INDU Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
CHAPITRE 4 :
LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES
Au chapitre 1, le Comité observe qu'au cours des trois dernières décennies les investissements en capital physique, notamment en M&O, ont été bien moindres au Canada qu'aux États-Unis. Le Comité s'est en outre fait dire que le nombre de PME a crû de manière disproportionnée au Canada par rapport aux États-Unis. S'il reconnaît qu'en moyenne les PME ont un ratio capital/travail plus bas que les grandes entreprises et qu'elles sont, de ce fait, moins productives, il soupçonne toutefois que la composition du secteur canadien des entreprises est responsable de l'accroissement de l'écart de productivité entre les travailleurs des secteurs manufacturiers canadiens et américains. Dans le présent chapitre, le Comité se demande donc dans quelle mesure la productivité relativement médiocre de notre secteur de la fabrication tient à ces facteurs. La première section du chapitre brosse un tableau du secteur des PME au Canada, en portant une attention particulière à son rôle dans l'économie. La deuxième section fait état de ce que le Comité a appris à propos de la productivité des PME dans le secteur de la fabrication. Enfin, la troisième section traite de ce que les PME déplorent depuis toujours, à savoir leur difficulté d'accès au capital, et de l'incidence éventuelle de ce facteur sur leur productivité.
La contribution des PME à l'économie canadienne
Au Canada comme ailleurs dans le monde, les PME forment l'écrasante majorité des entreprises. Des 1 833 005 entreprises que comptait le Canada en juin 1999, 1 830 668 étaient des PME, soit plus de 99,8 %; 99 % des entreprises avaient moins de 100 employés, et 78 %, moins de 50. Les petites et les grandes entreprises dominent dans des secteurs différents. Chez les petites entreprises, 16 % oeuvrent dans le commerce de détail, 14 % dans la construction, 13 % dans les services commerciaux, 11 % dans d'autres services et seulement 5 % dans la fabrication. Ce tableau contraste nettement avec celui des grandes entreprises, dont 23 % sont actives dans le secteur manufacturier, 21 % dans le commerce de gros et 18 % dans le commerce de détail23.
Les PME dominent également au chapitre des statistiques de l'emploi. Englobant dans les PME tout entreprise de moins de 300 employés (définition plus étroite que d'habitude), Industrie Canada estime que les PME ont créé 175 000 emplois entre le deuxième trimestre de 1998 et le deuxième trimestre de 1999, soit plus de 60 % du nombre total d'emplois apparus au cours de cette période, reproduisant en cela les gains enregistrés pendant la dernière décennie. Par conséquent, des 11,8 millions de salariés d'entreprise que comptait le Canada en 1999, 6,2 millions travaillaient dans des PME, soit plus de la moitié.
La performance financière des PME est toutefois moins bonne que celle des grandes entreprises, comme l'indique le tableau 4.1, qui fait état des dernières données disponibles à cet égard. Bien qu'elles soient plus nombreuses, les PME ne comptent que pour 40 % des recettes d'exploitation et seulement 20 % des bénéfices d'exploitation24. Par ailleurs, leur marge bénéficiaire et leurs taux de rendement de l'avoir et des capitaux employés progressent à mesure que leur taille s'accroît, si bien que les grandes entreprises affichent à cet égard des chiffres supérieurs de 50 % à 100 % à ceux des PME. Ces données ne reflètent qu'un exercice financier, mais elles sont assez représentatives de ce qu'on a pu observer ces dernières années.
