre à certaines aspirations de ceux et celles qui veulent immigrer au Canada, dans les régions qui en ont déjà accueillis dans le passé et qui en sont fiers. Je crois que cela transcende l'immigration.

En ce qui concerne l'Europe de l'Est et certains pays qui la composent, il nous faut manifester notre appui maintenant, en cette difficile période de transition, plutôt que d'attendre à la prochaine génération, si nous ne voulons pas passer pour des gens qui entendent tirer parti d'une société qui se lance dans la consommation.

Quelles mesures un pays démocratique, pragmatique et équitable, comme le Canada, doit-il prendre pour aider à trouver de nouvelles réponses dans un monde nouveau? Ces dernières années, nous avons été témoins d'une augmentation sans précédent du nombre des migrants dans le monde. Il y a actuellement au moins 100 millions de migrants en déplacement sur la planète. Il y a près de 19 millions de réfugiés, soit le double d'il y a dix ans. Il y a près de 20 millions de personnes déplacées qui errent dans leur propre pays, dont quatre millions dans l'ancienne Yougoslavie. Les causes fondamentales de cette immigration sont donc nombreuses et force nous est de comprendre et d'examiner les facteurs qui sont responsables de ce déplacement colossal de l'humanité.

Mon collègue de l'autre côté en a effleuré certaines: les guerres civiles, la pauvreté énorme et persistante, la violation massive des droits de la personne, la dégradation de l'environnement, l'absence de débouchés économiques solides et viables, la mondialisation, l'urbanisation, l'amélioration des communications et des transports et, bien sûr, la récession mondiale qui a affecté tant les pays industrialisés que les pays en développement.

Certains voudraient fermer les yeux, d'autres leurs frontières. Aucune de ces attitudes ne mettra fin aux problèmes et n'empêchera la recherche de solutions. En tant que société moderne, nous ne pouvons nous permettre d'avoir un corridor international de portes closes qui ne fera que faire passer les mouvements migratoires par des chemins détournés. Nous ne le pouvons pas. Encore une fois, un corridor international de portes closes ne fera que faire passer les mouvements migratoires par des chemins détournés.

Il est évident que le Canada ne peut à lui seul résoudre ces problèmes. Néanmoins, nous pouvons collaborer avec d'autres pays à la recherche de solutions internationales à un phénomène mondial, celui de la migration. Nous pouvons proposer de jouer ce rôle de leadership, car nous sommes vraiment un pays à caractère international quand nous ne nous arrêtons pas aux traits qui caractérisent notre nation.


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(1650)

Nous sommes un pays à caractère international. Les Canadiens ont des racines partout dans le monde. Nous devrions donc nous réjouir de ce dynamisme et nous demander quel autre pays est mieux placé que le nôtre, dans ce nouveau village global, pour jouer un rôle de chef de file afin d'obtenir un consensus international. Nous ne devrions pas nous laisser faire. Les gens nous reprochent parfois de manquer de fermeté sur la scène internationale. Pourtant, sur cette question de la migration mondiale, nous avons fait preuve de leadership. C'est un fait, bien documenté, et nous en sommes très fiers.

Je n'ai pas l'intention, ici, de chercher à déterminer d'avance les résultats de l'étude que l'on fera des pressions à l'origine de la migration dans le cadre de l'examen de la politique étrangère. Je voudrais plutôt parler de questions qui, je l'espère, seront examinées attentivement par ce comité mixte et par les personnes qui prendront la parole après moi.

Par exemple, tandis que le Canada préconise le droit des gens de quitter des régimes oppressifs, ne pouvons-nous pas aller un peu plus loin et préconiser le droit des gens de demeurer dans leur patrie? Que pouvons-nous faire pour faire de l'émigration une question de choix, et pas seulement une question de désespoir et d'absence d'autres choix? Que peut faire le Canada pour renforcer le rôle du haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qui demande de l'aide pour soutenir ses décisions?

Quand la plupart des réfugiés choisis par les pays occidentaux sont des hommes, que pouvons-nous faire pour en arriver à un équilibre, puisque la plupart des réfugiés, dans le monde, sont des femmes et des jeunes enfants? Que pouvons-nous faire pour favoriser une coopération internationale afin d'examiner les causes mêmes de la migration involontaire? Pouvons-nous trouver de nouveaux moyens pour promouvoir le développement économique, les droits de la personne, la planification de la population et la protection de l'environnement?

Quel rôle peuvent jouer les diverses tribunes internationales, comme le Commonwealth, la Francophonie, l'OCDE ou le G-7, dans l'élaboration d'une politique intégrée de limitation de la population qui n'existe plus actuellement, ce qui laisse un vide énorme?

Quel rôle devrait jouer notre politique commerciale dans la réduction des pressions migratoires? Quel rôle devrait avoir le programme d'immigration canadien dans l'aide aux pays en développement, pour qu'ils puissent stimuler leur économie et utiliser leurs ressources humaines au mieux?

Quel rôle devrait jouer la technologie dans cette équation des pressions migratoires? En sommes-nous au stade où nous devrions considérer l'effet des migrations, comme les effets environnementaux, dans l'établissement de notre politique étrangère ou de notre politique d'aide?

Voilà certaines des questions que je voudrais soumettre à la discussion, car, dans le livre rouge que nous avons présenté durant la campagne électorale, nous nous sommes engagés à adopter une stratégie plus complète en ce qui concerne la sécurité nationale et internationale, le développement durable, la prospérité économique mondiale, l'appui à la démocratie et la résolution des problèmes par le multilatéralisme.

En tant que ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, je vois de plus en plus l'importance critique d'une telle stratégie pour l'administration future et le succès de nos programmes d'immigration.

J'estime que les questions de migration et les pressions migratoires devraient être au centre de notre politique étrangère, alors que nous nous approchons du siècle prochain. Elles seront au programme, par exemple, d'une importante conférence de l'ONU qui se tiendra au Caire, en septembre, la Conférence des Nations Unies sur la population et le développement.

Nous profiterons de cette conférence et des réunions subséquentes pour chercher et trouver de nouveaux types de collaboration mondiale afin que la migration devienne une force positive, plutôt que négative, et un moteur du développement qui servirait les intérêts des migrants ainsi que les aspirations des pays d'origine et des pays de destination.

(1655)

Nous devons coopérer à l'établissement de régimes internationaux plus forts et renforcer la détermination des pays à endiguer les mouvements migratoires internationaux. Nous devons unir nos efforts pour mettre en place des conditions permettant aux populations de rester chez elles et nous assurer que lorsqu'elles sont forcées à chercher refuge ailleurs, la communauté internationale leur est sympathique, et que loin de demeurer indifférente et insensible, elle se préoccupe de leur sort.

La politique étrangère et la politique en matière d'immigration du Canada ont une cause et un terrain communs dans ce partenariat, à la poursuite de cet objectif.

Si on en croit les sondages d'opinion, mon collègue y a fait allusion il y a quelques minutes, les Canadiens sont à la recherche de symboles, d'institutions et d'initiatives leur donnant un but dans la vie et un sentiment de fierté et d'appartenance à ce pays que nous appelons le Canada. Ce débat est un exercice très utile car, au-delà de nos frontières, il embrasse la scène internationale, s'inspire des rêves dont le ministre des Affaires étrangères parlait plus tôt et remplit ce vide que les Canadiens aimeraient nous voir occuper. C'est une force unificatrice.

Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur la façon d'aborder les problèmes internationaux, mais, loin de nous diviser, c'est une force qui nous unit. C'est une réputation qui nous donnerait un sentiment de fierté et viendrait s'ajouter à celle que nous avons déjà en tant que pays compatissant et attentionné. Ce ne sont pas des mots ou des déclarations vides de sens alors que nous essayons d'orienter notre politique interne conformément à un


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rêve international, une version plus douce d'un monde où règne plus souvent le désordre que l'ordre.

À chaque fois que nous faisons des vagues sur la scène internationale, nous donnons l'exemple et nous envoyons des signaux aux autres pays. C'est ça, le multilatéralisme. La façon dont nous abordons cette question n'est pas seulement importante sur le plan interne, mais étant donné notre position de chef de file sur la scène internationale, elle devient doublement importante. Ce que nous faisons dans ce domaine peut avoir un effet sur la façon dont d'autres pays envisageront le problème, et je le dis tout à fait modestement.

Il n'est pas question d'essayer de faire la morale aux autres pays, ni d'essayer de faire du prosélytisme en prétendant que nous détenons le monopole de la vertu et de la perfection. Il ne s'agit pas du tout de cela. Certains Canadiens diront que nous avons suffisamment à faire chez nous. Les pauvres, ruinés par la récession, se demandent pourquoi nous consacrons une journée de débat au Parlement à parler de problèmes qui semblent si lointains. Pourquoi ne pas d'abord régler nos propres problèmes? D'autres se demanderont pourquoi nous continuons à ouvrir la porte aux réfugiés alors que, chez nous, il y a des personnes qui n'arrivent pas à réaliser leur rêve. Pourquoi devrions-nous nous occuper des rêves d'un monde extrêmement complexe et confus?

