INDU Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
CHAPITRE 17 :
LE SECTEUR DE L'AUTOMOBILE
Contribution à l'économie et structure
Le secteur de la construction automobile comprend l'assemblage de véhicules automobiles et la fabrication de pièces et d'accessoires. Il comprend aussi la vente au détail, l'entretien de véhicules, et d'autres fonctions de service similaires. Ensemble, ces activités constituent le plus important secteur manufacturier du Canada. Elles comptent pour 13 % du PIB associé à l'activité manufacturière, pour 2,2 % du PIB total et pour 25 % de l'ensemble des exportations de marchandises du Canada en 1999.
Le secteur canadien de l'automobile compte six entreprises d'assemblage de véhicules légers et plus de 650 fabricants de pièces. Il est concentré dans le sud de l'Ontario et dans certaines régions du Québec. En 1998, l'industrie canadienne de l'assemblage de véhicules venait au sixième rang dans le monde en importance; de 1990 à 1999, les expéditions d'automobiles ont progressé de 152 % pour atteindre 103,6 milliards de dollars, et le nombre d'emplois dans le secteur manufacturier a crû de 12,7 % pour atteindre 160 000 emplois.
Nous avons eu une production record de [...] presque 2 988 000 camions légers et automobiles, ce qui représente environ 18,5 % de plus qu'en 1998. Nous avons aussi enregistré notre plus gros volume de ventes au Canada depuis 1988, avec 1 501 000 unités. Notre production au Canada représentait 19,2 % de la production totale Canada-États-Unis, tandis que nos ventes ne représentaient que 8,8 % de cette production. [David Adams, Association canadienne des constructeurs de véhicules, 27:9:20] |
Le Canada affiche un excédent commercial au chapitre du commerce de véhicules à moteur depuis 31 ans. Ce qui est encore plus impressionnant, c'est que l'excédent a considérablement augmenté ces dernières années. Durant les 11 premiers mois de 1999, l'industrie canadienne de l'automobile (véhicules et pièces) a enregistré un excédent commercial de plus de 6 milliards de dollars.
Le secteur canadien de l'assemblage de véhicules est très compétitif. Il produit des véhicules destinés au marché nord-américain et dispute aux États-Unis et au Mexique les nouveaux investissements dans des usines d'assemblage en Amérique du Nord. Depuis 1983, la production de véhicules au Canada a augmenté en moyenne deux fois plus rapidement qu'aux États-Unis. Le Canada compte pour 16 % de la production nord-américaine de véhicules légers, mais il ne justifie que de 8 % seulement des ventes en Amérique du Nord. Plusieurs facteurs contribuent à la bonne tenue de ce secteur. Mentionnons entre autres des salaires compétitifs, une forte productivité, un climat compétitif pour les entreprises et une conjoncture favorable.
Les coûts de main-d'uvre constituent évidemment le principal facteur de compétitivité :
Plusieurs études, y compris celles qu'Industrie Canada a faites en 1998, mentionnent que les coûts de main-d'uvre sont 30 % plus bas au Canada qu'aux États-Unis en termes absolus. Le fait que notre dollar soit plus faible nous a certainement aidés [...] La compétitivité des coûts favorise donc l'investissement. [Bill Murnigham, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile, 25:9:25] |
Cet avantage sur le plan des coûts de main-d'uvre peut être scindé en deux : la productivité du travail et le taux de rémunération des travailleurs. Pour ce qui est de la productivité :
Lorsque nous parlons des niveaux de productivité au Canada comparativement à ceux des États-Unis, les taux de change viennent toujours compliquer les choses [...] Lorsque vous examinez différentes hypothèses concernant les taux de change, il n'en reste pas moins que l'on constate que la productivité au Canada a été en moyenne de 15 % plus élevée qu'aux États-Unis dans l'industrie du montage d'automobiles. [Bill Murnigham, 25:9:20] |
Et
En ce qui concerne la productivité, à titre de comparaison, la productivité du Mexique est inférieure de 60 % à celle du Canada. Elle progresse rapidement, mais le Mexique a encore beaucoup de chemin à parcourir sur le plan de la productivité de la main-d'uvre. Voilà pour les niveaux absolus. [...] les études [...] montrent qu'entre 1992 et 1998 la croissance absolue de la productivité a été de 26,5 % au Canada contre 18 % aux États-Unis. [Bill Murnigham, 25:9:25] |
Cet avantage sur le plan de la productivité du travail est le résultat d'investissements et d'opérations de réoutillage considérables effectués dans les usines d'assemblage du Canada qui, selon des estimations, auraient amélioré la productivité au point où elle serait passée de 61 % de la productivité américaine en 1986 à 105 % de celle-ci en 199848.
