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HERI Rapport du Comité

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MAINTIEN D'UN SYSTÈME UNIQUE

Chapitre 13
Droit d'auteur

A. Qu'est-ce que le droit d'auteur?

Le droit d'auteur est le droit de propriété d'une œuvre originale, donnant au titulaire (habituellement l'auteur) certains droits sur l'œuvre, dont le droit exclusif de la reproduire, de l'adapter, de la distribuer, de la jouer en public et de l'exposer. Ce droit s'applique à toutes les œuvres littéraires, dramatiques, musicales et artistiques, y compris les émissions de télévision et de radio, ainsi que les prestations, les enregistrements sonores et les signaux de communication. Au Canada, ces droits sont protégés par la Loi sur le droit d'auteur.

La Loi sur le droit d'auteur vise à protéger les droits de propriété des créateurs qui produisent des œuvres tout en favorisant la créativité et l'échange ordonné du savoir et de l'information. Cela signifie qu'il faut équilibrer les droits et les intérêts de ceux qui créent une œuvre et de ceux qui veulent la publier, la partager ou en tirer profit.

En général, les créateurs obtiennent la reconnaissance, de l'argent et le droit de contrôler la façon dont leur œuvre est utilisée. Ceci vise à faire connaître l'œuvre. En échange, les auteurs sont tenus de permettre une utilisation restreinte de leur œuvre, par exemple, l'« utilisation équitable » de l'œuvre à des fins d'études particulières, de recherche, de critique, de revue, ou pour des nouvelles. Leur droit d'auteur dure un temps donné, habituellement la durée de vie du créateur, plus 50 ans. Après cette période, le droit d'auteur expire et l'œuvre devient du
« domaine public ». Une fois du domaine public, quiconque peut l'utiliser sans frais et sans crainte de violation de ce droit. Par exemple, comme l'auteur Molière (Jean-Baptiste Poquelin) est décédé depuis plus de 50 ans, ses œuvres peuvent être produites et publiées par n'importe qui sans avoir à verser de redevances à l'auteur ou à ses héritiers.

Toutefois, durant la période où l'œuvre est protégée par un droit d'auteur, quiconque veut s'en servir d'une manière qui contrevient à la Loi sur le droit d'auteur doit obtenir l'autorisation du titulaire du droit d'auteur et le plus souvent payer pour son utilisation. Cela se fait habituellement sous la forme de paiements de redevances versés au titulaire du droit d'auteur ou à une société de gestion agissant au nom du titulaire. Ou bien les redevances sont négociées entre les parties, ou bien la Commission du droit d'auteur du Canada fixe les redevances à payer pour l'utilisation des œuvres concernées.

B. Droits de télécommunication

La plupart des télédiffuseurs et des stations de radio ne créent ni ne produisent le matériel qu'ils diffusent. Ils l'acquièrent plutôt de ses auteurs ou de ses créateurs. CTV, par exemple, n'a pas créé la série dramatique The West Wing; il a simplement obtenu la permission du titulaire du droit d'auteur de diffuser l'émission auprès de l'auditoire canadien par l'entremise de sa chaîne.

Par conséquent, les droits de télécommunication représentent le droit exclusif que possèdent les titulaires de droits d'auteur de transmettre leurs œuvres au public. Dans ce cas-ci, le titulaire du droit d'auteur a choisi de permettre à cette chaîne canadienne en particulier de diffuser cette émission de télévision précise. En plus de l'obligation d'effectuer un paiement, il se peut qu'il y ait d'autres conditions associées au droit de diffuser l'émission, comme des contraintes temporelles et des limites au nombre de fois que l'émission peut être diffusée.

Une fois qu'une entreprise de radiodiffusion particulière a obtenu le droit exclusif de diffuser une œuvre précise, cela lui donne certains droits à l'égard de la même œuvre qui pourrait être diffusée ailleurs. Par conséquent, si la chaîne CTV détient le droit exclusif de diffuser The West Wing, elle pourra faire valoir ce droit à l'égard de tout autre diffuseur, au cas où une autre chaîne de télévision canadienne diffuserait également l'émission au Canada.

