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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 mars 2001

• 0911

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, nous avons le quorum et nous pouvons donc entendre les témoignages.

Avant de commencer, j'aimerais régler quelque chose. Vous vous souvenez que nous avons adopté au cours de notre avant dernière séance une lettre qui devait être envoyée... excusez-moi, Mac, mais c'est une lettre adressée à M. Zoellick. Elle devait être également envoyée à quelqu'un d'autre, était-ce au ministre?

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Au ministre, oui.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): [Note de la rédaction: inaudible] ...de Pierre Paquette.

Le président: Non, c'est juste pour la lettre qu'on a approuvée l'autre jour.

Mme Francine Lalonde: Tant mieux.

Le président: C'est son truc. On va attendre deux minutes.

[Traduction]

En attendant, je vais souhaiter la bienvenue à M. Kirton, à M. Molestina, qui a fait un long voyage puisqu'il vient de l'Équateur—je vous remercie d'être venu, monsieur, j'apprécie beaucoup que...

M. Oswaldo Molestina Zavala, (vice-président, Conferencia parlementaria de las Américas (COPA); membre, Chambre nationale des députés de l'Équateur): Merci.

Le président: ...ainsi que M. Yussuff et M. Pierre Laliberté.

[Français]

Ils ne sont pas sur la liste, mais ils sont quand même les bienvenus. Même si vous n'êtes pas sur la liste, on est là pour entendre votre témoignage.

[Traduction]

Je vais demander à M. Kirton s'il veut bien commencer mais nous allons devoir l'interrompre lorsque M. Paquette va arriver, parce qu'il faut régler la question de la lettre.

C'est une question de procédure, monsieur Kirton, et je vous demande de bien vouloir nous excuser si nous vous interrompons un instant. Je vous invite donc à présenter quand même votre exposé.

Essayez de vous en tenir à dix minutes, ce qui nous permettra ensuite de vous poser des questions. Nous allons avoir deux tables rondes ce matin.

M. John Kirton (Faculté de sciences politiques, Université de Toronto): Merci beaucoup. Je suis très heureux que votre comité m'ait invité à nouveau vous parler d'une question qui, nous le savons tous, est d'une importance capitale pour les Canadiens. Je crois également que tous les Canadiens reconnaissent aujourd'hui que cette question est importante non seulement pour la politique étrangère du Canada mais aussi pour leur qualité de vie.

Les médias ont fait de l'excellent travail pour sensibiliser les Canadiens à certains aspects du sommet de la démocratie, je crois que l'on peut l'appeler ainsi, qui va avoir lieu prochainement. Dans les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais revenir sur certains aspects fondamentaux et faire ressortir les avantages et les possibilités qu'offrent les événements de ce genre. Je vais, pour ce faire, m'inspirer des travaux que j'ai effectués depuis des années en tant que spécialiste de la politique étrangère du Canada mais également à titre de directeur d'un groupe de recherche de l'Université de Toronto sur le G-8 ainsi que sur les recherches que j'ai effectuées à divers titres dans le domaine du commerce et de l'environnement.

Vous vous souvenez peut-être qu'en février 1995, le premier ministre et le gouvernement canadien ont donné de la politique étrangère du Canada une version tout à fait inhabituelle qui soulignait le rôle de leader que le Canada pouvait jouer dans l'hémisphère et dans le monde et qui se terminait ainsi:

    Le Canada est mieux placé que n'importe quel autre pays au monde pour faire avancer ses intérêts en participant activement à des regroupements internationaux clés, par exemple, en se faisant l'hôte du sommet du G-7 cette année et du sommet de l'APEC en 1997.

• 0915

Il me paraît tout à fait approprié d'ajouter à cette liste le sommet de la démocratie de 2001 qui va se tenir à Québec.

L'organisation de ces sommets, en particulier de sommets officiels multilatéraux, constitue un instrument particulièrement efficace pour mettre en oeuvre la politique étrangère du Canada. Le sommet qui va avoir lieu à Québec constitue pour le Canada une excellente occasion de faire connaître ses valeurs et ses intérêts essentiels et lui offre la possibilité de prendre des initiatives particulières visant à mettre en pratique les valeurs écologiques et sociales que les pays de notre hémisphère ont en commun.

Tout d'abord, pourquoi cet intérêt pour les sommets? Pourquoi le fait d'organiser ce genre de sommet permet-il d'exercer une telle influence? Permettez-moi de passer en revue rapidement les six principaux aspects.

Tout d'abord, les sommets attirent l'attention des dirigeants étrangers, de leur population, de leurs médias et de leur public. Ils représentent ainsi une occasion unique de faire connaître ce que le Canada et les autres pays américains sont et ce qu'ils veulent.

Deuxièmement, ils permettent d'avoir accès aux dirigeants étrangers. Ces contacts intenses au plus haut niveau pendant trois jours avec d'autres dirigeants constituent une occasion unique d'établir des liens personnels et de faire jouer l'influence des pairs, ce qu'il est impossible de faire au cours de rencontres bilatérales ou de réunions multilatérales très structurées.

Troisièmement, les sommets sont axés sur un ordre du jour; ils permettent d'aborder des sujets nouveaux qui sont formulés dans les communiqués—des documents qui constituent une composante essentielle de l'obligation de transparence et de responsabilité qui incombe aux participants.

Quatrièmement, les sommets permettent d'établir de nouvelles orientations, d'embrasser un grand nombre de questions et ils reflètent la capacité unique des chefs d'État d'aller au-delà de leurs domaines d'intérêts particuliers. Ce sont eux qui créent de nouveaux liens, qui fixent de nouvelles orientations, qui font des compromis et introduisent de nouvelles idées. Seuls les chefs d'État sont en mesure d'établir des liens entre la libéralisation du commerce et la valeur essentielle que représente la démocratie, de concilier le commerce et l'environnement, la remise des dettes et la démocratie. Lorsque les chefs d'État partagent un grand nombre des valeurs communes, ils peuvent dépasser leurs intérêts nationaux de façon à refléter ces objectifs communs. Il est bon de rappeler que, parmi toute la série de sommets auxquels participent le Canada, le G-8 et le Sommet des Amériques sont les deux seuls forums qui ont un ordre du jour très complet dont le thème commun est la démocratie.

Cinquièmement, les sommets débouchent sur des décisions, bien souvent des décisions opportunes, réfléchies, ambitieuses, qui fixent des cibles et des échéanciers concrets.

Enfin, ces sommets introduisent des changements. Les participants prennent des engagements, ce sont les décisions personnelles des chefs d'État et les membres de leur gouvernement peuvent difficilement les ignorer. En effet, les chefs d'État savent qu'ils seront prochainement appelés à se rencontrer de nouveau dans ces sommets officiels, et cela les poussent à tenir leurs engagements. Lorsque ces sommets bénéficient de l'appui d'organismes internationaux importants qui disposent de ressources pour mettre en oeuvre leurs décisions, ils peuvent introduire des changements profonds.

Que pourrait apporter ce sommet de la démocratie dans ces six domaines, compte tenu des progrès qui ont déjà été réalisés au cours de sa préparation?

Premièrement, nous savons que ce sommet va susciter un intérêt exceptionnel, compte tenu du moment choisi pour le tenir, du lieu choisi, de la télédiffusion de la séance d'ouverture, une initiative nouvelle, et du grand nombre de citoyens qui vont venir faire entendre leurs points de vue. La diversité et le dynamisme des groupes qui vont se faire entendre et la retenue dont feront preuve les forces de sécurité à leur égard montreront clairement aux habitants de l'hémisphère ce que veut dire vraiment la démocratie. C'est là quelque chose dont il faut se réjouir.

Deuxièmement, le sommet permet d'avoir accès à des chefs d'État importants à un moment critique, ce qui ne pourrait se faire autrement. Bien sûr, le nouveau président américain va venir au Canada, un pays que ne visitent pas toujours les présidents américains. Le sommet amène le nouveau président à s'engager envers les Amériques, et donc envers le monde, en s'appuyant sur des mécanismes auxquels lui et son administration peuvent facilement adhérer. Le sommet peut aider le Canada à mieux gérer son différend bilatéral au sujet du bois de construction avec les États-Unis et son différend régional au sujet des avions à réaction avec le Brésil.

• 0920

Troisièmement, le sommet s'est choisi un ordre du jour dans lequel la démocratie est la valeur fondamentale et transcende tous les autres sujets.

Quatrièmement, il établit plusieurs nouvelles orientations lorsqu'il déclare que la démocratie n'est pas négociable, que l'intervention collective est légitime si elle a pour but de préserver la démocratie, que la libéralisation des échanges doit respecter et favoriser la diversité culturelle, reprenant ainsi une clause liminaire dont nous avait privé l'échec de Seattle et que l'inclusion de la société civile dans ce processus de gouvernance mondiale est désormais incontournable.

Cinquièmement, le sommet va déboucher sur des décisions concrètes non seulement par l'adoption d'un plan d'action global mais en faisant savoir que dans le sillage de Seattle, la grande famille nord-sud si diverse veut le libre-échange, et qu'elle le veut rapidement, d'ici 2005 au plus tard.

Enfin, ce sommet va entraîner des changements réels, compte tenu en particulier des efforts déployés depuis le début par le Canada pour relier le sommet à l'Organisation des États américains ainsi que grâce à son travail auprès des banques de développement multilatérales pour veiller à ce que les ressources nécessaires soient fournies.

Au-delà de ces résultats positifs, que pourrait apporter de plus ce sommet de la démocratie, en tenant compte du fait que sa préparation s'achève et de la grande diversité des participants? Je sais que votre comité a entendu toute une série de suggestions intéressantes qu'il voudra reprendre à son tour. Mes suggestions vont constituer un ajout très modeste à cette liste.

Premièrement, on pourrait utiliser ce sommet pour faire passer quelques messages essentiels. Un de ces messages est que le Canada est prêt à aider tous les pays d'Amérique et qu'il a déjà fait preuve de solidarité, notamment en fournissant tout récemment 1,2 milliard de dollars au Mexique et 500 millions de dollars au Brésil, lorsque ces pays ont connu de graves difficultés financières. Il est bon de faire partie d'une telle famille.

Le deuxième message, et c'est un message important, est que l'environnement commercial qu'a aménagé l'ALENA, un régime tout nouveau, donne de bons résultats. Cela est bon pour le commerce, cela est bon pour l'environnement, pour les pauvres comme pour les riches ainsi que pour la société civile. En outre, l'expérience montre que les sanctions commerciales destinées à faire respecter les normes environnementales ne sont pas nécessaires pour que le commerce et l'environnement puissent aller de pair.

Deuxièmement, le sommet peut faciliter encore davantage l'accès aux chefs d'État pour les chefs d'État ainsi que pour les citoyens, si les participants s'engagent à se réunir plus fréquemment. À mesure que ce groupe va se développer, les chefs d'État pourraient même se rencontrer tous les deux ans, comme le Canada le fait avec ses amis du Commonwealth et de la Francophonie.

Troisièmement, le sommet pourrait modifier son ordre du jour en faisant passer au premier rang le quatrième élément du développement durable qui a été discuté à Miami en 1994, ville où tout a commencé.

Quatrièmement, il pourrait adopter des orientations nouvelles et plus nombreuses. Il pourrait ajouter l'ALENA au préambule de l'entente sur le libre-échange des Amériques pour dire que cet accord sera utilisé pour «renforcer le développement et l'application des lois et des règlements sur l'environnement». Le Canada peut promettre que les progrès réalisés à Québec dans la participation de la société civile et en direction de la démocratisation constitueront la base sur laquelle le Canada pourra s'appuyer pour organiser le sommet du G-8 l'année prochaine.

Cinquièmement, le sommet de la démocratie de Québec peut déboucher sur des décisions concrètes. Il peut déclencher un processus visant à mettre au point, collectivement, en tant que communauté, un cadre permettant d'évaluer de façon permanente les répercussions environnementales de la ZLEA. Les participants peuvent s'engager à signer la ZLEA avant la date butoir actuelle de 2005 et avant que n'apparaisse à l'horizon la perspective d'élections présidentielles qui risqueraient d'en retarder la conclusion.

• 0925

Enfin, ce sommet pourrait être l'occasion d'introduire des changements concrets en prenant des mesures novatrices en matière de création de capacités. En s'inspirant du modèle adopté par nos partenaires du G-7, les participants pourraient inviter les 1 000 entreprises les plus importantes de l'hémisphère à alimenter un nouveau fonds supplémentaire consacré au développement durable et à la démocratie, un fonds où les gouvernements pourraient verser des contributions équivalentes, en fonction de leur richesse.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kirton. Merci pour votre exposé.

Avant de passer à nos témoins suivants, je vais revenir à notre petite cuisine interne, à la lettre destinée à M. Zoellick et au rapport que M. Harb souhaite, à titre de président du Comité du commerce, présenter à la Chambre à 10 heures. C'est la raison pour laquelle nous allons aborder cette question maintenant parce que s'il veut la présenter à la Chambre à 10 heures, il faut l'approuver maintenant. Nous avons le quorum et nous pouvons donc l'approuver.

[Français]

Monsieur Paquette, je crois que vous étiez d'accord sur les amendements qui ont été apportés au rapport.

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): On en a discuté hier après-midi et ça me convient tout à fait.

Le président: Donc, tout le monde du comité de M. Harb est d'accord. Tous les partis sont d'accord sur les termes de la lettre, non?

M. Pierre Paquette: Tous ceux qui étaient présents sont d'accord.

Le président: D'accord. On présume que les absents sont d'accord.

Une voix: On l'espère.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, vous avez vu la lettre à la dernière réunion. Je crois savoir qu'on lui a apporté quelques changements mineurs. Pouvons-nous l'adopter sous la forme d'un rapport du comité?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le président: Tout le monde est d'accord.

[Traduction]

Merci beaucoup. Merci, monsieur Harb.

Pouvons-nous également demander à M. Harb de la présenter à la Chambre au nom du comité?

Une voix: Oui.

Le président: Je demanderai à M. Harb de le faire.

Merci beaucoup, monsieur.

M. Mac Harb: Si vous voulez bien signer, monsieur, nous pourrons ensuite partir.

Le président: Souhaitons-nous avoir une réponse du gouvernement?

M. Mac Harb: Elle figure déjà dans le rapport. Étant donné l'aspect temps, je ne pense pas que cela soit nécessaire.

Le président: Vous avez inséré la réponse du gouvernement dans votre rapport. Voilà qui est brillant. Nous devrions certainement le faire plus souvent? C'est la faute à notre secrétaire parlementaire. S'il pouvait préparer la réponse avant que nous rédigions le rapport, cela nous aiderait énormément.

Merci beaucoup. Merci, chers collègues. J'espère que les témoins vont bien vouloir nous excuser. Nous avons au moins réglé cette question.

Nous allons maintenant passer à M. Yussuff qui représente le Congrès du travail du Canada. Merci, monsieur.

M. Hassan Yussuff (vice-président exécutif, Responsable du département de la santé, de la sécurité et de l'environnement et du département de la lutte contre le racisme et de la défense des droits de la personne, Conseil du travail du Canada): Je tiens à remercier le sous-comité de m'avoir donné l'occasion de vous présenter un exposé. Ce n'est pas la première fois que nous comparaissons devant ce comité pour parler de commerce mais nous sommes heureux de pouvoir une fois de plus reprendre certaines choses que nous avons déjà mentionnées.

Pour ce qui est de notre mémoire, nous avons préparé un genre de résumé, qui diffère légèrement de la version qui, je pense, a été distribuée à vos collègues. Je vais donc, sans plus tarder...

Le Congrès du travail du Canada représente près de 2,5 millions de travailleurs canadiens. Nous tenons à remercier encore une fois le comité de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.

Le Congrès du travail du Canada tient à profiter de l'occasion pour réitérer ses craintes au sujet de la teneur du projet d'accord sur la zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA, et de la procédure suivie pour le négocier. Pour ce qui est de la teneur de l'accord proposé, du moins de ce que nous en savons, nous sommes déçus par le fait qu'il vise uniquement à protéger les commerçants et les investisseurs et qu'il ne propose pas de stratégie claire et cohérente pour augmenter les revenus et accroître les emplois dans les pays des Amériques. Avant de poursuivre, j'aimerais dire quelques mots au sujet du processus.

Pour parler franchement, nous trouvons, comme bien d'autres intervenants au Canada, qu'il est de plus en plus difficile de considérer les consultations auxquelles procède le gouvernement autrement que comme des consultations de pure forme. Le gouvernement du Canada parle beaucoup de faire participer activement la société civile mais le fait est que la plupart des consultations semblent n'être qu'une mise en scène qui influence le discours sur les négociations mais n'a aucun effet sur leur teneur. Contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le monde, il semble que les recommandations de la soi-disant société civile ne se retrouvent jamais dans la politique du Canada sur le commerce.

Compte tenu des enjeux très importants inhérents à tous les accords commerciaux multilatéraux ou régionaux et des craintes légitimes de nombreux intéressés qui risquent de se trouver encore une fois devant un fait accompli, le CTC demande au gouvernement du Canada non seulement de rendre public le texte du projet d'accord le plus tôt possible mais aussi de soumettre la version définitive à un débat et à l'approbation du Parlement.

Le CTC estime qu'il y a lieu de redire que la question n'est pas de savoir si le Canada doit ou non commercer avec les autres pays. Il est bien évident qu'il doit le faire. Nous désapprouvons toutefois son obstination à voir dans la libéralisation du commerce et l'investissement une solution qui va favoriser le développement économique et social.

• 0930

Pour ce qui est du commerce, les personnes chargées d'élaborer les politiques du Canada confondent la fin et les moyens lorsqu'elles présentent la libéralisation du commerce comme une fin en soi et elles commettent de dangereuses fautes de logique. Premièrement, elles affirment que la libéralisation du commerce entraîne la croissance et que celle-ci débouche nécessairement sur le développement et sur la prospérité générale. Cela n'est vrai que dans les manuels d'économie. La réalité est plus complexe et les circuits qui relient ces indicateurs sont beaucoup plus difficiles à découvrir qu'elles ne le reconnaissent habituellement.

Malgré la croyance contraire très répandue, il n'y a tout simplement aucune preuve empirique qui démontre l'existence d'un lien direct entre la libéralisation générale et l'augmentation du taux de croissance, ni d'ailleurs avec la réduction de la pauvreté. Quant aux rapports entre la croissance et le développement social, il suffit de citer un rapport récent de l'Organisation panaméricaine de la santé qui conclut:

    L'examen des constatations relatives à la santé, à l'inégalité de la distribution des revenus, au chômage, aux salaires réels et aux écarts salariaux révèle que la croissance économique de la région, particulièrement en Amérique latine et dans les Antilles, n'a pas contribué à l'amélioration du grave sous-développement qui persiste.

En fait, si l'histoire récente nous a appris une chose, c'est bien que les pays qui ont réussi sur le plan économique y sont parvenus en manquant aux préceptes mêmes qui sont aujourd'hui mis de l'avant ou imposés dans le monde entier, à savoir, l'adoption des stratégiques gouvernementales visant directement à favoriser les industries nationales, y compris les tarifs douaniers, certaines restrictions imposées aux flux des capitaux, sans oublier un sain mépris des règles protégeant les brevets. Les avantages comparatifs ont tendance à s'accentuer lorsqu'ils découlent de produits à valeur ajoutée relativement élevée plutôt que du recours à des ateliers de misère. Cela est vrai pour le Canada, mais ce l'est encore plus pour les pays en développement que l'on s'empresse tant de convertir.

