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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des pêches et des océans


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 15 mars 2002




À 1040
V         Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.))

À 1045
V         M. Hearn
V         Le président
V         L'hon. Gerry Reid (ministre des Pêches et de l'Aquaculture, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador)
V         

À 1050
V         

À 1055
V         

Á 1100
V         

Á 1105
V         Le président
V         M. Burton
V         M. Gerry Reid
V         

Á 1110
V         M. Burton
V         Le président
V         M. Lunney
V         M. Gerry Reid
V         M. Lunney
V         M. Gerry Reid
V         M. Lunney
V         M. Gerry Reid
V         Le président
V         M. Roy
V         

Á 1115
V         M. Gerry Reid
V         Le président
V         M. Matthews
V         M. Gerry Reid

Á 1120
V         M. Matthews
V         M. Gerry Reid
V         Le président

Á 1125
V         M. Peter Stoffer (Sackville--Musquodoboit Valley--Eastern Shore, NPD)
V         Le président
V         M. Stoffer
V         M. Gerry Reid
V         M. Stoffer
V         M. Gerry Reid

Á 1130
V         
V         M. Peter Stoffer
V         M. Gerry Reid

Á 1135
V         Le président
V         M. Wappel
V         M. Gerry Reid
V         M. Wappel
V         M. Gerry Reid
V         M. Wappel

Á 1140
V         M. Gerry Reid
V         Le président
V         M. Gerry Reid
V         Le président
V         M. Hearn
V         M. Gerry Reid
V         

Á 1145
V         Le président
V         M. Hearn
V         M. Gerry Reid
V         Le président

Á 1150
V         M. Tom Dooley (directeur, ministère des Pêches, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador)
V         Le président
V         M. Gerry Reid
V         Le président
V         M. Hearn
V         Le président
V         M. Stoffer
V         M. Gerry Reid
V         Le président
V         M. Gerry Reid

Á 1155
V         Le président

 1200
V         M. Trevor Taylor (membre de l'Assemblée législative, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador)
V         
V         

 1205
V         

 1210
V         

 1220
V         
V         Le président
V         M. Trevor Taylor
V         Le président
V         M. Trevor Taylor
V         Le président
V         M. Lunney
V         

 1225
V         M. Trevor Taylor
V         Le président
V         M. Lunney
V         M. Trevor Taylor
V         Le président

 1230
V         M. Roy
V         M. Trevor Taylor
V         Le président
V         M. Roy
V         M. Trevor Taylor
V         

 1235
V         Le président
V         M. LeBlanc
V         M. Trevor Taylor

 1240
V         Le président
V         M. Stoffer
V         Le président
V         M. Stoffer
V         M. Trevor Taylor
V         

 1245
V         M. Hearn
V         M. Trevor Taylor
V         

 1250
V         Le président
V         M. Wappel
V         M. Wappel

 1255
V         M. Trevor Taylor
V         Le président
V         M. Stoffer
V         M. Trevor Taylor
V         

· 1300
V         Le président
V         M. Matthews
V         Le président

· 1305
V         M. Trevor Taylor
V         

· 1310
V         Le président
V         Le président
V         M. Jim Morgan (porte-parole, Newfoundland and Labrador Rural Rights and Boat Owners Association)
V         
V         
V         
V         
V         
V         Le président
V         M. Burton
V         M. Jim Morgan
V         Le président
V         M. Burton
V         Le président
V         M. Stoffer
V         M. Jim Morgan
V         M. Stoffer
V         Le président
V         M. Stoffer
V         M. Jim Morgan
V         
V         M. Peter Stoffer
V         M. Jim Morgan
V         Le président
V         
V         M. Jim Morgan
V         Le président
V         M. Matthews
V         M. Jim Morgan
V         
V         Le président
V         M. Matthews
V         Le président
V         M. Hearn
V         M. Jim Morgan
V         
V         Le président
V         M. Wappel
V         M. Jim Morgan
V         M. Wappel
V         M. Jim Morgan
V         M. Wappel
V         M. Jim Morgan
V         Le président
V         M. Lunney
V         Le président
V         M. Jim Morgan
V         Le président
V         M. Jim Morgan
V         Le président
V         M. Allister Hann (maire, Ville de Burgeo)
V         Le président
V         M. Allister Hann
V         
V         
V         
V         
V         Le président
V         M. Andy Burton
V         Le président
V         M. Jean-Yves Roy
V         M. Allister Hann
V         Le président
V         M. Allister Hann
V         Le président
V         M. Matthews
V         Le président
V         M. Stoffer
V         M. Allister Hann
V         M. Stoffer
V         M. Allister Hann
V         
V         M. Stoffer
V         M. Allister Hann
V         Le président
V         M. Hearn
V         M. Allister Hann
V         M. Hearn
V         
V         M. Allister Hann
V         M. Hearn
V         Le président
V         M. Lunney
V         M. Allister Hann
V         M. Lunney
V         M. Allister Hann
V         M. Lunney
V         M. Allister Hann
V         M. Lunney
V         M. Allister Hann
V         M. Lunney
V         M. Allister Hann
V         M. Lunney
V         Le président
V         M. Stoffer
V         Le président
V         Le président










CANADA

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 15 mars 2002

[Enregistrement électronique]

À  +(1040)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): La séance est ouverte.

    Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à vos collaborateurs. Je vais vous demander de présenter les personnes qui vous accompagnent. Je signale à ceux qui lisent le compte rendu que le comité se trouve ce matin à St. John's, Terre-Neuve, et que conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, il étudie les implications de l'extension de la zone économique exclusive du Canada pour y inclure le nez et la queue du Grand Banc et le Bonnet Flamand.

    Loyola, je crois que vous voulez dire quelques mots.

À  +-(1045)  

+-

    M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC/RD): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais simplement vous souhaiter la bienvenue, ainsi qu'aux membres du comité, dans le grand district de St. John's-Ouest. Je tiens à vous remercier sincèrement en mon nom et au nom de Bill d'être venus à Terre-Neuve pour traiter de ce sujet de la plus haute importance. C'est sans doute le sujet le plus important que ce comité soit jamais appelé à étudier, et vous êtes venus l'étudier ici sur place. C'est formidable. Encore une fois, merci à vous et au comité de vous être montrés si coopératifs quand nous vous avons proposé de venir non seulement à Terre-Neuve, mais plus précisément à St. John's-Ouest. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, Loyola.

    Monsieur Reid, c'est à vous.

+-

    L'hon. Gerry Reid (ministre des Pêches et de l'Aquaculture, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais tout d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Mary Hodder est députée provinciale de Burnham Placentia West, une région de notre province qui a subi les effets dévastateurs de la crise du poisson de fond sur la côte est. Je suis aussi en compagnie de mon sous-ministre, Mike Samson, et du directeur du service des Pêches, Tom Dooley.

    Bonjour, mesdames et messieurs. Au nom du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, je vous souhaite la bienvenue dans notre province. Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous parler de pêche, un sujet d'une importance capitale pour les habitants de notre province.

    La prospérité de Terre-Neuve et du Labrador a toujours été liée aux ressources de la mer. De ce fait, l'évolution du droit international sur la notion de mer territoriale et sur les droits des États riverains a toujours été d'une importance vitale pour notre province, d'autant plus que la surpêche des bateaux étrangers a largement contribué à l'effondrement des ressources en poissons de fond sur la côte est. Depuis 10 ans, cette évolution a contraint des milliers de pêcheurs et de travailleurs des usines de transformation de Terre-Neuve et du Labrador à se déplacer.

+-

     La surpêche étrangère et ses conséquences sur l'économie des États côtiers n'a rien de nouveau. Dès la fin des années 40, plusieurs pays, dont Terre-Neuve—puisque nous étions un pays à l'époque—se sont inquiétés de l'augmentation des navires étrangers qui pêchaient à la limite des eaux territoriales de trois milles, laquelle limite avait été tracée en ligne directe de cap en cap. En 1945, les États-Unis ont adopté la Déclaration Truman, qui affirmait que les États côtiers avaient le droit non seulement de prendre des mesures pour préserver les stocks de poissons au-delà de la limite traditionnelle de trois milles des eaux territoriales, mais également de s'approprier les ressources minérales du plateau continental adjacent. Dans l'intervalle, les pays étrangers intervenaient pour établir unilatéralement une zone économique de 200 milles dans laquelle ils entendaient réglementer les activités de pêche. Plus près de chez nous, on a créé en 1949 l'Organisation des pêches de l'Atlantique-Nord-Ouest, ou OPANO, afin de partager les avis scientifiques et de répartir les quotas de pêche entre les États membres. Malheureusement, les initiatives comme l'Organisation des pêches de l'Atlantique-Nord-Ouest ne parvenaient pas à contrôler les activités des flottes de pêche des pays lointains, et les stocks de poissons au large de Terre-Neuve ont continué leur régression.

    La première conférence sur le droit de la mer a été convoquée sous les auspices des Nations Unies en 1958 pour élaborer un droit international concernant la gouvernance et la protection des océans du monde. Lors de cette conférence et de celle qui l'a suivie en 1960, plusieurs États côtiers, dont le Canada, se sont dits favorables au doublement des eaux territoriales, dont la limite était portée à six milles nautiques, assorti d'une zone adjacente de pêche d'une largeur de six milles nautiques. Ces négociations n'ont pas abouti et, en 1964, le Canada a adopté la Loi sur la mer territoriale et les zones de pêche, qui créait une zone de pêche de neuf milles à l'extérieur de la limite de trois milles. Par la suite, en 1970, le Canada a unilatéralement étendu la mer territoriale à 12 milles.

    Toujours en 1970, le Canada a également testé les limites du droit international en adoptant la Loi sur la prévention de la pollution dans les eaux arctiques, qui visait à protéger les eaux de l'Arctique et leurs ressources. Pendant ce temps, la surpêche des navires étrangers dans les eaux adjacentes à Terre-Neuve et au Labrador continuait à s'aggraver. À titre d'exemple, le total des prises de morues du Nord a atteint 810 000 tonnes en 1968, dont 687 000 tonnes ont été prélevées par des navires étrangers. Les effets de ce carnage étaient prévisibles. Dès le début des années 70, les stocks de morues du Nord s'effondraient, avec toutes les conséquences qui en ont résulté pour l'économie de Terre-Neuve et du Labrador. Si la déclaration de la zone exclusive de 200 milles par le Canada en 1977 a permis une certaine reconstitution au début des années 80, il n'y a pas eu d'amélioration dans certaines zones, comme dans le nord du Labrador, où s'effectuait traditionnellement une partie importante des pêches des navires de Terre-Neuve et du Labrador.

    En 1973, on a convoqué une troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer dans le but de parvenir à un consensus international. Les négociations ont abouti en 1982 à un accord final sous forme de Convention de Nations Unies sur le droit de la mer, connue sous le nom de UNCLOS. Cette convention est particulièrement importante pour Terre-Neuve et le Labrador, puisqu'elle prévoit une mer territoriale de 12 milles nautiques ainsi qu'une zone économique exclusive de 200 milles nautiques en matière de pêche. En outre, UNCLOS confère aux États côtiers le droit exclusif de gérer les ressources des fonds marins jusqu'à la limite du plateau continental, même dans les cas où, comme sur les Grands Bancs et sur le Bonnet Flamand, le plateau continental s'étend au-delà de la limite des 200 milles. Cette mesure est particulièrement précieuse, dans la mesure où elle confère au Canada un droit sur les ressources pétrolières et gazières de tout le plateau continental. En outre, la convention des Nations Unies donne au Canada le contrôle exclusif des ressources marines sédentaires, comme le crabe des neiges et le pétoncle, jusqu'à la limite du plateau continental.

À  +-(1050)  

+-

     Mesdames et messieurs, il importe de remarquer que le contrôle des ressources situées en-dessous des fonds océaniques jusqu'à l'extrémité du plateau continental nous appartient, de même que le contrôle du crabe et du pétoncle jusqu'à l'extrémité du plateau continental, mais nous ne contrôlons pas les ressources en poissons au-delà de la limite des 200 milles.

    La convention des Nations Unies de 1982 fait également apparaître l'acceptation internationale croissante du droit des États côtiers sur la zone exclusive de 200 milles et elle a pour effet de confier la gestion de 90 p. 100 des pêches mondiales aux États côtiers. Malheureusement, nous sommes l'un des trois ou quatre pays au monde dont le plateau continental s'étend au-delà de la limite de 200 milles. La troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer n'a pratiquement pas fait évoluer le droit international en ce qui concerne la pêche au-delà de la limite de 200 milles. La convention sur le droit de la mer comporte de vagues références à la nécessité de la coopération entre les États pour assurer la conservation des ressources halieutiques en haute mer, mais les incertitudes concernant les droits des États côtiers et l'absence de mesures efficaces d'imposition du droit et de procédures de règlement des différends ne nous permettait qu'un contrôle très limité, ce qui a constitué une source importance de préoccupations en ce qui concerne les espèces très migratrices et les stocks chevauchants, qui sont toujours lourdement exploités par les flottes de pêche de pays lointains.

    Dans le contexte de Terre-Neuve et du Labrador, le problème tient à l'extension du plateau continental au-delà de la zone économique exclusive de 200 milles dans deux secteurs, appelés le nez et la queue du Grand Banc. Ces secteurs font partie de l'aire naturelle de plusieurs poissons de fond, dont la morue du Nord, la morue du Sud du Grand Banc et plusieurs espèces de poissons plats, qui représentent une valeur économique considérable pour Terre-Neuve et le Labrador. Une bonne partie de ces stocks se déplace au-delà de la limite des 200 milles à certaines périodes de l'année, en fonction des fluctuations de la température de l'eau et de la disponibilité des ressources alimentaires. Ces espèces font alors l'objet d'une grave surpêche de la part des navires étrangers. Pour un État côtier comme le Canada, il est absolument impossible de gérer efficacement ces stocks dans la zone économique exclusive de 200 milles en l'absence de moyens de gestion efficaces à l'extérieur de cette zone.

    J'ai évoqué tout à l'heure la convention de 1982 des Nations Unies qui invite les nations à coopérer au plan bilatéral ou par l'intermédiaire d'organismes régionaux internationaux de gestion des pêches pour assurer la bonne gestion et la conservation des ressources halieutiques en haute mer. L'Organisation des pêches de l'Atlantique-Nord-Ouest, l'OPANO, comme on l'appelle, a été créée en 1978 en tant qu'organisme international de gestion des pêches, avec pour mandat d'assurer la bonne gestion et la conservation des ressources halieutiques dans l'Atlantique du Nord-Ouest au-delà de la zone économique exclusive de 200 milles du Canada. Comme vous le savez, l'OPANO se compose de plusieurs pays, dont le Canada, la Russie, le Japon, l'Islande, l'Union européenne et d'autres qui s'intéressent à la pêche dans le nord-ouest de l'Atlantique.

    Malheureusement, l'OPANO, comme la Commission internationale pour les pêcheries de l'Atlantique-Nord-Ouest, qui l'a précédée, a été inefficace en matière de gestion et de conservation des pêches. L'aggravation de la surpêche étrangère au large de la côte est du Canada après 1986 a coïncidé avec l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans l'Union européenne. La surpêche pratiquée par l'Union européenne et par divers pays non membres de l'OPANO a réduit considérablement plusieurs stocks chevauchants d'une importance cruciale pour Terre-Neuve et le Labrador, notamment la morue du Nord, la morue du Sud du Grand Banc, la plie canadienne, la limande à queue jaune, le flétan du Groenland et la plie grise. Cette surpêche a eu aussi pour effet de réduire considérablement les prises canadiennes de ces stocks dans la zone des 200 milles. Autrefois, la flotte de pêche de Terre-Neuve et du Labrador représentait environ 95 p. 100 de l'ensemble des prises canadiennes de ces stocks. C'est donc notre province qui a souffert le plus de ce qui s'est passé à l'extérieur de la limite des 200 milles, où nous prélevions autrefois 95 p. 100 de ces stocks.

    En 1993, les quotas des stocks gérés par l'OPANO ont atteint le niveau le plus bas et il a été impossible d'effectuer des évaluations scientifiques à cause des rejets et des fausses déclarations de prises. Le prélèvement de poissons immatures par les pêcheurs étrangers était généralisé et a constitué un facteur important dans le déclin de tous les stocks gérés par l'OPANO. Cette situation a abouti à un moratoire sur les principaux stocks gérés par l'OPANO en 1994, après que le Canada eut décidé en 1992 d'imposer un moratoire sur la plupart des stocks de poissons de fond dans la zone des 200 milles.

À  +-(1055)  

+-

     Autrefois, les prises européennes des stocks chevauchants n'étaient limitées que par la disponibilité du poisson. Avec l'augmentation des prises, la ressource a diminué jusqu'au point où le niveau des prises n'a pu se maintenir. En 1987, la part européenne des quotas de l'OPANO pour les principaux stocks chevauchants, à l'exclusion de la morue du Nord, atteignait 23 000 tonnes. Les prises déclarées de ces espèces, avec un total estimatif de 35 000 tonnes pour la morue du Nord, atteignaient environ 135 000 tonnes. En 1990, l'OPANO a attribué 15 000 tonnes de ces espèces à l'Union européenne, mais cette dernière en a déclaré elle-même 46 000 tonnes, dont 22 000 tonnes de morue du Nord pour laquelle elle n'avait obtenu aucune attribution. D'après les estimations canadiennes, les prises européennes d'espèces chevauchantes réglementées en 1990 ont atteint environ 98 000 tonnes, dont 22 000 tonnes de morue du Nord. Au total, la surpêche des stocks réglementés par l'OPANO de la part de l'Union européenne et des pays non membres de l'OPANO a dépassé 850 000 tonnes entre 1986 et 1994, dont au moins 240 000 tonnes de morue du Nord. La diminution des stocks a été si forte que les principales pêches ne sont plus rentables commercialement et font l'objet d'un moratoire imposé par l'OPANO.

    On a constaté une amélioration importante de l'application du droit et de la gestion des pêches par l'OPANO après que le gouvernement du Canada eut envoyé sa marine dans la zone en question en 1995 dans ce qu'on a appelé par la suite la guerre du turbot. La mise en oeuvre de programmes universels d'observateurs et d'inspection des débarquements, l'imposition de filets normalisés pour le poisson de fond et l'observation plus rigoureuse des avis scientifiques ont amélioré le respect des règles de l'OPANO à partir de 1995.

    Malheureusement, ces mesures conservatoires ont été de courte durée, comme l'a montré l'analyse des activités de pêche menée récemment par le Canada dans les zones réglementées par l'OPANO. Cette analyse montre une tendance croissante à la non-conformité depuis 1999, qui se manifeste par une augmentation des débarquements d'espèces sous moratoire, par la surpêche de la crevette du 3L, par le dépassement de certains quotas de flétan du Groenland, par le recours plus fréquent à de petits engins et par le refus de certaines parties de présenter des rapports d'observateur en 2000 et 2001. En 2000, les flottes étrangères ont débarqué plus de 10 000 tonnes d'espèces soumises à moratoire. Ce volume de poisson pourrait représenter plusieurs mois d'emploi dans les usines de transformation des villes de la côte sud comme Burgeo et des localités représentées par ma collègue ici présente.

    Messieurs, il est vraiment dommage que vous n'ayez pas l'occasion de visiter une ville comme Burgeo sur la côte sud de notre province, qui a été fondée dans un but unique, à savoir la pêche sur la côte sud. Comme elle est presque totalement isolée du reste de la province, elle n'a aucune raison d'exister en dehors de la pêche. Si vous avez l'occasion de vous rendre à Burgeo, vous verrez les ravages indirectement causés par les activités menées en dehors de notre zone des 200 milles.

    Le Canada a présenté cette analyse à la réunion de l'OPANO tenue en janvier 2000 au Danemark. Tous les pays membres présents se sont dits préoccupés par la situation actuelle et ont convenu que des améliorations s'imposaient. Cette réunion ne semble pas avoir débouché sur autre chose que l'expression de préoccupations, car malgré les avis scientifiques contraires, le quota de flétan du Groenland a été porté de 40 000 à 44 000 tonnes. En outre, une motion sur les limites de profondeur, qui aurait permis de réduire les prises accidentelles d'espèces sous moratoire, comme la plie canadienne et la morue du 3NO, a été rejetée.

Á  +-(1100)  

+-

     En résumé, l'OPANO nous a laissé tomber depuis sa création en 1978, et le Canada également. À l'exception de quelques courtes périodes de notre histoire, il n'y a jamais eu à Ottawa de volonté politique de s'opposer à la surpêche étrangère. Il faudrait que le gouvernement fédéral change radicalement d'attitude et de méthode. Une intervention décisive s'impose pour s'opposer aux activités étrangères de surpêche sur le nez et la queue du Grand Banc et sur le Bonnet Flamand.

    La commission des pêches de l'OPANO n'est pas déterminée à contrôler les activités de pêche de ses États membres ni à prendre les mesures nécessaires pour promouvoir la reconstitution de ces stocks. Il est évident que la seule façon de conserver les stocks de poissons au-delà de la limite des 200 milles consiste à les confier à la gestion du Canada. En étendant la gestion de garde jusqu'à la limite du plateau continental, le Canada pourrait gérer ces stocks qui, actuellement, chevauchent la limite des 200 milles. Il assurerait ainsi une application uniforme des mesures de conservation de la ressource, tout en respectant les parts attribuées aux autres pays. Seule une telle entente permettra la reconstitution des stocks de poissons de fond du Grand Banc. Je presse ce comité d'envisager sérieusement une telle mesure.

    Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur cette question d'une importance capitale pour les gens de Terre-Neuve et du Labrador. Merci beaucoup.

Á  +-(1105)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre, de ces propos très francs. C'est ce qu'apprécient les membres du comité.

    Un certain nombre des membres du comité—en fait, je pense qu'il n'en reste plus que trois ou quatre—sont allés à Burgeo en 1988 à l'occasion de l'étude de la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Ce fut une expérience intéressante. Hier, on nous a présenté le programme de surveillance réalisé par le ministère des Pêches et des Océans et par les compagnies aériennes provinciales à Halifax, ce qui nous a permis de voir comment on peut surveiller les navires de pêche et avoir une assez bonne idée des activités illégales auxquelles ils se livrent.

    Nous allons commencer les questions en donnant la parole à M. Burton.

+-

    M. Andy Burton (Skeena, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie de votre exposé très succinct. Vous ne mâchez pas vos mots. Je vais limiter la durée de mon intervention, car j'estime que les députés de la côte est méritent le droit de poser l'essentiel des questions au cours de la présente audience.

    J'ai quelques doutes concernant l'OPANO. Des fonctionnaires du ministère des Pêches nous en ont parlé récemment, et leurs propos m'ont paru contradictoires. Il me semblait que les choses allaient relativement bien, même si elles pourraient aller mieux, et je suis assez inquiet lorsque j'entends parler de l'inefficacité de l'OPANO. C'est moins une question qu'un commentaire de ma part. En tant que ministre, quel message recevez-vous du ministère fédéral des Pêches quant à l'opinion canadienne sur l'efficacité de l'OPANO?

+-

    M. Gerry Reid: Si vous regardez ce qui s'est passé à la dernière réunion de janvier de l'OPANO, il est évident que cet organisme ne travaille pas dans l'intérêt du Canada, et encore moins dans celui de Terre-Neuve et du Labrador. L'OPANO a les capacités scientifiques voulues pour fixer des quotas, notamment grâce à l'aide de nos propres conseillers scientifiques. Même si nous fixons des quotas fondés sur ces avis scientifiques, on constate non seulement que les membres de l'OPANO dépassent ces quotas mais qu'en outre, cette année, ils ont voté en faveur d'un dépassement de 4 000 tonnes des quotas de turbot, alors même que les scientifiques étaient d'avis contraire. Pour moi, l'OPANO n'a jamais fait correctement son travail.

+-

     Ce qui est également révoltant, c'est la procédure d'objection de l'OPANO. Les scientifiques de cet organisme peuvent décider de ce que l'on peut ou ne peut pas pêcher et fixer les volumes de prises, mais n'importe quel pays membre peut élever une objection. Par exemple, les scientifiques fixent à 1 000 tonnes les prises de crevettes du secteur 3O pour cette année. Ce volume est divisé entre un certain nombre de pays, ce qui donne 67 tonnes à chaque pays, je crois, y compris aux îles Féroé. Il suffit que les îles Féroé ou le Danemark, qui représente les îles Féroé, élèvent une objection pour avoir le droit de pêcher autant de crevettes qu'elles en veulent. Je crois que l'année dernière, elles ont obtenu un quota de 67 tonnes et elles ont déclaré plus de 100 jours de pêche pour ces 67 tonnes. Messieurs, point n'est besoin d'être un génie pour constater qu'elles ont dépassé leur quota ou qu'elles ont pêché d'autres espèces.

    Nous pourrions parler jusqu'à ce soir des nombreuses infractions qui se produisent au-delà de la limite des 200 milles.

Á  +-(1110)  

+-

    M. Andy Burton: Monsieur le président, j'estime qu'il va falloir étudier ce que nous venons d'entendre pour voir si on peut tirer les choses au clair.

+-

    Le président: On a vu, lorsque Pat Chamut a comparu devant le comité, que le MPO n'était pas très satisfait de la dernière ronde de discussions à l'OPANO; nous avons perdu un certain nombre de résolutions. C'est vrai, il faudrait obtenir des détails.

    Monsieur Lunney, c'est à vous.

+-

    M. James Lunney (Nanaimo--Alberni, Alliance canadienne): Ma première question concerne la ville de Burgeo. Je ne faisais pas partie du comité lorsqu'il s'y est rendu. Quelle est la population de la ville et que s'y passe-t-il actuellement? Est-ce que quelqu'un peut nous en parler?

+-

    M. Gerry Reid: Le maire de Burgeo doit faire un exposé aujourd'hui. Je pense que la ville compte environ 3 000 habitants—peut-être moins aujourd'hui, nous dit Bill, qui représente cette région.

+-

    M. James Lunney: On nous en parlera sans doute plus tard.

    Pour revenir à l'OPANO, il semble que les règles de l'organisme ne soient pas appliquées. Si on voulait les appliquer, qui en serait chargé?

+-

    M. Gerry Reid: Là aussi, il y a un problème.

+-

    M. James Lunney: Les règles ne sont pas appliquées.

+-

    M. Gerry Reid: Certaines sont appliquées. Les observateurs sont du pays d'origine du bateau et en cas d'infraction, le bateau doit rentrer. Par exemple, si les Espagnols font de la surpêche sur le nez et la queue du Grand Banc et on constate une infraction, ils devront retourner en Espagne et comparaître devant un tribunal espagnol. Nous ne connaissons jamais l'issue des poursuites—dans l'éventualité où l'affaire se rend effectivement jusqu'à un tribunal.

