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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 10 mai 2001

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour. Nous accueillons aujourd'hui plusieurs témoins à cette séance d'examen du projet de loi C-5. Si nous sommes aussi peu nombreux aujourd'hui, c'est parce que certains d'entre nous avaient des réunions dès 7 h 30; ils se joindront à nous dès que leur réunion sera terminée.

La règle concernant le quorum nous permet de tenir la séance avec trois membres. Nous sommes quatre pour l'instant et nous serons plus nombreux tout à l'heure.

Avant de commencer, je voudrais faire deux ou trois commentaires ou peut-être entendre les vôtres sur les questions qui ont été examinées hier. Les deux points principaux dont le souvenir est encore tout frais sont le fait que les témoins semblaient ignorer que le principe de la protection obligatoire de l'habitat est en application dans quatre provinces depuis un certain temps et ce, sans indemnisation, sauf peut-être en Alberta et que, jusqu'à présent du moins, cela n'a encore causé aucune difficulté.

Je suis plutôt étonné. Il serait peut-être bon d'essayer d'obtenir des renseignements supplémentaires à ce sujet. De deux choses l'une, ou la loi n'est pas réellement appliquée ou elle ne cause vraiment aucune difficulté. Il est également possible que la vérité se situe entre les deux. Il faut que nous soyons un peu mieux renseignés à ce sujet et il serait utile que nos attachés de recherche essaient d'obtenir des informations plus précises.

Le second point concerne l'intendance et l'indemnisation. À ce propos, nous n'avons pas posé des questions suffisamment claires. Lorsque le processus de conservation sera entamé, si j'ai bien compris du moins, un accord prévoirait quelque récompense ou indemnisation, un accord monétaire. Si c'est exact, il faudrait que l'on nous confirme comment ce système fonctionnera pour que cette information soit transmise aux agriculteurs.

• 0910

Il faut, bien entendu, que nous obtenions la confirmation que l'indemnisation est une méthode efficace pour faire participer à un programme de protection ceux qui n'ont pas les moyens financiers de le faire. Ce sont là des distinctions qu'il convient de clarifier. Si je me suis mal exprimé, je serais heureux qu'on me corrige.

Le dernier point concerne l'indemnisation à 100 p. 100. Alors que j'y réfléchissais hier soir, je me suis demandé pourquoi on n'indemniserait pas à 100 p. 100. Jack Horner nous a signalé qu'il avait été indemnisé intégralement pour avoir accepté de retarder la fauchaison de deux semaines, à la demande de Canards Illimités. Pourquoi seulement 50 p. 100 ou quelque autre pourcentage? Il faut donc que nous nous attaquions à cette question.

En outre, comme vous le savez, cet aspect n'est pas abordé dans le projet de loi. Ce sera plutôt prévu dans les règlements. Il faudrait au moins signaler ce que le comité en pense, avant que des règlements ne soient rédigés, en espérant qu'il ne faudra pas attendre plus d'un siècle.

Auriez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.

En ce qui concerne votre premier commentaire, j'ajouterais que j'ai l'impression que les témoins auraient répondu que la question de l'indemnisation ne s'est pas encore posée au palier provincial, puisque la loi est assez récente. Je pense qu'il faudrait que nos attachés de recherche en tiennent compte. Est-ce que cela n'a encore causé aucune difficulté au palier provincial parce que les lois provinciales ne sont en place que depuis trois à cinq ans?

Le président: Dans le cas de l'Alberta.

M. Joe Comartin: Oui, dans le cas de l'Alberta en particulier.

Le président: Oui, mais pas dans les autres provinces.

M. Joe Comartin: Par conséquent, il serait peut-être utile de faire le rapprochement et de déterminer si cela n'a encore posé aucun problème en Alberta que parce que la loi ne date que de trois ans. On commence toutefois à nous signaler, à chacune de nos réunions, qu'il y aura des problèmes. Il serait peut-être bon d'examiner la situation en Ontario et dans les autres provinces, où ces lois sont en vigueur depuis plus longtemps. Si aucun problème n'a encore surgi, nous pourrons dire que cette question n'en pose pas. Par contre, si des problèmes se manifestent, il serait bon que nous soyons au courant. Je suis d'accord avec vous.

L'autre commentaire que je voudrais faire, monsieur le président, concerne la question de l'indemnisation. Lorsque le sous-ministre adjoint est venu, nous lui avons demandé à plusieurs reprises quand le règlement serait prêt. Le genre de témoignage qu'il a fait met en évidence la nécessité de distribuer le texte du règlement, à nous du moins, et peut-être aussi de le communiquer aux Canadiens.

Il serait assurément utile d'avoir accès à ce règlement, pour autant que les articles concernant l'indemnisation soient presque définitifs. D'après les témoignages que nous avons entendus hier, on a l'impression que les agriculteurs ont de fortes craintes à ce sujet, mais on constate qu'ils ne sont pas très bien informés en ce qui concerne les conséquences.

Mon dernier commentaire—je voulais le faire pendant mon deuxième tour de questions hier, mais nous n'avions plus le temps—concerne les craintes qui ont été manifestées au sujet du montant des amendes. Je le fais pour le compte rendu. Ces amendes sont applicables à l'échelle du pays, à tous les particuliers ou entreprises susceptibles d'enfreindre la loi, parfois de façon très flagrante.

Ces fortes amendes sont donc nécessaires. En effet, dans bien des cas, l'agriculteur-éleveur qui enfreindrait la loi saurait qu'il ne s'expose qu'à une amende minime, à supposer qu'il soit reconnu coupable. En outre, dans la plupart des cas analogues, l'amende a été suspendue et je ne vois pas pourquoi un tribunal agirait différemment. Ou alors, si une amende était imposée, elle ne serait probablement que de 500 $ à 5 000 $.

• 0915

Ce n'est pas que je veuille minimiser l'importance de ce genre d'infraction, mais elle ne ferait pas l'objet d'amendes de 50 000 $, 300 000 $, voire 1 million de dollars, prévues pour des cas d'infractions flagrantes, parce qu'il s'agit toujours des infractions les plus graves, commises par une multinationale comme MacMillan-Bloedel. Ce n'est qu'en cas de grave infraction commise par ce genre d'entreprise qu'une amende aussi considérable serait imposée.

Le président: Merci. C'était très intéressant.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Je pense qu'à la suite de cette révélation sur la protection de l'habitat, il faut s'interroger sur ce qu'on entend par «habitat» dans ces lois provinciales. Qu'est-ce qui constitue un habitat? Qu'est-ce au juste...? Tant que nous n'aurons pas une idée de la définition qui sera arrêtée pour ce terme, nous ne pourrons pas parler en connaissance de cause de protection obligatoire, parce qu'il y a suffisamment de données anecdotiques indiquant que la protection du territoire, par exemple d'une certaine superficie de terrain, ne favorise pas nécessairement le rétablissement d'une espèce ou n'assure pas nécessairement sa protection. On ne sait pas encore très bien à quoi s'en tenir.

En ce qui concerne la question de l'indemnisation et des amendes, qui a été abordée par M. Comartin, je pense que, s'il y a un terme qui doit attirer notre attention, c'est le mot «intentionnel». Pour ce qui est de savoir quand on considère qu'un dommage causé à une espèce est intentionnel et quand il ne l'est pas, je crois qu'il faudrait en discuter longuement.

Mme Kristen Douglas (attachée de recherche): Le caractère intentionnel est un des critères de condamnation qui serait pertinent d'après les dispositions de ce projet de loi. Par conséquent, même s'il s'agit d'une infraction de droit strict, tel qu'on le propose actuellement dans le projet de loi, une de ses dispositions spécifie les principes dont les juges seraient obligés de tenir compte, notamment le caractère intentionnel d'une infraction.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres commentaires? Ainsi se termine ce bref aperçu des thèmes qui se dégagent des discussions que nous avons eues pendant la réunion d'hier.

Parfait. Si plus personne n'a de commentaires à faire, nous accueillerons M. deMarsh, Mme Mauch, M. Affleck, M. McIntyre, M. Demulder et M. Bonar.

Pourriez-vous faire un bref exposé? Qui voudrait commencer?

M. Bob Demulder (directeur, Exploitation forestière et transports, Alberta Forest Products Association): Bonjour. Je m'appelle Bob Demulder et je suis directeur de l'exploitation forestière de l'Alberta Forest Products Association. Je suis accompagné de M. Rick Bonar, biologiste en chef de Weldwood of Canada.

Nous sommes ici pour le compte de l'Alberta Forest Products Association et nous voudrions parcourir notre mémoire avec vous. Nous vous avons envoyé le document qui décrit brièvement l'Alberta Forest Products Association. Je ne m'y attarderai pas beaucoup. Je donnerai plutôt quelques brèves informations générales.

Nous participons à l'élaboration de la Loi sur les espèces en péril depuis la présentation du projet de loi C-65. Nous appuyons fortement les principes qui sous-tendent une telle loi. Nous sommes membres actifs du Land Resource Partnership et appuyons sa position sur le projet de loi. Peter Miller et Stan Klassen ont fait un exposé le 3 avril et je sais que d'autres membres de ce groupe ont également témoigné. Je pense d'ailleurs que David Pope était ici hier.

Nous avons également participé aux travaux du Groupe de travail sur les espèces en péril par l'intermédiaire du comité consultatif fédéral-provincial, et nous aidons actuellement ce comité à préparer une réponse à la question posée par le président concernant les possibilités d'intégration des processus d'aménagement forestier à cette loi. En fait, quelques-unes des informations que nous avons à vous communiquer répondront peut-être en partie à cette question.

M. Bonar et moi sommes tous deux membres de l'Alberta Endangered Species Conservation Committee, qui est un programme provincial de protection des espèces en péril.

• 0920

Nous avons quelques préoccupations au sujet de cette loi. Cependant, étant donné que nous n'avons eu qu'un délai très court pour nous préparer, nous avons décidé de ne parler que de deux ou trois de ces préoccupations. Elles sont liées au manque de certitude et de clarté en ce qui concerne les approbations, les autorisations et les accords prévus dans cette loi et, surtout, à la délégation des pouvoirs du ministre compétent aux provinces.

En ce qui concerne la responsabilité liée strictement à l'intention coupable, vous en avez probablement entendu parler à maintes reprises, mais nous essaierons de suggérer une option qui, d'après nous, pourrait être efficace.

Comme je l'ai dit, nous avons d'autres préoccupations au sujet de ce projet de loi mais, étant donné que nous ne disposons que de peu de temps, nous nous limiterons à celles-ci.

Nous voudrions en fait expliquer comment l'industrie forestière est susceptible de mettre la loi en application si on n'y apporte aucune modification. Pour cela, il nous faudra peut-être nous éloigner un peu du sujet pour vous donner un aperçu de la dynamique forestière et des processus de planification de l'aménagement des forêts. J'espère alors pouvoir souligner dans quels cas nous prévoyons des difficultés.

Je signale que les commentaires que vous allez entendre sont ceux d'un forestier professionnel et ceux d'un biologiste spécialisé dans l'exploitation forestière et la protection de la faune, à savoir Rick. Nous ne sommes pas experts en matière de rédaction de lois fédérales.

J'ai malgré tout essayé de déterminer en quoi ces dispositions auront des conséquences pour nous. Je vous recommande de réviser le texte à cause des tournures un peu trop directes. C'est nous, les praticiens, qui devrons mettre cette loi en application sur le terrain, et ce n'est pas la meilleure loi que j'aie jamais vue.

Je passe la parole à M. Bonar pour lui permettre de présenter certaines des informations que nous avons à vous transmettre.

M. Rick Bonar (biologiste en chef, Weldwood of Canada; Alberta Forest Products Association): Merci, Bob.

Mesdames et messieurs, je voudrais faire quelques commentaires au sujet de notre régime de planification forestière afin de vous donner un aperçu du contexte dans lequel nous devrons éventuellement intégrer à nos pratiques les principes et l'esprit de la Loi sur les espèces en péril.

Nous avons modifié l'habitat forestier au fil des années, mais l'industrie forestière n'a pas le mandat de gérer l'habitat ou les populations d'espèces sauvages. Cela reste une responsabilité que se partagent les provinces et le gouvernement fédéral.

Nous participons toutefois activement à la gestion de l'habitat et des ressources fauniques. En Alberta, l'industrie forestière dépense au total environ 4 millions de dollars par an pour la protection de l'habitat et la recherche sur les espèces fauniques. Nous collaborons depuis des années avec les pouvoirs publics et d'autres organismes dans ce domaine. Par exemple, mon entreprise participe à des activités de gestion et de protection des ressources fauniques depuis plus de 20 ans dans sa province.

Nous tenons à vous parler des principes de l'habitat qui ont un rapport avec votre question, monsieur Reed, parce que l'habitat dans la forêt évolue beaucoup. Il évolue dans l'espace et dans le temps. Il est important de savoir que c'est un processus naturel, surtout dans les forêts de l'Alberta qui sont perturbées par des phénomènes naturels, principalement par des feux de forêt.

Nos plans d'aménagement forestier visent à réduire la fréquence des perturbations naturelles comme les feux et les insectes et à les remplacer notamment par la gestion de la récolte du bois. Nous n'insinuons pas que la gestion de la récolte du bois ait des incidences analogues à celles du feu et nous sommes très conscients des différences. Cependant, comme l'indique la photo que vous voyez là, le feu a de très fortes incidences sur le paysage—cette photo représente un feu de forêt qui a eu lieu dans notre région en automne 1997—et brûle parfois plusieurs centaines de milliers d'hectares à la fois.

Nous nous efforçons, quoique à une moindre échelle, de laisser dernière nous des résidus analogues à ceux laissés par un incendie. J'insiste toutefois sur le fait qu'il ne s'agit pas des mêmes résidus, mais nous pensons pouvoir obtenir le même résultat sur le plan écologique. Nous réglons le rythme des coupes pour qu'il soit analogue à la fréquence des incendies.

Nos plans d'aménagement forestier sont, bien entendu, soumis à des exigences provinciales, à cause de la compétence des provinces dans ce domaine. Nos plans sont approuvés selon un processus d'examen réglementaire détaillé. Les autorisations que nous recevons nous permettent de faire de l'exploitation sur des terres provinciales. Ces autorisations sont liées à une planification à très long terme qui est mise à jour régulièrement.

Comment procédons-nous? Nous faisons des prévisions sur les changements qui se produiront dans la forêt et évaluons les incidences de ces changements sur de nombreux éléments, notamment l'habitat des espèces sauvages. Nous aménageons le paysage forestier à long terme, à diverses échelles, pas uniquement à celle de la zone de coupe mais aussi à celle de tout le paysage. Ce processus présente l'avantage particulier de nous permettre de faire de l'aménagement en fonction des besoins en habitat de nombreuses espèces, y compris d'espèces en péril mais aussi d'autres espèces qui pourraient l'être un jour.

