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NRGO Rapport du Comité

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CHAPITRE 2 : LA CERTIFICATION

A. Introduction

De manière générale, la certification des forêts peut se définir comme l’examen des forêts afin de déterminer si elles sont aménagées de manière à respecter certaines normes. Ce genre de certification existe depuis plusieurs années. Ainsi, aux É.–U., l’industrie a mis sur pied il y a plus de 50 ans un programme de certification baptisé American Forest Foundation Tree Farm Program afin de mettre en évidence les bonnes pratiques d’aménagement de la forêt. Toutefois, ce concept de certification des forêts a récemment pris une nouvelle importance avec l’évolution de la notion de « bonnes pratiques d’aménagement de la forêt » et avec le recours à la certification comme incitatif commercial pour obtenir le respect d’une série de normes d’aménagement de la forêt.

Avec l’arrivée de la technologie des satellites au milieu et à la fin des années 80, les organisations environnementales ont commencé à s’inquiéter de plus en plus de la déforestation, en particulier dans les forêts de feuillus tropicales. Des systèmes de certification écologique ont alors été élaborés pour les feuillus tropicaux. Les différends Nord–Sud qui sont apparus durant les discussions internationales sur l’aménagement des forêts ont ensuite incité les groupes environnementaux à inclure tous les types de forêts dans leurs plans d’intervention. Comme les systèmes de certification commençaient à proliférer, certaines organisations non gouvernementales du secteur de l’environnement (ONGE), de même que des compagnies forestières et de certification, ont réalisé qu’il fallait établir des normes communes, ce qui a abouti à la création du Forest Stewardship Council (FSC). L’idée était de créer un système qui permettrait d’attribuer une étiquette aux produits forestiers afin d’informer les consommateurs des pratiques d’aménagement de la forêt utilisées. De cette façon, en permettant aux consommateurs de faire un choix éclairé, on espérait développer un marché pour les produits forestiers provenant des forêts bien aménagées. Théoriquement, la demande des consommateurs pour ces produits devait ensuite entraîner une amélioration globale des pratiques forestières. Le succès de ce concept repose sur la crédibilité du système de certification, et donc sur sa transparence et sur la responsabilisation des intervenants, ainsi que sur sa capacité d’informer clairement les consommateurs sur le type d’aménagement de la forêt pratiqué.

En réponse à ce processus largement promu par les ONGE, d’autres systèmes de certification ont commencé à être mis sur pied un peu partout au monde, à la fois par des sociétés privées et par des organismes publics. Comme le Comité l’a appris, tous ces processus en sont encore à un stade précoce, et l’ensemble du secteur de la certification des pratiques et produits forestiers continue à évoluer de jour en jour. Comme de nombreux témoins l’ont toutefois signalé, la certification des forêts ne constitue pas qu’un concept théorique. Il s’est traduit par des systèmes très concrets qui gagnent rapidement en importance tant sur le plan du commerce que sur celui des pratiques d’aménagement de la forêt. La section qui suit décrira brièvement certains des systèmes de certification des forêts actuellement en vigueur.

B. Les systèmes de certification

1. Le Forest Stewardship Council (FSC)

Établi en 1993 et opérationnel depuis 1995, le FSC a dressé une liste de 10 principes et de 56 critères qui doivent être respectés avant qu’une forêt puisse être certifiée. Le FSC lui–même ne certifie pas les forêts, mais il accrédite plutôt d’autres organisations qui se chargent de cette certification en se fondant sur ses principes et critères. La norme de certification à respecter dans chaque pays ou région est élaborée en interprétant ces principes et critères dans le contexte économique, social et environnemental de la région concernée. Un groupe de travail comprenant un nombre égal de représentants des milieux économiques, environnementaux et sociaux est chargé de produire les normes régionales. De plus, au Canada, les Premières nations sont également représentées au sein de ce groupe. Une première certification peut être obtenue en se fondant sur la norme internationale générique, mais une fois qu’une norme régionale est adoptée, toute autre vérification sera fondée sur cette norme régionale.

Le processus de certification du FSC prévoit l’évaluation des plans d’aménagement et des pratiques forestières sur le terrain, ainsi que la confirmation de la chaîne de responsabilité. L’étiquette obtenue est ensuite censée garantir que le produit forestier provient d’une forêt aménagée d’une manière durable.

Au Canada, on compte actuellement (au 3 juin 2000) 212 189 hectares (ha.) de forêts certifiées à l’aide la norme du FSC, dont 191 000 ha. pour le district Black Brook de la société J. D. Irving, au Nouveau–Brunswick. À l’échelle mondiale, des forêts d’une superficie de 17 805 042 hectares ont été certifiées à l’aide de la norme du FSC. Pour vous donner une idée de l’emplacement de ces forêts certifiées et de leurs types, mentionnons que des forêts semi–naturelles (telles que définies par le FSC) d’une superficie de 9 000 000 d’hectares ont été ainsi certifiées en Suède, que des plantations d’environ 650 000 hectares ont été certifiées au Brésil et que des forêts naturelles d’une superficie de 2 000 000 d’hectares ont reçu cette étiquette en Pologne. Aux États–Unis, approximativement 1 600 000 hectares de forêts naturelles ont obtenu cette certification.

2. ISO 14001

La norme 14001 de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) est une norme générique de gestion environnementale applicable à toute industrie. L’entreprise établit des indicateurs et critères précis pour l’aménagement durable des forêts et un système de gestion environnementale est ensuite établi afin de faciliter l’atteinte de ces objectifs et de suivre les progrès réalisés. L’entreprise peut utiliser les normes de l’ISO à l’interne ou elle peut demander une certification par une tierce partie. Il n’y a aucune exigence sur le plan de la performance et aucune évaluation de la chaîne de responsabilité, et donc aucune étiquette. La norme ISO 14001 a été relativement bien reçue par l’industrie depuis sa création, en 1996, probablement parce qu’elle était considérée comme une première étape vers une certification plus axée sur la performance, comme celle de la CSA ou du FSC. Des 16 440 000 ha. de forêts certifiées au Canada, seuls 700 000 hectares ne sont pas certifiés exclusivement à l’aide de la norme ISO 14001.

