INDU Rapport du Comité
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CHAPITRE 3 :
LA PRODUCTIVITÉ DU SECTEUR
MANUFACTURIER -- UN BILAN
Nous en venons maintenant au deuxième aspect de la piètre amélioration de la productivité de l'économie canadienne au cours des 20 dernières années, à savoir l'évolution de la productivité dans le secteur manufacturier. Nous devons découvrir pourquoi notre secteur manufacturier a tant perdu de terrain par rapport à celui des États-Unis à tel point qu'il existe maintenant un écart de plus de 25 % entre les productions de travailleurs types de nos deux pays. Les experts canadiens semblent penser que ce n'est pas l'ensemble du secteur qui laisse à désirer, mais surtout deux branches d'activité en particulier : l'équipement électrique et électronique et la machinerie industrielle et commerciale. Ces branches d'activité appartiennent aux industries de haute technologie, lesquelles semblent jouer un rôle de catalyseur important dans la croissance de la productivité de l'économie dans les deux pays. Contrairement aux industries à faible et moyenne technologie, les industries de haute technologie innovent davantage au niveau des produits qu'au niveau des procédés. L'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis dans le secteur manufacturier est donc imputable surtout à un décalage dans le degré d'innovation au niveau des produits.
Ce décalage tient à un manque de R-D, à un retard d'assimilation du savoir américain sur les produits et les procédés de fabrication, et à la lenteur de l'adoption des techniques nouvelles, particulièrement dans le secteur de la haute technologie. Il existe cependant une autre cause, sans doute plus importante, de nos médiocres gains de productivité : l'anémie des dépenses d'équipement dans le secteur manufacturier canadien, surtout par comparaison avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis. On peut aussi accuser, quoique que cela fasse moins l'unanimité, la perte relative d'investissements directs étrangers (IDE), un facteur important sur lequel le Canada a toujours compté pour assurer la diffusion de technologies et de produits qui stimulent la productivité. En revanche, il semblerait que l'Accord de libre-échange canado-américain (ALE) ait eu un effet favorable sur l'accroissement de la productivité dans le secteur manufacturier. Nous allons maintenant étudier ces questions plus en détail.
L'écart de productivité du secteur manufacturier entre le Canada et les États-Unis
Il est frappant de constater que, globalement, l'évolution de la productivité des entreprises a été à peu près la même au Canada et aux États-Unis dans les 30 dernières années, et parfois même légèrement meilleure au Canada. C'est au niveau du secteur manufacturier que nos résultats laissent beaucoup à désirer. Or, la valeur de la production manufacturière représente environ 20 % de la production totale de l'économie dans les deux pays. Toutes choses égales par ailleurs, comme nos deux économies présentent de grandes similitudes, il ne devrait pas y avoir de si fortes divergences de productivité au niveau du secteur manufacturier14.
Figure 3.1
* Les données canadiennes sur les produits du tabac et les données américaines sur le matériel électrique et électronique ne portent que sur la période allant de 1989 à 1997.
Source : Centre d'étude du niveau de vie, New Estimates of Manufacturing Productivity Growth for Canada and the United States, Tableau 5, p. 9.
La figure 3.1 fait ressortir les similitudes et les divergences dans
l'évolution de la productivité du travail dans diverses branches de l'industrie
manufacturière au Canada et aux États-Unis entre 1981 et 1997. Dans l'ensemble, la
performance des États-Unis (3,2 %) dépasse de loin celle du Canada
(2,2 %) durant la période observée. En effet, une différence d'un point de pourcentage
environ sur une vingtaine d'années peut laisser des traces sensibles sur les deux
économies.