Tableau 4.1
Rendement financier selon la taille de l'entreprise -- 1997
Rendement Financier | Petites entreprises | Moyennes entreprises | Grandes entreprises | Ensemble des entreprises |
Marge bénéficiare | 3,7 % | 4,7 % | 9,7 % | 8,0 % |
Taux de rendement de l'avoir | 6,6 % | 9,3 % | 10,0 % | 9,0 % |
Taux de rendement des capitaux employés | 4,9 % | 6,4 % | 7,5 % | 6,7 % |
Ratio des dettes à l'avoir | 1,8 | 1,4 | 1,1 | 1,3 |
Source : Statistique Canada, catalogue no 61-219, 1997
La structure de capital des PME et des grandes entreprises diffère
également considérablement. Le ratio des capitaux d'emprunt aux capitaux propres est
beaucoup plus élevé dans les petites entreprises que chez les moyennes entreprises et
encore bien supérieur dans les grandes entreprises. Ayant un plus fort levier financier
que les grandes, les petites entreprises ont moins de latitude financière en cas de
récession et sont plus susceptibles de faire faillite. Un rapport récent d'Industrie
Canada sur les petites entreprises semble confirmer cet état de fait. Entre 1989 et 1996,
le taux de survie des très petites entreprises (moins de 5 employés) nouvellement
créées était en moyenne de 72,4 % après
1 an, de 44,3 % après 3 ans et de 32 % après 5 ans. Par comparaison, le taux de survie
des PME nouvellement constituées qui comptaient entre 5 et 100 employés était, pour les
périodes correspondantes, de 89,9 %, de 67,3 % et de 54,3 % respectivement. Il est donc
manifeste que plus une nouvelle entreprise est petite, plus ses chances de survie sont
faibles3.
Productivité des petites et moyennes entreprises du secteur de la fabrication
Le fait que les PME aient affiché un taux de croissance de l'emploi plus élevé et un rendement financier plus faible que les grandes entreprises au cours de cette période laisse supposer que leur ratio capital/travail croît plus lentement, ce qui semble indiquer que leur main d'uvre n'est pas très productive. Un témoin que le Comité a entendu a examiné de près cet aspect et en est venu à la conclusion suivante :
[En comparant] les niveaux relatifs de valeur ajoutée par employé dans les grandes usines et les petites,[...] [on constate] un écart important entre le début des années 70 et le milieu des années 90. [...] Par comparaison avec la situation aux États-Unis, il y a eu un léger gain dans les grandes usines par rapport à la moyenne américaine, mais, dans les petites usines, une baisse spectaculaire a été enregistrée. Cette plus faible productivité dans les petits établissements se manifeste aussi par des salaires plus bas, des profits inférieurs en moyenne, etc. Nous avons donc ici un problème dans les petites entreprises pour ce qui concerne le niveau de productivité, surtout quand on songe que le nombre d'emplois a tellement augmenté. [Don Daly, 6:15:35] |
Les données de ce chercheur indiquent en outre que les grandes usines canadiennes accusaient en 1973 des niveaux de productivité du travail d'environ 15 % supérieurs à la moyenne nationale, écart qui était de l'ordre de 40 % deux décennies plus tard. Par contre, les petites usines avaient des niveaux de productivité inférieurs de quelque 15 % à la norme nationale en 1973, mais cet écart était passé à 30 % 20 ans plus tard. C'est donc dire que l'écart entre les grandes et les petites usines, qui était de 30 points de pourcentage en 1973, avait atteint 70 points de pourcentage en 1992. Comparativement à l'usine américaine moyenne, les grandes usines canadiennes, dont la productivité était un peu plus élevée en 1977, avaient légèrement amélioré leur productivité relative en 1992. Par contre, la productivité des petites usines canadiennes représentait en 1977 environ 70 % de celle de l'usine américaine moyenne, mais, en 1992, cette productivité avait glissé sous la barre des 60 %26.
Enfin, les données de ce chercheur indiquent qu'en règle générale les petites usines appartenant à des intérêts canadiens connaissent les niveaux de productivité les plus faibles. La productivité des grandes usines canadiennes appartenant à des intérêts nationaux était comparable à celle des grandes usines canadiennes détenues par des intérêts étrangers, alors que le taux de productivité des petites usines canadiennes appartenant à des intérêts nationaux ne représentait que les deux tiers à peu près de celui de leurs homologues appartenant à des intérêts étrangers.
