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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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36e Législature, 1ère Session


HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 172

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 2 février 1999

. 1005

VLA BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
VLe Président
VAFFAIRES COURANTES
VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Peter Adams
VPÉTITIONS
VLe droit de propriété
VM. Garry Breitkreuz
VLa famille
VM. Garry Breitkreuz
VLes soins de santé
VM. Garry Breitkreuz
VLes droits de la personne
VM. Garry Breitkreuz

. 1010

VLes armes nucléaires
VM. Peter Adams
VLa fiscalité
VM. John Williams
VLa Loi sur le divorce
VM. Mac Harb
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Peter Adams
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLES CRÉDITS
VJour désigné—La pornographie juvénile
VM. Randy White
VMotion
VM. Randy White

. 1015

. 1020

VM. Chuck Strahl

. 1025

VM. John Reynolds

. 1030

. 1035

VAmendement
VM. Gary Lunn

. 1040

VMme Eleni Bakopanos

. 1045

. 1050

VM. Gary Lunn

. 1055

VM. Michel Bellehumeur

. 1100

. 1105

VM. John Bryden
VM. Gary Lunn

. 1110

VM. Bill Blaikie

. 1115

. 1120

VM. Paul Szabo

. 1125

VM. Garry Breitkreuz
VM. Peter MacKay
VMme Diane St-Jacques

. 1130

. 1135

VM. Peter MacKay
VM. Roy Bailey

. 1140

VMme Louise Hardy
VM. Chuck Cadman

. 1145

. 1150

VM. Roy Bailey
VM. Scott Brison

. 1155

VM. Gary Lunn

. 1200

. 1205

VM. John Nunziata
VM. John Reynolds

. 1210

VL'hon. Ethel Blondin-Andrew

. 1215

VM. John Herron

. 1220

VM. Paul Forseth
VM. Jay Hill
VL'hon. Anne McLellan

. 1225

. 1230

. 1235

VM. Gary Lunn
VM. Chuck Strahl

. 1240

VMme Val Meredith

. 1245

. 1250

VM. Michel Bellehumeur
VM. Randy White

. 1255

VM. Darrel Stinson
VM. Jim Abbott

. 1300

VM. Paul Szabo

. 1305

VM. Ted McWhinney
VM. Paul DeVillers

. 1310

. 1315

VMme Diane Ablonczy
VM. John Nunziata

. 1320

VM. Ted McWhinney

. 1325

. 1330

VM. Paul Forseth

. 1335

VM. Derrek Konrad

. 1340

VM. Peter Adams

. 1345

VM. Jason Kenney

. 1350

VM. Eric Lowther

. 1355

VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VLE DÉCÈS DE M. FRANK LOW-BEER
VM. Ted McWhinney
VLA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE
VM. Darrel Stinson

. 1400

VLA SEMAINE DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
VM. Gurbax Singh Malhi
VLA NORDICITÉ
VM. Peter Adams
VLA CRÉTION D'EMPLOIS
VM. David Iftody
VLE DÉCÈS DE WIARTON WILLIE
VM. Jay Hill
VM. JOHN DAVIDSON
VMme Sue Barnes

. 1405

VLE MOIS DU COEUR
VM. Benoît Serré
VANNIE PERREAULT
VM. Serge Cardin
VLA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE
VMme Val Meredith
VLE PROGRAMME FONDS DU CANADA
VM. Raymond Lavigne

. 1410

VLE DÉCÈS DE M. ALAN JOHN SIMPSON
VMme Wendy Lill
VLA SEMAINE DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
VMme Monique Guay
VLE DÉCÈS DE WIARTON WILLIE
VM. Ovid L. Jackson
VSONG FOR THE MILLENNIUM
VM. Jim Jones
VLA POLOGNE
VMme Carolyn Parrish

. 1415

VQUESTIONS ORALES
VLA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE
VMme Deborah Grey
VL'hon. Anne McLellan
VMme Deborah Grey
VL'hon. Anne McLellan
VMme Deborah Grey
VL'hon. Anne McLellan
VM. John Reynolds

. 1420

VL'hon. Anne McLellan
VM. John Reynolds
VL'hon. Anne McLellan
VL'UNION SOCIALE
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien

. 1425

VM. Michel Gauthier
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Michel Gauthier
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VLA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE
VMme Elsie Wayne

. 1430

VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Elsie Wayne
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Eric Lowther
VL'hon. Anne McLellan
VM. Eric Lowther

. 1435

VL'hon. Anne McLellan
VLA SANTÉ
VM. Pierre Brien
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Pierre Brien
VLe très hon. Jean Chrétien
VLA JUSTICE
VM. Jason Kenney
VL'hon. Anne McLellan
VM. Jason Kenney

. 1440

VLe très hon. Jean Chrétien
VLA COMPAGNIE BELL CANADA
VMme Francine Lalonde
VL'hon. John Manley
VMme Francine Lalonde
VL'hon. John Manley
VLES AFFAIRES AUTOCHTONES
VM. Mike Scott
VL'hon. Jane Stewart
VM. Mike Scott
VL'hon. Jane Stewart
VL'ASSURANCE-EMPLOI
VM. Paul Crête

. 1445

VL'hon. Pierre S. Pettigrew
VLA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE
VMme Raymonde Folco
VL'hon. Diane Marleau
VLA DÉFENSE NATIONALE
VM. Jim Hart
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VM. Jim Hart
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VL'ASSURANCE-EMPLOI
VMme Angela Vautour

. 1450

VL'hon. Pierre S. Pettigrew
VMme Angela Vautour
VL'hon. Pierre S. Pettigrew
VLE COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE
VM. Mark Muise
VL'hon. Marcel Massé
VM. Mark Muise
VLE BOGUE DE L'AN 2000
VM. Eugène Bellemare
VL'hon. Marcel Massé

. 1455

VL'IMMIGRATION
VM. Leon E. Benoit
VL'hon. Lucienne Robillard
VLA PAUVRETÉ
VMme Christiane Gagnon
VL'hon. Paul Martin
VLA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA
VM. John Solomon
VL'hon. John Manley
VLES PÊCHES
VM. John Herron
VL'hon. David Anderson

. 1500

VLES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
VM. David Pratt
VL'hon. Lloyd Axworthy
VLe Président
VRECOURS AU RÈGLEMENT
VLa période des questions
VL'hon. Pierre S. Pettigrew
VLes affaires autochtones
VM. Mike Scott

. 1505

VLa période des questions
VM. Peter MacKay
VLe juge Robert Flahiff
VM. Michel Bellehumeur
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLES CRÉDITS
VJour désigné—La pornographie juvénile
VMotion
VM. Eric Lowther

. 1510

VM. Paul Szabo

. 1515

VM. Svend J. Robinson
VM. Reg Alcock

. 1520

. 1525

VM. Garry Breitkreuz

. 1530

VM. John McKay

. 1535

. 1540

VM. Grant McNally

. 1545

VM. John Duncan
VM. Jason Kenney

. 1550

. 1555

VMme Marlene Catterall

. 1600

VM. Rick Casson

. 1605

. 1610

VM. Jim Pankiw

. 1615

VM. Tom Wappel
VM. Paul Szabo

. 1620

. 1625

VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VL'hon. Don Boudria
VMotion

. 1630

VLES CRÉDITS
VJour désigné—La pornographie juvénile
VM. Peter MacKay
VM. Tom Wappel

. 1635

. 1640

VMme Diane Ablonczy

. 1645

VM. Gurmant Grewal

. 1650

VM. Daniel Turp

. 1655

VM. Gurmant Grewal

. 1700

VM. Andrew Telegdi

. 1705

VM. Bryon Wilfert
VM. Bryon Wilfert

. 1710

VM. Reed Elley

. 1715

. 1745

(Vote 309)

VRejet de l'amendement

. 1750

. 1755

(Vote 310)

VRejet de la motion
VINITIATIVES PARLEMENTAIRES
VCHARTE DES DROITS DES PÊCHEURS
VProjet de loi C-302. Deuxième lecture.

. 1800

. 1810

(Vote 311)

VRejet de la motion
VLOI SUR LE TRAITEMENT ÉGAL DES PERSONNES VIVANT DANS UNE
VProjet de loi C-309. Deuxième lecture
VM. Réal Ménard

. 1815

. 1820

. 1825

VMme Eleni Bakopanos

. 1830

. 1835

VM. Grant McNally

. 1840

VMme Louise Hardy

. 1845

VMme Diane St-Jacques

. 1850

VM. Scott Brison
VM. Réal Ménard

. 1855

VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLES FINANCES
VMotion

. 1900

VM. Nelson Riis

. 1905

. 1910

VM. Ken Epp

. 1915

VMme Elsie Wayne

. 1920

. 1925

VM. Jim Jones

. 1930

VMme Carolyn Bennett

. 1935

VMme Sophia Leung
VMme Sophia Leung

. 1940

. 1945

VMme Carolyn Bennett

. 1950

. 1955

VM. Ken Epp

. 2000

VM. Ken Epp

. 2005

. 2010

VM. Paul Forseth

. 2015

. 2020

. 2025

VM. Ken Epp

. 2030

VM. Ted McWhinney

. 2035

. 2040

VM. Rey D. Pagtakhan

. 2045

. 2050

VM. Odina Desrochers

. 2055

. 2100

VM. Serge Cardin

. 2105

VM. Ken Epp

. 2110

VL'hon. Andy Mitchell

. 2115

. 2120

VM. Jim Hart

. 2125

VM. Bryon Wilfert

. 2130

. 2135

VM. Jim Hart

. 2140

VM. Eric Lowther

. 2145

. 2150

VM. Ken Epp
VM. Jim Hart

. 2155

. 2200

VM. Eric Lowther

. 2205

VM. Ken Epp
VM. John Williams

. 2210

. 2215

. 2220

VM. Ken Epp

. 2225

VM. Tony Valeri

. 2230

. 2235

VM. Ken Epp
VM. Jason Kenney

. 2240

VMme Suzanne Tremblay

. 2245

. 2250

VM. Réal Ménard

. 2255

. 2300

. 2305

VMme Libby Davies

. 2310

. 2315

. 2320

VM. Jason Kenney

. 2325

VM. Jason Kenney

. 2330

. 2335

. 2340

. 2345

. 2350

VM. Tony Valeri

. 2355

VM. Ken Epp

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 172


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 2 février 1999

La séance est ouverte à 10 heures.



Prière


 

. 1005 +

[Traduction]

LA BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

Le Président: J'ai l'honneur de déposer le rapport du bibliothécaire du Parlement pour l'exercice financier qui a pris fin le 31 mars 1998.



AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 20 pétitions.

*  *  *

[Traduction]

PÉTITIONS

LE DROIT DE PROPRIÉTÉ

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, ce matin, j'ai le plaisir de présenter plusieurs pétitions.

La première, qui compte 41 pages, porte la signature de 923 Canadiens du Québec, de l'Ontario, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de ma province, la Saskatchewan. Pour ceux qui tiennent des comptes, je signale que cela fait au total 12 841 personnes qui demandent que le droit de propriété soit mieux protégé par la législation fédérale.

Ces Canadiens sont préoccupés par le fait que la Charte des droits et libertés ne contient aucune disposition empêchant le gouvernement de s'emparer de biens acquis légalement et possédés légalement sans offrir la moindre indemnisation. Ils ajoutent que rien dans la Charte ne limite de quelque façon que ce soit le droit du gouvernement d'adopter des lois leur interdisant de posséder ou d'utiliser leurs propres biens ou d'en jouir, ou ayant pour effet d'en réduire la valeur.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer mon projet de loi qui modifierait la Charte canadienne des droits et libertés afin de mieux protéger le droit de propriété.

LA FAMILLE

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, la seconde pétition que j'ai le plaisir de présenter est signée par 289 Canadiens qui demandent au Parlement de maintenir l'article 43 du Code criminel qui affirme que les parents ont le devoir d'élever leurs enfants de façon responsable et conformément à leur conscience et à leurs croyances.

Les pétitionnaires s'inquiètent de ce que le Parlement continue à financer la recherche faite par des personnes prônant l'abrogation de cet article. Ils estiment en outre que la suppression de l'article 43 donnerait plus de pouvoir aux bureaucrates et affaiblirait le rôle des parents. Les pétitionnaires veulent que ces derniers conservent le droit absolu qui est le leur d'élever et de discipliner leurs enfants.

LES SOINS DE SANTÉ

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, j'ai aussi le plaisir de présenter une importante pétition au nom de 216 habitants de Kamsack, en Saskatchewan, qui craignent que la liberté de choix en matière de soins de santé soit de plus en plus restreinte et menacée par les lois et règlements gouvernementaux.

Les pétitionnaires veulent avoir accès à des produits pour la santé sûrs et naturels qui ne soient pas assujettis aux restrictions et à la censure du gouvernement. Ils demandent que la définition du terme «aliment» comprenne les suppléments nutritifs qui sont utilisés aux fins de régimes particuliers et qui se présentent notamment sous forme de comprimés, de capsules, de poudres et de liquides renfermant des vitamines, des minéraux, des amino-acides, des herbes ou d'autres produits de botanique, des concentrés ou des extraits. Ils proposent que les seuls aliments pouvant être frappés de restrictions soient ceux qui auront été présentés de façon frauduleuse ou prouvés dangereux, et que le fardeau de la preuve incombe au gouvernement.

Les pétitionnaires tiennent à exprimer leurs craintes que la liberté de choix en matière de santé soit restreinte.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, les deux dernières pétitions portent les signatures de 1 458 Canadiens de partout au pays, qui s'inquiètent des droits des enfants à naître. Ils demandent au Parlement d'appuyer la tenue d'un référendum national exécutoire en même temps que les prochaines élections générales pour demander aux électeurs s'ils acceptent que le secteur public subventionne des avortements non nécessaires du point de vue médical.

 

. 1010 + -

J'ai le privilège de demander l'ajout des noms de ces pétitionnaires à ceux de milliers d'autres qui ont exprimé leur inquiétude non seulement à l'égard des enfants à naître, mais aussi à l'égard des femmes qui subissent des avortements non nécessaires du point de vue médical et dangereux pour leur santé.

LES ARMES NUCLÉAIRES

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, je désire présenter une autre pétition signée par des électeurs préoccupés par les armes nucléaires dans le monde. Ils sont sans doute heureux des modestes progrès que la Chambre a réalisés à cet égard.

Les pétitionnaires soulignent qu'il existe encore plus de 30 000 armes nucléaires qui menacent la survie de la civilisation et de tous les êtres humains, ainsi que la poursuite de nos rêves et ceux de nos enfants. Le Canada, bien qu'il dispose des moyens pour construire des armes nucléaires, a rejeté cette option et, ce faisant, reconnaît la futilité des armes nucléaires. Ils prient le Parlement d'appuyer l'abolition des armes nucléaires à l'échelle de la planète et de faire campagne en faveur de la mise hors service de tous les engins nucléaires. Ils demandent que le Canada joigne les rangs des pays qui forment la coalition pour un nouveau programme, que le Canada préconise l'idée, au sein de l'OTAN, que les armes nucléaires n'ont aucune utilité sur le plan militaire et qu'une aide financière supplémentaire soit accordée à la Russie pour assurer le désarmement de son arsenal nucléaire en toute sécurité.

LA FISCALITÉ

M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition signée par certains de mes électeurs. Ils disent essentiellement que leurs taxes et leurs impôts sont trop élevés et prient le Parlement de les abaisser, notamment en abolissant la TPS, en supprimant les surtaxes et en réduisant tous les impôts de 20 p. 100.

LA LOI SUR LE DIVORCE

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je présente une pétition signée par de nombreux grands-parents de tout le pays qui prient le Parlement de demander que le gouvernement modifie la Loi sur le divorce afin que, comme le propose le projet de loi C-340, elle renferme une disposition sur le droit de garde ou d'accès auprès des petits-enfants par les grands-parents.

*  *  *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.) propose:  

    Que le gouvernement prenne des mesures législatives pour rétablir la loi qui a été annulée récemment par une décision de la Cour de la Colombie-Britannique concernant la possession de matériel pornographique infantile même s'il faut, pour cela, invoquer l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982 (la disposition dérogatoire);

    Que, nonobstant tout Règlement ou les pratiques usuelles de la Chambre, et avec le consentement des leaders à la Chambre, lorsqu'un ministre qui propose une motion de première lecture d'un projet de loi déclare que ce projet de loi répond à cette résolution, l'étape de la deuxième lecture et les étapes subséquentes puissent se dérouler pendant la même séance, ce qui comprend l'étude en comité plénier.

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, j'informe la Chambre que les députés du Parti réformiste se partageront leur temps de parole durant la durée du débat d'aujourd'hui.

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, je crois que la motion dont nous sommes saisis concerne les fondements moraux de notre pays. Elle vise à corriger une situation ou, à tout le moins, à sensibiliser les députés de la Chambre des communes à leur obligation de préserver nos valeurs morales. C'est ce dont il sera question durant toute la journée.

Certains de mes collègues parleront des aspects juridiques de la question, alors que d'autres aborderont les aspects plus concrets.

 

. 1015 + -

Je demande au gouvernement d'écouter les discours qui seront prononcés et d'agir. C'est ce que nous attendons de lui.

La motion demande l'adoption de mesures législatives immédiates, non pas dans un an ou dans six mois, non pas des recours en justice, mais une intervention législative immédiate. Nous demandons le rétablissement d'une loi qui interdisait la possession de matériel pornographique infantile. Nous ne voulons pas recréer une loi, mais seulement préserver des valeurs morales qui existent déjà, même s'il faut pour cela invoquer la clause dérogatoire de la Charte des droits et libertés et toute la Constitution.

Certains se demanderont pourquoi il est nécessaire que le Parti réformiste prenne une journée de la Chambre des communes pour tenter d'amener un gouvernement, qui a reçu un mandat d'une majorité de Canadiens, à faire ce qu'il est juste de faire, c'est-à-dire interdire une chose qui était illégale et rectifier le tort causé par un juge à la faveur d'un jugement. Comment se fait-il que le pouvoir judiciaire et l'industrie juridique de la Colombie-Britannique puissent réécrire les lois canadiennes? N'est-ce pas là le rôle de la Chambre des communes?

Je ne crois pas que les parents ou qui que ce soit d'autre au Canada comprennent ce qui se passe. Les députés ont-ils complètement renoncé à leur responsabilité législative? Avons-nous cédé cette responsabilité aux tribunaux? Est-ce là le problème?

La plupart des Canadiens ont l'impression que les lois ne sont plus faites à la Chambre des communes, mais ailleurs. Elles sont faites par ceux qui sont payés pour se prononcer sur les questions de droit, et ce n'est pas correct. Ce soir, à l'occasion du vote qui se tiendra à la Chambre à 17 h 30, nous devons rétablir l'autorité de la Chambre des communes. Le temps est venu pour nous tous de nous prononcer ce soir à la Chambre et d'affirmer qu'il est illégal de posséder de la pornographie juvénile.

On pourrait penser que c'est la première fois que la question se présente au Canada, mais non. Je parle du problème depuis plusieurs années.

En février 1996, un juge de la Cour provinciale de Port Hardy, en Colombie-Britannique, Brian Sanderson, a accordé une absolution inconditionnelle à Vernon Logan, 57 ans. J'en ai parlé à la Chambre il y a quelque temps. Même si Logan avait plaidé coupable à l'accusation de possession de pornographie juvénile, le juge a déclaré que la loi interdisant la pornographie juvénile était contraire à la charte des droits puisqu'elle empiète sur la liberté de pensée, de croyance et d'opinion car le libre accès aux imprimés est nécessaire à l'exercice de ces libertés.

Je ne comprends pas comment nous sommes passés de cette cause judiciaire à une autre cause judiciaire et maintenant, à la suite de la toute dernière affaire dont a été saisi un tribunal de la Colombie-Britannique, nous voyons d'autres tribunaux affirmer que la possession de pornographie juvénile semble acceptable. Comme c'est légal aujourd'hui, nous laisserons faire.

Nous avons établi un critère sans précédent pour la possession et la production de pornographie juvénile. On ne peut posséder de la pornographie juvénile à moins qu'elle n'ait été produite. Nous devons comprendre les conséquences de ces décisions.

Ce n'est pas le temps pour les politiciens de se dérober à leur responsabilité et de s'en remettre encore une fois aux juristes et aux juges de notre pays pour faire le travail que nous n'avons pas le courage de faire. Le temps est venu ce soir de prendre cette décision.

Je le pense et je sais que les parents le pensent, car nos téléphones ne dérougissent pas. Les gens trouvent inquiétant que nous fermions les yeux sur quelque chose d'immoral. C'est contraire à toutes les valeurs familiales, quelles qu'elles soient. Cela ne saurait se produire chez nous.

 

. 1020 + -

Aussi incroyable que cela puisse paraître, après le prononcé de cette décision, plusieurs pédophiles vivant aux États-Unis ont communiqué entre eux sur Internet. L'un des messages fut alors: «Je préférerais vivre au Canada plutôt qu'aux États-Unis et continuer d'aimer les enfants». C'est le commentaire que deux pédophiles se sont transmis sur Internet. Est-ce bien là la réputation que nous souhaitons pour le Canada, un lieu où les pédophiles peuvent venir s'installer pour y aimer les enfants et lire de la pornographie parce que c'est légal? Est-ce bien cela que le gouvernement libéral souhaite pour notre pays? Je ne le crois pas.

Si le Parti réformiste était le seul à penser ainsi, le gouvernement pourrait se dire: «Encore eux; nous devons libéraliser notre tissu social, mais le Parti réformiste n'aime pas cela.» Cependant, je sais fort bien que les partis d'opposition vont voter en faveur ce soir. Je connais également 63 noms de députés d'en face qui ont demandé au premier ministre de modifier la loi pour faire en sorte que soit rétablie l'illégalité de la pornographie juvénile. L'un de ces députés est celui de Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, qui a remporté une élection complémentaire et a voté contre ses électeurs dans le dossier de l'hépatite C.

Nous verrons ce soir quelle est la position des gens comme lui. Certains sont bien capables d'envoyer discrètement une lettre au premier ministre pour qu'il fasse modifier les lois, mais quand ils se lèveront pour voter devant les caméras de la télévision nationale, en présence de tout le monde, feront-ils ce qu'on leur dit de faire? L'enjeu en l'occurrence n'est pas de respecter les règles d'un parti politique, mais bien de défendre la fibre morale de notre pays.

Je vais vous dire ce qu'en pensent d'autres gens. Voici certains propos entendus: «Travailler au sein d'un système qui n'appuie pas ce que vous faites est tout à fait frustrant. Cela équivaut à dire aux enfants que la société ne voit aucun mal dans la pornographie juvénile.» C'est Shana Chetner, conseillère auprès des jeunes au service de santé mentale de la région métropolitaine de Vancouver qui parle ainsi. Ce n'est pas un politicien, c'est une femme qui travaille auprès de personnes qui ont souffert par suite d'activités financées par l'industrie qu'est la pornographie juvénile.

Le détective Bob Matthews, chef de l'unité de lutte contre la pornographie juvénile de la police provinciale de l'Ontario a déclaré pour sa part: «La disposition criminalisant la possession de matériel pornographique est d'une importance capitale pour la recherche de personnes soupçonnées de pornographie juvénile. Supprimer cette disposition de la loi serait absolument catastrophique pour la police. C'est sur cette disposition que nous nous appuyons pour obtenir des mandats de perquisition, le seul moyen pour nous de chercher des preuves afin d'établir le délit de vente et de distribution».

Il a ajouté: «Je ne comprends pas comment des gens peuvent dire qu'il n'y a aucun mal à posséder du matériel pornographique juvénile. Les choses paraissent toujours différentes quand il s'agit des enfants des autres, mais gare si c'est un membre de la famille. Imaginez que ce soit votre enfant. Imaginez qu'on viole votre fils ou votre fille, imaginez qu'un pédophile outrage votre fils ou votre fille en se masturbant devant sa photo. Direz-vous qu'il n'y a pas de mal à cela?»

Je parle en tant que fils et en tant que père; je m'adresse à vous au nom de tous les habitants de Langley—Abbotsford, en Colombie-Britannique. Je veux que ce soir nous nous prononcions sur cette question. Je veux que demain une mesure législative interdisant expressément la possession de matériel pornographique soit présentée à la Chambre. Pourquoi le gouvernement et tous les députés ne prendraient-ils pas position ce soir?

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je sais que le député de Langley—Abbotsford critique ouvertement la magistrature lorsqu'elle semble avoir perdu tout bon sens et aller à l'encontre de l'intention bien exprimée du Parlement, qui était de décider du caractère répréhensible ou non de la possession de pornographie juvénile. En d'autres mots, le Parlement n'a pas hésité à se mouiller et à déclarer qu'il était répréhensible de posséder de la pornographie juvénile. Ce n'est pas simplement que des gens ont entre les mains des magazines dégueulasses, mais c'est le fait également que les vies d'enfants sont ruinées. On détruit complètement des gens pour produire le matériel répugnant dont se servent les pédophiles. Ce qui importe, ce n'est pas simplement qu'une personne possède un magazine de ce genre, mais bien qu'on ait maltraité des gens afin de fournir ces photographies écoeurantes et ce matériel dégueulasse aux consommateurs de ce type de choses.

 

. 1025 + -

Le Parlement a déclaré judicieusement qu'on ne tolérerait pas cela au Canada. Quelqu'un doit intervenir pour protéger ces enfants. Nos lois doivent le faire. Cela donne ainsi aux parents l'appui dont ils ont besoin pour dire qu'ils ne vont pas accepter cela, car ce n'est pas dans leur façon de penser.

Dans le passé, le député de Langley—Abbotsford a critiqué la magistrature. En un sens, les juges utilisent leur propre disposition dérogatoire. Ils affirment que peu importe ce que le Parlement fait, ils vont interpréter cela simplement comme une expression de la pensée et permettront la distribution de ce matériel. Une fois qu'il est distribué, une fois qu'il y a un marché pour cela et que ce matériel peut être diffusé à ces gens malades, il y a alors un marché pour les enfants victimes de mauvais traitements. C'est tout simplement un permis permettant de dire: «Obtenez les photos. J'ai le magazine dans lequel les imprimer.» On peut trouver des malades pas simplement au Canada mais dans le monde entier, qui sont prêts à s'arracher ce matériel.

Le député de Langley—Abbotsford pourrait-il s'étendre davantage sur le rôle de la magistrature et, en un sens, sur les abus que certains juges, non pas tous, commettent en jouant un rôle activiste?

Cela ne s'applique pas simplement aux juges, mais également aux commissaires aux droits de la personne, à des gens qui ne sont pas élus, qui n'ont aucun compte à rendre et qui sont des salariés, qui défendent une position prônée par un groupe d'intérêt et qui s'en font les champions. Il n'y a pas que les juges. Les commissaires et les tribunaux du pays disent qu'ils se fichent du Parlement et qu'ils vont faire les lois.

Je voudrais que le député de Langley—Abbotsford nous parle de son expérience relativement à des tribunaux, des commissions, des juges et d'autres décisions qui, selon moi, ont fait totalement fi du Parlement et ont nui à son image. De plus en plus, les Canadiens se demandent à quoi sert le Parlement puisque les juges agissent comme bon leur semble. Je voudrais que le député nous fasse part de son expérience, car je sais qu'il a oeuvré dans ce domaine.

M. Randy White: Tout à fait, monsieur le Président, j'ai travaillé longtemps dans ce secteur. J'ai consacré une grande partie de ma vie politique aux tribunaux et aux prisons dans le cadre d'audiences de la Commission des libérations conditionnelles. Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai passé toute une journée avec la victime d'une personne qui s'était rendue coupable d'exploitation sexuelle à son endroit quand elle était enfant. C'est difficile à croire, mais cette personne a été condamnée à deux ans pour avoir exploité sexuellement une jeune fille de l'âge de 10 ans à l'âge de 18 ans. J'ai pu discuter avec cette dernière. Le gars essayait d'obtenir une libération anticipée.

Ce que je ne veux pas entendre, aujourd'hui ou ce soir, c'est la ministre de la Justice qui dirait: «Nous examinerons l'affaire. Nous allons charger plusieurs avocats du gouvernement fédéral de défendre la question dans un procès en appel qui pourrait durer au moins un an.» Pendant ce temps, nous restons aux prises avec le problème, et il se pourrait qu'on aboutisse à la même décision qui a été rendue en Colombie-Britannique. C'est là le problème.

Cette affaire ne devrait plus relever du système juridique. Les députés à la Chambre ont la responsabilité et le devoir envers les électeurs et tous les habitants du Canada de se montrer fermes à l'égard de la pornographie juvénile en la déclarant illégale, et de faire en sorte qu'aucun autre procès devant les tribunaux ne renverse la décision, point final.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui, le Parti réformiste donne une chance au Parlement. La motion que nous présentons exige qu'on fasse quelque chose. C'est un appel au rétablissement de la moralité et des valeurs qui nous sont chères. La motion constitue un appel au bon sens. Nous ne saurions trop insister sur l'urgence de la situation.

 

. 1030 + -

La décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui légalise en quelque sorte la possession de matériel de pornographie juvénile constitue un véritable affront à nos sentiments et nos valeurs. Comme certaines personnes l'ont souligné, cette décision permet de fermer les yeux sur les mauvais traitements faits aux enfants et sur la manipulation des innocents.

Le parti libéral lui-même reconnaît dans les sujets d'entretien qu'il a préparés que les enfants sont les membres les plus vulnérables de notre société. Il semble que la position des libéraux soit très claire et qu'ils soient toujours aussi opposés à l'exploitation qui ne peut que découler de la possession, de la production et de la distribution de matériel de pédopornographie.

Fort de cet engagement, le parti réformiste croit pouvoir compter sur les députés libéraux pour appuyer sa motion, qui vise à rétablir la loi avilie par la décision du juge Shaw, même si cela signifie qu'il faudra se prévaloir de l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982, mieux connu sous le nom de disposition dérogatoire ou d'exemption.

Si le gouvernement croit vraiment ce qu'il avance dans ses notes, il n'attendra pas que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique se prononce dans ce dossier et encore moins la Cour suprême. Nous savons tous que cela pourrait prendre un an. La situation est trop urgente pour que nous laissions passer une seule journée de plus. Les conséquences pourraient être trop graves et pénibles.

En fait, un juge de la Colombie-Britannique vient de rejeter un dossier de possession de matériel de pédopornographie en raison de la décision malavisée et sans fondement rendue par le juge Shaw. Quarante autres cas de possession de matériel de pédopornographie doivent être entendus en Colombie-Britannique. Des centaines de cas pourraient être en cause au pays, mais même si cette affaire était la seule à être déboutée en cour, c'est suffisant pour que nous en débattions au Parlement aujourd'hui.

Sachant cela, le gouvernement ne veut sûrement pas autoriser des gens à s'adonner à ce comportement très dérangé. Le gouvernement doit savoir à quoi peut inciter ce type de matériel. Veut-il donner le champ libre aux pédophiles? Je ne crois pas.

Le paragraphe 163.1(4) du Code criminel est clair. Quiconque a en sa possession de la pornographie juvénile est coupable d'un acte criminel. La décision du juge Shaw selon laquelle interdire la possession à titre personnel violerait la liberté d'expression parce que c'est une expression de la personnalité est une insulte. C'est de la négligence, c'est un argument faible, c'est une agression à l'endroit des enfants, et il faut renverser cette décision en vertu de la disposition dérogatoire.

Quiconque a un peu de bon sens, un soupçon de décence et certaines valeurs sait que la pornographie juvénile est nocive. Des études cliniques effectuées par des spécialistes ont abouti à la conclusion que la pornographie juvénile était nocive. En fait, certains pédophiles se servent de matériel de ce genre pour montrer aux enfants que ce comportement est normal. On sait que la pornographie incite certains agresseurs d'enfants à passer à l'acte et, en fin de compte, c'est une agression à l'endroit des enfants utilisés pour la production de ce matériel. C'est un affront à notre dignité et aux droits de la personne. Cette interprétation méprisante de la charte par le juge en question est certainement suffisante pour secouer le gouvernement et le tirer de sa léthargie.

Le juge Shaw a fondé son jugement sur deux articles portant sur la question de la pornographie juvénile, l'un remontant à 1987 et l'autre à 1988. En fait, le juge Shaw a étudié cette question complexe sur les plans médical et psychologique en lisant deux articles et en entendant deux témoins. Il était alors devenu un spécialiste. Voyons donc. Nous savons tous qu'il n'est certainement pas un spécialiste de la question.

La distinction que fait le juge Shaw entre très érotique et modérément érotique est basée sur un paragraphe tiré d'études réalisées en 1974 et 1977. Il est vraiment incompréhensible qu'un juge puisse négliger à ce point les détails et les études. D'autant plus incompréhensible et même répréhensible que ce juge n'a pas à rendre compte de ce comportement irresponsable. Personne ne lui a donc jamais parlé de la théorie des normes de la société? Au fil des ans, bien des juges se sont prévalus de cette théorie pour passer outre aux dispositions de la charte.

Le juge Shaw invoque la charte qui, manifestement, donne plus de droits à l'amateur de pédopornographie qu'à l'enfant avili par elle. Voilà le coeur de la motion à l'étude aujourd'hui et ce qui en fait toute l'urgence. Je le répète, le juge accorde plus de droits à l'amateur de pornographie qu'à l'enfant qui a été exploité pour produire le matériel pornographique. Personne à la Chambre ne peut en disconvenir: c'est tout à fait tordu, et les Canadiens ne peuvent le tolérer.

Notre motion donne au Parlement l'occasion de dire à ce juge que sa décision ne nous plaît pas, que nous avons des normes dans notre société, et que nous n'admettons pas la pédopornographie. Le Parlement a le pouvoir d'agir. Faisons-le dès aujourd'hui. En invoquant la Charte, comme il l'a fait, ce juge a agi de façon méprisable et inadmissible. Même dans l'affaire Zundel, le tribunal a reconnu que les différentes formes d'expression ne méritent pas toutes la même protection. Le juge Shaw en a-t-il tenu compte? Le juge Shaw pense-t-il vraiment que la pornographie juvénile mérite d'être protégée? C'est ce qu'il soutient dans la décision qu'il a rendue.

 

. 1035 + -

Dans son appréciation, le juge Shaw a déterminé que les effets néfastes surpassaient les effets bénéfiques, ce qui fait que la limitation de la liberté d'expression n'a pas été maintenue. En somme, il n'a pas pris en considération les effets bénéfiques de la limitation de la liberté d'expression, qui protège les enfants violentés et astreints à la pornographie, décourage les pédophiles à commettre des infractions et évite que la perpétration d'infractions sexuelles ne soit glorifiée. N'est-ce pas à quoi rime la limitation de la liberté d'expression?

La décision du juge Shaw donne carte blanche aux pédophiles et ouvre la voie à la prolifération du matériel de pornographie juvénile. Elle met en péril des centaines de causes de pornographie juvénile actuellement devant les tribunaux. Comme je l'ai dit plus tôt, l'une de ces causes a d'ailleurs déjà fait l'objet d'un non-lieu. Les accusations portées contre une personne n'ont pas été retenues justement à cause de cette décision.

Il nous appartient d'invoquer immédiatement la disposition dérogatoire pour faire savoir aux Canadiens que la possession de ce genre de matériel est encore un crime au Canada. Nous devons envoyer un message aux gens qui utilisent ce matériel ainsi qu'aux pédophiles pour leur dire que nous ne tolérerons pas des parasites méprisables comme eux.

Des gens comme M. Sharpe suivent probablement le débat d'aujourd'hui. J'ai vu M. Sharpe à la télé après que le juge Shaw l'eut disculpé. Il se moquait de nous et déclarait qu'il avait le droit d'agir comme il le faisait, qu'il avait le droit d'aimer les jeunes garçons. C'est un ignoble personnage et les individus comme lui le sont tous. Il ne devrait pas y avoir de lois lui permettant de s'en tirer pour cela dans notre pays.

Je voudrais vous parler d'une pétition qui a été signée par 70 députés libéraux siégeant en face. Cette pétition renferme une foule de noms bien connus, comme celui du député de Port Moody—Coquitlam, qui a signé la pétition demandant au premier ministre de régler le problème immédiatement. Immédiatement ne veut pas dire le mois prochain ou le mois suivant. Immédiatement veut dire aujourd'hui ou hier si nous avions pu le faire.

Nous avons observé le Règlement de la Chambre. Notre parti a présenté la motion aujourd'hui dès que nous avons pu le faire. J'aurais espéré que le gouvernement le fasse plus tôt. J'ai entendu la ministre de la Justice dire hier que les questions étaient stupides. J'ai trouvé cette remarque très blessante et je pense que la plupart des Canadiens trouveraient blessant eux aussi que la ministre qualifie cette affaire de stupide. M. Sharpe n'est certainement pas quelqu'un de stupide.

J'ai eu connaissance d'un autre cas en Colombie-Britannique qui a été rejeté à cause de cette affaire. Ce n'est pas stupide. Nous devons régler le problème aujourd'hui.

Le gouvernement a le pouvoir de remettre la moralité sur ses rails. Je l'exhorte à appuyer cette motion. C'est ce que les Canadiens veulent. Je presse les Canadiens qui suivent le débat aujourd'hui d'ouvrir leur annuaire téléphonique aux pages bleues, de téléphoner à leur député dès maintenant et de lui dire qu'ils veulent qu'il ou elle vote en faveur de la motion aujourd'hui.

C'est une importante décision que nous prendrons aujourd'hui. Il est temps que le Parlement reprenne la maîtrise des tribunaux. Adoptons des lois en vertu desquelles les juges ne pourront prendre de décisions dans ces questions. La loi dit qu'il s'agit d'une infraction. Faisons de cet acte une infraction et envoyons ces gens-là en prison pour cinq, dix, quinze ou vingt ans pour cette affreuse et misérable infraction. Je propose:  

    Que la motion soit modifiée par l'ajout après le mot «prenne» du mot «immédiatement».

Le vice-président: Le débat porte, par conséquent, sur l'amendement.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Monsieur le Président, je félicite le député de West Vancouver—Sunshine Coast de son discours et des points qu'il a soulevés. Je voudrais qu'il nous donne son avis sur ce que je considère comme un droit fondamental.

 

. 1040 + -

Le juge Shaw aurait pu invoquer l'article 1 de la charte pour restreindre la liberté d'expression. Il aurait pu juger que le droit des enfants de ne pas être exploités sexuellement est beaucoup plus important que le droit des pédophiles de regarder des documents dégoûtants, scandaleux et obscènes. Cependant, il ne l'a pas fait. Il disposait de cet outil. Notre seul outil est l'article 33, la disposition d'exemption. Je crois que ne rien dire, c'est consentir. Si nous n'invoquons pas l'article 33, nous renforcerons sa décision. C'est le seul outil dont nous disposons pour manifester notre opposition à ce jugement.

Je voudrais savoir ce que le député pense du recours à l'article 33. Si nous n'invoquons pas l'article 33, nous manquerons à notre devoir en n'agissant pas, en demeurant silencieux. Ne rien dire, c'est consentir; cela revient pour nous à approuver cela. J'aimerais que le député nous dise ce qu'il en pense.

M. John Reynolds: Monsieur le Président, la décision du juge Shaw voulant que la liberté d'expression serait violée par suite de possession personnelle est incroyable. Comme le député vient de le dire, un juge pourrait, comme je l'ai mentionné dans l'affaire Zundel, invoquer l'article 1 de la charte et condamner le criminel en conséquence, peu importe les droits de celui-ci. Il s'agit d'un crime odieux commis contre la société et des enfants.

Je dis aux Canadiens que le Code criminel prévoit le délit de possession de pornographie juvénile. Il stipule que toute personne qui possède des documents de pornographie juvénile est coupable d'un acte criminel punissable d'une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement ou d'une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Les peines sont beaucoup plus lourdes pour la production de documents de pornographie juvénile, par exemple.

Le juge Shaw a préféré ne pas invoquer l'article 1 de la charte. Il a choisi de ne pas dire que le crime était tellement odieux que la protection de la possession personnelle ne se justifiait pas. Il ne l'a pas dit, mais il aurait dû le dire. D'autres juges l'ont dit dans le passé.

Nous demandons au Parlement de rétablir la loi. Prévalons-nous de la disposition de dérogation, l'article 33, qui a été incluse dans la charte afin de conférer ce pouvoir au Parlement. L'article 33 donne à tout député le droit d'écarter la charte et de dire que ce n'est pas satisfaisant pour le Canada ou les Canadiens. C'est ce que tout député ici présent doit faire.

Je ne suis pas avocat. Nous avons la chance, à la Chambre, d'avoir des députés qui sont avocats et d'autres qui ne le sont pas. Cependant, nous avons lu sur le sujet et nous nous sommes entretenus avec certains des avocats les plus éminents du Canada. Il nous dont dit que la Chambre peut, par une simple mise aux voix aujourd'hui, invoquer la disposition de dérogation à l'égard de ce crime. Je l'ai dit hier, et je le répéterai encore et encore, lorsque la Chambre veut faire quelque chose, elle arrive à ses fins. Lorsque nous avons voulu une augmentation salariale, il a fallu 15 minutes pour que le projet de loi à cet égard franchisse toutes les étapes.

Nous sommes aux prises avec une terrible question. Ma collègue de Port Moody—Coquitlam et 69 autres députés libéraux ont signé une pétition qui demande au premier ministre de prendre immédiatement des mesures à ce sujet. Faisons-le tout de suite. Adoptons la motion aujourd'hui, maintenant. Si je proposais que nous mettions la motion aux voix immédiatement, nous écourterions grandement le débat. Faisons quelque chose maintenant. C'est ce que veulent les Canadiens. Nous voulons que des individus comme M. Shaw sachent que les Canadiens et le Parlement ne les respectent pas, qu'ils n'ont aucune raison de les respecter.

Mme Eleni Bakopanos (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le 15 janvier, un juge d'un tribunal de première instance de la Colombie-Britannique a rendu une décision invalidant les dispositions du Code criminel sur la possession de pornographie juvénile. Cette décision a suscité un débat national intense. Depuis, pas une journée n'est passée sans que la plupart d'entre nous aient été confrontés aux vifs sentiments que suscite cette affaire, que ce soit dans les journaux ou d'autres médias, au bureau ou à la maison, à la Chambre, dans la rue ou ailleurs.

La décision a suscité de vives réactions. Il est difficile de comprendre comment quelqu'un peut déclarer qu'il n'est pas criminel de posséder du matériel qui représente des abus sexuels contre des enfants et l'exploitation de ces enfants. Par contre, par leurs déclarations à l'emporte-pièce les réformistes ne font que susciter la peur, comme nous les avons vus le faire à la Chambre à maintes reprises. Les réformistes affirment que les pédophiles courent les rues en toute liberté et que nous devrions enfermer nos enfants. Ce n'est pas l'allure que doivent prendre les débats à la Chambre des communes.

 

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Lorsque la ministre a utilisé l'épithète de stupide, elle ne parlait que de ce genre de commentaires et non pas de la question faisant l'objet du débat à la Chambre.

Par leurs commentaires, les réformistes encouragent l'instauration d'une justice sauvage en Colombie-Britannique, mais ce n'est pas le type de justice que nous voulons au Canada. Le respect du pouvoir judiciaire est un des fondements capitaux de notre société démocratique.

[Français]

Bien que l'impact de cette décision ait été lourd de conséquences en termes de réaction soulevée chez les Canadiens et les Canadiennes, ce que bon nombre de gens ne comprennent pas, c'est que les répercussions juridiques, à ce moment-ci, sont limitées.

À part la Colombie-Britannique, où cette décision lie les juges des tribunaux provinciaux seulement, la loi interdisant la simple possession de pornographie juvénile demeure encore en vigueur. Partout ailleurs au Canada, il est illégal de posséder ce type de matériel, contrairement à ce que mes collègues ont déjà dit à la Chambre.

L'idée que la possession de pornographie infantile puisse être légitime dans quelque partie du pays que ce soit et pour quelque période que ce soit, même pendant une brève période, semble inacceptable à la plupart des gens. Nous partageons un sentiment commun de détresse à savoir que ce matériel représente non seulement la violence sexuelle à l'endroit des enfants et l'exploitation des enfants, mais qu'il sert souvent à tenter de convaincre les plus vulnérables qu'il est correct de s'engager dans des activités sexuelles avec des adultes.

Les personnes qui font violence à des enfants et qui les exploitent se servent souvent de représentations visuelles comme du matériel de pornographie juvénile dans le but de désensibiliser les jeunes personnes et à les pousser à commettre certains actes en leur faisant croire que leurs pairs ont pris part à des actes similaires.

[Traduction]

C'est justement pour empêcher ce genre d'abus et d'exploitation que les interdictions touchant la pornographie juvénile ont été promulguées il y a quelques années. Même si, en 1992 dans l'affaire Butler, la Cour suprême du Canada a interprété la définition du terme obscène à l'article 163 du Code criminel comme incluant la pornographie juvénile, il fallait néanmoins que le Parlement prenne des mesures concrètes visant spécifiquement le marché de ces publications.

En 1993, on a prévu des peines plus sévères que celles qui existaient à ce moment-là pour diverses infractions et on a fait de la simple possession une nouvelle infraction, reconnaissant ainsi la nature clandestine du marché et la nécessité de s'attaquer au problème à son niveau le plus fondamental, soit l'individu qui crée ou achète de la pornographie juvénile pour son usage personnel.

Ces modifications aux dispositions législatives concernant la pornographie juvénile ont été appuyées à l'unanimité à la Chambre. La décision à l'origine de ce débat fait maintenant l'objet d'un appel interjeté par le procureur général de la Colombie-Britannique devant la cour d'appel de cette province. Il a demandé que cette affaire soit réglée avec célérité.

Au niveau fédéral, la ministre de la Justice a annoncé que, à titre de procureur général du Canada, elle demandait la permission d'intervenir dans cette affaire qui est clairement d'importance nationale. Nous avons agi immédiatement. Le gouvernement a souligné qu'il appuie cette mesure législative, qu'il est convaincu de sa constitutionnalité et qu'il luttera pour voir à ce qu'elle soit respectée.

[Français]

De toute évidence, nous voulons que cette question soit réglée le plus rapidement possible. Toutefois, nous devons reconnaître que le processus d'appel aux tribunaux constitue le moyen approprié de s'y prendre. Ce système existe pour permettre un examen de décisions lorsque des questions de droit ou de fait sont remises en cause.

Je comprends pourquoi il a été suggéré de procéder par d'autres moyens, notamment que des mesures immédiates soient prises pour établir la loi interdisant la possession de pornographie juvénile, qui a été annulée par cette décision, mais seulement en Colombie-Britannique. Toutefois, je ne crois pas que nous devrions aller dans cette direction.

Si nous sommes d'avis que notre loi actuelle est valable, alors il ne faudrait pas prendre des mesures qui pourraient nuire à cette position.

[Traduction]

Les mesures nécessaires ont été prises afin de veiller à ce que ce problème soit réglé dans les meilleurs délais. À part la Colombie-Britannique—je l'ai déjà dit au début de mon allocution, mais je vais le répéter—où cette décision lie les juges des tribunaux provinciaux, la loi interdisant la possession simple de pornographie juvénile demeure en vigueur. Partout ailleurs au Canada, il est illégal de posséder ce genre de matériel.

 

. 1050 + -

Hors de la Colombie-Britannique, aucune des affaires à l'étude ailleurs au Canada ne risque d'être compromise pour le moment. La décision ne lie que les juges des tribunaux provinciaux de la Colombie-Britannique. Ailleurs, les affaires continuent d'être instruites et seront soumises aux tribunaux.

Même en Colombie-Britannique, les organismes chargés de l'application de la loi continuent de s'occuper de ces affaires. Au sein d'autres administrations, la loi interdisant la possession de pornographie juvénile demeure en vigueur comme par le passé. Comme je l'ai souligné, ce n'est pas en semant la panique qu'on va régler ce problème.

Entre-temps, les députés peuvent manifester leur appui à l'égard des dispositions actuelles interdisant la pornographie juvénile, qui figurent à l'article 163.1 du Code criminel, ainsi que leur soutien à l'endroit du personnel qui se trouve en première ligne, le long de nos frontières, dans nos collectivités et dans nos tribunaux et qui travaillent inlassablement afin de veiller à ce que ces lois soient mises en oeuvre et continuent de demeurer en vigueur.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Monsieur le Président, la députée a dit que le Parti réformiste se contente de belles phrases vides de sens et ne manifeste aucun respect à l'égard de notre système de justice.

Je tiens à souligner à la secrétaire parlementaire que je suis un officier de justice et que je respecte au plus haut point notre système de justice. Mon père a exercé les fonctions de juge au Canada pendant 25 ans, et j'ai appris à respecter notre système de justice.

Cela ne veut pas dire pour autant que celui-ci est infaillible. Cela ne signifie pas qu'il est parfait. Nous ne devons pas abdiquer nos responsabilités. Rien ne nous empêche aujourd'hui d'agir. Nous avons le devoir de protéger tous les Canadiens.

La secrétaire parlementaire a fait insulte à chaque Canadien en affirmant que le débat actuel n'est que de la rhétorique. C'est une honte. Nous abordons cette question au nom de tous les Canadiens.

Pourquoi la secrétaire parlementaire croit-elle qu'elle ne peut rien faire à la Chambre et qu'il lui est impossible de prendre position? Cela n'empêcherait pas d'avoir recours au processus d'appel. Le Parti réformiste est convaincu que cette décision peut faire l'objet d'un appel. Un individu a été acquitté. Il faut appeler de cette décision. Cet homme devrait être ramené devant les tribunaux. La justice doit invalider la décision du tribunal de première instance, reconnaître l'individu coupable et l'envoyer en prison. Il a posé des gestes inacceptables.

Cela ne nous empêche cependant pas de prendre des mesures immédiates. Les Canadiens ne devraient pas être obligés d'attendre six mois, un an ou un an et demi pour que des mesures concrètes soient prises, pour que quelqu'un agisse. Les provinces ne vont-elles pas se joindre à nous?

Nous ne sommes pas obligés d'attendre. Nous disposons d'un moyen d'action. Pourquoi le gouvernement canadien craint-il de l'utiliser? C'est pourtant si simple. L'article 33 de la Constitution stipule:

    Le Parlement ou la législature d'une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d'une disposition donnée à l'article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.

C'est précisément ce dont il s'agit précisément de cela dans le cas présent. Nous avons la possibilité de faire prévaloir les droits des innocents, des membres les plus vulnérables de notre société, de ceux qui sont sans défense, c'est-à-dire nos enfants, sur les droits de pédophiles malades qui utilisent et veulent posséder du matériel pornographique.

En quoi cela constitue-t-il uniquement de la rhétorique? Il s'agit d'une réalité. Rien n'empêche d'avoir recours au processus d'appel. Nous y sommes favorables. C'est ce que nous devons faire. Rien n'empêche de le faire. Nous renforçons ce processus en faisant valoir notre point de vue.

Pourquoi la députée n'est-elle pas disposée à appuyer le processus d'appel, au lieu de rester là à rien faire?

 

. 1055 + -

Mme Eleni Bakopanos: Monsieur le Président, une fois de plus le député prouve la justesse de mon argument à propos de la rhétorique.

Pour ce qui est d'agir, à mon avis, les gens d'en face ne sauraient prétendre avoir le monopole de la rectitude morale. Personne ici ne peut revendiquer le monopole de la protection des êtres les plus vulnérables de notre société.

Il existe bel et bien une loi. Nous sommes intervenus dans une décision rendue par une cour provinciale de la Colombie-Britannique. Je vais répéter ce que j'ai dit afin que tous les Canadiens le comprennent. La loi est maintenue. La loi sera respectée partout au pays une fois que la décision sera rendue dans l'affaire portée en appel en Colombie-Britannique et d'ici là nous continuerons d'intervenir. Voilà ce qui s'appelle agir. Partout ailleurs au pays, les autorités chargées d'appliquer la loi continueront d'arrêter quiconque possède de la pornographie juvénile.

L'article 163.1 du Code criminel sera respecté dans tout le pays, en dépit de toute la rhétorique à laquelle se livrent les députés d'en face.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, tout comme les députés qui sont intervenus avant moi, lorsque j'ai pris connaissance du jugement à l'étude relativement à la pornographie infantile, soit celui du juge Shaw, de la Colombie-Britannique, je peux dire que j'ai été fort surpris.

J'ai été fort surpris de constater qu'un juge qui a reçu une bonne formation, qui, je pense, vit dans une société qui tolère certaines choses, alors que d'autres ne sont pas tolérées par cette même société, que quelqu'un qui fonctionne comme un adulte dans la société puisse voir et interpréter la législation de cette façon. La façon dont le juge l'a interprétée m'a fort surpris, ainsi que de voir également la contorsion intellectuelle avec laquelle il a interprété certaines dispositions, autant du Code criminel que de la Charte des droits et libertés de la personne.

Ce n'est pas une mince affaire. C'est un dossier extrêmement sérieux. Je comprends que les parlementaires veuillent se mettre au travail et regarder ce qui ne va pas et ne fonctionne pas dans cette législation.

Je ne veux pas répéter tous les faits parce que je pense que la Chambre en est amplement saisie. Je veux juste rappeler, comme on l'a fait avant moi, que ce sont les dispositions de l'article 163.1(3) et 163.1(4) qui sont à l'étude, spécialement l'infraction de la simple possession de pornographie juvénile qui va à l'encontre de ces articles.

Un individu a été pris, les policiers ont fait une perquisition. Ce n'est pas une mince chose ce qu'il y avait dans l'appartement de l'accusé. C'est 14 caisses de matériel pornographique infantile. C'est assez pour se demander s'il voulait en faire le commerce, et c'est probablement pour cela qu'on l'a poursuivi en vertu de l'article 163.1(3).

Qu'a invoqué cet individu? Il a invoqué l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés, où on parle de la liberté fondamentale de conscience, de religion, de pensée, de croyance, d'opinion, d'expression et ainsi de suite. Il a même invoqué la notion d'égalité, c'est-à-dire l'article 15 de la Charte.

Il était en droit de le faire. La Charte lui permet de le faire. On est dans un pays libre et démocratique, ayant des droits et des obligations, et il avait le droit d'invoquer la Charte canadienne des droits et libertés comme moyen de défense. C'était d'ailleurs son seul moyen de défense, compte tenu du matériel saisi chez lui.

Je pense que la Couronne a fait le travail qu'elle devait faire. Elle a tenté de démontrer que même s'il y avait une atteinte à la liberté d'expression, telle que garantie par la Charte, cette atteinte était justifiée dans le cadre d'une société libre et démocratique. C'est l'article 1, c'est le test de l'article 1, pour ceux qui connaissent un petit peu ces rouages, qu'on a tenté de démontrer devant le juge.

Ce qui est important pour la suite des choses, c'est la preuve que la Couronne a présentée dans ce cas. La Couronne a invité des experts à témoigner.

 

. 1100 + -

Une dame, une détective de la police de Vancouver, entre autres, est venue témoigner—et cela explique aussi pourquoi l'article a été adopté en 1993 ou 1994—pour dire que l'avènement de l'Internet a provoqué une véritable explosion de la disponibilité de matériel pornographique juvénile. Elle a mentionné que la mise en accusation pour simple possession permet à la police d'obtenir des mandats de perquisition, facilitant le repérage de pédophiles.

Pourquoi le législateur a-t-il permis cela? Tout simplement parce que le législateur le savait. On a entendu toutes sortes de témoignages, dont, entre autres, ceux de psychiatres. Ces professionnels sont venus témoigner dans ce dossier, à la demande de la Couronne. Un psychiatre spécialisé dans le domaine a dit que dans toutes les études de comportement de ces hommes et de ces femmes déviants—surtout des hommes dans le cas de la pédophilie—la pornographie juvénile était un danger pour nos enfants. Il en a fait la preuve de façon très claire.

Il mentionnait notamment que la pornographie juvénile peut inciter certains pédophiles à commettre des agressions. Je pense qu'on se rapproche dangereusement du test de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne.

Cependant, un juge qui a entendu la preuve est arrivé à des conclusions différentes. Le juge Shaw a stipulé qu'il n'a pas été clairement démontré que le matériel pornographique juvénile avait des effets dommageables directs. Je ne sais pas sur quelle planète vit ce juge, mais c'est le jugement qu'il a rendu.

Toutefois, dans le jugement—c'est là qu'il me semble y avoir une distorsion assez fantastique de l'interprétation de la législation que le juge a faite—le juge reconnaît notamment les faits suivants: «La pornographie explicite impliquant des enfants pose un certain risque pour les enfants à cause de l'utilisation que pourraient en faire les pédophiles.» Ce n'est pas une mince constatation que le juge a faite. Mais cela n'a pas empêché qu'il soit arrivé à une conclusion différente quand même.

Il dit aussi: «Les enfants sont abusés dans la production des films pornographiques.» C'est évident. Lorsque l'on voit sur un vidéo des actes commis par des adultes avec des enfants, il y a un enfant qui a été abusé, et on en a la preuve de façon très claire. En plus, il y a du monde derrière les caméras et dans la salle, dont ceux qui font le film, et en plus, il y a des maniaques qui achètent ces films et qui les regardent. C'est évident que le jeune a été abusé.

Le juge stipule qu'il n'a pas été prouvé que la production des films pornographiques serait moindre si la simple possession de ce type de matériel était criminalisée. Je pense que le juge a fait une erreur avec la preuve que j'ai lue dans le jugement. Je pense qu'on a fait la preuve que cette constatation était erronée.

Le juge mentionne que «la liberté d'expression joue un rôle important dans cette affaire. Les effets personnels d'un individu relèvent du caractère particulier de ce dernier, de sa personnalité. L'interdiction de la simple possession agit sur un aspect très intime et brime la vie privée d'une personne.» Selon son point de vue, cela a énormément de poids.

Je pense que c'est là que le juge lui-même a dévié. Il y a une voie qu'il ne devait pas prendre, et c'est lorsqu'il a pesé le pour et le contre de tout cela. Je pense que le juge a vraiment erré en droit dans son appréciation.

Le juge ajoute: «[...] qu'un aspect important du droit de chacun à la vie privée est celui de pouvoir jouir de cette liberté dans sa propre demeure.» Je suis entièrement d'accord avec lui. Dans cette affaire, la police est entrée chez M. Sharpe pour effectuer une saisie de sa collection de matériel allégué comme étant pornographique. Effectivement, on devait saisir 14 caisses de matériel pornographique.

La liberté d'expression et le droit à la vie privée sont importants. L'interdiction de possession est étendue à toutes personnes, incluant celles qui utilisent dangereusement la pornographie, et il peut s'agir de collectionneurs de pornographie, quel que soit leur intérêt, mais elles ne sont pas nécessairement dangereuses. Et avec la preuve qui a été présentée devant les tribunaux, ce n'est pas évident qu'il a raison.

C'est en faisant cet équilibre que le juge a dit que le test 1 de la Charte des droits ne passait pas et que l'individu devait être acquitté.

Je pense que ce jugement est complètement erroné, et qu'à la Chambre ici, on doit faire quelque chose.

 

. 1105 + -

La première étape est de voter en faveur de la motion de l'opposition officielle, tel que libellée dans le Feuilleton. Je suis d'accord sur la façon dont le Parti réformiste a exprimé sa demande. Là où je ne le suis pas, c'est lorsqu'il s'agit de l'amendement qu'il a présenté et de l'ajout du mot «immédiatement». Je ne peux être d'accord avec l'ajout de ce mot. Je voterai donc contre l'amendement à la motion, mais j'appuierai la motion principale, parce que nous nous trouvons dans un processus. Je suis d'accord avec la secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice pour ce qui est de l'article de la loi qui a été invalidé par le juge. C'est vrai qu'aujourd'hui elle est inopérante en Colombie-Britannique.

Mais ceci n'empêche pas les policiers de faire leur travail. Ceci n'empêche pas les procureurs de la Couronne de continuer à étudier des dossiers, de les préparer et ainsi de suite. Attendons de voir la décision que rendront les juges de la Cour d'appel en ce qui a trait à ce jugement. Attendons de voir leur réaction face à ce qu'ils viennent d'entendre, car il s'agit de personnes qui vivent aussi en société. Ils sont conscients du fait que les législateurs de la Chambre des communes trouvent ce jugement de première instance inacceptable.

Je suis persuadé que les juges qui ont une pensée droite, les juges qui ont une bonne formation juridique, les juges de la Cour d'appel, qui savent écouter ce qui se passe, renverseront ce jugement de première instance. Nous n'aurons probablement pas l'occasion ou le besoin d'invoquer l'article 33 de la Charte et d'utiliser la clause nonobstant.

Cependant, et je termine là-dessus, si jamais la Cour d'appel confirmait le jugement de première instance, c'est à ce moment que les législateurs, les députés, se lèveront et tous ensemble plaideront en faveur de se servir de la clause nonobstant. Je pense qu'il est prématuré de le faire aujourd'hui.

[Traduction]

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député pour son excellent discours et l'exposé de la situation qu'il nous a fait.

Si je comprends bien, il affirme que ce débat est prématuré. Ce qui devrait se produire, c'est que nous devrions attendre que les cours d'appel aient entendu cette cause. Le député croit, selon toute probabilité, qu'ils renverseront la décision et nous n'aurons pas à invoquer la disposition de dérogation.

Le Parti réformiste devrait peut-être reconsidérer les motifs pour lesquels il a lancé ce débat à la Chambre à ce stade-ci alors que le débat aurait dû être retardé en attendant que tous les recours soient épuisés devant les tribunaux. À ce stade-ci, je suppose ce que tous les députés sont en faveur d'invoquer la disposition de dérogation si la cour d'appel maintient cette décision abominable, ce qui serait très surprenant. Je ne crois pas que cela va se produire. Je prétends que le député est, en fait, en faveur de ce que la secrétaire parlementaire a déclaré dans son discours.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le Président, le député a bien compris le sens de ma présentation, sauf sur un point. Le Parti réformiste a bien fait de susciter ce débat à la Chambre. Il n'est pas prématuré de se pencher sur cette question, car c'est effectivement le bon moment d'envoyer un message bien clair à tous ceux qui nous entendent, à savoir que la Chambre des communes fait partie du consensus canadien et québécois qui réprouve, qui n'accepte pas et qui ne tolère pas la pornographie infantile.

C'était le moment d'agir ainsi afin d'envoyer ce message. Mais je ne peux donner mon accord à l'utilisation immédiate de la clause nonobstant, puisque nous sommes au beau milieu du processus d'appel. De plus, le gouvernement fédéral a demandé d'intervenir dans cette cause, ce que j'appuie entièrement. Je suis persuadé que le consensus canadien sera entendu et que la motion, telle que libellée, sera adoptée par la Chambre des communes. Je suis persuadé que le message sera suffisamment clair. Il ne sera pas nécessaire d'utiliser la clause nonobstant. S'il faut passer par là, il sera toujours temps d'agir ainsi.

[Traduction]

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Monsieur le Président, je veux également féliciter le député de son discours et de son analyse détaillée de la situation. Il a déclaré que c'était prématuré à ce stade-ci.

 

. 1110 + -

Tant que la cour d'appel ne se sera pas prononcée sur cette décision, il n'existe aucune protection en Colombie-Britannique. Nous avons déjà vu une cour provinciale déclarer qu'elle était liée par la décision du juge Shaw. C'est tout à fait vrai. Les cours provinciales de la Colombie-Britannique doivent respecter cette décision.

Il y a une durée maximale de cinq ans. Aux termes de l'article de la Charte portant sur la dérogation, nous pouvons fixer la durée de validité de la dérogation.

Le député croit-il qu'en attendant que la cour d'appel se soit prononcée, nous pourrions offrir une protection aux gens de la Colombie-Britannique dès aujourd'hui en prévoyant une durée de validité d'un ou deux ans ou autre, selon ce que nous croyons nécessaire? Comme nous l'avons vu dans le passé, les travaux de la Cour d'appel peuvent s'étirer sur des mois et des années en fonction du nombre d'intervenants et de reports.

Le député n'est-il pas en faveur du recours à la disposition de dérogation maintenant comme mesure provisoire pour donner aux habitants de la Colombie-Britannique la protection dont ils ont besoin en attendant de connaître la position de la cour d'appel? Nous pourrons, à ce moment-là, nous pencher à nouveau sur la question, au besoin.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le Président, je pense que les enfants de la Colombie-Britannique, comme tous les autres enfants de tout le Canada, bénéficient encore de la protection de cette législation. Elle a été déclarée invalide par un tribunal de première instance, donc, elle est inopérante, mais elle existe encore.

Quand j'étais étudiant en droit, je me souviens fort bien que certaines dispositions étaient constitutionnelles au niveau des partages de pouvoirs, ou quoi que ce soit, même si elles avaient été déclarées inopérantes par des tribunaux inférieurs. Tant et aussi longtemps que ce n'est pas le tribunal de dernière instance qui rend une décision, on continue à appliquer la loi comme si de rien n'était, et c'était au sujet du partage des pouvoirs que le Québec réclamait. Donc, une disposition qui est inopérante ne veut pas dire qu'elle n'est plus applicable.

Je pense qu'en Colombie-Britannique, à moins que je ne m'abuse, et on pourra faire les vérifications, les procureurs de la Couronne et surtout les politiciens pourront continuer à faire leur travail pour protéger les enfants, à monter des dossiers ou quoi que ce soit. Si la Couronne a tous les éléments entre les mains pour prendre des procédures judiciaires, elle pourra le faire sous réserve, cependant, de la décision finale en appel.

Encore là, compte tenu de l'importance de cette question, je suis persuadé que les juges de la Cour d'appel vont tout faire en leurs pouvoirs pour accélérer le processus et faire entendre cette cause rapidement, et surtout rendre une décision dans les meilleurs délais.

[Traduction]

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour commenter la motion proposée par nos collègues réformistes et pour exprimer l'appui du caucus néo-démocrate pour cette initiative.

Je pense que nous devrions probablement souligner que, hier, la Chambre s'est prononcée de façon unanime au sujet d'une motion qui avait l'appui de tous les partis et qui confirmait la confiance de la Chambre dans l'article du Code criminel qui a été déclaré anticonstitutionnel dans le cadre de l'affaire dont nous parlons. Ce n'est donc pas comme si la Chambre ne s'était pas encore prononcée à ce sujet.

Toutefois, ce qui nous est offert aujourd'hui, grâce au Parti réformiste, c'est l'occasion de débattre la question en soi et d'exprimer notre opinion. Hier, nous avons seulement voté, sans qu'il y ait eu de débat. Aujourd'hui, nous avons la possibilité d'exprimer la colère collective des députés en particulier et des Canadiens en général face à ce jugement. Ce n'est pas seulement de la colère que nous ressentons, mais également un ahurissement total. Dans ce cas-ci comme dans d'autres d'ailleurs, le jugement des tribunaux a laissé les Canadiens complètement ahuris.

Ce que nous voulons affirmer aujourd'hui sans la moindre équivoque, chacun à sa propre façon—les néo-démocrates en appuyant la motion—, c'est que dans ce pays le droit des enfants à ne pas être maltraités ou exploités à des fins sexuelles ou autres l'emportera toujours sur le droit d'un individu à la liberté d'expression pour ce qui est de l'utilisation de pornographie juvénile.

Nous voulons que, en tous temps, ce droit des enfants l'emporte sur tout autre droit qui semble être consacré par la Charte ou que certains voient dans la Charte. Ceux qui étaient là lorsque nous avons voté en faveur de la charte se font chaque jour de moins en moins nombreux. J'étais là et je puis dire que lorsque nous avons voté en faveur de la Charte des droits et libertés, nous n'avons pas voté en faveur du droit de posséder du matériel de pornographie juvénile. Ce n'était pas l'intention du législateur à l'époque. Ça ne l'a jamais été, que ce soit quand nous avons voté en faveur de la Charte des droits et libertés ou, à plus forte raison, quand nous nous sommes prononcés en faveur de cet article du Code criminel.

 

. 1115 + -

Il est important, à mon avis, que le Parlement réaffirme son intention tant en ce qui concerne la Charte que cet article du Code criminel.

Je voudrais préciser que le 27 janvier, le chef de mon parti, la députée de Halifax, a adressé une lettre à la ministre de la Justice. En voici un extrait. Cette lettre dit: «En déclarant inconstitutionnelle l'interdiction en vertu du Code criminel de posséder du matériel pornographique infantile, le tribunal fait courir aux enfants le terrible danger d'être les victimes d'abus et d'exploitation sexuels dans la production de matériel pornographique. Les Canadiens sont à juste titre horrifiés de ce qu'un tribunal puisse interpréter la Charte des droits de manière à nier le droit des enfants à la protection contre l'exploitation sexuelle» La lettre précise que le NPD s'engage à appuyer toute mesure législative nécessaire pour veiller à protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle par l'industrie de la pornographie sexuelle.

Je dois être franc avec mes collègues réformistes et leur dire que j'ai certaines réserves au sujet de cette motion, qui pourrait être interprétée comme demandant le recours immédiat à l'article 33 ou à la disposition de dérogation. Nous aimions la séquence des événements prévue dans la motion initiale car, encore une fois, cette motion-ci est nébuleuse. Elle ne traite que de mesures législatives, puis ajoute: «même s'il faut, pour cela, invoquer l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982», de sorte qu'elle n'exige pas d'invoquer cet article. Comme la motion elle-même n'est pas claire, que faut-il faire immédiatement? Faut-il prendre une quelconque autre mesure législative ou invoquer l'article 33? Nous étions d'avis que la motion initiale était judicieuse, car elle aurait permis de dégager un consensus, du moins au sein de l'opposition, même si le gouvernement n'aurait pas jugé sage de voter en faveur de la motion.

Mais nous constatons maintenant qu'au moins un parti d'opposition a exprimé des préoccupations au sujet de l'amendement. Nous avons nous-mêmes des préoccupations, et nous devrons décider de la façon dont nous considérerons l'amendement lorsqu'il fera l'objet d'un vote. Je tiens simplement à être tout à fait honnête à ce propos et à dire que nous avons des préoccupations au sujet de l'amendement, car il est fort possible qu'avec le processus d'appel accéléré et tout le reste, un jugement sur cette affaire sera rendu assez rapidement. Je suis sûr que les députés seront d'accord avec moi pour dire qu'il vaudrait mieux qu'il soit rendu rapidement, afin que la loi puisse être jugée constitutionnelle.

En invoquant immédiatement l'article 33, si c'est l'interprétation qu'il faudrait donner à cette motion qui, je le répète, n'est pas claire là-dessus, cela poserait un problème à certains égards, car cela accorderait beaucoup trop de poids à la décision du juge Shaw de juger inconstitutionnel l'article du Code criminel. Pourquoi voudrions-nous—c'est du moins la question que nous devrions nous poser—agir de façon à déclarer que, effectivement, la décision de juger inconstitutionnel cet article du Code criminel est en quelque sorte définitive et que, par conséquent, nous devons invoquer la disposition dérogatoire. Elle peut en effet être invoquée lorsque, en dernière analyse, des actes sont jugés inconstitutionnels et que le Parlement décide malgré cela de changer les choses. La motion, ou du moins l'amendement, suscite donc certaines préoccupations.

Ce que nous voulons entendre aujourd'hui, et à mon avis le gouvernement n'a pas été clair à ce sujet, ce n'est pas précisément quand le Parlement compte intervenir ni de quelle façon il le fera, que ce soit en se prévalant de l'article 33 ou en adoptant une autre mesure législative non précisée dans la motion. Ce que nous voulons savoir aujourd'hui, c'est que le Parlement compte agir. Le gouvernement ne s'est pas prononcé encore. L'un des députés d'arrière-ban a bien semblé faire une allusion dans ce sens. La secrétaire parlementaire n'a pas précisé, du moins je ne l'ai pas entendu, que le gouvernement s'engage à se prévaloir de la clause dérogatoire ou à adopter toute autre mesure législative si la décision du juge Shaw devait être maintenue devant les tribunaux. Si le gouvernement était prêt à prendre cet engagement, il me semble qu'il pourrait gagner beaucoup de temps plutôt que de prétendre s'appuyer sur le processus juridique et ne pas vouloir prendre de mesure politique. Si le gouvernement était prêt à dire quelque chose du genre «Nous respectons tout à fait le processus juridique en cours et nous sommes d'avis qu'il devrait se dérouler de cette façon, mais nous voulons qu'il soit bien clair que si le processus juridique ne mène pas à un règlement qui permette d'assurer la protection des enfants et de rétablir l'article du Code criminel renversé par le juge Shaw, le Parlement, sous la direction du gouvernement, prendra les mesures qui s'imposeront.»

 

. 1120 + -

Le gouvernement n'a pas fait savoir clairement qu'il a l'intention de jouer ce rôle de leader. D'ici là, il prête le flanc à la critique. J'invite donc le gouvernement à prendre position. D'après moi, c'est vraiment ce que veulent savoir les Canadiens. Ils veulent avoir l'assurance que les politiciens ne s'en remettent pas constamment aux tribunaux et ne cherchent pas toujours à éviter de se mouiller.

Les Canadiens tiennent à ce que leurs représentants au Parlement s'impliquent dans les dossiers, qu'ils soient en mesure de défendre leurs valeurs et qu'ils soient disposés à le faire pour que ces valeurs priment sur celles des tribunaux, quand les décisions de ces derniers semblent tellement en désaccord avec le sens moral des gens ordinaires, qui dit que la pornographie juvénile est mauvaise, que la possession de matériel de pornographie juvénile est mauvaise et que la possession de ce matériel devrait rendre passible d'accusations aux termes de l'article du Code criminel déclaré à tort comme étant anticonstitutionnel par ce juge.

Il ne sert vraiment à rien d'en dire plus sur notre position à cet égard. Il me semble qu'à l'instar de toute la population canadienne, nous voulons que le Parlement se prononce et qu'il s'engage à intervenir, si jamais la décision de ce juge était maintenue au cours des prochains jours. D'après moi, les Canadiens veulent aussi que le gouvernement fasse en sorte, si jamais le processus judiciaire se révèle interminable, d'être libre d'intervenir sans attendre la décision finale. C'est là que toute la question du temps entre en ligne de compte.

Je ne crois pas qu'il serait bon de s'engager à attendre la décision finale ni de s'engager à intervenir dès demain. Il nous faut une certaine marge de manoeuvre.

Je pourrais continuer et ajouter d'autres observations d'ordre général sur le problème que soulève l'opposition entre l'activisme judiciaire et l'intention des parlementaires et la suprématie du Parlement, mais mon temps de parole est écoulé.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis convaincu que tous les députés à la Chambre ne sont pas en désaccord avec les sentiments que le député a exprimés à propos de ce qu'il appelle une valeur primordiale, c'est-à-dire les droits de l'enfant, qui devraient toujours prévaloir sur les droits des autres de posséder de la pornographie juvénile ou même de jouir de la liberté d'expression.

Ma question à l'intention du député a trait à la proposition qu'il a évoquée en disant que le gouvernement devrait déclarer dès maintenant qu'il est déterminé à invoquer n'importe quand la disposition dérogatoire. Le député siège à la Chambre depuis un certain temps. Je me demande s'il pourrait reconsidérer son opinion quant à l'impression des tribunaux qui pourraient y voir une menace virtuelle d'ébranlement du processus judiciaire en cas de déviation d'une orientation donnée. Cela sent un peu la coercition de la part du gouvernement si tel était le cas.

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, je ne dirais pas que cela sent la coercition. Je dirais que cela sent la suprématie parlementaire, ce qui est toute la raison d'être de la disposition dérogatoire et l'une des raisons pour lesquelles j'ai voté en faveur de la charte des droits à l'époque.

 

. 1125 + -

D'autres s'inquiétaient beaucoup de la disposition dérogatoire. Les partis politiques étaient divisés entre eux, et il y avait des divisions au sein des partis politiques eux-mêmes à propos de la valeur ou de la légitimité de la disposition dérogatoire. Pour ma part, j'estimais certes à l'époque que cette disposition était une bonne chose.

Je ne voudrais pas voir cette disposition utilisée de façon frivole ou fréquente. Il ne faudrait pas la considérer non plus comme l'équivalent juridique ou politique de la dissuasion nucléaire, qui n'est jamais utilisée. Elle devrait l'être, et il me semble certes que le gouvernement devrait faire clairement savoir en l'occurrence que c'est une disposition dont il est disposé à se prévaloir s'il l'estime nécessaire.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, le but premier du gouvernement consiste à assurer le respect de la loi et le maintien de l'ordre, à protéger ceux qui sont incapables de se protéger eux-mêmes, à protéger les citoyens du Canada et à veiller à notre paix et à notre sécurité.

Des gens qui ont commis des infractions criminelles tellement méprisables qu'elles ont choqué la plupart des Canadiens circulent en toute liberté. Nous devons punir le comportement criminel. Nos enfants sont incapables de se protéger eux-mêmes. Nos concitoyens, des hommes, des femmes et des enfants, sont en danger à cause de la décision qu'a rendue ce juge.

Nous avons donné plus de droits à ceux qui veulent utiliser le matériel de pornographie juvénile qu'aux enfants qui vont...

Le président suppléant (M. McClelland): Si le député a une question à poser, qu'il veuille bien le faire sans plus tarder.

M. Garry Breitkreuz: Monsieur le Président, ce qui m'inquiète surtout, c'est que la pornographie a un effet très négatif. Nous sommes la plus haute instance du pays et, à ce titre, nous avons l'obligation de transmettre un message aux cours inférieures et de leur dire qu'il faut...

Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Winnipeg Transcona a la parole.

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, j'ai déjà exprimé clairement mon opinion à ce sujet.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député pour ses observations. L'analogie avec la dissuasion nucléaire est très juste.

Son parti appuierait-il l'initiative, et je ne veux pas la qualifier de demi-mesure, que pourrait prendre le gouvernement en renvoyant la question directement à la Cour suprême du Canada au lieu d'en dessaisir immédiatement l'appareil judiciaire? Nous devrions promouvoir la confiance dans notre système de justice et donner aux juges de la Cour suprême du Canada l'occasion de se prononcer de nouveau sur cette question. Je dis de nouveau, parce que la Cour suprême a déjà émis une opinion à ce sujet. Le député et son parti appuieraient-ils une telle initiative que pourrait prendre la ministre de la Justice, comme on lui a demandé de le faire hier?

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, nous n'avons pris aucune position au sujet de la proposition d'hier, quant à savoir si c'est une façon de faire qui est préférable.

Je prends note du point de vue du député. Le gouvernement pourrait agir ainsi; ce serait une autre façon de montrer qu'il tient à régler la question le plus vite possible.

Les mesures d'application de la loi et les interventions policières se poursuivent. Il est possible que, pendant quelques mois ou un peu plus longtemps, des inculpés s'en tirent à bon compte à certains endroits, notamment en Colombie-Britannique, à cause de ce jugement.

Ce serait une autre façon, pour le gouvernement, d'accélérer les choses: ne pas se contenter de hâter la procédure d'appel, mais tirer la conclusion que cette affaire aboutira probablement devant la Cour suprême de toute manière. J'ignore si c'est là une conclusion juste. Je ne connais pas assez bien le système pour savoir si cette affaire est de nature à se retrouver devant la Cour suprême. Je ne prétends pas avoir ce type de compétence.

Si le gouvernement estime que la cause ira jusqu'à la Cour suprême, et il est en meilleure position que moi pour le savoir, il devrait certainement envisager la proposition du député.

[Français]

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Monsieur le Président, il me fait plaisir de participer aujourd'hui au débat sur la motion présentée par le leader parlementaire du Parti réformiste concernant le récent jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui invalide l'article du Code criminel interdisant la simple possession de matériel pornographique juvénile.

Je tiens d'ailleurs à remercier le député de Langley—Abbotsford de nous donner ainsi l'occasion d'exprimer notre opinion sur cette préoccupante question d'intérêt national. Les enfants qui sont les membres les plus vulnérables de notre société représentent à mes yeux la plus belle richesse de ce pays. Ils incarnent nos espoirs, nos valeurs et notre devenir collectif.

J'estime donc qu'il nous faut tout entreprendre, en tant que collectivité, afin qu'ils puissent croître et évoluer dans un environnement sûr, à l'abri de toute forme d'exploitation susceptible d'hypothéquer leur sain épanouissement.

Or, s'il est une exploitation qui est reconnue pour mutiler irrémédiablement l'âme et l'esprit d'un enfant, c'est bien l'exploitation sexuelle.

 

. 1130 + -

Nous savons tous que la récente décision qui nous réunit aujourd'hui a complètement ignoré cet énoncé qui est, je le rappelle, fondé sur les conclusions de la très grande majorité des spécialistes qui se sont sérieusement penchés sur la question de la pornographie juvénile et qui affirment avoir constaté les dommages incalculables causés aux enfants utilisés pour produire un tel matériel.

La levée de boucliers provoquée par cette étonnante décision témoigne en fait de la réprobation générale face à une interprétation aussi réductrice de la loi. Je dirais même que le consensus social qui prévaut présentement au sein de la population canadienne à cet égard réaffirme, s'il en est besoin, la pertinence de la disposition législative récemment contestée.

Des gens de tous les secteurs, notamment des défenseurs des droits des enfants, des victimes d'actes criminels et même de nombreux défenseurs des libertés civiles, se sont dit outrés d'apprendre qu'un membre de notre appareil judiciaire puisse faire passer le droit d'un citoyen de posséder de la pornographie juvénile avant le droit de la société de protéger ses enfants, en restreignant l'utilisation de ce matériel pernicieux et hautement condamnable.

Rappelons, incidemment, qu'il existe des raisons impérieuses de criminaliser la simple possession de matériel pornographique juvénile. En faisant en sorte que la possession de ce matériel soit considérée comme une infraction, le législateur s'attaque en fait aux producteurs et aux distributeurs en punissant leurs complices, c'est-à-dire les consommateurs de pornographie infantile.

Nombreux sont ceux qui ont prié le gouvernement d'adopter une telle mesure, notamment les agences chargées de l'application de la loi qui estiment qu'en n'interdisant pas la simple possession de matériel pornographique juvénile, le gouvernement encourageait indirectement la commercialisation de ces produits.

Le gouvernement progressiste-conservateur de l'époque a donc déposé à la Chambre des communes, le 13 mai 1993, le projet de loi C-128, Loi modifiant le Code criminel et le tarif des douanes. La mesure, ayant reçu l'appui de tous les partis, a été adoptée rapidement, tant par la Chambre des communes que par le Sénat.

Tout en reconnaissant la nécessité de combattre la pornographie juvénile, divers groupes du monde des arts et de la culture ainsi que des défenseurs des libertés civiles ont exprimé de graves réserves et fait part de leurs préoccupations concernant le libellé du projet de loi, qui a néanmoins obtenu la sanction royale, le 23 juin 1993, et est entrée en vigueur, le 1er août 1993.

Aujourd'hui encore, certaines personnes estiment que la preuve n'a pas été faite qu'il existe un lien de causalité entre la pornographie et la violence physique réelle, et que les autres effets possibles de la pornographie sont trop ténus ou négligeables pour que l'on attente, à bon droit, à la liberté d'expression garantie par la Constitution.

Je ne partage évidemment pas cette opinion. La pornographie infantile, de par sa nature même, transforme en victimes les jeunes qui participent à cette entreprise contre leur gré. Un comité spécial nommé en 1981 par les ministres de la Santé et de la Justice, le Comité sur les infractions sexuelles à l'égard des enfants et des jeunes, mieux connu sous l'appellation «Comité Badgley», concluait d'ailleurs, en 1984, que la production de matériel pornographique juvénile entraînait presque inévitablement des agressions sexuelles à l'endroit des enfants utilisés.

Qui plus est, les conclusions du rapport prédisaient déjà à cette époque que les nouvelles techniques de communications, tel l'Internet, entraîneraient une croissance rapide et inéluctable de la pornographie juvénile. Aujourd'hui, il est donc raisonnablement permis de déduire que la croissance de la pornographie infantile, résultant du développement fulgurant de l'Internet, a considérablement accru le nombre de victimes au cours des dernières années. En fait, la prolifération de matériel pornographique, surtout juvénile, sur l'Internet, est dorénavant devenue une importante source de préoccupations pour les législateurs de tous les pays industrialisés.

D'après un expert, l'Internet compte environ 250 000 sites pour adultes. Cela soulève de sérieuses questions d'accès et de responsabilité ainsi que de la réglementation d'un tel matériel, surtout quand il déborde des frontières nationales.

Une grande partie des efforts des policiers sont maintenant orientés vers l'Internet. Même s'il y a eu des condamnations, la nature même de la technologie de l'informatique nuit souvent au déroulement des enquêtes. Différentes avenues sont dorénavant explorées en vue de contrer ce phénomène mondial.