Ce qui saute aux yeux à la figure 3.1, c'est les disparités de productivité au niveau de l'équipement électrique et électronique et au niveau de la machinerie industrielle et commerciale, où les États-Unis ont une nette avance15. Sur une vingtaine d'années, cette différence peut avoir un impact important sur les structures respectives des deux économies. Un témoin a beaucoup insisté sur l'importance de cette observation :
Revenons sur les deux secteurs connaissant le plus fort taux de croissance en Amérique du Nord, du point de vue manufacturier : l'électronique et le matériel électrique, ainsi que la machinerie. L'augmentation de productivité dans ces deux secteurs de croissance maximale a été d'environ trois ou quatre fois celle du Canada. Plus important encore, les États-Unis, comme ils sont productifs dans ces secteurs, ont réussi à doubler leur part de ces deux secteurs dans leur production, alors que le Canada a à peine augmenté sa part pendant cette période. Voilà donc les deux secteurs connaissant la plus forte croissance -- les secteurs de productivité -- aux États-Unis et il se trouve que ce sont les deux secteurs connaissant la plus forte croissance en Amérique du Nord. Voyons ce qui est arrivé aux deux secteurs ayant connu la plus forte croissance de productivité au Canada. Ce sont le tabac et le pétrole raffiné et le charbon. Pas exactement les secteurs connaissant la croissance la plus élevée. Les ressources naturelles sont précieuses et importantes, et il est fort bien que l'on améliore leur productivité mais, soyons réalistes, ce ne sont pas vraiment des secteurs d'avenir. [Serge Nadeau, 2:9:45] |
De tels résultats appellent une seule conclusion. Si l'on part du principe que le secteur de la haute technologie alimente une bonne partie de la progression de l'activité économique et de la productivité, et qu'il dirige l'économie vers une société fondée sur le savoir, force est de conclure que les États-Unis ont une bonne longueur d'avance sur nous. Dans ce contexte, le secteur manufacturier américain est bien mieux préparé que celui du Canada à affronter et profiter de l'avenir.
L'écart entre le Canada et les États-Unis au chapitre de l'innovation
On a vu que l'écart de productivité entre les secteurs manufacturiers du Canada et des États-Unis, bien qu'il ne soit pas négligeable et qu'il dure depuis longtemps, ne concerne pas l'ensemble du secteur, mais en fait surtout deux branches d'activité en particulier. Celles-ci sont certes sans doute importantes pour l'avenir, mais il reste que les autres branches du secteur manufacturier se comportent de façon similaire dans les deux pays. Il vaudrait donc sans doute mieux opter pour une intervention ciblée de préférence à des mesures de portée générale.
La fabrication de machines et de matériel relève en grande partie du secteur de la haute technologie et se distingue de la plupart des autres activités manufacturières par le fait que l'innovation s'y exerce davantage au niveau des produits qu'au niveau des procédés. Il serait donc avisé de chercher des solutions à la piètre performance relative de la productivité de l'industrie manufacturière canadienne en agissant sur l'innovation côté produits. Pour confirmer la valeur de cette piste, il faut étudier les dépenses de R-D, les indicateurs de l'accès aux sources de connaissances étrangères -- dans le cas du Canada, en particulier américaines -- et les taux d'adoption des techniques de pointe16.
D'après des chiffres de l'OCDE, le pourcentage des dépenses brutes du Canada en R-D en proportion du PIB s'élevait à 1,6 % en 1997, ce qui est bien inférieur à la moyenne de 2,2 % pour l'ensemble de l'OCDE. Parmi les pays qui dépensent beaucoup en R-D, mentionnons le Japon (2,9 %), la Corée du Sud (2,9 %), la Finlande (2,8 %) et les États-Unis (2,7 %)17. Ces pays dépensent jusqu'à 80 % de plus par dollar de PIB que le Canada. Par rapport aux pays qui nous servent de point de comparaison, le Canada «est avant-dernier dans les pays du G7 en matière de R-D exprimée en pourcentage du PIB» [Serge Nadeau 2:9:50]. Comme on l'a dit au Comité, la situation dépend peut-être de facteurs qui échappent à notre volonté : « les petites entreprises font proportionnellement moins de R-D que les grandes entreprises. Le pourcentage de petites entreprises est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, ce qui explique en partie cette carence. » [Dale Orr, 10:10:20]. L'autre aspect de la structure de l'économie canadienne qui échappe partiellement à notre volonté est la question de la propriété étrangère.
