FAIT Rapport du Comité
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- QU'EST-CE QUE L'AMI?
- MISE EN OEUVRE D'UN PROCESSUS DE NÉGOCIATION DÉMOCRATIQUE
- PRINCIPALES QUESTIONS
LE POURQUOI D'UN AMI
Le projet d'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI)1 vise à instituer un ensemble de règles sur l'investissement (voir boîte 1 et annexe 4) analogues aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) relatives aux échanges commerciaux entérinées par 132 pays. Si l'on a établi un régime international régissant les échanges, c'est que, en l'absence de régime, les gouvernements sont amenés à prendre des mesures qui finissent par avoir des effets désastreux. Ce qui s'est passé dans les années 30 illustre bien ce qui peut arriver. Les pays ont tenté de pallier les effets des augmentations des tarifs douaniers au moyen de dévaluations compétitives des cours du change. La production, les revenus et les emplois ont chuté, et les gouvernements n'avaient pas les moyens d'offrir des programmes de sécurité sociale. En revanche, la période de l'après-guerre a été marquée par une réduction des mesures commerciales discriminatoires et protectionnistes, laquelle s'est accompagnée d'une croissance des échanges, de la production, des revenus et des emplois. L'augmentation de la production a placé les gouvernements dans une position leur permettant d'offrir un vaste éventail de services publics.
Jusqu'à l'Uruguay Round, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) portait presque exclusivement sur les échanges de biens et ne couvrait ni les services, ni l'investissement. Les services sont maintenant couverts dans l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), et certaines mesures prises sous l'égide de l'OMC concernent en partie l'investissement. On estime souhaitable d'élaborer un accord global sur l'investissement afin de remédier à ce qui constituerait autrement une lacune des régimes économiques internationaux.
Boîte 1
QU'EST-CE QUE L'AMI?
L'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) est un traité en voie de négociation sous les auspices de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)1, conformément au mandat2 conféré à cette dernière par les pays membres en mai 1995 pour :
- mettre au point un Accord multilatéral sur l'investissement complet, comportant des normes élevées de libéralisation des régimes applicables à l'investissement et de protection de l'investissement, ainsi qu'un mécanisme efficace de règlement des différends;
- faire de l'AMI un traité international autonome ouvert à tous les pays de l'OCDE et à la Communauté européenne ainsi qu'aux pays non membres de l'OCDE, qui seront consultés au fur et à mesure des négociations.
Un AMI serait utile entre autres parce que les règles et procédures qu'il comporterait empêcheraient les pays de recourir à des mesures contraires à l'intérêt public. Deux types de mesures illustrent ce qui peut se passer, et se passe effectivement. Pour attirer les investissements étrangers, les gouvernements offrent toutes sortes d'encouragements financiers et renchérissent les uns sur les autres, avec le résultat que les retombées dont bénéficierait autrement le pays hôte sont dirigées vers l'investisseur. Parallèlement, les gouvernements imposent souvent des obligations de résultat aux investisseurs, ce qui peut fausser les décisions d'investissement et de ce fait réduire l'efficacité de l'utilisation des ressources. Dans le cas d'un petit investissement, la perte totale de production peut être relativement faible, mais au niveau global, compte tenu de l'importance croissante de l'investissement étranger, les effets sont substantiels, en particulier dans les secteurs où l'investissement étranger est important. Il faut des règles pour empêcher les gouvernements de se livrer à des formes de concurrence ruineuses et libérer des fonds publics qui peuvent alors être dépensés beaucoup plus judicieusement pour répondre à des besoins plus pressants. Comme l'a fait remarquer John Dunning, un expert des entreprises multinationales :
Il arrive que des entreprises multinationales [...] placent délibérément deux gouvernements en concurrence pour servir leurs intérêts. Il arrive aussi que des gouvernements se livrent une concurrence destructrice pour décrocher des investissements propres à promouvoir la réalisation de leurs objectifs nationaux2.Sur le plan économique, l'AMI permettra de gérer les pressions de la mondialisation de façon que les avantages économiques ne partent pas en fumée parce qu'il faut administrer des politiques obscures, gérer des différends et encourager l'utilisation par les gouvernements de stimulants financiers et d'obligations de résultat ayant un effet de distorsion sur le marché. En disciplinant à la fois les mesures gouvernementales et, par le biais de mesures comme les lignes directrices de l'OCDE à l'intention des sociétés multinationales, les opérations des entreprises multinationales, l'AMI procurera des avantages nets accrus à tous les pays. En participant au processus actuel de négociations qui se déroulent sous l'égide de l'OCDE, sous réserve des conditions clairement énoncées dans notre première recommandation, le Canada peut contribuer à l'émergense progressive de règles multilatérales pour répondre à cet objectif.
De l'avis du Sous-comité, un régime international d'investissement bien équilibré devrait donc favoriser l'amélioration du bien-être de la société : il ne sera jamais un moyen de donner carte blanche aux entreprises. Ce que l'on cherche à obtenir d'abord et avant tout avec un tel régime, c'est l'instauration de meilleures règles du jeu pour réglementer les flux d'investissement transfrontières de plus en plus importants, qui comprennent notamment ceux qui concernent des PME et de nombreux petits investisseurs qui ont placé leur argent dans des fonds de pension et des fonds communs de placement. Les placements des particuliers canadiens dans des fonds communs de placement se sont multipliés par 14 entre 1987 (20 milliards de dollars) et 1997 (280 milliards de dollars), et approximativement 30 milliards de dollars sont actuellement investis à l'étranger3. Des gouvernements démocratiquement élus, notamment des gouvernements socio-démocrates d'Europe, ont accepté de participer à la négociation de l'AMI parce qu'ils sont persuadés que les particuliers et les sociétés de leur pays ont tout à gagner d'une réglementation plus prévisible et complète de l'investissement.
On a une deuxième raison de négocier un AMI dans la mesure où il en existe déjà des éléments et où il importe maintenant d'élaborer un accord complet et uniforme de manière que les pays ne puissent pas se faire concurrence par la voie d'arrangements bilatéraux et régionaux comportant des exigences différentes. L'OMC comprend des ententes concernant les investissements liées au commerce (TRIM) et les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIP), et certaines dispositions du GATS touchent les investissements. Certains arrangements régionaux en Europe (l'Union européenne) et en Asie (l'Organisation de coopération Asie-Pacifique) contiennent des dispositions sur l'investissement. L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), issu de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALE), contient pour les trois pays membres un chapitre sur les investissements analogue à un bon nombre des dispositions provisoires de l'AMI, et le Canada est signataire de traités bilatéraux sur l'investissement avec 24 autres pays, qui contiennent des dispositions similaires. À l'échelle mondiale, il existe plus de 1 300 traités bilatéraux sur l'investissement, qui concernent surtout des pays en développement qui ont fait part de l'intérêt pour l'établissement d'un régime d'investissement. Par ailleurs, le Canada est signataire d'une soixantaine de traités bilatéraux portant sur la double imposition du revenu.
Il est absolument essentiel d'uniformiser cet assemblage hétéroclite d'accords multilatéraux et bilatéraux. À ce sujet, un analyste a souligné4 :
Il est peu probable que le patchwork actuel de règles d'investissement soit très utile aux entreprises multinationales (EMN) qui réalisent des opérations de plus en plus complexes au travers de multiples frontières nationales. Des règles concurrentes et parfois conflictuelles, voire simplement vagues, peuvent créer des incertitudes quant au traitement de l'investissement direct étranger des EMN.Le Canada a une troisième raison de participer à l'AMI dans la mesure où les petits pays à économie ouverte sont particulièrement vulnérables en l'absence de règles officielles, et doivent lutter contre la puissance économique et politique de partenaires beaucoup plus gros qu'eux. Dans un système encadré par des règles, les obligations de chacun sont claires, et les différends réglés selon une procédure établie par des institutions impartiales. C'est la différence entre se battre dans une arène en présence d'un arbitre neutre et régler ses différends au fond d'une ruelle. Dans les deux cas, c'est le plus fort qui a l'avantage, mais au moins, les adversaires sont moins portés à se porter des coups bas dans une arène. L'Association canadienne de la technologie de l'information (ACTI) a dit au Sous-comité que les sociétés canadiennes obtiennent des résultats bien meilleurs sur le plan international là où les affaires sont régies par règles transparentes et exécutoires que là où elles doivent se plier aux caprices de nations plus puissantes (25 novembre 1997, p. 6).
Alan Sullivan de l'Institut canadien des affaires internationales (ICAI) a rappelé au Sous-comité que le Canada était un grand partisan de la démarche multilatérale pour aborder les problèmes internationaux. Qu'il s'agisse d'enjeux économiques ou de questions de sécurité, les intérêts nationaux sont mieux protégés dans le contexte d'ententes multilatérales fondées sur des règles. La solution de rechange est manifestement pire : puissance arbitraire, règles unilatérales et ensemble disparate et peu efficace de règles et règlements. Par l'AMI, le Canada espère instituer un cadre réglementaire solide dans le contexte duquel les gouvernements responsables ne renonceront jamais collectivement à leur aptitude d'agir dans l'intérêt public. Les gouvernements concernés ne seraient pas en train de négocier de telles règles s'ils n'étaient pas convaincus de veiller ainsi aux intérêts de leur pays.
Le libellé du traité est loin d'être définitif, et encore moins adopté, dans de nombreux domaines. Les gouvernements disposeront aussi de plusieurs moyens d'exclure certaines mesures ou secteurs, tout en continuant de profiter des avantages d'un cadre multilatéral global. Le Canada et d'autres pays ont choisi cette voie pour conclure une entente qui constitue un compromis acceptable et avantageux pour toutes les parties. Les négociations pourraient encore achopper du fait que, comme l'a rappelé le professeur Smythe, toutes les questions politiques difficiles ont été gardées pour la fin (mémoire, 24 novembre 1997). En outre, aucun gouvernement ne sera forcé de signer une entente qu'il considère inacceptable ou contraire aux intérêts de son pays.
Le chemin qui mène à l'AMI n'est pas nouveau, et il est trompeur de dire que les négociations actuelles ont pour objet de frayer la voie. Elles visent plutôt à réparer les nids- de-poule, à paver la surface et à installer des panneaux de signalisation, autrement dit à améliorer la sécurité de tous les usagers pour qu'ils atteignent rapidement leur destination.