    Pour en revenir au ministère fédéral des Pêches, j'ai été satisfait de l'intervention du gouvernement canadien à cette réunion de l'OPANO—du moins, de celle de M. Thibault, alors même qu'il venait tout juste d'entrer en fonction—à propos de l'attribution des quotas de crevettes aux îles Féroé. Apparemment, les autorités des îles Féroé sont très mécontentes de ne pouvoir pêcher que 67 tonnes, et on a dit très clairement à l'OPANO que si elles dépassent ce quota, le gouvernement canadien envisagera sérieusement d'interdire l'accès aux ports canadiens aux navires des îles Féroé. C'est au moins un pas dans la bonne direction, et je tiens à en remercier le ministre fédéral.

+-

    Le président: En fait, je crois que ce comité en a fait la recommandation en novembre dernier. Nous avons écrit au ministre pour lui dire que si l'OPANO ne fait pas son travail, nous devrons envisager certaines mesures, comme le refus d'autoriser les navires à se ravitailler ou à décharger leurs prises.

    Monsieur Roy, c'est à vous.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy (Matapédia--Matane, BQ): Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, je voudrais d'abord vous féliciter pour votre exposé. Comme le disait le président du comité, c'est un exposé très clair et très direct.

    J'ai une question assez simple à vous poser. Vous nous avez fait un historique très important de l'OPANO et de la gestion des stocks dans la zone de 200 milles et à l'extérieur de la zone de 200 milles. Je voudrais que vous nous disiez quelle est l'importance de l'industrie de la pêche ici, à Terre-Neuve. Qu'est-ce que ça représente comme emplois? Est-ce que ça représente 20 ou 30 p. 100 des emplois? Combien de personnes sont rattachées à l'industrie de la pêche? Quelle influence a pu avoir la mauvaise gestion des stocks autour de Terre-Neuve et dans la zone?

+-

     Quelle influence est-ce que cela a pu avoir sur l'économie de Terre-Neuve au fil des ans, depuis 1970? Qu'est-ce que cela a eu comme impact et quel serait l'impact si, au sein de l'OPANO, on continuait de gérer les choses de la même façon? Est-ce qu'on risque d'assister à la disparition quasi totale d'une industrie très importante pour Terre-Neuve et est-ce qu'on en est rendu à un point de non-retour? C'est ça, le sens de ma question. Est-ce qu'on peut prétendre que la reconstitution des stocks est une chose possible à l'heure actuelle, avec la surpêche qu'il y a eu?

Á  +-(1115)  

[Traduction]

+-

    M. Gerry Reid: Je vous remercie de vos questions. Je pense qu'il y a à peu près 30 000 emplois directs dans les pêches, mais de façon indirecte, toute la province, chacun d'entre nous, est concernée. Nous sommes arrivés ici en 1497 à cause des pêches, qui ont assuré notre subsistance depuis lors et qui constituent l'épine dorsale de notre économie. Il s'agit non seulement de ceux qui y participent directement, mais également de toutes les retombées. Par exemple, il y a un certain nombre de personnes qui travaillent dans le secteur du camionnage chaque année grâce aux pêches.

    Quelles ont été les conséquences de cet effondrement? Des régions entières de la province ont été ravagées à cause de l'effondrement de la pêche du poisson de fond. Les effets en ont été ressentis dans tous les villages de pêcheurs de cette province. J'ai parlé de Burgeo et de certaines villes de la circonscription de ma collègue, où l'emploi a chuté de façon dramatique. Les gens quittent la province. Je ne sais pas si vous avez regardé les nouvelles hier soir, mais nous subissons une migration de sortie bien supérieure aux autres provinces. D'après le recensement qui vient de se terminer, la diminution de notre population est la plus forte au pays et c'est la plus forte de notre histoire. Tout cela résulte directement de ce qui s'est passé dans les pêches. Ma propre circonscription comprend quatre îles situées sur la côte nord-est, où 90 p. 100 de la population tire directement ou indirectement sa subsistance de la pêche. Depuis 10 ans, l'île et la ville de Twillingate, qui comptent 4 000 habitants, ne retirent plus rien de la pêche. Il faut voir l'effet de cette situation sur les collectivités, voir le nombre de maisons à l'abandon. Les jeunes sont partis pour le continent, car il n'y a rien pour les retenir ici.

    Est-ce que les pêches ont atteint un point de non-retour? Les stocks de morue du Nord ont tellement peu récupéré depuis le moratoire de 1992 qu'à mon avis, les perspectives de rentabilité commerciale sont très faibles. L'année dernière, la pêche repère a encore diminué. Nous prenons 5 600 tonnes de morue du Nord. En 1988, le total autorisé des captures de morue du Nord pour le Canada se situait aux environs de 266 000 tonnes. Si les prises sont passées de 266 000 à 5 600 tonnes, vous pouvez imaginer l'effet de cette réduction sur les collectivités de la côte nord-est de notre province. Je ne peux vraiment pas vous dire si les pêches vont reprendre, mais je vous invite à consulter nos homologues fédéraux et les scientifiques du MPO. Ils pourront certainement vous fournir une meilleure évaluation, mais je ne pense pas que de notre vivant nous verrons la morue du Nord revenir aux volumes ou aux quotas que nous avons déjà connus.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Bill Matthews, c'est à vous

+-

    M. Bill Matthews (Burin--St. George's, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président

    Tout d'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue dans cette province à vous et aux membres du comité, et souhaiter aussi la bienvenue au ministre provincial et à ses collaborateurs à cette séance.

    Monsieur le ministre, vous avez parfaittement tracé l'historique de ce qu'il est advenu de nos ressources halieutiques et de nos stocks, en particulier au-delà de la limite des 200 milles. Vous avez parlé de l'OPANO, de sa faiblesse et de ses problèmes. Quel est le point de vue du gouvernement provincial sur l'OPANO? Quelle recommandation pouvez-vous faire au gouvernement fédéral? Faut-il continuer de participer aux activités de cet organisme, ou serait-il préférable d'abandonner ce que de nombreux habitants de la province considèrent comme une créature dépourvue de moyens d'action? J'aimerais savoir ce que vous avez à recommander au gouvernement fédéral à propos de l'OPANO.

+-

    M. Gerry Reid: Je pense qu'il faudrait dire à l'OPANO qu'à la prochaine réunion de septembre, à moins d'une indication très précise d'une volonté de l'organisme de s'en tenir aux règles fixées par la Commission, nous allons nous en retirer. Voilà ce que j'en pense en toute franchise. L'organisme n'a pas satisfait les besoins de la population de cette province. Au contraire, on l'assimile ici, depuis des années, à un tigre sans dents. Il essaie de réglementer une bande de pirates de haute mer, pour dire les choses clairement. L'OPANO a les capacités scientifiques voulues pour fixer des quotas et les représentants des États membres quittent les réunions de l'OPANO une fois que les quotas ont été fixés, et se livrent à la surpêche, utilisent des filets aux mailles non réglementaires, etc. Dans ce cas, je ne vois aucune raison de continuer à y siéger.

    L'autre jour, quelqu'un qualifiait ces pêcheurs d'écoterroristes, et je crois que c'est une bonne description. George Bush a déclaré la guerre au terrorisme, nous lui avons emboîté le pas, tout le monde a trouvé ça très bien, mais nous avons là une bande d'écoterroristes sur le nez et la queue du Grand Banc, dont personne ne semble se soucier. Dans notre province, on proteste contre la construction de barrages qui vont endommager l'environnement du Belize. Or, les habitants du Belize ne disent pas grand-chose de ce qui se passe sur le nez et la queue du Grand Banc. Les Canadiens non plus. En fait, on en parle très peu.

    Je pense qu'il faudrait tirer nos dernières cartouches à l'OPANO. Il faut dire à ses représentants que s'ils ne se ressaisissent pas et ne répondent pas aux attentes des habitants de Terre-Neuve, du Labrador et de l'ensemble du Canada, nous allons nous en retirer.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Bill Matthews: Merci, monsieur le ministre, de la franchise de vos commentaires. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais vous bénéficiez sur cette question d'un appui considérable de la part des personnes ici présentes.

    Si le Canada suit votre recommandation et se retire de l'OPANO, que faudrait-il logiquement faire par la suite? Imposer unilatéralement l'extension de notre zone de compétence? J'aimerais que vous indiquiez très clairement ce que recommande le gouvernement de Terre-Neuve dans une telle éventualité

+-

    M. Gerry Reid: Nous envisageons une gestion de surveillance, non pas une extension de notre zone de compétence, mais une gestion de surveillance du plateau continental, y compris du nez et de la queue et du Bonnet Flamand. Grâceà nos propres capacités scientifiques, nous pourrions déterminer les quotas. Considérant que certains pays étrangers pêchent dans ces eaux depuis plusieurs siècles, nous pourrions évaluer les stocks de poisson et fixer des quotas que nous pourrions attribuer à ces pays, tout en faisant respecter la réglementation.

    Je pense que si on allait à Londres aujourd'hui et qu'au coin d'une rue, on se mettait à déclarer aux passants que nous avons un sérieux problème de gestion des pêches sur les côtes du Canada, que les stocks subissent une surpêche dramatique et que nous demandons simplement à fixer des quotas et à imposer le respect de la loi à tous, on susciterait certainement des réactions sympathiques. Dans la vie de tous les jours, chacun d'entre nous se conforme à la loi et ceux qui ne s'y conforment pas sont sanctionnés.

    Je propose donc qu'on pratique la gestion de garde, qu'on fasse de la recherche scientifique, qu'on fixe des quotas, mais aussi qu'on les applique rigoureusement. Si un pays ou une société fait de la surpêche sur le nez et la queue du Grand Banc, nous devrons intervenir et lui imposer une sanction.

+-

    Le président: Merci, monsieur Matthews; merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Stoffer, c'est à vous.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Peter Stoffer (Sackville--Musquodoboit Valley--Eastern Shore, NPD): Merci à vous, monsieur le ministre, de votre exposé.

    Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne la migration de sortie à Terre-Neuve et au Labrador. Plus de 40 000 personnes ont quitté cette province depuis 10 ans, le plus souvent, comme vous le dites, à cause de la crise dans les pêches.

    Il est plutôt ironique, monsieur le président, que nous tenions notre réunion ici alors que dans une salle voisine, le MPO délibère sur l'OPANO. Je pense que nous devrions nous transporter dans cette salle pour écouter ce qu'on y dit.

    Lundi dernier, nous avons rencontré des fonctionnaires du MAECI qui nous ont dit que pour rien au monde, il ne fallait pas étendre notre secteur de compétence au-delà de 200 milles.

+-

    Le président: Je signale que le MAECI est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

+-

    M. Peter Stoffer: Je vous recommande d'obtenir un exemplaire de notre procès-verbal, vous verrez exactement ce qu'ils nous ont dit.

    Vous avez parlé des rapports des observateurs. Est-ce que vous avez déjà vu un tel rapport?

+-

    M. Gerry Reid: Non, je n'en ai vu aucun.

+-

    M. Peter Stoffer: Nous, nous en avons vu un. Toutes les cases étaient vides. Il n'y avait que le nom du navire, la date du départ, et c'est tout. C'était un gros document, mais toutes les cases étaient vierges. Ces rapports-là ne valent rien du dout.

    Vous parlez aussi de gestion de surveillance. Je pense que vous édulcorez quelque peu vos véritables souhaits. Tout d'abord, je ne pense pas que le Canada ait de l'argent à consacrer à l'application des règles, à la recherche scientifique et tout ce qu'il faut pour gérer correctement les stocks. Deuxièmement, on nous a dit que historiquement, le poisson de Terre-Neuve avait été bradé en contrepartie de certains intérêts économiques du Canada central, et certains d'entre nous sont bien de cet avis. Monsieur le président, nous avons entendu récemment parler d'une rencontre en Norvège entre pays membres de l'Association européenne de libre-échange où il était question de chantier naval et d'aquaculture moyennant certains avantages pour le Canada central. J'aimerais savoir pourquoi vous ne voulez pas le contrôle total des pêches, plutôt qu'une simple gestion de surveillance. Pourquoi ne pas aller au fond des choses?

+-

    M. Gerry Reid: Je pense que la gestion de surveillance passerait plus facilement. C'est pour cela que j'en parle. Nous discutons avec le gouvernement fédéral depuis des années d'une extension de notre compétence pour inclure le nez et la queue du Grand Bancs et le Bonnet Flamand, et cela ne nous a menés à rien. À l'exception de l'époque où nous avons fait venir la marine en 1995, cela n'a donné aucun résultat. Je crois que le dispositif de gestion de surveillance serait plus facile à faire accepter internationalement qu'une décision d'étendre unilatéralement notre compétence sur ces régions. Je pense que n'importe quelle personne raisonnable au monde accepterait la gestion de surveillance, puisque nous autoriserions encore les étrangers qui pêchaient ici traditionnellement à continuer à pêcher, mais qu'ils ne pourraient pêcher que les quotas qui leur seraient alloués par le gouvernement canadien.

Á  +-(1130)  

+-

     Je ne vois pas pourquoi le ministère des Affaires étrangères dirait que ce n'est pas une bonne idée d'étendre notre compétence au nez et à la queue du Grand Banc. En tout cas, ils ne me l'ont pas dit. De toute façon, je pense que pour moi, ce serait complètement absurde et je crois que je n'ai même pas envie d'entendre cette opinion.

    Vous avez parlé des rapports d'observateurs, de la migration de sortie et des retombées sur cette province. Mon collègue vient de me passer une petite note me disant que Marystown a employé dans le passé 1 150 travailleurs à plein temps 52 semaines par an. L'an dernier, il y en a eu 600 qui ont travaillé de 14 à 24 semaines. Quand vous parlez d'exode, c'est cela la raison. En 1992, nous avons fermé la pêcherie de cette province. D'un simple coup de crayon, nous avons mis 30 000 personnes au chômage. J'étais là quand c'est arrivé. En fait, je travaillais pour le ministère des Pêches de la province à l'époque. J'étais dans le bureau du ministre fédéral en ville à St. John's juste avant qu'il se présente devant le micro--je crois que c'était dans cet immeuble-ci--pour annoncer la fermeture de la pêcherie de la province. Nous étions interloqués. Nous n'arrivions pas à croire au rapport qui nous parvenait du ministère des Pêches en janvier cette année-là, quand ils nous ont dit en gros que les stocks de morue s'étaient effondrés. Cela a été un choc terrible pour nous.

    Vous dites que le ministère des Affaires étrangères prétend qu'il ne faudrait pas faire cela, mais a-t-il suggéré quelque chose? Ces fonctionnaires ont-ils suggéré une autre façon de s'occuper du problème?

+-

    M. Peter Stoffer: Pas un mot.

    Comme vous le savez, il y a 20 ans nous avons signé la Convention sur le droit de la mer, nous ne l'avons pas encore ratifiée. Êtes-vous convaincu que le gouvernement ou au moins le ministère des Pêches et des Océans est capable de mobiliser les ressources financières ou humaines nécessaires pour faire le travail scientifique voulu et prendre les mesures nécessaires d'application? Les gouvernements antérieurs sont tout aussi coupables. Il faudrait qu'ils changent sérieusement leur façon de penser pour faire ce que vous demandez. Vous croyez vraiment que c'est possible?

+-

    M. Gerry Reid: Je crois qu'il faut le faire. Puisque vous parlez de ce gouvernement, nous n'avons pas vu une grande différence entre les divers gouvernements que nous avons eus ici en ce qui concerne la pêche. Je me souviens d'être allé à Ottawa en 1989-1990, sous un autre gouvernement, pour demander qu'on envoie les canonnières chasser ces bateaux du nord de la queue du Grands Banc, et qu'on nous a littéralement ri au nez, en nous disant que c'était complètement absurde, qu'on allait déclencher la troisième guerre mondiale et qu'on ferait bien de rentrer chez nous. Pourtant, ces canonnières sont sorties en 1995. Cela a donné des résultats temporaires. Les gens du MAECI sont des diplomates, et les diplomates n'aiment pas faire des vagues.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre. Je crois que nous l'avons constaté l'autre soir. Il n'aime pas faire de vagues.

    Monsieur Wappel.

+-

    M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Monsieur le ministre, permettez-moi de m'excuser. Je croyais que la réunion commençait à 9 heures. J'ai eu le temps d'examiner vos remarques.

    M. Stoffer a parlé des conseils que nous ont donnés les diplomates, comme vous le dites, et je veux vous dire simplement ce qu'il en est. Il y a quatre raisons pour lesquelles votre suggestion serait extrêmement problématique, et j'aimerais avoir votre avis une fois que je vous aurai exposé ces quatres raisons.

    Premièrement, il y a un manque total d'appui international à extension unilatérale de la ZEE, la zone économique. Deuxièmement, une extension unilatérale de la ZEE irait à l'encontre des priorités internationales que s'est fixées le Canada depuis l'apparition de la ZEE moderne. Troisièmement, si le Canada rejetait un élément aussi fondamental de la Convention sur le droit de la mer que la ZEE des 200 milles, il aurait énormément de difficulté à bénéficier pleinement des droits, devoirs et organisations découlant de la Convention. Enfin, l'extension unilatérale de la ZEE signifierait presque certainement une longue et coûteuse bataille juridique qui risquerait d'entraîner des pertes considérables pour le Canada.

    J'imagine que c'est le genre de conseils juridiques qu'on donne systématiquement à tous ceux qui sont nommés ministre fédéral des Finances, et j'aimerais votre opinion sur ces quatre arguments.

+-

    M. Gerry Reid: Je vais commencer par le dernier. C'est exactement cela, un avis juridique, qui n'est pas le même que le nôtre. Et vous parlez du coût. C'est peut-être cela le noeud de la question, le fait que cela coûterait quelque chose de faire quelque chose pour les gens de cette province. Je n'en dirai pas plus là-dessus.

    Vous parlez de l'appui des autres pays. Pourquoi d'autres pays nous appuieraient-ils? Pourquoi des pays qui pêchent pratiquement en toute liberté sur le nez et la queue du Grand Banc nous appuieraient-ils si nous leur disons qu'ils n'ont pas le droit de faire de surpêche? Pourquoi nous appuieraient-ils? Personnellement, je trouve que ce ne sont pas des arguments solides. Ce sont des prétextes que le gouvernement fédéral utilise pour se défiler de ses responsabilités vis-à-vis de cette province.

+-

    M. Tom Wappel: Dans vos remarques, vous avez mentionné la Proclamation Truman et puisque j'ai parlé des conseils juridiques, il est probable que les conseillers du président Truman lui avaient donné exactement les mêmes conseils que ceux que je viens de vous mentionner. Il a simplement dit qu'il s'en fichait, et qu'il allait faire cette proclamation Truman. Vous n'êtes pas d'accord?

+-

    M. Gerry Reid: Si, entièrement d'accord.

+-

    M. Tom Wappel: Nous avons eu une séance d'information sur l'OPANO et je pense que votre évaluation est assez juste, mais on nous a tout de même dit que les choses semblaient s'améliorer. J'aimerais savoir ce que vous pensez des améliorations apportées depuis 1995 aux mesures de conservation et d'exécution. On nous a dit que la gestion s'était améliorée. On nous dit qu'il y a des observateurs partout, qu'il y a des dispositifs de suivi par satellite, il y a de meilleures inspections à quai et qu'il y a un régime collectif d'inspection et de surveillance international. Je voudrais savoir si vous estimez qu'on a progessé sur tous ces domaines.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Gerry Reid: Je reconnais que pendant une courte période après l'intervention de nos canonnières en 1995 la situation s'est améliorée, mais elle semble de nouveau se détériorer. Nous avons un problème d'application et de sanctions.

    Vous dites qu'il y a des observateurs partout. Il y a actuellement tout un débat et ce qui nous inquiète beaucoup, c'est que l'Islande et d'autres pays de l'OPANO soutiennent qu'il n'est pas nécessaire d'avoir cette couverture à 100 p. 100 par les observateurs. Il se pourrait très bien qu'ils se retirent de ce programme cette année, et cela m'inquiète.

    Vous avez parlé d'amendes et de ce genre de choses. Je ne sais pas si l'on a jamais imposé une amende à l'un de ces pays. Je ne sais même pas si on les a traînés devant les tribunaux pour les infractions qu'ils avaient commises sur le nez et la queue du Grand Banc. Peut-être les fonctionnaires des Affaires étrangères le savent-ils, mais ils ne me l'ont pas dit. Ce serait bien si vous pouviez vérifier si l'on peut avoir ces informations.

+-

    Le président: Nous verrons cela. Nous avons demandé s'il y a eu des amendes ou des sanctions ou des audiences à ce sujet. Nous pouvons obtenir cela.

+-

    M. Gerry Reid: Et puis, s'ils pensent que la situation s'améliore, pourquoi continuent-ils à utiliser des mailles de taille inférieure pour certaines espèces dans le nez et la queue du Grand Banc? Pourquoi dépassent-ils encore les quotas? Pourquoi passent-ils outre aux conseils de leurs propres experts scientifiques et augmentent-ils le total autorisé des captures de flétan noir cette année? Si c'est cela aller dans la bonne direction, nous n'en voulons pas.

+-

    Le président: Merci, monsieur Wappel.

    Monsieur Hearn.

+-

    M. Loyola Hearn: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Avant de poser quelques questions, je tiens à préciser que notre comité n'est pas là simplement parce qu'il n'a rien d'autre à faire et qu'il est venu faire un peu de tourisme dans la région, mais qu'il est bien là à cause de ce problème. Nous sommes bien conscients de son importante et je crois que c'est maintenant un vaste débat public qui a suscité énormément d'attention, surtout après la réunion de l'OPANO. Quand nous avons soulevé la question avant Noël, elle a suscité un certain intérêt, mais depuis cette réunion de l'OPANO, les gens s'en préoccupent beaucoup plus. Les choses ont commencé à bouger, et je crois qu'il faut poursuivre sur cet élan.

    Certains des exposés et des séances d'information que nous avons eus à Ottawa ne nous présentaient qu'un aspect de la question. Nous avons dit l'autre soir au comité que de toute façon nous aurions l'autre version des choses quand nous irions à Terre-Neuve. C'est exactement ce que nous voulons entendre. Vos remarques et les exemples que vous nous avez présentés ainsi que ceux de la région de Mme Hodder nous brossent un tableau qui ne nous réjouit vraiment pas.

    Je viens de la zone de la côte sud, de la baie Sainte-Marie. À Trepassey, il y avait plus de 600 travailleurs et environ 400 à Fermeuse. Ces deux usines sont fermées maintenant. Les travailleurs sont partis un peu partout travailler dans des abatoirs à 6 $ ou 8 $ de l'heure, alors que tout ce qu'ils ont est ici à Terre-Neuve. C'est un peu dur à avaler.

    Voici ce que je voudrais que le ministre développe un peu. On nous parle des retombées sur les gens qui sont directement concernés par la pêche, mais étant donné l'exode, surtout l'exode des jeunes, nous nous retrouvons avec une population réduite et des personnes âgées. Cela a des retombées sur le budget. Comme la population diminue, les paiements de transfert sont moins importants, alors que cette population vieillissante a besoin de dépenses plus importantes que la moyenne au Canada. Vous qui êtes ministre, monsieur Reid, vous savez certainement que cela a des retombées dramatiques sur votre comptabilité et sur les services que nous pouvons offrir dans cette province. Par conséquent, la situation des pêcheries nuit non seulement directement, mais aussi indirectement à la province.

+-

    M. Gerry Reid: Merci, Loyola.

    Vous avez parfaitement raison. Il est exact qu'à chaque fois qu'une personne va quitter cette province l'année prochaine--Dieu nous en préserve--nous allons perdre des paiements de transfert d'Ottawa. Nous n'avons pas envie de ces paiements de transfert, mais malheureusement nous sommes bien obligés d'y avoir recours. Ils sont fondés en grande partie sur le nombre de résidents de la province. Comme l'a dit Loyola, ce sont les jeunes qui partent et les vieux qui restent. C'est ce qui nous attend tous dans un avenir pas si lointain.

+-

     Je vais vous donner une idée des coûts, notamment des coûts de soins à domicile pour les personnes âgées. En 1988, je crois, les gouvernements fédéral et provincial ont organisé un projet pilote de soins à domicile pour les personnes âgées malades dans cette province. Je crois que cela a commencé dans ma région, à Twillingate. Le projet pilote a coûté 200 000 $ cette année-là, et depuis le gouvernement s'est retiré de ce programme de soins à domicile. L'an dernier, nous avons consacré nous-mêmes 40 millions de dollars à ce programme. Comme toujours, le gouvernement fédéral propose des projets superbes, et ce sont vraiment des programmes valables, il vient les lancer, mais ensuite vous savez ce qu'il fait, n'est-ce pas? Il cesse de financer les programmes et ce sont les gouvernements provinciaux qui se retrouvent obligés de financer ces programmes qui leur semblaient excellents au départ. Nous en avons un parfait exemple avec les soins de santé ici.

    Vous avez raison, Loyola, l'effondrement de la pêche du poisson de fond au large de notre côte est a eu des répercussions tragiques sur la vie des habitants de cette province. Si le gouvernement dont vous faites tous partie ne prend pas des décisions, la situation ne va pas s'améliorer dans ce secteur.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Hearn.

+-

    M. Loyola Hearn: Quand je deviens trop frustré, monsieur le président, je dis toujours: c'est seulement Terre-Neuve et ce n'est que du poisson. J'ai l'impression que si c'était du boeuf canadien qu'on parlait, d'un empiétement sur les Prairies ou des automobiles de l'Ontario, le gouvernement serait peut-être un peu plus attentif. Je ne veux pas critiquer mes collègues car je tiens à dire publiquement que les membres de ce comité ont fait preuve d'une collaboration exemplaire. Il n'y a pas eu d'escarmouches et nous ne nous sommes pas préoccupés de savoir quelle était la ligne de notre parti, nous nous sommes simplement concentrés sur les problèmes et je crois que nous avons fait du bon travail, surtout en ce qui concerne Terre-Neuve. Nous avions deux ou trois grosses questions comme la pêche à la crevette. Comme vous la savez, nous avons tenu d'excellentes audiences à ce sujet ainsi que des audiences sur l'infrastructure maritime, qui ont dans les deux cas débouché sur des rapports et des actions. Nous espérons qu'il en sera de même dans ce cas-ci.

    Encore une fois, il se trouve que les gouvernements, les fonctionnaires et peut-être les élus du peuple n'ont pas vraiment conscience des retombées. Après tout, ce n'est que du poisson. On a l'impression que c'est toujours cette mentalité qui règne. Or, l'économie du Canada, et notamment de notre région, en dépend étroitement, et nous serions vraiment une province très différente si nous avions les 20 millions de livres de poissons appartenant à des espèces visées par le moratoire qui ont quand même été pêchés, nous le savons. Imaginez ce que pourrait devenir cette province si nous avions notre juste part des ressources et si nous pouvions mettre fin à cette surpêche, etc. À votre avis, monsieur le ministre, qu'est-ce que cela entraînerait pour des villes comme Marystown ou Trepassey ou Twillingate?