Même si les radiodiffuseurs ne possèdent pas le droit d'auteur du matériel qu'ils acquièrent et diffusent ensuite, ils détiennent toutefois le droit du signal de radiodiffusion, tel qu'il est expliqué à l'article 24 de la Loi sur le droit d'auteur. Il s'agit d'une distinction subtile qui revêt toute son importance avec la question de la retransmission des émissions, qui sera discutée ci-dessous.

C. Droits de retransmission

La retransmission de matériel relève des câblodistributeurs, des entreprises de diffusion par satellite — et probablement — des distributeurs Internet. La retransmission est traitée à l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur, qui accorde aux câblodistributeurs et aux distributeurs par satellite le droit de retransmettre le matériel s'ils ont payé le droit établi par la Commission du droit d'auteur du Canada conformément à la licence obligatoire créée par la Loi à des fins de retransmission. En outre, la Loi sur le droit d'auteur exclut spécifiquement les retransmetteurs de la définition de « radiodiffuseur » aux fins de la Loi.

La création du droit de retransmission résulte en partie des iniquités perçues entre les radiodiffuseurs et les câblodistributeurs et les distributeurs par satellite. Avant 1990, ceux-ci pouvaient offrir une programmation et des services à leurs abonnés et exiger un droit en retour sans devoir indemniser les titulaires des droits d'auteur du matériel diffusé comme les radiodiffuseurs sont tenus de faire. Les câblodistributeurs et les distributeurs par satellite pouvaient simplement capter n'importe où les signaux de radiodiffusion contenant les programmes et les transmettre ensuite avec leur propre équipement. Le signal pouvait être relayé au besoin d'une place à une autre, livrant ainsi un signal, local à Spokane, Washington, par exemple, à un point situé à une certaine distance, comme Edmonton. Grâce à ce système, les titulaires des droits d'auteur du matériel diffusé étaient évités et ne recevaient pas le paiement auquel ils avaient droit.

La Loi sur le droit d'auteur du Canada a été modifiée par suite de l'Accord de libre-échange conclu entre les États-Unis et le Canada qui a mis fin à l'avantage dont bénéficiaient les câblodistributeurs et les distributeurs par satellite. Depuis 1990, ces derniers ainsi que toute autre entreprise qui fait des profits en fournissant des signaux de radiodiffusion à distance à des clients sont tenus de payer pour les émissions qu'ils retransmettent à leurs abonnés1.

En vertu de ce système élaboré depuis 1990, les titulaires de droits d'auteur et de droits de retransmission sont considérés comme étant correctement rémunérés. Par conséquent, pour opérer légalement, les câblodistributeurs et les distributeurs par satellite sont désormais obligés de verser les redevances fixées par la Commission du droit d'auteur du Canada à des sociétés de gestion qui représentent les producteurs d'émissions et autres titulaires de droits d'auteur.

D. Licences obligatoires

Dans le but d'atteindre un équilibre entre les différents titulaires des droits — ceux qui détiennent le droit d'une œuvre en particulier — et les intérêts plus vastes de la politique de radiodiffusion à servir l'intérêt du public, le Parlement a créé une « licence obligatoire ». Il s'agit d'une entente prévue par la Loi qui permet à certaines parties (comme les entreprises de câblodistribution) d'utiliser des œuvres protégées (comme des émissions de télévision) sans la permission formelle du titulaire du droit d'auteur, pourvu que des dispositions aient été prises en vue de verser des redevances. Celles-ci sont habituellement versées à une société de gestion des droits d'auteur qui perçoit et distribue les redevances au nom des titulaires de droits d'auteur. Les redevances à verser sont par ailleurs établies sous forme de tarifs par la Commission du droit d'auteur du Canada. La licence obligatoire est donc une politique gouvernementale dictée par un cas d'exception au principe général qui prévaut en matière de droit d'auteur voulant que les titulaires de droits d'auteur aient un contrôle exclusif sur leurs œuvres. La licence obligatoire est un élément de la Loi sur le droit d'auteur, qui, à titre de loi nationale, s'applique partout au Canada, y compris dans le droit civil de la province de Québec.