Des témoins ont rappelé au Sous-comité qu'il s'agirait d'un accord à double sens, créant des obligations tant pour le gouvernement canadien à l'égard des investissements étrangers directs (IED), que pour les pays d'accueil à l'égard des investissements canadiens. À l'heure actuelle, ces derniers sont presque aussi élevés que l'IDE au Canada, et pour maintenir sa capacité à l'égard des marchés étrangers, le Canada doit savoir à quoi s'attendre sur ces marchés. La Chambre de commerce du Canada a observé que «... c'est dans l'ouverture vers l'extérieur que réside la valeur réelle de l'AMI pour le Canada. Ceux qui s'attachent seulement aux retombées de l'investissement étranger sur l'économie canadienne oublient que les entreprises canadiennes prennent de l'expansion et engagent plus de Canadiens parce qu'elles réussissent à l'échelle mondiale» (Séance 4). Au départ, la certitude en question ne serait établie que pour les autres pays de l'OCDE.
D'après le secrétaire général de l'OCDE, Donald Johnston, c'est dans l'avenir qu'on pourra apprécier la véritable valeur de l'AMI, non pas tant parce qu'il favorisera l'investissement au sein des pays de l'OCDE, mais parce qu'il incitera après coup à y adhérer les pays ne faisant pas partie de l'organisation5. La production économique mondiale ira en augmentant si davantage de voyageurs empruntent une autoroute améliorée. Les avantages pour le Canada des flux mondiaux du commerce et de l'investissement sont illustrés à l'annexe 1.
À la question de savoir si le Canada devrait se retirer des négociations ou refuser de signer un AMI, les témoins étaient partagés. Pour certains, le Canada devait continuer à négocier et s'assurer que les garanties nécessaires sont incluses dans l'accord. Pour quelques autres, le Canada devait se retirer dès maintenant. D'après le professeur Howse, seule une stratégie de fermeté peut donner des résultats, et le Canada doit manifester qu'il est prêt à se retirer des négociations. Selon le professeur Hart, si les négociations n'aboutissent pas ou que «le Canada décide qu'il n'est pas dans son intérêt de signer cet accord particulier, ce ne sera pas une tragédie» (Séance 5). Il convient de mettre en balance les avantages et inconvénients qu'il y a à rester, et ceux qu'il y a à partir.
Presque tous les témoins entendus convenaient de la nécessité de règles multilatérales régissant les investissements internationaux. Les divergences de vues portaient sur la combinaison de droits et de responsabilités, sur le contenu et sur le libellé de l'accord et sur les compromis qui pourraient intervenir lors des dernières étapes de la négociation. Certains témoins ont dit rejeter la version provisoire actuelle de l'accord. L'unanimité se faisait surtout autour de l'idée qu'il faut plus de temps pour évaluer les options et consulter les parties intéressées. C'est plutôt sur le libellé de l'accord, sa portée et l'affiliation des pays que les témoins ne s'entendaient pas. Par ailleurs, la mesure dans laquelle un tel accord pourrait protéger les intérêts vitaux des membres a fait l'objet d'une attention particulière.
Le débat est compliqué, mais le Sous-comité estime que le Canada ne pourra être partie à un accord et en profiter que si nos négociateurs sont présents à la table. C'est la seule façon d'en arriver à un bon accord. Dans la prochaine partie, nous examinons comment un mécanisme parlementaire et public peut contribuer au succès de l'entreprise. Bien sûr, le gouvernement va devoir prendre une décision définitive à ce sujet à un moment donné.
Recommandation no 1
Compte tenu de l'importance de meilleures règles multilatérales pour la sécurité des investissements en provenance et à destination du Canada, le Canada devrait continuer de participer activement à la négociation de l'AMI avec ses partenaires de l'OCDE. Le Canada devrait figurer au nombre des parties contractantes de l'AMI à la condition que le texte définitif protège pleinement la culture canadienne, l'environnement, les normes de travail et les services dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la sécurité sociale aux niveaux fédéral et provincial.
MISE EN OEUVRE D'UN PROCESSUS DE NÉGOCIATION DÉMOCRATIQUE
Comme l'indique l'encadré 1, des négociations internationales en vue de l'adoption d'un AMI se déroulent à Paris et mettent en présence 29 États membres de l'OCDE et l'Union européenne. L'OCDE a déjà été à l'avant-scène de négociations sur les investissements et a aussi déjà participé à l'élaboration de normes sur le travail et l'environnement et de codes de déontologie pour les multinationales, (voir annexe 2).En mai 1995, le conseil des ministres de l'OCDE a amorcé la négociation d'un accord multilatéral sur l'investissement (AMI). Les travaux préparatoires aux négociations avaient été entrepris en 1991 par deux comités de l'OCDE : le Comité de l'investissement international et des entreprises multinationales (CIME) et le Comité des mouvements de capitaux et des transactions invisibles (CMIT). L'OCDE suit depuis longtemps l'évolution des relations économiques entre pays, que l'on qualifie ces dernières années de mondialisation. On trouvera une chronologie des négociations à l'annexe 3.
Outre les positions exprimées par les négociateurs des différents pays, des propositions ont été faites à l'OCDE par les membres du Comité consultatif économique et industriel (CCEI) et la Commission syndicale consultative (CSC). En octobre 1997, une délégation d'une quarantaine d'ONG a rencontré des représentants de l'OCDE afin de leur faire part de ses préoccupations6.
Au Canada, un négociateur et une équipe nommés par les ministres du Commerce international, de l'Industrie et des Finances ont dirigé les négociations. Les négociateurs ont consulté régulièrement les représentants des provinces et ils ont rencontré différents organismes du secteur privé, y compris la Chambre de commerce du Canada et son Conseil canadien pour le commerce international, le Conseil canadien des chefs d'entreprises et l'Industry Technology Association of Canada. Le gouvernement tient également des consultations avec les Groupes de consultation sectorielle sur le commerce extérieur (GCSCE), qui sont des panels du secteur privé dont les participants viennent de petites et moyennes entreprises, d'institutions financières, d'associations de gens d'affaires et des milieux universitaires.
D'autres organismes, comme la Fédération canadienne de l'agriculture, les Producteurs laitiers du Canada et le Congrès du travail du Canada (CTC) ont manifesté de l'intérêt pour les négociations et sont consultés au fur et à mesure de leur déroulement7. Des rencontres ont eu lieu avec le CTC en mai, en juillet et en novembre 1997. Le Sous-comité a tenu des audiences à la demande du ministre du Commerce international, pour répondre à la demande du public qui souhaite en savoir plus et fournir un apport plus large aux négociations.
Le ministre du Commerce international a reconnu la nécessité de tenir un débat public sur ces questions maintenant que l'on dispose d'une version provisoire, bien qu'incomplète, de l'accord. On a consulté d'abord les provinces et le secteur privé en 1995, et ensuite diverses parties concernées, les entreprises, les syndicats et les organisations non gouvernementales (ONG). Avant 1995, on savait que les ministres des pays membres de l'OCDE avaient approuvé en 1993 la réalisation d'une étude de faisabilité portant sur un accord multilatéral sur l'investissement. Chaque pays membre est représenté à la Commission syndicale consultative et au Comité consultatif économique et industriel auprès de l'OCDE. Ces comités sont tenus au courant des activités de l'OCDE. Si les médias n'ont pas accordé beaucoup d'importance à l'AMI à cette époque, ce n'était pas faute d'indices8. Évidemment, les détails de la position et de la stratégie de l'équipe de négociation canadienne et des autres pays sont confidentiels. Autrement, les négociateurs ne pourraient pas mener à bien leur tâche.
Une bonne partie des témoins qui ont comparu devant le Sous-comité ont pressé le gouvernement de procéder à une consultation plus vaste des Canadiens, de faire des pressions pour obtenir une pause dans les négociations et de réexaminer les propositions lorsqu'on disposera du texte intégral de l'accord. Le groupe Citizens for Public Justice a réclamé une «pause au niveau international pour que l'on puisse respecter les droits démocratiques». Le professeur Smythe prône «davantage de consultations publiques sur les négociations». L'Alliance for Public Accountability estime que le gouvernement «devrait expliquer ce qu'on attend de l'accord avant que quiconque ne prenne une décision». Enfin, le Sierra Club a recommandé que «le Canada effectue une évaluation indépendante et complète des retombées de l'AMI en matière d'environnement, de programmes sociaux et de développement et ce, avec la pleine participation du public». Reconnaissant qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir dans les négociations avant qu'on ne connaisse tous les compromis, le Conseil canadien des chefs d'entreprise a dit : «Évidemment, ce n'est que lorsque l'on connaîtra la liste définitive des réserves et des exceptions que l'on pourra poser un jugement bien informé sur les répercussions précises de l'AMI par secteur.» (Carre, Séance 9)
Si le Canada décidait un jour que le texte de l'accord lui convient, ce sera le fruit d'un examen démocratique beaucoup plus poussé que celui dont ont fait l'objet presque tous les traités internationaux auxquels il est devenu partie antérieurement. Serge Fréchette, un ancien négociateur commercial du gouvernement, a dit au Sous-comité :«... je peux vous assurer que le processus est probablement loin d'être parfait, mais je suis convaincu que c'est probablement l'un des plus transparents que j'aie jamais vu» (Séance 8).
En dépit de cette affirmation, nos interlocuteurs estimaient de façon quasi unanime que les Canadiens n'avaient pas été suffisamment informés ou consultés avant les audiences. On déplore également qu'aucune consultation du public ne soit prévue avant la conclusion du traité, qui devrait avoir lieu en mai 1998.
Le Sous-comité entend bien M. Dymond lorsque celui-ci affirme que le Canada cherche à négocier un accord qui sera acceptable et intéressant pour toutes les régions du Canada. À cet égard, l'une des difficultés auxquelles font face les membres du Sous-comité, de même que les divers paliers de gouvernement et les citoyens soucieux de connaître les répercussions éventuelles de l'AMI, est le fait que le texte consolidé de l'AMI de mai 1997 sur lequel tout le monde se fonde est encore un texte très préliminaire. Nous ne savons absolument pas quelle sera l'issue des négociations finales avec nos partenaires de l'OCDE au début de 1998. En conséquence, si nous sommes d'accord pour que le Canada demeure à la table de négociation avec un mandat clair assujetti aux conditions énoncées dans la recommandation no 1, le Sous-comité doit pouvoir examiner le résultat final des négociations cruciales de l'année prochaine.
