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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er juin 2000

• 0833

[Traduction]

Le président (M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. J'ouvre cette séance du Comité de la santé. Comme vous le savez, nous étudions le projet de règlement sur le tabac, conformément au paragraphe 32(5) du Règlement.

Les témoins que nous entendons ce matin représentent le Syndicat des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, du tabac et des minoteries, ainsi que la FTQ du Québec. Nous entendrons ces témoins dans un instant. Mais auparavant,

[Français]

M. Ménard veut invoquer le Règlement.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): En fait, monsieur le président, je voulais vérifier une chose auprès de mes collègues du comité. Il m'est clairement apparu hier, après le témoignage des entreprises, celui des imprimeurs pour être plus clair, qu'il serait sans doute utile que le comité aille visiter des entreprises avant d'adopter son rapport: un imprimeur du Québec et un imprimeur de l'Ontario. Je souscris à la volonté du comité d'adopter son rapport avant l'ajournement, rapport qui sera renvoyé à la Chambre, mais je trouverais intéressant que nous prenions le temps d'aller visiter des entreprises.

Je crois que dans la circonscription de M. Jordan, ou à proximité de sa circonscription, il y a une entreprise que l'on pourrait visiter. Pour le Québec, on pourrait demander aux travailleurs. On m'a parlé de l'entreprise Lawson à ville Saint-Laurent.

Il est important de comprendre le processus. Par exemple, quand on nous parle de cylindres, il est important de comprendre les ajustements que cela implique afin que nous puissions faire des recommandations éclairées.

Peut-être pourrait-on prévoir cela à un moment autre que lors d'une réunion du comité, mais je serais beaucoup plus à l'aise, comme parlementaire, si on faisait une telle visite avant de faire notre rapport. Je suis un visuel. J'ai besoin de comprendre le caractère technique des choses. Il y a là une expertise assez spécialisée.

• 0835

Je n'en fais pas une proposition formelle, mais je souhaite que l'on s'entende d'un commun accord et que l'on donne des directives à nos greffiers ou à nos organisateurs pour que cela se réalise.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ménard.

[Traduction]

Nous allons réfléchir à votre proposition et demander au greffier de voir précisément où nous pourrions aller et quand—selon les directives du comité, bien entendu—et nous calculerons également le coût. Nous vous ferons un rapport lundi au plus tard, car il faut du temps pour formuler ce genre de choses et nous avons besoin d'un peu de temps pour cela. Mais votre rappel au règlement est judicieux.

[Français]

M. Réal Ménard: Comme d'habitude, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Oui, comme toujours. Merci beaucoup.

[Français]

M. Réal Ménard: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Passons maintenant au Syndicat des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, du tabac et des minoteries. Qui va commencer? Est-ce vous, monsieur Kelly?

[Français]

Monsieur Massé.

M. Henri Massé (président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)): Je voudrais d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent: Clément Godbout, Émile Vallée, Daniel Rondeau, Gordon Wilson et Sean Kelly.

Je vais commencer la présentation et Sean va la terminer. D'abord, nous voulons vous remercier de nous avoir permis de venir vous présenter cet important projet.

La FTQ regroupe 500 000 membres au Québec, dans tous les secteurs d'activités. C'est une centrale reconnue pour son pragmatisme. On essaie de faire l'arbitrage nécessaire lorsqu'il est question d'emplois et de buts sociaux.

Nous représentons en même temps le Syndicat du tabac, qui est affilié à la FTQ et qui compte 2 000 membres au Québec. Il y a des centaines d'autres salariés dans le secteur de l'imprimerie, du papier, du transport et de la vente au détail dont les emplois sont intimement liés au dossier du tabac.

D'entrée de jeu, la FTQ s'oppose à la réglementation proposée parce qu'elle trouve qu'elle est mal conçue et parce qu'elle pense aussi qu'elle ne donnera pas les résultats escomptés.

Elle est mal conçue parce qu'elle est fondée sur un des plus bas dénominateurs communs de la nature humaine: la peur. La réglementation qu'on nous propose à grand renfort de sondages à l'appui est fondée sur une seule prémisse: si on fait honte aux fumeurs avec des messages d'horreur qui sont encore pires que les messages actuels, qui devaient régler le problème mais qui ne semblent plus suffire à la tâche, et qu'on envoie ces mêmes fumeurs se cacher pour acheter leur tabac, ils auront assez peur qu'ils cesseront de fumer. Je pense que c'est une mauvaise prémisse.

Nous ne partageons pas l'optimisme de ceux et celles qui voient en ces mesures la voie providentielle contre le tabagisme. Rappelons simplement que la publicité sur le tabac a diminué considérablement au cours des dernières années et que les messages sur les paquets de cigarettes sont aussi axés sur la peur. Pourtant, le tabagisme ne semble pas diminuer, surtout chez les jeunes.

Soulignons que si ces mesures ne suffisent pas, il ne restera plus qu'à vendre le tabac dans des débits contrôlés, comme l'alcool, ou à le bannir. C'est dans cette direction que la réglementation nous amène.

La démarche est mal foutue également parce qu'elle est incomplète. Si l'objectif est vraiment de réduire le tabagisme, il manque des éléments importants dont nous discuterons un peu plus loin.

La réglementation proposée fait pire. Elle condamne une bonne partie de la population—quelque 20 p. 100—à la culpabilité, si ce n'est à la clandestinité pour poser un geste qui est encore légal au Canada.

Finalement, comme l'ont mentionné les autres représentants des travailleurs qui ont comparu ou qui vont comparaître devant vous, ce qu'on nous propose va avoir des impacts négatifs sur bon nombre de travailleurs de l'industrie sans contribuer la réduction du tabagisme de façon significative. Nous ne reprendrons pas les détails de leurs présentations, mais nous partageons leur crainte de voir de nombreux travailleurs du tabac et de l'imprimerie, pour ne nommer que ceux-là, perdre leur emploi, cela sans que ces mesures aient une influence le moindrement importante sur la diminution du tabagisme.

Bref, la réglementation proposée va donner l'occasion à quelques politiciens de faire un gros show médiatique à court terme. Elle peut permettre aussi à certains groupes antifumeurs, que je qualifie parfois de puritains, de se donner l'illusion qu'ils viennent de décider du bien-être du bon peuple, mais encore une fois, sans changer grand-chose. Au fil du temps, les effets de cette démarche vont s'estomper comme c'est le cas de plusieurs mesures fondées sur la peur. Ce sont nos membres qui vont écoper, car les employeurs peuvent déménager leurs pénates ailleurs.

• 0840

La FTQ s'est opposée à la démarche du ministre dès qu'elle en a entendu parler, en mai 1999, et elle a vraiment tenté d'amener le gouvernement à regarder ce dossier à travers la lorgnette du gros bon sens.

Nous avons proposé au ministre la mise sur pied d'un groupe de travail qui se pencherait sur la politique d'ensemble sur le contrôle du tabagisme. Au Québec, nous somme habitués à nous concerter avant de prendre des décisions. Nous espérions que le ministre sauterait sur cette occasion pour aborder le problème avec les principaux intervenants et développer une approche de consensus qui lui aurait permis de faire avancer le dossier dans un climat plus harmonieux.

Nous avons soumis notre proposition verbalement au directeur du bureau de contrôle du tabac de Santé Canada, en mai 1999. N'ayant pas reçu de réponse, nous lui avons écrit en août. Nous avons communiqué avec les fonctionnaires en octobre 1999. Finalement, en désespoir de cause, nous avons écrit directement au ministre le 17 février 2000. Le ministre n'a pas daigné nous répondre.

Pour nous, une politique sur le tabagisme, c'est plus qu'une chasse aux sorcières contre les fumeurs. C'est même plus que la hausse des taxes sur le tabac qui semble être sur la planche à dessin du ministre.

Nous vous demandons de renvoyer le ministre faire ses devoirs. Nous vous prions de lui dire de revenir avec une politique globale sur le tabagisme qui mette l'accent sur l'éducation, particulièrement celle des jeunes. Il n'y a pas beaucoup de fumeurs, à notre avis, qui ne préféreraient pas arrêter de fumer. Il n'est pas nécessaire de leur faire peur avec des dessins et des messages d'horreur pour les convaincre. Ils savent que fumer n'est pas bon pour eux. Ce dont ils ont besoin, c'est d'encouragement et d'accompagnement.

Nous avons vraiment l'impression qu'on est en train d'accomplir un devoir de paresseux. À force de faire des campagnes de peur, on va finir par banaliser la crainte qui est bien ancrée dans la population. On aurait bien mieux aimé voir un programme d'éducation, un peu à la manière de ce qu'on a connu avec ParticipACTION, par exemple. C'est un programme fantastique qui dure depuis des années au Canada et qui a amené la population à réfléchir au conditionnement physique, mais ça, c'est plus long. C'est davantage une mesure à moyen terme, mais c'est pas mal plus efficace et pas mal plus difficile.

Quant aux jeunes, ce sont eux qui devraient être l'objet privilégié de notre attention par des programmes éducatifs ciblés et positifs. Il faut les convaincre de ne pas fumer. Nous savons tous combien il est difficile d'arrêter de fumer. S'il y a un héritage que nous ne devrions pas laisser à nos enfants et nos petits-enfants, c'est bien le besoin d'arrêter de fumer.

En 1997, nos gouvernements ont recueilli près de 5 millions de dollars en taxes de toutes sortes sur le tabac. C'est énorme. Nous ne sommes pas de ceux qui prétendent que les gouvernements sont hypocrites en percevant des impôts sur le tabac tout en cherchant à en réduire la consommation. Il serait, selon nous, tout aussi illusoire et irréaliste qu'injuste de bannir l'usage du tabac. Peut-être pourra-t-on parler de cette façon dans 100 ans, mais pas aujourd'hui. Ce n'est pas dans les moeurs des gens.

Nous croyons cependant qu'une bonne partie des fonds publics recueillis de la consommation du tabac devrait être investie afin d'en assurer le contrôle et nous ne voyons aucune dépense plus prometteuse et souhaitable que l'éducation. Nous n'avons pas les chiffres précis en main, mais nous savons que les programmes d'éducation sur le tabagisme ont subi les effets des coupures budgétaires et nous n'avons rien vu qui nous indique que ces budgets ont été augmentés depuis l'atteinte des surplus budgétaires dans l'ensemble du Canada et des provinces canadiennes. Nous supplions donc le gouvernement, s'il veut vraiment réduire le tabagisme à long terme, d'inclure l'éducation des jeunes et des fumeurs dans sa politique.

Une politique active devrait respecter les millions de Canadiens qui fument. Tant que le tabagisme sera légal, les fumeurs et les fumeuses auront le droit d'être protégés contre la clandestinité et l'ostracisme social auxquels les condamne la réglementation proposée.

Finalement, la politique sur le tabagisme devrait prévoir des programmes d'adaptation pour la main-d'oeuvre touchée par cette politique. Là où le gouvernement est directement responsable de la perte d'emplois, il devrait voir à ce que les travailleurs et les travailleuses concernés ne soient pas condamnés à court terme à la protection inadéquate d'un régime d'assurance-emploi qui ne répond pas aux besoins des travailleurs en chômage avant qu'ils retrouvent à l'aide sociale. Une politique d'adaptation ne devrait pas coûter un montant exorbitant.

Mesdames et messieurs les députés, c'est l'approche que la FTQ entendait proposer au ministre Allan Rock et que nous avons esquissée dans notre lettre du 17 février qui lui était adressée. Aidez-nous à le convaincre que cette approche a beaucoup plus de chances de produire les résultats escomptés que la chasse aux sorcières qu'on nous propose.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

• 0845

[Traduction]

Monsieur Kelly.

M. Sean Kelly (vice-président international, Syndicat des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, du tabac et des minoteries): Merci. Je vous présente tout d'abord mes deux collègues, Tom Belbeck et Robert Janawski. Ils travaillent pour Imperial Tobacco à Guelph.

Merci, monsieur le président et membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. J'apprécie votre invitation à comparaître devant vous aujourd'hui au sujet du projet de modification du règlement relatif au contrôle du tabac.

Je me nomme Sean Kelly. Je suis vice-président international pour le Canada du Syndicat des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, du tabac et des minoteries.

Notre syndicat représente près de 4 000 travailleurs directement employés dans l'industrie canadienne du tabac.

Je comparais devant vous aujourd'hui pour exhorter le comité à rejeter les modifications les plus récentes à la réglementation du tabac proposées par le ministre de la Santé, M. Rock.

Notre position est motivée par plusieurs raisons.

Premièrement et principalement, ces changements représentent une menace directe et grave pour l'emploi de nos membres travaillant dans l'industrie canadienne du tabac. Ce sont des hommes et des femmes qui travaillent fort et qui jouissent de salaires et avantages sociaux parmi les meilleurs du Canada. Grâce à cela, ils peuvent offrir à leur famille un excellent niveau de vie et contribuer à la prospérité des localités où ils habitent. Leurs emplois, les impôts qu'ils paient et l'argent qu'ils dépensent sont essentiels à l'économie de ces localités

Les emplois de dizaines de milliers d'autres travailleurs dans tout le pays, employés dans les secteurs qui approvisionnent l'industrie du tabac, sont également menacés. Parmi les secteurs touchés figurent celui de la vente au détail et en gros, l'imprimerie et le graphisme, la fabrication de papier et de textiles, les transports, l'entreposage, la construction, les encres et colles commerciales et l'agriculture.

Si ces propositions devaient être mises en oeuvres, les lois de l'économie dicteront le sort de nos membres.

Les fabricants de cigarettes devront absorber des coûts exorbitants pour se conformer aux contraintes de présentation, d'emballage et de déclaration proposées. Ils perdront leur rentabilité. Les sociétés seront contraintes de supprimer ou de réduire la production des petites marques moins populaires. Il en résultera une diminution des heures de travail, des licenciements et peut-être même des fermetures d'usines.

Comme vous le savez sans aucun doute, les décisions relatives aux installations de fabrication canadiennes dans le secteur du tabac, et une éventuelle relocalisation à l'étranger, sont prises aujourd'hui aux États-Unis, au Japon et en Europe.

Dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui, une entreprise pèse soigneusement le climat d'affaires d'un pays au moment de décider de l'implantation des installations de production.

Le résultat du projet de M. Rock sera une diminution de la production canadienne, ainsi que des ventes légales. La consommation ne changera pas. Les travailleurs canadiens n'auront plus qu'à faire la queue devant les bureaux d'emplois et d'aide sociale.

Monsieur le président, il importe que les membres du comité sachent que les entreprises de tabac canadiennes sont des filiales de grosses entités multinationales ayant des installations de production partout dans le monde. La vérité toute simple et nue est que les fabricants de cigarettes canadiens peuvent transférer la production à l'étranger très facilement et exporter le produit vers le marché canadien.

Le gouvernement de M. Rock a garanti cet accès au marché canadien au moyen des dispositions actuelles de l'ALÉNA.

Si le gouvernement libéral poursuit son attaque incessante contre l'industrie canadienne, par le biais de propositions relatives à l'emballage comme celles prévues dans le projet de règlement, au moyen de poursuites en justice ou de majorations massives de taxes, je ne doute pas que ces fabricants déménageront à l'étranger. Les seuls perdants seront nos membres et d'autres travailleurs canadiens dont l'emploi dépend de l'industrie canadienne du tabac. Ces emplois directs et indirects se chiffrent par milliers.

• 0850

Monsieur le président, nous sommes profondément préoccupés par la façon de procéder du ministre de la Santé. Il n'a jamais tenu compte des réelles répercussions de son projet sur l'emploi. Il a offert beaucoup de belles paroles aux syndicats et aux travailleurs touchés, mais sans que ses fonctionnaires aient réellement cherché à déterminer les répercussions véritables de ce projet sur les travailleurs canadiens.

Les promesses d'une concertation poussée n'ont pas été tenues. Le ministre et ses fonctionnaires ont entamé une campagne de désinformation totalement partiale, déséquilibrée et malhonnête au sujet de ces modifications réglementaires. En dépit de la demande répétée des travailleurs et de leurs représentants d'ouvrir un vrai dialogue, rien n'a été fait, excepté de vagues promesses. Nos tentatives répétées d'obtenir une étude d'impact sur l'emploi n'ont rencontré que des oreilles sourdes.

M. Rock, dans son communiqué de presse du 31 mars 2000, voudrait faire croire aux Canadiens qu'il a consulté les travailleurs concernant l'effet de son règlement sur des emplois canadiens bien rémunérés. C'est faux.

Bien que les travailleurs aient participé à trois réunions avec des représentants du Bureau de contrôle du tabac, il s'agissait plutôt de réunions d'information où l'on s'est contenté de nous dire ce que le ministre de la Santé allait faire. Notre point de vue et nos préoccupations ne figuraient pas à l'ordre du jour. D'ailleurs, la façon cavalière dont on traite le gagne-pain des travailleurs et de leurs familles a été très bien illustrée par la députée Brenda Chamberlain qui a déclaré aux médias, le 27 avril de cette année, à Guelph, en Ontario, qu'elle appuyait les initiatives de M. Rock, tout en reconnaissant que cela exigerait le sacrifice des emplois de ses électeurs et d'autres travailleurs encore.

Mme Chamberlain ne s'est pas sentie obligée de justifier la remarque désinvolte de M. Rock disant que 33 de ses mandants devraient chercher une autre industrie où travailler. Sans aucun doute, M. Rock fera distribuer sous peu à ses fonctionnaires des demandes d'emploi au salaire minimum chez «Mr. Hamburg» à ces travailleurs qui souffriront de son indifférence à l'égard de leur avenir.

Notre syndicat international s'est toujours montré partisan de politiques et programmes efficaces pour s'attaquer au problème de la consommation de tabac par les mineurs. Une meilleure sensibilisation des jeunes et une application plus rigoureuse des lois et sanctions existantes nous paraissent fondées. Ce seraient des mesures efficaces, mais qui ne pénaliseraient pas les adultes qui choisissent de fumer. La plupart d'entre nous sommes des travailleurs et des travailleuses et ne voulons pas punir ceux employés dans l'industrie du tabac et les activités connexes.

Notre point de vue est résumé par la déclaration sur l'emploi dans l'industrie du tabac que beaucoup d'organisations syndicales épousent. M. Rock ne connaît peut-être pas la valeur d'un emploi, mais les travailleurs et leurs syndicats, oui.

Enfin, monsieur le président, voyons un peu l'approche actuelle du gouvernement de la question du tabagisme. Nos membres sont indignés par l'agression incessante du gouvernement contre l'industrie dans laquelle ils travaillent. C'est une industrie légale. Elle fabrique un produit légal qui est fortement taxé et réglementé par le gouvernement. De fait, le gouvernement est déjà l'un des principaux actionnaires de l'industrie canadienne du tabac puisque 60 p. 100 du revenu produit par les ventes de tabac vont déjà dans les poches de l'État.

Nos membres ne comprennent pas pourquoi leur gouvernement adopte des politiques telles que la ridicule réglementation de l'emballage et l'imposition de nouvelles taxes massives qui vont les mettre au chômage. Ils sont fatigués de voir l'argent durement de leurs impôts dépensé dans des campagnes de relations publiques coûtant des millions de dollars qui ne sont pas efficaces et les démonisent, eux et l'industrie dans laquelle ils travaillent.

• 0855

Je conclus, monsieur le président, en relatant un «accident» qui s'est produit au début de l'année. Un grand panneau sur le terrain de l'un de nos employés a été gravement vandalisé. Des slogans antitabac dégradants y ont été apposés. Cet accident regrettable a coïncidé avec une rafale d'annonces publicitaires antitabac à la télévision. M. Rock et ses fonctionnaires sont tout aussi responsables de cette discrimination que ceux qui ont commis ce geste indigne.

Nous pensons qu'en démonisant et en démoralisant l'industrie canadienne du tabac, le gouvernement engendre une atmosphère dangereuse et inflammatoire, injuste et préjudiciable à nos membres et leur famille. Ces hommes et ces femmes ne devraient pas avoir à craindre d'être harcelés simplement à cause du lieu où ils travaillent. C'est mal.

Est-ce réellement ce que le gouvernement devrait faire pour s'attaquer au tabagisme des jeunes? Je ne crois pas. Il est injuste et inefficace pour le gouvernement de s'en prendre particulièrement à certaines industries et certains groupes de travailleurs. Les Canadiens seraient mieux servis par des politiques efficaces allant au coeur des problèmes sociaux.

Je remercie encore une fois le comité de cette occasion de comparaître devant lui. Nous apprécions que vous preniez en compte notre position sur ces changements importants. Nos membres vous demandent de préserver leur gagne-pain et celui de leurs familles, leur avenir et leurs collectivités. Désigner des boucs émissaires ne fera rien pour améliorer la santé de la jeunesse canadienne, on ne fera que créer des victimes et du chômage. Nous voulons faire partie de la solution, et non pas être des pantins sur la scène politique.

Je serais heureux de répondre aux questions du comité.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kelly, pour votre mémoire et vos propos.

Quelqu'un d'autre va-t-il faire un exposé ou bien pouvons-nous passer aux questions?

Je pense que peut-être les questions...

M. Sean Kelly: Monsieur le président...

Le président: Monsieur Kelly.

M. Sean Kelly: ... nous avons une liste de syndicats appuyant notre position que...

Le président: Oui. Le greffier va en prendre réception.

Quelqu'un d'autre souhaite-t-il la parole à ce stade?

Dans ce cas, monsieur Mills, voulez-vous ouvrir la période de questions, je vous prie?

M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): En ce qui concerne ce que vous avez dit du processus de consultation, etc., la plupart d'entre nous conviennent qu'il est important et qu'il doit permettre de cerner les difficultés de chacune des parties. Mais il n'en demeure pas moins que 45 000 personnes meurent du tabagisme chaque année dans ce pays. Davantage de jeunes semblent être attirés par la cigarette. Nous avons, de toute évidence, l'obligation de protéger la santé des Canadiens.

Je me demande quelle sorte d'options...? Les choses évoluent. La société change. Les habitudes changent. Je n'ai rien entendu de positif concernant les autres options que certains de ces travailleurs pourraient choisir. Le gouvernement pourrait, devrait, contribuer à en trouver, par exemple cultiver du raisin au lieu de tabac, ce genre de choses. Sont-ce là des options? Y a-t-on réfléchi? Le syndicat envisage-t-il ce genre d'options pour les travailleurs? Il me semble que c'est ainsi que l'on protège les travailleurs face à une évolution sociale—car il y aura moins de fumeurs à l'avenir.

M. Sean Kelly: Vous m'avez peut-être mal compris. Nous ne parlons pas ici des cultivateurs, mais des travailleurs industriels...

M. Bob Mills: Oui.

M. Sean Kelly: ... gagnant 33 $ de l'heure. Nous ne parlons pas de culture du raisin.

Pour ce qui est du problème de la jeunesse, il est très évident que le gouvernement et tous ces autres organismes ont jusqu'à présent excellé dans l'échec, et il est très évident qu'il doit y avoir de meilleures façons de faire.

Il me semble qu'avec un meilleur dialogue nous serions mieux équipés pour instaurer des programmes de sensibilisation, des programmes plus efficaces, notamment visant les jeunes à l'école, avec l'aide des enseignants, etc. Cela me paraît beaucoup plus efficace que d'effrayer les jeunes au moyen d'annonces télévisées et d'inscriptions sur les paquets de cigarettes. Cela ne marche pas. Avez-vous jamais eu 16 ans? Je suis sûr que oui, tout comme moi, et il n'y avait pas grand-chose qui me faisait peur à cet âge. Si j'avais voulu fumer, je n'aurais certainement pas pris le temps de déchiffrer des inscriptions ou ce genre de choses.

• 0900

M. Bob Mills: Quelle sorte de programmes pour les jeunes aimeriez-vous? À votre avis, qu'est-ce qui pourrait empêcher un jeune de fumer?

M. Sean Kelly: Je pense que ce serait un programme de sensibilisation des jeunes dans les écoles. Encore une fois, éduquez-les à ce niveau, mais n'oubliez pas une chose: lorsqu'ils arrivent à l'âge de prendre des décisions, ils n'ont pas besoin du gouvernement pour décider à leur place de fumer ou non. C'est une décision qu'ils prennent eux-mêmes, en tant que citoyens d'une société libre. C'est la même chose que la décision de boire, de conduire une voiture ou de monter dans un avion.

Le président: Henri, voulez-vous la parole?

[Français]

M. Henri Massé: La santé et la sécurité des travailleurs figurent parmi les plus grandes préoccupations de la FTQ, de ses organisations de travailleurs, de ses syndicats affiliés et du Congrès du travail du Canada.

Là où le bât blesse, c'est quand on ne prend pas les bons moyens pour arriver à son but. Je vous donnerai l'exemple d'une situation qu'on a vue au Québec, la province où je vis. Il y avait des programmes d'éducation très bien articulés dans toutes les écoles du Québec en vue d'éduquer les jeunes sur le tabagisme et de les convaincre de ne pas commencer à fumer ou, s'ils avaient commencé à le faire, de les aider à arrêter de fumer. Malheureusement, tous ces programmes ont été éliminés et on n'offre plus un seul programme de ce genre aux jeunes dans les écoles au Québec. La même chose s'est produite dans de nombreuses autres provinces. Le gouvernement fédéral a cessé de subventionner et d'appuyer de tels programmes d'éducation sur le tabac. On ne fait plus d'éducation auprès des jeunes sur le tabagisme au Canada. La première solution à laquelle nous devrions songer pour régler ce problème est d'investir dans ces programmes.

