Passer au contenu
Début du contenu

INST Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE 3
OBJECTIFS DE LA POLITIQUE ET OUTILS
D’INTERVENTION : UNE APPROCHE ÉQUILIBRÉE

Objectifs de la politique et options

En 1987, le gouvernement du Canada a justifié les restrictions imposées aux entreprises de télécommunication en matière de propriété étrangère, en faisant valoir qu’elles «  permettent d’assurer notre souveraineté, notre sécurité et notre bien-être économique, social et culturel sur le plan national  ». En 2003, le Comité examine cette contribution et la nécessité des restrictions à la propriété étrangère pour mener à bien cet objectif de politique générale. Il souhaiterait reprendre les objectifs de la Loi sur les télécommunications, particulièrement celui affirmant «  le caractère essentiel des télécommunications pour l’identité et la souveraineté canadiennes  ». Les télécommunications favorisent cette identité et cette souveraineté en permettant aux Canadiens de mettre en place les réseaux sociaux et commerciaux comme pierre angulaire de l’essor et de la croissance de notre pays, facteur particulièrement important dans une économie de plus en plus axée sur le savoir. Il adhère également à l’objectif qui a été établi par le gouvernement canadien et qui vise à encourager l’investissement étranger direct (IED) afin de maintenir une infrastructure et des services modernes dans le domaine des télécommunications. Pour équilibrer ces deux objectifs, le Comité évaluera les restrictions régissant l’investissement étranger et les autres outils d’intervention dans le contexte des cinq options suivantes en matière de politique12, pour ne recommander finalement qu’une seule de ces options.

Statu quo : contrôle canadien

Actuellement, la Loi sur les télécommunications précise que, pour fonctionner au Canada, une entreprise de télécommunication doit appartenir à des intérêts canadiens et être sous contrôle canadien de la façon suivante : (a) au moins 80 % des membres du conseil d’administration de l’entreprise doivent être des Canadiens; (b) des Canadiens doivent posséder, directement ou indirectement, au moins 80 % des actions avec droit de vote de l’entreprise; (c) l’entreprise ne doit pas, par ailleurs, être sous le contrôle de personnes qui ne sont pas des Canadiens. Les étrangers sont autorisés à posséder un maximum de 46⅔ % des actions avec droit de vote des entreprises de télécommunication (par avoirs direct et indirect par l’entremise d’une société de portefeuille). Ces règles s’appliquent uniquement aux actions avec droit de vote, en fonction de l’hypothèse que seules ces actions donnent le contrôle. Par contre, de nombreux autres facteurs peuvent en fait contribuer à assurer le contrôle.

BCE Inc. a préconisé une variante à ce statu quo. Elle recommande que le gouvernement du Canada envisage de ramener le minimum actuel de propriété canadienne exigé de 66⅔ % à 51 % en ce qui concerne une société de portefeuille. Cette solution permettrait aux étrangers d’être directement ou indirectement propriétaires d’un maximum de 59 % des actions avec droit de vote des entreprises de télécommunication. Puisque la question de savoir si une société de portefeuille est canadienne est fixée par règlement, le gouvernement du Canada n’aurait pas à demander officiellement l’approbation du Parlement pour apporter cette modification. Toutefois, la proposition ne règle pas le problème du contrôle de fait, facteur important qui justifie une étude plus exhaustive.

Une autre solution analogue au statu quo consisterait : (1) à faire passer la propriété directe canadienne de 80 % à 51 %; (2) à éliminer la réglementation concernant la propriété indirecte; (3) à imposer des limites, par exemple 10 % de la propriété individuelle d’actions avec droit de vote. On préserverait ainsi l’appartenance et le contrôle canadiens. Cette variante au statu quo pourrait nécessiter une disposition relative aux «  droits acquis  » pour un certain nombre d’entreprises actuelles, si nous voulons éviter des répercussions financières regrettables. Agir ainsi serait par contre plus restrictif et pourrait susciter un obstacle plus grand que celui dressé par les règles actuelles régissant l’investissement étranger direct. En fait, certains pays de l’OCDE ont adopté des règles analogues (voir l’annexe 4).