Nous entendons ces voix. Ce sont des questions délicates. Il n'y a pas toujours de réponses faciles à ce genre de questions, n'est-ce pas? Je pense que d'une part, nous avons le sentiment, en tant que députés, que nous devons tenir compte de ces préoccupations, car si nous nous coupons de la réalité, nous n'avons pas notre raison d'être. Cette institution ne signifie rien à moins que le débat ne devienne réaliste et que les gens puissent communiquer avec nous et par notre entremise.

D'autre part, nous jugeons en outre que lorsque nous arrivons dans cette Chambre, qui est le reflet de notre régime démocratique au Canada, et que nous représentons tout à coup les intérêts de toutes les régions du pays, il nous incombe aussi de ne pas nous préoccuper simplement de nos circonscriptions respectives, mais de nous pencher sur les difficultés qu'éprouvent nos semblables au niveau international, n'est-il pas vrai? Nous n'assumerions pas aussi bien nos responsabilités à titre de députés si nous pensions simplement, par esprit de clocher, à ce que nous pourrions faire dans nos circonscriptions respectives.

(1700)

Nous devons dépasser cela. Il nous faut essayer d'élargir et d'élever le débat et de voir que les problèmes qui affligent le monde nous touchent indirectement. Si nous pouvons tendre la main, parvenir à ces rapprochements, ainsi que chercher ces solutions, nous pouvons aussi nous permettre de nous arrêter de temps à autre pour penser de façon égoïste à ce qui serait bon aussi pour notre pays.

Dans le monde d'aujourd'hui, il est absolument essentiel de tisser des liens. McLuhan a parlé du village global et c'est certes là où nous en sommes rendus maintenant. La rapidité de l'évolution de la situation sur les plans de la technologie et des communications nous force à établir des liens, que nous le voulions ou non.

Les marchés mondiaux appartiendront aux pays qui savent anticiper, faire preuve de créativité dans la recherche de solutions aux vieux problèmes et faire un travail d'avant-garde qui, même s'il constitue une tâche difficile, est profitable.

La simple solidarité humaine nous commande d'essayer d'améliorer le sort du monde. La plupart de ceux qui émigrent auraient préféré rester chez eux. La plupart des immigrants canadiens, dont mes propres parents, auraient préféré rester où ils étaient mais ils ont été forcés de plier bagage et de partir sans trop savoir où ils aboutiraient.

Pourtant, si les députés allaient demander à ces gens quelle est la meilleure décision qu'ils ont prise dans leur vie, neuf sur dix leur répondraient que ce fut leur décision de partir. Aussi pénible que cela ait pu être, la meilleure décision pour ces gens était de plier bagage et d'aller vivre dans un nouveau pays, le Canada. Ces gens sont prêts à défendre leur patrie.

N'oublions pas que des gens quittent encore leur pays et se tournent vers le Canada, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou ailleurs afin de trouver une lueur d'espoir.

J'espère que le débat actuel sur la politique étrangère abordera nos politiques concernant l'immigration et les réfugiés comme un prolongement de notre politique étrangère et qu'il permettra de voir comment le Canada s'occupe des personnes qui doivent quitter leur pays et quelle est la ligne de conduite que nous prévoyons adopter pour l'avenir.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Madame la Présidente, j'ai porté un vif intérêt aux propos de notre collègue, le ministre de l'Immigration. Comme lui, bien sûr, les citoyens de Chambly, ceux du Québec et du Canada, j'en suis persuadé, entreprennent des démarches de pensées qui ne sont pas tellement loin ou distantes des propos du ministre.

En cette Chambre et ailleurs aussi, malheureusement, le ministre nous pose des questions auxquelles j'espère, il veut bien qu'on réponde ou qu'on tente de répondre, parce que dans notre société il y a des sujets tabous. On ne peut pas parler maintenant, ne serait-ce que pour se renseigner, de la question de la peine capitale, de l'immigration ou d'autres sujets qu'il n'est pas «politiquement correct» d'aborder dans notre société, même si on veut, dans le fond, se renseigner et peut-être en arriver à la même solution ou aux mêmes objectifs que ceux que le ministre se fixe ou met de l'avant.

(1705)

Le ministre nous pose des questions. Il nous dit: «Il faudrait que les Canadiens», et j'inclus là-dedans les Québécois, jusqu'à nouvel ordre, «prennent position, s'interrogent». Mais quand on le fait, on n'est pas toujours politiquement correct.

Le ministre nous aborde sur ce sujet en nous prenant par le coeur. C'est sûr qu'il y a des situations tristes dans le monde, il y a des peuples, et on le reconnaît, qui sont vraiment mal pris. Mais j'aurais aimé que le ministre, pour une fois, à titre d'essai seulement, juste une fois, ne nous prenne pas vraiment par le coeur, parce que parfois, nous, Canadiens, notre coeur est allé au-delà de ce que nos moyens nous permettaient. J'aimerais que le ministre nous prenne, pour une fois, par les chiffres et qu'il nous prouve noir sur blanc-et je ne doute pas de son succès-mais j'aimerais qu'il nous fasse la preuve, pas par les tripes, pas par le coeur, mais avec des données scientifiques, économiques, quelque chose de réaliste pour nous prouver comme je le pense,


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et sans doute comme il le pense, que ces sujets sont à l'avantage du Canada. Que l'immigration, oui, c'est à l'avantage du Canada, on ne peut en douter. Notre pays est rendu ce qu'il est grâce à l'immigration et on le reconnaît.

Mais pour faire taire des gens qui parfois, dans notre société, partent avec de fausses prémisses sur ces sujets, j'aurais aimé que le ministre nous explique, du point de vue purement mathématique, comment il en arrive à ce résultat.

[Traduction]

M. Marchi: Madame la Présidente, le député soulève un point intéressant. La question de l'immigration et de la migration des réfugiés en est une qui fait appel aux émotions et je sais que certains députés m'ont déjà accusé d'être un peu trop émotif. Je suppose que je le suis parfois, mais c'est aussi inhérent à ce domaine de la politique gouvernementale fédérale.

Je me risquerais même à dire que c'est probablement le domaine le plus émotif de la politique gouvernementale fédérale car il s'agit de gens qui veulent émigrer vers notre pays, de personnes à qui l'on refuse cette chance; c'est un domaine où le nombre de personnes accueillies et le nombre de familles réunies est limité et les gens sont très émotifs devant ces réalités.

D'une part, la question est source d'émotions, mais d'autre part, le député a raison. Le défi du gouvernement, ici à la Chambre et à titre de Parlement, est de rejeter toute émotivité et de traiter aussi rationnellement que possible toute cette question de l'immigration et du déplacement des réfugiés, que ce soit au Canada ou à l'échelle internationale. Voilà l'objectif de l'exercice que j'ai amorcé les 6 et 7 mars.

Qu'ai-je dit en février, lorsque nous avons annoncé les niveaux d'immigration pour 1994? En plus des chiffres, nous avons aussi parlé de la nouvelle façon de consulter les Canadiens et d'engager leur participation. Je n'essayais pas de flatter superficiellement les gens, mais bien d'intéresser les Canadiens aux faits et aux chiffres et à ce que le député a appelé l'équation mathématique ou scientifique entre l'immigration, les réfugiés et la migration. Je suis heureux de cette façon de penser car c'est justement le but des consultations.

Par exemple, aujourd'hui, durant la période des questions, on m'a accusé de traiter les gens d'ignorants lorsqu'ils formulent une idée contraire à la politique du gouvernement ou à mes propres idées. Je n'ai jamais classé les gens en catégories de la sorte. Je l'ai déjà dit et je le répète, il serait trop facile d'écarter ceux que la question préoccupe. Nous ne devrions pas le faire car leurs préoccupations sont authentiques.

Je ne propose pas qu'on assume et qu'on accepte toutes les perceptions concernant l'immigration, les réfugiés ou les mouvements migratoires. On devrait plutôt tendre à respecter un juste milieu et essayer d'apprendre les uns des autres; on devrait prendre le temps de réfléchir aux faits, laisser de côté les émotions, les perceptions, les mythes et la fiction et parler vraiment des nombres en cause. Je ne crains pas ce genre de débat. Je crois que cela ne peut que mettre en évidence les véritables valeurs qui sous-tendaient, par le passé, la politique d'immigration. J'en suis sûr.

(1710)

Si j'ai une critique à formuler à l'endroit de mes prédécesseurs, ceux qui ont assumé cette charge au cours des dix dernières années, sous le gouvernement conservateur, c'est qu'ils ont établi les politiques sur des mythes plutôt que sur des faits. Ils se sont fondés sur les aspects négatifs, sans tenir compte des aspects positifs.