En ce qui concerne le second aspect de la compétitivité, le taux salarial horaire dans l'industrie canadienne de l'automobile pour la période 1986-1996 est demeuré inférieur au taux américain (36 $US contre 55 $US). En 1996, le taux horaire canadien (41 $US) représentait 68 % de celui des États-Unis.
La productivité et la compétitivité futures de l'industrie dépendront dans une large mesure du degré de sous-traitance des activités secondaires.
En adoptant cette démarche, les entreprises de montage appliquent leurs compétences fondamentales [...] et se procurent les autres éléments chez des producteurs dont les coûts sont moins élevés. Cette stratégie mène à la création d'une nouvelle hiérarchie parmi les fabricants de pièces : les fonctions de conception, d'élaboration et de vérification des systèmes font de plus en plus l'objet d'un approvisionnement à l'extérieur, auprès des fournisseurs de première catégorie, ce qui déclenche une réaction de consolidation en amont chez les fournisseurs de deuxième catégorie. Ce mode de fonctionnement, qui entraîne aussi l'élaboration conjointe du produit, a mené à la formation réussie d'équipes travaillant à partir d'une plate-forme commune. [...] |
L'évolution de la structure en catégories exigera aussi que le fournisseur de deuxième catégorie se crée un nouveau réseau de relations d'affaires. Alors qu'autrefois, la plupart des fournisseurs de pièces traitaient directement avec les entreprises de montage, la réorganisation de l'industrie nécessitera des maillages plus serrés avec les producteurs de première catégorie. Les fournisseurs de deuxième catégorie devront aussi composer avec les dures exigences de la concurrence, étant donné que leurs seuls atouts reposent sur leurs capacités de transformation. Les risques commerciaux seront augmentés d'autant, et ces entreprises devront concentrer sans cesse leurs efforts à découvrir des procédés de fabrication plus efficaces49. |
D'autres innovations notables influent sur la compétitivité :
Un de nos membres vient de s'associer à United Parcel Service, mieux connu par le sigle UPS, pour essayer de réduire le temps de livraison des véhicules chez les concessionnaires. Le délai est actuellement d'environ 15 jours et on voudrait le ramener à six jours. Cela pourrait bien accroître la productivité des concessionnaires puisqu'ils n'auraient pas besoin d'avoir un grand nombre de véhicules en stock et pourraient donner aux consommateurs une date de livraison plus précise. Grâce aux numéros d'identification des véhicules, les vendeurs pourront vérifier sur Internet où sont rendus les véhicules qu'ils ont commandés. [David Adams, 28:9:30] |
Le secteur des pièces d'automobiles, qui comprend les fabricants de pièces d'origine et de pièces de rechange, a compté pour 1,2 % du PIB total en 1998, avec des expéditions annuelles de 28 milliards de dollars. Plusieurs facteurs expliquent la forte croissance de ce secteur dont les expéditions ont progressé de plus de 500 % entre 1980 et 1998 : excellent dossier de qualité, taux de change favorables, investissements dans des techniques de pointe et apparition de multinationales canadiennes d'envergure internationale (Magna, Woodbridge, Linamar, etc.).