Selon certains témoins, la simplicité est l’un des avantages des règles actuelles concernant la propriété et le contrôle canadiens, ou des deux propositions qui précèdent. Limiter la participation étrangère à un statut équivalant à l’absence de contrôle permet de garantir plus facilement la souveraineté sur certains aspects, comme le maintien d’un siège social au Canada, l’exécution de travaux de recherche et développement (R-D) au Canada et la préférence accordée aux établissements canadiens, favorisant ainsi indirectement les emplois, le commerce et le développement économique au Canada. Les autres outils d’intervention qui répondraient à ces questions de souveraineté supposent une certaine somme de discrétion et d’incertitude, ce qui serait plus lourd et plus coûteux à administrer.

Selon d’autres témoins, le principal inconvénient de tout régime de propriété étrangère supposant des restrictions au niveau des actions est le suivant : c’est une façon très malhabile d’atteindre des objectifs de souveraineté économique et les restrictions concernant les actions ont des effets néfastes sur l’économie canadienne. En limitant les options d’investissement à la disposition des entreprises canadiennes de télécommunications, les restrictions à la propriété étrangère augmentent le coût du capital et ralentissent le rythme des immobilisations, pour les entreprises à la recherche d’un financement par mise de fonds de l’extérieur. En outre, ces restrictions pèsent d’une manière disproportionnée sur les nouvelles entreprises de services locaux concurrents (ESLC) par rapport aux entreprises de services locaux titulaires (ESLT) parce que les premières financent d’une façon démesurée leurs investissements à l’aide de sources de capitaux étrangères par rapport à la stratégie adoptée par les ESLT. Par conséquent, les nouvelles ESLC capitalisent davantage leur dette pour financer leur investissement afin de composer avec le coût supérieur du capital de risque, ce qui fait augmenter leur ratio d’endettement. Un ratio d’endettement supérieur dans l’ensemble de l’industrie affaiblit la stabilité financière de celle-ci, ce qui est particulièrement le cas en période de récession. Le cas échéant, les frais de service de la dette peuvent parfois taxer le niveau de liquidité d’une entreprise ainsi qu’entraîner un rééchelonnement du capital et parfois la faillite. Pour toutes ces raisons, la concurrence est freinée, ce qui ralentit l’intégration des infrastructures et services les plus récents sur le marché canadien. Cette situation se produit même si l’IED ne suppose aucun changement à l’orientation stratégique des entreprises en exploitation (p. ex., maintien d’un siège social au Canada, exécution de R-D au Canada ou préférence aux installations canadiennes).

Appartenance canadienne majoritaire : la règle du 51 %/49 %

Il existe une autre façon, relativement facile, de modifier l’actuel régime régissant la propriété étrangère : éliminer simplement les règles sur le contrôle canadien tout en maintenant l’exigence d’appartenance canadienne majoritaire. La règle la plus courante en matière d’appartenance canadienne majoritaire est celle du 51 %/49 %, qui permettrait aux étrangers d’acquérir jusqu’à 49 % des actions avec droit de vote d’une entreprise.

Cette option relèverait légèrement le niveau de propriété étrangère permis à une entreprise de télécommunication, mais risquerait de céder le contrôle de l’entreprise à des intérêts étrangers. Si, pour les étrangers, l’enjeu premier visé est le contrôle et non pas la propriété majoritaire (pour faire diminuer le risque financier de leur investissement), l’IED affluerait plus probablement vers le secteur canadien des télécommunications, en particulier vers les nouveaux arrivants, apportant avec lui des idées nouvelles, des innovations, des emplois et un environnement plus concurrentiel que dans le régime actuel.