Cette faiblesse de nos petites entreprises par rapport aux grandes entreprises tiendrait notamment à la difficulté d'accès relative à la R-D et aux technologies étrangères; car les petites entreprises appartenant à des Canadiens sont à cet égard désavantagées par rapport aux petites entreprises appartenant à des intérêts américains. On a attiré l'attention du Comité sur ce déficit d'innovation, qui se serait d'ailleurs aggravé au cours de la dernière décennie.
Les usines dont la nationalité des intérêts auxquels elles appartiennent est étrangère au Canada sont plus susceptibles d'utiliser des technologies de pointe que celles appartenant à des intérêts nationaux, et l'ampleur de l'écart entre les unes et les autres ne diminue pas en général. Cet écart est cependant en partie relié à la taille et, une fois qu'on tient compte de cette dernière, on constate qu'il existe des différences sur le plan du rythme auquel les usines de tailles différentes contrôlées par des intérêts nationaux réduisent l'écart qui les sépare des usines contrôlées par des intérêts étrangers. Dans les grandes usines, l'écart diminue généralement, ce qui n'est pas le cas dans les usines de petite taille et de taille moyenne. Le fait que les taux globaux d'adoption des technologies de pointe par les usines appartenant à des intérêts nationaux soient encore inférieurs à ceux des usines appartenant à des intérêts étrangers, et ce, pour tous les principaux groupes fonctionnels de telles technologies, est donc le résultat d'un rendement relativement plus faible dans les usines de petite taille et de taille moyenne. 27 |
Les groupes fonctionnels auxquels les auteurs font référence sont
les technologies de pointe liées
1) au design et à l'ingénierie; 2) à la transformation, à la fabrication et à
l'assemblage; 3) aux systèmes de manutention informatisés; 4) à l'inspection; 5) aux
communications en réseaux; et 6) à l'intégration et au contrôle.
Le Comité a entendu d'autres témoignages en ce sens :
Cette enquête [menée au début des années 80] nous a permis de constater une certaine lenteur à glaner des idées neuves, à diffuser la connaissance et à intégrer celle-ci en profondeur au système. Étant donné qu'au Canada, la plupart des emplois sont créés par les petites et moyennes entreprises, il convient de se demander comment les connaissances pertinentes peuvent être adaptées à ces entreprises et y être exploitées. Il ne faut pas trop se préoccuper des grosses entreprises. Il vaut mieux se préoccuper davantage de la transmission de ces connaissances aux petites et moyennes entreprises. [David Slater, 10:9:30] |
Un deuxième témoin a avancé une autre hypothèse pour expliquer l'écart de productivité entre les usines canadiennes de grande taille et celles de petite taille :
L'écart de productivité est particulièrement prononcé dans le cas des PME.[...] Les grandes entreprises canadiennes sont tout aussi productives que celles des États-Unis, ce qui est tout à fait normal, puisque les grandes entreprises se délocalisent volontiers en faveur d'usines à haute productivité jusqu'à ce que cette productivité soit sensiblement la même dans toutes leurs usines. Mais ce mécanisme de compensation ne joue sans doute pas pour les entreprises plus petites ou non multinationales. Malheureusement pour le Canada, sa production provient en grande partie des PME, ce qui est beaucoup moins le cas aux États-Unis. C'est donc la piètre productivité relative de nos petites entreprises qui fait que la productivité de l'ensemble de nos entreprises est beaucoup plus faible que celle des entreprises américaines. [Douglas Porter, Nesbitt Burns, 22:11:10] |
Cela nous amène tout naturellement à nous demander pourquoi le Canada est devenu plus dépendant des PME que les États-Unis. Deux témoins ont affirmé d'emblée que cette situation résultait de la singulière générosité du régime fiscal canadien à l'endroit des petites entreprises.