La propriété étrangère a deux types de conséquences. Ces entreprises ont tendance à effectuer la R-D, au même titre que les autres fonctions administratives centrales, dans leur pays d'origine et pas dans les divers autres pays où elles ont établi des filiales. C'est vrai en ce qui concerne les sociétés américaines qui ont des filiales au Canada [...] L'autre aspect est que la présence de la propriété étrangère est particulièrement marquée dans les industries à forte teneur en technologie, surtout parce que les États-Unis sont des chefs de file dans ce domaine. [Dale Orr, 10:10:20] |
Quand on cherche des indices du degré d'innovation dans le nombre de brevets octroyés dans divers pays, les résultats sont mitigés et peu éloquents. D'un côté, les données donnent l'impression que les entreprises canadiennes tirent de l'arrière :
Si on prend les brevets, on constate qu'on accorde environ trois fois plus de brevets États-Unis qu'au Canada, non seulement du point de vue global mais aussi dans de nombreux secteurs. C'est même pire [...] pour les ordinateurs et les communications -- secteurs très dynamiques -- où le quotient est d'environ quatre pour un, ainsi que dans l'électricité et l'électronique. Globalement, nous brevetons trois fois moins [...] que les États- Unis, mais c'est quatre fois dans les secteurs les plus dynamiques. [...] le Canada est peut-être en train de rater le bateau de la technologie [Serge Nadeau, 2:9:50] |
D'un autre côté, on peut considérer que les entreprises canadiennes ne sont ni dans le peloton de tête, ni parmi les retardataires, mais quelque part entre les deux :
On peut examiner les brevets accordés sur les marchés américains et faire une division non pas par la population canadienne mais par le nombre de travailleurs de R-D au Canada, ce qui donne un nombre de brevets par travailleur de R-D au Canada. À ce chapitre, nous tombons en plein milieu du reste du monde. [...]. Nos scientifiques semblent être aussi productifs que ceux d'autres pays, mais nous avons moins de scientifiques, moins de travailleurs de R-D [...] [John Baldwin, 2:11:05] |
Bien sûr, il n'est pas nécessaire de faire soi-même de la R-D pour jouir des avantages qu'elle procure. On peut toujours profiter de la R-D des autres. On peut en effet importer des innovations en les achetant, en passant un contrat de concession de licence ou en bénéficiant d'investissements étrangers directs. On a rappelé à quelques reprises au Comité que le Canada représentait moins de 1 % de la population mondiale et était probablement à l'origine de 2 % seulement environ des idées originales pouvant trouver une application dans l'industrie.
Je crois qu'il ne faut jamais oublier le fait que, même si le Canada réussit très bien à produire de nouvelles connaissances, de 97 à 99 % des nouvelles connaissances qui sont intéressantes pour le Canada, et qui le resteront indéfiniment, viennent de l'extérieur. C'est le point de départ de toute analyse. Par conséquent, si la croissance de la productivité canadienne est relativement lente, c'est dans la transmission du savoir et son adaptation au contexte canadien qu'il faut en chercher avant tout la cause. [David Slater, économiste, 10:9:30] |
Par conséquent, les chiffres sur la R-D effectuée au Canada sous-estiment considérablement la disponibilité de techniques de pointe dans l'industrie canadienne, ce qui a par ailleurs des implications encore plus importantes quand on tient compte des économies possibles du fait que les techniques de source étrangères sont souvent moins coûteuses18.
S'il est difficile d'évaluer l'accès des entreprises canadiennes aux connaissances étrangères, une méthodologie plutôt innovatrice a été mise au point par Manuel Trajtenberg de l'Institut canadien de recherches avancées.
Lorsqu'une entreprise canadienne obtient un brevet aux États-Unis, elle est tenue par la loi de citer tous les autres brevets américains connexes. [...] Entre 1977 et 1993, les brevets obtenus par des entreprises canadiennes aux États-Unis citent des brevets américains 15 000 fois. C'est une preuve que le Canada exploite les recherches effectuées ailleurs. Le problème, c'est que les Canadiens citent moins de brevets américains qu'on s'y attendrait, 65 % du nombre de brevets américains cités dans d'autres brevets américains. Il est clair que les entreprises canadiennes n'exploitent pas au maximum les connaissances rendues publiques par le système américain de brevets19. |
Cependant, ce désavantage sur le plan du savoir s'atténue avec le temps.
Selon certains témoins, l'important, ce n'est pas la R-D en soi, mais l'adoption de nouvelles technologies.