D’après certains témoins, l’inconvénient de cette option est que l’objectif de la souveraineté serait plus difficile ou administrativement plus coûteux à atteindre. La prise de contrôle par des étrangers d’une entreprise canadienne de télécommunications titulaire pourrait être suivie d’un déménagement de son siège social et de ses installations de R-D vers son siège à l’étranger, entraînant la fuite de nombreux emplois bien rémunérés. De plus, les propriétaires étrangers pourraient accorder moins la priorité aux régions rurales et éloignées que des propriétaires canadiens. Toutefois, le CRTC a le pouvoir et les moyens de maintenir l’interfinancement des services dans l’ensemble du pays, de même que l’engagement d’un titulaire envers l’universalité du service. Qui plus est, le ministre de l’Industrie, en application de la Loi sur Investissement Canada, peut régler les problèmes en matière de siège social et de R-D dans l’«  intérêt public  »13 Même si elles ne peuvent remplacer parfaitement les restrictions régissant la propriété étrangère, ces mesures de rechange pourraient s’avérer en fait un outil d’intervention supérieur pour répondre aux questions de souveraineté.

Restrictions aux titulaires actuels : l’approche par paliers

Une autre modification facile aux restrictions actuelles serait de changer tout simplement les entreprises visées par les règles. Au lieu d’appliquer les restrictions actuelles régissant la propriété étrangère à toutes les entreprises de télécommunications actives au Canada, on pourrait adopter une approche par paliers, dans laquelle les restrictions actuelles à la propriété étrangère continueraient de viser les entreprises de services titulaires (ESLT), mais non les autres entreprises de services concurrents. L’une des variantes de cette approche consisterait à éliminer la réglementation concernant la propriété indirecte et à ramener les exigences d’appartenance canadienne de 80 % à 51 % pour les compagnies qui demeurent assujetties aux restrictions, ce qui représente, en fait, la solution préférée par certains pays de l’OCDE.

Puisque l’histoire des télécommunications au Canada touche de nombreux monopoles provinciaux et territoriaux, auxquels s’ajoutent de nombreuses petites entreprises de télécommunication municipales (qui répondent également à la définition d’entreprises titulaires), on pourrait préciser davantage quelles sont les sociétés qui seraient visées par les restrictions pour n’englober que les «  grandes  » entreprises de télécommunication titulaires. Dans cette approche par paliers qui, évidemment, ne saurait être qu’une solution transitoire, les législateurs seraient appelés à préciser à quel moment une grande entreprise titulaire cesserait d’être dominante, après quoi les restrictions pourraient être éliminées en toute sécurité. En matière de concurrence ou de part de marché, quelle serait l’étape à atteindre pour qu’on puisse éliminer les restrictions à la propriété étrangère dans le cas des grands titulaires? Ne vaudrait-il pas mieux opter pour un comportement particulier, par exemple un certain niveau de défection de la clientèle au profit de rivaux par réaction à un changement de tarifs d’un titulaire? Il serait souhaitable de procéder à un examen législatif périodique de cette question.

Le principal avantage de cette option est qu’on évite les questions de coût du capital et d’accès au capital pour les nouveaux arrivés, tout en préservant la souveraineté qui est un facteur plus important lorsqu’il s’agit des grands titulaires. De plus, lorsqu’on aura adopté une définition adéquate de ce qu’est une grande entreprise de télécommunication titulaire, le fardeau administratif sera nul ou presque nul.

Voici les trois principaux inconvénients de cette approche. Tout d’abord, l’établissement de paliers donne des règles inégales. Puisque l’objectif ultime de l’approche à l’abstention prise par le Canada en matière de déréglementation est l’avènement d’un marché concurrentiel, il pourrait ne pas être sage de fausser les conditions sous-jacentes du marché en faveur de tel participant ou de telle catégorie de participants de l’industrie. Rien ne prouve que les règles artificielles conçues pour favoriser telle catégorie de concurrents ou désavantager telle autre puissent déboucher sur autre chose qu’une concurrence artificielle. Dans un marché vraiment concurrentiel, il existe la perspective d’une combinaison optimale en matière de choix de produits, de qualité de service et de prix. La concurrence artificielle n’arrive pas à ce niveau.

De plus, la définition d’un grand titulaire engloberait probablement Bell Canada et TELUS notamment. Bell Canada est dominant dans le Canada central, mais ne l’est pas dans l’Ouest canadien. Dans la même veine, TELUS est un grand titulaire dans l’Ouest canadien, mais un nouvel arrivé sur le marché au Canada central. À quoi servirait-il d’empêcher ces deux rivaux potentiels de se faire mutuellement concurrence de façon aiguë? Même si ni BCE ni TELUS ne subissent actuellement de contraintes en raison des restrictions à la propriété étrangère, cette situation pourrait ne pas durer. En outre, ce type de concurrence est tout aussi important que la concurrence des nouveaux arrivés et sera peut-être même plus féroce dans un proche avenir.

