INDU Rapport du Comité
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PRÉFACE
Pendant la majeure partie du siècle, le niveau de vie du Canada s'est amélioré de façon impressionnante, au même rythme que celui des États-Unis. C'est une progression remarquable, tant par sa rapidité que par sa durée. De fait, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 1973, période bénie de création de richesses, on pouvait s'attendre à ce que le niveau de vie, mesuré d'après le produit intérieur brut (PIB) par habitant, double à chaque génération. Mais depuis 1973, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il progresse avec lenteur, le doublement étant dorénavant attendu seulement une fois par siècle. On reconnaît généralement que la baisse de l'accroissement du niveau de vie dans la plupart des pays industrialisés a accompagné une baisse de l'accroissement de la productivité de la main-d'uvre. Normalement, cela aurait dû inquiéter l'opinion, mais comme la plupart des pays industrialisés connaissaient le même déclin, le public canadien ne s'en est guère préoccupé, pas plus d'ailleurs que les décideurs. La réponse à ce qui apparaissait comme un problème presque mondial était hors de portée des États-nations pris isolément, pensait-on, et il valait peut-être mieux se concerter dans un forum plus large comme le G7.
Aujourd'hui, il semble assez évident que le ralentissement de la productivité dans les économies des pays industrialisés a coïncidé avec les deux crises énergétiques orchestrées par l'OPEP au début et à la fin des années 1970. Reste à savoir quels facteurs ont favorisé cette décélération tout au long des années 1980 et 1990. Deux explications sont avancées. La première concerne l'investissement de capitaux, notamment en matériel et en outillage, dont le rythme a beaucoup ralenti au cours de cette période. Le ralentissement des investissements a endigué les améliorations de productivité découlant d'un ratio capital-travail plus élevé et ralenti le déclin de l'âge moyen des stocks de capital. Par conséquent, l'industrie a été obligée de compter de plus en plus sur des technologies vieillissantes ne comportant pas le même niveau de progrès et d'innovation techniques que celles d'autrefois. La deuxième explication concerne la disproportion des investissements dans le matériel et le logiciel informatique. Vus comme profondément révolutionnaires et « porteurs », ils n'ont pas encore entraîné une productivité accrue, car les ajustements organisationnels et institutionnels complémentaires n'en sont qu'à leurs débuts. Selon certains, nos problèmes de productivité disparaîtront une fois que cette prochaine phase de la révolution sera lancée. Nous pourrions donc être à la veille d'une explosion de la productivité, où la révolution informationnelle devrait être aussi puissante et aussi soutenue que l'a été la révolution industrielle à ses débuts.
L'horizon canadien, toutefois, est plus incertain. Depuis 1995, les observateurs du marché constatent trois faits nouveaux inquiétants. Le cycle économique a toujours été synchronisé avec celui des États-Unis, les pointes et les creux ne se produisant jamais à plus de trois mois d'écart de part et d'autre. Le Canada n'a jamais connu de récession entre 1900 et 1980 sans qu'une récession plus forte ne se produise aux États-Unis. Toutefois, à partir des années 1980, les événements ont cessé de se conformer à ce scénario. En 1981-1982 et en 1990-1992, les deux récessions ont été plus graves au Canada qu'aux États-Unis, tandis que la reprise économique de 1992-1999 a été fragile au Canada, mais vigoureuse aux États-Unis. Par conséquent, le taux de chômage au Canada est demeuré relativement élevé tout au long de la décennie, tandis que celui des États-Unis diminuait pour atteindre le niveau enviable de 4 % -- bien au-dessous du taux de chômage à inflation stationnaire (TCIS) couramment accepté pour cette période -- sans pourtant déclencher une inflation simultanée. Cette performance économique supérieure permet de supposer que la productivité et le niveau de vie des États-Unis connaissent tous deux une renaissance, au moment où la productivité et le niveau de vie de la plupart des pays d'Europe de l'Ouest et de certains pays d'Asie du Sud-Est rattrapent ceux des États-Unis. Apparemment, le Canada n'a pas été invité à la fête, un fait qui n'a pas échappé au public canadien.
