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HERI Rapport du Comité

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ÉTAT DU SYSTÈME

Chapitre 8
Le secteur privé

Nous tentons de réaliser quelque chose qui n'est pas facile. Les pressions naturelles s'exercent contre nous; la force du courant pousse dans la direction nord-sud et nous essayons d'en diriger une partie dans le sens est-ouest. Les forces économiques sont aussi contre nous, de même qu'elles ont, par le passé, contrecarré les rêves et les aspirations de bon nombre de Canadiens. Mais il s'agit ici d'un rêve que nous devons travailler à réaliser, car il est de haute importance de le faire si nous tenons à conserver l'identité et la culture des Canadiens; bref, pour qu'il existe une force canadienne dans le monde.

Commission royale d'enquête sur la radio et la télévision, 1957

Dans ce chapitre, nous décrivons les principaux éléments du secteur privé du système canadien de radiodiffusion, sous les rubriques « production indépendante », « radio », « télévision », « distribution » et « publicité ». Nous passons ensuite en revue les témoignages entendus par le Comité ainsi que les solutions proposées.

Aux fins de la discussion, il importe de prendre connaissance des articles pertinents de la Loi sur la radiodiffusion. C'est ainsi qu'à l'article 3, il est écrit que les radiodiffuseurs devraient :

s) ... dans la mesure où leurs ressources financières et autres le leur permettent, contribuer de façon notable à la création et à la présentation d'une programmation canadienne tout en demeurant réceptifs à l'évolution de la demande du public.

Les entreprises de distribution de services de radiodiffusion (par câble, par satellite et de distribution multipoint) doivent pour leur part :

... donner priorité à la fourniture des services de programmation canadienne, et ce en particulier par les stations locales canadiennes,

(ii) ... assurer efficacement, à l'aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables,

(iii) ... offrir des conditions acceptables relativement à la fourniture, la combinaison et la vente des services de programmation, ...

(iv) peuvent, si le Conseil le juge opportun, créer une programmation — locale ou autre — de nature à favoriser la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, et en particulier à permettre aux minorités linguistiques et culturelles mal desservies d'avoir accès aux services de radiodiffusion.

Finalement, dans le cas du secteur de la production indépendante, « la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants ».

S'il est possible de résumer brièvement ce que les témoins du secteur privé ont déclaré au Comité, l'élément-clé serait que ceux-ci tentent d'exploiter une entreprise dans un monde extrêmement concurrentiel et qu'ils doivent au minimum faire leurs frais ou, avec le temps, réaliser des profits. Règle générale, les témoins étaient satisfaits de la combinaison privé-public dans le secteur de la radiodiffusion au Canada. Ils ont convenu que le gouvernement doit s'impliquer, mais ils aimeraient voir des changements à la façon dont le CRTC réglemente l'industrie et dont le gouvernement gère certains programmes.

A. Taille et portée du secteur privé

Avant de poursuivre, il faut souligner l'importance de la taille et de la portée du secteur privé au Canada. La figure 8.1 ci-après donne les recettes totales et le nombre d'emplois générés par les entreprises de radiodiffusion et les distributeurs en 2001 (année la plus récente pour laquelle des données existent). La figure montre que les secteurs de la radiodiffusion, de la distribution privée et de la production indépendante ont créé quelque 72 000 emplois pour les Canadiens et produit près de 12,7 milliards de dollars de recettes.

La figure 8.1 donne également un aperçu de la division qui existe entre les secteurs public et privé du système canadien de radiodiffusion. Au cours de l'exercice 2000-2001, les recettes d'exploitation des principales chaînes de la SRC et de CBC s'élevaient à environ 1,2 milliard de dollars. De ce montant, environ 800 millions de dollars provenaient de crédits parlementaires, mais environ 350 millions de dollars avaient été générés par la publicité et la vente d'émissions. Une somme additionnelle de 116 millions de dollars provenaient des frais d'abonnement aux services par câble et par satellite de la Société. La SRC comptait alors au total 7 340 emplois.

En ce qui a trait à la production indépendante, l'Association canadienne de production de films et de télévision (ACPFT) indique que la production totale au Canada en 2001 s'élevait à environ 5 milliards de dollars, dont 3,9 ont été consacrés à la production télévisuelle. Le nombre d'emplois directs au sein de l'industrie de la production canadienne était estimé à 51 000; le calcul au prorata de la contribution relative de la télévision canadienne à la production totale est de 39 780 emplois occupés par des Canadiens.

   

Figure 8.1 - Revenus et emplosi générés par la radiodiffusion canadienne, 2001

Une autre façon d'évaluer le secteur privé consiste à examiner sa rentabilité depuis les dernières révisions à la Loi sur la radiodiffusion, en 1991. La figure 8.2 montre que les bénéfices avant impôts (BAI) fluctuaient grandement pendant cette période, allant de bénéfices de 635 millions de dollars en 1998 à des pertes avant impôts de 51,9 millions de dollars en 2001. Des renseignements plus détaillés sur la façon dont ces bénéfices et pertes varient selon les principaux joueurs du secteur privé (radio, télévision et distribution) sont présentés plus loin dans ce chapitre.

   

Figure 8.2 - Bénéfices totaux de la radiodiffusion canadienne, 1991-2001

B. Production indépendante

Il faut se rappeler que l'objectif principal du système de radiodiffusion canadien est d'appuyer la production et la distribution d'émissions. Il existe deux sources principales de contenu au sein du système canadien de radiodiffusion : les nouvelles et les émissions de sport produites par les radiodiffuseurs et les émissions comme les dramatiques, les documentaires et les émissions pour enfants, dont certaines sont produites par les radiodiffuseurs, mais la plupart sont l'œuvre de producteurs indépendants.

On fait souvent une distinction entre la production interne et la production externe indépendante. Par exemple, en 2001-2002, le populaire téléroman de langue française Virginie était une production interne, tandis que la série de science-fiction Lexx était une production indépendante.

Au début de la radiodiffusion, la plupart des productions étaient réalisées à l'interne et il y avait très peu de productions indépendantes au Canada, surtout entre 1952 et 1962, alors que la CBC et la SRC était le seul réseau canadien. Les trois principales raisons à cet égard étaient que la CBC et la SRC poursuivaient leur pratique adoptée pour la radio, qui consistait à créer les émissions à l'interne, qu'il n'existait pas de centre de production cinématographique (p. ex. l'équivalent canadien de Hollywood) où obtenir de la programmation et qu'il n'y avait aucune réglementation contre la production de tout le contenu à l'interne.

Lorsque CTV a été fondé en 1961, il a tout naturellement adopté la même formule, principalement parce qu'il n'y avait pas de secteur de la production indépendante auprès de qui il aurait pu obtenir de la programmation. La production d'émissions de CTV était toutefois moins variée que celle de la SRC et portait majoritairement sur les nouvelles et sur le sport, ce qui a ouvert la voie à une certaine production indépendante, plus particulièrement celle des jeux-questionnaires et des dramatiques (p. ex., It's Your Move et The Littlest Hobo).

En ce qui a trait à la programmation de langue française, il était plus difficile d'importer des émissions; le réseau privé de langue française Télé-Métropole a donc dû faire fonction de producteur dès son lancement, en 1960. Pour cette raison, Télé-Métropole (qui a été absorbé par TVA en 1971) est devenu rapidement la source la plus importante de programmation pour les auditoires de langue française du Canada1.

. Les émissions produites par Télé-Métropole comprennent la première comédie de situation, Cré Basile (1965-1968) et Lecoq et fils (1967-1968). Parmi les émissions produites sous la bannière TVA, mentionnons Symphorien (1974-1978), Les Brillant (1979-1980) et les comédies de situation Dominique (1977-1980) et Peau de banane (1982-1987).

Un véritable secteur de la production indépendante s'est développé au moment de la création par le gouvernement fédéral de Téléfilm Canada en 1983 et par suite de l'obligation imposée par le CRTC à la SRC d'acheter une partie de sa programmation auprès de sources externes, obligation intégrée à la licence de la SRC2. Pour être admissibles à une aide financière, les projets devaient respecter divers critères en matière de contenu canadien. Téléfilm administrait deux fonds, l'un axé sur les longs métrages (Fonds de financement des longs métrages — FFLM) et l'autre s'adressant aux radiodiffuseurs (Fonds de développement d'émissions canadiennes de télévision — FDECT).

Tel qu'il est expliqué au chapitre 5, les créateurs canadiens ont désormais accès à plusieurs sources de financement publiques et privées, notamment le Fonds canadien de télévision (FCT), Téléfilm Canada, le ministère du Patrimoine canadien, les entreprises de distribution de services de radiodiffusion, les gouvernements provinciaux ou territoriaux et les droits de diffusion. Par exemple, depuis son instauration en 1997, le FCT a appuyé la création de plus de 2 228 projets, représentant 11 500 nouvelles heures de programmation3.

La création de Téléfilm et l'obligation pour la SRC d'acheter des productions externes ont permis au secteur de la production indépendante au Canada de prendre de l'essor en produisant un grand nombre d'émissions populaires, notamment Anne of Green Gables, Caserne 24, Kids in the Hall, Diva, Babar, KM/H et The Boys of St. Vincent. Plus récemment, des émissions telles que Trudeau et Le dernier chapitre ont témoigné de la réussite des productions indépendantes.

Deux autres facteurs ont favorisé la croissance du secteur de la production indépendante au Canada. Premièrement, le CRTC a attribué des licences à des douzaines de services spécialisés qui ont besoin de contenu spécialisé (p. ex., des émissions de musique ou de sciences). Deuxièmement, le CRTC a maintenu les exigences en matière de contenu canadien pour ces nouveaux services. Bien que ces exigences varient selon la chaîne, elles créent par défaut une demande d'émissions canadiennes à laquelle seul un secteur de la production indépendante peut répondre de façon réaliste. En effet, il ne serait absolument pas efficace que chaque chaîne spécialisée mette en place ses propres installations de production.

Parallèlement à la croissance du marché canadien pour les productions indépendantes, des services spécialisés — par exemple Cartoon Network et Nickelodeon — ont vu le jour aux États-Unis, chacun ayant besoin de contenu spécialisé. Au cours des années 1990, les producteurs indépendants du Canada ont répondu à une partie de la demande américaine; ils ont ainsi pu obtenir plus facilement une partie du financement de leurs projets à l'étranger.

Cette capacité s'est renforcée grâce à l'augmentation du nombre d'accords de coproduction avec d'autres pays. Le Canada a conclu plusieurs accords de coproduction avec d'autres pays et il est le plus important coproducteur du monde. Ainsi, en 2001-2002, on recensait 107 accords de coproduction auxquels étaient parties des maisons de production canadiennes, et dont la valeur s'élevait à 793 millions de dollars (dont 432 millions de dollars ont été dépensés au Canada).

Accords internationaux de coproduction

Les coproductions sont des ententes juridiques internationales conclues entre des gouvernements qui aident les producteurs en réduisant les risques de production par la mise en commun des ressources créatrices, techniques et financières. Le Canada a conclu 61 accords de coproduction audiovisuelle avec divers pays, la plupart pour le cinéma ou la télévision.

Les accords de coproduction donnent aux réalisations produites le statut de production nationale dans chaque pays signataire. Au Canada, cela signifie qu'une coproduction sera considérée comme ayant « un contenu canadien ». Le statut de coproduction ouvre droit pour les producteurs canadiens à des crédits d'impôt et aux fonds publics (p. ex., au Programme de participation au capital du Fonds canadien de télévision).

Le ministère du Patrimoine canadien est chargé de négocier les accords de coproduction, tandis que Téléfilm Canada les administre au nom du gouvernement du Canada.

Les coproductions comportent des avantages et des inconvénients. En effet, si elles permettent d'obtenir des fonds supplémentaires et favorisent l'accès à des marchés étrangers, elles peuvent toutefois être très difficiles à gérer, comporter des conflits quant au contrôle sur la création et donner lieu à un produit sans lien culturel avec les auditoires d'une des parties ou sans grand intérêt pour eux. En dépit de ces problèmes, les coproductions sont devenues une importante source d'appui supplémentaire pour les maisons de production canadiennes4.

 

Les succès canadiens dans le monde de l'animation

L'oscar décerné à la société Alias|Wavefront en 2003 pour Maya, un logiciel d'animation en trois dimensions, est le plus récent honneur attribué aux artistes de l'animation canadienne.

Les premiers animateurs les plus connus sont Norman McLaren de l'Office national du film, qui a remporté un oscar en 1952 pour son film Neighbours, et Frederic Back de Radio-Canada, qui a remporté deux oscars pour Crac! et L'homme qui plantait des arbres. Co Hœdeman a aussi obtenu un oscar pour son film d'animation Sand Castle, réalisé selon la technique image par image. Ces pionniers ont inspiré beaucoup d'autres animateurs de par leur utilisation novatrice de nouvelles techniques pour donner vie à leur vision créatrice.

La plupart des films d'animation sont encore créés au moyen des techniques traditionnelles, mais l'ère numérique a déferlé avec ses innovations. Plusieurs estiment que le court métrage de huit minutes Tony de Peltrie (1985) a été l'élément déclencheur. Tony a été le premier personnage créé par ordinateur qui pouvait exprimer des émotions. Ses créateurs, Philippe Bergeron et Daniel Langlois, ont mis au point d'autres logiciels utilisés dans toute l'industrie.

Digits 'n Art, de Bergeron, a ainsi élaboré flesh, une application de dessin en trois dimensions et LIFEsource, un système complet de saisie des mouvements. Pour sa part, Langlois a fondé SoftImage, qui a attiré l'attention du monde entier lors de la sortie de Parc jurassique. L'entreprise Discreet Logic a été fondée par deux vétérans de SoftImage. Les outils qu'elle produit (ils ont remporté un oscar) ont été des éléments centraux de certains films, par exemple Armageddon et Titanic. Ce ne sont que trois exemples d'entreprises de développement parmi tant d'autres, notamment Vertigo, Side Effects et Toon Boom technologies, qui auraient produit plus de la moitié des logiciels d'animation utilisés à Hollywood.

Les établissements d'enseignement du Canada ont aussi joué un rôle dans l'épanouissement de ces esprits créateurs. Quatre diplômés de l'Université de Waterloo ont remporté des oscars techniques pour leur contribution à trois partagiciels d'animation très populaires : Prisms, Alias PowerAnimator et Marionnette 3D. Ce dernier a servi à la création du premier long métrage tridimensionnel par ordinateur, Histoire de jouets.

L'année avant la sortie du film Histoire de jouets, la première série tridimensionnelle animée par ordinateur a été diffusée à la télévision : Reboot, produite par Mainframe Entertainment de Vancouver, utilisait un logiciel de SoftImage et des logiciels internes. Reboot n'était pas seulement une merveille sur le plan technique : l'émission a valu à ses créateurs plusieurs prix Gemini canadiens et prix internationaux.

D'autres établissements forment des animateurs : Banff Centre for the Arts, Emily Carr Institute, National Animation and Design Centre, Centennial College et Sheridan College. Les anciens du Sheridan College sont, entre autres, Steve Williams (Parc jurassique, Le Masque, et le robot T1000 du film Terminator), James Strauss (Cœur de dragon) et John Minnis (gagnant d'un oscar pour Charade).

Compte tenu de cette longue suite de succès créateurs et techniques, il n'est pas surprenant que, malgré la baisse récente, le Canada demeure le plus grand exportateur de films d'animation dans le monde. Les séries de Nelvana ont été diffusées dans quelque 160 pays; celles de Cinégroupe, dans 125 pays, tandis que les productions de Mainframe ont été vues dans 80 pays et traduites en 13 langues. Ces entreprises et d'autres, comme Decode de Toronto, Cinar de Montréal et Funbag d'Ottawa, ont, au fil des ans, rassemblé des experts et des créateurs qui ont fait de l'industrie canadienne de l'animation un champion international.

Le pouvoir du savoir

Les nouvelles technologies de production et de communication qui stimulent et nourrissent les productions multimédias, tant sur le plan domestique qu'international, ont permis à de multiples jeunes entreprises de se tailler une place sur le marché de la production télévisuelle. Ces entreprises, souvent de petite ou moyenne taille, ont réussi à réunir des équipes de professionnels dont les connaissances, l'allure et les ambitions sont en parfaite harmonie avec les nouvelles technologies de production multimédia. Plusieurs entreprises canadiennes sont inscrites à ce palmarès, dont le Groupe Pixcom, une petite entreprise que le Comité a eu la chance de visiter pendant ses déplacements au Canada.

Le Groupe Pixcom est une entreprise privée montréalaise fondée en 1987. Une jeune entreprise dont la mission vise haut, très haut : d'être un producteur de production multimédia de renommée internationale et de promouvoir le développement des technologies qui supportent la télédiffusion internationale. Pixcom tient à se définir par l'excellence, l'expertise technologique, l'imagination et l'audace.

La flexibilité et les compétences dont disposent les équipes techniques et de production chez Pixcom permettent à l'entreprise de répondre à un large éventail de défis, soient-ils reliés au monde du sport, à la production dramatique, aux enfants, aux variétés, au documentaire ou aux affaires publiques. À peu près tous les télédiffuseurs francophones du Canada, ainsi que France 2 et France 3, ont diffusé les productions de Pixcom et les nombreux prix obtenus par ces mêmes productions, tels Gémeaux et Gemini, sont garants d'une qualité de travail de premier ordre.

La figure 8.3 ci-après donne un aperçu de la taille du secteur canadien de la production privée. Comme on peut le constater, ce secteur a connu une importante croissance entre 1998 et 2001, passant de 118 entreprises à 155. Cette croissance a principalement touché les petites entreprises dont les revenus sont inférieurs à 25 millions de dollars.

Figure 8.3 - Nombre total de maisons de production indépendantes canadiennes selon le niveau des dépenses, 1998-2001

La figure 8.4 présente les dépenses des maisons de production privées de 1998 à 2001. Elle indique que le secteur de la production a invariablement dépensé entre 1,7 et 1,8 milliard de dollars entre 1998 et 2001.

Figure 8.4 - Total des dépenses dans le secteur canadien de la production indépendante, 1998-2001

La valeur des productions de cinéma et de télévision reconnues a augmenté de plus de 260 % entre 1993-1994 et 2001-2002, passant de 1,9 milliard de dollars à 5,1 milliards de dollars. La figure 8.5 montre qu'en 2001-2002, la production canadienne reconnue de télévision était évaluée à environ 4 milliards de dollars, une augmentation de 1,5 milliard par rapport à 1996-1997. L'un des éléments responsables de cette croissance a été le succès des sociétés d'animation canadiennes. Deux exemples de ce secteur ponctuent le chapitre.

