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ENVI Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE SUR
LE PROJET DE LOI C-9

Joe Comartin, député (Windsor—St. Clair)

Contexte

Le projet de loi C-9 et son prédécesseur C-19 découlent de l’examen obligatoire requis par la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE). Issue du projet de loi C-13, cette loi proclamée en 1992 est entrée en vigueur en janvier 1995. Son article 72 demande au Ministre d’entreprendre l’examen complet de ses dispositions et de son fonctionnement cinq ans après son entrée en vigueur. Il est prévu que dans l’année qui suit l’examen, le Ministre dépose un rapport pour examen au Parlement, incluant tout changement recommandé. Des discussions et consultations ont eu lieu entre décembre 1999 et mars 2000, après quoi le projet de loi C-19 a été déposé le 20 mars 2001.

Dès le départ, l’examen souffrait de lacunes fondamentales. Le rapport du Ministre omettait les déficiences sérieuses révélées par cinq années de fonctionnement de la LCEE. Les participants ont signalé des progrès réalisés en planification environnementale, mais souligné des lacunes sérieuses dans des domaines comme la viabilité, la coordination régionale de la planification et des politiques, le choix des autres options de développement, l’affectation traditionnelle du sol et la participation autochtone, la dévolution aux autres gouvernements et, peut-être surtout, le manque de véritables mesures d’application.

Les néo-démocrates avaient des réserves sur le projet de loi parce qu’il ne corrigeait pas suffisamment ces problèmes et d’autres. Au départ, notre opposition reposait sur le fait que selon nous le projet de loi ne répondait pas à trois grands critères :

La Loi actuelle ne va pas assez loin pour protéger l’environnement et les changements proposés dans le projet de loi C-9 l’affaiblissaient davantage.
Le projet de loi tente de simplifier et d’accélérer le processus d’évaluation et d’examen apparemment au bénéfice des promoteurs et du secteur privé plutôt que de protéger l’environnement et le public.
Le projet de loi ne propose guère de mesures pour renforcer et améliorer la protection de l’environnement.

Dans le débat sur le projet de loi et pendant les audiences du Comité, nous avons soulevé ces problèmes, ainsi que le manque d’efficacité, de transparence et d’efficience de l’EE.

Après examen du projet de loi et en consultation avec divers experts juridiques, autochtones et environnementaux, le NPD a présenté plus de 50 amendements pour corriger les lacunes de la loi. Certains ont été adoptés, mais la plupart ont été rejetés. Malgré nos réserves à l’origine sur le projet de loi, nous avons collaboré avec les intervenants pendant les audiences pour tenter d’améliorer une loi que nous jugions trop limitée.

Au dépôt du projet de loi, le Ministre a formulé trois objectifs pour le renouvellement de l’EE fédérale : plus de certitude, de prévisibilité et de rapidité pour tous les participants; amélioration de la qualité des évaluations; participation plus significative du public.

Le projet de loi et ses amendements corrigent une partie des problèmes de rendement du processus, mais on ne voit pas comment il améliore l’efficacité ou la transparence de l’EE.

Beaucoup de groupes et d’individus ont parlé de la nécessité de revoir tout le processus d’évaluation. L’Association canadienne du droit de l’environnement insiste dans son mémoire au Comité sur la nécessité de revoir tout le processus sans se limiter aux changements apportés par le projet de loi : «  dans sa forme actuelle, la LCEE continuera d’être appliquée à moins de travaux, avec guère de possibilités d’une participation significative du public  »1.

Rapport du Comité

Nous appuyons en principe certaines recommandations et affirmations du rapport, mais nous n’endossons pas tout le document car il ne répond pas correctement aux problèmes que les néo-démocrates ont clairement formulés.

Le rapport final a été dilué par de nombreuses révisions. Il semble que beaucoup de concessions ont été faites pour apaiser le Conseil privé et le Bureau du premier Ministre et non pour corriger les lacunes du processus d’évaluation. Nous maintenons que les amendements proposés et le rapport vont dans le sens du «  plus petit dénominateur commun  » pour l’EE.

Il est aussi regrettable que le libellé assez ferme du rapport ne soit pas repris dans les recommandations. En outre, les recommandations n’ont rien d’exécutoire pour le gouvernement.

Comme on l’a écrit plus haut, une des doléances du NPD concerne la simplification ou harmonisation du processus d’évaluation. Nos craintes à ce sujet semblent justifiées par l’article 1.3 du rapport qui donne en exemple l’accord d’harmonisation fédéral-provincial qui couvre notamment les questions «  de collaboration, d’incertitude et de double emploi  ».