Un témoin représentant l'Association canadienne des radiodiffuseurs a décrit la licence obligatoire comme un compromis raisonnable à l'option de ne pas être payé2. D'autres témoins, toutefois, réclament qu'elle soit abolie sur-le-champ et remplacée par un système de marché libre dans lequel la valeur et le paiement sont négociés entre les parties. Ainsi, certains radiodiffuseurs et distributeurs préféreraient négocier directement avec les titulaires de droits d'auteur dans un système de marché libre plutôt que d'avoir à passer par la Commission du droit d'auteur, comme c'est le cas actuellement3. Après tout, la majorité des services et du contenu offerts par la télévision à la carte, les chaînes thématiques et la télévision payante sont déjà négociés dans un marché libre entre les distributeurs et les titulaires de droits d'auteur4.

E. Retransmission par Internet

L'évolution de la technologie depuis 1990 a présenté des défis intéressants aux radiodiffuseurs et aux retransmetteurs, et la question précise de la transmission des signaux de télévision par Internet (« retransmission par Internet ») a fait l'objet de nombreux débats.

Comme il a été mentionné dans le chapitre 3, la révolution numérique a fait son chemin dans le monde de la télévision et de la radio, grâce en grande partie à la différence qui existe entre la technologie numérique et la technologie analogique. La technologie analogique transmet l'information de façon continue sous forme de courants ou ondes électriques variés. La technologie numérique, d'un autre côté, suppose que l'information est exprimée en chiffres binaires, appelés « bits », transmis par pulsations ou rafales plutôt qu'en une onde continue. Cette nouvelle technologie a des répercussions importantes sur le droit d'auteur et la radiodiffusion parce qu'une fois que l'information est sous forme numérique, elle peut être facilement copiée ou transmise à peu de frais sans perte d'information ou de qualité. Pensez, par exemple, comme il est facile d'expédier un courriel à plusieurs destinataires qui, à leur tour, peuvent le transmettre à d'autres personnes et ainsi de suite, sans aucune perte d'information.

L'Internet est un système numérique et l'instantanéité avec laquelle le monde entier peut être joint grâce à Internet est bien connue. Cette évolution technologique a également facilité notre capacité de transmettre « en continu » du matériel de radiodiffusion sur Internet, ce qui permet aux propriétaires d'ordinateur de visionner des émissions de télévision sur leur ordinateur personnel. Par ailleurs, cette évolution a posé de sérieux problèmes en ce qui concerne le droit d'auteur et la radiodiffusion.

À la fin de 1999, une compagnie appelée iCrave TV a commencé à retransmettre 17 signaux de chaînes de télévision canadiennes et américaines partout dans le monde à tous ceux qui avaient accès à Internet. La compagnie recevait des signaux d'émissions en direct qu'elle convertissait en signaux numériques dans un format compatible avec Internet et les transmettait en continu sur Internet. La compagnie n'a pas versé les droits ou redevances que les radiodiffuseurs habituels sont tenus de payer, et par conséquent, les titulaires des droits d'auteur des émissions diffusées par iCrave n'ont reçu aucune des indemnités auxquelles ils avaient droit. iCrave a déclaré avoir reçu une ordonnance d'exemption accordée par le CRTC, permettant aux exploitants de nouveaux médias de ne pas être soumis aux règlements, et a également fait valoir qu'elle pouvait opérer en vertu de la licence obligatoire pour les retransmissions créée à l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur, qui avait été adoptée avant qu'Internet ne devienne un réseau mondial.

La réaction aux activités de iCrave ne s'est pas fait attendre. Des procédures judiciaires ont été intentées aux États-Unis et au Canada dans le but d'empêcher iCrave de transmettre des émissions protégées par des droits d'auteur sans permission. Même si ces mesures judiciaires ont réussi à arrêter iCrave, elles ont fait peu pour résoudre le problème sous-jacent, à savoir le lien particulier entre les nouvelles technologies et la licence obligatoire pour les retransmissions exigée à l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur.