De façon générale, le taux d'imposition des sociétés au Canada est bien supérieur à la moyenne de l'OCDE.[...] Par contre, l'impôt sur les profits des sociétés est vraiment tout autre dans le cas des petites entreprises, et ce, à deux égards. Premièrement, l'impôt sur les profits des sociétés est beaucoup moins lourd si les profits sont inférieurs à 200 000 $ par année. Deuxièmement, le traitement des dividendes est passablement généreux. Le résultat net, c'est-à-dire le traitement différent des petites entreprises au chapitre de la fiscalité, est l'un des facteurs qui ont contribué à mon avis à la croissance plus rapide de l'emploi au Canada qu'aux États-Unis. Cela a pour effet d'encourager la création de petites entreprises, mais aussi de garantir que celles-ci demeureront petites. Je crois que la fiscalité des sociétés peut causer des distorsions regrettables dans l'ensemble du secteur des entreprises. [Don Daly, 6:15:40] |
Au dire du deuxième témoin, cette distorsion fiscale ne sert aucun objectif économique légitime :
L'impôt sur la petite entreprise n'est pas une bonne idée.[...] Toutes les petites entreprises ont comme une épée de Damoclès sur la tête dans la mesure où, si elles prennent trop d'expansion, elles seront assujetties à un taux marginal supérieur. En quoi un tel régime les encourage-t-il à prendre de l'expansion? Il en résulte une prolifération de petites entreprises; pour bénéficier du taux inférieur, une même personne peut trouver avantageux de posséder une douzaine de petites entreprises plutôt qu'une seule grande.[...]. C'est charmant d'être gentil pour la petite entreprise, mais cela n'apporte rien à notre économie si ce n'est ce caractère charmant. [Roger Martin, Université de Toronto, 22:11:50] |
Ces critiques rappellent celles que soulève souvent le traitement fiscal accordé aux prestations d'aide sociale au Canada, traitement fiscal qu'on accuse de décourager les assistés sociaux de retourner sur le marché du travail. D'aucuns soutiennent qu'un bénéficiaire de l'aide sociale qui accepte un emploi au salaire minimum et qui, de ce fait, perd son droit aux prestations et se trouve assujetti à un taux d'imposition réel qui avoisine les 100 % ferait mieux de demeurer prestataire de l'aide sociale. De même, dans le cas des entreprises, un régime fiscal mal conçu peut amener les PME canadiennes à se montrer peu empressées à prendre de l'expansion.
Le Comité en conclut que nous devrions repenser la générosité de notre régime fiscal canadien à l'égard des petites entreprises. Puisque cette générosité vise largement à corriger le problème d'accès au capital auquel font face les PME, on pourrait attendre de ce régime qu'il les incite à accroître leur productivité. De plus, le Comité sait que le Budget 2000 prévoit qu'à compter de janvier 2001, le taux d'imposition des petites entreprises dont le revenu se situe entre 200 000 $ et 300 000 $ passera de 28 % à 21 %. Les grandes entreprises bénéficieront d'une réduction similaire, mais qui s'appliquera graduellement. Le Comité est porté à croire que cet allégement fiscal devrait atténuer le fardeau fiscal accru qui accompagne à long terme la croissance d'une entreprise, surtout que cette mesure contribuera à accroître sa rentabilité et ses bénéfices non répartis. Pour une PME, une plus grande rentabilité devrait normalement se traduire par un meilleur accès au capital de financement; et une augmentation de ses bénéfices non répartis, par une amélioration de sa marge d'autofinancement, de sorte qu'elle sera en mesure d'investir davantage en M&O ou en R-D et, partant, de hausser éventuellement sa productivité. Quoi qu'il en soit, cet aspect mériterait une étude plus approfondie. Le Comité recommande donc :
9. Que le gouvernement du Canada étudie le régime d'imposition des sociétés, notamment les mesures proposées dans le Budget 2000, relativement au fardeau fiscal progressif qu'il pourrait imposer aux petites et moyennes entreprises. Il devrait ainsi veiller à ce que les entrepreneurs canadiens ne soient pas pénalisés fiscalement lorsque leur entreprise prend de l'essor et soient toujours incités à contribuer davantage à l'économie nationale.