L'objectif doit être d'en arriver aux meilleurs résultats possibles : un AMI solide qui soit clairement dans l'intérêt du Canada et que peuvent appuyer les provinces. Pour y arriver, il est impératif que les provinces participent pleinement à toutes les étapes. De plus, en ce qui a trait au rôle que continuera à jouer la partie parlementaire, le présent rapport sur la négociation de l'AMI en cours ne constitue pas notre dernier mot sur l'issue éventuelle des négociations. Nous croyons de plus que si le gouvernement soumettait le résultat final des négociations à une étude d'impact détaillée, le public comprendrait et accepterait mieux l'AMI. Étant donné ce qui précède :
Recommandation no 2
Le gouvernement devrait poursuivre et augmenter ses efforts en vue d'informer les Canadiens des avantages que présente la négociation d'un AMI, tout en tenant dûment compte des préoccupations qui sont ressorties des audiences du Sous-comité.
Recommandation no 3
Le gouvernement devrait maintenir un processus qui ferait pleinement intervenir les provinces et accorderait suffisamment de temps pour tirer profit d'une plus ample étude par le Comité du texte alors disponible avant la signature de toute entente négociée.
Recommandation no 4
Le gouvernement devrait songer à faire une étude d'impact détaillée expliquant pourquoi le Canada devrait être partie à l'AMI. Si cela s'avérait pertinent, l'étude comporterait un exposé sur les effets économiques, environnementaux, sociaux et culturels prévisibles de l'Accord et sur les obligations que ses dispositions finales imposeraient.
Recommandation no 5
Dans toute négociation future au sujet de questions d'une aussi vaste portée que l'AMI, le gouvernement devrait établir un processus ouvert et transparent de manière que des consultations publiques informées puissent avoir lieu en temps opportun sous réserve des impératifs d'ordre stratégique.
La dernière ébauche du texte complet et des observations est datée de mai 1997. Elle renferme de nombreuses sections provisoires, des crochets contenant des propositions de libellé ainsi que des observations par différentes délégations dans des notes de bas de page. C'est, dans une large mesure, un travail en cours, et l'examen des questions abordées se rattache à l'ébauche et non au libellé définitif. Il y a 12 grandes sections, un certain nombre d'entre elles comportant des sous-sections comme l'indique l'Encadré 1.
L'AMI est structuré selon quatre grandes rubriques : portée, obligations, règlement des différends et autres dispositions. Dans la portée, on circonscrit l'interprétation de l'accord en définissant des termes comme investisseur et investissement. Dans la partie portant sur les obligations, on fixe les règles auxquelles doivent souscrire les États parties en ce qui concerne des questions comme la non-discrimination et les obligations de résultat. Dans la partie portant sur le règlement des différends, on décrit les procédures à suivre pour régler des interprétations divergentes touchant la portée et les obligations. Enfin, dans les autres dispositions, on traite des exceptions, des garanties, des services financiers, de l'imposition, des réserves par pays et d'autres questions comme les modalités d'adhésion et de retrait.
Encadré 1
- Principales dispositions du texte consolidé de l'AMI
- I. Dispositions générales
- II. Portée et application
- III. Traitement des investisseurs et des investissements
- IV. Protection des investissements
- V. Règlement des différends
- VI. Exceptions et sauvegardes
- VII. Services financiers
- VIII. Fiscalité
- IX. Réserves
- X. Rapports avec les autres accords internationaux
- XI. Mise en oeuvre et fonctionnement
- XII. Dispositions finales
On a opté pour l'approche «positive» en vertu de laquelle les parties adhèrent aux obligations de l'accord dans la mesure où elles ne formulent pas de réserves9. Tous les secteurs de l'économie sont assujettis aux obligations générales, à moins qu'ils ne soient précisément exclus de l'une des façons suivantes :
Exception générale - une exemption par rapport à tous les aspects de l'accord. L'ébauche comprend des exceptions pour la sécurité nationale, l'ordre public et le maintien de la paix internationale. La France a proposé une exception générale pour la culture, que le Canada approuve.
Inclusion/exclusion - désigne une exception générale, sauf pour un élément expressément mentionné. La fiscalité est exclue, sauf pour les expropriations par des mesures fiscales.
Dérogations temporaires - des mesures temporaires autorisées lorsque se présentent des difficultés financières, par exemple au chapitre de la balance des paiements.
Mesures prudentielles - des mesures qui permettent aux pays d'assurer la stabilité de leur secteur financier.
Réserves nationales - la liste des mesures dérogatoires ou des mesures non assujetties aux obligations générales que les pays maintiennent au moment de la signature de l'AMI ou lorsqu'ils consentent à être liés par l'accord. Le Canada a formulé plusieurs réserves semblables à celles qui se trouvent dans les annexes I et II de l'ALENA. Un certain nombre de ces réserves sont «consolidées», c'est-à-dire que les gouvernements ne peuvent rendre les mesures plus restrictives. Les mesures consolidées feront éventuellement l'objet de dispositions de statu quo et éventuellement de démantèlement lors de séries de négociations futures. D'autres mesures sont «non consolidées», c'est-à-dire que les gouvernements peuvent adopter de nouvelles mesures dérogatoires ou resserrer les mesures existantes dans l'avenir; celles-ci tendent à s'appliquer à de vastes secteurs de l'économie. On trouvera un examen détaillé du processus des réserves dans le mémoire préparé par Barry Appleton et présenté au Sous-comité par le Conseil des Canadiens.
Un accord international entraîne un transfert de compétences dans certains secteurs, en échange d'avantages dans d'autres secteurs. Le calcul politique consiste à déterminer s'il en résulte des avantages nets. Les cinq façons de déroger aux principales obligations de l'AMI permettent aux pays de protéger leur souveraineté dans des secteurs qu'ils jugent d'importance vitale, comme la santé et les services sociaux, la culture, la main-d'oeuvre et l'environnement. D'après les témoignages entendus et les discussions qui ont eu lieu au Sous-comité au sujet du processus de réserves et d'exceptions et du libellé du texte définitif, la protection dont bénéficiera un pays dépendra souvent du choix soigneux des termes utilisés.
En signant l'AMI, les gouvernements ne renonceraient pas à leur capacité de gouverner. Ce qui est plus probable, c'est qu'ils formulent tellement de réserves que, ou bien l'accord ne sera pas conclu, ou bien les avantages économiques ne seront plus aussi intéressants10. La conclusion d'un accord pourrait demeurer dans l'intérêt public dans la mesure où celui-ci constitue un point de départ pour des améliorations futures. C'est ce qui s'est produit dans le cas du GATT, qui a entraîné la libéralisation des échanges lors de cycles successifs de négociation depuis 1947. En 1997, l'AGCS est au point où se trouvait le GATT il y a 50 ans quant au commerce des biens; les avantages qu'il procure iront croissant au fur et à mesure des négociations futures. Si l'on réussit à négocier un AMI, on sera dans une situation semblable à celle créée par l'AGCS, ce qui est souhaitable dès maintenant et pour l'avenir.
Les principales obligations de l'accord, sous réserve des exceptions et des réserves formulées à l'égard de mesures qui autrement seraient incompatibles avec l'accord, ont trait à la non-discrimination, grâce à l'application des principes du traitement national et de la nation la plus favorisée (NPF), et à la transparence. Le traitement national signifie que les gouvernements ne traitent pas moins bien les investisseurs étrangers que les investisseurs du pays. Quant à la NPF, le principe est qu'un investisseur étranger n'est pas traité moins bien que ne l'est un autre investisseur étranger. Si l'on ne connaît pas les lois, règlements, procédures et décisions de chaque partie, il est impossible d'imposer la non-discrimination; par conséquent, la transparence est un élément crucial de tout accord11.
Certaines questions touchant ces obligations et réserves ont fait l'objet de l'attention du public et de commentaires critiques de la part de témoins, dans des mémoires et à l'occasion de débats. Le Sous-comité traitera de ces questions en résumant les arguments contradictoires, et présentera ensuite ses recommandations.
PRINCIPALES QUESTIONS12
Le Sous-comité a entendu 51 personnes et reçu plus de 100 mémoires et communications de particuliers et d'organismes. De multiples sujets ont été couverts, et nous avons été impressionnés par le travail d'approfondissement dont témoignaient les différents points de vue exprimés. Nous avons dû effectuer des choix difficiles quant aux extraits des témoignages et des mémoires et pour ce qui est de résumer les principaux points qui nous ont été présentés. La transcription des audiences et les mémoires contiennent une panoplie de données additionnelles, et de nombreux témoins ont offert au Sous-comité de fournir d'autres renseignements sur demande.Chargé d'étudier l'élaboration d'un régime d'investissement international, le Sous-comité a été frappé par la complexité du sujet. Comme le commerce, l'investissement a des ramifications dans maintes sphères de la société, et les témoins ont abordé une gamme très variée de questions, telles l'environnement, la culture et les droits dans le domaine du travail, les responsabilités de différents ordres de gouvernement, les mécanismes juridiques de règlement des différends, l'extraterritorialité et les liens entre cet accord et les autres traités. L'AMI proposé offre du matériel d'analyse aux avocats, aux politicologues, aux économistes, aux animateurs sociaux et aux représentants d'un large éventail de parties intéressées. Tous ont comparu devant le Sous-comité, qui a cherché à faire une synthèse de leurs contributions afin de soumettre des recommandations au gouvernement pour la prochaine étape des négociations.
Un facteur de complexité et d'incertitude vient s'ajouter du fait qu'on ne dispose pas d'un texte définitif. L'AMI est un travail en cours. Le négociateur en chef du Canada, Bill Dymond, a fait observer qu'«aucune partie de ce texte n'a été acceptée par l'une ou l'autre des délégations ... tout est ouvert à la négociation» (Séance 3). Le Sous-comité a donc dû évaluer les opinions de témoins qui, à l'occasion, offraient des points de vue définitifs sur un document à l'état d'ébauche. Il aurait été plus facile d'examiner le document achevé, mais les audiences avaient pour objet de communiquer un avis au gouvernement avant sa rédaction finale.