En juillet 1996, iStar, un des plus grands serveurs de l'Internet, a bloqué l'accès de ses clients à la pornographie juvénile. Or, bien que peu de personnes approuvent la diffusion de ce genre de matériel, certains ont tout de même exprimé des réserves quant à la méthode utilisée par l'entreprise et du précédent ainsi créé.

 

. 1135 + -

D'autres solutions de rechange ont été proposées, tels des logiciels qui suppriment le matériel offensant. La nature et la quantité du matériel pornographique diffusé sur Internet continue de susciter des débats animés qui, nous pouvons aisément le supposer, risquent de se prolonger avant que l'on puisse en réglementer la diffusion avec succès.

En fait, plus ce matériel semble se multiplier, plus il contrevient aux lois publiques traditionnelles. Les enjeux sont complexes et ne se limitent pas à l'accès à la pornographie ordinaire et à sa diffusion. D'ailleurs, divers gouvernements se sont déjà attaqués à ce problème qui prendra sans doute de l'ampleur dans les années à venir.

Je pose donc la question: ne semble-t-il pas ironique de constater que nous sommes encore en train de débattre, dans ce pays, de la préséance des droits des individus sur ceux de la collectivité, alors que le commerce de la pornographie juvénile est en pleine expansion à l'échelle planétaire, et que les organismes internationaux, tels l'UNESCO et le Bureau international du travail, se concertent en vue de contrer ce déplorable phénomène mondial?

Ce n'est pas ironique, je dirais plutôt que c'est pathétique. Nous nous devons d'apporter notre contribution à la cause des enfants de ce monde, qui sont les premières victimes de cette guerre idéologique et juridique.

Aussi, parce que je suis intimement convaincue que ce sera ultimement la société canadienne dans son ensemble qui sera pénalisée par notre manque de cohésion et de vision collective, je réitère que l'utilisation du droit pénal pour réduire la demande de pornographie juvénile représente une démarche tout à fait pertinente, dans la mesure où elle constitue une restriction raisonnable de la liberté d'expression des individus.

C'est d'ailleurs pourquoi je demande au gouvernement d'entreprendre, dès à présent, les mesures législatives appropriées afin que la protection et le bien-être de nos enfants puissent être assurés.

Je termine donc en vous informant que c'est à la fois en ma qualité de mère de famille et de législateur que j'entends poursuivre ce dossier qui me tient particulièrement à coeur. Sachez que je n'aurai de cesse que le jour où le droit de nos enfants primera sur celui de tous les individus qui n'hésitent pas une seconde à bafouer les droits les plus fondamentaux de ces derniers pour satisfaire leurs tristes pulsions.

[Traduction]

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je félicite ma collègue, la députée de Shefford de ses observations, mais aussi de l'intervention qu'elle a faite hier. Elle a obtenu le consentement unanime de la Chambre des communes relativement à une motion qui rassurait les Canadiens et affirmait essentiellement que la Chambre respecte l'article 163 du Code criminel.

Elle a présenté sans détour à la Chambre la question qui doit être posée. Elle a demandé quand le gouvernement adoptera une approche proactive à cet égard. Nous ne devrions pas attendre en l'occurrence. Nous ne devrions pas attendre que la cour d'appel de la Colombie-Britannique rende une autre décision, peut-être regrettable. La question sera tranchée.

La ministre de la Justice et le gouvernement doivent intervenir rapidement. La pornographie, notamment celle qui concerne les enfants, doit être considérée comme une marque ou une tache qui souille les valeurs de notre pays.

La députée ne croit-elle pas que, parce qu'il faut intervenir rapidement afin de protéger les Canadiens les plus vulnérables, soit les enfants, le gouvernement serait tout à fait justifié d'agir vite, par le biais d'un renvoi à la Cour suprême ou de la motion dont la Chambre est présentement saisie?

[Français]

Mme Diane St-Jacques: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Pictou—Antigonish—Guysborough pour ses commentaires.

Je suis d'accord avec lui qu'on ne peut se permettre d'attendre d'aller à la Cour d'appel, parce que ce sont des délais, et pendant que ces délais se passent, il y a encore des criminels qui se procurent du matériel pornographique, et ce sont encore les enfants qui paient pour. Donc, je suis d'accord pour qu'on aille directement à la Cour suprême et qu'on prenne tous les moyens en notre pouvoir pour aider ces enfants.

[Traduction]

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais aussi féliciter la députée du Parti progressiste conservateur de son excellent travail.

Dans le cadre du débat, quelqu'un, et ce n'était pas cette députée, a fait une remarque que j'estime très pernicieuse, en affirmant que la simple possession n'est pas dangereuse. Je voudrais savoir ce que la député pense de cela. Il y a 41 ans, j'ai été témoin de cas où l'on n'a pas pris la situation au sérieux. Je puis montrer à la Chambre où cela a mené aujourd'hui. Personne ne peut me convaincre que la simple possession ne présente pas de danger.

J'aimerais savoir ce que la députée pense de cela.

 

. 1140 + -

[Français]

Mme Diane St-Jacques: Monsieur le Président, je tiens tout simplement à rassurer mon collègue. Si j'ai dit cela, ce n'est pas ce que je voulais dire nécessairement, car je pense que la simple possession est dangereuse.

S'il y a des consommateurs de pornographie infantile, il y aura toujours des gens qui en produiront. Il faut arrêter les gens qui en consomment pour stopper le processus qui permet aux gens d'en produire. S'il n'y a pas de consommateurs, il n'y aura plus de producteurs.

[Traduction]

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Monsieur le Président, je voudrais savoir ce que la députée pense du fait que le gouvernement a pris des mesures vraiment extraordinaires pour intervenir à la cour de la Colombie-Britannique. Il s'agit, toutefois, de mesures extraordinaires du point de vue juridique. Ce que je voudrais voir, ce sont des mesures extraordinaires au plan politique, car nous sommes ici pour agir au plan politique.

Dans le cas de toute autre question que la vulnérabilité de nos enfants à l'égard de la pornographie, j'approuverais les mesures que le gouvernement a prises. Mais nous parlons des plus vulnérables de notre société et, en tant que travailleuse sociale, j'ai eu affaire à beaucoup d'enfants qui ont été exploités sexuellement. L'exploitation sexuelle des enfants est terrible, mais la photographier, puis distribuer et vendre les photos est vraiment horrible. Beaucoup de pédophiles se servent de telles photos pour obtenir une excitation sexuelle. Les pédophiles se servent de telles photos pour se préparer à la vraie chose.

Le gouvernement doit absolument prendre des mesures extraordinaires sur la scène politique pour qu'on ne puisse jamais douter du fait que nous n'appuyons pas le moindrement les photographies qui sont prises d'enfants exploités sexuellement.

[Français]

Mme Diane St-Jacques: Monsieur le Président, je n'ai pas bien compris l'intervention de ma collègue, car j'ai manqué le début. Mais je suis d'accord avec la fin de son intervention. Oui, on doit prendre des mesures politiques pour empêcher et arrêter les gens qui produisent.

Comme je le disais plus tôt, s'il n'y a pas de consommateurs de produits pornographiques, les producteurs de ces produits cesseront d'en faire.

[Traduction]

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole sur cette question de la pornographie juvénile.

Une décision judiciaire récente dans ma province, la Colombie-Britannique, a suscité beaucoup d'attention. Il était également à prévoir qu'elle s'attire les foudres de Canadiens de toutes les régions du pays.

À titre d'information, j'ai écrit à la ministre de la Justice le 21 janvier, quelques jours à peine après le jugement, pour l'inviter à ne pas attendre que la cour d'appel se prononce sur la question et à modifier sans tarder la loi.

Certains députés qui sont intervenus sur cette motion de l'opposition d'aujourd'hui n'ont peut-être pas eu le temps d'examiner l'affaire qui a fait tant de bruit. Je vais la décrire brièvement.

La cause est toujours devant les tribunaux. La personne en cause fait face à quatre chefs d'accusation liés à la pornographie juvénile; à deux chefs d'accusation pour possession de matériel à des fins de distribution ou de vente et à deux chefs d'accusation pour simple possession.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique n'a rejeté que les deux chefs d'accusation pour simple possession. Ce sont les seuls chefs d'accusation faisant l'objet d'un appel. Les autres chefs d'accusation tiennent toujours, et l'accusé devrait comparaître pour ces derniers ce mois-ci. Quant à la question des deux chefs d'accusation pour simple possession, je vais décrire brièvement les éléments essentiels du présent débat.

Comme on dit souvent, les causes difficiles donnent des lois sévères. D'aucuns diraient que les causes mal ficelées donnent des lois qui ne riment à rien. En l'espèce, la Couronne a conclu que le paragraphe 163.1(4), qui porte sur la possession de matériel de pornographie juvénile, violait la garantie de liberté d'expression énoncée à l'alinéa 2(b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le seul véritable argument présenté devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique c'est de savoir si la limitation de l'alinéa 2b) peut être justifié par l'article 1 de la Charte, c'est-à-dire que la liberté peut être restreinte par une règle de droit, dans des limites raisonnables dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Évidemment, la raison de tout le brouhaha entourant cette cause, et la raison du débat d'aujourd'hui, c'est que le juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré que les dispositions concernant la possession de pornographie juvénile ne constituaient pas une restriction raisonnable de la liberté d'expression en l'occurrence.

Sauf tout le respect que je dois à ce juge, il me faut exprimer mon désaccord. Mais je m'écarte du sujet. Le problème a été présenté et nous devons nous en occuper.

La ministre de la Justice a décidé qu'elle unirait ses forces à celles de la province devant le tribunal d'appel. Cela ne suffit pas. La ministre de la Justice a aussi un autre titre. Elle est ministre de la Justice et aussi procureur général du Canada. Elle a déjà fait des déclarations publiques annonçant sa volonté d'agir à titre de procureur général du Canada. Elle prévoit participer à l'effort déployé pour tenter de confirmer la constitutionnalité du paragraphe 163.1(4) du Code criminel, et c'est ce qu'il faut faire.

En tant que procureur général, la ministre est responsable de protéger l'intérêt de l'État à l'intérieur du cadre juridique existant. La protection de nos lois fait partie de ses fonctions. Je reconnais en toute équité que la ministre protège nos lois.

 

. 1145 + -

Elle a aussi pour fonction de s'assurer de la légalité des lois mêmes du gouvernement et, à mon sens, elle n'est pas à la hauteur de ses responsabilités à cet égard.

Je trouve très difficile à avaler la décision du juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, mais la façon d'interpréter ou de percevoir l'affaire importe peu. Il reste que nous sommes maintenant confrontés à un grave problème. Que pouvons-nous faire pour mettre les lois contre la possession de pornographie juvénile à l'abri de contestations en vertu des dispositions sur le droit à la vie privée et la liberté d'expression contenues dans la Charte?

À mon sens, la définition de base de la pornographie juvénile contenue dans le Code criminel est trop générale. Des juristes ont déjà soulevé la question de l'interprétation de cette définition.

Un exemple de cela est la définition qu'on trouve à l'alinéa 163.1(1)b) du Code criminel:

      de tout écrit ou de toute représentation qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans qui constituerait une infraction à la présente loi.

Cette partie de la définition soulève un certain nombre de questions. Pourquoi dit-on tout écrit? Qu'est-ce qui préconise ou conseille? Pourquoi est-il question d'une personne âgée de moins de dix-huit ans? L'inclusion des personnes de dix-sept ans nuit-elle à nos efforts pour protéger les enfants? Quel lien doit-il y avoir entre l'écrit et l'activité sexuelle d'un enfant?

Le fait de permettre à un enfant de lire Lady Chatterley's Lover, de D.H. Lawrence, constitue-t-il de la pornographie juvénile aux termes de cette définition si l'enfant est encouragé par cette lecture à avoir une activité sexuelle avec l'adulte qui lui a fourni l'ouvrage en question?

Ce sont tous là des points qui doivent être examinés et analysés dans l'interprétation de notre loi actuelle.

Même si nous réussissons à faire annuler la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique par une cour d'appel, ces problèmes peuvent quand même refaire surface et ébranler de nouveau le système.

Le 21 janvier, j'ai écrit à la ministre pour l'encourager à présenter immédiatement un projet de loi modificatif pour protéger nos enfants. Nous devons protéger la prochaine génération contre ces prédateurs, contre la dégradation et la souffrance qu'ils endurent lorsqu'ils deviennent des objets de gratification ou de fantasmes sexuels pour des adultes.

Je sais aussi que, le 26 janvier, environ 70 députés libéraux d'arrière-ban ont également prié la ministre de présenter une loi plus sévère sur la pornographie juvénile et je remercie les libéraux qui ont appuyé ma proposition. Je crois comprendre que la députée de Port Moody—Coquitlam était parmi eux. Je suis certain que les gens de là-bas regarderont ce qui se passera ici à 17 h 30 aujourd'hui.

De toute évidence, la ministre n'a jusqu'ici prêté attention qu'au Cabinet ou au premier ministre. Quand le cas a été rendu public, la ministre a déclaré qu'elle attendrait le résultat de l'appel devant la Cour suprême du Canada avant de s'en mêler. Il a fallu que l'indignation de la population parvienne aux oreilles de ses collègues ministériels pour qu'enfin elle change d'avis et se joigne au mouvement en faveur de l'appel devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

À l'issue du débat d'aujourd'hui elle sera peut-être amenée à penser qu'il lui faut encore changer d'avis, et qui sait, elle décidera alors d'introduire la loi qui s'impose. C'est du moins ce que j'espère.

Une autre raison qui devrait inciter la ministre à faire preuve de leadership dans cette affaire, c'est la situation instable dans laquelle se trouvera notre système judiciaire durant les mois, voire les années que cette cause traînera devant les tribunaux. La ministre sait pertinemment qu'environ 40 cas de possession sont actuellement en suspens devant les tribunaux de la Colombie-Britannique. Elle sait également que les tribunaux ont déjà rejeté des accusations à la suite de cette décision. J'ai cité un cas touchant ma propre circonscription dans la lettre que je lui ai fait parvenir. Elle n'est pas sans savoir que d'autres provinces seront confrontées à bien des situations de ce genre.

Les sites Web pour pédophiles laissent entendre que leur clientèle vise la Colombie-Britannique.

Je me dois également de signaler les commentaires de forces de police et de bureaux de douane. Ils ont admis que la situation était confuse. Ils cherchent à obtenir de l'aide mais la ministre ne leur a fourni aucune directive. Je peux comprendre que nos forces de police puissent hésiter à faire enquête ou à porter des accusions quand il y a de fortes chances que les causes ne soient jamais entendues. Je peux également comprendre que les procureurs de la Couronne puissent hésiter à poursuivre un accusé pour possession.

Pas plus tard que ce matin j'ai lu que la Couronne cherche à reporter un cas à Delta, en Colombie-Britannique. Je suis sûr qu'en ce moment même, de nombreux avocats sont en train de polir leur argumentation basée sur la cause Askov, juste au cas où ces affaires iraient devant les tribunaux. Pour ceux qui ne savent pas ce qu'est Askov, c'est la décision de la Cour suprême portant sur les délais avant procès. Il y a déjà un pédophile qui a été relâché en Colombie-Britannique parce qu'il avait attendu 17 mois avant d'être traduit en justice.

Malheureusement, le leadership manque dans ce dossier. Le gouvernement se contente de réagir. Une fois de plus, le slogan libéral «Ne vous faites pas de soucis. Tout va bien» raisonne en nos murs.

Je résume. Un juge a décidé que le droit à la vie privée et la liberté d'exprimer personnellement son désir de posséder de la pornographie juvénile doivent être protégés. Au paragraphe 50 de sa décision, il dit:

    À mon avis, les effets néfastes l'emportent nettement sur les effets salutaires. La restriction de la liberté d'expression et du droit à la vie privée est telle qu'elle n'est pas compensée par les effets salutaires limités de la prohibition.

 

. 1150 + -

La protection de la vie privée est une chose, mais l'ingérence raisonnable dans la vie privée et les exceptions sont tout autre chose.

J'aimerais citer certains commentaires faits par le professeur de droit Kathleen Mahoney, spécialiste des causes relatives à la pornographie juvénile. Elle dit que les victimes subissent un traumatisme psychologique et physique profond. Elle dit ceci:

    La nature même d'une bonne partie de la pornographie juvénile implique le viol d'enfants dont l'âge varie de 6 mois à 15 ou 16 ans. On montre ces enfants drogués, souvent en proie à la douleur, ainsi que des actes sexuels perpétrés par des adultes sur des bébés. Le mal ne s'arrête pas quand le film est terminé. À chaque fois que les images sont montrées, l'enfant est blessé dans sa dignité, dans sa réputation et dans son identité. Le mal est multiplié maintes fois. L'enfant est victimisé maintes et maintes fois.

En tant que parlementaires, nous avons le devoir d'aider et de protéger ces victimes, les membres les plus vulnérables de la société. En notre qualité de parents, de grands-parents, d'oncles et tantes, ce n'est pas le moment de faire de la politique. C'est le moment de prendre les mesures qui s'imposent pour assurer la sécurité de nos enfants.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, je remercie beaucoup le député de son excellent discours.

Le sujet a été abordé à l'émission Cross Canada Check-Up, diffusée sur les ondes de la radio anglaise de Radio-Canada, dimanche après-midi. Deux membres du public qui ont appelé à l'émission ont proposé d'abaisser l'âge minimum de consentement prévu dans l'article pertinent. Selon eux, il n'y aurait rien de mal à posséder du matériel pornographique et ils ont affirmé que l'exploitation ou l'utilisation d'enfants était une bonne chose pour ces derniers. On trouve des individus pareils dans la société.

Qu'aurait répondu mon collègue à ces individus s'il avait été leur interlocuteur au téléphone?

M. Chuck Cadman: Monsieur le Président, si j'avais été à l'autre bout du fil, je leur aurais répondu en des termes très peu parlementaires.

Cela ne fait aucun doute. Ces enfants subissent une terrible dégradation pour permettre à des obsédés de disposer de matériel pornographique. Ces derniers n'ont aucun scrupule à demander que l'âge minimum soit abaissé. De nombreuses personnes, en particulier dans ma région, ont plutôt demandé de relever l'âge minimum, pour mieux lutter contre la prostitution juvénile.

Je le répète, je ne pourrais sans doute répondre à cette question qu'en termes antiparlementaires; aussi je m'abstiendrai de dire quoi que ce soit.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, je remercie le député de son intervention. De toute évidence, il ne s'agit pas d'une question partisane, mais d'un sujet qui unit non seulement les députés de la Chambre mais tous les Canadiens contre un comportement de toute évidence offensant. Ce genre de comportement contrevient aux valeurs des Canadiens. Une société qui ne sait pas protéger l'innocence de l'enfance n'est pas une société saine. Il nous incombe, en tant que parlementaires, de faire preuve de beaucoup de vigilance pour assurer le respect de la loi.

Le paragraphe 163.1(4) a été ajouté à la loi en 1993 par le ministre de la Justice progressiste conservateur, M. Pierre Blais. À ma connaissance, tous les députés demeurent fidèles aux principes de cette loi. Il s'agit de toute évidence d'un domaine où nous devons oublier nos partis pris et faire ce que nous devons pour protéger nos enfants.

Mon collègue est un spécialiste des droits des victimes et des difficultés que vivent ces dernières. Pourrait-il nous parler des difficultés que rencontrent des enfants qui dénoncent, souvent plusieurs dizaines d'années après le fait, les agressions sexuelles dont ils ont été victimes? Pourrait-il nous parler des difficultés qu'éprouvent ces personnes à faire reconnaître et entériner leurs droits dans le système actuel?

La pédophilie ou les actes d'agression sexuelle contre des enfants sont étroitement liés à la pornographie juvénile. Je serais en désaccord total avec quiconque affirmerait le contraire. J'aimerais connaître le point de vue du député à ce sujet car il a une compréhension approfondie des droits des victimes; cela aussi constitue une question très importante.

 

. 1155 + -

M. Chuck Cadman: Monsieur le Président, du point de vue des droits des victimes, il est question ici principalement de jeunes enfants. Ils ont besoin que quelqu'un parle en leur nom, car normalement, ils ne peuvent parler pour eux-mêmes. Comme notre collègue l'a mentionné, il faut des années avant que ces enfants en parlent et certains ne le font jamais. Chose certaine, le processus de guérison doit commencer le plus tôt possible avec de jeunes enfants. Pour certains, malheureusement, le traumatisme dure toute une vie.

Comme je l'ai dit dans mon discours, cela dépasse la politique. Nous devons aborder cette question en fonction du fait que nous sommes tous parents et grands-parents et avons tous des enfants dans nos vies. Ces jeunes enfants qui sont touchés et sont victimes de tout cela ont besoin de notre protection. Ils ne peuvent se défendre eux-mêmes. C'est à nous de le faire pour eux.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Monsieur le Président, nous devons répondre à une question fort simple: Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Nous devons décider si la possession de pornographie juvénile, de matériel qui exploite sexuellement des enfants, les membres les plus faibles et les plus vulnérables de notre société, est un crime au Canada. C'est la seule question à laquelle il faut répondre aujourd'hui.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que tous les députés ont tous été aussi consternés que moi par la décision du juge Shaw. Ils ont été consternés de voir qu'il n'a pas invoqué l'article 1 de la Charte. Lorsqu'on lit l'article 163 du Code criminel, on s'aperçoit que c'est très simple. Je ne pense pas qu'on pourrait préciser les choses plus clairement.

Le juge Shaw avait un choix. Il n'avait pas à décider qu'il n'était pas illégal, au Canada, de posséder de la pornographie juvénile, des photographies d'enfants nus exploités sexuellement. Il aurait pu invoquer l'article 1 de la Charte. Que fait cet article?

L'article 1 est une option à laquelle les tribunaux peuvent avoir recours dans le cadre de contestations en vertu de la Charte lorsqu'il y a violation des droits d'une personne, lorsque la protection ou les droits des enfants passent avant ceux de la personne en cause. Les droits des enfants innocents, les droits de la société sont plus importants que ceux du pédophile qui choisit de regarder cette pornographie juvénile, ce matériel dégoûtant et ignoble. Tous les députés seront d'accord là-dessus.

Le juge Shaw a choisi de ne pas avoir recours à l'article 1. En tant que parlementaires, nous ne pouvons le faire. Nous n'avons pas cette option. L'article 1 n'est une option que pour les tribunaux. Il y a une option parallèle qui s'offre à nous, soit l'article 33, la disposition dérogatoire. Si on examine les deux articles, on s'aperçoit qu'ils sont pratiquement les mêmes sauf que les tribunaux ne peuvent avoir recours à l'article 33. Seuls les Parlements et les assemblées législatives ont cette possibilité. C'est le seul moyen dont nous disposons pour exprimer notre objection. Si nous estimons que la violation des droits de la personne est considérable, nous pouvons restreindre les droits que la Charte accorde à un particulier ou à un criminel.

Dans le cas qui nous occupe, nous demandons tout simplement au Parlement d'agir aujourd'hui sans sectarisme. Nous ne cherchons pas à faire de belles déclarations enflammées. La disposition dérogatoire est fort claire. Je sais que la secrétaire parlementaire est aussi fière que moi de cette décision. Elle aime les enfants autant que je les aime et se porte à leur défense comme le font tous les autres députés à la Chambre. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous avons le devoir et l'obligation d'agir dès maintenant.

Cela n'empêche pas les tribunaux de se prononcer ou de mettre un terme au processus d'appel. Cela ne témoigne d'aucun mépris envers les tribunaux. Cela montre tout simplement que nous disposons de moyens, que nous allons nous en servir et que nous allons prendre position. Nous trouvons la situation tellement consternante que nous allons agir immédiatement.

La disposition dérogatoire comporte un délai de prescription. Lorsque nous invoquerons cet article, nous pourrions même prévoir un délai de prescription d'un an, jusqu'à ce que les tribunaux rendent leur décision, et nous pourrions le revoir en cas de nécessité. Cela n'empiète pas sur les travaux de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ou de la Cour suprême du Canada.

 

. 1200 + -

Je voudrais maintenant commenter la proposition du Parti progressiste conservateur de saisir directement la Cour suprême du Canada de cette affaire. Je suis d'accord. Nous devrions accélérer le processus par tous les moyens possibles, mais nous nous devons d'invoquer aujourd'hui, immédiatement, la disposition dérogatoire afin de protéger les enfants de la Colombie-Britannique.

On dira que la loi actuelle les protège. Toutefois, dans le deuxième cas, l'individu est sorti par la porte arrière du tribunal. Pas par la porte où, accompagné du shérif, il devait être conduit vers les cellules, mais par la porte arrière. Cet homme qui utilisait du matériel de pornographie juvénile se retrouvait libre. C'est maintenant que les habitants de la Colombie-Britannique méritent d'être protégés.

Or, nous savons que le processus peut prendre six, douze ou dix-huit mois. On a demandé d'intervenir immédiatement pour accélérer les choses. Nous avons pourtant vu dans le cas de décisions récentes que les interventions de la part d'intéressés, de provinces ou de groupes ont entraîné des prolongations et rendu le processus interminable. Les Canadiens ont tous entendu des histoires d'horreur sur la lenteur de notre système judiciaire.

Il faut à tout prix mettre de côté l'esprit de parti. Ce dossier n'appartient pas ni au Parti réformiste ni au Parti libéral ni au Parti progressiste conservateur. Il s'agit de protéger les enfants. C'est cette protection qui nous intéresse.

J'invite instamment tous les députés à appuyer la motion. Debout à la Chambre, je déclare officiellement que cette motion ne traduit pas un manque de respect envers notre système judiciaire. En tant qu'auxiliaire de la justice, je suis un ardent défenseur de ce système. Mon père a été juge pendant 25 ans en Colombie-Britannique et vient juste de prendre sa retraite. Je respecte au plus haut point le système judiciaire en place au Canada. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne peut y avoir une lacune. Il y a quelque chose qui cloche et nous devons intervenir. Il n'y a pas d'autre moyen.

Je n'ai pas l'intention d'embrouiller la situation en rappelant toutes les questions que suppose la décision, parce que nous savons tous qu'il y a un problème, que c'est une honte et ainsi de suite. Je vais toutefois exprimer une pensée à laquelle il serait bon de réfléchir.

Tous les députés ont affirmé, et je l'ai entendu dans toutes les conversations que j'ai eues, qu'il était tout à fait honteux, renversant et ainsi de suite que le juge Shaw n'ait pas invoqué l'article 1 dans sa décision pour indiquer que c'était un crime au Canada de posséder du matériel de pornographie juvénile. Nous serons dans la même position, parce que notre seul recours est l'article 33. Si nous n'agissons pas, on nous accusera à notre tour de ne pas avoir eu le courage d'affirmer notre position et de recourir à cette disposition pour protéger les enfants.

Il a déjà été fait recours à cette disposition. C'était en Saskatchewan, dans une procédure d'appel. La Cour suprême du Canada a fini par déclarer que la loi était valide. Il s'agissait, dans ce cas, d'une loi de retour au travail, mais la disposition dérogatoire a permis de la confirmer. Nous pouvons faire la même chose dans ce cas-ci. Nous devons absolument le faire.

Je demande à tous les députés à la Chambre de mettre de côté l'esprit de parti, de renverser la décision rendue par le juge Shaw et de recourir pour cela au seul outil dont nous disposons, l'article 33. Certains se diront en faveur d'invoquer une autre loi ou d'adopter une nouvelle mesure législative. L'article 163 est on ne peut plus clair. Des députés l'ont lu. Il ne pourrait être plus clair.

La ministre de la Justice est en faveur d'attendre la décision des tribunaux. La procédure d'appel peut suivre son cours. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut faire appel. Nous sommes tous d'accord sur le fait que cet homme devrait être ramené devant les tribunaux. Il devrait être condamné. On devrait le mettre en prison, mais cela ne nous empêche pas pour autant d'agir dès aujourd'hui, dès maintenant.

Que les députés réfléchissent bien. L'article 33 est le seul outil dont nous disposons. Le juge Shaw disposait de l'article 1 et il a décidé de ne pas y recourir. Si nous refusons de recourir à l'article 33, nous ne sommes pas différents de lui. Ce sera consentir et renforcer l'idée que la possession de matériel pornographique infantile ne constitue pas un crime au Canada. Nous devons faire quelque chose.

 

. 1205 + -

M. John Nunziata (York-Sud—Weston, Ind.): Monsieur le Président, j'aimerais relire la motion parce que j'ai un peu de mal à voir la différence entre le texte qui nous a été présenté aujourd'hui et une pétition qui a été signée par environ 75 députés du caucus libéral. Le texte de la motion se lit comme suit:

    Que le gouvernement prenne des mesures législatives pour rétablir la loi qui a été annulée récemment par une décision de la Cour de la Colombie-Britannique concernant la possession de matériel pornographique infantile, même s'il faut pour cela invoquer l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982, la disposition dérogatoire.

Soixante-quinze députés du caucus libéral ont signé une lettre dans laquelle ils demandaient que le gouvernement intervienne immédiatement pour défendre les enfants du Canada, sans attendre le règlement de l'appel de la décision de la Cour de la C.-B. Les députés libéraux signataires recommandaient qu'une nouvelle mesure législative forte soit déposée dès la reprise des travaux parlementaires. Ils demandaient également au Parlement d'étudier la possibilité d'invoquer la clause dérogatoire ou toute autre mesure équivalente pour faire savoir clairement que la Charte des droits ne servira jamais plus à défendre la violence sexuelle à l'égard des enfants du Canada.

Il me semble donc que la motion déposée aujourd'hui et la lettre signée par les 75 députés libéraux demandent la même chose.

La ministre de la Justice doit bientôt prendre la parole. Tout de suite après moi je crois. Elle se prononcera contre la motion, et donc contre la volonté manifestée par 75 députés de son propre caucus.

Je demande au député qui m'a précédé comment il comprend cela? Est-ce pour lui une preuve d'hypocrisie? Croit-il que les députés...

Le président suppléant (M. McClelland): Je vous prierais de ne pas porter d'accusation d'hypocrisie, même de façon indirecte.

M. Gary Lunn: Monsieur le Président, je crois du fonds du coeur que c'est la mesure qui s'impose. Nous devons agir et que cela ne témoigne aucun manque de respect envers les tribunaux.

Quatre-vingts députés ont déjà signé la pétition car, du fond du coeur et au fond d'eux-mêmes, ils savent que c'est la mesure qui s'impose. Ils savent également qu'ils doivent agir. Il y en a probablement beaucoup d'autres qui n'ont jamais vu la pétition.

J'espère vivement que nous pourrons faire abstraction de l'esprit de parti à la Chambre, que nous pourrons nous présenter ici et prendre la mesure que nous estimons s'imposer absolument. Si la ministre de la Justice n'est pas de mon avis, cela la regarde, mais elle ne devrait pas exclure tous les députés à la Chambre ou les menacer d'un gourdin de sorte qu'ils ne puissent pas prendre la mesure qui s'impose.

Nous devons faire abstraction de l'esprit de parti; je ne tenterai pas d'opposer les députés les uns aux autres ou d'opposer les partis les uns aux autres. Je ne crois pas que le député le fasse non plus par sa question. Nous devons nous soucier avant tout des intérêts des enfants du Canada.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, la secrétaire parlementaire et la ministre ont déclaré publiquement qu'il fallait laisser passer la chose, que tout va bien, que la loi est toujours en place, et ainsi de suite.

Mon collègue qui vient d'intervenir est avocat. Si la ministre dit cela, pourrait-il nous expliquer comment il se fait qu'un tribunal de Surrey a rendu, sur la base du jugement du juge Shaw, une fin de non-recevoir dans une cause dont il avait été saisi juste après la cause entendue par le juge Shaw? Comment les deux causes peuvent-elles être identiques? Comment tous les enfants peuvent-ils être en sécurité? Comment les enfants pourraient-il être à l'abri de la pornographie s'il y a déjà eu un précédent? Un accusé a été remis en liberté à cause de ce jugement, et 40 autres sont en attente de procès uniquement en Colombie-Britannique. Mon collègue pourrait-il expliquer à la secrétaire parlementaire de sorte qu'elle puisse changer un peu d'avis sur cette question?

M. Gary Lunn: Monsieur le Président, c'est assez simple. Quand une décision est prise par un tribunal d'instance supérieure, et il s'agit de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, tous les tribunaux inférieurs de la province sont forcés de respecter la décision. Dans la deuxième affaire, le juge de la cour provinciale n'avait absolument pas le choix. Il devait respecter la décision du tribunal supérieur, à moins qu'il puisse faire une distinction entre les deux affaires. Or, il n'a pas pu. C'était une décision très récente.

Dans le reste du Canada aussi, cette décision pourrait avoir de l'influence. Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas obligatoire, mais les avocats utilisent l'argument comme un élément probant. En vertu de l'article 163, une personne peut être poursuivie en cour provinciale sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou pour acte criminel et peut être entendu par la Cour suprême. Même les actes criminels peuvent faire l'objet de poursuites en cour provinciale. L'accusé a le choix au moment où il est accusé. Il peut décider de comparaître devant un juge de la cour provinciale, un juge de la Cour suprême ou un juge de la Cour suprême avec jury. C'est l'accusé qui choisit.

 

. 1210 + -

Tous les accusés choisissent un juge de la cour provinciale. Pourquoi? Parce que celui-ci est obligé de se plier à la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Cette décision peut être considérée comme un argument probant par les autres tribunaux et peut aussi faire son effet. Nous ne disons pas le contraire. Il faudrait en appeler, mais c'est là-dessus que la députée a tort.

Les enfants de la Colombie-Britannique ne sont absolument pas protégés tant qu'on n'aura pas réglé le problème que pose cette décision.

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Enfance et Jeunesse), Lib.): Monsieur le Président, je partagerai le temps qui m'est accordé avec une de mes collègues.

Ma collègue, la ministre de la Justice, a réagi rapidement pour appuyer la décision du procureur général de la Colombie-Britannique d'en appeler de cette décision le plus rapidement possible afin de protéger les enfants. J'applaudis à la rapide intervention de ma collègue et du gouvernement de la Colombie-Britannique.

Le gouvernement n'aura de répit que lorsque la question aura été tranchée une fois pour toutes et que les cours d'appel auront émis leur opinion. Les enfants au sein de notre société sont vulnérables et nous devons les protéger contre toute forme d'exploitation. Une fois qu'une cour d'appel se sera prononcée sur cette question, nous serons plus en mesure de façonner de meilleures lois pour protéger nos enfants.

Tout cette affaire soulève des questions qui tiennent du simple bon sens. Par exemple, certains doutent-ils que la possession de matériel de pornographie juvénile est une forme d'exploitation? Je ne crois pas. Ce doute n'assaille pas la grande majorité des Canadiens qui, comme j'ai pu le constater, se préoccupent grandement du sort des enfants, à l'instar des députés.

En tant que législateurs, il est de notre devoir de mettre à profit toutes nos connaissances et toutes nos compétences pour créer des lois protégeant nos enfants. Nous devons utiliser toutes les ressources à notre disposition pour protéger les droits fondamentaux des enfants. L'une de ces ressources fort précieuses est la cour d'appel. Nous avons fait de grands progrès pour donner à nos enfants un bon départ dans la vie. Nous déployons de grands efforts pour créer un environnement où les enfants se sentent en sécurité et heureux.

Néanmoins, la pornographie juvénile met en danger la sécurité et le bonheur des enfants et des jeunes du Canada. C'est pourquoi le gouvernement du Canada a des lois très claires qui définissent la pornographie juvénile et décrivent avec concision comment il faut traiter les cas de possession de matériel pédopornographique.

Le Parti réformiste ne respecte pas ces lois ni la jurisprudence canadienne, de toute évidence. Pour ma part, j'ai confiance dans le système judiciaire canadien, et je le respecte. C'est pourquoi il m'est impossible d'appuyer la motion à l'étude.

Cela ne veut pas dire que je ne suis pas solidaire de mes collègues d'en face et de tous les autres députés dans la lutte contre cette pornographie tout à fait déshumanisante et avilissante. J'ai confiance dans le processus judiciaire et je crois que la Chambre a la sagesse et les moyens voulus pour adopter des lois en la matière qui puissent résister à toute contestation judiciaire.

Je crois que nos lois sont claires. Mes collègues d'en face soutiennent qu'il y aurait lieu d'invoquer ici la disposition de dérogation. Je ne trouve pas leurs arguments convaincants. Ils pensent que c'est une bonne politique, mais ce n'est pas le moyen le plus efficace de protéger nos enfants. La disposition de dérogation ne doit s'appliquer que lorsque tous les recours légaux des articles 2 et 7 à 15 de la Charte des droits et libertés ont été épuisés.

Je ne crois pas que la charte négociée par notre premier ministre, à l'époque où il était ministre de la Justice, autorise de quelque manière la pédopornographie. Si nous suivions les conseils du Parti réformiste, la loyale opposition de Sa Majesté aurait à s'en mordre les doigts.

Les réformistes ne comprennent peut-être pas que la disposition de dérogation ne peut s'appliquer que cinq ans à la fois. Ils croient peut-être éluder toute l'affaire en invoquant l'article 33 de la charte, mais ce problème hideux refera surface encore et encore à cause des révisions périodiques que prévoit l'article 33.

 

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Je prie mes collègues de comprendre qu'il ne s'agit pas ici d'une résolution. Il s'agit d'une réaction. Je crois que les procureurs généraux de la Colombie-Britannique et du Canada ont opté pour une solution plus permanente en ayant foi dans les lois qui sont promulguées par la Chambre, en ayant foi dans la Charte des droits et libertés, en ayant foi dans la Convention internationale sur les droits des enfants et en ayant foi dans nos tribunaux d'appel.

Le débat que cette question susciterait tous les cinq ans si l'opposition avait gain de cause est inutile étant donné que les tribunaux peuvent décider d'y mettre fin une fois pour toutes. Le Parti réformiste voudrait brandir notre refus d'appuyer sa motion comme preuve que le gouvernement libéral ne veut pas tenir tête à la pornographie juvénile, alors que c'est tout le contraire. La tactique réformiste d'essayer de compter des points politiques en débattant des motions verbeuses et trompeuses ne peut que faire plus de tort que de bien aux enfants canadiens.

Aucun député de ce côté-ci de la Chambre ni probablement de toute la Chambre ne croit que quelqu'un qui possède, distribue ou encourage la pornographie juvénile a le droit constitutionnel de le faire. De ce côté-ci de la Chambre, nous croyons qu'il faut respecter le processus judiciaire du Canada et le faire fonctionner à notre avantage. Voilà pourquoi la ministre de la Justice appuie son homologue en Colombie-Britannique. Voilà pourquoi le gouvernement fédéral s'intéresse activement à la protection des enfants du Canada. Voilà pourquoi je prends la parole à la Chambre des communes sur cette question très importante. Aussi controversée et délicate que soit celle-ci, je me dois de le faire. Nous partageons la même préoccupation. Tous les députés aussi bien que la population en général partagent cette préoccupation.

L'été dernier, j'ai eu la chance de participer à la première conférence mondiale des ministres chargés de la Jeunesse. Cette rencontre avait un lien avec le présent débat puisqu'une des résolutions traitait expressément de l'exploitation sexuelle des jeunes, hommes et femmes. La résolution, qui a maintenant été renvoyée aux Nations Unies, exhorte les États membres à prendre des mesures concrètes pour empêcher cette exploitation.

Cette partie de la déclaration de Lisbonne est conforme à ce qui a été préalablement négocié à l'échelle mondiale. Les Nations unies ont expressément traité de la pornographie juvénile dans leur Convention relative aux droits de l'enfant. La convention prévoit ceci:

    Les États parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. À cette fin, les États prennent en particulier toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher: c) Que des enfants ne soient exploités aux fins de la production de spectacles ou de matériel de caractère pornographique.

À titre d'État membre des Nations unies, le Canada est partie à cette convention et il appuie sans réserve ces dispositions visant à empêcher la pornographie juvénile. La pornographie, sous toutes ses formes, est inacceptable dans n'importe quelle société. Il ne faut ménager aucun effort pour mettre un terme à l'exploitation d'êtres vulnérables. Les députés devraient respecter les tribunaux. Nous devrions tous respecter les mécanismes qui ont si bien servi notre pays.

Je rappele à la Chambre ce qu'un des plus grands leaders du monde, Nelson Mandela, a dit au sujet des enfants:

    J'ai la conviction profonde que l'on doit voir dans nos enfants et dans leurs propos nos trésors les plus précieux. Ils ne nous ont pas été confiés pour que nous les utilisions et que nous les exploitions, mais bien pour que nous les aimions, que nous les chérissions et que nous les encouragions à s'engager dans l'existence en s'y épanouissant pleinement, sans rien craindre.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Monsieur le Président, je suis heureux d'apporter mon soutien à la motion présentée par le Parti réformiste. Cette motion n'est pas teintée d'esprit de parti. Elle vise tout simplement à faire ce qui doit être fait.

La ministre a parlé du respect dû aux tribunaux. Je respecte les tribunaux. Je respecte le processus judiciaire. Mais en l'occurrence, la motion vise à faire la chose à faire. Nous sommes devant un cas évident de situation où les Canadiens veulent que nous prenions les mesures pour faire primer les droits de la collectivité sur les droits de l'individu.

 

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La pornographie juvénile n'existerait pas si aucun enfant n'avait été exploité. J'insiste sur la nécessité de faire clairement comprendre à tous les Canadiens, à tous les parents, que le Parlement défendra les droits des enfants.

L'hon. Ethel Blondin-Andrew: Monsieur le Président, je l'ai dit dans mon intervention, nous estimons que ce qu'il faut faire c'est appuyer le système d'appel. Nous partageons les préoccupations de tous les députés.

Sans vouloir porter préjudice à quiconque ici, je suis certaine que les groupes de justiciers étaient convaincus qu'ils faisaient ce qu'il fallait faire. Mais nous savons à quels excès ces groupes se sont livrés.

Nous devons être très prudents et très circonspects. En tant que législateurs, nous devons respecter la primauté du droit. Notre Parlement est le plus haut tribunal du pays et les lois que nous adoptons ne sont pas élaborées de façon cavalière ni de manière à laisser croire qu'elles ne s'appliquent que selon notre bon vouloir.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, la question d'aujourd'hui a trait au gouffre social entre le travail des tribunaux supérieurs et les normes de société quant aux attentes de la collectivité.

Il faut s'interroger non seulement sur la pertinence du jugement, mais encore sur l'identité de ceux qui le rendent, notamment en ce qui concerne la Cour suprême du Canada. Cela s'applique aux tribunaux supérieurs du pays, dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral.

Quand vient le temps de couper les cheveux en quatre, on en vient aux valeurs sociales défendues par les juges. La population n'a presque rien à dire sur la nomination des juges. Il est très difficile de limoger quiconque n'est pas un représentant élu au Canada.

Il faut passer par un très long processus, puis revenir à la Chambre pour annuler la nomination d'un juge. Nous avons des problèmes dans notre pays avec la nomination des juges.

Que fera le gouvernement non seulement pour examiner ce jugement, puisque c'est un exemple du problème de la nomination des juges, mais encore pour responsabiliser davantage les juges et améliorer les jugements qu'ils rendent?

L'hon. Ethel Blondin-Andrew: Monsieur le Président, le député l'ignore peut-être, mais il existe un processus pour la nomination des juges dans notre pays. Il existe un processus pour l'application de la primauté du droit.

C'est une question qui a été examinée à maintes reprises. Je ne doute pas que la ministre de la Justice et procureur général du Canada a tenu compte de ses observations. Je ne doute pas non plus qu'il pourra obtenir de meilleures informations là-dessus au ministère de la Justice. Nous partageons certaines préoccupations à cet égard.

M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je serai bref. La secrétaire d'État vient de faire allusion au processus de nomination des juges.

Je lui signale que la population canadienne estime que le processus ne répond pas à ses attentes. Le processus ne fonctionne pas. Durant son allocution, la secrétaire d'État—je ne sais pas qui a rédigé son discours, mais il était consternant—a mentionné qu'elle fait confiance au système judiciaire. Voici ce qu'elle a dit qu'elle est partisane du respect du système judiciaire du Canada, et la disposition de dérogation ne constitue pas le recours le plus efficace. C'est un moyen qui nous permet de traiter de cette question aujourd'hui, et non dans des semaines ou dans des mois, ou lorsque le tribunal d'appel s'y intéressera.

La secrétaire d'État a également dit qu'il ne s'agit pas ici d'une résolution. Autrement dit, si la disposition de dérogation est invoquée aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une résolution. Il s'agit d'une réaction. C'est bien ça. Je dirais que les tribunaux ne constituent pas la solution, mais bien le problème.

L'hon. Ethel Blondin-Andrew: Monsieur le Président, un très très grand nombre de décisions ont été rendues par la Cour suprême du Canada. Je tiens pour acquis, en me fondant sur les propos de mon honorable collègue, qu'il condamne toutes les bonnes décisions qui ont été prises, certaines des décisions qui ont fait progresser les droits des enfants et des femmes ainsi que ceux de certaines des personnes les plus vulnérables de notre société.

Prétend-t-il que tout le système est un échec en raison de cet incident isolé, où nous sommes aux prises avec des circonstances très déplorables? Je ne suis pas d'accord avec cette interprétation.

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, tous les députés à la Chambre partagent avec les Canadiens une position commune dans ce débat: ils éprouvent de la répugnance à l'égard de la pornographie juvénile.

 

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La pornographie juvénile représente la preuve que les enfants, les membres les plus vulnérables de notre société, sont victimes de violence sexuelle et d'exploitation sexuelle.

C'est cette position commune qui, en 1993, a amené tous les partis à voter à l'unanimité en faveur de la mesure législative que nous tenons tous à défendre aujourd'hui. Les raisons sont simples. Nos enfants sont les membres les plus vulnérables de la société, et nous devons faire tout ce qui est possible de faire pour les protéger contre les dangers qui découlent de la création et de la possession de la pornographie juvénile.

Non seulement la pornographie juvénile est une preuve indéniable de l'exploitation sexuelle des enfants, mais elle perpétue aussi la notion selon laquelle il est tout à fait normal que les enfants soient perçus comme des objets sexuels. Ce n'est pas le cas.

C'est pourquoi le gouvernement et moi-même, en tant que ministre de la Justice, croyons que nous devons intervenir de façon énergique pour en appeler de la décision qui limite la capacité de l'État de lutter contre la pornographie juvénile.

Je vais être claire. Le gouvernement défendra énergiquement la constitutionnalité de la loi. C'est pourquoi nous avons pris une mesure inhabituelle en intervenant dans l'appel interjeté par le procureur général de la Colombie-Britannique. Nous avons décidé d'agir immédiatement. Nous n'attendrons pas que cette affaire se rende devant la Cour suprême du Canada.

Nous sommes conscients de l'importance de protéger les droits que nous garantit la Charte canadienne des droits et libertés. Nous respectons la nécessité d'assurer l'équilibre entre les pouvoirs de l'État et les droits et libertés des individus. Nous savons aussi qu'il y a des circonstances qui exigent que certaines de ces libertés soient limitées, à condition que ces limites soient justifiées de façon raisonnable dans une société libre et démocratique. Il est clair que la question à l'étude aujourd'hui est une de ces circonstances.

Des limitations sont justifiées quand il s'agit d'entraver la circulation de la pornographie juvénile. Cette décision doit être contestée devant les tribunaux. Notre gouvernement fournira toute l'aide nécessaire au gouvernement de la Colombie-Britannique en vue de la défense de cette loi. Mais notre horreur partagée du fléau qu'est la pornographie juvénile ne doit pas nous amener à exagérer la portée de la récente décision de la Cour suprême ni à prendre des mesures irréfléchies qui pourraient se révéler contraires aux intérêts des Canadiens.

Il ne fait aucun doute que l'impact de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a été profond si on se fie à la réaction qu'elle a suscitée chez les Canadiens. Mais bien des gens ne tiennent pas compte du fait que son impact juridique est assez limité jusqu'à présent. Cette décision ne donne pas carte blanche aux pédophiles dans la société canadienne.

Si les juges de tribunaux provinciaux de première instance de la Colombie-Britannique sont liés par cette récente décision, il n'en va pas de même pour les tribunaux de même niveau ou de niveau supérieur de la Colombie-Britannique ou d'ailleurs au pays.

La possession de pornographie juvénile est encore et toujours une infraction au Canada. Les représentants d'autres administrations ont indiqué qu'ils continueront d'appliquer vigoureusement l'interdiction de possession de pornographie juvénile. Nous appuyons donc avec enthousiasme cette mesure.

Les autorités chargées d'appliquer la loi en Colombie-Britannique continuent d'enquêter sur les cas de pornographie juvénile et les procureurs de la Couronne cherchent à obtenir des reports dans les affaires devant être présentées devant des juges de tribunaux provinciaux.

En outre, la police et les procureurs de la Couronne du pays disposent de bien d'autres moyens pour mettre la main au collet de ceux qui exploitent nos enfants. En tant que parlementaires, nous devons prendre au sérieux la responsabilité que nous avons de répondre aux attentes de nos électeurs et de protéger les personnes qui sont souvent incapables de se protéger elles-mêmes.

Nous avons entendu les protestations des Canadiens. Il est compréhensible que les députés à la Chambre se sentent quelque peu frustrés de ne pouvoir prendre des mesures plus directes pour donner suite aux protestations de leurs électeurs. Or, il serait inapproprié d'agir de façon précipitée et nous aurions tort de le faire.

Le droit de faire appel d'une décision rendue par un tribunal de première instance est un élément fondamental de notre système judiciaire. C'est un outil efficace. Nous en disposons et nous l'utiliserons. La procédure risque de prendre du temps, mais nous aurons la réponse à cette question capitale et c'est une cour supérieure qui nous la donnera.

Chaque jour, des appels sont interjetés auprès de cours supérieures, voire de la Cour suprême, contre des décisions rendues par des tribunaux de première instance au sujet de la Charte ou d'autres questions. Les décisions rendues par les tribunaux de première instance sont souvent renversées par les cours d'appel ou par la Cour suprême du Canada.

 

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Les cours supérieures n'ont pas peur de rejeter les arguments fondés sur la Charte et reconnus valides par les tribunaux de première instance. Elles n'ont pas peur de le faire. En fait, elles estiment de leur devoir d'examiner les décisions rendues par les tribunaux de première instance pour s'assurer que ces décisions sont justes et en conformité avec la loi. Elles ont pour responsabilité de veiller à la bonne application des lois nationales, y compris de la Charte, par les tribunaux de première instance. C'est ainsi que fonctionne notre système judiciaire dans lequel, en tant que procureur général, j'ai tout à fait confiance.

Au cas improbable où la Cour suprême rendrait une décision avec laquelle le gouvernement ne serait pas d'accord, nous envisagerions alors la possibilité d'une réforme législative. Toutefois, nous sommes persuadés que des arguments forts en faveur de la loi existante pourront être présentés pour convaincre les tribunaux d'appel de la validité constitutionnelle de ces dispositions.

Certains députés d'en face ont proposé le recours à l'article 33 de la Charte, la disposition dérogatoire. Je reconnais les motifs profonds et sincères qui sous-tendent cette demande. Toutefois, à titre de ministre de la Justice, je suis d'avis qu'une telle intervention serait erronée et qu'elle ne servirait pas du tout les intérêts à long terme des Canadiens.

Le recours à la disposition dérogatoire est une mesure très grave, sans précédent au niveau fédéral. À mon avis, cette mesure n'a jamais été conçue pour être utilisée autrement qu'à titre de derniers recours, c'est-à-dire une fois une décision rendue par le plus haut tribunal du pays. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle est utilisée si rarement.

Nous devrions tous nous demander pourquoi il en est ainsi. Contrairement à ce que certains députés réformistes pourraient affirmer, les Canadiens et leur gouvernement ont beaucoup à retirer des conseils et des compétences des tribunaux. En laissant ce dossier suivre son cours normal, les Canadiens pourront bénéficier pleinement du travail des tribunaux. Je préférerais de beaucoup voir les tribunaux du pays maintenir la mesure législative en question au lieu de nous voir invoquer de façon précipitée la disposition dérogatoire sans profiter d'abord des avis des tribunaux.

C'est ainsi qu'on vit dans une société où l'on respecte la primauté du droit. C'est ainsi qu'on vit dans une société libre et démocratique où la Constitution et la Charte des droits ont une signification profonde. C'est ainsi qu'on profite d'un système de justice qui fait l'envie du monde entier.

Avant d'entreprendre une démarche importante comme celle d'invoquer l'article 33 de la charte, nous avons le devoir de nous assurer que les autres mécanismes pour régler le problème ont été invoqués sans succès. Ce principe s'applique même dans les circonstances les plus difficiles, même si nous sommes aux prises, comme c'est le cas aujourd'hui, avec une décision qui préoccupe clairement tous les Canadiens d'un océan à l'autre.

Le Parti réformiste prétend faire ce que souhaite la population en préconisant l'activisme judiciaire. Il croit que, en attaquant les juges et le système de justice pénale, il servira les intérêts des Canadiens. Le Parti réformiste se trompe encore une fois. Ce n'est pas non plus une preuve de courage, car c'est justement dans des circonstances comme celles-ci que la chose difficile à faire est de manifester du respect envers notre système juridique et de montrer qu'on y croit.

Les gestes du Parti réformiste sont des gestes politiques. Les députés semblent se préoccuper de pornographie juvénile, mais les mesures qu'ils proposent sont, au bout du compte, contraires à l'intérêt public.

Les Canadiens seront mieux servis par un processus qui permettra à nos tribunaux de maintenir la constitutionnalité de nos lois, ces lois qui nous tiennent tant à coeur. Les Canadiens seront toujours mieux servis s'ils vivent avec l'assurance que les lois qui les gouvernent sont constitutionnelles. Si jamais la plus haute cour du pays devait les déclarer inconstitutionnelles, les Canadiens auraient toujours des recours, par l'intermédiaire du Parlement, mais on agirait alors de façon plus avisée, en toute connaissance de cause.

Le gouvernement n'a pas de doute que notre loi est constitutionnelle, et nous ferons tout ce que nous pouvons pour la défendre.

Laissons le système faire ce qu'il doit. C'est ainsi que nous servons les Canadiens. En respectant notre système juridique et nos lois, nous servons les Canadiens.

 

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M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'une chose abjecte. Je respecte au plus haut point la ministre de la Justice, mais je trouve offensant qu'elle prétende le contraire. Je trouve cela très offensant.

Revenons à l'utilisation de l'article 33. J'ai le plus grand respect pour les tribunaux. Je les respecte autant que n'importe qui, y compris la ministre, mais cela ne doit cependant pas nous empêcher d'avoir recours au processus d'appel. Il est fondamental de le faire, le plus rapidement possible.

L'article 1 est le moyen dont disposent les tribunaux pour restreindre les droits et libertés des Canadiens. Le Parlement lui, dispose de l'article 33, dont la ministre dit qu'il ne peut être invoqué qu'en dernier ressort. Je suis conscient qu'il n'existe pas de précédent au Parlement canadien, mais nous devons tenir compte de la gravité et de l'importance de la situation. On a fait valoir que cet article ne peut être utilisé qu'après avoir fait appel à la Cour suprême du Canada.

Je sais que je n'ai pas besoin de donner de cours à la ministre au sujet de la Charte. Elle la connaît aussi bien que moi. Le paragraphe 33(2) peut être invoqué pour une période limitée. Cette période ne doit pas nécessairement courir sur cinq ans. Je sais que cela en fait rire certains, mais je suis sincère et très sérieux. Nous pouvons invoquer l'article dérogatoire aussi longtemps que nous le voulons afin d'assurer provisoirement la protection des enfants. Ni les Canadiens ni nous-mêmes n'avons à attendre pour le faire. Les tribunaux n'ont pas à suspendre les auditions. Nous ne manquerions pas de respect au système judiciaire en agissant de la sorte.

L'article 33 constitue un moyen, pour le Parlement, de restreindre les droits et libertés s'il le juge nécessaire. L'article 1 permet aux tribunaux d'en faire autant. Il est de notre devoir de le faire.

Je demande à la ministre de la Justice de mettre de côté la politique partisane. J'affirme en toute sincérité que nous devons protéger nos enfants. Nous devons tenir compte de la gravité de la situation. Il s'agit ici de pornographie juvénile. Nous pouvons invoquer l'article 33 pour protéger les droits des Canadiens.

La ministre de la Justice sait aussi bien que moi que des retards peuvent intervenir. Toutes sortes d'autres raisons peuvent faire en sorte que des individus soient relaxés. Nous pouvons assurer la protection immédiate des enfants, sans pour autant manquer de respect au processus judiciaire. Je précise que je respecte les tribunaux. Pourquoi la ministre de la Justice persiste-t-elle tant à croire que nous manquerions de respect envers les tribunaux en invoquant l'article 33? Je respecte le système judiciaire au plus haut point.

L'hon. Anne McLellan: Monsieur le Président, le député a soulevé un certain nombre de points importants. Je signale que le député m'a demandé d'éviter la politique partisane. Ce n'est pas nous qui avons fait de la politique partisane avec cette question qui revêt énormément d'importance aux yeux des Canadiens. Nous débattons de la question aujourd'hui, parce que le Parti réformiste a décidé de faire de la politique avec une question d'une aussi grande importance pour les Canadiens.

Nous avons réagi rapidement, de façon extraordinaire. Mon collègue, le procureur général de la Colombie-Britannique, a demandé que l'appel soit traité rapidement. Par conséquent, je n'ai aucun doute que les tribunaux seront saisis sous peu de la question et qu'ils se prononceront en temps opportun.

Permettez-moi de rappeler un point fondamental. La disposition dérogatoire a été conçue pour être appliquée dans des circonstances extraordinaires. Le gouvernement est d'avis, à l'instar de la vaste majorité des ex-parlementaires, que l'article 33 ne devrait être invoqué qu'une fois que le plus haut tribunal de notre pays, la Cour suprême du Canada, aura émis son opinion.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, fait intéressant, la ministre n'a pas hésité à fustiger les députés de mon parti quand elle aurait dû s'en prendre à tous les députés de ce côté de la Chambre. Le Parti réformiste ne sera pas seul. Tous les partis de ce côté-ci de la Chambre appuieront la motion.

 

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Il est intéressant de constater, au moment où il est question de liberté d'expression, qu'aucun des députés d'en face qui ont signé la pétition lui demandant de faire quelque chose n'a été autorisé à parler. Je parie que pas un seul d'entre eux ne prendra aujourd'hui la parole.

M. John Nunziata: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Comme vous pourrez le constater, bon nombre de députés souhaiteraient poser des questions à la ministre de la Justice. Je vous prie de demander le consentement unanime pour prolonger de dix minutes la période des questions.

Le vice-président: Y-a-t-il consentement unanime pour prolonger de dix minutes la période de question?

Des voix: D'accord.

Une voix: Non.

Le vice-président: La ministre de la Justice a une vingtaine de secondes pour répondre très brièvement au commentaire si elle le désire. Sinon, la période des questions et commentaires est terminée et nous poursuivrons le débat.

L'hon. Anne McLellan: Monsieur le Président, il y a un aspect que je devrais souligner publiquement afin d'y apporter des éclaircissements. Il y a des gens qui souhaitent présenter sous un faux jour la situation actuelle en ce qui concerne M. Robin Sharpe, qui était au centre de l'affaire qui a abouti à la...

Le vice-président: L'honorable député de York-Sud—Weston invoque le Règlement. Je suis désolé d'interrompre la ministre.

M. John Nunziata: Monsieur le Président, si son temps de parole a pris fin, elle ne peut jouer sur les deux tableaux. Elle ne peut refuser de...

Le vice-président: Le député de York-Sud—Weston, comme d'habitude, semble déformer la position adoptée par la présidence dans cette affaire. J'ai accordé au whip de l'opposition officielle le temps de poser une question. Je l'ai interrompu délibérément pour permettre à la ministre de répondre. Le temps de parole du député était écoulé, mais j'étais disposé à autoriser la ministre à donner une brève réponse. J'avais dit que je le ferais. Je n'ai pas interrompu le député plus tôt, afin qu'il puisse compléter une partie raisonnable de sa déclaration, et j'autorise la ministre à répondre. C'est tout. Lorsque la ministre aura terminé, ce sera la fin de la période des questions et des observations, mais elle aura quelques secondes pour terminer.

L'hon. Anne McLellan: Monsieur le Président, je voudrais simplement clarifier le fait que, en ce qui concerne M. Robin Sharpe, deux autres chefs d'accusation pèsent contre lui, l'un pour production et l'autre pour distribution. Je demanderais donc que le Parti réformiste cesse de déformer la situation.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, je suis stupéfaite de participer à un débat sur l'illégalité de la pornographie juvénile. Je suis offensée par l'attitude du gouvernement libéral et de la ministre, qui estiment que les Canadiens n'ont aucun droit de participer à un débat sur cette question ou d'observer ce débat. Comment osent-ils dire que les Canadiens réagissent exagérément parce qu'ils s'inquiètent du fait qu'un juge a déclaré qu'il était légal de posséder du matériel de pornographie juvénile?

Le Parlement a adopté la loi à l'unanimité en 1993. Mais la décision d'un homme, le juge Shaw, a anéanti tout le travail des représentants de la population.

Ce cas soulève un certain nombre d'enjeux qui vont au-delà des conséquences de la décision rendue dans l'affaire Sharpe en particulier et de la possession de matériel de pornographie juvénile en général. Dans ce cas-ci, Robin Sharpe s'en est tiré. Au moins un autre cas a été rejeté par la cour provinciale de la Colombie-Britannique à cause de la décision du juge Shaw. La possession de pornographie juvénile est donc légale, à l'heure actuelle, en Colombie-Britannique.

Ne vous y trompez pas, la pornographie juvénile, ce n'est pas des photos d'enfants nus sur des peaux d'ours. Il est plutôt question d'enfants, de fils, de filles et de petits-enfants victimes de mauvais traitements et exploités par des adultes.

Les seules personnes dont les droits étaient violés par cette loi sont les pédophiles. Je crois que nous, dans la société, avons le droit de refuser à cette minorité extrême le droit de voir de jeunes enfants victimes de mauvais traitements. Ne vous y trompez pas, il est question de véritables enfants. C'est à eux qu'on fait subir de mauvais traitements pour faire de la pornographie juvénile. Ce ne sont pas des acteurs, ils ne font pas du cinéma. Il n'y a aucun consentement, car les enfants ne peuvent jamais consentir à se plier à des actes comme ceux-là. Comme il est maintenant légal de posséder de la pornographie juvénile en Colombie-Britannique, je suis persuadée que plus d'enfants vont être utilisés pour produire de la pornographie afin de satisfaire l'appétit des pédophiles. Cela veut dire que plus d'enfants seront victimes d'agressions sexuelles afin de respecter les droits des pédophiles aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés. Les résultats ne sont pas nécessairement apparents immédiatement. Cependant, une bonne partie des répercussions négatives se font sentir 10, 15 ou 20 ans plus tard. Combien de fois entend-on des agresseurs sexuels adultes réclamer une réduction de peine parce qu'ils ont été eux-mêmes agressés sexuellement lorsqu'ils étaient enfants? Quel type de cycle de violence créons-nous en légitimant la possession de pornographie juvénile?

 

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Je veux étendre le raisonnement du juge Shaw à d'autres actes criminels. Ainsi, la possession de biens volés pourrait ne pas être punie, car on violerait ainsi la liberté d'expression de la personne qui a ces biens en sa possession. Et que dire de la possession de drogues illicites? On pourrait facilement prétendre que leur utilisation réduit la tension et qu'il n'y a aucune mauvaise intention. Et la possession d'armes non enregistrées? On pourrait certes affirmer que le projet de loi C-68 constitue une violation de la liberté d'expression des propriétaires d'armes à feu dont la grande majorité n'ont aucune mauvaise intention.

Le gouvernement devrait peut-être faire autant d'efforts pour empêcher que des pédophiles aient accès à de la pornographie juvénile qu'il en déplore lorsqu'il s'agit de restreindre les droits d'honnêtes propriétaires d'armes à feu.

Je voudrais soulever une autre grande préoccupation. Il se peut que les tribunaux se substituent aux parlementaires. Il importe peu que 301 personnes représentant cinq partis politiques différents et, chose plus importante, 30 millions de Canadiens, se soient entendus à l'unanimité pour déclarer que la pornographie juvénile est répréhensible. Une personne en Colombie-Britannique a changé la loi.

Je sais qu'on a fait appel de cette décision, mais cela veut dire que trois autres juges, ceux de la cour d'appel de la Colombie-Britannique, vont se prononcer. Ensuite, il se peut que les neuf juges de la Cour suprême du Canada se prononcent. Bien que je respecte le rôle des tribunaux dans l'administration de la justice, ils ne devraient pas avoir le droit de l'emporter sur la volonté des députés élus à cette Chambre par les Canadiens pour légiférer en leur nom.

Mais il s'agit de beaucoup plus que cela. Il s'agit de respecter la Constitution. Nous avons là un autre exemple de ce qui se passe quand les tribunaux interprètent la Charte d'une manière qui va à l'encontre de l'esprit de cette dernière. De temps à autre, le premier ministre aime à rappeler qu'on lui doit la Charte des droits et libertés. J'aimerais penser qu'il ne nous a pas donné la Charte pour que les pédophiles aient le droit de posséder de la pornographie juvénile.

Il y a presque 800 ans, la Magna Carta entrait en vigueur en Angleterre, instaurant des concepts nouveaux tels que la protection des droits et la primauté de la loi et posant les premières pierres de la démocratie parlementaire. Les Américains ont leur Constitution et leur déclaration des droits depuis plus de 200 ans. En dépit du spectacle que nous offre le Sénat américain en ce moment, ce document a permis la défense de causes aussi nobles que la libération des esclaves. Si on compare ces deux documents historiques à notre propre Charte, qui n'a pas encore 20 ans, elle se singularise par le fait qu'elle donne le droit aux pédophiles de posséder de la pornographie juvénile. Nous devrions avoir honte que notre Charte soit contestée de la sorte.

Je n'insisterai jamais assez sur l'importance de cette affaire pour la valeur de la Charte en particulier et des tribunaux en général. Je soupçonne que très peu de Canadiens peuvent citer un effet bénéfique de la Charte dans leur vie quotidienne. Mais, si cette décision est maintenue, ils s'en souviendront certainement. Même avant que cette décision soit rendue, au cours des cinq années qui ont suivi mon élection, j'ai reçu une quantité innombrable de lettres et d'appels téléphoniques de la part d'électeurs se disant d'avis que le Canada serait nettement mieux sans la Charte des droits. Si la décision devait être maintenue, si les tribunaux décidaient qu'il est plus important de permettre aux pédophiles de regarder des enfants victimes d'abus que de protéger nos enfants, je crains de ne pouvoir être en désaccord avec cet avis.

 

. 1250 + -

Si la Charte des droits et les décisions des tribunaux qui s'y reportent doivent avoir un sens dans la vie des Canadiens, elles doivent d'abord avoir l'appui des Canadiens. Le maintien de décisions de ce genre dissipera l'appui que les Canadiens pourraient encore accorder à la Charte et à la Constitution.

Une constitution ou une charte des droits qui n'a pas l'appui de la population est un document qui est vide de sens, qui n'a aucune pertinence. La difficulté à surmonter aujourd'hui consiste à garantir que la Charte canadienne des droits est conforme aux sentiments des Canadiens et qu'elle a un rapport avec la vie de tous les Canadiens.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la députée qui vient d'intervenir à ce sujet.

Est-elle au courant d'un principe généralement reconnu par les tribunaux? Je pense que deux cours d'appel au Canada se sont prononcés en ce sens, dont la Cour d'appel du Québec.

Il s'agit du principe de la présomption de la constitutionnalité d'une loi en vigueur jusqu'à ce qu'un tribunal de dernière instance ait rendu un jugement. C'est donc dire que dans le cas présent, en ce qui a trait aux articles 163.1(3) et 163.1(4) du Code criminel, bien qu'un tribunal de première instance de la Colombie-Britannique ait déclaré inconstitutionnel cet article du Code criminel, ne croit-elle pas qu'on puisse appliquer ou qu'on doive appliquer la présomption de la constitutionnalité de cet article jusqu'à ce qu'un tribunal supérieur ne se soit prononcé. Au Canada, il s'agit d'abord de la Cour d'appel et, par la suite, de la Cour suprême du Canada.

Autrement dit, je mets un peu en doute son affirmation, ou celle de ses collègues du Parti réformiste, disant que les enfants de la Colombie-Britannique ne sont pas protégés parce qu'il n'existait plus de lois applicables ayant trait à la pornographie infantile, étant donné que les articles 163.1(3) et 163.1(4) du Code criminel avaient été invalidés.

[Traduction]

Mme Val Meredith: Monsieur le Président, si l'article est jugé constitutionnel, comment expliquer qu'un pédophile a pu être libéré et qu'en Colombie-Britannique, les procès sur 40 causes sont suspendus jusqu'à ce qu'une décision soit rendue à cet égard?

Si la constitutionnalité va de soi, pourquoi faut-il qu'en Colombie-Britannique, des enfants soient confrontés au fait que des pédophiles sont libérés par le système judiciaire et peuvent circuler dans les rues et poursuivre leurs activités? Je ne crois pas que les enfants soient protégés en Colombie-Britannique. Le député défendrait-il la même position si les enfants du Québec étaient menacés?

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, je viens d'entendre la ministre de la Justice dire que le Parti réformiste faisait de cette question un enjeu politique.

Je demande à ma collègue, qui est incidemment une politicienne, comme le reste des politiciens qui n'ont pas le courage de prendre des décisions sur de telles questions, pourquoi elle pense que cela ne devrait pas constituer un enjeu politique dans notre pays. Pourquoi pense-t-elle que les politiciens ne devraient pas défendre les droits des jeunes Canadiens?

Mme Val Meredith: Monsieur le Président, notre travail est de nature politique et consiste à veiller à ce que ces débats et ces discussions se déroulent sur une tribune ouverte pour que tous les Canadiens sachent que leurs dirigeants, les 301 personnes qui siègent ici, se préoccupent de ces questions et tiennent à protéger leurs enfants.

Si le fait que j'estime important de tenir ce débat sous le regard du public, à la Chambre des communes, revêt un caractère politique, j'en suis coupable. Je trouve que les politiciens et les gouvernements canadiens ont écarté pendant beaucoup trop longtemps les gens de la direction des affaires de leur pays. Il vient un jour où cela doit cesser. Les Canadiens méritent le droit de participer à ce débat.

 

. 1255 + -

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, après avoir écouté l'intervention de ma collègue, j'aimerais qu'elle nous dise si elle est d'accord pour dire qu'en tant que représentants élus des Canadiens, nous avons d'abord et avant tout pour devoir de veiller à la sécurité et au bien-être des innocents et des personnes respectueuses des lois de notre pays.

Mme Val Meredith: Monsieur le Président, quand les droits des Canadiens entrent directement en conflit les uns avec les autres, j'estime qu'il est du devoir du Parlement du Canada d'établir très clairement quels sont les droits qui sont prioritaires.

En l'occurrence, je soutiens que le Parlement doit établir clairement que ce sont les droits des enfants, non ceux des pédophiles, qui ont la priorité.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, je ne trouve pas grand plaisir à débattre cette motion à la Chambre, car je crois que les tribunaux ont commis une erreur.

Selon moi, la ministre de la Justice aurait dû agir beaucoup plus énergiquement. Je ne suis pas très heureux de prendre part au débat pour la bonne raison que nous ne devrions pas avoir besoin de le tenir. Il faut que nos enfants soient protégés, mais la ministre de la Justice et le gouvernement ne leur donnent pas cette protection.

Dans une société civilisée, on protège ceux qui ne peuvent se protéger tout seuls. Nous devons veiller sur nos enfants. Les Canadiens nous demandent de protéger nos enfants.

Dans sa décision, le juge a écrit que rien ne prouvait que la production de matériel pédopornographique serait sensiblement réduite si la simple possession de ce matériel était considérée comme un crime. L'utilisation de ce mot, sensiblement, change tout. Que veut-il dire par là? Il incombe à la Chambre de protéger les enfants canadiens. Le juge a rendu cette décision parce que rien ne prouve qu'ils seront sensiblement mieux protégés. Même s'ils n'étaient protégés qu'un tout petit peu mieux, ce serait déjà préférable à ce jugement.

Nous sommes témoins au Canada d'un militantisme judiciaire qui ne reflète en rien les valeurs des Canadiens et de la société canadienne. Parmi ces valeurs, il y a la protection de leurs enfants. Les Canadiens exigent peu de choses. Ils souhaitent, mais en vain, des quartiers sûrs. Ils veulent être à l'abri du terrorisme, mais il arrive malheureusement qu'ils en soient victimes. Ils veulent être à l'abri du problème des drogues pour eux et leurs adolescents. Ils veulent que leurs adolescents soient protégés de la culture de la drogue. Ils veulent qu'on les protège contre l'exploitation. Malheureusement, le gouvernement est lent à la détente. Ils espèrent toutes ces choses, mais qu'exigent-ils? Ils exigent que les enfants soient protégés.

La ministre de la Justice a dit aux forces policières de faire leur travail. En tant que porte-parole des questions intéressant le solliciteur général, je fréquente les bureaux de la GRC et j'y vois d'innombrables dossiers qui débordent de documents visant uniquement à protéger les forces policières par suite des nombreuses poursuites qui ont déjà été intentées conformément à la charte. Le militantisme judiciaire qui a cours à l'heure actuelle et qui ne reflète en rien les valeurs des Canadiens empêche les forces policières de faire leur travail.

Des méfaits ont été commis au nom de la Charte des droits et ont été dénoncés par le Barreau canadien. Même des coupables de meurtre au premier degré sont libérés lorsque les tribunaux estiment que la perquisition chez eux ne s'est pas faite dans les règles. Tout à coup, donc, les choses sont renversées, des meurtriers sont libres de circuler et, lors d'un second procès, il arrive qu'on ne puisse même pas présenter la preuve régulière.

 

. 1300 + -

Il n'y a qu'une chose que je peux dire par rapport à cette question à propos des meurtriers. Au moins, leurs victimes sont mortes. La différence ici, c'est que les enfants canadiens qui sont soumis à cela deviennent des cibles vivantes. Il faut protéger nos enfants et il faut le faire maintenant.

Le juge a ajouté quelques autres choses:

    Les biens personnels d'une personne sont l'expression de son moi profond.

Il a dit aussi:

    C'est le moyen pour l'individu de s'épanouir en développant et en articulant à son gré ses pensées et ses idées.

M. Sharpe aurait dit:

      ...que la pornographie est probablement bonne pour les enfants, que les enfants peuvent consentir à avoir des relations sexuelles avec un adulte et que les dispositions législatives sur la pornographie juvénile portent atteinte aux droits de ceux qui sont intéressés par les relations sexuelles entre un adulte et un enfant.

Comment un enfant de quatre ans peut-il prendre une décision éclairée à ce sujet? Comment un jeune de huit ans peut-il prendre une décision éclairée? Voilà la question à laquelle doivent répondre les Canadiens aujourd'hui. Pareille déclaration est complètement et pitoyablement stupide, ridicule et répréhensible.

Si les députés de ce côté de la Chambre ne comprennent pas que nous faisons face à une situation explosive, permettez-moi de citer ce qu'a dit Eugene Meehan, du cabinet Lang Mitchener, ce matin, à la station CFRA. Il a dit que c'est comme si nous avions dans la main «une grenade dégoupillée». La situation est urgente. Les occasions où l'on exposera de la pornographie juvénile se multiplieront rapidement à la suite de cela. C'est ce qui va arriver. C'est ce qui se produit.

Un policier qui a témoigné a dit que, à la suite du chef d'accusation de possession qui a été porté contre Sharpe, la police a pu obtenir des mandats et effectuer des perquisitions qui l'ont aidée à trouver des pédophiles. En Colombie-Britannique, tout cela est en suspens pour le moment. La ministre de la Justice peut dire à la police d'aller de l'avant, mais la loi a été invalidée. Il faut la rétablir. Il faut prendre des mesures à cette fin et les prendre maintenant.

Permettez-moi de parler de notre rôle à la Chambre. Les Canadiens ont élu ici 301 députés. Ils supposent que la Chambre des communes détient le pouvoir suprême dans notre pays. Or, sous la conduite de la ministre de la Justice, du solliciteur général et de leurs prédécesseurs, le gouvernement a permis aux tribunaux de devenir les législateurs et de restreindre les lois au Canada.

Nous devons prendre la parole. Notre point de vue doit être pris en considération. Il n'en tient qu'aux députés de faire valoir les valeurs chères à la population canadienne. Les Canadiens veulent que nous protégions nos enfants et que nous les protégions maintenant.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, le député a exprimé le même sentiment que tous les autres députés au cours du présent débat, à savoir le dégoût que nous inspire la pornographie juvénile.

Le député tente de nous convaincre que cette question n'a trait qu'au dégoût pour la pornographie juvénile. Il a déclaré qu'en raison du jugement Sharpe, on est libre de tout faire en Colombie-Britannique. Ce n'est pas le cas. Il ne communique pas à la Chambre les faits tels qu'ils sont.

Le fait est que la suspension est demandée dans toutes les causes en instance devant les tribunaux. De plus, la police poursuit ses enquêtes et continue de porter des accusations. Le procureur général de la Colombie-Britannique a demandé que l'appel soit expéditif.

Le député sait que c'est une question de procédure. Je voudrais qu'il commente cet aspect de la question. La disposition de dérogation, qui, selon le Parti réformiste, sera la panacée, ne porte, et le député devrait le savoir—et je pense qu'il l'ignore—, que sur les causes à venir et n'est pas rétroactive. Elle ne s'applique pas à la cause Sharpe. L'appel dans cette cause doit être entendu. Le gouvernement fédéral sera partie à cet appel, et nous défendrons vigoureusement les droits des enfants et les lois du Canada.

 

. 1305 + -

Le député doit montrer qu'il comprend pleinement que c'est une affaire de processus, qu'il s'agit de l'intégrité de notre système juridique et judiciaire et de l'application de la disposition d'exemption, et non pas du simple dégoût pour les mauvais traitements infligés à des enfants.

M. Jim Abbott: Monsieur le Président, que les choses soient claires: je comprends parfaitement bien la disposition de dérogation et je sais que ce n'est pas une la disposition qui donne un choix. L'appel peut aller de l'avant. Nous pouvons faire les deux choses en même temps et c'est ce que les Canadiens veulent. Pourquoi? Parce que le député lui-même a déclaré que des suspensions d'instance étaient déjà demandées. Il a également déclaré que l'audition de l'appel serait accéléré. Accélérer quelque chose devant un tribunal, c'est comme faire couler de la mélasse d'un contenant en janvier dans l'Arctique.

Peu m'importe le temps que l'on peut gagner en accélérant les choses. Cette affaire traînera encore pendant un an ou deux au moins. Le député refuse de l'admettre.

En outre, les policiers se sont déjà fait retirer beaucoup d'outils de travail à d'autres égards. Dans l'état actuel des choses, le député sait parfaitement bien que, si des policiers s'adressaient aujourd'hui à un juge pour demander un mandat de perquisition en s'appuyant sur l'article invalidé du Code criminel, ils ne l'obtiendraient pas. J'ai lu que le mandat de perquisition contre Sharpe n'aurait pas été délivré s'il n'y avait pas cet article.

En Colombie-Britannique, cet article n'existe pas et les mandats de perquisitions ne peuvent pas délivrés. La police est empêchée de lutter contre le crime le plus répréhensible de tous.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, je respecte le point de vue du député de Kootenay—Columbia et j'aurai quelque chose à dire plus tard sur l'activisme judiciaire.

Sur la question de la simultanéité des deux interventions, soit l'appel devant les tribunaux et le recours par le Parlement au paragraphe 33(1) de la Charte, le député ne croit-il pas que le recours à ce paragraphe aurait pour effet d'annuler le processus d'appel devant la Cour suprême? Malheureusement, je ne pense pas que l'on puisse mener les deux mesures en même temps.

M. Jim Abbott: Monsieur le Président, nous avons demandé un avis et cet avis nous dit le contraire de ce que croit le député.

[Français]

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Monsieur le Président, nos amis d'en face veulent, encore une fois, débattre de la question de savoir si notre système de justice criminelle est bien administré.

Encore une fois, ils se plaignent à mots couverts d'une décision judiciaire qui, à leur avis, mine la crédibilité de ce système de justice. Encore une fois, ils argumentent que les tribunaux outrepassent leur rôle légitime. Encore une fois, ils veulent une intervention musclée de la part du Parlement.

Il m'est facile de comprendre cette réaction instinctive et émotive de certains de nos concitoyens. Il m'est beaucoup plus difficile de l'accepter de la part de parlementaires expérimentés. Est-ce que c'est là notre rôle, sauter à chaque fois qu'une décision judiciaire est rendue? Ne devons-nous pas examiner cette situation de façon beaucoup plus froide et raisonnable? N'avons-nous pas appris qu'une décision en première instance peut faire l'objet d'un appel?

[Traduction]

Je crois qu'il est important de participer au débat qui nous est proposé aujourd'hui, mais la réaction doit être mesurée et doit être fondée sur la loi et sur les valeurs fondamentales qui nous gouvernent, et non sur de pures émotions. Nous devons nous élever au-delà de la première réaction et examiner la question dans son contexte. Aussi louables que puissent être les motifs qui se cachent derrière cette motion, celle-ci est plus dommageable que la décision même qu'elle conteste.

Je n'ai évidemment pas l'intention de parler de la décision rendue dans cette affaire. Non seulement cela serait tout à fait déplacé, mais la décision fait actuellement l'objet d'un appel. Le procureur général du Canada interviendra pour appuyer la validité des dispositions de la loi, dont la légitimité sera donc examinée par la cour d'appel. C'est la procédure suivie dans un État constitutionnel ou un pays qui respecte le principe de la primauté du droit.

 

. 1310 + -

Le but premier de mon intervention est de nous mettre en garde contre le danger de réagir de façon très émotive à une décision rendue par un tribunal de première instance. Je crois qu'il faut mettre les choses en perspective et expliquer aux Canadiens que leur système de justice fonctionne selon des principes très valables. Il ne nous appartient pas, en tant que législateurs, de nous mêler de cela.

Si on intervenait en invoquant la disposition de dérogation chaque fois qu'un tribunal de première instance rendait une décision qui allait à l'encontre du gouvernement du jour, que ce soit du point de vue moral, juridique ou politique, malheureusement cela risque d'arriver presque tous les jours. Ce serait aussi une politisation de notre système judiciaire. On se trouverait à entraver la justice et non à la promouvoir.

[Français]

La Charte des droits et libertés est un instrument juridique que nous nous sommes donné afin de garantir à tous des droits et libertés fondamentaux. Il s'agit d'un document dont nous sommes, à juste titre, fiers. Il représente l'expression de nos valeurs les plus profondes. Comme c'est le cas lorsqu'un conflit émerge relativement à un texte de loi, nous nous sommes donné des institutions pour traiter des conflits d'interprétation et les résoudre.

Je ne sais pas si la décision rendue dans l'affaire Sharpe est bien fondée en droit. Ce sera aux tribunaux supérieurs d'en décider. Ce que je sais, cependant, c'est que nous nous sommes donné en ce pays une structure judiciaire qui permet la révision des décisions. Il n'y a pas lieu de pousser sur le bouton de panique lorsqu'une décision est rendue par un juge de première instance, quelle que soit cette décision.

[Traduction]

Notre système de justice pénale a ses propres freins et contrepoids qui nous assurent, autant qu'il est humainement possible de le faire, que les meilleures décisions seront rendues. On peut en appeler d'une décision qui pose un problème. Des appels sont entendus chaque jour. Je crois qu'il serait particulièrement déplacé de ma part de dire qu'une réponse législative est nécessaire chaque fois qu'un tribunal rend une décision. Le système fonctionne.

Je veux aussi informer la présidence que je partagerai mon temps de parole. Nul n'est besoin de parler en détail de la nature abjecte de la pornographie juvénile. Ce n'est certainement pas quelque chose que je défends. L'immense majorité des Canadiens appuient sans réserve notre détermination à interdire les choses qui peuvent faire du tort à la collectivité et aux individus. La pornographie juvénile est intolérable parce qu'elle fait du tort aux êtres qui nous sont le plus chers, nos enfants.

Nous n'avons pas le droit, à des fins démagogiques, de donner l'impression que ceux qui donnent dans la pornographie ont maintenant la voie libre. C'est pourquoi la décision fait l'objet d'un appel. De plus, certaines personnes ont déjà perdu de vue le fait que la possession de ce genre de matériel aux fins de distribution est interdite et que la validité constitutionnelle de cette interdiction n'est pas contestée. Cependant, là n'est pas la question.

