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INDU Rapport du Comité

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CHAPITRE 20 :


LE SECTEUR DE LA BIOTECHNOLOGIE

Contribution à l'économie et structure

La biotechnologie n'est pas vraiment un secteur d'activité distinct, mais plutôt un ensemble d'outils pouvant s'appliquer à un large éventail de secteurs aussi divers que les soins de santé, l'agroalimentaire, l'environnement et les ressources naturelles, où ces outils servent de moteur au développement durable. Elle peut générer de nouveaux produits et processus, meilleurs et moins coûteux, par exemple des médicaments ou des méthodes de détection précoce et de traitement de maladies. Elle peut aider à réduire la pollution et à améliorer le rendement des cultures et leur donner des caractéristiques de valeur ajoutée et des qualités de transformation nouvelles.

L'industrie canadienne compte 282 grandes entreprises de biotechnologie, dont 25 % sont cotées en bourse. La majorité de toutes ces sociétés, soit 46 %, œuvre dans le secteur de la santé; l'agroalimentaire vient au second rang avec 29 %, suivi de l'environnement avec 11 %. Les petites entreprises ayant moins de 50 employés composent 72 % de l'industrie. Celle-ci compte un peu moins de 10 000 travailleurs et 1 900 autres postes vacants. Les compagnies sont réparties partout au Canada mais principalement concentrées au Québec (31 %), suivi de l'Ontario (25 %), de la Colombie-Britannique (20 %), de la Saskatchewan (8 %), de l'Alberta (7 %), du Manitoba (3 %) et de la région de l'Atlantique (6 %).

La réalité canadienne est que la biotechnologie est un élément très important de l'économie [...] Nous avons près de 300 compagnies de biotechnologie dans les divers secteurs, et il faut ajouter à cela une centaine d'entreprises émergentes. Maintenant, les trois quarts sont de petites entreprises qui emploient moins de 50 personnes chacune et [...] le secteur des soins de santé domine certainement non seulement du point de vue du nombre de compagnies, mais aussi du point de vue des effectifs et surtout des investissements [...] en R-D. [Paul Hough, 25:10:40]

Les recettes en biotechnologie ont dépassé 1 milliard de dollars en 1998, et provenaient principalement du secteur de la santé, suivi de près de celui de l'agroalimentaire. L'industrie, qui présente des dépenses en R-D atteignant 585 millions de dollars et un ratio très élevé de la R-D aux ventes, est très axée sur la recherche.

Productivité et compétitivité

Les entreprises biotechnologiques, contrairement à la plupart des autres industries, se livrent concurrence sur le plan de la propriété intellectuelle plutôt que des coûts de production.

Sans accès légal à une technologie exclusive commercialisable, la commercialisation est impossible et les capitaux d'investissement sont difficiles à trouver. Même si une entreprise arrive à obtenir une licence touchant la technologie dont elle a besoin -- admettant que celle-ci soit disponible -- le fardeau des redevances peut faire monter en flèche les coûts de production. En outre, les restrictions habituellement associées aux licences sur le plan des applications de produits, du territoire, etc., peuvent en réduire encore davantage la rentabilité. Les entreprises sont donc poussées à se doter d'une capacité interne d'innovation et d'élaboration de produits nouveaux56.

L'amélioration des processus technologiques est en outre moins utile en biotechnologie :

En biotechnologie, contrairement aux autres secteurs manufacturiers qui cherchent sans cesse à améliorer les procédés, les exigences réglementaires applicables aux produits thérapeutiques font qu'il est difficile d'apporter des modifications significatives aux procédés de fabrication une fois le produit approuvé pour la vente, parce que l'on craint que le produit alors fabriqué ne diffère de celui obtenu à partir du procédé initial. Un changement dans la fabrication entraînerait forcément un nouvel examen réglementaire, ce qui retarderait d'autant la commercialisation. Comme les entreprises subissent d'intenses pressions pour amener un nouveau produit jusqu'à l'étape des essais cliniques, elles ont souvent recours à la fabrication en sous-traitance comme solution de rechange à la production interne. Chaque entreprise peut ainsi se concentrer sur ses compétences principales57.

