ENSU Rapport du Comité
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- INTRODUCTION
- RESPONSABILITÉS DU MINISTÈRE EN MATIÈRE D'APPLICATION DE LA LOI
- A. Le cadre législatif
- 1. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement
- 2. La Loi sur les pêches
- 3. Les ententes d'équivalence et les ententes administratives avec les provinces et territoires
- B. Personnel chargé d'appliquer la loi et les mesures connexes
- NÉCESSITÉ DE BIEN APPLIQUER LA LOI
- 1. Ressources restreintes
- 2. Charge de travail toujours croissante
- 3. La méthode d'application
- 4. Politiques officielles d'observation et d'application de la LCPE et des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches
- 5. Applicabilité des règlements
- 6. Conflit de compétences
- 7. Capacité accrue et meilleurs outils
- 8. Un organisme d'application indépendant
- PROBLÈMES D'APPLICATION LIÉS AUX ENTENTES ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES ET TERRITOIRES
- PARTICIPATION DU PUBLIC
- CONCLUSION
- AUTRES QUESTIONS : LA CONTAMINATION PAR LE MERCURE
INTRODUCTION
1. Le présent rapport paraît à un moment où les compressions budgétaires, tant au palier fédéral que provincial, se font sentir et où le fardeau législatif continue de s'alourdir.
2. De plus, le rapport est rédigé alors que le Parlement se penche sur une nouvelle mesure législative de grande importance : le projet de loi C-32, la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1998)1. Les membres du Comité veulent s'assurer que les Canadiens ont raison de faire confiance à la législation environnementale de leur pays.
3. Au moment où les gouvernements s'effacent, une tendance à compter sur l'observation volontaire de la loi et sur de nouveaux mécanismes pour en garantir le respect se manifeste. Bien que cela ait produit des résultats dans certains cas, il faut reconnaître qu'une multitude de substances, souvent toxiques, ont été rejetées dans l'environnement. De plus, l'accroissement continuel des activités humaines, les gains économiques élevés que des pratiques environnementales malsaines ou illégales permettent de réaliser dans le contexte de la concurrence mondiale et la menace constante que pose la mauvaise gestion des déchets ont contribué à exercer une pression constante sur les écosystèmes.
4. Beaucoup d'entreprises se comportent en citoyens tout à fait responsables, mais les actions d'un grand nombre d'exploitants irresponsables viennent malheureusement annuler les efforts louables des premiers. C'est pourquoi il est essentiel que les parlementaires réexaminent de temps à autre l'application qui est faite des lois actuelles afin d'en garantir le respect. Le gouvernement du Canada devrait donc transformer son engagement à l'égard du développement durable en des mesures concrètes susceptibles de profiter aux Canadiens et d'améliorer la qualité de leurs richesses naturelles.
5. Le Comité souhaitait également se pencher sur l'application de la loi en raison de l'initiative d'harmonisation lancée par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement (le CCME). Cette initiative l'inquiétait particulièrement parce qu'elle vise, par des ententes administratives, à réattribuer à l'un ou l'autre palier de gouvernement la responsabilité fonctionnelle des lois environnementales du Canada.
6. La première phase de l'initiative d'harmonisation du CCME, qui comprend l'accord-cadre et trois des dix ententes auxiliaires proposées, a été complétée et signée par les ministres de l'Environnement le 29 janvier 1998. L'entente auxiliaire sur l'application des lois est l'une des sept ententes auxiliaires qui manquent. Elle devrait toutefois faire partie de la deuxième série de négociations en cours. Le Comité croyait donc utile d'entreprendre une étude sur l'application de la loi pour voir s'il y avait lieu de faire des recommandations avant que cette entente ne soit finalisée et ratifiée.
7. L'occasion nous paraissait bonne aussi d'obtenir un rapport d'étape sur les recommandations que le Comité avait formulées dans son rapport de 1995 sur l'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE). Ce rapport, intitulé Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, contenait 141 recommandations, dont au moins 10 portaient sur l'application de la loi. Il semblait donc opportun de déterminer ce qu'il en était advenu. Le Comité s'inquiétait également des allégations répétées selon lesquelles les lois fédérales sur la pollution ne sont pas appliquées2. Nous souhaitions savoir pourquoi aucune poursuite n'avait été intentée dans ces affaires, et déterminer si l'absence de mesures coercitives était liée de quelque manière aux fortes compressions budgétaires récentes du ministère fédéral de l'Environnement.
8. C'est par une motion adoptée le 5 février 1998 que le Comité a donc décidé d'entreprendre une étude sur l'application de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et des dispositions antipollution de l'article 36 de la Loi sur les pêches.
9. Le Comité a tenu des audiences sur l'application de ces dispositions législatives entre le 18 février et le 26 mars 1998. Parmi les divers témoins entendus figuraient des représentants du milieu industriel, notamment du secteur des pâtes et papiers, des peuples autochtones, du milieu syndical, des groupes écologistes et des fonctionnaires. Le Comité tient à remercier tous ceux qui sont venus témoigner, dont la ministre de l'Environnement qui a comparu le 25 février. Il a une dette de reconnaissance particulière envers les agents chargés, dans les cinq régions et au Bureau de l'application de la loi, de veiller au respect de la loi qui lui ont fait part de leurs connaissances pratiques et de leur précieuse expérience.
RESPONSABILITÉS DU MINISTÈRE EN MATIÈRE D'APPLICATION DE LA LOI
1. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement
10. Environnement Canada administre la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE), la principale loi fédérale dans ce domaine. Adoptée en 1988, cette loi remplaçait la Loi sur les contaminants de l'environnement et fusionnait la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique, la Loi sur l'immersion de déchets en mer, les dispositions de la Loi sur les ressources en eau du Canada relatives aux substances nutritives et certaines dispositions de la Loi sur le ministère de l'Environnement.
11. La LCPE donne au gouvernement fédéral des pouvoirs étendus sur tous les aspects du cycle de vie des substances toxiques, de leur mise au point et de leur fabrication à leur importation et à leur élimination finale sous forme de déchets. Elle lui permet aussi de contrôler l'entrée de nouvelles substances au Canada, de réglementer les produits de la biotechnologie, ainsi que les combustibles et leurs composantes, de fixer les limites de concentration des substances nutritives, comme les phosphates, dans les produits de nettoyage et les adoucisseurs d'eau, de réglementer l'importation et l'exportation de matières toxiques et autres déchets, de contrôler le rejet de déchets en mer par un régime de permis, de prendre des mesures précises en cas d'incidents internationaux de pollution de l'air, d'adopter des directives et des règlements de protection de l'environnement à l'égard des biens et des opérations de l'État, et d'établir des objectifs, des directives et des codes de pratiques visant la qualité de l'environnement.
12. À ce jour, 26 règlements, qui traitent des BPC, des CFC, des dioxines, des furanes, des combustibles, des nouvelles substances et du rejet en mer, ont été promulgués en vertu de la LCPE.
13. À la suite d'un protocole d'entente signé en 1985 par le ministère de l'Environnement et le ministère des Pêches et des Océans3, il incombe également à Environnement Canada d'administrer et de faire respecter les dispositions de l'article 36 de la Loi sur les pêches visant à prévenir la pollution. Cet article interdit le rejet direct ou indirect de substances nocives dans les eaux fréquentées par des poissons (l'«interdiction globale» établie par le paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches). L'article 36 autorise également la prise de règlements pour permettre le rejet de substances nocives réglementées dans les eaux poissonneuses (paragraphes 36(4) et (5)).
14. À l'heure actuelle, six règlements ont été promulgués aux termes de l'article 36 de la Loi sur les pêches. Lorsqu'on les ajoute aux 26 pris en vertu de la LCPE, on obtient un total de 32 règlements que le ministère de l'Environnement doit faire respecter.
15. Il faut toutefois souligner que le protocole d'entente n'a pas confié à Environnement Canada la responsabilité d'administrer et d'appliquer l'article 35 de la Loi sur les pêches, qui continue donc d'incomber au ministère des Pêches et des Océans. Cette disposition interdit tout ouvrage ou entreprise qui entraînerait la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson à moins d'être autorisé par le ministre des Pêches et des Océans ou par règlement. La démarcation entre les articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches n'est toutefois pas toujours claire puisqu'il est possible de détériorer l'habitat du poisson par le dépôt de substances nocives.
3. Les ententes d'équivalence et les ententes administratives avec les provinces et territoires
16. Le paragraphe 34(5) de la LCPE autorise le ministre de l'Environnement à signer des «ententes d'équivalence» avec les provinces et territoires à l'égard d'une substance toxique régie par la loi. Les conditions suivantes doivent toutefois être réunies : il faut que la province ou le territoire ait déjà adopté des dispositions «équivalentes» aux règlements fédéraux visés par l'entente, et établi un mécanisme de plaintes et d'enquêtes semblable à celui prescrit par les articles 108 à 110 de la LCPE. Sauf pour tout ce qui touche l'administration fédérale, les ententes d'équivalence soustraient la province ou le territoire en cause de l'application des règlements pertinents pris en vertu de la LCPE de façon à y substituer les mesures provinciales ou territoriales équivalentes.
17. L'article 98 de la LCPE autorise en outre la conclusion d'«ententes administratives» avec les provinces et territoires. Le but de ces ententes est d'établir des partenariats qui permettent au gouvernement fédéral et aux administrations provinciales ou territoriales de se partager la tâche d'administrer les règlements et d'offrir un guichet unique aux industriels. Ces ententes peuvent porter sur des choses comme les inspections, les mesures d'application, la surveillance et les déclarations, mais les signataires ne sont pas libérés pour autant de leurs champs de compétence respectifs.
18. Outre les ententes d'équivalence et administratives conclues aux termes de la LCPE, Environnement Canada et le ministère des Pêches et des Océans ont aussi négocié des ententes administratives avec les provinces et territoires à l'égard des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches. Contrairement à la LCPE, cette loi n'autorise pas explicitement la négociation de ce genre d'ententes, qui se fait plutôt en vertu de l'autorisation générale que l'article 5 de la Loi sur les pêches donne au ministre des Pêches et des Océans.
19. Sept ententes fédérales-provinciales ou territoriales sont actuellement en vigueur. Trois d'entre elles ont été conclues dans le cadre de la LCPE, à savoir :
- l'Entente sur l'équivalence des règlements fédéraux et Albertains en vue du contrôle des substances toxiques en Alberta;
- l'Entente administrative Canada-Saskatchewan concernant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement; et
- l'Entente Canada-Yukon sur la protection de l'environnement.
20. Les deux ententes qui suivent ont été conclues en vertu de la Loi sur les pêches :
- l'Entente administrative Canada-Alberta sur la réglementation des rejets de substances nocives; et
- l'Entente administrative Canada-Saskatchewan sur la réglementation des dépôts de substances nocives.
21. La sixième entente, l'accord entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada concernant l'application au Québec des règlements fédéraux relatifs aux usines de pâtes et papiers, vise la réglementation sur les usines de pâtes et papiers prise en vertu de la LCPE et de l'article 36 de la Loi sur les pêches.
22. L'Entente-cadre Canada-Territoires du Nord-Ouest sur la coopération en matière d'environnement dans les Territoires du Nord-Ouest est la septième entente. Contrairement aux autres, elle n'a pas été conclue en vertu de la LCPE ou de l'article 36 de la Loi sur les pêches. Il s'agit d'un accord-cadre de portée générale sur le maintien et l'amélioration des mesures de protection de l'environnement actuelles par des efforts de coopération.
B. Personnel chargé d'appliquer la loi et les mesures connexes
23. L'application de la LCPE et des dispositions antipollution de la Loi sur les Pêches est assurée par des agents fédéraux ou des agents provinciaux ou territoriaux en vertu des ententes bilatérales pertinentes. Pour son application, la LCPE ne reconnaît qu'une seule catégorie d'agent, l'«inspecteur». Dans la pratique, toutefois, les inspecteurs peuvent s'acquitter de diverses fonctions. Certains entreprennent des inspections pour veiller au respect de la loi, d'autres font enquête sur les infractions en plus des inspections, tandis que d'autres se spécialisent dans les enquêtes.
24. En règle générale, les agents chargés de l'application de la LCPE ne s'occupent pas de ce qu'on appelle la «promotion de l'observation», c'est-à-dire des efforts déployés pour assurer le respect de la loi par toute une gamme de programmes d'information et d'éducation, notamment la promotion et le transfert de techniques «moins polluantes», le recours aux vérifications environnementales et la consultation des secteurs d'activités concernés lors de l'élaboration des règlements, directives et codes de pratiques. Les activités de promotion de l'observation relèvent principalement des «directions générales des programmes».
25. Environnement Canada compte cinq bureaux régionaux : ceux de l'Atlantique, du Québec, de l'Ontario, des Prairies et du Nord, et celui du Pacifique et du Yukon. Chaque région relève d'un directeur général, appuyé par des directeurs régionaux. Ce sont les directeurs régionaux de la protection de l'environnement qui sont responsables, en définitive, de toutes les décisions concernant l'application de la loi sur leur territoire. Ils consultent à ce sujet le Bureau de l'application de la loi, au siège du ministère, à Hull (Québec). Chargé d'assurer l'application cohérente et uniforme de la loi à l'échelle nationale, ce Bureau doit être consulté pour toutes les décisions relatives à l'application de la loi prises par les régions et participer à toutes les discussions régionales sur les mesures d'application de la loi. Son rôle est strictement consultatif toutefois, car il n'exerce aucune autorité sur le personnel d'application régional. En collaboration avec les régions, il élabore également le plan national d'application de la loi qui énonce les priorités nationales dans ce domaine pour le prochain exercice.
26. Le Bureau de l'application de la loi regroupe 22 employés, tandis que les régions comptent, comme le montre le tableau qui suit4, 60 agents d'application, dont 11 occupent des postes de gestion.
RÉGION |
CADRES |
INSPECTEURS SUR LE TERRAIN |
ENQUÊTEURS SUR LE TERRAIN |
TOTAL |
Atlantique |
1 |
4 |
4 |
9 |
Québec |
1 |
5 |
2 |
8 |
Ontario |
2 |
8 |
5 |
15 |
Prairies et Nord |
4 |
6 |
2 |
12 |
Pacifique et Yukon |
3 |
9 |
4 |
16 |
Total |
11 |
32 |
17 |
60 |
27. S'il est envisageable de porter une accusation et d'engager des poursuites lorsqu'une infraction est commise, cela ne se fait habituellement que dans les cas les plus graves. Les infractions moins graves peuvent faire l'objet d'une «mise en garde» donnée par écrit. Les inspecteurs peuvent également adresser une «instruction» en situations d'urgence créées par le rejet illégal de substances réglementées.
28. Selon les données publiées pour la période de 1996-1997, 701 inspections ont été effectuées en vertu de la LCPE, et il y a eu 53 enquêtes. Deux instructions et 28 mises en garde ont été adressées (dont 2 au gouvernement), 5 poursuites ont été intentées, et il y a eu 7 condamnations (certaines affaires remontaient à une période antérieure) et 4 acquittements ou abandons des poursuites. Les données sur l'application des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches révèlent qu'il y a eu, pendant la même période, 778 inspections, 25 enquêtes, 1 instruction, 8 mises en garde (toutes à des entreprises privées), 5 poursuites et 6 condamnations.
29. Les Canadiens veulent un environnement sain et propre. Les sondages d'opinion l'ont révélé maintes fois. Selon un sondage réalisé par Environics en 1997, pour 73 p. 100 des participants la protection de l'environnement passe avant le progrès économique5.
30. Le Comité arrive à la conclusion, en se fondant sur l'information obtenue, que les Canadiens sont privés du niveau élevé de protection de l'environnement auquel ils s'attendent et ont droit. Plusieurs problèmes qui rendent l'application efficace des lois impossibles ont été portés à son attention, notamment le manque de ressources humaines et financières pour relever le défi d'une charge de travail toujours croissante.
31. Dans le cadre de l'examen des programmes du gouvernement fédéral, le ministère de l'Environnement a dû réduire son budget global d'environ 40 p. 100. Malgré ces fortes compressions, des cadres supérieurs du ministère nous ont assurés que le budget d'application est demeuré stable6. D'autres témoins ont toutefois décrit une situation bien pire. Certains ont laissé entendre que les fonds destinés à l'application des lois servaient parfois à autre chose. Le Comité a aussi appris que les budgets restreints actuels diminuent encore puisque des sources de fonds, en dehors du budget de l'application des lois mais néanmoins consacrés à cette fonction, se tarissent. Le défunt Plan vert, lancé en 1991 par le gouvernement fédéral, devait notamment injecter une somme additionnelle de 39,3 millions de dollars sur six ans pour renforcer les activités d'application dans le cadre du Programme de conservation et de protection du ministère7.