Il y a près de deux ans, nous avons exprimé au sous-comité nos craintes au sujet des principes discutables sur lesquels reposait la politique commerciale du Canada, des effets négatifs qu'elle risquait d'avoir sur le travail, sur la souveraineté et sur l'environnement ainsi que des problèmes que posait le processus adopté pour les négociations commerciales, en général. Malheureusement, nous n'avons guère trouvé à nous réjouir depuis. L'évolution de l'économie corrobore la plupart de nos craintes, et en dépit de beaux discours, les groupes représentant la société civile n'ont pas obtenu un accès aux négociateurs qui soit comparable à celui qui est offert à la communauté des affaires.

En fait, loin de tenir compte de nos craintes, le gouvernement du Canada a poursuivi la libéralisation du commerce telle que commanditée par les entreprises. Le sous-comité lui-même semble avoir adopté dans son rapport sur la ZLEA les formules magiques que psalmodie le monde des affaires.

Étant donné que le sous-comité est habituellement le seul intermédiaire entre nos chefs élus et la population dans ce domaine, cela est bien sûr très décevant. Cela explique peut-être pourquoi un bon nombre de personnes concernées descendront dans la rue en avril. Dans une démocratie saine, les gens ne devraient pas être obligés de descendre dans la rue. Néanmoins, lorsque la population ne se reconnaît pas dans les politiques du gouvernement qui sont essentielles pour elle, c'est bien souvent son seul recours.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement du Canada continue de promouvoir un modèle de croissance et de développement qui est très discutable. Nous avons déjà indiqué antérieurement, dans nos mémoires, nos réserves à ce sujet. Il est toutefois bon de les répéter puisqu'elles ne se reflètent guère dans les recommandations qu'a présentées le sous-comité sur les priorités apparentes du gouvernement.

La ZLEA, les droits et les conditions du travail. Lorsqu'il s'agit...

Le président: Excusez-moi, monsieur Yussuff. J'aimerais demander une précision pour les membres du comité, lorsque vous parlez du sous-comité, vous parlez du rapport sur la ZLEA qu'a récemment préparé le sous-comité de notre comité?

M. Hassan Yussuff: Oui.

Le président: Merci. Excusez-moi.

M. Hassan Yussuff: La ZLEA, les droits et les conditions du travail. Qu'il s'agisse de l'ALENA, de l'OMC ou de la ZLEA, nous avons souvent dit que vouloir mettre dans un même espace économique des pays qui ont atteint des niveaux de développement très variés risquait fort de créer des pressions excessives sur les salaires et sur les conditions de travail aux deux extrémités de l'équation.

Les suites de l'ALE et de L'ALENA semblent confirmer cette affirmation. Après plus de dix ans de libre-échange et en dépit du renforcement de nos relations commerciales avec nos voisins, en particulier avec les États-Unis, la valeur réelle des salaires a stagné et ceux-ci sont loin d'avoir augmenté au même rythme que la productivité. Ce phénomène est encore plus accentué au Mexique où les salaires manufacturiers réels ont diminué de 18 p. 100 depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA, alors que la productivité a augmenté de plus de 36 p. 100.

Cela n'a rien d'étonnant: les accords en question étaient précisément destinés à donner aux entreprises la plus grande latitude possible pour réaliser des profits, et c'est ce qu'elles ont fait. Au Mexique, ces entreprises ont pu profiter du fait que les lois ouvrières étaient rarement respectées. Au Canada et aux États-Unis, l'augmentation de la valeur réelle des salaires a été freinée par la menace, réelle ou imaginaire, de fermetures ou de déménagements.

Pour le CTC, comme pour nos homologues ailleurs dans le monde, l'intégration économique ne peut réussir si l'on respecte les normes minimales en matière de conditions de travail et d'environnement.

• 0935

Dans un monde où le capital peut se déplacer librement et où de grands secteurs de la population mondiale demeurent sous employés et sous payés, il est facile de constater que l'écart qui se creuse entre la productivité et la rémunération ne peut que s'accentuer si l'on ne donne pas aux travailleurs des pays en développement les moyens de négocier leur juste part des avantages du libre-échange. Nous croyons qu'il s'agit là non seulement d'une question de solidarité mais que c'est également dans notre intérêt à tous. Le Canadien moyen ne pourra profiter des avantages du libre-échange que lorsque le niveau de vie des Mexicains sera suffisamment élevé pour qu'ils puissent acheter nos biens et nos services, et cela, le plus rapidement possible.

Outre ce que nous avons appris avec l'ALENA et les ententes auxiliaires dans le domaine du travail, l'accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, l'ANACT, nous a convaincu que, lorsque les violations des droits fondamentaux dans le domaine du travail, tout comme les autres atteintes portées à l'ALENA, ne sont pas sanctionnées, ces dispositions n'ont aucun effet sensible sur le comportement des agents économiques. Comme les membres du comité le savent sans doute, 22 accusations ont été portées en vertu de l'ANACT depuis 1994. De ce chiffre, 10 seulement ont fait l'objet d'une enquête. Aucune de ces violations n'a été soumise à l'arbitrage d'un groupe d'experts et, surtout, aucune n'a entraîné un résultat ressemblant même vaguement à une amélioration de la situation des travailleurs.

Nous recommandons par conséquent que l'on intègre à l'accord sur la ZLEA des dispositions exigeant que les parties mettent en application non seulement leur propre législation, comme le prévoit l'ALENA, mais également les normes fondamentales du travail établies par l'Organisation internationale du travail. Puisque la plupart des pays de l'hémisphère se sont déjà engagés à respecter ces normes, cela ne représenterait pas une exigence nouvelle imposée de l'extérieur. Nous recommandons également que toutes les normes fondamentales en matière de travail puissent être appliquées à l'aide des mêmes mécanismes de résolution des différends et déboucher sur les mêmes recours que les autres violations de ces ententes.

Dernièrement, le gouvernement du Canada a parlé d'incorporer à l'accord sur la ZLEA une clause sur la démocratie. Le CTC ne saurait s'opposer en principe à l'ajout de telles normes minimales à l'accord mais il serait bon qu'elles soient adoptées également par d'autres organismes comme l'OMC; cependant, nous tenons à indiquer clairement que nous ne considérons pas qu'une telle clause puisse remplacer utilement des clauses incorporant les normes fondamentales du travail. Comme nous l'avons vu au Mexique, même un pays officiellement démocratique peut négliger d'appliquer les lois ouvrières fondamentales. Les honorables membres du sous-comité seraient peut-être étonnés d'apprendre que cela est encore vrai sous le régime de Vincente Fox, comme cela était lorsque le PRI était au pouvoir.

J'en viens maintenant aux mesures d'aide à l'adaptation. Depuis que le Canada a signé l'ALE, des milliers de Canadiens ont perdu leur emploi en raison de la restructuration de la base industrielle de leur pays. Pour bon nombre d'entre eux, et en particulier pour les plus âgés, cela s'est traduit par de longues périodes de chômage et la plupart des gens touchés par cette opération ont dû puiser dans leurs économies pour survivre. S'il est vrai que le libre-échange fait plus de gagnants que de perdants, nous croyons qu'il serait équitable que les gagnants dédommagent partiellement les perdants. C'est pour cela que nous tenons à demander à nouveau que l'on adopte des mesures d'aide pour les travailleurs qui subissent les effets négatifs de ces changements.

En matière de sécurité du revenu, nous proposons deux initiatives concrètes et faciles à mettre en oeuvre qui relèvent tout à fait de la compétence du gouvernement fédéral. Premièrement, le gouvernement doit cesser de punir les chômeurs qui reçoivent des indemnités de départ à la suite d'un licenciement. Deuxièmement, il faut intégrer cette mesure au régime de l'assurance-emploi.

Dans le cas des principes directeurs pour une approche équilibrée aux échanges commerciaux, nous avons formulé des commentaires particuliers concernant le traitement de l'investissement dont je ne parlerai pas ici. Vous souhaiterez peut-être en prendre connaissance pour alimenter vos débats. Mais avant de terminer notre exposé, nous aimerions vous présenter des principes que nous aimerions voir adopter pour en arriver à une ligne de conduite commerciale équilibrée.

Nous croyons que la libéralisation des échanges ne peut être avantageuse que si elle s'effectue dans le cadre d'un programme plus vaste qui vise la croissance et le développement durable. Un tel programme doit comprendre des mesures qui assurent un cadre prévisible pour le commerce et les investissements en restreignant les flux de capitaux spéculatifs en vue de coordonner les politiques microéconomiques à l'échelle internationale, des mesures qui dynamisent les économies du Sud et qui renforcent la lutte contre la pauvreté, comme l'allégement de la dette et l'augmentation de l'aide au développement; enfin, et surtout, des mesures qui donnent aux représentants de la société civile dans le monde entier le pouvoir d'exiger que les gouvernements de leur pays honorent leurs engagements à l'égard des droits démocratiques et de la personne, en particulier quand il s'agit de la condition féminine. Ce sont là des conditions essentielles si l'on veut que tout le monde y gagne.

Une bonne partie de ce programme déborde le cadre actuel d'un accord commercial mais nous croyons qu'il doit néanmoins se refléter dans les grands principes sur lesquels reposent les politiques commerciales du Canada. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Pour ce qui est de la libéralisation du commerce, nous proposons les principes suivants qui pourraient orienter les négociations commerciales actuelles et futures. Le libre-échange est un moyen et non une fin. La libéralisation comporte non seulement des avantages mais aussi des coûts. Les règles du commerce international doivent tenir compte de la diversité des normes et des institutions nationales, tout en fixant des normes minimales. Les pays non démocratiques et ceux où les droits fondamentaux des citoyens ne sont pas respectés ne devraient pas pouvoir obtenir les mêmes privilèges commerciaux que ceux qui respectent ces principes.

• 0940

Les accords commerciaux doivent refléter dans toute la mesure du possible les accords internationaux en vigueur dans le domaine des normes du travail et de l'environnement et en faciliter l'application. Les accords commerciaux ne doivent pas imposer une fausse symétrie à des pays qui ont des niveaux de développement très différents et ils devraient tenir compte des besoins particuliers des pays en développement.

Des mesures d'atténuation doivent être prises pour dédommager les travailleurs pour les pertes qu'ils subissent en raison de la restructuration qu'entraîne l'assouplissement des barrières commerciales. Lorsque le gouvernement canadien voudra vraiment concilier les besoins de la population et les intérêts des entreprises, il pourra compter sur notre soutien inconditionnel et public.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

Nous allons entendre maintenant M. Molestina, qui vient de l'Équateur. Nous vous remercions, monsieur, d'être venu de si loin pour nous parler de cette question, qui revêt une grande importance pour votre pays, comme pour le nôtre. Nous vous sommes reconnaissants de bien vouloir nous faire connaître votre point de vue.

En fait, monsieur Molestina, puisque vous venez de si loin, vous pourriez peut-être prendre la parole maintenant et répondre ensuite à nos questions mais je vous demanderais de rester pour la prochaine série de témoins, parce qu'ils auront peut-être d'autres questions à vous poser.

M. Oswaldo Molestina Zavala: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.

Je m'appelle Oswaldo Molestina Zavala. Je suis un député du Congrès national de l'Équateur et j'ai été président de la Commission des affaires étrangères du Congrès de l'Équateur. Je suis aujourd'hui le vice-président de la COPA pour la région andine.

Au nom du président de la Conférence parlementaire des Amériques, un membre de la Chambre des députés du Brésil, M. Geraldo Magela, qui vous demande de l'excuser de n'avoir pu se rendre ici aujourd'hui, je tiens à remercier le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international d'avoir invité la COPA à participer à cette séance particulièrement importante sur le Sommet des Amériques et la zone de libre-échange des Amériques. C'est un honneur pour moi de représenter la COPA ici à titre de vice-président pour la région andine et de député du Congrès national de l'Équateur.

Mon exposé comporte deux parties. Je vais d'abord vous parler de la COPA, de l'organisation, de ses services et de ses objectifs et ensuite, vous présenter la position de notre organisme au sujet de la création de la zone de libre-échange des Amériques et du Sommet des Amériques qui va se tenir tout prochainement.

La Conférence parlementaire des Amériques comprend une assemblée générale, un comité exécutif, un secrétariat général et cinq secrétariats régionaux. Elle comprend également le Réseau des femmes parlementaires des Amériques. L'assemblée générale est l'organe suprême de la conférence. Elle réunit, tous les 18 mois environ, des délégations provenant d'États unitaires, fédéraux ou fédérés, ainsi que de parlements régionaux et d'organismes interparlementaires des Amériques. Le comité exécutif est élu par l'assemblée générale. Il formule des recommandations qui sont présentées à l'assemblée générale et il est chargé de la mise en oeuvre de ces décisions. Le secrétariat général est chargé d'assister le comité exécutif et le président de la COPA à mener à bien leur mission. Il coordonne tous les événements et les réunions tenus par la COPA et travaille en étroite collaboration avec les secrétariats régionaux qui sont situés en Amérique centrale, dans la région andine, dans le cône sud et aux Antilles.

Le Réseau des femmes parlementaires regroupe toutes les femmes membres des assemblées et des organismes parlementaires de l'hémisphère. Les membres de ce réseau se réunissent au même moment que l'assemblée générale et font la promotion de l'équité entre les hommes et les femmes, ainsi que de la participation des femmes aux instances décisionnelles de nos sociétés.

Ces composantes de la conférence travaillent de concert pour offrir divers services à la communauté parlementaire des Amériques. Le site Web de la COPA fournit, outre des renseignements concernant l'organisation, des données et des statistiques utiles concernant les parlements des Amériques, ainsi que les calendriers électoraux et législatifs.

• 0945

Le COPA Bulletin est un bulletin électronique publié tous les deux mois. Il traite des activités de la COPA ainsi que des événements qui touchent les parlementaires des Amériques.

Le COPA Magazine est une revue semestrielle qui fait le point sur les travaux de la COPA et traite des questions se rapportant au processus d'intégration des Amériques.

Les réseaux de parlementaires en voie de création sont des forums de discussion sur Internet qui permettront aux parlementaires d'avoir un lieu permanent pour échanger leurs points de vue sur des questions se rapportant à l'intégration continentale, comme la zone de libre-échange des Amériques, la démocratie et l'environnement. Chaque réseau sera pourvu d'une base de données et offrira des outils législatifs et internationaux se rapportant à son domaine de spécialisation. Les premiers réseaux verront le jour prochainement.

Troisièmement, la création et l'histoire de la COPA. Pourquoi la COPA a-t-elle été créée? Au cours du sommet de Miami de 1994, les chefs d'État et de gouvernement ont exprimé l'intention de renforcer la démocratie représentative et participative. Ils ont clairement invité les parlementaires de notre continent à intensifier le dialogue entre les assemblées législatives.

En fait, la création d'une zone de libre-échange des Amériques va déclencher un processus qui aura des effets multiples qui concernent directement les parlements à titre d'institutions centrales des régimes démocratiques.

En 1997, compte tenu de l'absence d'un forum parlementaire intercontinental qui permettrait aux législateurs d'échanger leurs idées et de les présenter aux autorités exécutives, l'Assemblée nationale du Québec a décidé de réunir pour la première fois dans l'histoire de l'hémisphère les parlementaires des États unitaires, fédéraux et fédérés des Amériques. Le Parlement du Canada s'est associé à cette entreprise. Plus de 1 000 participants, dont 450 parlementaires venant de 28 pays des Amériques, ont répondu à l'invitation.

La conférence a adopté à l'unanimité une déclaration finale prévoyant la création d'un comité international chargé d'instaurer un dialogue parlementaire interaméricain sur une base permanente. Ce comité s'est réuni à trois reprises; à Puerto Rico en 1998, au Guatemala et au Québec en 1999.

La COPA a tenu sa deuxième assemblée générale à Puerto Rico en juillet 2000. Plus de 200 parlementaires venant de 20 pays ont adopté les principes directeurs de la COPA, ce qui a donné naissance au premier forum interparlementaire permanent des Amériques.

Quatrièmement, la COPA, le Sommet des Amériques et la zone de libre-échange des Amériques. Comme on peut le lire dans la déclaration finale de Puerto Rico, la COPA appuie les objectifs du Sommet des Amériques et la création de la zone de libre-échange des Amériques. La COPA ne s'oppose donc pas à ces projets mais elle entend principalement veiller à ce que a) les législateurs de tous les niveaux soient informés et qu'ils puissent faire entendre leurs voix; b) le processus de négociation de la ZLEA soit transparent; c) l'impact de la création de la ZLEA sur les populations soit correctement évalué pour que tous les citoyens puissent en profiter; et d) la zone de libre-échange respecte les ententes et les mécanismes d'intégration régionaux déjà en place.

Ces attentes découlent de certains principes démocratiques fondamentaux. Il incombe aux législateurs de défendre les intérêts des populations qu'ils représentent et d'essayer d'améliorer leurs conditions de vie. Le dialogue continu et direct établi avec les citoyens permet aux parlementaires de stimuler un débat public sur les questions touchant les effets du libre-échange dans l'hémisphère.

• 0950

Étant donné que l'accord attendu devra être ratifié par les parlementaires des Amériques pour entrer en vigueur, il faudrait le renforcer grâce à la participation des parlementaires de tous les gouvernements de l'hémisphère, grâce à la transparence des débats entourant la création d'une zone de libre-échange et par la diffusion permanente des résultats des négociations en cours entre les chefs d'État et de gouvernement des Amériques.

Il est clair que le caractère démocratique des processus d'intégration économique ne pourra être que renforcé s'il s'instaure un dialogue entre les organisations interparlementaires et les organisations intergouvernementales, comme cela se fait en Europe et au sein du système d'intégration andine appelé la Communauté des nations andines, ou CAN, et le MERCOSUR, par exemple.

Compte tenu de son autonomie par rapport au pouvoir exécutif et de son approche pluraliste, la COPA favorise la libre expression des préoccupations et des objectifs de la collectivité par l'intermédiaire de ses représentants de tous les partis politiques. Cela constitue un complément essentiel aux pouvoirs exécutifs des États, aux organisations unilatérales et aux bureaux responsables de l'application de cette entente.

C'est pourquoi la COPA souhaite établir un dialogue franc et ouvert avec les chefs d'État et de gouvernement des Amériques pour introduire le degré de transparence et d'inclusion qui devrait entourer ce débat. C'est aussi pourquoi les participants ont demandé à Puerto Rico que chaque assemblée parlementaire de l'hémisphère tienne des consultations publiques sur les impacts de la création d'une zone de libre-échange, comme votre comité est en train de le faire, et comme l'a fait l'Assemblée nationale du Québec et le Congrès national du Brésil, que les chefs d'État et de gouvernement informent officiellement toutes les assemblées parlementaires de l'hémisphère, au moins six mois avant le premier Sommet des Amériques prévu pour avril 2001, de l'état d'avancement des négociations sur la zone de libre-échange, ce qui n'a pas été fait, et que les représentants de la COPA soient autorisés à participer au Sommet des Amériques dans le but de présenter aux autorités exécutives des Amériques les intérêts et les aspirations des populations de l'hémisphère au sujet des effets du processus d'intégration. Une demande en ce sens a été transmise à l'hôte du troisième Sommet des Amériques mais aucune suite ne lui a encore été donnée.