Enfin, on peut penser qu’une entreprise de services locaux concurrents pourrait être acquise par une grande société étrangère de télécommunications et obtenir l’accès au capital à un coût moindre que ses grands concurrents titulaires. Par cette mainmise, la tentative de niveler l’accès au capital chez les participants de l’industrie créerait une situation susceptible d’engendrer un plus grand déséquilibre dans le sens opposé.

Permis assorti des conditions servant «  l’intérêt public  » : l’approche discrétionnaire

En accordant des permis aux entreprises de télécommunication, le CRTC ou le ministre de l’Industrie pourrait autoriser le contrôle étranger sur les fournisseurs sans sacrifier le contrôle canadien sur l’exploitation (c.-à-d., la souveraineté). Les conditions de délivrance de permis pourraient être assorties d’objectifs en matière de R-D ou encore en matière d’établissement ou de maintien de services dans les régions rurales et éloignées. À défaut de respecter les conditions, l’entreprise pourrait être frappée d’un certain nombre de sanctions, jusqu’à, en dernier recours, la révocation du permis.

Il est important de ne pas oublier que la mainmise étrangère sur un fournisseur canadien de services de télécommunication ne constitue un problème que si la cible de la prise de contrôle est un titulaire. Le problème possible est le suivant : si une entreprise américaine, par exemple, prenait le contrôle d’un titulaire canadien, elle pourrait alors déménager le siège social du titulaire et ses installations de R-D à son siège principal, emportant avec elle des emplois bien rémunérés.

Même si l’attribution de permis réglait les problèmes en matière de souveraineté, cela découragerait en même temps la libre circulation du capital. L’attribution de licences procure une discrétion importante à l’autorité qui attribue les permis, ce qui introduit une certaine dose d’incertitude dans le climat d’investissement, en raison des craintes d’ingérence politique. L’incertitude est un facteur que les investisseurs préfèrent éviter et, dans le marché mondial des capitaux, le capital d’investissement affluerait davantage vers les pays ou provinces où le climat d’investissement est plus prévisible. La délivrance de permis suppose également, dans une certaine mesure, une participation et une surveillance gouvernementales permanentes, ce qui risque de fausser les marchés, phénomène qui se produit souvent si l’organisme gouvernemental de réglementation impose des contrôles sur le fonctionnement des marchés et la circulation des investissements en capital. De plus, la délivrance de permis est, sur le plan administratif, la solution la plus coûteuse des cinq approches envisagées.

Le problème de l’incertitude concernant le climat d’investissement pourrait être allégé (mais non totalement réglé), si nous établissions clairement, par voie de règlements ou de lignes directrices, les facteurs qui s’appliqueraient dans les décisions relatives à la délivrance des permis. Si le processus décisionnel était transparent, il serait moins susceptible de se «  politiser  », ce qui permettrait aux investisseurs étrangers éventuels d’évaluer les risques ainsi que les coûts d’investissement et d’exploitation au Canada.

Trois modèles de base d’attribution de permis peuvent s’appliquer au secteur des télécommunications :

1.   Toutes les entreprises de télécommunication seraient tenues d’avoir un permis d’exploitation.

2.   Toutes les entreprises de télécommunication seraient tenues d’avoir un permis, mais il existerait des catégories différentes de permis s’appliquant à des types différents de participants de l’industrie.

3.   Seuls les titulaires (ESLT) devraient avoir un permis.

Si l’on élimine les restrictions à la propriété étrangère, le coût du capital devrait diminuer dans l’ensemble de l’industrie. Toutefois, selon la mesure dans laquelle le système de délivrance de permis remplaçant ces restrictions n’est ni transparent, ni prévisible, ce même système fera encore une fois augmenter le coût du capital pour les entreprises qui seront visées. On ne peut évaluer l’effet net sur le coût du capital.