La figure 8.6 montre les recettes des principales maisons de production canadiennes entre 1998 et 2001. Il faut souligner que le profil de la propriété dans le secteur de la production indépendante a évolué grandement ces dernières années. Certains radiodiffuseurs ont acheté des sociétés de production indépendante (p. ex., CanWest Global possède désormais Fireworks Entertainment et Alliance Atlantis a acheté Salter Street). Des témoins ont exprimé leurs préoccupations à ce sujet : premièrement, lorsqu'un radiodiffuseur possède une maison de production, on peut être confronté à des opérations d'initiés. Deuxièmement, avec ce type de fusion, on risque de perdre la production régionale et de voir la prise de décisions se concentrer dans les grands centres. Les chapitres 9 et 11 abordent ces questions.

   

Figure 8.5 - Volume de production d'émissions et de films canadiens certifiés, 1996-2002

Figure 8.6 - Recettes de principales maisons de production privées du Canada, 1998-2001 (millions de $)

Ce que les témoins ont dit

La section qui suit porte sur les témoignages que le Comité a entendus, mais nous désirons mentionner que plusieurs autres chapitres renferment des points soulevés par les producteurs indépendants du Canada. Ainsi, le chapitre 5 touche les préoccupations précises des producteurs indépendants concernant le financement de la télévision canadienne; le chapitre 11 discute de l'importance de préserver le contrôle et la propriété au Canada; le chapitre 13 aborde la protection des droits d'auteur. La présente section soulève certains des défis généraux auxquels sont confrontés les producteurs indépendants dans la structure actuelle du système de radiodiffusion canadien.

Lors de son témoignage, Mme Annie Piérard, présidente de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma, a remarqué que la production indépendante joue un rôle essentiel dans le système de radiodiffusion canadien :

Un principe général de diversité anime la Loi sur la radiodiffusion et la réglementation afférente. [...] Il y a la diversité des lieux de création, qui est favorisée par les dispositions de la loi invitant le système à faire appel, de façon notable, aux producteurs indépendants canadiens. On peut mentionner également la diversité des voies d'accès au système de la radiodiffusion pour les artistes, créateurs, producteurs et distributeurs, qui est favorisée par la pluralité de propriété des entreprises de programmation de radiodiffusion. Il y a la diversité des composantes privée et publique, qui est l'une des caractéristiques distinctives du système de la radiodiffusion canadienne et qui doit le demeurer5.

Cette perspective a incité Mme Claire Samson, présidente-directrice générale de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, à faire les observations suivantes sur l'état actuel de la radiodiffusion au Canada, particulièrement du marché de langue française :

Pour conclure [...], je voudrais rappeler que le système canadien de la radiodiffusion est une réussite assez exceptionnelle; il fait d'ailleurs l'envie de plusieurs pays. Si l'on compare la place qu'occupent les émissions canadiennes à la radio et à la télévision à celle qu'occupent d'autres produits culturels canadiens dans des secteurs non réglementés, comme les salles de cinéma, par exemple, les vidéoclubs ou les disquaires, on mesure encore mieux les effets positifs du type d'encadrement qui prévaut dans le secteur de la radiodiffusion.

Bien sûr, l'encadrement n'est pas tout. Il faut aussi des créateurs, des interprètes de talent, des producteurs innovateurs, des moyens financiers à la mesure des attentes élevées des publics, mais lorsque toutes ces conditions sont réunies, le succès est assuré. À preuve, règle générale, en saison régulière, 27 ou 29 des 30 émissions les plus regardées à la télévision de langue française sont des émissions canadiennes créées et produites chez nous. Nous pouvons donc compter sur des acquis fort précieux qu'il ne faut perdre ou compromettre6.

Pour sa part, Mme Julia Keatley, présidente de l'Association canadienne de production de film et télévision, a résumé de façon tout aussi enthousiaste la contribution du secteur canadien de production indépendante aux émissions de télévision canadiennes de langue anglaise :

Les producteurs indépendants manient toute une gamme de formats et de genres et tentent d'exprimer dans une optique qui est propre à ce pays des récits de chez nous, tenant compte des intérêts et des préoccupations plus particulièrement ressenties par les Canadiens. En gros, il s'agit d'émissions dramatiques, de documentaires et de programmes plus spécialement destinés aux enfants. Ainsi, en regardant This Hour Has 22 Minutes, The Red Green Show, Degrassi: The Next Generation, Cold Squad, Air Farce, Turning Points in History, Hoze Hounds, Da Vinci Inquest, The Toy Castle, Blue Murder, Profiles of Nature, ou Little Miracles, vous pourriez très bien penser que vous assistez là aux émissions réalisées par une chaîne ou une station de télévision donnée, en l'occurrence celle sur laquelle est branché votre poste. Mais en fait vous assistez là au travail des milliers d'hommes et de femmes de talent qui œuvrent au sein des maisons de production canadiennes indépendantes7.

Mme Keatly a aussi souligné (voir le chapitre 5) que les producteurs indépendants dépendent beaucoup de l'argent des contribuables et, par conséquent, s'efforcent d'être aussi responsables et efficaces que possible. Elle précise :

... qu'il s'agit de l'argent des contribuables. Or, s'agissant des producteurs indépendants du Canada, on peut dire qu'ils travaillent de manière assez efficace, qu'il s'agisse de faire des documentaires, des programmes pour enfants ou des émissions dramatiques. C'est un métier artistique, un travail de création et nous l'exerçons pour gagner notre vie8.

L'atteinte d'un équilibre entre la créativité et l'efficacité n'est cependant pas très facile. Comme l'a dit M. Ira Levy, membre du conseil d'administration de l'Association canadienne de production de film et télévision :

Il faut bien se rendre compte qu'en matière de financement de programmes, c'est le producteur qui assume le risques le plus gros. En effet, nous assumons non seulement les risques artistiques du projet [...] mais nous assumons également les risques de la création et, en même temps, les risques financiers9.

Pour cette raison, les créateurs canadiens sont devenus, par nécessité, des gens d'affaires très adroits. Mme Barri Cohen, présidente nationale du Caucus canadien de la vidéo et du cinéma indépendants, a expliqué au Comité :

Dans le cadre de nos activités cinématographiques, nous devons faire appel à la fois aux talents et aux compétences qu'exigent la production de programmes pour la télévision et au sens du commerce et de l'entreprise nécessaire pour bien gérer nos sociétés et pour trouver les capitaux nécessaires. Les producteurs de films documentaires sont maintenant un élément essentiel du milieu de la production indépendante qui, chaque année compte pour plus de 200 millions de dollars10.

Mais ce besoin du sens des affaires n'a pas nui à la croissance et au succès de l'industrie. Au contraire. Comme M. Stephen Ellis, ancien président de l'Association canadienne de production de film et télévision, l'a dit au Comité :

C'est également très avantageux du point de vue économique car, ainsi que nous le disions au début, les radiodiffuseurs — dont Radio-Canada — n'ont généralement à investir qu'environ un quart des coûts de production11.

En outre la situation a tellement favorisé le rôle important du secteur privé qu'il :

... a pris une formidable extension. Je crois qu'à l'heure actuelle 80 ou 90 % des émissions spectacles programmées par Radio-Canada aux heures de grande écoute proviennent de producteurs indépendants, ce qui assure la diversité des points de vue12.

Les témoins ont néanmoins fait remarquer plusieurs problèmes que doivent surmonter les producteurs indépendants dans le monde moderne de la radiodiffusion : position forte sur le marché, opérations d'initiés, garde, concurrence pour les fonds disponibles et absence d'un cadre réglementaire cohérent. Au sujet des deux premiers problèmes (position forte sur le marché et opérations d'initiés13), un témoin a affirmé au Comité :

... plus le nombre de diffuseurs se réduit, plus on risque de voir se créer des positions dominantes. Traditionnellement, les chaînes achetaient les droits de projeter un film ou une série, dans certains cas pour plusieurs années avec un certain nombre de garanties au niveau de la publicité. Aujourd'hui, le prix des séries ou des émissions n'a pas nécessairement baissé mais les chaînes demandent ou exigent que leurs chaînes affiliées puissent, elles aussi, programmer ces émissions et, pour le même prix, les projeter tant qu'elles veulent sans garantir le même niveau de publicité qu'avant14.

Il a poursuivi en disant :

Des cinéastes et des producteurs chevronnés nous ont décrit le nouvel environnement de ces « ventes liées obligatoires ». Une position forte sur le marché permet également aux chaînes de monter leurs propres compagnies de production de documentaires, comme l'ont fait Alliance Atlantis et Discovery, et ce sont alors ces compagnies qui alimentent les chaînes par un débit constant de documentaires bon marché, certes, mais dont la production bénéficie néanmoins des financements publics et des crédits d'impôt prévus à cet effet15.

Pour cette raison, M. Alexander Crawley a demandé au Comité de s'assurer que le CRTC est plus sévère dans l'application des règlements actuels16. Selon son organisme :

Les règlements adoptés par le CRTC afin de lutter contre ces pratiques consanguines ne sont pas appliqués avec assez de fermeté, d'après nous, mais il y a là un problème auquel il conviendrait de faire face de toute urgence17.

Un autre problème des producteurs indépendants, mentionné par M. Stephen Ellis, est la façon dont les radiodiffuseurs agissent comme les gardiens du système. Il a expliqué que :

... lors de nos négociations avec les télédiffuseurs, étant donné leur puissance, notamment de sélection car ce n'est que par leur intermédiaire qu'un producteur peut solliciter un financement du FCT, de Téléfilm ou d'autres sources ...18.

Il a ajouté :

... les télédiffuseurs sont en mesure d'acquérir une participation excessive dans des émissions que les producteurs aimeraient avoir la possibilité de produire en conservant la propriété intellectuelle qui leur permet de rentabiliser leurs efforts19.

Sur un autre plan, plusieurs témoins ont indiqué que la fragmentation a entraîné une concurrence féroce dans l'obtention des fonds du FCT, de Téléfilm et d'autres sources privées. Comme l'a expliqué Mme Barri Cohen :

L'argent disponible a été divisé en un plus grand nombre de parts, plus petites que naguère. C'est sans doute pour cela que beaucoup de personnes comprennent mal cette situation où, il est vrai, les investissements ont augmenté mais pas assez pour aller de pair avec l'augmentation rapide du nombre de licences. En un mot, l'argent disponible a quelque peu augmenté, mais le nombre de parts a augmenté encore plus20.

Regroupées, ces préoccupations expliquent en partie pourquoi les producteurs indépendants ont mis le Comité en garde contre la recommandation de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, qui veut que les radiodiffuseurs aient accès directement au Fond canadien de télévision. Selon M. Mark Laing, président de la Guilde canadienne des réalisateurs :

... l'Association canadienne des radiodiffuseurs fait du lobbying massif en faveur d'un accès pour les radiodiffuseurs au Fonds canadien de télévision. Si on les autorise à accéder directement à ces fonds, de nombreux producteurs indépendants deviendront redondants dans le tableau d'ensemble. Cela est très menaçant pour nous, en tant que communauté, pour notre capacité de livrer à un auditoire un contenu novateur, intéressant et pertinent21.

Mme Elizabeth McDonald, présidente et directrice générale de l'Association canadienne de production de film et télévision, a également insisté sur ce point et a ajouté qu'il est maintenant temps d'instaurer un nouveau cadre cohérent pour réglementer les relations entre les producteurs indépendants et les radiodiffuseurs canadiens :

... je tiens à apporter quelques précisions concernant les émissions de télévision canadiennes et leur source, c'est-à-dire les producteurs auxquels ces émissions sont achetées. C'est d'abord aux chaînes qu'il appartient d'avaliser ces programmes. Aucun projet de production ne peut en effet solliciter une aide financière à moins d'avoir été ainsi cautionné. Il est clair que vu la consolidation des entreprises dans le domaine des médias, la source de ces cautionnements devient un peu problématique. C'est une des raisons pour lesquelles nous soulevons la question d'une réglementation cohérente dans le cadre de laquelle cet aval serait accordé par le CRTC. Dans certains cas, cet aval est soumis à des conditions régionales mais il n'en est pas toujours ainsi. Alors que la plupart des télédiffuseurs sont installés dans le centre du pays, il va falloir trouver le moyen d'assurer la diffusion, à l'échelle du pays tout entier, de ces récits, présentés en anglais ou en français22.

Compte tenu de cette affirmation, l'association de Mme McDonald a proposé les politiques suivantes :

... il est indispensable que le Fonds canadien de télévision soit reconnu comme élément essentiel des mécanismes de financement de programmes proprement canadiens. Le gouvernement doit donc lui assurer un financement stable et à long terme.

... les radiodiffuseurs doivent continuer à accueillir sur leurs ondes les programmes que nous créons.

... les organismes publics devraient simplifier leurs procédures administratives afin que les producteurs ne soient dorénavant plus pénalisés par les surcoûts auxquels ces procédures donnent lieu23.

De son côté, M. Jacques Primeau, président de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, a confié au Comité :

... la réglementation du système pourrait à la fois être allégée et rendue plus efficace [...] en renforçant et en adaptant à l'environnement concurrentiel et technologique qui se dessine, les aspects de la réglementation qui assurent l'atteinte des objectifs essentiels de la loi, en recourant [...] plus systématiquement à l'auto et à la corégulation, ainsi qu'à l'encadrement des relations contractuelles pour tous les aspects plus administratifs, commerciaux, techniques et sociaux du corpus réglementaire actuel24.

Solutions proposées

Le Comité estime que la croissance et les réalisations de la production indépendante pour la télévision sont la preuve que les principes de la politique canadienne sur la radiodiffusion pour ce secteur, comme ils sont énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion, sont en voie d'être atteints. Il admet par contre qu'on est en droit de s'inquiéter et il convient que des mesures sont nécessaires pour assurer la survie de ce secteur. Plus particulièrement, il convient avec les témoins que les changements de propriété font en sorte qu'il est essentiel que le CRTC applique ses règlements actuels sur les opérations d'initiés.

Il importe de rappeler que d'autres chapitres du rapport portent sur les nombreuses questions soulevées par les témoins concernant le secteur de la production indépendante. Par exemple :

dans le chapitre 5, on recommande que le Fonds canadien de télévision soit reconnu à titre d'élément essentiel du système de radiodiffusion canadien;

au chapitre 5, on propose plusieurs recommandations destinées à remédier à de nombreux problèmes que les témoins ont soulevés au sujet de la structure du système de point pour le contenu canadien et l'administration des fonds de production;

dans le chapitre 11, on réclame un moratoire sur l'approbation de changements de propriété croisée des médias par le CRTC jusqu'à ce que le gouvernement adopte une politique cohérente à ce sujet.

Le Comité reconnaît que des mesures pourraient être requises pour assurer une vaste distribution des émissions canadiennes. Il note qu'un thème qui ressort de tout son rapport est la conviction que le système de radiodiffusion canadien doit être maintenu sous forme de système unique. Or, comme il le fait remarquer au chapitre 4, il n'existe pas d'information complète et cohérente sur la distribution et la diffusion des émissions canadiennes. Le Comité a donc eu peine à déterminer dans quelle mesure certaines questions doivent être approfondies.

Un exemple concret est l'Association canadienne de production de film et télévision qui s'inquiète que les variations régionales des conditions des licences nuiront à la diffusion des émissions canadiennes. Le Comité est d'accord que c'est une question troublante. C'est pourquoi il recommande au chapitre 5 d'effectuer des recherches approfondies sur la distribution et la diffusion des émissions canadiennes partout au Canada. Une fois que cela sera fait, les intervenants seront mieux en mesure de décider s'il faut modifier les conditions des licences des radiodiffuseurs pour la diffusion d'émissions canadiennes.

C. Radiodiffuseurs

Comme il est mentionné au chapitre 2, c'est grâce au secteur privé que la radio a vu le jour au Canada. Entre 1919, année de l'attribution de la première licence de radiodiffusion à la Marconi Wireless Telegraph Company of Canada, et 1932, année de la mise en œuvre des recommandations de la Commission Aird, l'entreprise privée offrait presque tous les services radiophoniques. En 1928, le Canada comptait 68 radiodiffuseurs privés25. Ces radiodiffuseurs étaient principalement des amateurs, des familles et des groupes à but non lucratif. Il faut noter qu'entre 1919 et 1940, seulement trois grands groupes ont été mis sur pied dans le secteur de la radio : Taylor Pearson & Carson, le Roy Thompson Group et les Sifton26.

En 1932, par suite d'une recommandation de la Commission Aird, la Commission canadienne de radiodiffusion (CCR) a été créée. La CCR était chargée du développement de la radiodiffusion publique et de la réglementation de toutes les activités de radiodiffusion. La conjoncture des années 1930 a empêché le gouvernement de l'époque d'assurer un financement adéquat à la CCR. Celle-ci n'a donc pu établir que cinq stations de radio.

Les stations publiques ne suffisant pas à répondre à la demande, des radiodiffuseurs privés ont entrepris de diffuser la programmation de la CCR. La création de la SRC, qui a remplacé la CCR, a maintenu ce modèle de fonctionnement. En conséquence, en 1943, les trois réseaux de la SRC (deux de langue anglaise et un de langue française) avaient à leur disposition 10 stations publiques et 72 stations privées27. À l'époque, il était interdit aux stations privées de créer des réseaux, ce qui n'a toutefois pas empêché la prolifération d'un grand nombre de celles-ci.

Services

La figure 8.7 présente le nombre total de services radiophoniques de langue française et anglaise actuellement au Canada. Quelque 600 stations radiophoniques desservent les collectivités canadiennes de langue anglaise, tandis qu'environ 200 stations de radio desservent celles de langue française. La figure indique également le niveau de service dont bénéficient les collectivités s'exprimant dans une troisième langue (18) ainsi que les collectivités autochtones (37), religieuses (24) et locales (68).

   

Figure 8.7 - NOmbre total de services radiophoniques licenciés au Canada selon la langue, 2002

Propriété

En 1998, le CRTC a révisé sa politique sur la propriété :

À son avis, une consolidation accrue de la propriété permettra à l'industrie de la radio de renforcer ses réalisations globales, d'attirer de nouveaux investissements et de livrer une véritable concurrence à d'autres formes de médias. Le Conseil a donc révisé sa politique concernant la propriété commune. Il est convaincu que la politique révisée permettra le développement d'une industrie de la radio renforcée, et de dissiper les préoccupations de longue date concernant la diversité des sources de nouvelles, la propriété mixte des médias et une juste concurrence.

   

Figure 8.8 - Les dix plus grands exploitants canadiens de radio selon la propriété et les revenus, 2001

Ainsi, dans les marchés comptant moins de huit stations commerciales exploitées dans une langue donnée, une personne peut être autorisée à posséder ou contrôler jusqu'à concurrence de trois stations exploitées dans cette langue, dont deux stations au plus sont dans la même bande de fréquences. Dans les marchés comptant plus de huit stations commerciales exploitées dans une langue donnée, une personne peut être autorisée à posséder ou contrôler jusqu'à deux stations AM et deux stations FM dans cette langue28.

La figure 8.8 porte sur les 10 plus grands exploitants de radio du Canada. Comme elle le montre, les quatre principaux exploitants possédaient 188 stations de radio, soit 38 % de toutes les stations privées du Canada. De plus, les 10 principaux groupes ont obtenu 77 % de toutes les recettes de la radio en 2001.