Je tiens à mettre l'accent sur le fait qu'il n'est pas absolument essentiel d'intensifier la R-D au Canada pour accroître la productivité et améliorer notre niveau de vie. [...] On possède une foule de données qui démontrent qu'elle a des retombées et présente d'autres avantages, mais il faut faire la part des choses : seulement 2 % des inventions et idées nouvelles viennent du Canada; 98 % viennent de l'extérieur. [...] L'essentiel, c'est de s'assurer que les nombreuses inventions et pratiques exemplaires qui ont vu le jour dans divers pays soient intégrées dans nos usines et dans notre milieu de travail. [...] On aurait beau doubler la R-D effectuée au Canada, ça n'aurait pas autant d'incidence sur notre productivité et sur notre niveau de vie qu'une simple amélioration de ce mécanisme d'adaptation [Dale Orr, 10:10:20] |
On a aussi présenté au Comité des informations non scientifiques montrant que le taux d'adoption des technologies nouvelles est insuffisant :
J'ai remarqué que dans beaucoup de petites entreprises qui se servent des techniques de conception assistée par ordinateur, ces dernières ont remplacé les dessinateurs qui faisaient auparavant le travail à la main, mais on les exploite comme de simples machines de traitement de texte. On ne va pas à l'étape suivante qui consiste à intégrer la conception assistée au processus de fabrication et au commerce électronique qui permet aux entreprises de se connecter à leurs clients et à la chaîne d'approvisionnement. Cela va peut-être changer, mais la situation m'inquiète. [Jayson Myers, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, 28:11:55] |
Une récente étude de Statistique Canada vient étayer ces affirmations et renseignements. Cette étude aboutit à deux conclusions importantes qui concernent directement le taux d'adoption des technologies modernes au Canada.
Dans les cinq secteurs industriels où l'on peut comparer directement l'utilisation de la technologie au Canada et aux États-Unis (fabrication des produits métalliques, machines et équipement industriels, équipement électronique et autre équipement électrique, matériel de transport, instruments et produits connexes), les gestionnaires d'établissements canadiens pensent que le Canada accuse un retard. Cette vue est confirmée par les données sur l'utilisation des technologies. Dans ces secteurs, les établissements canadiens sont moins susceptibles de recourir à des technologies de pointe que les établissements américains, bien que le « retard technologique » se soit amenuisé avec le temps. En effet, entre 1989 et 1993, l'écart a diminué de moitié, 73 % et 81 % des établissements du Canada et des États-Unis, respectivement, recourant à au moins une technologie. |
Une bonne partie du retard technologique résulte essentiellement de différences dans la taille des marchés. Les gestionnaires d'établissement canadiens ont tendance à attacher une plus grande importance relative à l'amélioration de l'adaptabilité des produits ou à la réduction du délai de mise en route parmi les avantages découlant de l'adoption de la technologie. Le besoin d'expansion du marché en tant qu'entrave au recours de la technologie reçoit lui aussi un poids relativement plus important qu'aux États-Unis20. |
Là encore, le Canada est victime de sa petitesse. Cependant, le gouvernement du Canada a commencé à remédier à ces lacunes par la voie de son programme d'encouragement de l'innovation et des allégements fiscaux consentis aux PME dans le Budget 2000. Le Comité estime que le programme d'encouragement de l'innovation du gouvernement est un bon départ, mais qu'il faudra d'autres mesures encore pour atteindre les objectifs visés. En conséquence, il recommande :
6. Que le gouvernement du Canada veille à rationaliser et à simplifier le processus de réclamation des crédits d'impôt pour la R-D dont peuvent se prévaloir les petites et moyennes entreprises.
Et
7. Que le gouvernement du Canada offre un service d'information et de démonstration relativement aux technologies et aux procédés émergents et nouveaux à l'intention des entreprises canadiennes dans le but de faciliter leur transfert et leur adoption au Canada.
Et
8. Que le gouvernement du Canada prévoie des mesures visant à encourager l'adoption de technologies nouvelles, conçues spécifiquement pour stimuler l'innovation dans le secteur manufacturier et dans les petites et moyennes entreprises.
Insuffisance des dépenses d'investissement
On a dit précédemment que les dépenses d'investissement en capital physique, particulièrement en M&O, sont un facteur déterminant de la productivité : les travailleurs sont tout simplement plus productifs quand ils disposent d'outils meilleurs et plus nombreux. En outre, plus les biens d'équipement sont de facture récente, plus il y a de chances qu'ils incorporent les meilleures techniques, ce qui a pour effet de stimuler encore davantage la productivité. Or, depuis 30 ans, on n'a pas beaucoup investi de ce côté dans les entreprises.