Pourtant, bon nombre des amendements déposés par le NPD pour accroître la certitude et réduire le dédoublement ont été défaits par la majorité gouvernementale au Comité.

L’article 1.5 du rapport affirme que : «  la question centrale est de savoir si l’EE fédéral apporte une contribution importante au développement durable et sert à prendre des décisions qui favorisent la santé de l’environnement. Si la réponse à cette question est négative, il faut d’abord modifier la procédure d’EE.  »

Beaucoup de témoins ont dit au Comité que l’évaluation fédérale ne fait justement pas de contribution importante au développement durable. Pourtant, le rapport ne recommande aucun changement immédiat au processus ni ne recommande de faire primer ces changements dans les prochaines révisions de la Loi.

Autre exemple de notre dissidence par rapport au rapport, l’article 2.3 affirme que selon le Comité, «  les objectifs du projet de loi étaient fort louables, et le projet de loi aurait pour effet d’améliorer la LCEE et l’EE fédéral globalement.

Nous ne sommes pas convaincus que le projet de loi apporte de nettes améliorations aux objectifs énoncés du processus d’évaluation. Selon nous, il ne répond même pas de façon satisfaisante aux trois objectifs énoncés au départ par le Ministre.

Un autre désaccord figure à la section 2.8 : «  Nous examinons ici les secteurs où la perspective fédérale actuelle n’a pas donné de résultats et nous énumérons un certain nombre des enjeux qui demeurent, puis nous recommanderons des mesures. Le rapport a trait aux questions de fond suivantes : […] comment améliorer le processus fédéral d’EE pour mieux atteindre les objectifs de développement durable?  »

Cependant, le rapport ne considère ni l’ensemble du processus d’évaluation ni l’atteinte des objectifs du développement durable. Rien dans le rapport ou le projet de loi ne rassure sur le fait que les lacunes de la Loi et du processus d’évaluation seront corrigées.

Durant l’examen du projet de loi, le Comité a également entendu des témoins traiter des problèmes de l’auto-évaluation, du fait que l’organe de réglementation ne déclenche pas le processus à temps et l’absence d’une participation significative et opportune du public. Ces problèmes ne sont corrigés ni dans le projet de loi ni dans les recommandations du rapport. En outre, ce dernier ne recommande rien de sérieux sur l’application ou les mécanismes de contrôle pour garantir que l’État fédéral respecte la Loi.

Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent à quel point le rapport et le projet de loi ne répondent pas aux doléances des néo-démocrates.

Recommandations

Il est décevant de voir tant de temps et de travail aboutir à un document aussi maigre. De nombreux témoins ont parlé de la nécessité de simplifier le processus d’évaluation et la Loi. En dernière analyse, le projet de loi C-9 ne fait pas grand-chose pour l’atteinte de ces objectifs et laisse aux Canadiens une loi complexe et inaccessible. Étant donné les lacunes de la Loi existant et des changements proposés, le NPD recommande le dépôt d’une Loi sur l’évaluation environnementale entièrement nouvelle, qui créerait un processus d’EE succinct et direct imposant à l’État la transparence nécessaire et permettant une participation significative du public.

Dès le départ et pendant tout le processus, le gouvernement a maintenu que la Loi existante est la seule option disponible au Canada. Cela est absolument faux. D’autres avis ont été présentés, plusieurs autres lois ont été suggérées. Nous en donnons un modèle en annexe A à titre d’exemple. Ce modèle de loi corrige simplement et rapidement six grandes lacunes de la loi actuelle tout en tout en respectant le modèle de LCEE : 1) portée réelle du projet à évaluer; 2) définition de l’«  effet environnemental négatif important  »; 3) dépôt en temps opportun de renseignements significatifs sur le projet; 4) participation significative et opportune du public; 5) recours accru à l’examen par des groupes simplifiés; 6) peines pour les infractions.

En conclusion, nous ne pouvons pas appuyer dans son ensemble le projet de loi C-9 ni les recommandations du rapport du Comité permanent de l’environnement et du développement durable. Le NPD appuie fermement l’objectif d’améliorer le processus d’évaluation environnementale pour le rendre plus responsable et transparent et pour mieux protéger notre environnement. Par conséquent, à regret, parce que les lacunes de la LCEE ne sont pas vraiment corrigées dans le projet de loi ni les recommandations du rapport, nous sommes forcés de manifester notre dissidence par rapport à la majorité du Comité.


1Mémoire de l’Association canadienne du droit de l’environnement sur le projet de loi C-19 : Loi modifiant la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, janvier 2002.