32. Le chef de la Division des inspections pour la Région du Pacifique et du Yukon, Peter Krahn, nous a donné un exemple des conséquences de la disparition du Plan vert. Il a confié au Comité qu'il prévoyait, avec l'abandon du plan d'action du fleuve Fraser, lancé dans le cadre du Plan vert, une baisse de 38 p. 100 de sa capacité opérationnelle au 1er avril 1998 :
Comme le plan d'action du fleuve Fraser prend fin le 1er avril 1998, mon budget d'inspection sera amputé de 300 000 $, soit 30 p. 100. Le budget d'enquête passera de 346 000 $ à 255 000 $, sans guère toucher aux traitements et salaires, mais surtout au fonctionnement et à l'entretien. Je perdrai donc 38 p. 100 de ma capacité. [...] Nous effectuons normalement environ 550 inspections par an. J'anticipe donc un recul à environ 385. Par rapport aux 25 enquêtes que nous menons de front en moyenne, nous n'en aurons plus qu'une quinzaine8.
33. Contacté plus tard par téléphone9, M. Krahn a pu fournir des données plus récentes, tout en signalant que les attributions budgétaires changeaient constamment à mesure que les cadres supérieurs rajustaient leurs programmes et plans de travail. Selon lui, la disparition des fonds affectés au plan d'action du fleuve Fraser et l'ajout de certains frais administratifs que sa division doit maintenant absorber font chuter son budget opérationnel et d'entretien de 313 000 $ à 87 000 $ par rapport au dernier exercice financier (une réduction globale de 72 p. 100), alors que son budget salarial recule de 710 000 $ à 631 999 $ (une baisse de 11 p. 100). Il ajoutait que celui-ci aurait baissé de 24 p. 100 s'il n'avait pas reçu la veille un supplément salarial de 23 999 $. M. Krahn a affirmé qu'il compte, pour parer à la carence de fonds, transformer une partie du budget salarial en fonds opérationnels en reportant la dotation de son propre poste pendant qu'il occupe le poste de chef de la division à titre intérimaire; il ne dotera pas non plus deux postes vacants, dont l'un est en attente et l'autre, que la fin du plan d'action du fleuve Fraser vient de libérer, ne gonflera pas le budget salarial parce qu'il n'est plus provisionné. Il songe également à transférer plus d'argent du budget salarial au budget opérationnel en envoyant son informaticien d'analyse/inspection légale à Ottawa et en reportant au moins à l'automne l'embauche d'étudiants inscrits à un programme de coopération.
34. Dans un document présenté au Comité, le ministère indiquait que pour la Région du Québec le budget d'application de la loi était de 1 329 000 $ pour l'exercice 1997-199810. Le chef des inspections et enquêtes de la Région du Québec, Claude Gonthier, a toutefois informé le Comité que seulement 60 p. 10011 de cette somme a effectivement servi à cette fin, à savoir 600 000 $ en salaires et traitements et 115 000 $ en frais de fonctionnement12.
35. Le mémoire du ministère faisait également état, pour toute la Région du Québec, de seulement huit agents d'application de la loi à temps plein. Lorsque nous l'avons interrogé au sujet de ce niveau relativement faible des effectifs (puisque la Région du Pacifique et du Yukon compte, avec un budget semblable, 16 agents d'application à temps plein), le ministère nous a répondu, dans un autre document, que le chiffre donné pour la Région du Québec ne comprenait pas les postes actuellement vacants. Selon lui, trois autres postes, actuellement vacants, étaient prévus au budget pour la Région du Québec auxquels un nouveau poste a été ajouté, ce qui porte l'effectif total à 12. Il faisait aussi remarquer qu'en y regardant de plus près l'effectif prévu pour la Région du Pacifique et du Yukon avait été surestimé et que l'effectif total était non pas de 16 mais de 15.
36. Le Comité a découvert depuis que les postes actuellement vacants dans la Région du Québec le sont depuis au moins deux ans. Il nous paraît consternant que des postes aussi essentiels soient restés vacants si longtemps. Le Québec, une des provinces les plus industrialisées du Canada, a notamment la plus forte concentration d'usines de pâtes et papiers de tout le pays. Il nous paraît incompréhensible qu'Environnement Canada n'ait pas, dans cette province, un effectif complet des agents d'application autorisés.
37. Le Comité s'inquiète aussi vivement de la qualité de l'information fournie par le ministère. Il constate que les données qui précèdent ne concordent pas avec l'information que le Bureau d'application de la loi lui avait déjà fournie sous forme de tableau (voir supra). Le tableau indique qu'au 28 janvier 1998, la Région du Québec comptait au total 7 inspecteurs et enquêteurs, alors que la Région du Pacifique et du Yukon en avait 15 au total, dont 12 seulement étaient cependant affectés à l'application de la loi. Il semble que les trois autres étaient affectés aux interventions d'urgence.
38. Ces divergences ne permettent pas au Comité de se fonder sur les données officielles du ministère pour déterminer le nombre d'agents chargés directement de réaliser les inspections et enquêtes aux termes de la LCPE et des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches.
39. Poursuivant ses efforts pour mieux saisir le niveau des ressources prévues au budget et effectivement consacrées à l'application de la loi, le Comité a finalement demandé par écrit au ministère, le 20 mars, de lui fournir, pour les cinq dernières années, une ventilation détaillée des dépenses consacrées à l'application de la loi. Les données reçues le 28 avril se sont révélées insatisfaisantes. Le ministère indiquait qu'il n'avait pas de dossiers complets pour l'exercice 1992-1993, ce qui excluait toute analyse comparative. Comme il s'agit de dépenses de deniers publics, le Comité juge alarmante l'absence de données pertinentes. Le ministère ajoutait que des fonds consacrés au programme fédéral de gérance environnementale dans la Région de la capitale nationale étaient incorporés aux dépenses d'application de la loi pour l'exercice 1996-1997. En plus de lui paraître curieux que le programme fédéral de gérance environnementale soit considéré comme une dépense d'application de la loi, le Comité met sérieusement en doute que les données fournies se limitent aux dépenses d'application de la loi, comme il l'avait demandé, et n'englobent pas d'autres activités comme la promotion de l'observation, les frais de laboratoire, les frais juridiques engagés dans le cadre des poursuites, et certaines activités de soutien et de gestion. Le ministère a également fourni des données sur les dépenses de protection de la faune et de la flore, même si notre étude était clairement ciblée sur l'application de la LCPE et les dispositions antipollution de la Loi sur les pêches.
40. Le Comité espérait faire la lumière sur les sommes effectivement consacrées à l'application de la loi, en dehors de la promotion de l'observation et d'autres activités. Il a donc préparé divers tableaux, qu'il a demandé aux représentants d'Environnement Canada de remplir, afin de savoir un certain nombre de choses, notamment le nombre d'inspecteurs prévus au budget pour l'exercice 1993-1994 et le nombre d'inspecteurs en fonction depuis. Les fonctionnaires ont toutefois indiqué que le ministère n'avait pas en main les données demandées ou qu'il était dans l'impossibilité de les obtenir parce qu'il n'avait pas conservé les statistiques voulues au fil des ans ou que les diverses régions ne les avaient pas conservées sous une forme identique puisqu'il n'avait pas établi de normes pour la tenue des dossiers.
41. Le Comité a du mal à comprendre que le ministère n'ait pas de données complètes, normalisées et faciles d'accès sur les budgets affectés à l'application des lois et sur les dépenses effectives dans ce domaine. Sans cette information essentielle, il est difficile de concevoir comment le ministère a pu évaluer son programme d'application et déterminer s'il devait rajuster son tir ou non.
42. L'information fournie étant limitée et peut-être même inexacte, le Comité a été incapable de tirer des conclusions utiles à cet égard ni de déterminer l'évolution des affectations de crédits. Mais résolu à obtenir des chiffres précis sur les budgets affectés à l'application des lois et sur les dépenses effectives dans ce domaine, le Comité formule les recommandations suivantes.
Recommandation no 1
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement lui fournisse, pour les cinq dernières années, des données complètes et détaillées sur les sommes prévues au budget et effectivement consacrées aux inspections, aux enquêtes et aux poursuites dans le cadre de l'application de la LCPE et des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches, au siège du ministère et dans les régions, en les ventilant selon la nature des dépenses (salaires et traitements, fonctionnement et entretien, et immobilisations) et en excluant les fonds consacrés à d'autres activités, comme la promotion de l'observation. Le Comité recommande en outre que le ministre lui fournisse des renseignements détaillés sur toute autre source de fonds (en dehors des services votés) utilisés pour l'application de ces lois, en précisant si ces fonds continuent de rentrer ou si la source s'est tarie.
Recommandation no 2
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement veille à ce que des dossiers complets sur les budgets et les dépenses d'application de la loi soient conservés et à ce que des normes soient élaborées pour la tenue de ces dossiers et appliquées uniformément tant au siège du ministère que dans les bureaux régionaux.
2. Charge de travail toujours croissante
43. Dans son rapport d'examen de la LCPE de 1995, le Comité faisait état de certaines inquiétudes au sujet du manque de ressources. À l'époque, Environnement Canada employait 31 inspecteurs et 28 enquêteurs dans les régions. D'après le tableau reçu du Bureau de l'application de la loi, il y a aujourd'hui 32 inspecteurs et 17 enquêteurs, ce qui représente une baisse totale de 11 postes. Le niveau des effectifs a donc régressé depuis 1995, alors que le fardeau de la réglementation s'alourdissait. Plusieurs nouveaux règlements ont été adoptés depuis notre dernier examen de la LCPE en 1994-1995. En dehors des règlements, plusieurs autres tâches d'application ont par ailleurs été ajoutées. La responsabilité de faire respecter la Loi sur les additifs à base de manganèse, entrée en vigueur en 1997, a récemment été confiée au personnel d'application, auquel il incombe également de surveiller le respect de l'Inventaire national des rejets de polluants (INRP) établi en 1993 aux termes de la LCPE mais entré en vigueur depuis un an seulement.
44. Le directeur de la Division des urgences et de l'application de la loi au bureau régional de l'Ontario, David Pascoe, nous a décrit les défis que ce travail représente dans sa région, y compris la vérification du respect de l'INRP qui prend, pour chacune des quelque mille sociétés en cause, quatre ou cinq jours à une équipe de deux inspecteurs. Voici ce qu'il nous a déclaré :
En ce qui concerne cet inventaire national en Ontario, nous ne savons pas au juste combien de personnes sont visées, mais à l'heure actuelle nous évaluons ce chiffre à plus d'un millier, et ce règlement n'est en vigueur que depuis un an. Nous avons déjà envoyé près de 90 lettres d'avertissement pour déclaration tardive. Il faut compter quatre ou cinq jours pour une inspection relative à l'INRP qui exige deux personnes. Comme il y a environ 1 000 sociétés, et neuf inspecteurs pour le faire, vous comprendrez sans peine qu'il faudra plusieurs années pour toutes les inspecter.
Ajoutez à cela le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles; le genre de vérification judiciaire requise par ce règlement très complexe qui vise au bas mot 500 entreprises en Ontario prendrait au moins une semaine. Nous avons donc ces 500 entreprises, au moins autant pour les substances appauvrissant la couche d'ozone, et encore autant pour l'exportation et l'importation de déchets dangereux13.
45. Le chef de la Division des inspections de la Région du Pacifique et du Yukon, Peter Krahn, a fait état des défis que pose pour l'application de la loi la nature changeante des entités réglementées. À mesure que les principales sources de pollution, comme les usines de pâtes et papiers, les mines, les scieries et les usines de traitement de bois massif, sont maîtrisées, nous a-t-il confié, les efforts d'application seront de plus en plus ciblés sur de petits groupes plus disparates :
Les recherches effectuées dans le cadre du plan d'action du fleuve Fraser ont permis de constater que les petites sources diffuses comme les exploitations agricoles, les ranchs, les résidences équipées de fosses sceptiques, les lotissements résidentiels, les zones commerciales, les voies de transport et les usines de traitement des eaux usées contribuent de façon notable aux rejets de substances nocives. Lorsque des sources comme les exploitations agricoles, les ranchs et les centres de distribution des combustibles sont prises en compte, le nombre de lieux susceptibles d'être visés par la réglementation fédérale et inspectés passe d'environ 5 600 à plus de 17 200 en Colombie-Britannique.
[...] L'impact de l'agriculture et de l'élevage sur les zones riveraines des ruisseaux et la qualité de l'eau a entraîné une détérioration des cours d'eau sur des centaines sinon des milliers de kilomètres, ce qui nuit sensiblement au frai et à l'élevage du poisson ou les rendent impossibles14.
46. Le directeur du Bureau de l'application de la loi au bureau régional de l'Atlantique, David Aggett, nous a fait remarquer que, dans sa région, il était beaucoup plus facile de faire appliquer la LCPE juste après son adoption. Il y avait, disait-il, eu si peu de contrôles jusque-là que l'on pouvait trier les infractions sur le volet. Les cibles faciles ont commencé à se faire rare environ deux ans après l'entrée en vigueur de la LCPE, a-t-il ajouté, et ses agents doivent maintenant, munis d'une réglementation bien plus complexe, faire face à une activité criminelle beaucoup plus raffinée :
Il n'y a malheureusement pas eu d'augmentation parallèle des activités d'application de la loi, surtout, mais pas uniquement, parce que nous avons maintenant affaire à une réglementation beaucoup plus complexe et, en un sens, à des activités criminelles beaucoup plus raffinées.
Dans le bon vieux temps je pouvais sortir n'importe quel jour de la semaine, avec mon radar et mes jumelles, et attraper des pollueurs maritimes. Il suffisait de prendre quelques photos, de recueillir un ou deux témoignages, de porter une accusation, et d'obtenir qu'on plaide coupable. Maintenant, les enquêtes exigent en moyenne trois mandats de perquisition. [...] Le nombre d'enquêtes n'a peut-être pas beaucoup augmenté ces dernières années, mais chacune demande beaucoup plus d'efforts. Cela ne fait que témoigner des difficultés que présente ce genre d'enquêtes15
47. La multiplication et la complexité croissante des lois et règlements qu'il faut faire respecter, les sources plus faibles et plus diffuses de pollution et, dans certains cas, le raffinement croissant du délinquant mettent à rude épreuve les ressources disponibles au point de ne pouvoir s'attaquer qu'aux domaines prioritaires. David Pascoe nous a fait observer, par exemple, que l'on ne fait pas respecter la Loi sur les pêches dans la Région de l'Ontario car certains règlements établis aux termes de la LCPE suffisent à tenir ses gens occupés16. Sa candeur n'a eu d'égale que celle de Claude Gonthier, de la Région du Québec, selon lequel 75 à 80 p. 100 des agents d'application de la loi travaillent habituellement, dans sa région, à faire respecter cinq des dix règlements déclarés prioritaires. Il ajoutait que pendant l'exercice 1998-1999 aucune mesure ne sera prise pour faire respecter 16 règlements qui ne sont pas considérés prioritaires :
Dans la Région du Québec, pour appliquer les 32 textes de loi et règlements, comme nous ne sommes que cinq [inspecteurs]-un sixième doit se joindre à nous -, nous devons adopter une stratégie et établir un ordre de priorité. De concert avec le bureau central, nous fixons les priorités nationales puis régionales lorsque nous voulons cibler des problèmes particuliers.
Au cours de la prochaine année, dans notre région, 10 de ces 32 textes de loi et règlements seront prioritaires, un certain nombre seront d'importance moyenne ou faible, et 16 seront négligés complètement.
De 75 à 80 p. 100 de notre effectif - cinq personnes - est affecté à l'application des cinq règlements, parmi les dix, jugés absolument prioritaires. Pour l'année qui vient de se terminer, c'était l'importation et l'exportation des déchets dangereux, le règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, l'Inventaire national des rejets de polluants, les trois règlements sur les pâtes et papiers, et enfin les BPC et le règlement sur les substances appauvrissant la couche d'ozone. Environ 80 p. 100 des inspecteurs sont affectés à ces six secteurs. Avec les ressources dont nous disposons, c'est la seule façon de travailler17.
48. Le chef de l'application et de l'observation de la loi à la Section de l'Alberta du bureau régional des Prairies et du Nord, Marc Labossière, a affirmé à son tour qu'étant donné l'énorme territoire à couvrir les inspecteurs s'acquittent de toutes les fonctions dans sa région. En rappelant que sa région comprend trois provinces et un territoire, qui couvrent à peu près la moitié de la superficie du Canada, il précisait que l'effectif était débordé et que le défi de chacun consistait à bien cibler ses efforts.
Notre façon de faire diffère un peu de celle des autres régions. Il incombe à chacun de nous, et j'entends par là tous les inspecteurs, qu'il s'agisse de la LCPE ou de la Loi sur les pêches, de faire les inspections et les enquêtes, d'intervenir en situations d'urgence, et de promouvoir le respect de la loi par la distribution de brochures, la diffusion d'information et ainsi de suite.