Nous pouvons rajuster nos plans pour y intégrer des plans de rétablissement d'espèces inscrites et pour éviter que d'autres espèces soient un jour en péril. C'est une initiative conforme à l'esprit de la LEP, de l'accord national et du programme concernant les espèces en voie de disparition en Alberta.

• 0925

L'habitat se présente toutefois sous deux formes, fait que nous nous devons de mettre en évidence; ce qui suit a également un rapport avec votre question, monsieur Reed. Quand on observe son évolution, on constate qu'il y a en fait deux types d'habitats. L'un est ce que l'on pourrait appeler l'habitat statique. Il est stable, il ne change pas. L'autre est l'habitat mobile. Ces deux types d'habitats peuvent jouer un rôle important en ce qui concerne une espèce précise.

Je choisirai le caribou des forêts comme exemple pour le reste de mon exposé.

Après un événement qui a entraîné des perturbations, qu'il s'agisse d'un feu ou d'une coupe de bois, des gaules s'établissent; elles vieillissent et forment ce qu'on appelle un peuplement mûr ou un vieux peuplement. On peut considérer que ce genre de peuplement est associé à l'habitat du caribou.

Cependant, la forêt évolue. La zone en vert foncé que vous voyez ici représente les peuplements mûrs et les vieux peuplements en 1950, dans un paysage d'un million d'hectares—soit 10 000 kilomètres carrés. Ce paysage évolue. Voici à quoi il pourrait ressembler dans une cinquantaine d'années et voici l'aspect qu'il pourrait avoir dans une centaine d'années. Ces représentations sont basées sur des modèles plutôt élaborés de dynamique forestière naturelle et ne tiennent pas compte de l'abattage. C'est ainsi que la forêt évolue de façon naturelle.

Ce que l'on entend par habitat essentiel est donc un habitat statique; sa protection est efficace lorsque l'habitat n'est pas susceptible de changer. Voici un exemple: l'escargot de Banff Springs, qui est sur la liste des espèces en voie de disparition du COSEPAC, vit dans quelques sources chaudes du parc national Banff. On peut donc en déduire que l'habitat essentiel de l'escargot de Banff Springs sont ces sources chaudes et décider de le protéger.

Par contre, en ce qui concerne le caribou, son habitat essentiel, qui dépend de l'état des vieux peuplements et du temps qui s'est écoulé depuis le dernier événement perturbateur, évolue selon un phénomène naturel et en fonction des activités humaines.

Un autre exemple est le couguar noir qui vit dans les Foothills de l'Alberta, paysage qui a été créé par un feu de forêt en 1927. Voici une photographie de la même région prise quelques années plus tôt. Comme vous le voyez, la forêt a évolué et les peuplements forestiers se sont succédé de façon naturelle. En fait, on voit les restes de 16 feux de forêt différents sur ces deux images si l'on sait exactement où détecter les différentes étapes de l'évolution de la forêt.

Par ailleurs, la forêt dans cette région de l'Alberta était naturellement beaucoup plus dégagée en raison de la fréquence des feux de forêt vers la fin du siècle dernier. Depuis, les feux de forêt ont été éteints successivement et la forêt a changé d'aspect, comme le montre cette photo-ci.

Par conséquent, comment mettre en oeuvre un processus de planification du rétablissement d'une espèce? Nous pensons que l'on peut procéder de la façon suivante: conformément à une entente, on pourrait lancer le processus à partir du moment où une espèce est désignée. Nous pensons que ce sont les provinces qui dirigeront le processus en grande partie, avec le concours du gouvernement fédéral, toujours en conformité de l'accord. Quand le processus de planification sera mis en oeuvre, on définira alors l'habitat pour chaque espèce.

Je crois qu'un plan de rétablissement doit préciser si l'habitat essentiel d'une espèce est statique ou mobile. S'il est statique, nous pensons, bien entendu, qu'il devrait être protégé. Cependant, la protection d'un habitat essentiel mobile pose quelques problèmes. Il faut planifier à long terme. Le plan de rétablissement doit donc autoriser l'aménagement de l'habitat essentiel, avec les perturbations que cela entraîne, et cela pourrait être pris pour de l'acharnement s'il s'agit d'un habitat mobile.

Nous estimons que le recours à des outils d'aménagement, tels que la récolte du bois selon un plan approuvé, serait permissible si c'est bénéfique pour l'habitat. Cependant, comme le plan de rétablissement ne prévoit actuellement aucun mécanisme légal nous permettant d'intervenir, et étant donné qu'il s'agit d'une loi fédérale ou d'un processus fédéral, les conditions et prescriptions du plan de rétablissement doivent être intégrées à notre processus de planification forestière.

Par conséquent, nous proposons d'intégrer un plan de rétablissement à notre processus de planification forestière et, si c'est pertinent, cela devrait comprendre les autorisations nécessaires pour aménager l'habitat essentiel de façon à assurer la protection et le rétablissement de l'espèce. Il y aurait, bien entendu, divers mécanismes de rétroaction entre le processus de planification forestière et le plan de rétablissement pour s'assurer que les exigences des deux plans sont respectées. Notre plan d'aménagement de la forêt serait alors constamment approuvé par la province et nous estimons que c'est ainsi que cela devrait fonctionner. On pourrait l'intégrer à notre système. Cependant, nous aurions des difficultés à procéder ainsi si les dispositions actuelles du projet de loi sont maintenues. C'est Bob qui prend la relève à partir de maintenant.

• 0930

M. Bob Demulder: Comme nous le disions, ou comme l'a si bien expliqué Rick en donnant ce bref aperçu de notre façon de procéder en matière de planification forestière, qui est, bien entendu, beaucoup plus complexe que cela, les problèmes commencent avec les dispositions qui indiquent que le ministre compétent peut déléguer ses pouvoirs aux provinces; il s'agit de l'article 10 et de divers autres articles que je n'arrive pas à retrouver; je crois qu'il s'agit des articles 74, 75 et peut-être le 84. Nous n'avons toujours pas très bien compris laquelle de ces dispositions s'applique. À notre avis cependant, ces accords sont d'une importance capitale et il faut les élaborer avant de mettre la loi en oeuvre, pour que la transition se fasse en douceur. Sous sa forme actuelle, le projet de loi prévoit un processus de planification du rétablissement d'une espèce sans toutefois fournir les moyens de le mettre en oeuvre. Nous pensons que le processus de mise en oeuvre passe par le plan d'aménagement forestier, surtout en ce qui concerne l'industrie forestière.

Nous estimons par conséquent que les processus provinciaux d'approbation des plans d'aménagement forestier sont conformes à l'esprit d'un plan de rétablissement et qu'ils devraient être officialisés ou reconnus dans la loi.

Bien que ce ne soit pas encore un problème, tout accord, ou permis, qui doit être exempté de toute évaluation environnementale ultérieure exigée par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale... Si j'ai bien compris, ce n'est pas nécessairement le cas mais c'est toujours une possibilité. À notre avis, le plan de rétablissement ne doit être établi qu'une fois et il ne devrait pas être nécessaire de le soumettre à un deuxième examen ou d'en retarder la mise en oeuvre en le soumettant à l'ACEE.

Comme nous l'avons déjà signalé, bien que nous appuyions les positions du LRP en ce qui concerne le retrait des infractions de droit strict du projet de loi, nous proposons la solution suivante: lorsqu'un plan de rétablissement est intégré à un plan d'aménagement forestier, il faudrait que cela soit considéré comme la prise de précautions requise par les dispositions du projet de loi concernant les infractions de droit strict. Toutes les infractions ultérieures qui pourraient être commises par une entreprise ou par un particulier, dans le contexte de plans d'aménagement forestier qui ont été approuvés, devraient être des infractions exigeant la mens rea. Ainsi, l'industrie forestière aurait l'assurance et la certitude nécessaires pour poursuivre ses activités.

En résumé, l'AFPA appuie fortement les positions du Land Resource Partnership qui ont déjà été mentionnées. Nous estimons que le régime de planification forestière en Alberta permet de concilier les besoins de la Loi sur les espèces en péril et les stratégies de rétablissement des espèces en péril adoptées par l'Alberta pour assurer la protection de celles qui vivent en milieu forestier. Il peut également contribuer à éviter que d'autres espèces soient un jour en péril.

L'habitat essentiel de nombreuses espèces forestières évolue de façon dynamique et naturelle dans le temps et dans l'espace. Par conséquent, nous devons gérer l'habitat et pas nécessairement le protéger. Les deux situations s'appliquent. La loi doit faire en sorte de permettre des activités qui peuvent toucher une espèce ou son habitat, positivement ou négativement, à condition que cela soit approuvé dans le plan de rétablissement.

Le pouvoir fédéral doit être délégué aux provinces par des accords qui prévoient que ces dernières approuvent les plans d'aménagement forestier conformes aux plans de rétablissement. Ces ententes doivent être conclues rapidement, pour que la transition à la nouvelle loi soit prévisible et gérable. Les infractions de droit strict doivent être éliminées ou, à tout le moins, ne pas s'appliquer dans le cadre des plans d'aménagement forestier approuvés auxquels on intègre des plans de rétablissement.

Je vous remercie de votre attention. Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions.

Le président: Merci, messieurs.

Voulez-vous faire votre exposé, monsieur deMarsh?

M. Peter deMarsh (président, Fédération canadienne des propriétaires de boisés): Merci.

Je voudrais tout d'abord vous parler brièvement des propriétaires de boisés. Nous regroupons 420 000 familles de diverses régions du pays. Nous sommes présents dans toutes les provinces. Nous sommes propriétaires de boisés représentant une superficie totale de 19 millions d'hectares, soit environ 8 p. 100 des forêts productives du Canada. Les boisés sont en fait les forêts les plus courantes. Nous sommes propriétaires des forêts situées dans les régions habitées du pays. Nous représentons en outre une source importante d'approvisionnement en matières premières pour l'industrie. Environ 17 p. 100 du bois industriel produit à l'échelle du pays vient des boisés. Cela représente un apport économique d'environ 1,5 milliard de dollars par an pour les régions rurales.

La plupart d'entre nous sont en fait de fervents protecteurs de la forêt. Les associations des diverses régions du pays que nous représentons sont très favorables aux principes sur lesquels repose la loi. Ce n'est pas parce que nous sommes de meilleurs citoyens que les autres, mais plutôt parce que nous sommes très proches de personnes qui représentent les diverses couches de la société canadienne et que nos opinions reflètent celles des citoyens. Nous sommes en faveur de la mise en place de mesures efficaces visant à protéger les espèces en voie de disparition.

• 0935

Notre pays est une mosaïque naturelle qui est due au fait que tous les propriétaires de boisés de 100, 200 ou 300 acres ont des objectifs différents et utilisent des méthodes d'abattage différentes. Par conséquent, lorsqu'on regarde un paysage de boisés, on voit des types de forêts très variés. C'est en fait un énorme avantage pour nous, compte tenu de la politique publique globale de protection de la diversité de l'habitat.

Par contre, cette diversité nous donne l'impression d'être très vulnérables face à un projet de loi comme celui sur les espèces en péril, étant donné que nous possédons peut-être les derniers vestiges de forêt primaire dans bien des régions et que nous risquons d'être particulièrement touchés par toute mesure restrictive supplémentaire.

Dans l'ensemble, nous avons eu beaucoup de difficultés à cause des règlements d'utilisation des terres et des politiques d'indemnisation en cas d'expropriation. Les procédures d'expropriation donnent souvent lieu à de vives contestations. D'une manière générale, nous considérons d'un très mauvais oeil toute mesure législative ou règlement susceptible de restreindre l'utilisation des terres, parce que nous avons constaté que des lois analogues sont souvent administrées de façon extrêmement arbitraire et sans le moindre tact.

Compte tenu de toutes ces considérations, il est important d'admettre que la plupart des entreprises familiales exploitant les produits de la terre ont de la difficulté à survivre au jour le jour.

En outre, dans notre pays, la propriété foncière fait traditionnellement l'objet d'un attachement viscéral, surtout lorsque la terre a été transmise de génération en génération. Nous sommes prêts, tant collectivement qu'individuellement, à lutter farouchement pour que notre terre ne tombe pas entre les griffes du gouvernement.

Voilà donc le portrait de notre secteur que je voulais brosser, monsieur le président.

J'aborderai trois sujets. Le premier est l'indemnisation, le deuxième concerne le lien entre l'indemnisation et les mesures d'incitation et, enfin, je parlerai brièvement de la question de la prise de précautions voulues, que mes collègues ont déjà mentionnée.

Il y a deux approches possibles en matière d'indemnisation. La première consiste à adopter une position intransigeante fondée sur les droits de propriété. C'est une question de principe. La deuxième est ce que je qualifierais d'approche pragmatique, qui consiste notamment à se demander comment on peut s'assurer la meilleure collaboration volontaire possible de la part des propriétaires de boisés et éviter le travers de la méthode «forte» américaine.

Le ministre Anderson a dit ceci à la suite d'une conférence qui a eu lieu à Guelph il y a environ un an: «Les personnes qui travaillent la terre doivent être des partenaires du gouvernement sinon la loi ne sera pas efficace». C'est une déclaration qui a été extrêmement appréciée, compte tenu de certains commentaires qui avaient été faits lorsque le projet de loi avait été présenté.

La question que nous nous posons est probablement très semblable à celle que se pose le gouvernement, à savoir comment réaliser le partenariat auquel M. Anderson faisait allusion pour que la loi soit efficace.

M. Pearse a donné au présent débat une dimension très intéressante. Son intervention sur la nécessité d'indemniser les intéressés a été fort appréciée. Par contre, l'indemnisation à 45 p. 100 qu'il recommande est nettement insuffisante. Nous connaissons les motifs pour lesquels il fait preuve de prudence. Il a parlé d'un problème très complexe de conflit de compétences. Il a reconnu qu'en matière de restriction ou de réglementation de l'utilisation des terres, l'indemnisation crée en quelque sorte une jurisprudence. Nous n'avons pas beaucoup d'antécédents d'indemnisation pour les pertes subies à cause des restrictions engendrées par des règlements. Il a reconnu, ou tout au moins, devrais-je plutôt dire, il a argué que des indemnités trop larges et trop faciles à obtenir seraient un obstacle à l'initiative volontaire. C'est une question dont je reparlerai plus tard.