Dans les modèles 2 et 3, les non-titulaires sont favorisés par rapport à leurs rivaux titulaires. Cette sorte de favoritisme pourrait se traduire par une structure plus équilibrée du coût du capital dans l’ensemble de l’industrie. En fait, l’avantage de la libre circulation de la trésorerie dont bénéficient les titulaires, comparativement aux non-titulaires, en ce qui a trait au coût du capital, serait atténué par les fardeaux inhérents aux conditions du ou des permis dans les modèles 2 ou 3 14.

En l’absence d’autres considérations commerciales, les nouveaux venus du marché seraient mieux à même d’avoir accès au capital (mises de fonds et emprunts), d’investir davantage et d’établir plus rapidement une présence viable sur le marché. Au fil du temps, ces investissements saperont la domination des entreprises de services locaux titulaires et, à ce stade, on pourrait éliminer les restrictions pour tous les exploitants. Le défi du législateur consiste à établir à quel moment le titulaire cesse d’être dominant, et quel est le «  repère  » approprié, en matière de concurrence ou de part de marché? Ne vaudrait-il pas mieux opter pour un comportement particulier, par exemple un certain niveau de défection de la clientèle au profit de rivaux par réaction à un changement de tarifs d’un titulaire? Il serait souhaitable de procéder à un examen législatif périodique de cette question.

Absence de restrictions : l’approche de libre entrée

L’approche de la libre entrée n’imposera aucune restriction à la propriété étrangère, mais les prises de contrôle étrangères demeureraient toutefois soumises à un examen du ministre de l’Industrie en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Cette approche offre plusieurs avantages. Tout d’abord, elle attirerait au Canada davantage de capitaux internationaux. De plus, elle permettrait au marché des capitaux d’établir l’affectation la plus efficace des ressources. Selon certains témoins, la libre entrée pourrait, avec le temps, encourager le secteur privé à établir de nouveaux services dans les collectivités rurales et éloignées puisque, des cinq options envisagées par le Comité, l’approche de l’entrée libre entraîne le moins de coûts en capital. Les autres avantages de la libre entrée sont qu’elle est simple et qu’on évite les coûts administratifs (qui finissent par être intégrés aux structures de prix ou de tarif en place ou au fardeau fiscal).

L’un des inconvénients de cette approche, selon certains, est qu’elle pourrait poser un risque inacceptable pour la souveraineté canadienne, puisqu’elle permettrait à des entités étrangères de prendre le contrôle des entreprises de télécommunication dominantes au Canada. Cette approche ne permettrait pas au gouvernement de jouer un rôle de premier plan pour obliger la prestation de nouveaux services dans les collectivités rurales et éloignées. Toutefois, on pourrait répondre à ces questions par la réglementation du CRTC et/ou par des initiatives comme le Programme pilote des services à large bande pour le développement rural et du Nord mis sur pied par Industrie Canada15.

Certaines des craintes concernant les prises de contrôle étrangères des entreprises titulaires dans une approche de libre entrée seraient en grande partie dissipées par l’application des dispositions de la Loi sur Investissement Canada. Industrie Canada doit administrer cette Loi16. La Loi établit les seuils qui, une fois dépassés, assujettissent l’acquisition17 d’une entreprise canadienne à un examen exécuté par le ministre afin de déterminer « l’avantage net ». En ce qui concerne les investisseurs de l’OMC, le seuil relatif aux acquisitions directes est établi à 223 millions de dollars en 2003. Les acquisitions indirectes par des investisseurs ou d’investisseurs de l’OMC ne sont pas visées par cet examen. Pour les investisseurs n’appartenant pas à l’OMC, le seuil est fixé à 5 millions de dollars en ce qui concerne les acquisitions directes et à 50 millions de dollars pour les acquisitions indirectes. Cependant, le seuil de 5 millions de dollars s’applique à l’acquisition indirecte si la valeur de l’actif de l’entreprise canadienne acquise dépasse 50 % de la valeur de l’actif de la transaction globale.