Cela découle du fait que notre région, qui couvre 50 p. 100 de la superficie du pays et englobe trois provinces et un territoire, est l'une des plus vastes au Canada. Nos agents d'application de la loi se trouvent à Winnipeg, Regina, Edmonton, Calgary et Yellowknife. Une quinzaine d'inspecteurs doivent couvrir cet immense territoire, et la plupart d'entre eux assument les trois rôles : inspection, enquête et intervention en cas d'urgence.
Cela présente des avantages et des inconvénients. Le principal avantage est de permettre au ministère de réagir aux incidents rapidement et au moindre coût sur un aussi vaste territoire. Les pressions que la charge de travail exerce sur le personnel sont l'un des inconvénients. Nous sommes peu nombreux, et le défi est de bien cibler nos efforts18.
49. Il n'est donc pas étonnant, puisque les ressources disponibles sont exploitées à fond et que l'on ne s'occupe que des aspects prioritaires, que la piètre fiche d'Environnement Canada en matière d'application de la loi lui ait attiré des critiques. Dick Martin du Congrès du Travail du Canada nous a fait observer, en comparant la fiche du ministère pour 1992-1993 avec celle de 1995-1996, que sa présence se fait de moins en moins sentir :
En 1992-1993, par exemple, il y a eu 1 233 inspections relativement aux règlements de la LCPE, 93 enquêtes, 105 avertissements, quatre instructions et 22 poursuites qui ont abouti à 17 condamnations. En 1995-1996, la situation s'était détériorée : il n'y a eu que 963 inspections, 94 enquêtes, 87 avertissements, 15 poursuites qui n'ont produit que huit condamnations, et aucune instruction n'a été donnée. [...] Selon moi, le problème vient moins des poursuites que du type d'activités menées par Environnement Canada pour assurer l'application de la loi. Il est clair que le poids du ministère s'estompe à cet égard; mais cette présence demeure la meilleure garantie que la loi sera respectée19.
50. Paul Muldoon, de l'Association canadienne du droit de l'environnement, a exprimé un avis semblable. En comparant la fiche d'Environnement Canada à celle de la province de l'Ontario en matière d'application de la loi avant que la province ne sabre dans son budget, il a fait observer que la proportion de condamnations en Ontario était au moins 35 fois supérieure à celle de l'administration fédérale. Selon lui, la raison la plus évidente, et peut-être systémique, de la piètre fiche du ministère à cet égard découle de ce qu'il a appelé «l'abandon virtuel de la capacité réglementaire fédérale» en faveur de la conclusion d'ententes d'observation volontaire avec les divers secteurs industriels. S'il persiste à compter sur ce genre d'ententes, nous a-t-il confié, Environnement Canada attachera moins d'importance à l'élaboration de stratégies de réglementation, et consacrera par conséquent moins de ressources aux moyens, devenus moins prioritaires, d'application de la loi20.
51. Il est bon de signaler que malgré l'amélioration des niveaux d'observation constatée dans certaines industries réglementées, des problèmes de délinquance persistent et pourraient resurgir. L'absence de mécanisme global de collecte et d'analyse du renseignement à Environnement Canada, conjuguée au manque d'inspecteurs et d'enquêteurs, pourrait en outre gêner la détection de problèmes de délinquance cachés ou d'activités illégales dans des secteurs comme les déchets dangereux, les substances appauvrissant la couche d'ozone et les dispositions antipollution de la Loi sur les pêches.
52. Le sous-ministre d'Environnement Canada, Ian Glen, a expliqué aux membres du Comité que les activités de promotion du respect de la loi et les mesures d'imposition s'insèrent dans un continuum ayant pour objet l'observation des lois et règlements. En réponse aux allégations courantes, il a nié que le ministère soit pénétré d'une «culture de non-application» tout en reconnaissant que des pressions s'exercent en ce sens. Selon lui :
Il ne fait aucun doute pour la direction du ministère qu'il y a là un défi. Il n'y a pas de conflit dans les rôles. L'important c'est la façon de chercher à atteindre l'objectif ultime, qui est l'observation des exigences de la loi, et, par-delà, l'engagement pur et simple de l'organisme - au sens le plus large - à maintenir un environnement propre. Où se trouve l'équilibre ici? Est-ce qu'on exerce des pressions sur moi, le sous-ministre, ou sur le ministère, pour éviter l'application de la loi, dans le sens d'enquêtes susceptibles de mener à des accusations? Je ne sais pas sur le plan politique, mais des associations industrielles, ou autres, viennent certes nous voir pour nous dire : nous voulons jouer le jeu, alors faites volte-face et collaborons plutôt.
Dans la mesure où cela nous permet d'avancer sans recourir à l'application stricte de la loi, j'y suis favorable. Il faut encourager ce genre de choses. S'il est possible d'atteindre l'objectif ultime de cette manière, étant donné les ressources dont dispose le ministère, pour faire respecter la loi ou autres choses, nous sommes prêts à l'essayer21.
53. Tout en rappelant que l'observation est l'aboutissement et souvent l'élément le plus critique d'un cadre réglementaire efficace, l'Association canadienne des pâtes et papiers a insisté sur l'importance d'exploiter toutes les possibilités :
Comme pour l'application de la loi et tous les autres éléments de la réglementation environnementale moderne, la protection efficace de l'environnement devrait primer le reste. Il faudrait aussi reconnaître l'existence de divers moyens, en dehors des poursuites, pour assurer le respect de la loi. Des choses comme les déclarations obligatoires, les inspections, la promotion de l'observation, les mises en garde, et les plans de mesures correctives. Nous louons les initiatives d'Environnement Canada en vue d'utiliser la «promotion de l'observation» comme moyen efficace d'amener chacun à respecter volontairement la loi22.
54. Tout en reconnaissant que l'observation volontaire plutôt que la coercition a sa place, la majorité des membres du Comité craignent que l'on ne cherche à trop privilégier ce volet.
55. L'étude produite par le chef de la Division des inspections de la Région du Pacifique et du Yukon, Peter Krahn, apporte des preuves convaincantes du besoin de moyens d'action efficaces. Voici certaines des conclusions clés de son rapport :
- Les secteurs industriels où l'on comptait uniquement sur l'autovérification ou l'observation volontaire présentent un taux d'observation de 60 p. 100 contre 94 p. 100 en moyenne pour les secteurs visés par la réglementation fédérale où un programme d'inspections existe. Les programmes d'observation volontaire et l'inspection par des sociétés homologues n'ont pas permis d'atteindre des niveaux d'observation acceptables.
- Pendant les campagnes visant à promouvoir le respect d'un règlement, qui englobaient parfois l'organisation de colloques d'information pour le secteur en cause, les éléments les plus progressistes du groupe cible manifestaient un degré élevé de coopération et de 10 à 15 p. 100 des usines présentaient normalement un niveau raisonnable d'observation.
- Étant donné les lourdes sanctions dont les administrateurs sont passibles, les lettres de suivi envoyées après un avertissement verbal ou une instruction se traduisaient souvent par de fortes pressions administratives d'en haut pour résoudre le problème. Environ 80 à 90 p. 100 des usines atteignaient alors normalement un degré élevé d'observation.
- Au cours de la phase d'imposition stratégique, les usines qui, malgré leurs fortes incidences sur l'environnement, n'ont pas apporté d'améliorations ou n'ont pas fait d'efforts raisonnables pour se conformer, font l'objet d'enquêtes. Des mandats d'inquisition sont habituellement délivrés afin de recueillir des preuves pour déterminer s'il y a lieu d'intenter des poursuites. Si elles apportent les améliorations requises, certaines des usines peuvent éviter les poursuites, mais il est rare qu'elles y parviennent. En temps normal, environ 0,5 à 5 p. 100 des usines tombent dans cette catégorie.
- À la suite de l'enquête, un «mémoire de poursuite» est dressé et transmis au ministère fédéral de la Justice qui décide s'il y a lieu ou non d'intenter une poursuite. Dans l'affirmative, une accusation est déposée. En temps normal, environ 0,5 à 2 p. 100 des usines d'un secteur tombent dans cette catégorie23.
56. Des sondages sur l'attitude des entreprises réalisés par KPMG en 1994 et 1996 ont aussi permis de constater que pour la majorité des gens la coercition offre une meilleure garantie d'observation que les régimes volontaires. Pour plus de 90 p. 100 des participants, le respect des règlements était le principal facteur qui les poussait à apporter des améliorations pour protéger l'environnement, tandis que la responsabilité financière de l'entreprise motivait environ 70 p. 100 d'entre eux. Par contre, alors que 16 p. 100 seulement donnaient les programmes volontaires comme motif en 1994, ce chiffre atteignait 25 p. 100 en 199624.
57. Dans son rapport de 1995, le Comité exprimait sa conviction que des mesures d'application efficaces et constantes s'imposent pour que la LCPE atteigne son objectif, qui est de protéger l'hygiène publique et l'environnement25. Il réaffirme ici cette conviction. Il va de soi qu'il est important de bien faire respecter notre législation environnementale. Les Canadiens n'en attendent pas moins de leurs gouvernements. Il ne faudrait pas que des pratiques inefficaces d'application de la loi mettent en péril la santé et le bien-être des Canadiens, et nous exposent à la dégradation de notre environnement.
58. Le Canada doit aussi, pour remplir ses obligations internationales, veiller à prendre des mesures d'application efficaces. En tant que signataire de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement (l'accord parallèle sur l'environnement négocié dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)), le gouvernement du Canada s'est engagé à prendre les mesures voulues pour imposer ses lois et règlements environnementaux (article 5). Il s'exposerait autrement à des accusations, de la part d'une des parties contractantes, de négligence persistante à faire respecter ses lois environnementales et, si la plainte était jugée fondée après examen, à de fortes sanctions monétaires (articles 22-36).
59. La responsabilité de l'État en cas de non-application de la législation gouvernementale est également préoccupante. Selon une jurisprudence croissante, lorsqu'une norme est établie par règlement et que le public peut raisonnablement s'attendre à un résultat donné, l'État peut être tenu au moins partiellement responsable de tout dégât causé du fait que cette norme n'est pas respectée. Même si Environnement Canada n'a encore fait l'objet d'aucune poursuite en négligence réglementaire, il n'est pas inconcevable, vu les ressources restreintes et les pratiques d'application sélectives du ministère, qu'il le soit un jour.
60. Dans son rapport d'examen de la LCPE de 1995, le Comité insistait sur l'importance, pour le ministère, de revoir ses activités d'application et d'observation afin de s'assurer que la méthode utilisée donne des résultats. Le Comité lui a même recommandé spécifiquement d'établir des objectifs de rendement, de concevoir des façons de vérifier l'efficacité de sa Politique d'application et d'observation, et de se donner un ordre de priorité (recommandation no 125)26. Le Comité regrette que cette recommandation soit restée sans suite et que, dans la réponse déposée en Chambre en décembre 1995 conformément à l'article 109 du Règlement, le gouvernement du Canada n'ait pas abordé ce sujet27.
61. Bien que la recommandation no 125 n'ait pas eu de suites, le Comité a appris que, depuis le début de son étude actuelle sur l'application de la loi, Environnement Canada a entrepris un tel examen. Sous la direction du sous-ministre adjoint du Service de protection de l'environnement, François Guimont, l'équipe qui en est chargée se penchera sur «les récentes études des organisations d'application, l'information disponible et les fascicules du Comité afin de trouver une façon d'aller de l'avant28.» Même si le mandat du groupe d'étude n'était pas encore définitif lors de la dernière comparution des fonctionnaires d'Environnement Canada, le Comité a été informé que les agents d'application et un expert externe de ces questions participeraient à l'étude. Il a aussi appris que cette initiative aurait la priorité absolue et mènerait à l'élaboration d'un plan d'action qui, selon M. Guimont, serait de nature très pragmatique29.
62. Tout en louant cette initiative et en espérant recevoir un exemplaire du plan d'action dès sa parution, le Comité n'est pas convaincu que le processus d'examen envisagé va assez loin. Étant donné la très grande importance qu'il attache à la bonne application de la loi, le Comité doute sérieusement que les méthodes actuelles du ministère permettent d'atteindre cet objectif. Le moment est venu, à son avis, d'examiner la question à fond. Le Comité estime également qu'il faudrait confier cet examen à un tiers impartial, comme le vérificateur général.
Recommandation no 3
Le Comité recommande que le vérificateur général du Canada évalue l'efficacité du programme, ainsi que des structures et pratiques d'application d'Environnement Canada, y compris les politiques et mécanismes de priorisation dans ce domaine.
Recommandation no 4
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement lui communique tout rapport résultant de l'examen de son programme d'application lancé par le ministère, ainsi que tout plan d'action qui en découlera.
4. Politiques officielles d'observation et d'application de la LCPE et des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches
63. Après l'adoption de la LCPE en 1988, Environnement Canada a mis au point une politique, la Politique d'application et d'observation, pour faciliter le respect de la loi. En plus d'énoncer les principes qui sous-tendent les modalités d'imposition, ce document identifie le personnel d'application, expose les divers moyens d'imposition et possibilités d'application dont dispose le ministère et résume de façon générale les responsabilités du ministère et des fonctionnaires chargés de faire respecter la LCPE et les règlements connexes. Pareille politique n'a toutefois pas été établie à l'égard des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches, même si la responsabilité d'en faire respecter l'article 36 incombait au ministère bien avant la promulgation de la LCPE.
64. Le chef de la Division de la réglementation et des stratégies au Bureau de l'application de la loi, Patrick Hollier, a informé le Comité qu'une politique d'application de l'article 36 de la Loi sur les pêches est en préparation30.
65. Le Comité appuie cette initiative qui lui paraît même bien tardive. À son avis, il est tout aussi important qu'Environnement Canada informe le public de la manière dont il compte appliquer les dispositions de la Loi sur les pêches visant à prévenir la pollution, dont l'interdiction globale du paragraphe 36(3), que de lui communiquer sa politique d'application de la LCPE.
Recommandation no 5
Le Comité recommande que, en collaboration avec le ministre des Pêches et des Océans, le ministre de l'Environnement élabore et publie une politique globale d'observation et d'application des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches dans les six mois du dépôt de ce rapport devant le Parlement.
66. Dans son rapport de 1995, le Comité recommandait la révision et la mise à jour de la Politique d'application et d'observation de la LCPE et l'établissement de modalités pour que les décisions en matière d'application de la loi soient prises dans le contexte de cette politique révisée31. Cette recommandation est également restée sans suite.
67. Le projet de loi C-32, la nouvelle loi de protection de l'environnement, apporte des modifications profondes aux modalités d'application actuelles. Dans ce contexte et celui du processus d'examen engagé par le ministère, le Comité estime qu'une mise à jour de la politique d'application de la LCPE s'impose aussi.
Recommandation no 6
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement mette à jour et publie une nouvelle version de la Politique d'application et d'observation de la LCPE dans les six mois de la sanction royale du projet de loi C-32, la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1998).
5. Applicabilité des règlements
68. L'état de la réglementation est un autre problème qui empêche, comme on l'a fait remarquer au Comité, la bonne application de la loi. Rédigés il y a des décennies, lui a-t-on signalé, certains des règlements en vigueur sont peut-être désuets car, pour reprendre l'expression d'un agent d'application, «les choses changent». Patrick Hollier du Bureau de l'application de la loi a ajouté que certains règlements sont plus difficiles à faire respecter que d'autres parce que ceux qui doivent les appliquer sont moins intervenus dans leur élaboration. Étant donné la structure de la réglementation et les règles de la preuve, a-t-il précisé, certains règlements sont simplement d'application difficile.
Il y a des règlements qui sont plus difficiles à appliquer que d'autres. Dans certains cas, ceux qui ont l'expérience de l'application de la réglementation ont été moins consultés lors de leur élaboration et, la structure de la réglementation et les règles de la preuve étant ce qu'elles sont, nous avons plus de mal à les appliquer32.
69. Un agent principal des politiques du Bureau de la LCPE, Nadine Levin, a ajouté à cet égard :
Lorsque je dirigeais la Division de la gestion de l'application, au Bureau de l'application de la loi, j'ai travaillé entre autres à la rédaction de règlements dans des secteurs comme les produits chimiques commerciaux, l'exportation et l'importation de déchets dangereux, etc. Nous avons essayé de rédiger des règlements qui soient applicables. Nous y avons mis beaucoup d'efforts et bon nombre de règlements ont été rédigés dans les règles.
Le problème vient de ce que sur le plan structurel le Bureau de l'application de la loi sert de guide. Même s'il croit qu'une disposition n'est pas applicable en raison de son libellé, il n'est pas en mesure d'imposer ce critère aux rédacteurs. Malgré nos observations et nos conseils, les règlements peuvent présenter des lacunes33.