On a en outre l'impression, ce qui ne ressort pas expressément de l'exposé de M. Pearse mais plutôt des discussions dont cette question a fait l'objet, surtout de la part des écologistes, qu'il serait inapproprié de récompenser les propriétaires de boisés ou autres propriétaires fonciers pour avoir fait une bonne action. Il est un fait que la protection de l'habitat pour les espèces en voie de disparition est une chose excellente en soi. On pourrait toujours dire, je suppose, que le sentiment de satisfaction qu'une telle action procure est déjà une récompense en soi.

Le problème, en l'occurrence, est que nous avons affaire à une bonne action qui pourrait entrer en conflit avec une autre bonne action, à savoir le maintien d'entreprises familiales rentables axées sur l'exploitation des ressources de la terre. Nous estimons que c'est également une valeur à laquelle les Canadiens accordent quelque importance.

• 0940

Il est important de tenir compte des pertes auxquelles cela nous exposerait. L'exploitation du sol peut faire l'objet de diverses restrictions. Par exemple, on peut nous interdire de faire des coupes à blanc ou encore d'utiliser telle autre méthode d'exploitation, même sur de petites parcelles qui ont fait l'objet d'une planification méticuleuse; cependant, la coupe sélective peut être utile dans certaines conditions. Il est également possible que des mesures plus radicales soient prises, comme interdire complètement l'exploitation.

Chaque type de perte peut avoir diverses conséquences: une diminution des revenus de l'exploitation courante ou une augmentation des coûts de production ou une combinaison des deux. Une coupe sélective coûte de 30 à 50 p. 100 de plus qu'une coupe à blanc. D'autres coûts s'y ajoutent éventuellement, comme la nécessité de parcourir de plus longues distances pour atteindre une zone d'exploitation active située autour d'une zone protégée. L'installation de clôtures est un cas évident de coûts supplémentaires. En outre, la valeur marchande de la propriété peut baisser.

Comme vous l'ont certainement dit hier les représentants des agriculteurs, pour la plupart des propriétaires fonciers, la terre est l'équivalent d'un régime enregistré d'épargne-retraite. Les citadins n'apprécieraient certainement pas beaucoup qu'on leur confisque leur REER et qu'on leur verse des indemnités correspondant à 45 p. 100 de sa valeur. L'immobilisation de capitaux dans une parcelle de terrain dont l'exploitation est soumise à des restrictions ou à une interdiction entraîne des coûts de renonciation.

Tous ces coûts s'additionneront probablement. Dans bien des cas, ils compromettront la rentabilité de bien des exploitations familiales.

De plus, les processus administratifs liés à la collaboration volontaire ou à l'indemnisation entraîneront diverses dépenses et des pertes de temps. Les localités plus importantes subiront également des pertes en raison d'une réduction des quantités de matière première qui entraîneront, à leur tour, des pertes d'emplois dans les entreprises de transformation locales.

Toute cette discussion est axée sur ce que plusieurs économistes appellent des biens publics non marchands. Il s'agit de biens dont bénéficie toute la société. Par exemple, les propriétaires de boisés contribuent à la salubrité de l'eau, à la beauté des paysages en bordure des routes et à l'habitat des espèces sauvages. Il n'existe pas de débouchés pour ces biens ni de mécanismes permettant aux propriétaires fonciers de récupérer une partie de leurs coûts de production.

Jusqu'à présent, on n'a pas attaché beaucoup d'importance à cet aspect dans les discours publics ni dans les politiques officielles. Pourtant, on en discute beaucoup en Europe et des mesures sont prises, que ce soit sous la forme de subventions, d'impôt spécialement affecté, ou qu'il s'agisse d'autres mécanismes. Nous devrons certainement nous attaquer à ce problème d'ici peu.

Pour que cette loi soit efficace, la société faire savoir sans la moindre ambiguïté aux propriétaires de boisés qu'étant donné que tous les Canadiens bénéficient de leurs efforts, ils sont disposés à les indemniser de leurs pertes, qu'elles soient dues à une baisse de leurs revenus ou à une dévaluation de leurs biens. Elle doit leur signifier qu'elle ne prend pas leur contribution comme allant de soi.

J'ajouterais qu'il y a dans notre pays d'excellents modèles d'indemnisation juste, suffisante et raisonnable. Par exemple,

[Français]

l'Union des producteurs agricole

[Traduction]

au Québec, a passé une entente très efficace avec Hydro Québec. Elle s'appelle

[Français]

Entente sur le passage des lignes de transport en milieux agricole et forestier.

[Traduction]

Si vous ne savez pas que c'est un modèle, eh bien je vous le signale.

En ce qui concerne la distribution entre l'indemnisation et les dispositions d'incitation, on se demande, si j'ai bien compris, si des indemnités trop larges et trop faciles à obtenir n'entraîneraient pas une baisse de la spontanéité des initiatives prises par les propriétaires de boisés. On dit toujours que plus on donne d'un côté et moins on reçoit de l'autre. C'est un jeu où il n'y a pas de gagnants ni de perdants.

Nous sommes convaincus que la distribution entre les deux produira l'effet contraire de celui qui est recherché en ce qui concerne la plupart des propriétaires de boisés. Une politique d'indemnisation, des indemnités et des processus perçus par les propriétaires comme étant équitables et tenant compte des répercussions financières qu'une restriction s'appliquant à leur terrain aura sur leur entreprise, les encouragera au contraire à prendre davantage d'initiatives volontaires.

• 0945

À première vue, ces préoccupations sont logiques. Elles semblent raisonnables. Si nous suivions, comme simples observateurs, une discussion sur un sujet différent et qu'un autre groupe d'intérêt invoquait les arguments que je viens d'employer, nous penserions probablement que, du point de vue des contribuables, le versement d'indemnités est une folie et que c'est une mauvaise tactique. Nous tenons à ce que, comme représentants du gouvernement, vous vous assuriez que l'on ne verse pas un sou inutilement à titre d'indemnités.

Il ne me reste plus qu'à essayer d'expliquer le plus clairement possible que, dans notre cas, ce raisonnement ne tient pas. Si nous avons bien compris, on mettra l'accent sur la coopération volontaire, avec l'aide de mesures incitatives. Nous présumerons que ce n'est pas parce que les mesures incitatives sont minimes, insuffisantes ou peu efficaces que l'entreprise échouera. Nous présumerons en outre que ces mesures seront efficaces et que le processus ne sera pas trop lourd mais qu'il respectera les propriétaires fonciers et reconnaîtra la valeur de notre apport.

Nous présumerons enfin que les mesures incitatives s'appliqueront à des dépenses liées directement à des initiatives précises, comme l'installation de clôtures le long des cours d'eau. On dit que si les indemnités sont trop libérales, on négligera le plus souvent d'établir des accords de coopération volontaire. C'est de la foutaise.

Les deux parties sont animées d'un bon esprit de collaboration. C'est un objectif commun. Sera-t-on encouragé en sachant que les indemnités proposées ne représenteront qu'un faible pourcentage des pertes et qu'elles seront difficiles à obtenir? Est-ce que cela contribuera à l'esprit de collaboration? Il s'agit en fait, ni plus ni moins, d'une forme de coercition déguisée.

Nous n'attendons pas impatiemment que notre parcelle de terrain soit désignée et nous ne tenons pas particulièrement à avoir recours aux dispositions de ce projet de loi pour toucher une somme d'argent. Nous avons bien d'autres moyens plus faciles à notre disposition. Nous représentons des familles qui sont souvent obligées de se démener pour éviter précisément de devoir vendre leur propriété.

Si j'affirmais catégoriquement qu'aucun propriétaire foncier et qu'aucun propriétaire de boisé n'essaiera de profiter indûment du système d'indemnisation, ce serait un mensonge flagrant. Cependant, en essayant de protéger les contribuables et de mettre l'accent sur la collaboration à tout prix pour éviter ce genre de risque, on ébranlerait la bonne volonté de la plupart des propriétaires et on risquerait d'inciter la plupart d'entre nous à devenir des adversaires du système au lieu d'être des protecteurs actifs et consentants. Un tel système serait très coûteux à mettre en application; par conséquent, ce serait néfaste pour les espèces en voie de disparition.

Enfin, je voudrais faire un bref commentaire au sujet de la prise de précautions voulues. Nous appuyons les opinions exprimées par les représentants de l'industrie aujourd'hui et les jours précédents. Leur proposition ne ferait toutefois pas l'affaire des petits propriétaires fonciers. Nous n'avons pas fait un inventaire complet des espèces ou des habitats situés sur nos terres. Nous n'en avons pas les moyens. Il serait injuste de nous pénaliser pour avoir adopté des pratiques forestières courantes dont nous n'avions aucune raison de soupçonner les conséquences néfastes. Il faut en particulier exclure toute possibilité d'amendes rétroactives. En outre, avant de déterminer les responsabilités, il est impératif de dresser un inventaire précis, d'établir des programmes éducatifs et d'en aviser directement les propriétaires concernés.

Monsieur le président, je conclurai en insistant sur le fait que les propriétaires de boisés s'engagent à faire leur part. Nous prions le gouvernement de nous y aider.

• 0950

Merci.

Le président: Merci, monsieur deMarsh pour votre excellent exposé.

J'avouerais même que vous n'avez aucune raison de craindre que des indemnités trop larges soient offertes. Je vous remercie.

Madame Mauch.

M. Peter N. Affleck (gestionnaire, Conseil des industries forestières de la Colombie-Britannique): Merci, mesdames et messieurs. Nous apprécions beaucoup l'occasion que vous nous offrez de faire des commentaires au sujet de ce projet de loi.

Je m'appelle Peter Affleck et je suis un forestier de carrière accrédité par la province de la Colombie-britannique. Je suis ici aujourd'hui comme représentant du Conseil des industries forestières.

Mme Anne Mauch (directrice, Approvisionnement en fibres, Conseil des industries forestières de la Colombie-Britannique): Je m'appelle Anne Mauch. Je suis aussi forestière de carrière accréditée et je représente, moi aussi, le Conseil des industries forestières.

Le Conseil des industries forestières, ou COFI, est une association professionnelle qui représente plus de 100 entreprises forestières de la Colombie-Britannique. Ces entreprises gèrent les ressources forestières, fabriquent du bois de construction, de la pâte, du papier, du contreplaqué et d'autres produits forestiers à valeur ajoutée et vendent ces produits sur les marchés locaux, nationaux et internationaux. En Colombie-Britannique, l'industrie forestière représente 275 000 emplois, un chiffre d'affaires de 18 milliards de dollars et des recettes de 4 milliards de dollars pour l'État.

La vision du COFI est d'assurer à l'industrie forestière de la Colombie-Britannique une place concurrentielle à l'échelle mondiale. Son principe directeur est de s'appliquer à défendre des pratiques de gestion forestière et des pratiques industrielles saines et écologiques. L'industrie forestière de la Colombie- Britannique appuie sans réserve la protection des espèces en péril. Elle félicite le gouvernement fédéral des efforts déployés dans ce sens. Bien que l'objectif de protéger les espèces en péril reçoive l'appui d'une grande majorité de Canadiens, les points de vue varient considérablement quant à la meilleure façon d'y arriver.

Cela ne devrait étonner personne. L'enjeu est de taille: le sujet est complexe et les problèmes chevauchent les domaines biologique, socio-économique, géographique et constitutionnel. Dans ce contexte, il est particulièrement difficile de trouver un équilibre entre les besoins des espèces, les diverses valeurs en jeu, les points de vue différents et la législation.

Dans notre mémoire, nous avons signalé plusieurs aspects positifs du projet de loi. Nous avons signalé en outre des domaines où nous pensons que diverses améliorations sont souhaitables. Notre mémoire, que vous devriez maintenant avoir sous la main, contient un aperçu des commentaires que nous avons à faire au sujet du projet de loi; il contient divers commentaires sur des articles précis et recommande des modifications.

Aujourd'hui, nous voudrions faire trois types de commentaires. Nous voudrions avant tout encourager le gouvernement à faire progresser l'étude de ce projet de loi aussi vite que possible. Nous souhaiterions plus précisément qu'un projet de loi soit adopté cette année. Il est important de reconnaître que ce projet de loi fait partie intégrante d'une stratégie globale visant à protéger les espèces en péril.

Notre secteur et notre province font déjà des efforts louables, et certains progrès ont déjà été réalisés. Nous estimons qu'il en est de même dans les autres régions du Canada. Cependant, nous craignons que les Canadiens ne perdent ces progrès de vue, du fait que l'on reproche au gouvernement fédéral de ne pas encore avoir mis en place une loi sur les espèces en péril. Il nous faut des preuves tangibles de notre volonté de gérer les ressources naturelles de façon durable et de préserver la biodiversité. C'est précisément ce que constituerait une loi fédérale sur les espèces en péril qui soit ferme, équitable et efficace.

Il ne faut surtout pas en conclure que le projet de loi devrait être adopté sans amendements. Nous estimons que plusieurs améliorations importantes sont nécessaires et vous avez un rôle essentiel à jouer, à savoir de veiller à ce que ces améliorations soient apportées. Nous reconnaissons toutefois que le projet de loi C-5 réunit la plupart des qualités nécessaires pour faire une excellente loi.

Nous tenons à insister par ailleurs sur l'importance de la coopération si l'on veut réaliser d'autres progrès. Nous sommes heureux que le gouvernement fédéral recommande une approche fondée sur la coopération. L'Accord national pour la protection des espèces en péril au Canada est fondé sur le modèle coopératif. Nos membres sont beaucoup plus en faveur de la recherche de solutions volontaires, axées sur la coopération, que de l'imposition de mesures réglementaires.

Les mesures réglementaires sont un instrument imprécis. Elles ne sont généralement pas très adaptées à des situations particulières. Elles sont inflexibles et laissent peu de place à l'esprit d'initiative. En outre, elles prescrivent généralement des retraits massifs et de longue durée de terres qui ont des conséquences néfastes. Par conséquent, notre industrie est particulièrement motivée à trouver des moyens plus efficaces d'atteindre l'objectif visé, à savoir la protection des espèces en péril.

Bien que le projet de loi C-5 témoigne des efforts considérables qui ont été faits pour encourager une approche coopérative, il contient également la soi-disant garantie de protection. Le principe en est que, si le gouvernement fédéral n'est pas satisfait des initiatives prises par les provinces pour protéger les espèces en péril, il interviendra. Ce n'est pas là un modèle coopératif. Par ailleurs, on s'interroge quant à la constitutionnalité de cette démarche. Par conséquent, les dispositions de la loi pourraient être contestées devant les tribunaux. Des jugements défavorables à la loi auraient pour seul effet de saper la réputation du Canada en matière de protection des espèces en péril.