Accès limité au capital de risque et au crédit
La principale plainte des PME canadiennes a toujours été leur difficulté d'accès au capital de risque, notamment au capital de financement (voir la figure 4.1). Les petites entreprises qualifient de médiocres à passables les services financiers qui leurs ont offerts sous l'angle des prix, de la qualité, du choix et de l'accessibilité.
Figure 4.1
Source : Pièce 2-44, L'évolution du secteur des services financiers au Canada : De nouvelles forces, de nouveaux compétiteurs, de nouveaux choix, Document de recherche préparé par McKinsey & Company pour le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens, septembre 1998.
L'étude menée par le groupe de recherche McKinsey auprès de la clientèle des services financiers est très détaillée. On doit toutefois se garder de tirer des conclusions sur l'efficacité du marché des services financiers sur la base de ses diverses composantes plutôt que globalement. Par exemple, d'aucuns pourraient considérer qu'un faible écart entre le taux d'intérêt servi sur les dépôts et le taux d'intérêt exigé des emprunteurs est un signe d'efficacité. D'ailleurs, un témoin a fait valoir ceci :
Vous savez peut-être que, si vous comparez les marges d'intérêt en vigueur aux États-Unis, l'écart entre les taux que les banques et les autres institutions financières exigent sur leurs prêts et les taux qu'elles paient pour emprunter elles-mêmes,[...] cet écart a été et demeure considérablement plus important dans ce pays qu'au Canada, de sorte que, quand on parle de la compétitivité de l'économie américaine en termes comparables, le fait est que, quels que soient la série ou l'éventail de produits qui sont offerts aux Canadiens, ils sont en réalité meilleur marché qu'aux États-Unis. [Tim O'Neill, Association des banquiers canadiens, 30:11:10] |
Toutefois, si ces faibles écarts de taux d'intérêt s'accompagnent d'une accessibilité limitée aux services et d'un choix restreint de produits, ce que révèle d'ailleurs cette étude, on peut y voir un signe d'inefficacité plutôt que l'inverse. Les fournisseurs de services financiers n'établissent pas leurs barèmes de taux d'intérêt en fonction de l'éventail de risques qu'ils courent. Il n'est pas rare qu'ils préfèrent rationner le crédit, refusant les demandes d'emprunt des entreprises qui leur semblent trop à risque plutôt que d'exiger tout simplement un taux d'intérêt plus élevé en compensation. L'écart plus grand qu'on note à cet égard aux États-Unis tiendrait donc au fait que les banques prennent davantage de risques que leurs homologues canadiens dans leur portefeuille de prêts. Enfin, ce peut être également à tort qu'on croit parfois que les banques canadiennes sont moins efficaces que les banques américaines. Étant donné qu'il semble exister chez nous moins d'investisseurs en capital de risque pour combler ce manque, il faudrait peut-être en imputer la responsabilité au cadre réglementaire du marché des services financiers.