Le cas de iCrave a soulevé le problème que pose la licence obligatoire. Telle qu'elle a été définie, la licence obligatoire a pour objet de s'appliquer uniquement à la retransmission des signaux transmis par la voie des ondes. La retransmission, à son tour, vise uniquement les câblodistributeurs et les distributeurs par satellite. Que faut-il faire dans le cas de la retransmission par Internet, qui est effectuée ni par câble ni par satellite? Lorsqu'elle a été promulguée, la Loi sur le droit d'auteur n'a pas tenu compte de l'apparition de technologies fonctionnant de manière différente, et par conséquent, ne traite pas de cette question. La Loi sur le droit d'auteur n'exclut pas précisément Internet du régime de retransmission défini à l'article 31 de la Loi. En outre, en 1999, le CRTC a décidé qu'il ne réglementerait pas Internet5, laissant la question de la retransmission par Internet sans réponse6.

En 2001, une compagnie appelée JumpTV.com, un radiodiffuseur Internet, a adressée à la Commission du droit d'auteur du Canada une demande de tarification pour la retransmission de réseaux de télévision. Elle désirait offrir aux propriétaires d'ordinateurs personnels une quatrième façon — après les systèmes de télévision par ondes hertziennes, par câble et par satellite — de recevoir des signaux d'émissions de télévision. La distinction entre JumpTV et iCrave est que JumpTV a demandé à la Commission du droit d'auteur du Canada de fixer un tarif pour la retransmission sur Internet avant d'entrer en service, ce que iCrave n'a pas fait.

Cette demande a entraîné une consultation qui a duré six mois et qui a été parrainée conjointement par Patrimoine Canada et Industrie Canada, lesquels se sont penchés sur les questions concernant la retransmission par Internet et la licence obligatoire. Par la suite, le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, a été présenté à la Chambre des communes en vue d'établir un cadre pour la programmation non conventionnelle d'émissions afin que celle-ci fonctionne conformément à la licence obligatoire de retransmission offerte aux retransmetteurs conventionnels. Le projet de loi a été renvoyé pour étude au Comité permanent du patrimoine canadien.

La question de savoir si les retransmetteurs par Internet pouvaient profiter de la licence obligatoire que les radiodiffuseurs conventionnels utilisent a suscité de nombreuses discussions.

Des représentants de JumpTV qui ont comparu devant le Comité ont indiqué qu'ils pourraient — et de fait souhaiteraient — opérer en vertu du même régime de réglementation que les radiodiffuseurs conventionnels7. Ils ont pressé le Comité de promouvoir des règlements qui leur permettraient de retransmettre des signaux comme les compagnies de câble ou de satellite le font, et ont déclaré que la seule chose qui les différencie de ces dernières est le point de chute du signal de radiodiffusion — un ordinateur personnel plutôt qu'un téléviseur.

En outre, dans les observations et le témoignage qu'ils ont présentés devant le Comité, ils ont fait remarquer qu'ils paieraient tous les tarifs et les droits applicables aux droits d'auteur en vertu de la licence obligatoire, et feraient en sorte que la technologie appropriée soit en place pour veiller à ce que ces signaux Internet soient transmis uniquement au Canada à leurs abonnés8. Plusieurs témoins ont comparu devant le Comité afin de confirmer l'efficacité d'un logiciel limitant la réception des signaux retransmis par Internet à des emplacements géographiques précis9.

Ce dernier point est apparu comme l'une des questions les plus litigieuses en ce qui a trait à la retransmission par Internet. Étant donné qu'il est facile de copier et de transmettre du matériel par Internet, plusieurs témoins ont exprimé leur scepticisme quant à savoir si les signaux transmis par Internet pouvaient être réellement limités à un espace précis10. Ils ont fait valoir que la capacité d'Internet de joindre le monde entier pourrait bien entraîner la distribution de matériels protégés par des droits d'auteur. Néanmoins, les représentants de JumpTV ont maintenu que si la réglementation en matière d'octroi de licences exige une restriction géographique pour que les signaux de radiodiffusion soient diffusés par Internet, ils se conformeraient à cette exigence11.

