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FINA Rapport du Comité

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Rapport minoritaire de l'opposition officielle

Le présent rapport minoritaire est en quelque sorte le précurseur du mémoire prébudgétaire de l'opposition officielle au ministre des Finances produit tous les ans en janvier.

Compte tenu du fait que les groupes d'intérêts sont toujours très nombreux durant les audiences prébudgétaires, le consensus de cette année sur les allégements fiscaux était remarquable. Le ministre des Finances devrait savoir maintenant que, comme nous le répétons depuis des années, les Canadiens accueilleront fort mal un budget qui ne contient pas d'allégements fiscaux substantiels immédiats de portée générale. La population ne va plus se contenter de vagues promesses d'allégements fiscaux dont elle ne voit jamais la couleur. Le rapport majoritaire du Comité des finances recommande certes d'offrir des allégements fiscaux aux Canadiens, mais certains éléments nous font douter quelque peu de sa détermination à cet égard.

« Les rapports prébudgétaires du Comité des finances ressemblent très souvent à la bande de lancement d'un film à succès. Le film-annonce paraît très prometteur en décembre, mais quand vous allez voir le film le jour du budget, vous en sortez vraiment déçu . . . et on ne vous rembourse pas le prix du billet. Vous repartez les mains vides. »

Walter Robinson, Canadian Taxpayers Federation

La promesse du moitié-moitié - Le principal obstacle qui empêche le gouvernement d'adopter un véritable programme de réduction des impôts et de la dette est sa propre promesse de dépenser la moitié de tout excédent budgétaire. Le gouvernement a déjà déclaré son intention de consacrer la moitié de tout excédent projeté au financement de dépenses nouvelles et l'autre moitié à un ensemble mal défini de mesures de réduction de la dette et d'allégements fiscaux. Le rapport majoritaire final du Comité des finances sur les consultations prébudgétaires souscrit au maintien de cette politique.

Bien que les médias aient beaucoup fait état du fait que la majorité des membres du Comité auraient voté pour l'élimination de la promesse du moitié-moitié du rapport, en citant d'ailleurs longuement certains députés libéraux qui étaient eux aussi, dit-on, contre cette politique, on constate que cette promesse a été rétablie dans la version finale du rapport. L'opposition officielle n'est pas surprise par ce revirement, car les avis sont de plus en plus partagés au sein même du gouvernement. Aujourd'hui, force est de conclure que les partisans de dépenses financées par des impôts semblent l'emporter.

Le fait que le rapport final réclame à la fois le respect de la promesse absurde du moitié-moitié et une réduction d'impôts de 46 milliards de dollars nous fait douter de la sincérité du gouvernement quand il affirme vouloir accorder des allégements fiscaux significatifs. Manifestement, les députés libéraux du Comité veulent le beurre et l'argent du beurre.

Avec de telles divergences de vues dans les rangs libéraux, l'opposition officielle se demande si le gouvernement est suffisamment déterminé pour agir. L'expérience montre qu'on a des raisons d'en douter.

Dépenses - Lors des élections fédérales de 1997, l'opposition officielle était le seul parti politique à réclamer l'imposition de limites strictes sur les dépenses. Aujourd'hui, beaucoup d'autres groupes, et même le grand public, voudraient qu'on limite les dépenses.

Or, le gouvernement continue de faire valoir aux Canadiens que les compressions budgétaires des cinq dernières années étaient excessives et que de fortes dépenses sont maintenant nécessaires. C'est tout simplement faux. Selon les Comptes publics du Canada, les dépenses publiques par personne n'ont jamais été aussi élevées qu'elles le sont aujourd'hui. On constate que les dépenses ont atteint un sommet historique durant la récession de 1990-1991 et sont demeurées à ce niveau depuis lors, en termes réels. Ce qui rend la ruse du gouvernement encore plus scandaleuse, c'est le fait que la baisse du taux de chômage lui a fait réaliser des milliards de dollars d'économies en prestations d'assurance-emploi et de bien-être social, ce qui aurait dû faire baisser les dépenses publiques par personne. Or, ces économies ont disparu sans laisser de traces.