   

Figure 8.9 - Revenus de la radio commerciale AM et FM de la langue française et anglaise au Canada, 1997-2001

Recettes et profits

Dans son rapport de 1986, le Groupe de travail sur la politique de la radiodiffusion signale qu'un équilibre entre les intérêts commerciaux et les objectifs de la politique publique a été atteint. La rentabilité des radiodiffuseurs privés est un indice de cet équilibre.

La figure 8.9 ci-après indique que le total des recettes des stations de radio privées du Canada est en hausse depuis les quatre derniers exercices. Il montre qu'au Canada, la radio privée a produit environ 900 millions de dollars de recettes en 2001, et que les recettes des services AM sont demeurées relativement stables au cours de la période, tandis que celles des services FM ont connu une augmentation en raison de la transition de nombreuses stations AM à des fréquences FM.

Finalement, la figure 8.10 illustre les profits généraux des stations de radio privées au Canada entre 1991 et 2002. Ces données indiquent que le secteur n'était pas rentable entre 1991 et 1994. Cependant, il a accru substantiellement ses profits depuis.

   

Figure 8.10 - Bénéfices totaux (pertes) de la radio privée au Canada, 1991-2001

Formules radiophoniques

Comme on le dit au chapitre 4, l'évaluation des auditoires de la radio est une entreprise difficile. Une partie du problème réside dans l'absence de catégories uniformes ou établies qui décrivent les stations radiophoniques. Le fait que la programmation diffusée à la radio n'est pas classée en différents genres comme c'est le cas pour la programmation télévisuelle pose également problème. Cela signifie qu'en ce qui a trait à la radio, nous ne pouvons traiter que de la formule radiophonique de la station dans son ensemble. La figure 8.11 présente les formules radiophoniques les plus populaires au cours de l'automne 2000 et de l'automne 2001. Elle montre que près du quart des auditeurs préféraient la formule radiophonique de musique contemporaine pour adultes, tandis que les stations diffusant des succès souvenirs et du rock attiraient 18 % des auditeurs de radio canadiens.

   

Figure 8.11 - Formules radiophoniques les plus populaires au Canada, 2000-01

Politiques et réglementation sur le contenu canadien des stations de radio commerciales

La politique concernant la radio commerciale du CRTC a trois grands objectifs :

... que l'industrie de la radio soit solide et bien financée, mieux positionnée pour respecter ses obligations en vertu de la Loi et relever les défis du 21e siècle [...] assurer la meilleure place possible aux artistes canadiens [...] garantir le maintien d'une présence du français à la radio29.

Pour atteindre ses objectifs, le Conseil impose les exigences suivantes en matière de contenu aux stations de radio commerciales :

Au moins 35 % des pièces musicales populaires diffusées par toutes les stations de radio [de langue française et anglaise] au cours de chaque semaine de radiodiffusion doivent être des pièces canadiennes. Et de plus : Les stations de radio commerciales doivent faire en sorte que 35 % des pièces musicales diffusées entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi, sont canadiennes. ...

Les stations de radio de langue française doivent s'assurer qu'un minimum hebdomadaire de 65 % des pièces de musique vocale populaire qu'elles diffusent sont de langue française. De plus, au moins 55 % des pièces de musique vocale populaire diffusées entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi, doivent être de langue française30.

Un système appelé MAPL est utilisé pour déterminer les pièces de musique canadienne. Pour qu'une pièce soit reconnue comme de la musique canadienne, elle doit répondre à au moins deux des quatre critères suivants :

M (musique) — la musique doit être composée entièrement par un Canadien.

A (artiste interprète) — la musique ou les paroles sont interprétées principalement par un Canadien.

P (production) — la pièce musicale est une interprétation en direct qui est soit enregistrée en entier au Canada, soit interprétée en entier au Canada et diffusée en direct au Canada.

L (paroles lyriques) — les paroles sont écrites entièrement par un Canadien31.

Malheureusement, nous en savons peu sur la diffusion du contenu canadien sur les ondes des stations de radio commerciales canadiennes. En effet, sauf au moment de renouveler les licences, le CRTC ne vérifie pas dans quelle mesure une station de radio respecte la réglementation. Se basant sur des données limitées, le CRTC a déclaré en novembre 2002 que 95 % des 37 stations de radio respectaient le règlement sur la diffusion pendant la journée et 92 % respectaient le règlement sur la diffusion de 6 h à 18 h. Dans le cas des pièces de musique en français, 67 % des six stations de radio respectaient le règlement sur la diffusion pendant la journée et 67 % respectaient le règlement sur la diffusion de 6 h à 18 h32.

Le développement des talents canadiens

Pour favoriser les talents musicaux canadiens, le CRTC a adopté une politique sur le développement des talents canadiens (DTC) en 199533. Ainsi, dans le cadre des conditions dont sont assorties les licences, les stations de radio AM et FM doivent contribuer au développement des talents canadiens en prenant un engagement financier annuel à l'égard d'organismes tiers admissibles définis par l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR). En 2001, on recensait plus de 350 organismes tiers admissibles aux paiements dans le cadre du DTC. Parmi les organismes admissibles, mentionnons deux fonds de musique (FACTOR et MusicAction), des organismes de musique nationaux et provinciaux, des troupes et des écoles d'arts d'interprétation ainsi que des récipiendaires de bourses afférentes34.

Malheureusement, le CRTC ne recueille pas de données annuelles sur l'impact de sa politique sur le développement des talents canadiens. Cependant, en 2000, l'Association canadienne des radiodiffuseurs a réalisé un sondage auprès de ses membres pour évaluer la valeur des contributions au DTC. La figure 8.12 montre les conclusions de l'ACR. Comme on peut le constater, 267 stations de radio privées ont consacré plus de 16 millions de dollars au développement des talents canadiens en 1998-1999. Selon l'ACR, ce total atteint 20 millions de dollars si l'on tient compte de l'ensemble des membres de l'ACR.

 

L'industrie canadienne de la musique : un succès qui mérite notre attention

En 2002, 113 musiciens canadiens ont produit des disques certifiés or, platine ou diamant. C'est une augmentation de 86 % par rapport à l'année précédente. C'est un succès remarquable compte tenu du fait que les ventes de disques compacts ont baissé et que le partage de fichiers dans Internet menace les fondements économiques de la musique.

On ne doit pas minimiser la menace qui pèse sur l'industrie, mais on doit quand même s'arrêter un moment pour réfléchir à l'énorme succès qu'a connu la musique canadienne depuis 1971.

C'est en 1971 que le CRTC a commencé à exiger des stations de radio qu'elles consacrent 30 % de leur temps d'antenne à la musique canadienne, c'est-à-dire à des pièces qui répondaient à deux de quatre critères (musique, artiste, production ou paroles lyriques d'origine canadienne). À l'époque, cette décision était très controversée. Existait-il suffisamment de bonne musique canadienne pour occuper l'antenne? La réponse était probablement négative. On recensait alors peu de disques canadiens et les musiciens qui avaient percé (p. ex., Joni Mitchell, Leonard Cohen, Ian et Sylvia, et Gordon Lightfoot) avaient peu de chance d'enregistrer un disque au Canada. Pour réussir au Canada, il fallait d'abord passer par New York ou Los Angeles.

Les critères du programme MAPL ont créé une demande de disques canadiens, situation qui, à son tour, a donné naissance à l'industrie canadienne de la musique. Trente ans plus tard, le Canada compte une multitude d'étoiles de la musique qui sont connues dans le monde entier. Des artistes comme Céline Dion, Shania Twain, Diana Krall, Nickleback, Avril Lavigne et 108 autres ont enregistré les disques or, platine et diamant de 2002. L'année prochaine, d'autres noms s'ajouteront à la liste.

Il est évident que l'industrie canadienne a ses problèmes. Grâce à un meilleur accès au soutien financier mondial, nos plus grandes étoiles contournent notre industrie sur la route de la gloire internationale. De plus, à moins que le problème d'Internet ne soit résolu, c'est toute l'industrie mondiale de la musique qui est à risque.

Mais le succès du programme MAPL sera mesuré chaque année, en favorisant le développement de très bons musiciens et de très bonne musique canadienne, et ce, dans tous les genres. Il est sans aucun doute l'instrument de politique le plus remarquable de l'histoire de la radiodiffusion canadienne.

Figure 8.12 - Dépenses rapportées consacrées au « développement des talents canadiens » par les diffuseurs radiophoniques privés, du 1er septembre 1998 au 31 août 1999 (267 répondants)

Il importe de faire remarquer que, selon l'ACR, ces dépenses sont généralement volontaires car :

... ce sont des engagements volontaires pris par les stations qui excèdent les exigences du CRTC dans le cadre de la condition de DTC des licences des radiodiffuseurs de radio35.

Selon les lignes directrices dont sont convenus le CRTC et l'ACR en 1996 :

Elles [les lignes directrices] visent à assurer que les stations de radio canadiennes dans leur ensemble versent au moins 1,8 million de dollars chaque année à des tiers admissibles voués au développement des talents canadiens36.

Le Fonds RadioStar / Radio Starmaker Fund

Il importe de se rappeler que les stations de radio privées du Canada dépendent de l'industrie de la musique pour leur contenu. C'est pourquoi le Fonds RadioStar et le Radio Starmaker Fund ont été établis à l'automne 2000. Il s'agissait au départ d'une suggestion de l'Association canadienne des radiodiffuseurs pendant les audiences de 1997 sur la politique relative aux stations de radio commerciales. L'Association avait proposé que le critère des avantages soit remplacé par une contribution minimale à FACTOR/MusicAction et à un nouveau fonds de promotion et de mise en marché de la musique canadienne.

La Foundation to Assist Canadian Talent On Record (FACTOR)

Organisme privé sans but lucratif et stratégie de l'industrie, FACTOR contribue à la croissance et au développement de l'industrie indépendante canadienne de l'enregistrement. Le fonds aide les chanteurs et les auteurs-compositeurs à enregistrer leurs œuvres, à produire des vidéos et à partir en tournée internationale. Il appuie également les maisons de disques, les distributeurs, les producteurs, les techniciens et les réalisateurs canadiens. Ils font tous partie de l'infrastructure nécessaire pour que les artistes et l'industrie indépendante canadienne de l'enregistrement progressent sur les marchés mondiaux.

MusicAction

Organisme sans but lucratif, MusicAction a été mis sur pied en août 1985 sur l'initiative des professionnels québécois de la radio, de l'enregistrement et du divertissement. Il a pour objectif premier de favoriser le développement de la musique vocale francophone en appuyant la production, la mise en marché et la promotion de bons disques. Les projets de musique internationale et de musique classique et instrumentale sont également admissibles. MusicAction encadre en quelque sorte l'industrie indépendante canadienne de l'enregistrement.

Le CRTC a appuyé l'idée de l'Association canadienne des radiodiffuseurs et lui a demandé de mettre au point une proposition en collaboration avec la Canadian Independent Record Production Association, l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement et l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo. Le Radio Starmaker Fund est destiné à l'industrie de la musique de langue anglaise, tandis que le Fonds RadioStar s'adresse aux artistes canadiens de langue française. Les deux fonds sont financés par une taxe de 3 % de la valeur de toutes les transactions impliquant des stations de radio rentables. Fonctionnant depuis l'automne 2001, ils ont jusqu'à présent versé plus de 4,2 millions de dollars aux artistes canadiens. On prévoit que les fonds continueront d'appuyer les artistes canadiens au même rythme pendant encore 8 à 10 ans.

Les fonds devraient « avoir un effet considérable et perceptible sur la carrière de l'artiste » en offrant un investissement supplémentaire à l'artiste qui possède déjà un dossier solide ou dont la maison de disques investit substantiellement dans sa future carrière37. L'argent doit donc compléter les investissements déjà engagés dans la promotion et la mise en marché des artistes canadiens.

Les fonds appuient les nouveaux artistes prometteurs de toutes les régions du Canada. L'objectif est de dépenser l'argent de façon à faire une différence. C'est pourquoi l'argent n'est pas dépensé de manière parcimonieuse sur un grand nombre de projets, mais plutôt à investir massivement dans quelques projets pour aider les artistes à percer et à devenir des étoiles. Le but ultime est de contribuer à accroître le nombre de bonnes pièces musicales canadiennes qui peuvent tourner à la radio.

En vertu du processus de demande, l'artiste et sa maison de disques doivent soumettre conjointement une demande pour chaque projet. Un gérant ou un publiciste peut soumettre une demande conjointement avec un artiste, à condition qu'on prouve qu'un investissement non récupérable est fait dans la carrière de l'artiste.

Ce que les témoins ont dit

Peu de témoins ont parlé des stations de radio privées; lorsqu'ils ont parlé de la radio, c'était généralement dans le cadre de discussions sur l'état de la SRC/CBC, la radio communautaire et les droits d'auteur. Ces points sont abordés dans les chapitres 6, 9 et 13 respectivement.

Lorsque la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps, a comparu devant le Canada, elle a fait remarquer que les règles sur le contenu canadien à la radio ont « aidé à créer un succès extraordinaire à l'échelle nationale et internationale pour l'industrie de la musique du Canada »38. Plusieurs témoins étaient d'accord avec elle. M. Glenn O'Farrell, président et chef de la direction de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, a déclaré au Comité :

La ministre du Patrimoine canadien et ses fonctionnaires ont prouvé leur engagement à l'endroit de l'épanouissement de la musique populaire canadienne grâce au Fonds canadien pour la musique mais également, la chose est intéressante, par le biais de la Loi sur l'investissement [...] Nous nous en félicitons. Il s'agit là d'importantes retombées qui, ajoutées de façon stratégique aux investissements publics et privés, feront toute la différence au niveau de notre production culturelle. [...] Nous avons au Canada de très grandes vedettes du monde de la musique et de la chanson, française et anglaise, et nous ne manquons pas de choix dans tous les genres musicaux qui peuvent être diffusés à la radio39.

Pour sa part, M. Mark Maheu, vice-président et directeur général de
CFRA / KOOL-FM, a affirmé que la démarche du Canada en matière de réglementation, de marketing et de promotion a produit « quelques très grosses vedettes comme Céline Dion, Éric Lapointe, les Barenaked Ladies et Shania Twain, mais également des étoiles montantes comme Nellie Furtado, Kevin Parent et Sum 41 »40.

Cependant, ce n'est pas seulement la réglementation qui a permis à de nombreux artistes canadiens d'atteindre la gloire sur les marchés nationaux et internationaux. Comme M. Claude Gagné, représentant de Télémédia, a souligné au Comité, des défis précis ont obligé les radiodiffuseurs privés à élaborer de nouvelles stratégies pour encourager le développement des talents :

Il y a presque 30 ans que le règlement sur la radio FM a pris effet afin de donner un cadre réglementaire à la radio FM émergente. [...] À l'époque, [...] un radiodiffuseur pouvait combler la moitié de sa programmation francophone avec des répertoires d'Europe et d'ailleurs. [...] Parallèlement, la musique québécoise a aussi connu un boom incroyable qui a vu naître Beau Dommage, Harmonium, Charlebois et combien d'autres encore qui ont donné au Québec une industrie florissante et dynamique dans l'univers unique nord-américain.

Avec le temps, mais surtout au cours des dix dernières années, cette donne a changé. La France produit infiniment moins qu'avant [...] Pour remédier à la diminution de sources musicales de qualité, les radiodiffuseurs ont dû trouver eux-mêmes des solutions. La résultante a mené à un star-système québécois qui a ses propres stars, ses honneurs et ses institutions. Ceci s'est fait avec la complicité du public québécois et canadien qui tient à ses artistes d'ici. Les nombreux instruments de recherche à la disposition des radiodiffuseurs nous le confirment : le public canadien aime les artistes canadiens. Voilà toute la force du système de radiodiffusion canadien. Les radiodiffuseurs ont été les premiers à comprendre la nécessité de donner aux artistes débutants l'occasion d'assurer la relève de son industrie en faisant la promotion de spectacles, festivals, CD, en attribuant des billets en ondes, en créant des concerts intimes exclusifs du genre unplugged et combien de milliers d'autres initiatives pour donner à la relève les outils nécessaires pour croître, produire, vendre et produire de nouveau41.

Ces succès ne doivent pas être interprétés comme étant le signe que tout va bien dans le monde de la radio canadienne. Au contraire, comme M. Mark Maheu l'a dit :

... certains genres musicaux de première importance comme la musique contemporaine pour adultes et le rock classique, le choix est encore trop limité et les grandes vedettes sont encore trop peu nombreuses pour permettre la diffusion continue sans trop de répétition d'œuvres canadiennes à la radio, où le seuil du contenu canadien est de 35 % pour la plupart des genres musicaux populaires.

Certains genres musicaux posent des problèmes de contenu lorsque les principales vedettes qui enregistrent des disques interrompent leur carrière. En outre, lorsqu'elles reprennent trop vite le chemin des studios, il leur arrive de devenir trop rapidement victimes d'épuisement professionnel, comme on l'a vu récemment dans le cas d'artistes comme Amanda Marshall et les Tragically Hip42.

Partageant cet avis, M. Claude Gagné a ajouté :

Quelle fierté pour nous tous de voir toute cette panoplie d'artistes occuper une place aussi importante en France : Garou, Lynda Lemay, Isabelle Boulay, Natasha St-Pier et, avant eux, Céline Dion et Roch Voisine. C'est grâce au star-système québécois et aux radiodiffuseurs privés que ces artistes sont passés de gens méconnus à des superstars en si peu de temps.

Mais le système est fragile, et sa dynamique a aussi ses risques, des risques de surexposition et de surdépendance. [...] Les exigences relatives au contenu francophone et canadien ne tiennent malheureusement pas compte des baisses de production ou des vagues musicales créatives moins généralistes. Lorsqu'une station comble le 65 % du contenu francophone de matériel essentiellement québécois, son contenu canadien peut atteindre 50 %, exacerbant davantage la problématique de la surexposition. Le public adulte aime des airs familiers et connus, alors que le public plus jeune aime la nouveauté. La répétition excessive de l'un et l'absence de l'autre peuvent causer une baisse d'écoute, quand ce n'est pas carrément l'abandon qu'ils provoquent. Cela n'est dans l'intérêt de personne43.

Avec ses préoccupations en tête, certains témoins ont avancé qu'il est maintenant temps de revoir le cadre réglementaire imposé à la radio canadienne. Par exemple, selon M. Mark Maheu :

Ce que je veux faire valoir, c'est qu'il nous faut des formules nouvelles pour pouvoir continuer à bâtir une industrie musicale robuste au Canada, une industrie capable d'attirer les auditeurs et les consommateurs canadiens. L'essentiel de ce que nous avons déjà fait au niveau de la réglementation, du marketing et de la promotion nous a réussi, mais nous pourrions faire davantage pour favoriser un épanouissement meilleur encore de la radio et de la musique au Canada44.