La Loi régit l’examen des investissements au Canada par des non-Canadiens de façon à garantir un «  avantage net  » au Canada. L’avantage net est établi selon les facteurs suivants :

· l’effet du niveau d’activité économique au Canada sur l’emploi, la transformation des ressources, l’utilisation de pièces et de services produits au Canada et les exportations du Canada;
· le niveau et l’importance de la participation de Canadiens dans l’entreprise canadienne ou la nouvelle entreprise canadienne et dans toute industrie au Canada;
· l’effet de l’investissement sur la productivité, l’efficacité de l’industrie, le développement technologique, l’innovation en matière de produits et la variété des produits au Canada;
· l’effet de l’investissement sur la concurrence à l’intérieur de toute industrie au Canada;
· la compatibilité de l’investissement avec les politiques nationales industrielles, économiques et culturelles;
· l’apport de l’investissement à la capacité du Canada de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.

Les objectifs et les outils d’intervention : le juste équilibre

Le Comité a examiné soigneusement les avantages et les inconvénients des options présentées lors des témoignages. Nous reconnaissons que la meilleure politique doit permettre d’établir un juste milieu entre deux objectifs essentiels : enlever ou réduire les obstacles à l’investissement étranger dans le domaine des télécommunications au Canada pour y stimuler la concurrence et l’innovation, tout en assurant la souveraineté et la sécurité canadiennes.

Selon le Comité, faire disparaître complètement les restrictions à la propriété étrangère des entreprises de télécommunication constitue le meilleur moyen d’enlever ou de réduire les obstacles à l’investissement étranger. Nous sommes conscients des problèmes exposés par de nombreux Canadiens au sujet de la possibilité que des intérêts étrangers prennent le contrôle de nos entreprises de télécommunication. Il serait alors possible, estiment-ils, que le siège social de l’entreprise canadienne, ses installations de R-D et les emplois quittent le pays à la suite de la prise de contrôle. Cependant, nous partageons l’opinion de certains experts de l’industrie qui ont évalué ce risque et déterminé qu’il était très restreint. En fait, ces experts estiment que le Canada attirera plus d’emplois et davantage de R-D qu’il en perdra dans le secteur des télécommunications en raison de l’infrastructure moderne de ce dernier. Nous sommes confiants néanmoins que la Loi sur Investissement Canada procure au gouvernement les outils dont il a besoin pour veiller à ce que des capitaux étrangers importants soient investis de façon conforme à l’intérêt public. Enfin, le CRTC dispose également de pouvoirs et de moyens pour s’assurer que les services de télécommunications sont fournis à des prix abordables dans les régions rurales et éloignées du pays. Par conséquent, le Comité recommande :

2.   Que le gouvernement canadien élabore toutes les modifications législatives nécessaires afin d’éliminer complètement les exigences minimales actuelles en matière de propriété canadienne, y compris l’exigence à laquelle sont assujetties les entreprises de télécommunication au chapitre du contrôle canadien.

 

[O]n voit donc la nécessité de bien garder à l’esprit les rôles que doivent jouer deux outils d’intervention bien distincts, à savoir, d’une part, la propriété étrangère et, d’autre part, sa limitation et sa réglementation. Si l’on assouplit ou supprime les restrictions concernant la propriété étrangère, cela ne veut pas dire qu’on ne puisse pas atteindre les mêmes objectifs politiques par la réglementation sans nous priver des avantages d’un afflux de capitaux étrangers, indépendamment des nouvelles idées, des nouvelles sources de technologie et d’une plus grande efficacité de gestion. [Hudson Janisch, Université de Toronto, 16:15:55]

Nous sommes d’avis qu’une libéralisation complète du régime de propriété étrangère au Canada est inévitable et que le Canada ne peut pas se comporter comme le légendaire roi Canut qui essayait de faire refouler les vagues. Cela ne fonctionne pas. […] Nous croyons que ces modifications sont également très complexes en raison des changements technologiques, et ceux ci sont là. Comme le roi Canut, nous ne pouvons pas les faire refouler. [Michael Sabia, Entreprises Bell Canada, 20:9:30]

Les Canadiens ne souhaitent pas qu’il y ait davantage de propriété étrangère. Selon les résultats d’un sondage Décima, 72 % des Canadiens sont opposés à toutes les formes de changements qui sont susceptibles d’être envisagées et préconisées par d’autres. [Brian Payne, Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 21:15:35]