De plus, on se demande si cette garantie de protection est vraiment nécessaire. Par respect du principe de la coopération, nous recommandons la suppression de la garantie de protection. Il serait encore temps d'envisager une telle garantie en cas d'échec flagrant de cette expérience.

M. Peter Affleck: Le troisième sujet concerne les améliorations que nous jugeons nécessaire d'apporter au projet de loi. La partie de notre mémoire qui porte sur des articles précis du projet de loi décrit, de façon assez détaillé, les changements que nous recommandons.

• 0955

Aujourd'hui, nous aborderons trois sujets: le premier concerne la nécessité de réaliser un certain équilibre entre toutes les valeurs; le deuxième, les dispositions du projet de loi concernant l'indemnisation et le troisième, les exemptions et le processus de transition.

Nous félicitons également le gouvernement d'avoir reconnu qu'il faut tenir compte des enjeux et des intérêts socio- économiques dans le cadre de la protection des espèces en péril. Ce principe, qui est exposé de façon précise dans le préambule du projet de loi, est le suivant: au même titre qu'il faut éviter d'entreprendre des activités de développement économique sans tenir compte des valeurs environnementales, il faut éviter d'adopter des politiques environnementales sans tenir compte des considérations socio-économiques.

Voici les deux principales dispositions du projet de loi qui vont à l'encontre de ce principe. Premièrement l'article 6 énonce l'objet du projet de loi. C'est un article d'importance cruciale qui guidera l'application et l'interprétation de la loi. Bien que cet article accorde l'importance nécessaire à la protection des espèces en péril, il ne mentionne en aucune façon les enjeux socio- économiques.

Nous recommandons de modifier cet article de sorte qu'il soit conforme à la ferme intention du gouvernement de préciser que les initiatives prises dans le cadre de cette loi ne viseront pas uniquement à protéger les espèces en péril mais qu'en outre, elles ne porteront pas atteinte aux intérêts socio-économiques des Canadiens.

Deuxièmement, l'article 41 du projet de loi précise les facteurs dont il faudra tenir compte dans les stratégies de rétablissement mais ne mentionne en aucune façon les facteurs socio-économiques. Cela va à l'encontre des intentions du gouvernement et de la teneur du préambule qui dit:

    [...] les intérêts socio-économiques devraient être pris en compte lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre de mesures de rétablissement,

Cet article va à l'encontre des dispositions concernant le contenu des plans d'action, à savoir la mise en oeuvre de stratégies de rétablissement en prenant les facteurs socio- économiques en considération.

Nous recommandons de modifier l'article 41 en ajoutant les facteurs socio-économiques aux autres facteurs dont il convient de tenir compte dans l'élaboration des stratégies de rétablissement.

En ce qui concerne la question de l'indemnisation, nous félicitons le gouvernement d'avoir admis que les coûts qu'entraîne la protection des espèces en péril doivent être partagés. Nous sommes heureux qu'une disposition sur l'indemnisation ait été insérée dans le projet de loi. Nous félicitons en outre le gouvernement d'avoir demandé à M. Peter Pearse de faire des recommandations à ce sujet.

M. Pearse a fait trois recommandations principales sur les indemnisations: premièrement, que des indemnisations devraient être payées aux titulaires de tenures sur des ressources et aux propriétaires de terres privées lorsque leurs droits légaux sont brimés par une initiative prise en vertu de la LEP; deuxièmement, que les indemnisations devraient être fondées sur le juste prix du marché des droits brimés et troisièmement, que le processus d'établissement et de versement des indemnisations devrait prévoir des droits brimés, comme le prévoient les mesures législatives d'indemnisation partout au Canada. Bien que certains détails du régime d'indemnisation puissent être précisés dans le règlement, nous recommandons que la loi elle-même reflète ces trois principes.

Des principes analogues sont reflétés dans de nombreuses lois canadiennes où il est question d'indemnisation, comme la Loi fédérale sur l'expropriation. Bien que cette loi porte sur l'expropriation et pas sur des mesures réglementaires, elle met l'accent sur l'indemnisation plutôt que sur le mode d'expropriation.

On a dit que l'octroi d'indemnités découragerait la volonté de coopération. L'argument invoqué est que les personnes concernées renonceront aux solutions volontaires et seront motivées par l'appât d'un éventuel profit inattendu. Nous ne pouvons pas parler pour les autres secteurs mais, pour notre part, nous ne pouvons y croire.

Nos intérêts restent d'ordre commercial. Pour être rentables, nous avons besoin du bois à des coûts abordables. Ce n'est pas en nous versant des sommes en espèces ou en prévoyant quelque autre type d'indemnisation qu'on répondra à ce besoin. Nous préférerions, et de loin, trouver un moyen de protéger les espèces en péril qui ne compromette pas nos activités. Par conséquent, nous avons tout naturellement intérêt à éviter des circonstances qui entraîneraient le versement d'indemnisations et à trouver des solutions plus coopératives.

En outre, à supposer qu'une solution raisonnable puisse être mise en oeuvre dans un esprit de coopération et qu'un des intervenants refuse de coopérer, la seule indemnisation admissible dans un tel cas concernerait les droits légaux qui ont été brimés et non le rachat en gros de la propriété de cette personne.

Enfin, l'indemnisation est un processus qui ne peut être déclenché que par une initiative gouvernementale. Un exploitant ne peut rien faire de sa propre initiative dans ce sens. Par conséquent, le gouvernement garde le contrôle, quel que soit le facteur déclencheur.

Ce qui entraîne habituellement la fermeture d'une exploitation ou la cessation d'utilisation d'une propriété et appelle par conséquent des indemnités élevées, ce sont les décisions de retirer de vastes superficies de terrain de la production. Ce serait peut- être la décision la plus opportune. C'est toutefois plus facile lorsqu'une décision n'entraîne aucun frais pour le décideur.

À notre avis, retirer purement et simplement de la production de vastes étendues de terre ne constitue pas la meilleure des solutions. Il est possible de protéger des espèces en péril sans nécessairement compromettre la survie d'une exploitation agricole, d'un ranch ou d'une exploitation forestière. Il faut toutefois que les décideurs soient motivés pour adopter ces options au lieu de donner la préférence à celle du retrait, qui est plus commode.

• 1000

Les dispositions sur l'indemnisation sont incitatives en soi. Nous estimons qu'elles encourageront les parties concernées à chercher d'autres solutions.

Le dernier sujet sur lequel nous voudrions faire des commentaires aujourd'hui concerne les dispositions d'exemption et de transition. Nous félicitons une fois de plus le gouvernement d'avoir reconnu que ces deux types de dispositions étaient nécessaires; nous avons toutefois des préoccupations à leur sujet.

Premièrement, la disposition d'exemption est très restreinte. Elle est tellement restreinte qu'il y a peu de chances qu'elle s'applique à l'utilisation courante d'une terre, qu'il s'agisse d'exploitation agricole, d'élevage intensif, d'exploitation forestière ou d'un autre type d'utilisation. Autrement dit, les personnes ou les activités pouvant avoir le plus besoin d'une exemption ne seraient pas admissibles en vertu de ces dispositions.

Nous ne préconisons pas des exemptions générales. Il est bon de prévoir la possibilité d'accorder des exemptions et ce pouvoir, susceptible d'être exercé dans un cas précis, ne devrait pas être entravé involontairement par une disposition d'exemption très restreinte.

Nous recommandons de modifier les dispositions d'exemption de telle sorte que les exemptions soient applicables à des utilisations courantes des terres. Nous insistons sur le fait que ces exemptions seraient toujours accordées au cas par cas, selon leur pertinence.

Deuxièmement, la disposition de transition est également très restreinte. Le principe de la transition est de reconnaître qu'il ne faut pas paralyser toute activité le jour même où la loi, ou un de ses articles, entre en vigueur. Le projet de loi en tient compte en permettant que les activités en cours, qui avaient été autorisées par le gouvernement fédéral, se poursuivent pendant un délai déterminé. Cependant, il semble qu'aucune disposition analogue n'ait été prévue en ce qui concerne les activités autorisées par les gouvernements provinciaux. Comme dans la plupart des cas ce type d'activités est soumis à des autorisations provinciales et non fédérales, il est essentiel que cette disposition de transition s'applique également à ces autorisations. Nous recommandons de modifier le projet de loi de façon à tenir compte des activités autorisées par les instances provinciales.

Notre mémoire contient des commentaires sur plusieurs autres articles.

Nous pensons que, grâce à un examen attentif de nos recommandations, vous produirez une loi nationale forte, équitable et efficace sur les espèces en péril qui réalisera l'équilibre entre les besoins, les valeurs et les points de vue de tous les Canadiens.

Je vous remercie.

Le président: C'est moi qui vous remercie.

Pourriez-vous nous dire qui est actuellement le président du Conseil des industries forestières?

Mme Anne Mauch: C'est M. Ron MacDonald.

Le président: Merci.

Monsieur McIntyre, avez-vous un exposé à faire?

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Comment se fait-il que Ron ne soit pas là?

Mme Anne Mauch: Il était occupé.

M. Wilf McIntyre (vice-président national, Syndicat des travailleurs de l'industrie du bois et leurs alliés): Merci. J'apprécie cette occasion de vous exposer le point de vue des travailleurs sur les espèces en péril. David Haggard, notre président national, n'a pas pu se libérer aujourd'hui. Je suis vice-président national et je préside le Comité national sur l'environnement de l'IWAW.

J'ai passé ma jeunesse dans le nord de l'Ontario et j'ai été ouvrier forestier. J'ai commencé à travailler dans des entreprises d'exploitation forestière en 1966 et j'y suis resté jusque vers 1980, année où je suis devenu membre du personnel de l'IWAW.

Je compte parcourir maintenant le mémoire que nous avons apporté. Nous avons également apporté le texte de notre politique forestière pour le faire distribuer. C'est une politique qui a été élaborée par les travailleurs que nous représentons et nous en sommes très fiers. Elle couvre de nombreux domaines et plus particulièrement celui de la protection des espèces en voie de disparition.

L'Industrial, Wood and Allied Workers of Canada représente 55 000 Canadiens dont la plupart travaillent dans l'industrie du bois. Notre syndicat joue depuis des années un rôle actif dans la planification de l'utilisation des terres, dans l'aménagement forestier et dans la mise en valeur des ressources naturelles. Nos membres manifestent un vif intérêt pour l'aménagement forestier durable, notamment pour des mesures visant à protéger et à rétablir les espèces en voie de disparition.

Nous savons que, grâce à un aménagement et à une intendance appropriés, nos forêts représenteront une source renouvelable d'emplois et de débouchés qui permettront à nos membres et à leurs familles de subvenir à leurs besoins. Nous savons par ailleurs que si nous n'aménageons pas nos forêts de façon adéquate, les Canadiens et l'État mettront un frein à la récolte du bois et limiteront notre accès à la ressource.

Il est toutefois bon de signaler aux Canadiens que les forêts sont la principale source de recettes d'exportation et la principale source d'emplois en dehors des grands centres urbains. Les industries liées à l'exploitation du bois représentent quelque 320 000 emplois, soit un emploi sur 16. Elles génèrent en outre près de 500 000 emplois indirects. Environ 300 localités canadiennes dépendent principalement des industries du bois, qui représentent au moins la moitié du revenu de base du secteur.

• 1005

Par conséquent, nous devons tenir compte à la fois de nos besoins et de nos projets économiques, sociaux et environnementaux lorsqu'il s'agit d'examiner des mesures concernant nos forêts. Nous devons protéger et accroître la biodiversité. Le passage de notre politique forestière qui se trouve à la page 7 du document que nous vous avons remis démontre que nous avons pris un engagement ferme à cet égard.

Nous avons également besoin des emplois, de la stabilité communautaire, des recettes gouvernementales et des recettes d'exportation que nous procurent nos forêts. Sans les richesses générées par les produits ligneux, la pâte à papier, le papier et d'autres produits de l'exploitation forestière, nous ne pourrions pas nous offrir le luxe d'examiner des problèmes comme ceux de la protection des espaces sauvages ou de la préservation de la faune.

C'est pourquoi les membres de l'IWAW Canada ont tant participé à l'élaboration du projet de loi fédéral sur les espèces en voie de disparition. Notre syndicat a participé activement à divers processus de consultation et efforts de lobbying préparatoires à la rédaction du projet de loi C-5. Nos membres sont conscients que, peu importe le régime de protection des espèces qui sera adopté au Canada, il aura peut-être des incidences profondes sur nos emplois, nos collectivités et notre avenir.

Le gouvernement n'ayant pas pu établir un équilibre suffisant entre les préoccupations environnementales et les préoccupations économiques dans le projet de loi C-65, nous espérons qu'il trouvera une approche tenant davantage compte des emplois, de la stabilité des collectivités et des recettes d'exportation dont les Canadiens ont besoin.

Lorsque nous avons vu que le projet de plan publié en décembre 1999 contenait la plupart des améliorations que nous avions recommandées, cela nous a encouragés: inclusion des considérations socio-économiques et sociales dans les plans de rétablissement des espèces; participation des intervenants à l'élaboration de plans de rétablissement limitant les possibilités pour les groupes écologistes de bloquer des projets de développement en intentant des poursuites judiciaires; une plus grande coopération et des initiatives de protection.

Cependant, quelques problèmes subsistaient lorsque le projet de loi C-33, qui est devenu le projet de loi C-5, a été déposé au Parlement. Bien que le plan stipule que la protection des espèces soit la responsabilité de tous et qu'on ne devrait obliger quiconque à supporter une part inéquitable du fardeau, les travailleurs du secteur des ressources, leurs familles et leurs collectivités ont toujours une trop lourde part des responsabilités.

En dépit du fait que le ministre de l'Environnement ait affirmé que les programmes existants permettraient de pallier toute perte de revenu ou d'emploi résultant des initiatives de protection des espèces, nous savons qu'il n'en est pas ainsi.

Nous sommes très bien informés sur les incidences de l'application du United States Endangered Species Act à l'habitat de la chouette tachetée du Nord sur la côte nord-ouest du Pacifique. D'après les calculs de M. Robert Lee, de l'Université de Washington, quelque 29 000 travailleurs ont perdu leur emploi à la suite des injonctions et des applications subséquentes du Plan 9, en ce qui concerne cette espèce de chouette. La vie des travailleurs de cette région a été bouleversée et beaucoup d'entre eux ont été déracinés: ils ont dû quitter les collectivités où ils vivaient, avec leur famille, depuis plusieurs générations.