Pour terminer, j'aimerais vous indiquer que le comité exécutif de la COPA va tenir une réunion spéciale à Québec du 17 au 19 avril, juste avant le troisième Sommet des Amériques. Ont été invités non seulement les membres du comité exécutif mais aussi tous les présidents des parlements nationaux. Les parlementaires qui vont y participer vont examiner le rôle qu'ils devaient jouer dans le processus de négociation de la zone de libre-échange et dans le renforcement de la démocratie. La déclaration finale sera adoptée et communiquée aux chefs d'État et de gouvernement des Amériques. Les parlementaires auront également la possibilité de participer à certaines activités du Sommet des peuples, qui va lui aussi présenter sa déclaration finale à la réunion de la COPA.

Il est extrêmement important pour la COPA que le Parlement du Canada participe à cet événement. Si l'on veut susciter un dialogue parlementaire interaméricain, il faudra créer une nouvelle synergie pour les leaders des différentes assemblées législatives, des parlements régionaux et des organismes interparlementaires des Amériques. Il est essentiel que les parlementaires collaborent étroitement et que leur action soit coordonnée. C'est dans ce sens que notre président, M. Magela, a écrit au président du Forum interparlementaire des Amériques, le FIPA, M. Bill Graham, pour lui exprimer l'espoir d'établir un dialogue entre la COPA et le FIPA. Les parlementaires des Amériques doivent travailler ensemble à la réalisation d'un but commun.

Nous aimerions également inviter spécialement M. Graham, président de la FIPA et de votre comité, à la réunion de notre comité exécutif en avril prochain.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Molestina, et encore une fois, je vous remercie d'être venu ici.

• 0955

Chers collègues, je tiens simplement à vous rappeler que nous serons peut-être obligés d'aller voter si la sonnerie se déclenche. D'après ce que nous a dit le whip, cela pourrait être le cas entre 10 et 11 heures du matin.

Je tiens également à rappeler à tous que cette séance-ci prendra fin à 10 h 30. De 10 h

Je vais donc donner la parole à M. Lunn.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, AC): Merci, monsieur le président. Je voudrais d'abord m'excuser...

Le président: D'où sortez-vous?

M. Gary Lunn: Je vous demande d'excuser mon retard mais j'avais un conflit d'horaire ce matin. Pour être juste envers mes collègues, je vais donner la parole à quelqu'un d'autre parce que je n'ai pas assisté à la présentation des exposés.

Le président: C'est parfait. Je vous remercie. Je vais demander à...

[Français]

J'irai directement à M. Paquette.

M. Pierre Paquette: D'abord, je vous remercie pour vos présentations. Je pense que ça rejoint plusieurs positions que le Bloc québécois défend et a défendues, entre autres dans l'opinion minoritaire qu'il a livrée dans le rapport du sous-comité.

Je commencerai par m'adresser à M. Molestina. Il a parlé du respect des processus d'intégration en cours. J'imagine qu'il avait en tête aussi bien MERCOSUR que l'ALENA. Alors, j'aimerais qu'il développe cette idée du respect et nous dise comment le renforcement des accords régionaux peut être compatible avec l'idée d'une intégration continentale, comme la Zone de libre-échange des Amériques le suggère.

Ensuite, vu qu'on n'aura peut-être pas beaucoup de temps, j'aimerais qu'il nous parle de la déclaration de la conférence de la COPA à Porto Rico, dans laquelle on a fait allusion au problème de la dette extérieure. Il me semble que c'est un enjeu dont on ne discute pas suffisamment au Canada et j'aimerais qu'il nous en parle aussi.

[Traduction]

M. Oswaldo Molestina Zavala: Merci. Je vous demande de m'excuser parce que mon anglais n'est pas très précis. Il va m'arriver de demander à la personne qui m'accompagne ici de traduire ce que j'essaie de dire.

Le président: Très bien.

M. Oswaldo Molestina Zavala: J'aimerais commencer par mentionner qu'il existe déjà de nombreux processus d'intégration en Amérique latine. L'un des principaux processus existants en Amérique latine est en fait le Pacte andin, que l'on appelle à l'heure actuelle la Comunidad Andina. Sur le plan politique, et également juridique, c'est un processus très perfectionné. Il ne s'agit pas seulement d'une zone de libre-échange mais ce pacte prévoit des barrières protectionnistes contre les pays tiers. Cette organisation existe depuis plus de trente ans.

Il y a un autre processus d'intégration, le MERCOSUR, et il y a également le processus d'intégration des Antilles et celui de l'Amérique centrale. Ils opèrent toutefois à des niveaux différents.

J'aimerais vous rappeler que l'Amérique latine a commencé en 1960 une expérience de libre-échange qui s'appelait l'Association de libre-échange de l'Amérique latine. Elle a terminé ses travaux en 1980 et a été remplacée par un autre organisme appelé ALADI. Les gens pensent souvent qu'il s'agissait d'un accord très régressif, parce que pour eux une zone de libre-échange représente la seule façon d'en arriver à un processus d'intégration plus étroit que celui-ci, ce qui veut dire qu'il prévoit uniquement des traités bilatéraux ou multilatéraux ou des préférences entre deux pays. Mais pour l'Amérique latine, c'est un élément économique très important comme la question qui a été posée au sujet de notre dette internationale, qui étouffe nos économies, et comme les problèmes sociaux que connaissent la plupart des pays d'Amérique latine.

C'est ce qui explique que nous trouvons important que les processus d'intégration déjà en place soient respectés.

• 1000

Nous estimons en effet qu'il est très important que les processus d'intégration existants en Amérique latine soient respectés, tout comme la prise en considération des dettes. Il ne nous paraît pas possible que ce processus puisse déboucher si nous n'abordons pas au cours d'une conférence préliminaire ces deux questions que je considère, comme tous les pays de l'Amérique latine, très importantes.

Je ne peux imaginer une association de libre-échange avec les États-Unis qui nous amènerait à supprimer nos barrières tarifaires et mettre en place une zone de libre-échange en accordant des préférences aux États-Unis. Nous dirions peut-être la même chose au sujet du Canada, parce que c'est un pays développé. Nous sommes des pays sous-développés.

En outre, si je parle du point de vue de l'Équateur, je dirais que le développement de ce pays est à l'heure actuelle très différent de ce qui se passe dans l'économie du Brésil ou du Mexique. Il est très important que l'on tienne compte des différences entre les pays sous-développés et qu'on tienne compte de leur situation.

Je voudrais également vous dire que dans le Pacte andin, l'Équateur et la Bolivie sont sous-développés par rapport au Venezuela, à la Colombie et au Pérou. C'est ce qui différencie tous ces pays. C'est la raison pour laquelle dans l'Acuerdo de Cartagena, on a créé des préférences pour l'Équateur et la Bolivie par rapport aux trois autres pays qui font partie de la Communauté des nations andines.

Nous pensons donc qu'il est important d'aborder très franchement ces sujets. Nous ne pensons pas que cette obligation incombe uniquement aux gouvernements. Il est très important que les gouvernements prennent l'initiative de communiquer avec les assemblées législatives. Ce sont elles qui représentent le forum démocratique de tous ces pays, et c'est aux assemblées qu'il faut s'adresser, en particulier si l'on tient compte du fait que lorsque les gouvernements auront achevé leurs discussions, ils vont envoyer ces documents et ces traités aux assemblées législatives pour qu'elles les ratifient. Nous ne pouvons même pas changer un mot à ces documents. Nous sommes obligés de les adopter ou de les rejeter. C'est l'idée de la démocratie que se font ces deux puissances qui sont les grandes institutions démocratiques mondiales.

La vérité est que, dans ce domaine, les parlements ne possèdent pas suffisamment de pouvoir pour travailler en collaboration avec les gouvernements. Nous pensons avoir quelque chose à apporter. Nous sommes en mesure de tenir des débats très ouverts. Nous pouvons être le principal forum dans lequel ces débats peuvent s'organiser. Nous avons notre point de vue et les gouvernements seront au moins obligés d'écouter les opinions que nous entretenons au sujet des aspects importants qui touchent, d'après nous, l'avenir de l'ensemble des Amériques. Si nous ne le faisons pas, en particulier en Amérique latine, pour nos grands problèmes comme la pauvreté, les narcotrafiquants, la dette extérieure, nous ne pourrons pas trouver de solution. Les différences qui vont apparaître entre les États-Unis, le Canada, le Mexique ou le Brésil et les pays moins développés vont être si importantes qu'il sera tout à fait impossible de résoudre ces différends d'une façon pacifique. Voilà ce que je pense.

Je suis donc venu ici pour vous dire comment, en tant que citoyens des pays d'Amérique latine, nous pensons qu'il faut entamer ce débat et ces discussions pour essayer de convaincre les gouvernements, en particulier grâce à des discussions et un débat ouvert, que si nous n'arrivons pas à résoudre ces grands problèmes, nous n'allons sans doute pas trouver le moyen de mettre en place la zone de libre-échange des Amériques, ou n'importe quel système de libre-échange.

• 1005

Voilà, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. C'est une réponse très complète.

Nous avons largement dépassé l'heure fixée mais je pourrais peut-être poser une question. Nous pourrons ensuite refaire un tour de table. Je ne vois pas beaucoup de mains levées.

J'aimerais poser à M. Yussuff une question qui est reliée à une observation qu'a faite M. Molestina. M. Molestina affirme que le parlement de son pays n'est pas suffisamment consulté. Vous représentez le Congrès du travail du Canada et vous estimez également que vous n'avez pas été suffisamment consulté. On entend beaucoup parler du caractère ouvert des discussions—peut-on se procurer le texte en question?—et nous débattons aussi de cette question.

La difficulté que je... Notre comité a tenu des audiences au sujet de la zone de libre-échange des Amériques. Nous avons tenu des audiences au sujet de l'OMC au cours desquelles nous avons abordé à nouveau les mêmes questions, et comme vous le savez, les ministres procèdent également à des consultations au sujet de ce processus.

Monsieur Laliberté, vous avez assisté à la réunion des intéressés que j'ai coprésidée hier avec le Congrès du travail du Canada. Il y a toutes sortes de consultations.

M. Yussuff affirme: «Ce sont simplement des consultations pour la forme; ce ne sont pas de véritables discussions, mais c'est pour l'image.» Lorsqu'il y a un aussi grand nombre d'intéressés, et c'est le cas ici, notre comité essaie de les consulter de différentes façons; il me semble qu'il y a une différence entre dire «Nous n'avons jamais pu nous faire entendre, nous n'avons pas été consultés» et dire «Un instant, on a fait un choix politique mais ce n'est pas le choix que nous voulions.»

Je prétends que cela ne fait qu'introduire de la confusion dans le débat lorsque vous dites «que personne ne vous a écouté». Notre comité vous a écouté. Je vous ai écouté hier, et les ministres ont assisté à cette réunion et vous ont écouté. On a procédé à de très larges consultations.

Il y a la question de savoir s'il y a eu consultation et celle de savoir si la décision finale qui a été prise à la suite de ces consultations vous plaît ou ne vous plaît pas. Ce sont deux choses tout à fait différentes... mais c'est la politique.

Nous avons eu une élection il n'y a pas longtemps et nous avons consulté la population, les gens qui étaient contre le libre- échange, si je peux m'exprimer ainsi, étaient principalement des partisans du NPD, et celui-ci a obtenu 11 p. 100 des votes.

Il y a donc beaucoup... C'est la question.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je n'ai jamais siégé à un comité où le président pouvait abandonner son poste et exprimer une opinion aussi biaisée.

Le président: Eh bien, non, je suis désolé...

M. Pat Martin: Je ne siège pas à ce comité aussi souvent que les autres mais cela...

Le président: Je n'interviens pas très souvent mais j'essaie simplement... Laissez-moi m'expliquer.

M. Pat Martin: ...cela revient pratiquement à nous chapitrer. Vous devriez peut-être vous asseoir à cette table à titre d'invité et nous présenter un exposé si c'est...

Le président: Très bien. Si les autres membres du comité n'aiment pas...

M. Gary Lunn: Je vais prendre votre défense. Il me paraît tout à fait raisonnable que le président intervienne lorsqu'il souhaite poser une question.

Le président: Cette question intéresse tous les membres du comité parce qu'on nous parle souvent de manque de consultation et nous essayons de décider si le processus de consultation est efficace et comment... Je vois que M. Laliberté hoche la tête.

Ce n'est pas une prise de position partisane. J'aimerais simplement soumettre ce problème, si vous voulez, aux témoins.

Je vous demande de m'excuser si j'ai pris trop de temps mais c'est un problème qui nous gêne et vous pourriez peut-être nous aider à résoudre cette question.

M. Hassan Yussuff: Je n'ai pas du tout l'intention de dicter la conduite du comité. Vous avez des règles et vous allez sans doute régler cela entre vous.

Mais pour ce qui est de votre sortie au sujet des dernières élections, je tiens à préciser que ces élections ne portaient pas sur le libre-échange. Il n'y a pas eu de débat sur le libre-échange et il serait donc injuste de soutenir que les votes qu'a obtenus le NPD, quels qu'ils aient pu être, étaient ceux des adversaires du libre-échange. Je voulais replacer cela dans son contexte.

Il est tout à fait vrai, monsieur Graham, que l'on a procédé à de nombreuses consultations et j'ai assisté à toutes ces réunions au cours desquelles les représentants du gouvernement, les ministres et d'autres personnes ont demandé notre avis. La réalité est que malgré toutes les objections et tous les problèmes que nous avons soulevés, la façon dont les négociations commerciales sont conduites et même les recommandations présentées par votre comité parlementaire au ministre et à la Chambre ne reflètent aucunement notre point de vue.

• 1010

Cela me paraît inquiétant, car nous sommes une société civile. Nous ne comparaissons pas devant le comité simplement pour exprimer notre colère; vous devez tenir compte de ce que nous disons, réfléchir à la question et reconnaître que d'une certaine façon nous sommes plus représentatifs de la société. Une constante, ici comme au sein d'autres comités du gouvernement, c'est cette réplique qui revient toujours—le mantra du libre-échange qui doit être encouragé et ne rencontrer aucun obstacle quand notre gouvernement envisage ses négociations commerciales.

Là encore, il semble que personne ne nous écoute. Je constate que vous nous écoutez ici, ce matin, vous entendez les mots que nous prononçons, mais vous n'écoutez pas au sens où il y aurait une réflexion, ne serait-ce qu'au sujet de nos critiques.

Je crois que les problèmes sont toujours les mêmes. Je les répartirais en trois catégories: toute la question des droits de la personne et de leur place dans le contexte commercial; la question générale des droits des travailleurs dans le contexte des échanges commerciaux; la grande question de la protection de l'environnement. Ces problèmes sont évoqués depuis un certain temps déjà.

Nous avons pris connaissance du rapport du comité et nous avons examiné l'initiative du gouvernement. C'est vrai, il y a eu beaucoup de discussions, beaucoup de réunions. Certains jours, nous nous demandons pourquoi nous prenons même la peine d'y participer, car nous croyons que nous pourrions mieux utiliser notre temps d'autres façons, en essayant d'influencer les Canadiens plutôt que le comité. Nous reconnaissons que vous êtes les représentants du peuple, mais dans une société démocratique vous devriez quand même prêter l'oreille à ceux d'entre nous qui...

Je suis un représentant élu, je le signale en passant. Je ne suis pas ici comme un simple citoyen qui serait venu par hasard. Je représente 2,4 millions de personne et j'ai été élu par cette organisation.

Alors dans le contexte de notre discussion avec vous, nous espérons que vous réfléchirez un peu au type de questions que nous soulevons. Sinon, les rapports entre nous et vous, les députés, sont vraiment très superficiels.

Le président: Je vais certainement irriter à nouveau M. Martin, mais je dois revenir au rapport que le comité a déposé au sujet de l'OMC. Je ne sais pas si vous êtes venus témoigner à ce sujet, mais si vous examinez le rapport vous constaterez que nous, les membres du comité, nous y déclarons explicitement que nous refuserons d'appuyer nos politiques de libre-échange si les règles sur l'environnement, les normes du travail, les droits de la personne et la diversité culturelle ne sont pas respectés. Cela se trouve dans notre rapport, et d'après mes discussions avec M. White et d'autres membres du Congrès du Travail du Canada je crois qu'ils ont bien accueilli cette réflexion.

Vous ne trouverez peut-être pas notre position intégralement dans la politique du gouvernement. J'essaie de mettre les choses au clair, ici, mais je tente aussi de comprendre ce que nous pourrions faire de plus, à titre de comité parlementaire. Je vous remercie de votre réponse. Je comprends...

M. Hassan Yussuff: Pourquoi ne pas faire la même réflexion au sujet des négociations de la ZLEA par opposition au...

Le président: Je vous comprends. Je vais y revenir. M. Martin voulait faire un commentaire, je crois, puis la parole sera à Mme Marleau.

[Français]

et ensuite Mme Lalonde.

[Traduction]

Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.

Je remercie les intervenants qui ont présenté les trois exposés que j'ai entendus. Il y avait un thème commun. Compte tenu de nos contraintes de temps, je vais m'en tenir à ce thème commun qui se dégage des trois interventions. Il s'agit du fait que les législateurs doivent être informés pendant les négociations et non pas au moment de la ratification, après le fait, et qu'ils doivent participer aux négociations. J'ai entendu cela clairement de la part de M. Molestina Zavala.

Je vous demande, dans ce cas, votre opinion au sujet de la situation dans notre pays, où de nombreux intervenants—et non pas seulement les 11 p. 100 qui ont voté pour le NPD—mais de nombreux Canadiens—demandent à voir le texte du document avant que quoi que ce soit ne soit signé? Nous demandons à voir ce qui est vraiment sur la table parce que nous avons, à juste titre, des réserves sur ce qui pourrait être négocié en notre nom au cours de ces négociations. Ne croyez-vous pas que peut-être pas le grand public mais au moins les législateurs élus de notre pays devraient avoir accès au texte même du document, qu'ils devraient savoir ce qui se négocie en notre nom?

Je demande aux trois intervenants leur opinion à ce sujet, peut-être en commençant par M. Molestina Zavala.

M. Oswaldo Molestina Zavala: En effet, je le crois. Les députés et sénateurs doivent avoir le droit de prendre connaissance de ces documents et de les utiliser de façon appropriée. Parce que des éléments de discussion ne sont peut-être pas encore réglés, il ne faut pas les utiliser, sous peine de créer certains problèmes au sein de la population. Mais en tant que députés et représentants élus par le peuple—en particulier dans certains cas, certaines personnes sont élues, certains députés... Ils ont au moins besoin de savoir ce qui se passe, sans nécessairement connaître tous les détails de tous les documents. Il leur faut à tout le moins connaître ce qui aura une incidence directe sur leur avenir.