1. La portée de l'Accord
L'AMI concerne l'investissement, mais les témoins ont attiré notre attention sur trois différents volets de sa portée : la définition de l'investissement, son rapport avec d'autres accords et les pays visés. Bill Dymond a indiqué au Comité que «la définition de travail [de l'investissement] contenue dans votre ébauche est plus large que la définition étroite de l'ALENA» (Séance 3); il s'ensuit que même si l'AMI est censé prévoir des modalités semblables à celles de l'ALENA en matière d'investissement, il pourrait fort bien avoir un champ d'application plus vaste. Dans un rapport de recherche préparé pour la Conférence canadienne des arts, Lesley Harris remarque qu'«on ne s'entend pas pour dire à quel moment un droit de propriété intellectuelle acquiert les caractéristiques d'un investissement». La propriété intellectuelle participe à la fois du commerce et de l'investissement. Dans le premier cas, elle pourrait être assujettie à un régime commercial, dans le second, à un régime d'investissement. Elle est également sujette à une série d'autres régimes qui lui sont propres, comme l'explique Lesley Harris dans son rapport. Chaque régime peut prévoir différents droits et obligations, ce qui fait que les parties peuvent chercher à se justifier par l'un ou l'autre accord dans l'éventualité d'un différend.Le Commentaire sur l'AMI (1997, p. 101-103) confirme que la définition d'investissement n'est pas encore arrêtée. Les témoins ne s'entendaient pas non plus à cet égard. Don Knoerr, s'exprimant au nom de la Fédération canadienne de l'agriculture, voulait qu'on fasse disparaître de l'ébauche les «concessions, licences, autorisations et permis»; Norine Heselton, de l'ACTI, préconisait une «définition large de l'investissement, en fonction de l'actif».
Recommandation no 6
Il y aurait lieu de clarifier la définition d'investissement dans l'AMI et d'utiliser à cet égard la même approche que celle de l'ALENA et des traités bilatéraux du Canada sur l'investissement.
Cela nous amène à considérer la portée de cet accord par rapport à d'autres. En ce qui concerne le Canada, l'investissement est couvert dans l'ALENA pour les trois pays membres, dans les accords sur la protection des investissements étrangers pour des pays choisis et dans certaines parties de l'OMC pour 132 pays membres. Tant le professeur Hart que M. Dymond ont souligné que les dispositions de l'AMI ressembleraient à celles de l'ALENA quant à l'investissement - «Notre limite est ce que prévoit l'ALENA. C'est ce que nous voulons obtenir» (Dymond, séance 3).
Le professeur Rugman a souligné que «nous avons déjà un accord multilatéral sur l'investissement avec les États-Unis : il s'appelle l'Accord de libre-échange nord-américain» (Séance 5). Soixante-dix pour cent de l'IDE au Canada provient des États-Unis. La couverture par l'ALENA de l'investissement canadien à l'étranger est plus faible, 54 p. 100 de celui-ci se trouvant aux États-Unis. Par conséquent, l'AMI aurait une plus grande incidence sur les investissements extérieurs du Canada, qui bénéficieraient des obligations entérinées par les gouvernements étrangers.
Lorsque l'AMI - s'il est conclu - viendra s'ajouter aux accords existants, il y aura plusieurs chevauchements relatifs à l'investissement étranger. Le Sous-comité croit comprendre que l'AMI a pour objet de mettre de l'ordre dans toute cette complexité; il recommande néanmoins qu'on éclaircisse la situation et qu'on explique quels accords demeureront en vigueur après la conclusion d'un AMI et lesquels auront préséance dans l'éventualité d'un différend. Par exemple, l'article 103 de l'ALENA stipule que ce dernier a préséance sur tous les autres accords internationaux à moins d'indication contraire, alors que l'article 104 donne des exemples de situations où d'autres accords ont préséance sur l'ALENA. Le professeur Howse a dit au Sous-comité que l'AMI aurait préséance dans l'éventualité d'un accord sur l'investissement. Le professeur Ivan Bernier a appelé l'attention sur le risque que des accords futurs se chevauchent ou soient incompatibles entre eux.
Recommandation no 7
Dans l'intérêt tant des gouvernements que des investisseurs, l'AMI doit indiquer clairement, dans les cas où ses dispositions portent sur une matière traitée dans d'autres accords internationaux, quelles règles de fond ou de procédure doivent régir le règlement d'un différend concernant l'interprétation ou l'application de ces accords.
Le troisième volet de la portée de l'accord a trait aux pays visés. Des témoins, parmi lesquels Bob White, du CTC, et Ian Waddell, député provincial de la Colombie- Britannique, ont signalé que l'accord était négocié par 29 pays membres de l'OCDE et qu'on devrait accorder plus d'attention aux besoins du tiers monde. Ces économies se trouvent à un stade de leur développement où elles pourraient devoir imposer des obligations de résultat à certaines industries. Tony Clarke, du Polaris Institute, a fait remarquer que lorsqu'il a été question d'investissement à la CNUCED, un forum auquel participent les pays en développement, on a utilisé un modèle et une approche différents : «Ils ont abordé la question selon des principes très analogues à ceux de la Charte des droits et devoirs des États-nations» (Séance 5).
D'autres ont indiqué que l'accord serait ouvert à d'autres pays et qu'un système fondé sur des règles contribuerait à attirer les investissements dans le tiers monde. D'après George Miller, de l'Association minière du Canada, lorsque les compagnies minières canadiennes investissent à l'étranger, elles y importent des pratiques respectueuses de l'environnement, ce qui a pour effet secondaire d'empêcher un recul des normes dans les pays en question. D'après certains témoins, l'AMI constituerait un préalable à l'incorporation de l'investissement dans l'OMC, où le nombre de pays participants serait accru.
Recommandation no 8
Si l'on réussit à négocier un AMI qui soit à la satisfaction du Canada, celui-ci et ses partenaires de l'OCDE devraient l'utiliser activement pour préparer l'institution d'un accord d'investissement à l'échelle mondiale, tout en continuant de faciliter entre-temps l'adhésion à l'AMI des pays non membres de l'OCDE.
2. La protection des investisseurs et le règlement des différends
Une caractéristique importante de la protection des investisseurs que recherchent toutes les parties contractantes à l'AMI a trait à la notion de traitement national. Comme l'indique le glossaire donné à l'annexe 5, le traitement national indique simplement que le pays hôte, ou un gouvernement provincial, doit traiter un investissement étranger comme il le fait des investissements nationaux. Le texte de l'AMI, toutefois, contient des définitions plus détaillées et plus juridiques. En fait, le texte contient deux dispositions. La première disposition, d'après M. Dymond, est tirée de l'ALENA, tandis que la deuxième découle d'accords bilatéraux européens.Cette deuxième disposition renferme entre parenthèses les termes déraisonnable et(ou) discriminatoire. Le Sous-comité n'a pas de mal à comprendre l'interprétation juridique possible du terme discriminatoire, mais le terme déraisonnable risque d'être plus ambigu. À vrai dire, M. Dymond et ses fonctionnaires n'ont pu donner au Sous-comité une explication satisfaisante du sens qu'il revêt ou de la position du Canada à l'égard de ce terme.
Le Sous-comité ne connaît pas d'interprétation juridique de ce terme. Il est fort possible, dès lors, que différents pays donnent leur propre interprétation du terme déraisonnable ou de son antonyme raisonnable. En outre, le Sous-comité craint que les pays moins industrialisés de l'OCDE donnent à ces termes une définition différente de celle des pays moins industrialisés. Ce qui peut sembler déraisonnable aux yeux d'un pays riche ne le sera pas nécessairement pour un pays pauvre. L'interprétation de ce terme étant à la merci des circonstances, son inclusion dans le texte de l'AMI poserait trop de risques. Le terme déraisonnable pourrait même constituer un obstacle à l'adhésion d'un pays non membre de l'OCDE à un AMI ou un AMI élaboré sous l'égide de l'OMC.
Recommandation no 9
Le gouvernement devrait négocier la suppression du terme «déraisonnable» dans l'article portant sur l'engagement à l'égard du traitement national (article IV 1.2 à la page 51 du texte consolidé de mai 1997 de l'AMI). La solution de rechange proposée dans la note en bas de page du texte proposé de l'AMI, qui réunit les deux dispositions définissant l'engagement à l'égard du traitement national, devrait être adoptée.
Certains témoins ont aussi attiré l'attention du Sous-comité sur le processus de règlement des différends prévu dans l'AMI, qui comporte des mécanismes relatifs aux différends entre États et entre investisseurs et États. Ces derniers semblent susciter des inquiétudes particulières. Tony Clarke souligne que «[...] l'AMI offre aux sociétés un mécanisme spécial «investisseur-État» qui pourrait être utilisé pour intenter des poursuites judiciaires directes contre les gouvernements et à leur réclamer des dédommagements en argent» (Mémoire, p. 3). Même les partisans de l'AMI, comme Robert Howse, professeur de droit à l'Université de Toronto, ont soutenu que pour des raisons de prudence financière, il faudra libeller très soigneusement la définition de ce en quoi consiste l'expropriation dans l'Accord afin d'éviter de nous exposer indûment à des demandes d'indemnisation importantes. Comme M. Howse l'a dit, «il suffit de s'assurer que les dispositions sur l'expropriation et l'indemnisation n'ouvrent pas la voie à des demandes d'indemnisation à la faveur de modifications que nous pourrions apporter à notre politique publique dans des domaines comme l'environnement, la santé et la sécurité au travail ou la protection du consommateur» (Séance 8).
L'action intentée par la Ethyl Corporation contre le gouvernement du Canada aux termes du chapitre sur l'investissement de l'ALENA a été citée comme exemple de mise en oeuvre de ce mécanisme. Au cours des audiences, l'affaire Ethyl a été évoquée tellement souvent qu'elle est devenue une sorte de témoin virtuel.
Deuxièmement, l'Association canadienne du droit de l'environnement (ACDE) a fait valoir devant le Sous-comité que la disposition «d'expropriation» de l'ALENA et du projet d'AMI «déroge au droit canadien actuel puisqu'elle semble englober toute action gouvernementale susceptible de réduire le rendement éventuel d'un investissement» (Mémoire, p. 4). Les compagnies s'en serviront pour réclamer de grandes expropriations et saper la volonté des gouvernements (l'effet de refroidissement) à présenter des mesures environnementales. L'ACDE «[...] croit que la conjugaison des demandes «d'expropriation» présentées en vertu de l'ALENA et celles envisageables dans le cadre de l'AMI donnera lieu à la meilleure stratégie environnementale à ce jour des grandes sociétés et de leurs alliés gouvernementaux» (Mémoire, p. 7).
Le Sous-comité signale que l'AMI ne fera que reprendre les dispositions de l'ALENA , lesquelles n'ont, depuis janvier 1994, donné lieu qu'à un différend qui suit actuellement son cours dans le processus de règlement.
Recommandation no 10
Il faudrait s'assurer de définir très soigneusement ce qui constitue une expropriation (article IV 2.1 à la page 51 du texte consolidé de l'AMI), une mesure équivalente à l'expropriation ainsi que les mesures qui «entravent» les investissements (comme il est décrit dans l'article 1.2 précédent du texte de travail de l'AMI), pour qu'elles concordent avec les usages canadiens et nos obligations aux termes de l'ALENA.