Bien que nous sachions qu'il y ait des différences entre le projet de loi que nous examinons et le EPA américain, ou le Plan 9, nous y avons relevé des dispositions qui auraient des répercussions analogues pour les travailleurs forestiers canadiens et leurs collectivités. Nos membres veulent travailler et contribuer à la prospérité économique du Canada; ils veulent payer leur part d'impôts et continuer à bénéficier de ce mode de vie typiquement canadien que leur procurent leurs emplois dans le secteur de l'exploitation des ressources.

Nous vous prions par conséquent d'envisager d'apporter des modifications au projet de loi C-5 qui donnent diverses garanties à nos membres et à d'autres travailleurs du secteur des ressources. Nous vous prions de nous aider à leur démontrer que le gouvernement a réellement l'intention de répartir, comme il l'a promis, les charges engendrées par la protection des espèces et de ne pas sacrifier nos travailleurs sur l'autel du désir de la société de les protéger. Nous vous demandons plus particulièrement d'envisager d'apporter des modifications qui renforcent les dispositions du projet de loi concernant les incidences sociales et économiques ainsi que les mesures d'indemnisation et de transition.

Bien que nous félicitions le gouvernement d'y avoir mentionné les incidences socio-économiques que pourraient avoir les plans de rétablissement, aussi bien dans le préambule que dans le plan d'action établi dans le contexte du processus de rétablissement, ce n'est pas suffisant pour protéger les travailleurs ou les collectivités contre les conséquences d'un sacrifice de nombreuses terres pour la protection d'habitats.

• 1010

Par exemple, pour protéger quatre espèces en particulier, le gouvernement de la Colombie-Britannique estime qu'il faudrait une réduction de 6 p. 100 à 8 p. 100 des possibilités de coupe annuelle. D'après le Conseil des industries forestières de la Colombie-Britannique, cette décision engendrerait une perte de 4,3 à 5,7 millions de mètres cubes de bois par an, ce qui entraînerait la suppression de jusqu'à 20 000 emplois et un manque à gagner de 300 millions de dollars pour l'État.

Il est donc absolument essentiel que le projet de loi prévoie expressément la possibilité de comparer les coûts sociaux et économiques aux avantages que présenteraient les plans de rétablissement des espèces. Il faudrait notamment tenir compte de diverses considérations sociales et économiques tant dans la stratégie de rétablissement que dans les plans d'action. Attendre la deuxième étape, comme on le propose actuellement, ne suffit pas puisque, à ce moment-là, l'habitat essentiel nécessaire pour protéger l'espèce a déjà été défini. Il nous semble que cela incite à maximiser la surface à protéger à l'étape de la stratégie de rétablissement.

En tenant compte des incidences sociales et économiques, on aurait davantage de chances d'adopter des solutions plus créatives et plus équilibrées pour les espèces, les interactions humaines avec elles et leur coexistence avec les humains. Une telle façon de procéder inciterait les décideurs à prendre des décisions plus pertinentes et plus impartiales tout en réduisant les incidences socio-économiques et la nécessité d'indemnisation. En outre, nous estimons que le Cabinet fédéral devrait avoir le mandat d'examiner les incidences sociales et économiques avant de prendre une ordonnance pour la protection d'un habitat essentiel ou qu'il devrait avoir le droit de modifier les plans pour atténuer les incidences trop dévastatrices.

Enfin, dans le préambule du projet de loi, il est question du principe de précaution qui pourrait être interprété de telle façon qu'il ait la priorité sur les incidences sociales et économiques. Il faut indiquer de façon claire et précise qu'un certain équilibre doit être réalisé entre ces deux types de préoccupations et que les incidences sociales et économiques doivent être directement prises en compte au lieu de parler uniquement de mesures «rentables». Des mesures qui peuvent être rentables pour les personnes qui élaborent les plans ou pour les pouvoirs publics pourraient s'avérer catastrophiques pour de petits groupes de travailleurs du secteur des ressources et leurs collectivités.

Le président: Pourriez-vous être plus bref, monsieur McIntyre, afin que mes collègues puissent vous poser des questions?

M. Wilf McIntyre: Oui. En ce qui concerne l'indemnisation et la transition, malgré les affirmations que l'on ne devrait demander à quiconque de supporter une trop lourde part du fardeau, nous sommes convaincus que c'est précisément ce qu'on s'apprête à imposer aux travailleurs du secteur des ressources et à leurs collectivités. Malgré deux consultations, trois projets de loi et le rapport sur la question de l'indemnisation préparé par M. Peter Pearse, on pense toujours que les travailleurs et leurs collectivités n'auront qu'à se plier aux exigences d'un plan de rétablissement d'une espèce, peu importe ses conséquences sur leur moyen de subsistance.

C'est absolument injuste, même si le rapport en question est excellent. Bien que nous appréciions le fait d'avoir l'occasion de donner notre opinion sur les commentaires de M. Pearse, nous trouvons qu'il n'a pas proposé de mesures susceptibles d'assurer un traitement équitable aux personnes qui ne possèdent pas de terre, qui n'ont pas de tenure et qui n'ont pas de capitaux. Il est injuste et maladroit de fonder le droit aux indemnités sur la catégorie plutôt que sur les incidences en soi. Il est possible que le moyen de subsistance des travailleurs forestiers et des autres travailleurs du secteur des ressources soit aussi compromis que celui des propriétaires, des titulaires de tenures et des entreprises. Pourtant, le projet de loi ne tient pas compte des travailleurs, alors que d'autres sont censés avoir droit à des indemnisations.

Malgré que le ministre de l'Environnement ait affirmé que les programmes actuels seront suffisants, nous savons que les mesures de protection des espèces sont susceptibles d'avoir pour nous des incidences qu'aucun programme ordinaire ne pourra atténuer. Nous avons souvent travaillé avec des employés licenciés qui essaient d'avoir accès à des programmes fédéraux dans des circonstances normales. M. Anderson n'a probablement jamais eu besoin de ces programmes personnellement, sinon il n'aurait pas fait de telles affirmations.

Même avec des services étaient extrêmement efficaces et des niveaux de financement suffisants, dans des conditions normales, les incidences profondes d'un plan de rétablissement d'une espèce pourraient entraîner des «pertes extraordinaires», pour reprendre le terme employé dans le projet de loi.

Nous recommandons par conséquent des mesures extraordinaires qui devraient consister en versement d'indemnités aux travailleurs ou aux employés qui ont des liens avec les entreprises, les titulaires de tenures ou les propriétaires, en se fondant sur les mêmes critères que ceux qui s'appliquent à ces dernières personnes, ou qui devraient prévoir la création d'un fonds de transition. Ce fonds devrait être suffisamment approvisionné pour pouvoir octroyer un revenu de remplacement provisoire, offrir des possibilités de formation et de recyclage, verser des indemnités de déménagement, offrir des possibilités de retraite anticipée et prévoir des mesures transitoires en attendant la pension et répondre aux autres besoins d'une main-d'oeuvre déplacée pendant la période de transition.

• 1015

On pourrait adopter comme modèle le fonds qui a été instauré dernièrement pour atténuer les incidences à court terme du plan d'aménagement des ressources locales dans la partie centrale de la zone côtière de la Colombie-Britannique. Lorsque les problèmes de financement auront été réglés, ce fonds devrait distribuer près de 55 millions de dollars aux travailleurs touchés par la création de zones protégées et de zones d'option dans cette région.

Bien que ce montant paraisse très élevé de prime abord, il ne faut pas oublier que quelque 500 travailleurs risquent de perdre leur emploi. Ces travailleurs seraient forcés d'avoir recours à l'assistance sociale ou de quitter leur foyer sans avoir de bonnes chances ou d'espoir de trouver un nouvel emploi ou de nouveaux débouchés.

Les conséquences catastrophiques de programmes de cette ampleur peuvent être très onéreuses, comme l'ont vite appris les gouvernements nationaux et locaux sur la côte nord-ouest du Pacifique. Ils sont déjà aux prises avec des problèmes d'éclatement des familles, de séparation de conjoints, de consommation abusive d'intoxicants, de perte de recettes fiscales et de coûts sociaux élevés en général. On a presque toujours le choix entre la possibilité de payer immédiatement ou celle de payer plus tard. L'avantage de la solution qui consiste à payer immédiatement est qu'elle permet aux travailleurs de garder leur dignité et un certain confort au lieu de provoquer leur colère ou leur rancoeur et de les faire sombrer dans la pauvreté.

Nous vous prions par conséquent de tenir compte des coûts sociaux et économiques, pas seulement en ce qui concerne le projet de loi sur les espèces en voie de disparition, mais aussi pour tous les autres changements concernant l'environnement.

Le président: Merci, monsieur McIntyre.

C'est à M. Mills, puis à M. Reed et enfin à Mme Redman.

Monsieur Mills, vous avez cinq minutes.

M. Bob Mills (Red Deer, AC): Merci, monsieur le président.

Je remercie les témoins et j'apprécie beaucoup la suggestion concernant le langage très direct. Ceux d'entre nous qui n'ont pas une formation d'avocat l'apprécient certainement. Étant donné que nous voulons communiquer efficacement et que le grand public participe et coopère, j'estime que c'est une excellente suggestion. Je suppose que nous pourrons y réfléchir.

Je voudrais en fait demander des précisions sur trois sujets. Tout d'abord, vous avez fait allusion à des possibilités de conflit entre les lois provinciales et les lois fédérales. Comme je connais un peu les lois de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, on pourrait même dire que de tels conflits seraient inévitables et qu'ils risqueraient d'entraîner des poursuites devant les tribunaux, donc, des frais. Je voudrais que vous donniez un peu plus d'informations à ce sujet.

En ce qui concerne la situation économique, quelles possibilités de poursuites ou d'autres types de problèmes voyez- vous?

Enfin, en ce qui concerne les indemnisations, vos industries peuvent-elles envisager d'autres options que des indemnités en espèces? Comment voyez-vous cela?

M. Bob Demulder: Si vous voulez, je répondrai d'abord à la première question concernant les conflits fédéraux-provinciaux...

M. Bob Mills: Certainement.

M. Bob Demulder: Je ne sais pas si je suis prêt à faire des supputations en ce qui concerne les possibilités de poursuites judiciaires, mais nous avons constaté que, dans la Loi sur les espèces en péril, aucun pouvoir de mise en oeuvre n'est rattaché à un plan de rétablissement. La loi indique quelques buts et objectifs en disant qu'il faut en tenir compte lorsqu'on élabore un plan. Il faudrait aussi prévoir des dispositions qui permettent d'agir.

Il y a des plans d'aménagement forestier et des terrains forestiers où ce serait possible. Je suis certain que ce serait possible pour les terres de pâturage, mais il faudrait que ce soit applicable sur le terrain. Aucun pouvoir de mise en oeuvre n'est rattaché aux plans de rétablissement.

Les processus provinciaux correspondants ont ce pouvoir. Il faut que s'établisse un certain degré de confiance entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et que l'on puisse déterminer si les processus provinciaux sont compatibles avec les processus fédéraux et réciproquement. Nous voudrions que cela soit spécifié et que l'ont ait cette assurance pour pouvoir agir. C'est essentiellement ce que nous voulons dire.

M. Bob Mills: Et qu'avez-vous à dire au sujet de la situation en Colombie-Britannique?

M. Peter Affleck: Monsieur Mills, nous pourrions mentionner quelques domaines où il y aurait des possibilités de conflit fédéral-provincial. Les garanties fédérales, par exemple, seraient une source potentielle de conflit.

Des conflits seraient possibles dans d'autres domaines... Par exemple, la Colombie-Britannique a son propre système de liste. Plusieurs espèces considérées comme des espèces menacées ou en voie de disparition sur la liste provinciale ne figurent même pas sur la liste du COSEPAC et plusieurs espèces mentionnées dans cette dernière liste ne le sont pas dans la liste provinciale. Bien que le projet de loi ait prévu cette éventualité, je pense que, sans accord bilatéral clair, cela pourrait être une source de conflits.

• 1020

Enfin, et nous en avons parlé ce matin—et le mémoire que nous vous avons remis contient des commentaires très précis à ce sujet—, nous avons des craintes au sujet du processus d'exemption. Le projet de loi envisage d'accorder des exemptions pour les autorisations reçues aux termes de lois fédérales, mais il n'en prévoit pas pour les autorisations accordées au palier provincial.

Cette carence poserait de gros problèmes, pas seulement pour l'industrie forestière de la Colombie-Britannique, mais aussi pour les autres gestionnaires de ressources des diverses provinces, la plupart des autorisations étant, bien entendu, des autorisations provinciales.

M. Peter deMarsh: Un tout petit commentaire sur les modes d'indemnisation possibles autres que le versement d'indemnités en espèces. Un exemple évident est celui des crédits d'impôt, bien qu'ils puissent être intégrés à un ensemble de mesures incitatives. Je crois que c'est une bonne preuve que les mesures d'incitation et l'indemnisation vont de pair.

Une autre possibilité concerne les entreprises axées sur l'exploitation d'une terre. On pourrait les indemniser en leur donnant en échange un autre terrain. Cela se fait parfois dans le cadre des ententes provinciales d'expropriation. Ce serait possible, voire vivement recommandé, dans les cas où la survie d'une entreprise dépend du maintien de ses biens fonciers.

Ce sont là les deux exemples qui me viennent à l'esprit.

M. Peter Affleck: Si vous me le permettez, monsieur Mills, en ce qui concerne votre question sur les possibilités de conflit au sujet des dispositions du projet de loi qui concernent les considérations socio-économiques, j'ajouterais qu'une question qui nous préoccupe au plus haut point est que l'article sur les objectifs, c'est-à-dire l'article 6, ne prévoit pas cette possibilité. Compte tenu des pouvoirs discrétionnaires prévus dans d'autres articles du projet de loi en ce qui concerne les décideurs, à savoir le pouvoir d'utiliser les garanties fédérales et celui de définir l'habitat essentiel, nous pensons que si on ne leur permet pas de tenir compte des enjeux sociaux et économiques, cela rendra leur tâche très difficile.

Si l'on tenait compte de divers enjeux sociaux et économiques dans une décision consistant, par exemple, à ne pas inscrire sur la liste prévue une espèce non inscrite sur la liste du COSEPAC, même si je ne suis pas avocat, j'ai l'impression que cette décision pourrait être contestée, parce que les dispositions du projet de loi ne permettraient pas de tenir compte de ces facteurs.

Le président: Merci, monsieur Mills.

Monsieur Reed, puis Mme Redman, ensuite Mme Scherrer et enfin moi-même.