[Français]

Le Parlement a un rôle essentiel à jouer dans la détermination de ce qui doit être prohibé ou non. Il a la toute première responsabilité à cet égard. Personne ne le nie. Ce rôle primordial est cependant encadré pour éviter de porter atteinte injustement à certains droits et libertés fondamentaux. Ainsi, les tribunaux peuvent nous assister en déterminant comment l'objectif peut être atteint en minimisant l'atteinte qui peut être faite à d'autres droits fondamentaux. Il doit exister entre le Parlement et les tribunaux une forme de dialogue.

Je sais que des décisions judiciaires peuvent, à l'occasion, nous sembler incorrectes. C'est d'abord aux tribunaux supérieurs qu'incombe le devoir d'examiner ces décisions et, si cela est nécessaire, d'y remédier.

Une action instantanée et irréfléchie de la part du Parlement, telle celle qui est proposée, n'est rien de moins que contreproductive. Pensons-y: invoquer l'article 33 de la Charte implique que nous reconnaissons que la mesure adoptée ne peut être raisonnable dans une société libre et démocratique. Est-ce vraiment ce que nous voulons faire? Est-ce le message que nous voulons livrer? Ne devrions-nous pas laisser aux tribunaux d'appel l'opportunité de faire leur travail et voir si la décision sera infirmée?

 

. 1315 + -

Je sais que le débat d'aujourd'hui est inspiré de réactions vives provenant de certains milieux et de ce qui semble être, pour certains, un résultat injuste. Je ne crois pas que nous ayons le droit de les exploiter d'une façon vile.

Personnellement, je crois profondément qu'il faut laisser au système de justice le soin d'examiner ces décisions selon la procédure normale. Je comprends cette réaction vive, je ne la partage cependant pas.

[Traduction]

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, je suis un peu triste aujourd'hui. Je pensais que nous étions ici pour adopter des lois au nom des Canadiens. Je pensais que la tâche des tribunaux consistait à appliquer ces lois.

Il est clair qu'un conflit est perçu entre deux mesures législatives qui ont été adoptées par la Chambre, soit celle qui rend illégale la possession de matériel pornographique infantile, et celle qui protège la liberté d'expression. De toute évidence, les tribunaux ne savent pas à laquelle de ces deux lois nous voulons donner préséance.

La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui permet à la Chambre de dire très clairement aux tribunaux laquelle des deux mesures législatives doit avoir préséance.

Qu'y a-t-il de mal à ce que les législateurs du pays, qui représentent les citoyens, parents et enfants du Canada, disent clairement que nous ne voulons pas tolérer la possession de matériel pornographique infantile dans notre société?

M. Paul DeVillers: Monsieur le Président, la députée laisse entendre que le Parlement a comme mandat d'adopter des lois et que les tribunaux ont la responsabilité d'interpréter ces lois. C'est exactement ce qui se passe.

Le Parlement a adopté des mesures législatives qui interdisent l'utilisation et la possession de certaines formes de matériel pornographique et les tribunaux sont en train d'interpréter ces lois. Le problème c'est que nous en sommes actuellement au niveau de la division de première instance.

La prochaine étape serait un appel à la cour d'appel de la Colombie-Britannique, qui pourrait être suivi d'un appel à la Cour suprême du Canada. Il suffit de se reporter à la dernière législature pour trouver une cause ayant fait l'objet d'un procès puis d'un appel. Je me reporte ici à la cause dans laquelle l'état d'ébriété a été invoqué comme défense.

Le Parlement n'était pas satisfait de l'interprétation faite par les tribunaux. Il ne considérait pas les arguments comme acceptables. Le Parlement s'est par conséquent servi de ses pouvoirs discrétionnaires pour adopter—sous le ministre de la Justice antérieur—une nouvelle loi visant à empêcher que l'ébriété ne soit invoquée comme défense.

C'est ainsi que le système devrait fonctionner. On devrait laisser les choses suivre leur cours devant les tribunaux, lesquels interpréteront la loi. Et si, au bout du compte, l'interprétation donnée ne plaît pas au Parlement, alors celui-ci pourra toujours adopter une nouvelle loi.

M. John Nunziata (York-Sud—Weston, Ind.): Monsieur le Président, dans son discours, la ministre de la Justice a qualifié la motion réformiste de mauvaise mesure et a dit que nous agissions de façon précipitée. Or, 75 de ses collègues du caucus libéral ont signé une lettre dans laquelle ils demandent au premier ministre de faire précisément ce que prévoit la motion à l'étude aujourd'hui.

Je vais citer la lettre en question: «Nous demandons au gouvernement de se porter immédiatement à la défense des petits Canadiens, sans attendre que l'appel de la décision de C.-B. ait été entendu.» Dans la lettre adressée au premier ministre, on demande ensuite d'étudier la possibilité d'invoquer la disposition de dérogation.

L'ancien solliciteur général, qui est parmi nous aujourd'hui, a lui aussi signé cette lettre, comme un certain nombre de nos collègues d'en face, qui font partie du caucus libéral. N'empêche que la ministre de la Justice et le premier ministre font maintenant fi de la volonté exprimée non seulement par la majorité des Canadiens et le front commun de l'opposition, de ce côté-ci de la Chambre, mais aussi par la majorité des membres du caucus libéral, qui appuient cette motion. On les force à ne pas se prononcer en faveur de la motion dont la chambre est saisie aujourd'hui.

L'ancien solliciteur général opine du bonnet. Comment ces députés peuvent-ils concilier le fait d'avoir proposé un plan d'action précis il y a quelques jours à peine en apposant leur signature au bas d'une lettre à ce sujet, adressée au premier ministre, et l'obligation qui leur est faite quelques jours plus tard de faire fi de leurs principes et d'agir en moutons? Qui servent-ils? Défendent-ils l'intérêt public ou celui de leurs électeurs? Ou ont-ils peur d'offenser un non-élu au bureau du premier ministre?

 

. 1320 + -

M. Paul DeVillers: Monsieur le Président, je n'avais pas pris connaissance de la lettre dont parlait le député, mais quelqu'un vient de m'en donner une copie. Je crois savoir qu'elle porte 69 signatures.

Je ne peux pas parler pour ceux qui ont signé la lettre, mais je constate cependant qu'elle demande au gouvernement d'envisager la possibilité d'invoquer la disposition de dérogation.

Il m'apparaît, à priori, que le fait de proposer au gouvernement d'envisager d'avoir recours à la disposition de dérogation n'équivaut pas pour autant à approuver carrément l'utilisation de cette disposition. La lettre indique que le gouvernement devrait envisager de le faire, comme tout bon gouvernement qui doit examiner toutes les solutions possibles.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Simcoe-Nord de partager son temps de parole avec moi.

Je voudrais d'abord refaire un peu avec vous l'historique de la Charte des droits. La Charte ne faisait pas partie du projet initial de rapatriement de la Constitution. Elle a été adoptée après que de nombreux intellectuels canadiens eurent fait remarquer au premier ministre de l'époque que le Canada était le dernier grand pays, avec la Suisse, à ne pas avoir de charte des droits et libertés. Ces deux pays avaient encore un système constitutionnel qui datait du XIXe siècle. Nous avons donc adopté la Charte.

Que dire de la disposition de dérogation? Les difficultés qu'elle soulevait tenaient aux différences de conception du système juridique, en particulier dans le cas du premier ministre néo-démocrate de la Saskatchewan de l'époque, M. Blakeney, qui avait été éduqué dans le système britannique, où il n'existe pas de charte des droits. L'Europe possède maintenant une charte, que la Cour européenne des droits de l'homme respecte et la plupart des décisions judiciaires semblent avoir des effets en Grande-Bretagne. Quoi qu'il en soit, M. Blakeney s'était opposé à l'idée d'une charte, mais il a néanmoins accepté une charte qui contiendrait une disposition de dérogation.

Cet article est rédigé d'une drôle de façon. Il devait en être ainsi.

Aux États-Unis, des décisions impopulaires ont été invalidées en invoquant des amendements constitutionnels. Je pense notamment à l'amendement concernant l'impôt sur le revenu qui a permis d'invalider des décisions de la Cour suprême.

Lorsqu'il a été interrogé à ce sujet et qu'on lui a demandé pourquoi il avait inséré une disposition de dérogation dans la Charte, M. Trudeau a répondu qu'il avait dû le faire pour pouvoir faire adopter la Charte et qu'autrement, il n'y serait pas arrivé. Il a ensuite ajouté: C'est très regrettable, mais je ne crois pas que le gouvernement fédéral osera jamais utiliser cette disposition. C'est effectivement ce qui s'est passé. Le gouvernement fédéral ne l'a jamais invoquée.

Une seule assemblée législative l'a fait dans un cas. Quatre cent cinquante mesures de cette assemblée législative ont été assujetties à la disposition de dérogation. Quel chef de gouvernement a eu ainsi recours à cette disposition? René Lévesque, le premier ministre qui a dirigé le Québec de 1982 à 1985. Quand il a quitté son poste, le nouveau premier ministre a décidé que la disposition de dérogation ne s'appliquerait plus aux nouvelles lois du Québec, tant et si bien qu'elle demeure ce que bien des spécialistes ont appelé une aberration constitutionnelle.

Quelles sont les autres solutions? Il y a de toute évidence l'appel. On peut ne pas être d'accord et en tant qu'avocat je ne devrais pas donner un avis sur une décision rendue par un juge. Il est digne de respect. Je dirai simplement que les honnêtes hommes et les honnêtes femmes du monde judiciaire ont le droit d'épouser d'autres points de vue et peuvent très bien aboutir à un point de vue différent.

La disposition qui est en jeu figure parmi les plus claires de la charte. Elle réclame une espèce de loi judiciaire. Elle reprend presque mot pour mot le texte de la Déclaration des droits américaine. Notre charte est beaucoup trop longue et par trop pédante. Elle est souvent difficile à saisir, mais sur ce chapitre elle est limpide. Je dirais qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que d'autres personnes mêlées à l'appel en arrivent à une réponse différente.

Il s'agit de demander à la ministre de la Justice d'accélérer la procédure d'appel. Contrairement aux Américains, notre système judiciaire ne prévoit pas de recours en certiorari qui permet à un tribunal supérieur d'enjoindre à un tribunal inférieur de lui renvoyer immédiatement une décision portant sur des principes constitutionnels, et de rendre sa propre décision sur le dossier. Je pense que c'est une lacune de notre système juridique et que, franchement, il faudrait la combler assez rapidement.

 

. 1325 + -

Le fait que nous n'ayons pas de tribunal constitutionnel, pas même du genre que certains d'entre nous avions recommandé à M. Trudeau quand il était sur le point d'adopter la Charte des droits, est probablement un problème inhérent à notre charte. Toutefois, nous avons un système d'appel qui peut fonctionner très rapidement.

La plus grande décision de notre Cour suprême a peut-être été, au cours des dernières années, celle qui porte sur la constitutionnalité d'une sécession du Québec. Les enjeux et les renvois de ce genre prenaient autrefois de trois à quatre ans. Pourquoi pas? Elle s'est acquittée de cette tâche en six mois.

Je pense que ce que nous demandons, et je le demande à la ministre de la Justice, c'est de s'assurer que le gouvernement fédéral insiste pour que ce soit fait rapidement. Je pense que la cour fera diligence.

J'ai écouté avec intérêt l'intervention du député de Kootenay—Columbia, parce qu'il a fait des observations judicieuses sur les pouvoirs judiciaires conférés par le passé. J'aimerais toutefois savoir quelles sont ses sources. Je pense qu'il devrait les faire connaître sur la question de la possibilité d'une intervention simultanée en vertu de la disposition dérogatoire. Il me semble évident que, si l'on prend des mesures législatives, l'affaire devient automatiquement sans objet. Quoi qu'il en soit, c'est à la cour elle-même d'en décider. Je ne crois pas que ce soit un principe juridique solide, tel qu'il est présenté, mais j'aimerais connaître le raisonnement sur lequel il se base.

Existe-t-il des moyens de substituer à des juges quelque autre forme d'intervention? Si l'on désire modifier la Charte des droits, on pourrait préciser de façon beaucoup plus détaillée toutes les dispositions qu'on souhaite surveiller ou prescrire.

Une des faiblesses de notre Charte, c'est qu'elle définit trop de choses. Par ailleurs, lorsque nous examinons les principes percutants de la déclaration américaine des droits, comme nous le faisons avec l'article qui fait actuellement l'objet d'une contestation dans le cas qui nous occupe, cette déclaration exige une interprétation créative de la part des tribunaux.

J'estime que les débats à la Chambre peuvent constituer une partie des travaux préparatoires, une partie des sources dans lesquelles la Cour suprême du Canada peut puiser. Une fois que la Cour suprême du Canada aura rendu sa décision, je n'exclus pas que nous puissions vouloir réexaminer des façons de modifier cette décision. On pourrait alors envisager d'invoquer la disposition dérogatoire. Mais je propose aux députés de recommander à la ministre de la Justice d'agir le plus rapidement possible, pour faire en sorte que le processus d'appel fonctionne avec la même célérité que le renvoi sur la séparation du Québec.

Soit dit en passant, si la disposition dérogatoire est invoquée, qu'on ne s'attende pas à des miracles du jour au lendemain. La Chambre des communes devra élaborer un nouveau projet de loi. Le Sénat devra approuver cette mesure législative. Il faudra passer par toutes ces étapes. Ce sera, à mon avis, un processus qui tirera en longueur.

À mon avis, la colère que ressent l'opposition et les inquiétudes qu'elle a exprimées et que partagent très manifestement bon nombre des députés ministériels se reflètent dans le débat. Ce débat s'inscrira dans le dossier dont disposera la Cour suprême du Canada au cours du processus d'appel et auquel elle pourra se référer comme il convient.

Je ne crois pas qu'il faille invoquer la disposition dérogatoire pendant que cette affaire est en cours. De façon générale, j'ai certaines réserves en ce qui concerne le recours à la disposition de dérogation. À mon avis, la procédure à suivre pour renverser la décision d'un tribunal devrait être plus simple, un peu sur le modèle américain.

Ce que je veux dire, c'est que le débat inachevé engagé l'an dernier par le député de Kootenay—Columbia à propos de l'activisme judiciaire a échoué parce que, essentiellement, rien n'a été dit sur les possibilités au niveau des institutions.

Nous nous sommes faits à l'idée que tout dans la réforme constitutionnelle ne se rapporte pas à la question du Québec. Il y a les questions touchant la réforme institutionnelle et je crois que les remarques constructives—et elles ont été nombreuses—que nous avons entendues des deux côtés de la Chambre au cours de ce débat l'ont bien fait ressortir. Il ne faut pas traiter la Charte à la légère.

La loi a pour but de veiller à l'application de la Charte des droits. Si elle doit être modifiée, ce n'est pas en réaction à une affaire en particulier, mais seulement en fonction de certains principes qui perdurent.

 

. 1330 + -

Je recommande donc de suivre la procédure décrite par la ministre de la Justice. Chacun peut dire ce qu'il en pense, mais je crois qu'il ressort clairement de ce débat que cette affaire doit aller en appel immédiatement. À mon avis, il s'agit là d'une décision éminemment discutable, ceci malgré tout le respect que je dois au juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Après tout, ce n'est qu'un juge. En vertu du système américain, cette affaire serait renvoyée immédiatement aux instances supérieures. Nous pourrions envisager une réforme qui s'inspirerait de ce système afin de veiller à une meilleure application de la Charte des droits.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, le député libéral a dit qu'il s'agissait là d'une aberration, mais qu'elle était le fait d'un juge seulement. Il s'agit cependant là d'un autre exemple d'une série de problèmes qui amènent la collectivité à éprouver une méfiance fondamentale envers le système judiciaire. Il se crée un hiatus entre les attentes de la collectivité et les jugements rendus par le système judiciaire. Il s'agit là du tout dernier exemple du fait que la collectivité n'est fondamentalement pas convaincue que les juges reflètent les valeurs de la majorité des Canadiens. Cela tient en partie non pas tant aux décisions qui sont rendues, mais aussi à ceux qui siègent sur le banc et à qui il appartient de décider.

Je rappelle un jour où le président du comité de la justice était d'accord avec le Parti réformiste sur ce point. J'avais dit ce jour-là en guise de commentaire général que nous avions généralement l'impression que le public n'accorde pas grand confiance à l'institution judiciaire elle-même. Un des mystères à cet égard, c'est que la moyenne des gens ne savent pas comment les juges sont nommés à la magistrature.

La regrettée Shaughnessy Cohen, que Dieu ait son âme, a dit: «Nous le savons tous, ce sont les comités qui veulent garder le processus secret. Ils ne veulent pas avoir à faire face à un candidat. Ils ne veulent pas qu'un candidat à la nomination à la magistrature se présente devant eux, car à Dieu ne plaise qu'ils aient la responsabilité de cette décision.»

Elle poursuivait: «Si notre comité tient à continuer de le garder secret, les membres devraient peut-être revoir le processus et reconsidérer s'ils veulent siéger au comité ou non. Il se transformera peut-être en chambre étoilée. Il y a une grosse différence. Il y a des intérêts politiques en jeu ici, autres que les intérêts politiques libéraux ou conservateurs. Il y a également les intérêts politiques du Barreau qui n'a de compte à rendre à personne et qui est vraiment désagréable. La question se résume à savoir qui doit décider.»

Elle ajoutait: «En fin de compte, qui est tenu responsable si un juge fait une gaffe? C'est le premier ministre et le ministre de la Justice.» Cette opinion était très bien réfléchie, compte tenu de son expérience. Selon les opinions exprimées et les faits constatés à la Chambre aujourd'hui, il n'y a pas de comptes à exiger. Nous devons laisser faire le système, et tout va bien. À notre avis, le système ne marche pas et il faut apporter des changements.

M. Ted McWhinney: Monsieur le Président, je remercie le député de ses observations intéressantes et utiles. Avant de siéger au Parlement, j'ai beaucoup travaillé sur l'institution spéciale qu'est la cour constitutionnelle dont sont maintenant pourvus presque tous les pays du monde. Les juges sont élus selon des modalités particulières qui varient d'un pays à l'autre. Les instances législatives de nombreux pays ont d'habitude la représentation proportionnelle. Pour instaurer des changements de cette nature, il faudrait une modification constitutionnelle qui exige l'accord de dix provinces et du gouvernement fédéral. Pas la peine d'y penser.

Lorsque j'étais secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, nous avons implanté un mécanisme permettant de faire comparaître devant le comité des personnes nommées à des postes du rang d'ambassadeur. Un certain nombre de personnalités très distinguées ont comparu et ont répondu longuement à des questions qui n'étaient pas toujours de la plus grande politesse sur leurs compétences. Les coutumes parlementaires permettent ce genre d'initiative. Il serait peut-être utile que le Comité de la justice envisage cette formule. On pourrait proposer quelque chose de semblable.

Certains juges auraient des objections. Lorsque nous étions en train d'adopter la charte des droits, j'ai parlé d'un système d'élection parlementaire des juges d'une cour constitutionnelle. Un homme très distingué a dit qu'il n'accepterait jamais de servir dans ces conditions. Je lui ai répondu qu'il serait étonné de voir la foule de gens qui accepteraient avec empressement de se soumettre au processus électoral.

Voilà donc la proposition que j'invite le député à étudier. Il vaut peut-être la peine de l'envisager, d'autant plus qu'il existe des précédents, notamment au Comité des affaires étrangères.

 

. 1335 + -

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec fierté que je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion réformiste.

Le débat a été quelque peu terni par les insultes des ministériels qui ont traité les réformistes de prophètes de malheur. Ils mettent en doute nos motifs, ils disent que nous agissons sans réfléchir et que nous sommes stupides.

Pour ma part, je porte le chef d'accusation suivant contre eux: s'ils siégeaient de ce côté-ci de la Chambre et que la motion était venue de ce côté, il n'y en aurait probablement pas un seul qui ne l'appuierait pas. C'est une accusation à laquelle peu d'entre eux pourraient échapper, certainement pas les 69 qui ont signé une pétition adressée à leurs propres dirigeants leur demandant de faire quelque chose.

Il y en a qui ce soir, quand le moment sera venu de voter, vont regretter de ne pas être de ce côté-ci de la Chambre. Ils vont regretter d'être forcés à obéir et de ne pas pouvoir se prononcer selon leur coeur et conformément aux désirs de leurs électeurs. Au moment du vote, ce côté-ci de la Chambre se rangera du côté des enfants. Il est du côté des parents de ces enfants. Il est du côté de ce qui est bien et nous voterons en bloc en faveur de la motion.

De ce côté-ci, nous attendons le résultat avec impatience pour voir si les ministériels auront le courage de leurs convictions. Par ailleurs, je dois dire que certains députés ont présentés de bons arguments, des arguments juridiques, mais je ne crois pas qu'ils soient arrivés à prouver, comme a dit le juge, que la possession de matériel pornographique juvénile soit une expression importante du moi profond. Ce moi doit être réprimé. La loi qui a été déclarée anticonstitutionnelle doit être rétablie le plus rapidement possible.

Il est inacceptable, de la part du gouvernement, d'adopter une attitude passive pendant que les enfants canadiens sont en danger et de laisser le processus suivre son cours, une étape à la fois, au lieu de faire preuve de leadership pour résoudre le problème. De cette manière, il sera impossible d'accomplir ce qui doit être fait.

Le juge Shaw a invoqué une disposition de la charte pour invalider la loi qui protège les enfants contre la pornographie juvénile. Le Parlement peut renverser sa décision en ayant recours aux dispositions de dérogation de la Charte des droits et libertés. À notre avis, une interprétation irréfléchie de la part d'un juge ne devrait pas compromettre systématiquement la protection des enfants.

Les députés qui affirment qu'il faut laisser les choses suivre leur cours et qui prétendent que les dispositions législatives nécessaires seront adoptées au moment opportun ont banalisé le rôle que le Parlement peut jouer dans le débat et en intervenant. Depuis que je suis à la Chambre, c'est-à-dire près de deux ans, la ministre de la Justice dit qu'il faut attendre et que des mesures seront proposées au moment opportun, au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants.

L'opposition officielle attend toujours. Nous avons cessé de regarder nos montres. Nous avons presque cessé de regarder le calendrier. Nous commençons à nous tourner vers une sorte d'horloge du millénaire pour voir ce qui arrivera lorsque, comme il le prétend, le gouvernement agira au moment opportun.

À la Chambre, notre rôle ne se limite pas à réglementer les activités de notre société, à mettre en application des ententes entre différents groupes et à établir ce genre de lignes de conduite. Il consiste aussi à faire preuve de leadership et à décider des orientations.

Nous sommes en faveur des consultations, mais dans une situation comme celle-ci, la population ne veut pas que nous perdions du temps à tenir des consultations. Les Canadiens veulent que nous agissions. Ils ne veulent pas que nous protégions les pornographes, les pervers et les pédophiles. Ils ne veulent pas que leurs enfants soient en danger. Ils veulent que nous les protégions.

Nous avons souvent entendu parler de personnes qui envisagent d'intenter des poursuites en justice pour priver les parents de leur droit de discipliner et d'élever leurs enfants comme bon leur semble.

 

. 1340 + -

Il semble y avoir un fort appui du côté libéral. Pour l'amour de Dieu, pourquoi même songer à enlever aux parents le droit d'élever leurs enfants alors que nous ne sommes pas même prêts à considérer la possibilité d'enlever aux pédophiles le droit de regarder le corps des enfants dans un dessin purement pervers?

Nous devons intervenir et nous avons deux choix. Nous pouvons tout d'abord stopper l'approvisionnement en matériel, ce que nous faisons déjà. Il existe des lois qui en interdisent la production. Ce que nous aimerions voir maintenant, c'est une mesure qui permettrait de réduire la demande. On dépense des millions et des millions de dollars pour sensibiliser le public aux dangers de l'alcool et du tabac et à une foule d'autres problèmes sociaux connexes, mais ces problèmes existent toujours. L'éducation n'a rien fait de plus que de faire connaître aux adeptes les dangers inhérents à leurs actes. Nous ne voulons pas que la même chose arrive dans ce dossier.

Nous voulons une loi qui soit confirmée par le Parlement et qui mettre définitivement fin à la demande. Nous ne voulons pas continuer de servir de l'alcool aux alcooliques pour les guérir. Nous ne voulons pas laisser couler un tant soit peu le robinet. Si nous voulons voir disparaître l'alcoolisme, nous devons supprimer l'alcool.

Il y a une nouvelle génération qui nous suit et elle jugera les générations qui l'ont précédée selon ce qu'elles auront fait ou omis de faire. Les jeunes jugeront cette Chambre selon qu'elle aura pris les mesures qui s'imposaient ou qu'elle aura tout simplement laissé la soi-disant justice suivre son cours, ce qui pourrait entraîner une grave injustice par omission.

Le vote de ce soir constitue une action. Elle peut être en faveur ou contre la situation qui prévaut actuellement. J'exhorte les députés à agir. J'ai trois filles et c'est en leur nom, ainsi qu'au nom de mes électeurs, que je vais me prononcer en faveur de cette motion.

Au bout du compte, c'est au Parlement qu'incombe la responsabilité au Canada. Les cours d'appel et la Cour suprême sont chargées de revoir les décisions rendues, mais c'est le Parlement qui est finalement responsable. Cette responsabilité suppose un pouvoir et le Parlement ne doit pas craindre d'intervenir en vertu de ce pouvoir. Il ne doit pas se dérober à l'exercice de ce pouvoir.

Harry Truman, l'un des présidents américains les plus respectés, avait sur son bureau une plaque gravée: «Le patron, c'est moi.» Serions-nous en train de dire qu'au Canada, le patron se trouve rue Wellington, là où les juges de la Cour suprême ont le dernier mot à dire sur les lois et les intentions de la Chambre, qui a pourtant légiféré en tenant compte des voeux des électeurs qui avaient dit: «Nous voulons des lois justes. Nous voulons des lois qui permettent l'égalité. Nous voulons la démocratie. Nous voulons la droiture. Nous voulons la liberté.»? Allons-nous dire que «tout se décide un peu plus loin dans la même rue; il suffit de se démener pour passer d'un tribunal à un autre et arriver à la Cour suprême, et d'être prêt à engager de fortes dépenses»? Ou est-ce qu'on peut s'attendre à ce que nous intervenions à la Chambre, au nom des gens que nous sommes censés représenter?

Je suis d'avis que nous devons intervenir à la Chambre. Le patron, c'est nous. Quand j'ai accepté d'être député, j'ai dit que je ferais tout en mon pouvoir pour que la droiture l'emporte. J'ai reconnu que ce ne serait pas toujours possible, mais que je ferais de mon mieux pour tenir mes promesses électorales. C'est en partie pour cela que je me prononcerai en faveur de cette motion ce soir. Tout député doit veiller à ce que le pays soit dans un meilleur état quand il quitte la vie politique qu'il ne l'était à son arrivée. Sinon, il manque à sa parole et ne remplit pas ses engagements envers ses électeurs.

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais signaler au député certains faits dont m'a fait part une personne de ma circonscription, Peterborough.

Cet homme dit qu'il veut exprimer son inquiétude à l'égard de la proposition discutée à l'heure actuelle au Parlement tendant à utiliser la disposition de dérogation pour déroger à la Charte canadienne des droits et libertés relativement aux préoccupations que suscite une décision rendue par un juge de la Colombie-Britannique au sujet de la loi portant sur la pornographie juvénile.

 

. 1345 + -

Sa préoccupation porte sur trois facteurs. Tout d'abord, la disposition de dérogation n'a pas été élaborée pour que le Parlement fédéral puisse passer outre à la Charte. Comme nous le savons, c'est un compromis auquel on est parvenu pour répondre aux attentes de certaines provinces. Si le Parlement fédéral devait l'utiliser, cela créerait un précédent qui pourrait miner la Charte en permettant une ingérence politique chaque fois qu'il y a une question volatile comme celle soulevée à l'heure actuelle.

Ensuite, mon électeur affirme, comme des jurés l'ont signalé, que la législation touchant la pornographie juvénile est imparfaite et que la Cour suprême devrait se prononcer là-dessus. Le Parlement pourrait ensuite la modifier à la suite d'un débat intelligent, bien informé et basé sur des considérations judiciaires.

Cet homme dit qu'il n'est pas un avocat, mais qu'il connaît bien cette question. Il s'agit d'une observation venant d'un simple citoyen, le type d'observations dont les réformistes nous font part constamment. Il n'est pas avocat. Il connaît le domaine. Il dit qu'on devrait laisser la Cour suprême trancher.

Enfin, il affirme que l'utilisation de pouvoirs aussi extraordinaires pour répondre à une panique momentanée sur le plan éthique conduirait le gouvernement canadien à être victime du même mal qui frappe les institutions américaines dans le cadre de ce qu'un éminent constitutionnaliste américain, Allan Dershowitz, professeur à Harvard, a qualifié de maccarthysme sexuel. Il serait peut-être bon de rappeler qu'à l'époque du maccarthysme aux États-Unis, nous avions, au Canada, une tendance semblable qui s'est manifestée par des moments aussi embarrassants dans notre histoire que le rapport de la commission Taschereau-Kellock, qui a conduit à traiter en parias des innocents qui ont apporté une grande contribution au Canada, comme John Grierson.

Cette personne dit que même si de nombreux électeurs peuvent réclamer l'utilisation de cette disposition de dérogation, à ce moment-ci, il faudrait que le sens politique l'emporte sur une panique politique guidée par les médias et le Parti réformiste.

Je serais heureux que le député nous fasse part de son opinion sur les observations d'un de mes électeurs de Peterborough, une personne qui suit ce débat.

M. Derrek Konrad: Monsieur le Président, maintenant que les cris ont cessé, je vais essayer de formuler une ou deux observations relativement aux propos du député.

Celui-ci a parlé de McCarthysme sexuel. C'est là le point de vue d'une personne et je le respecte. Toutefois, je ne crois pas que ce point de vue soit partagé par la majorité des Canadiens. Je ne crois certainement pas que la majorité des députés de ce côté pensent ainsi. Je crois d'ailleurs que les députés d'en face se cherchent des excuses afin d'appuyer ce qu'on leur a dit d'appuyer.

Le député dit que la loi visant les enfants comporte des lacunes. Je ne crois pas que ce soit le cas. La loi n'est pas imparfaite simplement parce que cette personne dit qu'elle l'est. Chacun a droit à son opinion, mais cela ne veut pas nécessairement dire que l'on a raison. Cette opinion ne sera pas nécessairement partagée par les juges de la Cour suprême.

Les députés du Parti réformiste et les autres de ce côté de la Chambre qui votent selon leur conscience et conformément aux voeux de leurs électeurs ne pensent pas que la loi comporte des lacunes. Nous disons plutôt que celle-ci doit être maintenue. La façon la meilleure et la plus expéditive de le faire est d'invoquer l'article 33, c'est-à-dire la disposition d'exemption, afin que la loi puisse continuer de s'appliquer. Cette mesure législative a été adoptée dans une législature antérieure et elle a reçu l'appui général. Nous voulons que la Chambre l'appuie.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, il est remarquable que le député de Peterborough cite Allan Dershowitz, qui est un expert constitutionnel de la gauche radicale américaine, comme si celui-ci faisait autorité en la matière.

Le système constitutionnel américain se fonde sur la révision judiciaire, tandis que le système canadien repose sur un principe appelé la souveraineté du Parlement. Même le premier ministre actuel s'est assuré que ce principe soit inscrit dans la charte, au moyen de l'article 33. Le Parlement n'a encore jamais invoqué cet article. Chaque fois que nous avons parlé d'activisme juridique, le gouvernement a dit que nous agissions comme des prophètes de malheur. Aujourd'hui, nous sommes à même de constater les conséquences d'un système judiciaire qui a les coudées tout à fait franches, qui n'a absolument aucun compte à rendre. C'est pourquoi je demande au député de Prince Albert ce qu'il pense de l'utilisation de la théorie constitutionnelle américaine dans le contexte de la charte canadienne.

M. Peter Adams: J'invoque le Règlement et je demande la permission de déposer le document que je citais.

 

. 1350 + -

Le vice-président: Le député de Peterborough a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour déposer le document qu'il a cité?

Des voix: D'accord.

M. John Nunziata: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Un peu plus tôt aujourd'hui, j'ai fait mention d'une lettre envoyée au premier ministre du Canada. Par mégarde, j'ai omis de déposer ce document signé par 75 députés du caucus libéral, qui réclament la même mesure que prévoit la résolution dont nous sommes saisis aujourd'hui. Je voudrais déposer le document en question.

Le vice-président: Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour déposer le document?

Des voix: D'accord.

Une voix: Non.

Le vice-président: Le député de Prince Albert a quelques secondes pour répondre à la question qui lui a été posée.

M. Derrek Konrad: Monsieur le Président, nous avons au Canada un régime fondé sur la suprématie du Parlement. Cela signifie que nous avons une responsabilité à assumer. Nous ne pouvons nous y soustraire et soutenir que chaque question doit être renvoyée à la Cour suprême du Canada. Il existe des mesures que nous pouvons prendre ici à la Chambre. Il y a la disposition dérogatoire qui nous permet, en tant que parlementaires, d'imposer une loi lorsqu'elle a la forme que nous voulions lui donner au départ.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet de cette motion.

Comme nous avons pu le constater, cette question est pénible pour de nombreux Canadiens de tout le pays.

Chose intéressante, le coeur de cette argumentation semble être la défense d'une espèce de liberté, pourtant, on parle en même temps de l'échec de notre système à protéger les plus vulnérables. Dans notre charge pour défendre la liberté et protéger les droits, nous avons cessé de penser rationnellement si nous ne pouvons plus protéger les plus vulnérables de notre société. Nous aurons commis aujourd'hui une grave erreur si nous laissons les choses telles qu'elles sont.

J'applaudis les députés de mon parti et de tous les partis. Il y en a, en face, qui sont déterminés à corriger cette grave erreur.

La Cour suprême a déjà rendu des décisions sur le sujet dans le passé. Ces décisions étaient plus sages que celle-ci. Je suis persuadé qu'il en a été question aujourd'hui au cours du débat. Dans l'affaire Butler, il a été jugé que l'accès à du matériel pornographique n'était pas dans l'intérêt public. Il est manifestement néfaste pour la société. C'est justement pour cette raison que l'article 1 de la charte a été mis en oeuvre, et cela a été considéré comme illégal. Il n'y a alors pas eu de tollé de protestations. En fait, les Canadiens se réjouissaient de ce jugement. Ce n'est pas le jugement que nous voyons aujourd'hui, bien au contraire.

Devons-nous attendre qu'il y ait d'autres victimes pour déterminer si c'est néfaste? On parle de la détermination du caractère néfaste comme critère pour décider s'il est raisonnable de mettre un terme à ce genre de choses. Combien de souffrances faudra-t-il encore endurer avant de dire que cela suffit? Combien d'enfants devront encore être victimes de ces actes pervers?

Peut-être que nous ne devrions pas exagérer notre évaluation du tort causé, mais nous demander plutôt si ce matériel possède quelque caractéristique rédemptrice qui lui donne une légitimité quelconque. Selon moi, il n'en possède aucune. Renversons le fardeau de la preuve. Quelles sont les caractéristiques positives de ce genre de matériel? Comment peut-il contribuer à la santé et à la sécurité de nos enfants, de nos familles et de nos collectivités? Il ne le peut pas.

Dans un monde régi par la Charte, nous cessons apparemment d'utiliser notre capacité de réflexion pour nous en remettre aux arguments juridiques et à du jargon juridique ésotérique. Quelque part, nous avons perdu de vue que, au bout du compte, il y a une victime et que cette victime est un enfant. C'est tragique.

 

. 1355 + -

J'ai lu des documents sur les répercussions de la pornographie. Souvent, les consommateurs de pornographie en viennent rapidement à ne plus être capables de faire la distinction entre les fantasmes et la réalité. Tôt ou tard, ils passent à l'acte.

Je sais qu'il existe toutes sortes d'études et de débats et qu'il y a des partisans de tous les camps. Cependant, si nous demandons à 100 Canadiens s'ils croient que la consommation de pornographie fausse la perception de la réalité et que les consommateurs finissent par voir les enfants comme des objets plutôt que comme des individus, la très grande majorité dira que oui. La pornographie ne renvoie pas une image réelle de l'enfant.

Fait à remarquer, il y avait récemment un délinquant sexuel en libération conditionnelle dans ma circonscription. Ce délinquant a obtenu une libération conditionnelle à la condition de ne pas se procurer du matériel pornographique. C'était la condition de sa libération. Voici qu'un juge affirme que pareille condition serait inacceptable pour cette personne, qu'elle perturberait de nouveau son sens de la réalité.

D'une part, un tribunal interdit à cette personne de se procurer du matériel pornographique et, d'autre part, un autre tribunal lui dit qu'il peut le faire, ce qui, du même coup, rend légitime ce marché. C'est une erreur, et nous avons l'occasion aujourd'hui de réparer cette erreur.

Je sais que nombre de députés veulent mettre un terme à cette activité, et c'est d'ailleurs ce que les Canadiens veulent. Nous pouvons mettre un terme à cette activité où les enfants sont exploités, représentés en train de faire ces choses horribles. Il ne s'agit pas de libertés et de droits. Il s'agit d'enfants exploités. Il s'agit non seulement des enfants qui sont maintenant exploités, mais encore de ceux qui le seront demain si nous laissons cette activité se poursuivre, rendant du même coup légitime ce marché.

Je suis d'avis que tous les Canadiens sont victimes dans cette affaire. Si nous permettons une telle loi, c'est la réputation de tous les Canadiens qui est ternie. La fierté de notre pays et de tous les Canadiens en prend un coup quand on peut dire aux autres pays, oui, au Canada, nous pensons qu'il est tout à fait correct de regarder et d'étudier du matériel pornographique représentant des enfants. Cela nous diminue tous en tant que Canadiens. Cela fait de nous tous des victimes. C'est tout simplement inacceptable.

Défendre des libertés qui ne protègent pas les plus innocents, c'est aller trop loin. Nombre d'entre nous le savent. Nous le savons dans nos coeurs. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de montrer à la population canadienne ce que c'est que d'être Canadien. Nous défendons des valeurs, mais sûrement pas cela. Faisons-le aujourd'hui.

Le Président: Cher collègue, il vous reste trois minutes. Je voulais intervenir maintenant pour vous dire que vous aurez la parole à la reprise du débat, si vous le voulez.

La Chambre passe maintenant aux déclarations de députés.



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE DÉCÈS DE M. FRANK LOW-BEER

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, Frank Low-Beer, décédé le mois dernier, a étudié à Stanford et à Oxford et a été admis au barreau de la Colombie-Britannique en 1957. Il a pratiqué le droit dans un vaste éventail de domaines, notamment la fiscalité, les transactions internationales et les ressources. Il a également publié de nombreux ouvrages sur des questions comme la Constitution canadienne et l'influence des juges dans la formulation des politiques par la jurisprudence et l'interprétation des lois.

Frank s'est toujours intéressé vivement à la politique et a été candidat dans la circonscription de Vancouver Quadra, que je représente, aux élections fédérales de 1974. Il manquera beaucoup à ses collègues et aux spécialistes du droit et du gouvernement.

*  *  *

LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, la première responsabilité du gouvernement est d'assurer la sécurité et le bien-être de ses citoyens respectueux des lois. Cette responsabilité est particulièrement lourde lorsqu'il s'agit de la sécurité et du bien-être des enfants de notre pays.

Toutefois, un juge de la Colombie-Britannique a décidé que le droit des enfants d'être protégés est moins important que les prétendus droits de certains adultes qui veulent regarder de la pornographie juvénile.

 

. 1400 + -

Une telle exploitation des enfants répugne la majorité des Canadiens, mais le gouvernement dit que nous avons le temps de soumettre la décision de ce juge à d'innombrables appels dans nos tribunaux engorgés. La décision ne touche que la Colombie-Britannique et non le reste du Canada.

Les députés peuvent-ils imaginer qu'un secrétaire parlementaire aurait fait une telle déclaration si la décision avait été rendue en Ontario ou au Québec?

Les Canadiens en ont assez de voir les politiciens laisser les tribunaux faire nos lois au lieu du Parlement. La Chambre fait adopter des mesures législatives à la hâte quand bon lui semble. Pourquoi faudrait-il prendre plus de temps pour agir afin d'empêcher la pornographie juvénile?

*  *  *

LA SEMAINE DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Monsieur le Président, des activités ont lieu un peu partout au Canada cette semaine dans le cadre de la Semaine du développement international.

Le thème, cette année, est: Venez célébrer l'action du Canada dans le monde! Ce thème a été choisi pour honorer les milliers de Canadiens qui ont contribué de façon durable au développement à l'étranger.

Parmi les nombreux groupes qui contribuent activement au développement international, on compte des organisations non gouvernementales, des établissements professionnels et des établissements d'enseignement, des églises et des entreprises.

Les activités qui auront lieu cette semaine créeront une ambiance propice au développement de liens plus étroits, des liens d'amitié au sein de la communauté internationale.

Je suis heureux de me joindre à mes collègues à la Chambre des communes pour encourager les Canadiens de toutes les régions à participer aux célébrations qui auront lieu dans leurs quartiers respectifs.

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LA NORDICITÉ

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, le sommet mondial sur la Nordicité se tient cette semaine à Québec. Le Canada est un hôte tout indiqué pour célébrer les régions nordiques et polaires.

Québec est l'endroit parfait pour tenir ce sommet puisque le mot Nordicité a été créé par un éminent intellectuel québécois, M. Louis-Edmond Hamelin.

M. Hamelin a créé un index de la Nordicité qui permet de mesurer les réalités physiques et sociales du Nord mais également d'évaluer la sévérité des conditions de vie dans diverses régions nordiques. L'index permet, par exemple, aux employeurs d'évaluer les conditions de vie et de travail des personnes affectées dans des régions nordiques précises.

L'index créé par M. Hamelin a grandement contribué à stimuler la pensée créatrice concernant la vie sous les latitudes élevées.

Nous espérons que les participants au sommet mondial sur la Nordicité auront un séjour plaisant et productif à Québec et au Canada, lieu de naissance de Louis-Edmond Hamelin.

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LA CRÉTION D'EMPLOIS

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Monsieur le Président, l'annonce d'un prêt du gouvernement canadien à deux entreprises locales exploitées par d'anciens employés de l'usine d'Énergie atomique du Canada limitée de Pinawa a permis de créer 18 emplois à temps plein dans ma circonscription.

Acsion Industries devrait également créer 14 emplois à temps plein au cours des trois prochaines années. Cette entreprise a récemment trouvé des débouchés commerciaux internationaux pour sa technologie à faisceaux électroniques, qui est utilisée pour réparer des pièces dans l'industrie aérospatiale, fabriquer de la fibre de rayonne et transformer de la fiente de porc en fertilisant.

La société Granite Internet Services incorporée, qui fournit des services Internet de haute qualité dans l'est du Manitoba, créera quatre emplois à temps plein d'ici trois ans. Cette entreprise offre un service d'accès par sélection à Internet, des services commerciaux et des services de conception pour des réseaux locaux et des sites web.

Je suis d'autant plus heureux d'appuyer ces deux nouvelles entreprises qu'elles sont la propriété d'anciens employés d'EACL, qui en assurent également la gestion. Nous recherchons précisément ce genre d'initiatives, parce qu'elles contribuent à créer des emplois et à étendre la base économique dans l'Ouest canadien.

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LE DÉCÈS DE WIARTON WILLIE

M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, Wiarton Willie, la plus célèbre marmotte au Canada, est décédée dimanche soir, laissant des milliers d'admirateurs dans le deuil en ce jour de la marmotte, ainsi que des millions de Canadiens dans le doute quant à savoir si le printemps sera hâtif.

Nous avons évidemment des ballons-sondes météorologiques et des satellites. J'ai aussi entendu les scientifiques parler de El Nino et du refroidissement global mais, pour un grand nombre de Canadiens, le seul véritable météorologue était Wiarton, notre fiable rongeur.

Celui-ci a eu une vie longue et heureuse. Il était âgé de 22 ans, ce qui est trois plus long que la durée de vie de la plupart des marmottes. Cet âge équivaut à 154 années-chiens.

Wiarton Willie aurait adoré la journée d'aujourd'hui, les foules, l'excitation et toute la publicité. Aurait-il vu son ombre? Faudra-t-il attendre six semaines avant que le printemps arrive?

Hélas, la seule ombre que notre ami a vu cette semaine est celle de la mort. Repose en paix mon petit ami poilu. J'espère que tu iras à l'endroit dans le ciel où vont toutes les bonnes marmottes, là où c'est le printemps en permanence.

Merci Willie pour toutes tes années au service de la collectivité et pour les espoirs que tu nous a donnés.

*  *  *

M. JOHN DAVIDSON

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse aujourd'hui de féliciter John Davidson, un résidant de ma circonscription, qui a terminé le 20 janvier une traversée du pays pour recueillir des fonds pour la recherche génétique. John a commencé ce qu'il a appelé Jesse's Journey—A Father's Tribute, à St. John's, Terre-Neuve, en avril dernier. Son périple, qui est une véritable source d'inspiration, a pris fin à Victoria, en Colombie-Britannique, au terme d'une marche de près de 8 300 kilomètres, d'un bout à l'autre du pays. John s'était fixé comme objectif d'amasser $10 million afin de créer un fonds qui fournirait un million de dollars par année à la recherche liée aux maladies génétiques. Celui-ci a jusqu'à maintenant recueilli plus de deux millions de dollars mais, connaissant sa ténacité, je suis convaincue qu'il atteindra son objectif, avec l'aide des Canadiens.

 

. 1405 + -

Je félicite tous les membres de la famille Davidson, ainsi que les bénévoles et les contributeurs qui ont travaillé extrêmement fort pour faire un succès de ce voyage. Je remercie aussi tous les Canadiens qui ont accueilli John au sein de leurs collectivités et qui lui ont fait une place dans leur coeur.

De concert avec tous les députés de la Chambre, je salue John Davidson pour ses efforts courageux et permanents. Celui-ci a fait naître l'espoir chez les générations futures.

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[Français]

LE MOIS DU COEUR

M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de rappeler à la Chambre, ainsi qu'à tous les Canadiens et Canadiennes, que février est le Mois du coeur.

Avec la Fondation des maladies du coeur et les provinces, Santé Canada collabore à l'initiative canadienne en santé cardiovasculaire afin d'encourager les Canadiens et les Canadiennes à adopter des modes de vie sains, et de créer des conditions de vie et de travail propices à des choix salubres.

Pour prévenir les maladies cardiovasculaires, le Canada a décidé de suivre une approche axée sur la santé publique. Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de décès et l'une des premières causes d'invalidité au Canada.

Le Canada a gagné d'importantes batailles dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires, mais il reste beaucoup à faire pour continuer à réduire les facteurs de risque liés à ces maladies: hypertension artérielle, tabagisme, taux élevé de cholestérol dans le sang et diabète.

En investissant dans la santé cardiovasculaire, nous pouvons réduire considérablement l'incidence des maladies du coeur. Et en incitant l'ensemble de la société à faire cet investissement, nous pourrons améliorer la qualité de vie d'innombrables Canadiens et Canadiennes.

*  *  *

ANNIE PERREAULT

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Monsieur le Président, Mme Annie Perreault, une jeune femme de chez nous, en Estrie, s'est mérité deux médailles aux Jeux olympiques de Nagano, dont une d'or en patinage de vitesse sur courte piste.

Depuis cette performance mémorable, Annie a été honorée à trois reprises au cours du dernier mois. En effet, le 5 janvier dernier, l'hebdomadaire La Nouvelle de Sherbrooke lui attribuait son prix «leadership 1998, modèle d'athlète». Puis, lors du gala du Mérite sportif de l'Estrie, Annie remportait, pour une troisième fois, le titre d'athlète de l'année. Enfin, le vendredi 22 janvier, lors du gala Sports-Québec tenu à Montréal, Annie a été couronnée, au niveau international, athlète féminine par excellence.

Au nom de tous les citoyens et citoyennes de la circonscription de Sherbrooke, j'offre mes plus chaleureuses félicitations à cette athlète qui fait connaître notre région partout dans le monde et, qui, par sa passion pour le sport et ses efforts soutenus, a su atteindre les sommets.

Merci beaucoup Annie, et bonne chance pour les compétitions à venir.

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[Traduction]

LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, hier, en réponse à une question au sujet de la décision sur la pornographie juvénile rendue par le tribunal de la Colombie-Britannique, la ministre de la Justice a déclaré qu'il serait stupide et buté de court-circuiter le processus d'appel.

À l'extérieur de la Chambre, elle a déclaré que les députés de l'opposition soulevaient des craintes inutiles relativement à cette question car la décision ne lie que les juges des cours inférieures de la Colombie-Britannique, ce qui a amené le rejet d'une accusation et la mise en suspens de 40 causes.

Comme c'est si souvent le cas, le gouvernement oublie que la Colombie-Britannique fait partie du Canada. Je peux garantir à la ministre que les habitants en Colombie-Britannique n'apprécient pas que leur province soit l'un des rares endroits du monde où la pornographie juvénile est légale.

La ministre ne comprend-elle pas qu'on doit exploiter sexuellement de véritables enfants pour produire de la pornographie juvénile? Croit-elle vraiment que les efforts pour protéger les enfants à l'heure actuelle sont butés et stupides? De quel côté est-elle?

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[Français]

LE PROGRAMME FONDS DU CANADA

M. Raymond Lavigne (Verdun—Saint-Henri, Lib.): Monsieur le Président, le 13 décembre dernier, le ministre du Développement des ressources humaines et la ministre du Travail procédaient au lancement du Fonds du Canada pour aider les Canadiens et les Canadiennes à trouver de l'emploi.

Dans un contexte de mondialisation des marchés et d'ouverture de toutes sortes, notre gouvernement estime qu'il importe à la population canadienne de profiter au maximum des opportunités qui s'offrent pour améliorer notre qualité de vie.

Les régions présentant un taux de chômage d'au moins 10 p. 100 bénéficieront de ce programme. Pour le Québec, ces villes sont Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke et Montréal.

 

. 1410 + -

En modifiant ce programme pour inclure davantage de communautés, le gouvernement du Canada reconnaît la nécessité de stimuler l'emploi et de réduire le taux de chômage, en adoptant une stratégie qui favorise la croissance économique au Canada.

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[Traduction]

LE DÉCÈS DE M. ALAN JOHN SIMPSON

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, il y a 59 ans, Alan John Simpson est né à Winnipeg. C'était un jeune garçon athlétique et actif jusqu'à ce qu'il soit frappé par la poliomyélite à 14 ans.

Après avoir passé trois années à l'hôpital et à la maison, il a dit à ses parents qu'il voulait retourner à l'école. Alan a été le premier étudiant en chaise roulante à l'école secondaire Gordon Bell et il a ensuite obtenu un diplôme de l'Université du Manitoba.

Durant sa vie, Alan a aidé à créer 30 organismes nationaux et internationaux, y compris le Conseil des Canadiens avec déficiences.

Alan a fait tout cela avec humour, passion et bon sens. Un voisin se rappelle du jour où Alan est venu à sa rencontre en chaise roulante alors qu'il était en train de faire le tour de la propriété qu'il venait d'acheter. Alan lui a demandé ce qu'il allait placer là. Le voisin lui a répondu qu'il allait installer sa porte d'entrée. Alan a alors rétorqué que s'il installait une rampe également il serait alors en mesure de venir arroser ses plantes quand il serait absent. C'est ce que le voisin a fait.

Alan Simpson influençait les gens. À la fin des années 80, il a réclamé l'inclusion des déficiences dans la Charte canadienne des droits et libertés. En octobre dernier, il a reçu l'Ordre du Canada.

En décembre, Alan est mort à la suite de complications découlant d'une chirurgie. Je voudrais me joindre à tous les Canadiens et aux députés pour me rappeler d'Alan John Simpson, vénéré, aimé et jamais oublié.

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[Français]

LA SEMAINE DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de rappeler à la Chambre et aux populations du Québec et du Canada que c'est la Semaine du développement international.

À cette occasion, je désire rendre hommage au travail extraordinaire des ONG qui oeuvrent dans ce domaine. Leur généreuse contribution aide à soulager et à améliorer la condition de vie de millions d'êtres humains.

Mais peut-on en dire autant du gouvernement du Canada? Non. Depuis 1993, ce gouvernement a pratiqué une véritable saignée dans le budget de l'aide au développement, le réduisant de 617 millions de dollars.

Je fais appel au bon sens de la ministre de la Coopération internationale et du ministre des Finances pour que dès maintenant, la coopération internationale soit une des priorités de ce gouvernement. Si ce dernier a toujours l'intention de consacrer un minimum de 0,7 p. 100 de son PIB à l'aide au développement, tel que convenu avec l'ONU, alors, qu'il le prouve dès le prochain budget.

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[Traduction]

LE DÉCÈS DE WIARTON WILLIE

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Monsieur le Président, l'hiver est long au Canada, et nous espérons tous un printemps hâtif.

Nous célébrons aujourd'hui Groundhog Day, le jour de la marmotte. Or, Willie, notre marmotte nationale, est un résident de Wiarton, dans ma circonscription de Bruce—Grey. Je suis au regret de vous annoncer que Willie s'est éteint dimanche soir, au beau milieu du festival en son honneur. J'offre mes sincères condoléances aux gens de Wiarton.

J'aimerais lancer un appel à tous pour que l'on dise à Willie fils, qui se tenait dans l'ombre de son père, qu'il est temps de rentrer au bercail pour prendre sa relève.

*  *  *

SONG FOR THE MILLENNIUM

M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, alors que l'on parle et se préoccupe surtout des problèmes liés au passage à l'an 2000, nous avons des bonnes nouvelles dans ma circonscription de Markham.

En effet, Justin Hines, élève de onzième année à la Unionville High School, est le coauteur de la chanson intitulée Song for the Millennium, que la ville de Markham vient d'adopter comme hymne officiel pour les célébrations marquant l'arrivée de nouveau millénaire.

J'ai eu l'honneur d'assister au lancement de cette chanson du millénaire. Sa chanson nous a tant émus, dans la salle, que nous nous sommes levés pour applaudir Justin avant même qu'il n'ait fini de chanter.

Justin n'en est pas à son premier succès comme auteur-compositeur. L'an dernier, il a remporté le prix Réalisation de la chanson décerné par la chaîne YTV, et sa chanson primée, intitulée Kid at Play, a en outre été mise en candidature pour le Grammy du meilleur chanteur.

De plus, ce jeune homme de 16 ans qui se déplace en fauteuil roulant est devenu un modèle pour d'autres jeunes Canadiens handicapés.

J'aimerais féliciter Justin, au nom de tous les députés, et exhorter le vice-premier ministre, en sa qualité de ministre responsable des célébrations du millénaire au Canada, à faire de la chanson Song for the Millennium, adoptée par Markham, l'hymne officiel des célébrations canadiennes marquant l'arrivée de l'an 2000.

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LA POLOGNE

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le gouvernement pour le succès de la visite d'Équipe Canada en Pologne. C'est la première fois qu'un premier ministre canadien se rend en Pologne.

En tant que Canadienne d'ascendance polonaise, j'ai été très honorée d'accompagner le premier ministre et le ministre du Commerce international, ainsi que des entrepreneurs canadiens dynamiques, dans ce pays fier et prospère.

Nos hôtes ont admiré notre budget équilibré et les faibles taux d'intérêt qui donnent sa force à l'économie canadienne et stimulent la création d'emplois.

 

. 1415 + -

Le fait que le premier ministre se soit vu décerner un doctorat honorifique en sciences économiques est peut-être passé inaperçu parmi les députés de l'opposition, mais certainement pas en Pologne. Les gens d'affaires polonais sont résolus à renforcer le partenariat économique entre nos deux pays.

Stolat. Puissent nos deux pays connaître un siècle de prospérité.



QUESTIONS ORALES

[Traduction]

LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la pornographie juvénile est un poison. La ministre essaie de justifier une autre longue bataille juridique au sujet de toute cette affaire.

C'est peut-être le rêve d'un avocat que de voir cette tragédie se jouer devant les tribunaux, mais c'est à nous, en tant que parlementaires, qu'il incombe de protéger les vulnérables et les innocents.

Comment la ministre peut-elle attendre un jour de plus avant de rendre la possession de pornographie juvénile illégale dans tout le pays? Comment peut-elle justifier cette attente?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de corriger certaines inexactitudes. Je présume que la députée sait que la loi en question est constitutionnelle et est en vigueur dans neuf provinces et deux territoires.

Je présume qu'elle sait également que nous avons agi rapidement. Nous avons signifié notre intention d'intervenir devant la cour d'appel de la Colombie-Britannique. Le procureur général de la Colombie-Britannique a signifié son intention d'en appeler de cette décision. Il demande que l'affaire soit entendue en priorité par la cour d'appel de la Colombie-Britannique. Nous avons agi rapidement pour protéger les enfants de notre pays.

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la ministre parle de rapidité, mais son dossier n'est pas très reluisant. Elle occupe le poste de ministre de la Justice depuis 601 jours et devait se pencher sur la question de la Loi sur les jeunes contrevenants dans les plus brefs délais. Ce n'est pas là un service rapide.

Pour un enfant terrifié, un jour est trop long. Elle a le pouvoir de faire quelque chose à ce sujet. Quand mettra-t-elle fin à ce cauchemar?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je répète que le gouvernement a agi rapidement de concert avec le procureur général de la Colombie-Britannique. Cette affaire sera entendue par la cour d'appel de la Colombie-Britannique dans les plus brefs délais.

Je n'accepte pas qu'on laisse entendre que, parce que nous avons peut-être adopté une façon de procéder différente de celle préconisée par le Parti réformiste, cela veut dire que notre parti ne se préoccupe pas autant des enfants.

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la ministre sait que plus de 60 députés libéraux ont signé une pétition demandant exactement la même chose que la motion qui sera mise aux voix ce soir à la Chambre des communes.

Se peut-il que la ministre croie que l'industrie de la pornographie juvénile restera inactive pendant qu'elle règle rapidement cette affaire en passant par les tribunaux? Comment peut-elle accepter la responsabilité d'infliger un traitement aussi horrible et intolérable à un seul enfant dans ce pays? Comment peut-elle le faire?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, pour donner aux réformistes le bénéfice du doute, c'est peut-être par omission qu'ils présentent la situation de manière inexacte aux Canadiens. Par exemple...

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Nous voulons entendre la réponse de la ministre et je lui demanderais d'être prudente dans son choix de mots.

L'hon. Anne McLellan: Monsieur le Président, je répète aux députés de l'opposition que le gouvernement a agi rapidement pour défendre cette loi.

Je leur rappelle que cette disposition de la loi reste en vigueur dans neuf provinces et dans deux territoires. En Colombie-Britannique, la législation relative à la production et à la distribution de pornographie juvénile est en vigueur. Le gouvernement a agi de façon responsable pour défendre les enfants de notre pays.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, cette question est au-dessus de tout esprit de parti.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Le député de West Vancouver—Sunshine Coast a la parole.

 

. 1420 + -

M. John Reynolds: Monsieur le Président, il s'agit de protéger les enfants. Je vais citer un passage d'une lettre que plus de 70 députés de la Chambre ont envoyée au premier ministre. Voici: « Nous demandons que, dès la reprise des travaux parlementaires, vous envisagiez que soit invoquée la disposition de dérogation.»

Comment peut-on affirmer qu'il est stupide et buté—je reprends les termes de la ministre—de vouloir protéger les enfants?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la protection des enfants revêt certes la plus haute importance pour tous les députés.

Ce que j'estime être buté, c'est la façon dont le Parti réformiste choisit de politiser cet important enjeu concernant la sécurité de nos enfants. Les réformistes disent que, parce que nous adoptons une approche différente de la possibilité d'invoquer l'article 33 de la Charte, nous ne nous soucions pas des enfants. Je tiens à dire, au nom de tous les députés, que cette attitude m'indigne fortement.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, il est stupéfiant de constater à quel point les libéraux n'aiment pas la politique entre les élections.

La ministre croit-elle que toute l'industrie de la pornographie juvénile s'est arrêtée pendant qu'elle attend les procédures d'appel?

Comment la ministre peut-elle justifier, ne fut-ce qu'une journée de plus, qu'on puisse rendre légale, de quelque façon que ce soit, dans n'importe quelle province, la possession de matériel de pornographie juvénile?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ceux qui produisent ou distribuent du matériel pornographique au Canada font quotidiennement l'objet d'enquêtes et de poursuites, conformément aux dispositions actuelles du Code criminel.

La production et la distribution de matériel de pornographie juvénile sont toujours répugnantes et la possession de matériel de ce genre constitue une infraction dans neuf provinces et deux territoires.

Je répète que le fait que l'opposition décide de faire de la politicaillerie aux dépens des enfants de notre pays m'indigne profondément.

*  *  *

[Français]

L'UNION SOCIALE

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, alors que d'importantes négociations se déroulent avec les provinces sur la question de l'union sociale, nous apprenons que le gouvernement fédéral négocie avec l'opposition libérale à Québec.

Considérant que le premier ministre a plus d'un mauvais tour dans son sac quand il s'agit de négocier avec le Québec, considère-t-il que de tels procédés sont susceptibles d'améliorer le climat des négociations avec le gouvernement légitimement élu du Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je pense que communiquer avec les gens, il n'y a rien de mal à cela. J'aurais aimé parler à l'opposition, mais je ne lui ai pas parlé. Si j'en ai l'occasion, je leur parlerai et leur dirai que la proposition que nous faisons est raisonnable, que c'est du progrès pour toutes les provinces, que nous voulons investir de l'argent dans le secteur de la santé et que nous voulons que l'union sociale au Canada fonctionne mieux.

Je suis sûr que toute personne raisonnable jugera que nos propositions sont bien mieux que le statu quo que le Bloc québécois veut, en fait, garder.

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le chef du Parti libéral du Québec confirmait, il y a moins d'une heure, qu'il y a eu des contacts et de l'échange d'information entre le bureau du premier ministre et le Parti libéral du Québec.

J'aimerais savoir si le premier ministre a eu également d'autres contacts, d'autres échanges d'information avec d'autres chefs de l'opposition dans les autres provinces et, si oui, lesquels et quand?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je pense qu'ils veulent faire une querelle avec un rien. Si quelqu'un de mon bureau ou un ministre a parlé avec le Parti libéral du Québec pour leur donner des informations, je trouve que c'est très bien.

J'ai eu moi-même l'occasion de discuter de toutes sortes de problèmes avec les chefs de l'opposition, lorsque celle-ci était libérale dans d'autres parties du Canada. J'ai l'intention de continuer parce que je veux que tout le monde sache que ce que nous proposons, c'est de faire progresser le Québec et non pas de passer nos fins de semaine à essayer de parler de choses dont les gens ne veulent plus entendre, soit la séparation du Québec.

 

. 1425 + -

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais que le premier ministre nous dise si, pour lui, le monde, c'est le Parti libéral à travers le Canada.

Est-ce qu'il n'a des discussions qu'avec les chefs d'opposition qui sont libéraux, ou si c'est juste à Québec que cela se passe ainsi?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je parle avec des gens de tous les partis. M. Romanow n'est pas encore un libéral, j'espère qu'il va le devenir un jour.

Des voix: Non.

Le très hon. Jean Chrétien: Non, vous ne voulez pas? Peu importe.

M. Harris, voulez-vous qu'il devienne un libéral?

Des voix: Non.

Le très hon. Jean Chrétien: Non. Pourtant, je lui ai parlé.

Est-ce que vous voulez que M. Clark devienne un libéral?

Des voix: Non.

Le très hon. Jean Chrétien: Ah bon. Il y a aussi M. Klein.

J'ai parlé à M. Bouchard deux fois. Il a déjà été libéral dans sa vie, oui, c'est vrai.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, pour le premier ministre du Canada, s'il n'est pas capable de faire la différence entre quelqu'un qui a le statut de premier ministre et quelqu'un qui est chef de l'opposition, il y a un problème.

De ce côté-ci de la Chambre, pour nous, ça sent comme les cuisines du Château Laurier en 1981. Ça ne sent pas bon pour le Québec.

On demande au premier ministre quelle garantie nous avons qu'il n'y aura pas une répétition de la stratégie habituelle du premier ministre qui consiste à négocier avec tout le monde, sauf avec le Québec, pour isoler le Québec.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis convaincu que le chef du gouvernement à Québec parle de temps en temps au Bloc québécois.

On nous dit qu'il reçoit tous les jours ses instructions de M. Bouchard. Il a même reçu des instructions de M. Bouchard de tenir M. Parizeau occupé.

[Traduction]

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

La réunion des premiers ministres sur l'union sociale qui doit avoir lieu jeudi ne sera bénéfique pour les Canadiens que si le premier ministre met suffisamment d'argent sur la table pour les soins de santé. Les Canadiens en ont assez des belles paroles. Ils en ont assez des querelles de clochers. Ils veulent que le premier ministre mette sur la table des ressources suffisantes pour rebâtir le système de soins de santé, soit un minimum cette année de 2,5 milliards de dollars.

Les Canadiens peuvent-ils compter sur le premier ministre pour ce faire?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, en général, on peut compter sur le premier ministre pour livrer la marchandise.

À preuve, le déficit désastreux de 42 milliards de dollars que nous avons réduit à zéro. Quand nous sommes arrivés, le taux de chômage au Canada était de 11,5 p. 100; il est maintenant tombé à 8 p. 100. L'inflation était de 12 à 13 p. 100; elle n'est plus que de un pour cent. On peut généralement compter sur nous.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, que va-t-il falloir faire pour forcer le premier ministre à admettre que son gouvernement a fait des ravages dans le système des soins de santé?

Aux termes du projet d'union sociale, les provinces pourront se retirer des programmes pancanadiens avec pleine compensation. Les Canadiens craignent que certaines provinces décident de ne plus participer au régime d'assurance-maladie. L'Ontario menace déjà de le faire.

Le premier ministre va-t-il promettre aujourd'hui que son gouvernement ne conclura une entente sur l'union sociale que si les importants principes de l'assurance-maladie sont pleinement protégés?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a déjà eu des discussions sur l'assurance-maladie avant que nous ne commencions. Si je me souviens bien, c'était en Saskatchewan.

Si la députée s'était un peu mieux préparée, elle aurait lu la lettre signée par tous les premiers ministre provinciaux avant que je ne leur demande de me rencontrer; ils se sont engagés à respecter les cinq principes de l'assurance-maladie. Tous les premiers ministres, quelle que soit leur allégeance politique, ont signé cette lettre.

*  *  *

LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, la décision rendue récemment en Colombie-Britannique dans une cause de pornographie juvénile exige une intervention immédiate.

 

. 1430 + -

Le premier ministre est père de famille. Je suis mère et grand-mère. Je supplie le gouvernement d'agir dès maintenant pour protéger tous les enfants canadiens contre ceux qui produisent et consomment cette pornographie répugnante.

Je demande au premier ministre d'intervenir dès aujourd'hui et de veiller à ce que la ministre de la Justice saisisse rapidement la Cour suprême du Canada de cette affaire pour qu'on y mette bon ordre immédiatement.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de constater que la députée s'inquiète de ce problème. En 1981, lorsque j'étais ministre de la Justice, j'ai proposé les premières mesures législatives sur la pornographie juvénile. Je pense connaître un peu le dossier.

À l'époque, j'ai discuté de ce phénomène au comité, et j'ai dû affronter l'opposition. Certains députés néo-démocrates ne voulaient pas que je donne suite et c'était aussi le cas de certains conservateurs. Ils disaient que cela brimait la liberté d'expression.

Je rappelle simplement à la députée que je m'occupe de ce problème depuis 1981, et je ne vais pas m'arrêter maintenant. Entre temps, je vais laisser la justice suivre son cours.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, tout le monde sait, à commencer par le premier ministre, que c'est notre parti qui a proposé la loi aujourd'hui en vigueur.

Je répète que les Canadiens d'un bout à l'autre du pays sont consternés par la décision rendue en Colombie-Britannique. Cette question est cruciale pour l'essence même de notre pays et pour les droits des enfants. Nous ne pouvons pas rester là sans rien faire tandis que des enfants sont victimes de la terrible exploitation à laquelle les soumettent ces malades. Il est temps de protéger ceux qui sont les plus vulnérables, les jeunes enfants.

Je demande au premier ministre et à la ministre de la Justice d'agir le plus tôt possible et de prendre des mesures correctives avant qu'il ne soit trop tard.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je rappelle à la députée que les conservateurs sont arrivés au pouvoir en 1984. J'étais ministre de la Justice en 1980.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Le très honorable premier ministre a la parole.

Le très hon. Jean Chrétien: Monsieur le Président, on va bientôt devoir appeler les médecins américains.

Nous avons agi très rapidement. Comme la ministre l'a dit tout à l'heure, la loi s'applique toujours. Nous allons interjeter appel devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et nous irons au besoin jusqu'en Cour suprême. De toute façon, nous allons préserver nos lois. Nous avons des tribunaux et ils rendent des décisions. Nous interviendrons après que la Cour suprême du Canada se sera prononcée.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la ministre de la Justice nous dit que la législation sur la pornographie juvénile fonctionne dans le reste du Canada.

Que fait-on des enfants de la Colombie-Britannique? Ne sont-ils pas aussi des Canadiens?

La décision de ce juge dépasse les bornes et nous pouvons y faire quelque chose ici aujourd'hui. Je ne veux plus entendre de jargon de juristes. Le premier ministre me dira-t-il aujourd'hui s'il rappellera ses whips et permettra aux membres de son caucus de voter librement sur cette question, ici, aujourd'hui?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de répéter que notre gouvernement a agi et cela, promptement, lorsque cet article du Code criminel a été supprimé. Nous appuyons le procureur général de la Colombie-Britannique.

Le procureur général de la Colombie-Britannique demande que cet appel soit envoyé au plus tôt au tribunal d'appel. Le procureur général de la Colombie-Britannique continue d'appliquer les dispositions de la loi relatives à la pornographie juvénile.

Notre gouvernement a agi.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens en ont assez du jargon des juristes alors que des enfants souffrent.

Cela me rappelle ce qui s'est passé lors du vote sur l'hépatite C. Je crains que la même chose ne se produise aujourd'hui. Beaucoup de libéraux veulent voter de telle sorte qu'on mette un terme à la pornographie juvénile.

Ma question s'adresse à nouveau au premier ministre. Quand le premier ministre permettra-t-il aux députés libéraux de l'arrière-ban et aux autres députés libéraux de voter selon leur conscience à l'égard de cette motion?

 

. 1435 + -

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de répéter, pour le bénéfice de l'opposition officielle et d'autres députés qui ont exprimé ici aujourd'hui des préoccupations que je sais légitimes, que nous nous sommes effectivement portés à la défense des enfants du Canada. Nous sommes intervenus pour en appeler de la décision de la Cour du Banc de la Reine de la Colombie-Britannique. Nous appuyons le procureur général de la Colombie-Britannique lorsqu'il demande un appel accéléré.

Le député parle de jargon de juristes. Veut-il que nous fassions simplement fi de la règle de droit et de l'application régulière de la loi?

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[Français]

LA SANTÉ

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, hier, le premier ministre affirmait à propos de la santé, et je le cite: «Tout ce que nous demandons, c'est que les provinces prennent l'argent qu'on veut appliquer à la santé et qu'elles nous garantissent que cet argent sera dépensé dans la santé.»

À partir du moment où les provinces ont déjà fourni par écrit l'assurance qu'elles vont investir dans la santé tout l'argent qui leur viendra d'Ottawa, le premier ministre ne considère-t-il pas qu'il a déjà les garanties qu'il demande et qu'il doit, en conséquence, verser l'argent à toutes les provinces?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit aussi que nous voulons que les citoyens soient clairement informés.

C'est très important pour les députés de cette Chambre qui votent les crédits d'être assurés que l'argent soit dépensé dans le domaine de la santé et qu'il ne soit pas utilisé dans d'autres secteurs.

Je sais que les provinces veulent l'appliquer, mais nous voulons avoir la garantie que les citoyens seront au courant et qu'ils seront satisfaits.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, sur quoi le gouvernement pourrait-il s'appuyer pour ne pas verser l'argent de la santé à une province, du moment que celle-ci s'est déjà engagée à respecter les cinq conditions de la Loi canadienne sur la santé, et qu'elle a aussi pris l'engagement de verser tout l'argent à venir dans le domaine des soins de santé?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député vient d'ajouter un autre facteur. Un autre élément, c'est de s'assurer de ces cinq conditions.

Nous allons nous rencontrer jeudi, et j'espère que nous en viendrons rapidement à un accord, de façon à pouvoir poser les gestes qu'on aimerait poser, qui ne sont pas faciles, parce qu'il y a d'autres priorités au gouvernement. Les premiers ministres étaient très contents d'avoir une réunion jeudi, et je suis confiant que la réunion sera très productive.

*  *  *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, nous avons entendu madame le procureur général dire qu'elle voulait maintenir la primauté du droit. Nous le voulons nous aussi.

À l'heure actuelle, en Colombie-Britannique, le principe de la primauté du droit n'a plus cours en ce qui concerne la possession de matériel pornographique exploitant des enfants. C'est un juge qui a la primauté et il n'y a plus de lois qui tiennent en cette matière.

Nous voulons maintenir la primauté du droit. La Constitution du pays prévoit que le Parlement a le pouvoir, voire la responsabilité, d'annuler les jugements irresponsables rendus par les tribunaux.

La ministre de la Justice autorisera-t-elle les députés de son parti à voter selon leur conscience sur cette motion ce soir? Oui ou non?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, le gouvernement est passé à l'action dans cette affaire, et il l'a fait rapidement.

Je voudrais clarifier le point suivant. Si le député laisse entendre que l'article en cause, dans le jugement du juge Shaw, n'est pas en vigueur en Colombie-Britannique ou qu'il lie tous les juges de la Colombie-Britannique, je voudrais éclairer sa lanterne. En fait, le jugement du juge Shaw ne lie pas...

Une voix: Remettez de l'ordre dans vos rangs.

Le Président: À l'ordre. La ministre de la Justice a la parole.

L'hon. Anne McLellan: Je voulais simplement préciser que le jugement du juge Shaw ne lie que les juges des tribunaux provinciaux de la Colombie-Britannique et qu'il ne lie pas tout autre juge, y compris le renvoi du juge Shaw à la Cour du banc de la Reine de la Colombie-Britannique.

Je le répète, le gouvernement a agi, et je demanderais à l'opposition officielle de respecter la primauté du droit.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, la ministre ne défend pas la primauté du droit. Bien au contraire, elle la mine aujourd'hui en refusant d'invoquer la souveraineté du Parlement pour défendre des enfants innocents.

Elle dit que cela ne concerne que les tribunaux inférieurs de la Colombie-Britannique. Ainsi, seulement 10 p. 100 des enfants canadiens seraient victimes de ce genre d'obscénité que constitue la possession de matériel pornographique représentant des enfants.

 

. 1440 + -

Ma question s'adresse au premier ministre. Ce soir, permettra-t-il aux députés de son parti de voter selon leur conscience? Oui ou non? Permettra-t-il la tenue d'un vote libre? Oui ou non?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, l'opposition se sert de cette motion pour tirer un avantage politique d'un problème extrêmement difficile. Les députés de mon parti refusent de recourir à des questions délicates comme celle-là pour en tirer un avantage politique et ils ne se feront pas prendre au piège tendu par le Parti réformiste.

*  *  *

[Français]

LA COMPAGNIE BELL CANADA

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, Bell Canada a soulevé la colère populaire en décidant de vendre à rabais ses téléphonistes à une société américaine.

Ces 2 400 femmes sont loin d'être assurées d'un emploi, alors que leurs conditions de travail vont diminuer dramatiquement. Or, la Loi sur les télécommunications oblige à des services de qualité et interdit la propriété étrangère.

Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie. Est-ce que le ministre entend intervenir à ce sujet?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, en vertu de la Loi sur les télécommunications, le CRTC est l'organisme chargé de veiller à la qualité des services de télécommunications offerts aux Canadiens et aux Canadiennes, y compris les services des téléphonistes, dans les deux langues officielles.

Il n'est pas nécessaire que j'intervienne. C'est le droit du CRTC d'intervenir si cela est nécessaire.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le ministre de l'Industrie a, en vertu de la loi, un pouvoir de directives dont il s'est déjà servi contre les consommateurs lors d'une décision du CRTC qui leur était favorable.

Est-ce qu'il entend se servir de ce droit de directives pour demander au CRTC des audiences publiques et servir, cette fois-ci, les consommateurs?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, il est toujours possible qu'un appel soit interjeté suite à une décision du CRTC. Si oui, il sera nécessaire que je présente une recommandation au Cabinet après la décision du CRTC.

Pour le moment, ce n'est pas ma responsabilité de dire quelque chose avant que le CRTC n'ait considéré les arguments et déterminé les résultats.

*  *  *

[Traduction]

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, 75 habitants de la réserve de Musqueam, à Vancouver, sont en train de se ruiner financièrement. Toutes leurs économies s'envolent en fumée. Bon nombre d'entre eux sont à la retraite, en mauvaise santé et ont un revenu fixe. Ils ont demandé à la ministre des Affaires indiennes d'intervenir pour les aider, mais elle a rejeté toutes les demandes de rencontre, sous prétexte qu'elle a seulement des obligations envers la bande.

Si la ministre des Affaires indiennes n'intervient pas pour aider ces gens, lequel de ses collègues le fera? Qui en face est responsable des habitants de Musqueam?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, la question concernant la première nation de Musqueam est vraiment très complexe. Il existe une relation contractuelle entre cette première nation et ceux qui vivent dans le parc de Musqueam. Un contrat rédigé en 1965 prévoyait une révision des baux 30 ans plus tard. Ces baux sont légitimes. La première nation a un droit légitime de fixer les montants des loyers. La Division d'appel de la Cour fédérale a déclaré que ces montants correspondaient à la juste valeur marchande. C'est d'ailleurs ce principe qui sera observé lors de la signature des baux.

Il va sans dire qu'en 30 ans, le prix des terrains a augmenté, ce qui crée des difficultés pour ceux qui vivent dans le parc. En ce qui me concerne, je suis heureuse de réunir les parties...

Le Président: Le député de Skeena a la parole.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, la ministre ne dit pas à la Chambre que c'est avec la ministre des Affaires indiennes que les baux sont signés.

En n'intervenant pas en faveur des habitants de Musqueam, les libéraux ne se trouvent-ils à leur dire que ces gens n'ont pas de droits, qu'il n'y a pas d'avenir pour eux dans les réserves et qu'ils peuvent aussi bien faire leurs paquets et abandonner derrière eux toute leur vie, toutes leurs économies? Est-ce que c'est bien là le message de la ministre à ces gens?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je ferai remarquer que la première nation a un droit légitime reconnu par la cour d'appel, en vertu duquel elle peut déterminer les modalités des baux dans ce cas particulier.

Je pense que mon rôle consiste à faire tout en mon pouvoir pour réunir les parties et trouver un moyen mutuellement acceptable pour la première nation d'exercer son droit légitime.

*  *  *

[Français]

L'ASSURANCE-EMPLOI

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, à la suite d'une tournée que le Bloc québécois a effectuée dans l'ensemble des régions du Québec pour rencontrer les victimes des coupures de l'assurance-emploi, le constat est lourd.

 

. 1445 + -

Le niveau de pauvreté augmente et les citoyens se sentent abandonnés par un ministre qui ne déroge pas de son discours de technocrate.

Au-delà de ses déclarations vides sur le sujet, le ministre ne comprend-il pas que le bilan de ses coupures à l'assurance-emploi se traduit par un appauvrissement systématique des sans-emploi et des régions?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous avons entrepris, comme gouvernement, une réforme extrêmement importante du régime de l'assurance-emploi et nous nous sommes engagés à rendre publique à chaque année une étude sur l'impact de cette réforme de l'assurance-emploi, parce que nous sommes conscients que cette réforme affecte des régions et beaucoup d'individus au pays.

J'aurai le privilège de déposer cette étude, au cours des prochaines semaines, ici même, à la Chambre, et nous allons pouvoir discuter bien sûr de la réalité de l'impact de cette réforme. Mais ce n'est pas aussi négatif que l'opposition veut bien essayer de le laisser croire.

*  *  *

LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, du 4 au 6 février, des parlementaires du monde entier vont se retrouver aux Pays-Bas pour discuter d'initiatives de leurs gouvernements appuyant le programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement depuis 1994.

La ministre de la Coopération internationale pourrait-elle expliquer à cette Chambre quelles sont les mesures que notre gouvernement et l'ACDI ont prises pour donner suite aux engagements de la CIPD?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, l'ACDI a fait des soins de santé pour les femmes une de ses priorités. Je dois dire que l'éducation demeure le programme qui a le plus d'effet sur la santé des femmes, puisqu'une femme qui a de l'éducation a tendance à avoir des enfants en meilleure santé, et elle en a moins.

Nous sommes des chefs de file en ce qui a trait à l'éducation des jeunes filles dans les pays en développement.

*  *  *

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, voici un autre cas de matériel désuet qui met en danger la vie des membres des Forces armées canadiennes.

Les avions à réaction T-33 et Tutor ont des sièges éjectables défectueux. Ces sièges sont tellement vieux et délabrés qu'ils mettent en danger la vie de nos pilotes.

Le ministre peut-il dire aux Canadiens ce qui est le plus précieux: remplacer les sièges éjectables, ou la vie de nos pilotes? Pourquoi ne pas acheter tout simplement de nouveaux sièges?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, la vie de nos militaires revêt évidemment la plus haute importance pour le ministère et pour le gouvernement.

Ce ne sont pas les sièges qui posent un problème, mais les parachutes. Nous équipons donc les sièges de nouveaux parachutes, de sorte que nous puissions assurer la plus grande sécurité à nos pilotes.

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, un problème chronique se fait jour dans le ministère de la Défense nationale.

Nous observons une pénurie de pilotes au sein des Forces armées canadiennes. Les instructeurs et les pilotes sont maintenant cloués au sol à cause d'un matériel désuet. Cela réduit la capacité opérationnelle des Forces armées canadiennes.

Qu'est-ce que cela prendra pour que le ministre de la Défense nationale fournisse aux hommes et aux femmes des Forces armées canadiennes les ressources dont ils ont besoin pour s'entraîner et bien accomplir leur travail?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, suivre l'avis du Parti réformiste ne contribuerait certes pas à régler les problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui, car ce parti préconisait au cours de la dernière campagne électorale d'autres réductions des dépenses dans les Forces armées canadiennes.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour assurer la sécurité de nos pilotes. En l'occurrence, nous avons dit que certains d'entre eux ne pourront pas voler tant que nous n'aurons pas remédié à ce problème. Nous voulons nous assurer que, lorsque les avions prennent l'air, ils puissent voler sans aucun danger et que nous avons réduit au minimum les risques pour nos pilotes.

*  *  *

L'ASSURANCE-EMPLOI

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Monsieur le Président, le gouvernement ne cesse de nous dire que sa réforme de l'assurance-chômage profite aux Canadiens.

Le ministre du Développement des ressources humaines pourrait-il expliquer aux chômeurs et aux propriétaires de PME en quoi le fait de retrancher 275 millions de dollars par année de l'économie du Nouveau-Brunswick et 524 millions de dollars par année de l'économie de Terre-Neuve peut leur être favorable?

 

. 1450 + -

Pendant ce temps, le gouvernement se vante de l'excédent de la caisse d'assurance-emploi. Le ministre garantira-t-il aux Canadiens que, cette année, l'excédent de la caisse d'assurance-emploi servira à augmenter les prestations de chômage et à mettre fin à l'abjecte misère que connaissent certaines familles et collectivités du Canada?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le NPD voudrait bien nous ramener aux années 1970, mais les Canadiens ne veulent pas revivre le passé.

Nous nous sommes éloignés du régime de supplément du revenu qui a poussé trop de gens à dépendre de l'assurance-emploi. Le temps était venu de changer les choses et il y a bien des gens qui nous en sont reconnaissants.

Je sais que certaines personnes en subissent les contrecoups, mais en même temps l'assurance-emploi est un programme que viennent compléter de nombreuses autres mesures. Je pense au Fonds du Canada pour la création d'emplois, qui vise à créer des emplois dans certaines des régions où le chômage est trop élevé. Nous avons aussi la stratégie Emploi jeunesse, qui aide les jeunes à intégrer le marché du travail. Ce sont là des mesures qui accompagnent la réforme de l'assurance-emploi.