Je crains qu'on soit en train de banaliser la situation. Rappelons-nous les annonces que diffusait la Société de l'assurance automobile du Québec, où l'on montrait des accidents de la route extrêmement graves. Au début, ces annonces étaient très percutantes et avaient beaucoup d'effet. La Commission de la santé et de la sécurité au travail a elle aussi commencé à faire le même genre de campagnes. Mais à force de voir 22 fois par jour des annonces nous mettant en garde face à ces dangers imminents et accidents épouvantables, on en vient à les banaliser. Les gens allument la télévision et ne se préoccupent même plus de cela. Ces annonces qui nous ont choqués au départ n'ont plus aujourd'hui l'effet voulu.

On discute ce matin de règlements sur l'étiquetage. On applique partout au Canada, dans toutes les provinces, une série de règlements relatifs au tabac dans les milieux de travail. Je m'oppose à ces annonces que finance à l'heure actuelle le gouvernement fédéral et où l'on accuse clairement les entreprises d'être des criminels alors que le tabac est toujours un produit légal. À quoi servent ces annonces? Elles ne préviennent pas le tabagisme chez les jeunes et ne contribuent pas à diminuer le tabagisme chez les plus âgés.

Je vous dis encore une fois qu'il faut miser sur l'éducation. On ne dit pas qu'il ne devrait pas y avoir de règlements sur le tabac, mais il faut s'assurer que nos règlements atteignent la cible et ne mettent pas en jeu des emplois, comme ils risquent de le faire à l'heure actuelle. Nous sommes convaincus que ces annonces n'ont que peu d'influence, alors que les programmes d'éducation sont beaucoup plus efficaces.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Wilson, s'il vous plaît.

M. Gordon Wilson (consultant, Syndicat des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, de la confiserie, du tabac et des minoteries): Merci. J'aimerais répondre à une question antérieure. Je suis heureux d'entendre que le gouvernement est désireux de connaître le point de vue de travailleurs, mais je suis un peu dérouté. J'ai en main une lettre que le ministre a adressée en avril de cette année à Elaine Price, qui est la présidente de la Newfoundland and Labrador Federation of Labour. Elaine avait demandé la possibilité d'exprimer son avis, et le ministre lui a répondu dans sa lettre:

    En outre, des représentants des syndicats ont été informés que Santé Canada mènerait une analyse de coût/bénéfice englobant une évaluation des répercussions sur l'emploi du règlement proposé.

Nous avons demandé, comme M. Kelly et M. Massé l'ont déjà dit ici à plusieurs reprises, précisément cela, sans succès. Maintenant, nous sommes confrontés au règlement, sans avoir eu notre mot à dire du tout. Voilà donc notre message ce matin. Il existe une meilleure façon de procéder, une façon transparente et qui prend en compte les effets économiques dans cette équation, en sus des considérations de santé. Voilà ce qui manque dans ce dialogue.

• 0905

Je ferais aussi une remarque. Comme M. Massé l'a dit il y a un instant, nous trouvons un peu étrange que l'on s'obnubile tant sur la santé de 45 000 Canadiens. J'accepte votre chiffre. Je ne sais pas, je suis profane et je ne recueille pas de statistiques.

Mais j'ai en main aussi une documentation adressée par la Fédération du travail de l'Ontario à l'Association pulmonaire. On y lit que, selon Statistique Canada, en 1994—je dois me fier aux statistiques de mon gouvernement, et je ne les conteste pas—4,9 millions de travailleurs ont été exposés à la poussière et aux fibres sur le lieu de travail. En outre, 2,7 millions de travailleurs ont été exposés à des produits et vapeurs chimiques sur le lieu de travail.

L'Agence internationale de recherche sur le cancer indique qu'il existe 84 carcinogènes pulmonaires humains connus, et qu'au moins 23 sont le résultat de procédés industriels. Le vingt-quatrième sur la liste est la fumée de tabac. Nous ne contestons pas les conséquences du tabac sur la santé, mais pourquoi personne ne se préoccupe-t-il des autres cancérigènes? Où est le gouvernement? Je ne le vois pas s'attaquer aux 23 situations plus dangereuses que le tabac dénoncées par les organismes internationaux. Il y a là quelque chose qui cloche.

Si vous allez avoir une politique de santé pour les Canadiens, vous ne pouvez pas simplement choisir un produit parmi d'autres. Il faut s'attaquer à tout. Nous craignons pour notre santé sur le lieu de travail. Vous êtes préoccupés par l'usage général du tabac dans la société. S'agissant du tabac, nous demandons l'ouverture d'un dialogue pour mettre au point une politique qui ne va pas coûter aux gens leur travail à cause des caprices d'un gouvernement. Or, c'est ce qui se passe.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilson.

[Français]

Monsieur Godbout.

M. Clément Godbout (conseiller, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Le président de la FTQ a répondu à la question que posait M. Mills au sujet des jeunes. Je conviens qu'il faut s'adresser principalement aux jeunes et que nous ne pouvons qu'accompagner et aider une personne de 60 ou 65 ans qui a fumé et qui continue de fumer.

Si vous me le permettez, j'aimerais à mon tour poser une question à M. Mills. À partir de quel âge un jeune peut-il acheter ou consommer légalement les produits du tabac au pays? Est-ce que vous le savez? Que prévoit la loi à ce chapitre?

[Traduction]

Le président: C'est une question rhétorique, me semble-t-il. Nous ne parlons pas ici de...

M. Clément Godbout: Pas du tout. Connaissez-vous la réponse?

Le président: Je vous dis que si. Nous sommes ici pour vous poser des questions, pas l'inverse. Si vous avez quelque chose à ajouter, nous vous écoutons. Sinon, nous allons passer à M. Ménard, s'il vous plaît.

M. Clément Godbout: La réponse est qu'il n'y a pas de loi dans ce domaine, monsieur.

Le président: Merci. Nous le savions.

Monsieur Ménard.

M. Clément Godbout: Si vous voulez vous attaquer au tabagisme des jeunes, il faut régler ce problème aussi.

Le président: Je prends note. Merci.

[Français]

M. Réal Ménard: Ce n'est pas désagréable que les témoins nous posent des questions. Cela apporte des éléments de variété dans une vie qui en a quand même besoin.

J'aimerais poser quatre questions à nos témoins. Je veux d'abord que vous sachiez que je n'oublie pas que vous représentez des gens qui se lèvent le matin pour aller travailler et qui le font de manière très honorable. Ce n'est une chose que je remets en cause. Par ailleurs, je sais que vous n'oubliez pas non plus qu'on a le devoir comme parlementaires—vous l'avez dit, monsieur Massé, et je suis convaincu que c'est votre sensibilité réelle—qu'on a le devoir de tout mettre en oeuvre pour dissuader les gens de fumer.

Cela dit, vous avez commencé votre intervention en disant que vous étiez un homme pragmatique. Je pense que c'est dans cette perspective qu'il faut aborder les choses.

Le gouvernement a fait le pari que d'ici 2006, il y aurait 3,42 p. 100 moins de fumeurs, ce qui veut dire qu'environ 2 500 personnes de moins vont mourir du cancer à chaque année. C'est ce qu'il affirme dans ses documents. Dans l'évaluation économique qu'il a faite, et je vais m'assurer que vous l'ayez avant de partir, on nous dit que les activités de consommation vont se réorienter et que 1 954 emplois seront créés, sauf dans le secteur du tabac, où on estime que d'ici 10 ans, 129 emplois auront été perdus. Je vais vous donner copie de cette page avant que vous partiez.

Ce qui m'intéresse de votre mémoire, c'est la façon dont vous nous proposez d'aider les gens qui pourront être menacés par une baisse de la consommation des produits du tabac, tout en maintenant un cadre réglementaire. Je ne veux pas vous cacher que je pars avec un capital de sympathie pour le règlement qui est proposé, mais comme vous, je suis pragmatique et la question des emplois m'intéresse aussi.

Ma première question porte sur la page 5 de votre mémoire, où vous parlez de programmes de réadaptation. J'aimerais que vous précisiez votre pensée. Ces programmes pourraient-ils s'insérer dans un cadre réglementaire ou devrait-on les élaborer en travaillant plus étroitement avec DRHC?

• 0910

J'appuie vos dires au sujet de la nécessité d'une politique globale. Les hauts fonctionnaires de Santé Canada qui se sont présentés devant nous lors de notre première journée de séance ont fait valoir qu'en 1999, on avait investi 3 millions de dollars en publicité pour éduquer les jeunes sur la façon dont ils peuvent arrêter de fumer. Dites-moi où sont les lacunes. Quelle devrait être notre politique globale de lutte contre le tabagisme?

Je pose d'abord ces deux questions et, si le président est indulgent, je vous en poserai deux autres.

[Traduction]

M. Gordon Wilson: À mon avis, il faudrait prendre une partie des 3 millions de dollars dans la poche des agences de publicité et les donner aux enseignants, pour offrir un programme d'éducation communautaire directement dans les écoles, ciblant les jeunes qui sont vulnérables à l'exemple de leurs camarades dans les cours d'école et à toutes ces autres pressions en dehors qui amènent les jeunes à fumer. Il faut commencer par leur dire qu'il est idiot de commencer. Voilà un terme de l'équation.

Il faut réfléchir à un certain moment au deuxième terme de l'équation. Si, en dépit de tous les avertissements et de tous les renseignements dont ils disposent, de tous les programmes de sensibilisation dispensés, ils décident de fumer, en dépit de tout cela, une fois arrivés à l'âge de 18 ou 20 ans, tout comme ils savent qu'ils prennent un risque en conduisant une voiture ou en buvant un verre, il faut bien se demander s'il appartient à l'État d'intervenir dans ce libre arbitre, dans la mesure où le tabac reste légal.

Nous disons que cet argent englouti dans la publicité est mal utilisé. Une fois que vous avez vu trois annonces télévisées, la tête débranche. Une fois que vous voyez trois fois l'avertissement sur le paquet, vous débranchez, ou bien vous couvrez ou arrachez l'étiquette et ne la regardez plus. Prenez cet argent et entrez dans la tête des jeunes. C'est beaucoup plus rationnel.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur.

[Français]

M. Émile Vallée (conseiller politique, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Il va sans dire que les programmes de réadaptation devraient être développés par des spécialistes, y compris les fonctionnaires du ministère du Développement des ressources humaines et Emploi-Québec. On a déjà conclu des ententes avec le Québec, tout particulièrement en vue de la mise en oeuvre de mesures actives. Nous maintenons que le gouvernement devrait créer un programme spécial lorsqu'il y a une perte d'emplois directement reliée à une mesure qu'il a adoptée. Le gouvernement a la responsabilité de mettre en oeuvre des programmes à l'intention de ces travailleurs et nous croyons que c'est son ministère du Développement des ressources humaines qui devrait s'en charger.

En ce qui concerne l'éducation, il est évident que la somme de 3 millions de dollars que dépense le gouvernement pour sa publicité visant à convaincre les gens d'arrêter de fumer est très modeste comparativement aux revenus de 5 milliards de dollars qu'il perçoit. Nous ne sommes cependant pas en mesure de vous dire quelle somme il devrait dépenser, quoique nous maintenons que ces 3 millions de dollars sont nettement insuffisants.

Le président: Ce sont des «pinottes».

M. Réal Ménard: Les convictions que vous avez exprimées sont basées sur votre bons sens puisqu'aucune étude n'a été faite à ce sujet. C'est la première fois qu'on imprimera des images sur les paquets de cigarettes. On a proposé l'impression de 16 messages rotatifs. Je respecte votre opinion, à savoir qu'on n'atteindra pas l'objectif visé. Par ailleurs, ne seriez-vous pas prêts à considérer que, par conscience sociale, on n'a pas le droit de ne pas essayer? Ce n'est pas moi qui vais souhaiter que le gouvernement fédéral intervienne dans les écoles parce que je crois l'éducation est une responsabilité du gouvernement du Québec. Ne devrait-on pas, par conscience sociale, au moins essayer cette stratégie pendant trois, quatre, cinq ou six ans? N'oubliez pas, monsieur Massé, que le Québec est la province où il y a le plus grand nombre de jeunes qui fument; 37 p. 100 des jeunes Québécois fument.

Il y a cinq ans, 29 p. 100 des personnes âgées de 15 ans et plus fumaient, alors qu'à l'instant où on se parle, ce pourcentage s'établit à 25 p 100. Le gouvernement a fait le pari que le nombre de fumeurs allait diminuer d'environ 4 p. 100 au cours des prochaines années. Souhaitons qu'il ne se trompe pas. Il n'a peut-être pas recours au bon moyen, mais est-ce que, par conscience sociale, on ne devrait pas se dire qu'on n'a pas le droit de ne pas essayer une stratégie comme celle-là?

M. Henri Massé: La FTQ est un partenaire fiable. Nous sommes habitués à dire ce que nous avons à dire et nous le faisons au bon moment. On continue à dire qu'on pense que ce qu'on est en train de concevoir est politically correct, mais n'aura aucune influence. Je me souviens d'avoir fait des démarches avec Clément Godbout autant auprès du gouvernement du Québec que du gouvernement fédéral quand on proposait une augmentation de taxes tous azimuts sur le tabac. On s'est tués à vous dire que vous étiez en train de créer un réseau de contrebande et qu'on passerait complètement à côté de l'objectif. C'est effectivement ce qui est arrivé. On retrouve aujourd'hui ce réseau de contrebande dans l'alcool. Plus de la moitié de l'alcool fabriqué au Canada est vendu en contrebande. On pourrait augmenter encore un peu les taxes sur le tabac, mais il ne faut pas oublier que le réseau de la contrebande est encore bien vivant. Nous ne nous opposons pas à toute augmentation de taxes, mais si on ne fait pas attention, ce réseau va repartir très rapidement. Nous vous mettons en garde. Les choses se sont passées de cette façon la dernière fois.

• 0915

On se propose d'imprimer sur les paquets une image des poumons d'un fumeur afin de montrer aux gens les méfaits effrayants de la cigarette. Cela aura peut-être un effet très, très limité pendant quelques mois. Je reprends l'exemple des campagnes qu'a faites la Société de l'assurance automobile du Québec et qui n'ont servi à rien. On voit 10 fois par jour des tripes à la télé. Je ne sais pas ce qui se passe ces temps-ci, mais il n'y a presque pas de surveillance policière sur les routes. J'ai fait le trajet Montréal-Québec environ 20 fois en deux semaines et je puis vous dire qu'on roule sur les routes à une vitesse épouvantable.

M. Réal Ménard: Ce n'est pas vous qui roulez à cette vitesse, n'est-ce pas?

M. Henri Massé: Je ne le sais pas.

Des voix: Ah, ah!

M. Henri Massé: On a beau mettre sur pied de tels programmes et se faire accroire qu'on devrait avoir peur, mais à force de se faire peur, on n'a plus peur. C'est encore ce genre de programme qu'on est en train de bâtir.

Je vous répète que nous sommes en faveur de certains programmes. Comme l'indiquait Clément Godbout, bien que dans la plupart des provinces la loi prévoie qu'un jeune ne peut pas acheter de l'alcool avant d'avoir atteint tel âge, aucune loi semblable n'est appliquée pour le tabac. Même si la loi empêche un marchand de vendre directement des cigarettes à un jeune avant qu'il ait un certain âge, il peut en vendre à un individu qui va aller les revendre aux jeunes. Il en est ainsi au Québec et on constate qu'il y a un marché noir autour des écoles. Des personnes achètent du tabac et le revendent aux jeunes. Il n'y a pas de loi qui les empêche de le faire. Pourquoi ne s'occupe-t-on pas des vraies problèmes au lieu de faire semblant de le faire? Voilà tout simplement la question que nous posons.

M. Réal Ménard: Mais vous ne croyez pas que le paquet de cigarettes puisse être un médium d'information? Vous ne croyez pas à ça du tout?

M. Henri Massé: Absolument pas.

M. Réal Ménard: D'accord.

M. Henri Massé: On imprime déjà des messages que personne ne lit.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Est-ce que chacun dans le groupe de témoins va avoir trois ou quatre questions pour Monsieur Ménard?

Une voix: Non, je ne pense pas.

Le président: Oh, je vois. Merci beaucoup.

[Français]

M. Réal Ménard: Moi, j'ai d'autres questions.

[Traduction]

Le président: Oui. Je comprends.

[Français]

M. Réal Ménard: J'ai d'autres questions.

[Traduction]

M. Gordon Wilson: Je pense que M. Ménard met le doigt sur le problème. Puis-je répondre à M. Ménard?

Il est intéressant et productif d'avoir un débat sur la meilleure façon d'entrer dans la tête des jeunes, afin de les dissuader de commencer à fumer. Mais je peux vous dire qu'en tant que travailleurs, ce qui nous indigne réellement, c'est de voir notre gouvernement s'asseoir et s'arranger avec les fabricants de cigarettes, d'une manière qui assure la survie des sociétés et met en péril les emplois des travailleurs.

Si vous croyez que je plaisante... Nous ne sommes pas stupides. Nous voyons ce qui se passe. Lorsque le gouvernement négocie avec les sociétés des textes flous qui permettent aux sociétés de survivre, nous savons aussi que dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui cela nous met sur une pente glissante, car elles vont faire ce que font toutes les sociétés. Elles vont trouver les fournisseurs ayant les prix les plus bas possibles pour continuer d'exister. Cela signifie pour nous que des emplois à 33 $ de l'heure dans le secteur manufacturier vont disparaître. Cela signifie que dans le secteur de l'imprimerie nous allons perdre des emplois à 26 $ et 28 $. Les travailleurs âgés de 50 ans, ayant 30 et 35 années d'ancienneté, vont passer à la trappe.

Voilà le mécanisme que vous mettez en place, et qui ne coûtera rien au gouvernement. Il va toujours tendre la main et percevoir la taxe d'accise, quelle que soit la façon dont le produit arrive sur le marché canadien. Il va continuer à faciliter l'existence des sociétés dans une économie mondialisée multinationale, car nous savons tous que l'industrie canadienne du tabac n'est plus canadienne. C'est un euphémisme. Elle appartient au Japon, aux États-Unis et à l'Europe.

Que vont faire les travailleurs? Comme M. Mills l'a suggéré, nous pouvons dire adieu à nos emplois à 33 $ de l'heure, pleurer et aller récolter du raisin. Bien, merci beaucoup, cela ne nous intéresse pas. Nous pensons que notre gouvernement a l'obligation de nous parler, à nous les travailleurs, des répercussions sur notre vie, nos collectivités et notre avenir. Voilà ce que nous sommes venus vous dire.

Vous ne pouvez pas nous exclure du processus. Vous devez nous donner une place à la table. Vous devez nous permettre de lutter pour notre gagne-pain et nos emplois.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilson.

Il me semble que c'est précisément ce que vous faites aujourd'hui.

Monsieur Charbonneau, s'il vous plaît.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt les présentations de nos témoins, notamment celle la la FTQ. Il va sans dire que, comme élu et comme politicien, se faire parler de la possibilité de pertes d'emplois à la suite d'une mesure qui pourrait être prise est toujours très troublant.

• 0920

Ce qui nous réunit autour de la table au-delà de nos différences, c'est notre préoccupation de créer des emplois en général, de développer l'emploi. Quand vous nous arrivez avec des arguments qui touchent les pertes d'emplois, cela a naturellement un effet troublant pour nous.

D'autre part, j'ai été sensible à la partie de votre présentation dans laquelle vous avez fait état de vos tentatives d'entrer en communication avec Santé Canada. Il semble que ça été très difficile et que les rencontres que vous avez eues ont été peu satisfaisantes. Quand vous avez cité votre lettre du mois de février, je me suis hâté de voir si j'étais mentionné dans la lettre. Heureusement que je ne l'étais pas parce que j'aurais été moi aussi dans l'embarras, mais puisque je ne l'étais pas, je n'ai pas pu contribuer à favoriser une rencontre, ce qui aurait pu être fait.

M. Henri Massé: Il y en aura une la prochaine fois.

M. Yvon Charbonneau: Je vais donc vérifier quant à la qualité de la consultation qu'il y a eu. Je vais demander qu'on m'éclaire là-dessus.

Pour ce qui est du débat lui-même, vous semblez prendre de front la question des projets de loi. Vous dites que vous être pragmatique, mais vous dites en même temps que vous n'en voulez pas. Il faudrait peut-être aussi regarder comment on pourrait modifier ces règlements pour les rendre plus acceptables si vous voulez prendre une voie véritablement pragmatique.

De la façon dont c'est parti, il va y avoir des règlements. Il vaudrait peut-être mieux travailler à ce qu'ils soient plus acceptables que de dire qu'il n'y aura pas de règlements. C'est le comité de la Santé ici. Mon confrère Mills a donné des chiffres et nous sommes tous d'accord là-dessus. Personne n'a contesté cela. On parle de 45 000 morts par année. C'est la plus grande cause de mort évitable au Canada.

Nous avons donc la responsabilité de travailler à réduire cette hécatombe annuelle. Vous nous dites que nous misons sur la peur et que nous faisons fausse route. Nous, nous prétendons que nous misons sur l'information. C'est une information qui fait peur quand on la connaît. C'est une conséquence. Est-ce que l'information que nous proposons de mettre sur les paquets est fausse? Si oui, nous avons un problème. Si elle est vraie et qu'elle fait peur, c'est à ceux qui ont de mauvaises habitudes d'examiner leurs habitudes.

On dit qu'il y a eu des campagnes semblables au Québec pour ce qui est de l'alcool, et les statistiques ont montré qu'il y avait eu une grande diminution du nombre d'accidents de la route attribuables à l'alcool, bien qu'il en reste trop. Malgré l'augmentation du trafic routier et du nombre de détenteurs de permis, il y a quand même eu une diminution notoire du nombre d'accidents reliées à l'alcool. Est-ce dû aux annonces en particulier ou à un ensemble de facteurs? C'est difficile de chercher le facteur particulier, mais on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de diminution. Il y en a eu une.

J'aimerais aussi souligner qu'il serait bon de vous entendre parler de la peur ou de la publicité trompeuse qui est employée par les compagnies. Elles dépensent des dizaines et des dizaines de millions de dollars pour essayer de présenter l'habitude de fumer dans un contexte plaisant, socialement agréable, attrayant pour les jeunes, etc. C'est très grave. Je n'ai pas entendu de propos très durs de votre part là-dessus. C'est très grave, et maintenant, on n'a plus le droit de ne pas savoir depuis l'apparition d'un certain nombre de documents récents qui avaient été cachés pendant des années. On sait maintenant qu'il y a des stratégies très, très sophistiquées pour créer la dépendance; on sait qu'il y a des mélanges de tabac contenant des substances chimiques qui augmentent la dépendance. Ce sont des réalités. Nous sommes obligés de faire face à cela, tout comme Santé Canada.

Vous dites être sensibles aux questions de santé et aux questions d'éducation. Je pense qu'on n'investit pas assez dans l'éducation. On parle aujourd'hui d'un règlement sur l'emballage, sur l'étiquetage. C'est une partie de cela. De votre côté, vous dites non. Par contre, vous nous ouvrez la porte du côté des programmes d'adaptation. Mon collègue Ménard a déjà soulevé cette question de l'adaptation, et je vais vous demander si vous avez des exemples, de programmes d'adaptation qui ont fonctionné dans d'autres domaines. À ce moment-là, on pourra se mettre à la recherche de tels programmes et voir ce qu'il y a à faire à cet égard.

Vous êtes contre les augmentations de taxes. Il nous faut quand même des moyens pour financer des programmes d'adaptation. J'imagine qu'il faudrait graduer les augmentations s'il doit y en avoir. Pour nous, ce moyen en est un parmi un ensemble de moyens. Ce n'est pas le seul et ce n'est pas le principal, non plus.

• 0925

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Charbonneau.

Oui, monsieur Massé.

[Français]

M. Henri Massé: On n'a pas dit qu'on était contre les augmentations de taxes. Il faut faire attention. Il y a actuellement des gens qui suggèrent des augmentations qui, nous en sommes convaincus, nous mèneraient directement à la contrebande.

Pour ce qui est de la publicité, il n'y a plus de publicité sur le tabac. Quand est venu le moment de l'abolir, vous n'avez pas entendu crier la FTQ contre cela. On était d'accord sur cela.

J'aimerais vous rappeler que 35 p. 100 de la surface du paquet de cigarettes est occupée par un message au Canada. Le Canada a été le premier pays au monde à faire cela et il est encore pratiquement l'un des seuls à le faire. Cela n'a pas donné les effets escomptés. On veut aujourd'hui augmenter ce pourcentage. Nous pensons que cela n'aura pas d'effet.

On faisait un parallèle avec les accidents de la route. Oui, il y a eu une campagne de publicité sur les accidents de la route et l'alcool au volant, mais il y a eu une série d'autres mesures efficaces en parallèle. Dans le dossier du tabac, c'est là que le bât blesse. Dans chacune des provinces canadiennes, on est en train de légiférer et de réglementer. Aujourd'hui on travaille à l'étiquetage. Je sais qu'on aura ensuite un autre règlement sur la question des présentoirs. Il n'y a pas de politique globale sur le tabagisme au Canada. Il me semble qu'il devrait d'abord y avoir des discussions entre le Canada et les provinces. Si on est sérieux, on devrait avoir une politique antitabagisme qui est correcte, qui donne une bonne place à l'éducation, mais on adopte une série de mesures à la pièce. On travaille toujours à la pièce.

On vient vous voir ce matin. Bien sûr, si on regarde juste ce règlement, vous pourrez dire qu'on est complètement contre alors qu'on se dit pragmatiques, mais on se fait toujours prendre dans le coin, quelque part, avec un petit règlement qui sort de nulle part et qui n'est pas rattaché à une politique d'ensemble. C'est pour ça qu'on est «en maudit».