Il faut aussi s'interroger sur la façon dont le gouvernement actuel dépense l'argent des contribuables. On accorde des subventions à des groupes d'intérêts spéciaux, aux entreprises et à des projets marquant le millénaire, mais on prive les Forces canadiennes de maintien de la paix, la GRC et les agriculteurs des Prairies - qui traversent la pire crise agricole depuis 60 ans - des fonds qui leur sont essentiels. N'est-ce pas assez éloquent? Le gouvernement montre quotidiennement qu'il est loin de gérer l'argent des contribuables avec autant de soin que les contribuables eux-mêmes.

En outre, l'absence de mécanisme permanent d'examen des programmes montre bien que le gouvernement continue d'appliquer une politique dépensière financée par les impôts. Le gouvernement s'est empressé de supprimer le système de gestion des dépenses (qui avait plafonné les dépenses publiques en exigeant que tous les nouveaux projets soient financés à même des crédits prélevés sur des programmes existants) dès qu'il a commencé à enregistrer un excédent, ce qui permet de douter de sa détermination à maîtriser les dépenses. L'opposition officielle estime que ce type de programme doit avoir un caractère permanent.

L'analyse des états financiers provisoires du gouvernement pour septembre 1999 révèle que le robinet des dépenses est bel et bien ouvert. À mi-chemin de l'exercice 1999-2000, les dépenses de programmes sont en hausse de 1,7 milliard de dollars, ou 3,4 % par rapport à la période correspondante de l'année dernière. Manifestement, les libéraux fédéraux sont divisés, et les partisans d'un accroissement des dépenses sont en train de l'emporter.

Un autre problème inquiète l'opposition officielle. L'habitude du ministre des Finances de fonder son budget sur des hypothèses pessimistes était peut-être sans conséquence lorsque nous étions dans une situation déficitaire, mais ce n'est pas le cas en période d'excédent budgétaire. D'ailleurs, le vérificateur général a écrit dans son rapport de 1999 que ce processus budgétaire « incite le gouvernement à dépenser davantage ». Rien n'indique que cette pratique a changé.

Gestion de la dette - Si le gouvernement était vraiment déterminé à assainir les finances publiques, on se demande pourquoi il n'a pas encore légiféré pour instituer un véritable programme de remboursement de la dette. La dette nationale du Canada dépasse actuellement 60 % de notre PIB, alors que la moyenne pour le G7 est de 45,8 %. Sur l'ensemble des pays du G7, seule l'Italie a une dette publique plus importante que le Canada1. À coup sûr, avec une dette publique nette de 577 milliards de dollars à la fin de 1998-1999, on peut facilement montrer que si les recettes dépassent les prévisions et les besoins pour les dépenses courantes, une plus grande partie de l'excédent doit être affectée au remboursement de la dette que ce que proposent les membres de la majorité gouvernementale du Comité.

En particulier, l'opposition officielle estime que la réduction de la dette doit venir avant les mesures de dépenses spéciales. Outre l'incitation à dépenser, le vérificateur général note dans son rapport de novembre 1999 que « l'approche actuelle à l'égard de la planification budgétaire conduit aussi à un biais procyclique, qui a pour effet de stimuler l'économie lorsque celle-ci est forte et de la ralentir lorsqu'elle est faible ». Or, ce type de stimulus procyclique compromet l'application d'une politique budgétaire efficace et exacerbe les fluctuations normales du cycle conjoncturel.

Une bonne politique budgétaire doit stimuler l'économie quand elle est faible et chercher à atténuer les fluctuations du cycle conjoncturel.

Allégements fiscaux - Abstraction faite des questions partisanes et des différences idéologiques, il reste que le besoin d'allégements fiscaux et de réformes fiscales est très réel. L'opposition officielle réclame depuis longtemps d'importants allégements fiscaux. Nous donnerons une idée de l'ampleur des allégements que nous proposons dans notre rapport de janvier.