+-

    M. Gerry Reid: Pour revenir sur votre comparaison entre la pêche la céréaliculture dans l'Ouest, et j'imagine que vous pourriez aussi bien faire la comparaison avec l'industrie de l'automobile en Ontario, car la pêche occupe dans cette province une place analogue à celle de l'industrie de l'automobile en Ontario, si quelqu'un venait nous dire aujourd'hui que l'industrie automobile de l'Ontario va fermer ses portes demain, je pense qu'il y aurait beaucoup plus de réactions que quand on a imposé le moratoire et que les gens prendraient la situation beaucoup plus au sérieux.

    Je crois qu'il y a deux explications. Comme vous le dites, d'une part c'est du poisson et d'autre part il n'y a pas une très grosse population locale. Nous n'avons que sept sièges à la Chambre des communes, sept voix. Même si nous avons été très bien représentés à Ottawa par des gens qui se sont fait entendre haut et fort, et qui sont d'ailleurs toujours là, en fin de compte nous n'avons que sept sièges, et sept voix, cela ne pèse pas lourd sur un total de 301. L'autre problème, c'est celui de l'exode qui fait que nous risquons de nous retrouver un jour avec encore moins de sièges qu'actuellement.

    Vous parlez de ces 20 millions de livres de poisson et de ce que cela pourrait rapporter à la province. Demandez donc au maire de Burgeo, M. Hann, ce que pourraient représenter 20 millions de livres de poisson pour sa ville.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    J'ai moi-même quelques questions. Nous avons déjà dépassé notre temps et nous ne voudrions pas prendre trop de retard.

    Vous avez dit dans vos remarques que cette escalade de la surpêche avait coïncidé avec l'arrivée de l'Espagne et du Portugal dans l'Union européenne en 1986. Je crois que vous avez laissé entendre que les choses s'étaient un peu calmées après nos inteventions musclées sur la question du flétan noir en 1995. Je pense que c'est vrai, mais vous nous avez donné certains chiffres sur la surpêche et les espèces visées par le moratoire depuis. Est-ce que ce sont des chiffres qui viennent du MPO? D'où viennent-ils? Monsieur Dooley.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Tom Dooley (directeur, ministère des Pêches, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador): Oui, ils viennent du MPO, principalement du document élaboré par le ministère lors de l'examen des activités de pêche dans la zone réglementée par l'OPANO. Vous devriez vous en procurer un exemplaire. Je ne sais pas si vous en avez. C'était l'exposé présenté par Pat Chamut au Danemark.

+-

    Le président: Bon. En fait, j'ai discuté avec lui au petit déjeuner ce matin, il est là, et Pat a déjà comparu au comité. Mais il faudrait bien que nous ayons ces chiffres, et grâce à ces informations que vous venez de nous donner, nous allons pouvoir les avoir.

    En fin de compte, il s'agit de savoir ce que nous allons pouvoir faire. L'an dernier, les représentants du MAECI nous ont dit ce que nous ne pouvions pas faire. Ils n'ont absolument pas parlé de gestion de surveillance. Peut-être pourriez-vous nous expliquer un peu mieux cela. C'est une notion intéressante si nous ne pouvons pas faire bouger l'OPANO. Pourriez-vous nous expliquer un peu mieux comment cela fonctionnerait?

+-

    M. Gerry Reid: En gros, nous n'aurions pas la propriété, mais simplement la garde. Nous ferions les recherches scientifiques sur les stocks jusqu'à la limite du plateau continental, nous ferions l'évaluation de ces informations scientifiques, et nous fixerions les quotas et nous autoriserions les pays étrangers qui pêchent traditionnellement dans cette zone à prendre un certain pourcentage du quota total en fonction de leur présence traditionnelle, mais nous appliquerions aussi les règlements. Si quelqu'un enfreignait le règlement, dépassait son quota, utilisait des engins illégaux, présentait des rapports erronnés, ce serait le gouvernement canadien et non pas l'État hôte de ces bateaux de pêche qui poursuivrait ces personnes et lui imposerait une amende. Je crois que c'est quelque chose qui serait accepté plus facilement que l'idée de déclarer que toute la zone jusqu'à l'extrémité du plateau continental nous appartient. Si nous leur disons que nous ne les rejetons pas à condition qu'ils respectent les règles, je pense que personne ne peut raisonnablement le contester.

+-

    Le président: Bon. Merci.

    Monsieur Hearn et monsieur Stoffer, très vite.

+-

    M. Loyola Hearn: M. Stoffer a dit tout à l'heure que les fonctionnaires étaient dans la pièce d'à-côté et que nous devrions peut-être aller les écouter. Je crois qu'en fait il faudrait les faire venir ici pour qu'ils écoutent ce que nous disons, car cela les ferait peut-être changer d'attitude.

+-

    Le président: Monsieur Stoffer.

+-

    M. Peter Stoffer: Vous palez de gestion de surveillance, mais si je comprends bien c'est le Canada qui financerait intégralement les recherches scientifiques, l'exécution, etc,. alors que les étrangers pourraient continuer à pêcher sans frais supplémentaires. Est-ce que vous envisagez un accord de partage des coûts pour l'application des règlements et tout ce travail de recherche scientifique?

+-

    M. Gerry Reid: Oui. De toute façon, ces pays cotisent déjà à l'OPANO actuellement. Il y a déjà quelqu'un qui fait ces recherches là-bas. Cet argent pourrait être perçu sous forme de droit de licence, à défaut d'autre chose.

+-

    Le président: Les hauts fonctionnaires nous ont dit que nous payons 50 p. 100 des coûts de l'OPANO.

    Merci beaucoup, monsieur le ministre, ainsi que vos collaborateurs. Avez-vous une dernière remarque?

+-

    M. Gerry Reid: Vous avez beaucoup parlé aujourd'hui des retombées de la pêche. Nous sommes arrivés ici en 1497, nous avons survécu dans cette province pendant environ 450 ans avant la Confédération pour une simple raison, pour pratiquer la pêche.Quand nous voyons les éditorialistes du continent prétendre que la seule raison pour laquelle nous faisons de la pêche, c'est pour pouvoir avoir accès aux programmes sociaux, nous trouvons cela vraiment insultant. Nous avons survécu sans programmes sociaux du gouvernement fédéral pendant 450 ans. Nous étions indépendants du gouvernement canadien; nous nous sommes joints au Canada en 1949. Autrement dit, nous avions réussi à survivre sans les programmes sociaux du Canada pendant 450 ans avant 1949.

    C'est la dernière remarque que je voulais faire.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Nous avons tous nos désaccords avec certains éditorialistes.

    Merci encore une fois, monsieur le ministre.

    Nous accueillons maintenant Trevor Taylor, membre de l'Assemblée législative du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador et porte-parole de l'opposition en matière de pêches. Vous avez la parole, monsieur Taylor.

  +-(1200)  

+-

    M. Trevor Taylor (membre de l'Assemblée législative, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador): Merci, monsieur le président.

+-

    Je vous souhaite la bienvenue à Terre-Neuve et je remercie votre comité de me donner l'occasion de faire quelques brèves remarques sur cette importante question.

    Je dois tout d'abord vous présenter mes excuses parce que ce document n'est pas traduit et que je n'ai pas de notes pour mon exposé. J'ai griffonné quelques petites notes ici, mais je suis le genre de personne qui a tendance à s'exprimer spontanément. Je ne sais pas si c'est bien ou mal, mais peu importe.

    Monsieur le président, comme vous le disiez, je suis porte-parole de l'opposition en matière de pêches et député de la région de Straits-White Bay North à la pointe de la péninsule septentrionale, tout à l'extrémité en quelque sorte, quand vous allez au nord de l'île. J'ai été élu il y a un peu plus d'un an et j'ai donc une expérience assez limitée en politique. Mes remarques vont donc porter plutôt sur les 20 années précédant mon entrée en politique. Je ne suis pas si vieux, mais j'ai acquis quand même 20 ans d'expérience car j'ai commencé à travailler à 13 ou 14 ans sur un quai à Quirpon, à la pointe de la péninsule nord, en conduisant un chariot-élévateur et en pelletant de la glace.

    J'ai une vaste expérience de l'industire de la pêche. J'ai travaillé sur le pont d'un bateau et pendant les trois dernières années avant mon entrée en politique, j'étais capitaine d'un casailleur-crevetier de 55 pieds. Je ne sais pas s'il est utile de vous dire tout cela, mais j'ai été aussi représentant du personnel pour le FFAW, le syndicat des pêcheurs de cette province, et j'ai aussi passé cinq ans et demi au Conseil pour la conservation des ressources halieutiques où je conseillais le ministre, comme vous le savez, à propos des stocks de poisson de fond du Canada atlantique, du Québec et de l'est de l'Arctique, et aussi de temps à autre à propos de l'OPANO.

    Je vais commencer par parler de cela. Je suis un peu déçu du ministère. Je ne sais pas d'où cela est venu, mais à ma connaissance, à moins que les choses aient changé, depuis deux ans on a dit au Conseil pour la conservation des ressources halieutiques de ne pas donner au ministre des Pêches et des Océans des conseils sur la position que le Canada devrait adopter à l'OPANO. Ce n'est peut-être pas quelque chose de très important. La position du Canada sur l'adhésion à l'OPANO ou le retrait de l'OPANO est bien connue, mais quand on peut compter sur une organisation relativement indépendante avec des gens d'horizons très variés, allant des universitaires aux gens de l'industrie de la pêche, qui peuvent analyser toutes les informations dont ils disposent sur place sur les stocks de poisson de fond en dehors de la zone des 200 milles dans la zone de réglementation de l'OPANO, je trouve assez lamentable que quelqu'un ait décidé de dire au Conseil qu'il n'avait pas à communiquer ce genre d'information au ministre.

    Monsieur le président, en décembre 1991, j'ai été l'un des derniers pêcheurs, je crois, à ramener quelques morues du Nord. Nous pêchions à 160 ou 180 milles au large de Tobin's Point. À l'époque, nous pêchions la morue et le flétan noir. Comme on l'a dit tout à l'heure, nous avons été frappés en 1992 par ce que l'on a un peu partout appelé la plus grande mise à pied de toute l'histoire du Canada, quand environ 40 000 personnes ont été victimes de la fermeture de cette pêcherie. Rien que pour la pêche de la morue du Nord, ce sont 20 000 personnes qui ont été directement touchées. Et notre province ne s'en est jamais remise.

+-

     Nous savons tous que nos propres pêcheurs, y compris moi-même, sont partiellement responsables de ce qui est arrivé au stock de morue du Nord et au stock de tous les autres poissons de fond dans cette province. Toutefois, nous ne pouvons pas faire l'autruche et fermer les yeux sur le viol et le pillage de tous les stocks de poisson, non seulement le poisson de fond, à l'extérieur de la zone des 200 milles. Nous avons désormais la preuve avec ce qui se passe actuellement dans la zone du Bonnet Flamand, où l'on pêche la crevette, et jusqu'à un certain point, également dans la zone 3L.

    Je ne sais pas ce que l'on fait pour y remédier. Je connais la réponse, nous la connaissons tous, et nous en avons parlé. Sauf le respect que je dois aux membres du comité, j'ai l'impression que ce qui se fait ici est tout à fait futile. Encore mercredi dernier, nous avons eu un débat à l'Assemblée, lors d'une journée réservée aux mesures d'initiative parlementaire, et c'était avant-hier. Le débat a été lancé par le député de Port de Grave. Il s'agissait de l'élargissement de la zone de compétence pour englober le nez et la queue du Grand Banc et le Bonnet Flamand, une zone réglementée par l'OPANO. Tom Rideout, un ancien premier ministre de la province, ancien ministre des Pêches, et maintenant notre porte-parole pour les questions de justice, qui a été élu pour la première fois en 1975, a dit la même chose: j'ai l'impression que ce qui se passe est futile. Il a dit en avoir assez de débattre ce genre de mesure dans cette province.

    Depuis un an, j'écoute avec intérêt le débat sur le bois d'oeuvre. Je pense qu'à un moment donné, le premier ministre a fait allusion--même si je sais qu'il ne passera pas à l'action--à d'éventuelles mesures concernant nos exportations de pétrole et de gaz vers les États-Unis, si les Américains prenaient certaines dispositions concernant le bois d'oeuvre. Peu importe qui est au pouvoir--car la situation n'a rien à voir avec le parti au pouvoir, mais tout à voir avec la volonté du public--peut-on s'attendre à ce que le gouvernement du Canada s'affirme et envisage quelque chose de semblable s'agissant de la pêche au large de Terre-Neuve et du Labrador? Malheureusement, je ne le pense pas. En 1995, nous avons pris des mesures et il semble que la communauté internationale ne comprenne que la diplomatie des canons quand il s'agit des stocks de poisson au large des côtes de Terre-Neuve et du Labrador.

    Le ministère des Affaires étrangères, inquiet d'éventuelles mesures que nous pourrions prendre ici... Je ne sais pas ce qu'il faut en penser. Je pense que c'est le genre de réactions auxquelles on peut s'attendre du ministère des Affaires étrangères. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne nous attendons pas à ce que le ministère fasse quoi que ce soit qui dérange.

    Je me rapporte à la résolution des Nations Unies qui donne à l'État riverain compétence sur les espèces sédentaires du plateau continental bordant la zone économique d'exclusivité. Je ne me demande pas pourquoi nous ne pouvons pas assumer la compétence, la gestion et le contrôle de cette zone car je pense que nous le pouvons à bon droit. Il existe des espèces sédentaires qui ne bougent pas, ou à peine, comme c'est le cas des pétoncles et crabes et nous pouvons exercer notre compétence. Nous pouvons réglementer ces pêches, comme nous l'avons fait en 1996, quand deux bateaux américains qui pêchaient les pétoncles se sont positionnés sur la côte des Grands bancs. Nous sommes intervenus, nous avons argumenté et nous les avons renvoyés chez eux. Encore une fois l'été dernier, un bateau américain de Seattle est venu pêcher le crabe dans la zone de la queue du Grand Banc et encore une fois, nous avons arraisonné le bateau que nous avons amené à St. John's. Je l'ai vu amarré au port. Nous savons tous qu'il y a actuellement des procédures judiciaires engagées à cet égard, mais nous ne savons pas quelle en sera l'issue.

  +-(1205)  

+-

     Mais nous avons affirmé notre compétence. Les Nations Unies ont reconnu que nous devrions avoir cette compétence. Le gouvernement du Canada a reconnu la même chose. Il s'agit d'espèces qui ne bougent pas. Les pétoncles dans la queue du Grand Banc ne se rendent jamais dans la baie de St. Mary à moins qu'on les ait chargés à bord d'un bateau. La morue de la queue du Grand Banc se rend jusqu'à la baie St. Mary, mais ne voyage pas toujours dans la cale d'un bateau. Je n'y comprends rien. Quelqu'un m'a dit l'autre jour que la seule explication était le fait que les morues avaient des queues, moyennant quoi quand un chalutier espagnol s'approchait, elles s'éloignaient à la nage alors que les pétontoncles ne peuvent pas le faire.

    Je sais qu'il est un petit peu ridicule de faire ce genre de remarques, mais pourquoi la communauté internationale ne reconnaît-elle pas que le poisson migrateur dont un État riverain est largement tributaire, donc un poisson qui s'éloigne de la zone et peut faire l'objet d'abus, ce poisson devrait être protégé par l'État riverain? Je ne comprends pas. Je sais qu'on ne pourrait pas dire ça aux Nations Unies mais à la vérité, la compétence sur les stocks de pétoncles à l'extérieur de la zone des 200 milles, même si c'est souhaitable, ce n'est pas aussi important que le contrôle des espèces migratrices. Donc si nous avons la volonté et la vigueur de présenter des arguments, voilà de bons arguments à l'appui d'une compétence accrue et d'une gestion affirmée dans cette zone de réglementation de l'OPANO.

    On en vient à se poser la question de savoir pourquoi nous adhérons à l'OPANO. Je pense que la réponse est l'absence de toute autre orgnisation, à part l'OPANO, à laquelle nous pourrions adhérer. Nous participons aux négociations parce que à défaut de cela, nous n'aurions pas notre mot à dire, nous n'aurions aucun contrôle. Je suppose qu'à une époque le Canada a pu, jusqu'à un certain point, influer sur les décisions de l'OPANO. Comment cela s'est-il fait, je n'en sais rien, parce que je n'y étais pas. De nos jours, il est manifeste que nous n'avons pas d'influence à l'OPANO. Pourquoi y adhérer alors?

    Un peu avant de commencer, j'ai parlé brièvement avec M. Easter d'un de mes amis, une personne que vous connaissez et qui est de Souris, à l'Île-du-Prince-Édouard, Frank Hennessey. Lui et moi avons passé cinq ans et demi ensemble au Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. Nous avons coutume de converser le vendredi soir, et depuis huit ans, nous tenons la même conversation concernant les pêches, parce que peu de choses ont changé à cet égard, les frustrations étant toujours les mêmes. Frank--et je vous prie de m'excuser car mes paroles seront un peu crues--avait une expression quant au CCRH, il était question de l'OPANO, de l'effort de pêche à l'extérieur des 200 milles et de conservation. Il avait coutume de dire que la seule chose que les États membres de l'OPANO comprenaient en matière de conservation des stocks de poisson de fond à l'extérieur de la limite des 200 milles était que le mot conservation était un mot du dictionnaire qui se situait entre baliverne et cupidité. C'est ainsi que je pense moi-même, c'est ainsi qu'il pensait.

    Comme je l'ai dit, excusez les propos crus que je tiens à cet égard, mais les faits sont éloquents. J'ai accès à certains documents auxquels vous avez vous-mêmes accès, documents qui décrivent l'incidence des prises réalisées depuis cinq ans dans la zone de réglementation de l'OPANO. Combien de temps encore durera la comédie? Nous devons nous poser la question. Nous formons un comité de tous les partis. En janvier et en février, j'ai siégé à un comité qui procédait à la révision de la loi sur la FPI. Vous en avez sans doute entendu parler. Il semble que tout-un-chacun au Canada ait pu nous critiquer, du moins dans les médias nationaux. Pourquoi avons-nous procédé à cette révision? Ce n'était pas pour le plaisir de revoir la loi sur la Fisheries Product International. Essentiellement, nous étions motivés par le manque de ressources pour alimenter les usines de transformation de poisson qui ont toujours été tributaires de cette ressource.

  +-(1210)  

+-

     Les usines de la côte sud, à Marystown, Fortune, Harbour Breton, dépendent beaucoup de la morue, du poisson plat et de la sébaste du sud et aussi du nord des Grands bancs. Pourquoi s'inquiète-t-on maintenant? Une des raisons qui nous a menés à cet examen en comité constitué de tous les partis, c'est la décision de FPI de moderniser certaines de ses usines de transformation du poisson de fond et, du coup, de réduire sa main-d'oeuvre. Bien sûr, si nous avions encore les 266 000 tonnes de morue du Nord, si nous avions 40 000 tonnes de plie canadienne comme auparavant, si nous avions plus de 400 000 tonnes de tous ces autres stocks, si le total autorisé des captures de poisson de fond autour de Terre-Neuve était encore le même, la modernisation des usines ne poserait pas de problème, nous n'aurions pas à nous inquiéter du déplacement des travailleurs, nous n'aurions pas à nous inquiéter de l'assurance-emploi, nous ne nous demanderions pas si les travailleurs ont travaillé suffisamment pour obtenir de l'assurance-emploi, car, pendant des années, ces usines ont tourné 52 semaines par année.

    Comme on l'a dit pendant la discussion précédente, bien des usines de cette province ont tout simplement disparu, notamment, ici même à St. John's, l'usine de National Sea sur la rive sud. À Port Union, avant le moratoire de 1992, environ 1 400 personnes travaillaient à l'usine de transformation du poisson ou sur les chalutiers à longueur d'année. Savez-vous combien de gens travaillent à Port Union aujourd'hui? Environ 120, dans une usine de transformation de la crevette. Voilà les conséquences de la dévastation des stocks de poissons de fond pour les collectivités comme Port Union et les habitants de Terre-Neuve en général.

    Je ne crois pas que la situation puisse s'améliorer. Il y a eu des améliorations chez la limande à queue jaune dans le sud des Grands bancs, et pourquoi? J'ignore ce que disent les documents scientifiques précisément--j'ai déjà vu ces documents lorsque je siégeais au CCRH, à l'époque où le Conseil a recommandé la réouverture de la pêche à 4 000 tonnes--mais la grande majorité de ce stock se trouve dans la zone des 200 milles. Il y en a un peu à l'extérieur de cette zone, à l'extrémité des bancs, mais la majorité se trouve à l'intérieur. Cette espèce n'est pas sédentaire, mais elle se déplace très peu. Le marquage a établi que la limande à queue jaune se déplace sur une distance d'environ 50 milles, ce qui n'est rien. On est passé d'un moratoire pour la limande à queue jaune au début des années 90 au point actuel, où le quota est de 11 000 ou 12 000 tonnes, soit presque le niveau historique. Pourquoi? Parce que ce stock se trouve dans la zone de 200 milles, parce qu'il est protégé, parce que les étrangers ne peuvent le pêcher.

  +-(1220)  

+-

     Dans le secteur 3LNO, par exemple, l'état de la plie canadienne tient-il au fait que c'est un stock transfrontalier? Il n'y a eu aucune pêche dirigée en 1994, puis il y a eu un moratoire de l'OPANO de 1995 à 2002. Même pendant le moratoire, les prises ont augmenté de façon substantielle ces dernières années. Le conseil scientifique estime que les prises de ce stock ont été de 1 600 tonnes, 2 500 tonnes et 5 200 tonnes en 1998, 1999 et 2000 respectivement. Ce n'est là qu'un exemple de ce qui se passe à l'extérieur de la zone de 200 milles. Voilà pourquoi le Canada doit trouver la force morale de réclamer l'élargissement de ses zones territoriales et la gestion de cette zone non pas pour nuire aux autres, mais pour établir les quotas en fonction de bonnes données scientifiques, pour réglementer la pêche et pour poursuivre ceux qui violent le règlement.

    Je termine là-dessus, monsieur le président. Dans une de ses chansons, Bruce Cockburn dit: «Lorsqu'un arbre s'abat dans la forêt, quelqu'un l'entend-il tomber?». Voilà le problème. Moi, j'ai l'impression que, si un arbre s'abat dans la forêt, personne ne l'entend et lorsqu'un poisson est pris sur la queue ou le nez du Grand Banc, personne n'en est conscient. Les Canadiens ne s'intéressent pas à ce qui se passe là. Malheureusement, bien des médias nationaux et de l'extérieur de Terre-Neuve et du Labrador, ou même à l'extérieur de la région atlantique, considèrent l'extrémité orientale du pays un peu comme, pendant le siècle dernier, la société voyait les Autochtones: jetez-leur un peu d'argent, donnez-leur de la nourriture et faites en sorte qu'ils se taisent. Malheureusement, je crois que c'est l'attitude qui prévaut au sein du public au sujet de l'est du Canada. Tant que cela ne changera pas, tant que nous ne nous défendrons pas et que nous ne réclamerons pas qu'on fasse ce qui doit être fait pour la pêche et Terre-Neuve et le Labrador, nous ne pourrons pas assumer la place qui nous revient au sein de cette confédération et y contribuer pleinement.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Taylor.

    Avant de laisser mes collègues poser des questions, j'aimerais faire quelques commentaires. Vous avez dit qu'il y a eu débat à la Chambre sur cette question. Vous souvenez-vous de la date par hasard?

+-

    M. Trevor Taylor: Le mercredi 13.

+-

    Le président: Je demanderai au greffier de se procurer des copies de ces délibérations qui seront distribuées aux membres du comité. Cela nous serait fort utile car vous avez probablement déjà dit tout ce qui sera répété ici aujourd'hui.

    De plus, vous avez indiqué au début de votre intervention que l'on avait dit au CCRH de ne pas fournir au ministre de conseils sur l'OPANO. Savez-vous de qui provenait cette consigne, ou pourquoi? Cela me semble plutôt étrange, parce que je crois que le CCRH devrait offrir des conseils.

+-

    M. Trevor Taylor: Non. Je ne sais pas de qui venait cette consigne. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, je sais que cette consigne existait, mais je ne sais pas de qui elle venait; je suppose qu'en fait toute cette question relève du ministre.

+-

    Le président: Oui. À mon avis, si le ministre doit participer à une réunion de l'OPANO, il serait certainement utile qu'il rencontre les membres du CCRH parce qu'ils représentent dans une large mesure l'industrie; il pourrait alors discuter de l'état des stocks et des recommandations éventuelles du CCRH. Nous nous renseignerons plus à fond sur cette question.

    J'aimerais signaler à mes collègues qu'ils ne disposeront que de cinq minutes, pas plus, car nous voulons rattraper le temps perdu. Monsieur Lunney.

+-

    M. James Lunney: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Taylor, je tiens à vous remercier de cet exposé très clair et précis.

    Vous avez dit que vous aviez récemment été élu et que vous avez une vaste expérience de l'industrie. La Chambre que nous représentons s'appelle la Chambre des communes, et je crois qu'il importe de se rappeler qu'elle regroupe des gens qui ont eux aussi une vaste expérience de divers domaines. Certains d'entre nous ici aujourd'hui ont récemment été élus et nous avons décidé de briguer les suffrages parce que nous étions conscients du fait que nombre de Canadiens se sentent frustrés ou découragés.

+-

     Vous avez mentionné, et c'est d'ailleurs très intéressant, la question du bois d'oeuvre. Je peux vous assurer que les communautés de l'industrie dépendent de l'exploitation des ressources dans toutes les régions du pays et éprouvent de graves problèmes. Les circonscriptions qu'Andy et moi-même représentons, les communautés côtières de l'île de Vancouver, sont durement ébranlées par cette situation. Nous jugeons d'ailleurs que nous ne recevons pas beaucoup d'appui. Un an après le début de toute cette histoire entourant le bois d'oeuvre, nos moulins sont toujours fermés et nos travailleurs n'ont pas d'emploi. Nous pouvons certainement comprendre les problèmes qu'ont vécus cette communauté. Nous sommes heureux de l'appui et de l'intérêt manifestés par ce comité à l'égard de certaines questions touchant les pêches dans ma circonscription, des choses qui sont très importantes pour les résidents de ma communauté; nous sommes très heureux des efforts déployés par le comité à cet égard. Nous sommes donc venus dans la région pour entendre toutes vos préoccupations afin de trouver une façon de les régler.

    J'aimerais en fait vous poser deux questions. J'aimerais en connaître un peu plus long sur le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. Wayne semble en connaître assez long sur ce conseil, et peut-être est-ce le cas des autres députés. Puis j'aimerais vous poser une question sur la morue.