Quand on a adopté d'autres règlements un peu partout, on a essayé de discuter et de dialoguer, mais cela n'a pas été possible. Vous ne pouvez pas dire qu'on n'a pas essayé dans ce cas-ci. S'il y a des solutions à trouver, on est prêts à les chercher. On vient vous dire qu'on a déjà des solutions et qu'on est prêts à en chercher, mais on est convaincus qu'on n'ira nulle part. On est toujours capables de trouver des solutions, mais il faudrait peut-être arrêter de travailler à la pièce dans le dossier du tabac. S'il est vrai que le tabac fait 45 000 morts par année et qu'on prend cela au sérieux, il me semble qu'on devrait avoir une politique beaucoup plus globale et beaucoup plus sérieuse.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Quels exemples de programmes de transition ou d'adaptation avez-vous?

M. Émile Vallée: Le premier programme de transition a été établi il y a une trentaine d'années dans le secteur de l'automobile, lors de l'introduction du Pacte de l'automobile à la fin des années 1960, mais il y a des exemples plus récents. Il y a le programme PATA pour les travailleurs âgés. Il y a aussi le programme CCCES dans le secteur de la sidérurgie; il s'agit d'un organisme conjoint patronal-syndical pour faciliter la réadaptation des travailleurs avant même que les mises à pied aient lieu. Ce programme existe depuis une douzaine d'années et fonctionne vraiment bien.

M. Yvon Charbonneau: Est-ce un programme canadien ou un programme du Québec?

M. Émile Vallée: C'est un programme canadien.

M. Yvon Charbonneau: Et les pêches?

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Si j'ai bien saisi, M. Wilson a dit que le gouvernement fédéral a conclu des arrangements avec l'industrie du tabac. Pourriez-vous nous en donner un exemple?

M. Gordon Wilson: Je pense que le règlement, dans sa forme finale, ne sera pas aussi rigoureux pour ce qui est du graphisme. Il va laisser une marge de manoeuvre en ce qui concerne la couleur des paquets de cigarettes. Je faisais ressortir que dans une économie mondialisée, qui permet aux sociétés de...

M. Paul Szabo: Si vous le permettez, ce sont là des arrangements potentiels dont vous parlez. Y en a-t-il eu par le passé?

M. Gordon Wilson: Non, non. Je parlais de...

M. Paul Szabo: Vous spéculez donc qu'une fois tout cela décidé...

M. Gordon Wilson: Eh bien, c'est un peu plus que de la spéculation à ce stade.

M. Paul Szabo: D'accord, je comprends.

Deuxièmement, les deux groupes ont dit que les modifications proposées à l'étiquetage ne vont pas être efficaces. Pourriez-vous nous envoyer une copie d'une étude faisant autorité à l'appui de ce point de vue?

• 0930

M. Gordon Wilson: Permettez-moi de répondre, monsieur Szabo. Je parlais du graphisme. Nous n'avons pas d'objection particulière au texte imprimé sur les paquets. Les gens ont le droit de savoir. D'ailleurs, dans le mouvement syndical, nous disons toujours que les gens ont le droit de savoir à quoi ils sont exposés au travail. Cela fait longtemps que nous militons pour que toutes les substances cancérigènes soient affichées sur le lieu de travail. Peut-être faudrait-il jeter un coup d'oeil sur les émissions des véhicules et les effluents chimiques, et expliquer aux gens pourquoi on ne les met pas en garde contre eux.

M. Paul Szabo: Certainement.

M. Gordon Wilson: En l'occurrence, nous avons un problème avec le graphisme et c'est fondé sur l'expérience. Je sais que lorsque je vois une annonce télévisée trois fois, elle ne me touche plus. Je signale que je ne suis pas fumeur. J'ai vu des gens poser un paquet de cigarettes sur la table et mettre leur briquet dessus pour cacher l'avertissement.

Nous savons qu'il est question d'imprimer des messages sur le cellophane. Que se passe-t-il dès que l'on ouvre le paquet? Il disparaît. Les gens ne le conservent pas pour le regarder pendant qu'ils finissent le paquet.

M. Paul Szabo: Je crois comprendre.

M. Gordon Wilson: Merci.

M. Paul Szabo: Ce sont des preuves empiriques.

J'en viens à ma dernière question, monsieur le président.

Monsieur Wilson, en conclusion de votre exposé, vous avez déclaré, et je cite: «Nous voulons faire partie de la solution».

M. Gordon Wilson: Oui.

M. Paul Szabo: Vous n'êtes pas en faveur des changements proposés à l'étiquetage ou au règlement. Quelle solution au tabagisme proposez-vous? Le fait est que plus de 40 000 personnes meurent chaque année et que nos enfants et nos jeunes sont la cible privilégiée de l'industrie du tabac. Quelle solution apportez-vous à la table, afin que nous puissions recommander une solution de rechange au ministre de la Santé?

M. Gordon Wilson: Nous disons que la peur comme motivation est moins efficace qu'une démarche intelligente disant aux gens: «Voici les raisons logiques de ne pas fumer». Tout de même, lorsqu'on place des renseignements dans l'esprit de jeunes gens—je parle de la sixième, septième, huitième année d'école—dans le cadre d'un programme du système scolaire public, expliquant systématiquement pourquoi il ne faut pas fumer à cet âge... C'est l'âge où les jeunes sont vulnérables. C'est là où ils sont soumis à l'influence des camarades, qui les amène à commencer de fumer.

M. Paul Szabo: Mais avez-vous une solution de rechange à proposer?

M. Gordon Wilson: Nous en connaissons une qui est à l'essai. Je ne suis pas libre d'en parler. Nous savons qu'elle est mise à l'essai dans diverses régions du pays. Je ne suis pas libre d'en dire plus.

M. Paul Szabo: D'accord, je comprends.

M. Gordon Wilson: Nous disons ici qu'il faut abandonner ce qui n'a pas donné de résultats jusqu'à présent. Comme M. Massé l'a dit, cela fait des années que la publicité pour le tabac est interdite dans notre pays. Nous avons vu récemment des annonces télévisées. Je peux vous dire ce que font la plupart des gens, ils se détournent. Ils ne veulent pas les voir. C'est comme lorsque les blessés sont rentrés après la Seconde Guerre mondiale. On brandissait des drapeaux lorsqu'ils sont partis, mais on ne voulait pas les voir lorsqu'ils sont revenus.

M. Paul Szabo: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Nous avons apprécié les mémoires et les réponses de tous les membres du panel du Syndicat des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, de la confiserie, du tabac et des minoteries, ainsi que de la FTQ. Merci beaucoup.

Nous avons pris un peu de retard, et nous allons passer aussi rapidement que possible au groupe suivant, commençant avec le professeur Rob Donovan d'Australie de l'Ouest, l'Association pulmonaire canadienne, la Fondation des maladies du coeur du Canada et la Société canadienne du cancer.

• 0935




• 0938

Le président: Mesdames et messieurs, nous allons commencer avec le panel suivant. Il y a quatre participants. Nous commencerons avec le professeur Rob Donovan, de l'université Curtin en Australie occidentale. Ensuite nous entendrons la Société canadienne du cancer, représentée par M. Rob Cunningham, analyste principal de politiques, puis la Fondation des maladies du coeur du Canada dont le Dr Peter Glynn est président du comité des relations extérieures. Enfin, nous donnerons la parole à l'Association pulmonaire canadienne, représentée par son vice-président, Louis Brisson.

Professeur Donovan, merci et bienvenue au Canada. Nous savons que vous avez un avion à prendre cet après-midi, et c'est pourquoi nous voulons entendre votre témoignage en premier et vous poser nos questions rapidement. Vous avez la parole.

M. Rob Donovan (professeur, université Curtin, Western Australia): Merci, monsieur le président, et merci aux membres de la Chambre des communes, de cette invitation à comparaître devant vous aujourd'hui.

Pour me situer, j'ai un doctorat en psychologie, ma spécialité étant la perception visuelle. J'ai travaillé comme analyste de marché pendant environ 15 ans. J'ai mis au point pendant cette période un test d'emballage, qui a depuis été intégré à un manuel nord-américain. Ce test est conçu pour mesurer la capacité d'un emballage d'attirer l'attention et de transmettre l'information voulue.

J'ai enseigné le marketing et le comportement des consommateurs dans des écoles commerciales australiennes et américaines. J'ai entamé des recherches sur le tabac il y a une vingtaine d'années et ai effectué à ce titre la première recherche pour le gouvernement australien, lorsqu'il a introduit vers le milieu des années 80 la série d'avertissements sur les paquets de cigarettes.

• 0940

Au cours des 15 dernières années, en gros, je me suis principalement occupé de promotion de la santé et de recherche sur la politique sociale et je suis actuellement professeur de recherche comportementale à la Faculté des sciences sanitaires de l'université Curtin. Je suis également membre d'un comité consultatif national d'experts du tabac conseillant le gouvernement australien.

J'ai une série de remarques à formuler, au nombre de quatre ou cinq. Premièrement, s'agissant de la dimension des paquets, je suis pleinement en faveur d'une augmentation de la taille des avertissements. J'imagine que si vous êtes dans un pays étranger et voyez deux panneaux, un en caractères de 10 centimètres de haut et l'autre de 50 centimètres, même si vous ne parvenez pas à déchiffrer ce qui est écrit, vous prêterez immédiatement davantage attention au plus grand et lui attribuerez plus d'importance. Donc, la taille compte réellement. Plus la taille est grande, de façon générale, plus grande est l'autorité, l'importance et la crédibilité du message.

En ce qui concerne l'utilisation d'images sur les paquets, il est vrai qu'avec un balayage rapide de l'oeil on peut facilement occulter des mots ou un texte. Une information visuelle est beaucoup plus frappante. Il suffit d'une fraction de seconde pour absorber une image. Pour inverser un vieux dicton, un mot vaut mille éléments visuels, car c'est là le coefficient approximatif.

Par ailleurs, en ce qui concerne les images sur les emballages, la recherche commerciale a montré que lorsque cette image visuelle renvoie aux images publicitaires, elle engendre plus efficacement une attitude favorable envers le produit au point de vente. Donc, l'emploi d'images, pouvant être associées à d'autres éléments de la campagne de communication, produit un effet synergistique et renforce l'impact des autres messages publicitaires.

Nous savons également que les risques pour la santé sont la première motivation des fumeurs désireux d'arrêter et de ceux qui y parviennent. Une image visuelle sur le paquet de cigarettes rappelle constamment aux fumeurs la raison pour laquelle ils devraient arrêter. Le fait que les fumeurs placent leur briquet sur l'avertissement du paquet prouve par lui-même qu'ils remarquent le message. Ils l'ont lu. Sinon, ils ne le cacheraient pas avec leur briquet. Peut-être même achètent-ils des briquets plus grands pour mieux masquer les images.

Si vous regardez la catégorie du produit, l'imagerie qui est associée est la somme de toutes les images de marque dans cette catégorie. Donc, modifier l'emballage de cette façon va affaiblir les images de marque encore plus qu'elles ne l'ont déjà été—les affaiblir considérablement. Cela devrait affaiblir l'imagerie d'ensemble de la catégorie de produits, et nous savons que dans le cas des jeunes, l'imagerie associée au fait de fumer est l'un des facteurs de motivation.

Cela aura, à mon avis, un impact potentiel majeur dans un domaine émergent de la santé publique et de la moralisation. Les recherches récentes ont étudié les réactions de dégoût et leur relation aux valeurs. Alors que d'autres inclinations et aversions peuvent être liées aux attitudes ou préférences et sont relativement faciles à changer, des émotions comme le dégoût sont plus difficiles à modifier. Elles sont généralement conditionnées par le système nerveux autonomique et très difficiles à transformer, comme le montrent les essais de conditionnement au dégoût.

Les recherches que nous avons effectuées suite à certaines de nos annonces récentes en Australie engendrent ce que l'on appelle une réaction de «beurk». Un commentaire courant dans les groupes types et les sondages quantitatifs—et j'ai constaté la même chose au Canada—est que les gens qualifient certaines de ces images de dégoûtantes. Plus l'on conditionne des réactions de dégoût à la cigarette, et plus elles seront résistantes au changement. Il y a donc là un potentiel majeur à ne pas négliger.

Un dernier mot sur certaines positions du panel précédent. La peur est l'une des émotions d'adaptation biologique les plus puissantes que l'on connaisse. En l'absence de peur, nous ne vivrions pas très longtemps. Le fait est que la peur est extrêmement efficace, pourvu que la cible—le sujet—ait le moyen d'éviter le danger. Or, il existe manifestement un moyen simple d'éviter le danger de la cigarette, et c'est de s'arrêter de fumer. Cela ne signifie pas qu'il est facile d'arrêter, et il faut donc mettre en place toutes sortes de moyens de soutien. Mais la peur est efficace et tous les chercheurs et praticiens s'accordent là-dessus.

L'autre argument était l'accoutumance, à savoir que l'esprit bloque les messages effrayants après un moment. C'est certes un problème. Tous les publicitaires le connaissent, qu'il s'agisse d'annonces commerciales ou de messages sur la santé. La solution n'est pas de rejeter toute l'approche, mais plutôt de chercher des moyens de revitaliser et renouveler les images. Je pense que la notion de six à huit images, environ, reproduites en rotation sur les paquets, devraient régler le problème de l'accoutumance. Mais c'est un aspect qu'il ne faut pas perdre de vue et dont il faut toujours tenir compte.

• 0945

Enfin, je vous remercie encore une fois de votre invitation à comparaître. Je félicite Santé Canada et le gouvernement canadien de prendre cette initiative. Je pense qu'elle inspirera d'autres pays et je la recommanderai au gouvernement australien.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, professeur Donovan. Il est toujours intéressant de voir une perspective différente provenant d'un autre pays et nous vous sommes reconnaissants de votre temps, de votre présence et de vos avis.

Nous allons passer à la Société canadienne du cancer, avec Rob Cunningham.

M. Rob Cunningham (analyste principal de politiques, Société canadienne du cancer): Merci, monsieur le président.

Le président: Rob, avant de commencer, ceci est un mémoire de la Société du cancer. Est-ce exact?

M. Rob Cunningham: C'est juste.

Le président: Avez-vous l'intention d'en faire lecture dans le cadre de votre exposé?

M. Rob Cunningham: Je préférerais terminer ce témoignage au cours de ce millénaire.

Le président: Excellent, merci beaucoup.

[Français]

M. Rob Cunningham: Je m'appelle Robert Cunningham et je travaille comme avocat et analyste principal des politiques au bureau national de la Société canadienne du cancer. Au nom de tous nos bénévoles d'un bout du pays à l'autre, je veux remercier le comité de nous donner aujourd'hui l'occasion de témoigner et d'exprimer notre appui aux deux règlements que nous avons devant nous, qui visent à améliorer les avertissements sur la santé et à accroître les exigences quant aux rapports de l'industrie.

[Traduction]

À ce stade, j'aimerais déposer officiellement notre mémoire écrit auprès du comité. Des copies ont été distribuées aux membres et au personnel du comité. Elles se présentent sous la forme de six volumes en anglais et en français, comportant 208 onglets. En outre, il y a un résumé contenant des extraits choisis de chacun des 208 chapitres particulièrement en rapport avec les questions examinées par le comité.

Un certain nombre de membres du comité ont témoigné de leur intérêt en posant des questions sur les recherches et preuves à l'appui de la mise en garde. Nous avions prévu la question et avons rassemblé ce que nous pensons être une montagne de preuves à l'appui des nouvelles contraintes d'étiquetage et j'en citerai quelques-unes.

Mais auparavant j'aimerais dire quelques mots sur le problème des marques commerciales soulevé hier. Il s'agissait hier de savoir si les fabricants de cigarettes abandonneraient ou non les couleurs de la marque et leurs caractères d'imprimerie distinctifs. S'il ne le font pas, ce projet ne pourra être mis en oeuvre.

Eh bien, le fait est qu'une société ou le propriétaire d'une marque de commerce a la possibilité d'enregistrer cette dernière et d'empêcher d'autres de l'utiliser. Cela ne donne pas aux propriétaires de la marque de commerce... Imperial Tobacco, avec sa marque du Maurier, par exemple, n'a pas la latitude d'utiliser cette marque de commerce partout et quand bon lui semble. Par exemple, aujourd'hui elle ne peut utiliser du Maurier pour des annonces directes à la télévision, ni imprimer du Maurier sur un T-shirt.

L'emploi d'une marque de commerce est assujettie à d'autres lois dans toutes les juridictions. Si le règlement proposé ici est adopté tel quel, les compagnies ne pourront apposer leurs marques de commerce que sur la moitié inférieure du paquet de cigarettes, dans l'espace qui leur est réservé, tout en respectant les contraintes du règlement et d'autres lois.

Je signale que les fabricants de cigarettes parviennent à faire figurer leur marque de commerce sur des espaces beaucoup plus petits que la moitié d'un paquet. Par exemple, dans de nombreux magasins, les paquets de cigarettes sont empilés les uns par-dessus les autres et l'on ne voit que la tranche latérale, qui est un espace beaucoup plus réduit. Or, cela suffit pour afficher la marque et permet à l'employé de reconnaître la marque demandée par le consommateur.

Les boîtes et pochettes d'allumettes reproduisent des marques de commerce sur un espace beaucoup plus petit que ce 50 p. 100. Apparemment, certaines pochettes sont imprimées avec un procédé lithographique. Je ne sais pas si cette pochette Rothmans est imprimée par rotogravure ou lithographie, mais c'est de bonne qualité. Il a été question hier de reconnaissance de la similitude. Si c'est bien de la rotogravure, on peut voir que cela peut être fait sur une très petite surface. C'est la même image que celle que l'on voit sur les panneaux publicitaires, ramenée à la taille d'une pochette d'allumettes.

Certains éléments saillants de la documentation...

• 0950

Le président: Monsieur Cunningham, j'ai un peu réfléchi à toute cette question de la marque de commerce et comme vous l'avez bien dit, nous avons eu un assez long débat hier à ce sujet et toute l'affaire des couleurs et de la flexibilité des fabricants de cigarettes à l'égard de leur marque de commerce. Ceux qui étaient là hier se souviendront que les fabricants disaient qu'il n'y avait pas de flexibilité. Nous avons demandé à M. Parker, par l'intermédiaire de son émissaire, de nous présenter un mémoire à ce sujet avant sa comparution mardi.

Je pense qu'il serait sage, avec l'autorisation du comité, de demander un avis juridique sur toute la question des marques de commerce et de l'emploi des couleurs. Si le comité est d'accord, nous donnerons des instructions en ce sens au greffier et nous contacterons les avocats des ministères de la Justice et du ministère de la Santé, car il me semble que c'est là un élément crucial que nous devons examiner à fond.

Je respecte votre avis, en tant qu'avocat monsieur Cunningham. Cela dit, j'aimerais également une seconde opinion—en l'occurrence, celle du gouvernement du Canada.

Ai-je la permission de le faire? Merci beaucoup.

Monsieur Cunningham.

M. Rob Cunningham: Les fabricants de tabac nous disent que les Canadiens ont pleinement conscience des effets sur la santé. Or, des recherches récentes démontrent qu'ils les sous-estiment.

Par exemple, interrogés sur certains effets sur la santé, notamment l'obstruction des vaisseaux sanguins, 25 p. 100 ont répondu que le tabac n'avait pas d'effet ou qu'ils ne savaient pas. Concernant les maladies dentaires et gingivales, c'était 38 p. 100; l'impuissance, 66 p. 100 et le syndrome de mort subite du nourrisson, 65 p. 100.

Nous voyons donc que dans le cas de certains effets qui seront couverts par les nouvelles mises en garde, ces dernières répondront à une ignorance de la population canadienne.

Entre 1994 et 1998, nous avons accueilli près d'un million d'immigrants au Canada. Nombre de ces néo-Canadiens viennent de pays où il n'y a pas eu les campagnes traditionnelles de lutte contre le tabagisme et où la sensibilisation est particulièrement faible—la Chine, par exemple. Nombre de ces néo-Canadiens ne parlent ni l'anglais ni le français. Les images aideront à leur communiquer le message et à accroître la sensibilisation qu'ils n'ont pas actuellement.

Il y a là-dedans des aveux de la part de l'industrie du tabac que les mises en garde ont donné des résultats par le passé. Il y a là des aveux de l'industrie du tabac montrant que l'éducation est efficace. Il y a beaucoup de preuves que l'éducation est efficace, que ce soit à la télévision ou dans d'autres médias.

Les témoins précédents se sont dits opposés à ce règlement, tout en étant partisans de l'éducation. Or, ce projet n'est rien d'autre. C'est de l'éducation, au moyen d'un média différent. Ce n'est pas de la télévision, ce n'est pas une brochure. C'est l'emballage. C'est là le meilleur médium. Son taux de couverture est de 100 p. 100, partout au Canada, jusque dans le plus petit village et il couvre chaque fumeur. Il n'y a rien de mieux. C'est bien pour cela que les fabricants de cigarettes s'opposent si violemment au projet.

Il existe quantités de précédents judiciaires où la Cour suprême du Canada a imposé une très forte obligation aux fabricants, de par leur devoir de mise en garde, d'informer pleinement les consommateurs des effets sur la santé, et il existe quantité d'effets dont les consommateurs ne sont pas actuellement informés.

Ici, à l'onglet 44, vous trouvez 69 avis d'experts de 14 pays différents, des experts en psychologie, en marketing, en communications et en promotion de la santé, dont le professeur Michel Laroche de Concordia et Michael Eriksen, directeur de l'Office on Smoking and Health des États-Unis. Ces experts sont généralement en faveur d'une proportion encore plus grande que 50 p. 100, de 60 p. 100, de la surface des paquets de cigarettes réservée aux mises en garde sanitaires et considèrent que plus l'avertissement est gros et plus il sera efficace, et approuvent le principe d'utiliser des images au lieu d'un texte.

Il existe une multitude d'études et de documents établissant que les avertissements sont généralement efficaces et que ceux proposés ici le seront aussi.

La Société canadienne du cancer a mené une partie des recherches, notamment sept ou huit études propres, en sus de celles de Santé Canada. Nous avons constaté que ces messages-ci sont beaucoup plus efficaces que ceux figurant actuellement sur les paquets de cigarettes.

Permettez-moi de vous donner deux exemples.

• 0955

Dans une enquête quantitative à l'échelle nationale, nous avons montré des maquettes d'un paquet de cigarettes doté d'un avertissement sur l'emphysème, l'un avec texte seulement et l'autre avec texte et photo. À la question de savoir lequel dissuadait le plus de fumer, chez les adultes 72 p. 100 ont choisi celui comprenant la photo, contre 11 p. 100. Chez les jeunes, il était encore plus efficace: 88 p. 100 ont choisi celui avec la photo, contre 7 p. 100 celui avec le texte seul. Donc, lorsque nous entendons les fabricants affirmer que cela va encourager les jeunes à fumer, qu'ils vont se rebeller, cela est démenti par les recherches de Santé Canada, de la Société du cancer et d'autres.

Nos groupes type, tant adultes que jeunes, ont démontré de manière convaincante que lorsqu'ils voyaient ces maquettes avec des renseignements nouveaux pour eux, une réaction forte et immédiate se produisait. Le rapport sur ces groupes type résume leur commentaires. Cette recherche a porté tant sur les fumeurs que les non-fumeurs.

Cinquante pour cent représentent un compromis. C'est un recul par rapport aux 60 p. 100 proposés en janvier 1999. Nous fournissons ici des études sur l'impact promotionnel de l'emballage en général, notamment les avantages de l'emballage banalisé. En 1994, votre comité a recommandé que le gouvernement fédéral adopte les emballages neutres comme élément d'une stratégie globale. Donc, ne réserver que 50 p. 100 de l'emballage ne va toujours pas aussi loin que ce que beaucoup d'études montrent serait très efficace.

En ce qui concerne les indications sur les éléments toxiques, la méthode actuelle obligeant à imprimer des chiffres sur les emballages est trompeuse. Quantité de documents le prouvent, notamment des documents internes des fabricants. Il va y avoir une amélioration. Le résultat ne sera pas parfait, mais des chiffres plus réalistes devront être imprimés sur la tranche du paquet.

Je sais que je ne dispose que d'un temps limité pour mon exposé liminaire. Je serai bien sûr ravi de répondre à vos questions. Je me ferai également un plaisir de revenir ultérieurement si le comité le souhaite.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cunningham.

Nous allons maintenant passer à la Fondation des maladies du coeur du Canada, avec le Dr Peter Glynn, président.

Docteur Glynn.

[Français]

M. Peter A.R. Glynn (président, Comité des relations extérieures, Fondation des maladies du coeur du Canada): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Peter Glynn. Je suis membre du conseil d'administration et président du Comité des relations extérieures de la Fondation des maladies du coeur du Canada.

[Traduction]

Soit dit en passant, je suis également président de l'Hôpital général de Kingston et je peux vous assurer qu'une large part de notre travail résulte du tabagisme—cancers, maladies pulmonaires, maladies cardiaques et vasculaires, etc. qui représentent non seulement le plus gros de notre travail mais aussi sa partie la plus coûteuse.

[Français]

La mission de la fondation consiste à encourager l'étude, la prévention et la réduction des invalidités et des décès dus aux maladies du coeur et aux accidents cérébrovasculaires. C'est un objectif qui peut être atteint par la recherche, l'éducation et la promotion de modes de vie simples.