• 1015

Comme vous le dites, lorsque nous parlons de libre-échange, nous parlons peut-être de la libéralisation du commerce, mais nous ne nous interrogeons pas sur ce qu'il adviendra de la main- d'oeuvre. Est-ce que l'accord profitera aussi aux travailleurs? Est-ce qu'il imposera des conditions et des décisions pour protéger les populations contre ce qui risque de se produire si les échanges commerciaux s'intensifient et que nous devons ajouter des usines, par exemple? Ce sont là des aspects que chacun doit connaître, parce qu'ils touchent notre sécurité et notre santé. Nous ignorons les possibilités multidimensionnelles qui pourraient découler de cet accord.

Je crois qu'au moins les membres du Congrès qui participent au débat, en l'occurrence une commission internationale, doivent savoir. Et si nous faisons partie d'une organisation interparlementaire, par exemple la COPA ou la FIPA, et que nous demandons à voir les documents de négociation, je crois que ceux qui sont responsables de ces négociations doivent se sentir dans l'obligation de nous remettre les documents. Sinon, au moment de ratifier ces traités, nous n'en approuverons peut-être pas la teneur parce que nous n'avons pas été suffisamment informés. Nous aurons peut-être des objections concernant un, deux, trois ou quatre points, mais il nous sera alors impossible de changer un seul mot; nous devrons ratifier l'ensemble des négociations, et cela, à mon avis, n'est peut-être pas bon pour nos pays.

Le président: Monsieur Kirton.

M. John Kirton: Je réponds à titre de vétéran du Comité consultatif sur le commerce extérieur, où la question, vous vous en doutez bien, a déjà été abordée. Je crois qu'à cette étape du processus de la ZLEA, l'élément critique pour le comité correspond au rapport très honnête produit par les négociateurs, les Claude Carrière, les Marc Lortie et leurs homologues des autres délégations et des autres pays, qui nous disent où en sont les choses.

J'ai quelques raisons de parler ainsi. Tout d'abord, un document, évidemment collectif et inévitablement truffé de parenthèses, ne nous éclaire pas vraiment sur les intentions de la nouvelle administration américaine, un intervenant de poids, devant une politique qui n'est pas encore arrêtée.

Je crois qu'il serait utile en outre d'encourager nos partenaires de la collectivité à suivre l'exemple du gouvernement du Canada et à dévoiler leurs positions de négociation afin que nous puissions tous constater la forme que prendra l'ensemble, à partir des éléments, car c'est vraiment à cette étape que nous en sommes. J'aimerais en particulier connaître les positions de nos partenaires de l'ALENA, des signataires de l'Accord de libre- échange Canada-Chili, du Costa Rica, de l'Amérique centrale et, à mesure qu'elle se précise, celle des Caraïbes, tout cela en fonction des positions canadiennes.

Permettez-moi un dernier commentaire. Je veux faire remarquer que contrairement à l'ALENA, contrairement à l'Accord de libre- échange Canada-États-Unis, ces négociations ne portent pas sur la libéralisation des échanges commerciaux en soi. Elles s'inscrivent dans un processus plus vaste visant à édifier une communauté, processus auquel elles sont en quelque sorte subordonnées. Je crois que l'enjeu consiste maintenant à convaincre d'abord les leaders, par opposition aux ministres du Commerce, de poser les principes qui seront énoncés dans le préambule des divers accords, y compris la ZLEA, des principes de base qui sont transposés et qui régissent l'interprétation de l'entente. Le vocabulaire juridique spécifique au commerce et les annexes sur les tarifs, dans leur forme actuelle, dépassent même les capacités d'absorption de mes collègues universitaires les plus sérieux.

• 1020

M. Hassan Yussuff: Ma réponse comprend deux parties. Premièrement, je crois bien sûr que les députés, vos collègues et vous-même, doivent avoir accès au document, et ce pour une raison évidente. Vous êtes les représentants élus de la population de notre pays et vous pouvez voir ce que le gouvernement fait... Par contre, dans le contexte des négociations en cours, nous avons des fonctionnaires qui n'ont jamais été élus par qui que ce soit mais qui façonnent la politique de la nation. Je crois que sur le plan de votre responsabilité, bien sûr, il y a là une influence supplémentaire.

Il est essentiel que le texte des accords soit rendu public car nous voulons exercer une influence. Si nous croyons que les négociations vont dans un sens donné, nous avons un choix évident et nous pouvons influer sur le processus pour en modifier l'orientation. Compte tenu de l'importance de ces documents, s'ils demeurent trop longtemps secrets le processus s'animera de sa propre vie et il deviendra impossible à modifier.

Alors, quelle que soit l'issue des rencontres de Buenos Aires quant aux passages entre parenthèses, nous savons au moins sur quoi portent les divergences ou les préoccupations véritables des parties ainsi que les points sur lesquels, peut-être, il sera possible de s'entendre. Mais surtout, plus le texte sera diffusé tôt et plus vos collègues et d'autres intervenants auront l'occasion d'en débattre à la Chambre des communes, et nous, membres de la société civile, nous pourrons discuter avec le gouvernement et influencer nos députés et sénateurs pour donner une nouvelle orientation au texte.

Si nous ignorons de quoi il retourne, au bout du compte, comme nous l'avons dit précédemment, le Parlement sera prié de ratifier un document quand il sera trop tard pour y apporter des changements, malgré les préoccupations que vous avez, vous, les membres du comité, qui avez entendu toutes sortes d'arguments sur ce que le gouvernement devrait et ne devrait pas faire dans le cadre de ces négociations.

Il me semble donc que le problème est double. À titre de députés, je crois que vous avez une responsabilité supplémentaire. Je pense surtout que le texte lui-même doit être communiqué à la population, parce que le processus doit être transparent. Il n'y a rien dans tout cela qui nécessite le secret. Si des fonctionnaires non élus peuvent consulter le texte, je crois que les membres de la société qui ont une responsabilité politique doivent eux aussi avoir l'occasion d'en prendre connaissance.

Le président: Merci de ce débat utile. La question est certainement souvent venue sur le tapis, c'est incontestable, et nous essayons d'y répondre.

Madame Marleau.

Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Je veux dire à ceux qui ont présenté des exposés ici que nous sommes tous des députés, quel que soit le parti au sein duquel nous avons été élus, et que nous partageons vos préoccupations.

Si vous examinez le programme du sommet, vous devez reconnaître que vos préoccupations se reflètent dans le plan d'action proposé, les thèmes qui seront discutés. Il y a trois domaines, dont la démocratie et la façon dont la démocratie sera modifiée et dont nous pourrons mieux y participer.

Faut-il se croiser les bras? Si nous le faisons, je crois que nous devrions être accusés de laisser les grandes sociétés fixer les règles, faire ce qu'elles veulent, ignorer le point de vue de la population. Je crois qu'en faisant intervenir les leaders, en permettant le type de discussions qui se déroulent actuellement, en faisant valoir les principes démocratiques, les droits de la personne et des travailleurs, les questions de formation, l'enseignement, l'environnement... Il est très important que nous sachions tous que ces aspects sont inscrits au programme des discussions.

Je m'inquiète beaucoup lorsqu'on nous dit de ne rien faire. Je crois que nous manquerions à nos devoirs si nous suivions ce conseil. Il nous faut au contraire passer au niveau supérieur.

On nous parle de fonctionnaires non élus. Vous avez raison, les fonctionnaires ne sont pas élus. Mais les fonctionnaires participent à ces négociations suivant les instructions du gouvernement. Le gouvernement est élu. En l'occurrence, le Parti libéral est au pouvoir.

Je peux vous dire que le gouvernement libéral, le premier ministre et les ministres se soucient énormément de ce que les députés ont à dire. Ils écoutent—toutes les semaines, ils écoutent—ce que les membres du caucus ont à dire. Ils écoutent leurs craintes, les dossiers qu'ils veulent faire progresser, non seulement pour le Canada mais pour l'hémisphère. Ils écoutent aussi les membres de l'opposition. C'est ce qui guide les bureaucrates pendant les négociations.

Ma question est donc la suivante: si vous ne voulez pas que nous participions au processus ou que nous tenions ces réunions, quelle solution avez-vous à proposer au sujet de ce qui se passe sur la scène mondiale, vu l'évolution rapide de la technologie, la mondialisation, tout ce qui se passe sans que nous intervenions? Est-ce que vous proposez, est-ce que certains d'entre vous proposent que nous restions à l'écart et que nous laissions tout cela se produire? Je comprends mal pourquoi certains veulent mettre un terme aux discussions entre les gouvernements, une activité essentielle pour faire passer notre message. Pouvez-vous me dire quelle autre solution vous proposez?

• 1025

Nous pouvons tous nous prélasser dans le confort de notre petite démocratie, ici, au Canada et affirmer «Nous sommes élus, nous sommes des démocrates et nous faisons tout ce qui est bien». En réalité, compte tenu des nouvelles technologies, le monde évolue si rapidement que nous devons passer à ce niveau supérieur. Nous devons veiller à ce que des règles appropriées soient adoptées parce que nous voulons protéger la population—la nôtre et celle d'autres pays.

Alors pourriez-vous s'il vous plaît me dire ce que vous proposez comme solution de rechange?

M. Hassan Yussuff: Nous allons tous deux répondre, mais permettez-moi d'abord de préciser que je ne vous ai jamais suggéré de négliger la responsabilité qui consiste à représenter les Canadiens. Je n'ai jamais proposé que nous mettions un terme aux discussions. Dans le contexte du débat et du dialogue, nous devons par contre aussi prêter l'oreille à la population.

Toute la question de la démocratie, de l'importance absolue de la démocratie, est indéniable. Toutefois, au bout du compte, nous pouvons certainement soutenir que Cuba ne devrait pas participer à la réunion des premiers ministres de la ZLEA, à Québec, parce que ce pays n'est pas une démocratie, c'est un fait. Par contre, la Chine, qui n'est pas non plus une démocratie, peut exercer son influence au sein de l'OMC, et personne n'y trouve rien à redire.

Il nous faut maintenir une certaine cohérence dans nos arguments. Et je ne prétends pas qu'il s'agisse d'une opinion du comité. Je vous rappelle seulement les raisons évoquées pour inviter ou écarter certains pays.

La démocratie, bien sûr, il faut en parler «parce que» l'hémisphère compte des pays et des gouvernements qui ont des problèmes à ce chapitre. Au-delà, il nous faut un dialogue plus vaste sur la façon dont nous envisageons la mondialisation et le modèle suggéré. Le modèle est un simple modèle néo-libéral, et la seule façon de continuer à discuter de tout cela est d'accepter le caractère inévitable du libre-échange et le fait qu'il n'existe pas de solution mitoyenne.

Je crois que la discussion s'inspire du modèle de l'ALENA, et du modèle de ZLEA proposé par les États-Unis. Il n'y a pas de modèle qui convienne vraiment à la suite des pourparlers sur la libéralisation des échanges dans l'hémisphère. C'est un argument que le Congrès du Travail du Canada ramène sans cesse. Nous soutenons que ces modèles ne conviennent pas. Vous devriez en utiliser un autre. M. Graham a parlé précédemment du rapport du comité parlementaire au sujet de l'OMC, un rapport où, là encore, des recommandations très valables sont proposées. Ces recommandations devraient être évaluées et il faudrait trouver des façons de les intégrer à la discussion sur la ZLEA.

Bref, nous ne proposons certainement pas de mettre un terme aux discussions.

Je veux aussi préciser que j'ai passé beaucoup de temps en Amérique latine, en Amérique centrale et dans les Caraïbes, dans l'exercice de mes fonctions. J'y ai rencontré des collègues, discuté des questions qui vous occupent actuellement et éprouvé la même frustration que celle que vous éprouvez maintenant. J'ai parfois le sentiment que mon gouvernement n'écoute rien, mais lorsque je visite d'autres régions des Amériques, je constate qu'il y règne la même impression.

Les ministres du Commerce vont se réunir à Buenos Aires dans deux ou trois jours, et ce pays va être en pleine tourmente en raison de la situation économique. Mes collègues vont descendre dans la rue. Pourquoi sont-ils en colère? Ils ne sont pas idiots. Ils ne sont pas fous. Ils sont en train de perdre leurs moyens de subsistance. Ils se sentent menacés par le système.

Au bout du compte, évidemment, le Parlement aura un rôle prépondérant à jouer, mais je crois qu'il est intéressant d'écouter aussi la population. Je ne dis pas que vous devriez vous abstenir de participer aux discussions.

Je vais maintenant laisser mon collègue faire quelques commentaires.

M. Pierre Laliberté (économiste principal, Politiques économiques et sociales, Congrès du Travail du Canada): Vous avez abordé pratiquement toutes les questions qui m'intéressent.

[Français]

Je vais vous le dire en français. Je pense qu'on a une idée vraiment différente du «pourquoi» et du «comment», dans le fond. Peut-être qu'on partage le «pourquoi» en gros, mais il reste à savoir comment on va faire ça. C'est pour cela qu'on insiste toujours sur les normes fondamentales du travail. Il faut avoir un plancher.

On ne dit pas que les gens en Amérique du Sud devraient avoir les mêmes conditions de travail qu'on a au Canada. Non, ce n'est pas ce qu'on dit. Mais ce qu'on voit ici, c'est qu'on ouvre les portes aux investisseurs. On leur donne un accès privilégié. On enlève des contraintes. On force les pays à abdiquer des pans de souveraineté. On protège les droits de propriété intellectuelle. Mais quand on arrive aux questions qui concernent les gens qui travaillent à tous les jours, que c'est donc sensible.

Pour nous, c'est fondamental. Si ça ne fait pas partie de ce qu'on présente comme alternative et comme modèle, franchement, vous pouvez peut-être comprendre pourquoi on a un problème.

• 1030

Mme Diane Marleau: Je veux juste dire que je suis convaincue que nous voulons que ça en fasse partie. C'est cela que je veux dire, parce que nous, de notre côté, nous voulons que ce soit là aussi...

M. Pierre Laliberté: Mais il faut le mettre dedans.

Mme Diane Marleau: ...mais il faut commencer à un point.

M. Pierre Laliberté: Il faut que ce soit dans les positions de négociation.

[Traduction]

Le président: Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn: Je serai bref, monsieur le président. C'est plutôt un commentaire.

Nous avons entendu bien des arguments voulant que le texte soit rendu public. Je tiens à dire que je suis tout à fait d'accord, nous devrions publier ce texte. Ne nous faisons pas d'illusion: il y a 34 pays participants et chacun connaît les positions de négociation des autres—il n'y a vraiment pas de grands secrets dans tout cela.

Cela dit, je comprends aussi la position contraire. Certaines personnes hésitent. Je veux simplement que cela soit dans le compte rendu. Si vous prenez cet énorme texte, c'est-à-dire les positions de 34 pays, il y aura certainement des personnes qui, dans leur propre intérêt, se saisiront d'un paragraphe ici et d'un autre là, tout à fait hors contexte. Ils vont exploiter ces données pour essayer d'influencer la population et faire progresser leurs propres dossiers—qui ne représentent pas les discussions. Il me semble justifié de craindre une publication trop hâtive d'une masse d'information qui ne reflète pas vraiment l'orientation des discussions.

Je crois tout de même qu'il faudrait publier un texte. Le Parlement devrait s'engager pleinement dans le débat.

Je tiens toutefois à ajouter ceci. Si vous me le permettez, le moment d'intervenir... Les négociations vont se poursuivre encore pendant deux ou trois ans. Aucun accord ne sera signé à Québec. Il s'agit d'un processus de deux ou trois ans. Alors si vous voulez des audiences spécifiques devant des comités au cours des deux ou trois prochaines années, nous pourrons tenir d'autres débats de ce genre.

Je ne doute pas que nous soyons disposés à envoyer nos négociateurs là-bas pour entendre des propositions précises. Je suis convaincu que certains témoins nous soumettront des points de vue différents—je suis tout à fait en faveur du libre-échange, comme Tony Blair. Je crois qu'il serait bon que la population des pays visés participe à ces discussions.

Pour conclure, monsieur le président, je veux dire que nous entendons bien des choses au sujet des protestations et de la désobéissance civile. J'exhorte les personnes qui ont une influence quelconque là-dessus à prendre conscience du fait que de tels gestes n'aboutiront pas à des suggestions constructives et valables dans cette discussion. C'est une questions de crédibilité. Le comité représente tous les partis politiques du pays, et nous voulons entretenir un dialogue valable. Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur tout, mais ces réunions sont la meilleure façon de contribuer utilement et positivement au résultat final de toute négociation de libre-échange pour les Amériques.

Le président: Nous allons considérer qu'il s'agit là d'une observation plutôt que d'une question. C'était un commentaire.

Il est maintenant 10 h 30, nous allons donc mettre un terme à cette partie de la séance et passer au groupe de témoins suivant.

Auparavant, toutefois, je vais demander à M. Molestina de bien vouloir participer à la prochaine table ronde. Nous n'allons pas vous demander de reprendre votre exposé, mais veuillez rester avec nous, au cas où d'autres questions seraient posées.

Nous avons une autre raison de vous garder: nous voulons féliciter l'Équateur d'avoir remporté la victoire sur le Brésil hier, au soccer.

M. Oswaldo Molestina Zavala: Je l'ignorais.

Le président: Voilà—rien n'échappe aux doctes recherchistes de la Bibliothèque du Parlement.

Des voix: Oh, oh!

M. Oswaldo Molestina Zavala: J'en suis très heureux.

Le président: On me dit que l'Équateur a remporté la victoire sur le Brésil lors des qualifications pour la Coupe du monde, hier. Nous vous félicitons.

Je le signale parce que le Canada étant voisin des États-Unis, il a des raisons de se réjouir quand l'Équateur bat le Brésil!

Passons à une question administrative. Je donne la parole à M. Lunn.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Pendant que les témoins prennent place, j'aimerais en quelques secondes demander au comité de bien vouloir présenter une motion pour inviter, d'ici le 18 mai, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international à comparaître devant nous au sujet du Budget principal des dépenses pour l'exercice 2001-2002. Nous leur demandons de fournir toute l'information et les documents pertinents au sujet des plans et des priorités de leurs ministères respectifs.

Est-ce que le comité m'autorise à présenter cette motion pour inviter les ministres à comparaître au sujet du budget des dépenses?

Le président: C'est la coutume—nous invitons toujours les ministres au moment du budget, il n'y a donc pas d'objection. Nous n'avons pas eu nos 24 heures d'avis, mais c'est normal. Le 18 mai est la dernière date où nous pouvons accueillir les ministres.

M. Gary Lunn: Il suffit que les deux ministres puissent se présenter d'ici le 18 mai.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Monsieur le président, le comité directeur avait-il prévu ça quelque part?

Le président: On n'avait pas prévu la date, mais le comité pense toujours aux prévisions budgétaires.

[Traduction]

C'est l'ordre permanent numéro 81. Nous devons le faire. Nous allons l'approuver, aujourd'hui ou la prochaine fois, alors autant le faire maintenant.

• 1035

[Français]

M. Pierre Paquette: Puisqu'on en est aux invitations, je veux demander au comité si on peut inviter la ministre du Patrimoine canadien. La culture est un enjeu majeur de la négociation et on n'en a pas discuté au Comité du patrimoine. Il me semble que ce comité-ci doit en tenir compte.