Notre système bancaire est fondé sur les imperfections du marché, pour les entreprises qui ne sont pas capables d'obtenir ce dont elles ont besoin[...] [A]ux yeux des prêteurs, ce sont des clients trop risqués pour ce qu'ils rapportent. Pour ce qui est de la taille des entreprises, nous savons qu'une petite entreprise qui ne vaut que quelques milliers de dollars ne rapporte pas beaucoup, mais elle exige beaucoup de temps, de formalités, etc., ce qui la rend moins intéressante pour l'institution financière. [Luc Provencher, Banque de développement du Canada, 27:9:45] |
Dans une certaine mesure, le gouvernement du Canada reconnaît déjà ces failles et a entrepris d'y remédier concrètement en intervenant sur le marché de deux façons : premièrement, en garantissant des prêts approuvés aux termes de la Loi sur les prêts aux petites entreprises et, deuxièmement, en créant la Banque de développement du Canada (BDC), la Société du crédit agricole et la Société pour l'expansion des exportations. Un porte-parole de la première de ces sociétés d'État, la BDC, a expliqué au Comité le rôle de cette institution financière en ces termes :
Les services de financement offerts aux PME par les institutions financières demeurent imparfaits, et le rôle de la BDC est de chercher à en combler les lacunes. Permettez-moi de vous donner quelques exemples pour bien vous montrer où résident ces lacunes. Elles peuvent avoir trait au risque, car celui-ci est souvent fonction du stade de croissance auquel en est rendue l'entreprise, de son emplacement, de son cycle économique, etc.; à la taille de l'entreprise, car le coût d'évaluation des demandes de prêt est le même peu importe la taille de l'entreprise; au savoir, car les entreprises fondées sur la matière grise ont tendance à avoir moins d'actifs matériels à donner en garantie; à la souplesse, car certaines entreprises ont parfois du mal à obtenir des prêts à des conditions flexibles adaptées à leurs besoins.[...] La BDC comble ces lacunes en accordant des fonds aux entreprises commercialement viables. Notre approche consiste en une solution globale : un guichet unique où sont offerts des fonds, du capital de risque, un service d'experts-conseils et un soutien à la gestion. Nous avons un réseau de plus de 80 succursales comptant 1 000 employés et nous avons une succursale virtuelle qui relie toutes les entreprises du pays. [Luc Provencher, 27:9:20] |
La BDC reconnaît l'importance de ne pas se substituer aux banques à charte -- un problème notoire que connaissaient les sociétés d'État qui l'ont précédée. La loi doit donc être conçue de manière à permettre au gouvernement de veiller à ce que cette société d'État joue un rôle complémentaire.
Nous sommes un prêteur complémentaire. La loi a été modifiée en 1995 pour nous permettre d'adopter une approche plus dynamique dans nos activités bancaires. En même temps, avec le nouveau mandat qu'il nous a confié, le gouvernement nous a demandé de chercher à favoriser l'établissement de partenariats, tant avec le secteur public qu'avec le secteur privé, d'abord et avant tout pour amener les banques, les coopératives de crédit et d'autres partenaires à investir avec nous dans des entreprises un peu plus risquées. Nous avons conclu plus de 42 ententes de partenariat, qui sont toujours en vigueur. Nous avons essayé de combler cette lacune. [Luc Provencher, 27:9:45] |
Cependant, le secteur des services financiers évolue lui aussi. Les nouvelles technologies de l'information font sauter les barrières traditionnelles entre les différents compartiments du marché financier et entre les pays, et nous ne faisons que commencer à voir apparaître sur le marché de nouveaux fournisseurs de services, et pas seulement des compétiteurs qui n'ont rien de nouveau à offrir.
On assiste, je crois, à l'apparition d'un nouveau type de services. Il y a, par exemple, des organisations qui se spécialisent dans ce que j'appellerais les prêts ou le crédit à risque élevé. Ainsi, il y a des sociétés américaines qui viennent s'établir au Canada pour y offrir des services d'escompte sur comptes débiteurs, d'affacturage, etc. Il y a des sociétés canadiennes qui le font également, mais il semble que le marché canadien soit relativement restreint, et pour pouvoir réussir dans ce domaine, il faut avoir une certaine envergure et un certain champ d'action. [Edmée Métivier, Association des banquiers canadiens, 30:10:30] |
De toute évidence, le Budget 2000 encouragera les investisseurs en capital de risque à pénétrer le marché canadien; puisque ces derniers et d'autres n'auront pas à payer d'impôt sur les gains en capital, jusqu'à un maximum cumulatif de 500 000 $, obtenus lors de la vente d'actions d'une petite entreprise si le produit en est immédiatement réinvesti dans une autre. Les PME dont l'avoir est inférieur à 2,5 millions de dollars avant investissement et à 10 millions de dollars après investissement auront droit à ces investissements en vertu de cette disposition de roulement.