[Traduction]

Ces dernières années, la fondation a joué un rôle de premier plan en faisant campagne pour une politique favorisant la santé du coeur. La lutte contre le tabagisme représente un volet important de ce travail de la fondation. La Fondation des maladies du coeur du Canada félicite Santé Canada de son projet de règlement relatif aux mises en garde contre le tabac. Nous sommes reconnaissants de cette invitation à comparaître devant le comité et nous vous avons remis le texte de notre mémoire.

Nous savons aujourd'hui que le tabac, le premier facteur de risque cardiaque, n'a pas sa place dans un mode de vie sain pour le coeur. C'est pourquoi la question de mises en garde appropriées sur le tabac revêt une si grande importance pour la fondation.

Nous avons été encouragés par la promesse d'une meilleure réglementation formulée par le ministre Rock en janvier dernier. Nous avons applaudi lorsqu'il a déclaré:

    Avec ces messages sanitaires sans détour et ces graphismes convaincants, nous toucherons les fumeurs directement et efficacement.

Nous voulons exprimer d'emblée notre soutien ferme à ce projet de règlement. La Fondation des maladies du coeur préconise son entrée en vigueur rapide. Nous pensons que ce règlement sera efficace dans le cadre d'une stratégie globale de lutte contre le tabagisme visant la diminution du nombre de fumeurs au Canada, particulièrement chez les jeunes.

Nous aimerions vous faire part de nos vues concernant le règlement et suggérer quelques améliorations.

En particulier, je vais traiter de quatre aspects. L'impératif d'une mise en oeuvre rapide du règlement; l'importance d'avertissements sur les paquets de cigarettes plus grands que les 50 p. 100 proposés; la nécessité d'avertissements imprimés à l'intérieur des paquets, sur le rabat plutôt que sur un encart; enfin, l'importance de supprimer l'exemption des emballages souples de l'obligation d'imprimer des messages à l'intérieur du paquet.

• 1000

Monsieur le président, les maladies du coeur constituent la première cause de mortalité au Canada, avec 36 p. 100 de tous les décès, soit près de 80 000. Nous chiffrons le coût pour la société canadienne des maladies cardio-vasculaires à environ 20 milliards de dollars par an. En outre, un nombre croissant de Canadiens deviennent invalides du fait de maladies cardio-vasculaires.

Pour cette raison, il est crucial à nos yeux de tout faire pour réduire le plus gros facteur de risque de maladie cardio-vasculaires, soit le tabagisme. La nécessité de mises en garde contre le tabac est évidente lorsqu'on considère les nombreux effets néfastes du tabac sur la santé.

Il tue prématurément trois fois plus de Canadiens que les accidents de voiture, les suicides, l'alcool, les meurtres et le SIDA combinés. Il coûte à la société canadienne environ 15 milliards de dollars par an. On sait que le tabagisme accroît sensiblement la fréquence de toutes les principales formes de maladie cardiaque. De tous les décès prématurés causés par les maladies liées au tabagisme survenus au Canada en 1996, les maladies cardio-vasculaires représentaient près de 39 p. 100, pour un total de presque 18 000 décès.

Nous savons également que, dès l'instant où l'on cesse de fumer, la santé cardio-vasculaire commence à s'améliorer. De fait, en l'espace de 24 heures après l'arrêt, le risque de crise cardiaque diminue et en l'espace d'une année, le risque de maladie cardiaque est moitié moindre que chez un fumeur.

Monsieur le président, les recherches récentes montrent que les avertissements actuels sur les paquets de cigarettes ne sont pas aussi efficaces qu'ils le devraient, étant donné l'ampleur du tabagisme au Canada. C'est pourquoi les milieux de la santé font si bon accueil au règlement proposé. Ces messages servent à renseigner. Ils donnent aux consommateurs la possibilité de prendre des décisions en connaissance de cause.

Par le passé, l'industrie du tabac prétendait que cela n'était pas important car les fumeurs savaient déjà que le tabac est néfaste pour la santé. Or, plusieurs études montrent que les fumeurs, particulièrement les jeunes Canadiens, sous-estiment les risques du tabac pour leur santé.

Il est particulièrement encourageant de voir que les mises en garde proposées rallient le soutien même des fumeurs. Dans un sondage d'Environics, 74 p. 100 des répondants se sont dit en faveur d'avertissement plus grands et plus détaillés, utilisant des photos et des couleurs, couvrant 60 p. 100 du paquet. Même les fumeurs étaient majoritairement en faveur de ce format.

Il est prouvé que, parmi les nombreux facteurs qui influencent l'usage du tabac, la publicité des fabricants est très influente. Pour cette raison, les deux milliards de paquets de cigarettes achetés chaque année par les Canadiens représentent un moyen idéal de communiquer avec virtuellement tous les fumeurs, mais particulièrement les jeunes encore impressionnables. C'est manifestement là un moyen rentable de communiquer l'information aux fumeurs.

Les nouveaux avertissements sont un moyen efficace de dénormaliser ou de modifier les perceptions des Canadiens au sujet des produits de tabac et de l'industrie du tabac. C'est important en ce sens qu'ils révèlent aux jeunes la nature de la publicité sociétale et des initiatives promotionnelles de l'industrie du tabac. En outre, l'adoption des avertissements modifiés est particulièrement cruciale pour les jeunes, car on sait que ce groupe démographique est très réceptif à la publicité promotionnelle.

Prévenir le tabagisme chez les jeunes, qui sont l'avenir du Canada, est particulièrement rentable, car on sait qu'une fois qu'un adolescent commence à fumer, il continue habituellement pendant au moins 20 ans. C'est particulièrement urgent lorsqu'on songe que l'usage du tabac chez les jeunes croît depuis 1990 et devient de plus en plus une habitude de la jeunesse. Il est donc clair qu'étouffer le tabagisme dans l'oeuf chez les jeunes peut avoir de profonds effets sur la santé publique à long terme.

Monsieur le président, l'élaboration du règlement proposé sur les mises en garde contre le tabac a exigé beaucoup de temps, d'efforts et de recherches. Nous ne voulons pas que ceux qui s'opposent à ce projet fassent dérailler ces efforts en bloquant et retardant la mise en oeuvre. Nous exhortons le gouvernement à donner effet rapidement au règlement, dans l'intérêt de la santé publique canadienne.

La taille des avertissements est une autre considération importante. De nombreuses indications et avis d'experts militent en faveur d'avertissements occupant 60 p. 100 et plus de la surface des paquets.

Monsieur le président, comme vous le savez, les avertissements internes peuvent être placés soit sur le rabat des paquets coulissants soit sur un encart séparé, sauf dans le cas des paquets mous, bien entendu.

• 1005

La fondation a écrit à Santé Canada pour préconiser des avertissements imprimés sur le rabat des paquets de cigarettes, plutôt que sur des encarts. On vous a montré plusieurs types de paquets de cigarettes, monsieur le président. Une inscription permanente sur le rabat est beaucoup plus visible et frappante chaque fois qu'on ouvre le paquet.

Des recherches ont démontré que des avertissements placés sur le rabat plutôt que sur une feuille à part sont beaucoup plus efficaces. Ils sont plus susceptibles d'être conservés et remarqués, car il est plus difficile de les jeter. En revanche, les fumeurs sont plus susceptibles de jeter les encarts, d'autant qu'ils contiennent des messages pouvant causer un malaise psychologique. Nous recommandons que les messages intérieurs soient imprimés sur le rabat plutôt que sur une feuille à part, et que les fabricants n'aient pas le choix.

Enfin, nous avons encore une autre préoccupation. Le règlement proposé exempte les emballages de tabac souples de l'obligation du message intérieur. Rien ne justifie cela. Les consommateurs de marques présentées sous cette forme ont droit au même type de renseignements que les autres consommateurs de tabac. Il existe une possibilité très réelle, même une probabilité, que les fabricants de tabac mettent à profit cette exemption pour substituer des emballages souples, pour éviter d'avoir à inclure les messages intérieurs. C'est pourquoi nous sommes convaincus qu'il faut supprimer cette exemption.

Il ne faut pas perdre de vue que les avertissements proposés ne sont qu'un élément d'une stratégie globale concernant le tabac. Ils ne suffiront pas, seuls, à faire baisser la consommation de tabac autant qu'il est nécessaire ou possible. Bien qu'ils soient un outil efficace, ils doivent être utilisés en conjonction avec des stratégies mettant en place, entre autres, des programmes de sevrage, des milieux de travail et lieux publics sans fumée, des taxes sur le tabac majorées et des campagnes percutantes dans les médias de masse.

D'ailleurs, une campagne va être lancée prochainement en partenariat entre la Fondation des maladies du coeur de l'Ontario et la Société canadienne du cancer, avec l'appui du gouvernement provincial ontarien. Elle visera de nouveau à dénormaliser le tabac et à montrer les profondes conséquentes du tabagisme sur les consommateurs et leur famille.

Au niveau international, la fondation a joué un rôle de premier plan en soulignant l'importance de stratégies antitabac globales, par le biais de la création d'une convention cadre sur le contrôle du tabac qui a récemment été débattue à l'Assemblée mondiale de la santé.

Je crois que M. Charbonneau et M. Mills ont participé à ces travaux de l'AMS à Genève il y a quelques semaines.

En conclusion, monsieur le président, j'aimerais souligner que la Fondation des maladies du coeur du Canada ne doute pas que les nouveaux avertissements permettront de combattre efficacement la consommation de tabac au Canada dans le contexte d'une stratégie globale de contrôle du tabac. Soyez assuré que la fondation appuie pleinement le règlement proposé et considère que sa mise en oeuvre rapide contribuera à jeter les bases d'une bonne santé publique au Canada pour le XXIe siècle.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Glynn. Nous vous sommes reconnaissants.

Avant de passer à l'Association pulmonaire du Canada, je veux accueillir à la table M. Louis Gauvin, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, ainsi que M. Clive Bates, de UK Action on Smoking and Health.

Nous vous donnerons la parole sous peu.

Auparavant, nous allons entendre M. Louis Brisson de l'Association pulmonaire.

M. Louis Brisson (vice-président, Association pulmonaire du Canada): Bonjour. En sus d'être vice-président, je porte également le titre de directeur exécutif de l'Association pulmonaire du Québec et de président du groupe de travail sur le tabac de l'Association pulmonaire du Canada.

L'Association pulmonaire du Canada a fêté en janvier son 100e anniversaire. Vous savez, j'espère, que nous existions déjà lorsque la tuberculose était la première maladie pulmonaire au Canada. Pendant ses 50 premières années, l'association a sensibilisé la population à la tuberculose avant que, dans les années 50 et l'arrivée des antibiotiques, cette maladie soit presque éradiquée de notre pays.

L'association a changé de nom au cours des années 50, pour devenir l'Association pulmonaire du Canada, et elle a dix partenaires dans toutes les provinces. Depuis les années 50, le tabac constitue la première cause de maladie pulmonaire. L'Association pulmonaire du Canada a probablement été la première du Canada à mettre en garde le public contre les effets du tabac.

Nous luttons donc contre le tabagisme ou sensibilisons le public contre les effets néfastes du tabac depuis 50 ans. Cela n'a pas été facile. C'était une bataille perdue pendant la plupart de ces 50 années, mais nous avons observé au cours des 10 à 15 dernières années une profonde évolution de la perception du tabagisme au Canada.

• 1010

Les pouvoirs publics ont finalement réalisé que, oui, le tabac est la première cause de maladie pulmonaire au Canada. Parmi ces maladies figure, bien entendu le cancer du poumon, probablement l'une des pires conséquences du tabagisme. Il y a aussi l'emphysème, provoqué par le tabac. Aujourd'hui, nous réalisons que l'asthme chez nos enfants, très souvent... probablement 80 p. 100 des cas d'asthme au Canada sont causés par la fumée secondaire.

L'Association pulmonaire n'a cessé d'avertir la population, dans tout le pays, des effets néfastes du tabac. Nous avons utilisé pour cela des images, des graphismes. Nous avons montré aux gens de quoi il s'agit, car leur dire simplement qu'ils vont avoir un cancer du poumon, qu'ils vont faire de l'emphysème... L'emphysème n'a pas de couleur, pas de forme. C'est quelque chose qu'on ne voit pas, on l'entend seulement.

Placer une image sur une affiche, comme nous le faisons depuis dix ans, montrant

[Français]

un poumon sain,

[Traduction]

un poumon de non-fumeur à côté d'un poumon de fumeur, retient l'attention non seulement du fumeur mais aussi de tout son entourage. L'affiche que nous utilisons depuis dix ans est probablement le moyen le plus efficace de montrer aux gens que leurs poumons seront affectés directement ou indirectement par le tabagisme.

Comme le disait M. Cunningham, le Canada est un pays d'accueil qui a reçu des immigrants du monde entier au cours des 50 ou 60 dernières années, et plus tôt encore. Aujourd'hui, la langue maternelle de la plupart des immigrants au Canada n'est ni l'anglais ni le français. Leur montrer une image des effets du tabac sur la santé leur fait comprendre qu'il n'est pas bon pour eux de fumer.

Réserver 50 p. 100 du paquet de cigarettes à

[Français]

un média pour transmettre ce message à la population canadienne est plus que ce que l'association canadienne pourrait se payer. Elle ne pourrait pas se payer un nombre de photos suffisant pour montrer aux gens dans tout le Canada les effets nocifs de la cigarette. Les ressources financières de notre association sont limitées. Tout ce qu'on peut faire, c'est montrer quelques milliers ou centaines de milliers de photos à travers le Canada au moyen des paquets de cigarettes afin que les gens constatent visuellement les torts faits à leur santé. Nous croyons donc sincèrement que 50 p. 100 de l'espace n'est pas assez, que 60 p. 100 serait mieux et que 100 p. 100 serait l'ultime moyen.

L'Association pulmonaire du Canada voudrait donc que vous considériez sérieusement le paquet de cigarette comme un médium qui fait connaître visuellement aux gens les effets du tabac. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brisson. Je vais maintenant passer à M. Gauvin, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.

[Français]

M. Louis Gauvin (coordonnateur, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac): Monsieur le président du comité, mesdames et messieurs les députés, merci de votre invitation et de l'occasion que vous nous donnez d'apporter devant vous notre appui le plus complet aux mesures qui sont proposées par le ministre de la Santé concernant les nouveaux avertissements.

Je suis le coordonnateur de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Notre organisme a été créé il y a quatre ans, presque jour pour jour, avec la participation de huit groupes de santé. Aujourd'hui, notre regroupement compte plus de 725 organisations. En fait, selon des observateurs qui sont extérieurs à nous, nous serions la deuxième organisation de ce type en importance dans le monde. Or, c'est un organisme provincial. L'organisme qui occupe la première place en importance est au Brésil.

• 1015

Nos membres proviennent de toutes les régions du Québec. Vous avez la liste des membres à l'onglet 1 de notre mémoire. On parle de municipalités, de CLSC, de régies régionales, d'institutions de santé publique, d'hôpitaux, de commissions scolaires, de groupes de jeunes et de parents, de groupes écologiques et communautaires. Tous ont appuyé une plateforme contenant une série de mesures législatives globales cherchant à prévenir l'adoption du tabagisme chez les jeunes, à favoriser la cessation chez les fumeurs qui désirent arrêter et à protéger la population contre la fumée secondaire. Dans le cas qui nous occupe, ils appuient également le principe de reconnaître dans un cadre législatif comme celui qui est proposé aujourd'hui la nature dangereuse du tabac.

Des avertissements plus explicites sur les produits du tabac ne sont que le premier pas pour traiter ces produits de consommation à la mesure des risques qu'ils représentent pour la santé de la population.

Notre coalition regroupe également, à titre personnel, environ 700 médecins et autres professionnels de la santé comme des infirmières ou des professionnels de la santé publique.

    La communauté de la santé réclame depuis plus de 25 ans des avertissements et des messages de santé simples, clairs et explicites à apposer sur les produits du tabac. Cette requête apparaît maintenant d'autant plus impérative que nous apprenions au début de cette semaine par les journaux que les grandes compagnies canadiennes de tabac auraient conclu entre elles un accord secret dès 1962 pour cacher les risques pour la santé associés à leurs produits, les cacher sur les emballages, les cacher dans toute leur publicité.

Il s'agit d'un texte du journaliste Mark Kennedy paru dans l'Ottawa Citizen et que vous allez trouver à l'onglet 3 si vous désirez le consulter.

Les règlements proposés sont le résultat d'un long processus de recherche et de consultation incluant une multitude d'études et de séances de groupes de discussion. Pour la première fois, les nouveaux avertissements offrent enfin un emballage qui reflète la véritable nature nocive du tabac et ses effets désastreux sur la santé.

Plusieurs de nos membres nous ont écrit. À l'onglet 2, nous avons reproduit les lettres que certains d'entre eux nous ont fait parvenir, mais il y en a certainement davantage. Environ 80 nous sont parvenues. Je citerai quelques-uns de leurs auteurs: le Collège des médecins, l'Institut de cardiologie de Montréal, l'hôpital Sainte-Justine et le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

Pour plusieurs de nos membres qui oeuvrent en milieu hospitalier, les images qui devront apparaître sur les paquets sont plus que des reproductions. Il s'agit, hélas, d'une triste réalité qu'ils observent à chaque jour dans les salles d'opération chez plusieurs de leurs patients fumeurs. Nous sommes d'avis que ces messages et ces photos percutantes fourniront un équilibre entre l'image attrayante ou glamour que tente de projeter l'industrie du tabac et la réalité des maladies causées par ses produits.

Les compagnies de tabac utilisent des graphismes sophistiqués et des photos hautement colorées, attrayantes et positives sur leurs emballages et dans leur publicité depuis des décennies. Contrebalancer ces messages ne peut se faire que par des images aussi puissantes.

S'il est vrai que le public sait en général que le tabac n'est pas bon pour la santé, la plupart des gens ne sont pas conscients de la multitude des maladies causées par le tabac, pas plus d'ailleurs que des chances réelles d'en être atteint. Présentement, il n'y a que huit messages de santé inscrits sur les paquets et ils ont perdu de leur impact. De plus, le tabagisme provoque bien d'autres maladies et conséquences néfastes pour la santé qui ne sont jamais mentionnées, comme des mutations génétiques, des réductions de la fertilité chez les femmes et, chez les enfants, l'asthme et des maladies pulmonaires.

En ce qui concerne le niveau de détail exigé, la Cour suprême a décrété en 1995 que tous les avertissements doivent clairement décrire chaque danger spécifique qui découle de l'usage ordinaire du produit. C'était dans une cause dont je mets la référence: Hollis c. Dow Corning. En fait, un livre complet a déjà été nécessaire pour décrire tous les dangers spécifiques qui sont reliés au tabac.

Pour reprendre une expression qui a souvent été utilisée devant vous ce matin, nous ne considérons pas que ces avertissements représentent une voie providentielle. Il s'agit d'une mesure qui s'ajoute à celles qui existent déjà.

• 1020

Nous favorisons aussi une approche globale qui inclue les réglementations, les programmes d'éducation, les restrictions sur les lieux de travail, les restrictions dans la visibilité du produit, l'information aux consommateurs, la réglementation sur le produit, et la liste peut s'allonger.

Pour répondre à un argument qu'un intervenant précédent, la FTQ, a utilisé ce matin, je dois vous dire que, bien que la FTQ affiche un appui à des mesures globales, elle s'est opposée il y a deux ans à la loi québécoise sur le tabac, dont le contenu constitue justement une approche globale au contrôle du tabac parce qu'elle regroupe toutes les mesures que je viens d'énumérer. Ses représentants ont tenté de nous convaincre de leur désir de contribuer à une solution avec Santé Canada, ministère dont ils n'auraient, semble-t-il, pas obtenu de réponse. Nous-mêmes, en 1998, avons également contacté la FTQ pour tenter de collaborer avec elle et lui présenter des mesures de contrôle du tabac. Nous n'avons pas eu de réponse de sa part non plus.

En terminant, je dirai que nous sommes convaincus de l'efficacité des mesures proposées. Imaginez un instant que deux milliards de paquets de cigarettes, considérés jusqu'à maintenant comme le premier porte-étendard des marques, vont dorénavant devenir un outil privilégié d'information pour tous les fumeurs en présentant des images percutantes des effets du tabagisme sur la santé.

Selon des études réalisées par la Société canadienne du cancer, 99 p. 100 des fumeurs liront ces messages en moyenne près de deux fois par jour. Non seulement les avertissements sur les emballages répandront-ils une connaissance accrue des risques, mais ils contribueront aussi à favoriser le désir d'arrêter. L'impact principal des avertissements, selon nous, se fera sentir à moyen et long terme.

Si les adolescents sont frondeurs et n'écoutent pas lorsque les adultes leur disent quoi faire, ils se montrent par contre beaucoup plus attentifs à l'égard de ce que les adultes se disent entre eux. Ces nouveaux avertissements leur montreront que leurs aînés commencent à prendre au sérieux les dangers du tabac pour leur santé.

Je termine sur des statistiques qui sont toujours effarantes pour les gens du secteur de la santé. Selon les données d'une étude récente, au Québec, en 1994, 30 p. 100 des 15 à 19 ans fumaient. Aujourd'hui, en 1999, c'est 36 p. 100. Donc, depuis la baisse des taxes en 1994, au Québec comme dans un certain nombre d'autres provinces d'ailleurs, le tabagisme a augmenté chez les jeunes. Nous croyons qu'il s'agit là d'une mesure qui aura un impact sur la consommation de tabac, à la baisse bien sûr.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gauvin.

[Traduction]

Je donne la parole à M. Bates, de United Kingdom Action on Smoking and Health.

Monsieur Bates, je vous prie.

M. Clive Bates (directeur, UK Action on Smoking and Health): Bonjour. Je suis Clive Bates, directeur de ASH, Action on Smoking and Health, une organisation fondée en 1971 par le British Royal College of Physicians, avec mission de promouvoir un programme d'action fondé sur l'analyse des rapports décisifs sur les effets du tabagisme publiés dans les années 60 par le Collège royal des médecins. Nous sommes aujourd'hui financés par le gouvernement britannique, les organisations caritatives pour le cancer et le coeur, la Commission européenne, l'Organisation mondiale de la santé et le public britannique.

C'est pour moi un grand privilège et un grand plaisir que d'être ici, ma tâche étant de vous dire en quelques mots l'influence que ces décisions canadiennes exercent à l'étranger et dans le reste du monde.

La première chose que je tiens à dire est que la publication du projet annoncé le 19 janvier a considérablement influencé la rédaction d'une législation européenne dans ce domaine. Celle-ci a commencé déjà avant le 19 janvier.

Le gouvernement britannique, dans son Livre blanc sur le tabac et la santé, a cité la taille et la franchise des mises en garde canadiennes comme raison de modifier nos faibles mises en garde, de petite taille et virtuellement invisibles. C'est devenu la politique gouvernementale qui a, à son tour, influencé celle du Conseil des ministres de l'Union européenne et de la Commission européenne, laquelle a formulé en novembre dernier une proposition prévoyant des avertissements de taille nettement accrue, en blanc et noir, avec un texte beaucoup plus audacieux et direct.

L'effet de l'annonce du 19 janvier a été de convaincre encore mieux les Européens de l'insuffisance de nos avertissements et de renforcer la main du Parlement européen, la troisième des grandes institutions européennes à introduire des mesures touchant les avertissements en Europe.

• 1025

Cette annonce a impressionné le comité intéressé au premier chef par les mises en garde sanitaires et toute la législation sur le tabac du Parlement européen et l'a amené à proposer la semaine dernière que les avertissements couvrent 50 p. 100 de la face arrière du paquet et 40 p. 100 de la face avant, avec option pour les pays membres d'inclure des avertissements imagés.

C'était là un compromis par rapport à la position plus progressiste défendue par le rapporteur, Jules Maaten, un député néerlandais au Parlement européen et le premier responsable de la législation sur le tabac au Parlement européen. Il souhaitait que les avertissements couvrent 60 p. 100 des deux faces du paquet, avec un texte beaucoup plus fort.

Je sais de façon certaine qu'il a formulé sa proposition uniquement à cause des études et des annonces faites au Canada. Il s'est servi des études canadiennes, le genre de choses publiées sur le site Web de Santé Canada le 19 janvier, pour appuyer sa position et son argumentation auprès de son comité et des parlementaires. Il n'y a aucun doute ni ambiguïté à ce sujet. Les mesures canadiennes ont conduit tout droit à la proposition de l'Union européenne.

Le jeu politique dans l'Union européenne est tel que nous avons dû suivre une procédure digne d'un labyrinthe. Il faut concilier les positions du Parlement, du Conseil des ministres, c'est-à-dire des États membres, et de la Commission européenne. Nous pourrions aboutir à un compromis allant moins loin que la position du Parlement. Mais l'effet de l'annonce canadienne a été d'orienter tout le débat dans la direction progressiste que nous souhaitons.

Il est largement admis maintenant que la dimension des avertissements compte, que plus le message est gros, plus il porte. Il s'agit maintenant de concilier les divers intérêts politiques, etc., et nous aurons les avertissements les plus grands que nous pourrons avoir.

C'est un aspect qui mérite réflexion. L'Union européenne compte une population de 350 millions dans ses 15 États membres. C'est un très gros bloc, plus gros que l'Amérique du Nord, et sa réglementation influencera un autre groupe de pays candidats à l'entrée, comme la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, etc.—soit encore 100 millions d'habitants qui vont harmoniser leurs lois et s'aligner sur ce que fera l'Europe.

On peut donc voir l'influence canadienne transparaître très directement dans les événements en Europe.