Le président: Le problème en est un de temps.

Mme Francine Lalonde: Est-ce que Robert Pilon va venir?

Le président: Je suis d'accord avec vous que c'est très important parce que la diversité culturelle est sur la sellette. Sur la question de temps, comme je vous l'ai dit, on aura des séances après. Donc, avant de faire un rapport, peut-être qu'on devrait entendre le ministère du Patrimoine.

[Traduction]

À ce sujet, monsieur Harvard, nous vous écoutons.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): J'en appelle moi aussi au règlement, monsieur le président. Je veux ajouter quelque chose aux remarques de M. Paquette. Je suis membre du Comité du patrimoine, et le Bloc là-bas, dans ce comité...

J'ai vraiment de la difficulté à parler avec tout ce bruit.

Le président: Mesdames et messieurs—madame Lalonde—nous sommes toujours en réunion. J'ai demandé aux témoins de prendre place, mais comme le temps nous est compté nous essayons de régler des questions administratives en même temps. Normalement, nous lèverions provisoirement la séance, mais j'essaie d'accélérer les choses. Alors je vous demande de vous installer pendant que la discussion se poursuit.

Monsieur Harvard.

M. John Harvard: À titre d'information, pour les membres du comité, une motion semblable a été présentée au Comité du patrimoine. Nous avons été informés que la ministre Copps n'était pas disposée à traiter des questions de patrimoine et de culture qui se rapportent au sommet, parce que c'est là une responsabilité de M. Pettigrew. Elle était prête à discuter de sa participation à ce qu'elle appelle les instruments culturels internationaux. Alors à titre d'information, pour M. Paquette et les autres, je crois qu'il serait vain de demander à Mme Copps de venir ici—parce qu'elle ne parlera d'aucun aspect touchant le Sommet des Amériques. C'est la responsabilité de M. Pettigrew.

Je voulais simplement vous le signaler. Faites comme bon vous semble.

Je veux aussi inscrire une observation au compte rendu, monsieur le président. Je n'ai pas d'objection à ce que vous, à titre de président du comité, souleviez les questions qui vous intéressent. Notre président apporte une certaine rigueur intellectuelle au débat. La question qu'il a posée—en effet, c'était une sorte d'exposé, mais je crois que cela a ajouté quelque chose à nos délibérations et que c'était utile. Je pense que nous avons tous profité de l'échange qui a suivi votre question.

Je veux ajouter, monsieur le président, que j'aimerais que les députés et les témoins s'en tiennent aux cinq minutes qui leur sont allouées. Je crois que c'est de manquer de respect aux députés et aux témoins dont le nom vient en fin de liste que de les obliger à écouter les interminables questions et réponses de ceux qui les précèdent. Nous avons fixé à cinq minutes le temps de parole, et même si je ne demande pas qu'on le respecte à la seconde près je crois qu'il faudrait quand même s'en tenir à la limite fixée.

Lors de la dernière séance, un échange a duré très longtemps. Je n'ai rien à redire à sa teneur—la réponse était très complète, mais j'aurais voulu entendre ce que d'autres avaient à dire à ce sujet, et nous n'en avons pas eu l'occasion.

Le temps nous est vraiment compté. C'est la raison pour laquelle nous fixons des limites.

Le président: Je vous remercie de cette remarque, mais je vais préciser un aspect. Parfois, je laisse un intervenant continuer sur sa lancée parce qu'il n'y a personne d'autres sur ma liste. Je ne voudrais pas devoir confesser qu'il n'y a plus de questions!

Si la liste est longue—soyez sans crainte, je n'hésite pas à faire respecter les règles. Je vous remercie de votre commentaire. Un rappel est toujours utile, car j'ai tendance à laisser le débat se poursuivre. Je vous remercie beaucoup, monsieur Harvard, de ce commentaire.

Je vais maintenant présenter nos prochains témoins. Il s'agit de M. Alan Alexandroff, de l'Institut C.D. Howe, de Mme Diana Tussie, de la Faculté latino-américaine des sciences sociales en Argentine, actuellement en visite à l'Université de Toronto, et de Mme Ann Weston, de l'Institut Nord-Sud.

Procédons donc dans cet ordre. Je vous demande à nouveau de vous en tenir aux dix minutes qui vous sont allouées, pour que nous ayons le temps de poser des questions.

Monsieur Alexandroff.

• 1040

M. Alan Alexandroff (boursier en résidence, Institut C.D. Howe): J'en suis conscient, monsieur le président. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de participer aux travaux du comité. Il m'est toujours agréable de vous rencontrer, monsieur le président, ici et là dans le monde, au hasard de nos voyages respectifs.

Je vais aborder très brièvement deux questions. Premièrement, pourquoi le Canada devrait-il allouer une partie de ses maigres ressources pour permettre à ses fonctionnaires de négocier l'accord de la ZLEA? Quel objectif devrait-il chercher à atteindre grâce à cet accord?

Deuxièmement, quelle protection faut-il prévoir pour les investisseurs canadiens—et pourquoi cette protection est-elle nécessaire? Ce sont là les deux questions que je vais tenter d'exposer ici.

Mais je vais d'abord me présenter. Je suis boursier en résidence à la Division de la politique internationale à l'Institut C.D. Howe. Je suis également directeur de la recherche au programme de gestion des conflits et de négociation au Centre d'études internationales Munk, à l'Université de Toronto.

Je suis directeur canadien d'une société appelée LECG Inc.—un cabinet de consultants spécialisés dans les questions économiques et financières mondiales, qui compte dix bureaux en Amérique du Nord ainsi que des succursales en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Argentine.

Finalement, je dois signaler que je suis conseiller auprès d'un cabinet d'avocats qui a représenté les plaignants dans toutes les affaires en cours au Canada relativement au chapitre 11. Par conséquent, les règles de la confidentialité limitent ce que je peux déclarer, sauf si je parle de questions déjà du domaine public. Je ne pourrai donc répondre aux questions que si elles sont du domaine public.

Revenons à la première question. Pourquoi le Canada devrait-il dépenser ses maigres ressources? Je pense parfois que la population dans son ensemble ne comprend pas que nous avons une fonction publique restreinte, un groupe limité de négociateurs. Nous ne pouvons pas tout faire.

Il me semble que des négociations aussi complètes que celles de la ZLEA nécessitent un cadre multilatéral. Il s'agit pour le gouvernement du Canada de déterminer s'il est possible de participer à de vastes négociations à la table de l'OMC. Il se peut fort bien qu'après évaluation de cet aspect, et compte tenu des circonstances actuelles, il semble peu probable que nous puissions passer de l'OMC à un processus multilatéral. Dans ce cas, une grande négociation de l'hémisphère occidental, et la conclusion éventuelle d'un accord, seraient utiles, mais seulement si nous poursuivons ce que nous avons commencé. La négociation d'un accord qui ne serait ni une ALENA élargie, ni une OMC élargie me semble exiger un surcroît d'effort sur de nombreuses années pour un gain très modeste.

Il est donc essentiel que ceux qui s'inquiètent des négociations de la ZLEA fassent ce calcul. Le président et moi-même avons eu l'occasion d'en discuter en privé lorsque nous étions tous les deux à Seattle, pendant les négociations de l'OMC—qui, évidemment, n'ont pas abouti.

Précédemment dans le cadre de ces négociations, je bavardais avec des représentants de l'OMC. Nous faisions des blagues au sujet du nom à donner à la prochaine série de négociations. Nous pensions peut-être que l'on pourrait parler du Millennium Round, et les Américains envisageaient un Clinton Round. Puis, un brillant collègue s'est avancé et a déclaré «Non, non, appelons-le le Protectionist Round». C'est exactement ce qui se passait là-bas. Chacun s'inquiétait tant de la protection de son territoire qu'il n'y avait guère de discussion sur la libéralisation. De fait, au bout du compte, il était clair qu'aucune entente n'était possible—parce que chaque pays voulait s'en tenir à ce qui lui permettait de protéger ses intérêts nationaux propres.

Si nous participons à ces grandes négociations avec 34 pays, nous devons à tout le moins faire quelque chose pour aller au-delà de l'état actuel de libéralisation de l'économie mondiale.

• 1045

Deuxièmement, quelle protection faut-il assurer aux investisseurs canadiens? Et pourquoi cet aspect est-il important? Le ministre Pettigrew a déclaré entre autres qu'il espérait que ces négociations pourraient mener à l'instauration d'un nouveau cadre au sein duquel les entreprises et entités canadiennes auraient l'occasion de faire du commerce et d'investir et que, ce faisant, elles nous aideraient à atténuer notre dépendance à l'égard des États-Unis. C'est un objectif raisonnable, il me semble.

Mais pour parvenir à ce résultat, il faut prévoir un ensemble de mesures de protection aussi complet que possible. Et pourquoi donc? La raison en est, me semble-t-il, relativement simple. Vous avez besoin de sécurité économique et d'une bonne compréhension du cadre pour permettre aux entreprises canadiennes de se risquer, en l'occurrence dans l'hémisphère occidental—les Caraïbes, l'Amérique latine, l'Amérique centrale—dans un contexte commercial inconnu. De fait, il vous faut prévoir des mesures qui donnent une protection relativement large. Sinon, les entreprises canadiennes s'en tiendront aux cadres qu'elles connaissent assez bien, c'est-à- dire le Canada et les États-Unis.

Vous ne pouvez donc pas demander aux entreprises canadiennes de se lancer dans le monde, un monde inconnu dans la plupart des cas—à en juger par le volume des échanges, vous savez, nous commerçons aux États-Unis et au Canada, et non pas dans ces autres régions du monde—sans leur donner certaines assurances quant à leurs investissements.

J'ai participé à des discussions préalables sur le chapitre 11 au sujet des négociations du gouvernement avec les deux autres signataires de l'ALENA. Il était très clair à l'époque—les objectifs ont peut-être changé par la suite—que la raison d'être du chapitre 11, la protection des États investisseurs, découlait en partie des déclarations faites par les négociateurs américains, qui considéraient que pour encourager les investisseurs à se tourner vers le Mexique il fallait créer un tribunal commercial qui donnerait aux investisseurs américains, et en principe également aux investisseurs canadiens, la confiance nécessaire pour se lancer sur les marchés du Mexique et commencer à y investir et à y commercer. Il me semble que rien n'a changé à cet égard. Si le ministre veut que les entreprises canadiennes prennent de l'expansion dans le monde, il doit leur offrir les protections nécessaires.

Je terminerai ici mon intervention, mais je serai heureux de me pencher sur d'autres aspects. Et je crois que le ministre lui- même a fait des commentaires au sujet du chapitre 11, récemment encore—du moins à ma connaissance—dans la page éditoriale du National Post le 23 mars. Certains d'entre vous ont peut-être même pris connaissance des raisons qu'il invoquait pour remettre en question certaines décisions des tribunaux de l'ALENA et, de façon plus générale, d'une discussion sur ce qui est nécessaire. Il me semble juste de dire que le ministre n'a pas suggéré d'écarter toute disposition similaire au chapitre 11, mais qu'il s'inquiétait de la façon dont en règle générale ces commissions interprètent et limitent les politiques et les objectifs gouvernementaux.

Permettez-moi d'ajouter, en tout dernier lieu, qu'en réalité, évidemment, le chapitre 11 n'habilite aucun tribunal à renverser les lois ou l'administration canadiennes. Le seul recours prévu par le chapitre 11 est le dédommagement. Alors cette discussion sur les contraintes s'exerçant sur les objectifs de la politique publique légiférée par les gouvernements me paraît sans objet. Le tribunal n'a pas le pouvoir de casser les lois canadiennes. Ce qu'il a, c'est la capacité de dédommager quelqu'un qui, à son avis, n'a pas obtenu satisfaction suite à une obligation que le Canada a acceptée, en particulier aux termes de l'article 1105 sur la norme minimale de traitement. Et le ministre lui-même a abordé la question de l'article 1110, consacré à l'expropriation. Je vous signalerai, en passant, que le Canada n'a jamais été pris en défaut en vertu de l'article 1110 sur l'expropriation, dans les rares cas où cet article a fait l'objet de contestations. Je ne comprends donc pas du tout l'inquiétude du ministre.

• 1050

Finalement, l'article 1102 est la base de l'obligation de traitement national que le Canada a acceptée non seulement dans le cadre de l'ALENA mais aussi à l'OMC et partout où il s'est engagé en vertu d'ententes internationales générales.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Alexandroff.

Madame Tussie.

Mme Diana Tussie (directrice du Programme de recherche sur les institutions économiques internationales et le Réseau commercial d'Amérique latine à Buenos Aires, chercheure principale au Département des relations internationales, Faculté latino- américaine de sciences sociales (FLACSO) Argentine): Merci beaucoup de me donner l'occasion de participer à ces discussions très opportunes—opportunes, j'imagine, non seulement en raison des réunions qui se tiendront la semaine prochaine à Buenos Aires puis, vers la fin du mois, à Québec, mais aussi en raison de l'agitation qui secoue actuellement le MERCOSUR. La situation au sein du MERCOSUR aura certainement un effet sur les négociations, et inversement. Quoi qu'il advienne de la ZLEA, de l'objet et de la portée de la ZLEA, cela aura beaucoup d'influence sur la façon dont la tourmente actuelle se calmera.

Je vais simplement résumer ce qui s'est passé la semaine dernière en Argentine. L'Argentine a demandé une exemption temporaire pour porter le tarif extérieur commun sur les produits finaux à 35 p. 100, le niveau fixé par l'OMC à l'Uruguay Round. Il a demandé une exemption pour relever le tarif extérieur commun sur les produits finaux et pour retirer entièrement—c'est-à-dire pour ramener à zéro—le tarif sur les biens d'équipement.

La mesure a été accueillie avec soulagement et avec beaucoup de plaisir, je crois, par l'Uruguay, le Paraguay et le Chili et elle a été acceptée par le Brésil à titre de suspension temporaire d'un engagement. Alors, d'une certaine façon, nous avons maintenant une suspension temporaire des engagements au sein du MERCOSUR pour former une union douanière. Il s'agit d'une mesure temporaire. Il est encore trop tôt pour dire si elle sera acceptée ou pas.

[Français]

Le président: Avez-vous dit qu'on estime que le MERCOSUR deviendra une union douanière?

[Traduction]

Mme Diana Tussie: Non.

Le président: Une union douanière?

Mme Diana Tussie: Non, elle a suspendu son engagement de participer à une union douanière.

Le président: Alors il s'agit d'un retrait.

Mme Diana Tussie: Oui, c'est exact.

[Français]

Le président: Vous avez compris ça, madame Lalonde?

[Traduction]

Mme Diana Tussie: Un recul... l'autorisation temporaire de ne pas appliquer l'union douanière. Permettez-moi de préciser cette question: la zone de libre-échange a été créée. Le libre-échange entre les quatre pays du MERCOSUR et le Chili n'a pas été mis de côté. Est-ce clair?

Le président: Alors c'est simplement que les pays ne sont pas prêts à passer à l'étape suivante pour l'instant?

Mme Diana Tussie: C'est exact. Un tarif extérieur commun a été imposé à environ 80 p. 100 des biens, et pour l'instant l'application de ce tarif extérieur commun est suspendue.

Le président: Très bien.

Mme Diana Tussie: Comme je l'ai dit, la mesure a été demandée par l'Argentine, pour des motifs financiers ou en raison d'une situation financière précaire. C'est une mesure qui était attendue—prévue—avec soulagement et un certain bonheur par les petits pays qui ont souffert des coûts de la diversion du commerce attribuable au tarif extérieur commun. Le seul pays qui avait le pouvoir de modifier le scénario était l'Argentine, et il s'en est finalement prévalu.

Cela doit être analysé sur fond de ZLEA. Il s'agit d'un aspect que je veux examiner. Au Canada, il est peut-être difficile de bien voir que la ZLEA est également, de façon étonnante, un jeu dans lequel on se sert d'un puissant voisin contre un autre.

C'est un jeu pour l'Uruguay, le Paraguay et le Chili, qui dressent l'Argentine contre les États-Unis et les États-Unis contre l'Argentine, et pour l'Argentine, qui joue le Brésil contre les États-Unis et inversement. C'est ainsi que les pays peuvent manoeuvrer. Cet aspect vous reste caché, mais je crois que c'est un des moteurs de la ZLEA.

Cela signifie, en quelque sorte, comme nous l'avons vu au cours des trois dernières années, en particulier depuis le dernier sommet présidentiel, que les négociations ont progressé très rapidement, plus rapidement que prévu. Elles ont acquis une énergie propre. Les secteurs public et privé ont tous deux massivement investi dans le processus. Ils ont investi du temps et des ressources très diverses, ce qui, d'une certaine façon, a alimenté le brasier. Les négociations semblent progresser par elles-mêmes, avec la participation des secteurs public et privé.

• 1055

Mais cette évolution, ce changement, ne se produit pas seulement grâce à ce moteur. Il y a eu un changement d'attitude et de perception au sein des autres gouvernements d'Amérique latine, qui sont passés d'un enthousiasme naïf à l'égard de la ZLEA à un obstructionnisme buté que nous avons utilisé, il y a deux ou trois ans, pour obtenir un engagement plus constructif et un regain d'intérêt.

La portée et le champ d'application de la ZLEA restent à déterminer. Je crois que les décisions primordiales seront prises au cours du mois qui vient, à la réunion ministérielle de la semaine prochaine et lors du sommet présidentiel de suivi, à Québec.

La ZLEA repose sur neuf groupes de négociation: la propriété intellectuelle, la politique de concurrence, l'accès aux marchés, l'agriculture, le traitement de l'investissement étranger, etc. Il ne faut toutefois pas oublier que ce noyau est entouré d'une couche plus mouvante, formée des demandes de la société civile et des ministres responsables de portefeuilles non commerciaux, qui ont élargi le programme pour englober les objectifs de développement plus vastes, notamment la qualité de l'enseignement, la transparence, le renforcement des institutions, le renforcement du système judiciaire, le combat contre la corruption dans la région ou l'hémisphère, le développement des infrastructures, l'éradication de la pauvreté, le respect des droits des minorités et des droits de la personne et, dans l'ensemble, la démocratisation.

Cela constitue l'aspect «mou» de toute la négociation, mais il ne faut pas le sous-estimer.

Revenons au commerce... Tous les groupes de négociation ont présenté des projets de texte, de même que le groupe consultatif sur les économies de petite taille, créé en 1998. Nous n'avons pas vu ces textes provisoires et c'est un problème, mais j'y reviendrai.

Alors qu'est-ce que l'Amérique latine espère retirer du processus? C'est une question difficile. Il y a des millions de réponses; il n'y a pas une seule et unique Amérique latine. La région rassemble des pays ayant des niveaux de développements très divers, des institutions de force très différentes, des structures économiques variées, des tailles différentes et, bien sûr, ce qui compte surtout du point de vue de la ZLEA, des préoccupations commerciales bien distinctes.

