INDU Rapport du Comité
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CHAPITRE 18 :
LE SECTEUR DE l'AÉROSPATIALE
Contribution à l'économie et structure
Le secteur canadien de l'aérospatiale concerne essentiellement la fabrication d'aéronefs et d'astronefs, de systèmes de bord et de composantes (moteurs, par exemple) ainsi que les services connexes, de même que l'avionique et d'autres techniques électroniques appliquées à l'aérospatiale. Le secteur de l'aérospatiale assure également la production d'infrastructures au sol qui sous-tendent l'utilisation des avions et des engins spatiaux, dont les stations au sol pour satellites, les simulateurs de vol et les systèmes d'entraînement, les installations d'entretien, de réparation et de révision des engins ainsi que les systèmes de contrôle de la circulation aérienne. Le Canada dispose d'un secteur de la défense limité, dont les produits et services vont du transport de troupes blindé aux systèmes de communications de commandement et contrôle.
Il existe quelque 700 entreprises d'aérospatiale et de défense au Canada, qui emploient plus de 80 000 Canadiens, dont un grand nombre sont bien rémunérés. Les recettes dégagées par ces secteurs se sont chiffrées à 16,5 milliards de dollars en 1998 et devraient dépasser les 18 milliards de dollars en 1999. Plus de 80 % de la production représentent des produits à usage civil ou commercial et plus de 70 % sont exportés. Ces secteurs comptent également parmi les branches d'activité ayant le plus fort coefficient de recherche de l'économie canadienne, puisqu'ils dépensent plus d'un milliard de dollars par an à ce titre. Ils constituent donc une composante importante de l'économie du savoir.
Le Canada occupe une place de choix sur l'échiquier mondial pour ce qui est des secteurs concernant les systèmes et sous-systèmes à forte croissance. Il suffit de mentionner Bombardier, chef de file dans le domaine des avions régionaux, Bell Helicopter Textron pour ce qui est des hélicoptères commerciaux, Pratt & Whittney Canada pour les petites turbomachines, CAE Industries au chapitre des simulateurs de vols commerciaux et Menasco, Messier-Dowty et Heroux dans le domaine des grands trains d'atterrissage. Même si ces entreprises sont connues dans le monde entier pour leur succès commercial, plusieurs autres se sont révélées être des concurrents de calibre international dans des segments de marché aussi divers que la technologie spatiale, les réparations et les révisions, les systèmes électroniques, les composites haute performance et les pièces usinées.
Le gros des ventes annuelles est imputable aux entreprises de grande taille et de taille moyenne qui fabriquent des systèmes exclusifs (avions au complet) et des sous-systèmes (moteurs d'avions et charges utiles de satellites). Nombre de ces entreprises appartiennent à des intérêts étrangers, et 40 % des recettes du secteur vont donc à des entreprises étrangères, essentiellement américaines. La majorité des fournisseurs plus petits de composantes, qui sont au nombre de plusieurs centaines et représentent entre 5 et 10 % du chiffre de ventes total, sont canadiens et ont, de tout temps, compté sur des tiers, au Canada, pour pouvoir pénétrer d'autres marchés.
Dans le secteur de l'aérospatiale, les facteurs déterminants en matière de compétitivité reposent sur les technologies de produits exclusives et le mode d'application des technologies de procédés non exclusifs.
Pour cette raison, la technologie des produits est considérée comme un élément essentiel de la compétitivité et a toujours été jalousement protégée. La plupart des petites et moyennes entreprises canadiennes sont des composantiers, dont la compétitivité repose sur les techniques de procédés achetées et sur leurs compétences en génie des procédés de fabrication. Comme ces techniques sont accessibles à tous, c'est l'application de la technologie de procédés la mieux appropriée qui permet aux entreprises d'obtenir un avantage concurrentiel51. |
L'investissement en R-D représente en moyenne 8 % du chiffre de ventes global du secteur, lequel tient compte des ventes des entreprises ne faisant aucun investissement à ce titre. Parmi toutes les entreprises qui effectuent de la R-D, ce sont les canadiennes qui sont les plus dynamiques, puisqu'elles y investissent 10 % de leur chiffre de ventes.