L'industrie biotechnologique canadienne présente des avantages concurrentiels et technologiques dans certains secteurs, comme les vaccins et les thérapies anticancéreuses, le syndrome d'immunodéficience acquise (sida) et les maladies neurodégénératives. Du côté des services, le Canada excelle dans les essais cliniques pour vérifier l'innocuité et l'efficacité de nouveaux médicaments. Nombre d'organismes au Canada se sont taillé une brillante réputation aux États-Unis et en Europe, grâce, en grande partie, à l'expérience du personnel médical qui réalise ces essais, au vaste bassin de patients d'origines ethniques diverses et à la présence d'un système public de soins de santé qui fournit de l'information et un suivi exhaustifs au sujet des patients.

Notre avantage concurrentiel en agrobiotechnologie repose sur la zootechnie (transplantation d'embryons et semences bovines de haute qualité), la culture sélective de colza canola et de pommes de terre transgéniques, les souches de levure et les cultures bactériennes, et l'embryogenèse somatique pour la multiplication des conifères et des fleurs. Dans le domaine de l'aquaculture, nous jouissons d'avantages concurrentiels pour ce qui touche les vaccins, l'optimisation des stocks de géniteurs et les tests diagnostics effectués sur place, ainsi que les programmes d'amélioration génétique afin d'optimiser les taux de croissance des poissons et l'indice de transformation. Comparativement aux autres secteurs cependant, la biotechnologie en aquaculture n'en est qu'à ses premiers balbutiements, à cause du manque de connaissances scientifiques sur les organismes marins et les agents pathogènes et la génétique des poissons, ainsi que de la petite taille du marché à l'heure actuelle. De plus, il est difficile au Canada de financer de vastes travaux de R-D et de développement commercial en raison du processus de réglementation, lourd et coûteux.

Mais c'est surtout le domaine des soins de santé que la biotechnologie a marqué, une tendance qui devrait se maintenir étant donné la demande croissante de médicaments innovateurs d'importance vitale. De plus, l'injection par le gouvernement de fonds élevés et la disponibilité de capitaux de placement, plus grandes pour la recherche biomédicale de base que pour d'autres domaines (parce qu'elle est susceptible de rapporter davantage), agissent aussi comme catalyseurs. Les marges de profit sont beaucoup plus faibles dans d'autres secteurs; où la biotechnologie, plutôt que de remplacer les outils conventionnels, ne fait que s'ajouter à l'arsenal des solutions. Nombre des plus grandes industries spécialisées en agroalimentaire et en biotechnologie en Amérique du Nord ont cédé des titres de propriété à des multinationales du domaine chimique et agricole. Cette tendance vers l'acquisition et le regroupement, qui s'accompagne de rendements relativement faibles sur les actions dans le secteur, font craindre pour l'avenir des entreprises émergentes qui souhaitent passer au prochain niveau de développement. L'environnement de réglementation international est aussi un facteur important pour la compétitivité mondiale puisqu'il influe sur l'accès au marché, la capacité de réunir des fonds, les coûts et les décisions en matière d'investissement.

Les États-Unis dominent le marché mondial au moyen de leur solide base de recherche en soins de santé et en agriculture. Les entreprises spécialisées en biotechnologie, c'est-à-dire créées dans le but précis d'exploiter les possibilités commerciales du secteur, sont concentrées aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, au Canada et en Allemagne, pays qui jouissent d'une impressionnante infrastructure de recherche, de capitaux et de la capacité industrielle de convertir en produits les résultats de la recherche fondamentale. La biotechnologie moderne est susceptible de contribuer énormément à l'économie canadienne et au développement viable grâce à son influence sur des secteurs clés comme les soins de santé et l'agroalimentaire.