Le deuxième aspect que je veux souligner est la qualité de la preuve. Ce qui a réellement impressionné les gens initialement était la qualité des études présentées sur le site Web de Santé Canada. Nous avons communiqué ce lien et ces indications à tous ceux qui nous pouvions au Parlement européen, au Conseil des ministres et à la Commission, et ils ont tous été impressionnés. Ce sont les meilleures études du monde; elles sont très convaincantes et incontournables.

Ce ne sont peut-être pas les meilleures études du monde, car la Société canadienne du cancer, à sa manière typique et inimitable, a produit les arguments les meilleurs, les plus complets, les plus convaincants que l'on puisse imaginer en faveur d'avertissements de plus grande taille. C'est un travail hors pair. J'ai lu le résumé, je n'ai pas encore eu le temps de lire tout le contenu du classeur. Mais le résumé... Si jamais il subsistait la moindre parcelle de doute sur l'importance de cette mesure, un coup d'oeil sur l'ensemble de cette preuve la dissiperait.

Un principe que nous mettons sans cesse en avant en Europe—et qui gagne du terrain, est celui de la précaution. Nous disons que même si ces mesures ne font baisser la consommation de tabac dans l'Union européenne que de 0,1 p. 100, 550 vies par an seront épargnées, chiffre très conséquent. Et 0,1 p. 100 est une proportion très faible. Les chiffres polonais suggèrent un taux d'arrêt des fumeurs autour de 3 p. 100. Donc, même avec un chiffre très, très conservateur—une baisse de consommation de 0,1 p. 100—nous épargnons 550 vies par an. Au Canada, cela représenterait environ 45 vies par an.

• 1030

J'ai été frappé, depuis mon arrivée ici, par le tollé soulevé par l'épidémie de E. coli à Walkerton. On parle là de neuf morts. Donc, un infime changement dans la consommation de tabac pourrait épargner cinq fois plus de vies que celles emportées dans cette contamination, qui est devenue une énorme affaire politique au Canada.

Il est toujours difficile à propos du tabac de mettre ces chiffres en relation, tellement ils sont énormes. Mais cela signifie à mes yeux que quiconque prétend résister à ces changements doit avoir de très fortes raisons pour affirmer qu'ils ne vont pas sauver au moins 45 vies, et peut-être beaucoup plus que cela. Cela me paraît une approche prudente et raisonnable.

Enfin, je veux parler de l'impact plus général des tiraillements politiques canadiens concernant le tabac. Nous avons la même directive en Europe: une mesure destinée à contraindre les fabricants de tabac à divulguer tous les ingrédients des produits qu'ils mettent sur le marché. Quelle en est l'inspiration? Les mesures prises en Colombie-Britannique.

Nous nous dirigeons vers des moyens de mesures plus raffinés et de meilleure qualité. Encore une fois, le résultat des chiffrages effectués par Labstat en Colombie-Britannique ont été extrêmement influents. Nous sommes beaucoup plus sceptiques à l'égard des qualificatifs «faible en goudron» et «légère» et nous espérons même aller encore plus loin que le Canada et interdire l'emploi de termes tels que «légère», «douce», et «ultra» qui donnent l'impression fausse qu'un type de cigarettes est moins nocif qu'un autre.

Lorsque j'ai commencé mon travail, l'interdiction canadienne de la publicité et l'approche législative du Canada était une lecture obligatoire. Cela a inspiré certaines des modifications législatives que nous avons introduites pour interdire la publicité en Europe.

Enfin, et plus récemment, la délégation canadienne à la Convention cadre sur le contrôle du tabac s'est distinguée en adoptant la position la plus progressiste, la plus réfléchie et la plus perspicace, et de loin, sur ce que l'on peut attendre de cette convention. Si j'avais été Canadien, j'aurais été très très fier de ce que disait cette délégation sur le parquet de la conférence. En tant qu'Européen, j'ai eu honte de voir notre position collective démolie par quelques Allemands plutôt récalcitrants.

Mon dernier message est donc que le Canada est un chef de file, une source d'inspiration pour le reste du monde. Je n'exagère pas. C'est particulièrement important pour nous en Europe, en ce moment. J'espère—et non seulement dans l'intérêt des Canadiens mais celui des Européens—que les arguments fallacieux et destinés à détourner l'attention opposés par l'industrie du tabac et portant sur les marques de commerce, la propriété intellectuelle, etc. seront soigneusement examinés à la lumière de l'hécatombe potentielle qui résulterait de la non-adoption de ces mesures. J'espère que le Parlement balaiera ces arguments et adoptera cette mesure rapidement. Elle est très, très importante à l'échelle mondiale et très importante pour nous. J'espère seulement que nous verrons le résultat, car cela nous aidera en Europe.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bates.

J'ai été intéressé et par vos propos et par ceux du professeur Donovan concernant l'avance du Canada dans ce domaine. Parfois nous tenons ces choses pour acquis ici, mais il est bon d'avoir une perspective externe. Nous apprécions cela.

Monsieur Mills, voulez-vous commencer, s'il vous plaît?

M. Bob Mills: Oui.

Professeur Donovan, vous avez parlé de la façon dont ces images pourraient être mieux perçues. Hier, on nous a expliqué pourquoi nous ne pouvions utiliser tel ou tel nombre de couleurs et tel ou tel procédé d'impression. Je crois que M. Cunningham en a également fait état. En écoutant cela, je me suis dit qu'une solution facile serait d'avoir un paquet de couleur uniforme et de simplement y placer l'image. Ainsi, nous n'aurions aucun de ces problèmes.

Je crois, monsieur Cunningham, que vous avez indiqué qu'en ayant simplement une couleur rouge ou bleue ou verte ou tout ce que vous voudrez sur la tranche suffirait à identifier les différentes marques. Ce serait manifestement une solution au problème de l'impression, et nous pourrions ainsi conserver tous les employés dans le secteur de l'imprimerie sans rencontrer de difficulté au niveau de la distribution.

Cela aurait-il un effet plus grand, plus frappant, que d'avoir toutes ces couleurs? Lorsque je regarde ces paquets, je regarde d'abord la couleur, avant l'image. Je suppose donc, d'après ce que vous avez dit, que cela aurait un impact encore plus grand. Ai-je raison?

M. Rob Donovan: Oui. Si vous aviez simplement une image sur un paquet blanc uniforme, elle attirerait beaucoup plus l'attention et aurait un plus gros impact.

• 1035

M. Bob Mills: Un autre élément est celui de la peur. Je crois que c'est vous, monsieur Cunningham, qui en avez parlé, mais probablement tous les autres pourraient me répondre également.

Si je devais établir un classement des choses qui me toucheraient, la peur viendrait certainement en haut de la liste—ma santé, vivre plus vieux, avoir plus de temps pour faire toutes les choses que je veux faire, me porter mieux. La peur jouerait certainement pour moi. Je me demande s'il y a une différence entre les adultes et les jeunes à cet égard. La peur est-elle un facteur majeur?

Quels sont les facteurs? La peur, le coût, l'influence des camarades—ce sont tous là des facteurs. Pourriez-vous établir un classement par ordre d'importance, et la peur est-elle différente selon les personnes?

M. Rob Cunningham: Les taux de tabagisme sont déterminés par différentes choses et vous en avez mentionné quelques-unes, notamment le prix, l'éducation et l'intensité de la promotion des fabricants de cigarettes. L'efficacité des méthodes d'éducation est variable. Il y a toute une série de mesures de contrôle du tabac. Dans le cas des jeunes, est-il accessible, peut-on fumer sur le lieu de travail, peut-on fumer chez soi, etc.?

Il faut souligner que ce projet va certainement accroître la sensibilisation et réduire le nombre de fumeurs, mais ne va pas éliminer l'usage du tabac. Une partie de la population restera imperméable à ces mesures ou bien ne réagira que dans 20 ans, à l'occasion d'un événement déclencheur, tel qu'une crise cardiaque chez un proche, qui fera soudainement percevoir la mise en garde sous un jour différent.

Mais à l'intérieur du paquet figureront aussi des conseils sur la manière d'arrêter. Il y a à l'extérieur ce message, avec son impact visuel qui attire l'attention, et en même temps il y a quelques messages de soutien—des messages positifs, le genre de messages auxquels un segment de la population réagira. Il y aura également une adresse Internet. Une proportion croissante de la population a accès à l'Internet et pourra se renseigner plus avant.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, j'ai quatre courtes questions.

Merci à la Société canadienne du cancer. Je remarque cependant que sept ou huit documents sont en anglais seulement.

M. Rob Cunningham: Non, les documents sont en anglais et en français.

M. Réal Ménard: Les autres sont en anglais seulement, à moins que j'aie mal vu.

M. Rob Cunningham: Ils sont dans la langue originale des publications.

M. Réal Ménard: D'accord.

M. Rob Cunningham: Il y a donc aussi des documents qui sont seulement en français.

M. Réal Ménard: En tout cas, ceux-ci sont seulement en anglais. Il y en a un seul qui soit en français, et c'est celui-là. Mais ce n'est pas grave.

M. Rob Cunningham: Mais ce volume est seulement en français.

M. Réal Ménard: Le premier est en français.

M. Rob Cunningham: D'accord.

M. Réal Ménard: Mais enfin, on ne va pas vous en vouloir, considérant l'effort que vous avez fait. Je ne le disais pas pour être mesquin. Vous me connaissez.

J'ai quatre questions, la première à l'intention de notre invité de l'Australie. Peut-être qu'il ne serait pas mauvais, monsieur le président, que le comité se rende en Australie pour étayer un peu l'information dont il a besoin.

Vous faites dans votre mémoire une affirmation qui n'est pas soutenue par Santé Canada. Vous dites:

    Il a été prouvé que la taille est liée à la capacité d'attirer l'attention et, par conséquent, une mise en garde de 60 p. 100 attirerait davantage l'attention du fumeur qu'une autre de 40 p. 100 ou de 50 p. 100.

Or, dans le cahier de breffage qui nous a été remis par les fonctionnaires, à la page 2 de la section 3, on nous dit, parlant des tests d'impact que Santé Canada a faits:

    Les conclusions laissent également entendre qu'un avertissement occupant 50 p. 100 de la surface du paquet a une incidence semblable à celle d'un avertissement couvrant 60 p. 100 de la surface.

Moi aussi, j'ai de la difficulté à me convaincre que la règle soit aussi mathématique que vous le dites. Jusqu'à un certain point, c'est un peu comme la loi des rendements décroissants en économie. Quand on a soif, on peut boire huit boissons, mais en boire neuf, dix ou onze ne désaltère pas davantage. Je suis porté à croire qu'il peut aussi scientifiquement exister une espèce de plafonnement de la surface mise à la disposition du message. Enfin, je voudrais connaître votre opinion là-dessus.

Deuxièmement, vous dites que la peur est très efficace. C'est peut-être pour ça qu'il y a des whips dans les partis politiques. Cependant, c'est là une autre question. Qu'est-ce que vous répondez à l'argument voulant que l'habitude puisse altérer l'efficacité du message? C'est ce que nous disent tous ceux qui s'opposent à la réglementation.

Les gens de la FTQ, des gens très sensés dans certains domaines, nous ont dit ce matin qu'ils ne croyaient pas que le paquet de cigarettes puisse devenir un médium, parce qu'il va créer une habitude et n'aura plus de conséquences. Qu'est-ce que vous répondez à cela?

J'aurai deux autres questions pour les autres témoins.

• 1040

[Traduction]

M. Rob Donovan: En ce qui concerne la première question, j'ai dit que 60 p. 100 valent généralement mieux que 50 p. 100, qui valent mieux que 40 p. 100. Il existe évidemment des effets de seuil que des recherches peuvent déterminer. Je ne connais pas très bien cette recherche, mais il existe certainement des effets de seuil, selon le contexte. Donc, dans certains cas, l'effet maximal peut se situer à 50 p. 100, dans d'autres à 55 p. 100, tout ce que vous voudrez.

Deuxièmement, l'accoutumance au message peut certainement intervenir chez certains, mais je pense que la rotation des mises en garde atténuera le phénomène. Mais il faudra aussi constamment renouveler les images, en utilisant des photos nouvelles pour décrire les mêmes maladies, pour éviter autant que possible l'accoutumance.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous ne répondez pas à ma deuxième question et je vais la reformuler. Il y en a qui, comme les membres de mon parti, croient que le paquet de cigarettes doit être un médium d'information. Quelqu'un parmi vous qui parlait de deux milliards de dollars par année. Je pense que c'était M. Gauvin. Donc, on peut imaginer l'importance que ça aurait.

Par ailleurs, si ces paquets de cigarettes comportant 16 messages rotatifs sont en circulation disons pendant trois ans, l'habitude va-t-elle s'installer tant et si bien que le message ne sera plus efficace? C'est ce que soutiennent les gens de la FTQ, qui ne sont pas les seuls à le dire. En tant que spécialiste de la psychologie de la perception, qu'est-ce que vous répondez à l'argument de l'habitude?

[Traduction]

M. Rob Donovan: Excusez-moi. Voyons si j'ai bien saisi la question. Vous me demandez si les jeunes de 16 ans vont s'habituer à ces images et donc ne seront plus touchés par elles. Est-ce bien cela?

[Français]

M. Réal Ménard: Je n'ai pas parlé d'une clientèle en particulier. C'est un argument général qui veut que la présence de messages récurrents sur les paquets de cigarettes crée une habitude. Ces messages vont faire partie de la vie quotidienne et on va vivre avec cette information-là, tant et si bien que l'effet dissuasif qu'on en espère va s'effriter. Qu'est-ce que vous répondez, vous qui êtes docteur en psychologie de la perception, à un argument comme celui-là?

[Traduction]

M. Rob Donovan: Je répète ce que j'ai dit. On peut surmonter l'effet d'accoutumance en changeant périodiquement la série d'images. C'est comme une série d'annonces publicitaires. Si vous passez la même annonce sans cesse, les gens décrochent en ce sens qu'ils peuvent se détourner à la première image car ils connaissent déjà la suite. Mais on peut conserver l'attention des gens avec une série de perspectives différentes sur le même thème.

Donc, le fait d'avoir 16 avertissements différents pour le moment signifie qu'ils vont susciter l'attention pendant quelques temps. Ensuite, après un certain délai, il faudra trouver de nouvelles images—sur les mêmes thèmes, mais des images nouvelles—pour préserver l'intérêt et l'attention.

[Français]

M. Réal Ménard: Mes deux dernières questions s'adressent à la Fondation des maladies du coeur du Canada. J'aimerais que vous me donniez plus d'information sur vos recommandations 3 et 4. Quand quelqu'un prendrait un paquet de cigarettes, quelle serait la conséquence pratique de ce que vous souhaitez?

Pour ce qui est de la recommandation 4, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous croyez qu'il ne faut pas les exempter. On posera la question à Santé Canada quand ses représentants reviendront.

[Traduction]

M. Peter Glynn: Si j'ai bien saisi, la question porte sur les emballages souples. Nous disons qu'ils ne devraient pas être exemptés et une façon de régler ce problème est de placer un encart soit dans l'emballage souple soit entre le cellophane et le paquet. Mais à notre avis, l'argument voulant que ces paquets soient différents et doivent être traités différemment ne tient pas.

[Français]

M. Réal Ménard: Et la recommandation 3 explique ce que vous souhaitez par rapport au paquet de cigarettes.

M. Peter Glynn: Oui, c'est ça.

[Traduction]

Nous disons que le message doit réapparaître chaque fois que l'on ouvre le paquet, avec aussi des renseignements sur la manière d'arrêter de fumer et les effets du sevrage, l'indication que la nicotine crée une forte dépendance—nous parlons là d'une toxicomanie—et où s'adresser pour trouver de l'aide. Parlez à votre médecin, infirmière, pharmacien ou voyez le site Web de Santé Canada. Si tout cela est placé sur un encart, il est facile de jeter celui-ci. De cette façon, cette information restera continuellement visible.

• 1045

[Français]

M. Rob Cunningham: Monsieur Ménard, pour répondre à votre première question sur l'importance de la grandeur de l'avertissement, je vous répondrai qu'une de nos études en a traité. On a montré à des adultes et à des jeunes l'illustration d'une bouche touchée par un cancer, dans divers formats, soit de la grandeur actuelle, ou couvrant 45 p. 100, 60 p. 100 et 80 p. 100 de la surface. Qu'est-ce qui est le plus efficace, a-t-on demandé. Soixante-quatre pour cent des gens ont choisi l'illustration couvrant 80 p. 100.

M. Réal Ménard: De l'espace?

M. Rob Cunningham: De l'espace. Neuf pour cent ont choisi 60 p. 100 de l'espace, 5 p. 100 ont choisi 45 p. 100 de l'espace et 6 p. 100 ont choisi la grandeur actuelle. Donc, premièrement, on voit que la grandeur actuelle a vraiment été répudiée.

La plus grande surface examinée par Santé Canada était de 60 p. 100. Peut-être que s'ils avaient examiné 70 p. 100 ou 80 p. 100, on aurait pu constater une différence. Peut-être que la différence entre 50 p. 100 et 60 p. 100 n'est pas aussi tangible qu'entre 50 p. 100 et 70 p. 100. Donc, je pense qu'il y a vraiment un impact différent; plus la surface de l'avertissement est grande, plus il est efficace.

M. Réal Ménard: D'accord.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à M. Jackson et Mme Redman, et s'il n'y a pas d'autres questions, nous en finirons avec ce groupe.

Monsieur Jackson.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout cela est très intéressant. On dit que nos habitudes commencent par être ancrées dès l'âge de 11 ans. Des industries entières sont construites autour du tabagisme et tout le monde joue à cache-cache car personne ne veut perdre son emploi. Tout est bâti là-dessus.

Cette substance, manifestement, crée une dépendance et le sevrage est très difficile une fois qu'elle est installée. On nous dit que les immigrants à leur arrivée sont déjà accrochés et ont d'autres images dans la tête. Je sais que dans beaucoup de ces pays on voit le cowboy de Marlborough sur les affiches et j'imagine que nombre de ces immigrants arrivant dans ces pays aux vastes horizons voudraient monter à cheval et ressembler au cowboy de Marlborough. Cela fait partie de leur représentation des belles choses en Amérique du Nord.

J'aimerais demander au panel s'il y a des catégories de population qui sont plus exposées au risque du fait de leur constitution et comment les toucher? Et que fait-on pour les amener à s'arrêter de fumer? Je sais que nous allons mettre en place l'étiquetage et que les images, les photos, leur parleront, mais y a-t-il d'autres façons de cibler ces catégories de personnes pour qu'elles arrêtent de fumer?

M. Rob Cunningham: Pour ce qui est du sevrage, la Société du cancer offre quelques programmes pour aider les gens à s'arrêter de fumer. Il faut une approche globale. Nous avons recommandé fortement au gouvernement du Canada d'accroître les ressources financières consacrées au contrôle du tabac, un montant bien supérieur aux 20 millions de dollars actuels. Je pense qu'il faut une approche globale. Les emballages ne sont qu'un élément.

Pour ce qui est des différentes catégories de population, nous savons que les personnes à faible revenu et faiblement instruites sont plus nombreuses à fumer. Nous savons aussi qu'environ 16 p. 100 de la population est illettrée, selon la définition de Statistique Canada et que l'alphabétisme est associé à un moindre taux de fumeurs. Nous savons aussi qu'il y a davantage d'illettrés parmi les fumeurs que dans la population en général. Les images seront d'un certain secours à cet égard.

Nous savons que le taux de tabagisme est étonnamment élevé chez les Autochtones du Canada, y compris dans le Nord. Ce sont là des collectivités très petites et très isolées, où il est beaucoup plus difficile et coûteux de mettre en place des programmes, mais les messages sur les emballages y seront vus.

Voilà une réponse partielle à votre question.

M. Ovid Jackson: Qu'en est-il des enfants dont la mère a non seulement fumé pendant la grossesse mais qui sont également élevés dans cet environnement? Quel est leur niveau de risque? Nous savons qu'un certain nombre d'entre eux meurent des suites de la fumée secondaire, mais dans quelle mesure sont-ils susceptibles de devenir dépendants? Travaille-t-on également sur ce domaine?

M. Rob Cunningham: Certaines recherches sont faites sur les conséquences potentielles de l'exposition du foetus à la nicotine absorbée par la mère.

• 1050

En tout cas les modèles, les gens de l'entourage, qu'il s'agisse d'un parent ou de frères et soeurs ou d'amis, ou encore les pilotes de course ou athlètes que l'on voit dans les publicités, exercent une influence.

Pour ce qui est de votre question précise, soit l'effet physiologique du tabagisme de la mère pendant la grossesse, il faudra que je me renseigne avant de répondre.

M. Ovid Jackson: Merci.

Le président: Madame Redman, s'il vous plaît.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

De toute évidence, tout l'objectif de la réglementation du tabac et des mesures que vous avez évoquées est de modifier les comportements. Lorsque je réfléchis à ce que la société a pu faire pour modifier réellement les comportements, ce qui est très difficile, je songe à la conduite en état d'ébriété, car nous avons obtenu là des résultats très positifs en l'espace d'une génération.

Je n'ai entendu personne, chez tous les différents groupes de témoins qui nous ont mis en garde contre les pertes d'emplois et les conséquences économiques pour l'industrie elle-même s'opposer à l'éducation des jeunes pour éviter qu'ils commencent à fumer dès l'âge de 11 ans, comme M. Jackson vient de l'indiquer.

Je vous remercie pour toutes ces recherches. Je ne peux promettre de lire tout cela, mais j'essaierai d'absorber les points saillants.

Dans toutes ces études, vous êtes-vous jamais penché sur...? L'industrie et tous ceux employés dans les industries liées au tabac disent qu'ils ne veulent pas perdre les emplois, mais d'autre part sont en faveur de campagne de sensibilisation au danger. Le but réel est d'empêcher que les gens deviennent jamais des fumeurs, n'est-ce pas? Il me semble que le résultat final, par extrapolation, ne pourra que se répercuter sur l'industrie du tabac et ceux qui y travaillent, car il y aura moins de fumeurs.

M. Rob Cunningham: À long terme, l'usage du tabac diminuera, de même que les emplois dans l'industrie du tabac, mais cela est compensé par l'augmentation de la population. Le nombre de cigarettes vendues aujourd'hui au Canada est d'environ 50 milliards, à peu près le même chiffre qu'au début des années 60. Mais le nombre d'usines et le nombre d'emplois ont diminué de moitié du fait de l'automatisation. Voilà la raison réelle de la diminution au fil du temps de l'emploi dans l'industrie du tabac.

Je ne crois pas du tout que des emplois seront perdus à cause de ces avertissements. Si une usine déménageait à l'étranger pour exporter vers le Canada, les avertissements devront quand même figurer sur les paquets de cigarettes. Il n'y a donc pas moyen de contourner la contrainte de cette façon.

Les fabricants de cigarettes brandissent le même argument chaque fois que ce comité parle d'une mesure antitabac. Il y a trois ans, on nous disait que les manifestations patronnées allaient disparaître. Or, l'une après l'autre, nous voyons arriver des commanditaires de remplacement. Le Grand Prix, les FrancoFolies, Just for Laughs, le Festival de musique nouvelle de Winnipeg.

Si l'on va interdire la vente de tabac dans les pharmacies, si l'on va interdire de fumer dans les avions, si l'on va supprimer la publicité à la radio, tout cela allait coûter des emplois, nous disait-on. Pourtant, une fois les mesures mises en oeuvre, le ciel ne nous tombe pas sur la tête et le monde continue de tourner.

Le président: Docteur Glynn.

M. Peter Glynn: Je vous renvoie à une étude de l'impact économique menée pour Santé Canada par Conseils et Vérification Canada. La conclusion est un gain net de 85 millions de dollars de revenu et 2 000 emplois. Cet argent servira à acquérir d'autres biens et services, et en toute probabilité ces autres biens et services emploieront davantage de travailleurs que l'industrie du tabac.

[Français]

Le président: Monsieur Gauvin.

M. Louis Gauvin: Je peux ajouter un élément d'information à l'intention de madame. Nous sommes très préoccupés parce qu'environ trois emplois sur quatre dans l'industrie du tabac—on parle de l'industrie manufacturière—se situent au Québec, à Montréal et à Québec.

Cependant, vous serez peut-être étonnés d'apprendre que l'an dernier, Imperial Tobacco a annoncé en grandes pompes l'investissement de 60 millions de dollars à Saint-Henri, à l'usine Imperial Tobacco, pour sa modernisation, alors qu'en même temps, le président annonçait la réduction de quelque 300 à 350 emplois, en mentionnant que c'était dû à la modernisation et que ça allait se faire par attrition. Donc, au fur et à mesure que les employés allaient prendre leur retraite, les emplois ne seraient plus comblés.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Madame Redman.

Mme Karen Redman: M. Bates voulait répondre et j'ai encore une courte question, si vous permettez.

M. Clive Bates: Vous avez parlé du consensus, du moins du côté de l'industrie du tabac, sur les programmes de prévention auprès de la jeunesse. Je vous invite à une certaine prudence avec ce genre d'initiatives. Elles paraissent très évidentes et attrayantes, mais leur effet est de renforcer la valeur du produit en tant que produit réservé aux adultes. Si une chose attire les enfants vers la cigarette, c'est qu'elles sont un billet d'entrée dans la vie adulte, et les valeurs adultes, paradoxalement, peuvent conduire les enfants à fumer.

• 1055

À mon avis, ce n'est pas une coïncidence que la seule mesure de contrôle antitabac qui reçoit le plein appui de l'industrie du tabac soit précisément la moins susceptible d'être efficace et pouvant même avoir l'effet inverse. Je pense qu'il faudra examiner de très près ces programmes visant les jeunes. Certains donnent des résultats. Certaines campagnes très franches et très intenses ont donné des résultats aux États-Unis. Mais dans l'ensemble, l'efficacité des programmes de renoncement au tabac ou de prévention chez les jeunes n'est pas si grande.