Évidemment, il y a des problèmes et des motifs d'inquiétude. Les Canadiens sortent de leurs gonds quand ils apprennent que, au pénitencier de Kingston, par exemple, un assassin reconnu revendique le statut de réfugié. Cela met aussi le ministre hors de lui. Mais la demande doit être traitée normalement. J'essaie de rendre le système plus juste, d'un côté, mais je tiens aussi à éliminer les échappatoires qui incitent certains à profiter outrageusement de notre tolérance et qui nuisent à ceux qui présentent une demande de bon droit.

Je tiens donc à ce que la discussion soit établie sur des faits, et non sur des mythes, et qu'on avance des arguments rationnels plutôt qu'émotifs, parce que ce n'est qu'ainsi qu'on fera honneur au sujet du débat actuel.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia-Matane): Madame la Présidente, quand j'ai écouté l'honorable ministre plus tôt, j'avais l'impression d'entendre, il y a bien des années, Martin Luther King. Je notais beaucoup de générosité, beaucoup d'émotion, comme on le disait également, sauf que M. King était un prédicateur et le ministre, lui, a le pouvoir. Mais, concrètement, quand arrive une famille très honorable de Québec qui demande de rester, on s'aperçoit que même avec tout son pouvoir, il est obligé de patiner et ce n'est sûrement pas acceptable, parce qu'il dispose de moyens pour arriver à ses fins.

J'ai quand même une question à lui poser. Ma circonscription de Matapédia-Matane est grande comme un pays. Donc, j'en viens à ma question. Comment se fait-il que les immigrants qui viennent au Canada, habituellement, on les retrouve dans les grandes villes et rarement en régions? Est-ce parce que le chômage est plus élevé chez nous ou pour d'autres raisons?

[Traduction]

M. Marchi: Madame la Présidente, je pense qu'il est plutôt illégitime, comme a tenté de le faire le député, de parler d'injustice de la part de l'actuel gouvernement dans ce cas-ci ou dans un autre.

Une des situations que j'essaie de corriger en améliorant le système, c'est de remettre celui-ci entre les mains du gouvernement et du ministre. Le fait est qu'à l'heure actuelle, toute revendication du statut de réfugié rejetée, qu'elle émane de députés, d'ONG, d'organismes confessionnels ou des médias, atterrit sur le bureau du ministre. Je ne suis pas d'avis que le ministre doive être la personne la mieux qualifiée.

Lorsque les cas se comptent par milliers, par où faut-il commencer pour rendre le processus rationnel et équitable dans l'ensemble? Dois-je réagir simplement parce que le cas est signalé dans les pages du Devoir ou du Toronto Star, puisqu'il ne faut pas oublier qu'il y a 700 autres cas qui ne font pas la une de


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ces journaux? Dois-je réagir quand quelqu'un entame une grève de la faim? Dois-je intervenir quand une personne se réfugie dans une église? Ou bien devons-nous élaborer une politique qui soit équitable pour tous et chacun et dont les décisions soient dictées par le système et non pas par le ministre? J'ai reçu l'appui de mon caucus et de mes collègues du Cabinet à cet égard.

Le député a fait valoir que, en gros, Montréal, Toronto et Vancouver sont les grands pôles d'attraction des réfugiés. Il s'agit pour nous de démontrer que, si l'immigration est un facteur positif, il s'ensuit logiquement que les régions qui ont du mal à s'en sortir sur le plan économique devraient pouvoir tirer parti des avantages que présente l'arrivée d'immigrants. L'équilibre à trouver consiste à favoriser l'immigration vers ces régions, tout en préservant la liberté de circulation et d'établissement que notre Charte garantit à tous et chacun. C'est un défi que nous réussirons à relever, je l'espère.

(1715)

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Madame la Présidente, j'estime déplorable de ne pas avoir pu interroger le ministre après les observations qu'il a faites. Je voulais lui poser une question dynamique. Le ministre devra attendre un autre jour.

Avant d'entamer mon argument principal, permettez-moi de faire une brève observation et de dire que, à mon avis, aucun parti n'a le monopole de l'amour du Canada, du patriotisme, du souci d'améliorer le régime. J'espère que lorsque nous, de ce côté-ci de la Chambre, posons des questions, le ministre les examine en tenant compte de l'esprit dans lequel elles sont posées. Ne possédant pas de nombreuses années d'expérience à la Chambre, nous n'avons peut-être pas autant de facilité que d'autres à présenter nos questions. Quoi qu'il en soit, nous espérons que notre amour du Canada et notre conviction de pouvoir améliorer le régime transpirent dans toutes nos questions, ainsi que dans nos observations et nos discours dans ces débats et ces études.

J'ai eu droit à quelques surprises depuis mon arrivée à Ottawa. Franchement, j'ai été étonné qu'il puisse faire aussi froid à Ottawa. J'y suis arrivé au cours de l'hiver le plus froid de mémoire d'homme. Je présume que je devais m'y attendre. Je suis étonné que les taches de sel sur mes chaussures ne disparaissent jamais. Je suis étonné du coût d'un appartement et de la charge de travail d'un député.

Je suis également étonné, à bien des égards, de constater qu'il y a un grand nombre d'excellents députés dans tous les partis à la Chambre, et je les félicite de leur intérêt pour des débats comme celui-ci, où nous examinons une politique importante et tentons d'en adopter une qui nous conduira jusqu'au XXIe siècle.

J'ai également connu une de mes plus grandes surprises, ces derniers jours, en tant que membre du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je voudrais partager un peu de cet étonnement avec les députés et tous ceux qui nous écoutent aujourd'hui. Les députés seront plus que légèrement étonnés d'entendre certaines choses qui se sont produites ces derniers jours, lors des réunions de cet important comité.

Notre comité entreprend un examen en profondeur de la politique étrangère. Une partie de cet examen se fait ici aujourd'hui. Toutefois, au cours des prochains mois, les députés de ce côté-ci de la Chambre commenceront à commenter la politique étrangère et à parler d'un organisme dont je voudrais traiter aujourd'hui et qui fait partie intégrante de la politique étrangère du Canada.

Cet organisme est chargé de livrer 80 p. 100 de l'aide étrangère et des dizaines de pays se font une image du Canada à partir de leur contact avec cet organisme. Son budget est énorme et la vie de milliers, même de centaines de milliers de gens en dépend. L'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, est une organisation très importante qui entre dans le cadre de notre politique étrangère.

Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de l'ACDI. Cette agence relève, bien sûr, du ministère des Affaires étrangères. Elle a été créée en 1968 et disposait alors d'un budget de 279 millions de dollars. Aujourd'hui, son budget excède 1 milliard de dollars. Elle emploie 1 300 personnes et a des projets dans 115 pays du monde. Ces faits ne me surprennent pas.

Ce que je trouve vraiment incroyable, ce sont les faits essentiels que nous ignorons au sujet de l'ACDI. Quel est son mandat? Nous l'ignorons. Dans combien de pays et dans quel genre de pays est-elle censée travailler? Nous l'ignorons. Quel type d'aide est-elle censée assurer? Nous l'ignorons. Fait-elle du bon travail? Nous l'ignorons également. Nous n'en avons pas la moindre idée.

Les quelques réponses que nous avons sont tout aussi surprenantes. En vertu de quelle loi l'ACDI a-t-elle été créée? En vertu d'aucune loi. L'ACDI est une création du Cabinet. Est-elle directement responsable devant le Parlement des milliards de dollars qu'elle dépense chaque année? Pas du tout. Y a-t-il la volonté politique de faire en sorte qu'elle le soit? La réponse est simple. C'est non. Je tiens cela du ministre lui-même qui me l'a dit jeudi dernier.

Le ministre a comparu devant le Comité permanent des affaires étrangères pour lui faire part des prévisions. Je lui ai demandé s'il trouvait problématique qu'il n'y ait pas de loi définissant le mandat de l'ACDI. Il m'a répondu, avec la prudence politique habituelle, que les lois étaient utiles, mais pas nécessaires. Il a ajouté que les lois pouvaient devenir un obstacle.

Si je lis entre les lignes, cela peut vouloir dire que le gouvernement n'a peut être pas envie que l'ACDI relève directement du Parlement parce que la loi est de nature restrictive. Elle dit qu'il y a des activités que nous ne pouvons réaliser ou auxquelles nous ne pouvons participer. Cela peut aussi vouloir dire que, si nous établissons une loi conférant, par exemple, à l'ACDI un mandat humanitaire, nous ne pourrons plus nous servir de cette organisation comme levier politique ou commercial pour défendre les intérêts du Canada. L'introduction d'une loi ne nous permettrait plus de manipuler autant l'ACDI.