Et M. Claude Gagné de poursuivre :

C'est pour cela que la période est si propice à la révision de ce qui a bien fonctionné pour les artistes canadiens et de ce qui pourrait mieux fonctionner, et qu'elle est propice aussi à l'étude d'initiatives qui peuvent inspirer et inciter les radiodiffuseurs à faire davantage ou différemment. Enfin, assurer que radiodiffuseurs et artistes prospèrent et évoluent ensemble ne peut se faire au détriment de l'un pour le bénéfice de l'autre45.

De son côté, M. J.J. Johnston, directeur général et vice-président de la programmation, Corus Entertainment inc., a suggéré deux solutions : « Il faut commencer par donner davantage de temps d'antenne aux nouveaux artistes et commencer à considérer des œuvres musicales jouées par des artistes canadiens comme du contenu canadien »46. Pour ce faire, il a proposé que le système MAPL soit revu pour encourager les stations de radio à consacrer plus de temps d'antenne aux nouveaux artistes canadiens. Il s'est expliqué :

... dans sa version actuelle, il faut deux points pour pouvoir compter comme œuvre canadienne. Cela a donné pour résultat que très souvent, un contenu joué par des Canadiens n'est pas compté parmi les sélections canadiennes. Par exemple, il est arrivé que certains enregistrements d'artistes canadiens comme Céline Dion, Neil Young et Ronnie Hawkins ne soient pas considérés comme du contenu canadien.

Par contre, certains enregistrements réalisés par des artistes non canadiens comme Rod Stewart et Aerosmith ont été considérés comme contenu canadien. Pour élargir la gamme des enregistrements canadiens disponibles dans plusieurs genres musicaux diffusés à la radio, nous devons faire passer de un à deux points le nombre de points accordés aux artistes, ce qui permettrait donc aux enregistrements effectués par des artistes canadiens de compter comme contenu canadien, une méthode qui a fait ses preuves pour le cinéma dans le cas des longs métrages, et qui est également utilisée actuellement par le BCPAC47.

Tenant compte de ces points, M. Glenn O'Farrell, s'adressant au nom de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, a formulé la recommandation suivante :

... nous recommandons à la ministre du Patrimoine canadien de demander au CRTC d'encourager, par la voie de la réglementation, la production de musique canadienne et le développement de vedettes, de deux façons. La première, comme nous l'avons déjà dit, serait d'attribuer des primes lors de la diffusion à la radio de nouveaux artistes canadiens tant dans le cas de la musique vocale de langue française que de langue anglaise. Chaque nouvelle pièce jouée par une station radio, durant les 12 premiers mois de sa parution, compterait pour 1,5 sélection lors du calcul du 35 % du contenu canadien. Il faudrait également moderniser les règles de définition du contenu canadien pour permettre d'accorder deux points lorsque l'interprète d'une chanson est canadien48.

Solutions proposées

De façon générale, le Comité reconnaît les réalisations de l'industrie canadienne de la radio. Cela dit, le Comité est très inquiet de la santé à long terme de ce secteur. Par conséquent :

RECOMMANDATION 8.1 :

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien crée un comité composé d'intervenants de l'industrie de la radio pour étudier et déterminer le degré de succès du programme MAPL. Cette étude devrait comporter un examen des définitions du contenu canadien et de la façon dont le programme peut favoriser le développement des nouveaux artistes.

Le Comité est aussi troublé par l'absence de données utiles sur la radio au Canada. Il juge inacceptable que le CRTC ne recueille pas de données plus complètes sur l'industrie de la radio et qu'il ait permis sur l'initiative de développement des talents canadiens de fonctionner sans mécanisme de rapport officiel depuis 1996. Par conséquent :

RECOMMANDATION 8.2 :

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien, en collaboration avec le CRTC et les intervenants de l'industrie de la radio, élabore une stratégie pour surveiller dans quelle mesure les objectifs de la politique publique relative à la radio canadienne sont atteints et en faire rapport tous les ans.

Le Comité estime qu'un tel rapport devrait renfermer des données sur le temps d'antenne accordé à la musique et aux émissions de radio canadiennes (p. ex., les nouvelles locales, les émissions autres que les nouvelles, les émissions d'affaires publiques, communautaires) et des renseignements complets sur la façon dont l'argent est investi pour aider au développement des talents canadiens. L'étude devrait aussi comprendre un rapport annuel sur le programme MAPL ou son successeur.

D. Télévision

Tel qu'il est mentionné au chapitre 2, la télédiffusion au Canada a officiellement commencé en 1952 avec le lancement des stations de la CBC à Montréal et à Toronto. Au départ, chaque marché canadien ne comptait qu'une station, publique ou privée, qui devait diffuser la programmation nationale fournie par la SRC. Toutefois, il est devenu apparent que les Canadiens voulaient davantage de stations et d'émissions.

Au cours des 10 années qui ont suivi son avènement, la télévision a connu une croissance phénoménale au Canada. En 1961, il existait 68 stations de télévision, dont 9 appartenaient à la SRC et 59 à des entreprises privées. Il y avait aussi 55 stations réémettrices, dont 8 appartenaient à la SRC et 47 à des entreprises privées.

Au début des années 1960, les réseaux privés un peu partout au Canada possédaient des licences : le réseau de langue anglaise Canadian Television Network (CTV) en 1961; les Télé-Diffuseurs Associés (TVA) du Québec en 1971; Global de l'Ontario en 1974.

Aujourd'hui, on compte cinq réseaux nationaux, dont trois de langue anglaise (CBC, CTV et CanWest Global Communications ) et deux de langue française (SRC et TVA). Il existe aussi plusieurs réseaux régionaux dirigés par CHUM, TQS et Craig Broadcasting Group.

Services

La figure 8.13 montre la portée des services canadiens de télévision en 2002.

Selon les données obtenues, près de 500 services de télévision sont offerts en anglais, plus de 100 en français et 27 dans une troisième langue. Quelque 250 chaînes communautaires complètent le tableau. La figure montre aussi que les Canadiens ont accès à plus de 90 stations de télévision étrangères.

 

La petite histoire de CHUM

Lorsque Citytv est entrée en ondes pour la première fois en 1972, elle ne ressemblait à aucune autre station de télévision. Dotée d'un transmetteur UHF de faible puissance et d'équipement léger, elle a été la première station à reconnaître les réalités de l'ère de la câblodistribution et à adopter la culture urbaine et son style particulier.

Lors de son ouverture à Toronto en 1987, l'édifice CHUMCity a révolutionné le modèle de la télévision. Hébergeant Citytv et les chaînes spécialisées de CHUM, l'édifice ne renferme aucun studio de télévision traditionnel. Chaque espace de l'édifice est un studio potentiel. Les caméras et les microphones sont portables et comptent sur un réseau de 35 prises pour transmettre leurs signaux aux salles de contrôle qui forment Citytv, MuchMusic, MuchMoreMusic, Space et les autres chaînes qui diffusent à partir de l'édifice.

Les animateurs travaillent sans script et se déplacent librement d'un endroit à l'autre. Les caméramans les suivent, fournissant ainsi des séquences vidéo sans aucun montage. Des musiciens célèbres jouent en direct dans le studio fenêtré qui donne sur la rue, leurs fans se trouvant seulement à quelques pieds d'eux, tandis que d'autres regardent à travers la grande vitrine de l'édifice. À l'extérieur de l'immeuble, des vidéographes interviewent leurs invités, la caméra perchée sur l'épaule, les regardant à travers l'objectif. Selon Moses Znaimer, fondateur de CHUM, l'édifice fait partie du décor.

Le succès de la formule de « la télévision en direct, locale et interactive » créée par Citytv est confirmé par son adoption partout dans le monde. C'est la formule des huit stations de CHUM au Canada mais aussi celle de Citytv Bogota, Citytv Barcelona, MuchMusic Argentina, MuchUSA et de Jyrki, « la station au sein d'une station », qui fait partie de MTV3 de la Finlande.

Ne se reposant pas sur ses lauriers, CHUM est récemment devenu le premier groupe de télévision au Canada à offrir régulièrement des émissions de télévision interactives. Citytv est aussi devenue la première station à obtenir une licence de télévision numérique au pays. CHUM continue d'explorer de nouveaux horizons.

Figure 8.13 - Nombre total de services de télévision offerts selon la langue et le type, 2002

Recettes et profits

Les radiodiffuseurs privés tirent la majorité de leurs recettes de la publicité et des abonnements. La figure 8.14 montre les recettes de la publicité et des abonnements du système de télévision canadien (télévision traditionnelle, services spécialisés, télévision payante et VSD) de 1990 à 200150. La figure révèle l'importance accrue des recettes provenant des abonnements pour le système de radiodiffusion d'aujourd'hui. Elle montre que les recettes d'abonnements ont dépassé celles tirées de la publicité en 1990 et que l'écart s'est agrandi depuis.

Il est utile de souligner qu'une portion des recettes de publicité découle de la substitution de signaux identiques (voir l'encadré ci-dessous), une pratique par laquelle les messages publicitaires américains sont remplacés par des messages publicitaires canadiens pendant la diffusion simultanée d'un signal ou d'une émission d'un réseau américain pour lequel un radiodiffuseur canadien a payé des droits. Bien qu'on ne s'entende pas sur la valeur exacte de la substitution de signaux identiques, l'Association canadienne des radiodiffuseurs a suggéré, dans un mémoire soumis au CRTC en 1998, que cette politique représente 150 millions de dollars par année en recettes publicitaires51.

   

Figure 8.14 - Révenus de publicité et d'abonnement pour le télévision et la distribution de services de radiodiffusion au Canada, 1990-2002

Substitution de signaux identiques

La substitution de signaux identiques, présente au Canada depuis 1976, est un exemple de l'utilisation de la technologie en vue de protéger la stabilité financière de la radiodiffusion canadienne. Les radiodiffuseurs canadiens achètent souvent les droits canadiens pour des programmes de télévision américains et diffusent ces programmes en même temps qu'ils sont diffusés sur les réseaux des États-Unis. En vertu des règlements concernant la substitution de signaux identiques, un réseau peut demander que les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) remplacent la publicité sur un réseau américain par la publicité du réseau canadien pour ce programme. Par exemple, le programme Law & Order peut être diffusé le mardi à 21 h aux réseaux CTV et NBC, alors que les téléspectateurs canadiens voient les annonces de CTV aux deux postes.

Les programmes des États-Unis ne font pas tous l'objet de substitution de signaux identiques. On demande la substitution seulement si un télédiffuseur canadien diffuse le même programme à la même heure. Les règlements ne s'appliquent toutefois pas aux plus petits réseaux EDR. Toutefois, la substitution de signaux identiques couvre la plupart des programmes des É.-U diffusés sur les principaux marchés au Canada.

   

Figure 8.15 - Substitution simultanée : comment utiliser la technologie afin de protéger la valeur de la radiodiffusion canadienne anglaise

La figure 8.16 présente les recettes des services de télévision privés traditionnels et celles des services payants et spécialisés pour la période de 1996 à 2001. De façon générale, les recettes de la télédiffusion canadienne ont augmenté de plus de 1 milliard de dollars, passant de 2,3 à 3,4 milliards de dollars entre 1996 et 2001. La figure montre également une croissance de tous les secteurs.

   

Figure 8.16 - Revenus des services privés conventionnels, payants et spécialisés de la télévision de langue française et anglaise, 1996-2001

Les figures 8.17 et 8.18 montrent les BAII et les BAI des stations commerciales de télévision et des services de télévision payante et spécialisée de 1991 à 2002. Dans l'ensemble, la rentabilité des services de télévision payante et spécialisée a augmenté au cours de la période. Les figures indiquent que les bénéfices avant impôts dans le domaine de la télévision fluctuaient grandement pendant cette période. Par exemple, les services de télévision conventionnelle ont enregistré des pertes de près de 70 millions de dollars en 1991 et des bénéfices de 182,7 millions de dollars en 1999. Pour leur part, les services de télévision payante et spécialisée sont passé de 37,3 millions de dollars en 1996 à 194,9 millions de dollars en 2001.

Dépenses admissibles au titre des émissions canadiennes et étrangères

   

Figure 8.17 - Bénéfices totaux (pertes) de la télévision privée canadeinne, 1991-2002

Figure 8.18 - Bénéfices totaux des services de télévision payants et spécialisés, 1991-2002

Avant le 1er septembre 2000, les radiodiffuseurs privés du Canada devaient consacrer aux émissions canadiennes un certain montant annuel établi en fonction de leurs recettes globales. Le CRTC a laissé tomber cette exigence le 11 juin 1999 lorsqu'il a publié sa nouvelle politique en matière de télévision. Il a justifié cette mesure comme suit :

Le système canadien de radiodiffusion évolue dans un environnement de plus en plus compétitif. Dans ce contexte, les titulaires ont besoin de la souplesse requise pour attirer le plus vaste auditoire possible et continuer à accroître leurs recettes publicitaires. Le Conseil croit que, dans ces conditions, les titulaires exigeront des émissions de haute qualité pour fidéliser les auditoires.

Le Conseil se préoccupe du fait que les présentes exigences en matière de dépenses sont fort complexes et n'offrent pas toujours aux titulaires la latitude requise pour adapter leurs stratégies de programmation à la compétition du marché. De plus, l'inquiétude concernant l'équité de l'application des exigences relatives aux dépenses a commencé à en contrebalancer les bénéfices52.

La figure 8.19 montre les dépenses globales en matière d'émissions canadiennes pour la période de 1997 à 2001. Regroupés, les radiodiffuseurs privés traditionnels de langue anglaise du Canada ont dépensé en moyenne, au cours de la période, 400 millions de dollars par année pour produire du contenu canadien. Pour leur part, les services de télévision payante et spécialisée de langues anglaise et française ont dépensé en tout plus de 500 millions de dollars en 2002, soit le double de ce qu'ils ont dépensé en 1997.

La figure 8.19 montre également que les dépenses totales au titre des émissions canadiennes n'ont pas été réduites de 1997 à 2001. Au contraire : elles ont progressé d'environ 450 millions de dollars, passant de un milliard de dollars en 1997 à plus de 1,5 milliard de dollars en 2001. Cependant, comme on le verra, on constate des variations substantielles entre les diverses catégories de radiodiffuseurs. Par exemple, les dépenses des services de télévision payante et spécialisée de langue anglaise ont plus de doublé entre 1997 et 2001. À la même époque, les services de télévision conventionnelle (de langues française et anglaise) ont connu des hausses modérées seulement.

   

Figure 8.19 - Total des dépenses admissibles au titre de programmation canadienne pour touts les radiodiffuseurs canadiens, 1997-2001

Cette croissance est particulièrement frappante lorsqu'on songe que le marché international de production d'émissions s'est replié après la débâcle de Vivendi Universal, de KirchMedia en Allemagne et de Checchi Gori en Italie. Par ailleurs, l'Association canadienne de production de film et télévision note qu'aux États-Unis, « le regroupement des réseaux et des grands studios a mené à une augmentation de la production interne, qui a fait s'affaisser le marché pour les créateurs indépendants de ce pays et d'ailleurs »53.

La figure 8.20 ci-après donne des précisions sur les sommes que les radiodiffuseurs traditionnels du Canada consacrent aux émissions canadiennes s'adressant aux auditoires de langue anglaise. Les réseaux privés dépensent toujours environ 225 millions de dollars par année pour les émissions de nouvelles et environ 25 à 35 millions de dollars pour les émissions de sport. En ce qui concerne les dramatiques et les émissions d'humour, les dépenses des radiodiffuseurs privés traditionnels se situaient dans l'ensemble dans la fourchette de 47 à 80 millions de dollars.

   

Figure 8.20 - total des dépenses admissibles des réseaux conventionnels canadiens de langue anglaise pour les émissions canadiennes de nouvelles, de sprots et dramatiques / d'humour, 1997-2001

Plusieurs circonstances nationales et internationales récentes qui ont eu un impact sur le cycle de production et de développement des émissions de télévision canadiennes expliquent en partie ces fluctuations. Comme le Fond canadien de télévision l'a fait remarquer dans son rapport d'activités de 2001-2002 :

Plusieurs facteurs expliquent cette situation, notamment la diminution des ventes internationales, la décision des télédiffuseurs de programmer d'autres types d'émissions, de même que certains grands événements comme les Jeux olympiques d'hiver, qui ont accaparé une part importante des heures de grande écoute54.

Par ailleurs, comme l'Association canadienne de production de film et télévision l'indique dans son rapport de 2003 sur l'état de l'industrie de la production, des hausses substantielles des dépenses peuvent en réalité surestimer la production réelle d'émissions distinctement canadiennes dans le domaine des dramatiques et des comédies. Comme elle l'écrit dans son rapport :

Un examen des données des années antérieures porte en effet à croire que les productions obtenant huit points ou plus à l'échelle du contenu canadien du BCPAC [c'est-à-dire les productions typiquement canadiennes] peuvent être approuvées plus rapidement que celles qui réunissent moins de points. Les productions obtenant huit points ou plus à l'échelle du contenu canadien du BCPAC peuvent miser davantage sur les crédits d'impôt et, par conséquent, faire l'objet d'une demande d'approbation plus tôt que les autres productions et, en conséquence, être approuvées plus tôt55.

Pour ces raisons et d'autres, les dépenses dans certaines catégories d'émissions varient inévitablement d'une année à l'autre.

   

Figure 8.21 - Dépenses des radiodiffuseurs privés canadiens en matière d'émissions canadiennes selon le genre, 1993-2002

Les radiodiffuseurs privés du Canada consacrent également une partie de leur budget à l'achat d'émissions étrangères. Les figures 8.21 à 8.24 illustrent l'écart entre les dépenses en matière d'émissions canadiennes et d'émissions étrangères de 1993 à 2002. La figure 8.24 montre que les dépenses des radiodiffuseurs privés du Canada consacrées aux émissions ont progressé de plus de 300 millions de dollars de 1993 à 2002, l'augmentation la plus remarquable touchant les dramatiques étrangères, qui ont obtenu 150 millions de dollars de plus (voir la figure 8.22).

   

Figure 8.22 - Dépenses des radiodiffuseurs privés canadiens en matière d'émissions étrangères selon le genre, 1993-2002

On constate également que les dépenses pour les émissions canadiennes en général ont augmenté de plus de 83 millions de dollars de 1993 à 2002. Deux domaines ont réussi à tirer leur épingle du jeu : les nouvelles canadiennes et les dramatiques canadiennes (voir la figure 8.21).

Au même moment, on note un déclin graduel des dépenses des radiodiffuseurs privés dans le domaine des sports canadiens.

   

Figure 8.23 - Dépenses des radiodiffuseurs privés canadiens en matière d'émissions selon le genre, 1993-2002

Ces tendances démontrent également que le poids relatif des dépenses d'émissions a basculé en faveur des émissions étrangères de 1993 à 2002. Cette situation est due en partie à la hausse du coût des émissions américaines et au déclin graduel du dollar canadien face à la devise américaine de 1993 à 2002. Il est extrêmement difficile de déterminer si ce changement des habitudes de dépenses est attribuable à la nouvelle politique sur la télévision du CRTC (dont il est question au chapitre 5), sans procéder à une analyse poussée des dépenses d'émissions canadiennes.