Tous les pays ont renoncé au remplacement des importations, mais la profondeur de la réforme varie selon le pays. La compétitivité des secteurs, bien sûr, diffère. Si l'on se penche sur les micro-questions, le secteur laitier mondial intéresse les exportateurs argentins. Il n'est pas question d'en discuter à la table des négociations, et l'Argentine veut que ce marché soit protégé dans les pays andins. On pourrait poursuivre ainsi indéfiniment. Les bananes, par exemple, sont un produit d'exportation important pour l'Équateur et l'Amérique centrale. L'Argentine n'a pas besoin de se protéger contre la concurrence des producteurs bananiers de l'Équateur et de l'Amérique centrale.

Il faut aussi signaler une autre différence, comme je l'ai déjà dit, soit le fait qu'un pays appartienne ou non à une zone d'échange commercial donnée. Je crois que c'est le cas pour le Mexique, par exemple. Le Mexique est très désireux de se diversifier, de diversifier l'ensemble de ses échanges commerciaux. Pour la plupart des pays, je crois que la diversification est importante. Comme je l'ai dit, il s'agit de dresser ses grands voisins les uns contre les autres, ce que permet le processus de la ZLEA.

Ce qui compte plus encore, pourtant, c'est que la ZLEA est utilisée pour stimuler l'investissement étranger—étranger, national, l'investissement en général.

Derrière chaque politique commerciale se cache une décision d'investissement. C'est la base même de ce type de jonglerie.

• 1100

L'Amérique latine veut aussi, maintenant, en termes généraux, obtenir une sorte de dédommagement après la déception causée par le processus de l'OMC, considéré comme favorisant les pays industrialisés et ne tenant pas compte des intérêts des pays en développement.

Quel sera l'effet sur le bien-être des populations? Je crois qu'on ne peut le prévoir avec certitude. Il y aura des gagnants et des perdants, et l'Amérique latine a la réputation de compter parmi les régions du monde où le revenu est le plus inégalement réparti. C'est bien sûr une raison pour libéraliser les échanges. La libéralisation des échanges entraînera une réaffectation des ressources et il y aura des disparités, car certains segments de la population y trouveront leur compte et d'autres pas.

Ces questions à caractère politique ou économique sont entrées en compte dans la déclaration présidentielle de Santiago, et ce de deux façons. Dans la déclaration présidentielle de Santiago, il y a deux initiatives visant les perdants. L'une tient compte du fait qu'il existe un groupe de consultation pour les économies de petite taille. Ce groupe a produit un texte provisoire que nous n'avons pas vu mais dans lequel je crois savoir que l'on défend les intérêts des économies de petite taille. Il y a aussi la question de la participation de la société civile.

Dans l'ensemble, les gouvernements d'Amérique latine n'appuient pas avec enthousiasme la participation de la société civile. Ils craignent que cette participation ouvre la porte à la résistance ou freine la libéralisation des échanges, qu'elle favorise le protectionnisme et crée des conditions inégales. Pourtant, c'est inévitable. La volonté de participer et les demandes de reddition de comptes et de transparence ne disparaîtront pas et il faudra y faire face tôt ou tard.

Je vais terminer ici mon intervention. Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Tussie.

Je crois que j'aurais dû signaler aux membres du comité que vous étiez ici à l'occasion d'une réunion du CRDI. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris la peine de venir nous faire part de votre expérience. Nous avons eu l'occasion ce matin d'entendre deux voix de l'Amérique latine. Nous espérons qu'après les exposés, vous répondrez aussi aux questions touchant ce que M. Cavallo va dire relativement à l'économie de l'Argentine.

J'aimerais en outre mentionner que M. Rius, du CRDI, est également parmi nous et qu'il peut lui aussi répondre à nos questions.

Madame Weston.

Mme Ann Weston (vice-présidente, Institut Nord-Sud): Merci, monsieur le président. Je suis très heureuse de pouvoir témoigner devant votre comité aujourd'hui.

Je n'ai que quelques brefs commentaires à présenter, et j'imagine que parfois la concision est de rigueur parce que nous ne possédons par tous les détails nécessaires pour pouvoir contribuer valablement à ce type de discussion.

Je vais d'abord signaler la frustration que nombre d'entre nous, chercheurs, éprouvons face au processus dans lequel nous sommes engagés ici aujourd'hui et pendant les semaines qui précèdent la tenue du sommet de Québec. Il nous est très difficile de commenter avec pertinence un processus et un ensemble de règles proposées sans avoir eu, au préalable, accès au texte provisoire dans lequel ces règles sont énoncées. Pourtant, ces textes existent déjà, du moins sous forme préliminaire.

Vous conviendrez sans doute que le secret ne peut que nourrir les soupçons et la frustration, et j'espère que le comité recommandera une approche très différente à l'avenir. Il y a de nombreux exemples à tirer de processus de consultation beaucoup plus fructueux et beaucoup plus transparents, où l'information a été pleinement divulguée, où les échanges entre gouvernements, chercheurs, représentants du peuple—comme vous, et représentants de la société civile ont concrètement débouché sur un dialogue stratégique constructif et sur un changement de politique.

Nous l'avons fait d'une certaine façon relativement à l'ALENA. Je ne parle pas de la négociation de l'accord commercial en soi, mais plutôt des processus connexes de l'ALENA sur les questions environnementales, qui permettent aux gouvernements et à la société civile de mettre en commun de l'information détaillée sur ce que nous proposons de faire sur le plan de l'environnement. C'est un processus positif. Même les Mexicains y participent, eux qui en règle générale sont considérés comme opposés à un engagement accru de la société civile.

• 1105

Nous sommes beaucoup plus transparents au sein de l'OMC elle- même. Nous avons parlé de la nécessité de faire de la ZLEA une sorte d'OMC élargie, pour qu'elle soit vraiment valable. À l'OMC, vous trouvez sur le site Web les propositions d'un certain nombre de gouvernements sur toute une gamme de questions. Je ne dis pas que les textes définitifs ni même les ébauches de texte sont affichés, mais nous avons certainement une information beaucoup plus complète à l'OMC. Pourtant, pour une raison quelconque, dans le cadre du processus de la ZLEA, nous n'avons même pas accès aux propositions détaillées du gouvernement. J'espère donc que votre comité recommandera un changement à cet égard.

J'en viens maintenant à ma deuxième question. Comme je suis de l'Institut Nord-Sud, vous vous attendez sans doute à ce que je fasse valoir la nécessité de placer le développement au coeur de la ZLEA. Cela signifie que nous devons reconnaître véritablement les différences.

Lorsque nous définissons les règles, nous devons non seulement tenir compte des différences du niveau de développement, dont Diana Tussie vient de parler, mais aussi des différences entre les besoins, les capacités de respecter de nouveaux engagements et de mettre en oeuvre de nouvelles règles.

Le processus de l'OMC a soulevé un immense problème. Nombre de pays en développement n'ont pas pu créer les institutions dont ils ont besoin pour s'acquitter des engagements pris à l'OMC, et voilà que nous proposons d'aller plus loin. C'est une question qui a suscité une vive irritation dans les pays en développement et l'une des raisons pour lesquelles ces pays hésitent à passer à l'étape suivante à l'OMC, à entamer une nouvelle série de négociations. Dans le contexte de la ZLEA, nous devons aussi être conscients de ces besoins.

Comment le faire? Comment montrer que nous parlons sérieusement et que nous comprenons les problèmes propres aux pays en développement de l'hémisphère?

Une de mes suggestions est que, du moins en ce qui concerne le Canada, nous pourrions ouvrir nos marchés plus rapidement que nous n'avons été jusqu'à présent prêts à le faire dans le contexte de l'Uruguay Round.

Ce matin, nous avons déjà évoqué les déceptions éprouvées par de nombreux pays en développement à la suite de l'Uruguay Round, et le fait qu'un grand nombre des avantages qu'on leur avait promis, notamment sous la forme d'un accès accru aux marchés des pays développés, ne se sont pas concrétisés.

Il est certain qu'il nous a été possible d'aller beaucoup plus loin grâce à nos ententes préférentielles avec les États-Unis, le Mexique et le Chili, ce qui a d'ailleurs créé un certain nombre de problèmes. Si vous prenez le cas des pays des Caraïbes, vous constaterez que pour les articles dits sensibles tels que le vêtement, ces pays continuent à payer des tarifs de 20 p. 100 sur leurs exportations, et dans certains cas, leurs exportations de vêtements au Canada sont contingentées.

En ce qui concerne la part de notre marché que ces pays détiennent, vous constaterez que dans le cas de la Jamaïque, par exemple, nos exportations ont diminué de 60 p. 100 entre 1996 et 2000, alors que nos importations du Mexique ont en fait plus que triplé.

Je crois qu'il faudrait remédier à cette situation dans le cadre de la ZLEA. C'est-à-dire, qu'il faudrait accélérer l'accès au marché des pays de l'hémisphère.

Je tiens cependant à dire que nous ne devrions pas utiliser la ZLEA comme excuse pour ne pas en faire plus pour les pays les moins avancés. Haïti, naturellement, en fait partie, et ne pourra que bénéficier de l'accès, quel qu'il soit, que nous offrons dans le cadre de la ZLEA. En mai de cette année, il y aura pourtant un sommet, une conférence sur les pays les moins avancés. Jusqu'à présent, le Canada n'a pas fait beaucoup d'efforts pour ouvrir ses marchés aux produits de ces pays, et j'espère que le comité recommandera qu'on aille plus loin dans ce domaine.

Voyez ce que l'Union européenne a fait récemment. Elle a proposé d'ouvrir ses marchés à tous les produits, à l'exception des armes. Le Canada a un peu amélioré les choses, mais il continue à imposer des restrictions pour les produits tels que le vêtement. J'espère donc que vous recommanderez que nous en fassions plus sur ce point.

Un récent rapport de la Banque mondiale—il serait sans doute bon que vous demandiez à un de vos recherchistes de se le procurer—était très critique à l'égard de l'importance des tarifs douaniers que le Canada maintient encore par rapport aux autres pays développés—ce sont des tarifs qui restreignent les importations de pays en développement. Je pourrai vous donner la référence, si vous le voulez.

La question des droits antidumping est une de celles pour lesquelles le Canada partage probablement les préoccupations de pays tels que le Brésil. Je crois que nous devrions indiquer très clairement que nous souhaitons que les Américains suppriment ces droits dans le contexte de la ZLEA. C'est important pour les pays en développement, c'est important pour nous, et cela contribuera certainement à améliorer les relations assez fragiles qui existent entre le Canada et le Brésil.

Il y aurait aussi d'autres façons pour nous de montrer que nous sommes réceptifs aux besoins en matière de développement. En dépit du fait que le programme du sommet est déjà très chargé, ce à quoi Diana Tussie faisait allusion, nous pourrions par exemple élargir le programme du sommet parallèle afin d'y inclure les questions de dette et celles des fonds d'adaptation destinés à aider certains pays à s'adapter au nouveau régime d'échanges commerciaux qu'imposera la ZLEA.

Nous pourrions d'ailleurs aussi inclure dans la ZLEA elle-même les principes relatifs aux droits de la personne, aux droits dans le domaine du travail, à la durabilité de l'environnement et à l'égalité des sexes. Nous pourrions faire en sorte que le commerce soit subordonné au développement humain et aux efforts pour éliminer la pauvreté, au lieu de subordonner ces objectifs au commerce.

• 1110

Que signifie tout cela? Je crois que cela signifie que dans certains cas, il y a des pays qui ont non seulement besoin de plus de temps pour appliquer les mêmes règlements que ceux que nous allons adopter au Canada et aux États-Unis, mais qu'ils n'ont peut- être pas non plus besoin de prendre des engagements aussi contraignants. Ajoutons qu'ils auront besoin d'une aide technique dans le domaine du commerce.

Pour ce qui est d'engagements moins contraignants, il serait peut-être bon d'examiner les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (APIC), en particulier pour les plantes et les médicaments. Je suis certain que plusieurs témoins ont déjà attiré votre attention sur cette question.

Il y a aussi la question des règlements portant sur les différends entre un investisseur et un État, auxquels on a déjà fait allusion ce matin. Sur le plan du développement, les règlements qui limitent le droit des États d'imposer certaines exigences aux investisseurs, en particulier lorsque ceux-ci sont étrangers, sont très préoccupants.

Finalement, en ce qui concerne la ZLEA elle-même, il faut veiller à ce que le programme ne soit pas trop large. Comme je l'ai déjà dit, de nombreux pays ont éprouvé beaucoup de difficultés à assimiler les engagements qu'ils avaient déjà pris dans le contexte de l'Uruguay Round. Donc, dans la ZLEA, il est très important de veiller à ce que les petites économies, les économies des pays moins avancés parviennent à respecter les contraintes que nous voulons leur imposer. Faute de quoi, je ne crois pas que le système puisse être durable et qu'il contribue à satisfaire leurs besoins en matière de développement.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame Weston.

Je vais maintenant passer aux questions. J'ai M. Lunn, Mme Lalonde, M. Martin, M. Harvard et M. O'Brien sur ma liste. Commençons par M. Lunn.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Je serai extrêmement bref. Je ne pourrai même pas attendre la réponse. J'ai un appel extrêmement urgent à faire. Mes collaborateurs m'ont organisé un emploi du temps bien difficile à respecter aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, je lirai les bleus, car la réponse que l'on donnera à ma question m'intéresse beaucoup.

Monsieur Alexandroff, je voudrais vous poser une question. Vous avez dit que si nous négocions quelque chose qui n'est ni l'ALENA ni l'OMC-plus—et j'insiste sur le mot «plus»—cela n'en vaut probablement pas la peine. Je paraphrase vos propres paroles, mais je crois que c'est à peu près ce que vous avez dit à ce sujet. Je voudrais donc que vous me parliez spécifiquement du «plus». Comment le concevez-vous? Que devrions-nous faire pour cela? Je tiens beaucoup à avoir votre opinion à ce sujet. Quel est exactement ce «plus» que nous recherchons?

Il faut que je m'en aille. Je vous prie de m'excuser, mais je lirai votre réponse plus tard. Croyez-moi, je l'attends avec impatience.

Le président: Voilà une marque de confiance politique tout à fait inhabituelle que de dire «Je la lirai». Quoi qu'il en soit, nous aimerions avoir votre réponse, monsieur Alexandroff.

M. Gary Lunn: Moi aussi, cela m'intéresse. Je ne serai absent que dix minutes mais malheureusement, cela tombe au mauvais moment.

M. Alan Alexandroff: Je crois que Mme Weston a au moins le mérite d'avoir évoqué une approche raisonnable.

Il est possible de faire des distinctions entre divers pays et leurs besoins. L'OMC reconnaît les pays en développement qui bénéficient d'un traitement spécial et différentiel. Je crois que les règlements de l'OMC sont trop lâches, et qu'il faudrait les resserrer pour pouvoir les appliquer dans la ZLEA. Par exemple, il existe un traitement spécial et différentiel qui favorise le pays en développement dans divers domaines; des règlements différents en ce qui concerne les subventions; etc. Nous devons être absolument clairs sur un point précis: Qui peut bénéficier de ces dispositions? Dans l'OMC, ce n'est pas clair du tout, et en fait, on vous laisse dans une certaine mesure le soin de dire que si vous êtes un pays en développement ou non. Donc s'il est parfaitement acceptable de déterminer ces différences, il me semble indispensable d'indiquer clairement qui bénéficie de la diversité des règlements.

Il me semble également que les pays développés devraient clairement prendre position—et encore une fois, je suis d'accord avec Mme Weston sur ce point—à propos de ce que l'on appelle parfois l'infrastructure souple, de manière à ce que ces pays puissent effectivement respecter les engagements qu'ils vont prendre dans divers domaines, dont celui de la formation.

Je ne crois pas que nous devrions nous démarquer par rapport à des accords tels que les APTC. De toute façon, je ne pense pas que nous puissions le faire parce que nous avons déjà des engagements dans le cadre de l'OMC vis-à-vis de beaucoup de ces pays. Un des obstacles pour ces derniers est qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer le coût d'application des règlements. Il me semble que c'est aux pays développés qu'il appartient d'étendre les mesures de protection afin de fournir les moyens nécessaires pour que les tribunaux, administratifs et autres, les organismes de réglementation et la formation des bureaucrates et des juristes et avocats puissent être établis pour assurer l'observation de ces obligations.

• 1115

Une fois que vous l'aurez fait, vous pourrez étendre et accélérer la réduction des tarifs douaniers. Plutôt que d'essayer de trouver tous les moyens imaginables d'exclure différents secteurs, on pourrait hâter la réduction des tarifs, étendre la négociation des services en ce qui concerne la ZLEA et structurer tout cela de manière différente de ce qui a été fait à l'OMC.

Il est donc possible de prendre un certain nombre d'engagements mais pour cela, il faut que les gouvernements, en particulier ceux des pays développés, indiquent clairement qu'ils sont prêts à fournir cette infrastructure souple.

Le président: Merci.

J'ai été frappé par le fait que Mme Weston a dit que l'élimination des mesures antidumping constitue un des facteurs «plus». Pourriez-vous me répondre en 20 secondes à ce sujet?

M. Alan Alexandroff: En un mot, ce serait une excellente idée. Il est peu probable que l'administration actuelle ou toute autre administration américaine soit prête à renoncer plus ou moins totalement au régime antidumping actuel. L'exemple de Seattle nous montre bien que l'administration américaine est peu disposée à envisager une telle option.

Le président: Bien.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai négocié longtemps. Il y a négociation quand il y a recherche d'intérêts communs, mais à partir d'intérêts qui sont aussi très différents. On se rejoint quand on établit, de chaque côté, les objectifs précis qu'on recherche une fois qu'on connaît les besoins des autres.

S'il y a en ce moment de la méfiance, c'est qu'on ne sait pas ce qu'on recherche vraiment de la part de chaque partie. Or, les enjeux sont extrêmement importants ici, mais ils le sont surtout en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Compte tenu de ces conditions-là, est-ce qu'on n'a pas intérêt à dire ce que les différentes parties ont besoin d'obtenir pour faire une entente pour que, partout, on le sache?

Je suis très heureuse d'entendre des gens de l'Amérique du Sud. J'espère qu'on va en entendre d'autres parce qu'on a besoin de faire aussi un travail politique ici. J'aimerais donc savoir quels sont les objectifs premiers qui devraient être recherchés par les négociateurs des pays de l'Amérique du Sud.

[Traduction]

Le président: Je crois, madame Tussie, que cela entre dans nos cordes. Voilà où votre bourse Fulbright va vous être utile.

Mme Diana Tussie: La question n'est pas facile.

En principe, je suis d'accord, et si nous avions tous les éléments en notre possession, les choses seraient plus simples. Mais nous nous aventurons sur un terrain mouvant sur lequel chacun joue son jeu. Pour vous donner un exemple d'une situation que je connais bien, je dirai que l'Argentine attend une chose de l'Uruguay, une autre du Paraguay, une autre encore du Chili; que ce qu'elle attend du Canada n'est pas ce qu'elle attend des États- Unis. Donc, de multiples parties sont engagées. C'est ce qui rend cette négociation si difficile et—ce n'est pas une excuse—c'est une des raisons du manque de transparence. Les enjeux sont multiples. C'est là le premier aspect de la question.

Le second est qu'à cause de la diversité des enjeux, le territoire est constamment mouvant.