Un témoin s'est dit inquiet de la médiocrité de la productivité dans un segment du secteur particulièrement délicat : « En effet, [celui-ci] dépend largement du commerce et des exportations, et son marché est donc d'envergure mondiale. Nous accusons un certain retard sur nos principaux concurrents en matière d'amélioration de la productivité, et ce, notamment au troisième et quatrième paliers » [Peter Smith, 25:9:15]. Le témoin a ajouté que le secteur était fortement dépendant d'une stratégie de créneau, de la faiblesse du dollar canadien et de l'aide du gouvernement.
Notre réussite est en grande partie attribuable aux résultats d'une poignée d'entrepreneurs principaux. Notre production est principalement axée sur les exportations et, comme je l'ai souligné, nous avons établi un certain marché à créneau. Le secteur canadien de l'aérospatiale est indubitablement de calibre mondial. Pour conserver notre excellente réputation à cet égard, nous avons consenti des investissements soutenus visant des produits et services novateurs. Il convient de noter qu'il est relativement peu coûteux de faire affaire au Canada et que le faible taux de change du dollar canadien rend nos produits très concurrentiels. Nous avons établi des collaborations un peu partout dans le monde en matière de partage des risques, mais nous collaborons également de façon très efficace dans le cadre de divers programmes de soutien gouvernementaux, comme ceux de la Société pour l'expansion des exportations, la CCC, le Programme partenariat technologique Canada et, bien entendu, les crédits du RSDE. |
Notre tâche consiste maintenant à consolider la compétitivité du secteur canadien de l'aérospatiale. La productivité est aujourd'hui au cur de la dynamique concurrentielle. Comme je l'ai déjà dit, on lie beaucoup trop la compétitivité, à l'heure actuelle, à la valeur du dollar canadien. Une hausse, même modeste, pourrait menacer la compétitivité des entreprises canadiennes de notre secteur. [Peter Smith, 25:9:10-9:15] |
Ce que le témoin propose comme solution, c'est d'innover et d'investir en R-D :
L'innovation est la clé de la croissance de la productivité et de la compétitivité. Par ailleurs, l'innovation et la croissance de la productivité sont inextricablement liées, selon nous. Il est essentiel d'investir dans la capacité d'innovation pour assurer la productivité et la compétitivité du pays.... Ce n'est pas en s'en tenant au statu quo que le Canada ira bien loin comme participant à une économie mondiale axée sur le savoir. Notre avenir économique est de plus en plus menacé par nos lacunes en matière d'innovation. Nous accusons un retard par rapport à nos concurrents en matière de dépenses de R-D ainsi que d'adoption et de diffusion de technologies nouvelles. [Peter Smith, 25:9:10] |
Perspectives et enjeux stratégiques
L'industrie aérospatiale vit actuellement des changements fondamentaux pour ce qui est de sa structure et de son mode de fonctionnement. Les entreprises canadiennes se sont très bien comportées au cours des quelques dernières années, mais elles font aujourd'hui face à de nombreux défis.
Par le passé, la création de nouveaux produits faisait le plus souvent suite à des innovations d'ordre technologique. Les clients commerciaux et militaires exigent désormais une réduction significative du coût de leurs produits ainsi qu'un degré de sophistication technologique et opérationnelle plus grand. Cela étant, les entreprises doivent se concentrer de plus en plus sur les procédés, ainsi que sur les technologies de produits, pour économiser au niveau de la création et de la fabrication des produits ainsi que du soutien après-vente. Cela est particulièrement difficile pour les PME.
Les débouchés qui s'offrent aux PME sont également en pleine mutation. Depuis les débuts de l'aviation, chaque génération de produits a revêtu une complexité croissante, et, jusqu'ici, seules quelques sociétés ont pu se permettre de mettre au point ces systèmes. Étant donné le niveau des coûts et la durée de vie plus longue des produits, les nouveaux programmes de construction d'aéronefs se font de plus en plus rares et s'assortissent de périodes de récupération longues et incertaines. Les grands systémiers se chargent de plus en plus de l'approvisionnement en fournitures à l'échelle mondiale et transfèrent les risques techniques, financiers et commerciaux à leurs fournisseurs. Il en résulte pour les PME un rétrécissement des débouchés et une hausse du risque et du coût de participation.