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(1720)

Ce serait un peu plus acceptable s'il n'y avait pas d'aussi graves problèmes à l'ACDI, des problèmes qui ne peuvent être résolus que par une loi. Le vérificateur général, dans son dernier rapport, a consacré tout un chapitre à cette agence et y expose des lacunes systémiques qui ne pourront être comblées que par l'adoption d'une loi appropriée.

Le vérificateur général dit que le premier problème est celui des conflits entre les objectifs. Certains voient l'ACDI comme un instrument des entreprises canadiennes, d'autres comme un agent de l'aide humanitaire. L'ACDI elle-même ne sait pas ce qu'elle est censée faire. Elle essaie alors de plaire aux deux bords et, en fin de compte, ne fait rien efficacement.

L'organisme est tout simplement trop éparpillé. Ses activités sont trop étendues dans de trop nombreux pays où l'on fait trop de choses pour être vraiment utile quelque part. Nous devons cibler beaucoup mieux notre aide étrangère.

Le vérificateur général dit que l'ACDI est trop bureaucratique. Rien de surprenant à cela quant on sait qu'elle a 1 300 employés, mais que 125 seulement sont en poste à l'étranger. Ce fut une grande surprise pour moi. Cela signifie qu'il n'y a guère qu'un représentant de l'ACDI par pays.

Le mode de gestion de l'ACDI est également inapproprié. Par le passé, elle a surtout entrepris des projets matériels, comme la construction de ponts ou de routes, ce qui fait que ses chefs de projet connaissaient bien ces activités. Aujourd'hui, les activités sont beaucoup plus diversifiées et peuvent comporter la prestation de conseils politiques ou le développement des ressources humaines. Ses compétences administratives, par contre, n'ont pas évolué avec les activités, ce qui fait que le personnel de l'agence n'est pas toujours à la hauteur des nouvelles tâches, en évolution constante, qu'on lui demande d'accomplir.

Le vérificateur général dit que l'ACDI devrait mieux rendre compte de ses activités. Je pouvais à peine le croire quand j'ai lu que lorsque l'ACDI signe avec un gouvernement étranger une entente visant la réalisation d'un projet, elle n'est pas tenue d'indiquer les résultats requis dans cette entente. Il n'y a aucun contrôle indépendant du projet sur place et aucune limite budgétaire précise. Aucune prescription de la loi n'impose une évaluation de la contribution de l'ACDI et la présentation d'un rapport sur les résultats directement au Parlement.

Tout cela est bien théorique, mais en pratique, madame la Présidente, quels problèmes découlent de ces faiblesses? Je ne citerai qu'un seul exemple.

Le vérificateur général s'est efforcé de nous expliquer la situation du Bangladesh où le Canada a dépensé environ 2 milliards de dollars au cours des 25 dernières années. Dans un village, les fonctionnaires ont compté plus de 80 groupes d'aide internationale différents et le vérificateur général commente cela en disant: «Ce pays ne pouvait absolument pas absorber et utiliser de façon rentable toute l'aide au développement qu'il recevait déjà de multiples pays donateurs».

Le Bangladesh reçoit encore 40 p. 100 de tout le financement de l'ACDI. Il n'est pas plus près de l'autonomie qu'il ne l'était il y a 25 ans et aucune mesure n'a été prise pour déterminer si ce pays devrait demeurer la première priorité du Canada.

Il s'agit de problèmes importants. Si l'on veut les résoudre, les Canadiens devront répondre à une question plus profonde, plus philosophique relativement à l'ACDI, une question qui touche au coeur de notre caractère national. Nous devons nous assurer qu'ils répondent à cette question fondamentale avant que nous n'adoptions des lois permettant à l'ACDI de résoudre ses propres problèmes, sinon, cette agence ne pourra jamais devenir efficace.

Depuis un quart de siècle, l'ACDI est la scène d'une lutte intestine ayant pour objet les motifs de l'aide accordée par le Canada aux pays étrangers. Les problèmes dont j'ai parlé plus tôt ne sont que les symptômes d'une lutte plus importante. Notre motivation devrait-elle être d'aider les pauvres, sans rien attendre en retour, ou bien de profiter d'une façon ou d'une autre de cette aide, sur le plan commercial, en ne l'accordant qu'en échange de considérations commerciales?

Si nos motifs sont d'aider les pauvres, nous devons prendre conscience du fait que nous ne rentrerons jamais dans nos frais au sens strictement économique. Si nous voulons que l'économie canadienne profite de l'aide que nous accordons à l'étranger, nous nous désintéresserons probablement des pauvres au détriment des nations plus riches susceptibles d'accroître leurs échanges commerciaux avec le Canada, qui ne s'en retrouvera que plus riche.

En 1987, le Comité permanent des affaires étrangères publiait un rapport, appelé le Rapport Winegard, qui a remporté un franc succès, et qui faisait état des nombreux problèmes administratifs dont j'ai déjà parlé, mais qui s'attaquait également à la question plus fondamentale du rôle de l'ACDI. Ce rapport avait pour titre Qui doit en profiter?, ce qui implique la question suivante: «Qui aidons-nous?» Cherchons-nous réellement à aider les autres ou l'aide que nous accordons n'est-elle qu'une façon déguisée de servir nos intérêts?

(1725)

En 1987, ce même comité a précisé clairement sa position sur l'aspect humanitaire, par opposition à économique, de son aide. Il a proposé en tout premier lieu que le gouvernement adopte une charte législative d'aide au développement dans le cadre de son programme d'aide au développement.

Il a recommandé une mesure législative et quel était donc, selon lui, le premier principe qui devait figurer dans cette charte? Il s'agissait d'abord et avant tout de s'assurer que l'aide au développement du Canada s'adresse aux pays et aux gens les plus pauvres de la planète. Le comité a défendu cet aspect humanitaire de l'aide extérieure et le gouvernement conservateur de l'époque n'a accordé qu'un intérêt de façade, selon moi, à 98 des 115 recommandations figurant dans le rapport Winegard.

Durant la dernière campagne électorale, le Parti libéral s'est, lui aussi, engagé à se préoccuper des questions humanitaires. Le gouvernement semblait être cohérent dans son appui des objec-

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tifs humanitaires et, dans son désir de réformer l'ACDI, mais rien n'est accompli dans les faits, car la question fondamentale n'a jamais été réglée au moyen d'une mesure législative.

La présidente de l'ACDI a fait part à notre comité permanent de la lutte continue à ce sujet, il y a une semaine à peine. Je la plains. Elle essaie de son mieux de servir deux maîtres à la fois. D'un côté, elle tente de satisfaire ceux qui se préoccupent des questions humanitaires, en parlant des réalisations de l'ACDI dans les pays les plus pauvres du monde, et il est vrai qu'on est parvenu à d'excellents résultats dans ces pays, mais d'un autre côté, elle essaie de plaire aux gens qui s'inquiètent davantage des questions commerciales, en faisant valoir avec une certaine fierté que 60 p. 100 de l'aide étrangère versée par l'ACDI est dépensée, en fait, au Canada, afin d'aider des entreprises canadiennes. C'est là une contradiction directe à laquelle il faut mettre un terme.

Rien d'étonnant à ce que les membres de la communauté d'aide internationale en restent confondus. De toute évidence, des pressions intérieures sont exercées pour qu'on utilise l'ACDI à la défense des intérêts commerciaux du Canada.

Le rapport Carin, comme on l'appelait, avait été l'objet de fuites venant du ministère des Affaires étrangères, à la fin de 1992. Ce rapport définissait l'ACDI comme un moyen de promouvoir les intérêts et les valeurs du Canada à l'étranger. Il conseillait au gouvernement d'aider plutôt les nations plus riches, comme la Russie, parce que cela augmentait nos chances d'y développer nos relations économiques. Ce rapport n'a jamais été mis en oeuvre, mais la tendance est claire.

Ce problème, ainsi que les complications administratives que j'ai mentionnées, sont évidents et se posent depuis longtemps. Les problèmes et un bon nombre de solutions étaient clairement exposés dans le rapport Winegard, il y a près de dix ans. Pourtant, le dernier rapport du vérificateur général donne souvent l'impression d'être une reprise de ce même rapport Winegard.

Le gouvernement manque toujours de volonté politique, comme j'ai pu le constater en discutant avec le ministre, la semaine dernière. Ce manque de volonté est attribuable à l'antagonisme dans les principes directeurs de l'ACDI-l'aide ou le commerce. J'ai entendu dire que deux ministres successifs-les deux derniers, en l'occurrence-ont mordu la poussière pour avoir tenté de changer l'ACDI. J'ai aussi entendu parler de nombreuses personnes influentes et bien intentionnées qui se sont frappées à un mur quand elles ont tenté de réformer le système pour le bien des contribuables canadiens et de ceux qui souffrent de la famine, à l'étranger. Nous avons besoin de plus de leadership, sinon les problèmes resteront les mêmes.