3. Association canadienne de normalisation (CSA)

Certains ont déjà indiqué que la norme de la CSA constituait « peut–être la solution de rechange la plus complexe et la plus étendue au modèle de certification de la FSC ». La norme de certification de la CSA a été parrainée par des organisations industrielles, mais elle a été élaborée par un large éventail d’intervenants. Elle est fondée sur les principes de gestion de la norme ISO 14001, mais elle va plus loin que cette dernière puisqu’elle inclut des objectifs de performance précis. Les principes adoptés sont ceux qui ont été approuvés par le Conseil canadien des ministres des forêts lors du processus de Montréal (octobre 1995). Les fonctions des forêts qu’une entreprise forestière doit maintenir et les objectifs environnementaux qu’elle doit poursuivre sont établis après des consultations publiques et doivent tenir compte de 6 critères et de 80 indicateurs. La certification par une tierce partie est obligatoire, mais elle ne prévoit pas une évaluation de la chaîne de responsabilité et l’attribution d’une étiquette. Comme l’ont reconnu les ONGE, la transparence de ce processus constitue l’une des grandes forces du système de la CSA.

Ce n’est que récemment que des compagnies ont commencé à demander la certification de la CSA et seulement 500 000 hectares de forêts sont donc certifiés à l’aide de cette norme au Canada. De nombreuses compagnies envisagent toutefois d’obtenir cette certification. Ainsi, Weyerhaeuser prévoit faire certifier toutes ses circonscriptions forestières canadiennes à l’aide des normes de la CSA d’ici 2003. La norme ISO 14001 diffère de la norme de la CSA, mais cette dernière intègre bon nombre des concepts de gestion de la norme ISO 14001. En raison peut–être de cette compatibilité entre les deux normes, il se peut que les entreprises forestières canadiennes aient considéré la norme ISO 14001 comme une première étape en vue d’une certification ultérieure par la CSA, qui est plus axée sur la performance.

4. Sustainable Forestry Initiative (SFI)

Les premières normes de la SFI ont été élaborées et diffusées par l’American Forest and Paper Association (AF&PA) en 1991 et trois ans plus tard, soit en 1994, toutes les compagnies souhaitant devenir membres de cette association devaient les respecter. L’une des principales exigences de ces normes est qu’elles obligent toutes les compagnies membres à promouvoir l’aménagement forestier durable auprès de tous les exploitants forestiers et propriétaires fonciers. Au départ, les compagnies membres n’étaient tenues que de remplir un sondage annuel, qui était ensuite utilisé par un groupe d’experts afin de produire les rapports annuels de l’association. En plus de ce sondage annuel, cette association a récemment adopté les lignes directrices de l’ISO en matière d’autovérification, et les compagnies membres peuvent également demander à des tiers de vérifier le respect des normes de la SFI.

Selon les témoignages entendus, la compagnie J. D. Irving du Nouveau–Brunswick est en train de reconsidérer sa certification FSC pour le district Black Brook, qui est situé dans cette province, et demandera plutôt une accréditation de la SFI.

5. Système finlandais de certification des forêts

Le système finlandais de certification des forêts a été élaboré de concert avec une vaste gamme d’intervenants, notamment les associations de l’industrie forestière et le Fonds mondial pour la nature (WWF) — Finlande, ainsi qu’avec l’appui du gouvernement. Les normes sont fondées sur les principes et critères du FSC, sur la norme ISO 14001 et sur le système de gestion de l’environnement de l’Union européenne. Même s’il a participé à son élaboration, le Fonds mondial pour la nature — Finlande s’oppose dorénavant à ce système.

En 1999, un conseil a été établi afin de surveiller l’application de ce système, et sept centres de vérification ont été créés. Grâce à la certification collective de forêts liées entre elles, plus de 13 000 000 ha. de forêts ont été certifiés grâce à ce système (en date de mars 2000).

6. Woodland Assurance Scheme du Royaume–Uni

Le Woodland Assurance Scheme du Royaume–Uni (UKWAS) est remarquable parce qu’il a été produit par la commission de la foresterie du R.–U. avec l’appui total du FSC et du WWF. La commission de la foresterie est le ministère responsable de conseiller les ministres des Forêts sur la politique forestière et sur sa mise en oeuvre dans toute la Grande–Bretagne. La certification en vertu de ce système par un organisme accrédité par le FSC permettra d’obtenir du même coup la certification du FSC même si le secteur forestier du R.–U. envisage la possibilité d’établir sa propre étiquette à partir du système UKWAS. On s’attend à ce que près d’un million d’hectares de forêts soient bientôt certifiés avec la norme UKWAS. La plupart des forêts du R.–U. certifiées en vertu des normes du FSC sont des plantations ou des forêts semi–naturelles.

7. Système paneuropéen de certification des forêts

Le système paneuropéen de certification des forêts (PEFC) a été parrainé par l’industrie et est fondé sur les principes et critères établis dans un accord intergouvernemental européen conclu à Helsinki. Il permet de reconnaître les systèmes nationaux de certification mis sur pied en Europe et d’accorder ensuite une étiquette commune à ces produits forestiers certifiés. Jusqu’à maintenant, seule la norme finlandaise (FFCS) a été reconnue par ce système paneuropéen.

8. La fondation Keurhout

La fondation Keurhout a été établie par des intervenants de l’industrie forestière qui ont bénéficié d’un solide soutien du gouvernement hollandais. Cette fondation a comme objectif d’accorder une étiquette aux produits forestiers provenant des forêts aménagées de façon durable. Elle vise donc à accorder une étiquette à des produits et non à des systèmes de certification, mais ce faisant, elle approuve dans les faits les divers systèmes de certification, y compris, après une vérification indépendante de la chaîne de responsabilité, le système de la CSA. Le gouvernement agit comme organisme de surveillance, et on espère une plus grande participation des ONGE à l’avenir.

9. Les autres systèmes

Parmi les autres systèmes nationaux d’importance, mentionnons ceux de la Malaisie, de l’Indonésie et du Brésil. Le système national de certification des produits forestiers de la Malaisie a été principalement mis sur pied par le gouvernement. On discute actuellement de sa compatibilité avec le FSC et on espère que les produits certifiés seront acceptés par la fondation Keurhout. L’institut d’écoétiquette indonésien s’est lancé dans une coentreprise avec le FSC. Avec ce système, l’institut paiera au départ les frais de certification à la place des requérants. Après une période de transition, l’institut deviendra toutefois un organisme d’accréditation pour les certificateurs. Pour sa part, le système brésilien est axé sur les plantations industrielles, et les premières versions des normes semblent bénéficier d’un large appui.