M. Julian Reed: Merci, monsieur le président.

Je crois que nous avons maintenant une meilleure idée du genre de problème que peut engendrer la question de l'habitat. Je me rends compte que, dans des secteurs comme le vôtre, l'habitat se trouve sur un terrain, et que cela peut en modifier la dynamique dans la plupart des cas.

Nous devons cependant tenir compte de l'air, de l'eau et également de la chaîne alimentaire, ainsi que de divers autres facteurs semblables. Donc, monsieur le président, lorsque j'ai signalé que nous n'avions pas encore de définition précise de l'habitat en tête pour le moment, je crois que nous ne savons pas non plus comment les provinces conçoivent cette notion dans leurs lois. C'est une question qui n'a pas encore été clarifiée.

Monsieur deMarsh, vous avez fait un commentaire concernant une question qui m'a toujours préoccupé lorsque je participe à des séances de comité où l'on essaie d'élaborer des projets de loi constructifs et innovateurs. Il s'agit de la différence de l'impact d'une loi selon qu'il s'agisse d'une petite entreprise ou, au contraire, d'une grande.

Vous avez parlé de la question de la prise de précautions et du fait qu'un petit propriétaire de boisé ou un propriétaire foncier n'auraient probablement pas les moyens de prendre ces précautions. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Vous avez vraiment mis le doigt sur un problème. C'est un fait qui, pour une raison ou pour une autre, a tendance à nous échapper pendant que nous légiférons. Si, en vertu d'une loi, on empêche une petite entreprise—et la plupart des grandes entreprises ont commencé au bas de l'échelle—de démarrer ou de prendre de l'expansion, c'est la preuve que nous n'avons pas fait notre devoir.

• 1025

Je le dis pour le compte rendu. Quoi qu'on fasse et quel que soit le projet de loi, il ne faut pas oublier qu'il est absolument nécessaire d'offrir exactement les mêmes chances aux petits propriétaires de boisés, par exemple, qu'à une grande entreprise. Il est inadmissible qu'une loi désavantage les petites entreprises.

Je n'ai pas entendu les commentaires du COFI au sujet de la prise de précautions. Je me demande si votre organisme a des préoccupations à ce sujet et de quel ordre elles sont.

M. Peter Affleck: Monsieur Reed, nous partageons les préoccupations de M. deMarsh au sujet de l'article 100 qui permet seulement d'opposer la prise de précautions voulues en défense d'un acte, intentionnel ou non, qui constitue une infraction à la Loi sur les espèces en péril. Je voudrais faire deux ou trois rapprochements, si vous me le permettez.

L'AFPA a notamment parlé dans son exposé—qui était d'ailleurs excellent—de l'aspect dynamique de la définition de l'habitat et de la façon de définir l'habitat essentiel. J'aimerais faire deux ou trois commentaires à ce sujet. Le premier est que, au cours de toutes les discussions qui ont précédé le projet de loi C-33, c'est-à-dire au cours des séances de consultation et autres discussions de ce genre, et dans tous les documents que les spécialistes en environnement nous ont fournis, la définition de l'habitat essentiel était axée sur l'habitat nécessaire à la survie de l'espèce. Lorsque le projet de loi C-33 a été présenté, nous avons été surpris de constater que la définition de l'habitat essentiel s'appliquait non seulement à l'habitat nécessaire à la survie d'une espèce mais aussi à l'habitat nécessaire à son rétablissement, ce qui en a considérablement élargi le champ d'application.

Si vous me le permettez, je voudrais vous raconter ce qui s'est passé dans le sud-est de la Colombie-Britannique où l'on a tenté de mettre en oeuvre un plan d'aménagement concernant le caribou de montagne. Ce plan a été établi avec le concours du ministère de l'Environnement et du ministère des Forêts de la province et il a été mis en oeuvre dans des zones qui avaient été délimitées en fonction du même type de critères. C'est une zone non seulement nécessaire au rétablissement des caribous faisant partie de ces troupeaux mais aussi nécessaire comme habitat, pour autant que l'on arrive à rétablir ces troupeaux. Quand nous avons pris cette initiative, nous n'avions pas prévu que la LEP établirait l'habitat essentiel en fonction du même type de critères et qu'elle interdirait la destruction d'un habitat essentiel.

En ce qui concerne les commentaires de M. Bonar, nous ne savons pas très bien comment expliquer ce qu'est l'habitat essentiel aux personnes concernées. En quoi consistera ce processus? S'agira-t-il d'une série de caractéristiques? Sera-t-il défini en fonction de la superficie d'une forêt? Ce qui nous préoccupe, c'est qu'aux termes des articles 58, 60 et 61, nous commettons une infraction à la LEP si nous détruisons cet habitat. Je me demande par ailleurs si la définition du terme «détruire» est assez précise dans le projet de loi.

Monsieur Reed, ce qui me préoccupe, c'est que l'on pourrait, de façon tout à fait non intentionnelle, causer la destruction d'un habitat essentiel et qu'il faudrait invoquer la prise de précautions voulues pour se défendre contre les accusations. Je crois que les commentaires que vous avez faits au sujet des moyens dont disposent les grandes entreprises pour se défendre, par rapport aux petites entreprises, sont très pertinents.

Nous sommes très préoccupés par l'article 100 et nous avons fait des recommandations précises à ce sujet dans notre mémoire.

Le président: Merci, monsieur Reed.

Madame Redman.

M. Julian Reed: Y aura-t-il un deuxième tour, monsieur le président?

Le président: Peut-être, si nous ne perdons pas trop de temps.

M. Julian Reed: Parce que j'aurais une autre question à poser.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai deux questions à poser. Je serai brève.

Monsieur McIntyre, votre syndicat a déjà envoyé une lettre au ministre pour lui signaler qu'il serait bon de demander à des experts de se réunir pour parler des espèces en péril qui ont été identifiées. Aux termes du projet de loi, le ministre a l'obligation de tenir une table ronde dans un délai de deux ans. Je me demande si vous pourriez faire quelques commentaires sur cet aspect du projet de loi.

• 1030

M. Wilf McIntyre: L'IWAW collabore depuis toujours à l'élaboration des politiques forestières avec les pouvoirs publics et avec le secteur privé. Nous estimons que notre participation au processus de mise en place des lois est nécessaire, étant donné que nous représentons les travailleurs. C'est pourquoi nous avons signalé qu'il faudrait que nous participions aux discussions en même temps que les organismes écologiques, le gouvernement et le secteur privé, pour que l'on puisse élaborer des pratiques environnementales efficaces.

Mme Karen Redman: Pensez-vous dès lors que ce sont des dispositions utiles?

M. Wilf McIntyre: Oui.

Mme Karen Redman: Merci.

Monsieur Bonar, une des normes de l'Association canadienne de normalisation en matière d'aménagement durable des forêts est la conservation de la biodiversité, ce qui implique tout naturellement qu'il faut faire le nécessaire pour éviter qu'une espèce ne disparaisse. Je me demande si vous pourriez nous expliquer la situation actuelle en ce qui concerne les espèces en péril et leur habitat.

M. Rick Bonar: La protection des espèces en péril fait partie intégrante de la conservation de la biodiversité et, par conséquent, toute entreprise qui compte faire une demande d'accréditation doit être en mesure de justifier son plan de conservation de la biodiversité. La protection des espèces en péril est donc implicite.

Comme je l'ai signalé dans notre exposé, les entreprises font généralement des prévisions sur l'évolution de la forêt et en évaluent les répercussions sur les espèces en péril, lorsqu'elle en contient. Nous pensons que, d'une façon générale, si nous faisons un plan d'aménagement visant à maintenir l'intégrité des forêts, en d'autres termes, si les activités humaines favorisent le maintien des conditions nécessaires à la pérennité de la forêt, de l'environnement qu'elle représente, de l'air, du sol et de l'eau, les espèces qui dépendent de cet habitat seront maintenues du même coup. Nous estimons donc qu'en aménageant des forêts semblables aux forêts naturelles, on devrait être en mesure d'assurer la conservation de la biodiversité.

Nous examinons cette stratégie générale, que nous considérons en quelque sorte comme un filtre dégrossisseur. Nous nous demandons ensuite s'il ne serait pas nécessaire de prendre des mesures supplémentaires pour certaines espèces en péril qui nous auraient échappé. Le cas du caribou est un bon exemple, Nous nous sommes demandé si nos projets de modification de la forêt auraient une incidence sur l'habitat du caribou et si diverses autres améliorations étaient nécessaires pour protéger cette espèce. Nous procédons ainsi pour toutes les espèces en péril. En fait, il y a six espèces, qui ne se retrouvent pas nécessairement dans la liste du COSEPAC, pour lesquelles notre entreprise a fait une évaluation dans le cadre de son plan d'aménagement forestier.

Nous faisons ensuite des prévisions à plus long terme sur l'aspect qu'aura la forêt, sur la proportion de vieux peuplements qu'elle contiendra, sur sa situation dans le temps et dans l'espace, dans 180 ans. Nous nous demandons également si elle répondra aux besoins et si elle sera semblable à ce qu'elle aurait été sous un régime de perturbations naturelles.

C'est donc ainsi que nous établissons nos plans. Nous les révisons souvent, nous faisons des vérifications et nous les remanions.

Mme Karen Redman: Comment en arrivez-vous à la décision de surveiller une espèce? Vous avez dit que ces espèces ne sont pas toutes en péril.

M. Rick Bonar: Non. Les entreprises décident de surveiller des espèces pour diverses raisons. L'une d'entre elles est, bien entendu, qu'elles sont en péril ou qu'elles pourraient l'être. Une autre est que l'on considère que l'espèce joue un rôle particulièrement important sur le plan écologique. C'est ce qu'on appelle une espèce pivot ou une espèce plaque tournante, c'est-à- dire une espèce dont d'autres espèces dépendent. Enfin, il y a les espèces qui présentent un intérêt économique parce qu'elles sont récoltées ou parce qu'il y a une demande en ce qui concerne leur observation, par exemple. Par conséquent, il y a trois catégories générales d'espèces parmi lesquelles nous faisons un choix, en fonction d'une combinaison de ces divers attributs dans une zone précise.

Mme Karen Redman: Il ne s'agit pas uniquement d'animaux à fourrure. Je présume que vous vous intéressez également aux plantes.

M. Rick Bonar: Oui, nous nous intéressons à toutes les espèces, dans la mesure où nous possédons des informations, et en conformité des processus fédéral et provinciaux. Ainsi, le récent rapport de situation sur les espèces sauvages au Canada est basé sur les divers processus provinciaux auxquels nous participons. Les travaux de surveillance que nous faisons s'appliquent à ces espèces également et nous transmettons les renseignements que nous recueillons aux provinces.

• 1035

[Français]

Le président: Madame Scherrer, s'il vous plaît.

Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ce projet de loi, dans mon esprit, se divise en quatre grandes étapes, la première étant l'identification d'une liste par des scientifiques. L'analyse et l'identification de leur habitat constituent la deuxième étape. Il y a ensuite des propositions de solutions pour la protection et la restauration, et une quatrième grande étape qui touche les éléments de compensation et les pénalités.

J'ai cru comprendre de chacun des groupes qui se sont présentés ce matin que tous semblaient d'accord que cette loi devait prendre en considération des éléments socioéconomiques, c'est-à-dire déborder un peu du cadre scientifique que la loi prévoit dans un premier temps.

J'aimerais que vous me donniez des éléments, à savoir à quel moment de ces quatre étapes vous croyez qu'on doit prendre en considération les éléments socioéconomiques. Est-ce au moment de l'identification de la liste, lorsqu'on arrive avec des solutions, ou uniquement lorsqu'on parle de compensation ou de pénalité?

[Traduction]

M. Peter Affleck: Je vous répondrais volontiers.

Dans notre mémoire, on prévoit l'examen des considérations socio-économiques au fur et à mesure que le processus progresse. Vous avez absolument raison quand vous dites qu'en établissant la structure prévue aux termes de la LEP—et nous approuvons les dispositions du projet de loi à cet égard—, les scientifiques devraient déterminer de façon impartiale quelles espèces sont en péril au Canada. Entre l'étape d'identification des espèces en péril par les scientifiques et la décision du ministre et du Cabinet concernant celles qui devraient être inscrites sur la liste prévue dans le projet de loi, il y a une étape au cours de laquelle il convient, à mon avis, de prendre les facteurs socio-économiques en considération.

Il me semble indispensable que le Cabinet et le ministre comprennent que l'inscription d'une espèce sur cette liste les obligera à imposer diverses interdictions et à prendre certaines initiatives. On s'engage en outre à préparer les plans de rétablissement nécessaires, selon la catégorie dans laquelle l'espèce est inscrite. Je rappelle que le ministre n'a aucune possibilité de prolonger les délais prévus. Je me demande ce qui arrivera si ces délais ne sont pas respectés.

En ce qui concerne les interdictions qui découlent de l'inscription sur la liste, il faut tenir compte dans une certaine mesure des incidences socio-économiques. C'est précisément ce qu'ils devront faire dans le cadre de ce processus d'inscription sur la liste prévue dans le projet de loi.

Si je recommande de le spécifier dans les dispositions de l'article 6 concernant les objectifs, c'est parce que, pour l'instant, aucune disposition du projet de loi ne permet de faire intervenir les considérations socio-économiques au moment où ces décisions sont prises. À mon avis, le gouvernement ne tiendra peut- être pas à inscrire immédiatement sur cette liste diverses espèces qui sont déjà ou seront bientôt sur la liste du COSEPAC, pour des motifs socio-économiques.

L'étape suivante du processus est l'habitat. À cette étape, il faudra définir ce que l'on entend par habitat essentiel, avec les interdictions que cela implique et les mesures de protection qui découlent des dispositions de l'article 61 concernant l'habitat essentiel, dont l'interdiction de le détruire.

Lorsqu'on aura arrêté une définition de l'habitat essentiel en se fondant, comme de raison, sur des données biologiques fiables et sur les diverses considérations qui y sont associées, il faudra déterminer les incidences socio-économiques qu'aurait cette définition de l'habitat essentiel, en raison des interdictions qui en découleront nécessairement.

C'est alors que l'on peut adopter des solutions et décider, de façon plus précise, comment on pourrait y intégrer les considérations socio-économiques. En fait, comme l'a signalé Peter deMarsh, ces considérations permettent d'établir un lien subtil entre ce que l'on peut considérer comme une mesure incitative, aux termes d'un accord de conservation passé en vertu des dispositions de l'article 11 concernant l'intendance, et l'indemnisation prévue dans les dispositions de l'article 64. Il est donc nécessaire d'être bien informé sur les incidences socio-économiques, tant au niveau de l'élaboration de l'accord de conservation qu'au niveau de sa teneur.