[Français]

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Monsieur le Président, la réforme fait en sorte que le ministre refuse de venir visiter le Nouveau-Brunswick. Voilà les résultats de sa réforme.

Le ministre nous lance des chiffres qui sont faux. Selon des données de son ministère, dans le sud-est du Nouveau-Brunswick seulement, 12 000 prestataires se retrouveront sans revenu pour des semaines et des mois.

Le ministre va-t-il encore contredire les chiffres de son propre ministère, ou va-t-il aider les Canadiens qui sont dans la misère aujourd'hui, sans emploi et sans prestation, à cause des coupures de ce gouvernement qui n'a absolument aucune morale, aucun sentiment et qui ne s'occupe que des gens riches?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, lorsque la députée s'exprime comme cela, elle indique qu'elle ne comprend pas que le régime d'assurance-emploi est un régime d'aide temporaire. Le chiffre qu'elle utilise comprend tous les gens qui ont épuisé leurs bénéfices.

Lorsque la députée s'exprime comme cela, elle inclut tous les gens qui ont épuisé leurs bénéfices, n'ayant pas compris que le système d'assurance-emploi est un régime d'aide temporaire.

Mais nous avons d'autres outils pour ces gens. Nous avons des mesures actives pour les aider à intégrer le marché du travail. Nous avons un Fonds de création d'emplois à travers le Canada pour les aider à intégrer le marché du travail.

Ce que les gens qui ont épuisé leurs prestations d'assurance-emploi veulent, c'est d'intégrer le marché du travail. C'est la meilleure manière de se sortir de la pauvreté.

*  *  *

[Traduction]

LE COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE

M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, selon un article publié récemment dans Le Soleil, le président du Conseil du Trésor aurait dit qu'il appuierait une initiative de la ville de Québec pour essayer de recouvrer les millions de dollars consacrés à la tentative ratée de la ville d'obtenir les Jeux olympiques de 2002.

Il semble qu'un ministre savait parfaitement que le CIO était entaché par la corruption et qu'il aurait dû en aviser le Comité olympique comme il se doit.

Le président du Conseil du Trésor n'est-il pas d'accord pour dire que le gouvernement du Canada a une certaine responsabilité dans cette affaire et que, par conséquent, il devrait indemniser le Comité olympique de Québec pour les pertes subies?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai rien dit de tel, et je n'ai donc pas à commenter ces propos.

[Français]

M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, avec les récentes révélations concernant la corruption au sein du Comité international olympique, de nombreux Canadiens se demandent comment un tel scandale a pu se poursuivre. Le ministre de la Défense nationale dit qu'il n'a appris l'existence de pratiques douteuses qu'en 1991, malgré que le vérificateur de la ville de Toronto ait suggéré le contraire.

Le ministre de la Défense peut-il indiquer aux Canadiens à quel moment il a pris conscience de la corruption?

Le Président: Cette question va à l'encontre du Règlement. L'honorable député de Carleton—Gloucester a la parole.

*  *  *

LE BOGUE DE L'AN 2000

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, à l'approche rapide de l'an 2000, les Canadiens et les Canadiennes s'inquiètent de plus en plus des interruptions possibles aux services essentiels.

[Traduction]

Ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor. Où en sont les mesures que prend gouvernement à cet égard?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, nous avons sur cette question un rapport daté de décembre 1998 selon lequel le gouvernement serait maintenant prêt dans une proportion de 82 p. 100, dans le cas des systèmes essentiels à sa mission à l'échelle du gouvernement. En juin dernier, nous n'en étions qu'à 43 p. 100 environ. Nous avons fait des progrès considérables à cet égard.

[Français]

À partir de maintenant, nous allons présenter des rapports mensuels qui vont permettre à la Chambre d'avoir une mise à jour et de savoir ce qui se passe au sein du gouvernement. Nos rapports seront disponibles sur le site Web d'information sur l'an 2000.

*  *  *

 

. 1455 + -

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Monsieur le Président, les médias rapportent aujourd'hui que les entrées illégales au Canada de ressortissants chinois constituent un problème très grave. Selon la GRC et les agents de l'immigration, le trafic de personnes est en pleine expansion. Pendant que des réfugiés légitimes attendent leur tour, des individus prêts à enfreindre la loi continuent d'entrer à pleines portes au Canada.

Ma question s'adresse à la ministre de l'Immigration. Les réfugiés légitimes qui attendent patiemment leur tour ne méritent-ils pas un meilleur sort? Ne méritent-ils pas d'être les premiers acceptés?

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je dois tout d'abord dire que nous déplorons le fait qu'à l'échelle internationale, il existe un trafic illégal d'immigrants. De façon particulière, les femmes et les enfants sont victimes de ces pratiques et nous en avons une expérience présentement.

C'est pourquoi le Canada a toujours joué un rôle de chef de file pour combattre ce fléau à l'intérieur de notre pays, mais aussi à l'extérieur, au plan international.

Il est très clair que lorsqu'une personne se présente à l'entrée de notre pays en demandant la protection du Canada, demandant à être reconnue comme réfugié, nous avons l'obligation, et nous la respectons, d'étudier cette demande et de donner une réponse dans les meilleurs délais possible.

*  *  *

LA PAUVRETÉ

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

À quelques semaines de son budget, le gouvernement persiste à se dire efficace dans la lutte contre la pauvreté. Or, depuis qu'il est en place, la pauvreté n'a cessé de croître au Canada.

Est-ce que le ministre des Finances peut prendre l'engagement que son prochain budget contiendra des changements majeurs au régime d'assurance-emploi, l'une des principales causes de l'appauvrissement des familles au Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme la députée doit le savoir, lors du dernier budget, on a augmenté substantiellement la prestation nationale pour enfants, justement pour aider les familles pauvres.

Je peux assurer la députée que c'est l'intention de ce gouvernement d'être toujours concerné par les plus démunis de notre société.

*  *  *

[Traduction]

LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Ces jours-ci, dans la plupart des régions du Canada, il est si rare qu'une entreprise obtienne une subvention ou un prêt du gouvernement que c'est comme si l'heureuse élue remportait le gros lot d'une loterie. Cependant, à Shawinigan, il suffit à un homme d'affaires qui a un casier judiciaire et une mauvaise cote de crédit de téléphoner au bureau de son député pour obtenir, pas une, mais cinq subventions et deux prêts en une seule année, pour un montant total de 840 000 $. À quels critères particuliers répond cet individu? Les Canadiens ont l'impression que ces subventions, ou bien ont été accordées à un vieil ami golfeur ou bien sont de nature politique. Pourquoi le premier ministre ne fait-il pas ce qu'il dit, ne clarifie-t-il pas les choses et ne nomme-t-il pas un enquêteur indépendant qui vérifierait de quoi il retourne?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas trop certain de quoi parle le député, mais en ce qui concerne les prêts de la Banque de développement du Canada, je voudrais lui signaler certaines choses.

Le prêt a été demandé et accordé en suivant le processus normal. Les choses se sont passées à un niveau décisionnel supérieur au niveau de la succursale locale. Par conséquent, c'est un vice-président chargé du crédit qui s'est occupé du dossier. Il n'a jamais été revu par, par exemple, le conseil d'administration de la banque. Il ne s'agissait pas d'un prêt suffisamment gros. L'argent a été prêté au taux commercial pratiqué par la Banque de développement du Canada, c'est-à-dire à un taux supérieur au taux moyen sur le marché commercial. En plus, il s'inscrivait dans un plan de financement auquel participaient des prêteurs du secteur privé.

*  *  *

LES PÊCHES

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Monsieur le Président, j'ai communiqué plus tôt aujourd'hui avec le ministre des Pêches au nom du député de Cumberland—Colchester en rapport avec un projet de création d'un importante installation de mytiliculture au large de Tatamagouche, en Nouvelle-Écosse. On prévoit réserver 1 200 acres à cet effet, mais bon nombre d'habitants de l'endroit continuent de se poser des questions sur le projet et sur les répercussions qu'il pourrait avoir sur leur localité. L'année dernière, nous avons écrit au ministre des Pêches pour lui demander d'effectuer une évaluation environnementale afin de pouvoir répondre aux préoccupations des habitants de l'endroit. Le ministre est-il prêt à affirmer aujourd'hui qu'il a l'intention de répondre aux préoccupations de la localité en effectuant une évaluation des incidences environnementales d'un tel projet?

L'hon. David Anderson (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Fundy—Royal des lettres qu'il m'a fait parvenir le mois dernier et en décembre.

Aucune décision n'a encore été prise en ce qui touche l'installation de mytiliculture. Nous faisons partie d'un comité d'étude réunissant également des représentants de la province et des parties intéressées. Si par suite des études et des discussions menées par ce comité et des décisions qui y auront été prises il semble qu'une évaluation environnementale s'impose, je prendrai des mesures à cet effet en me basant sur les dispositions pertinentes de la Loi sur les pêches et de la Loi sur la protection des eaux navigables.

*  *  *

 

. 1500 + -

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

La guerre civile au Sierra Leone a connu une escalade récemment, comme en témoignent les massacres, les nombreux cas de mutilation de même que les centaines de milliers de réfugiés. Bref, il s'agit d'un épouvantable drame humain.

Le ministre peut-il dire à la Chambre ce que fait le gouvernement au Conseil de sécurité de l'ONU pour attirer l'attention sur cette terrible tragédie humaine?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de porter cette situation tragique à l'attention de la Chambre.

La semaine dernière, pendant une visite en Afrique occidentale, je me suis entretenu de la situation au Sierra Leone avec de hauts fonctionnaires. Ils ont demandé que le président du conseil soulève cette question. Je puis annoncer à la Chambre que, à la suite de consultations, la question sera abordée cette semaine au Conseil de sécurité .

De plus, dans le cadre de notre engagement, le premier ministre nous a autorisés à offrir une contribution d'un million de dollars pour les activités de maintien de la paix en Afrique occidentale, afin que nous puissions commencer à distribuer de l'aide humanitaire.

Le Président: Voilà qui met fin à la période des questions d'aujourd'hui.

Je dois me prononcer sur une question de privilège et entendre trois recours au Règlement. Je vais commencer par la question de privilège.

Hier, le député de Sydney—Victoria a soulevé la question de privilège. J'ai maintenant un dilemme. Le ministre était absent lorsque la question de privilège a été soulevée. Je constate maintenant que le député, pour une raison ou une autre, n'est pas à la Chambre. Je vais laisser la question en suspens jusqu'à ce que le ministre puisse faire sa déclaration directement, en présence de l'autre député.

Je demande au ministre d'attendre demain, lorsque le député sera présent. Je ne voulais pas que le député soulève la question en l'absence du ministre. Par souci d'équité, le ministre ne devrait pas répondre en l'absence du député.

Je passe maintenant au premier recours au Règlement, soulevé par le ministre du Développement des ressources humaines.

*  *  *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, hier, au cours de la période des questions orales, le député de Burin—St. George's a dit que les résidants de Terre-Neuve et du Labrador avaient reçu plus d'argent du compte d'assurance-emploi qu'ils n'en avaient versé dans ce compte.

Je veux fournir les vrais chiffres à la Chambre. Les Terre-Neuviens...

Le Président: Le ministre pourra probablement inclure ces chiffres dans une réponse qu'il donnera à un moment donné au cours de la période des questions orales. C'est maintenant un élément de débat.

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, j'ai besoin de votre avis relativement à un point.

 

. 1505 + -

Hier soir, au cours du débat, le secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, le député de Provencher, a déclaré que les locataires de la bande de Musqueam, à Vancouver, n'avaient pas payé de loyer depuis 1993.

Les résidants de Musqueam ont communiqué avec moi ce matin. Ceux-ci sont très offusqués. Ils disent qu'ils sont en fait très à jour dans leurs paiements de loyer et...

Le Président: Nous en sommes en train de nous lancer dans un débat. Le député pourrait peut-être faire une déclaration à cet égard demain, si cela lui convient.

Le leader à la Chambre du Parti progressiste conservateur invoque le Règlement.

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je voudrais que la présidence apporte des précisions sur une décision qui semble avoir été prise au cours de la période des questions orales au sujet d'une question posée au ministre par le député de West Nova.

Le Président: Je renvoie le député au 409(6).

[Français]

LE JUGE ROBERT FLAHIFF

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je suis persuadé qu'aujourd'hui, vous allez obtenir le consentement unanime de la Chambre, maintenant que le gouvernement a eu le privilège de lire la motion que j'ai présentée hier et au sujet de laquelle je demandais le consentement unanime, lequel je n'ai pas obtenu.

Je récidive aujourd'hui, appuyé par le député réformiste de Saanich—Gulf Islands. La motion se lit comme suit, et je demande le consentement unanime de la Chambre pour pouvoir la présenter:

    Que cette Chambre, sous réserve d'une décision en appel infirmant le jugement en première instance, recommande la révocation du juge Robert Flahiff, juge de la Cour supérieure du Québec, parce que celui-ci est inapte à remplir utilement ses fonctions pour

      a) manquement à l'honneur et à la dignité;

      b) manquement aux devoirs de sa charge de juge en vertu de certaines dispositions de la Loi sur les juges; et

      c) un manque d'intégrité, tel que le stipulent les Principes de déontologie judiciaire du Conseil canadien de la magistrature;

    Et que cette destitution ait pour conséquence immédiate de révoquer le salaire actuel et le droit dudit juge à sa pension en vertu de la Loi sur les juges.

Le Président: Est-ce que l'honorable député a la permission de la Chambre pour proposer la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

[Traduction]

L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, il y a eu des discussions entre les leaders parlementaires, et je vous saurais gré de demander le consentement unanime de la Chambre afin de revenir à la présentation des projets de loi d'initiative ministérielle. En effet, le gouvernement souhaiterait présenter aujourd'hui un projet de loi, inscrit au nom du ministre des Finances et portant sur le transfert de fonds aux provinces, pour donner une journée de plus aux députés pour mener des consultations au sujet de la mesure proposée.

Quoi qu'il en soit, la présentation de ce projet de loi est prévue. Je vous prie de bien vouloir demander le consentement unanime de la Chambre à cette fin.

Le Président: Le leader du gouvernement a-t-il le consentement de la Chambre pour présenter sa motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

 

La Chambre reprend l'étude de la motion et de l'amendement.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je me propose de reprendre où j'en étais, mais je crois néanmoins opportun d'incorporer certains éléments d'information qui nous ont été dévoilés pendant la période des questions.

Commençons par les commentaires de la ministre de la Justice, selon qui il faut laisser le processus suivre son cours. Il convient cependant de noter, tous tant que nous sommes—auditeurs, téléspectateurs et députés ministériels ou non—que l'article 33, c'est-à-dire la disposition de dérogation, fait partie du processus. Cette disposition est faite pour servir précisément dans les cas où une décision judiciaire outrepasse manifestement l'objet de la loi. Elle fait partie intégrante du processus, et l'occasion se présente aujourd'hui à la Chambre de mettre cette partie du processus à profit pour assurer la protection des enfants.

 

. 1510 + -

Selon moi, l'autre révélation intéressante découlant de la période des questions tient au fait que la ministre de la Justice a déclaré que la loi actuelle demeure valide dans d'autres régions du Canada. Nous voulons savoir ce qu'il en est de la Colombie-Britannique. Nous avons des enfants en Colombie-Britannique. Il y a des gens inquiets là-bas. Ils versent les mêmes impôts canadiens élevés que nous tous. Ils ont droit à la même protection que l'ensemble d'entre nous. Ce sont aussi des Canadiennes et des Canadiens. Voulons-nous les placer en situation de risque en ne mettant pas en oeuvre cette partie du processus? Est-ce là une façon sensée d'agir? Non, absolument pas.

Nous faisons fausse route en nous en remettant au processus judiciaire pour régler toute cette situation tragique.

J'attire l'attention de la Chambre sur un des projets de loi que j'ai présentés en Chambre et qui traite de la réhabilitation d'agresseurs sexuels connus qui s'en sont pris à des enfants. Au Canada, plus de 12 000 agresseurs sexuels ont été réhabilités. De ce nombre, plus de 700 ont été pris après avoir récidivé—et beaucoup d'autres ne l'ont pas été. Environ 400 d'entre eux avaient déjà agressé des enfants. Ils avaient déjà été condamnés et avaient été réhabilités. Leur dossier a été caché au public. Ils ont été condamnés de nouveau, une deuxième fois. Ils ont été faits prisonniers une deuxième fois.

C'est là le genre de situation qui préoccupe énormément les Canadiens. Le fait de ne pas mettre en oeuvre la disposition de dérogation et de permettre à des Canadiens de posséder ce genre de matériel affligeant est une profonde source de préoccupation pour nous tous.

Je souligne en terminant que l'on commet une erreur en faisant la promotion des libertés et en plaçant les personnes les plus vulnérables dans une situation de risque. Lorsque nous franchissons la ligne et que nous plaçons les personnes vulnérables dans une situation de risque en prônant la cause de la liberté, nous dépassons les bornes. La disposition de dérogation nous permet de corriger la situation aujourd'hui. Je prie instamment tous les députés de voter en faveur de la motion dont nous sommes saisis. Montrons clairement à tous les Canadiens que nous les soutenons énergiquement.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, je pense que le député qui vient tout juste de prendre la parole conviendra que tous les députés qui se sont exprimés jusqu'ici à la Chambre et ailleurs ont en horreur la pornographie juvénile. C'est incontestable et ce n'est pas l'objet de ce débat. Le débat porte sur le processus.

Le député a soulevé la question de la disposition de dérogation. Le député sait peut-être que les dispositions de l'article 33(1) de la charte, la clause de dérogation, ne s'appliqueraient qu'aux cas postérieurs à la date de recours. Une telle mesure n'aura aucun effet sur la décision Sharpe. Voilà pourquoi l'appel doit suivre son cours et le gouvernement fédéral devrait intervenir vigoureusement dans cette affaire en faveur du maintien de la loi.

À mon avis, la question est de savoir—et le député devrait apporter des précisions—si les lois actuelles du Canada contre lesquelles a statué le tribunal de première instance de la Colombie-Britannique étaient pertinentes ou s'il y a lieu de les modifier.

J'aimerais que le député dise clairement s'il comprend bien que la disposition de dérogation ne règle pas la question de la décision Sharpe et que le gouvernement doit agir pour faire en sorte que la décision Sharpe soit examinée.

M. Eric Lowther: Madame la Présidente, je crois bien comprendre clairement le coeur du problème qui nous occupe. Le député d'en face a dit que nous sommes tous préoccupés par la grave question de la pornographie juvénile. Mais il a ajouté que ce n'était pas l'enjeu. Il a dit que le débat portait sur le processus. Or, je dirais à la Chambre que le coeur du problème c'est bien la gravité du phénomène. L'enjeu, ce sont les victimes, les enfants. L'enjeu, c'est son incidence négative sur nos communautés. L'enjeu, ce sont tous les Canadiens qui sont affectés par le genre de décision qu'a rendue notre cour suprême. L'enjeu consiste pour la Chambre à faire tout son possible.

Nous avons aujourd'hui une occasion d'envoyer un message à tous les Canadiens et aux tribunaux: le coeur du problème, ce sont les victimes, et nous ne tolérerons plus jamais cela chez nous.

 

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M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Madame la Présidente, je partage la préoccupation exprimée par l'ensemble des députés à l'égard de la décision rendue par le juge Shaw. J'appuie sans réserve la décision du procureur général de la Colombie-Britannique de faire appel et je me réjouis de la décision du gouvernement de voir à ce que cette affaire soit examinée en appel dans les meilleurs délais et d'intervenir.

Je voudrais demander au député de Calgary de répondre à deux sujets de préoccupation qui ont été soulevés. Le premier concerne la distinction entre matériels pornographiques, ceux montrant des photos d'enfants ayant servi à leur production et les autres. Il ne fait aucun doute que c'est répugnant et qu'il faut interdire la possession de ce matériel.

La Civil Liberties Association de la Colombie-Britannique et d'autres associations de droits civils ont suggéré de faire une distinction entre ce type de matériel pornographique et les écrits qui n'utilisent pas des enfants. Qu'en pense le député?

Le deuxième problème dont je voudrais demander au député ce qu'il en pense est celui-ci. Plusieurs députés ont fait remarquer que le fait d'invoquer la disposition de dérogation et de prendre des mesures législatives immédiatement, comme le demande le Parti réformiste dans son amendement, entraverait le travail des tribunaux et serait concéder que la loi est inconstitutionnelle, qu'au lieu de cela, nous devrions nous prononcer pour le renvoi en appel de cette décision dans les meilleurs délais. En cas d'échec, nous pourrions toujours examiner la solution proposée par l'opposition officielle.

M. Eric Lowther: Madame la Présidente, je pense que la question d'essayer de déterminer quel type de matériel est acceptable et quel autre type ne l'est pas, c'est vraiment couper les cheveux en quatre. C'est d'un cas et des détails de ce cas que nous discutons réellement, aujourd'hui. Nous savons de quel type de matériel il est question dans cette affaire. C'est la décision sur cette affaire qui a révolté les Canadiens, d'un bout à l'autre du pays, et je suis heureux de le constater. Ce sont les détails et le type de matériel dont il est question dans cette affaire qui ont tellement choqué un si grand nombre d'entre nous qu'il a fallu réagir. Je suis heureux aussi de voir que des députés de tous les partis à la Chambre ont réagi pour éliminer ce type de matériel ou pour régler cette question par des moyens concrets.

M. Reg Alcock (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Madame la Présidente, je vous remercie de me donner la chance d'intervenir dans ce débat.

J'ai travaillé avec de jeunes enfants deux décennies, au début de ma carrière. À l'école secondaire, à Winnipeg, je faisais déjà du bénévolat pour ce que nous appelions alors les centres de développement communautaire. J'ai continué en me spécialisant dans les services à l'enfance. J'avais affaire à des enfants qui étaient connus comme des victimes de certains des traitements dont on parle aujourd'hui à la Chambre. En tant que directeur des services de protection de l'enfance au Manitoba, j'ai eu le privilège de faire partie du groupe qui a rédigé la Loi de 1985 sur les services à l'enfant et à la famille, au Manitoba.

J'ai eu la chance de travailler avec quelques-uns des principaux intervenants au pays dans le domaine de la violence faite aux enfants, dont Charlie Fergusson qui est connu d'un bout à l'autre du Canada comme celui qui a fait connaître ce fléau. Il était toujours prêt à lever le voile sur ce problème à une époque où personne n'osait en parler. Charlie rappelait sans cesse aux gens que dans nos communautés, des enfants faisaient l'objet de ces sévices horribles.

Pour ma part, je m'occupais principalement de venir en aide aux victimes de cette violence physique et sexuelle pour qu'elles se remettent et retrouvent leur équilibre et pour qu'elles puissent faire face à la situation terrible qu'elles avaient vécue.

Le député de Burnaby a demandé à un député réformiste s'il y avait une différente entre divers genres de pornographie juvénile.

 

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Bien que je puisse comprendre les arguments présentés par les défenseurs des libertés civiles relativement à toute la question de la liberté et des expériences sexuelles, je crois néanmoins qu'il y a matière à préoccupation lorsque nous tentons de réprimer trop sévèrement certaines informations ou discussions.

En tant que communauté, nous établissons une distinction entre les actes qui se produisent entre adultes et ceux qui touchent les enfants. Je n'ai pas de difficulté à établir cette distinction. Je n'ai aucune difficulté à m'opposer à toute forme de pédopornographie, à toute description d'actes sexuels avec des enfants.

Le Canada affirme depuis longtemps que les enfants méritent un statut particulier et qu'ils doivent en jouir et qu'en raison de leur grande vulnérabilité, nous devons les protéger. En dépit de tous les discours que nous avons entendus depuis deux heures, je ne crois pas qu'il y ait un seul député qui puisse croire le contraire.

Je trouve regrettable de prendre la parole une fois de plus à la Chambre au sujet d'une motion que le Parti réformiste a présentée en se faisant le défenseur de la vertu, de la bonté et de la droiture, car ce n'est rien de plus qu'une mesquine manoeuvre politique visant à mettre les gens dans l'embarras, faire ressortir les divergences d'opinions et nous placer dans une situation embarrassante au sujet d'une question extrêmement importante et délicate.

On n'aurait même pas reconnu l'existence du problème il y a 25 ou 30 ans au Canada, lorsque j'ai commencé à travailler. Personne ne parlait du fait que des jeunes filles étaient agressées sexuellement par leur père ou par d'autres hommes. Nous avons encore de la difficulté à faire adopter, au Canada, des lois qui criminalisent les relations sexuelles entre un homme et un enfant. Tenons-nous des débats sur des questions de ce genre? En entendons-nous parler?

L'opposition officielle profite du plus récent événement qui fait scandale pour réclamer toutes sortes de mesures à la Chambre des communes.

Ce genre d'attitude me laisse fondamentalement perplexe parce qu'elle me fait penser au comportement qu'adopte un gang de lynchage chaque fois que quelque chose de choquant survient au sein de la communauté. Si nous voulons faire notre travail de législateurs, si nous entendons exercer le leadership que les Canadiens attendent et méritent de la part de la Chambre et du système législatif et judiciaire que nous avons créé, nous devons délibérer de façon calme et pondérée. Nous devons, pour nous-mêmes et pour nos concitoyens, laisser fonctionner le système.

Une erreur a été commise. Un juge a rendu une décision erronée qui devra être renversée le plus rapidement possible. Je crois justement qu'il existe un processus qui permet de le faire. Il existe un processus d'appel, et le gouvernement a convenu d'accélérer le processus. Nous avons exprimé les inquiétudes que nous inspirent les questions au coeur du débat actuel.

Au-delà de cela, il s'agit de pas grand-chose de plus qu'un effort pour faire les manchettes. Je m'attriste de voir qu'on veuille profiter d'une question qui revêt une importance aussi fondamentale pour la vie des jeunes enfants pour parvenir à ces fins.

Il se produit tous les jours et toutes les semaines au Canada beaucoup de choses qui nous déplaisent, comme lorsqu'un chauffard ivre brûle un feu rouge et tue quelqu'un. Nous réagissons tous de façon émotive à ces incidents, que nous détestons. J'ai deux fillettes, âgées de quatre mois et de six ans. Je trouve répugnant de leur associer l'idée de pornographie. Je leur dois cependant de ne pas faire ce qui se faisait autrefois, soit descendre dans la rue à la lueur des torches et pendre le premier venu.

Nous avons un système juridique et un système judiciaire qui nous permettent de réfléchir à ces questions et de procéder d'une façon judicieuse, prudente et responsable. Tout ce que nous disons en l'occurrence, c'est qu'un tel processus existe.

Franchement, je trouve également un peu attristante l'image du système judiciaire que les députés du Parti réformiste évoquent sans cesse à la Chambre des communes. J'ai travaillé en association avec la magistrature et j'ai assisté à maintes reprises aux séances des tribunaux sur ce genre de causes, et j'ai observé les juges et les procureurs aux prises avec ces questions. Je pense que notre système judiciaire nous sert très bien au Canada. Quand des juges prennent des décisions qui font planer des doutes sur leur sagesse, l'appareil judiciaire dispose de mécanismes pour y remédier. Quand il ne le peut pas, nous devrions agir. Si nous en arrivons là dans ce cas-ci ou dans tout autre, nous agirons. Mais nous devrions le faire après mûre réflexion, en appliquant notre intelligence à ces questions dans l'espoir de trouver une solution, plutôt qu'en exploitant l'émotion momentanée que nous ressentons tous quand nous apprenons qu'un crime aussi répugnant et méprisant a été commis contre un membre de notre communauté.

 

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J'exhorterais une fois de plus le Parti réformiste à se montrer un peu plus prudent, à prendre une grande respiration. Quand il suscite un débat, qu'il le fasse après y avoir mûrement réfléchi, en avoir pesé les conséquences et avoir songé aux résultats visés.

Le Parti réformiste souhaite-t-il vraiment que nous recourions à la clause de dérogation chaque fois que le gouvernement fédéral est offensé par quelque chose qui se produit quelque part dans les provinces? Est-ce là son but? Le Parti réformiste souhaite-t-il que nous réagissions immédiatement à toute mesure qui ne nous plaît pas? Ou bien le Parti réformiste préfère-t-il que nous respections les lois que nous créons et dont nous sommes responsables?

Je partage mon temps avec un autre député.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Madame la Présidente, le discours précédent montre le véritable problème qui se pose à la Chambre. On essaie de paraître raisonnable, mais l'inaction est inadmissible.

Je n'essaie pas de faire les manchettes. Ce qui ferait vraiment les manchettes à l'heure actuelle, ce serait de voir les libéraux revenir sur leur position et réagir de façon responsable relativement à cette question.

Quelle est la principale question en jeu en l'occurrence? La pornographie, particulièrement la pornographie juvénile, est-elle un sujet de préoccupation? A-t-elle des répercussions négatives sur la société, surtout en Colombie-Britannique à l'heure actuelle? La réponse est oui. Est-ce que des gens seront en péril à ce stade-ci si nous n'agissons pas? Oui. La pornographie a-t-elle une place utile dans notre société? Non, à mon avis.

Nous devons nous demander s'il y a lieu de maintenir les lois l'interdisant. Je crois que oui. S'il y a une lacune dans ces lois à cause d'une décision d'un tribunal, nous devons agir immédiatement.

Il est tout à fait improductif de la part de nos vis-à-vis de nous accuser de tenir des propos alarmistes et de lancer toutes sortes d'autres accusations. Si nous voyons qu'un problème se pose dans la société, nous devons assumer nos responsabilités et nous devons agir pour y remédier. C'est ce que nous essayons de faire à l'heure actuelle. Nous invitons nos vis-à-vis à examiner ce que nous avons à dire. Je ne peux croire que les députés d'en face puissent minimiser la gravité de cette question et ne pas l'aborder de façon responsable.

Il est répréhensible de s'en remettre simplement aux tribunaux. Ces derniers ont tort et nous devons agir immédiatement. Le Parlement envoie des signaux à la société. Il dit aux gens ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Nous devons envoyer le bon signal à l'heure actuelle. Nous sommes le plus haut tribunal du pays et il est à peu près temps que nous assumions cette responsabilité.

Est-ce que les tribunaux inférieurs commettent des erreurs? Oui. C'est pourquoi il existe des instances supérieures. Nous devons agir maintenant dans cette enceinte. La pornographie juvénile doit demeurer un crime. Qu'est-ce qui pourrait bien nous motiver à ne pas agir? C'est la question que je pose à notre vis-à-vis. Pourquoi n'agirions-nous pas dès maintenant?

Des pédophiles circulent librement en ce moment. Des décisions ont été rendues. Les policiers ne poursuivent plus les intéressés à cause de la décision du tribunal. C'est grave, car cette absence d'application de la loi a déjà des répercussions très négatives. Ne devrions-nous pas agir le plus rapidement possible?

M. Reg Alcock: Madame la Présidente, je crois que le député a commencé par dire qu'il ne tenait pas à faire quoi que ce soit pour enflammer le débat, qu'il n'était pas ici pour attiser le feu. Puis, il a dit que, aujourd'hui, en Colombie-Britannique, des pédophiles circulent librement à cause de cette loi. Cela n'a absolument aucun sens. Il faut voir les choses telles qu'elles sont. Cette loi interdit la possession de matériel de pornographie juvénile. La personne était accusée de possession de pornographie juvénile. Ce n'est pas quelque chose de beau. Je l'ai dit plusieurs fois. Les députés de ce côté-ci de la Chambre l'ont dit aussi. Je vais tirer les choses au clair pour les députés d'en face. Les députés de ce côté-ci de la Chambre ont pris la parole un après l'autre...

 

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Une voix: Ne soyez pas moralisateur.

M. Reg Alcock: Je serai aussi moralisateur que vous l'êtes. Apprenez une fois pour toutes à présenter des arguments valables à la Chambre et cessez de jouer ces petits jeux ridicules.

Il est absolument incroyable qu'ils prétendent être les défenseurs de la droiture et de la justice et qu'ils fassent de telles déclarations à la Chambre.

Lorsque le député a pris la parole, il a parlé d'inaction. Quelle inaction? Le procureur général de la Colombie-Britannique en a appelé de la décision immédiatement. Notre ministère de la Justice est intervenu pour accélérer le processus.

M. Derrek Konrad: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je ne sais pas si le député enfreint le Règlement en s'adressant ainsi directement aux députés de ce côté de la Chambre.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je rappelle au député qu'il doit adresser ses remarques à la présidence.

M. Reg Alcock: Madame la Présidente, je peux peut-être reprendre la remarque que j'étais en train de faire lorsque j'ai commis l'erreur. Madame la Présidente, je crois que le député d'en face agit de façon irresponsable en tentant d'attiser le débat ainsi.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Madame la Présidente, le Parti réformiste demande au Parlement et au gouvernement d'adopter une loi pour invalider la décision rendue par un tribunal inférieur de la Colombie-Britannique dans une affaire de pornographie juvénile.

La motion invite le gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires pour rétablir une loi et invoquer l'article 33 de la Constitution, communément appelé la disposition de dérogation.

Il serait sans doute utile pour tous les députés de la Chambre de passer en revue les articles de la loi qui s'appliquent dans ce cas, en particulier l'article 163.1, qui définit la pornographie juvénile. Aux termes de cet article, «pornographie juvénile» s'entend, selon le cas:

      ...de toute représentation photographique, filmée, vidéo ou autres, réalisée par des moyens mécaniques ou électroniques:

    i) soit où figure une personne âgée de moins de 18 ans ou présentée comme telle et se livrant ou présentée comme se livrant à une activité sexuelle...

L'individu a été accusé en vertu de deux paragraphes. Le premier est le paragraphe (3), qui stipule:

    Quiconque importe, distribue, vend, ou a en sa possession en vue de la distribution ou de la vente, de la pornographie juvénile est coupable...

Le deuxième est le paragraphe (4), qui stipule: «Quiconque a en sa possession de la pornographie juvénile». Il y a donc deux infractions, soit la possession dans un but précis et la possession simple. Comme je le disais, M. Sharpe a été accusé aux termes des paragraphes (3) et (4), c'est-à-dire de possession à des fins de distribution et de possession de pornographie juvénile.

Je signale que la semaine dernière, la Cour fédérale d'appel des États-Unis a cité la loi canadienne en des termes favorables qui appuient la constitutionnalité de cette loi.

La pornographie juvénile est une plaie dégoûtante aux yeux de tous les députés. Nous devons y mettre un terme. Tant les États-Unis que le Canada se sont attaqués à ce problème.

M. Sharpe a invoqué, pour sa défense, les libertés fondamentales et, plus précisément, la liberté de conscience reconnue à l'alinéa 2(a), la liberté d'expression et d'opinion reconnue à l'alinéa 2(b), la liberté d'association reconnue à l'alinéa 2(d) et il a également invoqué le paragraphe 15(1), qui reconnaît l'égalité devant la loi. Il a invoqué, toutes ces dispositions contre l'accusation de possession. En ce qui concerne l'accusation de possession à des fins précises, il a invoqué l'alinéa 2(b).

La Couronne a reconnu que l'article 1 limite les libertés reconnues dans la Charte et que les droits et libertés des citoyens canadiens peuvent être restreints par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Puis, le juge analyse les preuves présentées.

 

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Le paragraphe 3, possession en vue de la distribution ou la vente, a été retenu comme constitutionnellement valable et je n'en parlerai pas. L'article qui préoccupe les députés d'en face concerne ce que l'on appelle la simple possession. Il a été trouvé nul et non constitutionnel. J'ai cru qu'un examen de la décision s'imposait, compte tenu du genre d'argumentations dont semble se gargariser la Chambre.

À la page 7 du jugement, il est dit que la pornographie explicite impliquant des enfants présente un danger pour les enfants parce que les pédophiles s'en servent pour séduire. Des enfants sont exploités sexuellement parce qu'on produit des films ou des vidéos pornographiques. Le matériel de pornographie extrêmement érotique incite certains pédophiles à commettre des infractions. Il aide aussi certains pédophiles à calmer leurs pulsions sexuelles refoulées.

Il est impossible de déterminer lequel de ces deux effets est plus important. Le matériel de pornographie légèrement érotique semble inhiber le comportement agressif. La pornographie juvénile peut contribuer à augmenter ou à renforcer les distorsions cognitives des pédophiles. Rien ne prouve toutefois que le tort causé aux enfants augmente parce que la pornographie augmente ou renforce les distorsions cognitives des pédophiles. La diffusion d'écrits conseillant ou prônant les infractions sexuelles contre les enfants met les enfants en danger.

La Couronne a reconnu que la liberté d'expression est ainsi enfreinte, mais a soutenu qu'il s'agit d'une limite raisonnable dans les limites de la loi. La seule cause citée est celle du procureur général contre Langer. Dans cette affaire, la loi a été jugée valide. L'article 163.1 a, de façon explicite, été jugé valide et, par la suite, les tableaux ont été remis à l'accusé.

Au sujet de cette affaire, le juge Shaw maintient que le juge McCombs n'a pas fait de test de «proportionnalité». Un test de proportionnalité n'est rien d'autre qu'une analyse du rapport entre les risques et les avantages. Autrement dit, une étude soupesant l'objectif de la loi et ses effets. La question qui se pose est la suivante: allez-vous utiliser un outil législatif, comme le code criminel, pour réprimer le comportement controversé, étant donné ce que dit la charte.

Dans sa décision, le juge mentionne plusieurs autres tests, mais conclut que, à son avis, il convient, dans la cause qu'il doit juger, d'appliquer le test de proportionnalité afin de mesurer les effets néfastes et les effets bénéfiques de la prohibition et de la possession de matériel de pornographie juvénile.

Après s'être livré à une évaluation, il conclut qu'aucune preuve ne permet de démontrer un accroissement important du danger auquel sont exposés les enfants au regard de la confirmation ou de l'augmentation de la distorsion cognitive causée par la pornographie. C'est là une conclusion qui inspire de sérieuses réserves à bon nombre d'entre nous. Je cite:

    Aucune preuve ne permet de démontrer un accroissement important du danger auquel sont exposés les enfants au regard de la confirmation ou de l'augmentation des distorsions cognitives causées par la pornographie. Rien ne prouve que des images «légèrement érotiques» sont utilisées dans les «soins de toilette». L'idée selon laquelle du matériel qui préconise ou qui conseille des crimes à caractère sexuel avec des enfants a pour effet d'augmenter l'incidence de tels crimes repose uniquement sur des hypothèses. Certains pédophiles utilisent la pornographie sexuelle explicite pour se libérer de la tension sexuelle qu'ils refoulent. Quelqu'un qui est porté à agir au gré de ses fantaisies le fera probablement indépendamment de la disponibilité de pornographie. Rien ne prouve qu'on produira beaucoup moins de pornographie juvénile si sa simple possession est criminalisée.

Je crois humblement que le juge fait erreur. À mon avis, la Chambre croit que le juge a tort. En fin de compte, c'est de valeurs dont il est ici question. Le Parlement a certainement le droit de penser qu'il peut créer le climat dans lequel il souhaite voir grandir les enfants canadiens.

Les enfants ne devraient pas être victimes des fantasmes des adultes ni de leur exploitation; c'est là un faux critère. Il n'y aura jamais de critère empirique selon lequel si A possède la pornographie juvénile, B en souffrira. Cela n'est pas acceptable. Nous sommes des êtres humains. Cela ne fonctionne pas. Le critère semble objectif, mais je pense qu'il repose sur une grande naïveté. Ce n'est rien d'autre qu'une fiction légale.

 

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Il appartient au Parlement d'exprimer son point de vue et de dire que ce critère est insensé et que les Canadiens estiment que la possession de ce genre de matériel est préjudiciable et dégradante pour notre société.

Je ne puis faire mieux que citer une lettre qui a été adressée aujourd'hui à mon collègue, le député de Greenwood—Broadview, par M. Danson, l'avocat des Mahaffy et des French, qui devrait bien connaître cette question. Il dit ceci dans sa lettre:

    La Cour suprême du Canada et la Cour suprême des États-Unis en sont venues à la conclusion que l'utilisation d'enfants pour produire des images sexuelles constitue de la violence faite aux enfants. Plus simplement, la pornographie juvénile est un produit direct de la violence faite aux enfants et constitue une preuve permanente de l'exploitation sexuelle des enfants.

Comme le juge Shaw en est venu à la conclusion que l'on sait, il s'en suit que l'étude des effets néfastes se fera pour la forme. Le juge Shaw estime que la violation des libertés personnelles et de la vie privée est profonde et, en conséquence, par un raisonnement tordu, il se sert de ses constatations précédentes comme fondement de sa conclusion voulant que les effets néfastes de la violation de la vie privée l'emportent sur la question concernant la possession. Comme mon temps est limité, je ne citerai pas la décision en question.

Je suis d'avis que les constatations du juge Shaw sont erronées. Il invoque un critère erroné, ce qui l'a amène à des conclusions absurdes. Je propose à tous les députés d'appuyer madame le procureur général dans son intervention et d'attendre la décision de la cour d'appel. La Chambre ne peut faire qu'une chose qui soit plus absurde que le raisonnement du juge Shaw. C'est appuyer cette motion.

Enfin, je voudrais citer la dernière page de la lettre de M. Danson.

    Je sais qu'en présentant cette motion au Parlement aujourd'hui, ils sont motivés par des intentions légitimes, honnêtes et bonnes, mais je dois vous dire que, dans cette affaire, la ministre de la Justice a tout à fait raison et que vous devriez l'appuyer sans réserve.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Madame la Présidente, je félicite l'honorable député de Scarborough-Est pour la logique de son hypothèse et la justesse de son raisonnement. Il ne nous a pas été donné d'en entendre beaucoup de ce genre de la part des ministériels aujourd'hui.

Toutefois, je ne suis pas d'accord avec la conclusion qu'il tire de son hypothèse de départ, à savoir que la seule conclusion possible est qu'il faut appuyer l'intervention du procureur général dans cette affaire. Vu l'hypothèse qu'il a posée, ce n'est pas la seule conclusion possible. La décision du juge Shaw est erronée. C'est une mauvaise décision et beaucoup de gens la contestent. Le député a dit qu'il n'était pas d'accord avec le juge Shaw. Par ailleurs, il a dit très clairement que la production de pornographie juvénile créait une preuve tangible des mauvais traitements infligés aux enfants et de la façon dont ils ont été violentés pendant la production.

Le député ne convient-il pas que, en ne prenant pas de mesures immédiates et en attendant que le processus en cours soit mené à bien, même s'il est accéléré, le procureur général permet que ce genre de mauvais traitements se perpétue en Colombie-Britannique? Je sais qu'il a une formation juridique. Il sait que les affaires qui font jurisprudence dans une administration sont souvent citées plus tard dans d'autres administrations à titre de précédents.

Ne convient-il pas que ce jugement et la décision de ne pas intervenir maintenant font que les enfants vont continuer à être exploités, particulièrement en Colombie-Britannique?

M. John McKay: Madame la Présidente, je remercie le député de sa question.

D'abord, la décision a été rendue le 13 janvier. Sauf erreur, au courant de cette semaine-là, le procureur général de la Colombie-Britannique a interjeté appel de cette décision. La semaine suivante, une semaine avant la reprise des travaux parlementaires, le procureur général du Canada est intervenu dans le processus d'appel pour maintenir la constitutionnalité de la loi. Je ne peux songer à une réaction plus rapide que celle-là. Quand à savoir si nous devrions recourir à la bombe nucléaire, si on peut dire, qu'est la Constitution pour lutter contre la possession de matériel pornographique, je crois que c'est une réaction gravement exagérée. Cette conclusion n'est pas justifiée dans les circonstances. À mon avis, cette décision n'a aucune valeur jurisprudentielle.

 

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Elle a été rendue par la cour de première instance de la Colombie-Britannique. Il s'agit d'une décision d'une cour inférieure. Si elle est maintenue, l'argument des députés aura beaucoup plus de poids. Mais j'estime que la décision n'a aucune valeur jurisprudentielle ni dans d'autres cours provinciales ni pour les autres juges. Il s'agit d'une simple décision isolée. J'estime respectueusement que le procureur général du Canada et le procureur général de la Colombie-Britannique ont réagi à temps.

Invoquer la disposition de dérogation de la Constitution pour annuler cette décision est une réaction démesurée à l'infraction que nous voulons tous voir punie.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Madame la Présidente, je rejette cette analogie entre la bombe nucléaire et la disposition de dérogation. Si nous voulons faire comprendre au judiciaire que la suprématie parlementaire en matière législative veut dire quelque chose, et si nous voulons faire passer le même message au grand public, l'occasion idéale est toute trouvée, lorsqu'une décision va à ce point à l'encontre de la sensibilité commune.

J'essaie de comprendre pourquoi tant de députés d'en face, dont celui-ci, sont tellement convaincus qu'il s'agit d'une réaction exagérée. Pourquoi cette réaction est-elle excessive?

M. John McKay: Madame la Présidente, la première réaction ne doit pas être excessive. Il faut d'abord prendre connaissance de la décision, qui fait 21 pages, et étudier le raisonnement du juge. Si nous l'étudions, nous constaterons sans peine qu'il ne tient pas. C'est la première chose à faire. Nous ferions bien aussi de lire les observations de M. Dosanjh qui attaque le raisonnement du juge dans cette affaire. C'est la première réaction qui convient, une réaction mesurée. Il est complètement déplacé de recourir à l'article 33 dans ce cas-ci.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Madame la Présidente, je félicite le député de Scarborough-Est pour ses paroles réfléchies et sensées.

Il n'a pas répondu de façon absolument convaincante à la question de savoir pourquoi il estime que le recours à l'article 33 constitue une réaction exagérée. Il n'a fait que réitérer ce qu'il avait déjà dit. Cependant, son ton convenait tout à fait puisqu'il s'est abstenu, contrairement à son collègue de Winnipeg-Sud, de se lancer dans un discours partisan, comme on en entend malheureusement trop, et qui se ramène à un procès d'intention fait aux personnes qui, comme moi, se sentent fortement interpellés par le sujet.

Une voix: Venant de vous, c'est du nouveau. Comme si vous étiez tout à fait impartial dans vos commentaires.

M. Jason Kenny: Comme j'étais sur le point de le dire à ma vis-à-vis, je ne doute pas un seul instant que la position des députés ministériels repose entièrement sur les meilleures des raisons. Ils font primer le pouvoir des juges par opposition à nous qui faisons primer le pouvoir du Parlement. C'est un débat tout à fait légitime dans une démocratie.

Je ne veux pas fustiger mes vis-à-vis parce qu'ils arrivent à une conclusion différente de la mienne. Je les invite à faire preuve d'une sérénité semblable dans un débat d'une aussi grande importance.

Le député de Winnipeg-Sud a fustigé l'opposition officielle parce qu'elle réclame une intervention immédiate dans sa motion. Je vais revenir sur la motion étant donné que personne ne l'a lue depuis un certain temps. Nous demandons simplement «que le gouvernement prenne des mesures immédiates pour rétablir la loi qui a été annulée récemment par une décision de la Cour de la Colombie-Britannique concernant la possession de matériel pornographique juvénile même s'il faut—pas nécessairement mais même s'il faut—, pour cela, invoquer l'article 33 de la Loi constitutionnelle, la disposition de dérogation.»

 

. 1550 + -

À ce sujet, si la Chambre adoptait cette motion et que les fonctionnaires du ministère de la Justice concluaient que d'autres mesures raisonnables pourraient être prises immédiatement pour contrer les effets de cette décision sans qu'on doive invoquer l'article 33, je suis certain que nous appuierions ces mesures. Je reconnais que l'article 33 est l'ultime levier constitutionnel à notre disposition et que nous devrions l'utiliser avec la plus grande prudence.

Si cette motion est adoptée, j'invite les ministériels à nous donner des avis raisonnés sur la possibilité de recourir immédiatement à d'autres moyens juridiques au lieu d'attendre le résultat du processus d'appel.

Le deuxième élément de la motion demande essentiellement que, nonobstant tout article du Règlement et les pratiques usuelles de la Chambre, le projet de loi soit étudié en une seule séance afin d'en accélérer l'adoption. Je crois que c'est une motion raisonnable.

J'ai également lu une lettre envoyée au premier ministre le 20 janvier 1999 par quelque 70 députés du parti ministériel, y compris le député de Winnipeg-Sud, qui a dit que ce n'était pas raisonnable de la part de l'opposition de réclamer une intervention immédiate dans ce dossier. Pourtant, je regarde la lettre sur laquelle il a apposé son nom, avec d'autres, et qu'il a transmise au Premier ministre en disant: «Nous vous prions d'indiquer de façon non équivoque à la nation que votre gouvernement ne tolérera pas la prolifération de la pornographie juvénile attribuable à la faiblesse de nos lois. Nous prions instamment le gouvernement de ne pas attendre qu'ait été entendu l'appel interjeté relativement à la décision de la C.-B. et de se porter immédiatement à la défense des enfants du Canada.»

Ce n'est pas moi qui parle; ce sont des députés consciencieux de l'autre côté de la Chambre qui ont signé cette lettre. Je ne me sers pas de ce document pour exercer un effet de levier partisan; je souligne simplement que le député de Winnipeg-Sud semble légèrement schizophrène aujourd'hui, car la lettre précise également: «les soussignés recommandent que de vigoureuses et nouvelles mesures législatives interdisant la pornographie juvénile soient présentées dès que la Chambre reprendra ses travaux.» C'était hier. Nous, de l'opposition officielle, avons présenté cette motion dès que nous en avons eu l'occasion.

Le député et ses collègues ajoutent: «Nous vous demandons également d'envisager le recours à la disposition de dérogation.» Permettez-moi de lire cette phrase de nouveau au cas où le député de Winnipeg-Sud n'aurait pas été à l'écoute: «Nous vous demandons également d'envisager le recours à la disposition de dérogation ou à d'autres mesures efficaces équivalentes—solution que nous évoquons dans notre motion—afin d'indiquer de façon non équivoque que la Charte canadienne des droits et libertés ne servira plus jamais à légitimer la violence sexuelle à l'égard des enfants du Canada.»

Ils demandent que l'on intervienne immédiatement, dès la première occasion, en Chambre et que l'on étudie la possibilité d'invoquer la disposition de dérogation. J'estime que leur libellé est même plus ferme que celui de la motion à l'étude. Il s'agit d'une lettre qui a été signée par mon collègue de Winnipeg-Sud qui vient tout juste de s'exprimer et qui m'impute, parce que j'invoque les mêmes arguments que lui, des motifs qui seraient d'ordre strictement partisan et politique. Je trouve cela insultant.

Il est vrai que je suis un homme politique. J'ai une attitude partisane. Toutefois, dans une affaire comme celle qui nous occupe, j'estime que le gros bon sens et les valeurs que nous partageons peuvent l'emporter.

Je soutiens que, si nous menions de vastes consultations auprès de nos électeurs, il n'y aurait pas lieu de tenir un débat. Nous constaterions une quasi-unanimité, dans une société démocratique, pour que l'assemblée souveraine que nous sommes ait recours à tous ses pouvoirs d'intervention et qu'elle intervienne sans délai.

Certains de nos collègues d'en face ont tenu des propos apaisants en ce qui concerne l'intégrité du processus judiciaire et la nécessité de laisser le processus d'appel suivre son cours. Comme eux et comme le député de Scarborough, qui est avocat, je sais combien long et tortueux ce processus est parfois—il est lent et sujet aux délais de procédure—sans compte que rien ne garantit une issue satisfaisante.

En fait, les personnes qui s'opposent à cette motion semblent croire que les tribunaux supérieurs, les tribunaux d'appel, vont casser le jugement aussi bizarrement absurde qu'odieux, à mon avis, qui a été rendu en Colombie-Britannique. Je ne suis pas de cet avis. Je le serais peut-être, si je n'avais pas vu les tribunaux s'arroger avec sans cesse plus d'audace, au cours des 15 dernières années, un pouvoir essentiellement législatif et légiférer, sans égard pour le consensus démocratique canadien sur les questions névralgiques.

 

. 1555 + -

Cette question n'est pas de nature politique. J'ai l'impression et j'ose espérer qu'il y a des députés de tous les partis qui vont appuyer cette motion ce soir.

Je viens de recevoir copie d'une lettre de l'Association canadienne des policiers, qui parle également au nom des victimes de crime qui sont membres de CAVEAT, les Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation, et du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. La lettre est signée Grant Obst, président de l'ACP. Elle est adressée à mon leader parlementaire, avec copie à la ministre de la Justice. On y lit ce qui suit:

    J'ai été mis au courant de la motion que vous avez déposé ce matin à la Chambre des communes pour demander au gouvernement fédéral d'adopter une mesure législative afin de criminaliser la possession de matériel pornographique infantile. Au nom de l'Association canadienne des policiers, je vous accorde l'appui de nos 35 000 membres dans tout le pays.

    Nous sommes d'avis que la loi actuelle est constitutionnelle—

—contrairement à ce que pense le juge—

      et nous nous attendons à ce que la cour d'appel de la Colombie-Britannique et peut-être la Cour suprême du Canada maintiennent celle-ci. Toutefois, cela prendra du temps et certaines causes ont déjà été retardées et même rejetées par les tribunaux, en raison du jugement rendu.

Des causes ont été rejetées. Des pédophiles ont été remis en liberté par suite de cette décision.

    Il est de toute évidence urgent que l'on s'occupe de ce dossier, et c'est pourquoi nous espérons que le Parlement agira avec célérité pour faire en sorte que les lois interdisant la possession de matériel pornographique juvénile soient maintenues en Colombie-Britannique et dans le reste du Canada. Compte tenu du caractère urgent de cette question, nous appuyons toute mesure qui assurera le maintien de ces lois qui interdisent la possession de matériel pédopornographique.

    Nous vous félicitons de votre initiative.

Cette lettre ne fait pas allusion à quelque parti que ce soit. Elle traite uniquement du principe qui sous-tend la question dont nous sommes saisis.

Je demande à tous les députés de laisser de côté le sectarisme politique et de ne pas prêter des intentions aux autres. Si je suis membre du Parti réformiste c'est entre autres parce que je m'oppose à l'usurpation du pouvoir démocratique du Parlement par les tribunaux. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai quitté le Parti libéral pour joindre les rangs réformistes. Toutefois, cela ne veut pas dire que les Canadiens ne peuvent être d'accord en principe, au delà de tout sectarisme politique, qu'il y a parfois lieu de se servir des outils constitutionnels dont nous disposons pour protéger non seulement nos enfants mais aussi, et c'est peut-être encore plus important, le principe de la souveraineté du Parlement. Tel est le fondement même du présent débat.

Certains députés semblent penser que le fait d'invoquer l'article 33, la disposition d'exemption, est une réaction exagérée. La vraie réaction exagérée, la vraie bombe nucléaire légale, si vous me permettez l'expression, c'est l'abus du pouvoir judiciaire exercé par les juges tels que celui qui a rendu cette décision en se fondant sur ses propres valeurs sociales et politiques étroites, valeurs qu'ils imposent à la société contre la volonté quasi unanime des membres de la démocratie canadienne.

Je demande aux députés de tous les partis à la Chambre de ne pas prêter des intentions aux autres, mais d'affirmer plutôt la souveraineté du Parlement. Nous pouvons agir. La Constitution nous donne le pouvoir d'agir et nous devons agir. Autrement, nous abdiquerons notre responsabilité démocratique fondamentale.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Madame la Présidente, j'ai suivi le débat tout au long de la journée avec un vif intérêt et, je dois le dire, un certain étonnement. Plusieurs députés réformistes ont laissé entendre que les députés de ce côté-ci de la Chambre accordent plus d'importance à la liberté d'expression qu'à la protection des enfants. C'est tout le contraire et je voudrais bien entendre les observations du député sur ce que je m'apprête à dire.

Le Parlement a adopté une mesure législative qui dit clairement que la protection des enfants passe avant les droits individuels à la liberté d'expression. La Constitution canadienne nous permet de légiférer en ce sens.

D'après la motion qu'il propose aujourd'hui, le Parti réformiste semble accepter le jugement du tribunal de la Colombie-Britannique disant qu'en fait, nous sommes allés trop loin, que nous n'avons pas le droit de limiter ainsi la liberté. Le Parti réformiste nous demande d'accepter ce jugement et de dire qu'il faut passer outre à la Charte des droits et libertés pour protéger la mesure législative.

Or, la mesure législative constitue une limite très légitime et nécessaire à la liberté personnelle, parce que la toute première obligation du Parlement consiste à protéger nos enfants, surtout contre ce genre d'abus. C'est pour cette raison que je veux aller devant les tribunaux et prouver que le Parlement a le droit de limiter la liberté individuelle pour le plus grand bien des enfants. C'est pourquoi je ne suis pas prête à accepter la décision de ce juge et à m'y conformer; je ne suis pas prête non plus à accepter une dérogation à la Charte afin que cette loi puisse être rétablie.

 

. 1600 + -

Je demanderais également au député de me dire ce qui arriverait si nous décidions maintenant d'accepter la décision du juge et de déroger à la Charte parce que cette loi dépasse le cadre de la Charte et que le seul moyen de la rendre valide est de déroger à la Charte. Tous les avocats dont les clients ont été trouvés coupables de possession de pornographie auraient le droit de retourner au tribunal et de dire: «Le Parlement a accordé une dérogation à la Charte, ce qui n'existait pas quand mon client a été reconnu coupable; par conséquent, il devrait être libéré puisque la loi était inconstitutionnelle et que le Parlement l'a admis.»

M. Jason Kenney: Madame la Présidente, je n'ai jamais dit que les députés d'en face faisaient passer la liberté d'expression avant la responsabilité de protéger les enfants contre la pornographie. J'ai dit que certains députés d'en face attachaient peut-être plus d'importance à l'autorité des tribunaux qu'à celle du Parlement. Je pense que c'est un débat légitime.

La députée sait parfaitement qu'elle manque de sincérité lorsqu'elle prétend que le Parti réformiste appuie la décision et pense qu'elle est constitutionnelle. Elle sait que c'est absurde.

Je ne crois pas qu'un seul député à la Chambre pense que cette décision est constitutionnelle. Ce que je veux dire, c'est ceci. La procédure d'appel peut suivre son cours. Nous pouvons invoquer la disposition de dérogation dans cet endroit et protéger immédiatement ces enfants en rétablissant la loi. Nous pouvons faire cela et autoriser le procureur général de la Colombie-Britannique à poursuivre la procédure en appel.

Le comptable d'en face ne semble pas d'accord avec la décision des avocats que j'ai consultés. Soumettons la question à la Cour suprême et voyons ce qu'elle a à dire. Les députés d'en face semblent avoir une foi absolue dans la Cour suprême, certains qu'elle renversera cette décision injuste, inconstitutionnelle, scandaleuse. À en juger par des jugements rendus par cette Cour, je n'en suis pas aussi sûr.

Nous pouvons laisser faire une procédure d'appel qui va prendre des années et coûter des millions de dollars aux contribuables. Nous pouvons permettre à ce pervers en Colombie-Britannique d'entraver le système judiciaire. Nous pouvons le faire, mais en même temps, nous pouvons protéger les enfants en invoquant l'article 33. L'un n'exclut pas l'autre. Les deux sont compatibles.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, après ce discours et cette riposte enthousiastes, je vais essayer de poursuivre dans la même veine.

Comme la plupart des Canadiens, j'ai été choqué et scandalisé d'apprendre qu'un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique avait déclaré inconstitutionnel l'article du Code criminel interdisant la possession de matériel de pornographie juvénile. Dans sa décision, le juge a affirmé que l'article du Code criminel qui interdit la possession de matériel de pornographie juvénile brimait la liberté d'expression de Robin Sharpe.

Il n'est pas du tout étonnant de constater qu'une telle offensive répugnante contre les valeurs de la société provienne d'un corps non élu qui n'a aucun compte à rendre à qui que ce soit. L'activisme judiciaire, un terme relativement nouveau, correspond aux décisions prises par les juges qui vont bien au-delà de la volonté du législateur. De telles décisions apportent des modifications importantes à la loi, à un point tel que les juges assument maintenant le rôle du législateur plutôt que de seulement interpréter ou appliquer la loi.

Les tribunaux ont libéré certains des criminels les plus dangereux, des conducteurs en état d'ébriété aussi bien que des personnes qui exploitent des enfants à des fins pornographiques. Ces juges qui ne se sont jamais vu confier un mandat par les électeurs du pays modifient eux-mêmes les lois de notre pays.

À titre de députés, nous avons été élus pour adopter ici à la Chambre des communes les lois qui doivent régir notre pays. Pourquoi donc permettons-nous que ces lois soient modifiées par une simple décision prise par des fonctionnaires non élus qui n'ont de compte à rendre à personne? Combien d'autres décisions aussi choquantes les Canadiens devront-ils accepter avant que l'on mette un frein à cet activisme?

Le premier article de la Charte garantit que les droits et libertés qui y sont définis ne sont soumis qu'à certaines restrictions raisonnables prévues par la loi, dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

 

. 1605 + -

Qu'y avait-il de si démocratique dans le fait d'annuler une partie de l'article 163? Lorsqu'il interprète cet article, un juge doit appliquer un test de proportionnalité en comparant les intérêts de la société à ceux de l'individu. Je dois dire que je ne peux imaginer une assemblée législative au Canada qui puisse approuver la décision. C'est une décision qui fait passer les droits des pédophiles avant ceux de leurs victimes, les enfants de notre société.

On a abordé bien des questions aujourd'hui, mais je veux consacrer quelques minutes à la pornographie et aux effets qu'elle peut avoir sur les membres de la société qui en sont les consommateurs.

Le sexe est partout. On en parle chaque matin dans les journaux. On en parle toute la journée à la radio et on en voit des images tous les soirs au téléjournal. Personne n'y échappe dans notre société. Cette fascination a suscité une forte croissance de la pornographie.

Voici quelques chiffres. Les productions pour adultes représentent plus de 10 milliards de dollars par année. En 1996, 665 millions de films de pornographie dure ont été loués. Chaque semaine, 150 nouveaux films pornographiques sont produits aux États-Unis. Toujours en 1996, les clients des hôtels ont déboursé 175 millions de dollars pour visionner des films pornographiques dans leur chambre. Tous les soirs, entre 21 heures et 1 heure du matin, plus de 250 000 personnes appellent un service téléphonique érotique. Aux États-Unis, le nombre de magasins distribuant de la pornographie dure a même dépassé le nombre de restaurants McDonald. McDonald a déjà été le roi du capitalisme.

Ces chiffres sont américains, mais ils n'en sont pas moins importants. Cette croissance n'a jamais été aussi marquée que sur Internet. Certaines estimations chiffrent à environ 17 millions le nombre de pages web consacrées à la pornographie. Le détective Noreen Waters de la police de Vancouver, spécialiste de la pornographie juvénile, témoignant dans l'affaire de la Colombie-Britannique, a déclaré qu'Internet avait créé une véritable explosion au chapitre de l'accès facile à la pornographie juvénile.

Le professeur Michael Mehta de l'Université Queen's a étudié en profondeur le phénomène Internet et estime que jusqu'à 20 p. 100 de l'activité déployée sur Internet concerne la pornographie juvénile. Ce nombre est encore plus grand si on prend en compte tous les autres documents obscènes, qui sont illicites au Canada mais disponibles grâce à ce réseau.

D'aucuns diront qu'un individu a parfaitement le droit de regarder ce qui lui plaît chez lui. D'accord, mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser.

Avant de m'expliquer là-dessus je voudrais insister sur les effets néfastes possibles de la pornographie sur les utilisateurs. Tout d'abord, il importe de comprendre que la pornographie crée une dépendance et que, comme toute dépendance, la satisfaction des besoins exige une exposition de plus en plus fréquente. Ces dépendances sexuelles ne se créent pas du jour au lendemain. Il leur faut du temps pour se développer. Cela se fait selon une progression graduelle; on commence par les pages légèrement pornographiques de Playboy puis on finit par les images les plus dures sur vidéo. Cependant, de même qu'on ne devient pas accro pour avoir fumé une cigarette, tous les utilisateurs de pornographie ne développent pas nécessairement cette dépendance.

Seulement, une fois qu'on a développé une dépendance, tout est bon pour satisfaire ce besoin. Dans l'affaire qui nous occupe, le juge a entendu des témoins experts qui ont affirmé que les pédophiles sont prêts à tout pour se procurer de la pornographie explicite et l'utiliser à des fins nocives pour les enfants.

Le gouvernement ne comprend-il pas que, plus il laisse ce matériel dégoûtant et obscène entre les mains d'un type qui est devenu dépendant de la pornographie, plus il renforce sa dépendance? Plus la dépendance devient forte, plus il lui faut de matériel pour satisfaire ses perversions et plus il risque, si ce n'est déjà fait, de s'en prendre à des enfants.

Lorsque les consommateurs de pornographie en deviennent dépendants, tout leur entourage en souffre: famille, collègues, société. Tous deviennent victimes.

Malgré tous ces effets, la pornographie est licite. Dans la décision que la Cour suprême a rendue dans l'affaire opposant la Reine à Butler, le juge Sopinka a reconnu que la pornographie était une manifestation légitime de la liberté d'expression, mais il a laissé ouverte la possibilité de la circonscrire dans des limites raisonnables. Ces limites raisonnables ne visent pas à imposer une moralité, mais à protéger la société des effets préjudiciables de la pornographie.

Lorsque le Parlement a déclaré la pornographie juvénile illégale, c'est parce qu'il a pris conscience que les droits des enfants innocents, les membres les plus vulnérables de notre sociétés, étaient plus importants que les droits des pédophiles.

Si nous tolérons cette décision judiciaire, nous ferons aussi bien de déclarer que la chasse à tous nos enfants est ouverte. Même les bébés ne seront pas en sécurité. Les pervers qui s'en prennent aux enfants ne connaissent aucune borne. D'après nos enquêteurs, il n'est pas rare de trouver des images qui montrent des actes sexuels commis avec des enfants. Les policiers ont même fait enquête sur des cas de viol de bébés.

Internet a permis à un énorme réseau souterrain de se développer. Les pédophiles échangent des images et de l'information pour traquer des enfants et produire du matériel pornographique. Ils se servent de ce matériel pour préparer leurs victimes, amener les enfants à penser que l'agression est normale et qu'ils devraient y trouver du plaisir.

Qu'advient-il des enfants qui deviennent victimes de la pornographie? Notons par exemple que 85 p. 100 des adolescents qui se prostituent ont été agressés dans leur enfance. Nous ne pouvons par perdre plus de temps à corriger cette erreur. Un individu qui était en possession de pornographie juvénile a été remis en liberté. Combien d'autres pervers actuellement en possession de photos indécentes chez eux sont prêts à commettre des abus contre des enfants?

 

. 1610 + -

L'appel de cette décision pourrait prendre des mois, sinon des années, et nous devrons nous assurer que les juges respecteront la volonté de la population canadienne.

Lorsque la Charte des droits a été rédigée, on y a inclus un article qui permet à une assemblée législative, dont le Parlement fédéral, d'invoquer la disposition de dérogation. Cette disposition n'a pas été créée pour être utilisée fréquemment, mais si nous ne pouvons pas l'invoquer pour rendre illégale la pornographie juvénile, à quoi peut-elle bien servir?

La famille est attaquée de tous côtés dans notre société. Le gouvernement la traite de façon discriminatoire dans le régime fiscal. Les groupes d'intérêt spéciaux ridiculisent la famille et les tribunaux s'en prennent maintenant à elle.

Voilà une situation tragique car la famille constitue indubitablement notre institution la plus précieuse et elle est au coeur même de l'ordre social. Les enfants y grandissent et y sont choyés. Ils y vivent dans un esprit de confiance, d'amour et de sécurité et ils y apprennent les valeurs et le comportement qui en feront de bons citoyens et, à leur tour, de bons parents.

Beaucoup de députés sont eux-mêmes parents et grands-parents. Nous savons tous à quel point nos enfants sont précieux pour nous. Si nos enfants étaient victimes de pornographes, nous exigerions immédiatement que des mesures soient prises contre ces derniers. Nous n'hésiterions pas à faire immédiatement ce que nous pouvons pour protéger nos enfants. Nous passerions immédiatement aux actes.

Le Parti réformiste reconnaît l'importance des enfants et de la famille dans notre société et c'est pourquoi il a présenté cette motion aujourd'hui. Mais les bonnes intentions ne suffisent pas. Nous devons pouvoir compter sur le soutien des députés ministériels pour faire adopter cette motion.

Je sais que de nombreux députés libéraux ont signé une pétition adressée au premier ministre, dans laquelle ils lui demandent exactement la même chose: des mesures concrètes immédiates. J'invite ces députés, qui sont à la fois parents et grands-parents, à se joindre à nous pour faire ce qui doit être fait.

Il n'est pas question ici d'esprit de parti, mais du bien-être de nos enfants. Pourquoi ne pourrions-nous pas unir nos efforts, mettre de côté l'esprit de parti et faire ce qui s'impose? Faisons-le pour nos enfants.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Madame la Présidente, je tiens à dire qu'il est parfaitement grotesque que la Chambre des communes, le corps législatif du Canada, débatte de quelque chose d'aussi stupide et ridicule. Personne ne devrait en douter. J'estime que les seules personnes qui ne savent pas ce qu'il convient de faire ici sont les députés libéraux.

J'ai passé les deux derniers jours à m'entretenir avec mes électeurs et ils me disent en des termes on ne peut plus clairs que nous devrions exercer notre pouvoir et mettre fin à la possession de pornographie juvénile, quelles que soient les mesures que nous devions prendre.

Les médias rapportent malheureusement que les réformistes demandent un vote là-dessus pour des raisons partisanes. Telle n'est pas la situation. Ce qui arrive, c'est que 70 députés libéraux ont signé pour exiger exactement la même chose que nous et qu'ils vont maintenant changer leur fusil d'épaule. Pourquoi? Pour une seule raison, à savoir que l'ordre leur en a été donné par un dictateur, un dictateur qui ne permet pas les votes libres à la Chambre des communes, un dictateur qui nomme tous les sénateurs de sorte que personne au-dessus de la Chambre des communes n'intervienne lorsque des décisions sont prises sans mûre réflexion. Un dictateur, aussi, qui nomme tous les juges de la Cour suprême.

C'est ainsi que les trois principales institutions du Canada qui adoptent et promulguent les lois sont sous le contrôle d'un seul homme et, ce soir, cet homme va forcer les députés libéraux à voter certes contre la volonté de tout Canadien qui n'est pas un fou pervers.

Je voudrais que le député de Lethbridge me dise ce qu'il pense du fait que le pouvoir soit concentré dans un seul homme qui ne permet pas les votes libres, qui nomme tous les sénateurs et tous les juges de la Cour suprême. Qu'est-ce que le député pense de Jean Chrétien?

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je dois rappeler au député de ne jamais mentionner un député par son nom à la Chambre.

M. Rick Casson: Madame la Présidente, je remercie le député de sa question.

Plus tôt aujourd'hui, nous avons pressé le premier ministre de nous dire s'il autoriserait ses députés à voter librement.

 

. 1615 + -

Nous avons en main une pétition signée par plus de 70 députés du Parti libéral qui proposent de faire justement ce qu'il convient. Il s'agit d'une lettre adressée au premier ministre.

Lorsqu'on a demandé au premier ministre s'il autoriserait ses députés à voter librement, il a dit qu'il ne s'agissait pas de votes libres, mais de processus.

À mon avis, il ne s'agit ni de l'un ni de l'autre. Il s'agit de nos enfants qui sont exploités par des pervers. Si les députés d'en face n'ont pas le cran de prendre position pour protéger nos enfants, qu'ils ne prennent donc pas position.

M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, contrairement aux députés réformistes, j'étais ici en 1993. Lorsque la loi a été adoptée, j'étais le porte-parole de l'opposition officielle pour les questions concernant le solliciteur général.

Contrairement aux députés réformistes, j'ai voté en faveur du projet de loi lorsqu'il a été présenté. Tous les députés de mon parti et tous les députés à la Chambre des communes ont voté en faveur du projet de loi. Cette loi a obtenu et continue d'avoir l'appui de la Chambre des communes.

Le problème, c'est la nature de la motion. Les députés d'en face s'énervent lorsqu'on les accuse de faire de grandes déclarations à l'emporte-pièce, mais on entend un des leurs qualifier de dictateur le leader de notre pays. Si ce n'est pas là une déclaration à l'emporte-pièce, je me demande bien ce que c'est.

Tenons-nous en à la question. Dans sa motion, le député propose que nous prenions des mesures législatives pour rétablir la loi qui a été annulée récemment par une décision de la Cour de la Colombie-Britannique. C'est tout simplement faux.

La loi reste la loi au Canada. Elle n'a pas à être rétablie. Un juge d'une cour supérieure provinciale a rendu une décision...

Une voix: L'appel est...

M. Tom Wappel: De toute évidence, les députés d'en face ne veulent pas entendre raison.

Le juge a rendu une décision fondée sur un raisonnement absurde, mais cela n'invalide pas pour autant la loi.

J'aimerais savoir ce qu'en pense le député.

M. Rick Casson: Madame la Présidente, je pense que la question qui se pose en l'occurrence, c'est celle de savoir si la loi est en vigueur ou non. Le processus d'appel est amorcé. Dieu seul sait combien de temps il pourrait durer.

Nous ne connaissons pas l'issue de cet appel, car nous ne savons pas si les autres juges rendront une décision conforme à ce que souhaitent les Canadiens.

En fait, les parlementaires devraient agir maintenant et invoquer la disposition de dérogation afin de protéger nos enfants.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de participer à ce débat important. La répulsion que suscite la pornographie juvénile ne fait aucun doute au Parlement et au Canada. Tous les députés conviennent que la pornographie juvénile est inadmissible et nous ferons l'impossible pour défendre les lois du Canada pour faire respecter justement ces principes.

Le Parlement du Canada, la Cour suprême du Canada et la Cour suprême des États-Unis ont conclu que l'exploitation des enfants en vue de la fabrication d'images sexuelles est une forme d'agression envers les enfants. Et il y a bien d'autres précédents.

L'objet du débat que tient la Chambre aujourd'hui ne consiste pas à déterminer si la pornographie juvénile nous fait horreur. Nous en convenons tous. Passons à l'étape suivante.

Je ne suis pas avocat, mais, en tant que député, j'ai le devoir de participer pleinement à l'étude des questions dont la Chambre est saisie. À cette fin, je dois obtenir des renseignements et m'informer auprès d'avocats, de juges, de collègues, de sources externes, afin de me faire une idée de la situation.

Je voudrais vous décrire les faits, car cela aidera les députés, je crois, à comprendre pourquoi il m'est impossible d'appuyer la motion que les réformistes proposent aujourd'hui.

Le 20 janvier dernier, un bon nombre de membres de mon caucus ont envoyé une lettre au premier ministre.

 

. 1620 + -

Je souligne que, le 20 janvier, cette question venait tout juste de faire surface. La position du gouvernement à ce moment-là, c'était que si cette affaire se rendait à la Cour suprême, il défendrait les lois du Canada. Les collègues qui, comme moi, ont signé cette lettre adressée au premier ministre estimaient qu'il était important que notre réponse soit plus rapide et plus ferme.

En conséquence, nous avons invité les membres de notre caucus, le gouvernement et le premier ministre à demander l'étude de certaines questions. Nous avons demandé que le gouvernement n'attende pas que cette question se rende jusqu'en Cour suprême. Nous avons demandé que le gouvernement songe à adopter une nouvelle loi si la situation était que les lois actuelles n'étaient pas assez fermes pour défendre le tissu moral et social ainsi que les valeurs du Canada. Nous avons également fait allusion, et des députés l'ont fait constamment aujourd'hui, à l'utilisation de la disposition d'exemption, le paragraphe 33(1) de la Charte.

Il était important pour nous de soulever ce point. Dans le cas où aucune mesure n'était prise et où des circonstances aggravantes faisaient que d'autres causes étaient entendues par les tribunaux pour y être rejetées, il serait essentiel que le gouvernement invoque la disposition d'exemption afin d'arrêter cette suite de mauvaises décision.

Grâce au nombreux députés qui ont signé la lettre et à tous les autres qui en ont parlé ouvertement au sein du caucus, et au premier ministre, le gouvernement a agi. Des mesures ont été prises.

Tout d'abord, le gouvernement a décidé d'intervenir dans l'audition de l'appel devant la cour d'appel de la Colombie-Britannique. Il s'agit là d'une mesure exceptionnelle. Le gouvernement a démontré l'importance de la question en prenant cette mesure extraordinaire.

Le gouvernement a aussi appuyé le gouvernement de la Colombie-Britannique, qui a demandé que l'audition de l'appel se fasse rapidement afin que la question soit tranchée le plus tôt possible.

Nous avons par ailleurs demandé la collaboration des responsables de l'exécution de la loi pour poursuivre toutes les enquêtes et continuer de porter des accusations en vertu des lois du Canada. C'est ce qu'elles font.

Nous acceptons également que des ajournements aient été demandés pour les causes qui sont en ce moment devant les tribunaux afin qu'aucune autre décision ne soit rendue tant que la question qui fait l'objet de l'appel n'aura pas été tranchée.

Il est très important de comprendre que la lettre que le Parti réformiste a mentionnée si souvent est datée du 20 janvier, c'est-à-dire au moment où la position était de s'occuper de la situation lorsqu'elle arriverait devant la Cour suprême. Il ne s'agit pas d'une lettre écrite aujourd'hui, en fonction de la situation actuelle, après que toutes les autres mesures eurent été prises. Il est extrêmement important de comprendre que nous avons pris les mesures nécessaires pour que la question soit tranchée le plus rapidement possible afin que les droits de nos enfants soient protégés sans tarder et de la manière la plus rigoureuse possible.

J'ai vu beaucoup d'avis juridiques jusqu'à maintenant. D'après les consultations que j'ai faites en tant que député, je peux affirmer que l'appel repose sur des bases très solides et fondées en droit.

Certains points devront être étudiés. On a avancé que le juge avait pu errer dans sa décision. Il se pourrait que la décision soit erronée. Il se peut aussi que le procureur de la province n'ait pas présenté des arguments de fond assez étayés dans sa défense de la Constitution du Canada.

 

. 1625 + -

Nous savons que les arguments relatifs à la liberté d'expression ont été présentés de façon très énergique. Mais a-t-on su en prouver la valeur? Je crois que ce sont là les points qui doivent être soulevés durant le processus d'appel.

Si les députés croient que les dispositions actuelles du Code criminel du Canada concernant la pornographie juvénile sont inadéquates et non constitutionnelles, alors nous devrions invoquer la disposition de dérogation. Mais ce n'est pas le cas.

Les députés disent appuyer les lois du Canada. Nous appuyons ces lois et nous continuerons de les appuyer. Si nous croyons qu'elles doivent être renforcées, nous devrions peut-être avoir des mesures additionnelles pour renforcer ces lois.

Cependant, il me semble clair dans le moment, d'après les consultations que j'ai eues, qu'il serait prématuré d'invoquer le paragraphe 33(1) de la Charte, la disposition de dérogation, et que cela pourrait en fait constituer de la coercition ou miner le système judiciaire lui-même. Je dis cela parce que, si nous invoquions la disposition de dérogation aujourd'hui, cela s'appliquerait seulement aux affaires dont les tribunaux seraient saisis à l'avenir. Cela ne s'appliquerait pas de façon rétroactive à l'affaire Sharpe, qui est à l'origine de ce débat. Cela veut dire qu'il faut en appeler de cette décision devant la cour d'appel de la Colombie-Britannique.

Si on va de l'avant avec le processus d'appel et que le gouvernement a déjà invoqué la disposition de dérogation, à quoi sert l'appel? Nous nous trouvons à avoir dit essentiellement que nous n'aimons pas le système judiciaire, que nous n'apprécions plus le travail des tribunaux, que nous ne croyons pas que les lois sont traitées de façon adéquate aux termes de notre Constitution, que nous ne tiendrons compte de rien de ce qui est dit et que nous avons donc invoqué la disposition de dérogation.

Ce n'est pas ainsi qu'on défend les lois du Canada, mais plutôt en allant plaider devant les tribunaux au sujet des questions dont les tribunaux sont saisis.

Je crois qu'il est amplement démontré qu'il s'est agi là d'un mauvais jugement. Il s'appuie sur une piètre argumentation, et les dispositions du Code criminel concernant la pornographie juvénile sont effectivement conformes à la Constitution et valides et elles sont d'un grand soutien pour les enfants du Canada.

Permettez-moi de répéter ce que j'ai dit au début. Il n'y a pas de désaccord à la Chambre ni au Canada à cet égard: nous avons horreur de la pornographie juvénile car elle constitue une exploitation d'enfants.

Je voterai contre la motion car, sauf erreur, elle exige qu'on prenne des mesures législatives pour rétablir la loi. Or, on ne prend pas des mesures législatives pour rétablir la loi. Si l'on invoque la disposition de dérogation, cela ne rétablira pas la loi. La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui est à première vue contradictoire. Il faut la rejeter. J'encourage tous mes collègues à examiner très attentivement une motion très mal libellée qui sape non seulement les lois du Canada mais aussi les droits de nos enfants.

*  *  *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Il me répugne d'interrompre les excellents discours que l'on est en train de faire, mais je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime à l'égard de la motion suivante. Il y a eu des consultations entre les partis, et je souhaite proposer la motion suivante à la Chambre;  

    1. Que le projet de loi C-306, inscrit au nom du député de Brome—Missisquoi, soit plutôt inscrit au nom du député de Vaudreuil—Soulanges.

    2. Que l'ordre portant étude du projet de loi C-415, inscrit au nom du député de Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, soit révoqué, et le projet de loi retiré.

    3. Que le projet de loi inscrit au Feuilleton au nom du ministre des Finances, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit réputé avoir été présenté et lu pour la première fois, son impression ordonnée et que son étude en deuxième lecture à la prochaine séance de la Chambre ordonnée.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député a-t-il le consentement de la Chambre pour présenter sa motion?

Des voix: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

*  *  *

 

. 1630 + -

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

La Chambre reprend l'étude de la motion, ainsi que de l'amendement.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de poser une question au député d'en face.

J'ai écouté attentivement les observations de plusieurs députés aujourd'hui, y compris celles de mon vis-à-vis de Scarborough-Sud-Ouest. Il a parlé plus particulièrement du fait qu'il était présent à la Chambre lorsque cette modification législative a été insérée dans le Code criminel. C'est le gouvernement conservateur qui l'a fait.

La motion d'hier a été présentée par les conservateurs et là encore, elle a reçu l'appui unanime de la Chambre. Je crois qu'il y a place à des compromis sur cette question, qu'on peut en arriver à un terrain d'entente. Je parle en fait d'un juste milieu en ce qui concerne les positions qui ont été exposées tout au cours de la journée par divers députés.

Je pense qu'il est équitable de qualifier la proposition du Parti réformiste de plutôt extrême. Étant donné les émotions que soulève cette question et la gravité de cette question, ainsi que ses conséquences, cela n'a rien d'étrange. Cependant, le député qui m'a précédé a précisé très clairement qu'il fallait trouver ici une réponse rationnelle. On doit parvenir à l'application régulière de la loi comme la ministre l'a dit tout au cours de la journée.

En toute sincérité, je demande au député si le fait de renvoyer la question à la Cour suprême ne constituerait pas un compromis. Cela reviendrait à laisser les juges trancher la question, ce qui ne fait pas toujours l'affaire du Parti réformiste. Il existe un certain cynisme à cet égard, mais cela permettrait tout de même d'accélérer les choses.

Nous connaissons tous le vieil adage selon lequel la justice différée est la pire forme de déni de justice. C'est ce à quoi nous avons droit de la part du gouvernement. C'est le cas dans l'intervention tardive dans le cadre du référendum. On a vu également que le gouvernement a tardé à présenter des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Est-ce que cela ne serait pas une solution tout à fait raisonnable pour la ministre de la Justice d'agir maintenant en s'appuyant sur la loi sur la Cour suprême et le Code criminel pour renvoyer cette question extrêmement importante à la Cour suprême du Canada où neuf juges de la plus haute cour du pays pourraient se prononcer sur cette question importante et donner une réponse définitive?

Nous aurions également, à ce moment-là, la position de repli proposée par le Parti réformiste qui, au besoin, même si elle peut être considérée comme trop extrême à ce stade-ci, pourrait être la chose à faire alors.

Laissons le mot «pédophilie» et toutes les émotions en dehors de cette question. Il est nécessaire d'agir en temps opportun dans le cas présent et ce n'est pas la marque de commerce du gouvernement. La solution ne consiste-t-elle pas à s'en remettre à la Cour suprême du Canada?

M. Paul Szabo: Madame la Présidente, je comprends l'argument du député. Je suis de son avis, dans l'intérêt des Canadiens, il faut que cette affaire soit réglée de façon aussi expéditive que possible.