  +-(1225)  

+-

    M. Trevor Taylor: La création du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques a été annoncée en 1992 et le Conseil a été mis sur pied et commencé ses travaux en 1993. Il s'agit aujourd'hui d'un groupe composé de 15 membres nommés par le ministre fédéral. Ces membres qui viennent de la région atlantique et du Québec représentent divers secteurs de l'industrie, comme les pêcheurs et les secteurs de la transformation. En fait, un type de votre coin du pays en a fait partie pendant un bon moment--je ne crois plus qu'il en fasse partie aujourd'hui--Paul LeBlond, un océanographe professeur à UBC. Donc le Conseil est formé de représentants des divers secteurs. Il fournit des conseils chaque année sur environ 46 stocks de poisson de fond de la région atlantique et du Québec, ainsi que de l'est de l'Arctique. Il offre des conseils au ministre à l'occasion sur ce qu'à son avis devraient être les priorités du ministère au chapitre des sciences et du financement. Lorsque je faisais partie du CCRH, nous fournissions au ministre des conseils sur la position que devrait adopter le Canada à l'égard des stocks réglementés par l'OPANO.

+-

    Le président: James, j'aimerais intervenir si vous me le permettez; à l'occasion des rapports sont rendus publics, il y a également le rapport annuel sur l'évaluation des stocks, des recommandations pour chaque stock de poisson de fond et toutes sortes de documents du genre. Ils seront distribués au comité, comme cela a été le cas par le passé, dès qu'ils seront disponibles. Vous aurez donc beaucoup de lecture. Vous devriez recevoir ces documents sous peu.

+-

    M. James Lunney: Je suis heureux que le président ait signalé qu'il y a lieu de se demander pourquoi lorsqu'il existe une organisation dont le mandat est de fournir des conseils, nous n'en recevons pas.

    Ma dernière question est une question plutôt pratique puisque vous connaissez assez bien la mer et les pêches. Si j'ai bien compris, la morue est un poisson de fond; je pense à la chaîne alimentaire. Certains pensent-ils que le recouvrement des stocks de morue ne se produit pas en raison de la pêche de la crevette, ou peut-être même de sa surpêche?

+-

    M. Trevor Taylor: Si vous me permettez je reviendrai en arrière un petit peu. Il y a quelques années, avant l'adoption de la grille Nordmore, qui est une pièce installée dans le fond du chalut utilisé pour la pêche à la crevette pour écarter tout ce qui est plus gros qu'une crevette, la pêche de la crevette avait un impact marqué sur les stocks de poissons de fond, en raison des prises accidentelles. Les pêcheurs pêchaient alors beaucoup de flétan, de flétan noir, de sébaste, de morue. En fait, vous pêchiez tout ce qui avait dans l'eau, ce qui tout compte fait n'était pas une bonne chose parce que l'espèce ciblée était la crevette. Depuis l'adoption de la grille Nordmore, les prises accidentelles d'autres espèces sont très limitées. Je pense qu'on vous en parlera demain.

    Un des principaux obstacles à la reconstitution des stocks de la côte nord-est de Terre-Neuve et du Labrador est la présence de phoques. Avec les phoques et les pêcheurs étrangers, personne d'autre ne peut pêcher. En fait ces deux joueurs expliquent la mortalité par pêche des stocks de poisson de fond du nord. C'est aussi simple que ça. Il y a les phoques qui viennent manger ces ressources du nord, et les pêcheurs étrangers qui viennent de l'est, alors je ne vois pas vraiment comment on pourrait s'attendre à une reconstitution des stocks. Je ne crois pas voir ça de mon vivant.

    Mon fils m'a demandé tout récemment à quoi ressemblait une morue, parce qu'il voulait en faire un dessin. Il a 11 ans.

+-

    Le président: Merci, monsieur Taylor.

    Monsieur Roy.

  +-(1230)  

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Merci, monsieur le président.

    Tout à l'heure, on a entendu M. Reid nous parler de l'OPANO. Il nous a dit à la fin qu'il fallait peut-être donner une dernière chance à l'OPANO. Faut-il lui donner encore une dernière chance?

    Êtes-vous d'accord pour qu'on donne une dernière chance à l'OPANO ou si vous proposez carrément qu'on s'en retire et qu'on fasse nous-mêmes la gestion des stocks de la façon dont vous le proposez, c'est-à-dire qu'on en fasse une gestion partagée? Au fond, est-ce que vous recommandez tout simplement au Canada de se retirer de l'OPANO et de prendre lui-même en main la gestion des stocks dans la zone des Grands Bancs, c'est-à-dire à l'extérieur de la zone des 200 milles?

[Traduction]

+-

    M. Trevor Taylor: Je crois qu'il faut un jour ou l'autre cesser de tourner autour du pot, comme on dit, et nous en sommes à ce point. Donnons-nous à l'OPANO une autre chance de faire ses preuves? Oui, je crois que c'est ce que nous devons faire, mais je ne m'attends pas à ce qu'il y ait d'amélioration.

    Puis il faut se demander ce que l'on peut faire si on ne fait pas partie de l'OPANO. Si le Canada ne décide pas de prolonger sa zone de compétence et d'assumer la responsabilité de cette zone, non seulement pour les pêcheurs de Terre-Neuve et du Labrador, du Canada, mais en fait des pêcheurs du monde entier, je ne vois pas comment nous pourrions quitter l'OPANO, mais c'est regrettable. Je crois qu'il faut être à la table des négociations, pourquoi, je ne sais pas. Nous n'obtenons rien en retour de notre participation. Nous faisons partie d'une organisation qui ne fait rien. C'est de la frime. C'est tout. Je crois que nous devons quand même jouer la comédie tant que notre pays ne décidera pas d'agir.

+-

    Le président: En fait, on estperdant quoi qu'on fasse.

    Monsieur Roy.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Vous semblez dire qu'on n'a pas d'autre choix que celui de continuer à participer à la mascarade. Si nous arrêtons de participer à l'OPANO, comment pourrons-nous, comme pays, vous donner les moyens de gérer les stocks?

    Évidemment, si on quitte l'OPANO, il n'y aura plus de négociations possibles au niveau international. Pensez-vous qu'on sera en mesure d'imposer notre façon de voir, notre façon de gérer les stocks si on se retire de l'OPANO?

[Traduction]

+-

    M. Trevor Taylor: Je crois que oui. Je crois que c'est possible, mais nous devons être prêts à faire ce que nous avons fait en 1995. Si nous ne sommes pas disposés à aller aussi loin, il faudra continuer à faire partie de l'OPANO. Nous pouvons gérer cette zone, mais nous ne pouvons le faire sans envoyer des bateaux de surveillance, et sans être prêts à intervenir, sans être prêts à subir les attaques de gens comme Emma Boninos; il nous faudra tout simplement espérer avoir gain de cause un jour.

    Au début des années 70, les gens disaient qu'il était impossible que le pays devienne responsable d'une zone de 200 milles au large de ces côtes. Quelqu'un doit le faire.

+-

     Comme le ministre l'a déjà signalé, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que la communauté internationale nous appuie lorsqu'il n'y a que deux autres pays, si je ne me trompe, qui ont un plateau continental qui va au-delà de leur zone économique. Il ne faudrait donc pas s'attendre à ce que les gens nous appuient sans équivoque. Nous devons faire cavalier seul et être prêts à traverser une mer houleuse pendant un bon moment. Si nous ne sommes pas prêts à accepter ce genre de situation, il faudra faire tout ce que nous pouvons pour changer l'OPANO.

    Tout compte fait, je crois que si nous adoptons une position et que nous agissons, nous pourrons tout au moins assurer une meilleure gestion, que ce soit par l'entremise d'un programme conjoint de gestion entre le Canada et le reste du monde ou ce que nous voulons, soit un programme de gestion relevant exclusivement du Canada.

    Ce que nous avons fait en 1995 a assuré des changements. Ils n'ont pas duré longtemps mais il y a quand même eu des changements. Nous avons eu un impact.

  +-(1235)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Taylor.

    J'aimerais signaler pour votre gouverne et peut-être pour celle des témoins qui ont comparu avant vous, que nous avons entendu le 28 février un exposé du MPO qui était représenté par M. Pat Chamut et qui était présent lors des dernières réunions de l'OPANO. Je dois faire remarquer à son honneur qu'il nous a exposé dans des termes très clairs la situation actuelle, la synthèse de la non-observation par les flottilles étrangères et en fait la situation. Je crois que M. Chamut a été très direct lors de cette réunion lorsqu'il a fait état de certains des problèmes qui caractérisent l'OPANO. C'est assez inusité.

    C'était le 28 février. Le procès-verbal et le compte rendu de cette réunion sont disponibles sur Internet.

    Monsieur LeBlanc.

+-

    M. Dominic LeBlanc (Beauséjour--Petitcodiac, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci monsieur Taylor de votre exposé.

    Je crois que c'est mon collègue, M. Hearn, et M. Matthews également... Nombre de députés autour de cette table appuient la proposition qui a été faite. Je crois que le statu quo n'est pas une option acceptable, compte tenu de l'inefficacité de l'OPANO, la surpêche par les bateaux étrangers qui est bien évidente, et le bouleversement social et économique qu'a vécu cette province. Vous avez raison, c'est semblable à la situation qui existe au niveau du bois d'oeuvre dans certaines régions du Canada et, dans les collectivités que je représente, les craintes qu'ont les pêcheurs en ce qui a trait aux pêches autochtones, et à la surpêche de stocks comme les stocks homardiers.

    C'est un phénomène auquel nous sommes très sensibles. Nos collègues de Terre-Neuve ont su, à mon avis, bien défendre la position de cette province, comme vous et le ministre qui vous a précédé avez d'ailleurs su le faire.

    J'aurais bien voulu que les solutions soient aussi simples que l'analyse de la situation. Le problème est clair. L'impact est évident. Si les solutions étaient tout aussi claires, je crois que nous serions tous beaucoup plus heureux.

    Des représentants du ministère et du ministère des Affaires étrangères ont essayé de nous dire que l'accord de pêche des Nations Unies, l'APNU, laisse entrevoir la création d'une structure différente ou d'une autre option qui permettrait d'assurer la réglementation de ces abus évidents; j'aimerais signaler que certains pays européens parlent de ratifier cet accord mais ne l'ont pas encore fait. Je sais qu'il s'agit d'un accord qui n'est pas parfait, mais les fonctionnaires nous ont dit qu'ils espèrent que l'APNU pourra, à moyen ou à long terme, offrir un mécanisme qui permettra au gouvernement du Canada de contrôler certains de ces abus. Croyez-vous que l'APNU nous offre une lueur d'espoir? Est-ce que vos collègues ont abordé de quelque façon que ce soit les possibilités que nous offre l'APNU lors du débat à l'Assemblée législative mercredi dernier?

+-

    M. Trevor Taylor: Cette question n'a pas été abordée lors de notre débat. On n'en a certainement pas parlé directement, mais je crois que l'on espère que les choses changeront grâce à l'APNU. En fait, cet accord justifie les mesures que nous prenons à l'extérieur de la zone de 200 milles touchant les espèces sédentaires, et c'est plus que ce que l'OPANO a fait.

    Comme vous l'avez dit, l'Union européenne n'a pas encore ratifié l'APNU, et les pays membres ont laissé entendre qu'ils le feraient. Je ne sais pas vraiment quoi dire. Pour ce qui est des espèces sédentaires, on a reconnu que nous pouvons exercer notre compétence; c'est une lueur d'espoir. Comme je l'ai dit dans mon exposé, si vous reconnaissez que l'État côtier peut avoir compétence sur les espèces secondaires, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas avoir la même compétence sur les espèces migratoires dont dépend énormément l'État côtier.

  +-(1240)  

+-

    Le président: Monsieur Stoffer.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président, monsieur Taylor.

    Comme vous le savez, Bruce Cockburn chantait une autre chanson où il disait «Si j'avais un lance-roquettes». Je suis convaincu que vous connaissez bien cette chanson.

    M. Trudeau a dit il y a plusieurs années que le problème avec le poisson c'est qu'il nage. Les stocks qui se déplacent ont toujours représenté un grave problème, mais vous et le ministre qui vous a précédé semblez douter de l'impact des mesures qui ont été prises par M. Tobin en 1995, lorsqu'il a autorisé qu'on ouvre le feu en direction des bateaux espagnols.

    Je me suis toujours posé des questions sur l'impact de cette décision. Peut-être qu'on a bien paru et qu'on s'est senti très fier pendant une brève période, mais le fait est que ce navire est rentré en Espagne, le poisson a été redonné au capitaine, et nous avons dépensé 100 000 $ pour donner à l'équipage un mois de congé dans la belle ville de St. John's. Il a fallu céder du merlu de la côte ouest pour calmer les membres de l'Union européenne, pour reporter l'affaire dont devaient être saisis les tribunaux. C'est là l'impact de cette décision.

    Dans votre exposé, vous avez mis en doute la destruction...

+-

    Le président: Peter, je dois vous dire que je ne suis pas d'accord avec votre conclusion quant à l'échange de stocks de merlu. Vous avez dit un peu plus tôt que nous avions échangé le poisson contre d'autres produits dans la région centrale du Canada, alors que les négociateurs nous avaient indiqué très clairement que...

    M. Peter Stoffer: La perception était très claire.

    Le président: Il s'agit donc de perception et non pas de fait.

+-

    M. Peter Stoffer: Vous avez entendu ces deux intervenants dire quelle est la perception de Terre-Neuve par la région centrale du Canada. Ils ont lu les commentaires de la rédaction, ils savent ce qui se passe. Ils ont une idée bien arrêtée de la façon dont la région centrale du Canada perçoit Terre-Neuve. C'est ce qu'ils ont dit dans leur exposé. Je ne dis pas que c'est un fait, mais c'est leur perception de la situation.

    Nous avons la même impression en Nouvelle-Écosse. Nous nous sentons abandonnés par le gouvernement parce que tout est fait dans le centre du pays. La côte ouest est du même avis. Mes collègues de l'Alliance vous en parleront en plus amples détails.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de la négligence des aspects écologiques touchant les pêches au large du plateau continental. En fait, comme pays pêcheur, nous sommes aussi coupables de négligence si l'on pense à nos propres habitudes de pêche; notre gestion des stocks à l'intérieur de la zone de 200 milles; l'écrémage; le rejet global qui a lieu actuellement, au moment même où nous nous parlons; et l'opposition d'une communauté à une autre en ce qui a trait à la répartition des ressources halieutiques, ce qui se déroule depuis déjà un bon moment.

    Compte tenu de votre expérience, croyez-vous vraiment que le gouvernement ou le ministère peuvent actuellement changer leur façon de faire les choses et très bien gérer les stocks et attribuer les quotas? De plus, puisque vous avez travaillé au sein du CCRH, croyez-vous que les autres pays membres de l'OPANO pensent que le Canada a les moyens de bien s'acquitter de cette gestion de surveillance de la zone de 200 milles et même au-delà de cette zone? Croyez-vous que nous pouvons faire tout cela?

+-

    M. Trevor Taylor: Comme vous dites, nous avons tous les mains sales. Les pêches du golfe du Saint-Laurent n'ont pas été dévastées par des étrangers la première fois. Ils ont fait beaucoup de mal dans les années 60 et 70, mais dans les années 80, c'est essentiellement nous qui avons fait tout le mal.

    À l'heure où l'écrémage et d'autres actes illégaux continuent d'être commis par des bateaux canadiens à l'intérieur de la limite des 200 milles, nous devons reconnaître que les pêches d'aujourd'hui, 10 ans après le moratoire sur la morue du Nord, avec son régime réglementaire, ses mesures d'exécution de la loi et la surveillance, sont très différentes de ce qu'elles étaient à la fin des années 80.

    J'ai participé à la pêche d'hiver à Port-aux-Basques une année, juste avant qu'elle ferme. Même à cette époque, les différences par rapport aux quelques années précédentes étaient notables. À mon avis, on a essentiellement mis fin aux fausses déclarations relativement aux prises.

+-

     Prenez la pêche au crabe et à la crevette sur la côte nord-est de Terre-Neuve--la pêche au crabe en particulier--, ce sont les pêcheurs eux-mêmes qui ont demandé au MPO de mettre en oeuvre un programme intégral de vérification à quai. Ce sont les pêcheurs qui se sont adressés eux-mêmes au ministère et qui l'ont exigé, et ce programme a été graduellement étendu à toute la région.

    Nous avons apporté des changements à la pêche à la crevette, par exemple, l'introduction de la grille Nordmore. Avons-nous les mains propres aujourd'hui? Non, loin de là. Vous n'auriez aucun mal à trouver un livre de bord dans notre province contenant de fausses déclarations relativement aux prises, surtout pour le crabe.

    Nous avons beaucoup changé. Nous avons changé nos pêches lorsque nous avons mis en place des programmes de surveillance efficaces, qu'il s'agisse de programmes d'observation, de programmes de vérification à quai ou de surveillance aérienne. Si vous pêchez le crabe ou ratissez la crevette, il est difficile de mentir en disant qu'on est à tel ou tel endroit quand on n'y est pas, parce que si un avion de surveillance passe au-dessus de vous, vous risquez de voir votre bateau privé de ses espars.

    Nous avons apporté des changements et les amendes sont lourdes aujourd'hui. Nous pouvons citer des améliorations à notre système qui confirment que nous pouvons réglementer la pêche comme il faut à l'extérieur de la limite des 200 milles, mais ce n'est pas parfait, loin de là.

    Le président: Merci, monsieur Taylor.

    Monsieur Hearn.

  +-(1245)  

+-

    M. Loyola Hearn: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à Trevor d'être venu.

    Je vais moi aussi citer une chanson, une vieille chanson de Kristofferson qui dit que les lois sont là pour protéger les gens. C'est devenu presque une farce, comme vous le savez. Qui sont ces personnes que ces lois protègent vraiment, ces lois nous protègent-elles ou protègent-elles les étrangers qui pillent nos ressources? Nous en avons discuté l'autre soir avec les représentants du ministère des Affaires étrangères.

    Pour économiser le temps, monsieur le président, j'ai regroupé quelques questions en une.

    Vous dites que les responsables ne font rien, et vous avez parfaitement raison. Au fil des ans, cette question a été soulevée à maintes reprises. Chose ironique, on n'en a pas vraiment discuté à l'échelle internationale depuis plus de 20 ans.

    Quand on demande à ces responsables à quand remontent les dernières discussions avec ces pays au sujet de la coopération, ils répondent que c'était il y a une vingtaine d'années de cela. Je leur ai dit: «Nous avions du poisson à l'époque, nous n'en avons plus maintenant». J'ai la ferme conviction qu'il y a des pays qui aimeraient continuer de pêcher au large de nos côtes, légalement, et je pense que nous obtiendrons leur soutien si nous le leur demandons. Mais personne ne leur a parlé depuis 20 ans ou expliqué notre situation, il est donc très difficile d'obtenir leur soutien.

    J'imagine que la résolution qui a été adoptée à la Chambre l'autre jour était unanime. Vous avez ici un comité fédéral qui attire beaucoup d'attention. Un grand nombre de particuliers et d'organismes dans cette province ont embarqué. Et l'industrie et les syndicats de manière générale ont tous commencé à se prononcer sur cette question.

    Au lieu d'avoir une résolution que quelqu'un aurait proposé en temps utile mais qui serait restée sans lendemain, il est peut-être temps de donner l'impulsion nécessaire et d'en faire un enjeu public. Si nous disons tous la même chose, nous pourrons le faire. J'aimerais qu'on étudie cette possibilité.

    J'aimerais maintenant que vous nous parliez un peu plus d'un autre sujet qui sera, j'espère, le prochain sujet d'étude de notre comité, à savoir la question des phoques et leur effet sur nos stocks de poissons.

    Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?

+-

    M. Trevor Taylor: Vous avez mentionné les phoques, je vais donc répondre à votre première question en vous parlant de la chasse au phoque. La chasse au phoque n'a pas été fermée vers la fin des années 70 et au début des années 80; elle n'a pas été fermée dans les années 80, elle a plutôt été assassinée d'un seul coup par la FIPA ou Greenpeace ou tous ces autres groupes de défense des droits des animaux. La chasse au phoque a été assassinée par suite d'un effort concerté qui a duré plusieurs années.

    Nous avons réussi à nous en sortir, grâce à Dieu--un petit peu. Les choses ont l'air d'aller assez bien cette année, si on nous permet de chasser.

+-

     Il est impossible de faire avancer les choses à ce sujet, pour ainsi dire, en adoptant une résolution à l'Assemblée législative ou en obtenant qu'un comité parcoure le Canada atlantique ou en parlant aux Affaires étrangères. Il faut un effort concerté qui serait mené par des représentants des deux paliers de gouvernement, l'industrie et le grand public. Nous pourrons alors peut-être obtenir du ministère des Affaires étrangères qu'il s'engage un peu plus qu'il ne le fait maintenant, et nous pourrons ainsi faire avancer les choses.

    Quand vous rentrerez chez vous ou déposerez votre rapport, vous aurez exprimé la perspective de votre comité, et lorsque je vous quitterai aujourd'hui, je vous aurai moi aussi exprimé ma perspective. Mais je sais que quelques personnes qui vont témoigner devant votre comité n'en resteront pas là. Gus Etchegary et d'autres ont poursuivi ce combat alors que plein de gens, parce qu'ils étaient frustrés, parce que les autres ne faisaient rien, se sont lassés d'en parler, moi compris. C'est donc le seul espoir que nous avons, j'imagine, et il faudra poursuivre à partir de là.

    Au sujet des phoques, je crois que vous devez aller voir où les stocks de poissons de fond se sont accrus et où il n'y a pas eu de croissance, pour tirer vos conclusions sur les effets qu'ont les phoques. Le stock de la morue du Nord se trouve dans une région où il y a plus de six millions de phoques, et il n'y a pas d'espoir de restauration de ce côté. On note des améliorations minimales dans le nord et le sud du golfe du Saint-Laurent. Pourquoi? À cause des phoques du Groenland et des phoques gris. On a réuni une preuve abondante sur l'effet des phoques gris sur le poisson dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Le troupeau de phoques gris de l'île de Sable et du sud du golfe du Saint-Laurent croît de 13 p. 100 par année. Si je ne me trompe, on estime qu'il a consommé en 1998 40 000 tonnes de morue du Sud du golfe. Et il s'agit d'un troupeau d'un peu plus de 100 000 phoques gris. Nous en avons plus de six millions ici.

    Ce dossier a été plaidé. Mais parler des phoques, c'est comme parler de la pêche étrangère. Je n'en peux plus. Et tout le monde ici n'en peut plus non plus. Personne n'écoute et personne ne fait rien. Coup de chance, nous avons eu la maladie de la vache folle en Europe, et nos peaux de phoque ont retrouvé des débouchés. Sans la maladie de la vache folle, on aurait encore probablement de la difficulté à vendre nos peaux de phoque à 11 $. Heureusement, ça va monter cette année jusqu'à 55 $, peut-être 60 $.

    C'est là le problème. C'est tout un problème. Il ne faut pas se le cacher. Il ne faut pas le nier. Plus de six millions de phoques, il faut que cela ait un effet. Comme je l'ai dit, si vous prenez la côte sud de Terre-Neuve, où il y a peu de phoques, le stock s'est rebâti. Il avait baissé un peu. Il ne s'est pas rebâti aussi vite qu'on l'aurait cru vers la fin des années 90, mais il se rebâtit. Ça avance. Il n'y a pas de phoques là-bas. Là où il y a des phoques, il n'y a pas de poisson.

  +-(1250)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Taylor.

    Monsieur Wappel.

+-

    M. Tom Wappel: Merci. Je serai bref.

    Monsieur Taylor, merci.

    Pour les besoins du débat, vous avez demandé ce que nous obtenons au juste de l'OPANO. Lors de l'une de nos séances d'information, nous avons reçu des renseignements à ce sujet. Le titre d'une partie de cet exposé était «Le rôle de l'OPANO et comment elle protège les intérêts canadiens». Sous cette rubrique, il y a sept capsules. Je les ai lues très attentivement pendant que vous répondiez. Pour être généreux envers l'auteur de l'exposé, de ces sept points, je n'en trouve que quatre qui indiquent, même d'une manière lointaine, comment l'OPANO protège les intérêts canadiens. Je vais vous citer ces quatre capsules et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    Premièrement, il est dit que la surpêche est loin de poser un problème aussi grave qu'au début des années 80 et dans les années 90, et que cet état de chose peut être d'une certaine manière attribué à l'OPANO. Deuxièmement, il est dit qu'on ne dépasse pas le total autorisé des captures de poisson de fond. Troisièmement, l'OPANO a assuré de manière générale que le total autorisé des captures est établi conformément aux conseils scientifiques qu'elle reçoit. Et quatrièmement, il est dit que le programme d'exécution de l'OPANO est mis en oeuvre dans une proportion de 100 p. 100 grâce aux observateurs, aux vérifications à quai, aux patrouilles aériennes et maritimes, et que le programme SSM fonctionne à 100 p. 100. Le SSM--il m'a fallu faire une recherche ici pour savoir ce que ça veut dire--assure une capacité de détection efficace et facilite le respect général du total autorisé des captures et des quotas de l'OPANO.

+-

     On nous dit que ce sont là les avantages que tire le Canada de son adhésion à l'OPANO et des 500 000 $ que nous versons chaque année pour soutenir la bureaucratie de cette organisation. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de ces quatre avantages que le Canada est censé tirer de son adhésion à l'OPANO?

  +-(1255)  

+-

    M. Trevor Taylor: Je vais commencer par la surpêche. Il faut reconnaître à chacun ses mérites. Les pays membres de l'OPANO ne pratiquent pas autant la surpêche que dans les années 80 et 90. Je suis sarcastique lorsque je dis qu'il faut reconnaître à chacun ses mérites parce que c'est en grande partie l'OPANO qui a dévasté nos stocks, ce qui fait qu'il n'y a plus de surpêche possible maintenant. C'est la seule raison pour laquelle il y a moins de surpêche, et il faut en attribuer le mérite à l'OPANO.

    Pour ce qui est du total autorisé des captures qui serait conforme aux données scientifiques, je pense que nous avons vu des améliorations de ce côté au cours des quatre ou cinq dernières années. Je ne crois pas que l'on manipule ces données scientifiques comme on le faisait à la fin des années 80 et au début des années 90. Les scientifiques sont plus indépendants aujourd'hui qu'ils ne l'étaient par le passé. Je peux me tromper, mais je le crois sincèrement.

    Pour ce qui est des quotas--ce total autorisé des captures qui n.est pas dépassé--si vous prenez les stocks de poissons de fond, la vaste majorité d'entre eux se trouve dans des régions qui font l'objet d'un moratoire. Les prises qui nous viennent de ces stocks sont classées comme étant des prises accessoires. J'ai quelques pages du texte que vous citez. Voyez l'annexe (4). Comment peut-on dire que l'on respecte de manière générale les prises permises, alors que la majorité des espèces soumises à des moratoires présentent des prises comme celles-là?

    Comme je l'ai dit, et je cite de nouveau mon exemple de la plie grise de la région 3LNO: 1-600 tonnes, 2 500 tonnes et 5 200 tonnes en 1998, 1999 et 2000. On dit plus loin que le Conseil scientifique craint qu'une bonne part de cette prise ne soit pas vraiment une prise accessoire, mais qu'elle résulte d'une pêche directe.