70. Le Comité craint fort que des règlements défectueux n'empêchent de prendre des mesures d'application. Le sous-ministre, Ian Glen, partageait nos inquiétudes au sujet de l'impossibilité d'appliquer certains règlements et s'est dit disposé à y remédier :
J'ai deux questions à poser [au personnel d'application]. Pour lui, quelles dispositions sont vraiment impossibles à appliquer? Et lesquelles sont difficiles à appliquer? Si on s'y mettait, est-ce qu'on pourrait les rendre applicables? Pouvons-nous éviter ce dilemme en établissant une norme de rédaction et de formulation des règlements? Comme gestionnaire, je pense que oui. Il faut s'y attaquer. Ce commentaire de mes collègues est inquiétant34.
71. Ces remarques du sous-ministre sont de nature à encourager le Comité. Il nous semble qu'il serait assez facile de remédier au problème et qu'il faudrait s'y employer le plus vite possible sans toutefois négliger d'assurer la participation active du personnel d'application qui possède les connaissances pratiques nécessaires pour faire en sorte que seuls des règlements applicables soient promulgués.
Recommandation no 7
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement :
a) entreprenne un examen complet des règlements pris dans le cadre de la LCPE et de l'article 36 de la Loi sur les pêches pour s'assurer qu'ils sont acceptables, à jour et applicables;
b) révise tous les règlements jugés déficients afin de les rendre applicables; et
c) veille à la participation active du personnel d'application de la loi à la révision des règlements actuels et à l'élaboration des nouveaux pour s'assurer qu'ils sont applicables.
72. La délivrance, par un autre palier de gouvernement, d'autorisations ou de permis incompatibles avec la législation environnementale fédérale peut aussi entraver sa bonne application si cela permet le rejet de quantités de polluants qui constituent une infraction à une loi ou un règlement fédéral. En pareil cas, toutefois, les délinquants ne sont pas toujours poursuivis. En effet, l'obtention d'un permis ou d'une autorisation leur permet d'invoquer comme défense «l'erreur attribuable au gouvernement». Comme la probabilité d'obtenir une condamnation dans ces cas est douteuse, il n'y aura peut-être pas d'inculpation au départ et si inculpation il y a elle restera peut-être sans suite ou l'inculpé sera peut-être acquitté.
73. Peter Krahn de la Région du Pacifique et du Yukon a exposé au Comité plusieurs exemples de poursuites qui ont avorté. Voici comment il décrivait l'un de ces dossiers :
Le premier concerne un particulier qui essentiellement avait créé, sur sa propriété, une décharge d'où certains produits se sont infiltrés, par lixiviation, dans la partie la plus productive d'un ruisseau à saumon. Des fonctionnaires municipaux se sont d'abord occupés de l'affaire, puis ils ont fait intervenir les fonctionnaires provinciaux; enfin le maire m'a appelé et nous avons lancé une enquête. Les audiences du tribunal ont duré près de trois mois. Nous avons prouvé l'infraction sur le plan technique, mais l'intervention et les renseignements contradictoires des fonctionnaires des paliers inférieurs ont amené le juge à conclure à une erreur attribuable au gouvernement et à statuer que [l'accusé] avait agi avec la diligence voulue et que la confusion créée par les fonctionnaires était à l'origine du problème35.
74. Un incident semblable s'est produit dans la Région du Québec. Il mettait en cause Kronos Canada Inc. qui était accusé, avec 2 particuliers, de 15 infractions au paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches (l'interdiction de tout rejet de substances nocives dans des eaux poissonneuses) pour avoir pollué le Saint-Laurent. Comme l'entreprise semblait respecter une autorisation obtenue du gouvernement du Québec, on craignait qu'il ne soit pas possible d'obtenir une condamnation. Selon les conseils des avocats du ministère de la Justice, il n'y a donc pas eu d'instruction et les accusations ont simplement été retirées36
75. La possibilité que des pollueurs ne soient pas poursuivis ou condamnés à cause d'une erreur imputable au gouvernement, surtout dans des cas de pollution grave, nous inquiète au plus haut point. C'est un problème qu'il faut résoudre.
76. Interrogé au sujet des permis délivrés récemment à Geon et GE Plastics par la province de l'Ontario les autorisant à augmenter leurs effluents toxiques dans les Grands Lacs, le sous-ministre, Ian Glen, a informé le Comité qu'une lettre a été adressée à ces deux firmes pour les prévenir que, malgré ce que leur dit la province et ce que les permis autorisent, les exigences de la Loi sur les pêches restent en vigueur et doivent être respectées37.
77. Tout en se réjouissant de ce geste, le fait que les lettres adressées à Geon et GE Plastics ne s'insèrent pas dans une parade systématique au problème inquiète au plus haut point le Comité. Ces lettres ont plutôt été envoyées parce que le ministère a été informé par les médias des activités autorisées. Le Comité est d'avis que le ministère doit prendre des mesures positives et systématiques pour s'assurer que les pollueurs soient traduits en justice.
78. Le Comité appuie l'idée de prévenir les délinquants éventuels que les lois fédérales continuent de s'appliquer, malgré les permis qui leur sont délivrés. Si le fait d'envoyer un tel avis par écrit empêche les pollueurs de recourir à la défense de la diligence raisonnable, il y aurait lieu d'y regarder de plus près. Comme cela exigerait l'examen de tous les permis délivrés, sa charge de travail s'en trouverait toutefois trop alourdie si le ministère devait procéder ainsi dans tous les cas. Le ministère devrait, comme solution de rechange, négocier avec les administrations provinciales, territoriales, autochtones et municipales des ententes les obligeant à joindre un tel avis à tous les permis délivrés. Étant donné la multitude d'administrations municipales, il serait peut-être possible de les atteindre et de les encourager à participer par le biais de leur association nationale, la Fédération canadienne des municipalités.
79. Le fait de joindre aux permis un avis officiel n'est cependant qu'une façon d'informer la collectivité réglementée des obligations que lui impose la loi. Il faudrait aussi, pour faire passer le message, adopter une deuxième méthode. Selon le Comité, le ministère devrait élaborer et mettre en oeuvre un plan d'action pour s'assurer que la collectivité réglementée est consciente de ses obligations légales. Il pourrait, par exemple, lancer une campagne d'information à ce sujet dans les revues spécialisées, ou chercher à atteindre les sociétés réglementées par le biais de leurs associations représentatives. Quelle que soit la méthode utilisée, il est évident qu'Environnement Canada doit établir un tel plan d'action pour éviter que ce genre de chose ne se reproduise.
Recommandation no 8
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement :
a) élabore et mette en oeuvre un plan général d'action pour s'assurer que les sociétés réglementées sont conscientes de leurs obligations légales aux termes des lois et de la réglementation environnementales du gouvernement fédéral, et du fait que celles-ci continuent de s'appliquer et doivent être respectées quelles que soient les conditions fixées par tout permis qu'un organisme gouvernemental a pu leur délivrer; et
b) négocie des ententes avec les administrations provinciales, territoriales, autochtones et municipales les obligeant à joindre aux permis délivrés un avis précisant que les lois et la réglementation environnementales du gouvernement fédéral continuent de s'appliquer et doivent être respectées quel que soit le libellé du permis.
7. Capacité accrue et meilleurs outils
80. Les agents d'application ne peuvent travailler efficacement que s'ils disposent de la capacité et des outils nécessaires pour s'acquitter de leurs fonctions. Le Comité constate que le projet de loi C-32, destiné à remplacer la LCPE, apporte des changements sur ce plan. Il établit, par exemple, un nouveau mode d'application, appelé «mesures de rechange en matière de protection de l'environnement» (articles 295 à 309), qui permet à tout accusé de négocier un accord de protection de l'environnement au lieu de faire l'objet de poursuites. Suspendues pour la durée de l'accord, les accusations pourraient éventuellement faire l'objet d'un non-lieu si le tribunal juge que l'accusé a rempli les conditions de l'accord.
81. L'article 310 du projet de loi rétablit également les dispositions de l'article 134 de la LCPE actuelle qui permettent de donner des «contraventions» à l'égard d'infractions prescrites par règlement. Semblable au régime de contraventions du code de la route, cette procédure permettrait de sanctionner les délinquants, qui auraient alors la possibilité soit de payer l'amende prévue, soit d'aller la contester devant le tribunal.
82. Le ministère n'a jamais eu recours au mécanisme de contraventions prévu par la loi actuelle faute d'infrastructure administrative nécessaire. La proclamation de la Loi sur les contraventions, adoptée en 1992 afin de créer un régime général de contraventions pour des infractions précises aux lois fédérales, a aussi été retardée par manque d'infrastructure. Le problème a toutefois été réglé dans ce cas par la négociation d'ententes avec les provinces et territoires, de sorte que, enfin promulguée, la loi est entrée en vigueur en 1996.
83. Comme le Comité l'indiquait dans son rapport d'examen de la LCPE de 1995, les contraventions constituent un moyen d'action souhaitable lorsqu'il s'agit d'infractions moins graves à la loi. Il faudrait donc mettre un tel régime en place sans délai38. Comme il faudra peut-être passablement de temps pour créer l'infrastructure nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions de la LCPE relatives aux contraventions, le Comité est d'avis qu'Environnement Canada devrait recourir, entre-temps, aux dispositions analogues de la Loi sur les contraventions.
Recommandation no 9
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement prenne les mesures nécessaires pour que certaines infractions à la LCPE soit visées par le régime de contraventions de la Loi sur les contraventions.
84. Le projet de loi C-32 propose également d'accroître les moyens d'imposition de la loi. Il permettrait, par exemple, aux inspecteurs d'ordonner à tout contrevenant de «s'abstenir» de toute activité qui contrevient à la loi ou de «cesser» toute activité du genre en vertu d'«ordres d'exécution en matière de protection de l'environnement» (articles 234 à 271). Les moyens d'imposition proposés semblent toutefois, au moins sur un plan important, rester bien en deçà de ce que le Comité recommandait en 1995, à savoir de donner aux agents d'application de la LCPE tous les pouvoirs d'un agent de la paix39. Nous notons que le projet de loi C-32 n'accorderait qu'une partie de ces pouvoirs, et ce seulement aux enquêteurs, pas aux inspecteurs.
85. Le Comité estime que cette attribution restreinte des pouvoirs d'un agent de la paix désavantagera les agents d'application d'Environnement Canada. Nous comprenons que, sur le plan opérationnel, ces agents ne puissent peut-être pas recourir à la force, même modérément, dans des situations qui l'exigent pour éviter, par exemple, la destruction d'éléments de preuve ou, comme le propose le projet de loi C-32, pour exercer leur nouveau pouvoir d'immobiliser un moyen de transport. Il leur faudra obtenir l'aide d'un agent de la paix dans ce genre de situation, ce qui ne sera cependant pas toujours possible, surtout dans les régions éloignées. Il se peut aussi que les agents de la paix ne soient pas toujours là lorsqu'on en a besoin. À cause, entre autres, de ces entraves à l'application efficace de la loi, le Comité juge important que la LCPE permette de désigner les inspecteurs et enquêteurs comme des agents de la paix et de leur en donner tous les pouvoirs.
86. Le Comité n'est toutefois pas convaincu qu'il faudrait autoriser les agents d'application à porter des armes, même s'ils ont les pouvoirs d'un agent de la paix. Il n'a reçu aucun mémoire à ce sujet. À moins qu'on puisse lui démontrer la nécessité de porter des armes, le Comité estime qu'il vaudrait mieux laisser cette question de côté pour l'instant.
Recommandation no 10
Le Comité recommande de modifier la nouvelle LCPE (projet de loi C-32) de manière à permettre de désigner les inspecteurs et enquêteurs comme des agents de la paix et de leur en donner tous les pouvoirs.
Recommandation no 11
Le Comité recommande que les inspecteurs et enquêteurs chargés d'appliquer la LCPE ne soient pas autorisés à porter des armes.
87. La nécessité de doter le programme d'application d'Environnement Canada de moyens efficaces de collecte et d'analyse du renseignement a également été exposée de façon énergique lors des audiences sur l'application de la loi, mais aussi à d'autres audiences, notamment sur le mouvement transfrontalier de déchets dangereux40 et des substances appauvrissant la couche d'ozone41. Au cours d'une de ces audiences, le directeur général intérimaire, conception et élaboration des grands projets, à la Direction générale des douanes et de l'administration des politiques commerciales de Revenu Canada, Earle Warren, nous a décrit les difficultés que présente la détection de cargaisons illicites de déchets dangereux à la frontière en insistant sur la nécessité d'un service du renseignement efficace :
En deux ans [depuis le lancement du programme de mesure de l'observation commerciale à Revenu Canada] nous n'avons encore détecté aucune cargaison illicite de déchets dangereux. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas. Le contraire est évident, mais cela montre que nous cherchons vraiment une aiguille dans une meule de foin lorsqu'on pense au nombre de cargaisons en cause par rapport au nombre de camions qui franchissent la frontière.
Dans notre optique, nous sommes convaincus que le seul moyen de réussir serait d'avoir un service du renseignement. Nous disposons déjà de systèmes perfectionnés de traitement automatique des données. Nous pouvons déterminer d'avance l'arrivée d'une cargaison si nous savons le nom de la société, le produit dont il s'agit, le nom de l'exportateur en cause, et ainsi de suite. De notre point de vue, c'est le genre de renseignements dont nous avons vraiment besoin pour que nos systèmes puissent cibler les cargaisons. C'est notre véritable lacune actuelle42.
88. David Pascoe, de la Région de l'Ontario, nous a parlé du manque tant d'agents d'application que du renseignement à Environnement Canada. Il résumait ainsi la situation :
Vous savez combien d'enquêteurs nous avons. Vous savez que nous n'avons aucun agent du renseignement. Il saute pourtant aux yeux qu'il est crucial, pour contrôler ce qui franchit les frontières internationales, qu'il s'agisse de substances appauvrissant la couche d'ozone ou de l'exportation et l'importation de déchets dangereux, d'avoir de tels renseignements pour procéder aux inspections et aux enquêtes et faire respecter les lois.
Nous ne saurions continuer de traiter avec d'autres organismes policiers, que ce soit aux États-Unis ou au Canada, qu'il s'agisse des forces policières provinciales, de la police fédérale, de la police d'un État, des douanes ou d'autres gens, car, n'ayant ni les ressources ni les renseignements nécessaires, nous sommes la risée de tous43.
89. Le sous-ministre adjoint, François Guimont, a reconnu la nécessité d'un service efficace de collecte et d'analyse du renseignement, estimant que l'efficacité s'en trouverait accrue44. Dale Kimmett, directeur de la Direction de l'application de la loi au siège du ministère, a fait observer que la délinquance environnementale prend une portée plus universelle en ajoutant que le besoin de services du renseignement ne cesse de croître, en Amérique du Nord, sinon dans le monde entier, chez les organismes d'application des lois et de la réglementation environnementales45.
90. Conscient de la nécessité de se doter de moyens de collecte et d'analyse du renseignement, Environnement Canada a chargé Istana Consulting Services d'analyser ses besoins dans ce domaine. Dans le rapport remis en 1996, cette firme recommandait au ministère de créer, à son siège, un service professionnel du renseignement dont des agents seraient affectés dans les régions. Elle estimait qu'au bas mot il faudrait, outre 1 gestionnaire, 12 agents du renseignement sur le terrain (10 dans les régions et 2 au siège). La firme recommandait en outre que le personnel régional du renseignement soit réparti également entre le contrôle de la pollution et la protection de la flore et de la faune46.
91. Dale Kimmett a confié au Comité que la mise en oeuvre du rapport progresse très lentement et qu'une proportion très faible des ressources est affectée à cette fonction47. Étant donné que les problèmes de contrôle de la pollution sont beaucoup plus nombreux et complexes que ceux liés à la protection de la faune et de la flore, le Comité ne juge pas judicieux, comme le recommande le rapport Istana, de partager également l'effectif entre ces deux fonctions. La nécessité de doter le ministère de moyens de collecte et d'analyse du renseignement paraît toutefois évidente. Le Comité estime qu'il faudrait le faire sans tarder et y affecter un supplément de ressources.
Recommandation no 12
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement dote sans délai son ministère d'un service de collecte et d'analyse du renseignement et y consacre des ressources adéquates.
92. Lors de sa première comparution devant le Comité, François Guimont a évoqué, comme moyen d'accroître l'efficacité et de pallier au manque de ressources du programme d'application de la loi, la possibilité de s'associer avec d'autres organismes d'application48. Le Comité convient que, étant donné la complexité croissante de l'application des lois environnementales, de tels partenariats sont essentiels. Il est également convaincu, toutefois, que ces pactes doivent, comme le disait Patrick Hollier du Bureau de l'application de la loi, jouer «dans les deux sens» :
Les partenariats doivent fonctionner dans les deux sens. Pour qu'un partenariat soit couronné de succès, il faut que ce soit donnant, donnant. Il y a là une question de connaissances, de volonté et de ressources. En somme, il faut donner autant que l'on reçoit.