Le député a donné à la Chambre une idée du temps que cela prendrait à la Cour suprême. Il est clair que la Cour suprême a déjà examiné cette question et reconnu la validité des arguments. La procédure serait donc automatique.

Je me demande si les choses n'iraient pas plus vite si nous intervenions devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique pour défendre les lois du Canada au lieu de procéder par renvoi à la Cour suprême. Je n'ai pas la réponse à cette question. Je crois cependant que la ministre de la Justice examine ces différentes options.

Je suis d'accord avec le député sur le fait qu'invoquer la disposition de dérogation serait admettre que les lois en vigueur au Canada ne sont pas constitutionnelles et que, essentiellement, nous désirons déroger à la Charte. Je pense qu'il s'agit là d'une position extrême. Elle est certes prématurée. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous devons rejeter cette motion, mais continuer de veiller de près à faire rétablir nos lois d'une manière acceptable pour tous.

M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de toucher un mot sur la motion présentée aujourd'hui.

Je vais tâcher de choisir soigneusement mes mots et de ne pas imputer de motifs, comme l'ont suggéré des députés de l'opposition officielle, mais plutôt aborder la motion telle qu'elle est libellée et dire ensuite ce que j'en pense.

 

. 1635 + -

Il est utile de jeter un coup d'oeil sur ce que la motion propose, à savoir:

    Que le gouvernement prenne des mesures législatives pour rétablir la loi qui a été annulée récemment par une décision de la Cour de la Colombie-Britannique...

Cet énoncé est tout simplement erroné. La loi en question, l'article 163 du Code criminel et certaines de ses dispositions, est toujours en vigueur au Canada. Un juge de la cour supérieure de la Colombie-Britannique a rendu une décision que l'on peut qualifier à tout le moins d'absurde, selon laquelle la possession de matériel pédopornographique est en quelque sorte un droit constitutionnel.

Cette décision ne lie pas ses collègues, encore moins les juges des autres provinces, les cours d'appel ainsi que la Cour suprême du Canada. Il n'est pas étonnant que cette décision ait suscité une vive contestation dans tout le Canada. À en juger par le débat d'aujourd'hui, il ne fait aucun doute que tous les députés sont entièrement d'accord pour que la possession de matériel de pornographie juvénile continue d'être illégale. Là n'est pas la question.

La question est de savoir si nous allons voter ou non en faveur de la motion. Si nous votons contre, pourquoi le faisons-nous? Je vais dire à la Chambre pourquoi je voterai contre. Nous avons une loi qui est toujours en vigueur. Elle est toujours appliquée par les forces policières de tout le pays. La ministre de la Justice a déclaré que le gouvernement du Canada voulait que la loi continue d'être appliquée. Les policiers de tout le pays ont dit qu'ils continueront de l'appliquer.

En Colombie-Britannique, où ce jugement a été rendu, il y a des cours inférieures qui doivent généralement se conformer à la jurisprudence d'une cour supérieure, mais elles peuvent reporter des causes en attendant que la loi soit clarifiée. Elles n'ont pas besoin de rendre une fin de non-recevoir. L'avocat de la Couronne peut en appeler de toute décision de rendre une fin de non-recevoir. Il peut s'assurer que tout est en ordre en attendant que la cour d'appel entende la cause.

Comment pouvons-nous prendre des mesures législatives pour rétablir une loi qui n'a pas besoin d'être rétablie? Elle est toujours la loi du Canada. Il serait complètement illogique de voter en faveur de cette motion. On ne peut voter en faveur du rétablissement d'une loi qu'il n'est pas nécessaire de rétablir.

Nous ne parlons pas d'une situation éventuelle où le plus haut tribunal du pays pourrait théoriquement annuler l'article en question. Si cela devait se produire, même si je me précipitais, je ne serais probablement pas encore le premier à demander qu'on invoque l'article 33 de la Constitution, et je le ferais. Mais ce moment n'est pas encore arrivé.

La première raison pour laquelle je voterai contre cette motion, c'est qu'elle nous demande d'agir en nous fondant sur la fausse prémisse que la loi n'est plus en vigueur au Canada. Elle nous demande de rétablir une loi qui existe toujours. Deuxièmement, la motion nous demande d'invoquer l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982, la disposition de dérogation.

Comme je n'ai pas été ici toute la journée, j'ignore si quelqu'un a déjà cité le paragraphe 33(1) de la Charte des droits et libertés. Il serait sans doute utile d'en examiner le libellé, au cas où nous serions appelés à l'invoquer:

    Le Parlement ou la législature d'une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d'une disposition donnée de l'article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.

Si on n'analyse pas ce texte, ce n'est que du charabia pour les non-juristes. J'en ferai donc une brève analyse. Le Parlement pourrait déclarer expressément, aux termes de l'article 33 de la Charte, que le paragraphe 163.1(4) s'appliquera, nonobstant une disposition comprise à l'article 2 de la Charte.

 

. 1640 + -

Si les tribunaux statuaient, en droit, que l'article 2 de la Charte reconnaît le droit à la possession de pornographie juvénile, le Parlement pourrait, nonobstant toute décision d'un tribunal, utiliser l'article 33 pour déclarer que le paragraphe 163.1(4) a toujours force de loi.

Pour pouvoir invoquer l'article 33, il faudrait qu'un tribunal ait statué que l'article 2 supplante le paragraphe 163.1(4). Une telle décision devrait s'appliquer à la grandeur du Canada. Il faudrait reconnaître en droit que la Charte des droits reconnaît le droit de posséder de la pornographie juvénile.

Aucun tribunal n'a jamais pris de décision en ce sens au Canada. Dans ce cas, la disposition de dérogation du paragraphe 33(1) de la Charte ne peut être invoquée puisqu'il faudrait qu'une disposition de la Constitution soit contournée, nonobstant le fait qu'elle fait partie de la Constitution.

Ce n'est pas ce que fait le jugement du juge Shaw. Il s'agit d'un jugement à part, sans précédent au Canada. Aucun des députés qui ont pris la parole à la Chambre aujourd'hui n'appuyait le jugement du juge Shaw. Personne n'approuve son raisonnement, les motifs juridiques qu'il a invoqués ou toute autre raison exposée dans son jugement. Ce jugement a été carrément et complètement dénoncé à la Chambre des communes aujourd'hui. La Chambre a envoyé un message très clair à la Cour d'appel et à la Cour suprême du Canada, au nom de tous les Canadiens.

Comment à titre de législateurs peut-on en toute conscience, même si le concept de la pédopornographie nous répugne et que nous ne sommes pas d'accord pour dire que la possession de matériel de pornographie juvénile est un droit garanti par la Charte, comment peut-on voter en faveur d'une motion qui s'appuie sur deux affirmations erronées, soit premièrement que la loi devant protéger les enfants n'est pas en vigueur au Canada et deuxièmement, qu'il règne au Canada une idée selon laquelle le droit de posséder du matériel de pornographie juvénile est garanti par la Charte et qu'il faut avoir recours à la Charte pour y déroger? Ces deux assertions sont complètement fausses.

Ceci dit, à mon avis, si elle n'est pas complètement irrégulière du point de vue technique et procédural, la motion n'est pas logique puisqu'elle n'a aucun sens sur le plan juridique.

J'aimerais qu'il soit bien clair que s'il y avait quelque retard excessif dans la présentation de cette affaire à la Cour d'appel, quelque problème que ce soit dans son règlement rapide, alors il serait toujours possible de prendre la proposition du député de Pictou—Antigonish—Guysborough en considération et de songer à un renvoi rapide à la Cour suprême.

S'il arrivait que le plus haut tribunal du pays rejette la cause, j'essaierais certainement d'être le premier à demander le recours à la Charte pour renverser une décision aussi stupide. Entre-temps, en droit comme en toute logique, nous ne pouvons appuyer cette motion, quelles que soient les bonnes intentions sur lesquelles elle s'appuie.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Madame la Présidente, les Canadiens qui suivent le débat doivent s'arracher les cheveux d'entendre les inepties formulées par les ministériels.

Le député nous en a donné l'exemple le plus récent. Il dit que la loi est en vigueur au Canada. Pourtant, des lettres lues à la Chambre, dont une venant de l'Association canadienne des policiers, disaient que, en Colombie-Britannique, les affaires de possession de pornographie juvénile sont déboutées. La loi n'est pas appliquée au Canada. Elle n'est pas appliquée en Colombie-Britannique. Les gens qui ont des enfants et des petits-enfants ou des amis et des parents, bref des êtres chers dans cette province, demanderont des comptes à ce député qui ose prendre la parole pour dire qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter parce que la loi est en vigueur, alors qu'il sait très bien qu'elle n'est pas appliquée dans cette province. Bien sûr, ce n'est peut-être pas important pour lui. Il s'est ensuite exclamé: «On nous demande d'invoquer l'article 33 pour déroger à la Charte. Comment pourrions-nous faire une chose pareille? Ce serait terrible pour le Parlement que d'agir en autorité suprême. Comment pourrions-nous agir de façon aussi insensée?»

 

. 1645 + -

Je veux vous lire une lettre datée du 20 janvier, signée par des députés libéraux, qui dit ceci: «Nous demandons que le gouvernement n'attende pas que l'appel de la décision rendue en Colombie-Britannique soit entendu. Nous vous demandons...»—c'est adressé au premier ministre—«...d'invoquer la disposition de dérogation». Or, qui a signé cette lettre datée du 20 janvier? Le député qui vient de prendre la parole.

J'aimerais savoir qui lui a parlé entre le 20 janvier et le 2 février 1999. Peut-être voulait-il simplement dire à ses partisans que cette question lui tenait réellement à coeur mais, en voyant que cela allait coûter de l'argent, il a préféré laisser tomber.

M. Tom Wappel: Madame la Présidente, les commentaires des 10 dernières minutes indiquent pourquoi je voterai contre la motion.

Ma collègue peut essayer de les présenter sous le jour qu'elle voudra. Elle peut faire feu de tout bois. Je me suis levé à la Chambre des communes et j'ai expliqué mes raisons devant les Canadiens. Permettez-moi toutefois de dire ceci: je n'ai jamais prétendu, de quelque façon que ce soit, qu'on ne devrait jamais avoir recours à la disposition de dérogation; au contraire, cela dépend des circonstances et j'ai dit quelles étaient ces circonstances.

Je devrais signaler que, lorsque j'ai signé cette lettre, mon intention était de faire part au premier ministre de l'inquiétude que les ramifications de ce jugement suscitaient parmi les simples députés de l'arrière-ban.

Quand le député de Mississauga-Sud a pris la parole, il a fait plusieurs excellentes remarques sur les raisons qui l'ont poussé à signer la lettre. Je suis d'accord sur toute la ligne. J'ai signé la lettre. Je me suis levé et j'ai expliqué pourquoi je n'appuie pas la motion. Personne ne m'a convaincu, contrairement à ce que pense la députée. Personne ne m'a appelé pour me dire comment voter. Personne ne m'a tordu le bras. Personne ne m'a demandé de me cacher derrière les rideaux.

Tout le monde sait que sur une question comme celle-ci, je voterai selon ma conscience et je voterai contre la motion pour les raisons que j'ai expliquées. Ce qui m'a convaincu, c'est le libellé de la motion.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Madame la Présidente, peu de temps après que la cour de la Colombie-Britannique a rendu sa décision, une résidante de ma circonscription m'a raconté sa triste histoire, qui illustre bien la douleur et la souffrance que peuvent causer l'attitude et les lois laxistes avec lesquelles nous devons composer aujourd'hui.

Cette personne a participé à la production de matériel pornographique juvénile lorsqu'elle était adolescente. Elle était vulnérable et elle a fait un mauvais choix. Des années plus tard, son employeur et ses collègues de travail ont découvert ce qu'elle avait fait, et elle a dû quitter son emploi. Cette personne continue d'éprouver beaucoup d'embarras, de regrets et de honte à cause de ce qu'elle a fait. Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que même si elle n'était pas consentante, elle a souffert de cette expérience.

Je pose la question au député: Que devrais-je dire à cette personne, qui souffre encore aujourd'hui?

M. Tom Wappel: Madame la Présidente, il devrait lui dire que chaque député de la Chambre, au nom de tous les Canadiens, lui transmettent leurs sympathies suite à cette tragédie.

Aucun d'entre nous n'appuie la pornographie juvénile. Nous sommes tous opposés à cette activité. Nous appuyons tous la loi telle qu'elle existe actuellement. Voilà ce que le député devrait dire à la résidante de sa circonscription.

 

. 1650 + -

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Madame la Présidente, je veux prendre la parole, au nom de mon parti, sur cette motion du Parti réformiste pour que notre position soit réitérée de façon claire, comme elle a été présentée ce matin par le député de Berthier—Montcalm, notre porte-parole en matière de justice.

Le Bloc québécois entend voter contre l'amendement présenté par le Parti réformiste parce qu'il ne croit pas qu'il est approprié de faire appel immédiatement à la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés, bien que cette clause puisse être un instrument pour permettre au Parlement, à l'occasion et dans des circonstances appropriées, de donner primauté aux vues du législateur par rapport à celles exprimées par les juges. Mais dans les circonstances actuelles, il ne nous paraît pas approprié d'envisager cette solution dans l'immédiat puisque les tribunaux sont saisis d'une question et qu'il leur appartient de poursuivre le processus qui a été engagé par le plaignant dans cette affaire.

J'ai eu l'occasion de prendre connaissance du jugement rendu le 13 janvier dernier par le juge Shaw. Ce jugement révèle que ce juge considère que la disposition du Code criminel, et en particulier le paragraphe 163.1(4), est contraire à la Constitution du Canada et contrevient à certaines de ses dispositions et à certaines libertés fondamentales. C'est un juge qui, à la lumière des présentations qui lui ont été faites, constate par ailleurs que cette disposition est justifiée dans une société libre et démocratique.

C'est là où le Bloc québécois n'est pas d'accord avec le juge et, par la voix de ses députés qui appuieront la motion après avoir voté contre l'amendement, il veut faire savoir à ce juge, comme aux autres juges qui auront à débattre de cette question puisque cette affaire ira en appel et ira vraisemblablement devant la Cour suprême, que les élus considèrent que cette disposition n'est pas raisonnable et que, dans une société libre et démocratique, un gouvernement doit s'attaquer à la pornographie infantile. Il doit adopter des mesures pour que cette pratique ne puisse pas être encouragée, favorisée, et qu'on ne puisse pas diffuser comme on le voudrait la pornographie infantile, qui cause préjudice aux enfants et qui viole leurs droits les plus fondamentaux.

C'est donc pour cette raison que le Bloc québécois va favoriser cette motion. Il veut lancer un message à la population et aux juges qui auront à statuer à nouveau dans cette affaire pour qu'ils considèrent que dans une société libre et démocratique, un gouvernement et un Parlement ont raison de vouloir limiter des libertés fondamentales lorsqu'il s'agit de pornographie et, en particulier, lorsqu'il s'agit de pornographie infantile.

D'autres mesures et d'autres alternatives ont été présentées, notamment celle suggérée par le député de Pictou—Antigonish—Guysborough et ses collègues, voulant qu'un renvoi à la Cour suprême puisse être fait par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur la Cour suprême et du Code criminel. C'est une procédure qui permettrait d'accélérer le débat et qui permettrait aux tribunaux de statuer plus rapidement. Cette procédure ne devrait pas non plus être exclue des hypothèses que devra considérer la ministre de la Justice.

Mais pour l'instant, après avoir parlé à certaines personnes, certains criminalistes qui considèrent que l'intégrité du système de justice pénale canadien pourrait être en cause si on faisait appel immédiatement à la clause dérogatoire, après avoir considéré ces opinions, il est certainement utile pour les juges et les citoyens de comprendre que le Bloc québécois considère que dans les circonstances actuelles, il ne serait pas approprié de faire appel à la clause nonobstant, comme le souhaitent les réformistes, et qu'il faut faire montre à cet égard d'une certaine patience et laisser le processus judiciaire suivre son cours.

 

. 1655 + -

En conclusion, pour réitérer la position prise ce matin par le député de Berthier—Montcalm, notre porte-parole en matière de justice, le Bloc québécois va voter en faveur de cette motion, parce qu'il s'agit là d'une façon de dire clairement que ce jugement et la position prise par le juge Shaw ne paraissent pas conformes aux vues de notre parti sur ce qui est raisonnable dans une société libre et démocratique. Également, nous allons voter contre l'amendement.

[Traduction]

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur d'intervenir, au nom de mes électeurs, sur la question très délicate dont nous sommes saisis.

Aucun député ne participe avec plaisir à un débat sur la pornographie juvénile ou sur tout autre problème qu'éprouve la société canadienne. Il faut s'attaquer avec sérieux à ces questions morales délicates. Nous devons donc formuler des propositions efficaces et prendre des mesures claires à la Chambre pour venir à bout de ces problèmes et prendre les décisions les plus judicieuses.

En tant que députés de l'opposition officielle, mes collègues et moi avons décidé d'utiliser le jour d'opposition pour forcer la Chambre à tenir un débat et à se prononcer sur une décision récente rendue par un juge de la Colombie-Britannique, qui se trouve à autoriser légalement la possession de matériel de pornographie juvénile au Canada.

Il est bon pour les Canadiens que les réformistes soient à la Chambre pour faire contrepoids au gouvernement. Nous pouvons ainsi l'obliger à rendre des comptes et l'aider à prendre les bonnes décisions à la Chambre. Les libéraux ne sont apparemment pas disposés à intervenir pour empêcher les effets néfastes de la possession légale de matériel de pornographie juvénile et préfèrent se croiser les bras en attendant que les tribunaux fassent quelque chose.

Les tribunaux ne peuvent remplacer les représentants élus. Les juges ne sont pas élus et ne sont pas tenus de rendre des comptes. Il revient donc aux députés de réfléchir et de prendre des mesures. Nous ne pouvons pas bricoler les textes de loi. Nous devons veiller à ce que la loi aie des dents solides et protège la société, notamment ses enfants et ses membres plus vulnérables.

Les électeurs de Surrey-Centre et moi-même sommes scandalisés de constater que le gouvernement libéral n'est pas prêt à intervenir immédiatement pour protéger nos enfants. Au cours du congé, j'ai reçu un nombre record d'appels téléphoniques à ce sujet. En réalité, depuis que cette décision a été rendue, la ministre libérale de la Justice nous abreuve de jargon juridique pour éviter de faire quoi que ce soit.

Les Canadiens comptent sur leurs représentants au Parlement pour défendre et maintenir la moralité dans la société. De toute évidence, la production et la possession de pornographie juvénile est inacceptable pour la vaste majorité des Canadiens.

L'autre jour, sur Internet, deux pédophiles conversaient. L'un d'eux disait qu'il préférerait vivre au Canada et y aimer des enfants. C'est pathétique. Les libéraux veulent-ils donner au Canada la réputation d'un pays de débauche? Aurons-nous un pays qui permet tout?

Il faut entourer nos enfants de soins, les protéger. Il faut les protéger des drogues. De la violence, de la télévision, d'Internet, de l'exploitation sexuelle.

 

. 1700 + -

Nous ne voulons pas que le Canada se transforme en un refuge pour les pédophiles, les trafiquants de drogue, les criminels et les terroristes. Il serait scandaleux que la Chambre n'agisse pas dès maintenant, lorsque la situation l'exige. Nous comptons que le gouvernement agisse, et vite. Nous croyons qu'il est de notre devoir, à titre de représentants élus, de nous élever contre cette décision et de rendre illégale la possession de matériel pornographique représentant des enfants.

On nous a donné l'assurance, à mes électeurs et moi, que, dès notre retour à Ottawa cette semaine, la Chambre prendrait des mesures pour protéger nos enfants et empêcher qu'ils ne soient amenés ou forcés à commettre ces actes sexuels.

Le 22 janvier, environ 70 députés ministériels ont écrit au premier ministre. Il sera étonnant de voir les résultats du vote, aujourd'hui. Je me demande quelle position ils prendront et comment ils voteront. Si ces députés ont assez de cran pour écrire au premier ministre, qui ne les écoutait probablement pas au caucus, nous les encourageons à se faire les interprètes de leurs électeurs et de la vaste majorité des Canadiens et à voter en conséquence.

De ce côté-ci de la Chambre, nous croyons qu'il y va de notre responsabilité morale de protéger les éléments les plus vulnérables de notre société, les enfants. Je suis persuadé que les députés d'en face pensent la même chose.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Madame la Présidente, je pense que nous passons à côté de quelques questions dans le débat d'aujourd'hui. Je tiens à signaler aux députés réformistes que je voterai selon ma conscience et ce ne sera pas en faveur de la motion qu'ils proposent. La raison en est fort simple.

Nous vivons dans l'un des meilleurs pays au monde, tout le monde l'admet. Notre pays est l'un des meilleurs notamment parce que nous avons de très bonnes institutions. Notre appareil judiciaire est l'une de ces institutions, même s'il arrive parfois qu'un juge rende une mauvaise décision.

Le Parti réformiste se montre un peu fourbe lorsqu'il prétend, d'une part, vouloir assurer le respect de la loi et le maintien de l'ordre, mais qu'il ne cesse, d'autre part, de dénigrer les tribunaux canadiens. Il ne peut gagner sur les deux tableaux. Les députés serviraient bien leurs électeurs s'ils leur expliquaient comment le système fonctionne et attendaient de voir les résultats. Le député rendrait un plus grand service à ses électeurs en ne cherchant pas à se faire du capital politique en soulevant à la Chambre, jour après jour, une question très délicate.

M. Gurmant Grewal: Madame la Présidente, la ministre actuelle de la Justice détient son portefeuille depuis 601 jours. Elle s'est traîné les pieds à propos de la Loi sur les jeunes contrevenants. Elle s'est traîné les pieds à propos de décisions importantes qu'elle était censée prendre. Elle a fait preuve d'un manque de leadership concernant les problèmes importants auxquels le Parlement et le pays sont confrontés.

Le député d'en face vient de dire qu'un mauvais jugement a été rendu. Qu'est-ce qu'il entend faire à cet égard? Va-t-il se fermer les yeux et se boucher les oreilles, et laisser la question en plan?

Pourquoi 70 députés ministériels ont-ils écrit au premier ministre le 20 janvier? Parce qu'ils savent que quelque chose de répréhensible a été fait. Si on a fait quelque chose de répréhensible, il nous incombe, à nous les représentants élus des Canadiens, d'intervenir à la Chambre, de travailler selon notre conscience et de voter de la façon dont nos électeurs souhaitent que nous le fassions.

Combien de Canadiens veulent que la pornographie juvénile continue? Combien de Canadiens veulent voir leurs enfants dans cette situation? J'ai deux fils adolescents. Dieu fasse qu'ils ne soient pas forcés de se trouver dans pareille situation. Quel serait mon sentiment si le juge prenait la décision de remettre le pédophile en liberté, et si ce dernier remerciait le juge et me montrait les photos de mes enfants?

 

. 1705 + -

C'est une question qui fait appel aux émotions. Je sais qu'au fond d'eux-mêmes, les députés ministériels savent qu'ils ont tort de s'opposer à la motion. Oublions les considérations politiques sur ce point. Nous ne sommes pas en mode électoral à l'heure actuelle. Examinons les problèmes tels qu'ils se présentent. Faisons quelque chose qui marquera l'histoire dans notre pays et qui assurera à nos enfants le meilleur avenir possible sur la planète.

Je le demande à tous les députés, et notamment au député qui a posé la question, s'ils reconnaissent qu'un mauvais jugement a été rendu, qu'ils aient le courage de leur opinion. Qu'ils ne siègent pas à la Chambre comme des sacs de sable. Qu'ils écoutent leur conscience et votent en conséquence.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Madame la Présidente, je signale que ce qui distingue notre société des sociétés non démocratiques, c'est la règle de droit.

Il ne fait aucun doute que personne ici aujourd'hui n'a manifesté autre chose que de la répugnance pour la décision du juge en chef de la cour suprême de la Colombie-Britannique. Ce qui semble faire problème ici pour des députés de l'opposition...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je regrette de devoir interrompre le député, mais la période des questions et observations est désormais expirée. Le député de Surrey-Centre a dix secondes pour répondre.

M. Gurmant Grewal: Madame la Présidente, j'ignore quelle est la question, mais le député parlait assurément de la règle de droit.

On ne peut pas avoir des lois différentes pour différentes personnes. Nous avons débattu hier du projet de loi C-49. Dans ce cas-là, on ne peut pas adopter à la Chambre une loi qui ne servira pas les Canadiens...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le débat reprend. Le député d'Oak Ridges a la parole.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Madame la Présidente, je disais donc que nous avons la règle de droit au Canada. Il est très clair que la loi est en vigueur même en Colombie-Britannique. Comme l'ont signalé d'autres membres de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, le jugement du juge Shaw ne les lie pas.

Invoquer l'article 33 est une mesure très draconienne. C'est une mesure dont on dispose. Cet article n'a été invoqué que deux fois, par deux gouvernements provinciaux, et les deux fois, après que tous les recours légaux furent épuisés. Ce n'est pas ici le cas.

Des députés de l'opposition ont rappelé que des députés avaient envoyé une lettre au premier ministre, l'exhortant à envisager de recourir à la disposition de dérogation ou à des mesures équivalentes. J'estime que la ministre de la Justice devrait répondre très rapidement. Le gouvernement a pris une mesure extraordinaire en intervenant dans l'appel interjeté au sujet de la décision de la cour d'appel de la Colombie-Britannique, cela, pour défendre la loi, une loi qui sera maintenue de l'avis du gouvernement.

Comprenez-moi bien. Il est vrai que des députés de notre parti ont exhorté le premier ministre à prendre des mesures. Des mesures ont été prises et elles l'ont été très rapidement.

Le gouvernement, comme tous les députés je pense, tient à protéger nos enfants. C'est extrêmement important pour tous les députés. Tout le monde s'entend là-dessus. Voilà pourquoi le gouvernement a décidé d'agir, d'agir rapidement, de ne pas attendre que la question soit renvoyée à la Cour suprême du Canada, et de prendre immédiatement des mesures.

Le gouvernement croit que les dispositions législatives actuelles sur la possession de pornographie juvénile sont conformes à la Constitution. Je m'oppose clairement à la décision. C'est une décision odieuse. Je crois toutefois à la primauté du droit. Je pense que personne ne devrait être autorisé à posséder, à produire ou à distribuer du matériel pornographique juvénile. Comprenez-moi bien.

 

. 1710 + -

Il y a un processus en cours. Si les gouvernements commencent à réagir aux décisions des tribunaux, deux choses se produiront. Les juges se montreront très prudents et nous commencerons à mettre en doute l'indépendance du pouvoir judiciaire. Un juge a rendu une décision, une décision que nous condamnons clairement, et il y a un processus en cours. La ministre de la Justice a pris des mesures.

Il n'y a pas de contradiction entre la lettre que l'opposition cite amplement et ce que le gouvernement a fait. De toute évidence, des députés du parti ministériel ont demandé que des mesures soient prises, et des mesures ont été prises très rapidement. Je ne vois là aucune contradiction.

Il est clair que nous ne donnons et ne donnerons pas carte blanche aux producteurs de matériel pornographique exploitant des enfants dans notre pays. Par conséquent, la décision d'intervenir est très importante.

Les enfants sont les membres les plus précieux de la société, et nous ne tolérerons pas qu'ils soient exploités. Il convient donc d'intervenir sur le plan juridique. En tant que parlementaires, nous rédigeons les lois. Quand cette loi a été adoptée en 1993, elle l'a été à l'unanimité à la Chambre des communes. J'ai la conviction que la loi qui a été adoptée en 1993 sera appliquée par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

Je ne doute pas que la ministre, par les mesures qu'elle a prises, a montré clairement que le gouvernement est prêt à défendre la loi qui a été adoptée par le Parlement. Il est évident que les Canadiens veulent que le gouvernement agisse et je sais, d'après les commentaires que j'ai entendus, que les Canadiens se rendent compte que le gouvernement est passé à l'action, par l'entremise des tribunaux.

La primauté du droit est essentielle. C'est ce qui nous distingue d'autres formes de gouvernement. Nous n'avons pas un appareil judiciaire politisé en ce sens que nous ne pouvons pas lui dire quelles décisions prendre. Nous avons foi dans les lois du pays. Et ces lois seront respectées, j'en ai la conviction.

En guise de conclusion, je dirai que nous savons pertinemment que la pornographie infantile est dégradante pour les jeunes enfants et qu'elle en fait des victimes. Le Parlement du Canada et la Cour suprême ont fait valoir sans équivoque que la dignité et l'amour-propre des enfants sont primordiaux dans notre société. Par conséquent, cette décision du gouvernement est la bonne et je voterai contre cette motion ce soir.

M. Reed Elley (Nanaïmo—Cowichan, Réf.): Madame la Présidente, je crois que le gouvernement est pris dans un dilemme. C'est un peu le même vieux dilemme: qui est venu en premier? La poule ou l'oeuf? En l'occurrence, le dilemme c'est: qui est venu en premier? Le peuple ou la loi?

Il me semble que, dans notre démocratie, c'est le peuple qui est apparu en premier et c'est lui qui fait les lois. Cela signifie que les gens que nous représentons à la Chambre sont ceux qui décident si oui ou non les lois sont appliquées correctement et si oui ou non une loi est juste. C'est là le coeur du problème dans notre débat. Nos vis-à-vis n'ont pas résolu ce dilemme.

Je demande ceci au député: qui est venu en premier? Le peuple ou les lois?

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Comme il est 17 h 15, je dois interrompre les délibérations et mettre immédiatement aux voix toutes les questions nécessaires pour terminer l'étude des crédits.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

 

. 1715 + -

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Convoquez les députés.

 

. 1745 + -

(L'amendement, mis aux voix, est rejeté.)

Vote no 309

POUR

Députés

Abbott Ablonczy Anders Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar)
Bachand (Richmond – Arthabaska) Bailey Benoit Bernier (Tobique – Mactaquac)
Blaikie Borotsik Breitkreuz (Yorkton – Melville) Brison
Cadman Casson Chatters Cummins
Davies Doyle Dubé (Madawaska – Restigouche) Duncan
Earle Elley Epp Forseth
Gilmour Goldring Grewal Grey (Edmonton North)
Guarnieri Hardy Harris Hart
Harvey Herron Hill (Macleod) Hill (Prince George – Peace River)
Hilstrom Hoeppner Iftody Jaffer
Johnston Jones Keddy (South Shore) Kenney (Calgary Southeast)
Konrad Laliberte Lowther Lunn
MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) Mark Martin (Esquimalt – Juan de Fuca) Mayfield
McDonough McNally McTeague Meredith
Mills (Red Deer) Morrison Muise Nunziata
Nystrom Obhrai Pankiw Penson
Proctor Ramsay Reynolds Riis
Schmidt Scott (Skeena) Solomon Steckle
Stinson St - Jacques Stoffer Strahl
Thompson (New Brunswick Southwest) Thompson (Wild Rose) Vautour Wasylycia - Leis
Wayne White (Langley – Abbotsford) White (North Vancouver) Williams – 84


CONTRE

Députés

Adams Alarie Alcock Anderson
Assad Assadourian Asselin Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre) Bachand (Saint - Jean) Baker Bakopanos
Barnes Beaumier Bélair Bélanger
Bellehumeur Bellemare Bennett Bergeron
Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) Bertrand Bevilacqua Bigras
Blondin - Andrew Bonin Bonwick Boudria
Bradshaw Brien Brown Bryden
Bulte Byrne Caccia Calder
Cannis Canuel Caplan Cardin
Carroll Catterall Cauchon Chamberlain
Chan Charbonneau Chrétien (Frontenac – Mégantic) Chrétien (Saint - Maurice)
Clouthier Coderre Collenette Comuzzi
Copps Crête Cullen Dalphond - Guiral
de Savoye Debien Desrochers DeVillers
Dhaliwal Dion Discepola Dromisky
Drouin Dubé (Lévis - et - Chutes - de - la - Chaudière) Duceppe Duhamel
Dumas Easter Eggleton Finestone
Finlay Folco Fontana Fournier
Fry Gagliano Gallaway Gauthier
Girard - Bujold Godfrey Godin (Châteauguay) Goodale
Graham Gray (Windsor West) Grose Guay
Guimond Harb Harvard Hubbard
Ianno Jackson Jennings Jordan
Karetak - Lindell Karygiannis Keyes Kilger (Stormont – Dundas)
Kilgour (Edmonton Southeast) Knutson Kraft Sloan Lalonde
Lastewka Laurin Lavigne Lebel
Lee Lefebvre Leung Lincoln
Loubier MacAulay Mahoney Malhi
Maloney Manley Marceau Marchand
Marchi Marleau Martin (LaSalle – Émard) Massé
McCormick McGuire McKay (Scarborough East) McLellan (Edmonton West)
McWhinney Ménard Mercier Mifflin
Milliken Mills (Broadview – Greenwood) Minna Mitchell
Murray Myers Nault Normand
O'Reilly Pagtakhan Paradis Parrish
Patry Peric Perron Peterson
Pettigrew Phinney Picard (Drummond) Pillitteri
Plamondon Pratt Provenzano Redman
Richardson Robillard Rocheleau Rock
Saada Sauvageau Scott (Fredericton) Sekora
Serré Shepherd Speller St. Denis
Stewart (Brant) Stewart (Northumberland) St - Hilaire St - Julien
Szabo Telegdi Thibeault Torsney
Tremblay (Lac - Saint - Jean) Tremblay (Rimouski – Mitis) Turp Valeri
Vanclief Venne Wappel Whelan
Wilfert Wood – 186


«PAIRÉS»

Députés

Gagnon Longfield


 

Le Président: Je déclare la motion rejetée.

Le prochain vote porte sur la motion principale.

 

. 1750 + -

Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

 

. 1755 + -

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

Vote no 310

POUR

Députés

Abbott Ablonczy Alarie Anders
Asselin Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar) Bachand (Richmond – Arthabaska) Bachand (Saint - Jean)
Bailey Bellehumeur Benoit Bergeron
Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) Bernier (Tobique – Mactaquac) Bigras Blaikie
Borotsik Breitkreuz (Yellowhead) Breitkreuz (Yorkton – Melville) Brien
Brison Cadman Canuel Cardin
Casson Chatters Chrétien (Frontenac – Mégantic) Crête
Cummins Dalphond - Guiral Davies de Savoye
Debien Desrochers Doyle Dubé (Lévis - et - Chutes - de - la - Chaudière)
Dubé (Madawaska – Restigouche) Duceppe Dumas Duncan
Earle Elley Epp Forseth
Fournier Gauthier Gilmour Girard - Bujold
Godin (Châteauguay) Goldring Grewal Grey (Edmonton North)
Guarnieri Guay Guimond Hardy
Harris Hart Harvey Herron
Hill (Macleod) Hill (Prince George – Peace River) Hilstrom Hoeppner
Jaffer Johnston Jones Keddy (South Shore)
Kenney (Calgary Southeast) Konrad Laliberte Lalonde
Laurin Lebel Lefebvre Loubier
Lowther Lunn MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) Marceau
Marchand Mark Martin (Esquimalt – Juan de Fuca) Mayfield
McDonough McNally McTeague Ménard
Mercier Meredith Mills (Red Deer) Morrison
Muise Nunziata Nystrom Obhrai
Pankiw Penson Perron Picard (Drummond)
Plamondon Proctor Ramsay Reynolds
Riis Rocheleau Sauvageau Schmidt
Scott (Skeena) Solomon Steckle St - Hilaire
Stinson St - Jacques Stoffer Strahl
Thompson (New Brunswick Southwest) Thompson (Wild Rose) Tremblay (Lac - Saint - Jean) Tremblay (Rimouski – Mitis)
Turp Ur Vautour Venne
Wasylycia - Leis Wayne White (Langley – Abbotsford) White (North Vancouver)
Williams – 129


CONTRE

Députés

Adams Alcock Anderson Assad
Assadourian Augustine Axworthy (Winnipeg South Centre) Baker
Bakopanos Barnes Beaumier Bélair
Bélanger Bellemare Bennett Bertrand
Bevilacqua Blondin - Andrew Bonin Bonwick
Boudria Bradshaw Brown Bryden
Bulte Byrne Caccia Calder
Cannis Caplan Carroll Catterall
Cauchon Chamberlain Chan Charbonneau
Chrétien (Saint - Maurice) Clouthier Coderre Collenette
Comuzzi Copps Cullen DeVillers
Dhaliwal Dion Discepola Dromisky
Drouin Duhamel Easter Eggleton
Finestone Finlay Folco Fontana
Fry Gagliano Gallaway Godfrey
Goodale Graham Gray (Windsor West) Grose
Harb Harvard Hubbard Ianno
Jackson Jennings Jordan Karetak - Lindell
Karygiannis Keyes Kilger (Stormont – Dundas) Kilgour (Edmonton Southeast)
Knutson Kraft Sloan Lastewka Lavigne
Lee Leung Lincoln MacAulay
Mahoney Malhi Maloney Manley
Marchi Marleau Martin (LaSalle – Émard) Massé
McCormick McGuire McKay (Scarborough East) McLellan (Edmonton West)
McWhinney Mifflin Milliken Mills (Broadview – Greenwood)
Minna Mitchell Murray Myers
Nault Normand O'Reilly Pagtakhan
Paradis Parrish Patry Peric
Peterson Pettigrew Phinney Pickard (Chatham – Kent Essex)
Pillitteri Pratt Provenzano Redman
Richardson Robillard Rock Saada
Scott (Fredericton) Sekora Serré Shepherd
Speller St. Denis Stewart (Brant) Stewart (Northumberland)
St - Julien Szabo Telegdi Thibeault
Torsney Valeri Vanclief Wappel
Whelan Wilfert Wood – 143


«PAIRÉS»

Députés

Gagnon Longfield


 

Le Président: Je déclare la motion rejetée.



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

CHARTE DES DROITS DES PÊCHEURS

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 1er février, de la motion: Que le projet de loi C-302, Loi établissant les droits des pêcheurs, dont celui de participer à l'évaluation des stocks, à la préservation du poisson, à l'établissement des quotas de pêche, à l'attribution des permis de pêche et à la gestion du droit de pêche du public, et établissant également le droit des pêcheurs à être informés à l'avance des décisions touchant la pêche de subsistance et le droit à une indemnisation en cas d'abrogation injustifiée d'autres droits, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le Président: Conformément à l'ordre adopté le lundi 1er février, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion de deuxième lecture du projet de loi C-302.

 

. 1800 + -

Le motionnaire étant assis à ma gauche, le vote se fera rangée par rangée en commençant par le motionnaire; nous enregistrerons ensuite les votes des députés qui sont en faveur de la motion en commençant par ceux de la dernière rangée du même côté de la Chambre que le motionnaire.

Après qu'on aura fait toutes les rangées de ce premier côté de la Chambre, les députés qui sont de l'autre côté de la Chambre voteront à leur tour, en commençant toujours par la dernière rangée. Ceux qui sont contre la motion seront appelés dans le même ordre.

 

. 1810 + -

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

Vote no 311

POUR

Députés

Alarie Anders Asselin Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar)
Bachand (Richmond – Arthabaska) Bachand (Saint - Jean) Bailey Bellehumeur
Bergeron Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) Bernier (Tobique – Mactaquac) Bigras
Blaikie Borotsik Breitkreuz (Yellowhead) Breitkreuz (Yorkton – Melville)
Brien Brison Cadman Canuel
Cardin Chrétien (Frontenac – Mégantic) Crête Cummins
Dalphond - Guiral Davies de Savoye Debien
Desrochers Doyle Dubé (Lévis - et - Chutes - de - la - Chaudière) Dubé (Madawaska – Restigouche)
Duceppe Dumas Duncan Earle
Elley Epp Forseth Fournier
Gauthier Gilmour Girard - Bujold Godin (Châteauguay)
Goldring Guay Guimond Hardy
Hart Harvey Herron Hill (Macleod)
Hoeppner Jaffer Johnston Jones
Keddy (South Shore) Konrad Laliberte Lalonde
Laurin Lebel Lefebvre Loubier
Lowther Lunn MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) Marceau
Marchand Mark Martin (Esquimalt – Juan de Fuca) Mayfield
McDonough Ménard Mercier Meredith
Mills (Red Deer) Morrison Muise Nunziata
Nystrom Obhrai Pankiw Perron
Picard (Drummond) Plamondon Proctor Ramsay
Reynolds Riis Rocheleau Sauvageau
Solomon St - Hilaire St - Jacques Stoffer
Thompson (New Brunswick Southwest) Thompson (Wild Rose) Tremblay (Lac - Saint - Jean) Tremblay (Rimouski – Mitis)
Turp Vautour Venne Wasylycia - Leis
Wayne White (North Vancouver)  – 106


CONTRE

Députés

Abbott Ablonczy Adams Alcock
Anderson Assad Assadourian Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre) Baker Bakopanos Barnes
Beaumier Bélair Bélanger Bellemare
Bennett Benoit Bertrand Bevilacqua
Blondin - Andrew Bonin Bonwick Boudria
Bradshaw Brown Bryden Bulte
Byrne Caccia Calder Cannis
Caplan Carroll Casson Catterall
Cauchon Chamberlain Chan Charbonneau
Chatters Clouthier Coderre Collenette
Comuzzi Copps Cullen DeVillers
Dhaliwal Dion Discepola Dromisky
Drouin Duhamel Easter Eggleton
Finestone Finlay Folco Fontana
Fry Gagliano Gallaway Godfrey
Goodale Graham Grewal Grey (Edmonton North)
Grose Guarnieri Harb Harris
Harvard Hill (Prince George – Peace River) Hilstrom Hubbard
Ianno Iftody Jackson Jennings
Jordan Karetak - Lindell Karygiannis Kenney (Calgary Southeast)
Keyes Kilger (Stormont – Dundas) Kilgour (Edmonton Southeast) Knutson
Kraft Sloan Lastewka Lavigne Leung
Lincoln MacAulay Mahoney Malhi
Maloney Manley Marchi Marleau
Martin (LaSalle – Émard) Massé McCormick McGuire
McKay (Scarborough East) McLellan (Edmonton West) McNally McTeague
McWhinney Mifflin Mills (Broadview – Greenwood) Minna
Mitchell Murray Myers Nault
Normand O'Reilly Pagtakhan Paradis
Parrish Patry Penson Peric
Peterson Pettigrew Phinney Pickard (Chatham – Kent Essex)
Pillitteri Pratt Provenzano Redman
Robillard Rock Saada Schmidt
Scott (Fredericton) Sekora Serré Shepherd
Speller St. Denis Steckle Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland) Stinson St - Julien Strahl
Szabo Telegdi Thibeault Torsney
Ur Valeri Vanclief Wappel
Whelan White (Langley – Abbotsford) Wilfert Williams
Wood – 161


«PAIRÉS»

Députés

Gagnon Longfield


 

Le Président: Je déclare la motion rejetée.

M. Myron Thompson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. D'après le résultat d'un vote qui a eu lieu plus tôt à la Chambre, je recommande que nous fermions cet endroit et que nous laissions les juges et les tribunaux gouverner le pays.

*  *  *

[Français]

LOI SUR LE TRAITEMENT ÉGAL DES PERSONNES VIVANT DANS UNE SITUATION ASSIMILABLE À UNE UNION CONJUGALE

 

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) propose: Que le projet de loi C-309, Loi prévoyant le traitement égal des personnes vivant dans une situation assimilable à une union conjugale, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

—Monsieur le Président, c'est avec un énorme plaisir que je prends la parole sur ce projet de loi, puisque, en définitive, c'est un projet de loi qui concerne les droits de la personne. C'est ce dont il faut se rappeler. C'est avec ce principe en tête que j'espère avoir l'appui des députés de cette Chambre, que je solliciterai à la fin du débat, pour que ce projet de loi puisse faire l'objet d'un vote.

 

. 1815 + -

C'est la troisième fois que je présente ce projet de loi. Il n'y a personne à la Chambre qui pourra dire que je ne suis pas persévérant. J'ai bon espoir que cette fois-ci sera la bonne, parce qu'au cours des cinq dernières années, il y a eu énormément d'avancés juridiques qui ont été réalisés. Il y a cependant un paradoxe, et c'est que ce sont les tribunaux qui se sont prononcés sur la reconnaissance des conjoints de même sexe. Je crois que le temps est maintenant venu, comme parlementaires, de prendre position.

Il y a une tradition à la Chambre qui veut que lorsqu'il s'agit de droits de la personne, il n'y a pas de place pour la partisanerie. Je vois la secrétaire parlementaire qui opine du bonnet. Mon souhait le plus cher, c'est qu'à la fin du débat, elle se lève et dise, au nom de son gouvernement, qu'elle va appuyer le projet de loi, que le gouvernement va aller de l'avant et que nous allons vivre, comme parlementaires, le débat qui s'impose.

Je suis assez fier de ce que nous avons réalisé aujourd'hui, puisqu'un peu plus tôt en après-midi, il y a eu une conférence de presse à laquelle tous les partis politiques ont participé, à la notable exception du Parti réformiste, mais je ne désespère pas. Sachant que c'est à force de convictions, de mots, de persuasion et de débats, peut-être que le Parti réformiste se rendra à cette réalité incontournable qui veut que des hommes aiment d'autres hommes, que des femmes aiment d'autres femmes, et qu'il est possible de s'engager dans des relations qui soient vraies, authentiques et sources d'épanouissement. Peut-être même retrouvera-t-on, avant quelque temps, à l'intérieur même du caucus du Parti réformiste, des gens qui auront choisi cette voie.

Cela étant dit, je disais que nous avons assisté, un peu plus tôt en après-midi, à une conférence de presse où quatre députés ont appuyé le projet de loi, et je veux les remercier. Il s'agit du député de Toronto-Centre—Rosedale, très bien connu pour ses qualités de juriste et également une voix éclairée pour les membres de la communauté gaie de Toronto. Il y a eu également ma collègue, la députée de Shefford, qui n'est pas d'orientation homosexuelle, disons-le clairement, mais qui, parce qu'elle est une démocrate et qu'elle croit aux droits de la personne, a bien compris que le débat était inévitable et qu'il nous fallait prendre position comme parlementaires. Il y avait bien sûr mon ami, le député de Burnaby—Douglas, qui fut, en son temps, un précurseur, un pionnier et un des premiers qui s'est engagé en faveur de la reconnaissance des conjoints de même sexe.

Que propose mon projet de loi? S'il était adopté, il propose que dans chacune des lois où il y a une définition hétérosexiste de conjoint, on puisse également lire une définition homosexiste. Quand on fait le total, on se rend compte que c'est près de 70 lois qui confèrent des avantages et des responsabilités, 70 lois où il y a une définition de conjoint. Je peux faire référence autant à la Loi sur la marine marchande, à la Loi de l'impôt sur le revenu qu'au Code criminel. La liste est longue de 70 lois.

Ce que je souhaite que les parlementaires comprennent aujourd'hui, c'est qu'il y aurait une terrible incohérence pour laquelle aucun des députés de cette Chambre ne pourrait être fier si nous n'adoptions pas un tel projet de loi. Quelle serait cette incohérence? C'est celle qui consisterait à dire que nous avons adopté, comme parlementaires, différentes législations qui ne permettent pas de faire de la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle.

Je fais référence au débat que nous avons eu en 1995, lorsque nous avons modifié la Loi canadienne sur les droits de la personne et que nous avons ajouté un onzième motif interdit de discrimination qu'est l'orientation sexuelle. Quel message avons-nous envoyé, comme parlementaires, à la population du Canada et à la celle du Québec?

C'est le message que nous reconnaissons que l'orientation sexuelle est un chemin par lequel on ne peut pas discriminer, qu'il y a, dans la société, des gens qui sont ouvertement homosexuels, des hommes et des femmes, et que cela ne les empêche pas de prendre leur place dans la société. Cela ne les empêche pas d'être engagés dans leur milieu professionnel. Cela ne les empêche pas d'être engagés dans leur communauté. C'est une façon alternative, extrêmement épanouissante de vivre sa sexualité.

 

. 1820 + -

Mais lorsqu'on a amendé le projet de loi C-33, nous avons posé un geste qui se situait au niveau des individus.

J'ouvre une parenthèse pour rappeler qu'en 1995, la seule ministre qui ait voté en faveur de mon projet de loi, c'est la ministre du Patrimoine canadien, la députée de Hamilton-Est. Je lui suis reconnaissant d'avoir été le seul membre du Conseil des ministres à se singulariser au point de voter en faveur de mon projet de loi. Je n'oublierai jamais qu'au-delà de nos divergences, c'est une femme de convictions. Je suis sûr que l'ensemble de la communauté, à travers le Canada, lui en a été reconnaissante. Je le dis, parce qu'elle est avec nous et que c'est quelque chose qui m'apparaissait digne de mention.

Cela étant dit, nous avons donc reconnu que nous ne pouvions pas discréminer sur une base individuelle. Le prochain pas qu'il nous reste à franchir, comme parlementaires, c'est celui de reconnaître que nous ne pouvons pas discriminer sur une base affective.

Les hommes qui aiment les hommes, les femmes qui aiment les femmes, s'engagent dans des relations affectives. Ils bâtissent un patrimoine commun. Ils s'engagent sur la base de sentiments qui sont vrais, et cela doit trouver un écho sur le plan législatif.

Je veux donner des exemples de ce que cela veut dire concrètement. Ce n'est pas un débat académique que l'on vit. Ce n'est pas un débat scolastique. Ce n'est pas un débat théorique. C'est un débat qui concerne le droit à l'égalité, la pleine reconnaissance de chacun de nos concitoyens, comme contribuable, comme personne engagée dans la société. Cela concerne chacune des dimensions de vie, chacune des dimensions de l'existence.

Laissez-moi vous faire part d'un certain nombre de situations marquées du sceau de la discrimination. Il y a tout d'abord la Loi sur l'assurance-emploi. Quand on est admissible à la Loi sur l'assurance-emploi, c'est parce qu'on a payé des cotisations. Ce n'est pas une oeuvre de charité.

J'ouvre une parenthèse pour dire à quel point ce gouvernement a été sans coeur à l'endroit des chômeurs, à quel point ce gouvernement a eu l'âme basse. Où est passée la société juste que le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau appelait de tous ses voeux en 1968? Si nous mettions dans une même pièce dix chômeurs et chômeuses, il n'y en aurait que quatre qui pourraient se qualifier.

Je sais que la secrétaire parlementaire partage mon indignation. Il faut maintenant s'assurer que son indignation, d'intérieure qu'elle est, devienne vocale. Mais ça, c'est le défi de conviction.

Cela étant dit, nous allons revenir à la question de la reconnaissance des conjoints de même sexe. Je prends un exemple concret: vous êtes prestataire de l'assurance-emploi, vous vivez une relation de couple depuis trois ans, et vous résidez, disons, en Abitibi; votre conjoint est muté pour des raisons professionnelles à Montréal—cette belle ville qu'est Montréal où est situé mon comté, comme chacun le sait—eh bien, vous êtes pénalisé. Vous ne pouvez pas suivre votre conjoint. Sur cette base, vous n'êtes pas admissible aux prestations, alors que dans une relation hétérosexuelle, vous le seriez. C'est un premier exemple qui concerne quelque chose de très concret, de très pragmatique.

Le deuxième exemple porte sur la question des fonds de pension. Les fonds de pension, c'est un régime contributif. Chacun des députés, chacune des personnes qui cotise à un fonds de pension le fait sur une base d'engagement. Par exemple, je décède demain matin; j'ai beau être avec mon conjoint depuis cinq ans, il reste qu'il ne serait pas admissible à mon fonds de pension. C'est vrai pour l'ensemble des employés de la fonction publique. C'est ce genre de situation qu'il faut changer, parce que c'est inacceptable.

Il y a aussi la Loi sur l'immigration. Le Canada est une terre d'immigration. On accueille 250 000 immigrants par année. Avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis, le Canada fait partie des quatre pays à travers le monde pour lesquels il y a une tradition d'immigration. Au niveau du parrainage, ce n'est pas formellement inscrit dans la loi.

Je vois que la ministre responsable des prisons, le procureur général, est avec nous à la Chambre.

 

. 1825 + -

Je souhaite qu'elle prenne également la mesure de la discrimination que peuvent vivre des gens qui sont emprisonnés et pour lesquels on ne reconnaît pas le statut de conjoints, avec ce que cela peut entraîner comme conséquences au niveau des droits de visites pour les conjoints de même sexe.

Monsieur le Président, je le répète, j'ai vraiment la conviction qu'en cette fin de siècle, si ça va bien, nous connaîtrons tous les deux le prochain millénaire. Moi, ce sera en raison de mon jeune âge, vous, en raison de votre persévérance. Le fait est que nous ne saurions penser changer de siècle sans régler ce problème de discrimination, parce que ce qui se passe, je le répète, c'est que dans 70 lois fédérales, il y a de la discrimination qui perdure parce que ce Parlement n'a pas trouvé le moyen de voter une loi omnibus.

Je veux m'élever en faux contre la stratégie gouvernementale, et je veux le dire avec beaucoup d'amitié. J'offre l'opportunité à ce gouvernement de réparer une injustice, parce qu'on ne se trompe pas en disant que, socialement, il y a deux grandes catégories de nos concitoyens qui font encore l'objet de discrimination en 1999. Ce sont les gais et les lesbiennes ainsi que les personnes économiquement faibles. J'aurai d'ailleurs l'occasion de déposer un projet de loi antipauvreté dans les prochaines semaines, mais cela est un autre débat.

Le fait est que nous pouvons, comme parlementaires, si nous le voulons, adopter le projet de loi que je propose, et cela permettrait la reconnaissance intégrale. Est-ce qu'on peut affirmer qu'on ne se trompe pas en disant que tous les députés, qu'ils soient de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Québec ou d'ailleurs, ont, à l'intérieur de leurs frontières et de leurs comtés, des concitoyennes et concitoyens qui s'attendent à ce qu'on pose un geste comme celui-là?

Quel ne serait pas l'odieux pour un Parlement comme le nôtre de passer outre à ce débat et de permettre aux tribunaux de décider à notre place? J'ai le plus grand respect pour les hommes de justice. Le député de Beauharnois—Salaberry, qui m'a fait le plaisir d'appuyer mon projet de loi, en est un. Moi-même, je suis des cours de droit en raison d'un par session. Il n'est pas dit que je ne deviendrai pas avocat, mais je sais pertinemment qu'il n'appartient pas aux tribunaux, ni à la magistrature et ni aux juges, de prendre position en lieu et place des parlementaires. Il est très important que les parlementaires—je vois que la solliciteur général appuie mes propos, ça me fait plaisir et c'est très important...

Mme Eleni Bakopanos: Elle est ministre du Travail.

M. Réal Ménard: Elle est maintenant rendue ministre du Travail? Je lui offre mes félicitations.

Alors, je vois que la ministre du Travail appuie mes propos, et je suis convaincu que nous ne pourrons pas faire l'économie de ce débat.

Je vais donner un exemple. Il y a bientôt deux ans, un jugement est survenu suite à l'activisme de l'Alliance de la fonction publique alors que deux personnes ont intenté des poursuites devant différents tribunaux de droit commun. C'est ce qu'on a appelé le jugement Rosenberg. Le jugement Rosenberg est certainement un des jugements les plus importants pour le droit à l'égalité, parce qu'il a déclaré invalide et inconstitutionnel différentes dispositions de la Loi de l'impôt, mais pas toutes celles qui concernent les conjoints. Il aurait pu aller plus loin, mais il a rendu inconstitutionnel l'alinéa 4 de l'article 252, parce qu'on ne reconnaissait pas le droit à une rente de conjoints survivants pour des travailleurs et des travailleuses qui appartenaient à ce syndicat. C'est un progrès juridique immense, c'est considérable, mais cela aurait été le rôle des parlementaires de le faire.

Le temps qui m'est alloué est sur le point de se terminer. Je reviendrai pour conclure à la fin du débat. Je termine en appelant tous les parlementaires à la justice, au courage et aux convictions, et en permettant un vrai débat, un vrai vote pour le droit à l'égalité, ce qui est la reconnaissance des conjoints de même sexe.

Mme Eleni Bakopanos (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le projet de loi C-309 présenté par mon collègue du Bloc québécois—et c'est la quatrième fois, apparemment, qu'il le présente—est, j'en suis persuadée, une tentative sincère de régler une question d'importance capitale pour les gais et les lesbiennes du Canada, soit le fait qu'à l'heure actuelle leurs relations ne soient pas reconnues.

[Traduction]

Le projet de loi proposé par mon collègue du Bloc québécois tient, j'en suis convaincue, d'un effort sincère en vue de régler un problème qui préoccupe beaucoup les gais et lesbiennes du Canada, à savoir, le manque de reconnaissance des liens qui les unissent.

 

. 1830 + -

Au nombre des valeurs que les Canadiens citent toujours comme étant importantes dans notre société figure la protection des personnes, y compris les homosexuels, contre la discrimination.

Les Canadiens nous disent que la discrimination ne doit pas être tolérée. De plus, les résultats des sondages montrent clairement que la majorité des Canadiens veulent que les couples du même sexe bénéficient du même traitement économique que les couples hétérosexuels.

Le projet de loi C-309 propose d'accorder ce même traitement en redéfinissant le terme conjoint aux fins de toute la législation fédérale et à toutes fins utiles. C'est là l'aspect avec lequel je ne suis malheureusement pas d'accord. Les tribunaux du Canada nous ont aussi indiqué que la discrimination ne doit pas être tolérée.

En 1995, la Cour suprême du Canada a décrété qu'il est discriminatoire de refuser aux couples homosexuels les avantages dont bénéficient les couples hétérosexuels de fait.

Le tribunal a estimé que cette restriction était justifiée, mais seulement pendant un certain temps. Depuis cette époque, d'autres tribunaux s'en sont remis à la plus récente affaire entendue par la Cour suprême qui laisse croire que ces justifications ne sont peut-être plus valables.

Nous avons un problème à régler, un problème qui a trait à l'égalité et à l'élimination de la discrimination. Le gouvernement a à coeur de garantir l'équité. Il s'agit de savoir comment amener ce changement de façon responsable et efficace.

Nous vivons dans une société diverse et le gouvernement du Canada doit répondre aux besoins de l'ensemble de ses citoyens. Depuis un certain temps, le gouvernement estime que le plan d'action responsable consiste à examiner sérieusement les programmes, politiques et lois qui sont de son ressort et à adopter les mesures appropriées pour faire progresser l'égalité.

À l'examen, il s'est révélé que ce problème ne se prête guère aux solutions simples et qu'il n'existe peut-être pas de remède universel.

Il ne suffit pas de parler de prestations équivalentes. De toute évidence, la reconnaissance des couples de même sexe ne se limite pas à leur offrir les mêmes avantages que ceux dont jouissent les couples hétérosexuels en vertu des lois et des politiques fédérales.

Au nom de l'équité et de l'égalité pour tous, il faut s'attacher à la fois aux obligations et avantages prescrits dans la loi et dans les politiques.

Ce qui m'inquiète au sujet du projet de loi C-309, c'est que je ne suis pas convaincue que notre étude des incidences de la modification de la définition de conjoint a été assez approfondie pour nous permettre de savoir ce qui arrivera lorsque toutes les lois fédérales prises individuellement seront modifiées en conséquence.

Les députés ont peut-être entendu parler de la cause fondée sur la charte dont un groupe a récemment saisi des tribunaux ontariens, alléguant que les 52 lois fédérales qui contiennent les termes «conjoint» ou «personne à charge» sont discriminatoires en ce sens que les couples de même sexe sont exclus.

La modification que le projet de loi C-309 propose d'apporter à la définition de conjoint se répercutera vraisemblablement sur plus que 52 lois, ainsi que sur une foule de règlements et de politiques.

Il doit également y avoir bien d'autres lois sur lesquelles ce changement aura un effet indirect. Il faut dire aussi que le ministre de la Justice n'est pas le seul ministre qui doit intervenir; il y en a d'autres qui doivent intervenir aussi, chacun dans son domaine de compétence.

Il faudra étudier attentivement chaque loi, règlement et politique pour trouver le moyen le plus efficace d'effectuer les changements. Il se peut que la solution universelle préconisée dans ce projet de loi ne convienne pas dans tous les cas.

Il se peut qu'un éventail d'approches législatives s'offrent à nous. Certaines seront plus sensées que d'autres relativement à chaque loi, mais nous permettront quand même de nous assurer que les relations entre conjoints de même sexe sont traitées avec équité.

Nous devons prendre le temps d'examiner cela comme il se doit. Cela ne veut pas dire que le gouvernement n'a pas déjà agi relativement à certaines de ces questions. Ainsi, les députés se rappellent que la ministre de l'Immigration a parlé récemment de la nouvelle orientation de la loi en ce qui concerne les réfugiés et les immigrants.

Elle a annoncé qu'afin de s'adapter aux réalités sociales et d'assurer un traitement équitable aux termes de la loi, on allait adopter de nouvelles orientations destinées à étendre la catégorie de personnes qui peuvent être parrainées au titre de la réunification des familles et qui peuvent accompagner un candidat à l'immigration. Cette catégorie élargie va inclure les unions de fait et les couples de même sexe.

Tout le monde reconnaît que cette question complexe pose des problèmes, qu'il existe un certain nombre de façons de répondre aux questions soulevées par les Canadiens. Quelle que soit l'approche choisie pour garantir les relations, nous devons examiner attentivement la façon de maintenir un équilibre approprié entre les droits et les obligations et entre la nécessité de s'assurer d'une certaine équité en reconnaissant les réalités que vivent de nombreux Canadiens tout en préservant l'importance de l'institution du mariage pour d'autres Canadiens.

 

. 1835 + -

Ce n'est pas une tâche facile. Je le répète, ce n'est pas simplement un ministre qui doit agir, mais une série de ministres.

J'attends avec impatience de pouvoir discuter de cette question après avoir examiné plus attentivement la façon de parvenir à un équilibre entre des intérêts opposés.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président,

    Les prestations aux conjoints de même sexe. C'est une boîte Pandore qui ne peut que créer des ennuis aux députés, au public, au lobby des valeurs familiales et aux groupes de défense des homosexuels et des lesbiennes. Mais un débat franc et honnête s'impose quant à ce qu'il y a lieu de faire et pourquoi. Ce n'est pas dans l'intérêt de notre système politique de passer par des moyens détournés ou de faire l'autruche, il n'aurait plus aucune utilité.

Voilà l'éditorial que l'on peut lire dans l'Ottawa Citizen d'aujourd'hui.

En effet, le Parlement doit débattre de questions difficiles, comme nous l'avons fait aujourd'hui à la Chambre à propos de la pornographie juvénile.

Je ne saurais appuyer le projet de loi C-309 pour un certain nombre de raisons que je vais maintenant exposer.

Cette mesure législative réclame le traitement égal des personnes vivant dans une situation assimilable à une union conjugale. On peut y lire plus loin que «les homosexuels et les lesbiennes du Canada vivant dans une situation assimilable à une union conjugale connaissent à bien des égards une réalité identique à celle des couples hétérosexuels.»

Ce projet de loi repose sur un malentendu concernant la nature des relations hétérosexuelles. Les relations homosexuelles et lesbiennes interdisent l'acte de procréation. Certes, il arrive que des couples homosexuels et lesbiens aient des enfants issus de relations antérieures, mais là n'est pas la question. Je le répète, de par leur nature même les relations hétérosexuelles autorisent la procréation.

Or, la famille constitue l'essence de toute société. Son statut unique confère à la famille un intérêt public universel, inégalable. Le juge La Forest, de la Cour suprême du Canada, a écrit dans l'affaire Eagan que:

    La relation hétérosexuelle est l'unité sociale qui a, seule, la capacité de procréer et d'assurer, de façon générale, l'éducation des enfants et, à ce titre, elle justifie le soutien du Parlement pour répondre à ses besoins. C'est la seule unité sociale qui dépense des ressources pour pourvoir aux besoins des enfants sur une base continue.

    Le mariage est, depuis des temps immémoriaux, fermement enraciné dans notre tradition juridique, laquelle est le reflet de très anciennes traditions philosophiques et religieuses. Mais la raison d'être ultime du mariage transcende toutes ces valeurs et est profondément ancrée dans les réalités biologiques et sociales qui veulent que les couples hétérosexuels aient, seuls, la capacité de procréer, que la plupart des enfants sont le produit de ces relations et que ce sont généralement les personnes vivant en situation de relation hétérosexuelle qui pourvoient à leurs besoins. En ce sens, le mariage est, en soi, hétérosexuel.

Les défenseurs de ce projet de loi pourront faire valoir que, comme les couples homosexuels, les couples sans enfant ne peuvent procréer. Utiliser cet argument équivaut à invoquer une exception à la règle pour généraliser une conclusion particulière. Le fait d'affirmer que certains couples de même sexe ont des enfants, ce qui est vrai, équivaut également à utiliser une exception à la règle pour généraliser une conclusion particulière.

On peut affirmer, à coup sûr, que la majorité des personnes vivant dans une situation hétérosexuelle, comme les personnes mariées ou vivant en union de fait, peuvent procréer alors que les couples homosexuels vivant dans une situation semblable n'ont pas la capacité de procréer.

Le projet de loi ne fait pas expressément référence à une modification de la définition de mariage, mais il fait valoir que les relations homosexuelles sont identiques à bien des égards aux relations hétérosexuelles. Il vise également à modifier la définition de conjoint pour y inclure les personnes de même sexe.

Ce projet de loi comporte une lacune évidente, et ce sont les mots «situation assimilable à une union conjugale», qui n'est pas définie. Ces mots apparaissent au moins une dizaine de fois dans le projet de loi. Si nous tenons une définition pour acquise sans tenir compte de l'intention du rédacteur du projet de loi, je crois que nous nous engageons dans une voie très étroite. J'encourage mon collègue à préciser ce que signifie ces mots puisque tout le projet de loi tourne autour d'eux.

 

. 1840 + -

Il semblerait que ce projet de loi mette de l'avant l'assertion que, de par la nature même de leurs relations sexuelles, les homosexuels et les lesbiennes devraient profiter des mêmes avantages que les couples hétérosexuels mariés ou vivant en union de fait. Si on applique la logique du député qui présente ce projet de loi, ceci est en soi discriminatoire. Permettez-moi d'illustrer mon propos en vous racontant une histoire personnelle.

Ma mère est veuve, tout comme sa soeur, ma tante. Ma mère et ma tante vivent ensemble depuis plusieurs mois et pourraient très bien passer le reste de leur vie ensemble. Est-ce que les personnes comme ma mère et ma tante seront incluses dans la définition de «conjoint du même sexe» donnée dans le projet de loi? Non. Pourquoi? Parce qu'elles n'ont pas de relations sexuelles. Les assertions avancées dans ce projet de loi sont contre-intuitives du point de vue de la logique.

Et que dire de l'argument que les couples du même sexe contribuent à un programme dont ils ne reçoivent aucune prestation? À prime abord, cette assertion semble convaincante et logique. Mais regardons-y de plus près. Les personnes qui ne sont pas admissibles aux prestations d'un régime publique profitent quand même des avantages qui en découlent pour le bien de tous. De nombreuses personnes vivant dans une relation de dépendance ne sont pas admissibles à des programmes familiaux, mais profitent quand même des enfants des autres.

Les personnes âgées sans enfants ont droit à l'assurance-maladie, à la Sécurité de la vieillesse et à des prestations du RPC qui leur sont payés par les enfants adultes d'autres couples. Ce sont les enfants adultes des autres qui entretiennent l'ensemble de l'infrastructure économique. Si les prestations réservées aux familles devaient être accordées à des personnes vivant une relation strictement privée, il faudrait mettre ne place un système administratif très lourd et très intrusif pour déterminer qui est admissible et qui ne l'est pas.

Mon collègue est déterminé à ce qu'il y ait des changements dans ce domaine et il a investi beaucoup d'efforts et de temps pour faire avancer sa cause. Je ne suis pas d'accord sur ses conclusions et, pour les raisons que j'ai expliquées dans mon exposé, je ne puis appuyer son projet de loi.

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Monsieur le Président, je désire appuyer ce projet de loi. Le projet de loi C-309 vise à accorder l'égalité à un groupe qui est marginalisé.

Si ce projet de loi est adopté, nous ne réduirons pas pour autant la crainte dans laquelle vivent les homosexuels et les lesbiennes. Nous ne réduirons pas pour autant la discrimination dont ils sont victimes. Il n'est qu'un effort pour s'assurer qu'ils obtiennent eux aussi certains des avantages économiques dont bénéficient d'autres familles. Nous parlons de gens qui peuvent être nos frères, nos soeurs ou nos enfants et, pour certains d'entre nous, nos amis.

La Charte canadienne des droits et libertés garantit l'égalité et interdit toute discrimination contre certains groupes. Elle traite des droits de la personne. Même si la secrétaire parlementaire a dit qu'il n'existe pas de solution facile, et ce n'est jamais le cas, cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas nous efforcer de commencer quelque part. Lorsque les droits de la personne entrent en conflit avec d'autres intérêts, il faut établir un équilibre entre les deux. Les droits de la personne ne devraient pas entrer en conflit avec d'autres intérêts. Nous devrions tout faire ce qui est en notre pouvoir pour garantir les droits des citoyens canadiens, non seulement en paroles, mais aussi dans la loi.

Je suis également d'accord avec le député réformiste pour dire que cette question ne devrait pas examinée en catimini et que nous devrions la débattre ouvertement. Il n'y a rien de honteux à être homosexuel ou lesbienne.

Une bonne partie de la discrimination repose sur la crainte et n'est pas fondée. Les couples hétérosexuels sont beaucoup plus nombreux que les couples homosexuels. Les couples homosexuels ne font pas d'enfants. Ils viennent de familles hétérosexuelles. Je ne connais pas un seul homosexuel ni une seule lesbienne qui présente une menace pour ma cellule familiale. Nous devons reconnaître les avantages qu'ils procurent à notre collectivité, tant sur le plan économique que sur le plan culturel. La loi doit les reconnaître.

Ce que nous voulons, c'est davantage de familles qui se soutiennent les unes les autres. Les familles hétérosexuelles éclatent régulièrement. Cela ne veut pas dire qu'on s'occupera automatiquement des enfants. En fait, cela fait beaucoup d'enfants plus ou moins abandonnés. Je connais beaucoup de tantes et d'oncles qui sont gais ou lesbiennes et qui s'occupent de beaucoup de jeunes enfants. Ils ne se dérobent pas à leurs responsabilités envers la société. Ils font leur part.

En tant que parlementaires, nous avons besoin que les tribunaux nous disent ce qui est bien et ce qui est mal. Combien de fois ces questions devront-elles être adressées aux tribunaux? Combien de fois les tribunaux devront-ils confirmer ce droit avant que les parlementaires ne prennent des mesures? Le fait que ce soit une question plus délicate, que certains aimeraient peut-être mieux ne pas voir, ne signifie pas qu'il faut fermer les yeux.

 

. 1845 + -

Nous avons été élus pour débattre des questions délicates et pour prendre des décisions. Je ne crois pas que celle-ci soit la plus complexe. Pour moi, c'est une question de justice.

Par le passé, nous avons pris des décisions basées sur la peur, mais de quoi avons-nous peur? Nous ne sommes pas gais et lesbiennes, à quelques exceptions près. Nous n'avons donc pas peur de nous faire attaquer. Nous n'avons pas peur de perdre des avantages. Nous n'avons pas peur d'être stigmatisés. C'est donc à nous de prendre une décision pour que justice soit rendue.

Nous ne devrions pas permettre que la peur détermine la vie des gais et lesbiennes. De même, nous ne devrions pas permettre qu'elle détermine la législation canadienne.

J'appuie ce projet de loi, parce que je crois qu'il est temps de nous laisser guider par une soif de justice.

[Français]

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Monsieur le Président, avant de commencer, je vous avise que je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de Kings—Hants.

Le vice-président: Je regrette d'informer l'honorable députée que cela exige le consentement unanime de la Chambre, parce qu'il s'agit de discours de dix minutes.

La Chambre consent-elle unanimement à ce que l'honorable députée divise son temps de parole?

Des voix: D'accord.

Mme Diane St-Jacques: Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui dans le cadre du débat portant sur le projet de loi C-309 qui préconise le traitement égal des personnes vivant dans une situation assimilable à une union conjugale.

Je tiens à féliciter le député de Hochelaga—Maisonneuve d'avoir présenté ce projet de loi qui a pour but de garantir aux couples homosexuels vivant en union de fait les mêmes droits que ceux consentis par les lois fédérales aux couples hétérosexuels vivant en union de fait.

Avant de m'engager plus avant dans ce débat, permettez-moi de vous informer que c'est en mon nom personnel que j'interviens aujourd'hui. Je ne prétends donc pas énoncer la position du Parti progressiste-conservateur sur ce projet de loi.

Cela étant dit, j'accueille favorablement le débat engendré par cette initiative parlementaire, car il nous offre l'occasion de manifester notre ouverture aux changements survenus, au cours des vingt dernières années, dans la société canadienne.

Chacun de nous est à même de constater que les mentalités ont grandement évolué au cours de cette même période, et ce, pour le bénéfice de tous. D'entrée de jeu, je vous avoue que je conçois la question débattue aujourd'hui sous l'angle de l'équité et des droits humains, principes qui me tiennent particulièrement à coeur, car ils sont le fondement même de la société dans laquelle j'ai grandi et évolué.

À mon avis, la relation d'une obligation mutuelle fondée sur le partenariat est tout à fait fondamentale. Il nous faut donc ajuster nos lois aux conditions de la société contemporaine. Le principe de l'égalité des deux parties et le droit à la distribution des biens à parts égales, le droit à des avantages égaux, le droit de partager cette compagnie ainsi que ce respect mutuel n'ont rien à voir avec la politique ou les questions spécifiques reliées à l'orientation sexuelle.

Fort de ce principe, permettez-moi d'approcher le sujet qui nous occupe aujourd'hui par une simple petite question: en fonction de quel principe devrions-nous nier l'égalité aux couples homosexuels vivant en union de fait?

Après tout, ils paient de l'impôt sur le revenu et cotisent au Régime de pensions du Canada, comme tout le monde. Je défie quiconque de répondre à cette question, car il n'y a aucune position qui puisse se défendre. C'est simplement une question d'équité.

Nous vivons d'ailleurs dans un pays où le plus haut tribunal, la Constitution nationale et la Charte des droits ont affirmé que les homosexuels et les lesbiennes doivent bénéficier d'un traitement, d'un respect et d'une dignité égale. Ce tribunal a également déclaré qu'un élément essentiel de cette égalité est la reconnaissance des relations entre homosexuels et lesbiennes.

Dans plusieurs provinces, des mesures ont déjà été prises pour reconnaître le droit à une pension, les droits et les responsabilités en cas de rupture et le droit à l'adoption. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de l'immigration et des pensions, ainsi que dans plusieurs autres secteurs de compétence fédérale pour mettre fin à la discrimination et à l'iniquité.

Il y a discrimination lorsque le législateur se refuse à accorder à une catégorie de citoyens des droits qui sont disponibles pour une autre catégorie de citoyens. C'est précisément de cela dont on parle lorsqu'on refuse, comme parlementaires, de reconnaître les conjoints de même sexe.

Je termine donc en rappelant que je réprouve toute forme de discrimination, qu'elle soit fondée sur l'orientation sexuelle ou autre.

 

. 1850 + -

J'invite donc mes collègues de cette Chambre à contribuer à l'avancement des mentalités en rectifiant la discrimination exercée à l'égard des personnes vivant dans une situation assimilable à une union conjugale.

[Traduction]

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député d'Hochelaga—Maisonneuve d'avoir le courage de poursuivre sa lutte pour tous les droits des Canadiens.

Je crois dans les valeurs familiales. Je pense que tous les députés et, en fait, tous les Canadiens croient dans les valeurs familiales. Nous ne reconnaissons pas nécessairement que les valeurs familiales doivent être un euphémisme pour décrire une politique discriminatoire à l'égard de n'importe quel membre de notre société. En fait, si nous croyons vraiment dans les valeurs familiales nous devrions défendre et reconnaître l'importance de la famille pour tous les membres de la société, et nous devrions encourager tous les membres de la société qui vivent dans une situation assimilable à une union conjugale. Je crois que lorsqu'il a présenté cette mesure législative importante qui donne à réfléchir, le député avait pour intention d'encourager tous les Canadiens à vivre à l'intérieur d'une union à long terme. La société profiterait de ce changement.

Certains vont prétendre que le fait d'accorder à un groupe des droits va d'une façon ou d'une autre diminuer les droits d'un autre groupe. Il n'y a absolument aucun précédent historique permettant d'affirmer cela. En fait, il y a des précédents historiques montrant, au contraire, que lorsque nous nions les droits à n'importe quel groupe de la société, nous menaçons et remettons en question les droits de tous.

Je prétends que le populisme mis de l'avant par le Parti réformiste est parfois très dangereux. Le mouvement des droits civils dans les années 60 aux États-Unis n'aurait jamais progressé si nous nous étions fiés aux sondages et au populisme.

Le Parlement et le gouvernement du Canada doivent donner l'exemple. Les tribunaux ont été plutôt cohérents dans leur interprétation de la Charte des droits. Les gouvernements doivent donner l'exemple. Nous ne devrions pas entrer à reculons dans le XXIe siècle.

Tous les députés de la Chambre devraient se poser la question périodiquement: Sommes-nous simplement des politiciens ou des chefs de file politiques? Des leaders politiques doivent donner l'exemple.

J'espère que le gouvernement jugera bon de discuter de cette question. Il devrait soumettre la question à la Chambre des communes afin que nous puissions avoir un débat constructif sur une question qui va être très importante alors que nous entrons dans le XXIe siècle.

Je voudrais citer en terminant le député libéral de Lac-Saint-Louis qui a déclaré que les droits étaient toujours des droits.

[Français]

Le vice-président: Je dois informer la Chambre que si le député de Hochelaga—Maisonneuve prend la parole maintenant, il terminera le débat.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Dois-je comprendre, monsieur le Président, que je dispose de cinq minutes?

Le vice-président: Oui.

M. Réal Ménard: Monsieur le Président, ce sont donc des remarques de conclusion que je vais livrer et partager avec mes collègues.

Il y a un vent de fraîcheur qui est venu de ce côté, que je salue, parce que je sais que c'est quelque chose qui est en discussion à l'intérieur du Parti progressiste-conservateur. Tout cela me semble bien augurer.

Il faut se rappeler qu'en 1990, lorsque le premier jugement Egan a été rendu et que l'on a invalidé la Loi canadienne sur les droits de la personne, c'est la ministre conservatrice de la Justice, Mme Kim Campbell, qui avait décidé que le jugement serait exécutoire à travers le Canada. Si je le mentionne, ce n'est certainement pas à des fins de partisanerie, mais pour souligner que dans chacune des familles politiques, on peut retrouver une sensibilité à la promotion des droits de la personne.

Nous avons été tenus dans le marasme le plus opaque et le plus détestable auquel le Parti réformiste, dans ses fréquentations «ténèbres», nous a habitués. J'en suis désolé, parce que je sais qu'il y a des gens sensibles du côté du Parti réformiste. Mais définitivement, dans le dossier des droits de la personne, tout est à faire.

C'est quand même incroyable que l'on puisse faire les comparaisons que l'on a faites. Je suis issu d'une famille respectable que j'aime. J'aime les enfants. Rien ne m'empêcherait de former une famille. Mais quand on parle d'orientation sexuelle, on parle de la propension du désir. Ce qui fait qu'on est homosexuel, ou dans le langage militant, gai, c'est parce que l'on a une attirance vers un partenaire de même sexe.

 

. 1855 + -

Cela n'a rien à voir avec des habiletés parentales. Cela n'a rien à voir avec la qualité de citoyen que l'on puisse être. C'est la raison fondamentale pour laquelle nous ne pouvons pas accepter la discrimination. Mais nous savons tous que le Parti réformiste est à ce Parlement ce que le cinéma muet était au Septième art.

Je veux terminer en souhaitant que nous ayons, à l'avenir, un vrai débat parce que, je le répète, c'est la qualité de citoyen, c'est l'implication des gens qui est en cause.

Je veux terminer en donnant un exemple. Lorsque j'ai fait ma sortie comme député, en 1993, j'ai reçu une lettre d'un jeune de 16 ans qui, lui-même, découvrait son orientation homosexuelle. Je dirais que la chose qui m'a fait le plus plaisir, c'est de savoir que j'ai pu aider quelqu'un parce que cette personne a senti qu'elle n'était pas seule, qu'il y a des gens dans la vie publique qui sont d'orientation homosexuelle et qui peuvent s'acquitter de leurs responsabilités tout à fait honorablement, comme on en retrouve dans de nombreux milieux.

Souhaitons que nous ayons un vrai débat et que nous puissions mettre fin à la seule véritable discrimination qui subsiste. Pour moi, c'est très important. Il y a deux grandes catégories de citoyens que l'on accepte encore qu'ils soient l'objet de discrimination dans notre société: les gens économiquement faibles et les gais. Nous n'avons pas raison de l'accepter comme parlementaires.

Que tous ne soient pas rendus au même niveau, que des gens se posent des questions sur ce qui fait qu'un homme en aime un autre, qu'une femme en aime une autre, je peux comprendre. Nous avons un devoir d'éducation. Je sais que les plus militants d'entre nous savent bien que c'est quelque chose qui s'explique et que nous avons un devoir de sensibilisation auprès de la communauté hétérosexuelle. Mais le pari que nous devons faire comme législateurs, c'est que ces deux grandes communautés puissent vivre ensemble dans le respect, la tolérance et la promotion de valeurs d'équité.

Je termine en disant que si demain matin, on me disait qu'il y a une pilule que je peux prendre pour devenir hétérosexuel, je ne la prendrais pas parce que j'appartiens à une communauté qui est grande, belle, généreuse et impliquée. Je sais que dans ma vie, ce sera toujours une très belle chose.

Je sollicite le consentement unanime pour que mon projet de loi puisse faire l'objet d'un vote et qu'il soit renvoyé au Comité permanent de la justice.

Le vice-président: Je regrette d'informer l'honorable député d'Hochelaga—Maisonneuve que la Chambre a adopté hier une motion qui rend la Présidence incapable d'accepter une motion qui demande le consentement unanime de la Chambre après 18 h 30 aujourd'hui. Il m'est donc impossible de recevoir une telle requête. Je regrette de devoir en informer l'honorable député. Peut-être pourrait-il présenter cette motion demain?

M. Réal Ménard: Monsieur le Président, croyez-vous que si je sollicitais demain matin le consentement unanime, je pourrais l'obtenir, mais que c'est en raison du fait que nous soyons maintenant à la période des affaires émanant des députés que je ne peux l'obtenir? Je veux juste connaître votre interprétation à cet égard.

Le vice-président: L'interprétation est que la motion adoptée par la Chambre hier dit très clairement qu'une requête pour le consentement unanime de la Chambre dans n'importe quel but n'est pas recevable par la Présidence après 18 h 30. Alors, la requête n'est pas recevable maintenant. Si le député veut présenter la même motion demain lors de la période des affaires courantes ordinaires, la Chambre donnera peut-être son consentement à ce moment-là. Je ne peux rien faire. J'espère que c'est clair pour tout le monde.

M. Réal Ménard: C'est très clair.

Le vice-président: Très bien.

[Traduction]

La période réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée et l'article est rayé du Feuilleton.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES FINANCES

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 1er février, de la motion.

Le vice-président: Conformément à l'ordre spécial adopté lundi, le 1er février 1999, la Chambre poursuit l'examen des initiatives ministérielles.

Le député de Kamloops, Thompson and Highland Valleys dispose de dix minutes pour son intervention, qui sera suivie comme à l'habitude de questions et commentaires.

 

. 1900 + -

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir ce soir dire quelques mots au sujet du budget qui devrait être annoncé le 16 février ou aux alentours de cette date.

Nous avons tous vu dans la presse ces derniers jours les reportages en provenance de Davos, en Suisse, où les dirigeants se réunissent chaque année pour discuter de l'avenir du monde et des grandes questions d'actualité.

J'ai noté avec intérêt que plusieurs intervenants avaient fait référence à l'inégale répartition de la richesse dans le monde et s'étaient dits préoccupés par l'écart entre les riches et les pauvres, les disparités croissantes, et le rythme auquel ces disparités se manifestent non seulement dans le monde entier entre les pays riches et les pays pauvres, mais aussi au sein des nations.

Depuis quelques semaines au Canada, on entend des gens faire des observations sur les craintes que leur inspire l'écart entre les riches et les pauvres. En fait, même le premier ministre s'est dit inquiet quand on lui a démontré que cet écart grandit.