    Je crois qu'il est tout à fait inexact de dire qu'on ne dépasse pas les quotas pour les poissons de fond. Pour les crustacés, on a aussi la preuve qu'il y a de fausses déclarations relativement aux prises de crevettes. Je doute que cette assertion repose sur des faits.

    Pour ce qui est du programme d'exécution, le nombre d'accusations que nous connaissons et l'ampleur des poursuites sont explicites. À ma connaissance, à l'automne 1999, juste avant Noël en fait--et si je le sais c'est parce que j'assistais à une fête de Noël à Corner Brook et qu'un ami à moi, qui était agent des pêches à bord du Leonard J. Cowley, était censé être là. Vous vous rappelez peut-être que les agents des pêches escortaient alors un navire portugais aux Açores.

    Nous n'avons rien obtenu de toute cette opération. Les gars qui étaient à bord du Leonard J. Cowley ont passé quelques jours dans les Açores et ils ont retraversé l'océan à bord d'un avion; nous n'avons rien obtenu de tout cela.

    Je ne sais pas si j'ai répondu à vos questions.

+-

    Le président: Avez-vous posé toutes vos questions, Tom?

    Peter, vous aviez une petite question. Veuillez être aussi bref que possible. Après quoi ce sera au tour de Bill Matthews.

+-

    M. Peter Stoffer: Je me demande si vous avez eu la chance de lire le rapport que nous avons produit sur les phoques il y a quelques années de cela. Si vous ne l'avez pas lu, je vous le recommande.

    De même, vous venez de dire qu'on ne manipule pas les données scientifiques comme on le faisait auparavant. Que voulez-vous dire par là?

+-

    M. Trevor Taylor: Eh bien, on dispose d'une preuve très abondante démontrant qu'au cours des années 80 et au début des années 90, le Conseil scientifique de l'OPANO subissait de fortes influences. Essentiellement, les scientifiques se présentaient devant le Conseil scientifique avec des visées politiques. Il y avait là des représentants de leur gouvernement et de leur industrie de la pêche. Ce qui ne veut pas dire que ce n'était pas des scientifiques qui faisaient les recherches, et peut-être que ces recherches étaient bonnes. Mais lorsque les représentants des pays se réunissaient autour de la table, en invoquant des données scientifiques, ils demandaient des quotas qui dépassaient de très loin les niveaux qui auraient dû être établis.

+-

     Il y a eu des améliorations à cet égard au cours des récentes années. De manière générale, les recommandations du Conseil scientifique sont explicites, comme vous pouvez le voir dans le cas du turbot. Le fait que le Conseil scientifique ait constammentrecommandé des moratoires au cours des dernières années me prouve qu'il est désormais indépendant et qu'il n'est plus à la remorque des gouvernements.

·  +-(1300)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Taylor.

    Monsieur Matthews.

+-

    M. Bill Matthews: Merci, monsieur le président.

    J'ai une brève observation à faire au sujet du problème des phoques. J'ai trouvé très intéressant d'entendre ce que Trevor avait à dire à ce sujet.

    L'ayant entendu parler du voyage qu'il a fait juste avant la fermeture de la pêche de la morue du Nord, et l'ayant entendu dire ensuite qu'il avait pris part à l'un des derniers voyages à Port-aux-Basques pour la pêche d'hiver, Dominique et moi nous sommes dits qu'on devrait peut-être demander à Trevor Taylor de s'occuper de la chasse aux phoques; ensuite, nous réglerions le problème des phoques.

    Une voix: Mais il s'est lancé en politique.

    M. Bill Matthews: Oui, il s'est lancé en politique. Nous avons peut-être une solution pour les phoques; il n'y a qu'à nommer Trevor responsable de la chasse aux phoques.

    Plus sérieusement, monsieur le président, ce n'est pas une question que j'ai; c'est plus un commentaire ou une observation. J'ai la certitude que les gens se demandent ce que notre comité fait ici et pourquoi nous sommes ici. Le comité est venu dans la province pour entendre des témoignages, et c'est ce que nous allons faire pour les deux jours à venir, et c'est une partie importante du processus.

    C'est après cela que les vraies difficultés du comité vont commencer--c'est probablement le mot juste. Parce que notre comité devra alors obtenir le concours entier du ministre des Pêches et Océans, du ministre des Affaires étrangères et ultimement du premier ministre si nous voulons avancer dans ce dossier. Je sais qu'il y a des gens qui ont des doutes au sujet du processus, de notre présence ici et du résultat que nous obtiendrons. Mais le vrai défi pour le comité consistera à faire intervenir activement dans ce dossier ces deux ministres ainsi que le premier ministre.

    Je suis très à l'aise au sein de ce groupe depuis quelques années. Notre comité est résolu à agir. Nous avons dû venir ici pour faire connaître le dossier, entendre des preuves. Je sais que les Terre-Neuviens réclament une intervention dans ce dossier, mais je voulais seulement dire quelle tâche nous attend après cette étude.

+-

    Le président: Merci, Bill.

    En réponse à ce commentaire, il y a des gens à Ottawa qui voudraient que notre comité disparaisse tout simplement, mais nous allons faire notre travail et recommander des mesures difficiles. Vous pouvez en être assurés.

    Monsieur Taylor, voulez-vous intervenir une dernière fois?

·  +-(1305)  

+-

    M. Trevor Taylor: Oui, monsieur le président.

    Ce n'est pas moi qu'il faut féliciter s'il n'y a plus de poisson de fond autour de Terre-Neuve. Je passais tout mon temps sur le pont du bateau à l'époque, mais le patron était à la barre. J'ai aussi quelques côtes brisées qui prouvent que j'ai participé à la chasse aux phoques. Je me suis donné pour tâche maintenant de chasser le gouvernement libéral de cette province. Évidemment, je plaisante un peu.

    Je remercie le comité d'être venu ici aujourd'hui et de s'être attaqué à ce problème très important. Je sais comme vous qu'il sera très difficile de faire avancer ce dossier, et je vous souhaite tout le succès lors de votre rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, le ministre des Pêches et des Océans et, un jour, le premier ministre.

    Il n'y a pas de solution facile ou de remède rapide au malaise qui accable les pêches de Terre-Neuve et du Labrador, et toutes les autres pêches tant qu'à cela. Mais on ne s'engage jamais sur une longue route sans faire le premier pas, et nous devons collectivement nous engager davantage dans ce dossier, moi compris. L'enjeu est énorme. Il en coûte quelque chose pour agir, mais le coût de l'inaction a été jusqu'à présent beaucoup trop lourd pour notre province.

    Notre population, comme on l'a dit plus tôt, a atteint son niveau le plus bas en 40 ans, je crois. Nous ne pouvons pas survivre sur ce rocher sans poisson. C'est la seule vérité.

+-

     On peut parler de tourisme, d'usines de pâte et papier, de la baie de Voisey, des chutes Churchill et de tout cela, mais le fait est que pour un gars de Gunners Cove comme moi-même, tout cela ne veut rien dire s'il n'y a pas de pêche à la morue, ou de pêche quelconque. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici depuis plus de 500 ans, et j'imagine que c'est la raison pour laquelle nous serons ici pour les 500 ans à venir.

    Je vais conclure en remerciant le comité d'être venu ici aujourd'hui. Tous mes voeux de réussite vous accompagnent.

·  +-(1310)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Taylor, pour votre exposé et vos réponses.

    Nous allons faire une pause de trois minutes, après quoi nous entendrons M. Jim Morgan, s'il est dans la salle.

  +-.1305  


  -.1319  

+-

    Le président: Nous souhaitons maintenant la bienvenue à M. Morgan, le porte-parole de la Newfoundland and Labrador Rural Rights and Boat Owners Association. Merci d'avoir pris le temps de venir. Vous avez la parole.

+-

    M. Jim Morgan (porte-parole, Newfoundland and Labrador Rural Rights and Boat Owners Association): Merci, monsieur le président.

    Je travaille dans l'industrie de la pêche de notre province depuis l'époque où je pêchais avec mon père, lorsque j'étais enfant, dans la baie de Bonavista. Plus tard, j'ai représenté pendant 18 ans à l'Assemblée législative une circonscription où la pêche était une activité importante. J'ai été ministre des Pêches de la province pendant environ six ans. Depuis que j'ai quitté la politique, je milite au sein d'une organisation bénévole qui s'appelle la Rural Rights and Boat Owners Association, qui représente plusieurs milliers de personnes résidant dans les régions rurales de notre province.

+-

     Je me suis également occupé du commerce du poisson. J'ai passé environ 12 ans à la direction internationale d'une entreprise de marketing et j'ai beaucoup voyagé en Extrême-Orient et partout en Europe.

    Cela dit, je veux que vous sachiez d'abord que je ne sais trop au juste pourquoi nous comparaissons ce matin parce que je suis tellement découragé de ce qui se passe depuis des années dans le secteur des pêches que je ne vois pas l'intérêt d'en discuter. Je sais que vous êtes tous des gens sincères, mais moi, Terre-Neuvien, j'en ai ras le bol de voir des comités, des études et des rapports sur la pêche à Terre-Neuve sans que cela n'aboutisse jamais à rien.

    Je suis venu témoigner devant votre comité--dont les membres ont changé--au moins trois ou quatre fois au fil des ans, à titre de ministre, de responsable politique et, aujourd'hui, de représentant d'une organisation bénévole. Il me semble toutefois que vos rapports, même s'ils sont bien rédigés et bien présentés et qu'ils contiennent de bonnes recommandations...

    Je me souviens que George Baker est venu il y a quelques années. Il avait parcouru la province dans son rôle de président du comité des pêches. Il avait entendu et vu beaucoup de monde. Il avait présenté un bon rapport, à mon avis, mais le problème c'est qu'on ne tient pas compte de ces rapports. On ne vous écoute pas. Si les ministres responsables des décisions, qu'il s'agisse des Affaires étrangères ou des Pêches, ne vous écoutent pas, à quoi cela sert-il?

    Ce matin, j'ai hésité à venir. J'ai finalement décidé de venir, ne serait-ce que pour entretenir le dialogue, comme l'a dit M. Trevor Taylor. Le problème est que nous ne faisons que parler. C'est tout ce que nous avons à faire à Terre-Neuve. Les pêches sont entièrement contrôlées par le gouvernement fédéral, national. Récemment, une décision de la Cour suprême, adoptée à l'unanimité, a déclaré et je cite:

...les pouvoirs, en matière de pêche, portent non seulement sur la conservation et la protection mais également sur la «réglementation» générale des pêches, notamment leur gestion et leur contrôle.

    C'est donc une décision de la Cour suprême à propos d'une affaire portant sur la vente d'un produit du phoque.

    L'article 91.12 de la Loi constitutionnelle de 1867 déclare que les pêches sont une source de richesse nationale ou provinciale, appartiennent à la collectivité et doivent être gérées pour le bien de tous les Canadiens.

    Nous avons essayé d'obtenir du gouvernement fédéral il y a quelques années un certain partage des pouvoirs, afin que notre province puisse avoir un peu son mot à dire sur ce secteur de première importance pour Terre-Neuve, en particulier dans les régions rurales, mais on ne nous a pas écoutés. La requête venait du premier ministre de la province et de moi-même comme ministre des Pêches.

    Peut-être que le Québec a raison à cet égard. Cette province a une certaine compétence en matière de pêches, compétence qui lui a été déléguée il y a très longtemps par le gouvernement fédéral. Mais nous, nous n'avons rien à dire, absolument rien à dire sur notre secteur économique le plus important.

    Ce matin, j'aimerais vous parler d'abord de la zone de 200 milles et je passerai ensuite aux problèmes que nous avons au-delà de cette zone.

    Le gouvernement fédéral n'a tenu aucune consultation sérieuse sur la pêche dans notre province. Je ne voudrais pas faire de politique, je n'aspire à aucun poste électif. Je ne suis plus en politique et je n'ai aucune aspiration dans ce domaine. La réalité demeure que quel que soit le parti au pouvoir à Ottawa, quelle que soit sa couleur, c'est la même chose. Il ne tient aucun compte de notre point de vue, aucun compte de nos recommandations. Il ne nous consulte pas sérieusement.

    En 1992, lorsque le ministre d'alors avait dû fermer la pêche à la morue dans cette province, la pêche du poisson de fond, nous étions sûrs que le gouvernement fédéral allait intervenir pour voir ce qui arrivait aux stocks de poisson sur la côte de Terre-Neuve et du Labrador. Depuis lors, que s'est-il passé? On s'est préoccupé des questions budgétaires et l'on a effectué des compressions dans le secteur de la surveillance, dans celui de la recherche scientifique, de la garde côtière, etc. Combien de fois devons-nous entendre le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH), déclarer: «Monsieur le ministre--le Conseil adresse ses recommandations au ministre, pas à votre comité, car il est nommé par le gouvernement fédéral--, veuillez prévoir un budget suffisant pour que l'on puisse faire des recherches scientifiques adéquates sur les stocks de poisson»? Combien de fois faudra-t-il les entendre dire la même chose? Ils l'ont encore fait dans le dernier rapport, comme dans les précédents, sans que l'on ne voie autre chose que des coupures et encore de la recherche insuffisante sur ces stocks dans la zone de 200 milles.

    Et ce matin, j'ai entendu le ministre provincial. Je n'approuve pas du tout sur ce qu'il propose, à savoir que le gouvernement du Canada assume la responsabilité de la gestion de surveillance. On sait en effet qu'aujourd'hui le gouvernement du Canada n'est même pas en mesure de faire les recherches scientifiques voulues dans la zone actuelle de 200 milles, alors pourquoi vouloir qu'il s'occupe de la gestion de surveillance au-delà de la zone économique de 200 milles jusqu'au nez et la queue des Grands Bancs et jusqu'au Bonnet Flamand?

    Quand j'entends dire que les budgets pour les bateaux de surveillance que nous avons actuellement dans la zone de 200 milles ne leur permettent même pas d'acheter le carburant nécessaire pour leurs opérations de surveillance... Gestion de surveillance, vous dites? Allez, c'est insensé.

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     Le fait est que la question refait surface encore une fois. Des gens comme Gus Etchegary, qui était dans le hall, l'ont souligné, et je le souligne moi-même depuis des années. Nous parlons du même problème depuis des vingtaines d'années, soit depuis le début des années 70: la surpêche par les pêcheurs étrangers.

    Le nouveau ministre a dit, il y a quelques jours de cela, qu'il faudra travailler dans le sens de la diplomatie, en vue de la prochaine rencontre de l'OPANO en Espagne, afin de régler la difficulté que nous avons au sein de l'OPANO à exercer un certain contrôle sur les stocks chevauchant au bord du plateau continental. Travailler dans le sens de la diplomatie.

    Messieurs, il ne fait aucun doute que le degré de frustration a atteint un niveau tel à Terre-Neuve que les gens disent au gouvernement que l'heure n'est plus aux pourparlers et qu'il faut passer à l'action. Il faut agir avant que l'on assiste à la destruction totale du milieu rural, des petits villages de Terre-Neuve.

    Selon un reportage qui a paru dans les journaux il y a de cela quelques jours, ces petits villages, dont beaucoup sont des villages de pêche, ont perdu 10 p. 100, 12 p. 100, 15 p. 100 et 18 p. 100 de leur population depuis 1996. Nous avons perdu 40 000 Terre-Neuviens, qui ont quitté la province à cause de l'inaction dans le dossier des pêches.

    Il ne suffit donc pas de parler d'une gestion de surveillance et de travailler dans le sens de la diplomatie à la prochaine rencontre de l'OPANO en Espagne. L'OPANO n'a pas pris les mesures voulues pour protéger nos stocks. Depuis 1992, et ce, en dépit du moratoire imposé aux Terre-Neuviens, je dirais que les étrangers ont pêché des centaines de milliers de tonnes métriques de l'espèce précisément visée par ce moratoire, la morue, près du plateau continental.

    Le moment est venu de cesser de parler pour passer à l'action. Vous reviendrez dans cinq ans--peut-être que certains des mêmes députés se retrouveront de nouveau ici avec le comité--et nous serons encore en train de dire la même chose, de chercher des recommandations.

    J'ai écouté les membres du comité parler ce matin des rapports que vous avez reçus du ministère des Affaires étrangères et même du MPO. Ils sont tous tellement négatifs sur toute cette question. Il ne faut pas parler d'aller au-delà de la zone de 200 milles. Il ne faut même pas parler de gestion de surveillance.

    J'étais à une conférence il y a quelques semaines où M. Legault--vous le connaissez peut-être, c'est lui l'architecte de l'OPANO--a participé à la discussion avec M. Lapointe, qui travaille, je crois, au ministère des Affaires étrangères. Je n'ai rien contre ces messieurs, mais ils sont tellement diplomates que nous n'obtiendrons pas de résultats.

    Une des premières choses à faire serait de dissiper cette impression qu'on a dans le monde, et à l'Union européenne en particulier, que le Canada est un pays faible, que nous sommes des adversaires faciles, que nous manquons de courage. Nous disons qu'il faut retourner travailler dans le sens de la démocratie en Espagne. C'est peine perdue. Il faut agir maintenant pour protéger une ressource essentielle qui est sous le contrôle du gouvernement fédéral. Il faut intervenir pour protéger cette ressource. Il n'y a qu'une façon de le faire, c'est de les frapper là où ils sont vulnérables. Il faut frapper ces pays étrangers et leurs flottilles de pêche là où ils sont vulnérables.

    J'ai lu un rapport que vous avez produit récemment. Je ne pouvais pas m'empêcher de m'y reporter. Les rapports me laissent toujours sceptique, mais vous en avez produit deux bons dernièrement--je ne sais pas d'où en est venue l'initiative. Je ne vais pas commencer à discuter de questions d'infrastructure, mais il y a eu ce rapport sur la pêche aux crevettes.

    Nous avons 3 000 Terre-Neuviens qui étaient sans emploi l'été dernier--les marchés étaient généralement à la baisse--à cause du tarif de 20 p. 100 imposé aux exportations à la Communauté européenne. Nous, Terre-Neuviens, avons dû rester là impuissants pendant que des navires étrangers mouillaient dans des endroits comme Harbour Grace, Carbonear, Argentia et St. John's pour transborder dans des conteneurs frigorifiques les crevettes qu'ils avaient pêchées dans le Bonnet Flamand et qui allaient ensuite être vendues sur le marché et faire concurrence à notre produit à nous.

    Ces mêmes pêcheurs étrangers qui se sont vus accorder 30 000 tonnes métriques ont pêché 60 000 tonnes métriques près de notre zone de 200 milles, à une centaine de milles au large de ce qu'on appelle le Bonnet Flamand. Et nous ne faisons rien pour les en empêcher.

+-

     Ces navires entrent aux ports et, d'après ce que j'en sais, le service de Douanes ne les inspecte pas, pas plus que les agents du ministère des Pêches ou que la GRC. Ils entrent tout simplement au port et, dans certains cas, les pêcheurs abandonnent même leur navire.

    Encore dernièrement, une entreprise américaine avait affrêté deux navires étrangers. Je ne sais pas exactement dans quel pays ils avaient été enregistrés; on aurait dit des navires russes. Les navires qui avaient été affrêtés par cette entreprise américaine pour la pêche aux crevettes sont donc entrés au port. Une fois les crevettes déchargées et vendues sur le marché, l'entreprise ayant réalisé son profit a tout simplement abandonné les navires et les pêcheurs, qui ont dû s'en remettre à la bonne volonté et à la charité des Terre-Neuviens pour les approvisionner en nourriture et en carburant. C'est tout ce que je sais, mais il y a quelqu'un ici qui en sait peut-être plus que moi, M. Efford. C'est dans sa région que c'est arrivé--John Efford, ancien ministre des Pêches. Toujours est-il que les navires ont été abandonnés. Le gouvernement du Canada doit sûrement pouvoir faire quelque chose pour empêcher de tels agissements.

    Je dirais même que, si nous voulons empêcher un pays étranger qui vient pêcher chez nous et qui ne se conforme pas aux règles de conservation établies par l'OPANO, dont le Canada est membre... Et je ne suis pas du tout d'accord avec notre ministre des Pêches qui a dit ce matin qu'il faudrait que nous nous retirions de l'OPANO. Chacun ferait à sa tête, et le Canada n'aurait rien à dire. Ne faites pas cela. Ne vous retirez pas de l'OPANO, car si nous en restons membres, il est tout de même possible d'obtenir quelque chose. Fermez cependant nos ports à tout pays étranger qui ne se conforme pas aux règles de conservation établies par l'OPANO et acceptées par le Canada.

    S'ils ne respectent pas les règles, ne les laissez pas mouiller dans nos ports et obtenir les services, carburants, eau, nourriture, dont ils ont besoin et ne les laissez surtout pas transborder leur cargaison qu'ils vendent ensuite sur le marché en concurrence avec notre produit et qui leur permet de réaliser un bénéfice. Ce serait là une des mesures que nous pourrions prendre dès maintenant.

    Nous pourrions aussi agir du côté législatif au niveau national. Quand--je pense bien pouvoir l'appeler mon ami--Brian Tobin est intervenu en tant que ministre fédéral et qu'il a arraisonné l'Estai dans le port de St. John's et tout le reste, cela a été une lueur d'espoir pour Terre-Neuve, car enfin le gouvernement du Canada intervenait de façon à défendre notre intérêt dans tout ce dossier.

    Cela s'est en quelque sorte retourné contre nous et le Canada a donc dû accepter cette formule des observateurs qui montent à bord de tous les navires sans exception, comme l'a dit M. Wappel, je crois. D'après le rapport de l'OPANO, tout marche très bien--les responsables disent que tout marche très bien. Nous avons cette formule des observateurs qui montent à bord de tous les navires, mais qui produisent des rapports pour eux-mêmes. C'est tellement ridicule! Des observateurs qui montent à bord de navires étrangers et qui se font rapport à eux-mêmes!

    Comme l'a signalé un des témoins ce matin, il y a eu cet incident où un navire aurait été arraisonné en mer et ramené aux Açores, mais aucune accusation n'a jamais été déposée. Nous n'avons même pas déposé d'accusation! Ils se moquent donc du Canada. Ils se moquent de nous, surtout à l'Union européenne.

    Nous ne pouvons pas attendre 10 ou 15 ans. D'après ce que me disent nos représentants diplomatiques à Ottawa, dans les conversations téléphoniques que j'ai avec eux, il faudrait de 10 à 15 ans pour étendre notre zone territoriale. Eh bien, nous, Terre-Neuviens, ne pouvons pas attendre 10 ou 15 ans. Nous ne pouvons tout simplement pas attendre.

    Les stocks ont disparus à l'intérieur de la zone de 200 milles principalement à cause de la mauvaise gestion de la part du gouvernement qui contrôlait ces stocks. Les deux paliers de gouvernement sont à blâmer pour la mauvaise gestion de nos ressources à l'intérieur de la zone de 200 milles. Les preuves abondent. Ils n'ont pas bien géré les stocks, et les pêcheurs étrangers sont maintenant en train de décimer nos stocks à la limite du plateau continental, alors que le gouvernement du Canada semble se comporter en observateur impuissant. Ce sera la catastrophe pour les régions rurales de Terre-Neuve, pour les villages de pêche, et on vient de faire circuler les résultats du recensement publiés il y a quelques jours qui viennent le confirmer.

    Je me suis souvent demandé, quand j'étais en politique et depuis, si le gouvernement fédéral se soucie vraiment du sort des régions rurales de Terre-Neuve. Je ne suis pas sûr que cela l'intéresse vraiment. Je dois vraiment insister sur la politique de la contiguïté, qui est en principe une politique qui était en place pendant tout le temps où j'étais ministre des Pêches et qui existe peut-être depuis le tout début de la pêche à Terre-Neuve.

+-

     Quand je vois Ottawa qui veut transférer le droit sur une ressource qui se trouve dans nos eaux--et je veux parler ici de la décision qui a été prise il y a deux ans de transférer un contingent de pêche aux crevettes de Terre-Neuve à l'Île-du-Prince-Édouard. On nous avait donné à penser que le transfert serait temporaire, qu'il ne durerait que trois ans, mais, messieurs, soyons sérieux... Quand j'ai entendu le nouveau ministre dire: «Écoutez, le fait est qu'il y a maintenant une dépendance de la part des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard à l'égard de ces stocks.» N'étions-nous pas nous-mêmes dans cette situation? N'avions-nous pas une dépendance qui s'est développée au fil des ans à l'égard des stocks qui sont adjacents à nos eaux? Bien sûr que oui. Or, le nouveau ministre dit qu'il y a des arguments convaincants pour que ce transfert des crevettes de nos eaux à une autre province ne soit pas annulé, pour qu'il devienne plutôt permanent. Voilà ce qui va se passer d'après moi.

    Le témoin précédent a dit que nous sommes aux prises avec les phoques qui arrivent du nord et les étrangers qui arrivent de l'est. Il y en a d'autres aussi qui arrivent de l'ouest et qui veulent mettre la main sur nos ressources. Je veux parler du nouveau comité que le gouvernement fédéral vient de créer et qui va faire des recommandations et des propositions sur l'accès aux stocks de poisson au large des côtes de Terre-Neuve et sur la répartition de cette ressource. Savez-vous ce qu'il y a de malheureux dans tout cela? C'est que Terre-Neuve, pauvre Terre-Neuve, n'a personne qui la représente à ce comité. Il n'y a personne à ce comité qui puisse défendre l'intérêt de Terre-Neuve ou participer aux recommandations qui seront formulées. Cela m'inquiète en tant que Terre-Neuvien de penser à ce que ce comité va recommander au ministre des Pêches pour ce qui est de permettre à d'autres d'avoir accès aux stocks qui se trouvent le long de nos côtes sans aucun égard à la politique de la contiguïté, qui sera jetée par-dessus bord.

    J'ai parlé du manque de fonds pour la recherche et la surveillance depuis 1992. Notre infrastructure... Vous venez tout juste de publier un rapport pour lequel je vous félicite. C'était un excellent rapport que ce cinquième rapport. On y faisait un peu de progrès.

    Nous avons des quais et des brise-lames qui tombent en ruine dans l'eau. Nous avons un urgent besoin de 100 millions de dollars à Terre-Neuve pour enlever ces ouvrages qui tombent en ruine ou les réparer. Qu'allons-nous obtenir? Nous allons obtenir un peu d'argent. Peut-être que mon bon ami de St. John's-Ouest a pris notre part dans ce dossier, et peut-être que Bill Matthews l'a fait aussi. Le fait est toutefois que nous n'aurons droit qu'à 5 ou 6 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. Quelle insulte, encore une fois, pour les Terre-Neuviens: 5 ou 6 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour les ouvrages fixes le long de nos côtes qui tombent en ruine, qui constituent une menace pour la sécurité et qui ont besoin d'être réparés de façon urgente.