Le Parti réformiste du Canada offre de mettre son leadership à contribution, à cet égard. Je tiens à ce que la position de notre parti soit bien claire. Comme les députés le savent bien, le Parti réformiste demande qu'on diminue l'aide étrangère, tout simplement parce que le Canada n'a plus les moyens de dépenser comme il le faisait autrefois. Les réformistes s'inquiètent du sort des démunis, mais ils refusent de ne pas tenir compte de tout le contexte entourant notre incapacité de payer, et de ne pas se pencher sur les réformes dont l'ACDI a un urgent besoin.

Le Parti réformiste entend fort bien l'appel des pays du tiers-monde. Dans ces pays, chaque jour, 34 000 enfants meurent de faim ou de maladie et 800 millions souffrent de malnutrition. Par contre, nous sommes tous au courant que dans l'indice du développement humain des Nations Unies, le Canada occupe la deuxième place sur 172 pays. Cette position privilégiée comporte une lourde responsabilité unique et les Canadiens ne peuvent absolument pas fermer les yeux devant la dure réalité à laquelle d'autres sont confrontés.

Nous recommandons donc que l'ACDI ait le mandat clair d'aider. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je regrette de devoir vous interrompre. Nous reviendrons à votre intervention quand la Chambre reprendra ses travaux.

Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton pour aujourd'hui.

_____________________________________________


2315

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell) propose: Que le projet de loi C-214, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse: groupe d'âge), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à la Chambre le projet de loi C-214 et d'en recommander l'adoption. L'objet du projet de loi est de modifier le Code criminel afin d'interdire l'importation du jeu de société appelé le jeu du tueur en série.

[Français]

Je voudrais commencer mon intervention en décrivant à tous mes collègues parlementaires un peu ce jeu que l'on nomme The Serial Killer Board Game ou le jeu de société Serial Killer. Ce jeu est du style jeu de Monopoly et vient dans un sac mortuaire, un body bag, qui pourrait contenir un enfant. Le jeu comporte 25 figurines de bébés et quatre figurines de meurtriers. Le but du jeu est bien sûr, en jouant, semble-t-il, de commettre le plus grand nombre de meurtres possible afin d'accumuler le plus de cadavres de bébés et ainsi remporter la partie. Le gagnant est donc le meilleur meurtrier.

Le jeu contient aussi une carte des États-Unis, et les États qui n'ont pas la peine capitale sont d'une couleur différente. Pour un gros meurtre, un joueur amasse trois cadavres de bébés, pour un moins gros meurtre, un cadavre simplement.

Voici des exemples de cartes qu'un joueur peut utiliser dans ce jeu.

[Traduction]

«Il est dangereux de faire de l'auto-stop. Quelqu'un aurait dû avertir la jeune fille.» Voici une autre citation que l'on retrouve sur l'une des petites cartes que contient le jeu. «Cette tranquille résidence universitaire pourrait se transformer en maison des horreurs lorsque vous la visiterez. Toutefois, le campus grouille de flics. Soyez prudent.»


2316

[Français]

Le jeu est inspiré des actes de John Wayne Gacy, qui a été trouvé coupable de 35 meurtres aux États-Unis.

Je voudrais vous parler brièvement de l'opinion publique concernant ce jeu. Les Canadiens, je le soumets humblement à cette Chambre, ne veulent pas de ce produit. La plupart des Canadiens qui sont des gens raisonnables d'ailleurs, veulent interdire ce jeu. J'ai déposé dans les derniers jours au-delà de 105 000 pétitions dans cette Chambre. Plusieurs autres collègues en ont déposé également, et surtout au Québec, plusieurs enseignants et enseignantes, commissions scolaires font circuler la pétition, que j'ai rédigée moi-même il y a déjà deux ans.

Je dois indiquer à cette Chambre, madame la Présidente, que j'ai également, plusieurs autres pétitions à mon bureau. J'ai l'intention de les déposer dès que le greffier aux pétitions aura eu l'occasion de les revoir et de donner l'approbation nécessaire pour que je puisse ensuite les présenter à cette Chambre.

Au moment où on se parle, rien n'empêche l'importation du jeu au Canada. En 1992, à la suite des pressions faites en cette Chambre, à la suite des manifestations de plusieurs Canadiens et Canadiennes, la compagnie Diamond Comic Distributors, distributrice du Serial Killer Board Game au Canada, a décidé de ne plus distribuer le jeu ou d'abandonner ses droits de distribution. La raison pour cela, je pense, est évidente. Après tout, si on est distributeur de bandes dessinées, on ne doit certainement pas se mettre les parents à dos. Donc la compagnie, s'apercevant de la controverse, a cru bon d'abandonner tous ses droits de distribuer ce produit. Mais on ne perd rien pour attendre. S'il y a un profit à faire, s'il y a une piastre à faire, comme on dirait, tôt ou tard arrivera un autre distributeur pour distribuer de façon massive le produit ici au Canada.

L'ancien ministre du Revenu national, l'honorable Otto Jelinek, a même admis dans une lettre, et j'en ai fait part à mon homologue de l'opposition officielle, que rien dans le Code criminel n'empêche présentement l'importation du produit en question au Canada.

(1735)

Il n'existe pas de loi qui puisse permettre aux douaniers d'empêcher le jeu de pénétrer les frontières canadiennes. Il y a donc, et je le soumets humblement à cette Chambre, un besoin urgent de se doter d'une loi, pour empêcher l'importation du jeu en question.

[Traduction]

Le 11 février, j'ai déposé à la Chambre le projet de loi C-214, Loi modifiant le Code criminel du Canada. C'est cette mesure législative que nous étudierons cet après-midi. Je demande à mes collègues d'adopter ce projet de loi afin de prendre les mesures nécessaires pour interdire l'importation du jeu du tueur en série.

Le projet de loi que j'ai déposé à la Chambre est fort simple. Il ne vise en fait qu'à ajouter un seul mot au Code criminel. Je vous expliquerai cette modification en détail sous peu. Le projet de loi C-214 tend à modifier les dispositions du Code criminel qui portent sur la propagande haineuse. À l'heure actuelle-et cela n'étonnera personne-si le jeu du tueur en série préconisait de détruire, de blesser ou de tuer des gens en raison de leur race, de la couleur de leur peau, de leur religion ou d'autres considérations de ce genre, il ne pourrait pas franchir nos frontières.

Toutefois, comme les bébés existent par définition dans toutes les races et peuvent avoir la peau d'une couleur ou d'une autre, et ainsi de suite, ce critère ne peut pas être invoqué pour stopper l'importation du jeu du tueur en série. À l'heure actuelle, la disposition relative à la propagande haineuse prévoit que personne ne peut fomenter la haine contre un groupe identifiable, et un groupe identifiable se définit comme étant un groupe qui se différencie des autres par le sexe, la couleur de la peau, l'origine ethnique, la religion, et ainsi de suite. Or, on ne semble disposer d'aucun moyen à l'heure actuelle pour stopper l'importation du jeu du tueur en série,

Mon projet de loi vise à ajouter à cette liste de considérations, celle de l'âge. Le mot «âge» y est donc ajouté. Autrement dit, les bébés sont par définition à peu près du même âge-sinon ils ne seraient évidemment pas des bébés-et ils formeraient donc un groupe qui se différencie par l'âge. Une jurisprudence s'établirait quant au moment où un être humain est un bébé aux fins de ce projet de loi. Néanmoins, elle servirait à déterminer quand un tel critère pourrait être invoqué.

De toute manière, la mesure que je présente ici cet après-midi interdirait de préconiser, de promouvoir et de glorifier la violence contre les bébés.

[Français]

Présentement, comme je l'ai dit, l'article 318 du Code criminel interdit à toute personne de fomenter le génocide, et c'est de cela qu'on parle. Si mes collègues ont devant eux une copie du Code criminel, je vais citer les alinéas 318(2)a) et b).

a) le fait de tuer des membres du groupe;
Le fait de tuer un membre d'un groupe identifiable. Ou

b) le fait de soumettre délibérément le groupe à des conditions de vie propres à entraîner sa destruction physique.
devient du génocide.

«Groupe identifiable» comprend certains groupes qu'on peut distinguer par la race, la religion, l'ethnicité, etc. Comme je viens de le dire, l'article du Code criminel que je propose permettrait d'ajouter une nouvelle catégorie, celle du groupe d'âge.

En conclusion-et j'aimerais faire mes commentaires un peu plus brièvement que les 20 minutes qui me sont allouées, afin de permettre à un plus grand nombre de députés de s'exprimer-il ne s'agit pas aujourd'hui d'un dossier partisan, mais d'un dossier de société, qui est important, et je pense que le plus grand nombre possible de parlementaires devraient pouvoir s'exprimer sur ce sujet.

Madame la Présidente, j'aimerais vous dire, ainsi qu'à mes collègues, qu'à plusieurs reprises j'ai fait connaître à la Chambre des communes mon opinion au sujet de l'importation du Serial Killer Board Game. Je le dis et je le répète, je crois que l'idée de


2317

ce jeu, qui consiste à recueillir le plus grand nombre de cadavres de bébés, est répugnante.