La dernière étape est, bien entendu, l'indemnisation. À ce stade, il faut que le processus soit structuré, équitable et qu'il soit basé sur la juste valeur marchande, comme l'a recommandé M. Pearse.

M. Peter deMarsh: Pourrais-je faire un autre commentaire à ce sujet?

Le président: Soyez très bref.

• 1040

M. Peter deMarsh: Pendant le processus d'évaluation après l'inscription d'une espèce, on élaborera diverses solutions possibles. Chacune de ces solutions comportera un facteur de certitude et un facteur de risque. Ce sera l'occasion d'évaluer les solutions possibles en fonction des considérations socio- économiques.

La société devra alors décider quel degré de risque elle est disposée à accepter—et sur ce point, les scientifiques ne pourront lui être d'aucune aide—dans le cadre d'un plan de rétablissement potentiel, en fonction de ces considérations socio-économiques. Le niveau de risque pourra varier entre un rétablissement assuré et un rétablissement possible mais toujours potentiel. Ce sera différent pour chaque espèce.

[Français]

Le président: Madame Scherrer, vous pouvez poser une très courte question, si vous le voulez.

Mme Hélène Scherrer: Dans la présentation de l'Alberta, on dit, dans les recommandations:

    Le pouvoir fédéral doit être délégué aux provinces par des ententes qui prévoient que ces dernières approuvent les plans d'aménagement forestier conformes aux plans de rétablissement.

Savez-vous si toutes les provinces ont actuellement des plans d'aménagement forestier?

[Traduction]

M. Bob Demulder: Je ne le sais pas. D'après ce que j'ai cru comprendre, la plupart des provinces en ont mais je ne me considère pas comme un expert en matière de lois provinciales. J'en suis pratiquement certain en ce qui concerne la Colombie-Britannique, mais pas en ce qui concerne l'est du Canada.

[Français]

M. Peter deMarsh: La question n'est pas de savoir si ça existe; c'est plutôt une question de qualité. Il est sûr et certain qu'il y a une grande diversité dans la qualité des plans en place dans différentes provinces. Mais en principe, oui, toutes les provinces devraient avoir des...

Mme Hélène Scherrer: Elles devraient en avoir.

M. Peter deMarsh: Oui.

Le président: Merci, madame Scherrer.

[Traduction]

C'est le tour de M. Knutson, puis ce sera le mien.

M. Gar Knutson: Merci, monsieur le président.

Madame Mauch, vous avez dit que vous n'étiez pas certaine que le gouvernement du Canada avait, aux termes de la Constitution, le pouvoir de présenter ce projet de loi, puis vous avez ajouté que les garanties fédérales devraient disparaître...

Je me demande si on pourrait examiner les deux questions, en commençant par celle de la constitutionnalité. Pouvez-vous expliquer pourquoi, selon vous, nos pouvoirs sont restreints par la Constitution?

Mme Anne Mauch: Il ne s'agit pas d'une opinion personnelle. J'ai seulement cru comprendre que de nombreuses personnes pensent que ce soit peut-être le cas. Pour ma part, je ne suis pas en mesure d'en juger. Ce qui nous préoccupe, ...

M. Gar Knutson: Vous manifestez de fortes préoccupations.

Mme Anne Mauch: Oui.

M. Gar Knutson: Pouvez-vous les justifier?

Mme Anne Mauch: Le fait que les espèces relèvent principalement de la responsabilité des provinces et des territoires semble indiquer que ce sont eux qui assureront la protection des espèces, et il en a toujours été ainsi jusqu'à présent. Par conséquent, je pense...

M. Gar Knutson: Comment pouvez-vous justifier ces fortes préoccupations? Vous dites que l'on craint fort que le gouvernement fédéral n'outrepasse son pouvoir.

Mme Anne Mauch: Je me base sur d'autres témoignages faits devant ce comité. C'est ce que j'en ai conclu d'après d'autres témoignages.

M. Gar Knutson: Bien. En ce qui concerne votre commentaire à l'effet que les garanties fédérales devraient disparaître...

Mme Anne Mauch: Oui.

M. Gar Knutson: ... et qu'il faudrait en fait n'intervenir que si les provinces ne font pas leur travail; je vous signale que les animaux risqueraient fort de disparaître pendant ce temps-là.

Mme Anne Mauch: Non, je ne le pense pas. Lorsque j'en ai parlé, j'ai dit que je pensais que le système actuel était efficace. Je crois que l'accord est efficace.

Nous avons fait une analyse des différences et nous avons constaté qu'il y en avait relativement peu entre la formule proposée dans le projet de loi et les initiatives des provinces. Nous constatons des progrès.

Je ne suggère pas d'attendre qu'une espèce ait disparu. Il ne fait aucun doute que l'on soit très actif dans toutes les provinces—et je me base surtout sur ce qui se passe en Colombie- Britannique—, qu'il s'agisse d'initiatives fédérales ou provinciales ou encore d'initiatives volontaires prises par diverses entreprises pour protéger une espèce. J'ai dit qu'il faudrait continuer à encourager et à soutenir ces initiatives au lieu d'instaurer un système qui pourrait engendrer des problèmes.

Ainsi, en Colombie-Britannique, certaines entreprises comme la TimberWest consacrent 0,5 million de dollars au rétablissement de la marmotte. Des entreprises de beaucoup plus petite taille dressent des inventaires, de leur propre initiative, et elles font des études sur l'habitat et des recherches correspondantes. Elles participent, que ce soit sous la forme d'une aide financière ou sous d'autres formes. C'est précisément cette façon de procéder que nous voudrions voir se perpétuer. Quand j'ai parlé d'intervenir quand un plan n'est pas efficace... Je ne pense pas qu'il faille attendre qu'une espèce ait disparu pour se rendre compte que le plan n'est pas efficace. Nous recommandons de réexaminer la question si l'on constate que les problèmes ne sont pas réglés et qu'aucun progrès n'a été réalisé.

• 1045

M. Gar Knutson: Qu'entendez-vous par là? Parlez-vous d'une loi?

Mme Anne Mauch: Oui, si c'est nécessaire.

M. Gar Knutson: C'est un processus lent et plutôt lourd, comme nous avons pu nous en rendre compte en ce qui concerne la loi que nous sommes en train d'examiner.

Mme Anne Mauch: Je ne voudrais pas que cela soit aussi long que le temps qu'il a fallu pour en arriver à ce stade-ci. Je comprends ces préoccupations mais nous pensons que le gouvernement courrait plus de risques en s'exposant à ces problèmes de compétence qu'en continuant à... De nombreuses dispositions du projet de loi encouragent la collaboration.

M. Gar Knutson: Je ne sais pas s'il me reste beaucoup de temps, mais je voudrais changer de sujet. Je voudrais que vous nous parliez des mesures que la Colombie-Britannique a prises en ce qui concerne la variété d'ours noir à fourrure blanche dont les médias ont beaucoup parlé il y a quelques semaines... À part ce qu'en ont dit les journaux, je voudrais que vous nous disiez ce qui s'est passé et quelles incidences cela pourrait avoir sur votre industrie. Je voudrais savoir si c'est positif.

Mme Anne Mauch: Vous parlez de l'accord qui a été passé en ce qui concerne la région côtière?

M. Gar Knutson: Oui.

Mme Anne Mauch: Je n'ai pas beaucoup d'informations précises à ce sujet. Cette partie centrale de la zone côtière est une région où un processus d'élaboration de plans d'utilisation des terres est en place depuis plusieurs années, auquel participent d'ailleurs divers groupes. Il s'agit d'une table ronde dans le cadre de laquelle on détermine quelle doit être l'affectation des terres. Cette région de la Colombie-Britannique est une région qui est très intéressante à divers égards et qui offre de nombreux atouts dont, bien entendu, la grande beauté naturelle des paysages.

Le processus a progressé tout récemment lorsque plusieurs groupes—entreprises et groupes écologistes—ont établi un processus parallèle pour trouver des solutions susceptibles de permettre d'atteindre les objectifs, à savoir la conservation et le maintien de la capacité des entreprises de poursuivre leurs activités. On a annoncé tout récemment que les diverses parties en étaient arrivées à une entente en vertu de laquelle diverses zones seraient protégées, des zones assez importantes, dont celle où vit une variété d'ours appelés ours Kermode, qui n'est pas une espèce inscrite, à ma connaissance.

Savez-vous si elle l'est, Peter?

M. Peter deMarsh: Je ne le pense pas.

Mme Anne Mauch: C'est une variété d'ours qui est propre à cette région et dont la fourrure est blanche au lieu d'être noire.

Il s'agit donc d'un processus typique de nombreux processus d'utilisation des terres. Ce qui est atypique, c'est peut-être le fait qu'un autre processus a été mené parallèlement au processus d'utilisation des terres et que les deux processus se sont confondus à nouveau à un certain moment. Est-ce bon ou mauvais? Je crois que c'était intéressant mais que, comme on l'a signalé, d'autres aspects ont été jugés moins intéressants. On se demande comment régler les problèmes de déménagement et autres problèmes analogues qu'engendrera cette décision. Ce sont des situations très pénibles. Elles ont des incidences sur toute la population de la région.

Ce qui est important, à mon avis, c'est qu'il y ait des processus de planification de l'utilisation des terres en Colombie- Britannique et que, dans ce cas en particulier, il a fallu un certain temps pour y arriver, quoiqu'une décision ait été prise en fin de compte.

M. Gar Knutson: Je voudrais faire un tout dernier commentaire. Vous pourriez dire à Ron McDonald qu'il nous manque au Parlement.

Mme Anne Mauch: Il aurait voulu être ici, mais c'est une période où il y a beaucoup de travail en Colombie-Britannique. Il n'a donc pas pu nous accompagner. Je ne manquerai pas de lui transmettre votre message. Merci.

Le président: Merci, monsieur Knutson.

Je trouve que vos quatre mémoires sont très utiles et je vous promets que nous y accorderons toute l'attention qu'ils méritent.

Je voudrais en outre vous donner le point de vue des parlementaires. Si l'on se demande quelle était la situation il y a environ un siècle, quel était le nombre d'espèces en voie de disparition à cette époque et quelle pourrait être la situation dans un siècle... Par exemple, dans la vallée de l'Outaouais, sauf dans le parc de la Gatineau, on ne voit pratiquement plus de pins blancs. C'est une espèce qui a pourtant généré beaucoup d'emplois. C'est une espèce qui a permis l'ouverture de scieries. Si l'on parcourt actuellement la vallée de la Gatineau, on constate que la plupart des scieries ont fermé leurs portes et que les bûcherons sont devenus une espèce rare. Le pin blanc a pourtant généré un nombre phénoménal d'emplois à une certaine époque.

• 1050

Il n'est pas nécessaire de remonter un siècle en arrière pour trouver des exemples. Il suffit de remonter d'une dizaine d'années à peine: c'est en 1992 qu'a été imposé le moratoire sur la pêche de la morue. Pour des motifs d'ordre socio-économique, l'imposition du moratoire a été retardée pendant des années. Dans les années 70, les captures annuelles se chiffraient à 650 000 tonnes alors que dans les années 80, elles avaient baissé à 200 000 tonnes, puis à 40 000 tonnes en 1990. En 1991 et en 1992, M. Crosbie a dû imposer le moratoire mais jusqu'alors, on lui avait recommandé de ne pas le faire en raison de divers facteurs socio-économiques.

Puis, pour en revenir aux suggestions très utiles que M. McIntyre a faites à la fin de son mémoire, à la page 4, on a institué des programmes comme la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique en vertu de laquelle on a investi 1,9 milliard de dollars pour permettre aux collectivités touchées de survivre.

À ce propos, M. McIntyre, je vous signale que vous auriez intérêt à renvoyer à l'école le membre de votre équipe de recherche qui a écrit le passage sur le principe des précautions voulues, parce qu'il est complètement erroné.

Comme l'a dit M. McIntyre dans son rapport, si l'on ne paie pas maintenant, il faut payer plus tard. Je tiens à vous avertir que, étant donné que les termes «considérations socio-économiques» ont été employés à maintes reprises ce matin, cela pourrait nous entraîner sur une fausse piste. Cela pourrait nous amener à remettre des décisions nécessaires à une échéance très tardive, voire trop tardive, comme dans le cas de la morue. Les collectivités touchées par ce moratoire n'ont pas encore recommencé à exploiter cette ressource.

En fait, il y a trois mois, on a autorisé la prise de 7 000 tonnes de morue par an. Imaginez cela. Dans les années 70, la capture s'élevait à 600 000 tonnes.

C'est nous qui sommes la source du problème, bien entendu. Dans toutes ces situations, nous nous retrouvons face à nous-mêmes.

J'apprécie beaucoup ce que M. deMarsh a dit ce matin. Nous nous posons la même question que M. Pearse. Nous nous demandons à partir de quel moment il faut cesser de compter uniquement sur l'initiative volontaire et il est nécessaire de prévoir une indemnisation sans décourager cet esprit d'initiative. Nous ne savons pas à quel moment il faut faire intervenir l'indemnisation. Vous avez fait là une observation très pertinente.

Je trouve que la diapositive représentant les habitats stables et les habitats mobiles est très intéressante. Elle fait penser aux oiseaux migrateurs dont l'habitat est extrêmement mobile.

Je vous recommande de faire preuve de discernement à l'égard des considérations socio-économiques parce qu'elles pourraient fausser les conclusions. Pour des motifs socio-économiques, on pourrait être amené à exploiter la ressource jusqu'à l'extrême limite et alors, il ne serait peut-être plus possible de la rétablir, tout cela parce qu'on aura voulu maintenir les activités économiques. Vous dites qu'il faut adopter des plans d'aménagement qui permettent de préserver les emplois des bûcherons pour les cent prochaines années alors que dans ce secteur, la principale cause du chômage est le progrès technologique. Vous le savez aussi bien que moi, monsieur McIntyre. Aucune des dispositions du projet de loi C-5 ne compromettra autant le moyen de subsistance des bûcherons que le progrès technologique.

Qu'est-ce que je voulais dire? Je ne sais pas...

M. Julian Reed: Il est normal d'avoir des divergences d'opinions.

Le président: ... mais je ferais peut-être mieux de poser une autre question puis d'entamer un deuxième tour de questions.

Je m'adresse en particulier à vous, monsieur Demulder. Pensez- vous que les exploitants forestiers pourraient éprouver de la difficulté à déterminer avec certitude qu'ils se conforment à la loi si le projet de loi est trop discrétionnaire?. Serait-il préférable, selon vous, qu'il soit plus impératif et que, par conséquent, il y ait une plus grande uniformité au niveau de l'interprétation et qu'on sache mieux à quoi s'en tenir?