Je ne suis pas certain que nous soyons en mesure, pour l'instant, de respecter tout engagement que nous pourrions prendre dans de tels partenariats49.
93. Nadine Levin, du Bureau de la LCPE, a fait observer que les partenaires d'Environnement Canada, comme Douanes Canada et la GRC, ont leurs propres mandats à remplir et leurs propres mesures législatives à appliquer, en ajoutant que leur objectif premier n'était pas de veiller au respect de la législation environnementale50. Le sous-ministre, Ian Glen, a également soulevé ce point :
Ce que je me demande et ce qui me préoccupe par-dessus tout lorsque je traite avec le commissaire Murray de la GRC c'est de savoir où nous nous situons dans la panoplie de ses priorités. Autrement dit, si nous formons un partenariat avec cet organisme, le travail de mon ministère est-il vraiment important pour lui par rapport aux pressions qu'il subit par ailleurs? La question se pose et je m'attends à une réponse honnête.
Je ne crois pas, pour parler franchement, que nous soyons bien hauts dans leur ordre de priorité. Il faut s'y attendre. Il a là un défi tant pour moi que pour nos collaborateurs dans ce partenariat51.
94. Le Comité, craignant qu'Environnement Canada ne soit perçu, dans ces ententes, comme le «cousin pauvre» qui a peu ou prou à offrir à ses partenaires, reconnaît que des partenariats avec d'autres organismes policiers rehausseraient grandement son efficacité. Il estime donc qu'il ne faut ménager aucun effort pour donner au ministère les moyens de rendre de tels partenariats fructueux et efficaces.
Recommandation no 13
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement s'assure, lorsque des partenariats sont négociés avec d'autres ministères ou organismes comme Douanes Canada et la GRC, de prévoir avant tout des ressources et mécanismes suffisants pour que les parties puissent bien s'acquitter de leurs obligations et responsabilités.
8. Un organisme d'application indépendant
95. Au cours de son examen de la LCPE en 1994-1995, le Comité a pu discuter librement avec les agents sur le terrain de leurs conditions de travail et notamment des aspects structurels du programme d'application de la loi. Il a ainsi pris connaissance d'interventions ou d'ingérences indues de la direction dans les dossiers. Le Comité a alors recommandé, en se fondant en partie sur cette information, de créer un organisme d'application indépendant et centralisé au sein d'Environnement Canada52.
96. Au cours des récentes audiences publiques, les agents d'application de deux des cinq régions ont reconnu que ce genre d'ingérence s'est produit, mais pas nécessairement récemment. Le représentant de la Région du Québec a indiqué, quant à lui, qu'il n'avait fait l'objet d'aucune ingérence de la direction depuis son entrée en fonction, huit mois plus tôt53, tandis qu'un cadre du Bureau d'application, anciennement de la Région du Québec, a refusé de répondre de crainte de faire l'objet de sanctions54. Le Comité estime que la structure actuelle expose les agents d'application à une ingérence indue de la direction, notamment dans les dossiers dits «délicats», comme lorsque des poursuites sont intentées ou envisagées contre des entités économiques influentes ou contre la Couronne55.
97. David Aggett, de la Région de l'Atlantique, nous a mentionné que la direction était intervenue à plusieurs reprises dans le passé. Deux de ces dossiers concernaient la Couronne, alors que le troisième visait une industrie fragile, mais aucun de ces cas d'ingérence ne s'est produit depuis l'entrée en fonctions du sous-ministre actuel. M. Aggett a déclaré :
Dans une affaire d'accusations portées contre la Couronne et un autre dossier opposant le gouvernement fédéral à une société d'État provinciale, on a arrêté les poursuites. Dans un autre cas, il y aurait eu des répercussions sur une industrie assez fragile. Là aussi, on a arrêté la poursuite. Mais il y a déjà quelques années de cela56.
98. Le Comité est très préoccupé par cette question d'ingérence de la direction. Même si l'on ne lui a signalé aucun incident récent de ce genre, la possibilité d'ingérences demeure inquiétante.
99. À cet égard, le Comité a eu l'occasion d'examiner un document interne du ministère intitulé A Process for Achieving Compliance with the Canadian Environmental Protection Act and the Pollution Prevention Provisions of the Fisheries Act and their Accompanying Regulations. Selon ce document, qui décrit le processus décisionnel à l'égard des mesures d'application, la responsabilité ultime de ces décisions incombe aux directeurs régionaux. De son côté, le Bureau d'application ne joue, au siège du ministère, qu'un rôle strictement consultatif sur le plan opérationnel.
100. De l'avis du Comité, l'inefficacité de la chaîne hiérarchique et des procédures de mise en oeuvre que décrit le document ne saurait garantir l'application équitable, cohérente et efficace, dans l'ensemble des régions et des industries réglementées, de la Politique d'application et d'observation de la LCPE. En retirant la responsabilité finale de ces décisions aux agents d'application pour la confier aux directeurs régionaux, la structure actuelle présente un risque d'ingérence indue de la direction, dont les membres sont également responsables de l'exécution des programmes et d'autres fonctions en dehors de l'application de la loi. Selon le Comité, il est essentiel que le processus décisionnel soit au-dessus de tout soupçon et que les décisions touchant l'application soient toujours prises de manière transparente, équitable, cohérente et efficace.
101. Étant donné la nature de cette fonction et le besoin absolu de transparence, d'équité, de cohérence et d'efficacité dans les décisions concernant l'application de la loi, le Comité est convaincu que ces décisions ne devraient pas être laissées à des hauts fonctionnaires qui ont des fonctions et des responsabilités de gestion par ailleurs. Le Comité rappelle qu'il faudrait plutôt en laisser le soin à un organisme indépendant et centralisé dont la seule fonction serait de faire respecter les lois et la réglementation environnementales.
102. Paul Muldoon, de l'Association canadienne du droit de l'environnement, a plaidé vigoureusement en faveur d'un organisme indépendant d'application de la loi. Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer le taux extrêmement élevé de condamnations que l'Ontario a obtenu dans les dossiers environnementaux, il a expliqué que c'est la création d'une direction de l'application indépendante du service de la lutte contre la pollution du ministère qui avait permis d'améliorer la fiche de la province dans ce domaine :
Ce n'est qu'en 1986 qu'un changement radical s'est produit au ministère de l'Environnement, lorsque la Direction des enquêtes et de l'application de la loi, la DEAL, est née. Il s'agissait d'une nouvelle direction détachée du secteur de la réduction de la pollution. Le ministère se trouvait ainsi doté d'un groupe de spécialistes qui ne s'occupaient que de faire respecter la loi. On les appelle couramment les «policiers verts» parce qu'ils vont sur les lieux, font enquête et appliquent les lois. C'est leur rôle. Ce sont des experts zélés, et ils s'acquittent de leur tâche avec dévouement et énergie.
Malgré l'augmentation des ressources, il était clairement établi que ces gens n'étaient pas là pour amadouer les industriels ou leur montrer le droit chemin. Ce rôle appartient aux gens chargés de réduire la pollution. Leur travail consistait à faire observer la loi. [...] Il n'existe pas de situation analogue à Environnement Canada. C'est pourquoi les choses deviennent parfois assez embrouillées57.
103. En plus de créer un organisme d'application crédible et indépendant doté de pouvoirs adéquats et de moyens de collecte et d'analyse du renseignement, le Comité croit qu'il serait bon de lui donner le statut d'organisme d'enquête au sens de la Loi sur l'accès à l'information fédérale. Sans cela, l'organisme serait désavantagé dans ses relations avec les autres organismes d'enquête, notamment sur le plan des échanges d'information. Guy Martin, du Bureau de l'application de la loi, a insisté là-dessus en affirmant devant le Comité que, pour obtenir de l'information d'autres organismes d'enquête, il faut que son bureau puisse en assurer la protection, ce qui n'est possible que s'il a le statut d'organisme d'enquête. Il nous sera difficile, à moins de pouvoir sauvegarder l'information, a-t-il précisé, de recueillir ce genre de renseignements nous-mêmes ou de les obtenir d'autres organismes policiers58.
Recommandation no 14
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement :
a) revoit la structure actuelle du ministère afin de créer un organisme d'application indépendant et centralisé, doté de services régionaux, qui relèverait directement de lui;
b) s'assure, en créant un organisme d'application indépendant et centralisé, que les décisions concernant l'application de la loi ne sont pas prises par des hauts fonctionnaires qui ont des fonctions et des responsabilités de gestion par ailleurs; et
c) prenne les mesures nécessaires pour donner à cet organisme d'application indépendant le statut d'organisme d'enquête et qu'il soit désigné comme tel aux fins de la Loi sur l'accès à l'information.
104. Aucune restructuration, si poussée soit-elle, ne permettra toutefois d'obtenir un régime efficace d'application à moins que les agents d'application soient bien formés. Le Comité a obtenu du ministère un répertoire impressionnant des cours offerts, le Catalogue des cours d'application de la loi, 1997-1998. Nous nous demandons toutefois dans quelle mesure le personnel a pu suivre ces cours.
105. En faisant remarquer que la technologie évolue constamment et que les enjeux sont d'une complexité croissante, Patrick Hollier du Bureau de l'application de la loi a fait observer que la formation est d'une importance critique pour bien appliquer la loi. «Pour moi, ce n'est pas seulement de la formation, a-t-il précisé, mais plutôt un apprentissage continu.»59 Le Comité partage cet avis. Comme il le fait constamment remarquer dans ce rapport, le contrôle de la pollution est complexe et prend une multitude d'aspects. Il faut, pour bien faire respecter la loi, offrir une formation complète et permanente.
Recommandation no 15
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement offre en permanence aux agents d'application des programmes de formation complets pour les aider à s'acquitter de leurs fonctions.
PROBLÈMES D'APPLICATION LIÉS AUX ENTENTES ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES ET TERRITOIRES
106. Comme on l'a vu, plusieurs ententes administratives ont été négociées entre le gouvernement fédéral et les provinces ou territoires concernant la LCPE et les dispositions antipollution de l'article 36 de la Loi sur les pêches. Il convient de mentionner également que plusieurs ententes fédérales-provinciales et fédérales-territoriales ont été conclues sur l'habitat du poisson, visé par l'article 35 de la Loi sur les pêches. Contrairement à l'article 36 de cette loi, administré aujourd'hui principalement par Environnement Canada, l'article 35 demeure, comme on l'a déjà souligné, sous la responsabilité du ministère des Pêches et des Océans (MPO). Au sens strict, cet article déborde le mandat de la présente étude, mais le Comité a reçu plusieurs mémoires au sujet des ententes administratives négociées à son égard. Comme ces ententes se rapportent à son étude, le Comité a jugé bon de les inclure ici.
107. L'article 98 de la LCPE et l'article 38 de la Loi sur les pêches exigent tous les deux que des «inspecteurs» désignés par le ministre à cette fin soient chargés de faire appliquer la loi. Peu d'agents d'application provinciaux ou territoriaux ont toutefois été désignés puisque les provinces et territoires n'ont pas, aux termes de la plupart des ententes bilatérales, assumé la responsabilité de faire appliquer la législation fédérale. Ces ententes portent habituellement sur des choses comme les mécanismes de coopération en matière de recherche, de formation, de déversements, de rejets illégaux, de contrôle, d'inspections et d'enquêtes. Les deux parties se réservent en général le droit de recourir à leur législation respective.
108. Durant les audiences du Comité sur l'initiative d'harmonisation du Conseil canadien des ministres de l'Environnement tenues l'automne dernier, des témoins ont signalé plusieurs problèmes dans les ententes bilatérales actuelles. Un des principaux était la difficulté d'évaluer leur efficacité faute d'information. Étant donné l'importance de ces ententes pour l'initiative d'harmonisation, beaucoup plus ambitieuse, et les nombreuses inquiétudes que celle-ci soulève, le Comité a recommandé que le vérificateur général effectue une évaluation environnementale de l'efficacité des ententes bilatérales actuelles60. Le vérificateur général a indiqué qu'il donnerait suite à cette recommandation.
109. Durant les récentes audiences, le Comité a entendu plusieurs témoins dire que le bilan de l'application de la loi en vertu des ententes bilatérales laissait beaucoup à désirer.
110. Le Sierra Legal Defence Fund a donné un exemple qui se rapporte à l'entente Canada-Québec (renégociée depuis) sur l'application au Québec du règlement fédéral sur les usines de pâtes et papiers. En 1996, au moins 20 usines québécoises avaient déversé des effluents toxiques au-delà des normes fixées, pour un total de 189 infractions au règlement, dont 98 à la même usine. Selon l'organisme, aucune poursuite n'a toutefois été intentée, ce qui l'a amené à conclure qu'il y avait des lacunes généralisées et alarmantes dans l'application de la loi par le gouvernement fédéral et le Québec61.
111. Un cas plus grave, évoqué par Juli Abouchar, du Conseil pour la conservation du Nouveau-Brunswick, concerne la salmoniculture dans cette province, où le surpeuplement grave des installations a donné lieu à beaucoup de maladies, la pollution marine et la libération excessive d'éléments nutritifs (par le rejet d'aliments, d'excréments, de pesticides, d'antibiotiques, d'agents correcteurs, etc.). Mme Abouchar nous a parlé d'une épidémie de poux du poisson chez les saumons en cage en 1994 et 1995 et des puissants agents chimiques utilisés pour la combattre, dont un, hautement toxique et interdit, a pourtant été ajouté à l'eau, en causant peut-être du tort aux parcs à homard voisins. Plus récemment, lorsqu'un virus mortel et très infectieux s'est attaqué au quart des salmonicultures, il a fallu abattre plus d'un million de saumons.
112. Face aux incidences négatives de ces actes sur les espèces et l'habitat marins, Mme Abouchar a indiqué que ni le MPO, ni Environnement Canada, n'a appliqué les articles 35 (habitat du poisson) et 36 (prévention de la pollution) de la Loi sur les pêches. Selon elle, la raison principale de leur inaction aurait été le protocole d'entente Canada-Nouveau-Brunswick sur le développement aquacole, signé en 1989. Pour l'essentiel, cette entente donne les pleins pouvoirs de gestion aquacole à la province, tout en accordant expressément au fédéral le pouvoir d'intervenir dans les limites de ses compétences; cependant, le gouvernement fédéral a choisi de ne pas agir62.
113. Cela démontre que le gouvernement fédéral n'est pas intervenu pour appliquer la loi, même si ces ententes lui en donnaient expressément le droit. Les raisons possibles de cette inaction sont multiples. Il se peut que, après avoir procédé à la mise en demeure et à la consultation, il ait été trop tard pour que les agents fédéraux interviennent et recueillent les éléments de preuve nécessaires. Ou que le gouvernement fédéral ait refusé d'user de son autorité, pour des raisons politiques ou économiques, s'en remettant plutôt aux autres administrations. Il se peut aussi que, faute de ressources, les agents d'application n'aient pas eu le temps d'analyser toutes les données reçues directement de la collectivité réglementée ou transmises par la province ou le territoire. Il se peut, enfin, que les données reçues aient été inadéquates ou soient arrivées trop tard pour que l'on puisse intervenir.
114. Quelle qu'en soit les causes, le fait demeure qu'Environnement Canada et même certaines provinces n'appliquent pas les lois environnementales comme ils le pourraient et le devraient. Cette inaction nous consterne. Nous sommes doublement troublés de la décision du gouvernement fédéral de signer une entente d'harmonisation pour l'ensemble du pays. De l'avis du Comité, il est essentiel que les ententes administratives établissent des structures de gestion et des mécanismes de responsabilisation rigoureux afin de veiller à ce que les rôles, responsabilités et lignes de conduite de chaque partie sont bien compris par chacune et par les secteurs réglementés, et que tout différend se règle de manière efficace et transparente.
115. Les ententes bilatérales posent également le problème du maintien de la capacité réelle d'Environnement Canada d'intervenir efficacement. La perte de capacité fédérale à la suite de la délégation de responsabilités aux provinces et territoires est apparue dans toute son acuité quand, en septembre 1997, l'Ontario s'est retiré d'une entente par laquelle le MPO lui déléguait la protection de l'habitat et l'évaluation d'impact des projets sur l'habitat du poisson, en vertu de la Loi sur les pêches. Comme il n'y avait personne au fédéral pour reprendre le travail, cela a créé un vide dans le programme ministériel de protection de l'habitat du poisson, ce qui a obligé le MPO à embaucher temporairement des biologistes surnuméraires pour s'attaquer au surcroît de travail. Le ministère a également dû affecter quatre agents des pêches fédéraux d'autres régions en Ontario pour s'attaquer aux problèmes d'application de la loi et faire le travail des 215 agents provinciaux63. Le Comité a appris depuis que le nombre de fonctionnaires fédéraux d'appoint affectés à cette tâche a été ramené de quatre à deux agents, les autres étant contraints de rentrer dans leur région64.