   

Figure 8.24 - Total des dépenses des radiodiffuseurs canadiens privés en matière de programmation télévisuelle, 1993-2002

Ce que les témoins ont dit

Lors de son témoignage devant le Comité, la ministre du Patrimoine canadien a déclaré ce qui suit au sujet du rôle des radiodiffuseurs privés dans le système canadien :

Bien sûr, la notion d'un secteur privé non rentable est une antinomie. Une partie du défi que nous devrons relever consistera à aborder le système dans son ensemble [...] Si l'on examine le système d'autrefois, dans une certaine mesure, lorsque l'appareil de réglementation créait des possibilités pour certaines stations de télévision grâce à la licence accordée, leurs exploitants parvenaient essentiellement à satisfaire leurs besoins en contenu en vendant de la publicité, et c'était à l'époque qui a précédé la radiodiffusion directe56.

La citation qui précède résume bien le défi principal des radiodiffuseurs canadiens : ils doivent demeurer rentables dans un monde en perpétuelle évolution, tout en répondant aux attentes politiques et réglementaires de notre système. Les témoins ont abordé plusieurs défis associés à cet enjeu, dont bon nombre sont soulevés dans d'autres chapitres.

Le chapitre 5 aborde les écueils économiques de la production ou de l'achat de séries dramatiques canadiennes.

Le chapitre 9 porte sur le besoin d'un nouveau modèle pour diffuser les émissions locales et régionales auprès de l'auditoire.

Le chapitre 11 explique les perspectives des témoins sur la propriété verticale, horizontale, croisée et étrangère.

Le chapitre 12 explique pourquoi il faut un plan cohérent pour orienter le système de radiodiffusion canadien pendant sa transition de l'analogique au numérique.

Le chapitre 16 explore les raisons qui ont poussé les Canadiens à abandonner le système de télévision canadien au profit des services par satellite des marchés gris et noir.

Deux autres points soulevés par les radiodiffuseurs privés canadiens : la santé économique à long terme du secteur privé et le fardeau financier que représentent les droits exigés par le CRTC en vertu des droits sur les licences (partie II). On aborde ces questions ci-dessous.

La santé économique du secteur privé

Lorsque l'Association canadienne des radiodiffuseurs a comparu devant le Comité, M. Glenn O'Farrell a tout d'abord déclaré :

À une époque, une licence de radiodiffusion dans un marché donné de notre pays constituait un bien très précieux puisqu'elle assurait l'accès à un marché réglementé. Le monde ayant changé, la valeur de ces licences n'est plus ce qu'elle était il y a quelques décennies à peine. La fragmentation des marchés est plus grande dans le monde actuel en raison du nombre très élevé des services étrangers et nationaux qui sont offerts sur le marché. Notre régime de réglementation vieux de 40 ans n'est pas adapté aux nouvelles technologies qui existent dans le monde actuel. La concentration est également très grande parmi les clients de l'industrie de la publicité. La radiodiffusion connaît d'énormes changements structurels. Les gens d'affaires et les responsables de l'élaboration des politiques doivent collaborer au succès futur de l'industrie de la radiodiffusion57.

C'est pourquoi, selon M. O'Farrell, il est essentiel que l'on reconnaisse le secteur privé comme étant un élément complémentaire plutôt que concurrentiel du secteur public, surtout de la SRC. Il a expliqué :

À notre avis, les secteurs publics et privés doivent être complémentaires et non pas se faire concurrence. C'est déjà le cas dans le domaine de la radio. La radio de Radio-Canada vient compléter la radio privée. Que vous viviez à Halifax, à Edmonton ou à Chicoutimi, lorsque vous syntoniser la radio de Radio-Canada, vous savez ce que vous écoutez. La radio de Radio-Canada a une voix qui se distingue clairement des autres et nous félicitons ceux qui sont responsables de ce succès58.

Plusieurs témoins ont soulevé un autre point important. La viabilité du secteur privé, surtout au Canada anglais, dépend de la mise sur pied d'un star-système, comme celui qui s'est formé au Québec depuis 20 ans. M. Philippe Lapointe, vice-président du Groupe TVA inc., a illustré ce fait en racontant la situation qui prévaut actuellement au Canada français :

Quand on examine le palmarès des 30 émissions les plus regardées à la télévision au Canada français, on voit que 28 d'entre elles sont conçues, fabriquées et produites par les gens d'ici, pour les gens d'ici. C'est un succès considérable qu'on tient un peu pour acquis. Les gens ont l'impression que c'est quelque chose qui va de soi.

Or, quand on jette un coup d'œil sur le passé [...] on se souvient qu'en 1980-1985, c'était surtout des émissions américaines que regardaient les Canadiens francophones : Mannix, Hawaii Five-O, Dallas, Dynasty. [...] L'émission la plus regardée en 1980-1985 était La Petite Maison dans la prairie, version française de Little House on the Prairie, qu'on se rappelle tous. Aujourd'hui, ces émissions américaines ne sont à peu près plus vues sur les réseaux francophones du Canada. Les gens regardent maintenant des émissions faites ici59.

Il a donné deux raisons pour expliquer ce succès phénoménal :

Il y a d'abord eu la volonté de faire des émissions qui ont du succès, qui sont populaires, qui rejoignent les gens. Il y a une façon de faire de la télévision proche des gens, une télévision qui raconte des choses et des histoires qui touchent les gens d'ici de très près. [...] Il y a aussi d'importantes raisons structurelles. Au palmarès de cette année, sur les 10 premières émissions, il y en avait huit qui n'auraient pas été possibles sans la participation du Fonds canadien de télévision. Le système de financement de la télévision canadienne en est la pierre d'assise. Huit des dix premières émissions ont été financées avec l'aide du Fonds canadien de télévision par ses deux programmes, soit le PDD et le PPC en français, ou l'EIP et le LFP en anglais. C'est donc un élément essentiel du succès obtenu60.

M. Lapointe a poursuivi en avertissant le Comité que le succès de la télévision de langue française est fragile. Les recettes publicitaires sont à la baisse dans un marché sans cesse plus fragmenté. De plus, les radiodiffuseurs canadiens dépendent lourdement du financement offert par les fonds de production comme le Fond canadien de télévision.

Quant à la télévision de langue anglaise, plusieurs témoins ont débattu du fardeau des radiodiffuseurs du Canada anglais. Pour mettre les choses en perspective, Mme Loren Mawhinney, vice-présidente, Global Television Network, a fait les observations suivantes au sujet du marché anglophone :

En cinq ans, cinq nouvelles chaînes conventionnelles ont vu le jour et le nombre de chaînes thématiques est passé de 20 à 60. Des dizaines de nouveaux réseaux numériques ont été lancés à l'automne et leur effet commence à peine à se faire sentir. Par contre, les Canadiens ne regardent pas davantage la télévision, si bien que l'auditoire est en train de se fragmenter. Il en va de même pour le budget de publicité. Nous avons de moins en moins les moyens de financer les émissions coûteuses puisque l'auditoire baisse61.

Poursuivant sur le même sujet, M. Alain Gourd, vice-président exécutif, Corporatif, Bell Globemedia inc., a remarqué que le modèle de recettes du système de télévision :

... qui se fondait à l'époque sur la publicité, se transforme maintenant en un modèle axé sur les abonnements. À l'heure actuelle, plus de la moitié des recettes globales du système canadien de télédiffusion dépend des abonnements, et la publicité ne représente plus qu'un tiers des recettes globales. Cette situation est exacerbée davantage par la fragmentation; c'est-à-dire qu'un plus grand nombre de canaux canadiens se disputent une seule source de publicité consolidée62.

C'est pourquoi il a prédit :

Si la tendance se poursuit, si nous ne permettons pas à la télévision générale conventionnelle d'avoir accès aux recettes des abonnements, nous mettrons en péril l'avenir de tout le modèle économique pour la télévision générale de langues française et anglaise, qui est un des principaux moyens de notre expression culturelle63.

Tenant compte de ces facteurs, M. Gourd a formulé une recommandation :

... étant donné le marché disparaissant de la publicité et la diminution du taux absolu de financement par le gouvernement, il nous faut revoir [...] le moyen de financer la production de la programmation canadienne et [...] l'examen pourrait se concentrer sur une évaluation globale de toutes les sources de financements gouvernementaux — Téléfilm, Fonds canadien, crédits d'impôt — pour développer une approche globale, un tout-en-un hybride64.

Approfondissant l'explication, M. Glenn O'Farrell a demandé :

... au Comité d'inviter la ministre du Patrimoine canadien et le ministre des Finances à créer un groupe de travail mixte sur l'avenir du financement des émissions de télévision au Canada. Nous estimons que cela est indispensable et nous vous demandons de faire cette recommandation pour que nous puissions trouver une stratégie de financement à long terme pour les émissions canadiennes65.

En outre :

Le ministère des Finances devrait simplifier et alléger le système de crédit d'impôt et l'harmoniser avec les régimes provinciaux. Il faudrait également examiner le problème de la baisse des budgets de publicité en vue de trouver une source de recettes pour la télévision classique66.

Droits de licence de la partie II

Les radiodiffuseurs (et distributeurs) ont demandé à plusieurs reprises que leurs droits de licence soient réduits67. L'extrait ci-dessous du budget des dépenses du CRTC, partie III, Rapport sur les plans et les priorités, explique pourquoi les droits de licence de diffusion existent :

Le CRTC perçoit des droits en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications et les règlements y afférents, à savoir le Règlement sur les droits de licence de radiodiffusion, 1997 et le Règlement sur les droits de télécommunication, 1995. ...

Les droits de la partie I sont fonction des coûts de réglementation de la radiodiffusion que le CRTC et les autres ministères ou organismes engagent chaque année, à l'exclusion des coûts de gestion du spectre, et ils sont égaux à la somme de ce qui suit : les coûts de l'activité Radiodiffusion du CRTC; la part des coûts des activités administratives du Conseil attribuable à l'activité Radiodiffusion; les autres coûts pris en compte pour en arriver au coût net du programme du CRTC attribuable à des activités de radiodiffusion, à l'exclusion des coûts de réglementation du spectre de la radiodiffusion.

Le coût estimatif total de réglementation de la radiodiffusion pour la Commission est établi dans le plan des dépenses de la Commission publié dans la partie III du budget des dépenses du gouvernement du Canada
(c.-à-d. partie III, Rapport sur les plans et les priorités). Un montant annuel est consacré aux droits dans la partie I afin d'ajuster les coûts estimatifs aux dépenses réelles. Tout montant excédentaire ou tout manque à gagner pour les droits est crédité ou imputé au détenteur de la licence dans la facturation de l'année subséquente.

Les droits de la partie II se calculent à 1,365 % du revenu brut du titulaire de la licence, tiré des activités de radiodiffusion excédant une limite d'exemption applicable. Le CRTC perçoit les droits de la partie II pour le compte du gouvernement, et toutes les recettes ainsi perçues sont déposées dans le Trésor du gouvernement du Canada. Conformément aux objectifs de politique énoncés dans la Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification (1997) du gouvernement et tel qu'expliqué à la table ronde des consultations de 1999 avec les payeurs de droits de radiodiffusion, la raison d'imposer ce droit comporte trois volets :

Obtenir, pour le public canadien, un rendement équitable pour l'accès à ou l'exploitation d'une ressource publique ou sous contrôle public (c.-à-d., les diffuseurs utilisent le spectre de radiodiffusion); recouvrer les coûts d'Industrie Canada associés à la gestion du spectre de radiodiffusion; et représenter le privilège de détenir une licence de radiodiffusion pour en tirer un bénéfice commercial.

Les figures 8.25 et 8.26 illustrent la tendance des droits de licence pour les radiodiffuseurs et les entreprises de télécommunications pour la période de 1983-1984 à 2001-200268. Comme on peut le voir, le secteur privé de la radiodiffusion a versé 82,1 millions de dollars en droits de licence de la partie II en 2000-2001, ce qui, à lui seul, représente plus du double des dépenses de fonctionnement du CRTC. Par contre, le secteur canadien des télécommunications a payé seulement 18,7 millions de dollars en droits de licence en 2000-01.

   

Figure 8.25 - Évolution des droits de licences du CRTC payés par le secteur privé de la radiodiffusion et celui des télécommunications, 1983-2001

Figure 8.26 - Droits de licences de la Partie I et de la Partie II payés au CRTC par les radiodiffuseurs et les distributeurs du Canada, 1997-2002

À la lumière de ces données, on peut comprendre pourquoi les radiodiffuseurs privés demandent au gouvernement d'abaisser les droits de licence de la partie II ou de les éliminer complètement. Comme l'a expliqué M. Glenn O'Farrell :

... des politiques publiques qui compromettent le succès au lieu de le favoriser. On peut donner en exemple la façon dont le CRTC perçoit les frais imposés aux radiodiffuseurs. La commission réglemente tant les radiodiffuseurs que les entreprises de télécommunications. Les frais de licence pour les entreprises de télécommunications sont évalués en fonction de la formule du recouvrement des coûts tandis que les frais de licence des radiodiffuseurs dépassent chaque année de près de 90 millions de dollars les dépenses engagées par le CRTC. À notre avis, il s'agit d'une taxe préjudiciable qui nous empêche d'investir autant que nous le souhaiterions dans le développement du contenu canadien69.

Durant les audiences du Comité, l'ACR a également fait valoir que la réduction ou l'élimination des droits de la partie II libérerait des sommes d'argent qui pourraient être dépensées pour le contenu canadien. Et lorsqu'un membre du Comité a demandé si l'ACR appuierait une recommandation pour que le gouvernement affecte l'argent au FCT ou à Téléfilm, l'ARC a fait valoir que :

... les droits de licence ne sont pas un article de recettes, mais bien une dépense. Cela a donc des conséquences directes pour le budget de tous les radiodiffuseurs qui n'auraient plus à subir cette dépense. Ces ressources pourraient être utilisées ailleurs.

Certains radiodiffuseurs décideraient peut-être d'investir dans la programmation locale. D'autres investiraient dans la programmation régionale. D'autres encore investiraient dans la programmation prioritaire.

Le problème, c'est que le fonds fixe certaines limites pour l'utilisation d'argent pour divers types d'émissions et, deuxièmement, que ce sont les producteurs qui ont accès au FCT et non les radiodiffuseurs70.

En somme, les radiodiffuseurs considèrent que les paiements pour les droits sont excessifs et avancent plusieurs arguments. Le premier est que les droits dépassent de beaucoup les frais d'exploitation du CRTC. En second lieu, ces droits sont une taxe double. En troisième lieu, les diffuseurs privés doivent assumer d'autres fardeaux financiers (p. ex., les avantages sociaux en fonction des changements de propriété et le coût élevé de l'achat ou de la production d'émissions canadiennes).

Solutions proposées

Dans l'ensemble, le Comité a apprécié les témoignages des radiodiffuseurs privés et leur engagement à l'égard du système de radiodiffusion canadien. En particulier, le Comité tient à souligner le succès du marché de langue française au Canada et il convient que les initiatives mises de l'avant pour créer un star-système ont obtenu un succès phénoménal. Cela dit, il reconnaît que ce succès repose sur un équilibre fragile et qu'on aura besoin de politiques et de programmes novateurs pour assurer le succès continu des émissions de langue française au cours des prochaines années.

Quant au marché canadien de langue anglaise, le Comité est préoccupé par son état actuel. En particulier, il s'inquiète que le modèle courant d'émissions — qui dépend lourdement du financement croisé des émissions canadiennes grâce aux recettes générées par les émissions américaines — va tôt ou tard s'écrouler. Cependant, le Comité s'est réjoui d'entendre les représentants de l'ACR — pendant ses audiences et ses visites partout au pays — dire que les radiodiffuseurs reconnaissent que l'avenir de la télévision de langue anglaise au Canada repose sur la production d'émissions de grande qualité destinées au public canadien. En outre, le Comité a été heureux d'apprendre que le marché de langue anglaise tente de reproduire le star-système établi dans le Canada français pour aider à accroître le nombre de téléspectateurs et à les rendre fidèles aux émissions canadiennes de langue anglaise.

Compte tenu de tous ces enjeux, le Comité est d'accord avec les radiodiffuseurs privés que plusieurs questions nécessitent une réaction immédiate. La plupart de ces questions sont traitées dans d'autres chapitres du présent rapport, mais deux d'entre elles méritent qu'on s'y attarde ici. Il s'agit des droits d'interconnexion pour les radiodiffuseurs traditionnels et des droits de licence de la partie II. La section qui suit aborde les droits d'interconnexion. Étant donné que les fournisseurs de services par câble et par satellite ont aussi demandé l'élimination des droits de licence de la partie II, ce point est traité dans la section après celle sur la distribution.

Droits d'interconnexion des radiodiffuseurs traditionnels

Durant les premières décennies de la télédiffusion au Canada et aux États-Unis, la publicité était la principale source de recettes des télédiffuseurs privés. La câblodistribution a modifié cela en présentant les abonnements comme nouvelle source de revenu. Les licences des chaînes payantes et spécialisées ont accru la pression sur le modèle de revenus publicitaires de la télévision traditionnelle, car les téléspectateurs ont détourné leur attention vers ces nouveaux services. Par conséquent, tel qu'expliqué dans une section précédente, pour la première fois en 1991, les revenus d'abonnement ont dépassé les revenus publicitaires.

Parallèlement à la pression exercée sur les revenus publicitaires par la fragmentation de l'auditoire, on note les innovations technologiques récentes qui ont diminué la valeur de la publicité sur les réseaux traditionnels. L'exemple le plus frappant est l'enregistreur vidéo personnel (PVR) qui permet au téléspectateur d'éviter les messages publicitaires ou de les éliminer complètement.

Étant donné ces changements, on peut comprendre que les radiodiffuseurs traditionnels cherchent de nouvelles sources de revenu. Certains ont acheté des chaînes spécialisées afin d'obtenir une partie des revenus d'abonnements. Malgré tout, les groupes d'aujourd'hui (p. ex. CTV et ses stations affiliées) n'ont pas repris la part d'écoute qu'ils avaient avant la fragmentation. Cela explique pourquoi les radiodiffuseurs traditionnels estiment qu'ils ont droit à une partie des droits d'abonnement recueillis pour les chaînes payantes, les chaînes spécialisées et le signal distant des radiodiffuseurs traditionnels.

Le Comité reconnaît que le marché de la radiodiffusion a évolué considérablement depuis ses débuts et qu'une licence conventionnelle n'a plus la même valeur. Malgré tout, sans une étude approfondie de l'incidence de tels frais sur les abonnés et le système de radiodiffusion dans son ensemble, le Comité estime qu'il n'est pas prêt à recommander des mesures immédiates à ce sujet.