Comme le Comité l’a constaté lors des témoignages, de nombreux intervenants de l’industrie sont frustrés de devoir faire certifier par d’autres les pratiques d’aménagement forestier durable qu’ils utilisent déjà. Selon plusieurs témoins, comme les entreprises et les collectivités ont déjà déployé des efforts afin d’élaborer des pratiques d’aménagement durable de la forêt dans le contexte local, le fait qu’une organisation non gouvernementale impose sa définition de ces pratiques d’aménagement durable de la forêt constituait un affront à notre souveraineté. D’autres croient toutefois que l’idée de faire reconnaître la valeur de leurs nouvelles pratiques d’aménagement durable de la forêt sur les divers marchés constitue une bonne idée et est en fait préférable à une lourde réglementation gouvernementale. La demande générale pour la certification a nettement entraîné une prolifération des systèmes de certification de l’aménagement de la forêt. Comme on l’a signalé au Comité, cette situation « tient naturellement à la diversité des forêts, des cultures, des régimes de propriété foncière et des lois dans le monde ». Sauf pour quelques exceptions, les témoins entendus par le Comité convenaient qu’il était souhaitable qu’il y ait plus d’un système de certification à cette étape–ci du processus et pendant encore un certain temps. De nombreux témoins ont signalé qu’il existait souvent des différences importantes entre les divers systèmes de certification. Il peut parfois s’exercer une saine concurrence entre ces divers systèmes, et bon nombre d’entre eux peuvent également être entièrement compatibles. Il semblerait qu’il est essentiel qu’au bout de la ligne, acheteurs et consommateurs connaissent la signification de chaque système et puisse se fier à sa crédibilité.

C. Les systèmes de certification : de la crédibilité avant tout

L’élément clé de tout système de certification devrait être sa crédibilité. Comme on en est aux premières étapes de la certification des forêts, la crédibilité des divers systèmes n’est pas encore établie, et cet aspect constitue donc un objectif majeur des divers systèmes. Toutefois, les critères mêmes à utiliser pour juger de cette crédibilité ne sont pas encore arrêtés de manière définitive, puisque tout ce secteur est encore en ébullition et en évolution. Malgré cela, certaines tendances nettes se sont dégagées des témoignages entendus par le Comité en ce qui touche aux critères permettant de juger de la crédibilité des divers systèmes.

1. Vérification par une tierce partie

Comme le Comité l’a appris, l’un des critères les plus importants permettant à un système d’acquérir une certaine crédibilité, est la vérification de la norme par une tierce partie indépendante. Sans ce mécanisme, il y a de trop grands risques qu’il y ait conflit d’intérêts réel ou apparent. Des systèmes comme la SFI, qui a été élaborée par l’American Forest and Paper Association et qui ne comportait au départ qu’une seule certification par l’association, ont maintenant intégré au moins la possibilité d’opter pour une vérification par une tierce partie. La norme de la CSA en matière d’aménagement forestier durable exige ainsi une vérification obligatoire par une tierce partie, comme dans le cas du FSC.

Peut–être en raison de l’évolution rapide de la certification des forêts, on ne sait pas trop quels systèmes exigent des vérifications par une tierce partie et lesquels n’en exigent pas. Ainsi, quelques témoins ont indiqué au Comité que le système de certification du FSC était le seul à exiger une telle vérification. En fait, de nombreux systèmes, y compris la norme de la CSA en matière d’aménagement forestier durable, exige une vérification par une tierce partie et pratiquement tous ces systèmes offrent au moins cette option. Comme le Comité l’a appris, même certaines politiques provinciales d’aménagement forestier sont appliquées au moyen de vérifications par une tierce partie.

2. Large participation des intervenants

La crédibilité d’un système de certification dépendra également du degré de participation des intervenants, en particulier à l’étape de l’élaboration des normes globales, mais également lors de l’application de ces normes au niveau local. Les représentants de toutes les organisations de certification que le Comité a entendus ont souligné que de nombreux intervenants avaient été consultés lors de l’élaboration de leurs systèmes.

Ainsi, le Comité a appris que les critères de la CSA avaient été élaborés par un comité technique composé de 24 membres votants représentant 4 groupes d’intérêts : les producteurs, les milieux professionnels et universitaires, les groupes environnementaux et la population en général, et les organismes publics de réglementation. De la même façon, les normes du FSC en cours d’élaboration pour la Colombie–Britannique sont établies par un comité comptant des représentants de quatre groupes bénéficiant d’un droit de vote égal : les Premières nations, le secteur économique, le secteur social et le secteur environnemental. Ainsi, chaque système peut soutenir avoir consulté largement les intervenants. Par contre, la norme de certification paneuropéenne et les critères de la SFI, bien qu’ils puissent être fondés sur des critères solides comme ceux adoptés lors du processus d’Helsinki, ont été élaborés exclusivement par l’industrie et ont donc une crédibilité moindre, en particulier auprès des groupes environnementaux. Même si les responsables soutiennent avoir largement consulté les intervenants, le Comité est bien conscient que le choix des organisations admises à participer au processus d’élaboration peut avoir faussé l’établissement des normes. Ainsi, selon des témoignages, les normes régionales pour les Maritimes du FSC ont été élaborées sans que l’industrie y participe beaucoup, malgré le fait que cette dernière s’intéressait à ce processus. Il est impératif qu’on ait recours à des méthodes ouvertes et transparentes pour le choix des organisations faisant partie des comités chargés de l’élaboration des normes.