116. Cet exemple illustre bien les dangers de la délégation des responsabilités à un autre palier de gouvernement, même en vertu d'ententes administratives. Une fois qu'un gouvernement délègue ainsi, il abandonne progressivement le terrain et perd la capacité d'intervenir. À la fin, il perd les budgets, le personnel et l'expertise nécessaires. Comme l'a signalé Franklin Gertler du Centre québécois du droit de l'environnement, «lorsqu'une province décide de ne pas appliquer une partie de la loi fédérale, il est bien difficile pour le gouvernement fédéral de revenir à son rôle antérieur, parce qu'il n'en a plus les moyens65.»
117. De l'avis du Comité, il est essentiel qu'Environnement Canada conserve sa capacité opérationnelle. Cela exige le maintien des unités d'inspection et d'enquête avec suffisamment de personnel formé, équipé et informé, ce qui suppose que les unités demeurent sur un pied d'alerte, avec les ressources appropriées. Dans cette perspective, il semble qu'un modèle de coopération par lequel le ministère et les provinces ou territoires travailleraient conjointement serait préférable au «guichet unique» comme en témoignent l'entente de gestion de l'habitat du poisson passée entre le MPO et l'Ontario et l'entente Québec-Canada sur l'application de la réglementation fédérale sur les usines de pâtes et papiers.
Recommandation no 16
Le Comité recommande que le ministère de l'Environnement, en négociant des ententes environnementales avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones :
a) s'assure de conserver tout le pouvoir et les responsabilités, ainsi que les moyens et les ressources nécessaires pour appliquer la LCPE et les dispositions antipollution de la Loi sur les pêches; et
b) veille à l'insertion de mécanismes efficaces et transparents de contrôle, d'examen, de déclaration et de règlement des différends dans les ententes afin d'obliger les parties à respecter leurs engagements et obligations.
118. Des représentants du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et de l'Administration régionale crie ont insisté sur la nécessité d'élaborer des ententes claires qui énoncent bien les rôles et responsabilités respectifs des parties. Ils nous ont dit tout le mal qu'a eu le Grand Conseil des Cris du Québec (les Cris) à faire respecter les termes de la Convention de la baie James et du Nord québécois, une entente multipartite de règlement de revendications territoriales signée en 1975 par les gouvernements du Canada et du Québec, Hydro-Québec, les collectivités cries et inuit du Québec et d'autres parties.
119. Ces témoins ont fait ressortir que tout au long des négociations, les Cris avaient cru que l'entente favoriserait l'instauration d'une relation de travail renouvelée et durable entre eux et le gouvernement fédéral, y compris Environnement Canada et le ministère des Pêches et des Océans (comme on les appelait alors). Déclarant que depuis, ces deux ministères voyaient davantage dans l'entente un prétexte pour ne rien faire qu'une raison de continuer d'agir, ils ont rappelé que le gouvernement fédéral avait opéré un retrait graduel et stratégique du règlement des problèmes écologiques et de gestion des ressources découlant des aménagements hydroélectriques en terres cries, un problème qui touchait, ont-ils fait observer, à d'autres domaines de compétence fédérale, notamment celui du soutien essentiel des structures établies aux termes de l'Entente.
120. Rappelant qu'Environnement Canada et le ministère des Pêches et des Océans étaient censés participer à un partenariat tripartite avec les Cris et le gouvernement du Québec relativement aux évaluations d'impact environnemental et à l'élaboration de la politique en matière d'environnement, ils ont déclaré que leur participation s'était révélée des plus décevantes. Selon eux, les deux ministères semblaient motivés davantage par une ferme intention d'éviter toute participation que par la volonté d'assumer les obligations qui leur incombaient en vertu des lois fédérales. Les témoins ont toujours eu l'impression que l'application de l'Entente obéissait à des intérêts politiques prioritaires qui les obligeaient à demeurer invisibles (ou presque) et à éviter à tout prix d'être perçus comme pouvant apporter quelque chose de tangible au gouvernement du Québec en matière d'exploitation des ressources naturelles ou de protection de l'environnement. Ils étaient d'avis que les deux ministères fédéraux n'avaient montré aucun désir d'appliquer les dispositions de l'Entente qui relevaient d'eux. Ils ajoutaient que le même bilan valait aussi pour d'autres ministères fédéraux, et notamment Santé Canada pour lequel il semble que, dès l'entrée en vigueur de l'Entente, la contamination par le mercure a cessé de représenter un risque pour la santé humaine dans le Nord du Québec66.
121. Le Comité reconnaît que la contamination par le mercure demeure un problème grave dans le Nord québécois, pour la santé humaine surtout, et qu'elle entrave toute activité commerciale basée sur la pêche (tant sportive que commerciale). Nous partageons les préoccupations des Cris et formulons une recommandation à cet égard à la fin du rapport.
122. Pour son propos immédiat, cependant, le Comité voit dans la mise en oeuvre de l'Entente de la baie James et du Nord québécois (ou plutôt son défaut) une preuve de plus que, lorsqu'une entente est signée, le gouvernement fédéral n'assume pas pleinement ses responsabilités et n'agit pas quand il serait justifié de le faire, préférant se retirer et réduire ses ressources en conséquence. Encore une fois, le Comité ne peut que s'inquiéter de ce qui semble être une tendance à l'«abandon» que cette attitude trahit chez le gouvernement fédéral et croit qu'elle augure mal de celle de l'entente globale d'harmonisation du CCME, entente qui viserait plusieurs facettes de la protection et de la gestion de l'environnement, notamment l'établissement de normes pancanadiennes en matière de qualité de l'environnement et de santé humaine, l'inspection et l'application des lois et de la réglementation environnementales, les évaluations d'impacts environnementaux et les accords internationaux de protection de l'environnement.
123. L'automne dernier, lors des audiences sur l'initiative d'harmonisation du CCME, le Comité a entendu de nombreuses doléances et a fait plusieurs constats à partir des témoignages entendus. Entre autres choses, il a conclu que :
- On n'a pas réussi à démontrer la présence de chevauchements et de dédoublements entre les règlements et activités de protection de l'environnement du gouvernement fédéral et ceux des provinces ou territoires, ce qui permet de douter que l'entente n'accroisse l'efficacité administrative et les économies.
- À terme, les provinces pourraient assumer un nombre considérable de fonctions en vertu de l'accord et des ententes auxiliaires, ce qui ne laisserait au fédéral que des responsabilités bien réduites en matière de protection de l'environnement.
- Une dévolution importante des pouvoirs de protection de l'environnement du fédéral aux provinces ou aux territoires pourrait affaiblir la protection de l'environnement au Canada.
- Au lieu de supposer que les pratiques et les règlements de protection de l'environnement des deux niveaux de gouvernement sont complémentaires, l'accord et les ententes auxiliaires auront pour effet, en définitive, d'éliminer un niveau de réglementation et de pratiques.
124. Le Comité continue de craindre l'initiative d'harmonisation. Aucun témoignage entendu aux audiences n'a pu nous la faire voir sous un jour plus favorable. Au contraire, la piètre fiche d'Environnement Canada sur le plan des mesures d'application prises en vertu des ententes bilatérales et le déclin de sa capacité opérationnelle nous confirment dans notre opinion que l'accord et les ententes auxiliaires sont peut-être mal inspirés.
125. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'entente auxiliaire sur l'application des lois est en cours d'élaboration. Le Comité avait recommandé de finaliser l'ensemble des documents avant de ratifier l'accord principal et les trois ententes auxiliaires déjà négociées (qui portaient sur les normes, les inspections et l'évaluation environnementale), mais on ne l'a pas écouté puisque la première phase de l'initiative a été signée le 29 janvier 1998. Dans son rapport, le Comité ne jugeait pas sage d'aller de l'avant avec l'entente auxiliaire sur les inspections avant de conclure l'entente auxiliaire sur l'application des lois. Comme les deux allaient de pair, il lui semblait qu'elles devaient être menées de front, ce qui n'a pas été fait. Le Comité croit néanmoins que l'entente sur l'application des lois, dont la conclusion est imminente, porte sur un volet trop important pour qu'on la mette en oeuvre maintenant. Le vérificateur général a accepté d'évaluer l'efficacité des ententes environnementales déjà conclues avec les provinces et territoires. Le Comité considère qu'il serait préférable d'attendre le dépôt de son rapport au Parlement avant de signer l'entente auxiliaire sur l'application des lois, car ce document fournira aux Canadiens une évaluation rigoureuse et indépendante des points forts et des faiblesses des ententes déjà conclues et permettra de prendre des décisions éclairées quant aux dispositions qui devraient figurer dans l'entente auxiliaire sur l'application des lois.
Recommandation no 17
Le Comité recommande que :
a) le vérificateur général du Canada procède dans les meilleurs délais à l'évaluation environnementale qu'il a convenu de faire de l'efficacité des ententes environnementales bilatérales entre le gouvernement fédéral et les provinces ou territoires; et que
b) le ministre de l'Environnement attende, pour signer l'entente auxiliaire sur l'application des lois prévue dans le cadre de l'initiative d'harmonisation du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, que le vérificateur général ait présenté son rapport au Parlement.
126. La Politique d'application et d'observation de la LCPE reconnaît que la protection de l'environnement est «une responsabilité partagée par tous les niveaux de gouvernements, l'industrie, les syndicats et les particuliers67.» Le paragraphe 2d) de la LCPE oblige de son côté le gouvernement fédéral à «encourager la participation de la population du Canada à l'élaboration des décisions qui touchent l'environnement». Le projet de loi C-32, la nouvelle LCPE, réitère cette obligation à l'alinéa 2(1)e), mais ajoute à l'alinéa 2(1)f) que le gouvernement doit «faciliter la protection de l'environnement par les Canadiens».
127. Dans son rapport d'examen de la LCPE de 1995, le Comité soulignait l'importance de faire participer le public au débat environnemental :
Le gouvernement ne peut, à lui seul, protéger l'environnement et on ne peut pas s'attendre à ce qu'il le fasse. Chacun a intérêt à ce que l'environnement soit sain, propre et sécuritaire68.
128. Pour encourager et faciliter la participation du public à la protection de l'environnement, le Comité formulait 14 recommandations dans son rapport de 1995. Il recommandait notamment d'améliorer les dispositions visant les avis publics et les commentaires du public, de donner une assise législative explicite à l'Inventaire national des rejets de polluants (INRP), de renforcer les dispositions de protection des dénonciateurs et de donner aux citoyens le droit, sans preuves de dommages-intérêts personnels, d'intenter une poursuite au civil contre un contrevenant qui a causé ou pourrait causer des dommages importants à l'environnement.
129. Le Comité constate que le projet de loi C-32 renferme plusieurs mesures destinées à favoriser la participation du public. Ces mesures seront examinées lors de nos audiences sur le projet de loi, mais le Comité aimerait faire dès maintenant un commentaire sur la publication des données sur l'application de la loi. L'accès du public à l'information est à la base de la démocratie participative. Si les citoyens ne sont pas au courant des mesures prises par leur gouvernement, on peut difficilement s'attendre à ce qu'ils participent et fassent des contributions notables.
130. Selon nous, les Canadiens ne reçoivent pas sur l'action ministérielle le genre d'information détaillée qu'ils devraient obtenir. Les données sur l'application de la LCPE, publiées dans les rapports annuels, ne détaillent que les poursuites en donnant l'identité de l'accusé, le type et le nombre d'accusations portées, la date et le lieu des infractions alléguées. On indique également où en est la poursuite et, le cas échéant, son dénouement et les peines imposées. Ce genre de données n'est cependant pas fourni au sujet des mises en demeure ou des instructions, se limitant à indiquer le nombre de mises en demeure ou d'instructions adressées en vertu d'un règlement donné, sans préciser les parties, la date, le lieu, ou la nature de l'infraction. L'information relative aux inspections et aux enquêtes est également limitée.
131. Par contre, l'information fournie sur l'application des dispositions de la Loi sur les pêches visant à protéger l'habitat du poisson (article 35) et à prévenir la pollution (article 36) est si insuffisante et incomplète que des groupes environnementaux ont récemment poursuivi69 le ministre des Pêches et des Océans afin de l'obliger à respecter ses obligations, puisque le paragraphe 42.1 de la loi oblige le ministre à déposer un rapport annuel devant le Parlement sur l'administration et l'application de ces dispositions, y compris un résumé chiffré des condamnations.
132. Le directeur général de la gestion de l'habitat et des sciences de l'environnement au MPO, Gerry Swanson, a attribué le problème à l'impossibilité d'obtenir les données des gouvernements provinciaux dont l'application de la loi relève dorénavant. Voici ce qu'il a déclaré :
Je ne veux pas minimiser le problème que vous soulevez, mais la loi prévoit qu'un rapport doit être publié le plus tôt possible après la fin de l'année, et c'est ce que nous essayons de faire.
Aucun accord n'oblige cependant les gouvernements provinciaux à nous communiquer l'information dont nous parlons. Les provinces auxquelles nous avons demandé cette information dans le passé nous ont répondu qu'elles ne compilaient pas l'information sous une forme qui nous serait utile. Nous avons donc une situation où il nous faudrait concevoir ou financer des systèmes pour obtenir ce genre d'information70.
133. Les inexactitudes évidentes des données sur les mesures d'application publiées dans les rapports annuels de la Loi sur les pêches inquiètent beaucoup le Comité. Les retards anormaux de publication sont également préoccupants : le MPO vient juste de déposer ses rapports de 1994-1995, de 1995-1996 et de 1996-1997. Ces retards s'expliquent en partie par le fait que le ministère n'applique pas toujours la loi lui-même et n'a donc pas les données sous la main. Comme l'explique le ministre des Pêches et des Océans :
Nous avons eu par le passé de la difficulté à compiler l'information requise. Dans les provinces de l'intérieur, par exemple, le gouvernement provincial applique la Loi sur les pêches et nous n'avons pas accès aux données sur les peines et les condamnations. Cependant, nous colligeons l'information sur les condamnations dans les régions côtières et nous comptons inclure cette information dans le rapport de 1996-199771.
134. Le Comité a été également étonné d'apprendre les déboires du Sierra Legal Defence Fund, qui a fait appel à la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir des données sur le respect de la loi par les usines de pâtes et papiers dans l'est du Canada. Le gouvernement fédéral a indiqué qu'il faudrait au total 556 heures de travail pour lui répondre (provinces de l'Atlantique, 7 heures; Québec, 489 heures; Ontario, 60 heures), et a réclamé des frais de traitement des données de 5 510 $. Même si ceux-ci ont été réduits après négociation, M. Jerry DeMarco du Sierra Legal Defence Fund a fait observer que «cela montre bien que les données sur le respect des règlements pris aux termes de la Loi sur les pêches par les usines de pâtes et papiers n'étaient pas directement disponibles72.»
135. Le Comité note également que les données du ministère relativement à la LCPE sont incomplètes. Lorsqu'on a demandé le taux de récidive chez les contrevenants qui avaient reçu une mise en demeure, les fonctionnaires d'Environnement Canada n'ont pas été capables de nous donner une réponse complète. Le supplément d'information fourni par écrit au Comité est préliminaire : le taux de récidive est de 4,4 p. 100 depuis l'exercice 1989-1990 jusqu'en février 1998, mais on précise qu'un inventaire plus complet des lettres de mise en demeure est en cours. Puisque la mise en demeure constitue son mode d'action le plus fréquent, le Comité est consterné par le fait que le ministère ne puisse pas produire ce genre de données d'emblée.
136. Aucune donnée n'est publiée non plus sur le nombre de dossiers ouverts à la suite d'appels téléphoniques, de délations ou d'autres sources d'information, puis fermés sans prendre aucune mesure. Le Comité s'est laissé dire que, même si le ministère réagit à chaque information de ce genre, cela se limite parfois à remplir une fiche des faits. À défaut d'enquêteur, certains des cas signalés n'ont pas eu de suites et les dossiers ont finalement été fermés parce que trop de temps s'était écoulé pour faire enquête et que la période limite de deux ans pour la déclaration sommaire de culpabilité était écoulée73.
137. Le Comité n'a pas obtenu le nombre précis de dossiers qui sont restés sans suite, mais s'inquiète qu'il y en ait eus. Lorsque des citoyens se dérangent pour informer les autorités d'une possible infraction, ils devraient pouvoir s'attendre au moins à ce qu'on fasse enquête au lieu de mettre l'affaire de côté. Si le ministère veut vraiment que le public participe à la protection de l'environnement, il doit donner suite aux plaintes formulées. Il doit aussi être disposé à informer les Canadiens de ses limites et à publier des données sur les dossiers qui restent sans suite, si cela continue de se produire.