Le Comité est conscient que de tels frais auraient une incidence sur les abonnés, mais plusieurs de ses membres ont noté qu'il s'agit simplement d'équité. Il est d'avis, cependant, que si ces frais sont imposés, les radiodiffuseurs traditionnels devraient être tenus de consacrer une partie de ces nouveaux revenus à la production d'émissions typiquement canadiennes et de grande qualité. Le Comité croit par ailleurs que ces frais, s'ils deviennent réalité, devraient s'appliquer également à la SRC. Ces frais seraient en effet une nouvelle source de revenus pour la SRC et, par conséquent, lui permettrait de produire ou d'acheter de nouvelles émissions canadiennes.

E. La distribution

Les entreprises de distribution de services de radiodiffusion (EDR) jouent un rôle clé au sein du système canadien de radiodiffusion; elles offrent des services à plus de 9,3 millions des 12,3 millions de foyers au Canada. Tel qu'il est mentionné dans le chapitre 3, le câble a été l'une des premières innovations technologiques dont se sont servis les distributeurs de services de radiodiffusion. La câblodistribution a permis d'augmenter le nombre de services de programmation offerts. Utilisée pour la première fois en 1952 à London (Ontario), elle a connu une expansion phénoménale entre 1965 et 1975. À la fin de cette période, 60 % des foyers canadiens y étaient abonnés et en 2001, ce pourcentage était de 71,9 %71.

En 1997, le CRTC a accordé une licence à Bell Express Vu et à Star Choice pour offrir des services de distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD). Ces services de programmation sont des « services multi-canaux qui font appel à des satellites de grande puissance pour diffuser des signaux numériques comprimés, captés au moyen de petites antennes paraboliques fixes de la taille d'une pizza »72. Les services par SRD sont les premières entreprises de distribution qui ont été autorisées à livrer concurrence aux câblodistributeurs.

L'émergence des signaux numériques a aussi une grande incidence sur le système canadien de radiodiffusion. Quatre types de distributeurs de radiodiffusion offrent des services de transmission numérique : les câblodistributeurs, les services par SRD, les compagnies de téléphone et les systèmes de distribution multipoint73 (Look TV, Image Wireless Communications et SkyCable)74. En 2002, on recensait 1 985 systèmes de câblodistribution, deux fournisseurs de services par satellite et 27 autres distributeurs de télévision au Canada.

Abonnés

L'arrivée des distributeurs de services par SRD en 1997 a mis fin au monopole de la câblodistribution au Canada. La figure 8.27 montre la rapidité avec laquelle les fournisseurs de services par SRD se sont taillé une place sur le marché. Entre 1998 et 2001, la part de marché des services par SRD est passée de 2,6 % à 16,2 %, tandis que celle de la câblodistribution a été ramenée de 97,2 % à 82,9 %.

 

Star Académie : l'émission surprise

Pendant neuf semaines consécutives, de la fin février à la fin avril 2003, l'émission Star Académie télédiffusée par le réseau TVA a confirmé de nouveau la force d'entraînement extraordinaire des émissions de télévision populaires auprès du public québécois. Le succès foudroyant de cette série, dont la cote d'écoute a dépassé 50 % de l'auditoire québécois, relève d'un phénomène inconnu ailleurs en Amérique du Nord, voire dans le monde entier.

La popularité de Star Académie rappelle certains épisodes de téléromans québécois comme Les Filles de Caleb, Blanche, Scoop, Lance et compte et La Petite Vie, qui ont obtenu des cotes d'écoute comparables. L'engouement du public québécois pour ses artistes-vedettes est bien connu. Toutefois, dans le cas de Star Académie, les 14 « académiciens-participants », c'est-à-dire les vedettes de l'émission, étaient inconnus du public québécois. Il est en outre intéressant, sinon surprenant, de noter que le gagnant du concours, choisi par le public québécois, est Wilfred LeBouthillier, natif et résident de Tracadie-Sheila, au Nouveau-Brunswick. Peut-être suivra-t-il les traces de Roch Voisine?

Star Académie n'est pas une formule de télévision inconnue, loin de là. De multiples formules semblables ont été adoptées par des réseaux américains et européens depuis plusieurs années. Cependant, si celle retenue par le réseau TVA n'est pas nouvelle, les résultats que le réseau a inscrits en termes de cote d'écoute chez son public cible le sont. Rien de comparable aux résultats obtenus au Québec n'a encore été réalisé aux États-Unis ou en Europe.

Un article de Hugo Dumas sur l'émission Star Académie, paru dans La Presse du 26 avril dernier, posait la question suivante au sujet du phénomène : « Qu'est-ce qui s'est passé? » Et M. Dumas de répondre que « la tornade Star Académie [...] a soufflé l'audimètre et balayé les ventes de disques ». L'article de M. Dumas fournit des chiffres qui en disent long sur le succès presque sans précédent de Star Académie. Environ 60 % de ses téléspectateurs étaient du sexe féminin; environ 20 % avait moins de 25 ans; le groupe de 35 à 54 ans représentait 36 % de l'auditoire et les 55 ans et plus, 30%. Selon un sondage d'Impact Recherche, un Montréalais sur deux a regardé Star Académie.

Les « académiciens-participants » ont enregistré un disque des chansons interprétées dans le cadre de l'émission; 500 000 exemplaires ont été expédiés aux détaillants. Les ventes à ce jour se chiffrent à plus de 400 000 exemplaires. Au mois d'avril, Star Académie était le disque le plus écouté au Canada, laissant derrière lui les Céline Dion, Norah Jones, Avril Lavigne et Linkin Park.

Plusieurs facteurs ont contribué au franc succès de Star Académie : premièrement, le talent évident des « académiciens-participants » ainsi que le professionnalisme et le doigté de la productrice-animatrice de l'émission, Julie Snyder. La mise en ondes de cette émission joyeuse, où la chanson était reine, pendant une période d'inquiétude alimentée par la guerre en Irak et la pneumonie atypique s'est révélée astucieuse et a sûrement contribué à l'accueil chaleureux que le public lui a réservé.

CTV et les prix Juno

En avril 2003, la mégastar internationale Shania Twain a souhaité la bienvenue à une foule déchaînée au Centre Corel d'Ottawa-Gatineau. Animatrice de la cérémonie des prix Juno de 2003, sa présence a signifié que, à l'instar de la chanteuse, les prix Juno avaient atteint un nouveau sommet. La cérémonie des prix Juno est devenue la cérémonie de remise de prix la plus courues au Canada et ce soir-là, l'excitation était palpable. Du début à la fin du spectacle, 17 000 fans endiablés ont assisté à l'une des soirées les plus excitantes et percutantes de l'histoire de la musique canadienne. Partout au pays, la transmission de la soirée a captivé 2,2 millions de téléspectateurs, soit 53 % plus de téléspectateurs que la transmission de l'année précédente et, fait incroyable, plus de téléspectateurs canadiens que les prix Grammy et les American Music Awards. En seulement deux ans, CTV a réussi à faire de la cérémonie des prix Juno l'un des joyaux des cérémonies de prix de musique au Canada.

CTV a misé sur une campagne intégrée de promotion sur les ondes jumelée à une campagne nationale de relations publiques pour assurer le succès de la franchise des Juno. La cérémonie est devenue la priorité du réseau et les téléspectateurs s'en sont aperçus. Pendant trois mois, les Canadiens de tout le pays ont été bombardés par des campagnes nouvelles, créatrices et originales. Les émissions de nouvelles et de divertissement de CTV — notamment CTV News, l'émission matinale Canada AM, celle de fin de soirée Open Mike with Mike Bullard et le pilier du divertissement de jour eTalk Daily — ont toutes appuyé la cérémonie des Juno grâce à leur converture intensive et continue de l'événement. Le partenaire en ligne de CTV, Sympatico, a pour sa part offert à ses abonnés de la haute vitesse la transmission Internet exclusive des prestations musicales aux Juno. L'équipe de promotion de CTV a élaboré de nombreux concours multirégionaux et nationaux avec le journal Globe and Mail, qui a aussi couvert la cérémonie.

La démarche de CTV reposait sur le succès de l'édition précédente de la cérémonie des Juno, qui avait été transportée pour la première fois dans les provinces de l'Atlantique. La cérémonie de 2002 des Juno, enregistrée à St. John's (Terre-Neuve), a mis fin au déclin des cotes d'écoute de l'émission, en chute depuis trois ans, grâce à l'aide de ses animateurs, les Barenaked Ladies, et d'une brochette d'artistes qui auraient rendu jaloux les producteurs des prix Grammy. Par rapport à l'année précédente, 1,4 million de téléspectateurs ont écouté une cérémonie énergétique, jeune et très courue par les stars pour une hausse de 24 %. Un examen approfondi des données sur l'auditoire a révélé que les téléspectateurs étaient plus jeunes que jamais.

Le succès incroyable des deux dernières diffusions par CTV de la cérémonie des prix Juno démontre qu'il est possible d'attirer de grands auditoires à des émissions de divertissement canadiennes. CTV s'appuiera sur ce succès pour préparer l'édition 2004 des prix Juno.

Figure 8.27 - Abonnés des entreprises de distribution de services de radiodiffusion, 1998-2001

Propriété

La figure 8.28 présente les six principaux groupes de propriété de la câblodistribution au Canada. Dans l'ensemble, les trois plus importants (Rogers Cable, Shaw Communications et Vidéotron) dominent la câblodistribution et ont une part de marché équivalant à plus des trois quarts de tous les abonnés du câble au Canada. Les six principaux accaparent 93 % du marché.

Figure 8.28 - Les six principaux câblodistributeurs canadiens selon les abonnés, 2001

Recettes et profits

La figure 8.29 montre que la croissance des recettes des EDR a été forte et soutenue au cours des dernières années. Entre 1998 et 2001, les recettes sont passées d'environ 3,1 milliards de dollars à plus de 4,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 50 % en seulement quatre ans.

Figure 8.29 - Revenus des entreprises de services de radiodiffusion du Canada, 1998-2001

Ces données sur les recettes peuvent être trompeuses. Les figures 8.30 et 8.31 présentent deux façons de calculer la rentabilité des distributeurs. Dans le cas des grands distributeurs de services par câble, la rentabilité, selon l'instrument de mesure le plus commun, soit les bénéfices avant intérêts et impôts (BAII en %), diminue depuis 1998.

Ce déclin est encore plus important si l'on tient compte des forts paiements d'intérêts que doit verser l'industrie du câble capitalistique; on calcule alors les bénéfices avant impôts (BAI en %). Une autre mesure de rentabilité du câble (non montrée dans la figure) est le rendement moyen de l'actif immobilisé. Ce chiffre est également en déclin depuis 1998, passant de 20,59 % en 1998 à 10,64 % en 2002. Cette baisse de rentabilité du câble s'explique en partie par la concurrence accrue entre les divers services de distribution, notamment le satellite (DTH). En raison des gros investissements en immobilisations qu'ils nécessitent, les services de diffusion directe (DTH) du Canada n'ont pas encore enregistré de bénéfices.

   

Figure 8.30 - Bénéfices totaux (pertes) du câble canadien (catégories 1 et 2), 1991-2001

Figure 8.31 - Bénéfices totaux (pertes) de la diffusion directe par satellite et des systèmes de distribution multipoint, 1997-2001

Ce que les témoins ont dit

Tel qu'on l'a déjà indiqué, on compte près de 2 000 câblodistributeurs et 2 importants distributeurs par satellite au Canada. Il y a également Télésat Canada, une compagnie de satellites, de communications et de systèmes de gestion. Les principales préoccupations soulevées par ces groupes comprenaient : la reconnaissance de la concurrence et du choix des consommateurs comme principes de la Loi sur la radiodiffusion; les injustices de la réglementation; la reconnaissance des défis auxquels font face les petits réseaux; les coûts en capital; et les changements législatifs destinés à réagir au marché gris et au marché noir.

Préoccupations de l'industrie du câble

Dans sa présentation devant le Comité, Mme Janet Yale, présidente et directrice générale de l'Association canadienne de la télévision par câble (ACTC), faisait ressortir la taille et l'importance de l'industrie du câble au Canada :

L'industrie du câble a joué un rôle prépondérant dans la réussite du système de radiodiffusion canadien. Les 800 systèmes de câble titulaires de licence, grands et petits, sont présents dans les villes et villages de notre grand pays et desservent environ 7,6 millions de foyers. La télévision par câble est reçue par près de 70 % des foyers ayant accès au câble à travers tout le Canada75.

Mme Yale a également fait ressortir la mesure dans laquelle l'industrie du câble a investi dans l'infrastructure des communications et du nouveau média au Canada :

L'investissement de l'industrie dans le domaine du câble numérique et des services à haute vitesse à large bande en est un de taille. L'industrie, dans son ensemble, a consacré en moyenne chaque année 1 milliard de dollars aux dépenses en capital ...

Grâce à cet investissement, notre infrastructure évoluée rejoint désormais 75 % des foyers canadiens ayant accès au câble. Ce pourcentage inclut les régions urbaines et rurales, ce qui place le Canada en position de force en faisant de lui le pays le plus branché au monde. Grâce aux investissements de nos entreprises, nous avons réussi à construire un réseau à large bande capable d'offrir l'accès aux services de câble numérique et à l'Internet à haute vitesse à 7,9 millions de foyers. Les entreprises de câblodistribution desservent environ un million d'abonnés aux services numériques, et 1,5 million d'abonnés au service Internet. Soucieuse de préparer son avenir, l'industrie du câble s'affaire déjà à construire les plates-formes numériques qui permettront d'accueillir la prochaine génération de services76.

Mais les services de câble et d'Internet ne sont pas sans exiger des frais des consommateurs. À cet égard, Mme Yale a fait valoir le point suivant :

Permettez-moi d'être plus claire. Nous payons pour le service que nous offrons. L'industrie de la câblodistribution perçoit les droits et les réinvestit dans la programmation de services. Ainsi que le précisait notre exposé, la très grande majorité des recettes tirées de la programmation vient des frais d'abonnement, non des recettes publicitaires.

Il faut donc considérer les tarifs d'abonnement aux services par câble comme un ensemble de paiements remis à une série d'entreprises de programmation, dont nous transmettons les services, et si dans tout cela on tient compte du fait que nous assumons les frais de transmission de tous les nouveaux services et des tarifs autorisés contre la fourniture de ces services, on comprendra les raisons de l'augmentation. Dans cette équation, on optimise les ressources. Ce que l'on paie aujourd'hui ne correspond certainement pas à ce que l'on obtenait il y a 10 ans77.

Abordant des défis plus spécifiques, Mme Yale s'est fait l'écho de plusieurs des arguments avancés par les radiodiffuseurs privés canadiens concernant les droits de licence de la partie II. Ces droits, aux yeux de l'industrie, dépassent de beaucoup ce qu'il en coûte pour couvrir les frais d'administration. De plus :

... nous payons déjà des taxes. Je me demande à quelles taxes vous pensez que nous échappons. Nous payons les taxes municipales et l'impôt sur le revenu [...] Ça n'est pas comme si l'industrie était plus favorisée sur le plan fiscal que les autres industries de notre pays. [...] ce que nous disons avant tout, c'est que nous assumons les coûts de la réglementation. L'intégralité des coûts de fonctionnement du CRTC, tant dans son volet télécommunications que son volet diffusion, vient des recettes des intervenants. Toutes les entreprises titulaires d'une licence assument les coûts directs de la réglementation en payant les droits de la partie I78.

Pour ces raisons, la position de l'ACTC était la suivante :

... les droits de la partie II, qui sont à l'origine de sommes considérables, et ces droits n'ont rien à voir avec les coûts de la réglementation. [...] nous estimons qu'on utiliserait les montants ainsi perçus à bien meilleur escient en les affectant à la lutte contre le marché noir, aux infrastructures, à la programmation communautaire et le reste. Ce serait bien plus utile que de les verser au Trésor en plus des autres taxes que nous payons. On ne devrait plus percevoir de droits en vertu de la partie II79.

Une deuxième question soulevée par l'industrie du câble concerne une pratique connue sous le nom de décalage80. À ce sujet, M. Dean MacDonald, vice-président principal de Rogers Communications inc., déclarait au Comité :

Ce décalage ou cette différence d'horaire fait partie des produits qui sont offerts à l'heure actuelle. La plus grande différence entre le câble et le satellite se situe davantage au niveau des règles sur la mise en paquets et des règles d'assemblage. Les distributeurs par satellite disposent d'une plus grande marge de manœuvre quant à la façon dont ils peuvent grouper les chaînes qu'ils mettent à la disposition de leurs abonnés, comparativement à ce que peuvent faire les câblodistributeurs. Nous aimerions certes que l'on égalise les règles du jeu à cet égard.

Par exemple, pour prendre l'exemple de l'achat de revues, un abonné de la distribution par satellite peut aller dans un magasin, choisir une revue puis quitter le magasin tandis que dans certains cas, lorsque l'abonné de la distribution par câble va acheter une revue, il ne peut pas quitter le magasin sans en acheter une autre. Il s'agit d'un déséquilibre auquel nous aimerions que l'on remédie, de toute évidence ...81.

Une troisième question (qui sera discutée plus en détail au chapitre 11) concerne le besoin de capitaux étrangers pour financer la croissance de l'infrastructure. À ce sujet, M. Yves Mayrand expliquait :

... notre groupe a complété une transaction financière importante. Elle représentait plus de 410 millions de dollars canadiens. Ce financement était nécessaire à notre programme d'immobilisations qui visait à développer l'infrastructure. C'est du matériel fort coûteux dont il est question ici. Il s'agit d'acheminer les câbles aux résidences, d'intégrer des câbles de fibre optique bidirectionnels, d'y ajouter des composantes électroniques complexes, et enfin, d'interrelier tous ces systèmes ...

Ce sont des choses fort coûteuses. Elles nécessitent un investissement important. Notre industrie est à l'affût de capitaux. Si l'on considère le bassin de capitaux disponibles au Canada, je peux vous dire que, pour ne citer que notre cas en exemple, nous n'aurions pas pu nous procurer ce financement sur le marché canadien, l'automne dernier. Nous avons pourtant tenté de le faire, mais cela n'était pas possible82.

Finalement, une quatrième question soulevée par l'industrie de la câblodistribution est la survie des plus petits câblodistributeurs. La valeur de ces plus petits réseaux pour la santé globale de l'industrie a été expliquée au Comité par M. Dave Baxter, président de WestMan Communications Group, de la façon suivante :

Les petits systèmes au Canada offrent des services à moins de 10 % des foyers canadiens, mais constituent un moyen extrêmement efficace d'atteindre les objectifs culturels du Canada. Les petits systèmes viables capables d'exercer une concurrence et de se diversifier seront en mesure de continuer à offrir aux régions rurales une programmation communautaire, un accès Internet haute vitesse et d'autres services interactifs à l'avenir83.

Il a également indiqué que des compagnies comme la sienne sont :

... particulièrement fier de la grande qualité de la programmation communautaire qu'il offre grâce à un important engagement financier et à l'engagement de bénévoles. Nous avons étendu notre programmation communautaire à 19 collectivités, même si nous ne sommes tenus de fournir des émissions communautaires qu'à nos deux plus grandes collectivités84.