3. Transparence et responsabilisation

La transparence et la responsabilisation constituent des facteurs importants tant pour le processus d’établissement du système de certification que pour les modalités d’application concrètes de celui–ci. Ainsi, la norme d’aménagement forestier durable de la CSA a été élaborée de manière à utiliser des processus de normalisation nationaux et internationaux bien établis, comme ceux de l’ISO et de la CSA. Les principes adoptés pour cette norme sont ceux qui ont été approuvés par le Conseil canadien des ministres des forêts lors du processus de Montréal (février 1995). Le choix délibéré qui a été fait d’utiliser la CSA et l’ISO pour créer un système de certification en matière d’aménagement forestier durable a contribué à garantir transparence et responsabilisation. Grâce à cette approche, ce système dispose également de mécanismes de vérification bien établis et entièrement indépendants qui obéissent à des règles internationales. Le Comité s’inquiète qu’on n’ait pas accordé autant d’importance à la transparence et à la responsabilisation dans d’autres systèmes établis à l’extérieur du gouvernement et par le truchement d’autres procédures d’approbation. Ainsi, des témoins ont souligné que le processus d’établissement des normes régionales des Maritimes pour le FSC avait été sévèrement critiqué par l’industrie et les organisations environnementales en raison de son caractère secret et biaisé. La certification des forêts, en particulier au Canada où le public est largement propriétaire des forêts, peut avoir un très grand impact sur les politiques de l’État, et il est donc primordial que ce processus soit ouvert et public et que les responsables soient appelés à rendre des comptes.

4. Le système fonctionne–t–il?

Il est impossible de répondre à cette question parce que tout ce processus est trop nouveau. Toutefois, il est clair que le système de certification doit produire les résultats escomptés s’il souhaite avoir une certaine crédibilité. Pour les ONGE, ces résultats escomptés sont une amélioration des pratiques forestières. Pour les compagnies forestières, ces résultats escomptés, c’est que leurs efforts pour améliorer les pratiques forestières soient reconnus sur les marchés et qu’ils accroissent leurs parts de marché ou à tout le moins qu’ils évitent d’en perdre.

Le Comité se rend compte que les différents systèmes de certification en sont à leurs débuts et qu’il est donc difficile d’évaluer leur crédibilité en se fondant sur leurs résultats. En l’absence de données empiriques sur l’efficacité d’un système de certification, le Comité croit que certains critères de base doivent être remplis pour qu’un système ait une chance de réussir. Pour qu’un système de certification de l’aménagement forestier durable permette véritablement d’améliorer les pratiques forestières, il est ainsi essentiel que ses principes et critères soient fondés sur de solides données scientifiques. D’un autre côté, pour que les marchés reconnaissent la valeur des pratiques d’aménagement forestier durable d’une compagnie forestière, il faut qu’il existe des débouchés pour des produits forestiers certifiés.

Du point de vue scientifique, il semble exister à tout le moins une certaine concordance entre les divers systèmes. Ainsi, un certain nombre de témoins ont signalé au Comité que les principes et critères utilisés par les divers systèmes pour porter un jugement en matière d’aménagement forestier durable étaient en gros équivalents. De manière générale, ces principes et critères sont ceux élaborés par le FSC, par le processus de Montréal ou par le processus d’Helsinki, et ils ont tous des fondements similaires. Des témoins qui ont participé à l’élaboration des différents systèmes ont en outre reconnu que les principes et critères utilisés par les autres systèmes étaient valables.

Quelques témoins doutaient toutefois de la nécessité même de produire une série de principes et de critères d’aménagement forestier durable d’application générale, en particulier lorsque ces principes et critères n’étaient pas élaborés pour le milieu local. Dans ces cas, l’aménagement forestier durable est déjà selon eux pratiqué d’une façon conforme à l’évolution de la foresterie dans la région de manière à garantir la survie de la compagnie forestière et de la collectivité. Ils étaient d’avis qu’il ne conviendrait donc pas d’imposer des principes et critères génériques élaborés sans tenir compte de l’expérience et de l’évolution locales.

Le marché des produits certifiés ne cesse d’évoluer de manière rapide. Au départ, des compagnies comme Collins Pine aux États–Unis et B&Q au Royaume–Uni, qui ont participé à l’établissement du FSC, essayaient tout probablement de simplement combler un créneau de marché. Toutefois, le Comité s’est rendu compte que ce concept de certification a évolué rapidement. Au cours des trois ou quatre dernières années, on a assisté à une augmentation importante du nombre et des types de systèmes de certification. Plusieurs témoins ont ainsi souligné que la certification ne constituait plus comme à ses origines un moyen d’exploiter un créneau particulier, mais qu’elle était plutôt en train de devenir une condition de vente. À l’avenir, il se peut bien qu’il devienne difficile de vendre des produits sur les marchés internationaux sans l’approbation d’au moins un de ces systèmes.

Toutefois, le Comité n’a entendu aucun témoignage indiquant que ce processus s’appuyait sur une forte demande de la part du consommateur final. La demande actuelle pour les produits forestiers certifiés, en particulier les produits respectant la norme du FSC, serait plutôt le résultat de la création de groupes d’acheteurs parrainés par les ONGE et dont les critères d’achat ne peuvent être remplis qu’en respectant les normes du FSC, ainsi que du boycottage des compagnies qui ne font pas partie de ces groupes d’acheteurs. Le marché des produits ayant obtenu la certification du FSC est donc artificiel. Les entreprises souhaitent avant tout obtenir une certification non pas pour combler un créneau, mais plutôt pour éviter les boycottages. Il reste à voir si la demande des consommateurs finaux sera forte pour les produits certifiés. Le Comité a appris que l’une des difficultés que pose cette situation est que les compagnies qui souhaitent utiliser des produits certifiés par le FSC se rendent compte qu’elles en sont incapables parce que les forêts ainsi certifiées ne permettent de réaliser que 5 p. 100 des ventes actuelles des grandes compagnies de produits forestiers. De plus, étant donné que la demande pour les produits certifiés a été créée par un incitatif commercial négatif et non par la demande des consommateurs finaux, les coûts de la certification ne sont pas entièrement transférés aux marchés. Il en a ainsi résulté un déséquilibre dans le système de certification et sur les marchés.

5. Traitement équitable

Pour être crédible, tout système de certification devrait permettre de traiter équitablement toutes les compagnies forestières, qu’elles soient d’un même pays ou de pays différents. L’importance de cette question a été soulignée par de nombreux témoins et ce problème préoccupe beaucoup le Comité. Il comporte de nombreux aspects différents.