138. Le Comité espère que la gestion des données s'améliorera sensiblement une fois que NEMISIS, la banque nationale de données et de gestion des dossiers d'application de la loi, sera tout à fait opérationnelle. Selon David Pascoe de la Région de l'Ontario, cette nouvelle banque est très prometteuse :
NEMISIS est un outil excellent pour l'application de la loi. Il ne fonctionne que depuis six à neuf mois. On y travaille encore. On y ajoute encore des choses et on le teste, mais c'est toute une amélioration par rapport à ce que nous avions. Il nous permettra de produire des chiffres sur l'application de la loi et de faire le suivi des mesures prises. C'est un très bon outil à la fois pour les régions et pour l'administration centrale74.
139. Comme on prévoit que la gestion des données sera bien meilleure avec NEMISIS, le Comité estime que le public canadien devrait également pouvoir en tirer profit. Nous avons déjà noté que les données sur l'application de la LCPE ne sont fournies qu'au compte-gouttes à l'heure actuelle. À notre avis, il faudrait publier des données plus détaillées afin que les Canadiens soient mieux informés des activités d'application du ministère.
140. Il serait aussi avantageux qu'Environnement Canada prenne la responsabilité de publier des données sur les mesures prises pour prévenir la pollution en vertu de la Loi sur les pêches. Ce ministère a la responsabilité première d'appliquer ces dispositions et se trouve donc en meilleure position que le MPO pour publier des données complètes en temps opportun.
Recommandation no 18
Le Comité recommande que :
a) le ministre de l'Environnement publie toutes les données relatives à l'application des lois et règlements dont une loi ou une entente confie la responsabilité au ministère, comme celles sur l'application de la LCPE, des dispositions antipollution de la Loi sur les pêches et des dispositions de la Loi sur les additifs à base de manganèse;
b) le ministre de l'Environnement soit tenu de publier et de déposer au Parlement un rapport annuel détaillé sur les mesures prises l'année précédente à l'égard des lois et règlements dont une loi ou une entente confie la responsabilité au ministère, en identifiant la mesure (inspection, mise en demeure, poursuite, etc.), la partie visée, la date et le lieu, le stade de la poursuite et son résultat, le cas échéant;
c) le ministre de l'Environnement soit aussi tenu (i) de publier des données détaillées sur toutes les allégations d'infraction signalées aux agents d'Environnement Canada qui n'avaient fait l'objet d'aucune mesure administrative au moment de fermer le dossier, et (ii) d'exposer les raisons pour lesquelles aucune mesure n'a été prise; et
d) le gouvernement du Canada présente les modifications voulues aux lois pertinentes, comme la Loi sur les pêches et la Loi sur les additifs à base de manganèse, afin de transférer l'obligation de faire rapport sur les mesures d'application de la loi au ministre de l'Environnement.
141. Nous avons insisté plus haut sur l'importance qu'Environnement Canada s'associe avec d'autres organismes policiers afin de mieux protéger l'environnement. À notre avis, le ministère devrait également chercher à s'associer avec ceux qui, par souci de protection de l'environnement ou à cause de la nature de leur travail, sont des alliés naturels dans sa défense.
142. Les groupes intéressés, notamment les groupes écologistes, les Autochtones et les syndicats, sont particulièrement bien placés pour aider le ministère dans l'application de la loi. Certains ont des connaissances spécialisées. D'autres, les travailleurs en particulier, sont aux premières loges pour observer les problèmes. Cependant, comme le signale Dick Martin du Congrès du Travail du Canada, rares sont les travailleurs qui ont la compétence technique requise pour juger qu'il y a eu infraction, ce qui exige une analyse chimique.
Si j'observe un cours d'eau de la rive, je peux voir un liquide s'échapper d'une usine, sans avoir la moindre idée de sa composition chimique. Je ne peux pas savoir s'il s'agit d'un produit toxique ou cancérigène, ni quel sera son effet sur les poissons et sur l'habitat.
Ce qu'il faut vraiment, c'est une analyse chimique. Il faut des chimistes. Il faut des ingénieurs. Il me semble qu'une fois encore c'est à Environnement Canada d'embaucher les spécialistes pour faire ce genre de tests. Les simples citoyens sont incapables de le faire avant qu'il ne soit trop tard, avant de dénombrer les victimes, et c'est ce qu'on veut prévenir75.
143. Le Comité est d'accord qu'il faut des spécialistes, mais reconnaît également qu'à moins de sonner l'alarme on ne pourra pas trouver les spécialistes à temps pour faire les tests nécessaires et empêcher ou limiter les dégâts. L'important est de sonner l'alarme le plus tôt possible. C'est pourquoi nous croyons que le ministère devrait s'ouvrir aux groupes intéressés, comme les groupes écologistes, les Autochtones, les syndicats et les associations industrielles, et les encourager à devenir des partenaires actifs dans la protection de l'environnement. Le Comité estime également que le ministère devrait étendre ses assises et solliciter activement la participation des Canadiens et la faciliter, comme l'alinéa 2(1)e) de la nouvelle LCPE (projet de loi C-32) lui en donne le mandat. Ces démarches d'ouverture pourraient englober des programmes de formation, des campagnes de sensibilisation et de l'aide financière, ainsi que des campagnes d'information et des lignes téléphoniques directes, comme celle du programme TIP (Turn in Poachers) établi par la Saskatchewan.
Recommandation no 19
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement crée des structures et des mécanismes et réserve des fonds pour favoriser la collaboration de tous les intéressés comme les syndicats, les groupes écologistes, les Autochtones, les cadres de direction et les citoyens, les encourager à communiquer aux autorités compétentes tout renseignement sur les infractions alléguées ou confirmées aux lois et à la réglementation environnementales et leur faciliter la chose.
144. Des témoins ont fait remarquer au Comité qu'il est essentiel, pour obtenir la participation active des citoyens intéressés et des employés en particulier, puisqu'ils s'exposent à des représailles au travail lorsqu'ils dénoncent leur employeur, d'assurer la protection complète des délateurs. Le Comité a reconnu, nous l'avons mentionné, la nécessité d'une forme efficace de protection des délateurs dans son rapport de 1995 sur la LCPE et recommandait de modifier la LCPE en conséquence76. Sa recommandation se limitait forcément, étant donné la portée précise de cette étude, aux infractions à la LCPE. Tout en prenant note des nouvelles dispositions proposées à ce sujet dans le projet de loi C-32, le Comité estime qu'il faudrait assurer la protection intégrale de tous les dénonciateurs dans chacune des lois environnementales fédérales, et ne pas se limiter à certaines lois. Il juge donc souhaitable d'étendre la portée de sa recommandation initiale.
Recommandation no 20
Le Comité recommande que le gouvernement du Canada insère des dispositions générales de protection des dénonciateurs dans toutes les lois environnementales fédérales pertinentes.
145. Lorsque des citoyens préoccupés ont voulu prendre des mesures dans un cas, ils ont été contrés par des poursuites en dommages et intérêts. Jerry DeMarco du Sierra Legal Defence Fund nous a dit que son organisme avait été mêlé à au moins quatre poursuites privées en Colombie-Britannique, concernant des infractions à la Loi sur les pêches. Les quatre affaires ont été reprises par le procureur général de la province cependant, et toutes ont été suspendues :
Il est difficile de savoir pourquoi exactement ces poursuites ont été suspendues. Certaines provinces ne mettent pas fin systématiquement aux poursuites dans les dossiers d'environnement. Pour une raison inconnue, la Colombie-Britannique et l'Alberta le font systématiquement. [...] Il ne s'agit pas ici de poursuites frivoles ou vexatoires. [...] Les effluents bruts qui se déversaient de l'égout du District régional du Grand Vancouver sur Clark Drive sautaient aux yeux. Nul doute que ces eaux d'égouts non traitées et non filtrées s'échappaient, et cela contrevient certainement à la Loi sur les pêches.
Sierra Legal n'a intenté ces poursuites qu'une fois munie d'un dossier accablant. En fait, quand le gouvernement a repris la poursuite, on nous a indiqué que les preuves étaient bonnes et qu'il y avait de fortes chances de condamnation. [...] Cependant, après une série d'ajournements, on a décidé de suspendre les poursuites.
Nous avons tenté de contester, mais à cause des pouvoirs discrétionnaires de la Couronne, il est difficile de savoir ce qui motive cette décision. On parle d'entente à l'amiable entre la province et la municipalité, pour excuser cette dernière de continuer à polluer. Cela constitue peut-être une défense selon la loi provinciale, mais les accusations concernaient également la loi fédérale, et il n'y a pas d'excuse pour retirer les accusations en vertu de la Loi sur les pêches77.
146. Pour le Comité, les difficultés éprouvées par des citoyens qui entreprennent une poursuite privée ne sont pas nouvelles. Cette question a été abordée dans le rapport de 1995 sur la révision de la LCPE. À l'époque, nous recommandions que la loi (par opposition au Code criminel) soit modifiée pour permettre expressément les poursuites privées. Nous recommandions en outre que, si le procureur général décidait de reprendre la poursuite à son compte, le plaignant privé puisse demeurer partie à l'instance et, si la cause se réglait à l'amiable, que le plaignant privé puisse participer aux négociations et soit partie à l'entente78.
147. Le gouvernement fédéral a rejeté cette recommandation, en affirmant que dans le contexte du droit criminel canadien, l'ajout de ces droits à une nouvelle LCPE entraverait l'exercice du pouvoir discrétionnaire du procureur général. Il indiquait aussi que, selon la ligne de conduite du gouvernement, les poursuites privées reprises par le procureur général ne sont suspendues que lorsque les preuves sont insuffisantes pour étayer l'accusation ou lorsque la poursuite n'est pas dans l'intérêt public. Le gouvernement fédéral a l'intention de maintenir sa politique79.
148. Comme le Comité l'affirmait dans son rapport de 1995, les poursuites par un citoyen peuvent constituer le meilleur recours judiciaire étant donné que la preuve est moins onéreuse à établir au civil qu'au criminel. En outre, le procureur général ne serait pas habilité à reprendre la poursuite, comme dans le cas d'une poursuite privée, bien que, dans certains modèles de poursuites par un citoyen, le plaignant puisse devenir partie à la poursuite.
149. Plusieurs témoins, comme l'Association canadienne du droit de l'environnement et le Sierra Legal Defence Fund, ont réclamé un mécanisme efficace de poursuite par les citoyens. Le Comité note que le projet de loi C-32 renferme de telles mesures et qu'il les examinera lors de l'étude du projet de loi. Même si le recours à des poursuites intentées par des citoyens sera peut-être admis avant longtemps, le Comité considère que des poursuites privées pourraient convenir dans certains cas. Étant donné la possibilité d'abus de procédure cependant, nous estimons que le gouvernement fédéral devrait être obligé d'énoncer une politique claire et détaillée sur les poursuites privées reprises par la Couronne. Il faudrait, en particulier, que le procureur général du Canada indique précisément les situations où il serait dans l'intérêt public de mettre fin aux poursuites ou de régler à l'amiable, et quel serait le rôle du plaignant dans ces cas.
Recommandation no 21
Le Comité recommande que le procureur général du Canada, de concert avec le ministre de l'Environnement, rédige et publie un énoncé de principes détaillé sur les poursuites privées relatives à des infractions aux lois fédérales sur l'environnement. Cet énoncé devrait préciser en particulier le rôle du plaignant privé lorsque la poursuite est reprise par la Couronne, ainsi que les raisons pour lesquelles il serait dans l'intérêt public de suspendre les procédures ou de régler la poursuite à l'amiable.
150. Le Comité a insisté, tout au long de ce rapport, sur l'importance de bien appliquer les lois environnementales canadiennes. En se fondant sur les témoignages entendus, il arrive à la conclusion que tel n'est pas le cas. C'est peut-être imputable en partie au manque de volonté politique, mais le Comité tend à penser que le manque de ressources adéquates en est la cause principale.
151. Le Comité a été frappé par la candeur témoignée par Grant Pryznyk, qui dirige le service de conservation et de protection de la Région du Centre et de l'Arctique, du Secteur de la gestion des pêches au ministre des Pêches et des Océans. Lorsqu'on lui a demandé s'il disposait des ressources nécessaires pour faire respecter l'article 35 de la Loi sur les pêches (protection de l'habitat des poissons), M. Pryznyk nous a répondu simplement : «Non80.»
152. Par contre, le directeur du Bureau régional de l'Ontario, Ron Shimizu, a déclaré au Comité que ses ressources étaient relativement stables. Estimant qu'il pouvait se tirer d'affaires avec les ressources actuelles, il n'avait pas l'intention d'en réclamer davantage81. Cette attitude est un peu étonnante si l'on considère que la Région de l'Ontario n'applique pas, faute de ressources, les dispositions antipollution de la Loi sur les pêches et se voit contrainte de fermer certains dossiers avant de pouvoir mener les enquêtes lorsque la période limite de deux ans pour les procédures de poursuites sommaires est écoulée82. Le Comité se fie davantage à l'affirmation du sous-ministre qui a finalement avoué, après un interrogatoire passablement poussé, que le programme d'application de la loi manque de ressources humaines et financières83.
153. Le Comité partage l'avis du sous-ministre. Selon lui, le programme d'application de la loi manque gravement d'effectifs. Il compte, au total, 60 agents d'application dans les régions, auxquels s'ajoutent 22 employés de soutien du Bureau de l'application de la loi au siège du ministère, alors qu'une étude interne, produite en 1993, estimait qu'il faudrait au bas mot 300 personnes (équivalent temps plein) pour assurer la bonne application de la loi84. Cette estimation reposait bien sûr sur les besoins perçus pour la période de 1994-1995. Depuis lors, comme nous l'avons vu, d'autres règlements et textes législatifs sont venus s'ajouter à la liste des fonctions d'application, et d'autres s'annoncent.
154. Dans un document du ministère, intitulé Initiatives réglementaires envisagées pour les Services de protection de l'environnement, exercice financier 1998-1999, et années de planification 1999-2001, qui a été communiqué au Comité, il est prévu de publier au moins cinq nouveaux règlements dans la Gazette du Canada en 1998-1999, dont le Règlement sur les émissions des chaudières des installations fédérales, le Règlement sur les déchets dangereux des installations fédérales, le Règlement sur le dégraissage au solvant, le Règlement sur le tétrachloroéthylène et le Règlement sur le chlorure de tributyle tétradécile phosphonium. En plus d'étendre la portée d'autres règlements actuels, l'on envisage aussi de faire paraître, en 1999-2000, d'autres règlements comme le Règlement sur les émissions de chrome hexavalent résultant du chromage et le Règlement sur les habitats du poisson et sur les rapports de déversement.
155. Le Comité voit d'un bon oeil que l'on accroisse la protection de l'environnement par de nouveaux règlements ou l'amélioration des règlements actuels, mais certains de ses membres s'inquiètent du fait que les règlements actuels ne sont déjà pas bien appliqués et se demandent s'il est sage d'alourdir la charge de travail réglementaire sans s'engager parallèlement à renforcer les ressources.
156. Nous avons déjà indiqué dans quelle mesure les budgets de fonctionnement ont été amputés en réalité, même s'ils n'ont peut-être pas été touchés directement dans le cadre de l'examen des programmes. Le budget de fonctionnement (moins les traitements et salaires) pour 1997-1998 était de 115 000 $ dans la Région du Québec, et de 150 000 $ dans la Région de l'Atlantique85. Celui de la Région du Pacifique et du Yukon a chuté, nous l'avons vu, de 72 p. 100 par rapport au dernier exercice pour se retrouver à 87 100 $ pour l'exercice actuel, surtout parce qu'on a mis fin au plan d'action du fleuve Fraser le 1er avril 1998! Ces chiffres nous paraissent alarmants. Le fait que des postes d'agents d'application soient restés vacants pendant tant d'années dans certaines régions ne l'est pas moins, d'autant plus que cette situation risque de se prolonger pendant des années si, comme on le fait dans la Région du Pacifique et du Yukon, l'on continue de sacrifier des postes pour pallier, grâce aux économies salariales, au grave manque de fonds opérationnels. Il n'est pas étonnant, vu les budgets d'application extrêmement restreints et le nombre inacceptable d'agents d'application qui doivent faire face à une charge de travail sans cesse croissante, qu'Environnement Canada préconise le respect volontaire et le transfert des responsabilités fédérales aux provinces et territoires.
157. Le Comité tient à souligner qu'il ne s'oppose pas aux accords de partage de la tâche avec les provinces et territoires. Certains ont donné de très bons résultats. L'Accord Canada-Ontario concernant l'écosystème du bassin des Grands Lacs a été évoqué par l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement comme un très bon modèle de collaboration gouvernementale. L'Institut s'est toutefois empressé, en signalant que les récentes compressions budgétaires et la restructuration du ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario limitaient le succès de l'Accord, de faire observer que même les mécanismes efficaces de collaboration gouvernementale sont voués à l'échec lorsque les fonds et les effectifs font défaut86.