À mesure que le Comité permanent des finances parcourait le Canada et écoutait les Canadiens d'un océan à l'autre et à l'autre, il m'a semblé qu'un des thèmes qui ressortait haut et fort, c'est que les Canadiens veulent des règles du jeu équitables, pas seulement pour les entreprises ou les provinces, mais aussi pour les individus. Ils veulent que les Canadiens, peu importe leurs antécédents, leur situation ou leur état de santé, entre autres, aient des chances égales de devenir les citoyens canadiens qu'ils devraient être.

Vu que le gouvernement a des fonds excédentaires pour la deuxième fois de suite depuis de très nombreuses années, il faut absolument prendre des mesures pour égaliser les chances pour tous les Canadiens. Peu importe si des jeunes grandissent en Colombie-Britannique, dans une réserve indienne de la Saskatchewan ou dans une petite collectivité sur la côte de Terre-Neuve, ils devraient avoir les mêmes chances de devenir les citoyens qu'ils veulent être.

L'autre chose qui m'est apparue clairement pendant que nous parcourions le pays, c'est que bien des Canadiens ont mis en garde le Comité des finances contre la tentation d'accepter une solution simple aux problèmes économiques du pays. C'est ce que nous entendons aujourd'hui. Jour après jour, ce que nous entendons à la Chambre, ce sont justement de grandes solutions simplistes aux problèmes économiques.

Je me souviens d'un temps où l'on répétait à qui mieux mieux que, si le taux d'inflation chutait à 1 ou 2 p. 100, l'économie reprendrait et serait très vigoureuse. Nous savons tous que cela n'est pas arrivé. On a dit alors que si nous pouvions seulement réduire à 4, 5 ou 6 p. 100 les taux d'intérêt qui s'élevaient alors à près de 20 p. 100, l'économie reprendrait le dessus. Et bien nous l'avons fait et l'économie continue néanmoins à traîner de l'arrière.

Puis, c'est le déficit qui représentait le gros problème. Il atteignait les 42 milliards au moment où les conservateurs étaient au pouvoir. On a prétendu que si on pouvait faire disparaître le déficit, ce serait un facteur clé. Et bien, le déficit a maintenant été épongé et l'économie n'a toujours pas répondu à la théorie de Rostow. On nous dit maintenant que d'importantes réductions d'impôts permettraient à coup sûr de redémarrer l'économie. C'est le plus récent mantra.

Je vois que le secrétaire parlementaire du ministre des Finances est ici ce soir. Il se rappellera certainement l'échec que Ronald Reagan a essuyé lorsqu'il a voulu appliquer ce principe aux États-Unis. Il a considérablement réduit les impôts, mais est-ce que cela a suffit pour que l'économie américaine reprenne à plein régime? Pas du tout. La dette et le déficit ont plutôt augmenté. La situation ne s'est pas rétablie.

Je sais que certains collègues ont affirmé que le plein emploi serait la solution. La solution serait de remettre tout le monde au travail. Comme nous le rappelle Jesse Jackson aux États-Unis, à l'époque de l'esclavage dans le Sud, tout le monde travaillait. Les esclaves étaient bien sûr des esclaves, mais ils travaillaient. Est-ce ce genre de solution qu'il nous faut? Faisons preuve de prudence quand il s'agit de proposer une solution macroéconomique à ce monde économique complexe dont nous avons hérité et dans lequel nous vivons aujourd'hui.

 

. 1905 + -

Je voudrais faire une brève observation au sujet des investissements étrangers. Je sais qu'on ne peut pas condamner l'investissement étranger entrant dans un pays, car cela doit être bon pour le pays. Des chiffres que Statistique Canada nous a fournis l'autre jour révèlent que, des centaines de milliards de dollars d'investissement étranger qui sont entrés au Canada, 1,5 p. 100 seulement se sont vraiment traduits par une nouvelle usine ou une nouvelle entreprise. Le reste des investissements a servi aux acquisitions d'entreprises et à ce genre de choses. Je pourrais ajouter qu'ils nous ont souvent coûté des emplois.

Qu'il s'agisse d'investissements étrangers, de dégrèvements fiscaux, de lutte contre le déficit, de lutte contre l'inflation ou de lutte contre la hausse des taux d'intérêts et ainsi de suite, ce sont toutes là des solutions simplistes. Il ne faut pas se laisser convaincre de les accepter. La taxe Tobin en est une autre dont nous entendons parler. Il s'agit d'une taxe sur la spéculation internationale sur les devises. C'est sur ce point que réside une importante solution.

En réalité, nous avons besoin de toutes ces mesures combinées dans une matrice sophistiquée pour créer le genre de synergie économique qui relancera l'économie dans la bonne direction, de sorte que les gens bénéficient du plein emploi et occupent de véritables emplois intéressants et stables.

Pour ce faire, il manque une chose. Il n'y a sans doute pas un seul député à la Chambre qui prétendrait qu'on peut réussir sa vie sans avoir un plan quelconque, sans avoir un objectif, une stratégie, en se contentant d'improviser au petit bonheur. Personne ne le croit.

Une voix: Ce sont les objectifs renouvelables.

M. Nelson Riis: Effectivement, mon collègue à raison. Que l'entreprise soit petite, moyenne ou grande, elle a besoin d'un plan avant de faire quoi que ce soit. La première question qu'on pose, c'est celle-là: est-ce qu'il y a un plan d'entreprise, est-ce qu'on a réfléchi sérieusement aux éléments de l'entreprise, qu'elle soit ancienne, toute neuve ou modernisée? On demande le plan. Si on dirige une organisation, que ce soit un club de scouts, la Croix-Rouge ou n'importe quoi d'autre, il faut un plan d'activités. Il faut fixer des objectifs et choisir une stratégie pour les atteindre.

Quel est le plan de notre pays? Nous n'en avons pas. Nous avons une zone libre de tout plan. Pas de plans au Canada. Si on demandait aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays ce qu'est, selon eux, le plan d'avenir du gouvernement fédéral pour le Canada, on obtiendrait le méli-mélo de commentaires le plus ahurissant, parce que nous n'avons aucun plan. Bien sûr, une partie et une raison du succès tient au fait que nous réunissons les principaux protagonistes pour élaborer un plan.

Avec tout le respect qui est dû au ministre des Finances, qui arrête la politique des soins de santé au Canada? Les services de santé? Le secteur des soins de santé? Pas du tout. C'est le ministre des Finances. Il demande l'avis de ses conseillers financiers et décide, au fond, de certaines politiques fondamentales pour notre pays. Nous attendons le budget pour savoir quelle sera la politique canadienne en matière de santé. C'est mal.

La même chose est vraie dans le domaine de l'éducation. L'économie du XXIe siècle, qui sera axée sur l'information, exige que nous ayons un système d'éducation adéquat d'un bout à l'autre du pays. Qui décidera de la nouvelle orientation à prendre dans le domaine de l'éducation, le cas échéant? Ce sera le ministre des Finances et ses conseillers politiques et financiers.

Sauf tout le respect que je lui dois, il connaît beaucoup de choses, mais je ne crois pas qu'il connaisse bien les domaines des soins de santé et de l'éducation. C'est pourquoi nous avons besoin de planifier. Lorsque je dis que nous devons planifier, je ne veux pas dire que le ministre des Finances doit tout planifier pour nous. Il faut réunir les personnes compétentes pour élaborer un plan acceptable et le mettre ensuite à exécution.

Regardons les économies prospères partout dans le monde, les économies où le taux de croissance est de 7, 8 ou 9 p. 100. Je vous garantis qu'elles ont un point en commun; elles ont toutes un plan pour stimuler la croissance économique et créer de l'emploi.

Stimuler la croissance économique ne veut pas nécessairement dire aider les gens. Cela peut aider les actionnaires, mais cela n'aide pas nécessairement la population en général.

De notre point de vue, les soins de santé devraient être une priorité. Nous voulons voir le gouvernement réinvestir au moins 2,5 milliards de dollars dans les transferts au titre de la santé. Puis, nous devons investir une somme importante pour réparer les dommages causés à nos programmes sociaux. Je crois que tous les Canadiens seraient d'accord avec moi sur ce point. C'est certainement ce que nous avons entendu durant la tournée du Comité des finances.

 

. 1910 + -

Les cotisations d'assurance-chômage doivent servir à améliorer le régime et il y a aussi l'aide financière qui doit être accordée au secteur agricole et les obligations relatives à l'équité en matière d'emploi que nous devons respecter.

Sur le plan des allégements fiscaux, nous proposons une réduction de un point de pourcentage de la TPS pour alléger le fardeau fiscal de tous les Canadiens. Même les enfants bénéficieraient d'une réduction de la TPS. Lorsqu'ils vont acheter des disques compacts ou d'autres articles, ils profiteraient de cette réduction.

En terminant, la réduction de la dette est quelque chose que nous devons considérer. Nous ne devons pas être trop ambitieux à cet égard à ce stade-ci, mais c'est quelque chose qui mérite certainement notre attention, ainsi qu'un certain nombre d'autres points dont je parlerai plus tard dans le processus.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, ce que j'aime de notre institution, c'est qu'il arrive à de rares occasions que nous puissions débattre de certaines questions de façon posée et rationnelle et exprimer notre point de vue.

Je tiens à dire ouvertement, même si cela pourrait me valoir des sarcasmes, que j'ai beaucoup de respect pour le député qui vient d'intervenir. Il parvient fort bien à exprimer ses avis. Je ne partage pas nécessairement ses opinions, mais je reconnais qu'il sait bien les expliquer et les communiquer. Je tiens à l'en féliciter.

Je voudrais lui poser une question sur l'ensemble de la situation. J'ai grandi en Saskatchewan, là où est né le NPD. Quand j'étais jeune, on l'appelait le CCF, la Fédération du commonwealth coopératif. Je me souviens d'avoir écouté tout jeune, en compagnie de mon père, Tommy Douglas à la radio. Mon père ne me l'a jamais avoué, mais je ne serais pas surpris qu'il ait à l'occasion voté pour le NPD. Je sais que bien des gens de ma circonscription votaient pour le NPD avant de voir la réalité en face et de voter pour le Parti réformiste.

Le député semble avoir une bonne vue d'ensemble de la situation en raison de ses nombreuses années d'expérience en tant que législateur, député et homme sérieux. J'aimerais qu'il nous dise ce qu'il pense exactement de la nature de la dette que avons accumulée.

Il y a 25 ans, nous n'avions aucune dette et aujourd'hui, le gouvernement consacre le tiers de ses dépenses au service de la dette. Le député soutient qu'il faut éviter les mesures radicales de réduction de la dette et pourtant nous pourrions augmenter de 50 p. 100 les fonds que nous consacrons aux programmes et aux initiatives qui nous sont chères si nous n'avions pas à payer l'intérêt sur la dette.

Je voudrais que le député nous parle de tout le concept de la dette et des paiements d'intérêt sur la dette et de ses répercussions sur notre pays.

M. Nelson Riis: Monsieur le Président, je suis heureux de répondre à la question du député au sujet de la dette. Je lui sais gré d'avoir mentionné les politiques progressistes de la Saskatchewan qui, dans un sens, ont guidé notre pays au fil des ans. Je pense à l'assurance-maladie et à d'autres programmes.

Lorsque Tommy Douglas était le premier ministre de la province, il a dit que son gouvernement ne dépenserait pas beaucoup d'argent pour les programmes sociaux tant que la dette ne serait pas éliminée. C'était il y a longtemps. Depuis que Tommy Douglas a dit cela, le scénario politique se répète en Saskatchewan; je pense que le député en conviendra.

Le NPD, ou son prédécesseur, le CCF, est porté au pouvoir et il élimine la dette. Il s'emploie ensuite à mettre en oeuvre les programmes dont le député a parlé. Tant que nous versons des paiements élevés à des banquiers étrangers ou non et à d'autres intérêts pour rembourser notre dette, nous n'investissons pas l'argent des contribuables dans les programmes sociaux et la qualité de vie, comme le souhaitent les Canadiens ou comme le souhaitaient les habitants de la Saskatchewan.

La théorie de Tommy Douglas consistait à rembourser la dette. Pendant des années, on a constaté une séquence historique intéressante. À titre d'historien canadien, j'aimais relater cela à mes étudiants en classe. Le NPD-CCF se faisait élire, il travaillait d'arrache-pied pendant un certain temps pour rembourser la dette et il y parvenait. Il était ensuite écarté du pouvoir. Les libéraux étaient portés au pouvoir et endettaient épouvantablement la province. Les libéraux seraient battus et seraient remplacés par le NPD-CCF, qui épongerait de nouveau la dette et équilibrerait le budget. Par la suite, les conservateurs et les libéraux seraient élus et gonfleraient encore la dette.

Aujourd'hui, en Saskatchewan, nous ne sommes plus endettés après avoir hérité de la dette massive que nous a léguée le gouvernement conservateur précédent avec bien d'autres choses.

 

. 1915 + -

Le député a raison. Nous devons réduire la dette. La question est de savoir à quelle vitesse. C'est là-dessus que le débat devrait porter. Le député est d'avis qu'il faut réduire assez massivement la dette. Sauf tout le respect que je dois au député—car je sais qu'il parle sérieusement—, il est un fait que l'on peut ignorer; c'est que, dans notre pays, le pays le plus riche du monde sur le plan de la qualité de vie selon les Nations Unies, il y a 1,4 million d'enfants qui vivent dans la pauvreté.

Cette réalité requiert une intervention du gouvernement sur le plan financier. Certes, il faut rembourser la dette. Mais il ne faut pas rembourser la dette au détriment des enfants qui vivent dans la pauvreté aujourd'hui.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, je partagerai le temps dont je dispose avec le député de Markham.

Je veux ce soir exprimer les préoccupations du Parti conservateur face au budget qui approche. Comme beaucoup de mes savants collègues le savent, nous, au Parti conservateur, avons une vision commune de l'orientation qu'il faudrait donner au pays. Nous savons que les bases d'un avenir solide pour nos familles et nos enfants doivent reposer sur une économie forte. Cependant, pour avoir une économie forte, nous devons avoir une économie invitante pour les gens d'affaires, une économie où faire des affaires est un jeu d'enfant.

Lorsque je m'entretiens avec des gens d'affaires de tout le Canada, ils me demandent quelle est la position de mon parti sur les impôts. Ils veulent savoir pourquoi le gouvernement ne réduira pas les cotisations à l'assurance-emploi à 2 $. Ils savent qu'il recueille environ sept milliards de dollars de plus que ce dont il a besoin. Pourquoi ne réduira-t-il pas les cotisations et ne laissera-t-il pas plus d'argent dans les poches des simples travailleurs et des gens d'affaires?

Chaque fois qu'une entreprise obtient un allégement de son fardeau fiscal, elle tente de prendre de l'expansion et de créer davantage d'emplois. Nous sommes convaincus, tout comme le sont les Canadiens d'un océan à l'autre, que le gouvernement aurait dû accorder un allégement fiscal plus généreux que le simple abaissement des cotisations à l'assurance-emploi à 2,70 $. J'ai entendu parler d'économies en prévision des jours sombres, mais au rythme actuel, c'est ridicule, d'autant plus que les gens d'affaires attendent du gouvernement un allégement fiscal digne de ce nom.

Comme le député néo-démocrate vient de le souligner, on observe une tendance troublante au Canada. Cette tendance, c'est l'appauvrissement. L'écart entre les pauvres et les riches s'élargit chaque jour un peu plus. J'imagine que beaucoup de gens se demandent pourquoi. La véritable question que les Canadiens devraient se poser, c'est: qu'est-ce que le gouvernement fait pour contrer cette tendance? Quels sont ses plans pour lutter contre l'appauvrissement des Canadiens?

Beaucoup d'entre nous ne le savent pas, mais nous sommes de plus en plus nombreux à nous préoccuper de la vraie réalité. Nous vivons dans un pays où des enfants vont à l'école le ventre creux. Nous avons lancé tellement de programmes pour ces enfants dans Saint John, au Nouveau-Brunswick, ma circonscription. De nombreux bénévoles essaient de nourrir les enfants, car des enfants affamés ne peuvent pas apprendre.

Je me souviens de l'époque où je siégeais au conseil d'administration du Club Rotary. Un jour, nous avons eu un déjeuner-causerie à 7 h 30 du matin. Comme j'avais entendu du bruit à l'extérieur, je suis sortie. Il y avait là un petit garçon qui cherchait de quoi manger dans les poubelles. Je lui ai demandé quand il avait mangé la dernière fois et il m'a répondu qu'il n'avait pas mangé de la fin de semaine. Nous l'avons fait entrer et nous avons tout de suite lancé un programme de déjeuners, au Club Rotary. Ce programme existe toujours et il est en croissance. Songez donc! Nous sommes obligés de faire cela au Canada! Un enfant fouille dans les poubelles au Canada!

Le chômage chez les jeunes atteint le niveau inacceptable de 14,7 p. 100. Les Canadiens rapportent à la maison 400 $ de moins qu'au cours des deux années précédentes. La dette personnelle des citoyens s'est accrue plus vite, ces dix dernières années, au Canada que dans tout autre pays du G7. Les faillites personnelles ont atteint un niveau critique au Canada. L'an dernier seulement, il y en a eu plus de 85 000. C'est un sommet de tous les temps au Canada.

Le gouvernement a beau bien présenter les choses sur papier, mais lorsque les gens ont des problèmes, ils veulent qu'on agisse. Ils ne veulent pas de simples paroles. Et il ne veulent pas savoir à quel point tout est merveilleux et tout va très bien. Ils veulent que des mesures soient prises.

 

. 1920 + -

Arrêtons-nous à la politique relative à la construction navale et à l'industrie de la construction navale. Dans ma ville, ce sont les libéraux qui, les premiers, ont affecté des fonds à notre chantier naval pour le premier contrat de construction de frégates que nous avons obtenu. Puis ce sont les conservateurs qui ont versé le reste des fonds. Nous possédons le chantier naval le plus moderne qui soit dans le monde et il est inactif. Ce chantier naval employait 4 000 personnes. Ces dernières ont maintenant quitté notre ville. Depuis mon arrivée sur la Colline, en 1993, 10 000 personnes ont quitté Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Elles sont parties aux États-Unis afin d'y trouver du travail.

Je suis absolument atterrée par ce qui se passe. J'ai demandé au ministre de l'Industrie d'adopter une politique nationale relative à la construction navale qui permettrait à nos gens de faire des soumissions et de chercher à obtenir des marchés partout dans le monde. Plus de cinquante soumissions ont été présentées en vue d'obtenir des marchés, mais elles ne sont pas concurrentielles parce que nous sommes le seul pays au monde qui adhère toujours à la vieille politique de l'OCDE relative à la construction navale. Cette politique est entrée en vigueur il y a bien des années. Tous les autres pays l'ont tournée en dérision. Ils s'en sont éloigné.

Non, ils ne cherchent pas à obtenir des subventions. Ils désirent plutôt un programme de remboursement à plus long terme. Le gouvernement récupérera cependant toujours son argent. Ils mentionnent d'autres choses, mais ils ne cherchent pas à obtenir des subventions.

À l'occasion de son congrès politique de 1993, le Parti libéral a adopté une motion visant la mise en oeuvre d'une politique nationale de construction navale que les libéraux estimaient que le Canada en avait un besoin urgent. Nous voici en 1999 et nous attendons toujours que le gouvernement élabore une politique nationale en matière de construction navale. Il n'y a eu ni réunion, ni consultation auprès de l'industrie. Des représentants de l'industrie sont venus au bureau du ministre réclamer la tenue de consultations, mais en vain.

Il faut investir dans nos ressources humaines. Le gouvernement doit s'occuper d'abord des Canadiens et des Canadiennes. À cette fin, il peut notamment réduire les impôts afin de permettre à notre beau pays de prospérer. Il faut porter le montant du revenu personnel de base indexé à 10 000 $ et laisser souffler un peu nos petits salariés. Il est bien connu que, plus les gens ont un revenu disponible élevé, plus ils dépensent. Pensez-y, 10 000 $ par année, ce n'est certes pas le Pérou.

Plus on dépense, plus il y a d'argent pour faire fonctionner l'économie, et la croissance économique stimule la création d'emplois. Plus il y a d'activité économique, plus les entreprises embauchent et plus on perçoit d'impôt. C'est le principe économique de l'offre et de la demande qui s'applique ici. Voilà la voie de l'avenir.

Le Canada est réputé pour sa gentillesse et sa compassion envers ses citoyens. Il n'est pas facile de gouverner, mais une fois au pouvoir, il ne faut jamais oublier les petites gens qui gagnent leur vie et celle de leur famille à la sueur de leur front, ni les personnes qui ont besoin des services que nous payons tous collectivement. Jamais compressions ou réductions ne devraient être imposées, si elles ne sont pas équitables et réparties équitablement entre toutes les régions du pays.

Depuis l'arrivé des libéraux au pouvoir, en 1993, les provinces de l'Atlantique ont vu leurs paiements de transfert diminuer de 40 p. 100, alors que notre population ne représente que 8 p. 100 de la population totale du pays.

Le gouvernement a équilibré son budget aux dépens des personnes qui ont le plus besoin de services. C'est peut-être pour cela que les électeurs de la région de l'Atlantique ont envoyé un message clair aux libéraux.

Au chapitre des soins de santé, les réductions des paiements de transfert ont porté un dur coup à nos hôpitaux. On raconte des horreurs à propos du régime des soins de santé au Québec. Les gens subissent les mêmes horreurs au Nouveau-Brunswick et un peu partout au pays.

Il faut rembourser ces paiements de transfert, ces milliards de dollars que l'on a extorqués, afin que nous puissions faire instruire nos enfants, afin que nous puissions les garder chez nous, plutôt que de faire instruire et de les voir ensuite partir pour les États-Unis, qu'il s'agisse des médecins, des avocats, des infirmières; ce sont les nôtres.

Il est urgent d'agir. Nous devons agir en personnes responsables. Je crois dans un bon gouvernement honnête et responsable. Voilà ce que j'ai toujours prôné et j'y crois. Je crois dans la population. Je crois que lorsqu'on décide de réductions, il faut tenir compte de l'impact négatif que cette mesure peut avoir sur la vie de nos gens. Je prie pour que ce soit le cas dans le prochain budget.

 

. 1925 + -

M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole dans le cadre du débat prébudgétaire. J'ai ainsi l'occasion de présenter, au nom de mes électeurs et en tant que membre du Parti progressiste conservateur, une série de solutions réalistes et réalisables pour améliorer l'économie canadienne.

Malgré les belles paroles du ministre des Finances et de libéraux tels que le député de Vaughan—King—Aurora, qui préside le comité des finances, la situation économique actuelle est loin d'être idéale.

Le taux de chômage au Canada est de 8 p. 100, soit presque le double de celui des États-Unis, notre principal partenaire économique. Par ailleurs, le taux de chômage chez les jeunes Canadiens est presque deux fois plus élevé que le taux national.

L'an dernier, le revenu net des Canadiens a baissé de 400 $ par rapport à l'année antérieure, tandis que leur revenu après impôt a diminué de 7,2 p. 100 au cours de la dernière décennie. En outre, le niveau de la dette des particuliers a augmenté plus rapidement au Canada que dans tout autre pays du G7 depuis 10 ans. L'an dernier, on a enregistré 85 297 faillites de consommateurs, soit le plus haut total dans toute l'histoire du Canada.

Ces chiffres ne concernent que les particuliers. Lorsqu'on examine un certain nombre d'indicateurs économiques clés, on constate d'autres faiblesses au sein de notre économie.

Au cours des 20 dernières années, la croissance de la productivité au Canada a été plus lente que dans tous les autres pays du G7. Le ratio de notre dette par rapport au PIB est aussi le deuxième plus élevé parmi les membres du G7. Les libéraux n'ont aucune raison de se péter les bretelles. Nous savons déjà, grâce à des publications fiables comme The Economist, que toute croissance économique enregistrée sous le régime des libéraux est en fait le résultat des politiques mises en place par les gouvernements conservateurs.

Quelle est réellement la performance économique des libéraux? Selon Statistique Canada, le revenu disponible a diminué depuis les élections de 1993. Le gouvernement a perçu 38 p. 100 de plus d'impôts sur le revenu des particuliers ces cinq dernières années. Avec de telles statistiques, il n'est pas surprenant que le Canada soit l'un des pays du monde industrialisé où les impôts sont le plus élevés.

Ces impôts élevés représentent un coût considérable. Ils freinent le développement économique. Ils tuent l'esprit d'entreprise. Ils découragent l'investissement. Ce qui est peut-être encore pire, ils entraînent un exode des cerveaux vers des pays plus avantageux sur le plan fiscal.

L'exode des cerveaux fait énormément de tort à l'économie canadienne. Dans une étude récente réalisée par l'Institut C.D. Howe, on estime qu'entre 1982 et 1996, la perte de cadres et de professionnels a représenté un coût net de 6,7 milliards de dollars à la société canadienne.

Selon les services américains d'immigration et de naturalisation, plus de la moitié de tous les immigrants en provenance du Canada ont été admis à titre permanent sur la base de préférences en matière d'emploi. Cela signifie que plus de 8 300 Canadiens hautement qualifiés se sont vu accorder le statut de résident permanent de sorte à pouvoir combler d'importants postes au sein de l'économie américaine. Quarante-quatre mille autres Canadiens ont obtenu des permis de travail temporaires. Cela ne semble pas grand chose sur 14 millions de travailleurs au Canada, mais si l'on considère les règles américaines en matière d'immigration, il s'agit là de personnes hautement qualifiées et souvent très bien payées.

Toujours selon cette étude de l'Institut C. D. Howe, en 1996, pour six cadres et professionnels qui émigraient vers les États-Unis, un cadre ou professionnel immigrait au Canada. C'est une perte importante pour les compagnies et les gouvernements au Canada.

C'est plus qu'un problème d'entreprise. Le départ de milliers de Canadiens très spécialisés et très bien payés réduit aussi nos recettes fiscales et met en danger les services ainsi financés. Cela fait du tort à tout le monde indifféremment.

Avant que mes collègues des banquettes libérales et néo-démocrates commencent à critiquer et à réclamer qu'on fasse payer les riches, je veux rapporter quelques chiffres de Revenu Canada.

En 1995, plus de 800 000 Canadiens gagnaient 70 000 $ ou plus. Ce groupe ne représente que 4 p. 100 de ceux qui font une déclaration de revenus, 6 p. 100 des contribuables et 19 p. 100 de la totalité des revenus. Pourtant, ce groupe relativement restreint de Canadiens verse 31 p. 100 de la totalité des impôts fédéraux et 35 p. 100 des impôts provinciaux. Ce petit groupe de Canadiens a versé plus de 30 milliards de dollars en impôts sur le revenu fédéraux et provinciaux.

Chaque fois que 1 p. 100 de ces gros contribuables quittent le pays, soit quelque 8 360 émigrants, cela fait perdre au Canada plus de 300 millions de dollars en impôts sur le revenu fédéraux et provinciaux.

Si l'on pense aux statistiques sur l'immigration aux États-Unis, pour 1996, cela signifie que le gouvernement du Canada a perdu plus d'un milliard de dollars en impôts sur le revenu, uniquement pour cette année-là.

Bref, ces impôts élevés coûtent cher aux Canadiens de toutes les couches de la société et de tous les niveaux de revenu. En réduisant les impôts de façon importante, le gouvernement libéral pourrait aider à colmater les trous de l'économie canadienne. Les demi-mesures peu convaincues du budget de l'an dernier ne peuvent pas être considérées comme des réductions d'impôts dignes de ce nom.

 

. 1930 + -

Nous avons vu les avantages qu'il y aurait à réduire les impôts en Ontario, ma province. Quand le gouvernement du Parti conservateur a été porté au pouvoir, en 1995, l'Ontario était dans une situation économique troublante grâce à une décennie de mauvaise administration libérale ou néo-démocrate. Le plan ambitieux du gouvernement conservateur de la province, axé sur la réduction des impôts, a eu pour effet que l'Ontario, avec le tiers de la population canadienne, a assuré beaucoup plus que la moitié de la croissance de l'emploi au Canada, depuis maintenant près de deux ans.

La réduction des impôts n'a pas seulement permis de créer des emplois en Ontario, elle a également eu des répercussions positives sur la situation financière de la province qui était dans un état lamentable après le règne de Bob Rae. La croissance économique qui a découlé de la réduction du niveau d'imposition a permis d'accroître les recettes de la province. Ce n'est pas à rejeter du revers de la main.

Hier à la Chambre des communes, le député de Mississauga- Ouest, un ancien député provincial de l'Ontario, a affirmé de façon erronée que les réductions d'impôts avaient eu pour conséquence de réduire les fonds consacrés à la santé en Ontario. C'est loin d'être le cas. En fait, l'Ontario dépense 1,5 milliard de dollars de plus qu'en 1995 dans le domaine des soins de santé, et ce malgré les réductions de 1,1 milliard imposées dans le domaine de la santé et de 2,7 milliards dans les paiements au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

La situation est claire en Ontario: plus d'argent au chapitre des soins de santé, plus d'argent dans les poches des contribuables ontariens et plus de recettes dans les coffres de la province, tout cela grâce à la croissance économique entraînée par la réduction des impôts.

Les libéraux, tel le député de Mississauga-Ouest, essaient d'induire les gens en erreur en tentant de leur faire croire qu'ils doivent choisir entre l'augmentation du budget consacré à la santé et la réduction des impôts. Il semblerait que les libéraux sont convaincus qu'il est impossible de marcher tout en mâchant de la gomme.

Contrairement aux libéraux du fédéral, les conservateurs de Mike Harris ont donné suite à leurs promesses, ce qui a permis à l'économie de la province de se rétablir. Je peux très bien comprendre que les libéraux, comme les néo-démocrates d'ailleurs, ne veulent pas discuter des réalisations économiques du gouvernement conservateur de l'Ontario. J'aimerais donc citer un exemple international qui illustre bien l'avantage que présente la réduction des impôts.

L'économiste en chef de la maison de courtage en valeurs mobilières Nesbitt Burns, Mme Sherry Cooper, a parlé de l'expérience de la République d'Irlande, qui a réussi à relancer son économie par la réduction des impôts. Les investisseurs trouvent attrayant le faible taux d'imposition des revenus des entreprises, qui commence à 10 p. 100, comparativement à un taux d'environ 46 p. 100 au Canada. L'économie irlandaise a connu une croissance annuelle de près de 10 p. 100 au cours des deux dernières années. Quand l'économie canadienne a-t-elle connu une croissance comparable?

La situation en Finlande illustre un autre exemple des bienfaits d'une fiscalité légère. La Finlande, où l'impôt sur le revenu des entreprises est le moins lourd de tous les pays de l'OCDE, affiche un taux de croissance réel de son PIB de 6 p. 100 et le chômage baisse rapidement dans ce pays.

Les faits parlent d'eux-mêmes. Les réductions d'impôt stimulent la croissance économique, laquelle crée des emplois et assure aux gouvernements les recettes dont ils ont besoin pour fournir des services. Voilà pourquoi le prochain budget doit annoncer de véritables réductions d'impôt. Nous devons également alléger les lourdes cotisations d'assurance-emploi. En 1995, le ministre des Finances avait déclaré que les charges sociales comme les cotisations d'assurance-emploi constituaient un cancer qui grugeait l'emploi. Pourtant, le gouvernement continue d'escroquer les employeurs et les employés au moyen de la caisse de l'assurance-emploi.

Les députés libéraux du Grand Toronto devraient peut-être tenir compte de la mise en garde que faisait, l'automne dernier, la présidente du Metro Council Board of Trade, Mme Elyse Allan, au Comité des finances. Elle a déclaré que les cotisations élevées étouffent la création d'emplois dans le secteur privé et réduisent le revenu personnel disponible. L'actuaire de la caisse de l'assurance-emploi a déclaré que les cotisations pourraient être réduites à 2 $ par tranche de 100 $ de gains assurables, sans que cela ne mette en péril la situation financière du régime.

Les députés conservateurs approuvent cette recommandation indépendante et non partisane. Je doute que le ministre des Finances abonde dans le même sens. Après tout, selon des documents du ministère des Finances publiés par la Canadian Taxpayers Federation, près du tiers des 39 milliards de dollars d'augmentation des recettes du gouvernement fédéral proviennent directement de la non-indexation des tranches d'imposition. Tout comme les cotisations d'assurance-emploi élevées, la non-indexation des tranches d'imposition constitue l'une des vaches à lait du ministre des Finances.

J'exhorte le ministre des Finances à annoncer, dans le prochain budget, les allégements fiscaux généralisés dont nous avons besoin pour développer notre économie, améliorer notre niveau de vie, mettre un frein à l'exode de nos plus brillants cerveaux et définir une vision nationale en vue du prochain millénaire.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, en tant que médecin en Ontario, je suppose que je suis très sensible aux observations de mon collègue qui dit que le problème résiderait dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous savons que la réduction des sommes versées au titre de ce transfert a eu, sur les dépenses en soins de santé, cinq fois moins de répercussions que les réductions d'impôt consenties par le gouvernement de l'Ontario.

Au Comité permanent des finances, les représentants de l'Association des hôpitaux de l'Ontario ont déclaré que le problème de fond résidait dans le fait qu'on modifie sans réfléchir le système dans pratiquement toutes les provinces. Ils ont ajouté que la crise découlait davantage d'une mauvaise planification que de la démographie, des finances ou de la technologie, et que la bonne nouvelle, c'est qu'on pouvait remédier à cette crise liée à la gestion.

 

. 1935 + -

Je prétends que les prochaines élections en Ontario vont peut-être redresser la situation dans le domaine des soins de santé dans la province. Lorsqu'on examine les prétendues augmentations des sommes consacrées aux soins de santé en Ontario, que vous vantez, on s'aperçoit qu'il s'agit, en fait, des indemnités de départ pour les infirmiers et infirmières licenciés. Vous devez réfléchir à ce que vous dites. Nous savons que nous avons besoin d'une reddition de comptes à ce sujet. Il nous faut un véritable plan.

Le président suppléant (M. McClelland): Je rappelle à tous les députés qu'ils doivent s'adresser les uns aux autres par l'entremise de la présidence.

M. Jim Jones: Monsieur le Président, j'ignore où la députée veut en venir. Voyons le bilan du gouvernement de l'Ontario en matière de soins de santé. Au cours de l'exercice de 1998, on va consacrer au total 18,7 milliards de dollars aux soins de santé. C'est la plus forte somme dans l'histoire de l'Ontario et une augmentation de plus de 1,3 milliard de dollars depuis l'élection du gouvernement conservateur. Tout cela est fait malgré une compression de 1,1 milliard de dollars des paiements de transfert à l'Ontario par les libéraux. Cette augmentation des dépenses en soins de santé en Ontario s'est produite malgré les compressions de 2,7 milliards de dollars dans les paiements de transfert que le gouvernement fédéral a imposées aux Ontariens. Le gouvernement ontarien investit davantage dans les soins de santé, l'éducation et les dépenses sociales.

Le gouvernement fédéral ne dépense que 125 $ par personne en Ontario pour les soins de santé alors que le gouvernement ontarien dépense 1 639 $ par personne pour répondre aux besoins en matière de soins de santé des Ontariens. En d'autres termes, pour chaque dollar dépensé par le gouvernement fédéral au titre des soins de santé en Ontario, le gouvernement provincial conservateur dépense plus de 13 $. Je trouve regrettable que les libéraux aiment adopter des politiques mais qu'ils ne joignent pas le geste à la parole.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, le député a fait des observations sur l'exode des cerveaux. À en juger par un rapport de l'Institut C.D. Howe, je ne crois pas que les impôts élevés soient la seule cause de l'exode des cerveaux. Ce n'est pas un facteur déterminant. Le milieu et la qualité de vie sont en partie la cause de cet exode.

L'institut de recherche sur le cancer de la Colombie-Britannique a été très heureux d'annoncer récemment que deux éminents chercheurs sur le cancer reviendront des États-Unis pour lancer un nouveau projet de recherche génétique. C'est une bonne nouvelle, et il n'est pas nécessaire de quitter le Canada.

Selon les statistiques, des chercheurs et des scientifiques canadiens s'en vont parfois dans d'autres pays. Ils sont environ 10 000, mais quelque 20 000 nouveaux arrivants viennent les remplacer.

M. Jim Jones: Monsieur le Président, pour chaque personne qui revient au Canada, sept personnes hautement qualifiées quittent le pays. Elles partent à cause des impôts élevés au Canada. On en a la preuve en Ontario, où les réductions d'impôt créent des emplois. N'est-il pas paradoxal que cette province compte un peu plus du tiers de la population canadienne? Depuis septembre 1995, il s'est créé 487 000 emplois dans le secteur privé en Ontario. Au cours de la période de cinq ans allant de 1990 à 1995, l'Ontario a perdu 500 000 emplois à cause des politiques de Bob Rae. Pour l'année 1998, dans l'ensemble, la croissance de l'emploi en Ontario s'est chiffrée à un nombre record de 200 000 nouveaux emplois, soit presque le double du nombre annuel de 101 000 qu'elle avait atteint en 1997.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole. Je suis heureuse de participer aujourd'hui au débat préalable au dépôt du budget. En tant que membre du Comité permanent des finances et députée de l'ouest du Canada, j'ai entendu le point de vue de beaucoup de gens et de groupes. Il est maintenant clair que les Canadiens veulent des réductions d'impôt et davantage de fonds pour les soins de santé. Il y a trois grandes questions que j'aimerais aborder, à savoir les allégements fiscaux, les soins de santé et l'octroi de fonds supplémentaires pour la recherche et le développement.

 

. 1940 + -

Une baisse des taux d'imposition serait bénéfique pour les Canadiens. Note comité a étudié de combien devrait être cette baisse et comment elle devrait être répartie. Nous pensons que les priorités du gouvernement devraient être les suivantes. Premièrement, un allégement fiscal ciblé pour ceux qui en ont le plus besoin, à savoir, les étudiants, les organismes caritatifs, les enfants et les handicapés. Deuxièmement, un allégement fiscal général en commençant par les Canadiens à revenu faible ou moyen. Troisièmement, une amélioration des allégements fiscaux au fil des ans.

L'an dernier, sur la recommandation du Comité permanent des finances, le gouvernement a augmenté l'exemption personnelle de base et l'exemption pour le conjoint accordée aux contribuables à faible revenu. En outre, la surtaxe générale de 3 p. 100 a été éliminée pour beaucoup de contribuables. Ces deux mesures combinées ont réduit sensiblement le fardeau fiscal des contribuables à revenu faible ou moyen.

Nous pouvons aujourd'hui nous permettre des réductions d'impôts supplémentaires. Le Comité estime que, les mesures fiscales en faveur des Canadiens à revenu faible ou moyen étant maintenant en place, le gouvernement doit commencer à offrir des allégements fiscaux plus généraux.

C'est uniquement parce que le gouvernement a fait preuve de responsabilité ces dernières années et que les Canadiens, d'un océan à l'autre, ont fait des sacrifices énormes que nous devrions être en mesure d'accorder des réductions d'impôt à tous les Canadiens.

Notre comité recommande donc que, dans le prochain budget, le gouvernement voie à la réduction de l'impôt sur le revenu de tous les particuliers. De plus, nous recommandons que le gouvernement s'engage à réduire les impôts et qu'il soumette un plan de trois ans à cet effet.

Nous proposons de supprimer entièrement la surtaxe temporaire de 3 p. 100 dans le prochain budget et d'éliminer graduellement la surtaxe de 5 p. 100 imposée à ceux qui ont un revenu élevé.

Nous pensons que l'augmentation de l'exemption personnelle de base et de l'exemption pour personne mariée prévue dans le budget de l'an dernier devrait être accordée à tous les contribuables canadiens, pas seulement à ceux qui ont un faible revenu.

En deuxième lieu, je voudrais parler des dépenses en matière de soins de santé. Nous convenons tous que le gouvernement devrait affecter plus de ressources aux soins de santé. Ce devrait être sa principale priorité. De nombreux individus et groupes ont dit craindre que le système ne soit plus financé comme il se doit. Ils sont d'avis que le gouvernement fédéral et les provinces devraient collaborer pour éviter cela.

Le gouvernement fédéral devrait utiliser une partie de l'excédent budgétaire pour compenser certaines coupes qu'il a effectuées. Nous recommandons l'examen des transferts aux provinces. Le fait d'investir une partie de l'excédent pour améliorer le régime de santé prouverait l'engagement du gouvernement fédéral à son endroit et serait conforme aux principes qui sous-tendent la Loi canadienne sur la santé.

Quand les paiements de transfert ont été réduits, de nombreuses provinces ont simplement imposé des compressions dans tous les secteurs. Il faut élaborer des stratégies pour empêcher la disparition de services efficaces et efficients. Les augmentations seraient justifiées au moyen d'évaluations de l'efficacité des dépenses en matière de soins de santé.

Le comité sait qu'à mesure que les données démographiques changent et que la population vieillit, les coûts des soins de santé vont augmenter. Nous craignons une baisse de la qualité des services de santé si jamais le financement n'augmente pas. L'injection de fonds additionnels permettrait d'améliorer la prestation des services, d'investir dans les nouvelles technologies et de réduire les listes d'attente.

 

. 1945 + -

Troisièmement, il faudrait investir davantage dans la recherche et le développement. Nous recommandons une augmentation du financement pour de nouvelles initiatives de recherche. Les idées innovatrices sont essentielles pour maintenir une économie florissante et compétitive. La recherche et le développement peuvent assurer aux Canadiens des soins de la plus haute qualité. Nous avons besoin de projets de recherche pour établir de meilleures façons de fournir des services de soins à domicile et des services communautaires, de même qu'un programme de distribution des médicaments.

À mesure que la population vieillit, la technologie de pointe devient de plus en plus sophistiquée et coûteuse. Nous devons trouver des moyens de veiller à ce que les Canadiens aient accès aux meilleurs traitements médicaux possibles. L'innovation en médecine constitue une façon d'y parvenir. Le financement fédéral direct consacré à la recherche et au développement dans le domaine de la santé est cinq fois plus élevé par habitant aux États-Unis qu'au Canada.

En France, les dépenses consacrées à la recherche médicale ont également augmenté beaucoup plus rapidement qu'au Canada. Le comité recommande par conséquent d'attribuer plus de ressources à la recherche et au développement.

En conclusion, les Canadiens reconnaissent que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour assurer la prospérité du Canada. Il doit également être responsable des politiques fiscales et sociales. Comme le démontre le rapport, les réductions d'impôt et les dépenses dans le domaine de la santé sont des priorités pour les Canadiens.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, je suis ravie d'intervenir ce soir en tant que députée de St. Paul's, membre du Comité permanent des finances et ardente protectrice du régime de soins de santé du Canada qui croit sincèrement que la confiance que les Canadiens ont en notre régime est la meilleure protection que nous pourrions avoir contre la tendance vers la création d'un régime à deux niveaux.

Dans la circonscription de St. Paul's, nous avons tenu des consultations prébudgétaires auprès de certains leaders d'opinions. Ils s'entendaient clairement sur les trois grandes questions sur lesquelles nous devons nous concentrer. Ils estimaient que la réduction de la dette s'imposait. C'était, de toute évidence, la priorité des participants à ces consultations. À ce sujet, ils ont surtout parlé du montant à consacrer à la réduction de la dette. Bon nombre d'entre eux ont mentionné les répercussions positives que la réduction de la dette pourrait avoir à plus d'un égard.

Presque tous les participants ont également abordé la question des dépenses relatives aux programmes sociaux. Bien que la plupart d'entre eux aient discuté des priorités en matière de soins de santé, de recherches médicales et de création d'emplois qui devraient figurer dans le budget de 1999, nombreux sont ceux qui nous ont mis en garde contre l'instabilité de notre économie dans un contexte mondial volatil, qui devrait nous inciter à faire preuve de retenue dans nos dépenses. Ils nous déconseillaient également de susciter trop d'attentes en ce qui concerne les augmentations de dépenses.

Pour ce qui est de la santé, les participants ont été nombreux à s'inquiéter de l'écart qui se creuse entre les riches et les pauvres et dont nous entendons beaucoup parler. Ils ont exprimé le souhait que le budget de 1999 établisse un rapport entre la pauvreté, la santé et les soins préventifs. Les normes nationales étaient également considérées comme une priorité en matière de santé. Les dépenses dans le domaine de la santé venaient en tête de liste des dépenses relatives aux programmes sociaux qu'ont mentionnées les participants.

Venaient ensuite les dépenses relatives à la recherche. En parlant de dépenses sociales, bien des députés ont dit qu'il fallait accroître les dépenses en recherche scientifique, que ce serait un investissement bien concret qui rapporterait gros. Certains ont été très précis, disant qu'il fallait se donner comme objectif 1 p. 100 des budgets en santé publique sur une période de trois ou de cinq ans.

L'allégement des impôts est aussi une priorité pour certains électeurs de St. Paul's. Certains y attachent beaucoup d'importance. Comme c'est le cas pour la réduction de la dette, beaucoup estiment que les avantages de l'allégement des impôts auront des répercussions favorables sur d'autres plans. Au premier rang des priorités, on trouve la réduction de l'impôt sur le revenu de ceux qui vivent dans la pauvreté. D'aucuns sont fermement convaincus qu'il faut payer des impôts un peu plus élevés que d'autres pays, surtout notre voisin du sud, pour vivre dans une société juste et civile. Ceux-là placent les allégements d'impôt derrière les initiatives en matière de dépenses.

 

. 1950 + -

Un très grand nombre d'exposés mûrement réfléchis ont été présentés au Comité permanent des finances. Les témoins ont parlé de l'exode des cerveaux, de la nécessité des services de santé et de la recherche. Il y a eu un exposé assez intéressant sur l'évolution des indices de progrès par rapport au PIB. En fait, dans la circonscription de St. Paul's, nous avons tenu une assemblée publique le mois dernier pour discuter de cette question, et nous avons vu un peu les travaux de Marilyn Waring. Nous sommes très fiers que, pour la première fois, Statistique Canada ait réussi à tenir compte dans le recensement du travail non rémunéré des femmes.

Il y avait bien d'autres facteurs extérieurs dont les membres du Comité des finances étaient conscients. Il y avait bien sûr l'avertissement de l'OCDE au sujet de la réduction de la dette et ses remontrances concernant les allégements d'impôt qu'elle juge nécessaires.

Les députés voyaient un problème dans l'alourdissement du fardeau fiscal et l'absence de revenu disponible des Canadiens. En effet, le revenu disponible et le revenu personnel après impôt n'avaient cessé de diminuer depuis 1990.

On s'inquiétait de ce que disait l'ONU, quoique nous soyions toujours au premier rang pour le développement humain. Nous croyions que le fait que nous sommes au dixième rang pour la pauvreté méritait qu'on y regarde de plus près. Nous avons certes tenu compte de la préoccupation du Conference Board à l'égard de notre niveau de vie et, encore une fois, du fait que les meilleurs et les plus brillants des Canadiens s'en vont dans d'autres pays.

Nous estimions qu'une hausse de l'exemption fiscale de base serait clairement une bonne chose pour tous les Canadiens ou presque. Un certain pourcentage de Canadiens se trouveraient dès lors rayés du rôle de l'impôt. Cela aiderait particulièrement les travailleurs à faible revenu au niveau de leur revenu disponible.

Un soir, lors d'une assemblée publique sur les fusionnements de banques, à St. Paul's, quelqu'un a crié qu'il ne fallait pas donner plus d'argent aux provinces pour les soins de santé. Ce n'était pas la position du député de Markham. Cette personne estimait qu'on ne pouvait pas faire confiance aux provinces quant à ce qu'elles allaient faire de cet argent.

C'est ce qui fait le grand débat au Canada sur ce que nous allons faire au juste du transfert canadien. Je tiens à rappeler au député de Markham que, dans leur programme électoral, les progressistes conservateurs proposaient de réduire les transferts de fonds à zéro. Je ne crois pas qu'ils auraient alors l'impression que le gouvernement fédéral ne consacre rien à la santé. Il ne faut pas oublier que les contribuables sont toujours les mêmes. Il faut trouver de quoi les Canadiens ont besoin pour avoir confiance dans la qualité de leurs soins de santé.

Quatre choses sont extrêmement importantes lorsqu'il s'agit du problème des soins de santé et de l'importance que leur accordent les Canadiens. Nous devons nous rappeler que, malheureusement, lorsque la Loi canadienne sur la santé a été rédigée, le mot qualité n'y était mentionné nulle part.

Même si les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé supposaient des soins de haute qualité, à mon avis, on n'aurait jamais pu imaginer le genre de soins à rabais qui ont fini par être dispensés depuis que personne ne rend compte de la façon dont les fonds sont dépensés.

Dans le suivi qu'on a fait de la Loi canadienne sur la santé, on ne s'est pas occupé adéquatement de la transition des soins hospitaliers aux soins communautaires, du médecin à l'équipe multidisciplinaire et des soins traditionnels aux soins fondés sur les résultats et les meilleures pratiques.

Premièrement, nous devons réaffirmer notre engagement envers la Loi canadienne sur la santé. Deuxièmement, nous devons commencer à évaluer les résultats réels par rapport aux listes d'attente et par rapport à un véritable engagement quant à la technologie de l'information requise pour faire le travail.

Dans un article paru dans le Maclean's de juin, Michael Decter, qui dirige le système canadien d'information sur la santé, dit que le Canada a vraiment trop peu investi dans l'information sur la santé et que nous n'avons dépensé à cet égard que 2 p. 100 de notre budget total prévu pour les soins de santé. Il dit que nos investissements dans la santé seraient beaucoup plus rentables si nous portions à 4 p. 100 cet investissement capital.

Nous devons savoir ce que nous faisons. Ce qui m'inquiète, c'est que, pendant que l'Association médicale canadienne ou n'importe qui d'autre continue sa litanie au sujet du sous-financement, nous ne savons pas vraiment où va l'argent. Les gens se préoccupent constamment des interventions chirurgicales inutiles, des antibiotiques prescrits pour des infections virales et de bien d'autres choses.

En 1995, Angus, Auer, Cloutier et Albert ont publié un document intitulé «Sustainable Health Care for Canada». Ce document explique clairement ce que nous devons faire. Nous devons nous occuper des pressions financières qui s'exercent sur le gouvernement, de la méconnaissance des liens entre l'aide et les soins de santé, des dilemmes éthiques que pose le rationnement des services de santé et des incitatifs contradictoires intégrés dans les règles et règlements qui régissent les soins de santé. Ils avaient le sentiment que ces tensions n'étaient pas nouvelles, mais que nous ne pouvions plus tenter de régler le problème par des injections de fonds.

 

. 1955 + -

Ils avaient le sentiment qu'avec de meilleures pratiques, on pourrait réaliser des économies de 7 milliards de dollars tous les ans. C'était alors 15 p. 100 des coûts du régime de santé public qu'on pouvait économiser.

Il faudrait avoir un système où l'obligation de rendre compte serait plus grande. L'argent ne sera pas un problème. Nous avons besoin d'une forme d'obligation de rendre compte, ainsi que nous l'avons dit. L'Ontario Hospital Association disait que c'était vraiment une question de mauvaise gestion et non pas nécessairement un problème d'argent uniquement.

Nous avons des normes non officielles dans notre pays. Quand les résultats dans le traitement du cancer sont bien meilleurs en Colombie-Britannique qu'ailleurs, on voit là une sorte de norme non officielle. Quand le système de soins à domicile est meilleur au Québec que dans le reste du pays, selon les experts, il faut voir là une norme non officielle à laquelle tous les Canadiens s'attendent.

Nous devons maintenant trouver un moyen pour que les trois ordres de gouvernement fassent rapport aux Canadiens de façon régulière. Ce n'est pas le grand frère qui surveille les provinces. Comme le ministre de la Santé l'a dit, ce doit être un moyen pour tous les ordres de gouvernement de rendre compte aux Canadiens de la façon dont leurs impôts sont dépensés dans la santé.

Le quatrième domaine concerne la recherche. Comme des gens de St. Paul's l'ont dit, l'idée d'adopter une cible de 1 p. 100 du budget de la santé est à mon avis une bonne idée.

La proposition de création d'un institut canadien de recherche en santé est excellente et je me réjouis que l'on commence à voir des choses comme les sciences de l'évaluation, les sciences cliniques, les sciences de la population et de la santé et la prévention primaire aussi bien que l'étonnante feuille de route du modèle médical de recherche.

Je suis immensément optimiste quant au prochain budget. C'est un problème fort intéressant que de chercher à savoir quoi faire avec un surplus. Je pense que tous les Canadiens remercient le gouvernement de ce qu'il a fait de manière prudente et j'ai hâte au budget.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, travailler avec la députée au sein du comité des finances fut un véritable plaisir. Nous avons passé de nombreuses heures ensemble à écouter des témoins, même si nous n'étions pas assis du même côté de la table.

Les paroles de la députée m'ont beaucoup intéressé. Nous avons entendu les témoins, du moins ceux qui ont comparu devant notre comité, dire eux aussi que les soins de santé étaient un grave sujet de préoccupation. Évidemment, nous l'entendons aussi dire dans nos circonscriptions. J'entends souvent des gens dont des proches ont dû être hospitalisés dire qu'ils ne savaient pas pourquoi ils entendaient toutes ces jérémiades parce qu'ils avaient reçu d'excellents soins. Il est donc agréable d'entendre de telles histoires venant d'en face.

J'ai une question philosophique vraiment fondamentale à poser à la députée, qui est médecin et qui s'intéresse de très près aux soins de santé. Elle a parlé de la détérioration du système de santé qui prend des allures de système à deux vitesses. Je me demande ce qu'elle pourrait répondre à ma question.

Il y a actuellement un nombre considérable de Canadiens qui, grâce à la richesse qu'ils ont accumulée, ont les moyens d'aller se faire soigner là où les soins de santé sont les meilleurs. J'ai rencontré, il n'y a pas très longtemps, un homme de ma circonscription qui, insatisfait du système canadien de soins de santé, a fini par aller à la clinique Mayo, où il a obtenu un bon diagnostic. Il a évidemment dû payer et, heureusement, il avait les moyens de le faire.

Que devrions-nous faire en réalité pour empêcher cette tendance vers un système à deux niveaux? Devrions-nous intervenir à la frontière? Devrions-nous empêcher une personne de traverser la frontière si le but de son voyage aux États-Unis est de se faire soigner afin que tous les Canadiens aient accès aux mêmes soins de santé? Je crois que la députée rejetterait cette idée. Je la rejetterais certainement.

Je crois que, si une personne a l'argent et choisit de le dépenser de cette façon, elle devrait être libre de le faire, à condition bien entendu qu'elle ait obtenu cet argent par des moyens légaux. Mais nous devons faire quelque chose dans notre pays pour que les gens n'aient même pas envie d'aller se faire soigner ailleurs. Le système actuel ne semble pas avoir cet effet dissuasif. En fait, la situation ne cesse de se détériorer.

Auparavant, le gouvernement fédéral finançait 50 p. 100 des soins de santé et injectait des sommes considérables dans la recherche médicale, ce qui est très bon pour les services médicaux. Les choses ont bien changé.

Un des points qui a été soulevé maintes et maintes fois est l'exode de nos gens les plus brillants vers les États-Unis à cause des installations de recherche qui existent dans ce pays.

 

. 2000 + -

Je voudrais que la députée fasse quelques remarques au sujet de ce système à deux niveaux, car cette question m'intéresse beaucoup.

Mme Carolyn Bennett: Monsieur le Président, de tous temps, les gens sont allés à la clinique Mayo en désespoir de cause, et je crois bien que cela ne changera pas. Il est important que les Canadiens soient libres de choisir.

Le député ne doit pas oublier que, ce qu'on voit quand on regarde des émissions comme E.R. à la télévision américaine, ce sont des soins ultra-spécialisés et que ceux-ci ne sont pas nécessairement les meilleurs, comme il le signalait. Ce que la recherche nous dit, c'est que, dans le système canadien de soins de santé, 50 p. 100 des praticiens sont des médecins de famille et on ne fait pas subir inutilement des tests aux gens, mais on leur recommande plutôt des mesures préventives et des méthodes de gestion du stress.

Le fait est que le système canadien est excellent. Il suffit de regarder les chiffres et de prendre le temps d'expliquer aux Canadiens quels sont les choix qui s'offrent. Il s'impose cependant que les Canadiens nantis prennent la défense de notre système subventionné par l'État. Si nous ne voulons pas perdre la confiance de ces gens, nous perdons nos meilleurs alliés.

Je recommande à tous et toutes de regarder ce qui est arrivé à des initiatives venues de Harley Street, des grands spécialistes. Consulter un spécialiste après l'autre, ce n'est pas recevoir de bons soins. Nos médecins de famille sont extrêmement bien formés. Ils sont tous en train d'accepter des postes aux États-Unis, qui jouissent ainsi de soins de santé rentables, qui sont en fait des soins gérés, pas le genre de gestion des coûts qui suscite des inquiétudes relativement aux HMO et au système de soins gérés tel qu'il existe aux États-Unis.

J'ai très bon espoir que saurons comment nous y prendre, chez nous, et offrirons vraiment des soins de meilleure qualité.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, j'allais poser une autre question, mais comme le temps passe, je vais tout de suite commencer la plus importante allocution de ma vie. En fait, je ne devrais pas dire cela, parce que cela pourrait diminuer la valeur des discours que j'ai prononcés dans le passé.

J'aurais tellement de choses à dire. J'ai voyagé avec le comité. Nous avons entendu de nombreux témoins. Lorsque nous sommes allés à différents endroits, j'en ai profité, au lieu de faire du magasinage, pour marcher dans les rues et parler aux gens.

Je me souviens d'un homme que j'ai rencontré dans une rue de Saskatoon. Celui-ci m'a dit ce que, à son avis, il importait de faire dans le budget. Cette personne était à la retraite. Selon elle, ce qui lui faisait le plus mal c'était les impôts. Cet homme avait investi dans des REER. Or, il vivait pratiquement dans la pauvreté parce que, lorsqu'il retirait de l'argent de ses REER, il devait payer 2 000 $ en impôt par année, étant donné qu'il n'a droit à pratiquement aucune déduction. Au bout du compte, cette personne peut à peine payer ses factures. Dans son cas, une baisse des impôts serait une mesure très importante.

J'ai rencontré des mécaniciens qui m'ont dit que leur priorité était d'arrêter de devoir prendre des dollars après impôt pour acheter leurs outils. Cela me semble tout à fait raisonnable. Après tout, n'importe quel avocat ou médecin qui s'installe dans un bureau au Canada peut déduire ses frais d'établissement aux fins de l'impôt. Pourtant, le pauvre mécanicien doit payer ses outils et son matériel avec des dollars après impôt. C'est donc une priorité pour ces gens.

Je pourrais fournir beaucoup d'autres exemples, mais j'ai choisi de parler de la dette aujourd'hui. J'en ai discuté un peu tout à l'heure avec le député néo-démocrate de la Colombie-Britannique. J'ai entendu deux messages distincts de la part des gens, au cours des audiences du comité. Je me suis rendu compte que nous adoptions la façon de penser des personnes à qui nous parlons.

Certaines personnes, tout particulièrement parmi les groupes ouvriers, ont suggéré de ne pas rembourser la dette. Je trouve cela bien curieux. C'est là une façon de penser plutôt confuse. C'est de cette façon confuse que pensent les néo-démocrates, qui croient que si l'on rembourse la dette, on ne fait que donner de l'argent aux riches puisque ce sont eux qui en sont propriétaires. C'est ce que ces gens-là pensent. Ce n'est pas du tout mon cas.

 

. 2005 + -

Je suis étonné de voir que les néo-démocrates n'insistent pas pour que l'on réduise la dette au maximum, comme l'ont déjà fait certains gouvernements responsables comme celui de la Saskatchewan. Bien que je n'aime pas avoir l'air d'approuver le gouvernement néo-démocrate de la Saskatchewan, je dois reconnaître qu'il a certainement été plus responsable sur le plan budgétaire que certains gouvernements précédemment au pouvoir dans cette province. Oublions quelques instants l'étiquette de parti et contentons-nous de voir ce qui s'est passé au chapitre de la gestion de la dette et de l'argent.

Je suis tellement de bonne humeur aujourd'hui que j'ai du mal à me contenir. Je viens d'adresser à contrecoeur un compliment aux néo-démocrates et je m'apprête maintenant à faire de même envers le gouvernement libéral. Parce que le gouvernement aurait pu augmenter la dette beaucoup plus qu'il ne l'a fait, je vais le féliciter d'avoir réduit ses dépenses de deux milliards de dollars, d'avoir accru ses recettes fiscales de quarante milliards de dollars et d'avoir résisté à la tentation de dépenser la différence.

Je félicite le gouvernement parce que je sais que la façon libérale de faire les choses consiste à déterminer comment dépenser. Lorsque la prochaine élection sera à nos portes, je suis convaincu que cette caractéristique propre à la créature libérale va de nouveau se manifester. Il est toujours bien au moment de l'élection de sortir les gâteries et d'acheter les votes avec l'argent des contribuables.

Cet après-midi, j'ai sorti un dossier que je conservais dans mon ordinateur. En 1996, je me suis penché sur le déficit, l'excédent des dépenses par rapport aux prévisions qui s'ajoute à la dette. Lorsque je suis arrivé à Ottawa, la dette s'établissait à 420 milliards de dollars. Nous avons connu cette première année abominable où le déficit a atteint 45 milliards de dollars. Après avoir pris le pouvoir, les libéraux ont constaté que la comptabilité du gouvernement conservateur les ayant précédé faisait en sorte qu'ils affichaient le record mondial sur le plan de l'importance du déficit, qui atteignait 45 milliards de dollars. En un an, la dette est passée à 465 milliards de dollars, le dernier héritage du gouvernement conservateur.

Ensuite, au gouvernement fédéral, les libéraux ont réduit le montant du déficit et s'en sont beaucoup vanté. Cette réduction signifiait tout simplement qu'ils empruntaient à un taux moindre, qu'ils n'empruntaient pas autant. En 1996, j'ai projeté ce qui allait se produire si les libéraux continuaient de faire croître la dette de 3 p. 100 par année. S'ils avaient agi de la sorte, selon mes calculs, la dette atteindrait maintenant environ 641 milliards de dollars. Nous savons qu'elle se situe aux alentours de 580 milliards de dollars. Le fait que les libéraux aient résisté à l'envie de dépenser ces sommes supplémentaires mérite d'être souligné.

Je les en félicite, mais c'est bien la dernière fois. Ils l'ont fait sur le dos des provinces et des contribuables. Comme je l'ai déjà dit, les recettes fiscales ont augmenté de façon fantastique. Ils envisagent une augmentation des recettes fiscales d'environ 40 milliards de dollars par an par rapport au chiffre de 1993 lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir. Cela fait terriblement mal lorsqu'on prive l'économie canadienne de 40 milliards de dollars.

Le gouvernement fédéral a un peu réduit ses dépenses. Il l'a fait sur le dos des contribuables et des provinces en augmentant les impôts et en diminuant les transferts. Cela s'appelle se décharger de ses responsabilités et il en a été beaucoup question au cours des débats. Le gouvernement n'a vraiment pas fait un très bon travail.

Quel est l'impact de la dette? Si nous n'avions pas fait en sorte de mettre fin à l'augmentation de la dette de 3 p. 100 par an d'ici l'an 2010—qui n'est plus très loin—la dette aurait atteint plus d'un billion de dollars. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une telle dette si nous voulons assurer des services aux Canadiens. Les gens paient des impôts pour que le gouvernement leur assure des services.

Nous dépensons actuellement des sommes considérables au titre du service de la dette. C'est notre plus grosse dépense. L'intérêt ne porte que sur la dette. Il y a deux choses qui influent sur les paiements d'intérêt. Tout d'abord, le capital et ensuite, le taux d'intérêt.

 

. 2010 + -

Les libéraux ont gagné à la loterie. Il se trouve qu'ils étaient au pouvoir durant des années où les taux d'intérêt mondiaux étaient relativement bas. Je ris parfois dans ma barbe lorsque le premier ministre particulièrement et le ministre des Finances se vantent de la faiblesse des taux d'intérêt. En toute franchise, ils ont très peu à voir avec cela. Ils se sont simplement trouvés au bon endroit au bon moment.

Si les taux d'intérêt augmentaient, les paiements d'intérêt sur notre dette grossiraient de façon marquée. Nous ne devrions pas prendre à la légère le fait que nous avons maintenant une dette de 580 milliards de dollars. Nous devrions envisager de la rembourser.

Nous parlons d'un excédent. On prévoit qu'il sera de 11 milliards de dollars. Dernièrement, ils se sont efforcés de le ramener à environ 7 milliards de dollars. Si nous voulions rembourser cette dette comme une hypothèque, en 30 ans, l'année de mon 90e anniversaire de naissance, nous n'aurions plus de dette si nous pouvions affecter un excédent de 50 milliards de dollars par année pendant 30 ans au fonds de remboursement de la dette. Cela représente environ 3 500 $ par contribuable, par année.

Lorsque je demande à des contribuables s'ils aiment voir le gouvernement fédéral emprunter autant d'argent en leur nom de façon que, chaque mois, ils doivent payer 300 $ d'intérêts. Ils ne sont pas très heureux. Pourtant, c'est la réalité. J'adorerais que le gouvernement soit moins endetté pour qu'il puisse réduire les impôts.

Le Parti réformiste a un plan bien précis pour réaliser cet objectif. Nous proposons que les excédents servent à réduire la dette. Il se trouve que nous pouvons rembourser la dette à un rythme de plus en plus rapide parce que lorsque nous réduisons le capital, les paiements d'intérêt baissent. Cela nous protège également contre les dangers d'une escalade des taux d'intérêt.

Je regrette vivement que mon temps de parole soit écoulé. C'est dur à croire. J'ai à peine terminé mon introduction. J'espère qu'il y aura un certain débat.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, j'ai prêté une oreille attentive aux propos du député. Il avait posé des questions au député libéral. Il a fait état d'une différence philosophique qui influence les choix de politiques. Les choix que les gouvernements font ou bien nuisent à la population ou bien finissent par lui assurer la prospérité.

On peut constater que la disparité qui règne au Canada n'est pas nécessairement liée à la géographie, aux ressources et ainsi de suite. Une bonne partie de la disparité économique que l'on observe entre les régions est historiquement liée à certains gouvernements provinciaux et à leurs choix économiques, qu'il s'agisse d'incitatifs ou de désincitatifs.

Le député pourrait-il expliciter davantage ses propositions et montrer en quoi sa vision philosophique pourrait rendre les Canadiens plus prospères?

M. Ken Epp: Monsieur le Président, je souscris fondamentalement à cette prémisse philosophique et je reconnais qu'elle qui est débattue par des économistes qui sont beaucoup plus sages que moi. Nous expédions à Ottawa des trains remplis d'argent pour que les politiciens et les bureaucrates s'emploient à redistribuer ces montants. Je crois en la prémisse qui veut qu'au lieu de verser au gouvernement près de la moitié de notre produit national brut, nos gains collectifs en d'autres mots, il vaudrait mieux le laisser entre les mains de la population, des familles, des gens d'affaires.

Cela aurait un impact beaucoup plus grand sur notre économie. Cet argent circulerait dans l'économie, créerait des emplois et une forte demande de biens et de services et, enfin, procurerait à tous les particuliers plus d'argent qu'ils n'en ont actuellement.

 

. 2015 + -

Je me rappelle que, il y a plusieurs années, mes impôts ne s'élevaient qu'à 600 $ ou 700 $ par mois. Je pensais à tout ce que j'aurais pu faire avec 700 $ par mois. Le programme réformiste veut réorganiser les priorités gouvernementales et réduire le gaspillage afin que nous puissions assurer ces réductions d'impôts aux entreprises et aux particuliers, de manière à laisser plus d'argent disponible. C'est la clé de la prospérité.

Nous jouirons d'une plus grande prospérité si nous cessons de dépouiller les gens de l'argent qu'ils ont gagné. Il faut laisser les gens dépenser leur argent, lancer des industries et des entreprises et engager du personnel. C'est bon également pour les gens qui ne sont pas des entrepreneurs, pour les familles ordinaires. Si j'offre à des mères ou à des pères de famille une réduction d'impôts de 300 $ par mois, c'est comme leur offrir de gagner 600 $ par mois. Il faut maintenant gagner 600 $ de plus pour avoir 300 $ dans ses poches. Quand je leur demande s'ils refuseraient une telle offre, ils répondent non, et ils demandent si je rembourserai la dette. Ils s'inquiètent au sujet de la dette et des intérêts qu'elle suscite.

M. Paul Forseth: Monsieur le Président, je poursuis dans la même veine. Les Canadiens ont raison d'attendre du gouvernement qu'il garantisse la paix et l'ordre, et qu'il se charge d'exécuter collectivement des activités qui ne peuvent se faire individuellement. Ils conviennent également que le gouvernement devrait être un arbitre solide et équitable en matière économique. La différence entre les pays riches et les pays pauvres vient du type de gouvernement qui les dirige. La politique est importante. Les gouvernements peuvent apporter la santé ou le mal, la prospérité ou le désespoir. Tout dépend des choix politiques qu'ils font.

C'est pourquoi, au nom de ma collectivité, je dénonce les nombreux choix imprudents du gouvernement canadien depuis 1993. Je dois surtout m'arrêter aux choses positives que le Canada pourrait réaliser si seulement il avait un gouvernement plus responsable et compétent. Dans ce contexte, je pense au besoin d'alléger les impôts, étant donné que le premier ministre convenait cette semaine avec Brian Mulroney de la sagesse d'imposer des impôts élevés.

Au Canada, nous n'avons jamais pu exploiter tout notre potentiel malgré tous les avantages dont nous disposons. Comme nous possédions des ressources naturelles abondantes et que nous avions accès à des capitaux pour mettre en place une infrastructure, nous avons pu participer aux divers progrès technologiques. Nous avons connu un certain succès depuis la Confédération, malgré nos piètres gouvernements et leurs nombreuses politiques malavisées.

Nous avons eu une suite de gouvernements libéraux et conservateurs qui, soit par ignorance ou perversité, encouragés à tort par le NPD, ont mené le Canada dans un état nettement lamentable. Nous sommes pourtant en mesure de voir aux besoins de nos concitoyens et d'assurer la prospérité et la liberté de tous les Canadiens, et pas seulement de la plupart d'entre eux.

Les gouvernements déterminent le climat économique et mettent en place diverses politiques qui peuvent se révéler avantageuses avec le temps. Mais les gouvernements peuvent rapidement supprimer des années de progrès stable en accordant des faveurs à leurs amis, en violant les lois fondamentales du commerce et en cherchant à assurer la visibilité du parti au lieu d'élaborer la politique nationale nécessaire. Ainsi peut-on dire que les libéraux ont prouvé à maintes reprises qu'ils ne géraient pas bien les affaires publiques. Ils continuent de croire à tort que les impôts et les dépenses sont garants de la prospérité du Canada.

Il faut trouver un meilleur équilibre entre ceux qui créent et ceux qui redistribuent, entre ceux qui gagnent de l'argent et ceux qui gaspillent l'argent des autres. On pourrait dire que la fiscalité a une composante morale. En effet, est-il juste et bien que le gouvernement contrôle les affaires des Canadiens et leur fasse payer des impôts? Bien que les considérations économiques puissent être complexes, dans la situation actuelle, il est évident que le Canada a besoin d'une réduction importante des impôts.

Le système actuel nuit inutilement aux Canadiens. Cela saute aux yeux de tout travailleur qui sait ce que le gouvernement a fait et qui voit les déductions qui figurent sur son talon de paye ou les emplois qui ont disparu.

 

. 2020 + -

Il est temps que le Canadien moyen voie son salaire augmenter cette année et qu'on arrête de confisquer une grosse partie de son chèque de paye et qu'on opère de telles ponctions dans l'économie. Le plan réformiste accorderait cette année aux Canadiens une augmentation de leur salaire net.

Les libéraux ont fait tort aux Canadiens avec leurs niveaux de taxation plus élevés que jamais au lieu de mieux contrôler les dépenses du gouvernement et de chercher à mettre fin à la discrimination économique. Par ailleurs, ils ont fait des compressions déraisonnables dans les soins de santé au lieu d'aller couper ailleurs. Mais c'est ainsi que nous avons pu nous acheminer lentement vers un surplus budgétaire. Et maintenant nous voyons ce surplus accumulé grâce aux sacrifices personnels des Canadiens s'évaporer avec le retour des vieux principes économiques libéraux.

La surprise que les libéraux nous réservent cette année semble être le changement dans la taille contestable de l'excédent budgétaire. Selon les plus récentes déclarations du ministère des Finances, des imprévus ont fait passer à 7 milliards ou moins l'excédent prévu de 10 à 12 milliards de dollars. Ce que les libéraux cherchent vraiment à dire aux Canadiens au cours de l'étape préparatoire à la présentation du prochain budget, c'est que la majeure partie de l'argent qui devait servir à accorder des allégements fiscaux est disparue des coffres du gouvernement. Pendant les deux dernières années, au cours du cycle économique où le gouvernement devait restreindre ses dépenses, il a encore succombé en frappant son budget de dépenses d'un dépassement des coûts, ce que le NPD, dans ma province, a également l'habitude de faire.

Les faits sont clairs. Si le gouvernement tarde encore à prévoir un allégement fiscal important dans le prochain budget, c'est parce qu'il refuse de cesser de dépenser sans compter. Il ne cesse de nous dire combien les choses vont bien, alors que le niveau de vie continue de baisser. Une politique d'impôts élevés et peu judicieuse étouffe l'économie.

Le gouvernement a réduit le déficit en haussant les impôts et en sabrant les soins de santé, tandis que ses niveaux de dépense demeurent inchangés ou augmentent dans certains cas. On ne sait comment, mais il considère qu'une baisse de huit cents dans la valeur de notre dollar est avantageuse pour les entreprises. Le vérificateur général refuse d'approuver les chiffres du gouvernement pour la troisième année d'affilée, parce qu'il estime qu'ils ne sont pas conformes aux pratiques comptables qui s'imposent. Le gouvernement dit qu'une réduction de 16,5 milliards de dollars au total dans les transferts au titre de la santé et des programmes sociaux signifie «préserver et protéger le régime de santé». Le chef du gouvernement dit: «Dans une société comme le Canada, il n'est pas acceptable de réclamer des réductions d'impôt dans tous les secteurs.» Ces propos du premier ministre ont récemment été publiés.

Avec les libéraux, les Canadiens paient des impôts sur le revenu des particuliers qui sont de 56 p. 100 supérieurs à ceux des pays et des économies du groupe des sept. En 1996, sous les libéraux, la famille canadienne moyenne a payé une note fiscale totale de 21 242 $, soit davantage qu'elle a payé pour l'alimentation, le logement et les vêtements réunis. Depuis leur arrivée au pouvoir en 1993, les libéraux ont imposé les hausses salariales moyennes au taux de 155 p. 100. Sous le regard du gouvernement libéral, la valeur de la richesse collective de notre pays a diminué tandis que la valeur de notre dollar chutait à un niveau sans précédent par rapport à la devise américaine. Ce résultat correspond au jugement que la communauté internationale porte sur l'administration de notre économie par le gouvernement actuel. Le service de notre dette publique nette de 580 milliards de dollars nous coûte environ 40 milliards de dollars par année, ce qui représenterait une somme suffisante pour financer les paiements actuels dans le domaine de la santé durant environ 46 ans. Le gouvernement libéral persiste pourtant à refuser de mettre en oeuvre un calendrier sérieux de remboursement de la dette.

Je ne dispose que de deux ou trois minutes pour résumer certaines des propositions que l'opposition officielle a soumises dans son mémoire prébudgétaire au ministre des Finances. Je soutiens que les Canadiens ont besoin d'un allégement fiscal cette année. Il faut établir un judicieux mélange de politiques qui soit plus juste et plus équitable. Les Canadiens ont besoin d'une réforme fiscale globale, à commencer par un allégement fiscal total de 26 milliards de dollars étalé sur trois ans. Il faut continuer de simplifier le régime fiscal et réduire le fardeau fiscal global imposé aux Canadiens en éliminant les surtaxes temporaires destinées à réduire le déficit. Les surtaxes de 3 et 5 p. 100 avaient été instaurées pour équilibrer le budget. Maintenant que cet objectif a été atteint, il faut les éliminer graduellement.

Nous devrions alléger le fardeau fiscal imposé aux Canadiens à faible revenu et aux personnes âgées en relevant immédiatement à 7 900 $ l'exemption de base constituant le seuil d'exonération d'impôt. Il est vraiment peu judicieux de forcer les Canadiens à faible revenu à payer des impôts et de transférer ensuite cet argent dans des programmes. Qu'on laisse plus d'argent entre les mains des Canadiens à faible revenu et des personnes âgées. Il faut commencer à réduire les taux marginaux d'imposition élevés et à uniformiser les taux d'impôt sur le revenu personnel. Les Canadiens paient un taux d'imposition marginal très élevé à des niveaux de revenu relativement peu élevés. Nous proposons de fondre les deux taux marginaux d'imposition les plus élevés en un taux unique de 24 p. 100 pour les revenus supérieurs à 29 000 $.

 

. 2025 + -

Cette réduction incite les gens à gagner de l'argent et à investir. Nous devons mettre un terme au non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation. Nous devons aussi abolir, dans notre régime fiscal, les désavantages qui briment les contribuables mariés et ceux qui gardent leurs enfants à la maison.

À l'heure actuelle, le régime fiscal pénalise les familles canadiennes qui choisissent de s'occuper de leurs enfants à la maison, car il ne reconnaît pas la valeur des soins dispensés par les parents.

Nous proposons de réduire les désavantages qui briment les contribuables mariés en portant à 7 900 $ la déduction pour conjoint. De plus, nous proposons de remplacer la déduction actuelle pour frais de garde d'enfants par un crédit remboursable pour frais de garde d'enfants. Ce crédit serait offert à tous les parents, et non seulement à ceux qui font garder leurs enfants à l'extérieur de leur foyer. Cela viserait à enrayer la discrimination.

À moyen terme, nous proposons d'amorcer une réforme fiscale exhaustive dans le but de créer un régime fiscal plus uniforme. Toutefois, ces changements nécessiteront de vastes consultations auprès des Canadiens et devront tenir compte des nouvelles réalités.

Néanmoins, nous avons besoin de tels objectifs à long terme si nous voulons assurer une forte reprise de l'économie canadienne. Nous devons élaborer un calendrier précis de remboursement de la dette afin de réduire la dette de 19 milliards de dollars au cours des trois prochaines années et de 240 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années.

Les libéraux continuent d'adopter des mesures ponctuelles pour tenter de réduire la dette avec l'argent qui reste à la fin de l'année. Cela n'incite aucunement la communauté internationale à croire à l'engagement du gouvernement canadien de réduire sa dette.

Nous proposons de présenter un projet de loi qui établirait la proportion de l'excédent annuel à consacrer à la réduction de la dette, avec des contributions périodiques à un fonds d'amortissement de la dette nationale.

Le gouvernement fédéral devrait contenir ses dépenses en imposant pendant trois ans un gel de la plupart des dépenses discrétionnaires. Cela mettrait l'accent sur la vérification de l'optimisation des ressources.

Ce ne sont là que quelques-unes des mesures qui permettraient aux entreprises privées de planifier en connaissance de cause et qui stimuleraient grandement l'économie. J'aurais bien d'autres choses à dire, mais j'ai voulu axer mes observations sur la réduction des taxes et des impôts, pour signaler à quel point cela est important sur le plan économique comme sur le plan moral.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, il est intéressant que ce soient les réformistes qui discutent entre eux, mais je me ferai un plaisir de parler de ces choses-là.

Quel ravissement de voir un parti qui a effectivement un plan. Dans une autre intervention, tout à l'heure, nous avons évoqué la nécessité d'avoir un plan. Depuis 1993, le gouvernement fédéral libéral n'en a aucun, en fait. Il a eu des objectifs renouvelables, ce qui revenait à dire qu'ils toucheraient toutes les cibles visées. On pointe le fusil n'importe où et on dit après coup qu'on a atteint ce qu'on visait. Ce n'est pas une façon de diriger un pays.

Un des témoins qui a comparu au Comité des finances a fait valoir un point très particulier. Il nous a dit que le gouvernement fédéral ferait naître un grand optimisme au Canada s'il établissait des objectifs réalistes, les énonçait et les atteignait ensuite. C'est beaucoup plus encourageant pour l'économie que de dire que nous allons faire de notre mieux, quitte, entre temps, à constituer une réserve en prévision des élections suivantes.

Je voudrais que le député commente l'une des choses qu'il a dites au sujet de la responsabilité et de la façon de dépenser judicieusement. L'un de nos problèmes, c'est que le vérificateur général a refusé de signer les livres du gouvernement fédéral parce que ce dernier a opté pour des méthodes comptables qui ne sont pas conformes à celle de l'institut des comptables et ni à d'autres méthodes comptables qui font autorité.

Je voudrais que le député non seulement me parle de ce qui se passe ici, mais qu'il me dise aussi ce qui ne va pas et pourquoi cela est décourageant pour les Canadiens.

M. Paul Forseth: Monsieur le Président, lorsqu'ils gèrent les finances, les gouvernements s'efforcent habituellement de réduire l'apport du public pour accroître leur pouvoir de décision discrétionnaire quant aux subventions régionales qu'ils entendent accorder.

Une des façons de rendre compte de leurs dépenses consiste à dissimuler leurs dépenses excessives dans les procédures comptables en effectuant un report, de sorte que les fonds dépensés ne figurent pas immédiatement dans les livres comptables.

 

. 2030 + -

Une fois que la situation s'est inversée et que le gouvernement affiche un léger surplus, il a tendance, afin d'accroître ses options, à reporter certaines dépenses, de sorte que les programmes dont les fonds ne sont pas encore dépensés figurent néanmoins déjà dans les livres de l'exercice courant. Les gouvernements ont couramment recours à cette pratique lorsqu'ils n'ont pas pour principe de pratiquer une comptabilité honnête pour rendre compte à la population de la façon dont ils gèrent les finances du pays.

Une autre critique intéressante que le vérificateur général a adressée au gouvernement concerne l'exploitation des ministères. Ils n'ont toujours pas de pratiques comptables modernes, de méthode comptable qui permette de rendre compte de la totalité des coûts, ce que l'on appelle la méthode du coût complet. Toutes les entreprises privées s'efforcent d'établir des plans d'exploitation conformes à ces normes modernes. Les gouvernements ont conservé la méthode ancienne et continuent, d'année en année, d'utiliser des pratiques comptables et d'établir leurs budgets selon des méthodes qui ne reflètent pas les véritables coûts d'une activité donnée.

Il est donc extrêmement difficile pour les citoyens ordinaires, et même pour des spécialistes, de savoir exactement si nous en avons pour notre argent, ou encore s'il n'aurait pas été préférable de renoncer à telle ou telle activité, d'avoir recours à des contractuels ou d'établir des partenariats avec le secteur privé. Tout dépend en grande partie des vecteurs de gestion qui permettent d'évaluer l'efficacité d'une activité gouvernementale donnée et de savoir si l'argent a été bien dépensé.

Quelqu'un déclarait, ce mois-ci, que si les subventions aux régions et les politiques gouvernementales de renflouement d'une région étaient efficaces et si cette philosophie donnait des résultats, et historiquement on pense ici au cas de la région de l'Atlantique, cette région du Canada serait sans doute la plus prospère, la plus riche du monde car depuis les débuts de la Confédération, elle a reçu de nombreuses subventions. Mais cette conception ne fonctionne pas.

Nous devons pratiquer une comptabilité honnête et efficace. C'est ce à quoi tend le projet du Parti réformiste.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai le temps dont je dispose avec le député de Winnipeg-Nord—St. Paul.

Les deux députés précédents ont eu un dialogue intéressant, amusant par certains aspects. Je ne dis pas cela par dérision, mais leur échange a pris des allures de discussion philosophique. J'ai entendu parler d'impératifs moraux. J'ai eu des échos de Max Weber et de Tawney mais cela me rappelait les anciennes visions de l'économie et des finances où on se pliait aux lois données par Dieu suivant une conception quelque peu théocratique de la société.

Je dirais que les règles de l'économie ont été données par l'homme—ou par des personnes, devrais-je dire, à l'ère de la rectitude politique—et elles ont été élaborées et confirmées par l'expérimentation. Comme diraient William James ou Dewey, la vérité est ce qui arrive à une idée. Cela se confirme dans la pratique. C'est là une définition pragmatique de la vérité.