(1740)

Elle l'est non seulement pour moi, mais pour tous les parlementaires ainsi que pour tous les Canadiens et Canadiennes.

Enfin, je veux vous laisser peut-être de quoi réfléchir. Imaginez-vous, madame la Présidente, un parent d'un nouveau-né, vos voisins qui s'amusent à côté à jouer au Serial Killer Board Game et à recueillir des figurines de cadavres de bébés. N'aimeriez-vous pas que le gouvernement intervienne pour bannir ce jeu?

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Madame la Présidente, la propagande haineuse est l'une des formes les plus méprisables de la bêtise humaine. Ceux qui l'utilisent inconsciemment n'ont rien appris de l'histoire. Ceux qui la propagent en toute connaissance commettent un crime contre l'humanité.

Elle se dissimule facilement sous les discours les plus innocents; elle abuse de la protection constitutionnelle de la liberté d'expression; elle se moque du jugement social qui la réprouve.

En réalité, la propagande haineuse ne se définit pas, elle se voit, elle s'entend, elle se mesure par l'effet provocateur des paroles et des gestes de ses auteurs. Elle échappe aux nuances de notre droit démocratique. Chaque fois que nous légiférons pour la réprimer, elle reparaît sous une forme nouvelle, insoupçonnée, vigoureuse.

Depuis 1970, notre Code criminel contient quelques dispositions timides sur la propagande haineuse. Les articles 318 et 319 couvrent des cas d'incitation au génocide et à la haine contre certains groupes de personnes que la loi qualifie d'«identifiables». Le Code actuel définit l'infraction par le groupe auquel appartient la victime. Cela ne tient pas compte des réalités historiques et sociales.

Toute forme de propagande haineuse dirigée contre tout groupe social par quiconque devrait être radicalement combattue. Le Code actuel ne retient que les actes posés à l'égard des groupes qui se distinguent par la couleur, la race, la religion ou l'origine ethnique.

Ainsi, par exemple, l'âge, la langue, le sexe, l'orientation sexuelle, le milieu et la condition sociale, les convictions politiques, la profession, l'état civil ou le mode de vie des individus composant un groupe social ne sont pas des facteurs d'identification de victimes de propagande haineuse.

Je crois que de telles restrictions à quelques groupes de victimes ne se justifient pas lorsqu'on traite d'un crime contre l'humanité tout entière. Plutôt que de désigner quelques groupes «identifiables», la loi devrait interdire toute forme de propagande haineuse à l'endroit de n'importe quel groupe. Un appel au meurtre des femmes, des assistés sociaux ou des homosexuels ne se distingue pas d'un appel au meurtre des juifs, des catholiques ou des musulmans. Dans sa forme et dans ses effets, la haine sociale rejoint la haine universelle.

Je suis donc d'accord avec le député de Glengarry-Prescott-Russell sur l'esprit de l'amendement qu'il propose par le projet de loi C-214. Je ne puis toutefois donner mon accord au projet même, parce qu'il reconnaît implicitement que la loi ne protégerait que certaines catégories de personnes, alors qu'elle devrait être d'effet universel.

Ce projet de loi reprend d'ailleurs les projets de loi C-204 du 18 décembre 1988 et C-207 du 7 avril 1990, qui visaient aussi l'addition de l'âge comme facteur de différenciation, et le projet de loi C-326 du 27 juin 1990, qui ajoutait à ce titre le sexe et l'orientation sexuelle.

Le projet déposé par le député de Glengarry-Prescott-Russell ajoute l'âge comme facteur distinctif d'un groupe de victimes, alors qu'il nous faut proposer l'abolition des désignations restrictives des «groupes identifiables» pour élargir la protection de la loi à toute la société. En réalité, ce projet de loi confirme le caractère restrictif de la loi actuelle.

(1745)

D'autre part, la présentation de ce projet de loi nous permet de discuter en cette Chambre de l'effet réel de notre législation sur la propagande haineuse en regard du jugement rendu l'an dernier par la Cour suprême dans l'affaire Zundel, et en 1990, dans l'affaire Keegstra. Nous savons que la cour d'appel de l'Alberta devait entendre un nouvel appel de Keegstra le 2 février 1994 et que son jugement n'est pas encore connu.

Contrairement à l'accusation déposée contre Keegstra, Zundel n'était pas inculpé sous la section de la propagande haineuse, mais sous l'ancien article 181 qui interdisait la diffusion de fausses nouvelles. Nous savons tous que Zundel niait la réalité de l'holocauste juif et que ses propos transpiraient du racisme qui les inspirait.

Les motifs de Zundel auraient pu faire l'objet de l'examen de son intention coupable. Cependant, pour la majorité de la Cour suprême, l'article 181 était invalide en regard de la Charte et, peu importe ses motifs, Zundel devait être acquitté. Dans sa décision, la Cour ne manque pas de rappeler qu'elle avait jugé, quelques années auparavant dans l'affaire Keegstra, que «la propagande haineuse était protégée par l'article 2b) de la Charte». La cour ajoutait que «toutes les communications qui transmettent ou tentent de transmettre un message sont protégées par l'alinéa 2b) de la Charte», sous la seule exception que la transmission physique du message soit par ailleurs acceptable.

Notre Charte des droits et libertés protège malheureusement ces fanatiques et ces farfelus de la trempe de Zundel qui peuvent cracher leurs folies et leurs insanités en toute impunité. Dans l'état actuel du droit, quel sort ferait la Cour suprême à l'article 318 qui n'a pas encore passé le test judiciaire, on le sait?

Par ailleurs, je sais que le dépôt de ce projet de loi est motivé par l'importation prochaine et présumée au Canada d'un jeu de société dont je tairai le nom. Personne n'a encore vu ce jeu. Je crois que la panique qui inspire certains groupes vigilants fait plutôt l'affaire des promoteurs qui profitent ainsi d'une vaste publicité inespérée. Si ce jeu existe vraiment, il est odieux et


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devrait être interdit à la douane ou saisi par la police. Je pense que d'autres dispositions du Code criminel, si elles étaient amendées, permettraient en effet de telles interventions.

Je ne veux pas verser dans la discussion juridique sur des concepts qui échappent à la population. Je porte toutefois à l'attention du député et de cette Chambre que le Code contient déjà des dispositions qui interdisent la distribution d'histoires illustrées de crime, dans la section des infractions qui tendent à corrompre les moeurs.

L'article 163(1)b) du Code criminel rend coupable d'une infraction quiconque met en circulation une histoire illustrée de crime, mais je conviendrai avec le député que la définition de l'objet de l'infraction est très imparfaite et que les officiers des douanes ou la police ne pourraient pas facilement agir.

Le jeu visé par le projet de loi met en scène, par des dessins ou des photos, des cas de meurtres en série d'enfants. Je proposerais l'alternative d'amender la définition de l'article 163(7) pour inclure tout matériel reproduisant des actes criminels par des illustrations. Je crois que ces dispositions seraient plus efficaces et plus valides, sur le plan constitutionnel, pour empêcher la diffusion d'un tel jeu qu'une addition aux catégories restreintes des articles portant sur des messages de propagande haineuse déjà protégés par la Charte.

Enfin, je suis loin d'être persuadée que, même avec l'amendement proposé par mon confrère, un tel jeu puisse entrer dans la définition des messages visés par l'article 318 ou l'article 319.

Pour ces raisons, même si je suis parfaitement d'accord sur l'esprit qui anime le député de Glengarry-Prescott-Russell, je ne puis souscrire aux effets des amendements qu'il propose et encore moins croire à leur utilité sur le plan pratique. Comme le législateur ne légifère pas pour ne rien dire, je crois que le projet de loi C-214 devrait être purement et simplement renvoyé.

(1750)

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Madame la Présidente, j'interviens dans le débat pour donner mon appui au projet de loi C-214. Je crois que la députée qui vient de parler avait raison. Le projet de loi comporte des lacunes. Pourtant, nous ne pouvons pas modifier tout le Code criminel et corriger tous les problèmes du système de justice pénale en une seule fois.

J'appuie le projet de loi. Cependant, je le fais un peu à regret. Cela m'attriste de penser que nous devons tenir un débat sur un tel sujet, que nous devons discuter de la question de savoir si nous devrions, oui ou non, modifier le Code criminel pour mettre un frein à la prolifération de ce qui m'apparaît obscène et immoral.

Je voudrais dire en quelques mots ce que je sais du jeu du tueur en série. Ce jeu a été inventé par Tobias Allen, de Seattle, Washington, qui s'est inspiré de John Wayne Gacy, un tueur en série condamné à mort, et maintenant en attente de l'exécution de sa sentence, pour avoir tué, si j'ai bien compris, 33 enfants aux États-Unis. Le but du jeu est de tuer le plus d'enfants possible. Ce jeu est présenté dans un sac à dépouilles et les pions ont la forme de bébés morts.