Les compagnies innovatrices ont tendance à se regrouper autour des installations de recherche et des universités :

Des grappes d'entreprises de biotechnologie existent un peu partout, non seulement au Canada mais aussi dans d'autres pays. Saskatoon est peut-être le meilleur exemple de ce que l'on peut réaliser quand tous les niveaux de gouvernement travaillent de concert avec l'industrie et les milieux universitaires [...] [Paul Hough, 25:10:40]

La R-D est essentielle à la compétitivité dans ce secteur :

En dépit de ce financement accru, nous sommes confrontés à une concurrence féroce de la part de nos partenaires commerciaux. Même si l'on se reporte à l'horizon 2002, année où l'engagement de l'IRSC sera pleinement réalisé, on estime que les États-Unis consacreront quatre fois plus d'argent à la recherche, par habitant, que nous le faisons au Canada. Je dis bien quatre fois plus d'argent par habitant. Par conséquent, l'une de nos principales recommandations est que le gouvernement s'engage spécifiquement à investir 1 % du budget de la santé au Canada dans la recherche sur la santé. Pour chaque tranche de 100 $ que nous consacrons aux soins de santé, mettons de côté 1 $, un seul dollar, pour la recherche en santé. Si nous faisons cela, je crois que nous pouvons devenir compétitifs. [Barry McLennan, 25:10:30]

Perspectives et enjeux stratégiques

On s'attend à ce que le marché mondial des produits de la biotechnologie passe de 15 milliards de dollars US en 1995 à 38 milliards d'ici 2005. Étant donné le vieillissement de la population, laquelle consommera de plus en plus de produits et de services de santé, la biopharmacie continuera de tenir le haut du pavé par rapport aux autres sous-secteurs de la biotechnologie. Quelque 250 produits pharmaceutiques innovateurs ont atteint diverses étapes du développement clinique et du processus de réglementation au Canada. Bon nombre d'entre eux devraient être offerts sur le marché d'ici 5 ou 10 ans. L'immunodiagnostic est le deuxième secteur en importance en santé, puisque ses ventes pourraient augmenter de 9% par année. Vient ensuite le secteur agroalimentaire, particulièrement les plantes transgéniques et les soins vétérinaires.

Mais pour venir en aide à la biotechnologie, les gouvernements et l'industrie au Canada devront absolument s'occuper des préoccupations des consommateurs en matière de santé, de sécurité, d'information, de déontologie et d'environnement. Le Canada doit aussi faire en sorte que le contexte des affaires et des investissements favorise la maturation de ces entreprises. Pour ce faire, il doit conserver la puissante base de recherche en milieu universitaire qui a contribué à la croissance élevée de l'activité entrepreunariale et des entreprises émergentes, et encourager les mécanismes de transfert de la technologie et la capacité de l'industrie de traduire la recherche en produits tangibles; il doit aussi aider à asseoir la capacité de fabrication et fournir l'accès à des ressources humaines qualifiées. Cependant, le processus d'approbation réglementaire au Canada est lent :

[Un quotidien] souligne les lenteurs de l'approbation des médicaments au Canada. D'après les données, l'objectif du Canada, c'est-à-dire de Santé Canada, était de 355 jours. En fait, entre 1996 et 1998, le Canada a pris 518 jours pour approuver de nouveaux médicaments, soit un retard de 160 jours. C'est tout simplement inacceptable. Nous sommes loin derrière les États-Unis qui en sont à 365 jours, le Royaume-Uni, à 308 jours et la Suède, à 371 jours. Ce sont nos concurrents. Le temps c'est de l'argent, nous ne pouvons pas nous permettre d'accuser pareil retard. [Barry McLennan, 25:10:35]

Le Comité est convaincu que Budget 2000 injectera suffisamment de fonds nouveaux au cours des prochaines années pour permettre de surmonter certains aspects de cette lacune de la recherche et que la recommandation 12 aidera également. Il estime toutefois qu'il faut intensifier de beaucoup la recherche sur la santé et l'environnement afin de garantir, dans l'immédiat et pour l'avenir, la productivité et la compétitivité du secteur de la biotechnologie. Par conséquent, le Comité recommande :

36. Que le gouvernement du Canada accroisse le financement de la recherche en santé et en recherche environnementale portant sur les aliments transgéniques et les nouveaux produits pharmaceutiques.

 


56 Industrie Canada, La série des cadres de compétitivité sectorielle -- Les bio-industries : Partie I -- Vue d'ensemble et perspectives, p. 21-22.

57 Ibid., p. 22.