Comme le Comité l’a appris, l’une des iniquités les plus évidentes d’un grand nombre de systèmes de certification est qu’ils désavantagent grandement les propriétaires de petits boisés. Comme le marché ne les incite pas réellement à faire certifier leurs pratiques, les propriétaires de petits boisés doivent payer pour obtenir cette certification juste pour éviter de perdre des parts de marché et ce, malgré le fait que leur situation les oblige habituellement à déjà utiliser des méthodes d’exploitation durables. Le Comité a en outre appris que les petits boisés, bien qu’ils ne représentent que 8 p. 100 des forêts au Canada, fournissent 17 p. 100 de l’approvisionnement en bois. On pourrait donc conclure que ces petits boisés font déjà l’objet d’un excellent aménagement forestier. Malgré cela, leurs propriétaires se sentent obligés de modifier leurs pratiques afin d’adopter une série de normes imposées par d’autres, tout simplement afin d’éviter d’être indirectement boycottés. Ils ne sont d’ailleurs nullement compensés pour les coûts associés à la certification. Ces petites entreprises sont donc désavantagées par rapport aux grandes compagnies davantage en mesure d’absorber ces coûts. Les représentants des organisations de certification entendus par le Comité ont d’ailleurs reconnu que ces petites entreprises étaient désavantagées.

Ce traitement inéquitable des boisés privés, qui est particulièrement évident dans le système du FSC, a constitué l’un des facteurs qui a milité en faveur de l’élaboration d’un système paneuropéen de certification des forêts. En effet, en Europe, la plupart des terres appartiennent à des propriétaires fonciers relativement petits, et ces derniers se jugeaient donc désavantagés par le système du Forest Stewardship Council (FSC); ils ont alors décidé, de concert avec l’industrie, d’établir leur propre système. Le système du FSC a depuis intégré un mécanisme de certification permettant à des groupes de propriétaires de boisés de demander une certification collective, ce qui permet de répartir les coûts. Le système de la CSA prétend également accepter les demandes collectives afin de tenter d’atténuer ce problème. Malgré ces efforts, les représentants des propriétaires de boisés entendus par le Comité soulignaient qu’ils sont toujours désavantagés par rapport aux grandes entreprises.

Toutefois, sur le plan du commerce international, le Comité est encore plus préoccupé par l’application inégale des principes et critères d’aménagement forestier durable aux divers types de forêts et dans les divers pays. Dans le contexte canadien, le Comité se préoccupe en particulier des différences qui existent dans le système de certification du FSC entre les plantations et les véritables forêts primaires naturelles. Au Canada, ce sont principalement des forêts primaires qui sont exploitées, tandis que dans les autres pays qui ont récolté il y a longtemps leurs forêts primaires, ce sont des plantations qui sont exploitées. Toute différence dans la facilité d’obtention de la certification entre les plantations et les forêts naturelles créera un accès inégal au marché pour les produits forestiers certifiés par le FSC, un marché qui est en croissance à la suite des boycottages et pressions des ONGE plutôt qu’en raison de la demande des consommateurs.

Ainsi, un certain nombre de témoins ont signalé au Comité que les normes du FSC étaient selon eux plus difficiles à respecter au Canada que, par exemple, dans les pays européens qui exploitent davantage des plantations. Des responsables du FSC ont reconnu que la barre était placée plus haute pour le Canada, mais ils ont indiqué que cette situation ne poserait un problème que si le système du FSC devenait un monopole. Si ce devait être le cas, il serait essentiel que le système inclue un mécanisme permettant de s’assurer que les principes et critères sont appliqués équitablement aux différents types de forêts. Selon certains témoins, il existe en fait un mécanisme au sein du système du FSC, appelé processus d’harmonisation, qui devrait permettre de contourner cette difficulté. Les responsables du FSC ont toutefois reconnu que ce processus n’a pas été testé et qu’il demeure un sérieux problème pour leur système. Le Comité a ainsi appris que des compagnies des provinces Maritimes sont assujetties à des normes du FSC qui sont beaucoup plus exigeantes que ce n’est le cas pour les compagnies exploitant le même genre de forêts dans les régions maritimes des États–Unis. Si le système du FSC ne peut garantir un traitement équitable aux mêmes types de forêts lorsque seule une frontière politique les sépare, il est pour le moins peu probable qu’il puisse garantir un traitement équitable à des pays ayant des forêts très différentes. La certification d’une plantation brésilienne d’eucalyptus diffère beaucoup de la certification d’une forêt boréale primaire. Certaines forêts boréales primaires, en particulier, se régénéreront après la récolte en maintenant une biodiversité similaire à celle qui prévalait avant la récolte, tandis qu’une plantation d’eucalyptus ou même les forêts semi–naturelles suédoises sont loin de posséder la biodiversité d’une forêt naturelle avant leur exploitation. Il reste à voir jusqu’à quel point il sera facile pour les entreprises exploitant des plantations et des forêts semi–naturelles de conserver leur certification du FSC à la lumière d’un engagement d’accroître la biodiversité.

En général, il ne semble pas exister de désaccord de principe concernant le système du FSC, mais ses lacunes apparentes sur le plan de la transparence, de l’ouverture et du traitement équitable minent sérieusement sa crédibilité. Les autres systèmes sont dans l’ensemble encore moins développés, et il est donc difficile de déterminer leur crédibilité. Les ONG du secteur de l’environnement essaient de discréditer bon nombre d’entre eux parce qu’ils sont parrainés par l’industrie ou parce qu’ils sont axés sur l’aménagement. Aucun de ces deux facteurs ne devrait pourtant être considéré comme un critère de crédibilité. Il devrait importer peu de savoir qui parraine un système, qu’il s’agisse du WWF dans le cas du système du FSC, ou de l’industrie dans le cas de celui de la CSA, en autant que ce système est ouvert à tous et prévoit une large participation des intervenants. Le fait qu’un système soit davantage axé sur la certification de l’aménagement ne devrait pas non plus amoindrir sa crédibilité en autant qu’il n’y ait aucune autre allégation. La connaissance que les consommateurs ont de la signification d’un système et leur compréhension de ce que représente vraiment un système d’étiquetage et de ce qu’entraîne sa mise en oeuvre constituent également des éléments essentiels des systèmes de certification.

D. Information des consommateurs par l’étiquetage

Si la demande finale des consommateurs pour les produits forestiers certifiés devient importante, l’information transmise aux consommateurs sur les divers systèmes de certification et la validité de cette information joueront un rôle important dans l’orientation du processus de certification. Or, l’utilisation d’une étiquette ou d’une marque constitue l’une des meilleures façons d’informer les consommateurs sur les origines d’un produit forestier. Un certain nombre de systèmes utilisent actuellement une étiquette, notamment celle du FSC, le système de certification paneuropéen et le système de la fondation Keurhout. Pour qu’une étiquette transmette de manière précise au consommateur des renseignements sur l’aménagement de la forêt d’où provient un produit, il est essentiel de disposer d’une chaîne de responsabilité bien établie.