Mme Karen Redman: Je confesse que ma mère est une fumeuse invétérée et une enquête poussée auprès des trois filles montre qu'aucune d'entre nous ne fume. C'est curieux l'effet de ce que l'on voit dans l'enfance. Nous avons toutes choisi de ne pas fumer.

Lorsque les avertissements sont sortis, je sais qu'elle achetait les petites étiquettes disant «Passez une bonne journée» et les collait par-dessus. J'ai entendu dire autour de moi que l'on met déjà au point les manchons que l'on pourra enfiler sur les paquets de cigarettes pour occulter les avertissements auxquels nous consacrons tant de salive. Nous discutons des couleurs et de la taille du graphisme.

Docteur Glynn, ma question est motivée par une chose que vous avez dite. Quelqu'un a-t-il fait des études pour savoir si les gens continuent à occulter les messages. Cela comporte un certain coût. A-t-on jamais déterminé si les gens se lassent de cette démarche supplémentaire et finissent par utiliser le paquet avec les avertissements et photos? A-t-on jamais étudié cela?

M. Peter Glynn: Je donnerai une réponse générale et M. Cunningham voudra peut-être intervenir aussi.

J'ai l'impression que seule une très petite proportion de fumeurs feront cet effort pour contourner le problème psychologique de leur dépendance. M. Cunningham a indiqué que les avertissements sont le moyen le plus efficace de toucher tout le monde, et ils touchent effectivement tout le monde, d'autant mieux que la dimension est grande. Cela ne m'inquiète donc pas particulièrement. S'ils déploient l'énergie pour couvrir le message, ils savent qu'ils ont un problème et ils finiront par lire ce que nous proposons d'imprimer sur le rabat intérieur, soit la façon de s'arrêter.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Ménard, vous pouvez poser une petite question.

M. Réal Ménard: Elle sera courte, monsieur le président.

Dans mon caucus, il y a plusieurs députés qui se demandent pourquoi Santé Canada n'oblige pas les manufacturiers de tabac à réduire la dépendance en enlevant un certain nombre de substances cancérigènes, donc en réduisant la nicotine. J'ai aussi posé la question à Santé Canada. Je ne sais pas si vous étiez avec nous, mais on nous a dit que c'était controversé. Certains disent que s'il y a moins de nicotine, les gens vont fumer davantage, qu'il va leur falloir plus de cigarettes pour répondre à la demande de leur organisme. Qu'en pensez-vous? Ma question s'adresse à vous, mais n'importe qui peut y répondre.

M. Rob Cunningham: Premièrement, on appuie les articles de la loi qui donnent au gouvernement l'autorité d'adopter des règlements dans ce domaine.

M. Réal Ménard: Sur la nicotine?

M. Rob Cunningham: On est d'accord pour qu'on contrôle la présentation du produit. On a recommandé des mesures pour éliminer les cigarettes slim, qui ciblent les femmes et les filles, et on a recommandé l'élimination des cigarettes à la menthe parce qu'on ne devrait pas donner aux cigarettes un goût qui les rendra plus attrayantes.

M. Réal Ménard: Que voulez-vous dire par cigarettes à la menthe?

M. Rob Cunningham: Menthol.

M. Réal Ménard: D'accord.

M. Rob Cunningham: Un produit nocif ne doit pas goûter le bonbon. Ce n'est pas une bonne chose. Les experts de Santé Canada examinent maintenant la question de la nicotine et du contrôle des substances. Avec l'autre réglementation qui est à l'étude à ce comité et la question des rapports, on va obtenir beaucoup d'information nouvelle de la part des fabricants de tabac sur leurs recherches, leurs connaissances et le contenu de leurs produits. Cela va faciliter la réglementation à l'avenir.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Szabo.

M. Rob Donovan: Excusez-moi, monsieur le président. Puis-je partir maintenant? J'ai un avion à prendre.

Le président: Oui. Merci, professeur. Nous vous sommes reconnaissants de vos avis et de votre présence.

M. Rob Donovan: Merci.

• 1100

M. Paul Szabo: Lors de la dernière législature, nous nous étions prononcés en faveur de tout le projet d'instauration d'emballages neutres pour les produits de tabac. Nous avons rédigé un rapport. Je pense que les mêmes intervenants sont venus et ont dit à peu près la même chose, à savoir que ce serait efficace. Puis, tout s'est lentement enlisé.

Nous revoici et nous avons probablement les mêmes avertissements percutants. La différence est qu'au lieu d'avoir des emballages neutres, nous aurons toujours les couleurs, etc. Je me demande s'il existe... Et les témoignages sont toujours les mêmes. Ce sont virtuellement les mêmes témoignages.

Avez-vous pu déterminer si des emballages neutres seraient toujours une meilleure approche que ce qui est proposé aujourd'hui et, dans l'affirmative, pouvez-vous me dire pourquoi on y a renoncé?

M. Rob Cunningham: Je pense que les arguments en faveur d'emballages banalisés sont encore plus forts que lorsque le comité s'est penché sur la question en 1994. Une partie de la preuve figure dans la documentation que nous avons déposée aujourd'hui.

Je pense que la meilleure solution aurait été de combiner ces avertissements avec des emballages neutres. Ce n'est pas nécessairement l'un ou l'autre. On pourrait avoir les deux. C'était d'ailleurs ce que nous avions recommandé au gouvernement. Voici le projet de règlement résultant du rapport du comité. Le comité avait recommandé de mettre en place d'abord un cadre autorisant la prise d'un règlement.

Les promoteurs de la santé publique, dans le milieu associatif, n'ont certainement pas renoncé. Cette mesure représente un pas dans la bonne direction, mais ne va pas aussi loin que nous le souhaitions.

M. Paul Szabo: Dans le groupe précédent, M. Wilson a donné à entendre que le gouvernement négocie actuellement des arrangements ou des compromis pour surmonter les divergences d'opinions concernant les répercussions. Êtes-vous informé de ce que le gouvernement est censément en train de faire pour apaiser l'industrie du tabac? Dans la négative, pouvez-vous hasarder une opinion sur ce qu'il pourrait bien être en train de négocier pour tempérer le projet actuel?

M. Rob Cunningham: Je n'ai certainement pas connaissance que le gouvernement négocie un tel arrangement. Le ministre de la Santé, lors d'un forum public tenu hier, s'est clairement exprimé en faveur du projet que vous étudiez. Si le règlement dont vous êtes saisi devait être affaibli, cela n'apaisera personne de notre côté de la table.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci à vous tous, nous vous sommes très reconnaissants de votre présence aujourd'hui.

Nous allons vous demander de céder la place rapidement. Un certain nombre d'autres personnes attentent encore leur tour et nous allons les entendre maintenant. Merci encore.

• 1105

Mesdames et messieurs, nos prochains témoins sont Mme Donna Dasko, vice-présidente principale chez Environics Research Group Ltd., et M. Grégoire Gollin, président de Créatec.

Madame Dasko, voulez-vous commencer, je vous prie.

Mme Donna Dasko (vice-présidente principale, Environics Research Group Ltd.): Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir invitée à prendre la parole devant le comité sur la question des attitudes et réactions du public aux changements concernant les emballages de cigarettes.

Je signale pour commencer qu'Environics a mené quantité de recherches sur la question des emballages au cours des dernières années, depuis 1996, lorsque nous avons entrepris plusieurs études pour Santé Canada. Nous avons examiné d'abord la question de la présentation de la liste d'ingrédients toxiques du tabac selon différents formats, pour déterminer quelles modalités étaient efficaces et inefficaces pour les Canadiens et les fumeurs.

Nous avons également mené beaucoup de recherches pour la Société canadienne du cancer. Rob Cunningham a comparu tout à l'heure et a mentionné certaines de ces études et de nos conclusions.

Ces recherches ont pris la forme d'études sur des groupes type, qui sont une forme classique d'étude de marché, ainsi que de sondages d'opinions. Nous avons effectué quantité de recherches avec des groupes type au cours des dernières années. Nous avons organisé entre 200 et 300 séances de groupes type au cours de cette période, composés de fumeurs, de fumeurs potentiels et particulièrement de jeunes, de jeunes fumeurs.

• 1110

Par ailleurs, nous avons effectué une large somme de recherches quantitatives au moyen d'enquêtes auprès des Canadiens, d'enquêtes auprès des fumeurs, en vue d'évaluer la sensibilisation, les comportements et les réactions aux mises en garde existantes et nouvelles apposées sur les produits de tabac.

Je ne vais pas entrer dans le détail de ces études volumineuses. J'aimerais simplement passer en revue quelques constats particulièrement importants qui permettent de cerner la réaction du public, des Canadiens, des fumeurs, aux mesures que vous examinez.

Une étude très utile et fructueuse est celle que nous avons effectuée pour Santé Canada en mars 1999 auprès de groupes type. Nous avons formé 18 groupes type dans six localités du pays, comprenant trois catégories de fumeurs—des fumeurs récents, des fumeurs désireux d'arrêter et des fumeurs invétérés. Les villes étaient Toronto, Montréal, Sault Ste. Marie, Trois-Rivières, Halifax et Vancouver.

Cette étude est particulièrement importante car elle a mis en évidence l'importance et l'efficacité d'images graphiques, de photos et des couleurs pour communiquer des avertissements et des renseignements sur les dangers du tabac. Je vous en dirai un peu plus sur cette étude avec les diapositives suivantes.

La deuxième étude que je considère particulièrement importante est un sondage national réalisé dans le courant de l'été 1999. C'était une enquête auprès de la population adulte du Canada, fumeurs compris. En outre, nous avons mené un sondage auprès des jeunes Canadiens, un échantillon de plus de 2 000 adultes. Étant politiciens, vous n'ignorez pas que cela est considéré comme un échantillon très vaste pour une enquête nationale. Il est atypique d'utiliser un échantillon aussi vaste, mais cela procure une très faible marge d'erreurs.

Cette enquête et celle auprès des jeunes couvraient 222 fumeurs. Il s'agissait là de sondages à domicile, ce qui est un autre facteur singulier, qui nous permettait d'utiliser des graphismes, des images et d'en tester l'effet sur les sondés.

Ce sondage est important car il a démontré l'appui du public aux messages de mise en garde inscrits sur les produits du tabac, l'importance du paquet en tant que véhicule d'information sur la santé et l'efficacité d'une nouvelle et plus grande image visuelle, par comparaison aux paquets actuels.

Enfin, nous avons effectué une série d'études... Je ne devrais pas dire «enfin», car il y en a eu beaucoup d'autres. Je parle ici uniquement des études importantes aux fins de la discussion d'aujourd'hui. Nous avons effectué une étude sur des groupes type entre octobre et décembre dernier, dans cinq villes du pays. Il y avait 35 groupes composés de fumeurs susceptibles d'arrêter, de fumeurs invétérés, de jeunes fumeurs et de fumeurs potentiels, les deux dernières catégories étant des jeunes gens.

Cette étude a permis de mesurer l'appui aux nouveaux et plus grands messages visuels et l'effet et l'efficacité de 67 messages et images, parmi lesquels le gouvernement a choisi les 16 présentés par le ministre il y a quelques mois.

Voici donc certaines des études clés. J'aimerais maintenant vous faire part très brièvement de certains résultats de ces recherches, sous forme des distributions en pourcentage des réponses à ces enquêtes.

Dans le sondage d'août 1999, à la question «Avez-vous déjà remarqué les messages de mise en garde inscrits sur les paquets de cigarettes?», les réponses montrent qu'un pourcentage très élevé de la population les a déjà vus. C'est la quasi-totalité de la population, avec 88 p. 100 des adultes. Évidemment, 98 p. 100 des fumeurs—et je ne sais pas ce que font les deux autres pour cent—les ont vus. Parmi les jeunes, 94 p. 100 ont vu les messages sur les paquets de cigarettes.

Nous avons poussé plus loin et demandé: «Combien de fois regardez-vous et lisez-vous les messages de mise en garde inscrits sur les produits du tabac?» Vingt-trois pour cent des adultes répondent une fois par jour ou plus, 15 p. 100 une fois par semaine ou plus. C'est donc un nombre important de gens ordinaires, englobant des fumeurs et des non-fumeurs, qui disent voir ces messages avec une assez grande fréquence.

• 1115

Évidemment, les fumeurs les voient beaucoup plus que la population en général, mais regardez le nombre de jeunes de tous âges qui voient, regardent ou lisent les mises en garde. Trente-six pour cent de tous les jeunes disent les regarder une fois par jour ou plus et 25 p. 100 une fois par semaine ou plus, soit un total de 61 p. 100 de jeunes qui regardent ou lisent les messages d'avertissement une fois par semaine ou plus. C'est une très forte proportion des jeunes.

Vous voyez donc l'importance de l'emballage comme véhicule d'information pour toute la population, pas seulement les fumeurs.

Le sondage demandait également: «Appuyez-nous ou non l'inscription de messages de mise en garde sur les produits du tabac?» Le taux d'approbation d'ensemble est très fort, soit 65 p. 100 des adultes qui manifestent un appui marqué et 22 p. 100 un appui modéré, soit un total de 87 p. 100 de tous les Canadiens adultes en faveur. Même les fumeurs y sont favorables en majorité. Chez les jeunes, 92 p. 100 y sont favorables et ce chiffre englobe les fumeurs. En effet, nous avions identifié pour ce sondage un groupe de jeunes fumeurs.

Ainsi que Rob Cunningham l'a déjà dit, plusieurs études, menées par nous ou d'autres, ont mis à l'essai l'efficacité relative des messages de plus grande taille que l'actuel.

Ce message-ci résume très bien, à mon avis, la tendance. Nous montrions aux répondants le paquet actuel et un paquet avec un nouveau message comportant une photo d'un poumon malade, le paquet statu quo étant le message à sa dimension actuelle et le nouveau message couvrant 60 p. 100 du paquet.

Une majorité dans tous les groupes estimaient que le nouveau message renseignait plus efficacement les Canadiens sur les effets du tabac sur la santé et les encourageait davantage à réduire leur consommation: une majorité de tous les Canadiens adultes et une majorité des fumeurs. En outre, j'attire votre attention sur la forte proportion de jeunes Canadiens partageant ces avis. Je considère cela comme un constat très important.

Pour résumer, voici certains constats tirés des recherches sur des groupes type, qui est une recherche qualitative sous forme d'entretien portant sur ces sujets et au cours desquels on leur montrait des maquettes. De façon générale, nous commencions à parler avec les groupes type des mises en garde relatives à la santé sur les produits de tabac. Il en ressort tout d'abord que toutes les catégories de fumeurs sont très sensibilisés et se souviennent des messages existants. Les résultats des sondages corroborent ce constat.

Virtuellement tout le monde—excepté peut-être un très petit groupe que nous appelons les «fumeurs invétérés»—la grande majorité des fumeurs et non-fumeurs sont en faveur de la notion d'avertissement sur les paquets de cigarettes. Cependant, les messages actuels ont perdu de leur impact. Nous avons rencontré cela de façon universelle chez les groupes type. Les messages actuels suscitent une indifférence marquée. Ils sont jugés ternes et répétitifs. Cela a été le même constat partout. C'est un thème récurrent dans à peu près toutes les études que nous avons menées.

Pour attirer votre attention sur certains des résultats de notre recherche de mars 1999 auprès de groupes type, j'ai personnellement trouvé cela l'une des études les plus gratifiantes et passionnantes que j'ai jamais réalisées, et j'ai derrière moi une longue carrière dans les études de marché et les sondages d'opinions. Nous avons été très frappés par ces résultats, car nous mettions à l'essai différents textes de mise en garde et aussi des dessins, des photos, des icônes, des têtes de mort, quantité d'images différentes.

Cette étude nous a réellement montré l'importance du graphisme, des photos et des couleurs. Tout cela attire l'attention des gens, rencontre une résonnance, particulièrement chez les jeunes. C'est surtout aux photos, aux dessins et aux couleurs qu'ils ont réagi. Les textes parlants, du genre «mort lente et douloureuse», ou «gaz incolore et inodore», soit le monoxyde de carbone, marchaient bien aussi. Ce qui frappait le plus était des mots crus et les descriptions les plus parlantes.

• 1120

Ce qui est frappant dans cette étude également, c'est l'importance des idées fraîches et des renseignements nouveaux, soit au lieu de seulement inscrire «la cigarette cause le cancer» mettre «la cigarette donne le cancer à x nombre de personnes», avec des statistiques et des renseignements concrets, en lieu et place du message de statu quo, qui est défraîchi et fatigué. Ce qui marche, ce à quoi les gens réagissent de façon plus positive, ce sont les idées fraîches, des renseignements nouveaux ajoutés aux messages du statu quo.

Les répondants réagissaient également mieux aux messages couvrant une plus grande partie de la surface des paquets. Dans virtuellement toutes ces études, la majorité jugeait toujours plus efficace le message couvrant la plus grande surface. C'était pratiquement universel dans toutes les recherches.

Pour conclure, quelques conclusions saillantes—je crois avoir déjà épuisé presque tout mon temps de parole—de la recherche d'octobre-décembre dernier, au cours de laquelle nous avons mis à l'essai 67 messages et graphismes mis au point par le ministère en collaboration avec beaucoup d'autres intervenants. Nous les avons éprouvés auprès d'une série de groupes type, d'un grand nombre de groupes type, et voici les conclusions auxquelles nous avons abouti.

Tout d'abord, nous avons rencontré une réaction globale positive aux avertissements plus grands assortis de couleurs et photos. Là encore, les jeunes étaient particulièrement impressionnés par les photos. Ils y sont très sensibles.

Chez les fumeurs... Nous faisons appel dans nos enquêtes et recherches à différentes catégories de fumeurs. Nous appelons «fumeurs invétérés» ceux qui n'ont jamais essayé d'arrêter ou n'envisagent pas de le faire. Entre 25 p. 100 et 35 p. 100 des fumeurs appartiennent à cette catégorie. Voilà un groupe.

Mais le groupe le plus nombreux de fumeurs est celui des gens susceptibles d'arrêter, c'est-à-dire qui ont sérieusement envisagé de le faire ou ont essayé de le faire récemment ou projettent de le faire.

Ceux-là sont très réceptifs à cette approche. Ils l'aiment beaucoup. Ces fumeurs cherchent quelque chose. Ils cherchent plus de renseignements. Ils ont besoin d'aide pour les amener de l'état de fumeur à l'état de non-fumeur et ils sont très ouverts à ce genre de message.

La réaction globale était très positive. Puis, pour ce qui des différents types de messages, nous en avons mis à l'essai qui incitent à arrêter de fumer—mettant en garde contre la maladie, la mort, les effets environnementaux du tabac—beaucoup de messages schématiques différents. Dans l'ensemble, ceux qui résonnent le plus sont les messages parlant de maladie et de mort. Ils sont les plus efficaces auprès de la catégorie générale des fumeurs; leur efficacité couvre tous les sous-groupes.

Je crois que vous avez tous vu la photo des gencives malades. Nous avions déjà éprouvé cette photo dans les premières recherches, et c'était celle qui provoquait le plus de réactions, surtout chez les jeunes, lorsqu'ils voyaient cette photo des gencives malades... Les jeunes sont très intéressés par les éléments visuels, l'apparence. Cette image les frappe énormément. Ils disent qu'on ne peut voir un poumon ou un coeur malade, mais Dieu, lorsqu'ils voient cette photo d'une bouche et de gencives atteintes, c'est... C'est une photo sensationnelle. C'est une image sensationnelle à bien des égards. Elle a beaucoup d'impact. Elle est très bonne.

Celle-ci est donc particulièrement efficace, et celles d'autres maladies—les tumeurs aux poumons, les attaques cérébrovasculaires—sont très efficaces, surtout chez les fumeurs adultes. D'ailleurs, l'un des membres de nos groupes type a dit: «J'arrête de fumer tout de suite, ayant vu cette photo». C'était la photo des poumons. Elle en était beaucoup impressionnée. «Cette photo est terrifiante», était une autre réaction des membres du groupe type, et aussi «Je n'en crois pas mes yeux. Cela donne réellement à réfléchir». Voilà le genre de commentaires émis devant cette série d'images et de photos.

• 1125

Nous avons également mis à l'essai les messages incitant à cesser de fumer. C'est intéressant, car nous avons constaté que les Québécois tendent à être très réceptifs à des messages du genre «Arrêtez et restez en vie», «Arrêtez maintenant et vous verrez une amélioration sous peu, ou au bout de quelques années», ce genre de chose. Ils y sont très réceptifs. En revanche, les anglophones sont plus réceptifs aux images de morts et d'agonie. Les francophones sont plus réceptifs aux images de vie, ce qui est intéressant. Les Québécois s'intéressent à la vie et les non-Québécois s'intéressent à la mort, voilà une conclusion que certains pourraient tirer. C'est un constat que nous avons fait dans cette recherche au cours des 18 derniers mois.

Les messages sur les effets du tabac sur les enfants, les bébés et la grossesse sont particulièrement efficaces auprès des femmes, surtout les femmes adultes ayant déjà des enfants ou susceptibles d'en avoir. Elles réagissent très bien à ce genre de messages, qui résonnent puissamment auprès d'un groupe particulier de fumeurs.

Enfin, les messages sur les effets environnementaux sont très efficaces, ou à tout le moins plus efficaces auprès des jeunes fumeurs qui sont très réceptifs au contexte social et très préoccupés par les effets de la fumée dans l'environnement.

Là-dessus, j'aimerais vous remettre le texte de ces études. Vous avez déjà reçu une volumineuse documentation de la Société du cancer et de Santé Canada. Vous pourrez prendre connaissance des résultats de cette recherche à loisir, mais j'ai jugé important de vous faire part ici de certaines de nos conclusions qui ont servi de fondement au projet du gouvernement.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Dasko.

Monsieur Gollin, s'il vous plaît.

[Français]

M. Grégoire Gollin (président, Créatec): Je m'appelle Grégoire Gollin et je suis de la firme Créatec de Montréal. Je vais vous présenter aujourd'hui les résultats d'une étude sur les perceptions.

Cette étude nous a permis de mesurer les effets d'une hausse de la visibilité de la mise en garde sur les paquets de cigarettes sur les opinions et les perceptions. Cette étude a été effectuée en septembre 1999 et on a effectué une autre étude en mars de cette année. C'était une réplique réduite de la première étude et cela nous a servi à mesurer la robustesse des conclusions et des résultats.

Contrairement à la coutume, je vais vous donner la conclusion immédiatement. Oui, le seul fait d'accroître la surface des avis sur les paquets a un effet significatif sur les perceptions et les croyances. On va voir rapidement comment on en est arrivés à cela et sur quoi. Non seulement il y a des effets significatifs, mais sur des variables très critiques, les effets sont importants.

Avant d'entrer dans les détails, je vous dis que tous les résultats que vous avez ne concernent que des accroissements de surface. Toutes les considérations liées à la disposition graphique, à l'image de marque visuelle, par exemple, ont été totalement contrôlées. Il s'agit seulement des effets causés par un accroissement de surface et de rien d'autre.

• 1130

Ici, vous avez un exemple de la surface qui a été testée. On avait quatre scénarios d'augmentation de surface: la surface actuelle de 30 p. 100, ensuite 40, 50 et 60 p. 100. Vous avez donc le scénario actuel. Chaque scénario d'accroissement de surface était illustré par deux avis qu'on avait pris comme exemples et qui ont été constants. C'est le scénario actuel qui a servi de base de comparaison.

Vous avez ici une illustration de ce que peut représenter un scénario à 50 p. 100. Tous les scénarios se présentaient sous forme d'un paquet de cigarettes king size.

Quelles étaient les questions de base posées lors de la recherche? Il y en avait une très importante: les avis sont-ils perçus comme étant plus efficaces lorsque leur surface est accrue? Autrement dit, les opinions, les perceptions, les croyances des gens sont-elles influencées lorsqu'on augmente la visibilité des mises en garde sur les paquets? On ne parle pas de visuel; on parle d'augmenter la visibilité.

Les deux autres questions sont des questions connexes à la première. Premièrement, est-ce que les variations qu'on observe dans les perceptions sont significatives? Quand on dit significatives, ce n'est pas un jugement de valeur. C'est ce qu'on appelle un test statistique et cela nous dit que c'est significatif ou que ça ne l'est pas. Les critères qu'on a suivis sont les critères minimums qui correspondent au moins aux standards de l'industrie. On a au moins 95 p. 100 de chances de pouvoir affirmer que les effets sont significatifs. On a 95 p. 100 de chances d'avoir raison quand on dit que c'est seulement causé par une augmentation de la surface.

On a également voulu vérifier la fiabilité des résultats de l'étude en profondeur, et la seconde étude de validation a vérifié entièrement tous les résultats, sur tous les critères.

Il y avait quatre groupes-cibles: deux groupes de jeunes de 14 à 17 ans composés, d'une part, de fumeurs actuels et, d'autre part, de personnes vulnérables, c'est-à-dire de gens qui ne fument pas présentement mais qui sont tentés par la cigarette. On s'est rendu compte que ces jeunes étaient particulièrement sensibles aux hausses de visibilité des mises en garde. Les adultes accrochés, ce sont les fumeurs actuels qui ne veulent pas cesser de fumer, du moins pas au cours des 12 prochains mois. Les fumeurs décrocheurs sont ceux qui fument présentement, mais qui envisagent ou qui ont l'intention de cesser de fumer au cours des 12 prochains mois.