Si les nouvelles technologies de l'information peuvent remédier aux lacunes qui existent de longue date sur le marché des prêts, leur adoption par les banques à charte devrait permettre de résoudre le problème du taux élevé de roulement chez les responsables des prêts, qui nuit manifestement aux relations entre les PME et les banques.
Dans son rapport, la FCEI fait observer qu'un très gros obstacle pour les petites entreprises est le roulement élevé des directeurs du crédit. Selon elle, les entreprises qui ont eu la malchance de devoir traiter avec quatre directeurs ou plus au cours d'une période de trois ans risquent deux fois plus de se voir refuser un prêt commercial que les clients des banques où le taux de roulement est plus bas. La FCEI a enquêté sur les prêteurs[...] et vous remarquerez que[...] les coopératives de crédit ont le taux de roulement le plus bas des directeurs du crédit de toutes les institutions financières. Vous remarquerez aussi que nous avons le taux de refus le plus bas. La stabilité de notre système et la stabilité de nos directeurs des prêts constituent de toute évidence un avantage concurrentiel clé pour les coopératives de crédit, et c'est probablement l'une des principales raisons pour lesquelles les petits entrepreneurs aiment faire des affaires avec les coopératives de crédit. [Brian Topp, Centrale des caisses de crédit du Canada, 27:9:10] |
Par ailleurs, dans l'économie du savoir vers laquelle nous nous dirigeons, il est probable que les problèmes d'accès au capital ne feront que s'aggraver. De plus en plus, l'élément d'actif le plus précieux d'une société est ce qu'on appelle son « capital humain », qui ne peut pas être affecté en garantie dans les contrats de prêt ordinaires. Les grandes entreprises auront toujours suffisamment de biens à donner en garantie, mais pas les PME. Que faire pour surmonter ce nouvel obstacle?
Il ne faut pas oublier qu'une institution financière n'est pas une pourvoyeuse de capital de risque ... [L]a solution à long terme consiste à engager des responsables des prêts qui ont une bonne connaissance du monde du commerce électronique. Les banques devront modifier leurs règles de manière à trouver un moyen de rendre compte des compétences sur un bilan et de prêter en fonction de ces compétences. C'est en ce moment une question d'actualité chez les comptables qui cherchent un moyen d'évaluer et de traiter le capital humain. Nous n'en sommes pas encore là, mais si l'économie continue à évoluer au rythme actuel, c'est un horizon qui n'est pas très éloigné. [Brian Topp, 27:10:50] |
Le Comité espère que la réforme réglementaire du secteur des services financiers qu'on amorcera plus tard cette année mènera à l'implantation d'une structure incitative propre à faciliter la venue de nouvelles institutions financières sur le marché, ce qui aurait pour effet d'accroître la concurrence dans ce secteur, pour le plus grand bien des PME canadiennes.
23 Industrie Canada, Bulletin trimestriel sur la petite entreprise, Hiver 2000, vol.1, no 4, http://strategis.ic.gc.ca/html.
24 Sur le plan de l'effectif, on définit la PME comme étant celle qui compte moins de 500 employés, alors que, sur le plan financier, on la définit comme étant celle qui a des revenus inférieurs à 5 millions de dollars.
26 Donald Daly, La petite entreprise au Canada et aux États-Unis : Comparaison de la productivité et des coûts dans le secteur de la fabrication, mémoire présenté au Comité en novembre 1999.
27 J. R. Baldwin, E. Rama et D. Sabourin, Croissance de l'utilisation des technologies de pointe dans le secteur canadien de la fabrication durant les années 90, Statistique Canada, 11F0019MPE no 105, p. 30.