Une chaîne de responsabilité est essentielle à tout système d’étiquette. Cette chaîne permet de suivre un produit forestier à partir de la forêt et tout au long des diverses étapes de sa transformation en un produit final afin de s’assurer que ce dernier provient bien d’une forêt donnée. Cette chaîne de responsabilité peut prendre une forme physique avec le marquage du bois, ou peut être établie par un examen de documents. Le système de certification peut ensuite alléguer que le produit forestier provient d’une forêt particulière qui a été vérifiée afin de garantir qu’elle respecte ses normes, principes et critères de certification.

Le Comité a été informé que certains systèmes vont jusqu’à prétendre que l’étiquette (dans ce cas–ci, l’étiquette du FSC) peut garantir que la forêt d’où provient le produit est aménagée de manière à préserver la qualité de l’eau, les habitats fauniques et les usages récréatifs. La crédibilité de ces allégations dépend non seulement de la crédibilité de la certification des pratiques d’aménagement forestier durable, mais aussi de la crédibilité de la chaîne de responsabilité. Dans le cas du FSC, le Comité a appris que l’Association des consommateurs du Canada a douté de la valeur de cette garantie en raison des lacunes de la chaîne de responsabilité. Des témoins ont souligné que les critiques avaient surtout visé le FSC, mais que celles–ci sont l’indice d’un problème qui pourrait s’étendre à tous les systèmes de certification au fur et à mesure où ceux–ci commenceront à utiliser une étiquette.

Le système de la CSA ne prévoit pas actuellement un examen de la chaîne de responsabilité. Le Comité a appris que cette décision avait été prise volontairement. Les normes de la CSA sont mises en oeuvre de manière graduelle en travaillant tout d’abord à la certification des forêts; ce n’est qu’après que la CSA envisagera apparemment d’inclure une chaîne de responsabilité. La CSA ne prévoit pas l’utilisation d’une étiquette, mais le fait d’inclure une chaîne de responsabilité lui permettra presque certainement de faire reconnaître la valeur de sa certification par les autres organisations, comme ce fut d’ailleurs le cas lorsque la CSA a approuvé le bois qui est accepté par la fondation Keurhout.

E. Un éventail de systèmes pour favoriser la concurrence

Le nombre et la variété de systèmes de certification qui existent actuellement et la vitesse à laquelle ils évoluent tous créeront vraisemblablement beaucoup de confusion. Il serait tentant de chercher à atténuer ce problème en créant une seule série de normes pour tous les intervenants. Comme de nombreux témoins l’ont toutefois signalé, l’établissement d’un monopole à cette étape–ci ne permettrait pas d’obtenir la crédibilité voulue. Nonobstant la recommandation formulée dans le rapport intérimaire, le Comité est maintenant en mesure de déclarer sans équivoque que cette solution ne constituerait pas une bonne idée. En effet, de nombreux témoins ont souligné qu’il fallait compter sur un éventail de systèmes pour s’assurer que la certification atteigne ses objectifs : établir une foresterie durable et permettre un accès aux marchés.

L’avenir de la certification demeure un peu incertain, mais la diversité actuelle des systèmes peut garantir une saine concurrence et favoriser un accroissement de la crédibilité des systèmes et de leur flexibilité face aux différents types de forêts. Un témoin a bien souligné au Comité que l’existence de nombreux systèmes compliquerait beaucoup le fonctionnement des entreprises, puisqu’il leur faudrait surveiller le respect de toutes ces normes. D’autres témoins croyaient que le gouvernement pourrait atténuer ce problème en acceptant de surveiller les systèmes afin de garantir leur crédibilité. La forme que prendra la certification dans l’avenir pourrait donc également dépendre des accords intergouvernementaux, de même que des fusions de systèmes de certification et des projets conjoints dans ce domaine.

Le Comité reconnaît que la certification ne permettra pas à elle seule de résoudre les problèmes d’accès aux marchés résultant des campagnes de boycottage des produits forestiers canadiens. Comme elle pourrait se révéler une solution partielle, le Comité recommande que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et territoires, encourage la reconnaissance d’un éventail de systèmes de certification des forêts si jamais il devait chercher à jouer un rôle dans ce domaine.

F. L’avenir de la certification

Comme on l’a déjà mentionné, il existe actuellement un grand nombre de systèmes différents qui sont le fruit des efforts individuels ou conjoints de l’industrie, des ONGE et des gouvernements, et qui s’appliquent à toute une gamme de situations différentes. L’avenir de la certification dépendra de la capacité des consommateurs de bien saisir la signification de chacun de ces systèmes. Comme il ne semble pas exister actuellement une très grande demande du côté des consommateurs finaux, d’autres facteurs que la demande des consommateurs influeront sur la certification à court terme. L’un des facteurs qui influera le plus sur la certification sera la reconnaissance ou non de la valeur des divers systèmes par les gouvernements, les groupes d’acheteurs et les autres systèmes de certification. Du point de vue de l’industrie, qui cherche à trouver de nouveaux marchés ou, à tout le moins, à conserver les marchés existants, la certification ne servira à rien si ces marchés n’acceptent pas le système particulier qui sera choisi. Du point de vue des ONGE, la possibilité que la valeur d’un système de certification plus faible soit reconnue par un autre système plus solide est considérée comme un risque que soit diluée la capacité de la certification d’atteindre ses objectifs.

1. La reconnaissance par les groupes d’acheteurs

En l’absence d’une demande des consommateurs pour les produits certifiés, les choix faits par les groupes d’acheteurs auront un impact important sur l’avenir de la certification. Les groupes d’acheteurs souhaitaient au départ établir des exigences suffisamment grandes pour que seule la norme du FSC permette de les satisfaire. Selon des acheteurs entendus par le Comité, l’approvisionnement en bois certifié par le FSC est loin d’être suffisant pour combler les besoins des magasins, et ces derniers ont donc comme politique d’accorder la préférence aux produits certifiés par le FSC plutôt que d’exiger exclusivement de tels produits. Un développement important est survenu récemment dans ce domaine lorsque la compagnie B&Q du R.–U. a accepté le système de certification des forêts de la Finlande. La compagnie B&Q est l’une des entreprises qui avait contribué à la formation du FSC, et elle est membre du groupe des acheteurs 95+. Le fait que cette entreprise reconnaisse un autre système que celui du FSC marquera probablement le début d’une longue série de ces reconnaissances au fur et à mesure que les renseignements sur les autres systèmes sont communiqués aux groupes d’acheteurs. Le Comité est conscient que cette reconnaissance des systèmes par les groupes d’acheteurs dépendra également de la bataille que divers intervenants se livreront pour se gagner l’opinion publique.