Pour aller plus avant dans cette discussion philosophique, j'ai cru un moment qu'il était question d'un changement de paradigme, pour utiliser une expression à la mode dans la bouche des commentateurs. Dans le domaine de la pensée économique, nous sommes en train de passer d'une ère à une autre. Quelqu'un a dit que nous étions à la fin de l'histoire. J'aurais personnellement dit à la fin de l'économie keynésienne.

Le grand charme de notre ministre des Finances, c'est qu'il était là pour la fin, du moins pour le présent, de l'économie keynésienne, de l'idée que les gouvernements doivent jeter l'argent par les fenêtres et accumuler les déficits pour susciter l'activité économique. C'était peut-être vrai dans les années 1930 et 1940, lorsque Keynes était au faîte de sa gloire, mais ce serait une erreur de sortir une théorie de sa dimension spatio-temporelle.

Il est tout à l'honneur du ministre des Finances d'avoir refusé de se constituer prisonnier du passé. Nous ne sommes pas à la fin de l'histoire. Nous sommes à la fin d'une ère où il fallait que les gouvernements dépensent sans compter. Nous avons maintenant des gouvernements plus petits, plus modestes. Les données montrent que, en 1993, lorsqu'il a été élu, notre gouvernement a hérité d'un déficit budgétaire de 42,8 milliards de dollars et nous nous sommes fixé comme objectif d'atteindre l'intégrité budgétaire, l'équilibre budgétaire avant l'an 2000. Comme nous le savons tous, le budget de 1998 était équilibré. Qu'en est-il de celui de 1999?

 

. 2035 + -

Notre premier ministre se plaît à répéter une conversation qu'il a eue avec le premier ministre de la Norvège lors d'une conférence économique. Il a dit au premier ministre de la Norvège que nous allions équilibrer notre budget, ce à quoi le premier ministre de la Norvège a répondu: «Grand Dieu! Comme je vous plains! C'est maintenant que vos problèmes vont commencer. Dès qu'on affiche un excédent, tout le monde veut le dépenser et on se fait beaucoup d'ennemis qui ont du mal à résister».

L'élément clé de notre présente politique budgétaire, ce que j'appellerais la présente conception de la vérité économique, est que l'intégrité financière est le préalable d'une société saine. Nous avons ramené nos déficits budgétaires à zéro, nous affichons un excédent et nous devons continuer à pratiquer une économie responsable.

La recommandation de mes électeurs, à laquelle beaucoup de mes collègues ont fait écho, est que l'on utilise l'excédent de façon responsable en consacrant la moitié à l'allégement des impôts et à l'amortissement de la dette nationale accumulée, et l'autre moitié à des programmes sociaux innovateurs, afin d'avoir un équilibre à parts égales. En remettant de l'argent dans les mains des contribuables, on leur permet d'investir dans l'avenir et dans les industries nouvelles.

En Colombie-Britannique, on a considérablement relancé l'économie en créant de nouvelles industries telles que la technologie aérospatiale, l'informatique, etc. Elles sont intéressantes parce qu'elles reflètent la contribution des sciences, de la technologie et de la recherche pure.

Lors de discussions antérieures au sein du caucus, j'ai utilisé une métaphore et parlé du miracle économique qui s'est produit il y a un certain nombre d'années en Allemagne et au Japon, deux pays dont les économies étaient complètement anéanties après leur défaite. Leurs industries avaient été bombardées, mais ils ont d'abord investi leur argent dans la recherche, en partant du principe que la recherche fondamentale ne rapporte pas le lendemain, mais qu'elle peut rapporter le surlendemain. Cinq ou dix ans plus tard, on devient alors des leaders dans les domaines où l'on a investi dans la recherche pure. Il y a une corrélation entre la recherche pure et les applications pratiques dans l'industrie.

Je pense que cela explique le miracle allemand et japonais, et c'est une des choses que nous avons pu faire accepter au ministre des Finances: il faut investir dans la recherche parce que c'est là où se trouveront les emplois de demain et que c'est de cette manière que nous garderons chez nous nos Canadiens les plus talentueux.

Je pense que nous nous inquiétons tous de l'exode des cerveaux. Nous perdons nos éléments les meilleurs et les plus brillants au profit des États-Unis, de l'Allemagne et d'autres pays, parce que nos impôts sont trop élevés. Nous n'avons pas suffisamment dépensé pour nos établissements de recherche. Nous n'offrons pas un milieu de recherche stimulant, ce qui, pour bien des gens, est beaucoup plus important que le salaire.

Examinons le problème de quelqu'un qui a fait des études de deuxième cycle dans une discipline professionnelle et qui, au Canada, mettra un certain nombre d'années avant de rembourser des dettes d'étude de 50 000 $ ou 60 000 $. Aux États-Unis, ce genre de dette se rembourse en un an ou deux, étant donné les salaires que les diplômés obtiennent.

J'ai parlé de la corrélation entre l'intégrité budgétaire, l'équilibre budgétaire, la réduction des impôts et l'engagement de dépenses dans la recherche. Je vais mentionner un autre lien qui nous ramène au premier concept économique de l'économie politique. On ne peut dissocier l'économie du gouvernement. Nous avons eu tendance à l'oublier. Nous n'avons pas besoin d'un système de gouvernement moins lourd et plus moderne.

Le principal problème, c'est le Québec, mais je n'insisterai pas là-dessus parce que cela nous concerne tous. Cependant, cela nous a empêchés d'examiner d'autres questions comme la rationalisation des processus gouvernementaux et parlementaires. La tradition est trop présente à la Chambre. On veut vénérer la tradition, mais celle-ci n'est qu'une façon d'enregistrer les coutumes utiles et productives à une époque donnée. La dynamique de la tradition, c'est de l'adapter aux conditions sociales changeantes.

 

. 2040 + -

Certaines des nouveautés les plus intéressantes actuellement sont, en quelque sorte, une reprise du fédéralisme coopératif du premier ministre Pearson. Le nouveau terme d'union sociale vient d'un autre système fédéral plus dynamique qui est très moderne.

Il est parfois utile d'avoir perdu une guerre. Il faut recommencer à zéro. Il faut édifier un nouveau système de gouvernement. Le système fédéral allemand est beaucoup plus moderne que le nôtre. L'union sociale est essentiellement une tentative d'adaptation des relations municipales, provinciales et fédérales aux nouvelles approches en matière d'imposition et de redistribution de la richesse. Si l'on suivait l'exemple de l'Union européenne, qui a adopté le principe de subsidiarité, nous attribuerions aux différents paliers de gouvernement les pouvoirs qu'ils exercent le mieux.

Je pense que, dans la nouvelle conception du budget postkeynesien, nous nous préoccuperons de la modernisation du système de gouvernement en faisant coopérer davantage les provinces. Si elles ne le font pas, toutefois, l'engagement est bien pris. Le gouvernement fédéral doit consacrer des fonds à la recherche, il doit investir dans la jeunesse. Cela va de pair avec l'abaissement des impôts, le fait de redonner l'argent aux travailleurs productifs afin qu'ils puissent investir dans la création d'emplois et l'infrastructure qui permettra à notre économie d'entrer avec confiance dans le prochain millénaire.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Monsieur le Président, voici revenue la période de l'année où la plupart des Canadiens s'intéressent de près au budget fédéral et à son contenu. Ils aimeraient savoir si le gouvernement national va tenir compte des priorités dans son budget et quelle incidence cela pourrait avoir dans leur vie quotidienne. C'est dans ce contexte que je ferai part, ce soir, à la Chambre des préoccupations et attentes de mes électeurs, qui, comme leurs concitoyens, souhaitent que le budget de 1999, dont le dépôt ne saurait tarder, reflète fidèlement leur vision du Canada à l'aube d'un nouveau millénaire.

Depuis 10 ans que j'ai l'honneur et le privilège de représenter à la Chambre la circonscription de Winnipeg-Nord, qui est devenue Winnipeg-Nord—St. Paul, ainsi que des concitoyens de partout au pays, j'ose dire qu'il n'y en aura pas eu de meilleur. Nous pouvons nous fixer de nouveaux objectifs afin de nous donner la société que nous voulons. Nous nous savons encore mieux à même de les réaliser. En effet, nous pouvons envisager l'avenir avec confiance et avec plus d'optimisme en cette dernière année de la décennie.

Ce n'était pas le cas au début des années 90, et pas en 1993, quand les Canadiens ont décidé d'élire une nouvelle équipe, une équipe capable de gérer la crise économique et sociale que nous traversions.

Cette période était caractérisée par un déficit fédéral de 42 milliards de dollars, la dette nationale qui grimpait, un taux de chômage de 11,4 p. 100 et la stagnation économique. L'avenir de nos programmes sociaux, dont les plus chers à nos coeurs, le programme de soins de santé et le Régime de pensions du Canada, était incertain.

Peu de gens se seraient risqués à prédire notre avenir à cette époque. Les Canadiens étaient inquiets, et pour cause, mais ils étaient également déterminés à améliorer leur sort. Ils ont donc élu un nouveau gouvernement, un gouvernement libéral. Ils ont appuyé les décisions difficiles qui ont dû être prises afin de nous redonner un avenir.

Cela n'a pas été facile et cela ne s'est pas fait sans peine. Mais les Canadiens, qui ont collaboré avec le nouveau gouvernement, étaient déterminés à réussir et ils ont réussi. En 1997, ils ont renouvelé leur confiance en nous. Aujourd'hui, le déficit national est chose du passé. La dette publique a été réduite pour la première fois depuis 1970 et les taux d'intérêt sont restés bas pour la plus longue période depuis trois décennies.

L'économie canadienne a été relancée et 1,5 million de nouveaux emplois ont été créés depuis 1993. On s'attend à ce que le Canada se maintienne au premier rang des membres du G7 tout au long de l'année pour ce qui est de la croissance économique. Le taux de chômage de 8 p. 100 est le plus bas de la décennie.

 

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En 1997, le gouvernement a pu affecter une somme de 12,5 milliards de dollars au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, donnant ainsi suite à la recommandation clé du Forum national sur la santé.

Non seulement le gouvernement a-t-il respecté son engagement, mais il a aussi pu porter à 271,5 million de dollars le budget de l'an dernier pour le Conseil de recherches médicales, en plus d'annoncer de nouvelles initiatives en matière de santé. Je n'en mentionne que deux: 150 millions de dollars pour le fonds de transition en matière de santé, et 50 millions pour le Système canadien d'information sur la santé.

Le gouvernement a affecté 1,7 milliard de dollars au Programme national de prestations fiscales pour enfants, 2,5 milliards au Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire, et 465 millions, au cours des trois prochaines années, à la Stratégie emploi jeunesse. Ce sont certaines des initiatives reflétant le bilan du gouvernement jusqu'à maintenant et réalisées en un peu plus de cinq ans.

Pour ma province, le Manitoba, ces réalisations de la part du gouvernement fédéral se traduisent par un taux de chômage de 5,9 p. 100 et des investissements de 5,3 millions de dollars dans la province par l'entremise du Fonds du Canada pour la création d'emplois entre 1996 et 1998, ainsi que des investissements supplémentaires de 2 millions de dollars cette année et l'année prochaine.

On a transféré au Manitoba 82 millions de dollars par l'entremise du Programme d'infrastructure, 2 millions de dollars par l'entremise du Programme de partenariats technologiques, 17 millions de dollars par l'entremise du Programme de développement économique de l'Ouest et 24 millions de dollars de plus dans le cadre de l'entente sur le développement de Winnipeg.

Équipe Canada a rapporté des contrats de plus de 3 milliards de dollars aux entreprises du Manitoba et la province a reçu 144,5 millions de dollars de transferts fédéraux dans le cadre de l'entente Canada-Manitoba sur le développement du marché du travail.

Dans le domaine des programmes sociaux, le Manitoba aura reçu des transferts de 260 millions de dollars au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux à la fin de la cinquième année, à compter de 1997, sans parler du montant croissant reçu par le gouvernement provincial sous forme de points d'impôt et des montants supplémentaires touchés au titre des paiements de péréquation.

Par l'entremise du Programme de partenariats régionaux du Conseil de recherches médicales, l'Université du Manitoba à elle seule a reçu plus de 4,6 millions de dollars, en plus de 19 projets au Manitoba dont le financement sera établi de façon définitive dans les mois à venir.

On a transféré directement 40 millions de dollars aux enfants manitobains et aux familles à faible revenu de la province grâce au programme national de prestations pour enfants.

Ce sont certains des programmes conjoints fédéraux-provinciaux de partenariats et certaines des nouvelles initiatives fédérales qui profitent directement au Manitoba.

Le gouvernement fédéral a également versé 185 millions de dollars pour venir en aide aux victimes des inondations causées par la rivière Rouge et consacré 15 millions de dollars de plus à la prévention des inondations à l'avenir.

Ce que je décris comme le bilan du gouvernement fédéral reflète notre engagement en tant que Canadiens à l'égard du bien-être de chacun et c'est ce qui définit bien notre citoyenneté canadienne.

Nous venons en aide à nos voisins durant des crises, mais nous n'attendons pas que des catastrophes s'abattent sur nous pour montrer que nous nous préoccupons vraiment de nos concitoyens.

C'est précisément ce que le gouvernement fédéral défend lorsqu'il se fait l'apôtre d'une fédération qui fonctionne bien, du renouvellement et du renforcement de notre union sociale.

Ce n'est que lorsque nous parlons de valeurs comme celles que reflète le bilan de ce gouvernement que nous pouvons vraiment parler du Canada en tant que nation.

Les Canadiens peuvent s'attendre à ce que le budget de 1999 soit un budget mettant l'accent sur la solidité de notre système de soins de santé, le joyau de nos programmes sociaux. Le premier ministre a déjà donné cette assurance à plus d'une reprise. Le budget de 1999 ne touchera pas qu'à l'assurance-maladie même si elle est si essentielle et si les Canadiens y attachent tant d'importance. Le budget porte sur tout le Canada et les nombreux programmes gouvernementaux qui touchent la vie de tous les Canadiens.

Ainsi, à titre d'instance prébudgétaire, je voudrais préciser à la Chambre et au gouvernement que mes électeurs voudraient que le gouvernement poursuivre la réalisation de son engagement de maintenir un budget équilibré et de réduire davantage la dette nationale et les impôts.

Cela est basé sur la conviction que c'est en mettant de l'ordre dans nos finances publiques que nous allons assurer le maintien des nombreux programmes sociaux auxquels nous attachons tant d'importance. En fait, je suis persuadé que le gouvernement est bien décidé à continuer d'établir les conditions économiques nécessaires pour garantir et améliorer notre qualité de vie.

 

. 2050 + -

Nous avons réalisé de grands progrès depuis 1993 lorsque le gouvernement a reçu son premier mandat. Nous avons poursuivi nos énormes progrès depuis 1997 lorsque les Canadiens ont renouvelé ce mandat. Il faut continuer de concentrer notre attention sur ce que nous pouvons réaliser ensemble et qui importe pour nous tous et ce que nous avons réalisé jusqu'à maintenant.

En fait, j'ai le privilège de faire partie d'une équipe libérale où le gouvernement est bien décidé à ne pas revenir sur le passé maintenant que nous avons enfin prise sur notre avenir. Nous devons nous engager pour l'avenir de nos citoyens et pour l'avenir de notre pays.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole, aujourd'hui, dans le cadre du débat portant sur le rapport des consultations prébudgétaires, peut-être devrais-je dire dans le cadre du nouvel énoncé économique que le ministre des Finances a dicté, en décembre dernier, aux membres du Parti libéral du Canada qui siègent sur le Comité permanent des finances.

La vaste consultation qui a été faite d'une océan à l'autre, de Vancouver à Halifax, où le Comité a entendu des corporations économiques, des associations, des syndicats et des individus venir dénoncer les décisions gouvernementales, n'aura été, en soi, qu'une belle opération de marketing menée par les valets du ministre des Finances dans le but de masquer la vérité sur la situation actuelle au Québec et dans le reste du Canada. Il a préféré, avec ses complices libéraux, écrire ses propres conclusions dans un projet économique qui serait contenu dans son prochain budget, une sorte de pacte de productivité.

Tout comme mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot, j'ai suivi les consultations partout à travers le pays et je n'ai jamais entendu parler de cette nouvelle appellation «martiniste», qui n'est qu'une définition fort simple, c'est-à-dire une autre manoeuvre libérale fédérale centralisatrice qui ne vise qu'à accentuer leurs ingérences dans les affaires du Québec et des autres provinces.

Au cours des derniers mois, le gouvernement libéral a multiplié ses actions politiques, de partisanerie, axées sur l'arrogance et le manque de compassion.

Que penser d'un gouvernement qui s'apprête à dénouer les cordons de la bourse à des millionnaires du hockey, d'un gouvernement qui refuse toujours de compenser toutes les victimes de l'hépatite C, d'un gouvernement qui ne respecte plus sa propre Constitution, en intervenant de plus en plus dans des champs de compétence provinciale, d'un gouvernement qui s'obstine à frapper sur les travailleuses et les travailleurs, en maintenant un régime d'assurance-emploi qui exclut maintenant 60 p. 100 des chômeurs de notre société?

Que penser d'un tel gouvernement? C'est un gouvernement complètement déconnecté de la réalité économique canadienne et québécoise, dirigé par un premier ministre qui mise plus sur sa popularité personnelle pour administrer le pays, qui supporte son ministre des Finances et son ministre du Développement des ressources humaines, trois ministres qui se sont moqués des employeurs, travailleurs et travailleuses, en n'accordant qu'une diminution de 15¢ du 100 $ sur les cotisations d'assurance-emploi. Il n'y a eu aucune modification importante à l'actuel régime de l'assurance-emploi. Et je ne pense pas que lors du prochain budget, le ministre des Finances aille offrir des cadeaux de ce côté-là.

Chez nous, dans la région Chaudière-Appalaches, dans Lotbinière, on doit encore fonctionner avec deux taux régionaux non conformes au profil socioéconomique de la région. La circonscription de Lotbinière que je représente se retrouve encore soumise à deux taux régionaux qui créent des écarts importants lorsque le ministère du Développement des ressources humaines traite les demandes de nouveaux chômeurs.

Permettez-moi encore de vous démontrer l'aberration de ce système. Deux chômeurs résidant dans deux municipalités séparées par quelques kilomètres n'ont pas droit, donc, au même traitement de leur dossier de chômage. En effet, l'un peut toucher 22 semaines de prestations de chômage, alors que l'autre n'a droit qu'à 14 semaines de prestations de chômage.

Malgré les demandes répétées du Mouvement des sans-emploi de Lotbinière et des autres groupes voués à la défense des chômeurs, le ministre du Développement des ressources humaines continue de tolérer ce tripotage géographique et technocratique. C'est un gouvernement qui prend tous les moyens pour manipuler l'opinion publique.

 

. 2055 + -

En voici un autre exemple. Malgré les promesses répétées du président du Comité permanent des finances, qui devait tout mettre en oeuvre pour éviter les fuites dans les médias, on a vu ce qui s'est passé le mois dernier. À quelques heures du dépôt du rapport sur les consultations prébudgétaires, de larges extraits de ce document de travail ont été diffusés à 22 heures au Téléjournal de la Société Radio-Canada. Pourtant, à 21 heures, sur le réseau RDI, Radio-Canada diffusait un reportage qui expliquait de quelle façon le gouvernement libéral s'y prenait pour accumuler les surplus de la caisse d'assurance-emploi.

Le message de la conférence de presse, qui était dirigée par le député de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques et porte-parole du Bloc québécois en matière de développement des ressources humaines, mettait drôlement les libéraux dans l'embarras. Mais à 22 heures, surprise! Le reportage portant sur la conférence de presse du Bloc québécois avait été retiré du Téléjournal pour faire place aux grandes lignes de l'orientation du ministre des Finances.

Les libéraux fédéraux sont devenus, au cours du mois de décembre, des spécialistes en matière de fuites de rapports, de tripotage de chiffres et des médias. Le rapport portant sur le malheureux sort de nos millionnaires du hockey a été l'objet d'une fuite. Le report du résultat du choix de la ville candidate pour représenter le Canada aux Jeux olympiques d'hiver de 2010 est aussi un exemple et il y en a de nombreux autres. La conduite des libéraux dans cette Chambre a malmené l'esprit de démocratie et le respect de la bonne marche des comités.

Définitivement, le gouvernement libéral, qui ne siège qu'avec la majorité ontarienne, est de plus en plus arrogant. On ne le répétera pas assez souvent, ce gouvernement est arrogant, sans coeur et menace la sécurité sociale des plus démunis, ceux qui ont dû payer la note salée des coupures sauvages du gouvernement dans les paiements de transfert dans les domaines de la santé, de l'éducation et des programmes sociaux.

Les libéraux ont, encore une fois, détourné le résultat des consultations pré-budgétaires pour en faire une activité partisane, moussant leur propre programme électoral, au lieu d'être le reflet honnête des témoignages entendus lors de ces audiences qui étaient publiques.

Mais on savait que les libéraux allaient agir de cette façon. Donc, le Bloc québécois a innové cette année en sillonnant tout le Québec pour connaître l'opinion des Québécoises et des Québécois sur l'utilisation des surplus budgétaires du ministre des Finances. Le chef du Bloc québécois et son collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot, dans un exercice démocratique, ont déposé un rapport rassemblant les mémoires de 26 députés de notre formation politique. Dans ce rapport, des Québécoises et des Québécois ont axé leurs demandes sur les points suivants: rembourser le Québec et les autres provinces pour la santé, l'éducation et les programmes sociaux; diminuer de façon substantielle les impôts des particuliers, mais avec une baisse ciblée; améliorer le régime d'assurance-emploi. Le consensus des gens du Québec rejoignait la majorité des opinions exprimées par les intervenantes et intervenants des autres provinces canadiennes.

Qu'a fait le ministre des Finances de ces recommandations? Il les a rejetées du revers de la main. Les libéraux, qui ne se gênent pas pour détourner les fonds de la caisse d'assurance-emploi, essaient de montrer à la population que de puiser dans cette caisse est un geste démocratique et transparent.

Depuis le 2 décembre dernier, chaque dollar versé à titre de cotisation d'assurance-emploi sert à gonfler les surplus du ministre des Finances et non pas à offrir des prestations raisonnables aux chômeurs. Nous sommes aujourd'hui le 2 février 1999. Les surplus de la caisse d'assurance-emploi, à raison de 59 millions de dollars par jour, et de 2,5 millions de dollars l'heure et de 48 850 $ à la minute, ont déjà atteint 3,658 millions de dollars et quelques centaines de milliers de dollars. Ça, c'est la vérité.

En conclusion, les surplus du budget fédéral se situeront bel et bien entre 12 et 15 milliards de dollars, même si le ministre des Finances affirme le contraire.

 

. 2100 + -

Des économistes crédibles, comme ceux qui travaillent pour le Mouvement Desjardins, soutiennent les prévisions avancées par le Bloc québécois à ce sujet.

Je me fais le porte-parole des gens de Lotbinière et du Québec pour que ce gouvernement libéral réponde enfin aux nombreuses attentes sociales et économiques des Québécoises et des Québécois. Malheureusement, j'appréhende que le ministre des Finances, avec son arrogance habituelle, frappe encore, dans son prochain budget, sur nos malades, nos jeunes, nos femmes, les sans-emplois et la classe moyenne.

C'est ça, le drame du fédéralisme canadien actuel.

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, je veux invoquer le Règlement et non pas faire un commentaire, car si j'avais eu un commentaire à faire, cela aurait été pour exprimer mon total accord avec les propos de mon collègue.

Je veux simplement vous signaler, comme vous l'avez certainement remarqué, que dorénavant, les députés du Bloc québécois scinderont leurs présentations. Mon collègue de Lotbinière sera suivi du collègue de Sherbrooke, après la période de questions et commentaires qui ne manquera pas de susciter, j'en suis certain, un enthousiasme délirant de la part des collègues.

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'interviens à la Chambre sur le rapport de la majorité libérale du Comité permanent des finances, rapport vu et corrigé par le ministre des Finances lui-même, rapport proposant certaines avenues quant au prochain budget.

L'utilisation des surplus du gouvernement fédéral reste d'actualité depuis plusieurs mois et le restera encore pendant plusieurs autres. Mais pour la première fois en 30 ans, le gouvernement fédéral a commencé à réaliser des surplus budgétaires. Le surplus du présent exercice sera considérable. Il est toujours réaliste d'affirmer qu'il se situera aux environs de 12 milliards de dollars.

Ce surplus considérable appartient aux contribuables et c'est dans cette optique que le Bloc québécois a jugé essentiel de consulter le plus grand nombre possible de citoyennes et de citoyens et de leur permettre de s'exprimer et de faire valoir leurs points de vue à ce sujet, d'autant plus que la consultation du gouvernement fédéral fut nettement insuffisante au Québec.

C'est ainsi que le processus de consultation a débuté avec une période de sensibilisation menée par le chef du Bloc québécois et du porte-parole en matière de finances, le député de Saint-Hyacinthe—Bagot. Pendant les mois d'août et septembre, le Bloc québécois a sillonné les quatre coins du Québec.

De cette consultation de qualité se dégagent trois positions consensuelles claires et précises: premièrement, l'urgence de réinvestir dans la santé, l'éducation et l'aide sociale; deuxièmement, l'allègement du fardeau fiscal des contribuables, principalement ceux à faible et moyen revenu; troisièmement, l'amélioration du régime d'assurance-emploi.

Pendant la consultation prébudgétaire du Bloc québécois, j'étais en pleine campagne électorale dans ma circonscription de Sherbrooke. J'ai donc simultanément procédé à la meilleure consultation qui soit, celle du porte-à-porte. J'ai rencontré des gens sur le terrain et j'ai vu aussi des drames humains, des gens avec des problèmes de santé et des gens dans la pauvreté, parce qu'ils étaient aux prises avec un fardeau fiscal les privant de l'essentiel.

Ils étaient aux prises avec des problèmes d'assurance-emploi dus aux prestations qui ont été diminuées et dus aussi à l'accessibilité réduite à l'assurance-emploi. Ils étaient aussi aux prises avec les répercussions des coupures du gouvernement fédéral dans l'aide sociale. D'ailleurs, l'assurance-emploi, c'est plutôt devenu l'assurance-surplus pour le gouvernement et l'assurance-misère pour ceux qui y contribuent.

Pourtant, aujourd'hui, le gouvernement fédéral possède une marge de manoeuvre, mais la situation continue de se détériorer. Tous les ministres des Finances qui ont précédé le présent ministre des Finances ont été confrontés à des situations difficiles et plusieurs, malgré leur bonne volonté, n'avaient pas de marge de manoeuvre et devaient faire des choix difficiles qui avaient des effets négatifs sur nos concitoyens.

 

. 2105 + -

Aujourd'hui, devant le manque de compassion du ministre des Finances, je ne peux que conclure que ce ministre est un sans-coeur et qu'il reste insensible aux besoins de la population.

Comme je le disais tantôt, les besoins de la population, je les ai connus, je les ai vus et j'ai été sensible à tous ces problèmes pendant la campagne électorale. D'ailleurs, pour vous dire combien les gens partagent la position du Bloc québécois, le 14 septembre dernier, j'ai été élu député du Bloc québécois, en vertu d'interventions de ce genre concernant l'utilisation des surplus.

Le gouvernement fédéral a coupé 6,3 milliards de dollars dans les paiements de transfert. Ce même gouvernement nous dit aujourd'hui qu'il faut affronter l'avenir. Mais couper dans l'éducation c'est couper dans l'avenir. Couper dans la santé, c'est aussi couper dans l'avenir. Couper dans l'aide sociale, c'est aussi couper dans l'avenir, et couper dans l'assurance-emploi, c'est aussi couper dans l'avenir.

Dans ma circonscription de Sherbrooke, il y a trois collèges et deux universités. Inutile de faire un dessin sur l'impact des coupures dans l'éducation. Il y a aussi un centre universitaire de la santé confronté à un déficit de 15 millions de dollars cette année. Il y a aussi 55 p. 100 des chômeurs qui sont exclus de l'assurance-emploi, ce qui représente annuellement 23 millions de dollars de manque à gagner pour leurs familles.

Le ministre des Finances n'a aucun remords quand il appauvrit les gens et les régions. Tout cet argent qu'il s'approprie sur le dos des plus démunis, il veut s'en servir pour s'immiscer dans des champs de compétence provinciale. On connaît tous les bourses du millénaire; on connaît présentement le dossier à l'étude au niveau de la santé.

Parlons-en un petit peu de la santé. Le premier ministre disait, et je cite: «Celui qui perçoit les impôts doit être capable d'indiquer à ceux qui paient les impôts ce qu'il fait avec leur argent.» Pourquoi nous dit-il cela seulement quand ça concerne un champ réservé aux provinces? Est-ce qu'on sait où va exactement l'argent dépensé par le gouvernement fédéral dans le BIC, dans les subventions accordées par le fédéral ou dans la rénovation des bâtiments, estimée à 423 millions de dollars et qui peut atteindre 1,4 milliard de dollars? Est-ce qu'on sait où vont les centaines de millions qui seront dépensés dans les systèmes comptables et informatiques? Est-ce qu'il dit aux gens où va réellement l'argent?

Je siège aussi au Comité permanent des comptes publics et depuis septembre, j'ai lu des histoires d'horreur dans les deux rapports du vérificateur général. Si le gouvernement fédéral prenait ses responsabilités et faisait le ménage de sa propre gestion, il y aurait des économies de plusieurs milliards de dollars.

C'est pour cela que le Bloc québécois demande au gouvernement fédéral de remettre au Québec et aux provinces les paiements de transfert qu'il leur a dérobés, de diminuer substantiellement l'impôt du vrai monde à faible revenu et non pas celui des riches millionnaires et des ministres, d'améliorer l'assurance-emploi en augmentant les prestations et l'accessibilité parce que les surplus de l'assurance-emploi appartiennent à ceux qui paient.

Ce que je demande à notre ministre des Finances, c'est de faire preuve d'un peu plus de compassion envers les plus démunis et de réinvestir dans nos programmes sociaux.

[Traduction]

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec intérêt ce qu'a dit le député de Sherbrooke. Nous savons qu'il n'y a pas longtemps qu'il a été élu et qu'il essaie de voir ce que font les libéraux sur le plan financier.

Ma question est très différente. Le député a parlé de paiements de transfert auxquels ils avaient droit et qui n'ont jamais été reçus.

Le député se rend-il compte de l'importance de ces paiements et de ce qui arriverait si les séparatistes obtenaient gain de cause et que le Québec se séparait du reste du Canada? Je suis sûr qu'il a plusieurs fois entendu cette question, mais c'est l'une des principales raisons pour lesquelles le Québec devrait envisager d'abandonner l'idée de se séparer.

 

. 2110 + -

[Français]

M. Serge Cardin: Madame la Présidente, je n'ai pas très bien saisi le sens de la question, mais j'en ai quand même compris quelques bribes.

Effectivement, il y a des paiements de transfert qui sont faits par le gouvernement fédéral au Québec et dans les autres provinces, c'est évident. Ce sont des montants très substantiels qui ont des répercussions à travers le Canada.

Bien sûr, les propos que je tenais plus tôt touchaient l'ensemble des provinces et le Québec, mais compte tenu du fait qu'il faut aller chercher à la source les éléments essentiels à la démonstration des souffrances humaines qui peuvent survenir par les coupures dramatiques qui ont eu lieu, j'ai bien sûr pris en référence mon comté de Sherbrooke en particulier et les gens du Québec en général.

Maintenant, le Québec contribue fortement au financement du gouvernement fédéral, de l'ordre d'environ 32 milliards de dollars par année. Il est normal que le Québec et les autres provinces s'approprient à nouveau les paiements de transfert qui leur ont été coupés par le gouvernement fédéral pour qu'on puisse, dans tout le Canada, évidemment, réinvestir dans la santé, dans les programmes sociaux et dans l'éducation. C'est primordial.

Quand on parle d'avenir, ce sont ces trois éléments qui font en sorte que le Canada et le Québec vont continuer à se développer dans un futur de plus en plus heureux pour tout le monde.

[Traduction]

M. Ken Epp: Madame la Présidente, je serai très explicite. Je viens d'une province qui n'a jamais reçu un sou en paiements de péréquation. Nous avons toujours cotisé au même taux que les Québécois, voire à un taux un peu plus élevé. Pourtant, ce sont eux qui sont les grands bénéficiaires de ces paiements de péréquation. Ils gagnent net entre 8 et 10 milliards de dollars par an.

Qu'en dit le député? Est-il prêt à renoncer à ces paiements?

[Français]

M. Serge Cardin: Madame la Présidente, à mon avis, les paiements de transfert et la péréquation sont des éléments différents. D'ailleurs, il va y avoir un débat sur la péréquation dans les jours ou les semaines qui vont suivre. Les paiements de transfert sont une chose, la péréquation en est une autre. Présentement, ce qui me préoccupe le plus, ce sont les paiements de transfert. À cet égard, et d'après ce que j'en sais depuis le 14 septembre, toutes les provinces y contribuent.

[Traduction]

L'hon. Andy Mitchell (secrétaire d'État (Parcs), Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole dans ce débat prébudgétaire. C'est la quatrième fois de suite que j'ai l'occasion de le faire depuis 1993, et j'en profite pour parler un peu de ce dont mes électeurs m'ont fait part au cours des consultations prébudgétaires que j'ai tenues et de ce que je crois être l'opinion des Canadiens en général.

J'aimerais tout d'abord féliciter les membres du Comité permanent des finances—et je vois que le secrétaire parlementaire est présent à la Chambre—pour le travail qu'ils ont réalisé en voyageant d'un bout à l'autre du pays, recueillant l'opinion des Canadiens sur le budget qui doit être déposé sous peu.

Je suis persuadé que les députés de la Chambre et les Canadiens en général savent bien que c'est le gouvernement libéral, en 1993, sous la gouverne du ministre des Finances, qui a renouvelé ce qui était jusque là un processus essentiellement très fermé, un processus de consultation budgétaire peu transparent, pour en faire un processus beaucoup plus ouvert, qui commence avec l'analyse des états financiers du ministre des Finances par le comité des finances d'un bout à l'autre du pays, pour se terminer par le débat que nous tenons ici ce soir. C'est un processus nouveau. Un processus très valable qui répond bien aux besoins des Canadiens.

Comme bon nombre de mes collègues dans cette Chambre, j'ai poussé un peu plus loin le processus adopté en tenant des consultations prébudgétaires dans ma circonscription. En fait, j'ai tenu deux sessions de consultation le 27 novembre dernier. La première a eu lieu dans la salle municipale de Bracebridge et l'autre, un peu tard au cours de la même journée, au Musée de West Parry Sound. J'ai profité du lancement des consultations budgétaires pour envoyer un sondage à chaque foyer de ma circonscription. Je voulais donner aux électeurs qui ne pouvaient pas assister à ces audiences l'occasion de s'exprimer. Des centaines d'électeurs ont répondu à l'appel. Je remercie tous ces gens ainsi que ceux qui ont participé à ces forums d'avoir ainsi exprimé leurs points de vue ou apporté leur contribution aux consultations prébudgétaires.

 

. 2115 + -

Les électeurs de la circonscription de Parry Sound—Muskoka que je représente ont établi trois grandes priorités. Ils ont exprimé le désir de constater un allégement fiscal et des réductions dans le prochain budget. Tout en reconnaissant qu'un allégement fiscal de 7 milliards de dollars avait été consenti dans les budgets précédents des trois dernières années, ils ont indiqué qu'il fallait faire encore davantage dans ce domaine. Ils ont particulièrement insisté sur le fait que les réductions de l'impôt sur le revenu devraient être une priorité. Ils estiment que cette mesure devrait s'adresser tout spécialement aux contribuables à revenu faible ou moyen.

Selon mes électeurs, réinvestir dans les soins de santé devrait être la deuxième priorité. À propos des soins de santé, ils ont insisté sur le fait que le système des paiements de transfert devrait comporter la garantie que ces montants serviront aux soins de santé et non pas à d'autres fins. Ils ont manifesté un vif attachement au régime de soins de santé du Canada, c'est-à-dire un régime universel et financé par des fonds publics. Ils estiment que c'est un système qui s'est révélé très avantageux pour les Canadiens au cours des 30 dernières années. Ils veulent que ça continue et ils s'expriment sans équivoque en faveur d'un réinvestissement dans les soins de santé.

Mes électeurs ont parlé haut et fort, tant lors des consultations que dans les sondages, au sujet de la troisième priorité, soit que nous ne devons jamais permettre, en tant que nation, que nous revenions à la situation qui prévalait au cours des 30 dernières années. Nous ne devons jamais recommencer à dépenser toujours plus que nous n'obtenons, en enregistrant des déficits et en accumulant une dette. Ils disent que, quelle que soit la politique que nous appliquerons dans ce budget et dans les budgets ultérieurs, nous ne devons jamais revenir à ce mode de fonctionnement. Ils ont vu que, à la longue, comme nous faisons une gestion financière prudente, nous réussirons à rembourser la dette accumulée, en chiffres absolus et en pourcentage de notre produit intérieur brut.

Mis à part les recommandations particulières, nous avons aussi discuté du fait que les décisions budgétaires ne sont pas prises isolément. Elles doivent se fonder sur des principes qui régissent notre mode de gouvernement. Je crois que nous avons précisé les trois principes de base qui devraient régir les décisions budgétaires que le gouvernement est sur le point de prendre.

Selon le premier principe, il incombe au gouvernement fédéral d'exercer une gestion financière serrée et prudente. C'est une responsabilité et un principe gouvernemental que d'établir des conditions économiques qui permettront à tous les Canadiens de viser les objectifs qu'ils se sont choisis et de réaliser leurs rêves. Si l'on examine les réalisations du gouvernement au cours des cinq dernières années, on constate que sa gestion prudente a permis aux Canadiens de faire exactement cela.

Nous avons eu le taux d'inflation le plus bas au Canada depuis des générations, ainsi que des taux d'intérêt bas. Ce genre d'indices économiques et de réalisations donne aux Canadiens, grâce à des payements hypothécaires réduits et à la protection que procurent des revenus fixes, les moyens de réaliser leurs rêves et d'atteindre leurs objectifs financiers. Le rôle du gouvernement, et c'est le premier principe, est de créer le climat économique qui permettra aux Canadiens de ce faire.

 

. 2120 + -

Le deuxième principe qui doit guider nos décisions budgétaires est que nous devons protéger le filet de sécurité sociale du Canada. Les Canadiens, tant dans ma circonscription que dans le reste du Canada, ont clairement établi la nécessité d'avoir au Canada un filet de sécurité fort.

Nous croyons qu'il faut aider ceux qui ont le plus besoin d'aide et que cette responsabilité doit être partagée par tous les Canadiens. En tant que Canadiens, nous avons convenu collectivement de ne pas laisser tomber nos concitoyens en deçà d'un certain seuil. C'est pourquoi, le régime d'assurance-maladie vient en aide à ceux qui sont malades. C'est aussi pour cela que nous avons mis en place un système de sécurité du revenu pour les Canadiens en âge de prendre leur retraite. C'est également pourquoi nous offrons une aide pour que les Canadiens en crise puissent trouver à manger et à se loger.

Si on regarde les réalisations du gouvernement, que ce soit l'octroi de 1,7 milliard de dollars pour le nouveau crédit d'impôt pour enfants ou la réforme du RPC pour assurer son existence pour les générations à venir, on voit que ce sont des programmes qui contribuent à la solidité du filet de sécurité.

Le troisième principe qui doit guider nos décisions budgétaires est que nous devons garantir l'égalité des chances dans ce pays. Où que nous vivions, que ce soit en milieu urbain ou rural, que nous soyons riches ou non, que nous soyons handicapés ou non, nous devrions tous bénéficier de la même protection des droits que nous confère notre appartenance à ce grand pays qui est le nôtre.

Les habitants de ma circonscription ont établi les trois priorités de base qu'ils aimeraient voir dans le budget, à savoir, réduire l'impôt sur le revenu des particuliers qui se trouvent au bas et au milieu de l'échelle, réinvestir dans les soins de santé et leur donner l'assurance que nous allons poursuivre la gestion sage et prudente des finances et que nous ne retomberons pas dans une ère de financement de l'économie par le déficit.

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec attention le député d'en face et j'ai été très intéressé par ses observations, notamment lorsqu'il a également parlé du désir de ses électeurs d'assister à des réformes fiscales exhaustives au moyen de réductions d'impôt sur le revenu, ce que les députés de ce côté-ci appuient, ainsi qu'à un réinvestissement de fonds dans le secteur de la santé. Tous les Canadiens veulent que le régime de santé soit prioritaire.

Je demande au député de faire ses observations sur une autre partie importante du budget que nous devons examiner en ce moment. J'aborderai cette question plus tard, mais je voudrais que le député nous fasse part de ses réflexions sur les Forces canadiennes. Les membres des Forces canadiennes éprouvent de graves problèmes de qualité de vie et gagnent un salaire de famine. Nous les avons soumis à des pressions supplémentaires en les envoyant accomplir plusieurs missions au cours des six dernières années. Le nombre des missions a augmenté, alors que les ressources militaires ont constamment diminué.

Le député pourrait-il expliquer ce que le gouvernement peut faire pour améliorer la qualité de vie des membres des Forces canadiennes, pour leur donner le matériel dont ils ont besoin pour accomplir leurs missions et pour mieux vivre?

L'hon. Andy Mitchell: Madame la Présidente, le gouvernement et moi-même, en tant que député, sommes très fiers des efforts et de l'énergie que déploient les hommes et les femmes qui servent dans nos forces armées, ainsi que de leurs réalisations.

Le député a rappelé qu'une de nos responsabilités de parlementaire est de voir à ce que nos militaires aient l'équipement et les ressources nécessaires pour remplir leurs missions. C'est absolument essentiel. Comme nous l'avons vu, c'est ce qu'a fait le ministre de la Défense quand il s'est assuré que nous avions les hélicoptères de recherche et de sauvetage permettant de remplir ces missions.

 

. 2125 + -

Le ministre a pris des mesures pour obtenir les sous-marins fournissant une partie du matériel dont nos militaires avaient besoin pour s'acquitter de leurs missions. Il y a aussi les problèmes de qualité de vie auxquels le député a aussi fait allusion. Un comité parlementaire s'est penché sur le sujet et a formulé de fermes recommandations. De toute évidence, en établissant nos priorités financières, il faut aussi penser aux problèmes de nos forces armées.

C'est en grande partie sur cela que porte le débat sur le document prébudgétaire. Ce débat donne l'occasion aux parlementaires et à tous les Canadiens de discuter de ce qu'ils considèrent comme leurs priorités. Le débat complète d'autres travaux portant sur les problèmes de qualité de vie, qui ont été intégrés au processus parlementaire. En tant que citoyen, député et membre du gouvernement, je suis fier du travail des hommes et des femmes des Forces canadiennes. Il faut absolument leur fournir les ressources nécessaires pour mener à bien leurs missions.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer ce soir au débat prébudgétaire. Je voudrais aborder les questions qui me préoccupent et qui préoccupent les habitants de la circonscription d'Oak Ridges.

Ceux qui gouvernent doivent faire certains choix. Les Canadiens n'ont cessé de réclamer que des fonds supplémentaires soient consacrés aux soins de santé. Ils veulent également de nouvelles réductions de taxes et d'impôts. Ils veulent que la dette continue de diminuer.

Sous la direction du premier ministre et du ministre des Finances, le gouvernement a bien réagi à la situation économique du Canada. Lorsque le gouvernement a été élu en 1993, il a hérité d'un déficit de 42 milliards de dollars. Grâce à une saine gestion financière, à notre leadership et à notre détermination, nous avons réussi à équilibrer le budget, à raviver la confiance des consommateurs dans notre économie et à faire grimper le taux de croissance. L'élimination du déficit nous a donné la stabilité financière nécessaire pour régler d'autres questions clés.

L'avenir de l'assurance-maladie m'inquiète, comme elle inquiète de nombreux Canadiens. C'est sans équivoque que le gouvernement s'est engagé à préserver le régime national de soins de santé financé par l'État. J'appuie la recommandation du Comité permanent des finances qui exhorte le gouvernement fédéral à réaffirmer son engagement envers le régime de soins de santé en rehaussant de 1 milliard de dollars le plancher des versements en espèces à compter de 1999-2000. Cela fera accroître de 6,3 p. 100 le montant consacré à ce domaine. Nous verserons donc 27,6 milliards de dollars comparativement à 25,7 milliards en 1998-1999. En l'an 2002-2003, les provinces auront reçu une somme supplémentaire de 4 milliards de dollars. Le montant total versé au titre du TCSPS atteindra 29,5 milliards de dollars en 2002-2003. J'appuie également l'octroi de crédits supplémentaires à l'Institut canadien de recherches médicales qu'on propose de mettre sur pied. Je voudrais que soit doublée la recherche sur la santé effectuée au Canada.

Toutefois, les Canadiens veulent que le gouvernement rende des comptes. Le transfert de millions de dollars aux provinces doit s'accompagner de l'obligation de rendre des comptes et de la capacité de mesurer la qualité des soins. Les Canadiens veulent savoir où va cet argent. C'est une chose à laquelle le gouvernement fédéral devrait tenir.

Les Canadiens souhaitent d'autres réductions d'impôt. Le gouvernement a répondu dans le budget de 1998 en accordant aux familles à revenu faible et moyen un allégement fiscal de 7 milliards de dollars étalé sur trois ans. Je suis en faveur de l'élimination de la surtaxe temporaire de 3 p. 100. Je crois également qu'il est temps d'annoncer un calendrier pour l'élimination de la surtaxe de 5 p. 100 en commençant par une diminution de 1 p. 100 cette année.

Le comité des finances recommande de poursuivre les mesures budgétaires de 1998 qui haussaient de 500 $ les exemptions personnelles et de conjoint pour les contribuables à faible revenu. J'y suis favorable, et je crois qu'il faudrait les relever encore de 200 $, ce qui porterait à 700 $ le montant de revenu additionnel que le contribuable pourrait gagner sans payer d'impôt. Je soutiens que cette hausse de 700 $ du montant de l'exemption personnelle de base et de conjoint devrait être accordée à tous les contribuables.

 

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J'ai reçu beaucoup d'appels téléphoniques et de lettres concernant la règle de 20 p. 100 applicable aux placements en biens étrangers. Les contribuables canadiens veulent, et devraient obtenir à mon avis, une augmentation graduelle de 2 p. 100 par année de la proportion autorisée de placements en biens étrangers, qui atteindrait 30 p. 100 au bout de cinq ans. Cela me paraît la solution à adopter. Cela permettra aux Canadiens d'obtenir des rendements supérieurs sur leur épargne-retraite et de réduire leur exposition aux risques des placements, ce qui se révélera profitable à tous les Canadiens quand ils décideront de prendre leur retraite.

La réduction de la dette est le troisième objectif auquel les Canadiens ont exprimé leur appui. J'ai souvent parlé à la Chambre de la réduction de la dette, et je crois que le gouvernement a pris un engagement ferme en faveur de cet objectif, qu'il atteindra grâce au plan dont il s'est doté. Cette année, le gouvernement a fait un grand pas vers la réduction de la dette et on prévoit que cette dette exprimée en pourcentage du PIB passera à un peu moins de 63 p. 100, par rapport à près de 72 p. 100 en 1995-1996.

Le leadership et l'engagement envers les valeurs des Canadiens, gouverner avec une conscience sociale et assurer un leadership sur les questions économiques difficiles ont été la marque de commerce du gouvernement, que ce soit dans les programmes s'adressant aux sans-abri, les programmes d'infrastructure ou les programmes de santé.

Je crois que le gouvernement devrait reconduire le programme d'infrastructure canadien. Ce programme a été lancé en 1994. Notre retard dans les programmes d'infrastructure au Canada s'établit à 40 milliards de dollars. Au Canada, les routes, les ponts, les égouts et les aqueducs nécessitent encore notre attention, en dépit du programme fédéral-provincial-municipal à frais partagés qui a généré des investissements de plus de huit milliards de dollars, dont une participation fédérale de 2,4 milliards de dollars. Ce programme a permis de financer 16 000 projets d'infrastructure et a créé 125 000 emplois à court terme et 10 000 emplois à long terme. Il s'agit là d'un excellent exemple de la coopération entre les gouvernements et le secteur privé. C'est ce que les Canadiens veulent. C'est ce à quoi les Canadiens s'attendent et c'est ce que le gouvernement leur a donné.

Le programme a aidé les administrations municipales à améliorer les infrastructures du Canada et a entraîné une création rapide d'emplois afin d'accélérer la reprise économique.

Je crois que ce programme a été un bon modèle unificateur. Il a démontré que tous les ordres de gouvernement pouvaient partager des objectifs et réaliser des projets ensemble. Soixante-trois pour cent de tous les fonds ont servi à financer des projets d'infrastructure, dont 31 p. 100 pour des projets d'approvisionnement en eau et de construction ou de réfection de réseaux d'égouts et 32 p. 100 pour la construction ou la réparation de routes et de ponts.

Le programme était utile du point de vue de l'environnement, de la compétitivité économique et de la création d'emplois. Le rapport Silverman, l'évaluation du ministère des Finances, l'évaluation du vérificateur général, tous ont conclu que le programme était un franc succès.

Je crois que nous devons élaborer une stratégie minimum de cinq ans concernant l'infrastructure nationale et continuer de travailler avec nos partenaires pour éliminer ce déficit en matière d'infrastructure.

J'exhorte aussi le ministre des Finances à envisager d'exonérer d'impôt les cartes d'abonnement au transport en commun fournies par l'employeur. Une mesure semblable existe déjà aux États-Unis et en Europe de l'Ouest. Je crois que cela permettrait d'éliminer jusqu'à 300 millions de kilomètres par année de déplacements en automobile dans les régions urbaines d'ici dix ans. On estime aussi que cela réduirait de 35 p. 100 la croissance prévue de la circulation aux heures de pointe dans nos grands centres urbains, comme l'ont indiqué la Fédération canadienne des municipalités et l'Association canadienne du transport urbain. Cette proposition nous aiderait aussi à respecter les engagements que nous avons pris à Kyoto.

À mon avis, on devrait aussi accorder un allégement fiscal aux Canadiens qui doivent engager des dépenses importantes pour pouvoir faire leur travail, par exemple les mécaniciens.

Je sais que le ministre des Finances doit répondre à une foule de demandes et de besoins. Le gouvernement a un mandat de cinq ans. Tout n'a pas été fait l'an dernier, mais nous sommes sur la bonne voie. Nous sommes déterminés à maintenir l'équilibre budgétaire, à assurer une saine gestion financière dont tous les Canadiens peuvent être fiers. Les choses n'avancent peut-être pas aussi vite que certains le voudraient dans certains secteurs, mais je crois que nous partageons tous le même but. L'orientation est claire, et je suis certain que ce budget répondra à beaucoup des questions clés qui préoccupent les Canadiens.

 

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M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Madame la Présidente, j'ai pris bonne note du discours et des opinions exprimées par le député d'en face. Je suis très heureux d'avoir entendu un autre député se déclarer convaincu qu'il faut réformer la fiscalité en profondeur, accorder plus d'importance aux soins de santé au Canada et remettre le régime de soins de santé sur pied. Le député a également parlé de la réduction de la dette et de l'union sociale. Autant de questions importantes dont le gouvernement devra tenir compte dans le budget.

Je ne veux pas faire perdre le fil de ses idées au député, mais j'aimerais connaître son point de vue sur la situation des Forces armées canadiennes. Les forces armées ont vu leur situation se détériorer au cours des six dernières années. Par ailleurs, les engagements ont augmenté. Les forces armées font actuellement face à de nombreux problèmes.

Le ministre de la Défense a déclaré qu'il a tenté d'obtenir 700 millions de dollars du Cabinet pour régler les problèmes de qualité de vie auxquels font face les membres des forces armées. Or, il m'apparaît que même si le ministre obtient ces 700 millions, ce montant ne suffira pas à combler le déficit de 750 millions de dollars qu'accusait déjà le budget du ministère de la Défense nationale. En fait, ces 700 millions seront inutiles.

J'ai une idée. Exprimer et partager des idées, c'est précisément le but des débats. J'aimerais savoir ce que pense le député de cette idée. Je propose de créer une exemption à l'intention des Forces armées canadiennes. Le personnel des forces armées pourrait ainsi bénéficier d'une exemption graduelle additionnelle de 5 000 $ au titre de l'impôt sur le revenu. Tout dépendant du grade qu'ils occupent, les militaires pourraient bénéficier d'une réduction de leur revenu imposable annuel allant jusqu'à 5 000 $. Cette mesure viserait surtout le personnel de niveau inférieur des forces armées, comme les simples soldats, les caporaux, les lieutenants et les capitaines.

Cette mesure, si elle entrait en vigueur, permettrait de protéger l'intégrité du budget de la Défense qui pourrait ainsi poursuivre l'acquisition urgente d'hélicoptères, de véhicules de transport de troupes blindés, de casques, de bottes, d'articles vestimentaires et d'autres matériels. D'autre part, cette mesure créative et innovatrice permettrait au personnel des Forces armées canadiennes de disposer d'un revenu disponible plus élevé.

J'aimerais savoir ce qu'en pense le député. Je sais que mon explication est très brève, mais est-ce que mon collègue pourrait appuyer une proposition semblable?

M. Bryon Wilfert: Madame la Présidente, je remercie mon collègue d'en face de ses observations et de sa question.

À propos de sa question sur les forces armées, je dois dire que sa proposition m'intrigue. Oui, c'était une simple esquisse. Oui, je voudrais connaître plus en détail tout ce que nous pouvons faire pour aider nos forces armées, étant donné que certains logements de nos soldats sont dans un état inacceptable.

Le ministre de la Défense a dit très clairement au caucus, et aussi au Cabinet, je présume, que nous devions nous attaquer au très important problème des conditions de vie des membres de nos forces armées.

Nous demandons à nos forces armées de faire plus. Je ne crois pas que, dans ce cas-ci, nous puissions faire plus avec moins. Nous devons leur fournir les outils, les moyens matériels nécessaires pour qu'ils fassent leur travail.

Je crois qu'il vaudrait la peine de discuter davantage de la proposition de mon collègue. Je ne demande pas mieux que d'en parler avec lui.

Nous devons chercher des moyens innovateurs de veiller à ce que, si nous envoyons des membres des Forces canadiennes accomplir des missions dangereuses à l'étranger, ils aient la certitude que, au Canada, leurs familles sont bien logées et qu'elles ont la même qualité de vie que nous voulons pour les nôtres. Je me félicite donc de la proposition du député.

 

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M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je me réjouis de pouvoir participer au débat prébudgétaire. Je tiens à porter quelques points à l'attention de la Chambre.

Je commencerai par dire que beaucoup de voix au Canada réclament une fiscalité familiale juste et que ces voix se font chaque année plus nombreuses. Entre-temps, le ministre des Finances continue à faire fi de la voix de ces familles. En fait, les modifications qu'il a proposées aggravent la situation.

Les réformistes réclament depuis le début une fiscalité plus juste pour les familles. Je tiens à ajouter à nos voix celles de nombreux groupes de réflexion et d'études qui ont fait rapport sur l'incidence qu'a la politique fiscale du gouvernement actuel sur les familles.

Voyons ce qu'ont démontré deux études indépendantes récentes.

Voici ce qu'a révélé, en 1998, un sondage Compas commandé par Southam News et la National Foundation for Family Research and Education: Quatre-vingt-dix pour cent des répondants affirment que des impôts trop élevés causent un stress beaucoup plus grave aux parents d'aujourd'hui qu'à ceux de la génération précédente. Quatre-vingt-deux pour cent des Canadiens estiment que le gouvernement devrait se fixer comme priorité de modifier la Loi de l'impôt de telle sorte qu'un des parents de jeunes enfants puisse se permettre de rester à la maison. Soixante-dix-huit pour cent estiment qu'on respecte moins qu'il y a une décennie les efforts que les parents mettent à élever leurs enfants. Il s'agit-là de pourcentages très élevés.

Même le rapport de décembre du Conseil canadien de développement social, intitulé Progrès des enfants au Canada 1998, préconisait une réforme du régime fiscal afin qu'il soit plus équitable pour les familles à revenus modérés et faibles.

Un autre groupe particulier fait campagne en faveur d'une plus grande équité en matière d'imposition des familles. Ce nouveau groupe est la Family Tax Coalition, qui est formée de 10 organisations familiales nationales, d'universitaires et d'experts en finances.

Si vous le permettez, je voudrais lire les recommandations de ces organisations. Ce sont des regroupements nationaux comptant des dizaines de milliers de membres d'un bout à l'autre du Canada. C'est leur très simple série de recommandations qu'ils tentent de faire adopter depuis des années de façon indépendante et, depuis peu, sous l'égide d'une coalition nationale. L'extrait suivant est tiré de leur propre document.

    Les allégements fiscaux pour les soins prodigués à des enfants à charge devraient être équitablement répartis entre toutes les familles canadiennes. [...] Compte tenu de cette discrimination, la plupart des familles à deux revenus avec des enfants à charge sont dans la même situation que les familles à un revenu. L'équité fiscale pour toutes les familles doit comprendre les mesures suivantes:

    Imposition sur la base du revenu familial, que ce soit par fractionnement du revenu ou production d'une seule déclaration.

    Conversion de la déduction pour frais de garde d'enfants en crédit d'impôt pour enfants remboursable pour tous les enfants.

    Hausse de l'exemption pour conjoint jusqu'à un niveau égal à celui de l'exemption personnelle actuelle.

    Autorisation aux ménagères de cotiser à un REER indépendant.

Voilà leurs quatre recommandations.

Je voudrais parler de la première. Une de leurs principales recommandations en vue de l'instauration d'une fiscalité familiale équitable est de convertir la déduction pour frais de garde d'enfants qui existe à l'heure actuelle en un crédit d'impôt remboursable, et j'insiste sur le mot remboursable, applicable à tous les enfants.

Permettez-moi d'expliquer la solution du crédit d'impôt remboursable pour enfants que les réformistes appuient et défendent depuis longtemps. Elle signifie qu'au moment du calcul de l'impôt sur le revenu, il y a un certain montant d'impôt à payer. Le crédit d'impôt remboursable serait soustrait directement de l'impôt à payer, de sorte que le montant effectivement versé serait moins élevé. Chaque personne qui paye des impôts en tirerait un avantage direct et concret.

Quelle serait la situation d'une personne qui ne paye pas d'impôt ou qui n'a pas de revenu imposable? Étant donné qu'il s'agit d'un crédit remboursable, et c'est là une notion qu'il est important que les gens comprennent bien, il serait versé à la famille qui n'a pas de revenu imposable. De la sorte, le régime est équitable pour toutes les familles. Chacune d'entre elles reçoit le crédit. Dans certains cas où il n'y a pas d'impôt à payer, elles recevraient le remboursement.

 

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Les parents pourraient alors déterminer quelle est la meilleure solution pour élever leurs enfants, soit les confier à un service de garde de jour ou à un grand-parent ou à un parent au foyer. Cette solution tient compte du fait que les parents sont les mieux placés pour prendre les décisions concernant leurs enfants, au lieu d'être influencés dans un sens ou dans un autre par des politiques fiscales discriminatoires.

Tous les membres de cette coalition expriment un point de vue qui concorde avec celui des réformistes. Le Parti réformiste a demandé que le programme actuel de déduction pour frais de garde d'enfants, qui ne récompense que la garde d'enfants par un tiers, soit remplacé par le crédit pour frais de garde d'enfants dont j'ai parlé. Tous les parents toucheraient une prestation, peu importe le type de garde choisi.

L'élément central est la liberté de choix des parents. Il faut laisser l'argent dans les mains des contribuables et laisser les parents décider. Cela fait des années que le Parti réformiste le dit. Pourquoi? Parce que c'est juste et que c'est ce que les familles réclament. Ces dernières haussent d'ailleurs le ton.

Si l'on se fie à son bilan de l'an dernier, le ministre des Finances est bien déterminé à ne pas écouter. Qu'a-t-il fait dans le dernier budget? Il a majoré la déduction qui se veut une incitation fiscale à la garde par un tiers. Il a, une fois de plus, laissé entendre aux personnes dont les enfants sont gardés par un parent ou un membre de la famille étendue que ce travail n'a aucune valeur. Cela n'a rien de rassurant à une époque où les gens prennent de plus en plus conscience de la valeur de la santé familiale et où les parents se préoccupent de la santé de la société.

La coalition en faveur de l'impôt familial préconisait que l'exemption pour le conjoint soit d'un montant égal à celui de l'exemption personnelle. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. La première est beaucoup moins élevée que la seconde. Le message qu'envoie le régime fiscal actuel est que le conjoint qui reste à la maison vaut moins cher qu'une autre personne.

C'est pour cette raison que le Parti réformiste réclame depuis longtemps que l'exemption pour le conjoint et l'exemption personnelle soient d'un montant égal. Mais année après année, le ministre des Finances a fait la sourde oreille. Va-t-il continuer de traiter les familles à un seul revenu de manière inéquitable et à cautionner un régime dans lequel ces familles paient un tiers de plus d'impôt que les autres?

Malheureusement, le gouvernement d'en face me semble plus enclin à subventionner des intervenants qui, après avoir obtenu des fonds pour leurs programmes, reconnaissent rarement que les enfants vivent dans des familles et que le fait d'aider ces familles au moyen d'allégements fiscaux et d'un traitement équitable aide les enfants.

Dans un récent sondage Compas, 92 p. 100 des répondants ont dit que les familles d'aujourd'hui éprouvent un plus grand stress que celles d'il y a 50 ans, et 89 p. 100 ont déclaré que le divorce et l'éclatement de la famille étaient maintenant plus graves.

Le stress éprouvé par les familles est élevé. Il arrive souvent que le stress causé par les difficultés financières soit un facteur clé de l'éclatement de la famille. Quel est le poste budgétaire le plus important pour la famille canadienne? Vous avez deviné juste, madame la Présidente. L'impôt est le plus important poste dans le budget familial. Selon Statistique Canada, les impôts personnels représentent la plus grande partie du budget des ménages, avant le logement, le transport ou la nourriture.

Dans un rapport publié en novembre 1988, l'Institut C.D. Howe mentionne une autre méthode en vertu de laquelle le ministre des Finances s'assure d'obtenir le maximum des familles qui paient le moins d'impôt.

Permettez-moi de citer un extrait du rapport de l'institut: «La partie du régime fiscal du Canada qui est axée sur la collecte du revenu évalue l'impôt sur une base individuelle, tandis que la partie du régime qui donne de l'argent, c'est-à-dire les nombreux programmes de dépenses liés à l'impôt, détermine les avantages sur une base familiale. Ce manque de cohérence est-il justifiable?»

Le point à retenir ici c'est que le gouvernement et le ministre des Finances sont déterminés à maximiser la perception des impôts auprès des familles, tout en minimisant les avantages accordés à ces familles.

Je vais conclure avec quelques brèves remarques.

 

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La politique fiscale envoie un message concernant ce que le gouvernement juge être important. Il y a longtemps que la politique fiscale du gouvernement devrait servir à renforcer les familles au lieu de les affaiblir. S'il veut mettre en place un système d'imposition plus juste pour les familles canadiennes, le gouvernement doit apporter ces changements dans le prochain budget.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Madame la Présidente, j'apprécie ces propos et l'approche adoptée par le parti du député. Il est très rafraîchissant d'entendre un parti proposer de faire quelque chose de financièrement faisable et avantageux pour les parents qui restent à la maison afin de s'occuper de leurs enfants. Je trouve cela fantastique. J'ai parlé à plusieurs personnes qui estiment que c'est la voie à suivre.

On nous reproche parfois de vouloir recourir à des mesures fiscales pour restructurer les choses à notre façon au lieu de laisser faire les libéraux. Qu'en pense le député? Ce n'est pas une question facile, mais c'est une question que nous entendons souvent.

M. Eric Lowther: Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je répondrai à cette question. L'un des meilleurs moyens d'y répondre est de faire référence à un rapport publié récemment par le forum Fraser qui dit que l'étude révèle que 48 p. 100 du revenu annuel d'une famille moyenne canadienne sont absorbés par les taxes visibles et cachées. Les divers niveaux de gouvernements au Canada prétendent dépenser leurs recettes fiscales dans l'intérêt des familles canadiennes, mais finalement ces recettes proviennent des familles.

Pour répondre à la question du député, il ne s'agit pas de restructurer les choses. Les familles savent mieux que le gouvernement de quoi elles ont besoin, et cela coûte moins cher en frais d'administration. Nous ferions mieux de leur laisser tout cet argent.

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Madame la Présidente, je prends la parole au nom des électeurs d'Okanagan—Coquihalla pour participer à ce débat prébudgétaire. Bon nombre de mes collègues ont abordé les questions importantes du financement des soins de santé et des impôts que les Canadiens doivent payer.

Bien sûr, nous avons consacré beaucoup de temps, de ce côté-ci de la Chambre, à expliquer au gouvernement les propositions du Parti réformiste, notamment la réforme globale de la fiscalité, la priorité aux soins de santé par un réinvestissement de l'argent enlevé au système au fil des ans, et la réduction de la dette.

Ce soir, j'ai choisi de parler de la quatrième proposition du Parti réformiste, le réinvestissement dans le ministère de la Défense nationale. Je m'attarderai surtout à la réduction des forces armées canadiennes que le gouvernement libéral poursuit depuis plus de cinq ans.

Les forces armées canadiennes déclinent depuis des décennies et elles en sont arrivées à un seuil critique. Le gouvernement du Canada peut choisir entre deux voies pour nos forces qui ne sont plus ce qu'elles étaient. La première voie serait bien sûr de poursuivre les compressions budgétaires et les réductions du personnel, de telle manière que ce qu'il en resterait serait comparable à une force policière. La deuxième voie serait de faire ce que d'autres gouvernements du Canada ont déjà fait en donnant à ces forces les ressources et le financement nécessaires pour qu'elles puissent relever les défis qui se poseront aux forces armées du XXIe siècle.

Avant d'aller plus loin, je veux faire une rétrospective des faits à partir des élections de 1993, où le gouvernement libéral a pris le pouvoir. En 1994, peu après son élection, le gouvernement a mis sur pied un Comité spécial mixte sur la politique de défense du Canada. Ce fut le premier examen parlementaire détaillé de la politique de défense.

Ce comité, dont j'étais membre, était multipartite. Des députés de tous les partis à la Chambre ont pris part à ses travaux, ainsi que des sénateurs. On nous avait chargés de répondre à la question suivante: Quels principes, buts et objectifs devraient guider notre gouvernement dans l'établissement de la politique de défense du Canada dans un monde en rapide évolution?

 

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À l'époque les dépenses de défense s'établissaient à 11,6 milliards de dollars et nos effectifs s'élevaient à 73 200 membres de la force régulière. Le gouvernement a dû réduire encore de 7 milliards de dollars les dépenses de défense dans le budget de 1994. Cela a amené le comité mixte spécial à faire un certain nombre de recommandations au gouvernement.

Premièrement, le comité mixte spécial a recommandé que les effectifs des Forces canadiens ne soient pas inférieurs à 66 700 membres et que leur budget de base soit maintenu à au moins 10,5 milliards en dollars de 1994-1995. Ces recommandations devaient s'appliquer jusqu'en 1998-1999 inclusivement.

Deuxièmement, le comité a indiqué très clairement que des réductions dépassant le minimum recommandé entraîneraient les conséquences suivantes: moins de matériel ou du matériel moins performant, retards dans l'achat de matériel nécessaire et, facteur très important, incapacité de réaliser les objectifs politiques du gouvernement fédéral, y compris en matière de défense du territoire, moins de formation pour le personnel et trop peu d'effectifs.

La réponse du gouvernement libéral aux recommandations du comité mixte spécial a été le livre blanc de 1994 sur la défense du ministre de la Défense nationale. Le gouvernement y admettait que les engagements en matière de politique de défense du Canada et les intérêts nationaux reposaient essentiellement sur le maintien de forces armées polyvalentes et aptes au combat qui soient capables de lutter aux côtés des meilleurs et contre les meilleurs. Tout en reconnaissant cela, le gouvernement n'a pas donné et continue de ne pas donner aux Forces canadiennes les ressources humaines et matérielles nécessaires pour respecter les engagements pris dans le livre blanc.

Le gouvernement a réduit la taille de la Force régulière à 60 000 militaires, soit 6 700 de moins que le chiffre de 66 700 recommandé comme strict minimum par le comité mixte spécial. Le budget de la Défense est également passé de 10,5 milliards de dollars à 9 milliards de dollars, une réduction importante du pouvoir d'achat de matériel neuf dont on a cruellement besoin. Quel est le résultat?

Cette année, le chef d'État-major de la Défense, le général Baril, a déclaré: «Nous possédons une capacité limitée de déployer nos forces, souvent à très court préavis, pour faire face à des crises internationales. Les insuffisances se font sentir au niveau du mouvement des troupes et de la capacité de transport, du renseignement et de la capacité de diriger ou de coordonner de façon efficace des opérations multinationales.»

Il faut bien le souligner. Les Canadiens ont vraiment besoin d'entendre cela et d'y réfléchir car c'est le chef d'État-major de la Défense, le général en chef des Forces canadiennes, qui affirme que nos forces armées sont limitées pour ce qui est du transport des troupes, de la possibilité de transporter nos militaires vers les régions où on en a besoin et de les en ramener. Nos forces armées sont également limitées lorsqu'il s'agit de recueillir des renseignements, un aspect très important des opérations militaires. Le chef d'État-major dit aussi que nous avons une capacité limitée quand il s'agit de diriger ou de coordonner d'une façon efficace des opérations multinationales.

C'est une situation très grave à laquelle les Forces canadiennes doivent faire face. Et ce n'est pas parce que nos troupes ne sont pas bien entraînées. Elles le sont. C'est parce que le gouvernement du Canada n'affecte pas les ressources voulues dans ce secteur très important, tout cela au moment même où le premier ministre a l'audace d'engager le peu de militaires qui restent à notre disposition pour aller combattre au Kosovo. C'est ce qu'il a fait l'autre jour.

Comme l'équipement désuet n'est pas remplacé, il rouille. En avril 1998, le vérificateur général du Canada a fait rapport à la Chambre sur l'état du matériel dont disposent les Forces canadiennes. Il a dit craindre fortement que la détérioration du matériel empêche nos forces de respecter la politique de défense du Canada, politique qui a été établie par le gouvernement libéral il y a quelques années à peine, en 1994.

 

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En ce qui a trait à l'armée, le vérificateur général a souligné que, sur le plan opérationnel, elle ne s'était pas tenue à la fine pointe de la technologie pour la modernisation de son équipement, la rendant ainsi vulnérable dans des opérations de faible et de moyenne envergure. Son infanterie et ses blindés pourraient en effet être repérés, engagés et défaits bien avant que l'on ne soit même conscient d'une présence ennemie. Le vérificateur général a clairement souligné que les fonds consacrés aux dépenses en capital seraient de nouveau réduits en raison des coûts élevés d'entretien et de fonctionnement du matériel vétuste.

Voici ce qu'il faut se demander. Qu'est-ce que le gouvernement libéral devrait faire pour redresser la situation dans les Forces armées canadiennes? À ce sujet, j'ai quelques conseils et suggestions à formuler ici ce soir. Tout d'abord, le gouvernement doit absolument se pencher sur les questions fondamentales qui touchent la qualité de la vie dans les forces armées.

Puisque le ministère de la Défense nationale enregistrera un manque à gagner de 750 millions de dollars cette année, les efforts grandement publicisés du ministre en vue d'obtenir des fonds supplémentaires de 700 millions de dollars me semblent à tout le moins discutables. Nous devons trouver des solutions créatives.

Je propose que le gouvernement du Canada crée une exemption de 5 000 $ pour service dans les Forces armées canadiennes. Il s'agirait d'une exemption progressive d'impôt sur le revenu dont les membres des niveaux inférieurs, c'est-à-dire ceux qui sont les moins bien rémunérés, profiteraient le plus. Cette exemption pour service militaire permettrait d'accroître le revenu disponible des membres. Ces derniers auraient ainsi plus d'argent dans leurs poches sans que nous ayons à couper dans les budgets de la défense et cela nous permettrait de protéger nos projets d'investissements ainsi que les emplois dans les forces armées canadiennes.

Le gouvernement libéral devra injecter un milliard de dollars de plus dans le budget de la défense pour atteindre le montant de 10,5 milliards recommandé par le comité spécial mixte. Ces fonds supplémentaires devraient servir à acheter du matériel plus que nécessaire, y compris des hélicoptères embarqués. Pour le long terme, le MDN devrait être assuré d'un financement stable pour que la structure des forces envisagées par les planificateurs de la défense soit réalisable.

Nos forces jouent un rôle important dans les affaires mondiales. Il faut qu'elles puissent assurer le ravitaillement par air et par mer et qu'elles soient prêtes à acquérir la technologie requise sur le champ de bataille intégré, fruit de la révolution technologique qui a bouleversé les affaires militaires. Si le gouvernement continue à sabrer dans les dépenses de défense ou refuse à l'avenir d'allouer des ressources supplémentaires à la défense, il faudra qu'il revoie sa politique en matière de défense afin qu'elle reflète la réduction des capacités des forces armées canadiennes.

Engager nos forces dans des opérations de protection de la souveraineté, de défense collective dans le cadre de l'OTAN, de maintien et d'imposition de la paix sans leur donner les ressources nécessaires est non seulement une mauvaise politique, mais également une injustice envers les hommes et les femmes qui servent leur pays avec fierté au sein des forces armées canadiennes de sa Majesté.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je sais gré au député de ses observations. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je tiens en haute estime nos forces armées et les excellents hommes et femmes qui servent notre pays de façon aussi admirable. Tous les Canadiens sont fiers des forces armées, mais plus particulièrement des militaires canadiens qui sont aux premières lignes.

Le député n'a pas abordé un aspect. Je me demande s'il voudrait faire une observation à ce sujet. Les militaires sont souvent appelés à intervenir sur la scène nationale, lors de catastrophes naturelles comme la récente tempête de neige qui s'est abattue sur Toronto. Maintenant, on parle même des problèmes informatiques de l'an 2000 et des congés des militaires qui devront être annulés. Tout le monde apprécie leur travail et, lorsqu'il est terminé, ils reçoivent toutes sortes de marques de reconnaissance devant les médias.

Je suis préoccupé par les révélations que le député a faites ici aujourd'hui au sujet du traitement réservé à ces militaires auxquels on fait honneur, lorsqu'il s'agit de la solde, des indemnités et du respect pour le service qu'ils donnent. Je me demande ce qui se passera si nous mettons en péril le service qu'ils offrent aux Canadiens, chez eux, lorsqu'ils sont aux prises avec des catastrophes naturelles. Pourrait-il commenter cela?

M. Jim Hart: Madame la Présidente, je remercie le député de sa question. Le budget de la défense prévoit de la formation pour le personnel afin qu'il soit efficace. Dans ma région, celle d'Okanagan, les militaires combattent les feux de forêt. Nous les avons vus à l'oeuvre pendant les inondations, et même le maire de Toronto a demandé aux Forces armées canadiennes de participer à l'enlèvement de la neige cet hiver. Les Forces armées canadiennes devraient participer à des activités qui les font valoir auprès du public. Elles devraient pouvoir intervenir lorsque des désastres surviennent chez nous.

 

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J'encourage le député à continuer de parler de ce sujet très important. Nous ne voyons pas suffisamment les membres des Forces armées canadiennes d'un océan à l'autre, parce qu'on ferme des bases militaires, qu'on réduit la milice partout au Canada et qu'il n'y a plus de réservistes. Selon les dernières statistiques, il y a probablement plus de jeunes qui participent aux activités des cadets du Canada, c'est-à-dire environ 70 000, que de membres de la Force régulière qui répondent aux besoins importants des Canadiens. C'est un désastre, et je voudrais qu'on renverse cette tendance.

J'exhorte le gouvernement à envisager une augmentation du budget et à examiner des solutions novatrices comme l'établissement d'une exemption d'impôt pour les membres des Forces armées canadiennes, de manière que les Canadiens soient fiers des membres de l'armée de l'air, de la marine et de l'armée de terre, chez eux et à l'étranger.

J'exhorte tous les députés à faire pression sur le gouvernement, comme je l'ai fait depuis cinq ans et comme je le ferai encore, afin qu'il étudie ces possibilités très sérieusement. Une fois que nous aurons perdu nos militaires, nous ne pourrons pas les remplacer. Nous devons être fiers de nos Forces armées. Il s'agit d'une institution qui, au même titre que la GRC, encourage l'unité nationale. Nous sommes fiers du travail de nos militaires, hommes et femmes, et je veux m'assurer que nous ne reculerons pas trop et que nous ne perdrons pas ce qui a déjà été une fière tradition de notre pays.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Madame la Présidente, étant donné que les députés libéraux ne participent pas au débat, je me dois de poser des questions en leur nom.

Il y a une question qu'un député du gouvernement poserait probablement au député. Si le député tient tant à augmenter l'exemption de base des membres des forces armées, apparemment parce que leur solde est tellement basse qu'ils ne peuvent joindre les deux bouts, pourquoi refuse-t-il d'étendre l'exemption à tous les contribuables, comme les réformistes le proposent?

M. Jim Hart: Madame la Présidente, tous les Canadiens devraient bénéficier d'un allégement des impôts sur leur revenu. Je m'arrête une minute sur le sujet parce qu'il revêt une grande importance.

Les membres des Forces canadiennes poursuivent des carrières incomparables. Onze personnes sont mortes en Bosnie quand des hélicoptères se sont écrasés. Deux fois par année, nous entendons parler de pertes de vie dans les forces armées. C'est très regrettable. C'est la seule carrière qui me vient à l'esprit où des gens signent un contrat en disant qu'ils sont prêts à sacrifier leur vie pour leur pays.

En accordant une exemption aux militaires, on reconnaîtrait qu'ils sont prêts à sacrifier leur vie s'il le fallait. Même si les contribuables canadiens devraient tous bénéficier d'une exemption, il serait bon de reconnaître spécialement les hommes et les femmes qui servent notre pays avec fierté.

M. John Williams (St. Albert, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part au débat prébudgétaire. Dans quelques courtes semaines, le ministre des Finances présentera un budget. Nous verrons alors ce qu'il nous réserve et, cette fois-ci, nous nous attendons à beaucoup de bonnes nouvelles. Nous pouvons dans une certaine mesure prévoir ce que dira le ministre.

Nous prévoyons un excédent pour l'année financière se terminant le 31 mars 1999. Pour la première fois depuis de nombreuses années, la dette, qui pèse lourd sur les épaules des Canadiens et qui a été accumulée par les gouvernements libéraux et conservateurs des 30 dernières années, sera réduite, quoique d'une somme modeste.

Nous pouvons prévoir l'injection d'argent frais dans le domaine de la santé, ce que les réformistes ont réclamé à maintes reprises. Nous pouvons aussi prévoir que le ministre annoncera des réductions d'impôt dans le budget qu'il présentera dans deux semaines au plus.

 

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Ce sont trois éléments qui sonnent agréablement à l'oreille, mais faisons un peu d'histoire pour voir pourquoi nous en sommes là aujourd'hui. Nous allons apprécier les belles paroles du ministre des Finances le jour de la présentation du budget et nous savons qu'il y aura force applaudissements et force accolades pour accompagner ces grandes annonces.

La dette s'établit aujourd'hui à 580 milliards de dollars. Nous l'avons accumulée au cours des 30 dernières années environ. Elle diminuera peut-être de 10 ou 15 milliards de dollars au cours de l'année se terminant le 31 mars 1999, soit d'une somme très modeste. En dépit de cela, et en dépit de taux d'intérêt heureusement bas, un tiers des impôts que les Canadiens versent au gouvernement fédéral sert encore à payer l'intérêt sur la dette. À bien des égards, c'est pour cette raison que nous avons l'impression d'être surtaxés, parce que, pour chaque dollar que nous payons au gouvernement fédéral, nous n'obtenons que 67 cents en services. Nous sommes perdants. Nous avons l'impression qu'on nous vole parce que nous n'en avons pas pour notre argent.

Combien de gens vont au magasin, par exemple, et paient volontairement 10 $ pour acheter quelque chose qui ne vaut que 6,67 $? Ils diraient: «C'est trop cher. Je ne veux pas cela. C'est du vol.» C'est la même chose avec les impôts fédéraux. Pour chaque 10 $ que nous versons sous forme d'impôts, nous ne récupérons que 6,67 $. C'est pourquoi nous avons l'impression que nous sommes surtaxés et qu'on nous vole.

Je sais que nous avons accumulé cette dette, mais elle a été accumulée à cause de la mauvaise gestion et des promesses des gouvernements qui étaient prêts à offrir des services aux Canadiens sans hausser les impôts. Je me souviens des paroles célèbres d'un ancien premier ministre, M. Trudeau, qui disait: «Ne vous inquiétez pas au sujet de la dette. Nous sommes nos propres créanciers.» Mais nous devons quand même 580 milliards de dollars, et les intérêts coûtent 40 milliards de dollars ou plus par année. C'est ce que cela coûte juste pour payer les intérêts. Cela représente plus de 1 000 $ par année en impôts fédéraux pour chaque homme, femme et enfant. C'est pourquoi nous avons l'impression de ne pas en avoir pour notre argent.

N'oublions pas cela lorsque le ministre des Finances prendra la parole et se targuera d'avoir réduit la dette que nous avons commencé à accumuler sous un gouvernement libéral précédent, à l'époque où le premier ministre disait: «Ne vous inquiétez pas. Nous sommes nos propres créanciers.»

Le ministre sera fier de dire qu'il a commencé à réinvestir dans les soins de santé. Nous disons que cela aurait dû se faire il y a longtemps. Non seulement cette mesure était attendue depuis longtemps, mais je rappelle que ce gouvernement a systématiquement réduit le financement des soins de santé depuis son élection en 1993. Ce même gouvernement s'est également accroché aux cinq principes, que les députés ministériels défendent à grands cris, notamment le principe de l'administration publique des soins de santé, mais il refuse par ailleurs d'injecter les fonds nécessaires que demandent et exigent les Canadiens pour soutenir le régime de soins de santé.

Lorsque l'assurance-maladie a été instituée au Canada, le gouvernement fédéral s'était engagé à payer 50 p. 100 des coûts du régime. C'était un engagement louable, que tout le monde s'attendait à voir le gouvernement respecter. Or, de 50 p. 100, la participation du gouvernement fédéral est passée à 40 p. 100, puis à 30 p. 100, et elle n'est maintenant plus que de 20 p. 100.

Maintenant que le vent semble tourner et que le ministre des Finances va vraisemblablement injecter de nouveaux fonds dans le régime de soins de santé, tout le monde va chanter ses louanges et vanter son magnifique travail. Je rappelle que le ministre répare tout simplement les dommages qu'il a causés depuis plusieurs années en réduisant à de multiples reprises le financement des soins de santé.

Les listes d'attente sont de plus en plus longues. La recherche est sous-financée. Et ce ne sont là que quelques-uns des problèmes. Il faut bien se rappeler que lorsque le ministre des Finances parle d'injecter davantage d'argent, dans les soins de santé, il n'y injecte pas vraiment plus d'argent mais seulement une petite partie de ce qu'il lui a déjà enlevé.

Nous devons également nous attendre à des réductions d'impôt. C'est une mesure louable. Tout le monde en dit beaucoup de bien. J'invite cependant le ministre à réfléchir au ratio qui existe entre la dette et le PIB. On pourrait comparer cela à l'ampleur d'une hypothèque par rapport au revenu d'un particulier. Si le paiement hypothécaire diminue, la situation de l'individu s'en trouvera améliorée. Si, d'autre part, son salaire et son revenu augmentent et que son hypothèque demeure inchangée, sa situation s'en trouvera également quelque peu améliorée. En ce qui concerne le gouvernement fédéral, l'hypothèque est constituée de la dette fédérale totale accumulée, et le revenu est constitué de produit intérieur brut du pays. Si nous pouvons augmenter le produit intérieur brut du pays tout en maintenant la dette au même niveau, nous nous en trouverons un peu mieux.

 

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J'invite le ministre des Finances à réfléchir à cela quand il parle de réductions d'impôt. Les réductions d'impôt visent à améliorer la productivité du pays. Or, la productivité de nos travailleurs tire de l'arrière par rapport à celle du reste des pays membres de l'OCDE. Si nous pouvons augmenter la productivité du pays, nous nous en trouverons mieux en tant qu'individus et notre niveau de vie s'améliorera.

J'espère donc que, lorsqu'il songe à des réductions d'impôt, le ministre des Finances se préoccupe de la croissance de la productivité. Ces réductions d'impôt procurent un soulagement aux Canadiens, mais elles nous donnent également plus de richesse et la possibilité de gagner un revenu plus élevé. Voilà sûrement ce que nous souhaitons en tant que Canadiens.