M. Stinson, de l'Association canadienne des pâtes et papiers, a fait valoir une opinion connexe, à savoir que le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et l'État risque d'entraîner une certaine forme de discrimination à rebours, puisque les entreprises étrangères pourraient se trouver dans une position plus favorable que les sociétés canadiennes. On a soumis au Sous-comité le raisonnement suivant : la société canadienne qui aurait un différend avec le gouvernement devrait s'adresser aux tribunaux canadiens, tandis que la société étrangère se trouvant dans une situation analogue pourrait recourir au mécanisme de l'AMI. Or, le premier recours pourrait coûter plus cher et exiger plus de temps que le dernier, et le dédommagement accordé pourrait être différé.
Abstraction faite de ces réserves, le mécanisme de l'AMI est semblable à ceux qui sont contenus non seulement dans l'ALENA, mais aussi dans les traités bilatéraux sur l'investissement conclus par le Canada et par d'autres pays13, de même que dans «[...] une série d'accords établis de longue date qui ont été négociés sous les auspices de la Convention de New York, du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, ou de la Convention panaméricaine» (Séance 5). L'Agence multilatérale de garantie des investissements de la Banque mondiale emploie une approche analogue.
Le mécanisme prévu dans l'AMI pour régler les différends entre investisseurs et États ne comporte pas grand-chose de nouveau. De plus, comme il s'applique aux investissements faits à l'étranger et provenant de l'étranger, il profite aux étrangers qui investissent au Canada, mais aussi aux Canadiens qui investissent dans d'autres pays, puisqu'ils ont accès à un processus semblable. À ce jour, depuis que l'ALENA est entré en vigueur, le 1er janvier 1994, le processus n'a été utilisé qu'une seule fois et, comme nous l'avons souligné, l'affaire n'est toujours pas réglée.
Une des préoccupations des membres du Comité et de bon nombre des témoins, c'est que le mécanisme investisseur-État ne soit pas transparent et ne permette pas la représentation par des tiers. M. Blair Hankey, qui a témoigné avec M. Dymond, a fait remarquer que la confidentialité des instances est une caractéristique classique de l'arbitrage, contrairement à un procès devant un tribunal. Il a ajouté, cependant, que M. Marchi s'était prononcé ouvertement pour une plus grande transparence dans le règlement des différends internationaux : «C'est la position que nous (le Canada) défendons dans différents forums, notamment les négociations de l'AMI à Genève. Entre autres choses, nous réclamerons une plus grande transparence» (séance 11).
Recommandation no 11
Le Canada devrait continuer de réclamer un mécanisme ouvert, accessible et transparent pour le règlement des différends.
3. La protection des intérêts stratégiques
Ce qui inquiète le plus les témoins, c'est peut-être de ne pas savoir dans quelle mesure les dispositions d'un AMI permettraient au gouvernement canadien de protéger des secteurs comme la main-d'oeuvre, la culture, l'environnement, les services publics et les politiques des gouvernements provinciaux et des administrations municipales Chaque secteur présente des problèmes particuliers à cause de la façon dont les services y sont produits et fournis, ou à cause des intérêts touchés. Nous traiterons séparément de chacun d'eux, mais ils sont tous concernés par le libellé et les procédures servant à limiter les obligations d'un pays. Le Sous-comité observe que ces questions préoccupent d'autres gouvernements et que le Canada est loin d'être seul à demander un libellé permettant d'adapter l'accord aux intérêts nationaux.Les pays peuvent se soustraire aux obligations de l'accord de l'une des cinq manières dont il a déjà été question : une exception générale, une exclusion, des dérogations temporaires, des mesures prudentielles ou des réserves nationales consolidées et non consolidées. On a accordé énormément d'attention aux réserves nationales à la lumière du point de vue de Barry Appleton, selon qui elles ne donneraient pas les résultats escomptés si le libellé actuel était soumis à l'interprétation des tribunaux internationaux; ce serait le cas pour la main-d'oeuvre, l'environnement et les services publics comme les soins de santé, qui sont fournis en partie par les provinces et en partie par le secteur privé. S'il y a de l'incertitude à ce sujet, c'est en partie parce que la négociation d'articles de l'accord se poursuit toujours et que le libellé du processus n'est pas encore rédigé de façon définitive (AMI, 1997, p. 85-86).
A. Les normes du travail
Les témoins préoccupés par le sort réservé à la main-d'oeuvre ont souvent évoqué en même temps le traitement de l'environnement. Ils s'inquiétaient d'un présumé «nivellement par le bas» ou d'un abaissement des normes nationales. Nous examinerons les deux questions séparément, même si d'importants témoignages font mention de l'un et de l'autre. Selon le libellé de la solution 2, à la page 50 du texte consolidé, qui est préférable à celui de la solution 1, à la page 49, une partie contractante ne devrait pas ou ne devra pas se soustraire aux normes touchant la santé, la sécurité, la main-d'oeuvre ou l'environnement, afin d'encourager l'investissement étranger (AMI, 1997, p. 50). Il est aussi question de normes environnementales et de normes fondamentales du travail dans le préambule, ainsi que de normes environnementales dans la partie portant sur les obligations de résultat (AMI, 1997, p. 22).Le CTC a soutenu que le projet de libellé était inadéquat :
Le préambule de l'AMI - qui a une importance juridique limitée quant au cadre d'interprétation - devrait engager les gouvernements à protéger, à améliorer et à appliquer les conventions de base de l'Organisation internationale du travail. Les droits fondamentaux des travailleurs comprennent le droit à la libre négociation des conventions collectives, la liberté d'association et la non-discrimination dans l'emploi. Une telle déclaration obligerait les gouvernements à respecter un noyau de droits reconnus à l'échelle internationale14.Le CTC a indiqué au Sous-comité qu'il appuyait un système fondé sur des règles en matière d'investissement, mais qu'il voulait qu'on précise clairement les obligations des investisseurs dans un libellé plus fort que celui de l'ALENA. Certains ont réclamé l'inclusion des lignes directrices de l'OCDE à l'intention des multinationales, qui prévoient des engagements non contraignants en matière de travail et d'environnement et qui englobent une série d'autres obligations faites aux multinationales. Bien qu'elles représentent une façon très modérée de conditionner les comportements, ces lignes directrices ont été utilisées dans un certain nombre de cas par des syndicats et des gouvernements15.
Comparaissant lors de la même séance que le CTC, la Chambre de commerce du Canada, relativement à la question des droits des travailleurs et de l'environnement, a signalé qu'elle avait modifié sa position depuis l'ALENA :
Lors du débat public autour de l'ALENA, le milieu des affaires a craint et combattu l'inclusion de dispositions touchant l'environnement et le travail dans un accord international sur le commerce et l'investissement. Depuis, notre point de vue à cet égard a évolué. La question n'est plus tant de savoir SI l'AMI devrait comporter des dispositions sur l'environnement et la main-d'oeuvre, mais COMMENT elles devraient s'articuler. Nous serions heureux d'en discuter en long et en large avec vos partenaires et les nôtres du monde du travail après ces échanges officiels16.Il s'agit maintenant de déterminer quel devrait être le libellé, où il devrait figurer dans le texte et s'il devrait être juridiquement contraignant. À ce chapitre, le CTC prêche en faveur d'obligations et d'un mécanisme de règlement des différends.
Pour un certain nombre de raisons, le Sous-comité croit que l'abaissement des normes du travail dans les pays de l'OCDE est improbable. Premièrement, l'augmentation des flux d'IDE entre pays de l'OCDE au cours des deux dernières décennies n'a pas entraîné un déclin général des normes dans ces pays. Deuxièmement, il y a chez les autres membres de l'ODCE de forts mouvements ouvriers qui sont bien représentés au sein des partis formant le gouvernement, comme au Royaume-Uni et en France. Dans ces pays, il n'y a guère d'incitations à abaisser les normes. Dans un livre blanc paru récemment au Royaume-Uni, on indique que le gouvernement «est en train de négocier un cadre multilatéral amélioré grâce à l'Accord multilatéral sur l'investissement [...]. Le gouvernement cherche à faire en sorte que l'AMI reflète fidèlement notre attachement à des normes fondamentales en matière de travail.» Plus loin, on précise que le gouvernement collabore avec les entreprises à l'échelon local, notamment en surveillant l'application des codes de conduite, ainsi qu'avec l'OIT à l'échelon international17. Paradoxalement, c'est l'ouverture de l'accord aux pays en développement qui créerait des pressions à la baisse, car ces derniers ne peuvent se permettre les normes élevées.
Recommandation no 12
Le Canada devrait insister pour que le texte de l'accord comporte des références fermes aux normes fondamentales de travail de l'OIT (et appuyer la solution 2 à la page 50 du texte consolidé de l'AMI) de manière à assurer une protection de la main-d'oeuvre au moins équivalente à celle obtenue dans l'ALENA. En outre, le Canada devrait réclamer qu'on intègre dans le texte de l'accord les Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales de l'OCDE.
B. Les normes environnementales
Michelle Swenarchuk de l'ACDE a vivement critiqué, devant le Sous-comité, les dispositions environnementales de l'AMI. En définitive, l'ACDE «[...] est contre la décision de notre gouvernement de promouvoir l'AMI et d'y adhérer» (Mémoire, p. 10). Si les négociations se poursuivent, l'ACDE recommande que «le Canada propose de vastes exclusions (exceptions) à ces politiques, afin de les soustraire aux exigences de l'AMI» (Mémoire, p. 10). Sinon, le Canada devrait, selon elle, présenter une vaste clause de réserves qui engloberait tous les paliers de gouvernement. L'ACDE est venue appuyer la position exposée au groupe spécial de l'environnement par le Sierra Club, et les opinions juridiques connexes de Barry Appleton que le professeur Howse a aussi fait siennes.Cette recommandation reposait sur deux choses. L'ACDE estimait d'abord que les accords de commerce internationaux ont graduellement affaibli les lois nationales de protection de l'environnement de l'article XX du GATT aux dispositions de l'ALENA et à la décision rendue en août 1997 par le groupe spécial de l'OMC/GATT concernant les hormones de croissance bovines, et que les directives facultatives, comme les Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales de l'OCDE, ne sont pas aptes à remplacer des lois nationales durables. Au cours des dernières années, les pays membres de l'OCDE ont eu tendance à imposer des normes environnementales plus sévères et l'électorat de ces pays font pression pour maintenir cette tendance. L'ACDE fait observer que les sondages d'opinions révèlent constamment «[...] un solide appui du public en faveur de lois environnementales rigoureuses...» (Mémoire, p. 1). Il est peu probable que la conclusion d'un accord international qui insiste sur la nécessité de maintenir les normes dans les pays de l'OCDE ait l'effet contraire.