Une économie canadienne dont le rendement relatif est inférieur à celui des États-Unis a de quoi inquiéter. Visiblement, il importe d'expliquer cet écart apparemment de plus en plus large entre les niveaux de vie canadien et américain. Plusieurs facteurs, tant du côté de l'offre que du côté de la demande, sont suspects. Depuis le milieu des années 1990, le gouvernement du Canada a, en même temps que la plupart des gouvernements provinciaux, pris des mesures énergiques pour supprimer les dépenses non prioritaires, de manière à éliminer les déficits budgétaires et à amorcer le remboursement de la dette. Les faibles taux de l'emploi et de la participation au marché du travail qui en ont résulté contribuent probablement à la léthargie de l'économie et, par conséquent, à la lenteur de l'amélioration de notre niveau de vie. Du côté de l'offre, on pourrait accuser le rythme relativement lent de l'investissement dans le matériel et l'outillage, de même que dans la diffusion des meilleures technologies, en même temps que la lenteur du développement des nouveaux produits et services, en particulier dans les secteurs en croissance rapide, dits de haute technologie ou du savoir et les petites et moyennes entreprises.
S'il est vrai que les politiques macro-économiques prudentes observées ces dernières années peuvent être accusées d'avoir restreint la croissance de l'économie pendant quelque temps, dans un certain sens, on peut également leur attribuer le crédit d'avoir établi les assises d'un avenir prospère. Les Canadiens ont dû beaucoup sacrifier au cours de la récente période d'austérité, mais la reprise économique commence maintenant à s'accélérer. Le taux de chômage, aujourd'hui à 6,8 %, est le plus faible depuis un quart de siècle, tandis que l'inflation et les taux d'intérêt sont bas par comparaison aux périodes analogues de notre histoire. De plus, notre ratio dette-PIB est en déclin. Compte tenu de ces éléments macro-économiques fondamentaux, le gouvernement du Canada a marqué le début d'une nouvelle ère d'excédents budgétaires avec son Budget 2000, qui propose de larges réductions d'impôt pour les Canadiens et les entreprises canadiennes au cours des cinq prochaines années. Sans nul doute, les affaires financières du Canada ont été remises en ordre, et le gouvernement peut maintenant s'attacher aux défis économiques à long terme, dont le plus important est indéniablement la faiblesse de la productivité. Le gouvernement n'a d'ailleurs pas tardé à instaurer, dans Budget 2000, un programme qui prévoit l'investissement de 1,9 milliard de dollars dans la recherche et l'innovation sur les 4 prochaines années.
Budget 2000 donne un sérieux coup de fouet à l'innovation et, au bout du compte, à la productivité canadienne, et c'est dans le même esprit et pour soutenir cet élan que le Comité mène une étude sur la productivité et l'innovation, véritables assises d'une société compétitive et prospère. L'histoire montre très clairement que c'est sur ces deux mêmes piliers, créateurs de richesses, que les entrepreneurs visionnaires ont établi leurs grandes organisations et leurs réseaux d'échanges. Elle nous apprend également qu'une main-d'uvre industrieuse et bien équipée est un facteur essentiel à l'établissement d'une société moderne et dynamique. On oublie souvent le rôle du gouvernement dans les nombreuses réussites économiques de notre pays. Les entreprises prospères ne peuvent pas naître dans un pays à capital social pauvre. Le Comité a donc examiné le rendement de la productivité canadienne en recherchant les facteurs déterminants et en vérifiant les forces et faiblesses du secteur des entreprises, notamment de certains éléments spécifiques de l'industrie. Cette méthode permettra au Comité de recommander des politiques industrielles constructives, destinées à régler des problèmes précis et propres à faciliter la transition vers une société du savoir. La croissance économique, stimulée par l'accroissement de la productivité, sera le pivot d'une amélioration du niveau de vie et de l'élimination de l'écart entre le Canada et les États-Unis. Au bout du compte, l'objectif premier du Comité est d'éclairer le gouvernement fédéral sur les politiques susceptibles de stimuler la productivité, l'innovation et la compétitivité internationale du Canada.