On remarque une différence essentielle entre les deux pays : le capital par travailleur a constamment augmenté dans le secteur manufacturier américain, y compris au cours des années 90, alors qu'au Canada, malgré une augmentation importante à la fin des années 80, le capital par travailleur a diminué sensiblement de 1990 à 1996, tant en termes absolus qu'au niveau du taux de croissance [du Canada]. [...] les ordres de grandeur sont tout à fait saisissants. [...] on note de sérieux problèmes du côté des investissements [...] [Richard Harris, 20:16:05] |
On a identifié deux coupables potentiels :
Au niveau de la productivité globale des facteurs, on semble constater des effets de convergence traditionnelle. Dans la mesure où un problème semble exister, c'est un problème d'investissement [...] S'il existe un problème d'investissement qui expliquerait l'écart de productivité du travail, il faudrait chercher l'explication dans les domaines de la fiscalité ou des taux de change. [Richard Harris, 20:16:05] |
Le Comité abordera ces questions aux chapitres 5 et 9, mais il ne se sent pas en mesure d'identifier avec suffisamment de précision les causes de l'insuffisance des investissements en immobilisations pour prescrire des remèdes. Cependant, un autre analyste s'est présenté devant le Comité armé de données très récentes sur les investissements qui font espérer un début de retournement de situation.
Le niveau d'investissement en matériel et outillage au Canada a légèrement diminué pendant la première moitié des années 90, mais le vigoureux regain de la deuxième moitié de la décennie a fait remonter les résultats d'ensemble de près de 90 %, pour atteindre 73,5 milliards de dollars en 1999, et on prévoit que ces investissements vont dépasser 83 milliards de dollars en 2001. En pourcentage du PIB, ils sont passés de 5,3 % en 1990 à 8,5 % en 1999. Ils devraient atteindre environ 9 % en 2001. [Peter Drake, Groupe financier de la Banque Toronto-Dominion, 22:9:05] |
Voilà une bonne nouvelle pour l'économie canadienne et, dans la mesure où le taux élevé de l'impôt sur les sociétés est à l'origine d'une partie du problème, le Budget 2000 du gouvernement fédéral y remédie et devrait susciter de nouveaux investissements dans les prochaines années. Comme l'a dit un témoin :
Je pense qu[e] le budget contribue effectivement à renforcer la confiance des entreprises, en particulier la réduction du taux d'imposition des sociétés. Nous avons même été surpris de constater jusqu'où le gouvernement était prêt à aller sur ce plan. La réduction de sept points sur cinq ans du taux général dépasse nos espérances et la réduction d'un point de pourcentage dès l'année prochaine est une bonne nouvelle [car] ces mesures font espérer que d'autres réductions seront consenties éventuellement plus tard. [Jayson Myers, 28:11:10] |
La mondialisation, l'investissement direct étranger (IDE) et le libre-échange
On entend par « mondialisation » l'intégration et l'interdépendance accrues des pays aux niveaux économique et politique qui résultent des échanges commerciaux, des flux d'investissements, des mouvements de personnes et de la diffusion des connaissances. Les multinationales se trouvent au cur de ce phénomène. Encouragées par les progrès récents des transports et des communications, ces sociétés à première vue sans nationalité et sans frontières se mettent à confier à des filiales et à des alliés stratégiques disséminés autour du globe la fabrication et l'assemblage de certains éléments (non fondamentaux), profitant ainsi du nouveau contexte commercial qui gagne tout le globe. Autrement dit, la localisation des activités essentielles de fabrication et d'assemblage est déterminée de manière à exploiter pleinement les avantages concurrentiels où qu'ils soient, qu'il s'agisse d'économies d'échelle, d'économies de gamme ou d'une plus grande spécialisation des facteurs. Ainsi, les entreprises de la plupart des pays industrialisés ont internationalisé leurs activités, tissant une toile complexe tout autour de la planète. Ce phénomène a des répercussions sur les produits que les Canadiens achètent.
[L]orsqu'on examine le «pedigree» d'un bien ou d'un service produit localement ou acquis à l'étranger, on y décèle le plus souvent des apports de plus d'un pays : par exemple [...] design européen, technologie américaine, composantes asiatiques et montage au Canada, ou quelque autre combinaison. Par conséquent, même un article produit localement par une entreprise canadienne est souvent le produit final d'une série complexe d'opérations internationales. Le but de ces observations [...] n'est pas d'en arriver à une mesure précise de notre ouverture économique, mais plutôt de montrer que le commerce est une voie à double sens et que l'ouverture correspond à une intégration profonde et générale. Dans une optique dynamique, l'intégration de l'économie canadienne dans l'économie mondiale signifie qu'elle évolue avec l'économie mondiale, qui la façonne et à laquelle elle s'adapte. [John Curtis, Affaires étrangères et Commerce international Canada, 19:9:10] |
Les conséquences économiques de ces nouvelles stratégies mondiales vont bien au-delà de la compétitivité et de la rentabilité des entreprises. Les investissements directs à l'étranger et les investissements directs étrangers comportent tous deux des retombées avantageuses sous la forme des gains de productivité qui résultent de la spécialisation accrue des facteurs, de la diffusion plus rapide des technologies et produits dans les pays hôtes et de l'accroissement de la concurrence pour les entreprises nationales.