Perspectives et enjeux stratégiques
Une bonne partie de la compétitivité du secteur canadien de l'automobile tient aux bas salaires au Canada et à la faiblesse du dollar canadien par rapport au dollar américain, facteurs qui ne contribuent en rien à la prospérité à long terme. En outre, ce secteur, et en particulier les trois grands constructeurs automobiles nord-américains, jouit de mesures protectionnistes tarifaires et non tarifaires aux termes du Pacte canado-américain de l'automobile. Cependant, certains aspects de cet accord ont été récemment condamnés par l'OMC qui considère qu'ils contreviennent aux obligations du Canada aux termes du GATT. Ainsi, l'avenir de ce secteur dépend de plus en plus de forces économiques indépendantes de la volonté des entreprises et du gouvernement.
Le Mexique en particulier est en train de devenir un concurrent de taille au niveau des investissements dans l'industrie automobile en Amérique du Nord. Les investissements dans ce pays présentent de l'intérêt pour les raisons suivantes : 1) facteurs de production peu coûteux (salaires); 2) amélioration de l'infrastructure; 3) amélioration de la qualité; 4) amélioration de la productivité; 5) potentiel de forte croissance économique; 6) progression de la demande intérieure de véhicules et 7) meilleur accès aux marchés grâce aux accords de libre-échange.
On observe une consolidation au niveau des entreprises d'assemblage de véhicules à moteur. Par exemple, Chrysler et Daimler-Benz ont abouti à DaimlerChrysler, tandis que Volvo, Jaguar et Mazda sont maintenant regroupés sous la bannière Ford. La consolidation signifie qu'il y a moins d'investisseurs facilement identifiables et que les usines qui affichent une capacité inemployée ont désormais des perspectives nouvelles dans les lignes de produits plus vastes des assembleurs. Cette tendance va cependant aussi entraîner une consolidation au niveau de la production et donc diminuer les sources d'investissements. En outre, on constate que les centres de décision sont géographiquement éloignés des opérations, les décisions cruciales sont prises en dehors du Canada et la majeure partie de la R-D est exécutée au siège de l'entreprise.
La nouvelle technologie de l'automobile amènera inévitablement d'autres changements structurels. La mise en application commerciale à grande échelle de la vision artificielle, du multimédia et des systèmes intelligents de conception et de fabrication pourrait transformer l'industrie de fond en comble d'ici l'an 2000. Déjà, ces nouvelles techniques ont réduit le délai d'élaboration des modèles, qui est passé de 5 à 7 ans à 3 ou 4 ans. On prévoit aussi la diminution du cycle de vie des produits, qui passera à 24 mois pour la modification de l'apparence extérieure et à 48 mois pour le renouvellement de la plate-forme50. |
Les constructeurs automobiles installent généralement leurs usines d'assemblage dans les marchés qu'ils servent et s'efforcent de localiser leurs opérations de fabrication dans les grands blocs commerciaux. Ils cherchent cependant de plus en plus à se doter de stratégies propres à leur faire réaliser des économies d'échelle au niveau de la production à l'échelle mondiale. Parallèlement, les assembleurs se déchargent de leurs responsabilités de conception sur les fabricants de pièces et d'accessoires auxquels ils imposent des exigences de plus en plus élevées en matière de coûts. Le transfert des responsabilités en matière de conception et de R-D va encourager le secteur des pièces à améliorer la transition de leur fonction de fabricants de pièces à celle d'intégrateurs de systèmes. Actuellement, le secteur canadien de l'assemblage aurait du mal à relever ce défi, car une très faible partie de la conception et de la R-D sont effectuées au Canada. Les dépenses de R-D de l'industrie canadienne de l'automobile représentent le vingt-cinquième de celles des États-Unis et le quart de celles de l'industrie manufacturière canadienne dans son ensemble.