2. Reconnaissance des systèmes par d’autres

Nonobstant le fait qu’aucun système n’est accepté par tous, des systèmes peuvent s’accorder cette reconnaissance entre eux. Cet objectif pourrait être atteint par une coopération lors du développement des nouveaux systèmes, comme par exemple la coopération entre le FSC et le LEI en Indonésie. Cette reconnaissance pourrait également survenir après la création d’un système prévoyant l’acceptation d’autres systèmes, comme ce fut le cas pour le Woodland Assurance Scheme du R.–U. et le FSC.

Des mécanismes de reconnaissance entre systèmes différents pourraient également être établis après le développement de ceux–ci. Le système paneuropéen de certification des forêts constitue essentiellement un outil de reconnaissance. Jusqu’à maintenant, il n’a permis de reconnaître que le système de certification des forêts de la Finlande, mais il entraînera presque certainement la reconnaissance d’un plus grand nombre de systèmes dans un avenir rapproché. La fondation Keurhout des Pays–Bas approuve des produits forestiers, mais ce faisant, elle accepte dans les faits ces systèmes de certification. Ainsi, le Comité a appris que cette fondation avait récemment accepté certains produits certifiés par la CSA, mais uniquement après avoir vérifié la chaîne de responsabilité. Cette reconnaissance est vitale pour les systèmes de certification en développement comme celui du CSA afin de se bâtir une certaine crédibilité, en particulier auprès des groupes d’acheteurs.

3. Reconnaissance par les gouvernements

De nombreux gouvernements ont déployé des efforts considérables afin d’établir des systèmes nationaux de certification. Ici encore, si l’objectif est de conserver des marchés, il faudra que ces systèmes nationaux soient reconnus par les gouvernements et groupes d’acheteurs étrangers pour que ces systèmes se révèlent efficaces. Par conséquent, des discussions intergouvernementales ont été tenues sur la certification afin d’atteindre une certaine comparabilité à l’échelle internationale. Des pourparlers ont en outre eu lieu au sein du Forum intergouvernemental sur les forêts (FIF) des Nations Unies, et le gouvernement australien a organisé des conférences et discussions officielles et informelles sur la coopération internationale concernant la certification et les étiquettes.

L’une des méthodes qui pourrait permettre d’établir un cadre de reconnaissance mutuel serait l’établissement de critères de reconnaissance mutuelle et leur inclusion dans une convention internationale sur les forêts. Le Canada se fait toujours le champion d’un tel accord international, mais la récente initiative Costa Rica–Canada entreprise dans le cadre du FIF ne prévoyait que des discussions limitées concernant cet aspect d’un éventuel accord assorti d’obligations juridiques.

G. Le rôle des gouvernements dans la certification de l’aménagement forestier

Comme de nombreux témoins l’ont signalé, la certification ne constitue plus seulement un concept, mais elle est devenue une réalité qui pourrait avoir un grand impact sur les politiques sur la foresterie de l’État et sur l’accès aux marchés internationaux. Par conséquent, les gouvernements de l’ensemble de la planète ont jugé important de participer au processus de certification à divers paliers, qu’il s’agisse de la création comme telle de ces systèmes ou du développement de critères et d’indicateurs d’aménagement forestier durable qui seront utilisés dans ces systèmes de certification.

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et territoires, prennent toutes les mesures proactives nécessaires pour s’assurer qu’aucun système de certification ou processus similaire ait l’effet de remplacer ou d’usurper les fonctions de tout palier de gouvernement en matière d’établissement de politiques ou de réglementation dans le domaine de l’aménagement forestier ou du commerce international.

1. Création des systèmes de certification

Certains gouvernements comme celui du Royaume–Uni ont joué un rôle direct dans l’établissement de leurs propres systèmes nationaux. Au Canada, le comité responsable de l’élaboration de la norme d’aménagement forestier durable de la CSA comprenait six membres votants représentant les organismes de réglementation des gouvernements fédéral et provinciaux, de même que divers observateurs gouvernementaux. Le gouvernement fédéral estime que la certification est avant tout une initiative du secteur privé et qu’il ne conviendrait pas qu’il s’en occupe. Étant donné que le système du R.–U. a réussi à se gagner l’appui des ONGE, cette politique est discutable. Toutefois, puisque le Canada dispose dorénavant de sa propre norme nationale appliquée de manière indépendante par la CSA, on n’a plus à débattre de cette question.

Aux Pays–Bas, le gouvernement agit comme observateur auprès de la Fondation Keurhout, une organisation qui certifie que des produits du bois mis en vente aux Pays–Bas proviennent de forêts aménagées de manière durable. Le Comité est tout à fait d’accord pour que le gouvernement exerce cette responsabilité, mais celle–ci pourrait présenter un intérêt limité pour un grand exportateur de produits forestiers comme le Canada.

2. Le gouvernement comme facilitateur de la certification

Selon les témoins entendus par le Comité, le processus de certification de la CSA et du FSC est long, coûteux et pourrait présenter beaucoup de difficultés (conflits entre intervenants et manque de transparence). Il semble aussi évident que les entreprises canadiennes, bien qu’elles tentent actuellement d’obtenir leur certification, ont pris du retard par rapport à de nombreux concurrents qui ont déjà obtenu la leur. Ce retard est en partie attribuable au fait que certains pays qui ne comptent pas de vieilles forêts ont appuyé le développement des normes nationales ou régionales du FSC. D’un autre côté, les vieilles forêts du Canada pourraient être difficiles à certifier dans la mesure où l’on n’a pas encore terminé l’élaboration de normes régionales du FSC pour elles. Une fois les normes établies, les compagnies sont davantage en mesure d’analyser les changements qui doivent être apportés, s’il y a lieu, afin d’obtenir la certification du FSC. De plus, la participation des collectivités locales à l’établissement des normes de la CSA pourrait également se révéler un processus long et onéreux. Les difficultés continuelles que doivent surmonter les entreprises canadiennes pour obtenir leur certification pourraient les priver de certaines parts de marché.