Certains critères d'efficacité ont été pris en compte. Quand on dit que la hausse de la visibilité est plus efficace, il faut avoir des critères. On avait 39 échelles ou critères qui nous ont permis de mesurer les effets de chacun des scénarios. Comme il y avait quatre scénarios, l'ensemble des échelles nous a permis de retracer les effets correspondant à 156 mesures. Ces 39 échelles par scénario sont regroupées ici en quatre catégories d'indicateurs. Une première catégorie correspond à l'objectif ultime de l'augmentation de la visibilité, soit de décourager les gens de fumer. On avait une série d'échelles pour cela.

La deuxième porte sur la valeur informative des mises en garde, ce qu'on a pu appeler la crédibilité des mises en garde. Vous avez ici le détail des cinq échelles qui nous ont permis de mesurer cette valeur informative. Le premier, par exemple, informe mieux le public sur les dangers du tabac. Le dernier était: «me convainc, moi personnellement, que ce qui est écrit est vrai». Les autres images «fumeurs» étaient une série de 17 échelles sur les traits de personnalité associés à une personne qui fume. L'image «produits du tabac» était une série de 9 échelles, par exemple la popularité, le goût des produits, la toxicité, etc.

Je passerai rapidement sur le plan de recherche parce qu'on manque de temps. Il faut retenir que toutes les entrevues étaient individuelles, en face à face, ce qui permet d'avoir un contrôle total du répondant, de son état d'esprit et de la façon dont on l'expose au scénario d'emballage.

La première étude en profondeur est l'étude de validation sur le même modèle. Oui, c'est une approche de sondage d'opinion, mais très particulière. Le modèle qui a été suivi est ce qu'on appelle un schème expérimental. C'est très connu en psychologie et en médecine. C'est un schème tout à fait approprié pour retracer les effets de variations de stimuli sur des variations de réponses, les stimuli étant, dans l'autre cas, des variations de surface.

• 1135

Les entrevues complétées ont été très substantielles pour des entrevues en face à face: 14 centres d'achats partout au pays, cinq régions, 1 632 entrevues pour la première étude en profondeur et environ la moitié de ce nombre pour l'étude de validation, réparties également entre les quatre groupes ciblés et réparties non proportionnellement selon les régions afin de refléter la population.

Nous arrivons aux résultats, mais je vais d'abord vous démontrer que la hausse de visibilité a un impact. Je crois que c'est important parce que l'on cherche ici des preuves. Quand on dit que l'effet est significatif, comme on le disait tout à l'heure, c'est en vertu d'une analyse statistique qu'on appelle ANOVA, qui est très utilisée pour l'analyse des schèmes expérimentaux et qui est très flexible et extrêmement puissante; c'est-à-dire qu'on peut analyser simultanément plusieurs scénarios et voir leur effet sur un grand nombre de variables.

Regardez cet exemple de sortie de cette analyse. Ici, c'était le paquet A par opposition au paquet B, c'est-à-dire la surface actuelle de 30 p. 100 par opposition à une surface de 40 p. 100. Le critère était: «décourage les gens de fumer». Les groupes cibles étaient composés seulement d'adultes. On voit ici l'effet de la hausse de visibilité: c'est significatif à 0,00, c'est-à-dire qu'on a moins d'une chance sur 1 000 que l'effet ne soit pas significatif. On a 99,99 chances d'avoir raison de dire: oui, cet effet est seulement causé par la hausse de visibilité.

La conclusion est la suivante. Comme je vous le disais, la réponse est que oui, la hausse de visibilité entraîne des différences de perception, par exemple des détériorations, sur l'image «fumeurs» et l'image «produits». Regardons-les plus en détail. D'abord, est-ce qu'il y a des effets significatifs quand on passe de la surface actuelle de 30 p. 100 à la surface de 40 p. 100? La réponse est oui sur tous les critères, sauf un, l'attrait de l'emballage ou packaging appeal ou likeability, en anglais. Mais sur tous les autres critères, l'effet est significatif, notamment sur deux groupes de critères très importants: le critère «décourage les gens de fumer» et le critère de la crédibilité des avis. Pour la crédibilité, l'effet est important chez les jeunes. Il est plus modeste chez les adultes, mais il est important chez les jeunes. Quand on regarde les résultats lorsque l'on passe de la surface de 30 p. 100 à la surface de 50 p. 100, on voit que tous les effets sont amplifiés. En général, l'effet de surface est beaucoup plus marqué chez les jeunes que chez les adultes.

J'ai épuisé les 10 minutes qui m'étaient allouées. Je vais réserver le reste des acétates et j'y aurai recours s'il y a des questions qui le nécessitent.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

[Traduction]

Monsieur Mills, allez-y, je vous prie.

M. Bob Mills: Cela reprend plus ou moins ce qui nous a mis sur cette voie. Ma principale question sera la suivante: nous avons entendu que ces images perdront de leur force de frappe au fil du temps et j'aimerais savoir si cela est vrai. Bien sûr, les imprimeurs ne voudront pas changer si souvent que cela les images. Cela ne paraît pas très pratique. Ai-je raison de dire cela?

• 1140

Mme Donna Dasko: Je pense que cela est vrai. C'est en tout cas ce que nous avons vu dans le cas des paquets correspondant au statu quo. Ces messages y figurent depuis de nombreuses années; il n'existe qu'un très petit nombre de messages et elles ont en vérité perdu de leur effet.

Nous tournant maintenant vers l'avenir, si les Canadiens et les fumeurs voyaient un jeu limité de messages sur une longue période de temps, je m'attendrais à ce qu'il se passe la même chose. J'estime que l'important est d'avoir un roulement et un plus grand nombre de messages, auquel cas les gens sont bien sûr exposés à des messages différents et ils continuent d'avoir le sentiment de voir quelque chose d'un peu différent et d'un peu nouveau.

Certes, je m'attendrais à ce que la même chose se passe au fil du temps. Encore une fois, on parle de la situation qui existera d'ici de nombreuses années. Et vous voyez que le nombre de messages aujourd'hui proposé est de loin supérieur au nombre actuel, alors l'incidence ne sera peut-être en fait pas la même que celle que l'on a constatée dans le cas des emballages actuels.

Je pense que ces messages auront une plus longue durée de vie que celle des messages que l'on voit maintenant sur les emballages. C'est là mon avis personnel. Je n'ai pas fait de recherches précises là-dessus, mais c'est ce à quoi je m'attendrais. Je pense que le nouveau jeu de messages aura une vie plus longue que le jeu actuel, mais qu'au bout d'un certain temps, ces messages feront sans doute partie du paysage et les gens y réagiront comme ils réagissent aux messages actuels.

M. Bob Mills: Encore une fois, et j'en ai parlé avec les témoins qui vous ont précédés, il semble que si vous aviez éliminé cette couleur, cela aurait eu pour effet d'augmenter sensiblement la portée du message. L'on verrait l'image et elle serait beaucoup plus frappante qu'entourée par tout le reste.

Mme Donna Dasko: Oui, c'est exact, et c'est un commentaire que l'on a entendu de la bouche de l'un des autres témoins qui étaient ici.

Je peux vous parler sur la base de notre expérience de recherche. Nous n'avons pas fait de recherche sur l'emballage simple avec, mettons, une simple image, mais parlant maintenant de ce sur quoi ont porté nos recherches, je pense que c'est extrêmement efficace. C'est vraiment toute une percée, avec ce que les gens voient maintenant et la façon dont ils réagissent. Certaines de ces images sont très graphiques et suscitent réellement des réactions, surtout du côté des jeunes. Les jeunes ne sont bien sûr pas sensibles à chacun de ces messages, car ceux-ci—comme je m'efforçais de le montrer—parlent davantage à certains groupes de fumeurs, mais de façon générale, ceux dans lesquels il est question de maladie et de mort ont un effet sur un plus grand nombre de fumeurs.

Ces messages font quelque chose; ils exercent une influence. Je pense qu'ils seront très bons. Je pense qu'ils vont très bien fonctionner, surtout auprès de ce groupe de fumeurs qu'on a eu tendance à appeler les décrocheurs potentiels. Un grand nombre de fumeurs—la majorité—veulent arrêter de fumer, et la plupart d'entre eux ont déjà essayé de le faire. Nombre d'entre eux espèrent pouvoir arrêter de fumer dans un avenir pas trop lointain.

Un assez bon nombre de ces fumeurs sont des femmes. Je n'ai pas de chiffres précis là-dessus, mais beaucoup de fumeurs dans cette catégorie sont des femmes, et elles réagissent très bien à cette approche et à nombre de ces messages.

M. Bob Mills: Encore une fois, une observation non scientifique serait que les jeunes filles semblent fumer plus que les jeunes garçons. Si vous allez dans une école secondaire de premier cycle, vous verrez des jeunes filles en train de fumer des cigarettes.

Si l'on montrait ces photos de gencives à des jeunes gens, est-ce que les filles seraient davantage touchées que les garçons?

Mme Donna Dasko: Je pense qu'et les garçons et les filles sont touchés par ces images, les jeunes gens étant très branchés sur leur apparence et sur le contexte social, et les signaux visuels sont très importants pour eux. Je sais que dans le cadre de cette recherche, lorsqu'on parle de doigts jaunes, de dents jaunes, de ce genre d'images visuelles—mauvaise haleine et autres effets du tabagisme—ils y réagissent très fort.

Cela vaut tout particulièrement pour les jeunes gens qui sont très préoccupés par leur apparence et par leur intégration à un contexte social. C'est là qu'intervient la préoccupation environnementale à l'égard de la fumée secondaire en milieu social, mais c'est surtout leur apparence qui compte. C'est pourquoi les images de gencives sont si puissantes, car elles combinent le message axé sur la maladie—troubles gingivaux—avec une image visuelle frappante.

Nous avons mené des expériences avec d'autres photos, notamment de lèvres cancéreuses, et ces images ont elles aussi beaucoup parlé aux jeunes gens. Ils les regardaient et demandaient «Oh, qui voudrait embrasser un garçon comme cela?», et ainsi de suite. Les jeunes gens réagissent très vivement à ce genre de chose.

• 1145

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Vous qui avez eu une jeunesse assez animée, d'après ce qu'on m'en a dit, seriez-vous d'accord pour faire une comparaison entre les cigarettes et les condoms? La raison pour laquelle je veux faire cette comparaison, c'est que votre sondage nous dit que les avertissements sur les paquets de cigarettes constituent une information significative. Cependant, il ne nous dit pas si cela va vraiment, concrètement dissuader les jeunes de fumer. Quand ce comité s'est penché sur la question du sida, il a essayé de comprendre la même chose: qu'est-ce qui fait qu'une fois qu'on a l'information, on l'incorpore et on la traduit en un comportement?

Plus tôt, un docteur en psychologie de la perception nous a un peu expliqué cela. Les données de votre sondage disent que ça impressionne les jeunes et que ça peut devenir un élément significatif, mais ne disent pas dans quelle mesure et quelle clientèle particulière est plus susceptible d'incorporer cet élément de l'information à un comportement.

Est-ce que, de façon générale, je fais une bonne analyse en disant cela?

M. Grégoire Gollin: En ce qui concerne mon étude sur les effets de surface, si on coupe cela carré, la réponse est oui. Tout ce qu'on a fait, c'est retracer l'impact au niveau des perceptions. Maintenant, si vous me demandez de quelle façon cet impact va se traduire au niveau des comportements, je vous dirai que ce ne sont pas des études longitudinales. Disons que ce serait tout un contrat, parce que cela prendrait de très gros échantillons sur de longues périodes.

En général, en publicité, en communications, c'est toujours le même problème qui se pose. Je dirais que 99 p. 100 de la communication que l'on voit est basée sur l'hypothèse suivante: en influençant la façon dont les gens pensent, en changeant et en étirant certaines valeurs, on va induire des milliers de nouveaux comportements. Il faut avoir un schème global dans tout cela.

M. Réal Ménard: Prenons un exemple concret. Les Québécois fument plus que les Canadiens en règle générale, particulièrement les jeunes. D'après Santé Canada, 37 p. 100 des jeunes fument. La Colombie-Britannique est la province où on fume le moins. Êtes-vous en mesure de nous donner de l'information sur les déterminants qui font en sorte, par exemple, que les Québécois fument plus que les autres Canadiens, et est-il vrai que l'on fume davantage dans les milieux défavorisés?

Je représente la circonscription d'Hochelaga—Maisonneuve, près du Stade olympique. Il y a une partie de ma circonscription qui, au niveau des revenus, est certainement plus défavorisée que la moyenne nationale. Avez-vous des indications qui révèlent que cette clientèle fume plus et qu'elle pourrait par conséquent être plus réceptive? Est-ce qu'il y a des clientèles plus réceptives à vos messages et à vos enquêtes?

M. Grégoire Gollin: Dans mon étude, ce n'était pas une considération. La seule chose qui devait être évaluée était les effets causés par une hausse de visibilité. Retracer la différenciation de ces effets par revenus, par habitudes, etc. n'était pas une considération. De toute façon, c'est bien beau, identifier des différences et trouver des symptômes, mais je doute que des études statistiques puissent suffire pour poser un diagnostic sur les raisons pour lesquelles les jeunes de tel groupe ou de tel endroit sont plus portés à fumer que d'autres.

M. Réal Ménard: Comprenez-vous l'importance, pour le législateur, d'avoir ce type d'information? Si, par exemple, on sait que les Québécois fument plus, il y a certainement, en termes behavioristes, une rationalité et des facteurs explicatifs. La même logique vaut pour le gouvernement. S'il est vrai que les jeunes sont plus influencés par les images que par l'écrit, cela veut dire, pour le gouvernement, qu'il faut rejoindre les jeunes par des images, et c'est ce que la stratégie de marketing du gouvernement propose de faire.

• 1150

Vous dites qu'il est vrai que ces images sont significatives pour incorporer de l'information, mais vous ne pouvez pas nous dire jusqu'à quel point elles permettront d'intégrer de nouveaux comportements.

M. Grégoire Gollin: Exactement, mais je me permettrai de préciser une chose. Il y a deux considérations dont il faut tenir compte. Il y a les images et il y a la surface. Ce sont deux choses indépendantes, différentes. On peut dire que les images en tant que telles, indépendamment de la surface, ont un effet. Autrement dit, si on prend un paquet dans sa présentation actuelle, où l'image occupe 30 p. 100 de la surface, le seul fait de mettre des images produit des effets, indépendamment de la surface, et ces effets sont importants et significatifs.

J'ai seulement regardé les effets de surface.

M. Réal Ménard: Je ne doute pas que vous y ayez mis beaucoup de coeur et de conviction, mais je me demande si, par rapport à ce qu'on cherche, il ne manque pas une variable très importante. Comment incorpore-t-on cette information à des comportements nouveaux? Le but de Santé Canada, c'est la lutte contre le tabagisme. Que des images soient plus significatives que des lettres, cela me semble tenir du sens commun. Mais c'est ce qu'on vous a demandé et c'est ce que vous avez fait.

Je pense que votre collègue se sent délaissée. On va lui permettre de parler un peu. Est-ce que vous souhaitez parler?

[Traduction]

Mme Donna Dasko: Je pense que votre question est très bonne. Beaucoup de gens s'interrogent sur l'incidence ou l'effet de renseignements sur les comportements. Je ne pense pas que quiconque prétende que si l'on apposait cela sur les paquets demain, tous les fumeurs arrêteraient de fumer et aucun jeune ne commencerait à fumer. Personne ne prétend ce genre de chose. Ce n'est pas ainsi que fonctionne le processus.

Nous parlons d'un processus parfois appelé commercialisation sociale. Nous parlons de changer des comportements, de fournir des renseignements en vue d'amener les gens à changer d'attitude et de comportement, l'histoire nous ayant montré que cela donne des résultats, mais pas chez tout le monde, même si, comme je l'ai dit, certaines personnes arrêteront de fumer à cause de cela. Dans le cas d'autres, y compris les jeunes, cela s'intégrera à leur environnement. Ils verront ces choses et ils disposeront de renseignements qu'ils n'avaient pas auparavant, et ils verront sans cesse ces renseignements.

Nous savons, sur la base de ce que je vous montrais, que de nombreuses personnes voient déjà ces renseignements sur les paquets de cigarettes, alors on parle de fournir des renseignements qui vont sans doute très bientôt changer le comportement de certaines personnes. Pour d'autres, cela fera partie d'un environnement dans le cadre duquel elles tiendront compte de ces renseignements et peut-être qu'elles arrêteront de fumer à un moment donné. Le processus n'est donc pas bijectif; il s'agit d'un processus à deux ou trois étapes qui s'étalera dans le temps.

Un membre du comité a tout à l'heure posé une question au sujet de la façon dont les comportements changent dans le temps. Nous savons que les comportements en matière de conduite en état d'ébriété ont changé au fil du temps. Nous savons que c'est également le cas de l'incidence générale du tabagisme. Grâce à ces efforts, et ce dont nous parlons ici en fait partie, nous avons changé nos comportements. Je pense que ceci fait partie d'un processus qui va dans le même sens.

Le président: Merci, madame Dasko.

Monsieur Jordan, je vous prie.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'être arrivé si en retard, et si ce dont je vais traiter a déjà été abordé, vous me le ferez savoir.

J'ai parcouru rapidement vos conclusions. Hier, nous avons rencontré les emballeurs, les imprimeurs. D'aucuns diraient que nous sommes entrés dans trop de détails techniques au sujet des capacités.

Personne ne conteste le fait qu'il s'agit d'un bon projet de loi qui va réduire l'incidence du tabagisme. Personne ne conteste le fait que ces messages pourront être imprimés. Nous essayons d'équilibrer cela avec nos capacités, celles de l'industrie canadienne de l'imprimerie, et c'est là que les choses sont devenues très techniques.

En gros, il s'agissait de savoir si les fabricants de produits du tabac étaient prêts à accepter des compromis quant à leurs marques de commerce. L'on pourrait arguer, qu'ils soient têtus ou non, que c'est leur droit légitime. Je suis certaine que si vous allez voir la société Coca Cola et leur demandez si elle accepterait une image balayée par scanner de sa marque, elle dira non. Avec cette contrainte, donc, et cette idée que nous voulons protéger les emplois, la seule possibilité ici est de jouer un petit peu avec l'aspect graphique.

• 1155

Vous avez vérifié l'efficacité du graphisme. Était-elle fonction de la taille des éléments graphiques ou bien du fait qu'il s'agissait d'une image en couleurs par opposition à une étiquette d'avertissement en noir et blanc?

Mme Donna Dasko: Dans la recherche que je vous ai montrée ici aujourd'hui, je pense que j'ai une copie du travail graphique. C'est ce que nous avons donné aux gens. Nous leur avons donné un bout de papier avec cela dessus. Tout était en couleurs.

M. Joe Jordan: Cela représente plus de 50 p. 100

Mme Donna Dasko: Oui. Dans le cadre de l'enquête que nous avons faite l'été dernier, nous avons utilisé celui-ci, qui recouvre 60 p. 100 de la surface. Nous avons validé cette enquête en mars de cette année.

M. Joe Jordan: Avez-vous relevé un lien direct entre la taille et l'incidence?

Mme Donna Dasko: Lorsque nous avons fait la validation en utilisant l'image du poumon proposée par le ministre, avec une couverture de 50 p. 100, nous avons constaté presque la même incidence relative pour le nouveau message comparativement au message actuel.

M. Joe Jordan: Entre 60 p. 100 et 50 p. 100?

Mme Donna Dasko: Oui, c'était dans le contexte du paquet actuel. Nous ne vérifiions pas les différences entre une couverture de 40 p. 100, 50 p. 100 ou 60 p. 100. Nous nous sommes cantonnés à une occupation de 50 p. 100 de l'espace et à la nouvelle photo de poumon.

M. Joe Jordan: Il y aura peut-être lieu à court terme d'opter pour 35 p. 100 en attendant que les avocats du monde essaient de tirer au clair la question des marques de commerce. Vous ne savez pas quelle pourrait en être l'incidence. Vous ne pouvez qu'essayer de deviner si une taille de 35 p. 100 serait aussi efficace que 50 p. 100 ou 60 p. 100.

Mme Donna Dasko: Je ne voudrais pas essayer de deviner. D'un autre côté, avec une occupation de 33 p. 100 ou de 25 p. 100, la photo ne va certainement pas avoir une grosse incidence.

M. Joe Jordan: Nous avons les maquettes avec 35 p. 100. Mais lorsque vous avez parlé ici de la réaction positive d'ensemble aux avertissements de santé plus gros, avec couleurs et images, vous n'avez en fait pas établi de corrélation avec la taille. Vous ne faites que supposer, sur la base de votre recherche, que plus gros est mieux.

Mme Donna Dasko: Oui, c'est exact.

M. Joe Jordan: Je suis d'accord, mais nous essayons ici de déterminer ce qu'il y a de mieux et ce qui amènera le moins de bouleversements pour l'industrie, qui a des préoccupations tout à fait légitimes.

Mme Donna Dasko: Nous avons fait de la recherche pour examiner l'incidence de différentes tailles. Je ne sais plus si Grégoire a fait d'autres travaux de recherche portant là-dessus. Sur la base de la recherche quantitative et de la recherche avec des groupes cibles que nous avons effectuées, comparant principalement le statu quo et la nouvelle donne, nous avons dans presque tous les cas constaté une bien meilleure réaction avec la nouvelle présentation, mais nous avons surtout utilisé des occupations de l'espace de 60 ou 50 p. 100.

M. Joe Jordan: Mais vous avez en même temps changé les variables. Vous avez remplacé un message en noir et blanc par du travail graphique en couleurs et vous avez changé la taille. Vous ne savez donc pas lequel de ces éléments a contribué à la réaction.

Mme Donna Dasko: Dans les tests que nous avons menés l'an dernier ainsi que dans la validation de cette année, nous avons utilisé le travail graphique couleurs pour l'emballage statu quo ainsi que pour le nouvel emballage.

M. Joe Jordan: Mais l'emballage statu quo ne comportait que des mots, n'est-ce pas?

Mme Donna Dasko: Oui, mais c'était de couleur rouge. C'était un emballage du Maurier rouge.

M. Joe Jordan: Nous ne savons donc en réalité pas quelle a été l'influence du graphisme par opposition à la taille. C'est une combinaison des deux, mais nous ne savons pas...

Mme Donna Dasko: En fait, il a un peu question de cela tout à l'heure, avec certains des témoins. Il y a eu d'autres recherches présentées là-dessus.

M. Joe Jordan: Et que cela a-t-il recouvert?

Mme Donna Dasko: Rob, vous pourriez peut-être en faire le résumé.

Le président: C'était la recherche britannique et australienne. Nous veillerons à vous faire parvenir la transcription des propos tenus.

Merci beaucoup, monsieur Jordan. Merci à vous deux.

Nous allons maintenant faire appel aux représentants de SmithKline Beecham, ainsi qu'à ceux des Addiction Management Systems.

[Français]

Monsieur.

M. Grégoire Gollin: Un élément de réponse à la question, c'est qu'on peut considérer que l'effet est linéaire de 30 à 60 p. 100. Donc, on peut considérer que c'est linéaire, mais comme dans toute communication, il y a ce que l'on appelle l'effet ressort. Si vous ne tirez pas les perceptions suffisamment, le ressort revient rapidement à sa place. Ce que l'on sait quant à la surface, c'est qu'il faut tirer le ressort au moins à 40 p. 100 pour voir apparaître des impacts importants au niveau de l'incitation à ne pas fumer et au niveau de la valeur informative des avis. On n'a pas évalué le risque de mettre une surface moins importante, par exemple de 30 à 35 p. 100, mais mon hypothèse est que l'effet ressort ne serait pas suffisant pour qu'il y ait une certaine durabilité au niveau des changements. Cela rejoint l'autre question.

• 1200

[Traduction]

M. Joe Jordan: C'est peut-être très bien, mais vous avez également introduit la notion de graphisme en couleur.

Qu'est-ce qui serait plus important: faire en sorte que le mot soit plus gros ou alors opter pour 35 p. 100 d'éléments graphiques? Le savez-vous? S'il vous fallait choisir, quelle serait votre préférence? Choisiriez-vous «La cigarette cause le cancer» avec une couverture de 60 p. 100, ou bien vous en tiendriez-vous à 35 p. 100, mais en y ajoutant les éléments graphiques? Laquelle de ces deux variables est la plus importante? Nous avons joué avec les deux.

M. Grégoire Gollin: Intuitivement, et s'il me fallait faire une recherche là-dessus, mon hypothèse clé serait la taille, car la grosseur envoie un message. Si vous prenez la taille actuelle prévue pour le message de Santé Canada, soit 30 p. 100, et 70 p. 100 pour l'industrie du tabac, vous n'envoyez pas un message en ajoutant tout simplement une image. Changez la taille, et je dirais que cela ajoute de la valeur au message.

M. Joe Jordan: Très bien. Monsieur le président, je demanderais votre indulgence pendant quelques instants, car ceci est très important.

Vous dites donc que s'il nous fallait choisir, nous devrions opter pour «La cigarette cause des maladies pulmonaires mortelles», occupant la moitié de l'espace et laisser tomber les éléments graphiques? Cela serait-il meilleur qu'insérer les éléments graphiques dans les 35 p. 100?

M. Grégoire Gollin: C'est là mon avis personnel, mais cela ne s'appuie pas sur des travaux de recherche.

M. Joe Jordan: Très bien.

M. Grégoire Gollin: Mais d'après ce que je sais...

M. Joe Jordan: Ce n'est pas mon avis personnel. Nous n'allons donc aller nulle part avec cela.

M. Grégoire Gollin: ... et d'un point de vue commercialisation, la taille envoie un message qu'une image ne pourrait pas envoyer.