Ces changements fondamentaux dans le secteur contraignent de nombreuses entreprises, grandes et petites, à se regrouper. Ce mouvement a commencé par les premiers fabricants d'équipement et se répand aujourd'hui dans toute la chaîne d'approvisionnement. Les États-Unis ont amorcé cette tendance, mais l'Europe est aujourd'hui en proie à une restructuration majeure, qui s'opère essentiellement par l'entremise de la nouvelle European Aeronautic Defence and Space Company. Le regroupement à l'échelle internationale signifie que les fournisseurs canadiens ont moins de clients, ce qui devrait nuire aux secteurs qui se trouvent en aval. Pour ce qui est des secteurs canadiens de l'aérospatiale et de la défense eux-mêmes, le fort degré de propriété étrangère, la capacité limitée d'intégration de systèmes (de second niveau) et une intégration verticale incomplète compliquent les choses. Un représentant de ce secteur a expliqué la situation en ces termes :
La concurrence s'intensifie. [...] [L]es regroupements créent des concurrents plus puissants. Les entrepreneurs principaux canadiens font face à une vive concurrence de la part des États-Unis, de l'Europe, de l'Amérique du Sud et de l'Asie. L'évolution des pratiques d'achat des équipementiers entraîne une réduction du bassin de fournisseurs. On a tendance aujourd'hui à intégrer les achats, ce qui implique essentiellement [...] que l'intégration des achats offre non seulement des possibilités, mais également des défis. Compte tenu de la faible taille de certains secteurs d'activité au Canada, ils ne sont pas nécessairement en mesure de profiter des occasions extraordinaires qui existent à l'échelle mondiale pour ceux qui sont capables de consentir les investissements voulus en capital, en terrains ou en main-d'uvre. Les entrepreneurs principaux sont également à la recherche de solutions pleinement intégrées et s'attendent à ce que les fournisseurs s'associent, c'est-à-dire qu'ils partagent les risques technologiques et financiers, ce qui n'est pas à la portée de bon nombre de nos sociétés relativement peu dotées en infrastructures. Les entrepreneurs principaux canadiens ne sont pas à l'abri d'une telle dynamique du changement. Ils sillonnent eux aussi la planète à la recherche de fournisseurs d'envergure mondiale, et leur démarche se répercute sur l'ensemble du circuit d'approvisionnement. [Peter Smith, 25:9:10] |
Les entreprises canadiennes, de taille relativement faible par rapport à leurs concurrents, doivent également tenir compte du protectionnisme et des subventions accordées par les gouvernements étrangers à leurs propres entreprises. Même si l'État canadien fournit une aide par la voie de programmes de partage des risques, comme le Programme partenariat technologique Canada, les États-Unis, l'Europe et d'autres pays fournissent une aide très substantielle par l'entremise de projets de défense de grande envergure, de R-D en matière de défense et d'aérospatiale ou de subventions visant à financer les ventes.
Cette combinaison de pressions en matière de concurrence entraîne actuellement une restructuration importante de toute la chaîne d'approvisionnement. Les fournisseurs qui seront en mesure d'y survivre seront ceux qui pourront réduire leurs coûts, assurer une livraison juste à temps et améliorer la qualité de leurs produits et services, leur performance et leur capacité d'innovation. Les grandes entreprises concluent également aujourd'hui des contrats d'approvisionnement à plus long terme, ce qui réduit le nombre de débouchés pour les fournisseurs, tout particulièrement les nouveaux.
Pour un secteur axé sur les créneaux et les marchés étrangers et dont la compétitivité repose sur la faiblesse du dollar, le seul levier politique qui a manifestement fait ses preuves a été l'aide consentie par l'État au titre de la R-D, le nerf du secteur. À la lumière de la décision récente de l'OMC à l'encontre de certains aspects du Programme partenariat technologique, le gouvernement a modifié ce dernier de manière à lui conserver son efficacité. Or le Brésil, en particulier, exerce des pressions pour que le Canada remanie son programme en matière de R-D. Parallèlement, le Canada s'en prend au Brésil pour ne pas s'être conformé à la décision de l'OMC contre les programmes de ce pays dans le domaine de l'aérospatiale. Le Comité recommande donc :
32. Que le gouvernement du Canada s'emploie à négocier et à résoudre bilatéralement le conflit relatif au secteur de l'aérospatiale avec le Brésil avant que l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce ne rende sa décision.
51 Industrie Canada, Cadres de compétitivité sectorielle. Les aéronefs et les pièces d'aéronefs : Partie 1 -- Vue d'ensemble et perspectives.