    Tout ce à quoi nous avons eu droit au fil des ans, ce sont des réductions budgétaires. Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce que notre organisation compte des propriétaires de petits bateaux...et dans bien des cas, ils servent, non pas à la pêche sportive, mais à la pêche commerciale. Les propriétaires de petits bateaux cherchent quelque chose qui puisse leur permettre de continuer à exercer leur activité. La morue a disparu. Il n'en reste plus. Comme il y a toutefois des stocks de crabes et de crevettes, ils voudraient se lancer dans la pêche au crabe, mais on ne leur accorde que des permis limités. Même si deux anciens hauts fonctionnaires du MPO, M. Art May, ancien sous-ministre, et M. Eric Dunne, qui était responsable des opérations du MPO à Terre-Neuve, ont présenté un rapport au ministre l'an dernier... D'après ce que j'en sais, ils recommandaient dans ce rapport que des permis soient effectivement accordés à ces bateaux de pêche côtière de moins de 35 pieds--qui jouent un rôle capital dans l'économie des petites localités le long des côtes de Terre-Neuve. Mais non, malgré ce rapport--et je reviens ici à ce que je disais dans mes remarques préliminaires--et malgré de nombreuses études et de nombreuses audiences qui arrivaient à la même conclusion, personne à Ottawa ne veut écouter. Voilà qui explique l'énorme sentiment de frustration que nous avons dans cette province relativement à cette industrie qui est tellement importante pour nous.

    Je me souviens qu'il y a quelques années mon collègue, qui va se présenter comme député dans un comté--c'est un bon lbéral. Je suis moi-même un bon conservateur, mais je l'appuie. Cela dit, je me souviens que lui et moi sommes semblables de ce point de vue là: nous n'avons pas la langue dans notre poche quand il s'agit de pêche. Vous savez, Gus Etchegary en connaît plus sur les pêches que je n'en connaîtrai jamais, je pense bien, et nous dénonçons tous les deux ce que nous voyons, mais la frustration que nous ressentons du fait qu'on ne fait rien... Je me souviens que John Efford a amené tous les membres d'un comité tripartite de l'Assemblée législative provinciale pour aller témoigner devant le Comité permanent des pêches de la Chambre des communes à Ottawa sur la question des phoques. Imaginez cela. On était tout excité à Terre-Neuve. On se disait qu'il en sortirait peut-être quelque chose. C'était quelle année, au juste? Il y a trois ou quatre ans? Rien. Il n'en est rien sorti.

+-

     Je ne veux pas continuer trop longtemps, car vous aurez peut-être des questions à me poser, mais je tiens à vous dire que les négociations diplomatiques ont été un fiasco total. L'OPANO a échoué lamentablement dans ses efforts pour contrôler et gérer les stocks qui se trouvent à la limite de notre plateau continental. Nous ne pouvons pas attendre. Nous ne pouvons pas continuer à discuter. Nous, Terre-Neuviens, allons continuer à discuter, mais nous ne pouvons rien faire car le dossier ne relève pas de notre compétence.

    Vous pourrez sûrement dans le cadre de votre travail--et je ne mets pas en doute la sincérité du comité, pas du tout--quand vous vous mettrez à rédiger votre rapport, examiner les informations que vous aurez recueillies des Affaires étrangères et de nos représentants diplomatiques, examiner les résolutions adoptées il y a quelques jours de cela à l'Assemblée législative provinciale... Soit dit en passant, je crois que cette résolution était la cinquième ou la sixième que l'Assemblée législative a adoptée à l'unanimité et envoyée à Ottawa au fil des ans en ce qui concerne la surpêche, mais sans qu'aucune action n'ait été entreprise. Nous allons en discuter encore aujourd'hui.

    Je conclurai en disant que, Jim, tu te laisses peut-être trop emporter par tes émotions; tu n'es pas assez détaché. C'est que, quand on voit ce qui arrive aux Terre-Neuviens, il est facile de se laisser emporter. Mais, messieurs, je voyage beaucoup dans les régions rurales de la province. C'est là où se trouvent bon nombre de nos membres. Ils appellent au secours, et je suis venu aujourd'hui leur prêter ma voix pour vous dire, de grâce, si vous le pouvez, tâchez d'influencer le ministre des Pêches et des Océans, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international.

    Avant que je ne l'oublie, j'ai remarqué que vous disiez dans votre rapport sur la pêche aux crevettes:

Le Comité permanent des pêches et des océans exhorte par conséquent le gouvernement du Canada à accorder une grande importance à ce dossier.

Nonobstant l'article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de déposer dans les 90 jours une réponse globale à son rapport.

    C'était en octobre.

    La pêche aux crevettes va débuter bientôt. Cette pêche est d'une importance vitale maintenant que la morue a disparu. J'aimerais savoir si le gouvernement du Canada, le Conseil des ministres, a effectivement déposé un rapport pour vous dire ce qu'il avait l'intention de faire. À ma connaissance, il n'y a pas eu de réponse du gouvernement. S'il dit qu'il va faire quelque chose, c'est peut-être vrai, mais nous n'en avons rien vu jusqu'à maintenant à Terre-Neuve.

    Je conclurai en disant que nous avons apporté une ressource extraordinaire avec nous quand nous sommes entrés dans la Confédération en 1949. Cette ressource énorme a été tellement mal gérée qu'elle est maintenant presque disparue, surtout pour ce qui est du poisson de fond. D'après ce que nous pouvons constater, on ne fait que discuter, sans jamais passer à l'action.

    Je veux faire une déclaration qui va soulever la controverse. Monsieur ici du Québec--je ne sais pas quelle est sa formation politique; je suppose qu'il est du Bloc québécois, mais je ne le sais pas--a pris position depuis un certain nombre d'années sur la Confédération et sur le rôle qu'a sa province. Je vous dis aujourd'hui, en toute sincérité et comme Terre-Neuvien qui s'intéresse depuis longtemps au dossier des pêches et à d'autres questions, que le moment est peut-être venu pour les Terre-Neuviens de revoir leur rôle dans la Confédération canadienne étant donné la façon dont nous avons été traités par le gouvernement au fil des ans. Ce gouvernement qui a la compétence exclusive à l'égard de cette ressource d'importance capitale ne s'est pas occupé de nous et nous a laissé carrément tomber. À moins qu'il n'intervienne d'ici peu, il nous laissera tomber encore plus et il ne nous restera plus de stocks du tout, que ce soit à la limite du plateau continental ou à l'intérieur de la zone de 200 milles, et nous n'aurons plus d'économie dans les régions rurales de notre province.

+-

    Le président: Merci, monsieur Morgan, de cet exposé vigoureux.

    Je crois que le rapport de notre comité sur les crevettes a été déposé à la fin novembre ou au début décembre. Nous avons demandé au gouvernement de répondre dans les 90 jours. Selon le Règlement du Parlement, il a en réalité six mois pour le faire, mais nous espérons qu'il répondra dans les 90 jours.

    Nous passons maintenant aux questions. Andy Burton.

+-

    M. Andy Burton: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais vous remercier de vos commentaires. Il est évident que vous êtes avant tout Terre-Neuvien et que vous défendez les intérêts de votre province tout comme je défends ceux de la côte ouest. Il n'en reste pas moins que nous demeurons tous Canadiens.

    Je comprends vos inquiétudes et vos frustrations. Il serait honnête d'ajouter que l'Ouest du Canada connaît des frustrations analogues quand il a affaire au Canada central et à Ottawa. C'est probablement la raison pour laquelle M. Lunney et moi-même sommes ici. Nos frustrations ont fini par être entendues et nous essayons de trouver des remèdes à certaines d'entre elles, et c'est très difficile.

    J'ai une toute petite question à vous poser car je veux donner le maximum de temps aux députés de la côte est. Ils le méritent. C'est leur région et leur dossier principal.

    Vous estimez de toute évidence que le gouvernement fédéral, le ministère des Pêches et des Océans, n'a pas géré correctement ces stocks. C'est tout à fait clair. Que proposeriez-vous? Que Terre-Neuve assume cette gestion? Que proposez-vous comme solution à ces problèmes? Pourriez-vous nous expliquer un peu plus?

+-

    M. Jim Morgan: Je me souviens que lorsque nous avons fait cet exposé, et que le premier ministre de l'époque a fait ce genre d'exposé à la réunion constitutionnelle avec le premier ministre de l'époque, M. Trudeau, nous proposions une formule de compétence partagée dans laquelle la province aurait son mot à dire tout particulièrement sur les questions locales. Nous n'avons jamais proposé de prendre en charge la surveillance de la zone des 200 milles. Notre province continue à ne pas vouloir se charger des questions internationales mais voudrait avoir son mot à dire sur les quotas, voire, selon certains, sur l'attribution des permis de pêche. C'est une position très analogue à la situation actuelle au Québec. Le gouvernement québécois a ce pouvoir.

    Nous n'avons jamais réclamé la compétence exclusive sur les pêches. Nous ne sommes pas naïfs. Je ne pense pas que quiconque ici présent soit assez naïf pour le croire. Mais nous voulons être écoutés.

    Nous voudrions quelque chose d'analogue à ce qui se passe pour les ressources pétrolières et gazières marines. La participation de la province au niveau des décisions est réelle alors que pour la pêche elle est inexistante. Le ministre de temps à autre vient écouter le syndicat des pêcheurs, le ministre, comme il l'a fait ce matin, les partis d'opposition, etc., mais il n'y a pas vraiment consultation. Il rentre à Ottawa et prend des décisions arbitraires allant à l'encontre des souhaits de ceux qui sont venus lui parler, surtout les représentants du syndicat des pêcheurs, un syndicat solide.

    Je ne sais même pas s'ils ont l'intention de comparaître. Vont-ils comparaître devant votre comité?

    Le président: Oui, demain.

    M. Jim Morgan: Ils vous exposeront leur point de vue. Je suis sûr que nombre des problèmes que j'ai abordés ce matin les concernent également.

    Pour répondre à votre question, nous réclamons une participation réelle. Nous parlons de «compétence partagée». Le gouvernement de l'époque et l'opposition de l'époque à Terre-Neuve ont trouvé cela risible: «Ce n'est pas à nous de nous en mêler.» Aujourd'hui, l'idée d'une compétence partagée avec le gouvernement fédéral sur les pêches le long de nos côtes est plus que jamais d'actualité.

+-

    Le président: Merci, monsieur Burton.

    La parole est à M. Roy.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Monsieur Morgan, je ne vous poserai pas de questions. Je veux simplement vous remercier de votre présentation et vous dire qu'elle était très convaincante et très intéressante. C'est le message que je veux vous laisser.

    Je veux aussi vous dire que si vous voulez entreprendre la gestion partagée, ce ne sera pas nécessairement facile parce que ce n'est pas nécessairement facile non plus au Québec.

    Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Roy

    Monsieur Stoffer, à vous la parole.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Morgan, votre exposé est certainement un des meilleurs que j'ai entendus ces derniers temps. Je vous en remercie vivement.

    Vous qui êtes ex-ministre, avez-vous entendu dire qu'il y a d'autres régions dans le monde où l'on s'est doté d'organisations semblables à l'OPANO dans les régions côtières? Ici, l'OPANO surveille ce qui se passe à l'intérieur de la limite de 200 milles, mais existe-t-il d'autres régions dans le monde, en Australie, en Afrique, en Europe ou ailleurs en Amérique, où l'on a créé un organisme semblable? Êtes-vous au courant de cela?

+-

    M. Jim Morgan: Non, je ne le suis pas, je ne saurais vous répondre.

+-

    M. Peter Stoffer: Vous n'en connaissez pas. Telle était bien mon impression. Il semble ironique que des pays d'Asie et d'autres régions conseillent le Canada sur la façon de gérer ces stocks de poissons, quand ils entrent ici par la grande porte. Je suis d'accord avec vous.

    Par ailleurs, vous avez abordé la question des quais, et à cet égard, si l'on se reporte aux prévisions budgétaires de cette année, les quais et le dragage ne correspondent qu'à 20 millions de dollars pour le pays en entier. Or vous avez dit avoir besoin de $100 millions pour la seule province de Terre-Neuve. Il semble particulièrement renversant que ce...

+-

    Le président: Peter, il s'agit là de sommes supplémentaires, d'argent frais. Les 20 millions de dollars s'ajoutent à ce qui a déjà été affecté.

+-

    M. Peter Stoffer: Oui, précisément. Cependant, il était question de l'ensemble, et tout cela repose sur le postulat voulant que... Je me reporte ici à ce que le témoin a dit au sujet de l'affirmation quelque peu controversée voulant qu'on refonde la Confédération. J'aimerais bien qu'il développe quelque peu cette idée, parce qu'il n'y a pas que les citoyens de Terre-Neuve qui sont de cet avis. Ceux de la Nouvelle-Écosse sont du même avis au sujet des réserves de pétrole et de gaz, et l'Ouest préconise des changements en profondeur depuis quelque temps déjà.

    Pouvez-vous développer ce que vous avez affirmé au sujet de l'économie dans les régions rurales de Terre-Neuve... On me dit souvent que l'économie de Terre-Neuve est la plus dynamique du pays, grâce à un taux de croissance de 3 p. 100 ou 4 p. 100. Or cela vaut pour la ville de St. John's, mais pas vraiment pour les régions rurales de Terre-Neuve et du Labrador. Par conséquent, pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur la situation des familles de ces régions et sur leur avis au sujet de ce que le Canada leur apporte.

+-

    M. Jim Morgan: C'est ce qui est plutôt malheureux dans notre situation aujourd'hui. À cet égard aussi, et malgré tout le respect que je dois aux membres de ce comité, les autres régions du Canada ne comprennent pas la situation dans laquelle se trouvent les petits ports isolés de Terre-Neuve. Si les gens parcourent les rapports publiés par notre province, ils peuvent y lire que notre produit intérieur brut provincial augmente à tous les ans, en raison de la valeur de nos exportations, mais ces valeurs correspondent aux barils de pétrole tirés surtout du projet Hibernia, et maintenant il y a Terra Nova et White Rose.

    M. Loyola Hearn: Et les mollusques et crustacés.

    M. Jim Morgan: Oui, et l'autre problème ici, c'est que les poissons sortent de notre province avant la transformation.

    Toutefois, pour revenir à la valeur des exportations et à notre produit intérieur brut provincial, si le reste du Canada se contente de ce genre d'indicateur, il aura l'impression que tout va bien à Terre-Neuve, que le produit intérieur brut provincial est tout à fait satisfaisant et que l'économie est en expansion. Or justement, l'économie n'est pas en expansion. On vient de distribuer un rapport aux membres de votre comité, où l'on donne un exemple de la situation des collectivités rurales, et il a d'ailleurs fait l'objet d'un article dans le Telegram d'hier. Je crois aussi savoir que le maire de la municipalité de Burgeo doit témoigner aujourd'hui. Il vous donnera la perspective de quelqu'un qui vit dans une localité comme Burgeo.

    Le long de la côte nord-est, où je me rends souvent, les collectivités sont dévastées, oui vraiment dévastées, à tel point que tout ce qu'on y trouve, ainsi que le disait brièvement ce matin le ministre, ou M. Taylor, ce sont des maisons condamnées. Si on va à la rencontre des gens qui habitent dans les quelques maisons restées ouvertes, qui est-ce qu'on trouve, un vieux couple. Et si on lui parle, les deux ont les larmes aux yeux, parce que leurs fils et leurs filles et leurs petits-enfants sont tous partis parce qu'ils travaillaient dans l'industrie de la pêche. À côté, on verra l'usine de transformation du poisson, naguère active et maintenant fermée. Il n'y a plus du tout d'emplois là-bas. Et si on fait tout le tour de la côte, c'est tout simplement accablant.

    Je reconnais que les deux députés de notre région ici présents aujourd'hui sont très sincères, je le sais, j'ai travaillé avec eux au sein du caucus provincial, et ils sont bien en mesure de faire valoir leurs points de vue à Ottawa, mais il est très bon que des députés d'autres régions du Canada les accompagnent ici, et nous écoutent ce matin et demain pour comprendre ce qui se passe dans notre province. Nos représentants politiques font de leur mieux pour expliquer la situation de Terre-Neuve aux autres régions du Canada et aux autres députés. Elle est accablante. Les gens lèvent les bras au ciel et demandent ce qu'ils peuvent bien faire.

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     Monsieur le président, je sais que vous êtes homme de parti. Vous devez vous rappeler que vos recommandations seront acheminées au ministre. Je suis sûr que vous avez de l'influence auprès de ce dernier, à titre de président de comité. Quoi qu'il en soit, il est très important que l'aperçu de la situation que d'autres et moi vous donnons aujourd'hui, au nom de la population des petits ports isolés de Terre-Neuve, soit communiqué: faites preuve de leadership aussi et gérez convenablement cette ressource, dont la gestion relève exclusivement de vous.

    Vous n'allez pas nous céder quelque compétence que ce soit ou la déléguer. Lorsque M. le député a parlé en français, il a dit que pendant bien des années, il a été difficile d'obtenir un partage des compétences au profit de sa province. Je lui donne volontiers raison, c'est difficile. Je ne pense pas que quoi que ce soit va changer en matière de compétence, que le gouvernement du Canada va nous céder quelque pouvoir que ce soit de plus. Cependant, lui détient le pouvoir.

    Ce comité a une fonction très importante en ce qu'il peut communiquer nos avis aux ministres. S'ils préfèrent suivre en spectateurs l'effondrement d'un mode de vie dans les collectivités rurales, et ici j'ai déjà mentionné les stocks de poisson décimés... Il ne restera plus que des personnes âgées le long de la côte ainsi que des gens qui en profiteront pour aller y acheter des propriétés bon marché, laissées à l'abandon par ceux qui ont dû abandonner la pêche et vendre leur maison, valant de 25 000 $ à 40 000 $, à des prix dérisoires.

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    M. Peter Stoffer: Jim, si vous me permettez de vous interrompre, si vous étiez le ministre des Pêches et des Océans et aviez justement le pouvoir dont vous venez de parler, que feriez-vous dès demain?

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    M. Jim Morgan: Avant la tenue des prochaines réunions de l'OPANO en Espagne, avant que le Canada y participe, j'annoncerais... Ici je précise ne pas être d'accord avec le gouvernement de Terre-Neuve qui préconise un retrait de l'OPANO. Je ne pense pas que nous devrions essayer d'obtenir une gestion de surveillance dans le nez et la queue des Grands Bancs. Cela va prendre de 10 à 15 ans, même peut-être 20. Il sera trop tard.

    Le Canada devrait faire preuve d'autorité et affirmer son pouvoir. Il devrait dire que désormais, notre pays n'acceptera plus ce qui s'est passé à l'extrémité du plateau continental. Il devrait agir.

    Cela dit, je félicite le nouveau ministre pour avoir dit qu'il n'exclut pas la possibilité de fermer les ports canadiens, pas seulement ceux de Terre-Neuve mais ceux de tout le Canada, à ceux que j'appellerai les responsables, ceux qui font de la surpêche et qui contreviennent aux règles de l'OPANO. S'ils ne respectent pas les règles, alors qu'on leur ferme nos ports.

    J'espère cependant qu'il va joindre le geste à la parole. J'espère qu'il va agir avant la réunion en Espagne. Si le comité tient à entendre les points de vue des diplomates, des petits chefs et des fonctionnaires, et ensuite fait un rapport au ministre où il recommande de poursuivre les échanges diplomatiques, de continuer à communiquer l'avis du Canada à l'Union européenne, ça ne va tout simplement pas marcher.

    Fermez donc les ports. Agissez de telle manière à nuire à ceux qui font du tort à nos stocks de poisson. C'est la première mesure que le ministre devrait prendre dès aujourd'hui, et avant que les crevettes en provenance du Bonnet Flamand ne commencent à arriver dans nos ports.

    Ici, essayez de vous imaginer ce que j'ai vu l'été dernier lorsque j'ai rencontré tout un groupe de pêcheurs de crevettes. Ils étaient assis sur le quai et observaient ces grands chalutiers-usines arriver au port et décharger leurs crevettes. Elles étaient ensuite transbordées dans un conteneur frigorifique, expédiées à Halifax puis aux marchés d'Europe sur les navires de la ligne Maersk ou une autre. Et pendant ce temps-là, les pêcheurs d'ici ne peuvent pas pêcher parce que les usines ne sont pas autorisées à acheter leurs crevettes et à les transformer, en raison des tarifs douaniers et de leur faible part de marché dans l'Union européenne. Vous vous rendez compte?

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    Le président: Monsieur Morgan, j'aimerais intervenir ici. Je vous accorderai la parole très bientôt, Bill.

    Vous avez été assez combatif, et vous avez entièrement raison. Je vous rappelle d'ailleurs ce que vous avez pu lire, à savoir que le comité a précisément recommandé que le ministre prenne ce genre de mesures, qu'il ordonne la fermeture des ports aux activités de transbordement, d'avitaillement en carburant, en eau, et le reste, si certaines des flottes de pêche ne réagissent pas de façon satisfaisante à ce que nous demandons. Plus tôt, vous avez affirmé qu'il faut mettre fin à cette perception qu'ont les gens d'un Canada faible, sans aucune fermeté. Je suis tout à fait d'accord avec vous à cet égard.

    J'ai moi-même été mêlé à la lutte contre la galle verruqueuse de la pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard. Les Américains nous avaient alors fermé leurs frontières. Plutôt que de prendre des mesures de rétorsion et de fermer les nôtres, nous avons négocié. Le résultat de tout cela, c'est que notre industrie est encore à genoux à cause de notre faiblesse. Les statistiques que vous avez citées sont tout à fait renversantes.

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     Je viens du secteur de l'agriculture et j'ai entendu quelqu'un parler de la Commission canadienne du blé, de l'illusion selon laquelle les négociations se font aux dépens de Terre-Neuve, et au profit de l'Ouest, peut-être. Ce n'est pas vrai. Toutes les régions rurales souffrent. Il y a eu une baisse de 26 p. 100 de l'emploi dans l'agriculture au cours des trois dernières années, soit la baisse la plus importante en 35 ans.

    Dans le secteur des ressources naturelles, nous avons donc tous le même problème, et c'est que le gouvernement du Canada plie trop facilement l'échine, pour parler en termes diplomatiques, plutôt que de se tenir droit et d'agir. Comment changer les choses? Je pense que c'est l'essentiel, ici. Comment arriver à convaincre mes collègues? Oui, le ministre a fait cette déclaration. C'est un nouveau ministre.

    J'aurais des craintes, si nous allons plus loin. L'autre soir, nous avons rencontré le MAECI, et nous avons vu 16 raisons de ne pas agir. C'est la même chose en agriculture, à l'Île-du-Prince-Édouard. Quel que soit le parti au pouvoir à Ottawa, comment convaincre nos dirigeants qu'il faut se redresser et prendre le genre de mesures nécessaires pour protéger nos ressources naturelles, que ce soit le poisson, le secteur agricole, etc., pour toutes nos régions? Avez-vous des suggestions?

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    M. Jim Morgan: J'ai déjà proposé de fermer les ports, et je suis ravi de vous entendre dire que vous avez fait une recommandation à ce sujet. Je pense que votre recommandation se rapportait à la crevette. Mais je pense qu'elle devrait aussi porter sur la surpêche dont nous parlons. C'est la même chose.

    Mais il faut aussi tenir compte du cadre législatif, employé par Brian Tobin en 1995, quand il était ministre des Pêches. Je ne saurais dire s'il s'en est servi efficacement, mais au bout du compte, on a connu un échec. Mais la position adoptée par le Canada était très ferme: nous ne le tolérerons plus, nous arraisonnerons les navires. Et on l'a fait. Mais, si vous permettez, par la suite, tout cela a fini en queue de poisson. Le navire est reparti et nous avons dû payer tous les frais, etc., et nous avons perdu, dans ce dossier.

    Mais si un cadre législatif existe et qu'on peut y recourir, et si le gouvernement du Canada obtient de nouveau des preuves, particulièrement au cours des deux prochains mois, avant la réunion en Espagne, le ministre doit s'en servir. On l'a fait une fois, mais je crains que les diplomates d'Ottawa feront tout ce qu'ils pourront pour convaincre les ministres de ne pas le faire.

    J'en ai entendu un, je crois qu'il s'agit de M. Legault, l'un des vrais architectes de l'OPANO, affirmer qu'il ne faut pas le faire et qu'il faut traduire les présumés coupables devant le tribunal international. Voilà une excellente occasion pour les avocats qui pourront faire fortune. Il y a certainement moyen pour eux de s'enrichir. Mais cela pourrait durer longtemps et rien ne se fera et nous n'avons pas les moyens d'attendre.

    Vous comprenez que si je vous semble frustré et impatient, c'est que c'est ainsi que se sentent le plupart des Terre-Neuviens aujourd'hui: impatients et frustrés. Nous voulons qu'on agisse maintenant. Ne faites pas durer les pourparlers en faisant allusion à un tribunal international ou à une gestion de surveillance, parce que ça ne sera pas la solution. Il sera trop tard. J'insiste là-dessus: s'il faut 10 ou 15 ans, ce sera trop tard.

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    Le président: Je ne veux pas me lancer dans cette discussion, en tant que président, ce n'est pas mon rôle. Mais c'est la même chose pour l'ensemble du pays, pour le bois d'oeuvre, pour la pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard; c'est partout pareil. Avec les États-Unis, il y a aussi le litige entourant la tomate de serre. Il y a la question des pêches, pour l'OPANO, pour la zone du Bonnet Flamand, et le nez et la queue des Grands Bancs. Il y a toutes ces questions pour lesquelles nombre d'entre nous voudriont que le gouvernement du Canada soit plus ferme. Mais nous travaillons tous isolément. Terre-Neuve travaille de son côté, sur le poisson, se plaignant que l'ouest en profite.

    J'aimerais savoir comment nous pourrions concerter nos efforts. Nous avons tous le même problème, et c'est que nous sommes trop mous quand nous disons aux États-Unis et aux pays de l'OPANO que nous ne permettrons plus que cela se produise. Voilà ce qu'il faut que nous fassions.

    Je n'ai pas la réponse, mais il doit y avoir moyen de regrouper tous ces intérêts du secteur tertiaire pour faire des pressions politiques, pour que le travail se fasse. Nous allons faire notre part, mais je pense que c'est là le coeur du problème.

    M. Matthews.

+-

    M. Bill Matthews: Merci, monsieur le président.

    Je veux simplement remercier M. Morgan pour son exposé de ce matin, un exposé très passionné. Je veux l'en remercier.

    Vos commentaires sur ce qui se produit dans les régions rurales de Terre-Neuve sont criants de vérité: l'exode, l'âge de ceux qui restent. Dans beaucoup de collectivités que je représente, les municipalités et gouvernements locaux en sont au point où, bientôt, ils ne pourront plus offrir à ceux qui restent les services de base qu'ils méritent et dont ils ont besoin. Voilà la gravité du problème dans les régions rurales de Terre-Neuve, il faut que les membres du comité le sachent. C'est très, très grave. Je ne sais pas pendant combien de temps encore les gouvernements locaux pourront gérer et diriger leurs collectivités et offrir des services de base à leurs habitants. Nous parlons bien entendu d'une population vieillissante et nous savons ce que cela veut dire. Je pense qu'il faut des services plus spécialisés, etc., pour des raisons évidentes: les gens vieillissent.