Un autre point préoccupant en ce qui concerne l'octroi d'une licence obligatoire aux radiodiffuseurs Internet est la dilution potentielle des intérêts actuels des titulaires de droits exclusifs pour la transmission en direct d'événements sportifs. Des témoins ont affirmé que les droits de radiodiffusion exclusifs font partie des biens les plus précieux des ligues sportives professionnelles et des équipes de sport professionnel. Par conséquent, l'octroi d'une licence obligatoire additionnelle à un retransmetteur Internet lui permettant de diffuser des émissions dans des territoires restreints — donnant par conséquent un autre choix de programmation aux téléspectateurs — rend ces droits de radiodiffusion moins intéressants12. Toute extension de la licence obligatoire aux retransmetteurs Internet a été combattue sur ce fondement.

D'autres représentants de l'industrie comme l'Association canadienne des distributeurs de films, l'Association canadienne des radiodiffuseurs, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique et l'Association canadienne de production de film et télévision se sont également opposés à l'extension de la licence obligatoire aux retransmetteurs Internet. Dans leurs observations au Comité, ces organisations ont demandé une réglementation sur mesure pour Internet, excluant les retransmetteurs Internet en tant qu'entités pouvant demander une licence obligatoire. Parmi les raisons citées, mentionnons l'inquiétude que la technologie Internet constitue une expropriation injustifiée des droits exclusifs du titulaire du droit d'auteur et que les titulaires de droits d'auteur ne seraient pas correctement protégés à la lumière de la croissance rapide et de l'évolution technologique d'Internet13. En outre, étant donné que près de 100 % des ménages canadiens possèdent un téléviseur, et que plus de 75 % d'entre eux sont abonnés aux services d'un radiodiffuseur conventionnel, la retransmission par Internet n'améliorerait pas l'accès au système de radiodiffusion14.

La résistance à l'octroi de licences de radiodiffusion sur Internet est aussi venue de beaucoup plus loin. Le comité judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis a fait part de ses inquiétudes dans une lettre adressée à l'ambassadeur du Canada aux États-Unis, indiquant que les tentatives de modification de la Loi sur le droit d'auteur en vue d'octroyer aux retransmetteurs Internet une licence obligatoire ne tiennent pas compte des caractéristiques particulières d'Internet d'une manière telle que cela facilitera le piratage des œuvres américaines protégées et la fuite globale du contenu américain protégé15. En outre, cela minera pour ne pas dire anéantira la capacité des titulaires de droits d'auteur américains de contrôler la distribution de leur matériel à des radiodiffuseurs conventionnels, ce qui aura pour effet de diminuer grandement la valeur des œuvres.

Après avoir entendu les observations des parties et des organisations intéressées, le Comité permanent du patrimoine canadien a modifié le projet de loi C-11 afin de refuser aux retransmetteurs Internet le droit de se procurer la licence obligatoire nécessaire pour diffuser légalement des émissions sur Internet. La Loi sur le droit d'auteur a été modifiée en conséquence afin d'exclure de manière explicite les radiodiffuseurs Internet de la définition de « retransmetteur » et de « retransmetteur de nouveaux médias ».

Le projet de loi, tel que modifié, a reçu la sanction royale le 12 décembre 2002. L'objet de la modification est de préciser que les intérêts des diffuseurs et des titulaires de droits d'auteur seront protégés sur les supports numériques, En janvier 2003, le CRTC a réitéré qu'il ne réglementera pas les retransmetteurs sur Internet . Dans son rapport au gouverneur en conseil, il a affirmé qu'il « n'estime ni nécessaire ni opportun d'exiger une licence pour les retransmetteurs sur Internet16 ».

F. Droits connexes

Les droits connexes représentent trois types additionnels de sujets qui ne sont pas inclus dans la définition établie dans la Loi sur le droit d'auteur du terme « œuvre », mais qui reçoivent néanmoins la protection du droit d'auteur en vertu de la Loi. Ces trois sujets sont (i) la prestation, (ii) l'enregistrement sonore et (iii) les signaux de communication.

À l'origine, le droit d'auteur était lié à l'« œuvre » de l'auteur ou de l'artiste, qui comme il est maintenant défini dans la Loi sur le droit d'auteur, comprend les œuvres littéraires, dramatiques, musicales et artistiques. Celles-ci demeurent le fondement des intérêts protégés par des droits d'auteur. Toutefois, plus récemment, les exécutants, les producteurs d'enregistrements sonores et les radiodiffuseurs se sont vu accorder certains droits sur leurs « œuvres ».