• 1055

Que pensez-vous de ces deux types d'approches?

M. Bob Demulder: Je ne pense pas en fait que vous devriez faire en sorte que la loi fédérale contienne davantage de dispositions impératives.

Nous comprenons les processus d'approbation provinciaux; nous comprenons ces critères. Le processus à envisager est de faire en sorte, par l'intermédiaire d'organismes comme le Conseil canadien des ministres des Forêts et le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, que l'on comprenne les processus provinciaux, grâce à des lois comme la LEP. C'est seulement alors que la LEP sera compatible avec les normes et les processus provinciaux.

C'est davantage ainsi que je le conçois. Je ne pense pas que cette loi doive être plus impérative. Ce type d'approche est à tout le moins plutôt difficile.

Le président: C'est très bien. N'oubliez pas que, d'après ce que nous en savons, l'exécution des lois provinciales n'est pas d'une efficacité impressionnante; on constate un gros manque de fermeté à ce niveau.

M. Bob Demulder: Par rapport à la loi fédérale...

Le président: Il n'y a pas encore de loi fédérale.

Dans les provinces où il y a une loi, le nombre d'espèces inscrites sur la liste finale ne représente que de 15 p. 100 à 30 p. 100 du nombre d'espèces qui étaient sur la liste initiale proposée par les scientifiques. Il y a une grosse différence entre les recommandations des scientifiques et les décisions politiques, ce qui explique peut-être le fait qu'hier, aucun des témoins n'était capable de citer un exemple de protection obligatoire d'un habitat au palier provincial, probablement parce que les interventions sont minimes, malgré la loi.

M. Rick Bonar: Je fais partie du Comité sur la conservation des espèces en voie de disparition dans l'Alberta et, au cours des deux dernières années, le sous-comité scientifique de ce comité a fait des recommandations au ministre. Ce dernier a désigné absolument toutes les espèces dont la désignation avait été recommandée par les scientifiques et est actuellement en train de préparer des plans de rétablissement.

Le président: Nous serions très heureux d'obtenir de la documentation à ce sujet, si c'est possible.

M. Rick Bonar: Nous pourrions vous faire parvenir le premier rapport du Comité sur la conservation des espèces en voie de disparition.

Le président: Je vous en serais reconnaissant.

Nous entamons le deuxième tour de questions. M. Mills a la parole. Ensuite, je donnerai la parole à M. Reed.

M. Bob Mills: Monsieur le président, j'aurais, moi aussi, quelques commentaires à faire après avoir écouté attentivement ce qui a été dit. J'essaierai de faire preuve de toute la diplomatie dont je suis capable.

En premier lieu, j'estime qu'il faut examiner ce que le Comité sur la conservation des espèces en voie de disparition dans l'Alberta a fait. J'ai rencontré des écologistes, des scientifiques, des représentants du secteur privé et toutes ces personnes étaient extrêmement satisfaites de la façon dont la Loi sur les espèces en voie de disparition est appliquée, de son efficacité et de son aspect coopératif. Les propriétaires fonciers sont satisfaits et les autres citoyens également. Nous avons en fait une façon de raisonner différente.

Je ne dirais pas, comme M. Bigras, que l'esprit de détachement de l'Ouest est un terme que l'on ne comprend pas. Dans l'Ouest, nous sommes partisans d'une moindre intervention des pouvoirs publics, d'une coopération accrue, d'une mise en oeuvre accrue, pour que les emplois soient toujours là d'ici 100 ou 200 ans. Les citoyens sont fiers de prendre des initiatives. Nous n'avons pas besoin de l'intervention du gouvernement; nous prenons les initiatives.

C'est que les mentalités sont différentes et cette évidence ressort clairement de vos commentaires, monsieur le président, et des exposés qui ont été faits.

Vous n'arrivez pas à comprendre que nous voulons prendre des initiatives nous-mêmes et que nous voulons sauver les espèces en voie de disparition en employant les méthodes les plus efficaces possible, notamment la coopération, la consultation et, au besoin, l'indemnisation. Tout le monde participera et nous arriverons à les sauver. L'intervention du lourd appareil gouvernemental aurait pour seul effet de mettre encore plus en danger les espèces en voie de disparition. C'est le message que nous avons à transmettre. Les habitants de certaines autres régions du pays ont peut-être besoin de l'intervention du gouvernement, mais pas nous.

• 1100

Je voudrais faire venir quelques fonctionnaires provinciaux de l'Alberta et quelques écologistes. Je voudrais que vous veniez chez nous parler à divers propriétaires fonciers et les écouter. Je pourrais vous indiquer des dizaines de parcelles de terrain où les espèces en voie de disparition sont protégées. Elles ne le seront peut-être plus après l'intervention du lourd appareil gouvernemental.

C'est ce que j'avais à dire sur ce dont je viens d'être témoin. C'est consigné une bonne fois pour toutes.

Monsieur Reed, je sais que vous êtes d'accord sur certains points.

Je devais le dire. Je ne sais pas si quelqu'un veut faire des commentaires mais ce sont là ceux que j'avais à faire.

M. Peter Affleck: J'apprécierais d'avoir l'occasion de donner l'opinion de la Colombie-Britannique à ce sujet. Comme en Alberta, la Colombie-Britannique s'est dotée de règlements concernant les espèces en voie de disparition. C'est relativement récent, comme vous l'avez si bien dit, mais des règlements sont en place. Notre loi sur la faune (Wildlife Act) prévoit des interdictions qui sont rattachées à notre liste d'espèces menacées ou en voie de disparition.

Comme Anne l'a dit en répondant aux questions de M. Knutson dans la partie centrale de la région côtière de la Colombie- Britannique, divers processus de planification de l'utilisation des terres axés sur la coopération sont en place. Ils ne sont pas prévus dans une loi. Ce ne sont pas les lois qui créent ces processus. Ils sont issus de la coopération.

Une tâche considérable a déjà été accomplie. Je peux vous citer plusieurs exemples. Ainsi, un plan de rétablissement très précis a été établi dans le cadre d'un processus de planification de l'utilisation des terres pour la marmotte de l'île de Vancouver, ainsi que pour la chouette tachetée. Le temps et les efforts consacrés par les bénévoles à ces processus, ainsi que les fonds qui y sont investis, représentent des millions de dollars. L'exemple que j'ai cité tantôt en répondant à une question est celui du caribou des montagnes, dans le sud-est de la province. L'ours de Kermode, bien qu'il ne soit pas inscrit sur la liste, est un autre exemple des processus en cours dans la province.

Même s'il n'existe pas de structure législative pour faire une évaluation quantitative des initiatives en cours dans ce domaine, ce serait une erreur de votre part de ne pas essayer d'avoir une vue d'ensemble.

Monsieur le président, j'aimerais profiter de l'occasion pour faire des observations sur vos commentaires. Je comprends vos préoccupations en ce qui concerne l'équilibre à réaliser entre les diverses considérations. Ce que nous voulons dire, c'est qu'il ne faut pas tenir uniquement compte des facteurs socio-économiques. Je crois toutefois que ce serait également une erreur de se préoccuper uniquement des enjeux environnementaux. Nous préconisons en fait un équilibre des valeurs; c'est ce que les Canadiens souhaitent et c'est ce qui est nécessaire.

M. Bob Demulder: C'est ainsi que, comme représentants élus, vous êtes amenés à prendre des décisions courageuses. C'est malheureusement à cela que tout se résume.

Comme vous l'avez dit, il est toujours possible que l'on attende trop longtemps, comme dans le cas de la pêche de la morue.

Je me permets de vous conseiller de ne pas agir en fonction de votre éventuelle réélection; vous vous sentirez ainsi plus libres de prendre des décisions qui ne seront pas nécessairement appréciées de tous.

M. Peter deMarsh: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter ceci: je n'ai perçu aucun désaccord fondamental dans vos commentaires.

Dans certains cas, une intervention urgente est nécessaire. Je suis Néo-Brunswickois et je trouve que la pêche de la morue est un bel exemple d'échec retentissant qui aura des conséquences pour plusieurs générations, peut-être même des conséquences permanentes, comme semblent l'indiquer les scientifiques.

Par ailleurs, nous n'avons aucune difficulté à admettre vos principes. Le ministre a dit que la loi ne serait pas efficace si le gouvernement n'établissait pas des partenariats avec les propriétaires fonciers, c'est-à-dire les agriculteurs, les éleveurs et les propriétaires de boisés.

La question est de savoir comment y arriver. Ce n'est pas en exerçant des pouvoirs rémanents et coercitifs, ni en menaçant d'empêcher les gens de poursuivre leurs activités s'ils ne manifestent pas d'emblée la volonté de coopérer, que vous arriverez à quelque chose.

J'ai dit que l'efficacité d'une action volontaire dépendra dans une large mesure de la volonté expresse de la société canadienne d'indemniser les propriétaires fonciers pour leurs pertes. Ce n'est pas un jeu où il n'y a pas de gagnants ni de perdants; il n'y aura que des gagnants. C'est du moins ce que nous pensons. Les propriétaires de boisés seront plus disposés à prendre des initiatives volontaires s'ils considèrent que les mesures d'indemnisation sont justes et raisonnables.

• 1105

Je me demandais tantôt comment je pourrais vous le prouver car je reconnais que si l'enjeu était différent et que la mesure touchait un groupe d'intérêt différent, en tant que contribuable, je dirais probablement, comme l'a fait le gouvernement dans un premier temps, qu'il ne faut pas jeter l'argent par les fenêtres si c'est possible.

Je dirais qu'il y a deux façons de le prouver. La première consiste à examiner la chronologie des règlements concernant l'utilisation des terres qui ont été adoptés dans les diverses régions du pays. Dans ma propre province, on relève des cas flagrants de règlements qui ont été mal conçus et dans lesquels on a omis de prévoir une indemnisation, si bien que les propriétaires font exactement le contraire du but recherché. Je pense en particulier à la Loi sur l'assainissement de l'eau, dont la mise en place remonte à une dizaine d'années. C'est un cas typique qui indique précisément que l'on n'atteint pas ces objectifs en refusant de coopérer avec les propriétaires fonciers, et surtout pas en refusant de tenir compte des incidences financières d'un règlement qui leur est imposé.

L'autre manière de le prouver consisterait à faire des essais dans plusieurs régions, en utilisant peut-être divers dosages de mesures incitatives et de mesures d'indemnisation, pour voir quels seront les résultats dans chaque cas et déterminer quelle est la formule la plus efficace.

Croyez-moi, je vous en prie. Je vous recommande vivement de transmettre le message au ministre et au ministère que ce n'est pas un jeu où il n'y a pas de gagnants ni de perdants, qu'il n'est pas question de choisir entre l'indemnisation et les mesures incitatives. Il faut une combinaison des deux. Nos réactions seront d'autant plus efficaces que la société canadienne sera disposée à faire preuve de largesse dans le cadre de ce partenariat. Les résultats seront d'autant meilleurs que la bonne volonté, qui sera en quelque sorte une contribution latente à ce projet, sera grande.

Le président: Merci, monsieur Mills.

Monsieur Reed, pour la toute dernière question.

M. Julian Reed: Il faut reconnaître que M. Mills est plutôt chauvin. Il semblerait, à l'entendre, que le seul cas de surexploitation se soit produit dans l'est du Canada. Je signale que le pin blanc est en voie de rétablissement et je suis fier de dire qu'il l'est notamment sur ma propre terre, monsieur le président.

Je suppose que la méthode qui se dégagera de ce projet de loi se situera à mi-chemin entre celle préconisée par M. Mills et celle du bâton et de la carotte. Quoi qu'il arrive, je signale que nous tenons à encourager l'esprit de coopération et la manifestation d'une certaine sensibilité chez les Canadiens.

Un des problèmes du Canada, c'est qu'il est très urbanisé. Les citadins examinent le problème des espèces en voie de disparition avec beaucoup de détachement; ils considèrent qu'il faut les protéger, mais que ce n'est pas leur affaire. Ce dont on ne se rend pas très bien compte, c'est que c'est dans les eaux contaminées par les villes, notamment dans le lac Ontario, que le pourcentage d'espèces en voie de disparition est le plus élevé. Chaque fois que quelqu'un tire la chasse de sa toilette, il contribue à cette pollution. Je ne sais pas si ce projet de loi sera aussi efficace qu'il devrait l'être—peut-être pas—mais, quels qu'en soient les résultats, ce que nous voulons, en fin de compte, c'est sensibiliser la population.

Nous faisons tous partie de la nature. Nous sommes tous dans le même bateau et nous n'avons pas le droit, que ce soit sur le plan moral ou sur le plan économique, de surexploiter ou de détruire les ressources naturelles. On l'a fait par ignorance dans le passé et c'est ce qu'on a fait en Europe, par ignorance également, jusqu'à ce que la triste réalité éclate.

Je vous suis très reconnaissant d'être là et de nous avoir exposé vos opinions. Personnellement, je les ai prises à c«ur.

• 1110

M. Bob Mills: Je suis d'accord avec Julian.

M. Rick Bonar: Ce que je voudrais signaler, c'est que nous avons déjà emprunté cette voie et que nous approuvons ce que vous avez dit tous les deux. Nous ne tenons pas à faire fausse route. Ce que nous voudrions, c'est que la LEP nous appuie au lieu de dresser des obstacles sur notre route lorsque nous prenons des initiatives constructives. Nous reconnaissons que, dans les cas où les efforts s'avèrent inefficaces, il faut s'attaquer de front aux problèmes.

J'ai un autre commentaire à faire. Il faut faire une distinction entre l'exploitation et la surexploitation et entre la disparition et l'extinction. Monsieur Caccia, sans vouloir vous offenser, je dirais que le cas de la morue est un cas de surexploitation mais certainement pas d'extinction.

La LEP est axée sur l'extinction et il faut prendre des mesures extraordinaires qui sont plus courageuses que celles à prendre dans les cas de surexploitation.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Dans ce cas, je tiens à vous remercier pour vos opinions, vos conseils, vos bonnes réponses et excellents commentaires et, bien entendu, pour les mémoires que vous avez présentés.

Quand vous rentrerez chez vous, n'oubliez pas que nous sommes tous engagés dans une lutte courageuse pour renverser une tendance. Il y a un siècle, le nombre d'espèces en voie de disparition était peut-être minime. Aujourd'hui, il s'élève à 382 et continue d'augmenter. Comme société et comme nation, nous voudrions renverser cette tendance et c'est précisément l'objet de ce projet de loi, qui s'efforce de trouver une solution au problème.

Merci.

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