    C'est grave, grave à ce point-là. Voilà ce que signifie cette question pour nous, comme personnes, et pour notre province. Cela revient à la question posée par le président. Pour nous, ce qui compte, c'est le poisson, ce sont les communautés rurales. Ailleurs au pays, c'est l'agriculture, par exemple.

    Monsieur Morgan, j'aimerais revenir à vos propos au sujet du partage des pouvoirs. Il y a quelques années, à l'Assemblée législative provinciale, ici, plusieurs débats ont porté sur cette question. J'ai toujours demandé un contrôle plus serré et nous devrions demander une gestion plus dynamique. À l'époque, j'étais le porte-parole de l'Opposition pour les pêches et le premier ministre Wells me répondait constamment que la province n'avait pas les moyens. Je lui répliquais constamment: «Monsieur le premier ministre, la province n'a pas les moyens de s'en passer.» Je crois que nous en voyons les fruits aujourd'hui. Parce qu'il n'y a pas eu une gestion suffisamment forte et suffisamment efficace de la ressource, nous parlons des questions dont nous sommes saisis aujourd'hui: la survie même des gens dans des collectivités dont la fin est imminente.

    Revenons à votre commentaire sur le partage des pouvoirs. Vous dites qu'un ancien premier ministre provincial avait fait des pressions, etc. Que pensez-vous de la question: est-ce que la province y participerait de son plein gré, en prenant des décisions au sujet des données scientifiques, en prenant des décisions de gestion et en participant financièrement? J'aimerais comprendre ce que vous entendez par partage des pouvoirs.

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    M. Jim Morgan: C'est venu surtout du fait que la province estimait qu'il n'y avait pas eu de réelles consultations sur les politiques relatives aux pêches. À Terre-Neuve, nous avons toujours cru que, quel que soit le parti au pouvoir, y compris le gouvernement actuel, celui du ministre, ce matin... Il nous a toujours semblé qu'on venait nous écouter simplement parce que c'est ce qu'il fallait faire, en tant que ministre ou fonctionnaire responsable, mais qu'ensuite, ils retournaient à leurs bureaux prendre des décisions arbitraires.

    Toute l'idée d'un partage des pouvoirs nous semblait permettre que nous participions à l'élaboration d'un cadre, particulièrement pour les questions locales, la détermination des quotas dans nos baies et le long de nos côtes, ainsi que pour l'émission des permis de bateau de pêche.

    Je vais vous donner un exemple. Le ministre est parti. Il n'en a pas parlé alors que je croyais qu'il le ferait. Il s'agit des bateaux de pêche. Saviez-vous que nous avons des bateaux de pêche de 45 pieds qui vont jusqu'à 150, 160 et 170 milles de nos côtes, pour la pêche au crabe?

    Une voix: Ils sont bien forcés.

    M. Jim Morgan: Ils sont forcés d'y aller dans un bateau de 45 pieds à cause des règlements adoptés par le ministre, depuis déjà quelque temps, et qui disent qu'ils ne peuvent pas construire un bateau de 65 pieds, ils ne peuvent pas aller au-delà de 45 pieds. Pourquoi? À cause des règlements pris par le gouvernement du Canada. Ce n'est pas une question d'économie, pour les pêcheurs. C'est à eux qu'il revient de décider s'ils prendront un bateau plus gros, mais simplement pour des raisons de sécurité... Je pense que tous les intervenants dans le secteur des pêches le disent depuis déjà quelques années et j'ai beaucoup insisté là-dessus parce que je connais cette situation: c'est dangereux d'envoyer un bateau de 45 pieds à 170 milles des côtes, peu importe l'espèce que l'on veut pêcher. Mais le gouvernement dit que non, il faut obtenir une permission pour passer de 45 à 65 pieds, même si on a un quota commercial; on a un quota pour le poisson, une allocation accordée à l'entreprise, et la propriété du bateau. Pourquoi ne peut-on pas sortir? Comme pêcheurs, on aurait le choix entre un doris ou un bateau de 65 à 70 pieds, même. Mais non, c'est le genre de règlement que prend le gouvernement du Canada sans écouter les intervenants du secteur de la pêche, particulièrement les pêcheurs.

+-

     Je crois que M. McCurdy vous en reparlera peut-être, puisque ce sont ses membres, les membres du syndicat des pêcheurs, qui le souhaitaient.

    Un jour ou l'autre, en allumant votre poste de radio, que vous soyez à Ottawa, dans votre circonscription, ou ailleurs, vous entendrez parler d'une catastrophe qui s'est produite le long de nos côtes, impliquant deux ou trois navires. Ils sont là, loin de la côte, et des tempêtes peuvent survenir. Essentiellement, c'est dangereux pour eux d'être là, mais ils y sont forcés. La province devrait avoir son mot à dire pour ce genre de chose, comme les règlements relatifs à la taille des bateaux de pêche.

+-

    Le président: Merci, monsieur Morgan.

    Vous avez droit à une dernière question, Bill.

+-

    M. Bill Matthews: Pour commencer, je tiens à dire que la question de la taille des bateaux compte beaucoup pour nous et que le comité en a parlé au ministre.

    Monsieur le président, je sais que nous attendons le maire Hann, après M. Morgan, et je tiens à signaler la présence dans la salle, en ce moment, de l'honorable Kelvin Parsons, ministre de la Justice et procureur général de la province. C'est un député qui représente le district provincial de Burgeo—La Poile, où il y a beaucoup de problèmes de pêche et où se situe, bien évidemment, la localité de Burgeo.

+-

    Le président: Bienvenue, monsieur le ministre et merci d'être venu.

    Vous avez la parole, monsieur Hearn.

+-

    M. Loyola Hearn: Merci, monsieur le président.

    Permettez-moi de féliciter aussi M. Morgan. Je ne suis pas étonné par la teneur de son exposé. Je l'entends faire des exposés depuis de nombreuses années. Jim a beaucoup d'expérience dans ce domaine et il parle avec sincérité, ce qui est très important pour une question de ce genre.

    J'ai quelques commentaires. Il a parlé du quota de crevettes pour l'Île-du-Prince-Édouard. Ce n'est pas parce qu'il s'agit de l'Île-du-Prince-Édouard, monsieur le président, on pourrait parler de n'importe où ailleurs. Des quotas de crevettes ont été accordés par le gouvernement, ces dernières années, à des groupes, des organismes ou des provinces. Cela ne crée pas d'emplois dans la province en question. Des quotas sont vendus sur l'eau, habituellement pris par des crevettiers étrangers, puis transbordés. C'est difficile à justifier, alors que des collectivités comme Burgeo pourraient créer des emplois, si on lui confiait ce produit. Mais ce n'est pas ce qui se passe et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    Vous avez aussi dit: «Que faire maintenant?» C'est une excellente question, puisque nous avons discuté de ce problème au fil des années. Je ne crois pas toutefois qu'on en ait parlé lorsque tous les intervenants étaient réunis: le gouvernement fédéral, les provinces et les divers organismes. À ce sujet, je suis ravi de voir certaines des personnes qui sont ici, et qui ont insisté sur cette question. Avec la publicité créée par ces rencontres, les réunions de l'OPANO et la résolution de la Chambre, je ne pensais pas pouvoir entrer dans cette salle ce matin et y trouver de l'intérêt.

    Où est l'intérêt? J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si les provinces et les groupes directement intéressés ne se retroussent pas les manches pour s'en mêler, si nous n'avons pas l'appui des instances locales, ce sera beaucoup plus difficile pour nous de faire pression, au niveau fédéral.

+-

    M. Jim Morgan: J'aimerais vous donner une brève réponse. Je sais que le président est de l'Île-du-Prince-Édouard, mais précisons que cette question ne porte pas seulement sur les allocations pour l'île mais pour tous les autres intéressés. Quand une allocation de quota est accordée à un consortium, il s'en sert pour faire des profits, mais aucun emploi n'est créé dans les provinces où le quota est prélevé.

    Le problème des Terre-Neuviens, de nos jours, c'est qu'on a toujours été considérés comme les gens les plus aimables du Canada, comme ceux de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, je présume. Eh bien, les Québécois sont tout aussi chaleureux, ainsi que les gens de la Colombie-Britannique, mais nous avons la réputation d'être très accueillants.

    Des voix: Oh, oh!

    Le président: Les Canadiens sont habituellement aimables, monsieur Morgan.

    M. Jim Morgan: Là où je veux en venir, c'est que ce matin, la salle est pleine de pêcheurs. Ils viendront peut-être avec un porte-parole du syndicat, le chef du syndicat, je ne sais trop. Nous sommes devenus passifs. Je n'aime pas parler de militantisme, mais peut-être qu'il nous faudrait être plus militants, comme groupe.

    J'ai fait une déclaration ce matin au sujet de la Confédération et je l'ai dit ici. Je ne veux pas en faire la promotion, mais je l'ai dit et j'y crois. Nous sommes trop passifs. Nous restons là à nous demander ce qu'on peut faire, à nous dire qu'on ne peut rien faire. C'est peut-être la raison pour laquelle il y a si peu de gens dans la salle ce matin.

+-

    J'ai entendu mon ami John Efford le dire et le répéter, lorsqu'il était ministre des Pêches de la province: les gens sont trop passifs, ils ne se lèvent pas pour dire qu'il faut mettre fin à ces folies.

    Et sauf votre respect, je tiens moi aussi à dire que le comité n'a pas fait suffisamment de publicité. J'ai entendu parler de cette séance pour la première fois par mon collègue, mon ami Loyola Hearn. Il a dit : «Nous venons chez vous». Je lui ai demandé ce qu'il venait y faire et il m'a donné les renseignements. Mais de source publique, je n'en ai entendu des nouvelles qu'hier soir, au bulletin des pêcheurs. Hier, j'ai reçu des appels de pêcheurs qui demandaient: «De quoi s'agit-il, Jim? Irez-vous à la séance? Qu'est-ce qui se passe?» Ils n'étaient pas au courant. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles il n'y a pas de... Votre comité aurait pu annoncer davantage ces séances.

    Comme je l'ai dit en commençant aujourd'hui, c'est peut-être parce que nous en avons assez d'en parler. Nous en avons assez d'écouter des gens parler autour d'une table, quelle qu'elle soit, en perdant notre temps. J'espère que ce n'est pas le cas, parce que les Terre-Neuviens ont toujours eu l'esprit batailleur, toujours. J'ai simplement dit que nous sommes actuellement trop passifs.

+-

    Le président: Merci, monsieur Morgan.

    Je vais donner la parole à M. Wappel, puis nous reviendrons à M. Lunney. Nous restructurerons un peu la séance de l'après-midi et nous passerons un peu plus tard au SCTM.

    Vous avez la parole, monsieur Wappel.

+-

    M. Tom Wappel: Merci. Ce ne sera pas long, monsieur le président.

    Monsieur Morgan, je veux simplement vous rappeler que je suis de la province de l'Ontario, là où sont venus s'installer bon nombre de Terre-Neuviens et que nous aussi, nous sommes accueillants.

    J'aimerais des précisions sur ce que vous avez dit. Vous êtes très passionné, à l'égard de bien des sujets, mais vous avez dit, plus précisément, que vous n'étiez pas en faveur de la proposition du ministre, ou de sa suggestion, parce que le Canada n'a pas suffisamment d'argent—je paraphrase vos propos—pour mener de bonnes études scientifiques et faire appliquer les règles. S'il y avait suffisamment d'argent pour mener de bonnes études scientifiques et pour avoir l'équipement nécessaire à l'application des règles, que penseriez-vous alors de la suggestion du ministre?

+-

    M. Jim Morgan: Vous parlez de la gestion de surveillance.

    M. Tom Wappel: Oui.

    M. Jim Morgan: Le seul problème, au sujet de la gestion de surveillance, c'est qu'on va parlementer beaucoup et longtemps avant qu'il y ait une gestion de surveillance des stocks pour le nez et la queue du Grand Banc.

    Si les coûts entrent en jeu dans la décision du gouvernement fédéral d'agir, j'ai peu d'espoir, puisqu'on a déjà substantiellement réduit les budgets de la Garde côtière, de la surveillance, de la recherche sur la pêche et des questions de ce genre, comme je l'ai déjà dit.

    Voyez-vous, monsieur Wappel, l'an dernier, le service scientifique du MPO fédéral—c'était plutôt l'année précédente—n'avait pas suffisamment d'argent dans son budget pour que les scientifiques puissent aller sur nos côtes faire des recherches sur les stocks de poissons. À Terre-Neuve, on a dit publiquement: «Nous n'avons pas le budget, nous n'avons pas l'argent. Nous n'avons pas suffisamment de fonds pour faire de la recherche.» La dernière étude effectuée, était une étude sur de multiples espèces: une pour toutes les espèces le long de la côte nord-est des zones 2J, 3K et 3L, toutes les zones de l'OPANO et à l'intérieur. Ils manquaient d'argent.

    Le gouvernement du Canada semblait avoir jugé qu'il n'y avait pas suffisamment d'activité pendant le moratoire: les stocks de poissons ne se reconstituent pas, que ce soit à cause de la surpêche étrangère ou des phoques, le poisson ne revient pas... Personne ne peut dire à Terre-Neuve pourquoi les stocks ne se rétablissent pas, et aucune recherche scientifique n'est menée, rien de suffisant pour déterminer pourquoi les stocks de morue ne reviennent pas au niveau où ils étaient il y a des années. Personne ne sait pourquoi.

    Certains d'entre nous dépendent actuellement beaucoup du crabe. Le crabe et les crevettes ont pris la place du poisson de fond. Et devinez quoi? Il n'y a pas suffisamment de fonds au service scientifique du MPO pour mener des études scientifiques adéquates sur les stocks de ces deux espèces, notamment sur le crabe. Imaginez ce qui se produirait, en cas de déclin de la pêche au crabe? Il ne restera rien.

    Pour répondre à votre question, si Ottawa continue ses compressions budgétaires, je ne crois pas qu'il pourra faire un bon travail à l'extérieur de la zone de 200 milles, que ce soit pour la surveillance ou la recherche, s'il obtient le contrôle de la gestion des stocks.

+-

    M. Tom Wappel: Vous avez dit qu'il était temps d'agir, mais comme il semble que la gestion de surveillance ne vous plaît pas, vous avez proposé qu'on agisse notamment en prévoyant une compétence partagée, mais n'est-ce pas...

+-

    M. Jim Morgan: Non, vous m'avez mal compris. Nous demandons le partage de la compétence pour tout ce qui touche la zone des 200 milles, et ce, depuis des années. Mais dans ce dossier-ci, le principal enjeu à notre sens—et je crois que beaucoup d'autres sont du même avis—c'est que, si on se contente de poursuivre les discussions sur la gestion de surveillance et les pourparlers diplomatiques et les travaux de l'OPANO, ou si, comme l'a proposé le ministre des Pêches de la province ce matin, on se retire de l'OPANO, nous ne serons pas plus avancés. Il faut agir dès maintenant.

+-

    M. Tom Wappel: Que devrions-nous faire?

+-

    M. Jim Morgan: J'ai déjà indiqué que nous devrions fermer nos ports pour montrer au reste du monde, surtout aux pays européens, que nous sommes sérieux. Nous ne nous laisserons plus faire dorénavant. Nous allons adopter des mesures strictes, même si cela fait mal. Si nous faisons cela, nous attirerons l'attention de ces pays sur notre situation. Pour l'instant, ils se moquent de nous. Je suis convaincu qu'ils se moquent de nous, surtout les membres de l'UE comme l'Espagne, le Portugal et d'autres.

+-

    Le président: Merci, monsieur Wappel et monsieur Morgan.

    Monsieur Lunney, à vous la dernière question.

+-

    M. James Lunney: Je voudrais plutôt faire une remarque. Nous, qui venons de l'Ouest, représentons aussi des collectivités qui dépendent des ressources naturelles et qui souffrent, pour d'autres raisons. Comme je l'ai dit plus tôt, j'espère que nous ne vous avons pas donné l'impression que nous ne nous préoccupons que de nos problèmes à nous et pas des vôtres. Comme Canadiens, nous sommes tous préoccupés par le sort de tous les Canadiens. Bon nombre de ces problèmes ont la même cause sous-jacente à laquelle le président a fait allusion plus tôt.

    Que devrait faire le Canada pour se faire entendre, que ce soit dans le dossier du bois d'oeuvre, des pommes de terre, du blé ou de ce qui vous préoccupe, ici? Il faut se rappeler que nous sommes tous Canadiens et que nous devons tous oeuvrer ensemble dans ces dossiers.

    Il est temps pour le Canada de montrer les dents. Quand on est petit...dans la nature, il y en a bien des exemples. Le porc-épic a ses piquants; le scorpion n'est pas très gros, mais il a un dard; la mouffette sait se défendre lorsqu'elle est menacée; les oiseaux ne s'attaquent pas aux papillons monarques en raison de leur mauvais goût. Il faut trouver quel est notre meilleur moyen de défense et l'utiliser de façon optimale. Il nous faut nous protéger les uns les autres et veiller aux intérêts de chacun.

    Nous sommes dans le même bateau que vous et nous ferons ce que nous pouvons pour défendre vos intérêts et faire en sorte que le Canada fasse ce qui doit être fait. À titre de Canadiens, nous préférons bien sûr des discussions franches et ouvertes pour trouver des solutions.

    Je tenais à vous remercier pour vos remarques, monsieur Morgan. Malgré toutes les contrariétés que vous endurez depuis si longtemps, nous vous demandons de ne pas vous décourager, de ne pas abandonner. Si nous travaillons tous ensemble, nous pourrons trouver des façons d'améliorer le sort de nos collectivités.

+-

    Le président: Merci, monsieur Lunney.

    Une petite précision, monsieur Morgan: vous et Tom avez traité de la possibilité d'arrêter les navires ou de leur interdire l'entrée dans nos ports.

    Vous avez aussi suggéré le recours au cadre législatif. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet?

+-

    M. Jim Morgan: Je parlais du cadre législatif qu'a invoqué le gouvernement du Canada lorsqu'il a intercepté les navires étrangers et les a amenés dans le port de St. John's; vous êtes peut-être plus au courant que moi des résultats de cette intervention. D'après ce que je sais, d'après mes entretiens avec des bureaucrates des services diplomatiques, cette intervention semble avoir échoué. Je ne dirais pas que nous nous sommes couverts de ridicule, mais nous n'avons pas redoré notre blason.

    Il n'en reste pas moins que nous avons pu intervenir et que l'on ne devrait pas faire abstraction de cette capacité d'agir à l'avenir. Si nous pouvons intervenir légalement et que, ce faisant, nous amenons les pays de l'Union européenne à s'intéresser au dossier... Mais si nous ne pouvons intercepter les navires étrangers qu'en nous couvrant de ridicule—je crois savoir que le gouvernement du Canada a été quelque peu mis dans l'embarras, devant la communauté internationale, par les retombées de l'affaire Estai—on hésitera à le faire. Mais s'il existe un cadre législatif nous permettant d'intervenir ainsi efficacement, un cadre analysé par votre comité, peut-être devrions-nous envisager de prendre des mesures de ce genre encore une fois.

    L'affaire Estai a redonné espoir aux Terre-Neuviens pendant un temps. Tout le centre-ville était bloqué par la foule venue donner son appui aux autorités. Je me souviens du voyage de Brian Tobin au Royaume-Uni. Il est peut-être une vedette maintenant, je ne sais pas, mais je sais que, à l'époque, il l'était. Au Royaume-Uni, on l'a accueilli en héros car il passait pour un homme ayant eu le courage de ses convictions.

    On pourrait peut-être envisager quelque chose de ce genre encore une fois, plutôt que de simplement fermer les ports.

+-

    Le président: Je peux vous dire que, à l'époque, j'ai fait partie de ceux qui sont allés parler au comité des pêches de la Communauté européenne et que cela a eu une incidence. Le Portugal et l'Espagne ont quitté la salle avant la fin. Mais ces discussions ont effectivement eu une influence et nous avons fait preuve d'autorité. Peut-être que, en dernière analyse, le résultat n'a pas été celui qu'on espérait, mais nous avons quand même pu montrer que nous pouvions faire preuve d'intransigeance s'il le fallait. Pour ma part, j'estime que, à la fin, il y avait trop de diplomates et pas assez d'intervenants de première ligne.

    Quoi qu'il en soit, je vous remercie beaucoup d'être venu témoigner.

+-

    M. Jim Morgan: Monsieur le président, en terminant, je tiens à vous dire que je suis sincèrement convaincu que vous et vos collègues avez appris des choses pendant votre séjour ici et que vous présenterez un bon rapport. Je suis certain que vous le ferez. Je crois que vous comprenez nos problèmes. Je sais que les deux députés de Terre-Neuve les comprennent, eux. Après le dépôt de votre rapport, j'espère qu'il y aura une procédure qui fera en sorte que les ministres ne pourront en faire fi, car, dans le passé, il est souvent arrivé que le gouvernement de l'époque ne tienne absolument pas compte des rapports qui lui étaient présentés et ne se donnait même pas la peine de mettre en oeuvre au moins une recommandation. Si vous formulez des recommandations, comme vous l'avez fait dans le dossier de la crevette il y a un certain temps, faites en sorte qu'on les suive; tous les partis devraient saisir toutes les occasions qui s'offrent à eux à la Chambre des communes pour s'assurer que les ministres les écoutent et agissent. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci encore une fois de votre excellent exposé.

    Notre prochain témoin est le maire de la ville de Burgeo, Allister Hann.

    Monsieur Hann, soyez le bienvenu. Vous avez la parole.

+-

    M. Allister Hann (maire, Ville de Burgeo): Merci. J'allais dire bonjour, mais c'est déjà l'après-midi. Je ne pourrai certainement pas rivaliser d'éloquence avec M. Morgan. Vous constaterez que j'aborde ce problème d'une façon tout à fait opposée à celle de M. Morgan.

    Avant que je ne l'oublie, j'aimerais répondre à la question que se posait l'honorable Loyola Hearn, à savoir pourquoi il n'y avait pas plus de gens ici aujourd'hui. Je pense premièrement que les mesures prises pour informer la population de la tenue de la séance n'étaient pas adéquates. Deuxièmement, la séance n'a pas lieu dans une ville de pêcheurs. Si elle avait été tenue à moins de huit à dix heures de voiture de la péninsule Burin, d'Harbour Breton, de Burgeo et de Ramea, je peux vous assurer qu'il n'y aurait pas suffisamment de chaises dans cette salle pour asseoir tous ceux qui seraient venus. Ce sont ces gens de la côte sud qui ont été les plus durement touchés par l'effondrement des stocks de poisson sur le nez et la queue du Grand Banc.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Hann, de cette critique constructive. Nous nous sommes effectivement demandé si nous devions nous rendre dans les avant-ports. Il se peut, comme vous le dites, que l'information concernant la tenue de la réunion n'ait pas été suffisante, et je vérifierai pour voir ce qu'il en est.

+-

    M. Allister Hann: Je voulais simplement faire observer que si les participants à cette réunion ne sont pas nombreux, cela ne signifie pas que la question d'élargir la zone de pêche qui comprend le nez et la queue du Grand Banc ne suscite pas d'intérêt à Terre-Neuve.

    Je m'appelle Allister Hann et je suis maire de la ville de Burgeo. Pour vous faire comprendre ce que signifient les pêches pour moi, je me permets de signaler que je suis né et que j'ai grandi dans un avant-port. Pendant 25 ans, j'ai travaillé comme agent de mise en application des règlements sur la pêche au ministère des Pêches et des Océans. En fait, il ne s'agissait pas tant d'appliquer les règlements sur la pêche que de suivre la situation et d'essayer d'y faire face.

    Je suis allé sur le nez et la queue du Grand Banc et j'ai monté à bord de chalutiers étrangers. Il n'était pas difficile de voir comment étaient faits leurs filets avec des mailles doubles, la peau de vache au fond du filet, les chariots anglais et tout ce qui en découle pour ensuite s'élever contre la grosseur des mailles du filet... Une fois qu'un poisson est pris dans ce filet, il est sûr qu'il n'en ressortira pas. À moins que la situation n'ait changé depuis mon époque, on peut commencer par utiliser un filet beaucoup plus efficace.

+-

     La ville de Burgeo est située sur la côte sud-ouest de Terre-Neuve. Pour être plus précis, la ville se trouve juste sur la ligne qui divise la zone 3Pn de la zone 3Ps. Cette ville tire sa subsistance de la mer depuis des siècles. Les goélettes et les chalutiers de Burgeo pêchent sur les Grands Bancs depuis des années. Depuis 1992, la ville de Burgeo est morte parce qu'il n'y a plus de pêche au large des côtes et parce que toutes les activités de transformation sur terre ont cessé. Avant cette époque, l'industrie de la pêche donnait de l'emploi à environ 400 résidents de Burgeo. Aujourd'hui, la pêche côtière occupe une poignée de gens.

    Si je comparais aujourd'hui devant le comité, c'est en raison de la grande importance que j'attache à l'élargissement de la zone de compétence. Ma présence ici permet aussi au comité de se représenter les habitants de Burgeo. Il existe beaucoup de villes comme Burgeo à Terre-Neuve. Nos villes ont fait et continuent de faire le sacrifice ultime, soit celui de mourir. La situation est attribuable en grande partie à la mauvaise gestion des pêches au Canada à l'intérieur de la zone des 200 milles et de notre inaction et négligence totale à l'égard du nez, de la queue et du Bonnet Flamand des Grands Bancs de Terre-Neuve. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de n'importe quels Grands Bancs, mais de ceux de Terre-Neuve. Il ne faudrait pas l'oublier.

+-

     Lorsque Terre-Neuve s'est jointe à la Confédération en 1949, le pays a acquis du même coup les Grands Bancs. Les Grands Bancs sont à Terre-Neuve ce que sont le bois d'oeuvre pour la Colombie-Britannique, le pétrole pour l'Alberta, le blé pour les Prairies, les pommes de terre pour l'Île-du-Prince-Édouard et les pommes pour la Nouvelle-Écosse.

    Il est à peu près temps que le Canada le reconnaisse et que le gouvernement intervienne dans le secteur des pêches comme il le ferait si les ressources d'autres provinces étaient menacées. Ce matin, on nous a parlé d'autres provinces dont les ressources sont menacées, mais le problème qui se pose à Terre-Neuve, c'est qu'on vend nos ressources au lieu de les exploiter. Ce n'est cependant pas ce qui fait problème. Ce qui fait problème, c'est qu'on nous vole ces ressources. C'est un autre problème.

    Je vous assure que si Terre-Neuve avait conservé sa souveraineté ou s'était jointe aux États-Unis en 1949, elle continuerait d'exercer un contrôle sur son plateau continental. Je suis aussi fermement convaincu que lorsque l'Islande a affirmé sa souveraineté jusqu'au bout de son plateau continental, Terre-Neuve, bien que notre territoire ne soit pas très étendu, aurait fait de même.