La question de la politique fiscale en matière de recherche scientifique et de développement expérimental revêt donc une très grande importance pour le secteur canadien de l'automobile.
Quant à la recherche scientifique et à l'élaboration de concepts expérimentaux, je crois que, en dépit des excellentes qualités du système de crédits d'impôt pour la R-D du Canada, des questions se sont posées ces dernières années au sujet de la définition des projets et de la certitude de recevoir les crédits. L'ensemble de l'industrie canadienne, et surtout l'industrie automobile, travaille de concert avec Revenu Canada et avec tous les ministères visés pour mettre en place le meilleur programme au monde. Dans une industrie mondialisée, les fruits de la R-D se répandent rapidement dans toute l'entreprise, peu importe où les travaux ont eu lieu et je dirais que c'est pour cette raison que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu beaucoup de travaux de R-D dans l'industrie automobile au Canada. [...] Pour que le Canada attire des projets de R-D, il nous faut un système de crédits d'impôt non seulement analogue à celui des autres pays [...] mais nettement meilleur [...] si nous voulons attirer des activités de R-D qui seraient normalement réalisées dans le pays où est situé le siège de l'entreprise. [David Adams, 28:9:35] |
Le Comité est du même avis et reconnaît que les entreprises canadiennes du secteur de l'automobile ont des mandats de recherche dans des créneaux particuliers comme les carburants de remplacement, les éléments à carburant, les pièces coulées d'aluminium et la conception des moteurs. Le Comité estime qu'il faut exploiter les réussites du Canada comme constructeur d'automobiles pour encourager ce type de R-D. En conséquence, il recommande :
31. Que le gouvernement du Canada prévoie des mesures d'encouragement pour qu'une plus forte proportion des activités de recherche et de développement de l'industrie de l'automobile soient effectuées au Canada.
Un secteur clé à forte intensité de connaissances comme le secteur automobile a absolument besoin d'attirer et de retenir une main-d'uvre hautement qualifiée, ce qui n'est pas facile. Dans le secteur de l'assemblage et dans les grandes sociétés de pièces, on observe des pénuries de main-d'uvre dans les activités de conception et de R-D, et il y en aura bientôt aussi dans diverses spécialités liées à la production. On va avoir besoin d'un grand nombre d'ouvriers spécialisés et de spécialistes de la production pour remplacer les travailleurs qui prendront vraisemblablement leur retraite d'ici deux à sept ans.
Les petits fabricants de pièces vont devoir s'efforcer de rester à la page au niveau technique et pour ce qui est de la conception s'ils veulent continuer de décrocher des contrats des grandes entreprises d'assemblage et de fabrication de pièces. Les PME ne peuvent pas recourir à de longs programmes d'apprentissage ou de formation, car elles n'ont pas les ressources voulues pour élaborer et réaliser seules des outils et des programmes de formation spéciaux.
Les fournisseurs de pièces et d'accessoires sont de plus en plus poussés à se doter de capacités d'intégration électronique des données. Selon l'enquête Canada's Connectedness in Manufacturing, 87 % des entreprises du secteur de l'automobile collaborent électroniquement (80 % pour l'ensemble des secteurs). Si les fournisseurs canadiens devaient se trouver dans l'impossibilité d'exploiter des liens d'intégration électronique des données coûteux et difficiles à faire fonctionner, cela pourrait sérieusement compromettre la productivité du secteur.
48 La productivité du travail est mesurée en fonction du produit intérieur brut par heure et les comparaisons reposent sur la parité de pouvoir d'achat de 1992. Sources: Direction générale de l'analyse de la politique microéconomique, Industrie Canada et Jim Stanford (2000), A Success Story: Canadian Productivity Performance in Auto Assembly.
49 Industrie Canada, La série des cadres de compétitivité sectorielle -- L'industrie de l'automobile, Partie I -- Vue d'ensemble et perspectives.
50 Ibid.