Dérive fiscale - Au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers, la valeur réelle des exemptions personnelles et de l'exemption pour conjoint est sérieusement amoindrie du fait de la dérive fiscale. Celle-ci, combinée à une augmentation des charges sociales, a porté le taux effectif de l'impôt sur le revenu des particuliers à un nouveau sommet historique de 25 % en 1999.

Il importe de noter que cette absence de protection contre l'inflation frappe le plus durement les personnes à faible revenu et les personnes à revenu moyen2. En outre, la dérive fiscale a eu pour effet de comprimer les tranches d'imposition au point que le Canada est de tous les pays du G7 celui où les taux d'imposition augmentent le plus rapidement. Ce fait est révélé dans la dernière Mise à jour économique et financière3. Par exemple, au Canada, le taux d'imposition marginal supérieur frappe les revenus à partir d'environ 65 000 $, tandis qu'aux États-Unis, le taux d'imposition supérieur n'est pas atteint avant un niveau de revenus de 430 000 $CAN. Cependant, les plus grandes disparités dans l'imposition du revenu entre nos deux pays ne concernent pas les revenus supérieurs, mais bien les revenus moyens4.

L'opposition officielle estime que si le gouvernement était vraiment déterminé à offrir aux Canadiens un véritable allégement fiscal, il se donnerait pour priorité de faire disparaître la dérive fiscale. Le rapport majoritaire ne prévoit rien de la sorte.

Politiques fiscales favorables aux familles - Le rapport majoritaire ne fait pratiquement pas état d'un domaine fondamental de réforme fiscale, à savoir la nécessité d'intégrer au régime fiscal un mécanisme universel permettant de tenir compte de ce qu'il en coûte d'élever un enfant, soit par la création d'une déduction par enfant ou par l'élargissement de la Prestation fiscale canadienne pour enfant. L'opposition officielle recommande aussi que le gouvernement mette en 9uvre des politiques propres à faire disparaître la discrimination qu'exerce le régime fiscal envers les familles à revenu unique qui élèvent des enfants comparativement aux familles où les deux parents travaillent.

Cotisations d'assurance-emploi - L'opposition officielle convient avec l'actuaire en chef de la Caisse d'assurance-emploi que les cotisations devraient être ramenées à 2 $ par tranche de 100 $ de gains assurables. Le gouvernement doit cesser d'assimiler les cotisations d'assurance-emploi des employeurs et des employés à une source de recettes fiscales comme les autres.

Impôt des sociétés - Il est aussi urgent d'apporter une réforme au régime de l'impôt des sociétés. En effet, le Canada vient au second rang des pays du G7 quant au fardeau fiscal des sociétés5. Le taux effectif d'imposition du secteur des services est le plus élevé du G7 et est supérieur de 10,8 % à celui des États-Unis. En outre, les membres européens du G7 ont tous abaissé leur taux d'imposition des sociétés dans les années 90. Parmi les membres du G7 dont le régime fiscal n'est pas neutre envers les divers secteurs d'activité, le Canada est le seul qui n'a pas diminué ses taux.

Il est urgent d'établir la neutralité dans le système d'imposition des sociétés. Ce que l'on veut dire par là, c'est que tous les secteurs d'activité devraient être assujettis au même taux d'imposition. Or, actuellement, le taux de l'impôt des sociétés est de 28 % dans les industries non manufacturières et de 21 % seulement dans le secteur manufacturier. Le rapport Mintz propose de rendre le système plus neutre mais sans pour autant diminuer les recettes fédérales. Cependant, compte tenu de la situation budgétaire actuelle du gouvernement et du fait que les modifications de l'impôt des sociétés sont le mécanisme le plus efficace pour stimuler la croissance économique, nous estimons qu'il est maintenant possible d'alléger le fardeau fiscal des sociétés et de rétablir la neutralité. Nous estimons urgent de procéder à cette réforme avant que nos niveaux de productivité pâtissent davantage.