Nous voulons également réfléchir à la création d'emplois. Le gouvernement se félicite d'avoir réussi à faire baisser le taux de chômage à 8 p. 100, mais il s'établit à 5 p. 100 chez nos voisins du Sud. Quand nous parlons de réductions d'impôt, nous devrions sûrement parler également de création d'emplois. La création d'emplois ne se résume pas à la baisse du taux de chômage à 11, 8 ou 5 p. 100. Il en va de la vie des gens. Nous parlons de l'avenir des gens. Nous parlons de leurs espoirs, de leurs rêves, de leurs désirs d'acheter une maison et de payer l'hypothèque, de fonder une famille et de se faire une place dans la société. Nous parlons de nos jeunes qui estiment avoir des «McEmplois» au lieu de vrais emplois. Il faut leur donner l'occasion d'avoir une vraie carrière qui leur assure la prospérité et quelque chose qui les amène à se dire qu'il fait bon être Canadien parce qu'on a un avenir. Beaucoup de jeunes d'aujourd'hui n'ont pas cela.

Je voudrais bien que le ministre des Finances y songe lorsqu'il parle de réduire les impôts. Les hausses d'impôt qui se sont succédé ces dernières années ont étouffé cette possibilité pour les jeunes. Elles l'ont détruite.

Lorsque j'ai annoncé que j'avais besoin de quelqu'un pour mes bureaux parlementaires, j'ai été choqué de constater que beaucoup de gens qui ont un et même deux diplômes universitaires et qui sont sur le marché du travail depuis un certain nombre d'années font un boulot peu rémunérateur dans un restaurant plutôt que d'occuper un véritable emploi parce que personne ne leur donne une chance. À cause de cela, ils pâtissent, leur famille pâtit, le Canada pâtit, notre économie pâtit, nos recettes fiscales pâtissent et tout cela nous entraîne dans une spirale négative.

Le ministre des Finances n'ignore certes pas que les hausses d'impôt des dernières années ont bloqué l'avenir de beaucoup de gens et je voudrais bien qu'il commence à corriger un peu la situation.

La dette doit demeurer la même et si l'on peut élever le PIB en donnant une chance et de l'espoir à nos jeunes dans de vrais emplois, nous serons plus en contrôle, notre ratio dette/recettes commencera à baisser et les choses commenceront à mieux aller.

Le discours comportera des choses de ce genre, mais il n'y aura pas que de bonnes nouvelles. Comme je l'ai dit, nous devons sortir lentement du pétrin dans lequel nous sommes plongés.

Il y a une autre chose que nous ne trouverons pas dans le budget. C'est dommage, mais c'est encore le résultat du gaspillage et de la mauvaise gestion d'un gouvernement qui engouffre les millions des contribuables sans donner aucun rendement sur cet argent.

Au Comité permanent des comptes publics, que je préside, nous avons étudié récemment la question des numéros d'assurance sociale. C'est peu de chose. Tout le monde en a un. La vaste majorité d'entre nous l'utilisons pour produire notre déclaration de revenus et nous le communiquons à la banque pour qu'elle puisse émettre les feuillets T-5. Mais le vérificateur général a signalé que des activités frauduleuses se chiffrant par millions de dollars se font grâce aux numéros d'assurance sociale parce que personne ne s'est occupé, pendant 35 ans, de moderniser le système des numéros d'assurance sociale.

Le vérificateur général a signalé le cas d'une personne qui avait 72 numéros et touchait des crédits d'impôt pour enfants par centaines de dollars, tout cela parce que le gouvernement n'a pas songé que ces numéros ne sont plus un moyen de vérifier l'identité lorsqu'on paie des impôts, mais une façon de s'identifier pour toucher toutes sortes d'avantages du gouvernement. Ces fraudes s'élèvent à des millions de dollars. Gaspillage. Mauvaise gestion. Aucune responsabilité financière.

 

. 2220 + -

Nous avons entendu un député parler des forces armées et de leur sous-financement. Le chef d'état-major de la Défense a comparu de nouveau devant le comité parce que le vérificateur général a souligné que les forces armées achetaient des hélicoptères ne répondant pas à leurs critères. Les hélicoptères devaient transporter de l'équipement d'un poids donné, comme de l'artillerie, et le déplacer à l'avant en cas de bataille, et ils n'étaient pas capables de transporter ce qu'ils étaient conçus pour faire. Ils n'étaient pas capables de décoller. Or, nous achetions à coups de millions de dollars ces hélicoptères qui n'étaient pas capables de faire ce qu'ils étaient censés faire. Les mauvaises décisions des bureaucrates et du gouvernement ne sont pas une excuse pour le gaspillage des fonds publics.

La Défense nationale est engagée à fond dans la technologie. Il y a quelques années, le vérificateur général adjoint a dit que la Défense n'était pas à la fine pointe de la technologie, mais au bord du gouffre. On a payé des centaines de millions de dollars pour faire l'acquisition d'équipement hautement sophistiqué. Nous constatons maintenant que les militaires sont les moins bien préparés au passage à l'an 2000. Nul doute que nous avons consacré une fortune au développement de tous ces systèmes informatiques sans penser au bogue de l'an 2000. Or, l'an 2000 est tout proche et nous devons nous y préparer. Ces choses-là sont inexcusables.

En ce qui concerne les Affaires indiennes et le Nord canadien, un consultant a dit qu'il faudrait 26 000 $ pour réparer le problème d'approvisionnement en eau d'une réserve. Ce n'est pas un gros montant en ce qui concerne le gouvernement, mais nous avons déjà dépensé 2,3 millions de dollars, pas 26 000 $, et nous n'avons pas encore fourni à la réserve un nouveau système d'approvisionnement en eau, alors qu'on aurait pu réparer le vieux qui était tout à fait réparable. Malgré les 2,3 millions de dollars dépensés, la réserve n'a pas encore assez d'eau et la qualité de l'eau est inférieure à ce qu'elle était avant que nous tentions de régler le problème. Le gouvernement versera peut-être quelques millions de plus pour tenter de trouver une solution, au lieu de demander au consultant de s'en occuper pour 26 000 $.

Le gaspillage, la mauvaise gestion et l'irresponsabilité de ce genre me dépassent. Malheureusement, on taira tout cela dans l'exposé budgétaire. Le ministre n'en parlera pas, mais le Comité des comptes publics a constaté que le gaspillage, la mauvaise gestion et l'irresponsabilité atteignaient des proportions endémiques au gouvernement. Des millions et peut-être même des milliards de dollars pourraient être épargnés. Les contribuables seraient en meilleure posture si le gouvernement fédéral gérait bien l'État. Voilà la solution au problème et j'espère que le ministre des Finances tiendra compte de tous ces facteurs et parviendra non seulement à réduire les taxes et les impôts, mais également à respecter le principe du bon gouvernement, car les Canadiens ne méritent pas moins.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de partager mon temps de parole avec mon honorable collègue de St. Albert.

Il a accompli de l'excellent travail pour mettre en lumière le gaspillage fait par le gouvernement. Au lieu de lui poser une question, je vais me contenter de le féliciter pour son travail acharné et ses efforts constants dans l'exécution de cette tâche. Je suis convaincu que plus d'un million de personnes regardent présentement le CPAC. Nous apprécions au plus haut point le CPAC et le travail qu'il consent afin de nous aider à communiquer à la population du pays des renseignements importants provenant de la Chambre des communes. J'encourage tout le monde à consulter le site Web de l'honorable député de St. Albert. Il suffit d'entrer www.reform.ca et de cliquer sur «Members of Parliament», de trouver le nom du député et de passer à la page d'accueil. Le député présente dans son site Web une excellente page d'accueil qui fait ressortir les différentes façons dont nous devons, en qualité d'élus, demander des comptes au gouvernement.

 

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J'y pense souvent lorsque je dois dépenser de l'argent du budget de mon bureau dans mon rôle de député. Je ne veux jamais oublier ce fait lorsque j'autorise une dépense. J'entends par là que cette dépense correspond au dur labeur d'un contribuable et aux impôts qu'il doit verser pour une semaine ou toute autre période, selon le montant que je dépense.

J'aimerais que nous puissions instaurer cette façon de penser chez tous ceux qui travaillent pour les contribuables, non seulement chez les élus, mais aussi chez les fonctionnaires.

Notre ami et notre collègue de St. Albert fait certes une énorme contribution en ce sens. Je tiens simplement à faire son éloge. Je l'ai probablement gêné en faisant cette déclaration.

M. John Williams: Madame la Présidente, je voudrais simplement remercier mon collègue et ami d'Elk Island pour ses propos des plus aimables.

Je pense qu'il se fait le porte-parole de tous les réformistes, voire de tous les députés de l'opposition. Il nous incombe de demander des comptes au gouvernement.

Les débats politiques sont parfois passionnés, mais il reste que notre rôle en vertu de la Constitution est d'obliger le gouvernement à rendre des comptes. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, sommes tenus de faire en sorte que les gens d'en face gouvernent le pays le mieux possible. J'espère avoir fait ma petite part pour ce merveilleux pays qui est le nôtre.

M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord remercier les députés qui ont participé au débat. C'était certes une bonne occasion de faire connaître l'opinion des résidents de nos circonscriptions. De toutes nos interventions se dégagent ce que les Canadiens considèrent comme plus ou moins prioritaire.

Je tiens à prendre un instant pour signaler une chose qui me paraît évidente. Les Canadiens qui nous regardent ne se rendent peut-être pas compte que, sous le ministre des Finances actuel, le processus budgétaire a été très ouvert et transparent, alors que, dans le passé, il se déroulait à huis clos, essentiellement en cachette.

Aujourd'hui, les Canadiens sont invités à participer au débat. Les députés retournent chacun dans leur circonscription et tiennent des assemblées publiques locales sur les éléments auxquels le gouvernement devrait accorder la priorité dans son budget.

C'est en faisant participer les députés et les Canadiens que le processus de consultation prébudgétaire est devenu beaucoup plus efficace.

Il va de soi qu'un grand nombre de points de vue différents ont été exprimés ici ce soir. Des députés nous ont fait part de ce que leurs électeurs leur avaient dit. Certains sont d'avis que le gouvernement doit maintenant investir beaucoup plus dans des programmes de dépenses.

D'autres ont dit qu'il fallait geler les dépenses à leur niveau actuel. Certains ont fait valoir qu'il fallait réduire considérablement les impôts pour tous. D'aucuns ont laissé entendre que toute baisse des impôts devrait être ciblée, être modeste et viser les Canadiens à faibles et à moyens revenus.

D'autres ont dit qu'il fallait réduire encore davantage les cotisations à l'assurance-emploi, tandis que certains étaient d'avis qu'il y avait lieu de réinvestir plus d'argent dans le programme d'assurance-emploi. Selon certains députés, il y a lieu de réduire considérablement la dette, alors que d'autres estiment qu'il faut réduire celle-ci mais aussi se montrer très prudent et ne pas y aller trop rondement. Il y a d'autres priorités.

Des économistes de toutes les régions du pays ont fourni des prévisions et nous ont donné des indices sur l'évolution de l'économie canadienne. Ceux-ci en sont rarement arrivés à un consensus. Les économistes ont des opinions divergentes, qui se fondent sur les modèles qu'ils utilisent.

Il importe de noter que si nous tenons ce débat ce soir, c'est parce que, en tant que pays, nous avons finalement effectué le virage nécessaire. Nous sommes passés de l'ère des déficits à l'ère des excédents. Nous sommes passés de l'époque où l'on augmentait constamment la dette à une époque où on diminue la dette, d'un temps où on réduisait les dépenses de programmes à un temps où on songe à réinvestir dans ce qui constitue les priorités canadiennes, soit les soins de santé et l'éducation.

 

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Les derniers orateurs ont parlé de réinvestissement dans le militaire et de l'importance de financer adéquatement nos forces armées. On s'entend pour dire qu'il est temps de se préoccuper de la qualité de vie de nos militaires.

On se demande maintenant comment répartir cet excédent budgétaire. Qu'allons-nous faire de cet argent? Les estimations ont variées. J'aimerais toucher un mot sur le montant exact. Des économistes se sont prononcés sur l'excédent et, ces jours-ci, j'ai entendu des chiffres variant entre 6 ou 7 milliards de dollars à 15, voire 20 milliards de dollars par an.

Je me dois de commenter l'accusation selon laquelle l'excédent de 9,7 milliards de dollars enregistré au cours des huit premiers mois de l'exercice 1998-1999 se dirige vers un excédent très élevé en fin d'année. Ce n'est pas tout à fait vrai.

L'excédent devrait s'accroître en décembre. C'est l'époque de l'année où les recettes sont généralement fortes. Mais une simple extrapolation des mois qui restent d'ici la fin de l'exercice en cours serait extrêmement trompeuse. On sait que des déficits mensuels sont prévus au cours du dernier trimestre du présent exercice. Pourquoi? Parce qu'on sait que les réductions des cotisations à l'assurance-emploi qui ont été récemment annoncées entrent en vigueur le 1er janvier. Cela aura un impact sur l'excédent définitif.

En général, les recettes sont moins importantes en janvier en raison des crédits pour TPS accordés aux familles à faible revenu et aussi des remboursement de la TPS. Nous savons que l'impôt perçu sur les sociétés en février-mars devrait baisser considérablement. Les gains du fonds des changes devraient être nettement plus bas en mars et les remboursements d'impôt aux particuliers pour 1998 affecteront encore les recettes en mars 1999.

Les mesures d'allégement fiscal annoncées dans le budget de 1998 prendront effet. Ces mesures visant à réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, cela signifiera une autre baisse des recettes gouvernementales.

Ces facteurs devraient ramener l'excédent pour l'exercice 1998-1999 à un niveau inférieur à celui enregistré pour l'exercice 1997-1998. Il est important que les Canadiens comprennent cela et que les députés se rendent compte que nous ne pouvons tout simplement pas reporter un excédent d'un mois sur toute une année car, comme les entreprises, nous avons une marge brute d'autofinancement et des revenus qui augmentent et qui diminuent toute l'année. Nous devrons attendre de connaître le chiffre final. Des pressions supplémentaires qui se font sentir au cours du dernier trimestre affecteront encore ce chiffre. L'excédent sera peut-être moins important que celui enregistré pour l'exercice 1997-1998, mais le gouvernement continuera de bâtir sur ses succès antérieurs.

Certains députés du Parti réformiste, du Bloc, du NPD et du Parti conservateur nous ont dit que nous devions nous concentrer sur les priorités. Le Comité permanent des finances a parcouru le pays pour demander aux Canadiens ce qu'ils voulaient voir dans le prochain budget. Je crois que le gouvernement tiendra compte des priorités des Canadiens, parce que nous savons que des budgets, c'est plus que des chiffres. Ça tient compte des gens.

Nous continuerons de tenir compte des priorités des Canadiens, de maintenir une approche équilibrée, de mettre en oeuvre le plan que nous avons adopté depuis notre arrivée au pouvoir. Je sais que les députés néo-démocrates ont dit tout au cours du débat que le gouvernement n'avait pas de plan.

Je répète que depuis notre arrivée au pouvoir, nous avons un plan, que nous continuons de mettre en oeuvre. Nous en voyons les fruits. Nous avons maintenant un budget équilibré. Nous allons avoir un excédent. Nous réinvestissons dans les priorités des Canadiens. Nous réduisons les impôts. Nous faisons baisser la dette.

 

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Nous faisons tout cela prudemment. Nous nous assurons que nous ne mettons pas en danger le succès que connaissent les Canadiens. Nous voulons en faire davantage. Nous aimerions faire tout ce qui est en notre pouvoir, mais nous ne voulons pas mettre en danger ce succès et les Canadiens eux non plus ne veulent pas le mettre en danger et être trop extravagants. Pendant une trentaine d'années, nous avons vécu avec des déficits et une dette qui augmentait sans cesse.

Nous sommes déterminés. Nous avons déjà relevé de nombreux défis. Nous avons dû faire des choix difficiles. Gouverner est une affaire de choix. Je pense que ce budget reflétera des choix que les Canadiens pourront accepter et qu'ils appuieront certainement.

Je tiens à redire que cet exercice est très utile. Je remercie les députés qui ont participé à ce débat prébudgétaire et qui se sont assurés que le gouvernement et le ministre des Finances ont eu l'occasion d'écouter ce qu'ils avaient à dire. Je suis à la disposition de ceux qui voudront bien me poser des questions.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Madame la Présidente, j'ai seulement une toute petite question à poser au secrétaire parlementaire. Puisqu'il fait partie du groupe dirigeant, je suis persuadé qu'il dispose de beaucoup plus de renseignements que nous. J'aimerais qu'il nous renseigne un peu, pas seulement moi, mais aussi d'autres membres de mon parti, les députés de la Chambre et peut-être même le public en général.

Lorsque le ministère des Finances du gouvernement du Canada prépare ses projections, il doit sûrement être au courant des diverses aberrations qui se produisent chaque année. Il a parlé par exemple des remboursements d'impôt, de la réduction des cotisations d'assurance-emploi et ainsi de suite. Il n'a rien dit au sujet de l'augmentation des cotisations au RPC. Il l'a sûrement oublié, mais je vais l'ajouter à la liste pour lui.

Lorsque le ministère des Finances, qui dispose des esprits les plus vifs du monde ainsi que d'ordinateurs performants adaptés à l'an 2000, prépare ses projections financières, il doit sûrement tenir compte de tout cela. Pourrait-il nous donner quelques précisions à ce sujet, s'il vous plaît?

M. Tony Valeri: Madame la Présidente, je vais d'abord traiter de la question du RPC. Si je n'ai pas parlé de l'augmentation des cotisations au Régime de pensions du Canada, c'est parce que ces cotisations ne viennent pas s'ajouter aux recettes du gouvernement. Par contre, les cotisations d'assurance-emploi font partie du bilan financier du gouvernement. Chaque fois que nous modifions d'une façon ou d'une autre les cotisations d'assurance-emploi, cela a des répercussions sur les finances du gouvernement, ce qui vient renforcer le point soulevé par notre collègue voulant que les cotisations au Régime de pensions du Canada ne viennent pas grossir les recettes gouvernementales. C'est pourquoi je n'en ai pas parlé.

Lorsque le ministère des Finances établit ses chiffres, il prend en compte les choses que je viens de mentionner. Je parlais des personnes qui voulaient extrapoler les chiffres pour appliquer l'excédent d'un mois au reste de l'année, sans tenir compte de la réduction des recettes gouvernementales durant le dernier trimestre de l'année financière.

Il est important de noter que chaque fois que le gouvernement prend une mesure comme la réduction des cotisations d'assurance-emploi ou chaque fois que les recettes des entreprises sont être inférieures à celles de l'année précédente, ce qui fait que ces entreprises présenteront des résultats moindres pour le dernier trimestre de l'exercice, il s'ensuit une baisse des recettes du gouvernement. Tous ces ajustements durant le dernier trimestre doivent être pris en compte pour calculer le montant de l'excédent.

À la fin de 1998, certains disaient que le gouvernement fédéral avait accumulé un excédent de 9,7 milliards de dollars sur huit mois et qu'on pouvait donc prévoir un excédent final de 18 ou 20 milliards de dollars de ce fait. Cependant, lorsqu'on tient compte de ce qui se produit durant le dernier trimestre, ce montant de 9,7 milliards de dollars n'augmente pas, il baisse.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je félicite le secrétaire parlementaire. C'est le dernier chien de garde du côté du gouvernement. C'est un défenseur très solitaire de la politique gouvernementale, ce soir, mais il ne démord pas.

J'ai une question pour le député de Stoney Creek. Quand il parle de la prétendue réussite du gouvernement à équilibrer le budget, je pense que tous les Canadiens seront d'accord pour dire avec moi, toutes allégeances confondues, qu'il faut accorder un peu de mérite au gouvernement, mais je dis bien un peu seulement.

 

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Le député ne serait-il pas prêt à admettre que, pour les trois quarts environ, la réduction du déficit est, jusqu'à maintenant, directement attribuable à des recettes plus élevées, grâce en bonne partie à des taux d'imposition plus élevés, compte tenu du non-rajustement des tranches d'imposition, des cotisations au RPC et d'autres choses comme les impôts sur le capital pour les entreprises.

N'admettrait-il pas en outre que le pourcentage des compressions dans le transfert canadien en matière de santé a été beaucoup plus élevé que ne l'ont été, en réalité, les compressions réelles dans les budgets de fonctionnement des ministères du gouvernement fédéral?

N'admettrait-il pas, honnêtement, que la hausse des recettes gouvernementales a été le principal remède au déficit et que le gouvernement, pour une raison ou une autre, a choisi de sabrer les transferts aux provinces en matière de santé beaucoup plus sévèrement que ses propres programmes à Ottawa?

M. Tony Valeri: Monsieur le Président, je vais revenir sur la question du RPC. Les cotisations ne s'ajoutent pas aux recettes du gouvernement; on fait donc erreur lorsqu'on dit qu'elles sont versées dans les recettes. Ces cotisations ne sont pas versées dans le Trésor du gouvernement.

En ce qui concerne l'augmentation des recettes, la majeure partie de cette augmentation est attribuable à une activité économique accrue. La situation est la même que celle dont parlent souvent les députés d'en face. L'augmentation des recettes du gouvernement de l'Ontario est attribuable à une activité économique accrue. La logique est la même.

On a souvent dit que nous devons relever les défis que présente l'impôt sur le revenu des particuliers, car il est plus élevé que celui de nos concurrents du G7. Nous avons commencé à réaliser des progrès à cet égard. Nous nous sommes engagés à continuer en ce sens, à rendre l'impôt plus concurrentiel et à résoudre les questions de non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation, en augmentant l'exemption de base. Nous sommes bien conscients de l'enjeu et nous voulons nous assurer d'effectuer des réductions de manière durable.

Le gouvernement ne veut pas s'engager à réduire les impôts s'il est obligé, dans deux, trois ou quatre ans, d'annuler une décision fiscale parce que ses recettes sont insuffisantes et qu'il retombe dans le rouge. Ce n'est certes pas une politique du gouvernement. Nous voulons nous assurer que toutes les mesures fiscales que nous prenons sont durables.

En ce qui a trait à la réduction du TCSPS, lorsque les députés d'en face parlent de cette réduction, ils font toujours allusion aux transferts en espèces. Ils devraient également parler des points d'impôt, qui continuent d'augmenter dans les transferts aux gouvernements provinciaux.

Nous pouvons parler du passé, mais ce débat doit surtout porter sur l'avenir. Ce n'est que grâce au dur travail des Canadiens et à leur engagement à appuyer le gouvernement dans les décisions qu'il a dû prendre que nous parlons maintenant de ce qu'il convient de faire et de la façon dont le gouvernement devrait affecter l'excédent.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, malgré l'heure tardive, je suis contente d'avoir l'occasion d'intervenir dans le cadre du débat sur les consultations prébudgétaires.

Mon intervention comprendra trois parties. Je ferai d'abord un rappel des principales revendications du Bloc québécois. Je donnerai un aperçu du résultat de la consultation ad hoc menée en septembre dernier dans ma circonscription et, enfin, je présenterai une esquisse des fonds nécessaires pour répondre aux besoins les plus urgents dans le dossier du patrimoine canadien.

Au cours de l'automne dernier, le Bloc québécois a répondu à l'appel du gouvernement et a procédé, dans les circonscriptions qu'il représente, à une vaste consultation de la population pour connaître ses priorités budgétaires. Par la suite, le Comité permanent des finances a visité le Canada pour entendre les desiderata des uns et des autres. Enfin, les libéraux ont publié un rapport qui nous a fort déçus, puisqu'il ne reflétait pas les attentes exprimées par la population.

 

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Je veux donc rappeler très brièvement les grandes priorités du Bloc québécois, priorités qui traduisent ce que le Bloc a entendu lors de ses propres audiences.

Dans le domaine de la santé, le gouvernement fédéral doit remettre les milliards de dollars qu'il a coupés et qui ont rendu difficile, voire impossible dans certains cas, une saine gestion de la santé par les autorités provinciales qui en ont la responsabilité. Le ministre des Affaires intergouvernementales dit que son gouvernement est respectueux de la Constitution. Qu'à cela ne tienne, et qu'il passe de la parole aux actes.

Dans le dossier de l'assurance-chômage, je crois que toute la population est consciente du drame qui se vit d'un océan à l'autre à l'autre. Les derniers irréductibles et imperméables à la misère et à la pauvreté qui sévissent partout autour de nous semblent se trouver en face, de l'autre côté de la Chambre. Il est urgent que le ministre des Finances réalise que la réforme de l'assurance-chômage est allée beaucoup trop loin et crée des effets pervers.

On doit donc revoir les règles de l'accessibilité. Par exemple, un jeune étudiant en techniques policières quitte son emploi parce qu'il doit faire un stage obligatoire à l'Institut de police en vue de sa diplômation. Il n'a donc pas le choix de la date du stage, puisque c'est l'Institut qui convoque les jeunes diplômés du cégep.

À la fin du stage, en attendant de se retrouver un emploi, on lui refuse la prestation d'assurance-emploi sous prétexte qu'il a quitté volontairement son travail. Je dis alors qu'il y a là une flagrante injustice qu'il faut réparer.

On doit revoir le taux de la prestation. Le gouvernement a mis au point un système—sans doute voulait-il viser le blanc et tua-t-il le noir, comme le dit si bien la chanson—mais il veut punir les travailleurs saisonniers comme ceux qui, dans notre région, vont à la pêche uniquement, naturellement, aux périodes où le gouvernement l'autorise. Ils ne sont même pas libres de sortir leurs bateaux quand ils le veulent. D'abord, il y a les effets de la nature, mais il y a aussi la réglementation du ministère des Pêches et des Océans qui leur dit qu'ils doivent pêcher de telle date à telle date.

C'est donc une erreur, année après année, de pénaliser ces travailleurs en leur faisant perdre, sur une période de cinq ans au maximum, 5 p. 100 de leur revenu. Statistique Canada dit qu'à l'heure actuelle, dans la région du Bas-Saint-Laurent, 68 p. 100 des chômeurs reçoivent des prestations de ce type qui sont réduites, année après année, et 80 p. 100 le seront l'an prochain.

Si le ministre était mis au chômage à chaque été quand la Chambre cesse de siéger et qu'il voyait son revenu baisser à chaque année, il serait sans doute le premier à vouloir revoir sa propre politique punitive qui ne fait qu'appauvrir davantage les pauvres.

On doit revoir aussi à la baisse les taux de cotisation à l'assurance-emploi. C'est du moins la conclusion à laquelle arrive tout le monde qui réfléchit à une utilisation sensée des surplus de la caisse de l'assurance-emploi. Il y a trop d'argent dans cette caisse.

À l'heure actuelle, le gouvernement accumule des surplus et il semble ignorer que ces surplus ne lui appartiennent pas. Par ailleurs, le gouvernement se doit de les utiliser uniquement aux fins pour lesquelles ces sommes ont été amassées. À quoi sert au gouvernement de continuer d'engranger, pendant que le peuple crie famine?

On doit naturellement revoir aussi les conditions pour les congés de maternité qui ont gravement changé, ces derniers temps, et qui pénalisent même, d'une certaine façon, le taux de natalité au Canada.

Si le ministre des Finances devait annoncer une réduction d'impôt, il lui faudrait augmenter l'exemption personnelle de base, indexer les tables d'impôt et baisser les impôts des personnes à faible et à moyen revenu.

Le deuxième point de mon intervention veut donner un aperçu du résultat de la consultation ad hoc menée en septembre dernier dans ma circonscription.

La population de Rimouski—Mitis n'a pas fait exception à la règle en ce qui concerne les grands thèmes de ces priorités. En effet, elle veut que le gouvernement fédéral redonne de l'argent au Québec pour que ce dernier réinvestisse dans la santé et l'éducation. De plus, elle demande au gouvernement fédéral de réduire les impôts des particuliers.

 

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Un point important que la population exprime est son inquiétude quant à la réalité de l'emploi qui demeure difficile dans la région. Elle exige que les surplus budgétaires servent à faciliter la création d'emplois dans la région.

La population est fortement consciente des problèmes sociaux à résoudre dans la région et elle demande qu'il y ait une plus grande justice sociale entre les individus comme entre les régions. Le chômage a peut-être baissé partout au Canada, mais dans la région du Bas Saint-Laurent où se situe mon comté, il n'a pas baissé. Au cours des cinq dernières années, c'est un manque à gagner de 83 millions de dollars que les personnes en chômage ont perdu au niveau des revenus d'assurance-emploi. On comprendra que, dans ces conditions, quand une somme aussi importante disparaît des goussets des personnes qui pourraient dépenser cet argent, on est loin d'aider l'économie régionale. Au contraire, on y nuit considérablement.

Je me suis arrêtée ensuite à essayer de voir ce qui pouvait bien nous arriver et ce qu'on pouvait bien avoir besoin du côté du ministère du Patrimoine canadien, le dossier que je suis chargée de suivre de plus près.

Je veux ici émettre un principe fondamental auquel le Bloc québécois tient beaucoup. Le Bloc québécois veut une gestion publique et l'imputabilité de tous les fonds qui sont consacrés aux arts.

Récemment, un comité d'étude proposait la création d'un fonds pour le cinéma. On a vu qu'un des éléments importants de ce projet de création de fonds était de déshabiller Pierre pour habiller Jean. Nous n'avancerons pas dans le domaine des arts si nous enlevons à l'Office national du film et à Téléfilm Canada les moyens dont ils ont besoin pour fonctionner adéquatement dans ce domaine.

Si la ministre du Patrimoine canadien veut aller de l'avant et créer un fonds pour le cinéma, le gouvernement doit, dans son prochain budget, consentir le même effort financier qu'il a fait au moment de créer le fonds pour la télévision en devenant un partenaire financier important dans la création et le renouvellement du fonds de câblodistribution.

Le gouvernement doit procéder de la même façon et mettre de l'argent neuf en ce qui concerne la partie que lui-même investira de ce côté. Il ne doit pas demander aux organismes qu'il finance déjà de sacrifier une partie de leur budget pour créer ce fonds puisqu'un organisme comme Téléfilm Canada ou l'Office national du film se relèverait difficilement de coupures additionnelles.

Le ministre des Finances doit prendre très au sérieux les doléances faites, année après année, par les artistes et se pencher sur les problèmes majeurs qu'ils doivent affronter dans le domaine de la fiscalité.

Surtout dans son prochain budget, le ministre doit enfin prévoir une réponse concrète et précise à une requête que le Bloc québécois juge légitime, à savoir l'étalement du revenu de l'artiste de façon à ce que l'année de vaches grasses vienne compenser pour les années de vaches maigres, alors que pendant ces années, une très grande majorité de nos artistes doivent se contenter de revenus inférieurs à ceux que touchent les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté.

Le gouvernement doit rétablir également la justice pour les communautés francophone et acadienne. C'est l'année de la francophonie. Le taux d'assimilation est de 40 p. 100 à travers le Canada. Le gouvernement se doit de passer de la parole aux gestes en assumant l'obligation morale qui est la sienne de ramener les enveloppes budgétaires pour les francophones au moins au niveau qu'elles étaient en 1993.

En terminant, je rappelle au gouvernement qu'il doit être à l'écoute de la population, entendre les cris de détresse qui surgissent de partout et répondre aux attentes exprimées, plutôt que d'essayer de vendre à la population le programme libéral qui est nettement dépassé dans les circonstances.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, c'est avec un trop-plein d'énergie que je voulais terminer cette journée en m'associant aux propos de ma collègue du Bloc québécois et surtout pour parler de ce qui est le principal défi pour les parlementaires de cette législature, à savoir la lutte à la pauvreté.

 

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Je crois qu'il faut convenir que ce gouvernement a bien peu à dire, à offrir et à proposer lorsqu'il est question de lutte à la pauvreté. C'est quand même paradoxal. Il faut se rappeler que sur le plan historique, autour de 1968, Pierre Elliott Trudeau, un libéral, avait, à ce moment-là, invité les Québécois à prolonger la Révolution tranquille à Ottawa; il appelait de tous ses voeux ce que l'on disait être l'édification d'une société juste.

Quel constat devons-nous faire, 40 ans après? C'est celui qu'il n'y a jamais eu autant de pauvres dans la société canadienne qu'il y en a en ce moment. Bien sûr, on pourrait dire que la pauvreté est une question d'ajustement entre la main-d'oeuvre disponible et la demande d'une main-d'oeuvre. Mais ce serait omettre que nous sommes en présence d'un gouvernement qui, délibérément, de par ses politiques, crée de la pauvreté. Je pense qu'il n'y a pas un parlementaire un peu lucide, aguerri ou réveillé qui ne va pas admettre que le gouvernement a créé de la pauvreté avec sa réforme de l'assurance-emploi.

Alors, il faut quand même le faire. Avec toutes les imperfections que l'on connaît au marché du travail lorsqu'il est laissé à lui-même, non content de se désengager des mesures de protection sociale, en plus, le gouvernement a choisi, avec une réforme comme celle de l'assurance-emploi, de créer délibérément de la pauvreté et d'exclure des gens des mécanismes de protection sociale.

Cela amène deux commentaires. Comment se fait-il que l'on accepte que le Canada soit l'un des seuls pays de l'OCDE à ne pas contribuer à son régime public de protection des chômeurs? En vertu de quel principe devrait-on accepter que l'État canadien, contrairement à ce que font les travailleurs et les représentants d'associations de patrons, ne contribue pas dans le régime d'assurance-emploi?

Le plus tragique dans tout cela, c'est que jamais on aura vu une députation ministérielle aussi faible. Jamais on aura vu une députation ministérielle aussi totalement dépourvue d'ambition, une gang de «suiveux», de mollusques, d'invertébrés, de gens pour qui tout est toujours correct, dans la mesure où c'est la ligne de parti qui est le fin mot de la réalité.

Je pense qu'il faut le dire très clairement, il y a une volonté délibérée de la part de ce gouvernement de créer de la pauvreté. Si on se livrait à l'exercice de réunir dans une salle, au hasard, à peu près partout à travers le Canada, 10 personnes qui sont sans emploi, on découvrirait qu'il y en a à peine quatre sur dix qui peuvent se qualifier à ce qui est censé être un régime de protection des travailleurs.

Est-ce que vous avez entendu des voix s'élever du côté de la majorité ministérielle pour intervenir auprès du ministre responsable du Développement des ressources humaines pour bonifier sa réforme? Le ministre du Développement des ressources humaines est un homme littéraire, qui écrit, qui publie, qui est docte et savant. Mais le problème, c'est que c'est un homme qui n'écoute pas. C'est un homme qui n'a pas de sensibilité, qui n'a pas la capacité de résister aux fonctionnaires pour, finalement, proposer des mesures de correction face à une réforme qui, répétons-le, a créé délibérément de la pauvreté.

Je veux vous parler du sentiment d'indignation qui m'a animé quand j'ai vu et écouté le ministre responsable du Développement des ressources humaines à RDI, pour ne pas le nommer, lundi dernier.

 

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C'était dans la mouvance du lancement de son livre, un livre intitulé «Pour une politique de la confiance». J'aimerais que le ministre vienne dans le Bas-du-Fleuve, dans Hochelaga—Maisonneuve, en Gaspésie et dans le centre du Québec dire aux chômeurs qu'il les a délibérément exclus d'une politique de protection sociale, mais qu'ils doivent avoir confiance en l'avenir.

Le plus paradoxal, c'est qu'il fallait voir le ministre à la télévision, avec son complet dernier cri, dire aux auditeurs de RDI que dans la société, il y avait quelque chose de pire que l'exploitation et que c'était l'exclusion. Et lui, comme ministre libéral, tout à coup, il prend conscience qu'on est dans une société qui produit des exclus.

Eh bien, il aurait été intéressant qu'il se rende compte de cela avant et il aurait été intéressant qu'il ne contribue pas lui-même, par les politiques qu'il a proposées en appartenant à ce gouvernement, à l'exclusion des gens. C'est un premier exemple d'un discours des deux côtés de la bouche.

Le deuxième sujet dont je veux parler concerne les gens économiquement faibles, et c'est la question des mal logés. Depuis 1992, à toutes fins utiles, les différents gouvernements, tant le gouvernement conservateur que le gouvernement libéral en place, se sont totalement désengagés du logement social.

Selon l'évaluation qu'a faite le FRAPRU—un organisme militant très crédible au Québec qui a développé de l'expertise en matière de politique gouvernementale et particulièrement dans l'analyse de l'évaluation de toute la question du logement social—et selon le dernier recensement, plus de 1 670 700 ménages au Canada, des ménages locataires, consacrent plus de 30 p. 100 de leur revenu pour se loger.

Il y a un problème, parce que dans la définition que l'on donne de la pauvreté, il faut prendre en compte le pourcentage du budget personnel qui est consacré au loyer. On s'entend assez bien pour dire que lorsque l'on consacre plus de 30 p. 100 de son revenu, de son budget personnel, pour payer son loyer, on a des bonnes chances de faire partie de la classe de gens qui va être défavorisée et qui va consacrer une partie exagérée, démesurée de son revenu pour le logement social.

Est-ce que depuis 1993, ce gouvernement a été sensible à cette réalité-là? Est-ce que ce gouvernement a proposé des mesures pour venir en aide aux gens qui sont mal logés? Absolument pas. Non seulement il a poursuivi dans la veine de ce que le gouvernement conservateur avait fait, mais en plus, il est présentement en train de négocier—je dis négocier, mais dans le fond, il ne s'agit pas d'une véritable négociation—en vue de transférer aux provinces 1,9 million de dollars pour la gestion du parc de logements locatifs.

Il y a des négociations en cours, mais la démarche est pour le moins fallacieuse, parce que non seulement on veut transférer une responsabilité qu'on n'aurait jamais dû occuper, mais en plus, il se trouve que le parc de logements locatifs qu'on veut transférer aura besoin de réparations majeures dans les prochaines années. Donc, on ne veut pas transférer aux provinces les sommes afférentes, les sommes équivalentes, qui permettraient aux provinces de s'occuper du logement social, qui est leur responsabilité constitutionnelle, mais de le faire en ayant les moyens de leur politique.

Le Québec, historiquement, parce qu'il a toujours résisté comme il se devait aux politiques d'invasion du gouvernement fédéral, a reçu en moyenne 19 p. 100 des sommes disponibles depuis qu'il participe au programme à frais partagés sur la question du logement social. Or, le Québec a sur son territoire 29 p. 100 de gens qui ont besoin de logements sociaux. Le Québec contribue pour 25 p. 100—c'est là son poids démographique—aux revenus du gouvernement fédéral.

 

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Alors, on comprend qu'il y a là une distorsion que les négociateurs provinciaux ont essayé de faire comprendre au gouvernement fédéral, mais ce fut peine perdue. Le gouvernement fédéral n'a rien voulu entendre.

Cela m'amène à conclure—parce que je crois que c'est vers là que je dois me diriger—qu'il nous faut une politique et une loi antipauvreté. Je répète qu'il y a deux grandes catégories de gens contre qui s'exerce encore la discrimination dans notre société: les personnes d'orientation homosexuelle et les personnes économiquement faibles.

Je crois que l'on pourra compter sur le Bloc québécois, sur le whip du Bloc québécois et le député d'Hochelaga—Maisonneuve, pour proposer avant longtemps à la Chambre une loi antipauvreté qui, espérons-le, trouvera un écho favorable du côté des banquettes ministérielles.

[Traduction]

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole à la Chambre ce soir pour participer au débat prébudgétaire.

Je voudrais faire écho aux observations faites par le député du Bloc québécois qui a parlé de la nécessité d'avoir une loi anti-pauvreté au Canada. Cela devrait constituer une véritable priorité pour le gouvernement.

Le gouvernement libéral aime se vanter de ses réalisations budgétaires dans sa lutte contre le déficit, mais il est beaucoup moins à l'aise pour parler du déficit social qu'il a créé en éliminant le déficit.

Aujourd'hui, le Canada est accusé devant le tribunal de l'opinion publique mondiale d'avoir lutté contre le déficit au détriment des pauvres. Dans son rapport sur le Canada, le comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies a exprimé de profondes et graves inquiétudes sur 25 points concernant le traitement que le Canada accorde à ses citoyens les plus défavorisés.

Le président du comité s'exprimait en ces termes:

    Je ne serais pas surpris d'apprendre ces choses-là à propos d'un pays en voie de développement, mais dans un pays très développé comme le Canada, doté de tellement de ressources, le degré de clochardise et de pauvreté est vraiment très choquant.

Il faut rappeler que le Canada a été un des pays signataires du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui jette les fondements des droits à l'égalité et qui devrait constituer la loi dont mon collègue vient de parler, la base sur laquelle nous pourrions éliminer la pauvreté au Canada.

Si on lisait le rapport majoritaire du Comité permanent des finances sur ses consultations prébudgétaires, on se demanderait s'ils parlent bien du même pays.

Les libéraux prétendent dans ce rapport que «Comme il n'a pas cessé d'améliorer sa situation financière ces cinq dernières années, le gouvernement a mis sur pied plusieurs nouveaux programmes innovateurs conçus pour nous aider à bâtir une société forte et humaine.»

C'est doux à entendre. En fait, selon les libéraux qui font partie du Comité permanent des finances, la situation financière du Canada est tellement bonne que le ministre des Finances n'aurait rien de mieux à faire dans le budget qu'il doit présenter sous peu que de prévoir de généreux allégements fiscaux aux Canadiens qui ont un revenu élevé.

S'agit-il bien du pays que le comité des Nations Unies condamne parce qu'il exacerbe la pauvreté et la clochardise, même si son économie croît et que son influence grandit? Bien sûr.

L'an dernier, avec un budget équilibré en vue, nous étions censés être à l'apogée d'un âge d'or. Après des années de politiques visant à comprimer les budgets et à atteindre l'inflation zéro, la grande question à laquelle devait répondre le comité consistait à expliquer comment dépenser l'excédent fiscal. En fait, chaque fois qu'il s'est levé à la Chambre, le ministre des Finances était ravi d'annoncer qu'une nouvelle étape importante venait d'être franchie en matière de gestion financière. Au bout du compte, on constate que les principes fondamentaux sont plus fragiles qu'ils ne l'ont été depuis les années 1930 et que les années 1990 seront considérées comme des années perdues.

Le PIB par habitant n'a même pas augmenté au cours de cette décennie. Le niveau de vie réel d'une majorité de Canadiens a baissé et celui d'un nombre croissant de démunis est désespérant.

Même si les gouvernements se cachent derrière des slogans sur la discipline des marchés et la responsabilité financière, la réalité est que, dans nos collectivités, le régime des soins de santé agonise par suite du millier de coupes qui ont été effectuées.

Nous avons maintenant plus d'un demi-million d'enfants pauvres et les Canadiens qui veulent étudier sont forcés de s'endetter pour la vie.

Le chaos, la confusion règnent dans le système de la formation professionnelle au Canada.

La majorité des chômeurs sont jugés inadmissibles à des prestations, tandis que les comptes gouvernementaux font état d'un excédent de 20 milliards de dollars.

 

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Les agriculteurs canadiens abattent leur bétail au lieu de se ruiner complètement en essayant de le mettre sur le marché.

Dans les rues de nos grandes villes, le phénomène des sans-abri est devenu une catastrophe nationale. Voilà la réalité que vivent un nombre croissant de Canadiens de nos jours.

Entre temps, dans l'économie de marché, les 10 p. 100 qui gagnent les revenus les plus élevés ont multiplié leur part du revenu national par 15. Aujourd'hui, ces gens-là gagnent 314 fois plus que le revenu des 10 p. 100 des Canadiens qui sont au bas de l'échelle. En 1973, c'était 21 fois plus.

C'est dans ce contexte que le Conseil canadien des chefs d'entreprises a exhorté le ministre des Finances à faire un choix courageux et à appuyer de fortes réductions d'impôt pour les contribuables qui gagnent jusqu'à 150 000 $ par année. C'est dans ce contexte que la majorité libérale au Comité des finances réclame des allégements d'impôt pour les Canadiens à revenu élevé et veut en faire la dépense prioritaire du gouvernement.

L'an dernier, l'une des choses dont le ministre des Finances s'est vanté le plus a été qu'il avait ramené les dépenses gouvernementales au niveau de 1949. L'effet des recommandations de cette année sera de maintenir la taille réduite du gouvernement, de favoriser la richesse individuelle tandis que le secteur public se dégrade et de négliger les besoins réels des pauvres et des chômeurs, qui ont fait les frais du budget du ministre des Finances par la perte de leurs prestations. Ce sont mes électeurs de Vancouver-Est et ceux d'autres localités à faible revenu qui écopent, parce que le gouvernement livre une attaque en règle contre les Canadiens à faible revenu.

En décembre dernier, le ministre des Finances a dit que la pauvreté chez les enfants était une honte nationale. L'élimination de la pauvreté chez les enfants devait être un grand objectif national. C'est louable. Il fallait, disait-il, s'y attaquer de la même façon qu'à la réduction du déficit. Jusqu'à maintenant, rien ne laisse supposer que le gouvernement fédéral entend prendre des mesures pour alléger le fardeau financier des pauvres.

Plus tard au cours de l'année 1998, deux grands rapports condamnaient le gouvernement fédéral pour ses piètres initiatives visant à enrayer la pauvreté chez les enfants. Le Conseil canadien de développement social faisait remarquer que le nombre de banques alimentaires au Canada avait doublé au cours des années 1990. Le Conseil canadien du Bien-être signalait que seulement 17 p. 100 des familles monoparentales, les plus pauvres parmi les pauvres, allaient recevoir ce qu'on appelle la prestation fiscale pour enfants. En tout, seulement 36 p. 100 des familles profiteront de cette solution gouvernementale tant attendue à la pauvreté infantile.

Malgré le fait que le ministre des Finances se dit préoccupé par la pauvreté et que la ministre de la Justice qualifie la pauvreté de notre plus grand problème en matière de droits de la personne, la nouvelle stratégie gouvernementale de lutte à la pauvreté infantile n'a rien donné. Ce que le gouvernement veut réellement, c'est redéfinir la pauvreté de façon à ce qu'elle disparaisse.

Selon Statistique Canada, il y a 1,5 million d'enfants et quelque 3,8 millions d'adultes qui vivent dans la pauvreté, sous le seuil du faible revenu qui correspond à ce qu'on entend habituellement par seuil de pauvreté au Canada. En modifiant la définition et en abaissant le revenu de base de 20 p. 100, les gouvernements ont fait en sorte que 1,8 million de personnes, dont 500 000 enfants, ne figurent plus parmi les pauvres de notre pays.

Le gouvernement se plaît à dire que la prestation fiscale pour enfants tend à accroître les prestations versées aux familles à faible revenu qui ont des enfants, à réduire la pauvreté chez les enfants et à favoriser une participation au marché du travail. Nous avons souvent entendu cette rengaine. Ce que le gouvernement omet de dire, c'est que les plus pauvres parmi les pauvres, ceux qui vivent de l'aide sociale, ne profitent pas de ces avantages. Le gouvernement omet de dire que, en raison des mesures de récupération, la prestation fiscale pour enfants prive de prestations environ un demi-million de familles pauvres qui vivent de l'aide sociale.

Il n'y est pas dit que les parents qui ont le malheur de perdre leur emploi seront encore plus pauvres par suite de la réduction des prestations d'assurance-emploi et n'auront probablement pas droit à des prestations de formation. Il n'y est pas dit que la nouvelle façon de réduire la pauvreté des familles pourrait être d'abaisser le seuil de plus de 6 000 $, éliminant ainsi de façon commode les deux tiers des pauvres.

Ce qu'il faut ici, ce n'est pas une nouvelle définition, mais un engagement réel du gouvernement dans ce budget de se fixer des objectifs pour réduire le chômage et la pauvreté pour tous les Canadiens qui se trouvent sous le seuil officieux de la pauvreté de Statistique Canada.

Si le gouvernement libéral voulait vraiment réduire la pauvreté, il élargirait le programme, supprimerait toutes les dispositions de récupération et indexerait les prestations au coût de la vie.

Il y a à peu près une semaine, j'ai terminé une tournée de tout le Canada sur la question des sans-abri. Une des choses que m'ont apprises des activistes qui luttent pour le logement et contre la pauvreté dans des endroits comme Toronto, Moncton, Winnipeg, le nord du Manitoba, le Nouveau-Brunswick, et ma circonscription, à Vancouver, c'est que de plus en plus de gens subissent le contrecoup de l'abandon, en 1993, du Programme national de l'habitation par les libéraux fédéraux.

 

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C'est là une véritable tragédie au Canada. Une des causes profondes de la croissance de l'inégalité et de la pauvreté, c'est la pénurie de logements et l'augmentation du nombre des sans-abri. Le gouvernement doit vraiment prendre des mesures à ce sujet dans le budget. On connaît la situation qui prévaut à Toronto. Même si beaucoup de libéraux de l'Ontario sont au fait de ce qui se passe à Toronto, nous sommes aux prises avec une catastrophe nationale en ce qui concerne la clochardise et la pénurie de logements convenables.

Dans le prochain budget, nous voulons et nous demandons que le gouvernement fédéral réinvestisse dans le logement et qu'il travaille avec les provinces afin d'établir un plan national de logement. Le Canada est le seul pays industrialisé qui n'a pas de plan national de logement.

Je voudrais dire quelques mots au sujet des soins de santé, parce que les malades, comme les sans-abri, sont aussi victimes de la crise de plus en plus aiguë dans ce secteur. Le nombre croissant de Canadiens qui ont perdu confiance dans le système de santé témoigne bien de la crise qui frappe ce secteur. En mai 1991, plus de 60 p. 100 des Canadiens considéraient le système comme excellent ou très bon. En 1998, moins de 30 p. 100 de la population était de cet avis.

Les Canadiens sont de plus en plus sceptiques parce que, concrètement, ils se heurtent à un système en crise. Ils savent que les listes d'attente et les délais de traitement sont plus longs, que les urgences sont débordées, qu'il n'y a pas suffisamment de lits, qu'il manque de personnel infirmier, que l'accès aux soins de santé est réduit, que les médicaments coûtent plus cher, et la liste est encore longue.

De façon cumulative, 15,5 milliards de dollars de transferts fédéraux en espèces ont été retirés du système depuis 1995-1996. La privatisation est aussi en train de s'étendre. Ainsi, en Ontario, des examens essentiels comme l'imagerie par résonance magnétique sont offerts aux nantis qui peuvent payer plutôt qu'aux malades qui en ont besoin.

Le Nouveau Parti démocratique croit que les soins de santé doivent être une des grandes priorités. À cet égard, voici ce que nous prescrivons: réinvestir, dans le prochain budget, 2,5 milliards de dollars dans les soins de santé, rétablir le financement de la Direction générale de la protection de la santé, réaliser une évaluation indépendante, enrayer le glissement actuel vers les soins de santé privés et lucratifs, en appliquant et en renforçant les principes de la Loi canadienne sur la santé, et tenir un sommet national sur la santé.

Je voudrais maintenant aborder un autre aspect clé dont nous sommes saisis dans le cadre du débat sur le budget, soit la caisse de l'assurance-emploi. Cette année, le gouvernement s'attend à prélever en cotisations d'assurance-emploi 7 milliards de dollars de plus que ce qu'il verse en prestations. De façon cumulative, nous savons maintenant que cela s'est traduit par un excédent de 20 milliards de dollars pendant que 900 000 sans-emploi n'ont aucun soutien du revenu, aucun accès à la formation et très peu de chances de trouver un emploi au moment où l'économie se contracte.

Il est clair que le gouvernement a fait main basse sur le fonds pour éponger le déficit et qu'il a, semble-t-il, l'intention de continuer. Pendant ce temps, moins de 40 p. 100 des sans-emploi, seulement 31 p. 100 des femmes sans-emploi et seulement 15 p. 100 des jeunes sans-emploi touchent des prestations aujourd'hui.

Pendant ma tournée du Canada au sujet des sans-abri, j'ai parlé à des chômeurs qui vivaient dans des refuges. Je me souviens d'un jeune homme qui m'a donné son dernier relevé d'assurance-chômage de 121 $. Quand je lui ai parlé de l'excédent de 20 milliards de dollars, qui appartient en fait aux travailleurs du Canada, il m'a demandé pourquoi il n'avait pas accès à ce fonds pour suivre des cours de formation, trouver du travail et obtenir de l'aide parce qu'il ne voulait pas vivre dans un refuge.

De quel droit le gouvernement s'empare-t-il de l'argent des travailleurs canadiens? Cet argent devrait servir au recyclage, à l'augmentation des prestations et à aider les sans-emploi.

Cependant, il semble que les libéraux ne voient rien d'illégitime à s'emparer de cet argent et de s'en servir pour rembourser la dette. Selon eux, il n'y a rien de répréhensible à saisir ce fonds pour accorder des allégements fiscaux aux contribuables à revenus élevés. C'est précisément parce que l'on ne peut faire confiance au gouvernement pour la gestion du fonds que les néo-démocrates, de concert avec les autres députés de l'opposition, exigent que le fonds de l'assurance-emploi soit séparé des recettes générales du gouvernement à compter du 1er avril 1999 et qu'il soit géré par une commission indépendante formée de représentants de l'employeur et des travailleurs.

 

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Il faut mettre un frein au vol des fonds du régime d'assurance-emploi et à la mauvaise utilisation de ces fonds. Cela ne fait aucun doute.

Le fait de remettre des millions de dollars aux Canadiens par l'entremise du programme d'assurance-emploi, c'est-à-dire en augmentant les prestations et en améliorant la couverture dans certaines régions et collectivités très pauvres aurait pour effet de renforcer la demande locale, d'aider les gouvernements provinciaux à faire face au nombre de plus en plus grand d'assistés sociaux et, ce qui est plus important, de permettre aux chômeurs d'avoir de la nourriture et de retrouver leur dignité, tout en assurant une intégrité nouvelle à la comptabilité fiscale du gouvernement.

Tels devraient être les objectifs des libéraux et du comité des finances. Au lieu de cela, le message fondamental transmis par le rapport de la majorité libérale est que le moment est venu d'accorder des réductions d'impôt aux Canadiens à revenus moyens et élevés. Le rapport des libéraux propose un nivellement de l'impôt progressif au moyen d'un plan de réduction d'impôt étalé sur une période de trois ans. Une telle mesure coûterait des dizaines de milliards de dollars. Les libéraux proposent aussi l'élimination de la surtaxe de 3 p. 100 sur les revenus supérieurs à 65 000 $. Le coût de cette mesure: 1,05 milliard de dollars.

Ils demandent l'établissement d'un échéancier pour éliminer la surtaxe de 5 p. 100 qui s'applique uniquement à ceux qui ont un revenu très élevé. Le coût d'une telle initiative: 650 millions de dollars. Et ça continue.

Les mesures proposées coûteraient des dizaines de milliards de dollars en réductions d'impôt, le tout dépendant de la façon dont ces mesures seraient structurées, et elles entraîneraient une forte diminution du fardeau fiscal de ceux qui, de toute évidence, ont les moyens de payer des impôts.

De toute évidence, le comité ne s'intéresse pas au phénomène criant de l'augmentation des disparités entre les revenus après impôt, ni au fait que les pauvres perdent de plus en plus de terrain.

Les néo-démocrates s'inquiètent de voir le grand nombre de Canadiens exclus du cadre des libéraux. Ces gens existent-ils seulement aux yeux du gouvernement libéral?

Notre approche serait la suivante: reconstruire l'infrastructure sociale en pleine détérioration, en plaçant les soins de santé en tête de liste; restaurer le programme de l'assurance-chômage pour les travailleurs du pays; régler la question des inégalités flagrantes en prenant des mesures pour réduire les épouvantables degrés de pauvreté, les écarts entre riches et pauvres et la discrimination croissante à l'égard des chômeurs; fournir une assistance adéquate et en temps opportun aux agriculteurs canadiens ravagés par la baisse des prix des denrées; et enfin, accorder un allégement fiscal à tous les Canadiens, selon ce que les finances permettent, augmenter le crédit pour la TPS et consentir une réduction des impôts de 1 p. 100 pour favoriser la création de nouveaux emplois.

Alors que le gouvernement canadien s'apprête à présenter son dernier budget du millénaire et alors que le monde entier a célébré le cinquantième anniversaire de la Déclaration internationale des droits de l'homme le 10 décembre 1998, il conviendrait que le gouvernement et tous les partis marquent l'événement en confirmant leur engagement à l'égard des normes et des droits promis à tous nos citoyens et en présentant un budget qui commence à combler les écarts qui entachent sérieusement la réputation de notre pays aux yeux de la communauté mondiale.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à remercier la députée de Vancouver-Est pour avoir très bien présenté un très grave sujet de préoccupation concernant la pauvreté, la pauvreté infantile et leurs conséquences sociales. Qu'elle me croie ou non, tous les députés partagent ses préoccupations. Nous ne nous entendons peut-être pas sur les solutions, mais nous sommes tous préoccupés par la question.

Cependant, on entend souvent la députée et les membres de son parti parler de statistiques et dire qu'il y a un enfant sur quatre qui vit dans la pauvreté, sans parler du fort pourcentage d'adultes pauvres. Cyniquement, la députée a laissé entendre que le gouvernement pourrait faire varier ces chiffres en redéfinissant la pauvreté.

J'aimerais qu'elle donne des précisions là-dessus parce que je crois que ce n'est pas un sujet que l'on peut traiter de façon désinvolte. C'est un problème très sérieux et, si nous voulons le régler, nous devons pouvoir le délimiter. Il nous faut le définir. Il nous faut savoir de quoi il retourne et cela veut dire qu'il nous faut un moyen précis de mesurer la pauvreté au Canada.

Si j'ai bien compris, et la députée me corrigera si je me trompe, la mesure de la pauvreté qu'elle utilise n'est pas du tout basée sur une définition de la pauvreté, mais il s'agit plutôt du seuil du faible revenu, ou SFR, tel que défini par Statistique Canada.

 

. 2325 + -

Elle vous confirmera que le seuil de faible revenu est calculé en fonction du pourcentage relatif des dépenses de la famille pour subvenir aux premières nécessités comme la nourriture, le logement et l'habillement. Le calcul se fait en termes de pourcentage des dépenses moyennes que la famille doit engager pour répondre à ces besoins.

Ne convient-elle qu'il est littéralement et mathématiquement impossible d'éliminer ou de réduire substantiellement la pauvreté au Canada tant qu'il existera des disparités de revenu? Ne convient-elle pas que la pauvreté absolue telle que l'entendent les gens ne peut se mesurer d'après le SFR? Ne convient-elle pas qu'il serait bon de définir ce que sont les nécessités de la vie en tenant compte des circonstances, des différences régionales, etc.?

Ne convient-elle pas que les arguments qu'elle et d'autres avancent seraient plus solides et plus convaincants si les Canadiens pouvaient vraiment déterminer le nombre de gens qui sont privés des premières nécessités, si seulement nous pouvions mettre au point une formule permanente pour mesurer la pauvreté, car la pauvreté existera tant qu'il y aura la moindre inégalité des revenus.

Mme Libby Davies: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question très sérieuse. Les activistes qui luttent contre la pauvreté seraient en faveur d'une définition équitable. Le rapport des Nations Unies, qui parle du bilan du Canada relativement au Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, a soulevé cette question et a mis au défi le gouvernement de travailler avec des organisations de lutte contre la pauvreté pour veiller à ce qu'on parvienne à une définition acceptée et équitable en ce qui concerne les mesures de lutte contre la pauvreté au Canada.

Il est vrai que Statistique Canada utilise le seuil de faible revenu, le SFR, comme mesure officieuse de la pauvreté au Canada depuis des décennies. Le danger dans ce cas c'est qu'il y a beaucoup de cynisme chez les gens qui considèrent que le but de cette initiative n'est pas d'aider ceux qui vivent dans la pauvreté. Il s'agit simplement de reformuler la question sur le plan politique, de redéfinir ce que nous entendons par pauvreté pour essayer d'éliminer ce qui constitue un problème politique croissant.

Je collabore avec des activistes luttant contre la pauvreté dans ma propre collectivité et dans tout le pays. On craint beaucoup que ce soit l'objet de cette initiative lancée par l'Institut Fraser qui veut que nous adoptions un type de critère, de mesure qui entraînerait une baisse très marquée du nombre de personnes considérées comme vivant au-dessous du seuil de pauvreté. C'est ce qu'on appelle la mesure de pauvreté absolue.

La réalité, c'est qu'il y a des gens qui consacrent de 40 à 60 p. 100 de leurs revenus au loyer. Peu importe comment on définit cela, il n'en demeure pas moins que ces gens vivent dans la pauvreté. Ce sont pratiquement des sans-abri. Les chefs de famille monoparentale qui touchent le salaire minimum, les parents qui essaient de survivre grâce aux prestations d'assurance-emploi ou les parents qui ne sont plus admissibles à ces prestations vivent dans la pauvreté.

À un moment donné, c'est une question très théorique. Pour être optimiste, s'il y avait un effort véritable de fait par le gouvernement pour collaborer avec les gens qui savent ce qu'est la pauvreté et si nous avions un processus englobant tous les intéressés, nous aurions alors un certain débat. Les gens sont tellement sceptiques et ont tellement de craintes au sujet de ce que le gouvernement essaie de faire, que beaucoup de gens résisteront à toute tentative visant à changer le seuil de faible revenu.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, durant ce débat prébudgétaire, nous avons entendu parler de tous les aspects imaginables de la politique budgétaire. Beaucoup de mes collègues ont exprimé de façon très éloquente nos critiques à l'endroit du gouvernement et de ses priorités budgétaires mal placées en ce qui a trait aux impôts, aux soins de santé et à la réduction de la dette. Nous avons aussi exprimé notre opinion sur diverses façons de mettre davantage l'accent sur les soins de santé, les allégements fiscaux et la réduction de la dette.

 

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Bien que je reconnaisse que le Parti réformiste est faillible, je pense néanmoins que nous avons travaillé fort en tant que parti de l'opposition, plus fort que tout autre parti de l'opposition d'après mon expérience en politique, pour présenter des solutions constructives au gouvernement en ce qui concerne la politique budgétaire.

À cet égard, nous avons publié un long document qui porte sur les impôts et les soins de santé. C'est un document prébudgétaire important présenté par l'opposition officielle, un document d'une soixantaine de pages qui sert de complément au document que nous avons publié l'an dernier et qui était intitulé «Au-delà d'un budget équilibré». Ce document analyse de façon assez détaillée les fausses raisons que donne le gouvernement pour justifier la nécessité de pratiquer la prudence budgétaire. Il présente le genre d'allégements fiscaux que nous aimerions voir, des idées comme l'adoption d'une loi prévoyant la réduction de la dette et d'une loi prévoyant le maintien de l'équilibre budgétaire et une augmentation du financement des soins de santé au moyen d'une réaffectation des dépenses des secteurs moins prioritaires. J'encourage les gens que ces questions intéressent à communiquer avec nous pour obtenir un exemplaire de ce document.

Le gouvernement a dit qu'il était sur le point de réduire le fardeau fiscal des Canadiens dans le prochain budget. Je suis plus que sceptique lorsque j'entends les remarques du premier ministre qui, en 1996, a dit ceci lorsqu'on lui a demandé s'il était en faveur d'une réduction générale des impôts. Le premier ministre a dit: «Je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire dans une société comme le Canada». Il ne croyait pas qu'il fallait accorder un allégement du fardeau fiscal aux Canadiens dans une société comme la nôtre.

J'ignore ce qu'il voulait dire par là, mais nous avons obtenu des précisions la semaine dernière, lorsque le premier ministre était au sommet économique en Suisse et qu'il a dit qu'il appuyait la politique du gouvernement conservateur précédent, qui consistait à augmenter radicalement les impôts au milieu de la récession de 1991-1992.

C'est bien le même premier ministre qui, lorsqu'il était chef de l'opposition libérale, fustigeait le gouvernement conservateur pour avoir augmenté les impôts, désindexé le régime fiscal et introduit la logique tordue du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation, introduit la taxe sur les produits et services, majoré l'impôt des entreprises et des particuliers par différentes surtaxes de 3 à 5 p. 100, dites sur les revenus élevés. C'est ce même chef libéral qui, il y a six ou sept ans, critiquait le gouvernement en place parce qu'il augmentait les impôts. Nous découvrons aujourd'hui qu'il admirait en secret les politiques fiscales mortelles du gouvernement de l'époque.

Mais cela ne nous étonne pas lorsque nous examinons le bilan de son propre gouvernement. En parole, ce gouvernement prône la réduction des impôts, mais, dans les faits, il a adopté une politique de hausses d'impôt. Nous savons, comme le secrétaire parlementaire l'a admis dans une question posée plus tôt ce soir, que les trois quarts des progrès vers la réduction du déficit réalisés au cours du mandat du gouvernement sont dus à l'augmentation de ses recettes.

Une bonne partie de ces recettes supplémentaires est attribuable aux taux d'imposition supérieurs qui découlent de la pratique pernicieuse du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation qui permet d'aller chercher chaque année environ un milliard de dollars de plus dans les poches des contribuables à moyen revenu, attribuable aussi à l'augmentation de 72 p. 100 des cotisations au RPC, qui représente 10 milliards de dollars, la plus forte hausse d'impôt de l'histoire du Canada, et attribuable encore aux 36 autres augmentations d'impôt décidées par le gouvernement actuel et qui frappent les particuliers et les entreprises. Pourtant, le gouvernement prétend encore qu'il est partisan des réductions d'impôt.

 

. 2335 + -

Le gouvernement actuel a constamment cherché à abaisser le niveau de vie au Canada, à abaisser le niveau de revenu disponible des Canadiens. Jamais auparavant, dans l'histoire du Canada, les gens ont eu à travailler aussi fort et aussi longtemps. Jamais auparavant il y a eu tant de familles où les deux conjoints doivent travailler pour rapporter à la maison deux revenus ou plus. Jamais auparavant, selon Statistique Canada, les gens n'ont eu à faire de si longues journées et de si longues semaines de travail et n'ont eu à subir de si grandes pressions, qui se traduisent par tous les problèmes sociaux que nous connaissons. Jamais auparavant les familles canadiennes n'ont gagné autant d'argent avant impôt.

Pourtant, les gens ont beau travailler plus fort pour s'en sortir, ils prennent du recul, non pas à cause d'un manque d'effort, de diligence, de travail ou de courage de leur part, mais à cause des mesures fiscales du gouvernement fédéral qui prélève une proportion sans cesse croissante de leur revenu. Les familles canadiennes de classe moyenne voient leur revenu disponible après impôt diminuer depuis plus de 15 ans, travaillent plus fort d'année en année pour tenter de joindre les deux bouts et prennent quand même du recul. Ils sont incapables de changer quoi que ce soit à cette situation atroce, car seul le gouvernement a le pouvoir de réparer les dommages.

Voilà pourquoi l'OCDE a déclaré que, de ses 26 pays membres, c'est le Canada qui affiche le pire taux de croissance du PIB par habitant, le pire niveau de vie. Le pays qui devrait être le plus prospère et le plus productif au monde, étant donné ses énormes ressources humaines et naturelles, traîne de plus en plus de la patte. L'impôt sur le revenu des particuliers au Canada est supérieur de 56 p. 100 à la moyenne. L'impôt sur le revenu des sociétés au Canada dépasse de 9 p. 100 la moyenne chez nos partenaires du G7.

Si nous voulions ramener l'impôt sur le revenu des particuliers au niveau où il était lorsque le gouvernement a pris le pouvoir en 1993, cela exigerait une réduction de 8 milliards des impôts fédéraux sur le revenu. Le Canada affiche les impôts fonciers les plus élevés de tous les pays de l'OCDE. Nous avons le fardeau fiscal total le plus lourd de tous les pays du G7, compte tenu des cotisations sociales, ce qui forme un fardeau fiscal total supérieur de 28 p. 100 à la moyenne pour nos six principaux partenaires économiques, et supérieur d'un énorme 48 p. 100 au fardeau de notre principal partenaire, les États-Unis, avec qui nous effectuons 85 p. 100 de nos échanges économiques.

En 1996, la famille canadienne moyenne a payé une note fiscale totale de 21 242 $, soit 46 p. 100 de son revenu. Il s'agit de la proportion que payait la famille moyenne, non de celle que payaient les familles à revenu élevé. C'est plus que ce que la famille moyenne payait aux chapitres réunis de l'alimentation, du logement et des vêtements. Or, en 1981, la même famille ne payait que 11 000 $ et des poussières en impôt, en dollars constants.

Au cours des six premiers mois de 1997, il y a à peine deux ans, les gouvernements au Canada ont accaparé 67 p. 100 de l'augmentation du revenu personnel des Canadiens. Sur chaque tranche de 3 $ de revenu additionnel touché par les Canadiens cette année-là, les gouvernements en ont pris 2 $, en laissant un dollar au contribuable qui les avait gagnés. Depuis que le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, le Canadien moyen a perdu 155 p. 100 de l'augmentation de son revenu réel aux mains du fisc.

Vous n'y verrez peut-être qu'un ensemble de chiffres et de statistiques, monsieur le Président, mais je sais que vous avez du coeur et que vous comprenez l'exaspération très réelle que ressentent beaucoup de gens en constatant qu'ils travaillent plus fort mais s'appauvrissent toujours davantage parce que le gouvernement accapare deux fois et demie l'augmentation même de leur revenu réel.

Le taux supérieur marginal d'imposition au Canada commence à s'appliquer à un revenu d'environ 60 000 $CAN, alors qu'aux États-Unis il commence à s'appliquer à un revenu d'environ 420 000 $CAN. C'est là un écart énorme. Quand les Américains imposent les riches, ils le font à l'égard des contribuables gagnant plus de 420 000 $CAN, alors qu'ici on s'en prend aux contribuables de la classe moyenne qui gagnent plus de 60 000 $. Voilà qui explique l'énorme exode de cerveaux, de capital humain, de notre pays. Comme je l'ai mentionné, les contributions au RPC augmentent, annulant ainsi, et très largement, tout allégement au niveau des cotisations à l'assurance-emploi. C'est la raison pour laquelle nous proposons un ambitieux programme d'allégements fiscaux en vertu duquel le contribuable moyen verrait son revenu annuel augmenter de 1 300 $, tandis que le revenu d'une famille de quatre personnes vivant avec un seul revenu augmenterait d'au moins 2 500 $.

 

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J'aimerais prendre quelques instants pour discuter d'une question qui me préoccupe de plus en plus. Je fais allusion à l'injustice inhérente du régime fiscal à l'endroit des parents qui décident d'élever leurs enfants en restant à la maison. Je ne peux absolument pas comprendre pourquoi le gouvernement adopte une telle politique. Ce n'est pas une question d'esprit de parti, puisque le gouvernement actuel continue d'appliquer la politique du gouvernement conservateur qui l'a précédé. Cette politique dit aux familles canadiennes que si elles décident de faire un sacrifice économique en se passant d'un deuxième revenu parce que l'un des parents veut rester à la maison la plupart du temps ou tout le temps pour élever de jeunes enfants d'âge préscolaire, ces familles seront pénalisées. Par contre, si une famille décide de faire élever en partie ses enfants en garderie et que les deux parents s'en vont gagner un salaire, cette famille bénéficiera d'un avantage de la part du gouvernement fédéral.

C'est là une politique sociale et fiscale tout à fait tordue qui cause du tort aux familles canadiennes. La grande majorité de ces familles veulent avoir la possibilité d'avoir un parent qui reste à la maison pour élever les enfants en bas âge.

Je sais que des députés des autres partis diront que ce n'est là qu'un point de vue archaïque des réformistes. Ils ne comprennent pas que la famille a changé. Je crois que ces personnes sont également celles qui ne comprennent pas la nature, les désirs, les aspirations et les rêves des familles canadiennes.

On me permettra de citer les résultats de récents sondages d'opinion publics à ce sujet. Selon un sondage effectué par la société Compas Research, 92 p. 100 des répondants sont d'avis que les familles qui comptent des enfants subissent davantage de stress qu'il y a 50 ans. La plupart des Canadiens attribuent cette augmentation du niveau de stress aux pressions économiques et, par voie de conséquence, l'incidence de ce stress sur les ruptures de familles, le niveau de violence familiale, le nombre des divorces, la violence faite aux enfants, et de nombreuses autres pathologies sociales que nous tentons d'éliminer dans le cadre du système de justice pénale et par d'autres programmes sociaux sont le résultat du stress économique que subissent les familles.

Que dire du fardeau fiscal que supportent les familles? Quatre-vingt-deux pour cent des Canadiens, et non pas des députés réformistes, ont dit que le gouvernement devrait avoir pour priorité de modifier la législation fiscale de manière qu'il soit plus facile pour un des parents qui ont de jeunes enfants de rester à la maison. Ce pourcentage de 82 p. 100 est à peu près ce qui se rapproche le plus de l'unanimité dans un sondage d'opinion publique. Soixante-dix-neuf pour cent des répondants ont jugé prioritaire de réduire le fardeau fiscal des familles qui ont des enfants en leur permettant de présenter des déclarations de revenu conjointes. Près de huit Canadiens sur dix veulent pouvoir produire des déclarations d'impôts conjointes, de manière à éviter toute discrimination à l'endroit des familles qui n'ont qu'un seul revenu. Quatre-vingt-un pour cent des répondants ont demandé en priorité que la législation fiscale soit modifiée pour qu'il devienne plus facile aux familles de garder leurs parents âgés avec elles.

Enfin, une grande majorité de Canadiens veulent que le gouvernement réduise radicalement le fardeau fiscal des familles. Les gens veulent un régime fiscal plus clément qui permette aux familles d'aider leurs parents âgés, de produire des déclarations fiscales conjointes et de faire en sorte qu'un des deux conjoints puisse rester à la maison avec les enfants.

Ce n'est pas la seule conclusion intéressante. Nous avons vu que d'autres sondages ont donné des résultats semblables. Dans un sondage effectué par la société Compas, 90 p. 100 des répondants ont affirmé qu'il est préférable de garder les enfants d'âge préscolaire à la maison plutôt que de les envoyer en garderie. Il ne s'agit pas là d'une idée fondée sur une idéologie fantaisiste, mais du voeu quasi unanime des Canadiens.

 

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Un sondage fait en 1991 par Decima Research a donné les mêmes résultats: 70 p. 100 des travailleuses interrogées ont dit que si elles avaient le choix elles préféreraient rester chez elles pour élever leurs enfants, contre 27 p. 100 qui ont dit qu'elles préféraient travailler en dehors de la maison.

Sept professionnelles sur trois ont dit que si elles le pouvaient financièrement, elles préféreraient rester chez elles et élever leurs enfants d'âge préscolaire.

Que se passe-t-il quand ces familles regardent le code fiscal? Que voient-elles? Elles voient que si elles décident de renoncer à ce second revenu et que le père ou la mère reste à la maison pour élever ses deux ou trois enfants, elles renoncent ainsi à la déduction pour frais de garde. Cette déduction n'est accordée qu'aux gens qui mettent leurs enfants dans des garderies institutionnelles. Dans le dernier budget, le gouvernement a augmenté la déduction. Je pense qu'elle est de 7 000 $ par enfant d'âge préscolaire. C'est une somme énorme à laquelle la famille renonce, alors même qu'elle renonce à un second revenu.

De même, si le père reste à la maison pendant que son épouse travaille à l'extérieur, il ne peut demander que l'exemption pour le conjoint au lieu de la pleine exemption personnelle de base. L'exemption pour le conjoint est inférieure de 2 000 $ à l'exemption personnelle de base.

Si ces mêmes parents divorcent et se remettent en ménage, chacun peut alors réclamer l'exemption personnelle de base. C'est une pénalité contre le mariage tandis que la déduction pour frais de garde est une pénalité contre le fait d'élever ses enfants soi-même, ce qui est pourtant le voeu de 90 p. 100 des Canadiennes et de 70 p. 100 des professionnelles. C'est insensé. C'est vraiment bizarre.

Toutes sortes d'organismes crédibles se sont prononcés sur cette question. La fondation nationale pour la recherche sur la famille et l'éducation, organisme dont j'ai déjà été membre du conseil d'administration, a publié les résultats de travaux de recherche universitaires très intéressants. Après avoir entrepris une longue analyse de l'éducation des enfants, deux chercheurs, Violato et Russell, révèlent dans leur rapport de 1994 sur les effets de l'absence de la mère sur le développement de l'enfant que plus de 20 heures par semaine de soins par une personnes autre que la mère ont un effet négatif sur trois aspects de la pathologie sociale, à savoir le développement affectif et social, l'adaptation du comportement et la formation de liens affectifs. En outre, 20 heures par semaine de soins par une personne autre que la mère, dans une garderie institutionnelle, ont une influence négative mineure sur les capacités cognitives, c'est-à-dire l'apprentissage. C'est très révélateur.

Ils nous disent que le nombre de suicides chez les jeunes au Canada, au cours des trente dernières années, a connu une croissance phénoménale. C'est le deuxième taux per capita du monde développé. Les crimes avec violence chez les jeunes ont augmenté de 150 p. 100 depuis 1986. Tous les désordres psychologiques et sociaux connexes sont attribuables, en partie du moins, à l'augmentation de la garde non parentale que le gouvernement a choisi de subventionner en accordant la déduction pour garde d'enfants, et à d'autres inégalités dans le régime fiscal.

Ces différences comptent. Imaginons un couple où les deux conjoints travaillent. Le mari gagne 40 000 $ et la femme gagne 20 000 $ par année. Un parent vient s'occuper des enfants au foyer. En tout, le couple paie plus de 6 000 $ en impôt fédéral.

Une autre couple habite en face. Un seul conjoint travaille, mais gagne 60 000 $ et paie 10 000 $ en impôt. C'est 4 000 $ de plus que les voisins d'en face. C'est beaucoup.

Imaginons un autre couple où les deux conjoints travaillent et confient la garde des enfants à un tiers, hors du foyer. Il paiera 10 000 $ de moins d'impôt fédéral que la famille à revenu unique qui s'occupe des enfants au foyer.

 

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En fait, les couples qui décident de se marier devant la loi et d'élever leurs enfants à la maison semblent signer une garantie de discrimination fiscale quand ils apposent leurs noms sur leur certificat de mariage.

Quelle est alors la solution? La solution est très simple. Il suffirait que le Parlement décide d'autoriser la pratique consistant à présenter une déclaration de revenus conjointe de façon que les familles à revenu unique puissent partager en deux le revenu du parent gagne-pain, ce qui aurait pour effet d'assujettir leurs revenus globaux à un taux marginal beaucoup plus bas et de pouvoir tous deux se prévaloir intégralement de l'exemption personnelle.

Voilà qui ferait toute une différence au chapitre des impôts versés par les familles à revenu unique. Une autre mesure importante consisterait à mettre un peu d'équité dans le système de frais de garde d'enfants en transformant la déduction actuelle en un crédit remboursable qui serait très progressiste. Cette mesure s'adresserait à toutes les familles, qu'elles élèvent leurs enfants à la maison ou qu'elles les fassent garder, indépendamment de leur revenu.

En terminant j'invite le gouvernement à se préoccuper davantage d'équité fiscale pour les familles. Je sais que, lors de la dernière législature, le député de Mississauga-Sud avait présenté la motion no 30 qui réclamait le traitement fiscal que je propose. Elle a été adoptée à la Chambre par une majorité de députés.

Il y a un consensus général au sein du Parlement et dans tout le pays, c'est qu'il n'y a absolument aucune raison valable de discriminer contre les familles canadiennes qui triment si dur pour offrir ce qu'il y a de mieux à leurs enfants.

M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je crois approprié de faire quelques commentaires sur les propos de mon collègue.

Je tiens à me concentrer sur le plan budgétaire. Le député en a parlé dans son discours d'ouverture. L'opposition a fait de grands efforts pour présenter une solution de rechange et je veux me pencher sur ce point en particulier.

Lorsque j'ai analysé le plan budgétaire publié, je me suis rendu compte qu'une bonne partie des promesses étaient basées sur certaines prévisions très optimistes quant aux recettes.

En combinant les prévisions optimistes et les prévisions un peu plus naïves formulées au chapitre des dépenses, on obtient une image plutôt irréaliste des surplus budgétaires à venir. Si on voulait se baser sur une période de trois ans qui nous mènerait à l'an 2001-2002, on se rendrait compte que l'on prévoit des excédents de l'ordre de quelque 30 à 35 milliards de dollars.

Ces sommes sont beaucoup plus optimistes que les prévisions des spécialistes du secteur privé sur lesquelles le gouvernement se fie pour préparer son budget. Nous nous en remettons au secteur privé. Les experts du secteur privé nous présentent un consensus de ce que les prévisions devraient être et ce sont ces données que nous utilisons dans le budget.

Le plan réformiste prévoit une croissance moyenne des recettes de l'ordre de 5,5 p. 100 au cours des trois prochaines années. C'est presque le double des prévisions des experts du secteur privé. Cela ne tient pas compte non plus des dépenses nécessaires pour maintenir les programmes existants tels la Sécurité de la vieillesse ou la péréquation.

Il y a également d'autres coûts différentiels dont il faut tenir compte pour le maintien des programmes existants. Le député n'inclut pas la prudence économique dans les prévisions. Cela signifie que si l'économie venait à prendre un tournant un tant soit peu plus abrupt que prévu, le plan en serait complètement bouleversé.

Comment faire face aux répercussions d'un ralentissement de l'économie lorsqu'on a avancé des hypothèses trop optimistes? Faudra-t-il faire disparaître des programmes ou augmenter le niveau d'imposition?

M. Jason Kenney: Monsieur le Président, je peux comprendre que le député d'en face juge nos hypothèses exagérément optimistes, étant donné que le gouvernement a pratiqué délibérément une politique qui consistait à sous-estimer la croissance pour gérer les aspects politiques du problème de l'excédent.

De toute évidence, le ministre des Finances ne veut pas que ses collègues libéraux qui portés sur la dépense, comme la dame distinguée qui dirige le ministère du Patrimoine et d'autres, se disputent les dollars pour bien se positionner en prévision du prochain congrès de direction chez les libéraux.

Je suis persuadé qu'il a du mal à dormir, car il imagine ce qui se produirait s'il disait toute la vérité à ses collègues au sujet de l'excédent.

Nous savons, d'après ce que le ministre a fait ces deux ou trois dernières années, que le gouvernement a largement dépassé ses prévisions d'excédent budgétaire. Je ne pense pas que ce soit complètement mauvais. Il est bien que le gouvernement ait fait des prévisions prudentes.

 

. 2355 + -

Je crois que, aux fins politiques, cela a été une approche prudente en général. Je crois aussi qu'il est bon de prévoir un fonds pour éventualités de 3 milliards de dollars par année, comme l'a fait le présent gouvernement.

En établissant nos propres prévisions, nous avons consulté tous les prévisionnistes du secteur privé et même les prévisions du gouvernement et nous avons opté pour des hypothèses de croissance future légèrement inférieures à la moyenne des prévisions des économistes du secteur privé.

En outre, nous avons bel et bien inclus un fonds de prévoyance. J'essaie seulement d'en trouver le montant précis. Je devrai me renseigner pour le député. Toutefois, nous avons bel et bien inclus un fonds pour les éventualités et nous avons essayé d'établir des prévisions raisonnables et prudentes pour ce qui est de la croissance, de l'inflation, de l'emploi et de la croissance du revenu.

Nous prenons bonne note de ce point. Nous ne nous entendrons peut-être pas sur la question de savoir quelles prévisions sont les plus prudentes, mais je crois sincèrement que les nôtres sont les plus précises. Ces deux ou trois dernières années, les prévisions réformistes ont été plus précises que celles que le gouvernement a faites dans ses propres documents budgétaires.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, ce n'est qu'un simple commentaire. On croirait entendre Bryan Williams. Il est minuit ici. En Alberta, il n'est que 22 heures. En Colombie-Britannique, il est 21 heures. Je pense que nous devons quand même remercier tout spécialement les pages, le personnel, les fonctionnaires du greffe, monsieur le Président, et certainement les députés libéraux qui ont assuré la représentation, ainsi que les interprètes, sans qui nous serions perdus. Je veux simplement remercier sincèrement tous ceux qui ont permis la tenue de ce débat.

Le vice-président: Je sais que tous les députés sont très heureux que le débat soit terminé. Malgré le plaisir que nous a procuré à tous le débat de ce soir, je sais que nous avons tous hâte au véritable événement. Nous aurons sans doute bientôt un autre débat là-dessus.

[Français]

Comme il est 23 h 55, la période réservée au débat est terminée. Conformément à l'ordre adopté le lundi 1er février 1999, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 14 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 23 h 57.)