L'investissement direct étranger revêt une importance croissante pour le Canada, mais nos propres investissements directs à l'étranger le sont encore davantage. L'investissement direct canadien à l'étranger a plus que sextuplé entre 1980 et 1998, passant de 22,6 milliards de dollars US à 156,6 milliards de dollars US, tandis que les influx d'IDE se sont multipliés par deux et demi, passant de 54,2 milliards de dollars US à 141,8 milliards de dollars US durant la même période. En fait, le Canada est devenu un exportateur net d'IDE en 199721. En outre, l'intégration mondiale de l'économie canadienne que suppose cet investissement a suscité un accroissement de la spécialisation dans la production des biens et services au sujet desquels l'économie canadienne jouit d'un avantage comparatif. La figure 3.1 montrait d'ailleurs que, par rapport aux États-Unis, le taux d'accroissement de la productivité au Canada a été supérieur dans les industries de ressources naturelles, mais moindre dans le secteur du matériel et de l'outillage.
Ce processus de mondialisation, qui est combiné à une baisse des coûts des transports et des communications, semble avoir commencé au début des années 1980, mais on ne sait trop que penser de la diminution relative concomitante des apports d'IDE au Canada par rapport au reste du monde. Certains pensent que nous vendons peut-être notre industrie à trop bon marché aux étrangers :
Mais si nous regardons l'investissement effectif en dollars, en faisant l'ajustement voulu pour l'inflation, il y a eu une grande augmentation des investissements étrangers au Canada dans les années 90. De nombreuses entreprises étrangères ont décidé de multiplier leurs activités ici ou de prendre le contrôle d'une société canadienne, et cela est lié en partie à la faiblesse du dollar. En fait, certains Canadiens disent que nous sommes en train de vendre toutes nos sociétés aux Américains parce que la faiblesse de notre dollar rend l'affaire relativement peu coûteuse pour eux, et que cela devient un problème. [Andrew Sharpe, 8:10:50] |
Pour ce qui est de l'autre aspect le plus notable de la mondialisation, la multiplication des échanges internationaux aurait eu un effet stimulant sur la productivité du Canada. Le Comité voudrait citer à ce sujet les résultats d'une étude récente sur l'impact de la réduction des droits de douane aux termes de l'ALE sur notre productivité.
Dans les branches d'activité où il y a eu une réduction modérée des droits de douane, l'ALE a fait progresser la productivité de 0,6 % par an entre 1988 et 1995. Dans celles où les réductions des droits de douane ont été importantes, les gains de productivité se sont élevés à 1,5 % par an. L'ALE a par ailleurs stimulé encore davantage la productivité en entraînant un déplacement des travailleurs et de l'investissement de la fabrication de faible technicité à la fabrication de produits innovateurs de haute technicité. Du point de vue étroit de l'augmentation de la productivité, force est de conclure que l'ALE est un succès22. |
Le secteur manufacturier du Canada a aussi fait preuve d'une résilience étonnante compte tenu de l'importance de la restructuration que l'adoption de l'ALE a rendu nécessaire :
En ma qualité de porte-parole du secteur manufacturier en particulier, je dois avouer que beaucoup de gens prédisaient le naufrage de l'industrie canadienne de la fabrication il y a dix ans. À l'époque, beaucoup pensaient que le Canada n'aurait plus les moyens de soutenir ce secteur et que l'ouverture des marchés à la concurrence sous le régime du libre-échange entraînerait la disparition de nombreuses branches d'activité comme celles de l'ameublement, des textiles et du vêtement, des spiritueux, du vin et de la bière, et d'autres encore. On craignait aussi la disparition de nombreuses activités de haute technologie, et je suis très heureux de pouvoir dire aujourd'hui que tous ces gens [...] avaient tort. En fait, le secteur manufacturier a été le secteur le plus dynamique de l'économie canadienne. On y a créé plus de 400 000 nouveaux emplois depuis six ans. C'est le secteur ou il se fait le plus de R-D, où il y a le plus de dépenses d'équipement, et nous avons tout intérêt à ce que cela dure. [Jayson Myers, 28:10:35] |
Ce qui étonne, cependant, c'est que l'ALE n'ait pas entraîné une plus grande prospérité pour le Canada. Avant la signature de l'ALE, les économistes et les experts en commerce international prédisaient une convergence des niveaux de productivité du Canada et des États-Unis.