Impôt sur les gains en capital - Le taux d'imposition des gains en capital du Canada (40 %) est beaucoup plus élevé que le taux américain, actuellement de 20 %. Comme cet impôt frappe un capital financier mobile au niveau international, cette disparité favorise les États-Unis. En outre, les personnes qui travaillent dans le secteur de la haute technologie paient davantage d'impôt que leurs homologues américains sur les gains en capital réalisés sur les options d'achat d'actions que leur offrent les employeurs. Or, vu la grande mobilité des travailleurs de la haute technologie, il serait important de tenir compte du contexte fiscal international dans ce secteur plus que dans tout autre. Ainsi, non seulement les entreprises de la « nouvelle économie » supportent un fardeau fiscal exagéré, mais elles ont aussi beaucoup de mal à attirer et à retenir du personnel à cause du taux élevé de l'impôt sur les gains en capital. Toute réforme fiscale doit donc notamment envisager une réduction de l'impôt sur les revenus du capital.

Nous continuons de recommander de réduire de moitié le taux d'inclusion des gains en capital et nous estimons que le gouvernement devrait envisager des réductions encore plus importantes.

L'opposition officielle recommande aussi l'élimination totale de l'impôt sur les gains en capital sur les dons de titres cotés en bourse et ce, afin d'encourager des investissements sociaux valables dans les organismes de bienfaisance, et les autres organisations sans but lucratif comme les écoles, les centres culturels, les coopératives d'habitation, etc. Une telle mesure serait particulièrement importante de nos jours compte tenu de la diminution des subventions publiques et du fait que la population est de plus en plus réticente à offrir des subventions annuelles par la voie de conseils subventionnaires financés par le gouvernement. Nous estimons que notre proposition est une façon beaucoup plus efficace d'apporter une certaine stabilité financière à ces secteurs tout en les rendant plus comptables envers les citoyens qu'ils servent.

Enfin, pour ce qui est de la question des sans-abri, l'opposition officielle attendra le rapport du gouvernement sur ce très grave problème. Nous craignons cependant qu'on n'y fasse pas état des facteurs évidents qui nuisent à l'augmentation du parc de logements locatifs au Canada. On pense par exemple à des facteurs dissuasifs comme le contrôle des loyers, les lois qui empêchent les propriétaires d'expulser des locataires indisciplinés et le niveau élevé de l'impôt sur les gains en capital qui découragent les gens d'investir dans le logement. Il va falloir étudier toutes ces questions de très près afin de déterminer les mesures à prendre pour s'attaquer aux racines du problème.

En conclusion, l'opposition officielle estime que le gouvernement doit mener la politique publique d'une manière propre à améliorer le bien-être de tous les Canadiens. Ainsi, il est impératif que le gouvernement offre un bon éventail de produits et de services et impose des mesures fiscales d'un niveau et d'une composition appropriés. Pour atteindre cet équilibre, il faut se donner un horizon à long terme dans un contexte mondial et se doter d'un plan à long terme de manière que les mesures et décisions à court terme soient orientées dans le bon sens. Comme le vérificateur général l'a noté dans son plus récent rapport au Parlement, l'absence de véritable planification à long terme se traduit en fin d'exercice par une frénésie des dépenses qui fait régulièrement mentir les prévisions de dépenses de plusieurs milliards de dollars.

À notre avis, cette façon de gouverner témoigne d'un manque de leadership au niveau budgétaire et politique qui dessert les Canadiens. Par conséquent, l'opposition officielle présentera son propre plan budgétaire et social au ministre des Finances en janvier, plan dans lequel nous décrirons notre vision des mesures qui permettront de bâtir un Canada plus fort dans le prochain millénaire.


1 Perspectives économiques de l'OCDE n 65 (juin 1999).

2 Battle, Ken (1998) "No Taxation Without Indexation", Caledon Institute of Social Policy.

3 La Mise à jour économique et financière, 1999, p. 104.

4 Rubin, Jeff (1998) "Who's Really Paying Down The Debt?" CIBC Economics.

5 La Mise à jour économique et financière, 1999.