Le troisième point, ne l'oublions pas, est qu'il s'agit ici d'une négociation et que nous allons donc tous perdre quelque chose. Une négociation est par définition un échange dans lequel on n'est jamais gagnant à 100 p. 100. Il faut donc être prêt à perdre quelque chose. Il est très important que les décideurs s'en souviennent, sans quoi les attentes seront excessives et les déceptions, encore plus. On fait croire aux gens qu'il s'agit d'un jeu à somme nulle—vous perdez, et moi je gagne. Non, ce n'est pas un match de football.

• 1120

Le président: Madame Weston.

Mme Ann Weston: Je ne veux pas contredire Diana, ma collège et amie, mais une des leçons que...

Le président: N'hésitez pas. Plusieurs parties se jouent aussi autour de cette table.

Mme Ann Weston: Une des leçons tirées du Uruguay Round est que de nombreux pays ont pris des engagements parce qu'ils pensaient que c'était la chose à faire. Ils savaient qu'ils faisaient des concessions mais qu'ils allaient aussi gagner quelque chose dans un domaine différent. Ils pensaient donc à l'époque qu'un certain équilibre s'établissait ainsi. Mais nous sommes bien obligés de reconnaître que de nombreux pays—et c'est ce qui a été souligné hier lors de notre réunion au CRDI—ne disposent pas chez eux des moyens de recherche nécessaires pour déterminer les pleines conséquences des droits ou des obligations dont ils sont devenus signataires.

C'est la raison pour laquelle la transparence est importante, même si cela ne vous permet pas de vous faire une idée complète de vos pertes ou de vos gains. Que s'est-il en fait passé par la suite? Les gens de la Banque mondiale ont fait des études qui ont montré que pour les pays en développement les coûts des droits de propriété intellectuelle sont énormes. Le coût d'établissement de certaines des institutions est très élevé et dans certains cas, rien que dans quatre domaines de l'Uruguay Round, il dépasse le montant total du budget de développement annuel de ces nations.

Il faut donc répondre à la question suivante: Sur le plan du développement, s'agissait-il d'un arrangement raisonnable? À mon avis, c'est la raison pour laquelle les gens sont inquiets. C'est un arrangement inéquitable, car ceux qui ont le plus de ressources, autrement dit, les Américains, peut-être aussi les Canadiens, et probablement les Brésiliens, seront capables de beaucoup mieux évaluer ce qu'ils signent que les autres. En fait, ce que le reste d'entre nous voulons faire, c'est prendre le temps nécessaire pour analyser la situation afin d'être certain que l'arrangement est équitable. Nous ne tenons pas nécessairement à tout remettre en question mais nous voulons au moins pouvoir commencer à montrer ce que sont certains des compromis, de manière à ce que l'arrangement soit un peu plus équilibré qu'il ne pourrait l'être autrement.

Le président: Merci beaucoup. Madame Tussie, soyez très brève.

Mme Diana Tussie: Je suis plutôt d'accord.

Le président: Nous avons largement dépassé les cinq minutes et M. Harvard est le prochain intervenant. Puisque vous venez d'Argentine, madame Tussie, peut-être pourriez-vous ajouter quelques mots très brefs.

Mme Diana Tussie: Je tenais simplement à dire que je n'étais pas contre ce que l'on vient de dire; peut-être a-t-on cru à tort que j'avais dit que c'était là la raison du manque de transparence. C'est compréhensible. Je ne dis pas du tout que je veux le justifier.

Le président: Bien. Merci.

Si le chapitre 11 est un exemple... Peut-être eut-il été bon de le comprendre un peu mieux avant de le signer, mais je reconnais qu'il y a là un piège.

Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Merci, monsieur le président. J'ai trois questions à poser à M. Alexandroff, mais je tiens auparavant à dire que les conseils de Mme Tussie sont fort opportuns. Je crois que chaque pays doit comprendre qu'il doit mettre un peu d'eau dans son vin lorsqu'il s'engage dans des négociations aussi complexes que celles-ci. Nous ne pouvons pas espérer gagner à tout coup.

Monsieur Alexandroff, pour poursuivre la question concernant l'OMC-plus et l'ALENA-plus, si vous le voulez bien, coiffez votre chapeau de Canadien—disons même votre tuque de Canadien. Pourriez- vous nous donner un ou deux exemples concrets de ce que l'OMC-plus et l'ALENA-plus seraient pour les Canadiens?

Je vais aussi vous poser les deux autres questions. Vous avez parlé de protection des investisseurs. Donnez-nous un exemple de ce dont les investisseurs canadiens auraient besoin pour éprouver le sentiment de sécurité dont ils ont besoin.

Vous avez également mentionné le chapitre 11 et dit qu'il ne peut pas être invoqué pour dénoncer la loi canadienne. J'ai bien l'impression que l'idée d'une compensation refroidirait certains car elle reviendrait à dénoncer la loi canadienne ou dans certains cas au moins, à en empêcher la mise en oeuvre.

• 1125

Voilà mes trois questions.

M. Alan Alexandroff: Je vais essayer de vous répondre brièvement.

Coiffé de ma tuque de Canadien, je suis tenté de dire que notre expansion dans le secteur des services serait indiscutablement une «victoire» pour le Canada. Il faut aussi que nous interprétions de la manière la plus large possible l'extension du service et de l'accès au marché. Il est inconcevable que le Canada et les entreprises canadiennes... En fin de compte, ces accords sont de simples cadres et nous laissons le soin aux entreprises canadiennes de faire le reste. Nous sommes en effet ultimement convaincus que le commerce et l'investissement canadiens offrent des avantages pour le Canada—autrement, il serait impensable que nous nous engagions dans ce genre de discussions—qu'il s'agisse du niveau de vie ou de celui de l'emploi. C'est pour cela que nous le faisons.

À mon avis, nous devrions inverser complètement l'interprétation actuelle des services selon l'OMC et adopter la version de l'ALENA, qui en est l'envers. Cela signifie que tout est couvert, sauf exclusion explicite. Comme vous le savez, à l'OMC, on a actuellement une conception totalement opposée des services: tout est exclu, sauf inclusion explicite. Pour libéraliser le système, il faut adopter la formule de l'ALENA de préférence à celle de l'OMC.

En ce qui concerne les deux autres questions qui ont trait au chapitre 11, il s'agit de savoir ce dont ont besoin les entreprises canadiennes. Je suppose qu'elles ont besoin d'être sûres que si elles sont expropriées ou que des mesures de ce genre sont prises à leur égard, ou si elles sont traitées de manière discriminatoire, elles pourront interjeter appel devant un tribunal et obtenir réparation si le tribunal conclut qu'un gouvernement n'a pas traité un investisseur étranger de manière équitable. Ce point de vue est motivé par l'opinion que les investisseurs, presque par définition, lorsqu'ils se trouvent dans un pays étranger, ont moins d'influence qu'une entreprise ou un investisseur national, pour la simple raison qu'ils viennent d'ailleurs. Il faut donc leur fournir le cadre réglementaire qui leur donnera le sentiment qu'ils seront équitablement traités par un tribunal.

Il faut également considérer que les gouvernements ne cherchent pas automatiquement à interjeter appel des décisions parce que je tiens à considérer comme des tribunaux internationaux irréprochables, ou à procéder à un examen judiciaire de ces décisions. Je ne suis pas certain que le gouvernement du Canada soit aujourd'hui d'accord avec moi à ce sujet. Quoi qu'il en soit, nous verrons ce que nous réserve l'avenir. Ce point me paraît important.

Enfin, si les gens croient qu'accorder une compensation revient à modifier la politique gouvernementale, je ne sais pas que répondre à cela. Je dois dire que ce n'est pas là l'argument, monsieur Harvard. L'argument est que nous ne pouvons pas atteindre nos objectifs de politique générale, que nos lois environnementales, nos objectifs dans ce domaine, se trouvent restreints, ou pourraient l'être à l'avenir. Je crois que c'est cela l'allégation la plus grave car elle implique que l'on entrave la capacité du Canada de protéger l'environnement ou de poursuivre d'autres objectifs généraux.

Je considère simplement que ces obligations sont claires et qu'elles seront interprétées par les tribunaux. Je ne sais pas quelle était l'intention du gouvernement du Canada au départ, ni celle des États-Unis, ni encore celle du Mexique. Essayer maintenant de changer les règles du jeu, quel que soit le contexte dans lequel on commence à réclamer ce qu'on appelle des éclaircissements, me paraît donner l'impression que maintenant que nous savons où certaines décisions nous conduisent, nous voulons changer les choses et donc les répercussions de ces décisions. J'estime qu'en fin de compte ce ne serait pas profitable au Canada; il ne serait pas bon pour notre pays d'étendre ces droits à l'Accord de libre-échange des Amériques.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci, monsieur le président. J'ai ici deux pages complètes de questions, je suppose qu'il va falloir que je les élague.

• 1130

Une des raisons pour lesquelles mon parti hésite à ce que vous vous engagiez dans d'autres accords de libéralisation des échanges, est qu'il a l'impression que certains pensent que les principes démocratiques sont trop répandus dans le monde et que cela nuit au libre mouvement des capitaux ou des biens et services. C'est ce qui est ressorti des remarques de Ruggiero lui-même à l'AMI. À l'époque, lorsqu'il a fait ce genre de commentaire, il était chef de l'OMC.

En outre, je crois que le chapitre 11 a été bien plus abondamment utilisé que ce que nous a dit M. Alexandroff. À l'origine, c'était sans doute justifié, mais nous voyons maintenant des élus, comme ceux qui se trouvent dans cette pièce, dont l'autorité est subordonnée à cette charte des droits des grandes sociétés. Ce chapitre supplante l'autorité des gouvernements librement élus. Cela résume l'appréhension que ces accords commerciaux inspirent non seulement aux membres de mon parti mais aussi aux personnes que nous représentons.

Je suis un profane en la matière—je ne suis même pas membre de ce comité dont je remplace un des membres. Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi nous devrions accepter des situations telles que celles de la Ethyl Corp. au Canada? Notre pays voulait interdire un adjuvant que nous jugions nocif pour les Canadiens, et voilà que nous sommes maintenant obligés d'indemniser la société qui fabrique ce que nous considérons comme un produit chimique nocif sous prétexte que nous lui avons fait manquer une occasion de réaliser un profit.

Et UPS? Notre pays... notre service postal gagne beaucoup d'argent grâce à son service de Poste prioritaire du jour au lendemain, et nous en utilisons les profits pour compenser le coût du service courant. UPS réclame maintenant 230 millions de dollars au Canada pour occasion manquée parce que cette société considère qu'elle devrait avoir le droit de remplir cette fonction.

Ne sommes-nous pas en train de perdre notre souveraineté économique au fur et à mesure que nous nous engageons plus avant dans ces accords de libéralisation du commerce? La question s'adresse à tous.

Le président: Commençons par Mme Weston.

Mme Ann Weston: J'étais sur le point de dire que j'étais d'accord avec vous.

M. Pat Martin: Il y a enfin quelqu'un dans cette salle qui et d'accord avec moi. Cela fait plaisir.

Le président: Certains d'entre nous sont en partie d'accord avec vous. C'est le «en partie» qui pose un problème.

Monsieur Alexandroff.

M. Alan Alexandroff: Je ne vais pas parler de UPS, car cette société n'a naturellement pas été entendue par un tribunal. Je ne suis pas certain de la réaction d'un tribunal devant les allégations et les réponses du gouvernement du Canada. Je ne sais pas exactement ce que je pourrais ajouter et je m'abstiendrai donc.

Pour ce qui est de la grande question, cependant, j'estime que ceux qui ont signé l'ALENA et qui vont peut-être signer l'Accord de libre-échange des Amériques, tiennent à fonder celui-ci sur la certitude, la sécurité économique, et à créer un cadre qui permettra aux entreprises de commercer et d'investir, et dans le cas de la ZLEA, de le faire dans tout l'hémisphère. C'est quelque chose qui mérite d'être encouragé. Dans une certaine mesure, une disposition du genre du chapitre 11 offre ce niveau de sécurité. Elle répond au moins en partie au préambule de l'ALENA visant l'élargissement des débouchés économiques. C'est cela le grand objectif d'une telle activité. Je ne pense pas que cela empêche les législateurs que vous êtes de décider de ce que devrait être la politique du Canada à l'égard de toutes les questions pertinentes à votre rôle de députés.

M. Pat Martin: Nous voulions interdire la vente en vrac d'eau douce, mais c'est ce que conteste une société californienne qui nous intente un procès pour occasion manquée sous prétexte que nous lui interdisons l'accès à notre eau. En tant que législateurs, nous tenons absolument à avoir notre mot à dire dans ce genre de situation.

M. Alan Alexandroff: Encore une fois, la question n'a pas été réglée.

M. Pat Martin: C'est ce qui s'est produit.

M. Alan Alexandroff: Non, l'action n'a même pas été introduite, si c'est de Sun Belt que vous parlez. Je crois qu'il faut attendre de voir ce qu'un tribunal dira des obligations auxquelles le Canada a souscrit. Ce n'est pas tout; il s'agit des obligations aux termes de l'ALENA. À mon avis, ce sont des obligations générales auxquelles nous avons souscrit lorsque nous avons élargi les régimes commerciaux multilatéraux et globaux. Elles portent sur les principes de nation la plus favorisée, de traitement national, de transparence, et sur les règlements contre l'expropriation. Je ne vois pas en quoi cela constitue le fondement de l'économie internationale qui nuirait à votre rôle de législateur dans un contexte national. Il s'agit là de décisions collectives que nous avons prises depuis 1947 et qui font partie de la structure de l'économie internationale. Je serais fort surpris que cela nuise à votre rôle.

• 1135

Le président: Madame Tussie.

Mme Diana Tussie: Encore une fois, je tiens à rappeler qu'une négociation est un compromis. Tout le monde, et pas seulement une des parties, perd un peu de sa souveraineté. Vu sous un jour plus positif, il s'agit d'une sorte de souveraineté commune.

Bien sûr, il y a des compromis. C'est comme le compromis entre une tenure à bail ou une tenure franche ou le fait de vivre dans un appartement condominial dans une tour d'habitation ou dans une maison individuelle. Un système collectif offre une certaine sécurité. Il vous offre moins de latitude de manoeuvre, mais dans certains cas, vous avez plus de marge de manoeuvre. Voilà les compromis avec lesquels nous vivons, que ça nous plaise ou non. C'est le monde qui est en train de changer.

Le président: Merci.

Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président. J'ai trois questions, une pour chaque témoin. Je commencerai par Mme Tussie.

D'après vos commentaires, je ne suis pas certain que vous soyez favorable à la publication du texte. Je voudrais en être sûr, mais je tiens simplement à signaler que le premier ministre lui- même a dit à la Chambre des communes qu'il serait parfaitement d'accord si le texte était rendu public, mais qu'il n'est pas prêt à en décider unilatéralement contre l'opinion des chefs des États des Amériques qui le jugent confidentiel. Le ministre a également répété à maintes reprises qu'il est favorable à plus de transparence, il est certain qu'il adoptera à nouveau cette position, dans un proche avenir, à Buenos Aires.

J'ai donc eu l'impression, d'après vos commentaires, que vous aviez présenté un argument assez valable contre la publication du texte, mais je n'étais pas certain de votre conclusion.

Mme Diana Tussie: J'ai donné une raison, en effet, mais je suis en faveur de la publication. Comme Ann l'a dit, le secret inspire la méfiance. Bien plus, j'ai l'impression qu'il y a une atmosphère de paranoïa dans tout cela. Nous avons l'impression, lorsque quelque chose n'est pas rendu public, qu'il doit s'agir d'un document important dont il nous faut à tout prix connaître le contenu. Si nous le connaissions, il ne serait peut-être plus si important.

M. Pat O'Brien: Merci.

Je voudrais simplement faire observer qu'un de nos témoins- experts a dit qu'il ne serait pas très utile de publier la liste de voeux de 34 pays, qui fait 900 pages, mais c'était uniquement son opinion personnelle.

Le président: Je crois que c'était la position qu'il avait prise pour le moment. Il dit que, peut-être qu'après...

M. Pat O'Brien: Pour le moment, oui, c'est vrai.

Mme Diana Tussie: Moi, je le publierais tout de suite.

M. Pat O'Brien: Merci de votre réponse.

La question a été posée de façon répétée à Mme Weston par tous les partis politiques représentés ici, et vous êtes le premier témoin qui ait déclaré que l'OMC était plus transparente que la ZLEA. Je n'ai pas du tout l'impression que ce sentiment soit partagé sur la colline parlementaire.

Si je vous ai bien compris, vous avez donné un exemple de la plus grande transparence de l'OMC. Je crois qu'on est en général convaincu, c'est du moins le cas de la plupart des partis sur la colline parlementaire, que dans le processus actuel, la consultation a été plus large qu'elle ne l'a jamais été auparavant. La position canadienne sur cinq des neuf points est présentée sur le site Web et celui-ci a été fréquemment visité. Il y a eu d'abondantes consultations et nous avons donc le sentiment qu'il y a plus de transparence que jamais. Il n'y en a peut-être pas autant qu'on pourrait le souhaiter, mais il s'agit certainement des négociations commerciales les plus transparentes auxquelles le Canada a jamais participé. Quelle est votre opinion? Si vous pensez que l'OMC fait preuve de plus de transparence, si je vous comprends bien, pourriez-vous nous expliquer comment il le manifeste?

Mme Ann Weston: Aux fins du compte rendu, pourrais-je préciser que je ne suis pas médecin? Je ne voudrais pas que les gens croient que j'essaie de me faire passer pour un docteur en médecine.

Le président: Excusez-moi, nous nous conformons simplement aux indications de la liste.

Mme Ann Weston: Non, je sais. Je vous le dis simplement pour qu'on ne pense pas que je me fais passer pour ce que je ne suis pas.

Une voix: Nous ferons de vous un docteur honoris causa pour la journée.

Mme Ann Weston: Je n'ai même pas de PhD. En tout cas...

Il est possible que le gouvernement du Canada, dans le cadre du processus de la ZLEA, ait plus pratiqué la transparence qu'au lancement de l'Uruguay Round, lorsqu'il a présenté sa position sur un certain nombre de points. C'est peut-être vrai, mais il s'agissait en fait de ma part d'une remarque de caractère plus général au sujet de la ZLEA et de l'unité qui en assure la gestion.

• 1140

Je n'ai en fait jamais vu le site de cette unité—j'ai récemment appris que le site de l'OEA-SICE (Organisation des États américains-Système d'information sur le commerce extérieur) avait été refait—même si je ne l'ai pas visité, je ne crois pas me tromper en disant que vous ne trouveriez pas autant d'informations sur les positions des différents pays et sur une foule d'autres choses que vous en découvririez aujourd'hui si vous visitiez le site de l'OMC.

J'apprécie vos efforts de consultation ainsi que ceux du gouvernement du Canada, mais je trouve en fait à la fois un peu insultant et un peu difficile d'essayer d'apporter quelque chose de vraiment utile—sauf à parler de principes généraux—alors que nous ne pouvons même pas partager l'information à laquelle certaines personnes ont accès. En ce qui me concerne, c'est mieux que rien, mais pour des personnes intelligentes, se réunir pour discuter de ces questions est loin d'être suffisant. C'est un peu comme faire de la boxe simulée.