D'autre part, un adoucissement des normes environnementales ne réduirait guère les coûts des entreprises. Selon une étude réalisée par Dun and Bradstreet, la protection de l'environnement représentait moins de 2 p. 100 du budget de 80 p. 100 des compagnies canadiennes visées. Une étude semblable réalisée pour le représentant commercial des États-Unis a constaté que, pour l'ensemble des usines américaines, les coûts moyens des mesures antipollution étaient d'environ 1,1 p. 100 de la valeur ajoutée, et que pour 86 p. 100 d'entre elles ces coûts étaient inférieurs à 2 p. 10018.
Recommandation no 13
Il devrait, pour parer aux inquiétudes des Canadiens concernant le maintien et l'adoption de normes environnementales efficaces, libeller l'accord en des termes vigoureux et non équivoques-comme dans la solution 2 à la page 50 du texte consolidé de l'AMI. Rien dans l'AMI, à l'exclusion du traitement national des dispositions de non-discrimination, ne devrait empiéter sur la capacité de tous les paliers de gouvernement au Canada de prendre de nouvelles mesures pour protéger l'environnement et promouvoir un développement durable.
C. La culture
Une vaste gamme de groupes culturels représentatifs des industries de l'impression, de l'enregistrement, du cinéma et de l'audiovisuel ont comparu devant le Sous-comité, de même qu'un porte-parole éloquent de la Writers Union of Canada. Tant l'aspect industriel que le côté créateur des industries culturelles étaient représentés. Les témoins étaient unanimes à dire qu'ils souhaitent une exemption en béton pour la culture. La décision de l'OMC concernant les périodiques et le différend imminent avec Polygram au sujet des politiques de distribution de films à l'égard des entreprises étrangères au Canada ont été mis en relief. Comme elle ouvre la porte à des représailles, une exemption comme celle de l'ALENA était jugée inadéquate et peu souhaitable. Un deuxième enjeu avait trait au silence absolu qui entoure la position du Canada sur la culture dans les négociations jusqu'ici. Nous aborderons ces deux enjeux qui portent l'un sur une question de fond, l'autre sur une question de forme.Dans son mémoire, la SOCAN exposait très clairement les points forts et les points faibles des cinq façons envisageables de protéger les industries culturelles : une exemption comme celle de l'ALENA, l'option du statu quo/démantèlement, une exception sectorielle pour chaque pays, la proposition de la France et une exception de portée générale. Sauf pour la dernière, toutes étaient jugées incapables d'offrir la protection souhaitée. Le mémoire de la SOCAN énoncait six principes19 qu'il faudrait incorporer à une exemption culturelle efficace et proposait un libellé éventuel (Mémoire, p. 14-16).
Le Sous-comité rappelle que le ministre du Commerce international a déclaré que le gouvernement appuie l'exemption culturelle proposée par la France, laquelle prévoit ce qui suit :
Rien dans le présent accord ne sera interprété de manière à empêcher l'une des parties contractantes à prendre, dans le cadre de politiques destinées à préserver et à promouvoir sa diversité culturelle et linguistique, toute mesure de réglementation des investissements et de l'activité de sociétés étrangères.Certains ont fait valoir que la proposition française est souhaitable parce que chaque pays définit la culture en fonction de la sienne par opposition à la définition étroite que l'ALENA, où certaines industries sont énumérées, donne de la culture. La formule française permettrait à chaque pays de délimiter les activités qu'il considère comme des éléments de sa culture nationale. La SOCAN a toutefois prétendu que le libellé de la proposition française ne protégerait pas adéquatement la souveraineté culturelle du Canada parce que «la portée de l'exemption est vague [...] limitée» et que «l'exemption n'est pas suffisamment autodéterminée» (Mémoire, p. 12). La limitation vient de la référence à la préservation et la promotion de la «diversité culturelle et linguistique». Ce libellé tiendrait compte des politiques de bilinguisme et de multiculturalisme du Canada, mais la SOCAN fait valoir que les politiques culturelles du Canada n'ont pas comme unique objectif la diversité. Selon Merilyn Simonds, de la Writers Union of Canada, la «diversité des cultures» constituerait un libellé plus approprié et extensif. Si nous nous attardons à ces détails du sens des mots, c'est pour illustrer à quel point dans un traité, qu'il s'agisse de main-d'oeuvre, d'environnement ou de culture, le danger vient des mots utilisés et de la façon dont ils seront interprétés à l'avenir.
Les membres du Sous-comité considèrent la proposition de la SOCAN comme une exception générale pour la culture qui pourrait aller au-delà de la proposition française. Cette proposition soulève toutefois d'autres enjeux. D'abord, la définition que la SOCAN donne de la culture va, de manière générale, à une exception importante près, dans le sens de la formule des industries culturelles utilisées dans l'ALENA. Sa description de chaque secteur comporte l'expression «communication par télécommunication». Le but est de faire en sorte que la technologie n'ait pas d'incidence sur l'exemption culturelle de façon à ce que les nouveautés technologiques, comme celles liées à l'Internet, en fassent partie. D'un certain côté, en reprenant la formule de l'ALENA, la définition de la culture que propose la SOCAN est plus restrictive que celle proposée par la France, même si elle se veut plus ouverte à cause de l'expression ajoutée. L'équipe de négociation devra consulter le ministère du Patrimoine canadien pour savoir comment les nouvelles activités, par exemple celles qui font intervenir les industries multimédias, se définissent par rapport à la culture.
Le Sous-comité estime que l'idée de la SOCAN mérite d'être approfondie davantage, mais signale que, par l'ajout de l'expression «communication par télécommunication», le libellé empiète sur le domaine des télécommunications qui, ne faisant pas partie du secteur culturel, est visé par un ensemble distinct de politiques. Les entreprises du domaine des télécommunications réclament énergiquement l'application des règles des télécommunications plutôt que de la radiodiffusion à l'Internet, et les organismes de réglementation n'ont pas tracé, pour l'instant, les lignes de démarcation. L'ACTI «s'oppose vivement» à ce que les services de l'Internet soient traités comme une industrie culturelle (Mémoire, p. 5).
Au nom de la Conférence canadienne des arts (CCA), Keith Kelly a prié le Sous-comité «[... d'insérer dans ses recommandations que le Canada adopte comme position que, à moins d'une exemption culturelle absolue sans dispositions de rétorsion, le Canada ne sera pas partie à un AMI» (Mémoire, p. 4). Autrement dit, la culture devait être une condition sine qua non. En fin de compte, la question de savoir si le Canada y trouve suffisamment d'avantages pour signer le texte final de l'AMI sera une décision politique. La position de la CCA fait toutefois ressortir un aspect de la proposition de la SOCAN qu'elle n'examine pas dans son mémoire, la sixième option, à savoir les conséquences qu'auraient pour les investissements dans le domaine culturel le fait de ne pas signer l'AMI. Une exemption des industries culturelles aurait les mêmes conséquences que si l'on ne devenait pas partie à l'AMI. Dans les deux cas, le traitement national ne s'appliquerait ni aux investisseurs étrangers au Canada, ni aux investisseurs canadiens à l'étranger. Chaque pays serait libre de choisir sa politique envers les investisseurs étrangers sous réserve de toute autre discipline existante touchant les investissements. Par exemple, les disciplines de l'ALENA s'appliqueraient entre les trois pays concernés et celles de l'OMC avec les autres pays. En cas de différend en matière d'investissement avec un pays non membre de l'ALENA, des mesures de rétorsion pourraient être prises ou le différend pourrait être réglé dans l'arène politique, chaque partie exploitant les armes politiques et économiques dont elle dispose.
La solution retenue dans les négociations doit tenir compte du fait que le Canada a des intérêts à protéger à la fois sur le marché intérieur et sur les marchés étrangers, d'autant plus que certaines industries culturelles du Canada ont beaucoup de succès à l'étranger. L'industrie canadienne de production de films et d'émissions de télévision dépend de plus en plus des marchés étrangers. Peter Lyman, du Groupe Nordicité, a insisté sur l'importance «du commerce et des investissements étrangers dans une optique canadienne... les capitaux et les revenus étrangers apportent environ 600 millions de dollars à la production canadienne de films et d'émissions de télévision». On a donné Canwest/Global comme exemple d'une entreprise canadienne qui «tire des dizaines de millions de dollars de revenus de ses investissements étrangers en Australie et en Nouvelle-Zélande, ce qui lui donne la possibilité de financer une émission comme «Traders» (Mémoire, p. 2).
Sur le plan des tactiques de négociation, M. Dymond a fait remarquer que le Canada n'a présenté aucune réserve culturelle parce qu'il fait partie d'une coalition de pays qui appuient la formule préconisée par la France. Il ne serait pas sage, pour l'instant, pour le Canada de s'en dissocier et de se retrouver seul. Selon lui, le Canada pourra toujours présenter des réserves nationales si la proposition française n'est pas retenue. Le Canada a :
... affirmé qu'il est prêt à travailler dans le cadre de la proposition française et a pris, comme décision tactique, de ne pas proposer de réserve canadienne particulière au sujet de la culture, mais plutôt de se garder la possibilité d'y revenir s'il apparaît impossible de négocier une exception générale pour la culture (Séance 3).Le Sous-comité est heureux que le ministre Marchi et M. Dymond se soient engagés à veiller à ce que les questions culturelles que le Canada considère comme fondamentales ne soient pas négociées à Paris et soient soustraites aux dispositions de l'AMI. Peu importe la stratégie employée par les négociateurs canadiens, il est essentiel que cet engagement connaisse un aboutissement fructueux.
Recommandation no 14
Le Canada devra obtenir que la culture fasse l'objet d'une exemption adéquate et efficace avant de signer l'accord. Il devrait donc demeurer dans la coalition des pays qui appuient le principe consistant à exempter la culture de l'application de l'accord et proposé par la France, à savoir englober une exception autodéterminée de grande portée dans le texte de l'AMI. Le Canada devrait s'employer énergiquement à conclure des alliances avec d'autres pays membres de l'OCDE en faveur de cette position.