M. Joe Jordan: Il nous faudra peut-être prendre ce genre de décisions. Il s'agit de renseignements importants. Mais je suppose que c'est une opinion.

Le président: Merci à tous les deux. J'apprécie le temps que vous nous avez accordé.

Monsieur Jordan, parlant de ces maquettes qu'avaient les gens de l'industrie hier, savez-vous où elles sont rendues?

M. Joe Jordan: Monsieur le président, la question—et je vais en parler avec eux—est qu'ils sont prêts à mettre ces choses sur les emballages en satisfaisant les exigences actuelles des fabricants de produits du tabac en matière de marque de commerce; il leur faut tout simplement la permission des fabricants parce qu'ils vont en définitive utiliser la véritable marque de commerce. C'est là-dessus que nous nous penchons. J'estime qu'il est important de regarder cela, car nous saurons alors de quoi nous parlons.

Le président: Oui, je n'ai pas vraiment eu l'occasion hier de regarder les maquettes de près; je ne les ai vues que de loin. Si vous pouviez arranger cela, je pense que ce serait une bonne chose. Merci beaucoup.

M. Joe Jordan: Très bien.

Le président: Nous allons maintenant entendre les représentants de SmithKline Beecham ainsi que d'Addiction Management Systems Inc.

M. Saul Shiffman, consultant chez Pinney Associates, est ici, je pense, pour représenter SmithKline Beecham.

M. Saul Shiffman (consultant, Pinney Associates; SmithKline Beecham Consumer Healthcare): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir pris le temps d'examiner cette question importante et d'avoir accepté d'entendre quelqu'un de chez votre voisin du sud. Je sais que nous sommes vos derniers témoins, alors je m'efforcerai d'être bref.

Permettez-moi de me présenter à vous. Je suis psychologue et professeur de psychologie à l'Université de Pittsburgh. J'étudie le tabagisme et les traitements antitabacomanie depuis 27 ans. Je travaille présentement comme expert-conseil chez SmithKline Beecham.

Pour vous situer un peu les choses, SmithKline Beecham commercialise des produits de désaccoutumance au tabac partout dans le monde sauf au Canada, et elle n'a donc aucune présence commerciale dans cette catégorie de produits au Canada.

Je suis également membre du panel sur la réduction de la toxicité des cigarettes de Santé Canada et je connais donc vos initiatives très positives au niveau des politiques.

• 1205

Je pense que les mesures que vous envisagez de prendre sont extrêmement positives. En tant que chercheur et en tant que conseiller auprès de SmithKline Beecham, je suis très favorable aux changements proposés, non seulement parce que, comme vous l'avez souligné, les avertissements envoient un message, mais également parce que j'estime qu'il s'agit des premiers avertissements qui donnent matière à réflexion aux fumeurs en leur suggérant de passer à l'acte et de s'engager dans un mouvement de lutte contre le tabagisme. Il ne sert pas à grand-chose de donner des avertissements aux gens si vous ne leur faites pas de suggestions quant à ce qu'ils pourraient faire à la place.

Je pense qu'il est important non seulement de motiver les gens pour qu'ils arrêtent de fumer mais également de les guider quant aux choses précises qu'ils peuvent faire, car la plupart des fumeurs veulent en fait déjà s'arrêter et cherchent en vérité un moyen d'y parvenir.

Cela nous amène à la question de donner aux gens aide et traitement. L'aide et les traitements se classent dans deux catégories. Le traitement comportemental est bien sûr ce qui nous vient souvent à l'esprit en premier, et c'est très important. Il me faut dire que cela n'est pas très bien accueilli chez les fumeurs. La plupart des fumeurs ne sont pas prêts à s'inscrire dans des programmes formels. Il y a une deuxième question qui a une incidence sur les traitements visant le comportement, et c'est ce qu'on appelle, faute d'un meilleur terme, toute «l'huile de serpent» qu'il y a sur le marché. Il y a beaucoup de gens qui prétendent avoir de bons traitements à proposer mais qui n'ont pas les preuve scientifique et clinique que ces traitements fonctionnent.

Je vais me concentrer sur les traitements pharmacologiques. Il s'agit là d'un domaine dans lequel, en un sens, étant donné la réglementation, la base scientifique est beaucoup plus solide. Il y a deux types de médicaments approuvés: les solutions de remplacement de la nicotine, qui se présentent principalement sous forme de timbres à la nicotine ou de gomme à la nicotine, qui sont en vente libre au Canada, et qui se présentent sous d'autres formes vendues sur ordonnance, et un produit qui n'est pas à base de nicotine vendu uniquement sur ordonnance.

Le président: Puis-je vous interrompre un instant?

M. Saul Shiffman: Absolument.

Le président: Nous discutons ici de l'étiquetage de produits du tabac...

M. Saul Shiffman: J'y arrive.

Le président: Vous y arrivez. Vous n'êtes pas ici tout simplement pour nous vanter votre produit.

M. Saul Shiffman: Non.

Le président: Très bien. Merci.

M. Saul Shiffman: Permettez-moi de passer très vite à cela.

L'essentiel est que ces traitements sont efficaces, et il nous faut faire tout notre possible pour encourager les fumeurs à bénéficier de ces traitements et il ne nous faut certainement rien faire qui puisse décourager les gens de recourir à ces traitements.

À cet égard, il est important de savoir que l'incidence sur le plan santé publique de tout traitement, quel qu'il soit, est fonction de son efficacité et du nombre de personnes qui y recourent. Si vous avez des traitements efficaces, qu'ils soient comportementaux, pharmacologiques ou autres, mais qui ne sont pas utilisés, il n'y aura pas l'incidence côté santé publique que nous visons.

Aux États-Unis, l'on a constaté une augmentation du recours à des traitements efficaces par suite, en vérité, d'un changement de réglementation—dans ce cas-ci, il s'est agi de rendre les produits de remplacement de la nicotine disponibles sans ordonnance. Ceci est tiré d'un document que nous avons publié et qui montre l'augmentation du nombre total d'Américains qui ont réussi à arrêter de fumer pendant la première année suivant la décision d'autoriser la vente libre des produits de lutte contre le tabagisme.

Par conséquent, en plus des personnes qui auraient arrêté de fumer de toute façon, l'on estime que près d'un quart de million de fumeurs ont arrêté de fumer du fait que ces produits étaient plus facile d'accès.

L'important ici est qu'il y a toute une gamme de barrières qui peuvent entraver l'accès à un traitement. Pour parler maintenant de la question de l'étiquetage, je pense que l'un des principaux obstacles se sont les méprises du public quant à l'innocuité des traitements à la nicotine en particulier. C'est ici que selon moi l'étiquetage, tout en encourageant les gens à arrêter de fumer, pourrait être amélioré en ne maintenant pas ces importants obstacles au traitement.

Plus particulièrement, il y a toutes sortes de fausses impressions quant aux risques de la nicotine en tant que substance ou médicament. Ainsi, par exemple, l'on sait que les effets néfastes du tabagisme ne sont pas le résultat de la nicotine directement; sont plutôt en cause le goudron, le monoxyde de carbone, le benzo[a]pyrène, etc. Or, je parle ici d'une enquête menée aux États-Unis. Les Canadiens font sans doute la différence. En fait, la plupart des fumeurs et même la plupart des médecins croient que c'est la nicotine qui est le principal coupable. Voilà donc qui constitue un obstacle de taille à l'accès par les gens à des traitements efficaces.

• 1210

Un deuxième obstacle connexe à avoir avec le risque d'accoutumance aux médicaments à base de nicotine. Il est clair que la nicotine, consommée en fumant des cigarettes, peut avoir un effet d'accoutumance. Il est également clair que lorsque les gens commencent à prendre de la nicotine par le biais de ces médicaments, cela ne déclenche pas l'accoutumance. Le problème est le suivant: dans la mesure où l'on dépeint la nicotine de façon négative, et j'en vois constamment les résultats cliniques, l'on décourage les gens de recourir aux traitements appropriés de lutte contre le tabagisme.

Permettez-moi maintenant de ramener cela à des suggestions précises que je vous soumets pour examen. En ce qui concerne la question de l'innocuité, l'étiquette proposée dit que la nicotine est une drogue très toxicomanogène. En réalité, c'est le tabagisme qui engendre la dépendance. Nous devrions donc faire tout en notre pouvoir pour encourager les gens à considérer le tabagisme comme engendrant l'accoutumance, mais nous ne devrions pas les décourager de recourir aux médicaments à base de nicotine qui, eux, ne sont pas toxicomanogènes.

De la même façon, je suis frappé par le fait que dans la liste de produits chimiques toxiques, qui apparaît à deux endroits différents sur l'étiquette proposée, une fois lorsqu'il est question de substances toxiques, de façon générale, et une fois lorsqu'il est question de fumée secondaire, c'est la nicotine qui y figure en première place. Je n'ai pas de recherches quantitatives, mais il est clair qu'un fumeur lisant cette étiquette pensera que c'est la nicotine qui est le pire élément contenu dans la fumée de cigarette, car elle est là en tête de liste. Je pense donc qu'il est très important de changer l'étiquette afin de ne pas maintenir cette impression.

Mon deuxième point, qui concerne l'idée d'encourager les gens à recourir à des traitements efficaces, vise la façon dont le traitement est abordé. Encore une fois, je pense qu'il vous faut être félicités du fait qu'il y ait là des messages qui font la promotion de traitements. Cependant, les mesures précises recommandées aux fumeurs canadiens pourraient être améliorées. Par exemple, un conseil donné sur l'étiquette proposée est qu'il faut rester actif et occupé. Il s'agit là d'un très bon conseil, mais cela ne va pas très loin. Ailleurs sur l'étiquette on dit de la cigarette qu'elle est aussi toxicomanogène que l'héroïne ou la cocaïne; or, on conseille tout simplement aux gens de rester occupés et d'essayer de se distraire. Je pense qu'il serait opportun d'encourager les gens à envisager des traitements à base de médicaments ou alors des services de counselling efficaces.

De la même façon, en ce qui concerne les symptômes de désaccoutumance à la nicotine, le texte actuel encourage en gros les gens à ne pas se préoccuper des symptômes en espérant qu'ils disparaissent. À mon sens, étant donné que nous avons des médicaments éprouvés pour contrer ces symptômes, il serait important d'en aviser les fumeurs.

Enfin, je pense qu'il est approprié d'encourager les gens à consulter des professionnels des soins de santé. Nous avons appris aux États-Unis qu'il s'agit là d'un obstacle de taille. Les produits approuvés étant en vente libre, il serait il me semble tout à fait opportun d'encourager les gens à se soigner directement sans se sentir obligés de consulter un professionnel des soins de santé.

Permettez maintenant que je fasse une récapitulation. Je pense que vous êtes en train d'étudier des règlements potentiellement efficaces en matière d'étiquetage. L'un des aspects très positifs est le fait que cela encouragera les gens à envisager de s'arrêter, mais il nous faut leur fournir des conseils précis, appropriés, et scientifiquement solides. Certes, nous ne voulons pas nuire, en d'autres termes, nous ne voulons pas maintenir les barrières de taille aux traitements qui existent, mais plutôt recommander des traitements qui ont fait leurs preuves scientifiquement et qui ont été approuvés par les organes de réglementation appropriés.

Merci de votre temps et de votre attention.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. Frederick Weston, président d'Addiction Management Systems Inc.

Monsieur Weston.

• 1215

M. Frederick Weston (président, Addiction Management Systems Inc.): Merci, monsieur le président de votre invitation.

Étant donné vos contraintes de temps, j'ai rédigé un texte et je vais en faire lecture. Ce que j'ai entendu ce matin m'amènera à improviser un peu au début et j'aimerais beaucoup parler des recherches à la fin, si j'en ai le temps.

Je vais m'inscrire dans une optique un peu différente de ce que vous avez vu toute la matinée. Avant de commencer, je tiens à rappeler que les fumeurs sont comme tout le monde et ne sont pas stupides. Ils ont peur et ont besoin d'aide. Mme Dasko a été la première à le dire et ce message reviendra souvent dans mon exposé.

Mes qualifications sont simplement que j'ai une expérience de première main avec plus de 15 000 fumeurs. Je les rencontre en face à face. Je les vois en face de moi, bras et jambes croisés, effrayés parce qu'ils se retrouvent dans une réunion où ils sont censés apprendre à ne plus fumer.

Je peux vous dire qu'avec ce que j'ai appris, le Canada peut devenir le premier du monde en matière de prévention du tabagisme, le premier du monde quant à la diminution du nombre de fumeurs, et le premier du monde quant à la diminution de la consommation de cigarettes. Et ces objectifs peuvent être atteints si les paquets de cigarettes comportent des messages positifs.

Je ne suis pas venu pour contester les données ou recherches présentées ici ce matin. Je suis plutôt venu préconiser des ajouts.

Cela n'a pas été dit ce matin, mais selon Statistique Canada, trois millions de Canada se disent désireux d'arrêter de fumer. Si l'on veut utiliser le paquet de cigarettes comme moyen d'information pour les fumeurs qui veulent et doivent arrêter, ils doivent devenir un moyen d'accès à une information qui motive les fumeurs à chercher l'aide dont ils ont besoin pour arrêter.

Les messages positifs ont contribué à la réalisation de ces objectifs dans plus de 4 000 lieux de travail. Ils ont motivé plus de 70 000 fumeurs à accepter la responsabilité personnelle de l'effet du tabac sur leur santé. Ils ont remis en marche le processus de sevrage. Ces fumeurs ont demandé et suivi une formation en modification du comportement qui leur a permis de décider du moment où ils fument et d'arrêter lorsqu'ils se sentaient prêts à faire l'effort nécessaire.

Voici quelques chiffres pour situer le contexte. En 1989, environ 20 p. 100 des fumeurs déclaraient qu'ils voulaient cesser de fumer et feraient la tentative. En février 1999, Statistique Canada a annoncé que le pourcentage des décrocheurs potentiels dépassait 50 p. 100. En 1989, entre 35 p. 100 et 40 p. 100 des fumeurs participaient à des programmes de renoncement au tabac en milieu de travail, bien qu'ils devaient en absorber une partie du coût. En 1999, la participation à ces programmes était passée à moins de 3 p. 100, bien que les employeurs assumaient la totalité du coût.

En l'espace d'une décennie, le nombre des personnes désireuses d'arrêter a augmenté de 150 p. 100, mais la participation au programme de désaccoutumance a diminué de plus de 30 p. 100. Si plus de 50 p. 100 des Canadiens veulent arrêter, pourquoi sont-ils moins de 3 p. 100 à participer à des programmes de désaccoutumance?

Au milieu et à la fin des années 80, l'Association pulmonaire et d'autres fournisseurs de programmes de renoncement au tabac utilisaient des images semblables à celles qui vont bientôt figurer sur les paquets de cigarettes. Elles montraient très clairement les dégâts du tabac dans les poumons et d'autres organes. Il était admis à l'époque que les illustrations feraient peur et les inciteraient à participer au programme de désaccoutumance. On avait tort. Les fumeurs ignoraient ces images.

Au début des années 90, au moment où la participation au programme de désaccoutumance amorçait sa chute vertigineuse, on a cessé de recourir aux images et à la peur pour cause d'inefficacité. Si ces méthodes n'ont pas donné de résultats par le passé, pourquoi penser qu'ils en donneront dans l'avenir?

Je vais traiter ici de quatre sujets, les messages négatifs, les messages positifs, la désincitation des enfants à fumer et les propositions concernant les emballages.

• 1220

Les messages négatifs et les échecs à répétition détournent la majorité des fumeurs des programmes de désaccoutumance. Ils les considèrent comme punitifs. «La cigarette peut vous tuer» est un message négatif. Il a certainement contribué à augmenter le nombre des fumeurs qui veulent arrêter. Malheureusement, il ne les a pas incités à essayer de le faire et n'a ni découragé ni réduit la consommation de tabac chez les pré-adolescents et jeunes adolescents.

La majorité des fumeurs nient qu'ils veulent cesser de fumer, encore qu'ils le feraient si c'était facile. La négation est leur façon de dire qu'ils ne veulent pas essuyer un autre échec. Les fumeurs ont besoin d'information et de réponses qui les motivent et les poussent à faire une nouvelle tentative.

Par exemple, la dépendance à l'égard de la nicotine est-elle le principal problème? Si oui, pourquoi tant de fumeurs ne sont-ils par parvenus à arrêter même en utilisant le timbre ou la gomme à la nicotine? Croyant à tort que leur principal problème, c'est la dépendance chimique, les fumeurs nord-américains dépensent un milliard de dollars par an en gomme, timbres à la nicotine et autres produits de désaccoutumance vendus sur ordonnance. Ceux qui échouent après avoir utilisé ces produits se sentent extrêmement dévalorisés. Ils ont besoin de savoir pourquoi ces produits n'ont pas marché pour eux. S'ils les utilisent à nouveau, ils doivent savoir comment maximiser leur efficacité.

Les fumeurs ont besoin de comprendre que leur principal problème, c'est leur dépendance psychologique. Ils ont besoin de savoir la vérité sur la désaccoutumance au tabac. Premièrement, il n'existe pas et il n'existera jamais de méthodes faciles. Deuxièmement, aucune méthode n'est meilleure qu'une autre. La meilleure méthode est celle dont le fumeur se sert à sa quatrième, cinquième ou sixième tentative lorsqu'il finit par réussir. Pour les employeurs qui paient la facture, le meilleur programme est celui qui engage et motive tous les fumeurs, celui auquel le fumeur peut recourir aussi souvent que nécessaire, où qu'il se situe dans le processus de la désaccoutumance.

Rares sont les fumeurs de nos jours qui nient que le tabac soit un risque pour la santé. Cependant, très peu d'entre eux savent que le risque est lié à la dose. Les fumeurs qui ne sont pas psychologiquement prêts à aller jusqu'au bout, doivent savoir qu'ils peuvent réduire les risques pour leur santé tout en continuant de fumer. Pour cela, ils doivent cesser de «fumer à gogo» et décider du moment où ils fument.

Le plus souvent, les gens «fument à gogo» lorsqu'ils se heurtent à des interdictions de fumer au travail, en avion, au cinéma, etc. Dès que la possibilité de fumer est limitée, le fumeur essaie «de faire le plein» et d'emmagasiner la nicotine. Il fume deux ou trois cigarettes d'affilée pendant une pause de 15 minutes ou avant d'entrer dans un lieu où il est interdit de fumer.

Les fumeurs doivent savoir que l'habitude de «fumer à gogo» est une réaction subconsciente aux restrictions. C'est une pratique qui ne sert à rien et qui est plus nocive que la consommation régulière de tabac. Ils doivent savoir que la nicotine, l'un des éléments chimiques les moins nocifs de la cigarette, ne peut pas être emmagasinée ou stockée. Fumer de cette façon procure une surdose de monoxyde de carbone, l'un des carcinogènes les plus dangereux. La pression sanguine augmente et le coeur bat plus fort. L'organisme entre en suractivité afin d'éliminer la surdose de produits chimiques et de carcinogènes.

Les fumeurs recommencent le processus de renoncement au tabac lorsqu'ils cessent de «fumer à gogo». Ils réduisent les risques pour leur santé, ils réduisent leur consommation et dépensent un tiers de moins pour les cigarettes.

Les messages positifs qui informent et éduquent motivent les fumeurs à recommencer le processus de désaccoutumance. L'expérience acquise dans plus de 4 000 lieux de travail montre clairement que les messages positifs motivent et incitent les fumeurs à demander et à suivre un entraînement en modification du comportement. Cet entraînement leur permet de décider du moment où ils fument et de cesser de fumer lorsqu'ils sont psychologiquement prêts à faire l'effort nécessaire.

• 1225

Les fumeurs renoncent à la négation lorsqu'ils apprennent que cesser de fumer et ne pas recommencer est un processus. Ils vivent une véritable épiphanie lorsqu'ils apprennent que leurs échecs passés sont des étapes positives et essentielles du processus. C'est une révélation pour eux d'apprendre que chacun de leurs échecs les rapproche toujours davantage de l'état de non-fumeur.

La dissémination sur les paquets de cigarettes d'une information positive qui motive et incite les fumeurs à s'engager dans le processus de renoncement réduira leur nombre et contribuera grandement à empêcher les jeunes Canadiens de devenir fumeurs. Comment les fumeurs qui essaient d'arrêter décourageront-ils les enfants de commencer à le faire? Eh bien, la plupart des parents essaient d'empêcher leurs enfants de fumer. Beaucoup de ceux qui ne fument pas ne rencontrent que peu de succès. Ceux qui fument en ont encore moins.

Les préadolescents et jeunes adolescents commencent à fumer pour des raisons bien connues. Ils n'ont pas idée jusqu'à quel point ils deviendront dépendants de la cigarette. Ils pensent qu'ils vont simplement arrêter dès qu'ils le voudront. Les enfants qui approchent de l'âge de l'expérimentation sont moins susceptibles de commencer à fumer s'ils voient leurs parents essayer de s'arrêter. En les regardant peiner au long de multiples tentatives pour se débarrasser de leur dépendance psychologique et de leur habitude, ils comprennent que leur croyance de pouvoir s'arrêter facilement est erronée.

Le projet de modification des emballages sera une autre première pour le Canada, mais il est négatif. Il ne fera rien pour les 3 millions de fumeurs qui ont pris l'engagement d'arrêter.

J'ai ici quelques maquettes de paquets de cigarettes. J'ai vu le ministre Rock hier soir à la télévision en montrer aussi. J'estime que ces paquets devraient comporter des messages positifs informant, motivant et incitant les fumeurs à faire une nouvelle tentative. J'ai ici un tableau que vous pourrez regarder plus tard, si cela vous intéresse.

Tout simplement, les fumeurs sont des gens ordinaires, qui ont peur et qui veulent s'arrêter. Il faut leur dispenser des messages qui leur apportent ce qu'ils veulent et dont ils ont besoin—une information positive qui élimine leur peur d'un autre échec et qui les relance vers leur objectif de devenir d'anciens fumeurs.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Weston.

Y a-t-il des questions?

Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: J'ai une courte question.

C'est un argument intéressant s'agissant des fumeurs actuels, mais il me semble—et ce n'est aucunement un avis scientifique—que si nous cherchons à empêcher les jeunes de commencer... Dites-vous que ces images n'auront pas d'effet, ou que vous ne savez pas si elles en auront? Vous êtes-vous penché là-dessus?

M. Frederick Weston: Écoutez, je n'ai pas de données scientifiques. Je n'ai que mon expérience pratique. Je sais à quoi réagissent les fumeurs et j'ai vu des douzaines...

M. Joe Jordan: Oui, mais qu'en est-il de ceux qui sont tentés de commencer? Il me semble que ces images établissent le lien que nous ignorions peut-être à cet âge, avec différentes conséquences: nous ne comprenions pas les conséquences à long terme. Est-ce que le choc des images...

M. Frederick Weston: Je ne suis pas juge de cela. Mais je sais qu'un gamin de 14 ans n'écoute pas grand-chose. Si vous leur dites qu'il ne sera pas facile pour eux d'arrêter, c'est une chose, mais si vous êtes fumeur et s'il voit combien vous avez de mal à le faire, cela leur donne matière à réflexion.

Il n'y a pas de solution magique.

M. Joe Jordan: Ce n'est peut-être pas tout ou rien.

M. Frederick Weston: Ce n'est pas tout ou rien. Il faut une combinaison de ces mesures.

Le président: Monsieur Weston, est-ce que ces échantillons et est-ce que ce tableau comportent des messages positifs?

M. Frederick Weston: Oui.

Le président: Excellent. Nous allons les regarder dans un instant.

Monsieur Charbonneau.

• 1230

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Je voudrais demander à M. Shiffman de nous expliquer de nouveau le point de vue qu'il a soulevé sur la nicotine. Vous semblez accorder moins d'importance à la dépendance à la nicotine qu'on ne le faisait jusqu'ici et, si j'ai bien compris, vous suggérez que nous changions certains messages pour réduire l'importance de la question de la nicotine. Je voudrais mieux comprendre cette question parce que si nous sommes d'accord là-dessus, cela pourrait nous amener à proposer des changements aux règlements.

[Traduction]

M. Saul Shiffman: Je vais essayer de vous expliquer. Je vais donner une explication relativement technique, non pas dans la perspective de mettre cela sur une étiquette, mais plutôt pour vous expliquer, comme vous le demandez, ce que la science dit de la nicotine.

Il ne fait aucune doute que la dépendance à la nicotine est la force motrice derrière le tabagisme. Mais ce qui rend la cigarette et les autres formes de tabac aussi accoutumantes tient à la manière dont la nicotine est administrée. Prenez la rapidité d'absorption. Lorsque vous inhalez une bouffée de cigarette, la nicotine parvient au cerveau en moins de dix secondes, alors que si vous mettez le timbre, il faut des heures pour que la nicotine se répande lentement dans votre système. Cela fait toute la différence. Cela rend les cigarettes très accoutumantes et fait que les timbres à la nicotine ne le sont pas du tout. Cela transparaît de toute une série d'essais d'accoutumance validés.

C'est donc un peu complexe et c'est pourquoi il serait sage de ne pas simplifier à l'excès sur l'étiquette et perpétuer la crainte des gens devant la nicotine, alors que celle-ci est une forme médicinale qui peut leur être utile. L'accoutumance est un message très important, mais il vaut mieux mettre l'accent sur l'action de fumer et le tabac, et pas nécessairement sur la nicotine.

Le président: Merci beaucoup.

M. Saul Shiffman: Merci.

Le président: Nous nous réunissons de nouveau cet après-midi à 15 h 30. Merci à tous. La séance est levée.