158. Le Comité partage cet avis. Il est fondamental, pour bien s'acquitter de la tâche, de pouvoir compter sur des fonds adéquats et une politique cohérente de dotation.
159. L'on ne saurait trop insister, selon le Comité, sur les bienfaits de la bonne application des lois environnementales comme la LCPE et les dispositions antipollution de la Loi sur les pêches. L'idée est de permettre aux Canadiens de respirer à leur aise de l'air pur, de les approvisionner en eau pure qu'ils peuvent boire et dans laquelle ils peuvent se baigner sans risque, de leur garantir une atmosphère dans laquelle ils peuvent vivre sans danger. Il s'agit en outre, sur un plan moins crucial mais quand même important, d'offrir aux Canadiens des espaces verts, à la fois sains et d'une riche biodiversité, qu'ils peuvent admirer et léguer à leurs enfants pour l'agrément et le bien-être des générations à venir, de réglementer et de contrôler les substances nocives par la bonne application de la loi, tous ces besoins et intérêts vitaux seront mis en péril et pourraient subir un tort irrémédiable. Il faut à tout prix éviter un tel sort. Le bien public n'en exige pas moins.
160. Le Comité déplore le fait que les analyses coûts-avantages du ministère ne tiennent pas pleinement compte, de manière quantifiable, de tous les avantages hygiéniques, sociaux, écologiques et économiques que la réglementation sur la protection de l'environnement procure aux Canadiens. Il reconnaît cependant que la méthodologie qu'exigent de telles études n'est peut-être pas tout à fait au point. Par contre, il nous semble que l'on attache actuellement trop d'importance aux coûts économiques à court terme de la législation environnementale, et pas assez aux avantages qui en découleront globalement à moyen comme à long termes. Plusieurs facteurs qui devraient être considérés comme des avantages nous viennent à l'esprit :
- l'amélioration de la santé publique et de la qualité de la vie;
- la réalisation des engagements pris en faveur du développement durable à long terme et l'adoption de pratiques propices;
- l'essor économique (emplois, R&D, et possibilités d'exportation accrus);
- l'essor des secteurs réglementés (productivité accrue, réduction des frais de litiges, meilleure image, règles du jeu uniformes, possibilités d'exportation plus grandes);
- les avantages procurés aux assureurs et aux consommateurs (responsabilité moindre, meilleure gestion du risque);
- les avantages qu'en tirent tous les niveaux de gouvernement et les collectivités (baisse des coûts de santé, activités de tourisme et de loisir accrues, hausse du rendement et diminution des perturbations dans les industries primaires comme la pêche);
- les avantages qu'en tirent tous les niveaux de gouvernement (meilleure réputation sur la scène internationale, moins exposés aux poursuites en matière environnementale).
161. À moins de tenir compte de ces avantages et d'autres aspects positifs des mesures réglementaires, le Comité craint que l'on ne continue d'insister exclusivement sur leurs coûts économiques à court terme. Il faut remédier à cette situation.
Recommandation no 22
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement ordonne à son ministère de tenir pleinement compte, dans toute analyse coûts-avantages destinée à mettre au point et en oeuvre des solutions réglementaires aux problèmes environnementaux, de tous les avantages économiques des mesures réglementaires.
162. La nécessité d'affecter davantage de fonds au programme ministériel d'application de la loi est manifeste. Le manque de ressources se fait déjà sentir; le problème ne fera qu'amplifier à l'avenir si Environnement Canada veut vraiment remplir son mandat législatif qui est de préserver et de rehausser la qualité du milieu naturel. La protection de l'environnement est de la plus haute importance pour les Canadiens. Comme la Cour suprême du Canada l'a fait remarquer, «la protection de l'environnement est devenue l'un des grands défis de notre époque87». Elle a aussi affirmé que les dispositions de la LCPE concernant la réglementation des substances toxiques sont d'une «importance primordiale88» pour le public.
163. Le Comité juge impératif d'affecter plus de ressources au programme d'application de la loi. Une fois arrivé à cette conclusion, il s'est demandé si, dans le climat d'austérité actuel, ce supplément de fonds doit provenir d'une réaffectation des ressources au sein du ministère, ou s'il faut réclamer des fonds additionnels. En définitive, le Comité a décidé qu'une nouvelle injection de fonds s'impose à cette fin. Il considère les autres activités centrales du ministère, comme les sciences, la protection de la faune et de la flore, la biodiversité, la météorologie et le changement climatique, trop importantes en soi pour leur soustraire des fonds en vue de subventionner le programme d'application de la loi. Le budget du ministère a été amputé d'un tiers au cours des dernières années. Tous les programmes ont été rognés jusqu'à l'os. D'un autre côté, les dépenses publiques sont de nouveau maîtrisées et la situation financière du pays s'assainit. Le moment est venu pour le ministre de l'Environnement de saisir l'occasion, de réaffirmer son engagement à protéger l'environnement et de réclamer de nouveaux crédits pour le programme d'application de la loi.
Recommandation no 23
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement demande plus de ressources pour assurer la bonne application de la législation environnementale et que le gouvernement du Canada acquiesce à sa demande.
164. Comme on l'a vu plus haut, la contamination par le mercure demeure un problème grave dans le nord du Québec, principalement pour l'homme, mais également parce qu'elle constitue un obstacle à toute activité commerciale fondée sur les ressources halieutiques (tant la pêche sportive que commerciale).
165. Le Comité est conscient que les terres du bassin de la baie James renferment des taux élevés de mercure à l'état naturel, mais les concentrations de ce contaminant ont augmenté sensiblement depuis l'inondation des vastes superficies nécessaires pour créer le bassin du projet hydroélectrique La Grande, dans le nord-ouest du Québec. Le Comité a été informé que ce bassin s'étend sur une superficie de près de 200 000 kilomètres carrés - soit une superficie supérieure à celle des provinces Maritimes. Huit réservoirs d'une superficie totale de près de 20 000 kilomètres carrés, ce qui est comparable à celle des terres agricoles au Québec, ont été créés. La montée en flèche des concentrations de mercure constatées chez les populations halieutiques est telle que les niveaux sont le plus souvent quatre à six fois au-dessus de la normale.89.
166. Comme le Comité le signalait dans son examen de la LCPE en 1995, l'activité microbienne qui accompagne la décomposition de la matière organique transforme ce mercure en méthylmercure. Lorsque des terres sont inondées pour créer un réservoir, la transformation du mercure et sa dissolution s'intensifient en raison de la décomposition bactérienne de la matière inondée. Le méthylmercure ainsi produit est ensuite absorbé par la faune aquatique et introduit dans la chaîne alimentaire.
167. Comme ce type de contamination ne fait pas partie de la pollution d'origine humaine habituellement réglementée en vertu de la LCPE, le Comité, que les problèmes environnementaux et de santé publique créés par cette forme de contamination par le mercure inquiétaient, recommandait dans son rapport de 1995 d'étudier la question afin de déterminer s'il y a lieu de réglementer ainsi le méthylmercure produit dans le milieu aquatique90. Le gouvernement fédéral n'a pas donné suite à cette recommandation et aucune autre mesure n'a été prise à cet égard. Les membres actuels du Comité, que la contamination par le méthylmercure continue de préoccuper, réitèrent donc leur recommandation :
Recommandation no 24
Le Comité recommande que le ministre de l'Environnement procède à une étude approfondie afin de déterminer s'il y a lieu de réglementer en vertu de la LCPE, le méthylmercure produit dans le milieu aquatique lorsque des terres sont inondées pour créer des réservoirs.
1 Le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable (titre abrégé : Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1998)), a été présenté au Parlement le 12 mars 1998 et a franchi l'étape de la deuxième lecture le 28 avril 1998.
2 Voir par exemple l'article paru dans le Globe and Mail du 26 janvier 1998, intitulé «Pollution Cases Not Prosecuted».
3 Même si le dernier protocole d'entente entre Environnement Canada et le ministère des Pêches et des Océans date de 1985, l'application de l'article 36 de la Loi sur les pêches avait été confiée à Environnement Canada quelques années plus tôt, alors que les deux ministères faisaient partie du même ministère des Pêches et Forêts. En 1971, les sous-ministres adjoints des anciens Service des pêches et Service de protection de l'environnement au sein du ministère des Pêches et Forêts avaient signé un accord donnant au Service de protection de l'environnement la responsabilité d'administrer et de faire respecter les dispositions de la Loi sur les pêches visant à prévenir la pollution. Cette entente, confirmée par une lettre du premier ministre datée de 1978, a été reconduite lorsque le ministère des Pêches et des Océans et Environnement Canada sont devenus des ministères distincts. Elle a été renouvelée par le protocole d'entente de 1985.
4 Tableau préparé par le Bureau de l'application de la loi le 28 janvier 1998.
5 The Ottawa Citizen, le 18 février 1997.
6 Environnement Canada, mémoire présenté au Comité, le 18 février 1998, p. 5.
7 Environnement Canada, Budget des dépenses principal pour 1992-1993, Partie III, Plan de dépenses, p. 3-51
8 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 9 h 35.
9 Conversation téléphonique du 5 mai 1998.
10 Environnement Canada, mémoire présenté au Comité, le 18 février 1998, p. 6.
11 Une erreur s'est glissée dans le compte rendu officiel. Le chiffre exact est bien 60 p. 100, et non 16 p. 100.
12 Témoignages, séance no 37, le 25 février 1998, à 16 h 40.
13 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 9 h 25.
14 Krahn, Peter, Enforcement vs. Voluntary Compliance: An Examination of the Strategic Enforcement Initiatives Implemented by the Pacific and Yukon Regional Office of Environment Canada, 1983 to 1998, p. 18. Ébauche d'étude présentée au Comité le 25 février 1998.
15 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 9 h 45.
16 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 11 h 15.
17 Témoignages, séance no 37, le 25 février 1998, à 16 h 45.
18 Témoignages, séance no 37, le 25 février 1998, à 16 h 50.
19 Témoignages, séance no 35, le 19 février 1998, à 9 h 15.
20 Association canadienne du droit de l'environnement, mémoire présenté au Comité, le 24 février 1998, p. 3.
21 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 9 h 45.
22 Association canadienne des pâtes et papiers, mémoire présenté au Comité, le 10 mars 1998, p. 3.
23 Krahn, Peter, Enforcement vs. Voluntary Compliance: An Examination of the Strategic Enforcement Initiatives Implemented by the Pacific and Yukon Regional Office of Environment Canada, 1983 to 1998. Ébauche d'étude présentée au Comité le 25 février 1998, p. 2-6.
24 KPMG Management Consultants, Canadian Environmental Management Survey, 1994, et KPMG Management Consultants, Canadian Environmental Management Survey, 1996.
25 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, p. 269.
26 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, p. 273.
27 Gouvernement du Canada, Mesures législatives sur la protection de l'environnement conçues pour l'avenir : une LCPE renouvelée, de 14 décembre 1995.
28 Lettre adressée au président du Comité le 19 mars 1998 par le sous-ministre d'Environnement Canada, Ian Glen.
29 Témoignages, séance no 42, le 26 mars 1998, à 9 h 40.
30 Témoignages, séance no 37, le 25 février 1998, à 17 h 15.
31 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, recommandation no 125.
32 Témoignages, séance no 37, le 25 février 1998, à 17 h 10.
33 Témoignages, séance no 37, le 25 février 1998, à 17 h 15.
34 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 11 h 15.
35 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 10 h 25.
36 Témoignages, séance no 34, le 18 février 1998, à 16 h 40.
37 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 12 h 10.
38 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, p. 273-74.
39 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, recommandation no 131.
40 Séance no 30, le 10 février 1998.
41 Séance no 31, le 11 février 1998.
42 Témoignages, séance no 30, le 10 février 1998, à 9 h 45.
43 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 9 h 25.
44 Témoignages, séance no 34, le 18 février 1998, à 16 h 15.
45 Témoignages, séance no 42, le 26 mars 1998, à 9 h 55.
46 Istana Consulting Services [Canada] Inc., Environment Canada, A Study of Intelligence Requirements for Environmental Enforcement, mars 1996. Une copie de ce rapport figurait dans le supplément d'information communiqué au Comité par Environnement Canada.
47 Témoignages, séance no 42, le 26 mars 1998, à 9 h 45.
48 Témoignages, séance no 34, le 18 février 1998, à 16 h 05.
49 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 11 h 30.
50 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 11 h 30.
51 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 11 h 35.
52 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, recommandation no 125.
53 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 11 h 05.
54 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 10 h.
55 Il s'agit de poursuites contre un organisme de l'État, comme, par exemple, lorsque Environnement Canada dépose des accusations à l'endroit de Transports Canada pour avoir rejeté des substances nocives dans un cours d'eau fréquenté par des poissons, contrevenant ainsi au paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches.
56 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1995, à 11 h 10.
57 Témoignages, séance no 36, le 24 février 1998, à 9 h 50.
58 Témoignages, séance no 42, le 26 mars 1998, à 10 h 15.
59 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 12 h 25.
60 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes Harmonisation et environnement : une analyse de l'initiative d'harmonisation du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, décembre 1997, recommandation no 4.
61 Sierra Legal Defence Fund, mémoire au Comité, le 24 février 1998.
62 Témoignages, séance no 41, le 17 mars 1998, à 9 h 15.
63 Cette information provient d'une lettre datée du 13 mars 1998 et adressée au Comité par le directeur général de la gestion de l'habitat et des sciences de l'environnement, au MPO, G.E. Swanson.
64 Supplément d'information fourni dans une lettre que G.E. Swanson adressait au Comité le 21 mai 1998.
65 Témoignages, séance no 39, le 10 mars 1998, à 10 h 15.
66 Mémoire présenté au Comité par le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et l'Administration régionalecrie, le 11 mars 1998, p. 8.
67 Ministre de l'Environnement, Politique d'application et d'observation, 1988, p.14.
68 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, p. 225.
69 Cette poursuite, intentée devant la Cour fédérale du Canada en février 1998, est menée par le Sierra Legal Defence Fund pour le compte des Friends of the Oldman River et de la United Fishermen and Allied Workers' Union.
70 Témoignages, séance no 34, le 18 février 1998, à 17 h 35.
71 Lettre envoyée le 19 janvier 1998 par le ministre des Pêches et des Océans, M. David Anderson à M. Thomas Heintzman du Sierra Legal Defence Fund, telle que présentée dans le mémoire présenté au Comité par le Sierra Legal Defence Fund, le 24 février 1998.
72 Témoignages, séance no 36, le 24 février 1998, à 9 h 30.
73 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 9 h 15.
74 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 10 h 35.
75 Témoignages, séance no 35, le 19 février 1998, à 10 h 05.
76 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, recommandation no 116. Cette recommandation demandait : a) d'ajouter à la partie VII de la LCPE une disposition générale afin de garder secrète l'identité de toutes les personnes qui, de bonne foi, signalent ou se proposent de signaler une infraction ou contravention à la loi ou aux règlements, ou une infraction ou contravention probable à la loi ou aux règlements, si ces personnes réclament l'anonymat; b) de modifier la LCPE de façon à protéger contre le renvoi, le harcèlement ou les mesures disciplinaires en milieu de travail tous les employés assujettis à la réglementation fédérale qui, de bonne foi, signalent ou se proposent de signaler une infraction ou contravention à la loi ou aux règlements, ou une infraction ou contravention probable à la loi ou aux règlements; et c) de modifier en outre la LCPE de façon à accorder cette même protection aux personnes ou employés qui, de bonne foi, font rapport ou se proposent de faire rapport à une personne autre qu'un inspecteur nommé en vertude la LCPE.
77 Témoignages, séance no 36, le 24 février 1998, à 10 h.
78 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, recommandation no 121.
79 Gouvernement du Canada, Mesures législatives sur la protection de l'environnement conçues pour l'avenir : une LCPE renouvelée, décembre 1995, p. 31.
80 Témoignages, séance no 34, le 18 février 1998, à 17 h 10.
81 Témoignages, séance no 34, le 18 février 1998, à 17 h 55.
82 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 9 h 15 et 11 h 15.
83 Témoignages, séance no 38, le 26 février 1998, à 10 h 40.
84 Des extraits de cette étude publiée le 4 août 1993 ont été communiqués au Comité le 26 février 1996.
85 Témoignages, séance no 37, le 25 février 1998, à 16 h 40.
86 Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement, Harmonizing to Protect the Environment? An Analysis of the CCME Harmonization Process, novembre 1996, p. 9.
87 Friends of the Oldman River Society c. Canada (ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, p. 16.
88 R. c. Hydro-Quebéc, jugement rendu le 18 septembre 1997.
89 Mémoire présenté au Comité par le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et par l'Administration régionale crie, le 11 mars 1998, p. 3-4.
90 Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, recommandation no 81.