D. Les autorités provinciales
Les mémoires présentés au Sous-comité, notamment par le Sierra Club du Canada, faisaient état de l'incertitude relative à la protection offerte aux mesures imposées par les administrations provinciales et les administrations municipales puisque le Canada n'a déposé aucune réserve à l'égard des divisions provinciales. Dans le cas de la réglementation environnementale :
[...] le gouvernement fédéral s'est déchargé à un rythme inquiétant de ses responsabilités environnementales sur les provinces. L'incertitude totale flotte entre temps sur la façon dont l'AMI protégerait ces intérêts au niveau provincial. [...] Pour que les provinces soient exemptées de l'AMI, il faudrait que le gouvernement fédéral l'affirme explicitement dans une déclaration publique (Mémoire, p. 6).Le fait que l'Union européenne et les États-Unis aient fait des déclarations en ce sens ou déposé des réserves à l'égard de leurs administrations provinciales, et la conclusion d'un rapport de la Western Governors Association des États-Unis selon lequel certaines lois environnementales des États seraient contraires aux dispositions de l'AMI20, vient ajouter à cette incertitude.
Dans son mémoire, le gouvernement de la Colombie-Britannique s'opposait au projet d'AMI et informait le Sous-comité que «vu la gamme et la gravité des inquiétudes que nous inspire le projet d'AMI, il ne faudrait pas prendre l'application de ses disciplines aux gouvernements provinciaux et locaux de la Colombie-Britannique pour acquise» (Mémoire, p. 11). L'application de l'accord aux autorités provinciales a fait l'objet de discussions et de questions répétées aux cours des audiences. Le Sous-comité signale que dans les négociations où elle a été soulevée, il n'y a pas eu d'entente sur la question21.
En abordant ces inquiétudes, Bill Dymond a attiré l'attention du Sous-comité au sommaire du Projet de réserves à l'AMI présenté par le Canada et fait observer qu'il s'agit de textes préliminaires qui ne s'appliquent qu'aux mesures de compétence fédérale. Le traitement des mesures provinciales sera abordé à une étape ultérieure des négociations :
L'application de l'AMI aux mesures qui sont de la compétence des provinces canadiennes dépend de l'équilibre global entre droits et obligations que présentera l'accord. Notre présentation est donc faite sous toute réserve en ce qui concerne l'application de l'AMI aux mesures qui relèvent de la compétence des provinces canadiennes et aux réserves qui pourraient se révéler nécessaires22.Selon le ministre du Commerce international, le gouvernement a consulté les provinces tout au long des négociations, et les provinces avaient accès aux documents diffusés par l'OCDE par le service d'accès en ligne aux informations (OLIS)23.
Étant donné les grandes inquiétudes que soulève le traitement des instances provinciales, et comme nous avons déjà fait valoir que les provinces doivent participer pleinement aux négociations jusqu'à la conclusion de l'accord, nous croyons urgent d'apporter les précisions voulues pour calmer ces appréhensions.
Recommandation no 15
Le gouvernement fédéral devrait, de concert avec ses contreparties provinciales et territoriales, finaliser le plus vite possible sa liste des domaines qui relèvent des gouvernements provinciaux. Une fois qu'il y aura entente sur la liste complète de réserves, le gouvernement fédéral devrait la rendre publique.
E. Les services publics et les services sociaux
Le fait que l'AMI s'applique à tous les secteurs fait craindre à certains témoins que le Canada soit empêché d'assurer les services publics et les services sociaux24. D'après le CTC,
L'AMI ne comporte aucune exclusion générale pour les services publics et les services sociaux. Cela entraîne la possibilité très réelle que des sociétés transnationales dénoncent comme étant des pratiques «discriminatoires» la prestation d'un service (comme les soins de santé) par le secteur public ou le versement de subventions à des pourvoyeurs sans but lucratif (Mémoire, p. 12).Dans une opinion juridique établie pour le Conseil des Canadiens et soumise au Sous-comité, le cabinet Appleton et Associés laisse entendre que «[...] une incertitude considérable entoure la signification de la réserve concernant les services sociaux et surtout le sens de l'expression service social» (p. 15). Ce document affirme que, même si la réserve du Canada dans l'AMI était identique à la réserve contenue dans l'ALENA, elle ne suffirait pas à couvrir les services sociaux fournis par des pourvoyeurs à but lucratif.
Dans le même ordre d'idées, on craint que, comme le Canada assure ces services par l'entremise de pourvoyeurs divers, qui appartiennent aux secteurs public, privé et sans but lucratif, les obligations découlant de l'AMI ne permettent l'entrée de pourvoyeurs étrangers et ne menacent le système canadien de soins de santé25. La disposition de l'AMI concernant la privatisation exigerait que le traitement national et le traitement NPF soient appliqués à tous les genres de privatisation, ainsi qu'aux transactions subséquentes concernant un bien privatisé.
Selon le Sous-comité, cela confirme l'importance du libellé de l'accord et la nécessité de veiller à ce que les termes de la réserve ou le type de réserve choisi protègent effectivement les services sociaux et de santé du Canada de la manière dont le souhaite le gouvernement. Certains autres pays ont une structure analogue de fourniture des services sociaux. Le Canada a donc des alliés pour élaborer des modalités qui assureront la protection voulue. Comme l'a souligné Michael Hart, les États-Unis semblent faire cavalier seul à cet égard. Aucun autre pays de l'OCDE n'est intéressé à faire en sorte que les soins de santé deviennent une activité du secteur privé, «[...] je n'ai donc aucune crainte que l'AMI n'établisse de quelque façon un ensemble de règles qui interdirait les systèmes de soins de santé régis par le secteur public» (Séance 5).
Étant donné l'importance critique que revêtent ces services publics et sociaux pour les Canadiens, le Sous-comité estime que le Canada se doit d'adopter une attitude aussi ferme que possible.
Recommandation no 16
En consultation avec les gouvernements provinciaux, le Canada doit en arriver à une réserve non consolidée concernant les services de santé, l'éducation et les services sociaux.
4. Les subventions directes et les encouragements fiscaux
L'idée qu'il empêcherait les gouvernements de se servir des politiques d'investissement pour promouvoir des objectifs de politique industrielle comme la création d'emplois, la promotion de l'exportation, le transfert des techniques et la propriété nationale est l'une des choses qu'on a reprochée à l'AMI. Cela découle des limites imposées aux exigences de rendement et l'obligation d'établir un traitement national en ce qui concerne les politiques internes.Le Sous-comité rappelle, face à ce reproche, que les pays peuvent adopter des réserves consolidées ou non consolidées à l'égard des pratiques actuelles26. D'autre part, bon nombre de ces politiques ont été interdites par l'Accord sur les TRIM de l'OMC et par l'ALENA en matière de commerce. Troisièmement, le projet de libellé de l'AMI n'interdirait pas les exigences de rendement dans tous les cas. Les gouvernements pourraient encore fixer des exigences de rendement pour les investisseurs à l'égard d'un avantage donné, souvent sous forme de stimulant comme un allégement fiscal ou une subvention (AMI, 1997, p. 22). Plusieurs des objectifs des prescriptions de résultat pourraient être atteints de cette façon. Quatrièmement, le fait d'exempter la fiscalité de l'accord, sauf en cas d'expropriation par imposition, laisse au pays beaucoup de marge pour promouvoir des objectifs particuliers de politique économique et sociale.
En réalité, l'exemption de la fiscalité laisse un trou béant dans l'accord qui ouvre la voie à des pratiques de distorsion des investissements. «[...] la fiscalité n'a pas été une pierre d'achoppement, mais le président du groupe de négociation (OCDE) en a eu le coeur brisé, et a été profondément perturbé lorsque les fiscalistes ont fait front commun pour l'exempter»27. Il faudra, lors de négociations ultérieures, si l'AMI est adopté, se pencher sur les stimulants fiscaux afin d'éviter qu'ils soient mis sur un pied d'égalité avec les subventions.
5. L'extraterritorialité
En matière d'investissement, les tentatives faites par un pays pour appliquer ses lois et politiques à des particuliers et à des sociétés se trouvant à l'extérieur de son territoire ont toujours soulevé la controverse. Dans le passé, on a vu des décisions en matière de concurrence, ou encore des politiques sur le contrôle des exportations et sur la balance des paiements être sujettes à l'extraterritorialité. Citons à cet égard la loi Helms-Burton de mars 1996, The Cuba Liberty and Democratic Solidarity («LIBERTAD») Act. Dans ses principales dispositions, cette loi donne aux citoyens américains le droit de poursuivre des ressortissants étrangers qui font le commerce de biens confisqués par le gouvernement cubain; empêche les ressortissants étrangers qui font le commerce de biens confisqués d'obtenir des visas pour les États-Unis; interdit aux banques américaines de financer les transactions relatives à des biens expropriés visés par une revendication aux États-Unis; codifie les sanctions existantes contre Cuba; prie instamment le Président d'imposer un embargo international sur Cuba et de sanctionner les pays qui continuent de faire du commerce avec Cuba. La question de l'extraterritorialité en général, et celle de la loi Helms-Burton en particulier, ont été soulevées par plusieurs témoins.Le Sous-comité prend note de la forte opposition du Canada à la loi Helms-Burton et à d'autres mesures extraterritoriales. Notre pays a fait campagne contre cette loi, dont il a dénoncé la portée extraterritoriale. Au Canada, la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères (LMEE) a été modifiée en janvier 1997, de manière à ce que les jugements pris en application de la loi Helms-Burton ne soient ni appliqués ni reconnus au Canada. De plus, les Canadiens sont autorisés à «récupérer» devant les tribunaux canadiens les dommages-intérêts qui leur sont imposés par les tribunaux américains. Par ailleurs, le Canada participe en tant que tiers à la contestation soumise à l'OMC par l'Union européenne au sujet de cette loi. Le Canada a également tenu des consultations avec les États-Unis dans le cadre de l'ALENA et il a soulevé la question à l'Organisation des États américains et à l'OCDE.
Une démarche spécifique au sujet de la loi Helms-Burton a été faite par le Canada auprès du Groupe de négociation de l'AMI28.
Cette loi touche au coeur des objectifs de l'AMI : elle supprime la protection des investisseurs étrangers aux États-Unis, elle fait obstacle aux droits de propriété d'une manière arbitraire et capricieuse et elle revendique une exception de très grande ampleur, spécifique aux États-Unis, par rapport aux normes convenues et au droit international coutumier. En nuisant à la sécurité de l'investissement étranger, elle entraînera une baisse des investissements, des revenus et de l'emploi.