Ces droits résultent de modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur en 1997. Avant, les stations de radio canadiennes étaient obligées de payer des redevances au titulaire des droits, par exemple, aux compositeurs et aux paroliers. La reconnaissance des droits connexes, cependant, a étendu le droit d'auteur aux exécutants et aux producteurs d'enregistrements sonores, en se fondant sur le fait qu'ils ajoutent une valeur substantielle à la composition musicale et méritent une indemnité tout comme le compositeur. Aujourd'hui, les stations de radio sont obligées de payer des redevances non seulement aux titulaires des droits sur la musique, mais aussi à l'exécutant et au producteur de l'enregistrement sonore.

Si le droit d'auteur est supposé protéger l'œuvre originale de l'artiste ou de l'auteur, il peut sembler difficile à première vue de comprendre pourquoi la prestation, l'enregistrement et la radiodiffusion de la Tosca devraient être tous protégés par des droits d'auteur. Après tout, le chef d'orchestre et les musiciens n'ont pas composé l'opéra. Puccini l'a fait. Même si la prestation est éblouissante et novatrice, on pourrait affirmer qu'il n'y a rien d'original à cela — l'œuvre demeure celle de Puccini. Toutefois, le droit connexe et, par conséquent, ce droit d'auteur particulier s'applique à la prestation même, et non à l'œuvre originale; ainsi, c'est un élément soustrait du droit d'auteur (et de là, un droit « connexe »). Par conséquent, selon cet argument, l'interprétation d'une chanson par un chanteur mérite d'être protégée tout autant que la chanson originale même. Par exemple, on pourrait soutenir que la prestation de Judy Garland de Over the Rainbow est la chanson, malgré le fait que celle-ci ait été écrite par Harold Arlen et
E.Y. « Yip » Harburg.

De même, bien que les producteurs d'enregistrements sonores et les radiodiffuseurs ne réalisent pas une œuvre originale en enregistrant ou en transmettant un signal, ils ont droit à un droit d'auteur non pas pour souligner leur originalité, mais pour protéger leur investissement dans la création et la distribution du son ou du signal17.

G. Enregistrements éphémères

Les enregistrements éphémères sont une autre exception à l'interdiction générale de copier du matériel. Dans certaines circonstances limitées, la Loi sur le droit d'auteur autorise des « enregistrements éphémères » — des copies temporaires d'une œuvre afin d'en faciliter la radiodiffusion.

Les radiodiffuseurs prétendent depuis longtemps qu'ils peuvent effectuer des enregistrements temporaires (« éphémères ») d'œuvres pour diffusion ultérieure à titre de partie accessoire du droit de télécommunication publique, pourvu que toutes les redevances requises aient été versées aux organismes appropriés. Les radiodiffuseurs se fondent sur cette pratique pour diffuser un événement en direct — comme un concert extérieur — et pour diffuser un enregistrement en différé du même concert plus tard dans un autre fuseau horaire. Les émissions de télévision en direct et en différé des célébrations pour souligner la fête du Canada sont un bon exemple de cette utilisation.

Cette pratique a donné lieu à une certaine controverse : les titulaires de droits d'auteur étaient en désaccord avec la position des radiodiffuseurs, argumentant que la Loi sur le droit d'auteur leur a accordé des droits distincts concernant la diffusion et l'enregistrement de leurs œuvres, et que lorsque leur œuvre est copiée, ils ont droit à une redevance additionnelle en plus de la rémunération de la diffusion. Cette position a été validée par une décision de la Cour suprême en 199018. Dans ce cas, la Cour n'a pas trouvé dans la Loi d' exception concernant les droits éphémères et a déclaré que pour qu'un tel droit existe, le Parlement doit le créer.

Lorsque la Loi sur le droit d'auteur a été modifiée en 1997, le Parlement a créé une exception à la Loi en ce qui concerne les enregistrements éphémères, permettant de façon générale de réaliser des reproductions éphémères de prestations suivant des conditions précises. Cette exception, cependant, est très restreinte; le plus important, elle ne peut s'appliquer lorsque l'entreprise « peut obtenir, par l'intermédiaire d'une société de gestion, une licence l'autorisant à faire une telle fixation ou reproduction19. » Cela signifie que les stations de télévision et de radio peuvent réaliser des reproductions éphémères à moins qu'une société de gestion représentant les titulaires des droits d'auteur ait exigé un paiement pour ces reproductions.