Si l'on examine la productivité globale de l'ensemble du secteur manufacturier, le Canada s'est toujours situé très loin derrière les États-Unis en fait de productivité par heure de travail. Si l'on inclut des mesures tenant compte du capital et ainsi de suite, l'écart demeure le même. Mais l'écart s'était refermé quelque peu entre les années 50 [...] jusque vers le milieu des années 70. Depuis lors, nous avons recommencé à perdre du terrain par rapport aux États-Unis. Ce n'est pas ce que les partisans du libre-échange avaient prédit. Nous avions prédit qu'avec le libre-échange, les niveaux de productivité dans le secteur manufacturier se rapprocheraient du niveau des États-Unis, ce qui ne s'est pas produit. Au contraire, l'écart s'est creusé. [Don Daly, 6:15:35] |
De toute évidence, d'autres facteurs ont joué, et il faut pousser plus loin la recherche.
14 On verra dans la quatrième partie du présent chapitre que les choses ne sont pas vraiment égales par ailleurs. C'est à partir de la fin des années 1970 que les divergences ont commencé à se faire sentir entre les deux secteurs manufacturiers, sans doute à cause des forces irrépressibles de la mondialisation et de la spécialisation qui s'est ensuivie, mais l'ALE a peut-être forcé une spécialisation encore plus grande des deux économies.
15 Dans le calcul de la productivité du secteur de l'électronique, le bureau de la statistique des États-Unis corrige les prix réels des produits (par exemple, des ordinateurs) pour tenir compte des différences de qualité (puissance de calcul et autres caractéristiques), ajustement inexistant au Canada. Il s'ensuit que l'indice des prix de ces produits croît plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis (en fait, d'après cet indice, les prix ont progressé de 9 % au Canada mais reculé de 51 % aux États-Unis entre 1992 et 1995), ce qui aboutit à un taux de croissance de la productivité supérieur aux États-Unis. L'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis dans cette branche d'activité est donc essentiellement, mais pas totalement, une aberration statistique. Il faut donc se garder d'accorder une trop grande importance à cette disparité et de voir dans cette branche d'activité une des causes de l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis.
16 Les renseignements fournis au Comité à ce sujet expliquent uniquement les raisons de l'écart sur le plan de l'innovation, mais pas son augmentation. Nous avons été forcés de déduire que l'écart se creuse parce que ces lacunes empirent.
17 OCDE, Principaux indicateurs de la science et de la technologie, 1, 1999, tableau 5.
18 Certains affirment que, avant 1973, la R-D américaine comptait pour environ 0,9 point de pourcentage dans l'accroissement de la productivité des facteurs au Canada, et que cet effet de coup de pouce a été ramené entre 0,3 et 0,4 point avec la baisse de la R-D aux États-Unis depuis 1973. Voir J. Bernstein et T. Mamuneas, The Contribution of U.S. Spending to Manufacturing Productivity Growth in Canada, document présenté lors de la conférence de janvier 2000 du Centre d'étude du niveau de vie. Il faut cependant faire une réserve importante. Curieusement, les auteurs de ce document ne se servent pas de variables de contrôle pour tenir compte des autres facteurs qui contribuent au ralentissement de la croissance de la productivité comme la baisse de la demande globale au Canada dans les années 1990 ou la possibilité que les gestionnaires canadiens aient moins bien réussi qu'avant à exploiter le potentiel de la R-D américaine et ne distinguent donc pas suffisamment le capital de R-D en tant qu'explication potentielle. Le Comité tient à remercier Don Daly de le lui avoir fait remarquer.
19 Daniel Treffler, « Does Canada Need A Productivity Budget? », Policy Options, 20 juillet 1999, p. 68.
20 J. R. Baldwin et D. Sabourin, L'adoption de la technologie au Canada et aux États-Unis, août 1998, p. ix et p. 37.
21 Organisation des Nations Unies, World Investment Report 1999:Trends and Determinants, 1999.
22 Daniel Treffler, op. cit., p. 69.