    Les résultats du dernier recensement mené au Canada ont été rendus publics il y a quelques jours. Le recensement montre que la population de Terre-Neuve est celle qui a diminué le plus au Canada. La population actuelle de Terre-Neuve est ce qu'elle était en 1971 et ce sont les régions rurales qui se sont surtout dépeuplées. Les villes de la côte sud comme Marystown, Ramea et Burgeo sont les villes dont la population a le plus diminué. Ces villes où l'on s'adonnait à la pêche toute l'année contribuaient à l'économie du Canada et c'est celles dont la dépendance à l'égard des Grands Bancs était la plus grande. Il ne fait aucun doute que le déclin de la population est attribuable au déclin des pêches sur la côte est.

    Parlons de l'industrie du bois d'oeuvre. Nous savons tous qu'un tarif a été imposé au bois d'oeuvre canadien et l'importance que nos dirigeants politiques accordent à cette question, à commencer par le Premier ministre. Quand le Premier ministre a-t-il dit pour la dernière fois qu'il allait soulever devant les instances voulues la question de la surpêche éhontée exercée par les bateaux étrangers sur les Grands Bancs? Quand le Premier ministre a-t-il dit pour la dernière fois quelque chose qui visait à exercer des pressions sur les pays qui pratiquent cette surpêche pour les amener à changer leur comportement?

    Le moment est venu d'accorder autant d'importance aux pêches qu'au bois d'oeuvre. Hier soir, le Premier ministre a parlé au président des États-Unis de la question du bois d'oeuvre. Je doute que nous vivions assez vieux pour l'entendre lui parler des pêches.

    Je me dois de mentionner l'affaire Estai qui s'est transformée en véritable farce. Le Canada avait l'occasion idéale d'affirmer sa position. Il a commencé par le faire, mais en bout de ligne, il a dû faire marche arrière et se traîner à genoux. Si je ne m'abuse, le Canada a payé le combustible, a retourné le navire et son filet à son propriétaire et a indemnisé la compagnie de pêche pour le temps de pêche perdu.

+-

     Les accords conclus par la suite, notamment l'accord sur l'observation, me font penser à une situation où les États-Unis d'Amérique embaucheraient des Talibans comme gardes à la prison de la baie de Guantanamo. Voilà la comparaison que je ferais. Pour moi, c'est du pareil au même. À mon avis, l'affaire Estai nous fait du tort car on est en train de parier à dix contre un que le Canada n'aura pas le cran d'essayer de nouveau. Si je pariais, je parierais que le Canada n'a pas le courage de refaire la même chose.

    Quiconque regardant une carte de l'océan Atlantique, où figurent la péninsule scandinave, la côte européenne, la péninsule ibérique, et particulièrement une carte qui décrirait nos plateaux continentaux, serait tout à fait aveugle s'il ne concluait pas que le nez et la queue des Grands Bancs et le Bonnet Flamand appartiennent au Canada. Tout avocat ou politique qui ne pourrait pas plaider devant un tribunal international la nécessité de confier l'exclusivité de la gestion ou de la propriété à l'État riverain, à mon avis, ne vaut pas grand-chose.

    Récemment, j'ai entendu M. Leonard Legault, qui est spécialiste du droit maritime et concepteur de l'OPANO, et M. Paul Lapointe, employé depuis 30 ans au ministère des Affaires étrangères et qui a négocié l'accord sur les stocks chevauchants après l'affaire Estai, alors qu'ils s'adressaient à un auditoire à propos de l'élargissement de la compétence. Si ce sont là les meilleurs porte-parole du Canada, on comprend pourquoi le Canada n'a pas réussi à obtenir l'élargissement de compétence. Dès qu'ils ont ouvert la bouche, ils ont immédiatement adopté une position de faiblesse. Il faut qu'ils soient convaincus que cette compétence revient au Canada s'ils veulent convaincre les autres. À les écouter parler, j'ai constaté qu'ils n'étaient pas convaincus eux-mêmes. Voilà ce que je trouve frustrant.

    Les scientifiques peuvent maintenant remonter des millions d'années en arrière et affirmer que l'Alaska autrefois était reliée à la Sibérie et que le Labrador était relié à Terre-Neuve. S'ils peuvent faire cela, ils peuvent très bien remonter en arrière pour expliquer que la plate-forme continentale, si elle n'était pas immergée, découperait la côte du Canada. La région où nous voulons obtenir compétence constituait alors la côte du Canada plutôt que d'en être le plateau continental. D'habitude, je me méfie de l'opinion des experts mais dans ce cas-ci, je vous assure que je ferais une exception.

    La CIPAN et l'OPANO sont des échecs déplorables. L'OPANO est un tout aussi gros échec que la CIPAN et continuera de l'être. Voici ce que je pense de cette organisation: l'OPANO est comme une mère qui fait des menaces à l'endroit de ses enfants mais ne les met pas à exécution. C'est comme si la mère partait dans la soirée, laissant trois enfants derrière elle, avec une grosse boîte de biscuits. Elle part en disant: «Vous avez droit à un biscuit et un verre de lait chacun». À son retour, elle constate que les enfants ont mangé tous les biscuits, bu tout le lait, mais elle ne sévit pas. C'est exactement ce que fait l'OPANO.

    Il est temps que le Canada cesse de tergiverser. Il est temps que le Canada dise au reste du monde que trop c'est trop. L'attitude qu'adopte le Canada depuis 50 ans doit changer. Il est temps de cesser d'intercéder et de supplier les autres pays. Il est temps d'exiger qu'ils se conforment.

    J'en viens à ma conclusion et je vais vous dire où je me démarque de M. Morgan. M. Morgan pense que la solution passe par la fermeture des ports. Cela ne servirait à rien. Il y a beaucoup d'eau à St-Pierre et beaucoup de pétrole aussi et l'on peut faire des transbordements à partir de St-Pierre aussi bien que de n'importe où ailleurs. À mon avis, c'est très simple.

    Le Canada a une garde côtière, une armée, une armée de l'air et une marine. Il est temps que le Canada commence à harceler les bateaux étrangers qui mouillent à l'extérieur de notre limite de 200 milles et il faut mettre notre marine à pleine capacité sur les Grands Bancs. Les Britanniques ont défendu les îles Malouines alors qu'elles se situaient à 8 000 milles de la Grande-Bretagne, ce qui n'a rien empêché. Il est temps que le Canada se porte à la défense de Terre-Neuve. Si nous choisissons la ligne dure, ça va chauffer, il y aura peut-être des coups de feu, le sang sera peut-être répandu, mais s'il faut en arriver là, soit.

+-

     Actuellement, le Canada a des troupes en Afghanistan et il est fort possible que certains de nos militaires y perdent la vie. Comprenez bien que je me sentirais tout aussi mortifié si un Canadien ou une Canadienne perdait la vie là-bas. Mais quand ces soldats et ces marins se sont enrôlés dans les Forces canadiennes, ils savaient le danger qu'ils couraient, ils savaient qu'un jour ou l'autre ils seraient appelés à remplir ce genre de mission. Selon moi, il est temps que nous utilisions nos forces armées pour assumer le contrôle de notre plateau continental. Il est temps d'appeler un chat un chat.

    Je sais que beaucoup d'entre vous se diront: «C'est de la démence. Quelque chose ne va pas chez lui. De quoi parle-t-il?» Eh bien, messieurs, si vous allez dans les avant-ports où je vis, vous constaterez que là-bas on ne pense pas que je suis dément et on ne pense pas que ce que je suggère ici ce matin est extravagant.

    J'espère sincèrement que ce que nous faisons ici aujourd'hui et ce que nous ferons demain ne sera pas vain. Je ne pense pas que ce le soit de votre point de vue, mais si vous rentrez et que vous n'avez pas réuni tous les partis pour exercer des pressions là où il faut, alors ce sera exactement ce que nous ne voulons pas: tout simplement une autre audience futile.

    Les régions rurales de Terre-Neuve sont en train de mourir, notamment ma ville. À mon avis, le Canada tergiverse. Il ne s'agit pas de savoir si le Canada doit agir, mais de savoir quand il agira. À mon avis, il devrait le faire maintenant.

    Je tiens à vous remercier et je tiens à remercier plus particulièrement mon député, M. Bill Matthews, qui a fait le nécessaire pour que je puisse venir témoigner ce matin devant vous. Merci.

    Des voix: Bravo.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Hann, pour un exposé très franc. Je sais que vous avez dû faire de 10 à 12 heures de route pour venir ici, et nous vous remercions de l'avoir fait pour nous donner votre opinion. Ici au comité, nous essayons d'appeler un chat un chat.

    C'est M. Burton qui commencera.

+-

    M. Andy Burton: Merci de votre exposé. Nous comprenons très bien votre position et votre motivation. Je n'ai pas de question. Je pense que je comprends tout à fait ce que vous avez dit.

    Je voudrais tout simplement dire que je suis un député de la côte Ouest, du nord de la Colombie-Britannique, et que nous vivons des situations tout à fait semblables à la vôtre, non seulement pour ce qui est des pêches mais en ce qui concerne nos industries tributaires des ressources, les industries minières et forestières. Je pense que cela illustre la difficulté qui existe actuellement au Canada et dont on ne s'occupe pas comme il faut. Il faut que nous comprenions tous que nous sommes des députés représentant des circonscriptions d'un bout à l'autre du Canada et que notre devoir est d'attirer l'attention du gouvernement au pouvoir sur l'existence de très graves problèmes dans tous les secteurs tributaires des ressources, et que cela est attribuable à des circonstances parfois semblables, parfois différentes, mais le dénominateur commun est que nous faisons face à des problèmes.

    J'ai beaucoup de sympathie pour vous. La population de ma circonscription a diminué de 7 p. 100 depuis le dernier recensement. C'est la plus grosse diminution en Colombie-Britannique, et elle est attribuée strictement au déclin des secteurs axés sur les ressources.

    Je vous comprends donc très bien. Nous allons tenir sérieusement compte de vos remarques et je vous remercie de les avoir faites.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Burton.

    Monsieur Roy.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Monsieur le maire, je vous remercie de votre présentation. Je dois vous dire que j'ai été maire d'une petite communauté le long du Saint-Laurent et qu'on a eu quelques problèmes qu'on a pu finalement régler.

    Vous parliez, entre autres, de l'affaire de l'Estai. Je ne dis pas que je suis convaincu de votre position ou que je n'en suis pas convaincu, mais au fond, vous demandez au gouvernement canadien de répéter à grande échelle ce qui s'est passé dans l'affaire de l'Estai. En d'autres termes, vous demandez au gouvernement canadien d'intervenir avec force et vigueur. Pensez-vous que le gouvernement canadien est en mesure de le faire à l'heure actuelle? Il faut s'entendre. Pensez-vous que le gouvernement canadien a les moyens de le faire et, surtout, qu'il veut prendre les moyens de le faire, ce dont je ne suis pas convaincu?

[Traduction]

+-

    M. Allister Hann: Je ne saurais vous dire si le Canada a les moyens ou non de le faire, mais s'il n'a pas les moyens de protéger les Grands Bancs de Terre-Neuve, alors que dire de la protection du reste du Canada. Peu m'importe que vous ayez les moyens ou non.

    Je sais une chose en ce qui a trait à l'appui. Tous ceux qui ont suivi l'affaire Estai savent que nous pouvions compter sur un appui unanime de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve. Tout le monde a appuyé cette lutte. J'ai reçu quantité de coups de téléphone de gens de l'Alberta, et des quatre coins du pays, et les gens me disaient que enfin le Canada avait le cran de dire autre chose que «excusez-moi», «s'il vous plaît» ou «merci».

    Oui, je pense qu'il faut utiliser la force. Peut-être qu'il faudra s'adresser ailleurs pour l'obtenir, mais obtenons-la.

+-

    Le président: Merci, monsieur Roy et monsieur Hann.

    À propos de l'affaire Estai, vous dites d'une part que c'était une vaste blague et nous en avons parlé un peu plus tôt ce matin. Selon vous, qu'est-ce qui a fait que l'issue a été ce qu'elle a été?

    Parfois je me dis que nous avons compromis notre succès par les négociations, car au départ, c'était sans doute la chose à faire et je pense que c'est encore de mise, mais avons-nous compromis notre succès à cause des négociations? Avons-nous repris notre rôle de béni-oui-oui au moment où les choses se sont corsées?

+-

    M. Allister Hann: Oui, je pense que oui. Je pense que les choses ont démarré comme il faut, mais ensuite les négociateurs sont intervenus et c'est là qu'ils ont élaboré des accords. Ensuite on a pris un filet qu'on a transporté à New York, mais je pense que cela n'a servi qu'à faire une mise en scène politique.

    On ne va pas assumer le contrôle de la pêche sur le nez et la queue du Grand Banc en transportant un malheureux filet de pêche de St. John's jusqu'à New York. Il vous suffit de regarder la réunion que vous tenez dans une petite ville comme St. John's. Vous vous demandez pourquoi les gens ne sont pas venus.

    Qu'espère-t-on obtenir dans une ville de la taille de New York? Il est vrai que certains sont allés là-bas. Et je pense qu'il est vrai aussi que M. Tobin les a payés pour aller là-bas également.

+-

    Le président: Monsieur Matthews.

+-

    M. Bill Matthews: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas de question à poser parce que ce qu'il y a de vrai dans le cas d'Allister Hann, c'est que quand il a fini son exposé, on comprend parfaitement son point de vue. Il n'est pas du genre à laisser beaucoup de points obscurs.

    Je tiens donc à remercier Allister d'être venu de Burgeo pour nous parler de sa situation et nous donner son opinion parce que je représente la ville de Burgeo depuis quelques années maintenant et j'essaie de résoudre une situation très difficile pour les gens de cette ville, pour qu'ils puissent trouver du travail. J'ai appris à apprécier l'honnêteté, la franchise et la droiture d'Allister Hann.

    Je vous remercie donc d'être venu, Allister. Je n'ai pas de question à vous poser. Ce que vous recommandez est tout à fait limpide.

+-

    Le président: Merci, Bill.

    M. Stoffer, M. Lunney et ensuite Loyola.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président. Il y a une autre collectivité que vous connaissez; je parle de Canso en Nouvelle-Écosse. Le maire de Canso aurait pu tenir les mêmes propos que vous en ce qui concerne le manque de ressources et l'absence de fermeté de la part du gouvernement canadien à cet égard.

    Vous avez dit que le mot «poisson» était étranger au discours du Premier ministre. Mais il faut que les pressions soient exercées par les premiers ministres eux-mêmes, et je m'étonne toujours de constater que les quatre premiers ministres de la région de l'Atlantique ne se sont pas alliés à leurs collègues du reste du pays--à leur dernière réunion par exemple--pour discuter âprement de cette question.

    Avez-vous eu l'occasion vous-même de parler au premier ministre de cette province, au leader de l'opposition, à Jack Harris, leader du NPD, pour leur demander de travailler collectivement avec leurs homologues de l'Atlantique, de se présenter à Ottawa en groupe pour dire: «Monsieur le Premier ministre, voici notre problème, et nous voulons en discuter et y apporter une solution immédiatement»? Avez-vous eu l'occasion de présenter le dossier?

+-

    M. Allister Hann: Monsieur Stoffer, croyez-le ou non, je n'ai jamais entendu parler d'un endroit qui s'appelle Canso.

+-

    M. Peter Stoffer: Non?

    Il plaisante, je le sais.

+-

    M. Allister Hann: Bill sait faire la différence.

    Quoi qu'il en soit, je connais Canso. J'ai rencontré M. Grimes peu de temps après qu'il soit devenu premier ministre de la province et je lui ai dit qu'il était temps que lui et son parti cessent de s'intéresser au nickel, au pétrole et à toutes ces idées grandioses qui visent à faire de Terre-Neuve une copie industrielle de l'Ontario, et qu'il fallait qu'ils commencent à travailler pour défendre ce qui est le fondement de l'économie de la province, c'est-à-dire le poisson.

+-

     Je lui ai demandé de faire cela. Je suis allé aux audiences sur la FPI à Stephenville. J'ai alors demandé qu'on forme un comité de tous les partis. J'ai demandé qu'on demande l'appui du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse; j'ai demandé qu'on demande l'appui du Bloc québécois, de l'Alliance, du Parti conservateur et du NPD, de tous, pour résoudre la situation. Mais voulez-vous que je vous dise? Il est intéressant que vous souleviez la question sous cet angle car je commence à me dire que le gouvernement de Terre-Neuve se fiche pas mal du poisson sur les Grands Bancs. Quelqu'un parle-t-il de la compétence exclusive...? Oubliez cela. Et il y a moins de chances que le résultat vienne grâce aux efforts de St. John's qu'aux efforts d'Ottawa et je suis sincère.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur le président, permettez-moi une dernière remarque. Tout à l'heure, M. Morgan a dit que nous allions rentrer pour préparer un rapport et que ce rapport risquait fort d'être ignoré.

    Je vous demande conseil maintenant. Que pouvons-nous faire maintenant, pour ne pas nous borner à discuter de cette question avec nos homologues fédéraux mais également avec nos homologues provinciaux à l'échelle du pays? La situation dépasse le cadre de la pêche car il y a le bois d'oeuvre et d'autres dossiers.

    Comment faire en sorte que les premiers ministres soient solidaires pour aller à Ottawa lors de leur prochaine réunion afin de dire au Premier ministre que l'heure est très grave dans les Grands Bancs et qu'il faut au moins qu'il en parle et qu'il prenne des mesures aussi musclées et efficaces que celles que vous avez décrites ici? Comment réaliser cela?

+-

    M. Allister Hann: Eh bien, je n'en sais rien. Vous disposez assurément de plus de ressources que moi, puisque je suis à l'administration municipale, mais je pense effectivement qu'il est temps que ce comité, les parlementaires de Terre-Neuve et d'autres régions se réunissent pour préparer ensemble les arguments qui convaincront d'autres gens au Canada, en prévision d'une éventuelle rencontre.

    Vous savez sans doute qu'il y aura une rencontre provinciale sur les soins de santé. Tous les premiers ministres provinciaux vont se rencontrer. Ensuite, on passera à un autre sujet. Pourquoi ne pas faire du poisson ou des ressources le sujet d'une de ces rencontres? Il faudrait les enfermer dans une même pièce, fermer la porte à clé, et exiger qu'ils trouvent une solution. À leur sortie, ils annonceront peut-être à Ottawa la façon de procéder pour unifier le Canada, pour que le Canada devienne un pays, et qu'on cesse d'être aussi divisés et fragmentés qu'aujourd'hui. Voilà ce que j'en pense.

    M. Peter Stoffer: Il faut le faire maintenant.

    M. Allister Hann: Oui, il faut le faire maintenant. Il ne faut pas attendre encore 20 ans. Je ne serai plus de ce monde sans doute...je pense que j'y serai encore car j'ai l'intention de rester exprès.

    M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Hearn.

+-

    M. Loyola Hearn: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je voudrais tout d'abord faire une brève remarque sur ce qu'a dit M. Hann au sujet de mes propos. Il s'agissait de gens qui sont ici présents.

    Il est entendu que je ne songeais pas aux travailleurs des usines et aux pêcheurs. Je représente Trepassey, si bien que je comprends très bien votre point de vue, monsieur. Je pense aux politiques, je songe aux groupes et aux organisations. Ils devraient nous représenter car si nous pouvions collectivement réunir tous ces gens-là avec le gouvernement, ce serait un départ. Si les gens de la base ne s'en mêlent pas, notre lutte sera difficile, comme vous le savez.

    Vous avez dit que l'on dira que vous êtes sans doute dément à cause de certaines de vos affirmations. Si c'est le cas, nous sommes dans la même galère car nous avons dit la même chose.

    J'ai quelques questions à vous poser. Quelqu'un a dit ce matin qu'on avait capturé environ 20 millions de livres d'espèces qui font l'objet d'un moratoire, et pourtant, c'est à peu près ce que nous pêchons au nez et à la queue.

    Quand tout le monde était au travail, quelle quantité de produit Burgeo a-t-il fournie?

+-

    M. Allister Hann: La moyenne à Burgeo est d'environ 30 à 36 millions de livres par année.

    M. Loyola Hearn: Ainsi, cette prise pourrait essentiellement permettre à Burgeo de tourner toute l'année, n'est-ce pas?

    M. Allister Hann: C'est cette quantité qui a permis à Burgeo de tourner.

    M. Loyola Hearn: Et cela ne concerne que les espèces qui ne devraient pas être touchées, n'est-ce pas?

    M. Allister Hann: C'est cela.

+-

    M. Loyola Hearn: Une autre question ou plutôt une remarque et une question. Vous avez parlé de la fermeture du port de St-Pierre. Nous avons vécu la même chose quand nous avons fermé le port de St. John's aux Espagnols et aux Portugais. Ils se sont moqués de nous. Ils sont allés à St-Pierre et les seuls qui aient souffert, ce sont les commerces de St. John's qui ont pâti de cette fermeture.

    Toutefois, dans le cas des crevettes, étant donné qu'ils n'ont pas d'installations de réfrigération, cela donnerait peut-être des résultats. Je ne pense pas qu'il faille exclure certaines options pour leur faire entendre raison, et je conviens avec vous qu'il faut... commençons par les admonester. S'il y a d'autres moyens que nous pouvons utiliser pour leur serrer la vis un petit peu, il faudrait que nous y songions.

    En posant ma question, je vais aborder cet aspect, mais je voudrais que vous développiez un peu votre idée car encore hier, je parlais de la même chose.

+-

     Vous avez parlé du nickel, du pétrole et du poisson. Pensez-vous que la population canadienne, même celle de Terre-Neuve, se rend compte que le pétrole est une ressource épuisable, le nickel également, si jamais on en commence même la mise en valeur? En revanche, comme quelqu'un l'a fait remarquer, il y a 500 ans que nous vivons du poisson, et avec une bonne gestion, nous pourrions continuer. La quantité d'emplois que le poisson procure à cette province comparativement à n'importe quel autre secteur—il n'y a pas de comparaison. Comment se fait-il que nous n'arrivions pas à faire comprendre cela?

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    M. Allister Hann: Je pense qu'il y a des gens qui le comprennent, monsieur Hearn. Ce n'est pas le même groupe de gens. Je sais que dans mon patelin, les gens se soucient bien peu qu'on puisse extraire même une cuillerée à thé de pétrole de Voisey's Bay. Je le dis en toute sincérité. Même si on en extrait des camions-citernes entiers, les autobus et les camions de déménagement vont encore quitter Burgeo. Assurément, le pétrole ne va pas donner des emplois dans nos villes.

    Ces ressources, le pétrole et le nickel, sont assurément bénéfiques, mais il ne faut jamais quitter des yeux la principale ressource, la raison d'être de Terre-Neuve, le poisson. Vous pouvez faire ce que bon vous chante en Alberta, extraire le pétrole en quantité mais en fin de compte, l'Alberta retournera à l'agriculture, vous pouvez en être sûr.

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    M. Loyola Hearn: Merci beaucoup.

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    Le président: Merci, monsieur Hearn.

    Monsieur Lunney, vous terminerez.

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    M. James Lunney: Je voudrais vous poser des questions concernant Burgeo même. Beaucoup de gens autour de cette table semblaient connaître la ville, mais je suis nouveau... vous avez peut-être supposé que tout le monde connaissait la ville.

    Vous êtes le premier maire d'une petite ville à avoir souffert de la situation. Je sais qu'il faut de huit à dix heures pour rejoindre St. John's à partir de là. Je sais qu'autrefois vous transformiez 36 millions de livres de poisson. Que se passe-t-il à Burgeo actuellement? Quelle était votre population autrefois? Quelle est-elle actuellement?

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    M. Allister Hann: Nous avions autrefois environ 2 500 habitants. Nous en sommes à 1 782... ce sont des chiffres que l'on a diffusés la semaine dernière et je pense que le recensement a été fait en 2001. Je suppose qu'on pourrait soustraire encore une centaine d'habitants de ce total. Voilà la situation démographique.

    Quelle était votre autre question?

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    M. James Lunney: Ce que vous nous avez raconté ressemble à ce que nous avons entendu dans d'autres localités de la côte, de la part de M. Morgan et d'autres. Les jeunes quittent l'endroit, n'est-ce pas?

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    M. Allister Hann: C'est cela. Notre population est désormais partagée entre deux groupes. Il y a ceux qui ont plus de 50 ans et ceux qui ont moins de 40 ans. Ceux qui ont moins de 40 ans s'en vont en Alberta en novembre pour travailler dans les champs de pétrole, essentiellement un travail séismique... Apparemment ce travail est trop dur pour les travailleurs plus âgés. Les travailleurs plus âgé travaillent maintenant à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle Écosse, à la cueillette des pommes ou à d'autres boulots de ce genre.

    Qu'arrive-t-il à ma ville où le travail roulait douze mois à l'année... Notre port ne gèle jamais. Voilà que maintenant notre ville est tributaire des prestations d'assurance-emploi. Les habitants n'ont plus d'initiative, ils ont tout perdu. Ça ne va pas.

    Si le Canada s'enorgueillit de cela, alors le Canada peut s'enorgueillir de n'importe quoi. De jour en jour, je suis de moins en moins fier du Canada, croyez-moi.

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    M. James Lunney: Y a-t-il encore une usine qui produit là-bas?

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    M. Allister Hann: Oui, il y en a une.

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    M. James Lunney: Que transformez-vous actuellement et en quelle quantité?

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    M. Allister Hann: Nous ne transformons rien du tout.

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    M. James Lunney: L'usine est donc inutilisée.

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    M. Allister Hann: C'est cela.

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    M. James Lunney: Merci.

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    Le président: Y a-t-il d'autres interventions?

    Monsieur Stoffer.

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    M. Peter Stoffer: Monsieur le président, je veux seulement remercier M. Matthews de nous avoir aidés à faire venir M. Hann devant le comité. Nous sommes venus à Burgeo en 1998, et c'est toujours difficile pour le Comité des pêches d'aller dans une petite localité isolée, parce que toutes les autres localités isolées veulent que nous leur rendions visite également.

    Je veux seulement remercier M. Matthews d'avoir aidé à faire venir M. Hann ici. Son exposé a été très bon. Merci.

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    Le président: Monsieur Hann, je vous remercie beaucoup encore une fois pour votre franchise et votre conviction.

    Cela dit, nous allons suspendre la séance sur le nez et la queue du Grand Banc jusqu'à 8 h 30 demain matin. Cet après-midi, nous devons aborder d'autres questions, notamment le SCTM et la Garde côtière.

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    Le président: Si vous voulez avoir un entretien privé avec un membre du comité, vous pouvez assurément le faire, et vous êtes aussi les bienvenus si vous voulez profiter de notre repas.

    Merci beaucoup encore une fois, monsieur Hann.

    Merci à tous ceux qui sont venus.

    La séance est levée.