Ceci étant dit, M. Baxter a également souligné bon nombre des défis auxquels font face les exploitants de petits systèmes, notamment : éloignement géographique, petite base de clients, capacité moindre du réseau de câble, exigences en capital et financement, réglementation gouvernementale et concurrence avec les services légaux et illégaux de diffusion par satellite. De plus :

Si les télédiffuseurs continuent d'abandonner les régions rurales ou fournissent de plus en plus une programmation urbaine à ces régions, l'importance de la programmation communautaire locale va augmenter pour combler ce vide. La possibilité de vendre
de la publicité sur les chaînes communautaires et de se prévaloir de la disponibilité d'espaces publicitaires permettrait aux câblodistributeurs de maintenir la capacité financière qui leur permettrait de continuer à mettre l'accent sur la programmation communautaire et peut-être même de solidifier cette programmation85.

En somme, selon M. Baxter :

Les exploitants de petits systèmes font face à une situation très difficile et certains d'entre eux sont forcés de limiter, voire même d'interrompre, leurs activités, laissant la voie libre aux services par satellite pour distribuer leurs services aux abonnés. Pour que les exploitants de petits systèmes demeurent viables, ils doivent être concurrentiels et diversifier leurs activités. C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir un cadre réglementaire qui facilite la concurrence soutenue dans les régions rurales tant dans le domaine de la distribution de radiodiffusion que dans celui des télécommunications86.

Pour ces raisons, fait-il valoir, il y a un besoin urgent d'une plus grande souplesse en matière de réglementation pour que les petits câblodistributeurs puissent survivre. Plus précisément :

[La] nécessité d'accroître la mise en paquets des signaux et la souplesse au niveau de l'établissement des prix pour leur permettre d'être concurrentiels. Par exemple, l'obligation imposée aux petits systèmes de câble de distribuer des signaux nuit à leur capacité financière de demeurer compétitifs de manière à pouvoir continuer à étendre leurs services, y compris la programmation communautaire et l'Internet à haute vitesse87.

À la lumière des défis ci-dessus auxquels fait face l'industrie du câble, l'ACTC a présenté des propositions de politiques suivantes au Comité.

Dans cet environnement, les objectifs de politique du contenu canadien et de diversité de programmes ne perdent pas leur importance. [...]Il s'en trouve très peu qui pourraient contester les bénéfices que la concurrence a apportés au système de radiodiffusion et aux consommateurs canadiens. Ceux-ci comprennent un choix plus élaboré, la diversité et le financement des programmes canadiens. ...

Le succès ultime du système de diffusion canadien et la satisfaction des clients sont intimement liés. Les Canadiens [...] exigent de plus en plus la possibilité de choisir ce qu'ils veulent quand ils le veulent et là où ils le veulent. La Loi sur la radiodiffusion doit être mise à jour pour traduire cette réalité. Dès lors, l'ACTC recommande que la concurrence et le choix des consommateurs soient incorporés expressément dans les objectifs de politique de la Loi sur la radiodiffusion88.

Préoccupations des fournisseurs de services par satellite

M. David McLennan, président-directeur général de Bell ExpressVu, a caractérisé de la façon suivante l'industrie des services par satellite au Canada :

Depuis leur lancement il y a un peu plus de quatre ans, Bell ExpressVu et Star Choice ont connu une croissance très rapide. Au total, les deux entreprises comptent presque 2 millions d'abonnés, qui représentent presque 15 % des ménages canadiens équipés d'une télé. Bell ExpressVu compte à elle seule un peu plus de 1,1 million d'abonnés. Pour en arriver là, les actionnaires des deux entreprises ont fait des investissements considérables, totalisant plus de 2 milliards de dollars89.

Et ces investissements, selon M. McLennan, ont grandement contribué à la transition des technologies analogiques aux technologies numériques. À cet égard, il a fait remarquer que sans les services de télédiffusion directe par satellite :

... l'implantation du numérique aurait été à mon avis beaucoup plus lente. Les deux fournisseurs de SRD représentent déjà 65 % environ du marché des abonnés du numérique au Canada. Notre apport dans ce domaine a valu des avantages considérables aux clients, aux responsables de la programmation et au secteur de la radiodiffusion dans son ensemble90.

Ceci étant dit, M. McLennan n'a pas tardé à faire remarquer qu'il reste encore à voir si les services de télédiffusion directe par satellite peuvent être économiquement viables à long terme. Il fait observer que malgré :

... une certaine croissance sur le marché, la viabilité financière des SRD exige toutefois une envergure considérable, et nous n'en sommes pas là encore. Atteindre l'envergure nécessaire est tout un défi dans un pays aussi vaste que le Canada, où il n'y a que 12 millions de foyers qui sont équipés de téléviseur et où le marché est dominé par les câblodistributeurs91.

Et pour cette raison, tout comme ses homologues de l'industrie de la câblodistribution, il réclame :

... un cadre réglementaire stable. Sinon, il devient très difficile d'attirer les investissements dont nous avons besoin et de prendre les décisions en matière d'investissement qu'il nous faut prendre pour pouvoir aller de l'avant et nous assurer une masse critique92.

Qui plus est :

... étant donné la situation économique difficile avec laquelle nous sommes tous aux prises, il faudrait revoir les obligations financières qui découlent de la réglementation. Ainsi, celles qui ne contribuent pas à l'avancement du secteur de la radiodiffusion canadienne devraient être éliminées. Je songe ici aux droits de licence de la partie II, dont l'Association canadienne des radiodiffuseurs et l'ACTC vous ont déjà parlé, je crois93.

Il a expliqué que :

... les fonds comme les fonds qui sont utilisés pour la partie II, assortis de ressources semblables, pourraient être déployés plus avantageusement dans des investissements qui permettraient d'améliorer encore notre produit pour que nous puissions offrir des services innovateurs qui bonifient le système de radiodiffusion94.

Télésat Canada, une filiale en propriété exclusive de BCE inc., a également comparu devant le Comité. Créé en vertu d'une loi du parlement en 1969, Télésat a mis en orbite géostationnaire le premier satellite commercial de télécommunication intérieure au monde, Anik A1, en 1972. C'est un chef de file dans le domaine des satellites et des communications et des systèmes de gestion. Comme l'expliquait M. Paul D. Bush, vice-président de Télésat :

Pour quantifier notre participation à l'industrie de la radiodiffusion canadienne, je voudrais vous citer quelques chiffres. Comme je l'ai mentionné, les satellites Anik et Nimiq transmettent 95 % des signaux de radiodiffusion du Canada. Nos installations desservent à la fois les câblodistributeurs et les services de radiodiffusion directe et comme il y a au Canada 8,5 millions de foyers qui ont le câble et 2 millions qui reçoivent le service DTH, cela correspond assez bien à la règle du dix pour un observée aux Etats-Unis ...

Nos satellites et notre réseau de téléports assurent des services essentiels à nos radiodiffuseurs nationaux, la SRC, Global et CTV. Ils desservent également les localités du Nord. Au Canada, étant donné la morphologie du pays et sa démographie, il est souvent très difficile d'installer des réseaux et divers types d'installations terrestres. Les satellites comblent cette lacune et les radiodiffuseurs utilisent 70 % de notre capacité95.

M. Bush a également fait remarquer que Télésat évolue dans un marché global et que les règlements canadiens en font une société moins concurrentielle que les sociétés non canadiennes.

... Alors qu'il y a eu un assouplissement des règles de l'OMC, Télésat est assujettie à des contraintes politiques, une réglementation et des prélèvements beaucoup plus lourds que ses concurrents. Par exemple, nous payons des droits annuels de licence pour utiliser les créneaux orbitaux. Pour Nimiq — et ce sont les radiodiffuseurs qui doivent en faire les frais — les droits de licence s'élèvent à 2,1 millions de dollars par année tandis que pour les exploitants américains de satellites de communication directe, les frais équivalents ne sont que de 100 000 $. Nous payons donc beaucoup plus que nos concurrents96.

C'est pourquoi il fait valoir avec insistance que les objectifs et règlements concernant les télécommunications et les télédiffusions doivent être coordonnés. Dans la même veine, il insiste pour que l'on s'attaque au marché noir et au marché gris des services par satellite au Canada, puisque leur nombre démontre que les services par satellite canadien titulaires d'une licence perdent possiblement entre 20 et 30 millions de dollars par mois à cause de ce problème.

Solutions proposées

Bon nombre des enjeux mentionnés par les distributeurs sont traités dans d'autres chapitres du présent rapport. Par exemple, au chapitre 9, on formule plusieurs recommandations concernant la nécessité d'adopter un cadre réglementaire uniforme pour la distribution des services de programmation par câble et par satellite et on y retrouve plusieurs solutions qui aideraient les petits câblodistributeurs à financer et à accroître certains services de programmations. Au chapitre 11, on retrouve une recommandation sur la propriété étrangère. Quant au chapitre 15, il y est question du marché gris et du marché noir de la télévision par satellite. Finalement, au chapitre 19, on propose plusieurs recommandations pour mieux coordonner les politiques de radiodiffusion et de télécommunications. Les enjeux relatifs à la concurrence et aux choix offerts aux consommateurs, les droits de licence de satellite et les droits de licence de la partie II sont abordés ci-dessous.

Concurrence et choix de consommation

Le Comité comprend les préoccupations des petits câblodistributeurs canadiens. Il note que plusieurs de ses membres ont visité une petite coopérative de câblodistribution — Access Communications — lors de leur visite à Regina, où on leur a appris combien il est difficile maintenant d'offrir un service de qualité comme ceux offerts par les grandes EDR. Le Comité comprend donc pourquoi les petits câblodistributeurs ont demandé plus de flexibilité en ce qui a trait à la mise en paquets des signaux et à la détermination des prix. Il comprend également pourquoi l'ACTC a proposé de faire du concept de « concurrence et choix de consommation » un objectif de politique de la Loi sur la radiodiffusion.

Toutefois, le Comité note que la Loi sur la radiodiffusion comporte déjà une disposition qui précise que les radiodiffuseurs privés devraient demeurer « réceptifs à l'évolution de la demande du public ». Or, selon le Comité, ce principe reconnaît implicitement la concurrence et le choix de consommation. En effet, que le secteur privé soit visé par la loi est une reconnaissance de fait que la concurrence et le choix de consommation sont reconnus comme faisant partie du système de radiodiffusion canadien et devraient en faire partie.

Droits de licence de satellite

Sur un autre sujet similaire, le Comité a été surpris d'apprendre que les entreprises de satellite du Canada estiment que les droits annuels de licence qu'elles versent pour les créneaux orbitaux sont disproportionnés par rapport à ce que paient leurs concurrents américains. Cependant, le Comité est d'avis qu'il serait prématuré de prendre position à ce sujet sans avoir procédé au préalable à une étude approfondie. En outre, cette question outrepasse le mandat de l'étude du Comité. Par conséquent, le Comité juge que le gouvernement fédéral devrait entreprendre un examen de ces droits afin de s'assurer qu'ils ne constituent pas un fardeau démesuré pour les entreprises canadiennes de satellite et qu'ils ne nuisent pas à leur capacité de faire face à la concurrence sur les marchés internationaux.

RECOMMANDATION 8.3 :

Le Comité recommande que le ministère concerné étudie les droits annuels pour les créneaux orbitaux imposés aux entreprises canadiennes de satellite afin de s'assurer qu'ils ne constituent pas un fardeau démesuré pour celles d'entre elles qui souhaitent percer sur les marchés internationaux.

Si l'on décide de réduire considérablement ces droits, une partie raisonnable des économies devrait être refilée aux radiodiffuseurs, aux entreprises de distribution et aux consommateurs.

Droits de licence de la partie II

Après de longues discussions, le Comité a conclu qu'on est en droit de se demander si l'objectif des droits de licence de la partie II est valable. Il craint que les droits de licence de la partie II ne soient, à toutes fins utiles, ni plus ni moins qu'une taxe (ou un impôt) supplémentaire imposée aux radiodiffuseurs et aux distributeurs. Comme il est écrit plus haut, il y a des raisons à l'appui des droits de licence de la partie II, notamment la valeur du spectre pour les radiodiffuseurs et le privilège de détenir une licence de radiodiffusion à des fins commerciales97. Compte tenu des progrès technologiques et de la fragmentation de l'auditoire, ces raisons ne sont peut-être pas aussi valables aujourd'hui que par le passé. De plus, le Comité note que la ministre du Patrimoine canadien a suggéré en public que ces droits devraient faire l'objet d'une révision.

Le Comité sait également que le total des droits de licence (partie I et la partie II) que paient les radiodiffuseurs ont augmenté beaucoup plus rapidement que les prix depuis la dernière révision de la Loi sur la radiodiffusion. Les droits perçus excèdent de loin les coûts de fonctionnement du CRTC et ils sont beaucoup plus élevés que le total des droits de licence exigés des entreprises de télécommunications98. Le Comité pense cependant qu'il serait imprudent pour le moment de recommander l'élimination des droits de licence de la partie II. Le Comité estime que le ministère des Finances et le Conseil du Trésor doivent analyser en détail cette question afin de déterminer la raison d'être de ces droits et s'ils sont justes. Par conséquent :

RECOMMANDATION 8.4 :

Le Comité recommande que le ministère des Finances et le Conseil du Trésor, en collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien et le CRTC, analysent les motifs et l'équité des droits de licence de la partie II que doivent actuellement payer les radiodiffuseurs et les distributeurs, et qu'ils les éliminent s'ils sont discriminatoires. Les résultats de cette analyse devraient être présentés au Parlement au plus tard un an après le dépôt du présent rapport.

Le Comité est conscient que l'élimination des droits de licence de la partie II est peut-être une question d'équité et ne signifierait pas automatiquement que les radiodiffuseurs et les distributeurs canadiens consacreraient davantage d'argent au système de radiodiffusion canadien. Le Comité est préoccupé par la nécessité de trouver d'autres sources de revenus pour les émissions canadiennes. Il estime qu'au moins une partie des sommes recueillies devraient être réinvesties dans le système de radiodiffusion canadien, particulièrement dans la production d'émissions de qualité à contenu canadien. C'est pourquoi il croit que le CRTC devrait négocier avec les radiodiffuseurs et les distributeurs afin qu'ils réinvestissent dans le système de radiodiffusion canadien si les droits de licence de la partie II sont abolis. Par conséquent :

RECOMMANDATION 8.5 :

Si l'on détermine que les droits de licence de la partie II devraient être abolis ou réduits, le Comité recommande que le CRTC, après consultation du ministère du Patrimoine canadien et des intervenants concernés de l'industrie de la radiodiffusion, soit encouragé à élaborer un plan pour réaffecter l'ensemble ou une partie des droits dans le système de radiodiffusion canadien.

Par exemple, les fonds réaffectés pourraient servir à la création d'émissions canadiennes originale, à la transition vers les technologies numériques ou au programme d'initiative de radiodiffusion locale pour les partenariats de radiodiffusion communautaire, locale et régionale (voir le chapitre 9).

F. Publicité

Historiquement, les radiodiffuseurs privés ont toujours compté sur la publicité. Grâce à l'importance croissante du câble dans les années 1970 et 1980 et les services par satellite et numériques de nos jours, les revenus d'abonnements tiennent une part toujours plus importante dans le modèle d'affaires de la diffusion. Les percées technologiques récentes ont mis plus de pression sur le modèle d'affaires basé sur la publicité. Or la publicité demeure un élément crucial dans le système de radiodiffusion d'aujourd'hui.

La figure 8.32 montre dans quelle mesure la publicité est importante pour la télévision et la radio. On peut voir qu'en 2001, la publicité pour tous les médias canadiens valait environ 7,6 milliards de dollars, dont 3,5 milliards de dollars générés par la télévision et la radio.

Tel que mentionné plus tôt, les deux principales sources de revenus dans le domaine de la diffusion sont la publicité et les abonnements. Les services radiophoniques privés et les télédiffuseurs conventionnels comptent sur les recettes publicitaires. En 2001, les recettes publicitaires représentaient 98 % du revenu total des services radiophoniques privés et 94 % des télédiffuseurs conventionnels99. La télévision payante et les chaînes spécialisées engrangent aussi des recettes publicitaires. En 2001, les recettes publicitaires atteignaient 438 millions, soit environ 29 % de leur revenu total. Les diffuseurs de télévision payante et les chaînes spécialisées tirent le gros de leurs revenus des abonnements, qui leur sont versés par des sociétés de câblodistribution et de DTH. Les EDR tirent presque tous leurs revenus des frais d'abonnements100

Figure 8.32 - Revenus publcitaires gagnés par les secteurs canadiens des médias, 2001

Les radiodiffuseurs ont de nombreux concurrents pour les revenus de publicité. Les changements dans le nombre et le type de concurrents, cependant, peuvent influer sur le vendeur individuel de publicité. Par exemple, la croissance de services payants et spécialisés a pris certains revenus aux télédiffuseurs conventionnels (et à d'autres médias)101. Mais un plus grand nombre de canaux de télévision ne signifie pas nécessairement que la part de la télévision aux revenus de publicité va nécessairement augmenter. La fragmentation donne lieu à de plus petits auditoires pour un canal — les réseaux classiques ne peuvent plus diffuser à un tiers des téléspectateurs — et les annonceurs peuvent préférer placer leur publicité dans les magazines dont les lecteurs partagent certaines caractéristiques102.

Un autre problème vient du fait que la technologie par satellite permet aux téléspectateurs de l'Ouest de voir certaines émissions américaines avant qu'elles ne soient diffusées à leur heure habituelle dans leur région. Cette situation a des répercussions sur les revenus publicitaires des radiodiffuseurs canadiens. Ainsi, l'émission Friends peut occuper la case horaire de 21 h HNE d'une station de Toronto et celle de 21 h HNC d'une station de Winnipeg. Étant donné que les abonnés aux services par satellite peuvent recevoir le signal de la station de Toronto et celui de la station de Winnipeg, ils peuvent regarder Friends une heure plus tôt. Le radiodiffuseur de Toronto et son homologue de Winnipeg peuvent tous les deux demander la substitution de signaux identiques pour la chaîne américaine qui diffuse Friends à la même heure. Cela signifie que les téléspectateurs du Manitoba qui choisissent de regarder la première diffusion de Friends verront les messages publicitaires de Toronto. Si les Manitobains sont nombreux à regarder la première diffusion de Friends, cela pourrait accroître la valeur de la publicité non locale de la station de Toronto, et réduire la valeur de la publicité locale de la station de Winnipeg.

Les changements technologiques peuvent également influer autrement sur la publicité de la télévision. Par exemple, les enregistreurs personnels de vidéo permettent aux téléspectateurs de passer outre les annonces commerciales, soit en ne les enregistrant pas ou en les sautant lors du visionnement. Aussi, les télécommandes de certains magnétoscopes sont dotées de boutons qui font avancer le ruban à intervalles de trente secondes. Et les annonces publicitaires qui ne seront pas visionnées perdent leur valeur. Par ailleurs, la technologie pourrait rendre la publicité à la télévision plus attrayante en permettant la télévision interactive (TVi) ou des publicités ciblées ou basées sur le profil des émissions visionnées.