Bien naturellement, des sociétés de gestion représentant les titulaires de droits sur la musique se sont formées et ont voulu exiger une nouvelle tarification pour la reproduction de leurs œuvres. Les nouveaux tarifs fixés par la suite par la Commission du droit d'auteur ont obligé les radiodiffuseurs à verser une redevance supplémentaire pour la production d'enregistrements éphémères.

Toutefois, les radiodiffuseurs se sont évidemment opposés à l'établissement de ces nouveaux tarifs pour les reproductions éphémères, suggérant qu'en plus d'ajouter une autre disposition coûteuse en matière de redevances, cette exception faisait peu pour équilibrer les intérêts entre les titulaires de droits d'auteur et les radiodiffuseurs, et annulaient effectivement tout avantage significatif offert aux radiodiffuseurs par l'adoption d'une exception à l'égard des enregistrements éphémères20. Les radiodiffuseurs ont déclaré que les enregistrements temporaires — réalisés uniquement dans le but de faciliter la diffusion d'exécutions d'émissions pour lesquelles ils ont déjà payé des droits — n'avaient aucune valeur commerciale secondaire pour les radiodiffuseurs et ne nuisaient pas au titulaire du droit d'auteur.

Cet argument peut avoir une résonance particulière en ce qui concerne la diffusion de musique sur les ondes de stations de radio commerciales. Ces dernières paient des redevances à des sociétés de gestion pour les droits d'exécution et les droits connexes chaque fois qu'elles font jouer de la musique à la radio. Afin de faciliter la diffusion, les stations téléchargent un disque compact dans leur serveur ou copient un vieil enregistrement vinyle sur un disque compact qu'ils téléchargent ensuite. Cette opération est effectuée uniquement pour son côté pratique à la lumière de la technologie moderne utilisée pour la diffusion d'enregistrements sonores; en fait, les beaux jours des tables tournantes dans les stations sont disparus depuis longtemps.

Toutefois, cette opération de téléchargement d'un disque compact (appelé « transposition sur un support » et permise à titre d'exception en vertu de la Loi sur le droit d'auteur) constitue une réalisation d'une reproduction éphémère et, par conséquent, nécessite le paiement d'une autre redevance à une société de gestion des droits de reproduction. Les membres du Comité ont assisté à une démonstration de ce processus lors d'une visite effectuée à la radio de CJAD à Montréal. Il est important de noter que l'exemption concernant la transposition sur un support constitue une exception très restreinte à la Loi sur le droit d'auteur et que la licence permettant de réaliser une reproduction éphémère est limitée à une composition particulière plutôt qu'à l'ensemble du disque compact. Cela signifie que si un disque compact contient 10 chansons, les radiodiffuseurs doivent obtenir la permission de copier chaque chanson et payer des redevances pour chacune.

Le droit de transposition sur un autre support demeure un point litigieux entre les radiodiffuseurs et les sociétés de gestion des droits d'auteur. Les radiodiffuseurs continuent de demander à ce que l'obligation de verser une autre redevance aux sociétés de gestion des droits de reproduction soit modifiée, affirmant qu'ils possèdent déjà l'œuvre copiée et qu'ils ont déjà payé le droit de la faire jouer. L'Association canadienne des radiodiffuseurs a fait cette déclaration tant dans le mémoire que dans l'exposé qu'elle a présentés au Comité du patrimoine, comme d'autres radiodiffuseurs privés21. Même si elles n'ont pas fait de présentations officielles devant le Comité permanent du patrimoine canadien, les sociétés de gestion des droits d'auteur continuent d'affirmer leur droit d'exiger des redevances pour les reproductions d'enregistrements qui représentent un processus distinct de leur programmation.