À mon avis, il n'y a pas d'hésitation possible, la réponse est claire. Je crois, d'après le nombre de lettres et de pétitions reçues par les députés actuels et par leurs prédécesseurs, que tout débat sur la question est inutile pour les Canadiens. Nous devrions empêcher la vente du jeu du tueur en série au Canada et protéger les cerveaux impressionnables de nos enfants.

Je n'arriverai jamais à comprendre quel genre d'esprit tordu peut imaginer un jeu aussi répréhensible et horrible, un jeu qui glorifie le meurtre de bébés, les trésors les plus précieux et les plus vulnérables du monde, d'innocentes victimes de crimes haineux commis au Canada et dans d'autres pays.

Ne sommes-nous pas ici pour protéger nos enfants de la haine et de la violence insensées qui existent partout dans le monde et qui se répandent dans notre propre pays? Je n'arrive pas à comprendre comment quelqu'un peut trouver divertissant un jeu qui représente le meurtre de bébés. Que quelqu'un puisse soutenir l'importation et la vente d'un jeu aussi immoral dépasse tout entendement.

Je prends la parole aujourd'hui pour appuyer une modification au Code criminel qui démontrera à l'inventeur et au fabricant américains de ce jeu qu'il n'a pas sa place dans un pays où les normes de la moralité ne permettent pas l'exploitation d'enfants, et pour renforcer l'engagement que j'ai pris envers les électeurs de ma circonscription d'aider à rétablir le bon sens dans un système de justice qui ne protège plus nos possessions les plus chères, c'est-à-dire nos enfants.

Le député de Glengarry-Prescott-Russell a présenté le projet de loi C-214, qui vise à modifier le paragraphe 318(4) du Code criminel pour y inclure l'âge. Cela semble être le seul moyen efficace d'empêcher l'importation du jeu du tueur en série, puisque ce serait considéré comme de l'importation de propagande haineuse.

Actuellement, les enfants ou les personnes âgées ne sont pas protégés aux termes du paragraphe 318(4) du Code criminel parce qu'ils ne constituent pas un groupe identifiable. Cette disposition du Code criminel s'applique uniquement à la propagande haineuse qui préconise ou fomente la destruction physique d'un groupe de personnes qui se différencie des autres par la couleur, la race, la religion ou l'origine ethnique.

Ce jeu du tueur en série, dont le gagnant est celui qui a ramassé le plus de cadavres de bébés, ne pourrait pas être importé au Canada si les bébés étaient d'une certaine race ou d'une certaine couleur. Évidemment, la race blanche n'est pas incluse dans la définition du mot race aux termes du paragraphe 318(4) du Code criminel, et cela en dit long sur notre Code criminel. Autrement,


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les fonctionnaires de Revenu Canada auraient pu interdire l'importation de ce jeu dans notre pays.

Je voudrais signaler que, de la même façon, les femmes ne sont pas protégées non plus aux termes de cette disposition du Code criminel puisque le sexe n'est pas mentionné dans la définition de ce qui constitue de la propagande haineuse.

Par conséquent, s'il s'agissait de cadavres de femmes canadiennes de race blanche, l'importation de ce jeu serait également permise en vertu du paragraphe 318(4) du Code criminel. Comment se fait-il que nous ayons régressé au point où nous ne sommes plus égaux devant la loi? Il ne faut pas s'étonner que notre pays ne puisse pas enrayer le problème de la violence contre les femmes et les enfants puisque ces groupes ne sont même pas protégés aux termes du paragraphe 318(4) du Code criminel.

(1755)

Je crois comprendre que, en vertu du code tarifaire 9956 de l'annexe 7 du Tarif des douanes, Revenu Canada peut interdire l'importation de certains produits au Canada. Les produits soupçonnés d'être à caractère séditieux, obscène ou haineux sont inspectés par les fonctionnaires de Revenu Canada et, si on détermine qu'ils relèvent du code tarifaire 9956, leur importation est interdite.

D'après le ministre du Revenu national, ses fonctionnaires ont examiné une version du jeu du tueur en série et ont établi qu'il ne répondait pas à la définition du code tarifaire 9956, ce qui a nécessité la présentation du projet de loi d'initiative parlementaire C-214.

J'ignore ce que signifie le terme « obscène » pour les fonctionnaires du Revenu national, mais pour moi il signifie «très choquant», comme le définit le dictionnaire. Si le jeu illustrant le meurtre de bébés n'est pas très choquant, je me demande bien ce qui peut l'être. Tout ce qui glorifie le meurtre et qualifie de victorieux un tueur en série est très choquant pour moi et les gens que je représente. Je ne comprends vraiment pas ce qui arrive dans notre pays. Qu'est-il advenu du sens de la décence et de la moralité qui caractérisait si bien autrefois un pays dont les valeurs n'avaient pas leurs pareilles?

Quel genre de message envoyons-nous aux gens quand nous laissons un jeu pareil entrer dans notre pays? C'est le même message que nous envoyons quand nous permettons qu'un meurtrier condamné à la prison à perpétuité puisse être admissible à la libération conditionnelle après 15 ans de prison. Ou quand nous accordons à un détenu un régime de semi-liberté qui lui permet de violer et de tuer de nouveau. Ou quand nous payons une forte somme à un tueur en série pour donner aux autorités policières des renseignements sur l'emplacement des cadavres de ses victimes, ou quand nous permettons à une détenue qui a été la complice de l'un des meurtres sexuels les plus horribles dans l'histoire du pays de posséder un four à micro-ondes et un téléviseur, de suivre des cours universitaires et de décorer sa cellule avec des personnages de bande dessinée, alors que les citoyens canadiens respectueux des lois ont du mal à acquérir des biens semblables.

Un autre grand sujet de préoccupation est bien sûr la Loi sur les jeunes contrevenants qui ne réussit pas actuellement à empêcher les jeunes de se livrer en nombre croissant à des activités criminelles avec violence. Il y a eu beaucoup de discussions sur ce sujet, et la Chambre est présentement saisie du projet de loi d'initiative parlementaire C-214. Le projet de loi a un triple but. Abaisser l'âge auquel un mineur devient un adolescent et celui où il cesse de l'être aux fins de la Loi sur les jeunes contrevenants, permettre la publication du nom d'un jeune contrevenant qui a déjà été déclaré coupable d'acte criminel à deux occasions différentes et porter à dix ans la peine maximale prévue par la Loi sur les jeunes contrevenants pour le meurtre au premier et au deuxième degré.

Je félicite le député de York-Sud-Weston de l'initiative qu'il a prise à ce chapitre. Pour l'instant, je ne peux pas dire que j'approuve entièrement les modifications proposées, mais je crois qu'elles méritent d'être débattues et analysées.

Il faut interdire l'importation de produits comme le jeu du tueur en série ou les cartes de tueurs en série si nous voulons que nos enfants grandissent dans un environnement sain. Comment pouvons-nous penser qu'ils se conformeront à certaines règles ou à une ligne de conduite morale si nous avons des jeux ou des livres qui contredisent cela? Comment réussiront-ils à distinguer le bien du mal si nous tenons un certain discours, mais que nos étagères regorgent de jeux ou de livres qui contredisent celui-ci?

Nous savons qu'il y a un monde de corruption aussitôt passé le seuil de notre porte. Tous les jours, on met les Canadiens en garde contre les atrocités dont leurs enfants peuvent être victimes et on les encourage à sensibiliser ces derniers aux dangers de la rue.

Autoriser l'importation dans notre pays du jeu du tueur en série va à l'encontre des valeurs morales des Canadiens et de tout ce que les parents essaient d'inculquer à leurs enfants pour qu'ils deviennent des être humains moralement corrects.

Le devoir des législateurs est de faire preuve de leadership et de tracer la ligne de conduite à suivre au moyen de nos lois. Si nous ne modifions pas le Code criminel, nous dirons à nos rejetons que nous jugeons acceptable le meurtre de jeunes enfants, de membres de notre société innocents et sans défense, même s'il ne s'agit que d'un jeu.

En conclusion, en agissant de la sorte, nous permettons la propagation d'un comportement violent et immoral dans notre pays. J'appuie donc ce projet de loi.

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir parler ce soir du projet de loi C-214 proposé par le député de Glengarry-Prescott-Russell.

Le projet de loi propose d'ajouter le mot «âge» à la définition de «groupe identifiable» qui figure actuellement dans le Code criminel, à la partie qui porte sur la propagande haineuse. La nouvelle définition s'appliquerait pour toutes les infractions de cet ordre.

(1800)

Il est particulièrement difficile de définir le rôle de la loi relativement à la propagande haineuse, car il faut concilier la


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liberté d'expression et l'intérêt de l'État qui doit criminaliser les comportements préjudiciables aux citoyens.