Plusieurs groupes qui se sont présentés devant le Comité ont soulevé des questions traitant de la publicité dans le système de radiodiffusion canadien. L'Association canadienne des annonceurs, par exemple, a fait ressortir l'importance des recettes publicitaires pour le système de radiodiffusion canadien :

La publicité est par ailleurs la principale source de financement du système de radiodiffusion canadien. On estime que l'an dernier, les dépenses nettes en publicité ont rapporté quelque 10,3 milliards de dollars en revenu aux entreprises médiatiques canadiennes. Sur ce total, approximativement 2,5 milliards de dollars sont investis annuellement dans la publicité télévisuelle, et environ 1 milliard de dollars, dans la publicité radiophonique. [...] au moins 51 % viennent directement des ventes de temps d'antenne pour la publicité, ce qui fait du secteur le plus important contributeur de fonds au système canadien de radiodiffusion103.

L'Association demande également plus d'occasions pour les annonceurs canadiens dans le système de radiodiffusion canadien :

Manifestement, la publicité compte pour beaucoup dans l'économie de notre pays. La publicité paie le contenu des émissions qui divertissent et informent la population canadienne. À ce titre, il est important qu'elle reste un outil de commercialisation utile pour les publicitaires et qu'elle soit concurrentielle, libre et efficace. Nous favorisons par conséquent un accès universel à la radiodiffusion en donnant le choix à tout le monde. Nous demandons que tous les nouveaux services homologués soient financés par la publicité. Enfin, nous avançons que la radio de la CBC et de la SRC, de même que le contribuable canadien, pourrait grandement bénéficier de l'apport de la publicité104.

Le Regroupement pour la création de crédits d'impôt pour les publicités canadiennes, en plus de s'intéresser à maintenir le rôle de la publicité dans le système de radiodiffusion canadien, a souligné que les Canadiens produisent moins d'annonces commerciales pour la télévision canadienne.

Les statistiques sont difficiles à réunir, mais nous estimons dans notre secteur qu'au début des années 1990 nous produisions chez nous plus de 80 % des publicités radiodiffusées par les stations de télévision canadiennes. À la fin de cette décennie, ce pourcentage était tombé à 50 %. Toutefois, il ne faut pas considérer uniquement la diminution globale. Étant donné que la publicité faite par les gouvernements — qui restent les principaux annonceurs dans notre pays — continue à être produite chez nous de même que celle qui porte sur des produits et des services propres à notre pays comme les banques ou la bière, si l'on considère uniquement les produits et les services destinés au consommateur, les automobiles, par exemple, on s'aperçoit que pratiquement toutes ces publicités sont importées, ce qui représente un gros changement par rapport à ce qui se passait il y a 10 ans ...105.

Et pour s'occuper de ce problème apparent, les parties intéressées ont formé une coalition spéciale : Regroupement pour la création de crédits d'impôt pour les publicités canadiennes. Ce groupe a fait ressortir l'importance économique et culturelle de la publicité canadienne. Il a également fait remarquer que l'Australie s'est attaquée à un problème semblable en obligeant les radiodiffuseurs à présenter un certain pourcentage d'annonces commerciales produites en Australie. Ceci étant dit, l'organisme préfère l'approche du crédit d'impôt :

... en modifiant légèrement le régime actuel de crédits d'impôt, vous pourriez fournir une mesure incitative aux producteurs de publicités télévisées au Canada équivalant aux crédits d'impôt mis à la disposition des producteurs de films et d'émissions télévisées. Une réglementation appropriée devrait être mise en place à l'intention de productions plus réduites qu'un film ou qu'une émission télévisée, mais nous estimons que ça pourrait marcher106.

Dans sa présentation devant le Comité, M. Alain Gourd, vice-président exécutif de Bell Globemedia, a également commenté le rôle changeant de la publicité dans le domaine de la radiodiffusion :

Un premier changement s'est opéré au niveau de la source des recettes du système canadien de télévision. Ce modèle de revenu, qui se fondait à l'époque sur la publicité, se transforme maintenant en un modèle axé sur les abonnements. À l'heure actuelle, plus de la moitié des recettes globales du système canadien de télédiffusion dépend des abonnements, et la publicité ne représente plus qu'un tiers des recettes globales. Cette situation est exacerbée davantage par la fragmentation; c'est-à-dire qu'un plus grand nombre de canaux canadiens se disputent une seule source de publicité consolidée.

Si la tendance se poursuit, si nous ne permettons pas à la télévision générale conventionnelle d'avoir accès aux recettes des abonnements, nous mettrons en péril l'avenir de tout le modèle économique pour la télévision générale de langues française et anglaise, qui est un des principaux moyens de notre expression culturelle107.

Finalement, M. Dean Butler, directeur des Services aux médias et président du Conseil des médias de Vancouver, a fait valoir que la fragmentation et la disponibilité des réseaux nationaux par câble et par satellite ont changé la face du marché local traditionnel pour la publicité. Il a allégué que c'est de plus en plus le cas des radiodiffuseurs qui vendent de la publicité pour un marché national et que cette publicité coûte beaucoup trop cher pour les marchands locaux. Et le résultat est le suivant :

... il devient très difficile de fonctionner à l'échelle régionale en raison de ce type de concurrence. On privilégie manifestement les points de vue et les intérêts nationaux, ce qui empêche de soutenir l'économie régionale. Je ne crois pas que les stations de télévision régionales puissent fonctionner dans ce genre d'environnement, et je crois que les stations de télévision locales, des stations comme CKPG Prince George, une station affiliée du réseau CBC — finiront par ne servir que de stations-relais, parce qu'elles ne pourront pas vendre de publicité localement. Par conséquent, sur le plan économique, les marchés locaux ont vraiment perdu l'avantage d'avoir une station de télévision sur leur propre marché108.

M. Butler a également donné un exemple personnel de la façon dont les coûts de publicité dans sa région de la Colombie-Britannique ont augmenté durant la dernière décennie :

J'ai [...] acheté de la publicité télévisée à Vancouver il y a 10 ans au coût de 100 $ le point pour 200 points. Cela représente
20 000 $ par semaine. Pour acheter le même temps d'antenne aujourd'hui, il faudrait payer 500 $ le point. Aujourd'hui le même temps d'antenne coûte 10 fois plus cher et représenterait donc 200 000 $. En 10 ans, les coûts ont décuplé109.

Finalement, M. Butler a fait ressortir l'importance, pour les marchands canadiens — ceux qui veulent acheter du temps de publicité des radiodiffuseurs — de la concentration de la propriété, avec un possible contrôle étranger, dans l'industrie de la publicité.

Dans notre propre industrie, nous assistons à la fusion à grande échelle des agences de publicité. Il exige peut-être quatre ou cinq grandes agences au Canada qui sont désormais plus ou moins contrôlées à partir de New York. On m'a carrément dit que je ne peux pas lutter contre New York. Notre industrie est en train d'être décimée par la concentration de la propriété non seulement dans le secteur des médias mais dans le secteur de la publicité même. Toute mesure que nous pourrons prendre pour accroître la concurrence s'avérera par conséquent bénéfique pour notre pays et surtout pour notre région en Colombie-Britannique, ou le contrôle du secteur de la publicité risque de nous échapper110.

Bref, les radiodiffuseurs et les publicistes ont souligné les pressions concurrentielles auxquelles ils font face dans le marché fragmenté que nous connaissons aujourd'hui. De fait, la politique de 1999 du CRTC sur la télévision indique que :

Le système canadien de radiodiffusion évolue dans un environnement de plus en plus compétitif. Dans ce contexte, les titulaires ont besoin de la souplesse requise pour attirer le plus vaste auditoire possible et continuer à accroître leurs recettes publicitaires. Le Conseil croit que, dans ces conditions, les titulaires exigeront des émissions de haute qualité pour fidéliser les auditoires111.

Ceci dit, la prochaine section propose quelques solutions qui, selon le Comité pourraient aider les intervenants de l'industrie à surmonter ces pressions concurrentielles.

Solutions proposées

Crédits d'impôt et mesures incitatives

Le Comité comprend parfaitement l'importance de la publicité pour le système de radiodiffusion canadien et reconnaît qu'elle joue depuis le tout début un rôle de premier plan dans la santé et le dynamisme de ce secteur. Il convient avec les témoins que les changements qui affectent le marché de la publicité ajoutent de nouvelles pressions sur la production et l'achat des messages publicitaires. En outre, il est intrigué par la proposition du Regroupement pour la création de crédits d'impôt pour les publicités canadiennes de modifier le système actuel des crédits d'impôt de façon à créer des incitatifs pour la production de messages publicitaires canadiens. Il accepte également l'idée d'obliger les radiodiffuseurs à montrer un certain pourcentage de messages publicitaires canadiens. Par conséquent :

RECOMMANDATION 8.6 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada étudie le système actuel de crédits d'impôt pour les annonceurs en vue de le modifier pour qu'il encourage une production accrue de messages publicitaires canadiens à l'échelle locale, régionale et nationale.

De plus :

RECOMMANDATION 8.7 :

Le Comité recommande que le CRTC étudie la possibilité d'obliger les radiodiffuseurs canadiens à montrer un certain pourcentage de messages publicitaires canadiens.

Publicité pharmaceutique

Des témoins de l'industrie se sont interrogés sur l'interdiction frappant la publicité pharmaceutique. Par exemple, l'ACR a milité en faveur de révisions législatives qui permettraient d'accroître le nombre d'annonceurs potentiels dans le milieu de la radiodiffusion. Elle a expliqué que les politiques vieilles de 50 ans sur la publicité pharmaceutique contenues dans la Loi sur les aliments et drogues empêchent des millions de dollars d'être investis dans le système de radiodiffusion canadien112. Plus loin, l'ACR affirme que ces recettes perdues contribueraient à la production canadienne.

Comme il l'a indiqué précédemment, le Comité apprécie l'importance de la stabilité financière des radiodiffuseurs privés. Il sait que la publicité pharmaceutique représente fort probablement des millions de dollars de nouveaux revenus pour les radiodiffuseurs canadiens. Le Comité note toutefois que cette question déborde du cadre de son mandat.

Notes en fin de chapitre

1Manon Lamontagne. « Programmation canadienne de langue française », www.museum.tv.
2Voir le chapitre 5 pour en savoir plus sur Téléfilm Canada et le financement des productions indépendantes.
3Fonds canadien de télévision, Rapport d'activités 2001-2002, p. 8.
4Voir le chapitre 5 pour plus de détails sur les coproductions.
5Réunion du Comité permament du patrimoine canadien, 16 avril 2002.
6Ibid.
7Réunion du Comité permament du patrimoine canadien, 9 mai 2002.
8Ibid.
9Ibid.
10Ibid.
11Ibid.
12Ibid.
13Voir le chapitre 11.
14Alexander Crawley, directeur général, Caucus canadien de la vidéo et du cinéma indépendants. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 mai 2002.
15Ibid.
16Voir, par exemple, la décision 2002-457 du CRTC. Cette décision impose une limite de 25 % à la production affiliée pour CTV.
17Ibid.
18Ibid.
19Ibid.
20Ibid.
21Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 avril 2002.
22Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 mai 2002.
23Ibid.
24Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 16 avril 2002.
25T.J. Allard. Straight up: Private Broadcasting in Canada 1918-1958, La Fondation des communications canadiennes, Ottawa, 1979, p. 60.
26Ibid., p. 44.
27Ibid., p. 140.
28Avis public CRTC 1998-41.
29Avis public CRTC 1998-41
30Voir www.crtc.gc.ca.
31Ibid.
32Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Rapport de surveillance de la politique sur la radiodiffusion, 2002, p. 29.
33Avis public CRTC 1995-196.
34Voir www.cab-acr.ca.
35Ibid.
36Avis public CRTC 1996-114.
37Voir www.cab-acr.ca.
38Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 8 novembre 2001.
39Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
40Ibid.
41Ibid.
42Ibid.
43Ibid.
44Ibid.
45Ibid.
46Ibid.
47Ibid.
48Ibid.
49Aux fins de la figure, il importe d'établir une distinction entre « service » et réseau ». Par exemple, la Société Radio-Canada a deux réseaux conventionnels — un de langue anglaise, l'autre de langue française. Elle exploite également 15 services de langue anglaise et 8 de langue française. Elle est aussi affiliée à 18 services privés de langue anglaise, et 5 de langue française.
50Communications Management inc. Trends in advertising and subscription revenues in the Canadian television system, 2003.
51Association canadienne des radiodiffuseurs. Canadian Television: Telling Our Stories — TV Board Submission, 30 juin 1998, p. 67.
52Avis public CRTC 1997-97.
53Association canadienne de production de film et télévision. Profil 2003 : Rapport économique sur la production cinématographique et télévisuelle au Canada, février 2003, p. 2.
54Fond canadien de télévision. Un an de télévision canadienne. Rapport d'activités de 2001-2002, p. 19.
55Association canadienne de production de film et télévision. Profil 2003.
56Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 8 novembre 2001.
57Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
58Ibid.
59Ibid.
60Ibid.
61Ibid.
62Ibid.
63Ibid.
64Ibid.
65Ibid.
66Ibid.
67Dans le domaine de la radiodiffusion, le terme « droit » a plusieurs usages différents, et porte parfois à confusion. Sauf tout récemment pour les petits câblodistributeurs (les anciennes compagnies de classe 3), une licence du CRTC était exigée pour faire partie du système de radiodiffusion canadien. Ceux qui participaient au système payaient des droits de licence au CRTC. De plus, les diffuseurs paient des droits de licence aux producteurs des émissions qu'ils utilisent; ces droits de licence sont semblables à un paiement de location pour une auto; le diffuseur paie le droit de diffuser une émission un certain nombre de fois durant une certaine période de temps sur un certain marché. Cette section traite des droits de licence payés au CRTC.
68Les trois colonnes de gauche présentent des montants en argent. Les deux colonnes de droite présentent des montants facturés (partie I) et imposés (partie II) par le CRTC lors de chaque exercice financier. Ces montants ne comprennent aucune réserve pour créances irrécouvrables, aucune radiation, aucun rajustement de comptes, aucune recouvrement de créances des exercices précédents ni intérêt porté par des montants dus. Par conséquent, les sommes indiquées peuvent différer de celles inscrites dans les documents officiels du gouvernement sur les comptes publics ou la partie III du Budget des dépenses (Rapport sur le rendement du CRTC).
69Glenn O'Farrell, président et directeur général, Association canadienne des radiodiffuseurs. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
70Ibid.
71Association canadienne de télévision par câble. Statistiques de la câblodistribution canadienne, www.actc.ca.
72Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Ce que vous devriez savoir au sujet des services de radiodiffusion par satellite au foyer, voir www.crtc.gc.ca.
73Ces distributeurs offrent leurs services au moyen de fréquences micro-ondes.
74Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Distribution de programmation télévisée — émergence du numérique, voir www.crtc.gc.ca.
75Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 février 2002.
76Ibid.
77Ibid.
78Ibid.
79Ibid.
80Le décalage devient possible lorsqu'un distributeur fournit deux entrées ou plus pour le signal d'un diffuseur donné provenant de deux fuseaux horaires différents. Cette pratique a l'avantage de donner aux auditeurs plus de souplesse et de choisir quand ils veulent voir une émission. L'inconvénient, c'est qu'elle éloigne les auditeurs des postes locaux et, par extension, nuit aux recettes publicitaires locales. De plus, étant donné que seules les sociétés de communication par satellite ont l'autorisation d'offrir des signaux multiples de stations locales, les entreprises de câblodistribution se trouvent désavantagées sur le plan concurrentiel.
81Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 février 2002.
82Yves Mayrand, vice-président, Affaires juridiques et secrétariat, COGECO Inc. Réunion permanent du patrimoine canadien, 19 février 2002.
83Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 février 2002.
84Ibid.
85Ibid.
86Ibid.
87Ibid.
88Ibid.
89Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 11 avril 2002.
90Ibid.
91Ibid.
92Ibid.
93Ibid.
94Ibid.
95Ibid.
96Ibid.
97Par exemple, les bénéfices commerciaux comprennent des obstacles à l'entrée.
98Voir la figure 8.23.
99Les radiodiffuseurs publics tirent également des revenus de la publicité; mais seulement du côté de la télévision; la SRC, pour l'exercice financier 2000-2001, a reçu environ 350 millions de dollars en recettes publicitaires, ce qui représente environ 29 % de ses fonds d'exploitation courants. Le gros du financement pour les radiodiffuseurs publics, bien entendu, provient du gouvernement.
100Il importe cependant de réaliser que les catégories pour les secteurs ne sont pas étanches, un point qui est repris ci-dessous dans la section concernant la propriété des médias. Juste à titre d'exemple, BCE possède un service par satellite, Bell ExpressVu; un télédiffuseur général, CTV; et divers canaux spécialisés. De plus, si on regarde les changements survenus d'année en année dans les flux de revenus pour un secteur de la radiodiffusion ou si on compare les changements dans les revenus des divers secteurs, on peut être induit en erreur. Les recettes publicitaires ont tendance à être plus cycliques que les revenus d'abonnements, de sorte que les changements observés peuvent en dire davantage au sujet de la position de l'économie dans le cycle des affaires que sur la viabilité économique du secteur de la radiodiffusion.
101Les revenus d'abonnements, même s'ils sont probablement plus stables tout au long du cycle des affaires que les recettes publicitaires, peuvent aussi être incertains. Des revenus d'abonnements reçus par les EDR sont transmis à la télévision payante et aux canaux spécialisés fournis par les distributeurs; mais à mesure que les canaux augmentent en nombre, le paiement moyen du distributeur au canal peut diminuer. Les revenus d'abonnement reçus par les EDR individuels sont aussi soumis aux pressions concurrentielles. Le câble a déjà profité du monopole sur la plupart des marchés, mais la distribution par satellite constitue maintenant une menace, en particulier sur les plus petits marchés.
102Un bon exemple de changement de média par un annonceur est survenu à la fin de septembre 2002 lorsque Sears Canada, un des annonceurs le plus important au pays, a fait savoir qu'il réduisait les annonces imprimées et qu'il augmentait ses dépenses de publicité radiophonique et télévisée. Voir Marina Strauss, « Sears Changing Its Marketing », Globe & Mail, 27 septembre 2002, p. B2.
103David Harrison, président, Harrison, Young, Pesonen and Newell; Institute of Communications and Advertising, Association canadienne des annonceurs. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 18 avril 2002.
104Ronald Lund, président-directeur général, Association canadienne des annonceurs. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 18 avril 2002.
105Rupert Brendon, président, Institute of Communications and Advertising, Regroupement pour la création de crédits d'impôt pour les publicités canadiennes. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 mai 2002.
106Thor Bishopric, président, Regroupement pour la création de crédits d'impôt pour les publicités canadiennes. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 mai 2002.
107Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
108Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 10 décembre 2002.
109Ibid.
110Ibid.
111Avis public CRTC 1999-97.
112Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.