M. Pat O'Brien: D'accord. Merci de vos remarques.

Le président: Avant de poser votre troisième question, vous feriez peut-être bien de consulter le site de l'OEA. Un témoin précédent nous a en fait dit qu'il avait été profondément surpris de voir que le centre de l'OEA avait fait un bien meilleur travail qu'auparavant. Il se peut qu'il soit parti de très bas, mais...

Mme Ann Weston: C'est une bonne chose.

Le président: ...vous comprendrez qu'on nous ait dit qu'il n'était pas mauvais du tout.

Une voix: Il est passé de zéro à un.

Le président: Oui.

M. Pat O'Brien: Encore une fois, vous avez droit à votre opinion, je vous en remercie.

Je me contenterai donc de répéter ce que le premier ministre a dit—encore que—je paraphrase—qu'il serait prêt à rendre le texte public, mais pas de manière unilatérale. En fait, j'ai posé la question à mon collègue, M. Paquette, à la Chambre des communes, au cours du débat-marathon. Il a également déclaré qu'il ne souhaitait pas voir une publication unilatérale du texte. Je le signale tout simplement pour que vous sachiez quelle est la position du gouvernement canadien, qui est d'ailleurs partagée par au moins certains des partis de l'opposition.

Ma troisième question s'adresse en premier lieu à M. Alexandroff, mais les autres témoins pourront ajouter leurs propres commentaires si le temps le permet. Il s'agit de l'inclusion des accords dans le domaine du travail dans les textes commerciaux.

J'ai récemment assisté à une réunion de ministres de l'UE à Londres—j'étais le seul représentant hors-UE présent. Cette rencontre était présidée par le ministre Clare Short, et les ministres—il s'agit maintenant de ministres du Développement—ont exprimé de très graves réserves devant l'inclusion des normes de travail dans ces textes, car ils n'y voyaient rien de moins qu'une tentative détournée de protectionnisme de la part des pays développés au détriment des nations moins développées. Monsieur Alexandroff, quelle est votre opinion à ce sujet? Si nous avons assez de temps pour cela, les autres pourront peut-être aussi intervenir.

Le président: Si c'est possible, soyez bref.

M. Alan Alexandroff: Oui, je serai bref de deux manières. Premièrement, en ce qui concerne la question générale, je crois que nous partons de ce que le Canada peut faire. Il me semble que Ann Weston a déjà dit quelque chose à ce sujet, mais cela vous met sur la sellette. Il me semble que si vous pouviez accélérer la réduction des tarifs sur le vêtement et les textiles, cela contribuerait beaucoup à aider les pays en développement et à encourager l'emploi chez eux. Nous ne sommes pas obligés d'attendre que quelqu'un d'autre le fasse, mais nous devons tenir compte de nos intérêts nationaux—et c'est votre problème.

Je crois que le vrai problème sur le plan du travail est... S'il s'agit simplement de sanctions commerciales, je suis totalement d'accord avec l'opinion exprimée. Si la libéralisation du régime commercial aboutit à imposer des sanctions à certains pays à cause de leurs politiques dans le domaine du travail, je ne suis plus d'accord. Si nous pouvons intégrer des systèmes de stimulants, il en va tout autrement. Et si vous voulez que les entreprises agissent d'une certaine manière, quel que soit le pays où elles sont, c'est important. Mais si tout cela aboutit à des sanctions commerciales, je serais contre.

Le président: Madame Tussie, vouliez-vous...? Non? Bien.

Madame Weston, vouliez-vous ajouter quelques mots à cela?

Mme Ann Weston: Je reconnais que c'est très difficile pour les pays en développement, mais je ne pense pas que nous devrions éluder le problème. Au sein de l'OIT, il y a eu un fort mouvement en faveur d'un accord sur les droits fondamentaux dans le domaine du travail. Je crois donc qu'il est très important de reconnaître les engagements en faveur de droits fondamentaux dans le domaine du travail à l'OMC et dans d'autres accords commerciaux. La véritable question est de savoir ensuite comment réagir à l'égard des pays qui enfreignent ces droits. Il existe un processus au sein de l'ALENA, mais il ne couvre pas tous les droits fondamentaux actuellement reconnus par l'OIT. Peut-être pourrions-nous nous inspirer à cet égard de l'accord parallèle à l'ALENA sur le travail.

Le président: Merci.

Le problème des sanctions est le plus préoccupant. C'est toujours celui qui nous pose le plus de problèmes.

Madame Lalonde, et ensuite monsieur Harvard.

• 1145

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je vous remercie.

Je tiens à préciser que, cette fois-ci, je veux poser ma question à M. Oswaldo Molestina Zavala parce que j'espérais qu'il réponde à la question à laquelle vous avez répondu.

À ce moment-ci, je veux lui demander, lui qui est venu de si loin, de dire aux Québécois et aux Canadiens ce que les gens de la COPA—parce qu'il parle ici au nom de la COPA—attendent de cette négociation.

[Traduction]

M. Oswaldo Molestina Zavala: Je vous remercie vivement de votre question.

Je voudrais commencer par quelques remarques; la première étant que le libre-échange est contraire au protectionnisme. Je dirai aussi qu'il constitue donc peut-être la première étape sur la voie de l'intégration économique.

C'est précisément ce que l'Union européenne a fait. Elle a à la fois établi le libre-échange et le protectionnisme à l'égard des pays tiers.

Il est très important de noter, en particulier dans les relations commerciales avec les pays sous-développés, ce qui s'est passé au sein de l'Union européenne jusqu'à présent. C'est avant tout une union entre les pays membres mais il y a aussi certaines mesures favorables aux pays africains. Vous vous souviendrez certainement que les traités LOMÉ sont favorables à ces pays mais qu'ils ont un caractère discriminatoire à l'égard des pays d'Amérique latine.

Mme Tussie a parlé de bananes. Nous vendons des bananes, et à cause de la discrimination pratiquée à l'égard des bananes de l'Équateur et des autres pays d'Amérique centrale, nous sommes allés à l'Organisation mondiale du commerce et nous avons porté plainte contre l'Union européenne. Trois ans plus tard, nous avons remporté notre première victoire et nous avons été contraints de recommencer contre l'Union européenne. Pendant sept ans, nous n'avons pas obtenu de décision en faveur de nos pays ou de nos économies. Nous avons parlé de compensation, de représailles et de toutes sortes d'autres choses, mais comment un petit pays sous- développé comme le nôtre peut-il tirer avantage de ce genre de relations? Je ne pense donc pas que les relations commerciales entre les pays développés et les nations sous-développées tiennent compte du fait que l'Union européenne est la seconde puissance économique mondiale.

Aurons-nous plus de chance au sein du nouveau système que nous avons l'intention de créer? J'en doute fort.

Je reconnais qu'il s'agit de négociations extrêmement complexes. Je ne parle pas de protectionnisme en faveur des pays d'Amérique latine, mais les nations développées pourraient envisager de leur accorder quelques avantages dans le cadre de l'organisation de libre-échange; sans quoi, nos pays risquent de ne pas survivre, et c'est précisément le problème auquel nous sommes confrontés.

S'il s'agit simplement d'un jeu des nations puissantes des Amériques, nous ne voulons rien avoir affaire avec lui. Peut-être avons-nous besoin de bénéficier de certaines mesures préférentielles de la part des grandes puissances de la zone, mais nous pensons qu'il serait possible de trouver un terrain d'entente. Nous savons aussi que nous sortirons à la fois gagnants et perdants de tout cela. À mon avis, si nous essayons de trouver une solution équitable pour tous, il est évident que ce sont les pays développés qui devront faire quelques sacrifices.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Harvard.

M. John Harvard: J'ai une question à poser. Elle s'adresse plutôt à M. Alexandroff, mais n'importe quel autre membre du groupe est libre d'y répondre.

• 1150

Je ne partage pas la paranoïa de M. Martin au sujet des accords de libre-échange actuels ou futurs. Je crois cependant que beaucoup de Canadiens s'inquiètent de l'incapacité de notre pays à se remettre des erreurs passées ou futures qui peuvent être commises dans le cadre de ces traités exécutoires.

M. Martin a évoqué la question de l'eau douce. Je pense que la plupart des Canadiens préfèrent penser que nous n'avons pas bradé notre droit de contrôler nos approvisionnements en eau. Les Canadiens sont très fiers de leur ressource en eau. Et je crois que la plupart d'entre eux tiennent à en conserver le plus possible le contrôle.

Certains craignent cependant qu'un tribunal, secret ou autre, décidera un jour que nous avons une obligation en vertu de tel ou tel accord et que nous devrons nous y soumettre.

Je comprends très bien l'idée de la perte de souveraineté et des compromis, mais je crois qu'il faut comprendre que ce dont beaucoup de Canadiens s'inquiètent, ce sont les détails. Comme vous le savez, le danger est dans les détails. Qu'y a-t-il dans les textes? Ce sont des documents juridiques complexes et profonds.

Je crois à une libéralisation des échanges, mais il faut bien que tous les législateurs que nous sommes reconnaissent qu'il y a un danger et que cette obligation dont nous ignorions peut-être l'existence fera l'objet d'une décision d'un tribunal qui échappe à notre contrôle démocratique.

Vous-même, ou quelqu'un d'autre, pourra peut-être me répondre.

M. Alan Alexandroff: Oui. Je suis certain que tout le monde a des remarques à faire à ce sujet. J'essayerai d'être bref.

Sur un plan précis, il me semble qu'il faut que vous vous tourniez vers les gouvernements fédéral et provinciaux. Au Canada, rien ne nous oblige à vendre notre eau en vrac, si nous nous y sommes opposés pour des raisons de politique générale. La situation devient difficile si un gouvernement accorde à quelqu'un le droit d'en vendre; vous avez alors franchi le Rubicon, et les obligations contractées entrent alors en jeu. Mais au départ, les gouvernements sont parfaitement libres de refuser de vendre de l'eau, comme c'est le cas ici.

D'une façon plus générale...

M. John Harvard: Cela signifie-t-il que Terre-Neuve pourrait établir le précédent pour l'ensemble du pays?

M. Alan Alexandroff: Il a cette possibilité, mais ne vous laissez pas obnubiler par l'obligation internationale. Concentrez- vous sur ce qui est le plus important, c'est-à-dire sur ce que veut le gouvernement des habitants de Terre-Neuve et du Labrador. S'il décide de s'engager sur une telle voie, c'est à vous, parlementaires d'en discuter avec lui.

Il y a certainement une foule d'experts dans le domaine qui sont parfaitement prêts à faire des commentaires et à expliquer ce que sont nos obligations. Vous pouvez en discuter au sein de ce comité, mais vous pouvez aussi le faire ailleurs. Je crois que c'est parfaitement justifié de le faire, et que vous devriez le faire. J'espère vous avoir aidé lorsque j'ai discuté de certaines de ces obligations internationales à l'époque de l'examen de la législation sur les brevets.

Vous avez donc les ressources nécessaires pour obtenir une interprétation. Je n'insisterai pas sur le fait que si certaines décisions ne sont pas prises, le Canada risque de se trouver dans une situation difficile à la suite des obligations qu'il a acceptées. C'est un point à ne jamais perdre de vue lorsque vous signez un accord.

Le président: C'est pourquoi nous appelons cela la judicialisation de ces accords. Dans le passé, les accords commerciaux étaient assez vagues car les gouvernements ne voulaient pas tomber dans des pièges, et ils signaient donc des accords, sachant sciemment qu'ils ne seraient pas obligés de les respecter. Mais maintenant que vous avez des tribunaux qui peuvent les appliquer comme ils le font, notamment pour le chapitre 11, ce que beaucoup de gens voulaient, les gouvernements s'aperçoivent qu'ils doivent faire face à des décisions qui ne leur plaisent pas. Pourtant, il s'agit simplement de faire respecter les obligations prévues par les accords signés. C'est bien cela que vous voulez dire?

M. Alan Alexandroff: Tout à fait.

Le président: Oui.

Madame Weston.

Mme Ann Weston: Je voudrais faire deux remarques.

Premièrement, peu importe que le gouvernement de Terre-Neuve accorde un droit ou pas. Ce dont nous parlons aujourd'hui c'est de savoir si nous allons signer des accords internationaux. Cela signifie que si le gouvernement de Terre-Neuve accordait un tel droit, nous nous retrouverions soumis à d'autres obligations à l'égard de sociétés privées d'autres pays.

• 1155

Je crois que le comité devrait déclarer clairement que nous avons probablement commis une erreur dans l'ALENA. Il s'agit de savoir si nous pouvons régler ce problème.

Ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est de la Zone de libre- échange des Amériques. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire, que cela a posé un problème dans l'ALENA et que nous ne devrions pas recommander qu'on utilise le même processus dans la ZLEA ou dans l'OMC. Bien sûr, nous voulons des garanties pour nos investisseurs étrangers dans les Amériques—autrement dit, les investisseurs canadiens—mais nous ne sommes pas obligés d'aller aussi loin que les dispositions du chapitre 11 pour accroître la sécurité des investissements, car à mon avis, cela nous a coûté terriblement cher sur le plan national.

Le président: Puisque M. Alexandroff est là et puisque nous entendons tant parler du chapitre 11, laissez-moi dire ceci au groupe. Je regrette que M. Martin soit parti. Il y a un malentendu sur le fonctionnement du chapitre 11 et sur les obligations qu'il convient.

Reportez-vous à l'affaire du MMT, qui est citée ad nauseam, ou à l'affaire de l'eau. Il me semble que dans le premier cas, nous avions accepté l'obligation de ne pratiquer aucune discrimination. Nous n'avions pas dit que nous ne prendrions pas de dispositions législatives sur le plan environnemental. Nous avons le droit de le faire, mais nous n'avons pas le droit de pratiquer la discrimination à l'égard des autres signataires du traité lorsque nous légiférons. L'affaire du MMT était une affaire de discrimination car l'Alberta et la Colombie-Britannique autorisaient les Canadiens à utiliser l'adjuvant alors que nous voulions interdire aux Américains d'en faire autant. C'est donc devenu une question de discrimination. Nous ne nous interdisons pas de légiférer; ce que nous nous interdisons, c'est de pratiquer la discrimination. Ce n'est pas du tout la même chose.

Mais le problème soulevé par Mme Weston, et que le comité doit reconnaître, est qu'en vertu de notre Constitution, nous n'avons pas le pouvoir d'en empêcher les éléments constitutifs, autrement dit, les provinces, de pratiquer la discrimination. Donc, il serait stupide de notre part de conclure des accords de ce genre car nous nous retrouvons alors liés par une obligation internationale dont nous aurons ensuite à nous repentir. C'est ce qui s'est produit dans le cas du MMT. Nous nous sommes imposés une obligation mais une province est passée outre. La même chose pourrait se produire dans le cas de l'eau.

M. Alan Alexandroff: Je ne pense pas que le cas de Terre-Neuve soit étranger au sujet. Cette province fait partie du Dominion. Si elle décide de donner suite à ses intentions tout en sachant que cela pourrait fort bien obliger tout le reste du Canada à suivre son exemple, c'est à l'ensemble de la nation d'en discuter.

Le président: C'est exact.

M. Alan Alexandroff: Mais l'idée que nous nous abstenions de conclure de tels accords parce que nous pensons qu'il pourrait se passer quelque chose à l'avenir revient pour moi à dire que nous ne tirerons aucun avantage de ces mêmes accords, et là, je ne vous suis plus. Étant donné le point où nous en sommes de notre développement économique et de nos relations commerciales et financières, nous en retirons beaucoup d'avantages. Y a-t-il des questions à examiner et des points dont il faut se méfier? Certainement. La question ne se pose pas seulement pour l'eau, mais aussi pour les soins médicaux privés, et il y a une foule d'autres situations possibles. À mon avis, c'est surtout une question de discussions internes entre les divers éléments du Dominion.

[Français]

Le président: D'accord. Le dernier mot est à Mme Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Je veux ajouter là-dessus qu'on a eu des témoins qui nous ont aussi dit que ceux qui avaient écrit le chapitre 11, si on prend à titre d'exemple la clause sur l'expropriation, n'avaient jamais pensé qu'elle serait interprétée de façon aussi large. Or, un des problèmes qu'on a avec le chapitre 11 et son application, c'est que rien n'est public et qu'on n'est même pas capable de bâtir une vraie jurisprudence. Alors, il y a un vrai problème là. C'est comme si les pays avaient signé un accord, que, soudainement, l'accord qu'ils avaient signé de bonne foi se transformait et devenait une tout autre chose et qu'ils n'avaient plus de recours contre ça. C'est la raison pour laquelle un certain nombre de gens ont dit qu'il ne fallait pas partir du chapitre 11 tel qu'il est présentement, parce qu'on a eu de trop mauvaises expériences.

[Traduction]

M. Alan Alexandroff: Je ne suis pas certain de ce que vous entendez par une mauvaise expérience. Depuis que le chapitre 11 a été mis en...

Le président: Nous avons perdu et nous avons été obligés de payer. C'est donc une mauvaise expérience.

M. Alan Alexandroff: Bien. Pour des députés, c'est certainement une mauvaise expérience.

Le président: Pour le trésor canadien.

M. Alan Alexandroff: J'accepte votre interprétation. N'avait- on pas envisagé cela? Peut-être est-il vrai que les décideurs canadiens croient que cette protection vise essentiellement le Mexique. Je regrette de devoir vous le rappeler, mais il s'agit de droits réciproques, et les Canadiens viennent de se rendre compte que les obligations que nous imposons aux autres sont également des obligations pour nous-mêmes. Il n'est pas question de s'y soustraire.

À mon avis, il ne s'agit pas d'interprétation trop large dans le cas des décisions prises dans l'affaire S.D. Myers et dans l'affaire Metalclad, ni aucune des autres affaires de ce genre. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'internationalistes farouches. Je crois qu'il s'agit de situations relativement précises.

• 1200

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Mais on ne peut pas les lire. C'est ça, le problème.

[Traduction]

M. Alan Alexandroff: Oui, vous pouvez le faire.

Mme Francine Lalonde: Les décisions pour les États-Unis, pas pour le Canada.

M. Alan Alexandroff: Les décisions paraissent sur le site Web. Vous pouvez y lire les décisions concernant Metalclad et S.D. Meyers. Toutes ces décisions sont accessibles.

Ce qui ne l'est pas, cependant...

Mme Francine Lalonde: Sur le site de l'USTR.

Le président: Cela n'a pas d'importance. Vous pouvez obtenir les décisions.

M. Alan Alexandroff: Mais elles ne sont pas dans le...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Mais pas au Canada.

[Traduction]

M. Alan Alexandroff: Effectivement, le seul pays qui maintient le secret de ses décisions est le Mexique. Le Canada et les États- Unis sont convenus que les décisions du tribunal doivent être rendues publiques. Seul le Mexique s'est réservé le droit de ne pas le faire. La réponse est donc que les décisions, les plaidoyers et les plaintes sont tous accessibles.

Le président: Nous en avons utilisé quelques-uns dans le cours que j'ai enseigné en janvier à la faculté de médecine. Vous voyez.

Mes chers collègues, je déclare la séance levée.

Vous serez soulagés d'apprendre que nous n'avons pas de réunion cet après-midi.

Nous reprendrons mardi matin à 9 heures.

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