H. Conclusion

Le Comité est très conscient que la rencontre entre la technologie numérique et la Loi sur le droit d'auteur pose des problèmes importants, notamment de grandes questions comme la retransmission sur Internet et la création de copies temporaires et éphémères visant à faciliter la diffusion. L'article 92 de la Loi sur le droit d'auteur prévoit un examen obligatoire de la Loi dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur (1997), ainsi que l'étude de cet examen par un comité parlementaire. En octobre 2002, l'examen intitulé Stimuler la culture et l'innovation — Rapport sur les dispositions et l'application de la Loi sur le droit d'auteur22 a été achevé et renvoyé au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes pour étude.

Étant donné que le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a été chargé de réaliser cette étude, en mettant l'accent sur le droit d'auteur face à l'évolution rapide de la technologie, le Comité a jugé sage de ne pas faire de recommandations précises dans le présent rapport. En effet :

Le Comité reconnaît le besoin urgent de procéder en cette ère du numérique à une réforme du droit d'auteur et entend aborder toutes les questions pertinentes de la radiodiffusion au cours de son prochain examen de la Loi sur le droit d'auteur, comme la Loi l'exige.

Notes en fin de chapitre

1Un « signal de radiodiffusion à distance » consiste simplement en un signal qui ne peut être reçu avec une antenne en V parce que la source du signal est trop éloignée.
2Susan Peacock, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 4 juin 2002.
3Voir, par exemple, le témoignage de William Daly, vice-président exécutif et avocat en chef, Ligue nationale de hockey, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 6 juin 2002; Susan Peacock, vice-présidente, Association canadienne des distributeurs de films, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 4 juin 2002; Brian Robertson, président, L'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 4 juin 2002.
4L'Association canadienne des radiodiffuseurs, mémoire, 10 septembre 2001, p. 22.
5Avis public de radiodiffusion CRTC 1999-84.
6La décision du CRTC concernant les nouveaux médias est discutée dans le chapitre 14.
7Farrell Miller, président, JumpTV, séance du Comité permanent du patrimoine canadien,
4 juin 2002.
8Ibid.
9Voir le témoignage de Chris Herringshaw, fondateur et agent en chef des technologies, Quova Inc., et Larry Korba, chef de groupe, Réseautique, Conseil national de recherches du Canada, séance du Comité permanent du patrimoine canadien,11 juin 2002.
10Voir, par exemple, le témoignage de Ken Thompson, vice-président et avocat général, Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 4 juin 2002; William Daly, vice-président exécutif et avocat en chef, Ligue nationale de hockey, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 6 juin 2002, et Ben Ivins, Senior Associate General Counsel, National Association of Broadcasters (É.-U.), séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 mai 2002.
11Farrell Miller, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 4 juin 2002.
12William Daly, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 6 juin 2002. Voir aussi le témoignage de Gregory Piasetzki, conseiller juridique, FWS Joint Sports Claimants, Inc., et Jeff Pash, vice-président exécutif et avocat en chef, Ligue nationale de football, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 6 juin 2002.
13Voir, par exemple, le témoignage de Paul Spurgeon, vice-président, Services juridiques et avocat en chef, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 mai 2002. Voir aussi le témoignage Susan Peacock, vice-présidente, Association canadienne des distributeurs de films, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 4 juin 2002.
14Susan Peacock, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 4 juin 2002.
15Lettre à Michael Kergin, Ambassadeur du Canada aux États-Unis, 4 juin 2002.
16Avis public de radiodiffusion CRTC 2003-2.
17D. Vaver, Copyright Law (Toronto: Irwin Law Inc., 2000), p. 30.
18Télé-Métropole Inc. c. Bishop (indexé sous Bishop c. Stevens), [1990] 2 S.C.R. 467.
19Loi sur le droit d'auteur, R.S. c. C-30, s. 30.8(8).
20Voir par exemple, Association canadienne des radiodiffuseurs, p. 22.
21Voir l'Association canadienne des radiodiffuseurs, p. 22, et témoignage de Glenn O'Farrell, président et président-directeur général, Association canadienne des radiodiffuseurs, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002. Voir aussi le témoignage de Peter Miller, vice-président, Planification et Affaires réglementaires, CHUM, séance du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
22Stimuler la culture et l'innovation — Rapport sur les dispositions et l'application de la Loi sur le droit d'auteur, www.strategis.ic.gc.ca