Pour que l'Accord multilatéral sur l'investissement atteigne les objectifs qui lui sont fixés en vertu des décisions ministérielles qui sont à l'origine des présentes négociations, il doit, de l'avis du Canada, tenir compte des aspects qui constituent le fondement juridique et politique de ces mesures, notamment la dimension «investissement» de la territorialité, des boycottages indirects et des mouvements de personnel clé. De plus, il faut que l'exception pour motif de sécurité nationale soit étroitement définie, que son invocation s'appuie obligatoirement sur une justification répondant à des critères précis et qu'elle soit entièrement justifiable.Les pays de l'OCDE ont largement appuyé la proposition canadienne voulant que l'AMI interdise le boycottage des entreprises qui investissent dans des pays tiers. L'Union européenne a proposé l'adjonction d'un article allant dans ce sens :
Aucune partie contractante ne peut prendre des mesures qui 1. imposent ou peuvent être utilisées pour imposer une obligation aux investisseurs ou aux investissements des investisseurs d'une autre partie contractante; ou 2. qui entraînent une interdiction ou l'imposition de sanctions à l'égard des relations mettant en cause des investisseurs ou des investissements d'investisseurs d'une autre partie contractante [...] (AMI, p. 166-167).Le Sous-comité est très favorable à ce que l'AMI contienne des dispositions propres à restreindre l'application extraterritoriale des lois et politiques. Sur ce point, le Canada est appuyé par la plupart des pays de l'OCDE. L'AMI est une occasion d'obtenir l'imposition des obligations nationales nécessaires.
Recommandation no 17
Afin de restreindre le recours à d'autres mesures extraterritoriales comparables à la loi Helms-Burton, il faudrait que le Canada, de concert avec l'Union européenne et les pays qui partagent les mêmes idées, continue à insister sur l'inclusion dans l'AMI de la proposition canadienne ou d'une autre ayant un effet équivalent.
1 Dans le présent rapport, tous les renvois à l'AMI concernent la version d'octobre 1997 de l'Accord multilatéral sur l'investissement (Consolidated Text and Commentary), publié par l'OCDE, DAFFE/MAI/NM(97)2, et disponible sur OLIS. La version d'octobre est identique au texte consolidé de mai 1997, d'où on a supprimé le nom des pays.
1 Organisme situé à Paris, créé après la Deuxième Guerre mondiale pour regrouper la plupart des démocraties industrialisées. À l'heure actuelle, 29 pays en sont membres, suite à l'accession du Mexique, de la République tchèque, de la Hongrie, de la Pologne et récemment de la Corée du Sud. Les autres membres qui participent aux négociations de l'AMI, outre le Canada, sont l'Allemagne, l'Australie, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, les États-Unis d'Amérique, la Finlande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Islande, l'Italie, le Japon, le Luxembourg, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, la Turquie, auxquels s'ajoute l'Union européenne.
2 Communiqué, Réunion du conseil au niveau des ministres, OCDE, Paris, 24 mai 1995. Ce mandat a été reconfirmé par les ministres de l'OCDE dans leur Communiqué du 27 mai 1997, constatant qu'ils «sont déterminés : (i) à régler les questions en suspens et à réaliser un degré élevé de libéralisation et de protection de l'investissement; (ii) à parvenir à un résultat satisfaisant en ce qui concerne la portée et l'équilibre des engagements; (iii) à intensifier le dialogue avec les pays non membres, en particulier ceux qui souhaitent se joindre à l'AMI; (iv) à conclure l'accord à temps pour la réunion ministérielle de 1998».
2 John H. Dunning, Multinational Enterprises and the National Economy, New York, Addison-Wesley, 1993, p. 584.
3 Chiffres fournis par l'Institut des fonds d'investissement du Canada, de Toronto.
4Blank Line
Alister Smith, «Élaboration d'un Accord multilatéral sur l'investissement à l'OCDE : examen préliminaire», dans
Vers des règles multilatérales sur l'investissement, Document OCDE, 1996, p. 31.
5 Le point de vue de M. Johnston est rapporté dans l'Ottawa Citizen du 4 septembre 1997, p. C3.
6 L'économie politique du processus de négociation et les rôles du CCEI et de la CSC sont analysés dans le document d'Elizabeth Smythe intitulé «Domestic and International Sources of Regime Change: Canada and the Negotiation of the OECD Multilateral Agreement on Investment», présenté à l'assemblée annuelle de l'Association canadienne de science politique, à St. John's, Terre-Neuve, le 8 juin 1997. Voir aussi son solide témoignage (séance 8) plaidant en faveur de consultations publiques plus représentatives et menées tôt dans le processus.
7Blank Line
D'après le document du MAECI intitulé Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) : Consultations,
9 septembre 1997.
8 Le 22 février 1996, la Chambre de commerce du Canada publiait un communiqué de presse de six pages et une lettre d'accompagnement à l'intention des médias canadiens dans lesquels elle exposait ses vues sur le projet d'AMI et signalait que l'amorce du processus avait été approuvée et annoncée au sommet du G7 de Halifax en juin 1995.
9 Dans le GATS, l'approche utilisée est la renonciation pour ce qui concerne la nation plus favorisée et la transparence, mais l'adhésion pour l'accès aux marchés et le traitement national.
10 L'une des préoccupations est qu'un accord général truffé de réserves nationales ne constituera qu'un amalgame de mesures disparates.
11 Ces principes font partie des règles commerciales depuis au moins l'époque du Moyen Âge, avec le développement des villes-États et de la Ligue hanséatique. «Le traité d'Utrecht de 1713 a été décrit comme un précurseur du GATT!» - voir John Jackson, The World Trading System, Cambridge, The MIT Press, 1991, p. 30.
12Blank Line
L'étude d'Anthony Chapman intitulée L'Accord multilatéral sur l'investissement : Fondement, grandes lignes et
problèmes, document BP-444E de la Direction de la recherche parlementaire, septembre 1997, a servi à la
rédaction de ce qui suit.
13 Voir les articles XII et XIII de l'accord type sur la protection des investissements étrangers, dont on peut obtenir le texte auprès du MAECI, à Ottawa. Voir Organisation des États américains, Unité du commerce, Investment Agreements in the Western Hemisphere : A Compendium, Washington 1997. Ce rapport peut être consulté sur Internet au http://www.ftaa-alca.org.
14 Mémoire du CTC, p. 17.
15 Voir John M. Kline, International Codes and Multinational Business, Quorum Books, London, 1985, p. 76-83.
16Blank Line
Chambre de commerce du Canada, mémoire, p. 10.
17Blank Line
Department for International Development, Eliminating World Poverty: A Challenge for the 21st Century, Livre blanc
sur le développement international, Londres, 1997 (disponible à l'adresse suivante :
http://www.oneworld.orh/dfid/whitepaper/main.htm).
18 Comité d'examen environnemental de l'ALENA, Accord de libre-échange de l'Amérique du Nord : la révision des évaluations environnementales, Gouvernement du Canada, Ottawa, octobre 1992, p. 62; et Office of the United States Trade Representative, Review of U.S.-Mexico Environmental Issues, Washington (D.C.), 25 février 1992. L'ACDE juge ce rapport tout à fait inadéquat.
19
Les six principes de SOCAN sont :
1. L'exemption en matière culturelle devrait être à la fois neutre à l'égard de la technologie et suffisamment large
pour couvrir les technologies existantes et toute percée technologique éventuelle.
2. À la différence de la clause proposée par la France dans le cadre des négociations AMI en cours, l'exemption en
matière culturelle devrait être suffisamment détaillée pour éviter les conflits d'interprétation.
3. À l'instar de l'exemption prévue à l'égard de la sécurité nationale dans le traité de 1947 sur le GATT,
l'exemption en matière culturelle devrait être laissée à la discrétion de chaque pays et ne devrait pas exposer
les pays qui l'invoquent à des critiques ou à des représailles formulées ou exercées sous prétexte que
l'exemption annule l'Accord ou entrave son application ni être soumise au processus de règlement des
différends.
4. L'exemption en matière culturelle ne doit être assujettie à aucune obligation en vertu des dispositions sur le
statu quo ou le démantèlement.
5. L'exemption en matière culturelle ne doit pas s'appliquer uniquement dans certains articles ou chapitres, mais
primer sur toutes les obligations prévues à l'Accord.
6. Le gouvernement du Canada doit, en matière culturelle, négocier une clause d'exemption large et
autodéterminée en matière culturelle et en faire une condition «sine qua non».
20 Western Governors Association, Multilateral Agreement on Investment : Potential Effects on State and Local Government, Denver (Colorado), 1997, p. 14-18.
21Blank Line
La question de l'application du traitement national aux autorités provinciales dont les normes divergent a été
abordée dans le Commentaire sur le projet d'AMI : «La question de savoir si le traitement national accordé aux
investisseurs étrangers par un État ou une province d'une fédération répondrait au critère du traitement national
seulement s'il était aussi favorable que le traitement accordé aux investisseurs de cet État ou de cette province, ou
s'il suffit d'accorder un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux investisseurs de tout autre État
ou province, a été soulevée. Le Groupe de négociation devra y répondre en temps et lieu.» (AMI, 1997, p. 170).
22 OCDE, Canada : Projet de réserves, DAFFE/MAI/RES(97)15, Paris, 24 février 1997, p. 4.
23Blank Line
Les gouvernements ont accès à ce service, protégé d'un mot de passe, mais pas le grand public. Le site Internet
de l'OCDE, qui est ouvert au grand public, renferme maintenant de l'information sur l'AMI.
24Blank Line
Voir «Next Election, Your Vote May Be Irrelevant... the new Multilateral Agreement on Investment Gives the
Corporations So Much Power, Parliament Won't Matter», publication du Conseil des Canadiens.
25 D'après une estimation, à la fin des années 80, 75 p. 100 des dépenses de santé étaient engagées par le secteur public. Des 25 p. 100 qui restent, un quart concernait des marchandises (médicaments et appareils, par exemple) fournis en dehors du système hospitalier. (Carol Tuohy, «Implications of the Canada-U.-S. Free Trade Agreement for the Health Services Sector in Canada», dans Marc Gold et David Leighton-Brow, dir. Trade-Offs On Free Trade, Carswell, Toronto, 1988.)
26 Ces termes sont définis dans le Glossaire.
27Blank Line
Le 5 novembre 1997, séance 3.
28 Déclaration canadienne au sujet de la loi Helms-Burton à l'intention du Groupe de négociation de l'AMI, 14 et 15 mars 1996, p. 3 et 5.