Un autre aspect de la certification qui a été porté à l’attention du Comité et qui contribue à l’augmentation des coûts de la certification est la pénurie de certificateurs de l’aménagement forestier durable au Canada. Malgré l’intérêt que soulève l’aménagement forestier durable pour la formation des forestiers dans les institutions canadiennes, il y a une pénurie de certificateurs qualifiés.

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et territoires, encourage la formation de certificateurs de l’aménagement forestier durable.

3. Rôle que pourrait jouer le gouvernement pour dissiper la confusion qui existe sur les marchés et chez les consommateurs

Actuellement, le processus de certification constitue nettement une source de confusion sur les marchés. Comme le Comité a pu s’en rendre compte, même des membres importants de groupes d’acheteurs ne disposent pas des connaissances de base voulues pour prendre des décisions éclairées sur les systèmes de certification. D’autres gouvernements, comme par exemple le gouvernement australien, prennent des mesures afin d’organiser et de diffuser de l’information sur le processus de certification. On trouve beaucoup de renseignements à ce sujet sur Internet, mais la majeure partie de ceux–ci sont diffusés sur les sites Web des ONGE ou de l’industrie.

4. Surveiller la crédibilité des divers systèmes.

La crédibilité de chaque système de certification constitue un facteur primordial pour que ce système soit accepté par les marchés. Le Comité réalise que la crédibilité est certainement en partie le fruit d’une interprétation dépendant des opinions de l’observateur, mais il reconnaît aussi qu’il existe un certain consensus sur ce qui constitue un système crédible.

Ainsi, l’ouverture, la transparence, la responsabilisation et l’équité du processus d’établissement des normes revêt une importance particulière. Au Canada, la transparence du processus d’établissement des normes et leur application uniforme aux forêts ont suscité énormément de controverse. Le Comité reconnaît que le gouvernement fédéral ne surveille pas habituellement les intérêts des consommateurs dans les secteurs qui ne relèvent pas de l’État, mais la certification des forêts pourrait avoir un tel impact sur les politiques publiques canadiennes qu’il est essentiel qu’elle soit fondée sur un processus ouvert, transparent et responsable.

Les marchés ne sont peut–être pas en mesure de décider de ce qui est crédible à moins que l’information transmise aux consommateurs soit suffisante et complète. Le Comité croit que la coexistence de plusieurs systèmes de certification contribuera à garantir leur crédibilité par la concurrence qui s’exercera.

5. Rôle du gouvernement sur la scène internationale

Tout au long de ses audiences, le Comité s’est beaucoup soucié que les divers systèmes de certification traitent équitablement les différentes forêts, en particulier lorsqu’elles sont situées dans des pays différents. S’il devait exister des iniquités, elles pourraient se transformer en barrières commerciales. Beaucoup de témoins ont ainsi affirmé que de nombreuses preuves empiriques laissent croire qu’il est beaucoup plus difficile d’obtenir la certification du FSC pour les forêts primaires canadiennes que ce ne l’est pour les forêts reboisées des pays où les forêts naturelles ont été rasées il y a très longtemps. Le Comité estime que ces preuves empiriques ne sont certainement pas suffisamment solides pour conclure qu’il s’agit là de barrières commerciales. Des témoins ont indiqué que la certification des forêts pourrait se transformer en barrière commerciale non tarifaire. En fait, certains ont souligné que l’objectif même des systèmes de certification des forêts est d’encourager les consommateurs à acheter certains produits de préférence à d’autres. Vue sous cet angle, la certification des forêts partage, de par sa nature même, certaines des caractéristiques d’une mesure de restriction du commerce. La certification des forêts pourrait donc très bien être utilisée comme une barrière non tarifaire au commerce. Il est essentiel que le gouvernement fédéral surveille la situation de manière à s’assurer que ce scénario ne se réalise pas.

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et territoires, surveille l’ouverture, la transparence, la responsabilisation et l’équité des systèmes de certification de manière à s’assurer que les divers types de forêts sont traités de façon similaire ici au Canada et dans le monde entier.

La certification des forêts ne permettra de conserver les marchés existants ou d’en trouver de nouveaux que si les marchés acceptent le système de certification utilisé. Jusqu’à maintenant, les ONGE ont orienté les habitudes d’achat des compagnies et ce sont surtout elles qui ont donc décidé de l’acceptation des systèmes par les groupes d’acheteurs. Actuellement, le système le plus populaire est le système du FSC. Toutefois, l’approvisionnement en bois certifié par le FSC est extrêmement limité, et les magasins ne peuvent obtenir qu’un maximum d’environ 5 p. 100 de leurs stocks en bois certifié par le FSC. Il est évident que les compagnies ne cesseront pas d’acheter du bois simplement parce qu’il n’est pas certifié par le FSC. Il est probablement préférable de maintenir la flexibilité inhérente au maintien d’un grand nombre de systèmes de certification et d’éviter toute distorsion sur les marchés qui pourrait survenir avec la création d’un monopole. Par conséquent, il faut dès maintenant s’assurer que d’autres systèmes sont reconnus comme des mécanismes aptes à promouvoir une foresterie durable. Pour ce faire, on pourrait établir un plan international de reconnaissance mutuelle de ces systèmes de certification. Il est clair que la communauté internationale (par exemple le gouvernement de l’Australie) s’intéresse à l’établissement d’un tel plan de reconnaissance mutuelle des systèmes de certification de l’aménagement forestier durable.

Le Comité estime que le temps est venu d’encourager la tenue de pourparlers officiels en vue d’une reconnaissance mutuelle des systèmes de certification des forêts. Comme le Canada fait figure de chef de file dans le domaine de la foresterie durable, le Comité recommande que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et territoires, encourage l’élaboration d’un processus afin d’établir avec tous les autres pays et intervenants intéressés un plan international de reconnaissance mutuelle des systèmes de certification. Ces discussions pourraient être tenues dans le cadre des pourparlers actuels en vue de la conclusion d’une convention internationale sur les forêts ou parallèlement à ces pourparlers.