Avant d'aborder le projet de loi, il me semble important de dire un mot de l'état actuel de la loi. Pour l'instant, le Code criminel interdit tout d'abord de préconiser ou de fomenter le génocide pour détruire un groupe qui se distingue par la couleur, la race, la religion ou l'origine ethnique. Il s'agit de l'article 318.

Deuxièmement, il est interdit d'inciter, par des déclarations dans un endroit public, à la haine contre un groupe identifiable lorsqu'une telle incitation est susceptible d'entraîner une violation de la paix. C'est là le paragraphe 319(1).

Troisièmement, il est interdit de fomenter volontairement la haine contre un groupe identifiable par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée. C'est ce que dit le paragraphe 319(2).

Quatrièmement, le Code criminel permet la saisie et la confiscation des documents de propagande haineuse gardés aux fins de vente et de distribution. C'est ce qu'on lit aux paragraphes 1 et 4 de l'article 320.

Enfin, le Code criminel stipule que toute personne accusée d'avoir préconisé le génocide est passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement si le chef d'accusation dit qu'elle a incité le public à la haine. Si elle a communiqué des déclarations pour promouvoir volontairement la haine, elle est passible d'une peine d'emprisonnement de deux ans, s'il y a mise en accusation, et de six mois d'emprisonnement ou d'une amende de 2 000 $ ou les deux, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Le Code criminel prévoit également quatre motifs de défense spéciaux qu'un prévenu peut invoquer s'il est accusé d'avoir volontairement fomenté la haine: il peut établir que les déclarations étaient vraies; il peut montrer qu'il a de bonne foi exprimé une opinion sur un sujet religieux ou tenté d'en établir le bien-fondé par discussion; il peut prouver que les déclarations se rapportaient à une question d'intérêt public dont l'examen était fait dans l'intérêt du public et que, pour des motifs raisonnables, il les croyait vraies; il peut enfin soutenir que, de bonne foi, il voulait attirer l'attention, afin qu'il y soit remédié, sur des questions provoquant ou de nature à provoquer des sentiments de haine à l'égard d'un groupe identifiable au Canada.

Exception faite du délit d'incitation publique à la haine, il faut l'assentiment du procureur général de la province pour faire une saisie ou intenter des poursuites aux termes des dispositions du Code criminel sur la propagande haineuse. La Cour suprême du Canada s'est penchée sur ces dispositions à l'occasion de l'affaire La reine c. Keegstra. Le jugement a été rendu en décembre 1990.

La Cour suprême du Canada a jugé que les communications qui incitent délibérément à la haine contre un groupe identifiable transmettent un sens et qu'elles sont donc une expression au sens de l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

La Cour suprême a jugé en outre que l'interdiction énoncée au paragraphe 319(2) du Code criminel vise des mots dont le sens et l'objectif sont d'inciter à la haine raciale ou religieuse.

Attendu que cette disposition vise à restreindre le contenu de l'expression en précisant quels messages ne peuvent être transmis, la Cour suprême du Canada a jugé que le paragraphe 319(2) empiétait sur la liberté d'expression prévue à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

La Cour suprême a jugé qu'il y a assez de propagande haineuse au Canada pour qu'on s'en inquiète. Elle a reconnu que la propagande haineuse peut causer deux genres de préjudices: 1) des préjudices causés au groupe visé, par exemple, en provoquant des représailles ou en forçant le groupe visé à éviter des activités et à se retirer d'activités tenues avec des non-membres; 2) des préjudices causés à la société en général en incitant des personnes à exprimer ces idées et à semer la discorde et la zizanie au sein de ces groupes de la société.

(1805)

La Cour suprême a confirmé la constitutionnalité du paragraphe 319(2) du Code criminel, qui traite de l'incitation délibérée à la haine. Elle a confirmé cette disposition comme limite raisonnable à la garantie de la liberté d'expression, au sens de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le paragraphe 318(4) définit l'expression «groupe identifiable» comme «toute section du public qui se différencie des autres par la couleur, la race, la religion ou l'origine ethnique». En élargissant la définition, on élargirait le genre de discours qui pourrait être sanctionné par les dispositions sur la propagande haineuse, ce qui pourrait mettre en danger ces mêmes dispositions. C'est très sérieux.

La Cour suprême du Canada a observé, dans l'affaire Keegstra, que le paragraphe 319(2) visait à étendre une mesure de protection aux minorités visibles et religieuses de façon à empêcher qu'elles ne soient l'objet de propagande haineuse et à promouvoir la tolérance raciale et religieuse.

Étendre la définition de l'expression «groupe identifiable» afin de tenir compte d'une autre caractéristique, comme celle qui est proposée dans le projet de loi C-214, élargirait sans aucun doute l'objectif restreint qui consiste à protéger les minorités visibles et religieuses, qui a été approuvé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Keegstra. Je ne suis pas sûr que le fait d'ajouter ce qui est proposé dans le projet de loi C-214 aurait pour effet de protéger les enfants des jeux de tueurs en série, étant donné qu'il doit être prouvé que ce type de jeux est une incitation à la haine ou qu'il encourage la propagande haineuse.

La modification proposée dans ce projet de loi étendrait la définition de l'expression «groupe identifiable» sans pour autant mettre les enfants à l'abri de ces jeux infâmes. Par conséquent, il pourrait être plus facile pour les tribunaux de statuer que les dispositions touchant la propagande haineuse, ainsi modifiées par le projet de loi C-214, constituent une atteinte à la liberté d'expression garantie par la Charte et ne sauraient être considé-

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rées comme une limite raisonnable prescrite par la loi dans une société libre et démocratique.

L'initiative du député de Glengarry-Prescott-Russell mérite notre appui. Nous souscrivons tous à son objectif. Il s'agit malgré tout de savoir quel est le meilleur moyen d'y parvenir? Est-ce avec le projet de loi C-214? Il nous faut faire preuve de prudence, comme je l'ai dit, de peur d'affaiblir la loi, telle qu'elle existe, dans notre quête d'un autre moyen de résoudre ce problème.

Le ministère de la Justice se penche actuellement sur la question. Nous espérons qu'il formulera des recommandations à ce sujet. Je profite de l'occasion pour transmette mes sincères remerciements au député de Glengarry-Prescott-Russell. Avec la collaboration et la participation de tous les députés de la Chambre, nous finirons bien par trouver le meilleur moyen de mettre un frein à cette pratique abjecte à laquelle se livrent certaines personnes de ce pays pour réaliser de gros profits aux dépens de nos jeunes.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il n'y a pas d'autres députés qui souhaitent intervenir, la période réservée aux initiatives parlementaires est maintenant terminée.

Conformément au paragraphe 96(1) du Règlement, cette affaire est rayée du Feuilleton.

SUSPENSION DE LA SÉANCE

La présidente suppléante (Mme Maheu): La séance reprendra à 18 h 30.

(La séance est suspendue à 18 h 10.)

_______________

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 18 h 30.

2321

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ (ARTICLE 81)-LE BUDGET

La Chambre reprend l'étude de la motion, interrompue le 14 mars 1994.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il est 18 h 30, conformément à l'article 45(5)a) du Règlement, la Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé sur les travaux des subsides.

Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est rejetée)

(Vote no 12)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brown (Calgary-Sud-Est)
Chatters
Epp
Forseth
Frazer
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanger
Harper (Calgary-Ouest)
Harper (Simcoe-Centre)
Harris
Hart
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Johnston
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton-Sud-Ouest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Ringma
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Thompson
White (Fraser Valley-Ouest)
White (North Vancouver)
Williams-41

CONTRE

Députés
Althouse
Anderson
Arseneault
Asselin
Augustine
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Bachand
Baker
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellehumeur
Bellemare
Berger
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Bouchard
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélisle
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Canuel
Caron
Catterall
Chamberlain
Chan
Chrétien (Frontenac)
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Crête
Culbert
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
Deshaies
DeVillers
Dingwall
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Fillion
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Gauthier (Roberval)
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Gray (Windsor-Ouest)
Grose
Guarnieri
Guimond

2322

Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kirkby
Knutson
Lalonde
Landry
Langlois
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso)
Leblanc (Longueuil)
Lee
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
Loubier
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cap-Breton-The Sydneys)
Maheu
Malhi
Maloney
Marchand
Marchi
Marleau
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton-Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Mercier
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Ménard
Nault
O'Brien
O'Reilly
Ouellet
Parrish
Paré
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Picard (Drummond)
Pillitteri
Plamondon
Pomerleau
Proud
Péloquin
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Rocheleau
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Skoke
Solomon
Speller
St-Laurent
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Ur
Valeri
Vanclief
Venne
Volpe
Walker
Wappel
Young
Zed-193

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Députés
Alcock
Allmand
Brien
Finestone
Guay
Irwin
Nunez
de Savoye

(1855)

[Traduction]

Le Président: Je déclare la motion rejetée.