Le Canada pourrait accroître ses règles régissant la propriété étrangère pour les sociétés mères en faisant passer de 33 à 49 % la propriété étrangère en ce qui concerne les entreprises de télécommunication et les télédistributeurs. Le seuil de 20 % qui est en vigueur pour les livres aujourd’hui resterait le même pour les sociétés exploitantes […] et rien de tout cela n’exigerait une modification législative. [Michael Sabia, Entreprises Bell Canada, 20:9:25]

Vous pouvez dire ce que vous voulez au sujet des restrictions de l’investissement, celles ci permettent à tout le moins d’établir le degré autorisé de pénétration de l’investissement étranger. [Gerald Shannon, conseiller en commerce international, 24:16:10]

Nous pouvons déjà faire augmenter le pourcentage et le fixer à 46,7 %. Je ne crois pas que l’établir à 49 % ferait beaucoup changer les choses. [Robert Yates, Lemay-Yates associés, 26:10:20]

[N]ous croyons qu’il serait plus qu’approprié que le Comité recommande la levée immédiate des restrictions pour les nouvelles entreprises, même s’il est jugé pertinent, dans le cas des entreprises titulaires, de maintenir les restrictions en place pendant encore un certain temps, ou jusqu’à ce qu’un certain niveau de concurrence ait été atteint. [André Tremblay, Microcell Télécommunications, 13:16:05]

[U]ne approche par paliers ne privera pas […] ni ne pourra priver les titulaires des avantages du capital étranger et du savoir-faire commercial. [Richard Schultz, Université McGill, 21:16:10]

[N]ous croyons que […] les restrictions régissant l’investissement étranger devraient être libéralisées intégralement et symétriquement, c’est-à-dire qu’aucune entreprise ne devrait devoir composer avec un désavantage concurrentiel lorsque la libéralisation des règles vise certaines entreprises mais pas les autres qui occupent les mêmes créneaux. [Michael Murphy, Chambre de commerce du Canada, 17:15:50]

On a dit qu’il y aurait lieu d’adopter un régime asymétrique de propriété à plusieurs paliers. […] Si l’on prive les titulaires […] des avantages des capitaux, de la technologie et du savoir-faire commercial étranger pour laisser la place à de nouveaux venus qui auront accès aux capitaux, à la technologie et au savoir-faire commercial étranger, on va freiner le dynamisme du marché au détriment de l’ensemble du public pour satisfaire les intérêts privés des nouveaux venus. [Hudson Janisch, Université de Toronto, 16:16:00]

L’approche par paliers […] est arbitraire et discriminatoire. […] Aujourd’hui, nous [Bell Canada] exploitons notre entreprise dans l’Ouest canadien. Notre société est une nouvelle venue dans l’Ouest canadien. Aujourd’hui, TELUS, dont le siège social se trouve dans l’Ouest canadien, occupe aussi notre marché. Il y a un nouveau venu. Quelle est donc sa situation? Quelle solution adoptons-nous par rapport à l’approche par paliers? [Michael Sabia, Entreprises Bell Canada, 20:9:20]

À notre avis, l’argument […] ne tient pas, car si vous établissez des règles spéciales pour un nouveau venu, il se peut fort bien qu’une entreprise étrangère l’achète et qu’elle ait soudainement accès à de vastes réserves de capital. Ce nouveau venu, qui était peut-être une petite entreprise, une entreprise naissante, se transforme en concurrent en vertu des règles spéciales. […] [Francis Fox, Rogers AT&T Communications sans fil, 13:16:20]

Le Canada pourrait éliminer ses restrictions à l’investissement étranger et mettre en place un système de licences dans le cadre d’une politique précisant que le transfert des licences des grandes entreprises nécessiterait l’approbation du gouvernement. Les fusions proposées pourraient être refusées ou approuvées selon des critères qui tiennent compte de l’intérêt du public, comme l’endroit où se trouve le siège social, le niveau de recherche et de développement, etc. [Peter Harder, Industrie Canada, 12:9:40]

Franchement, délivrance de licences et incertitude sont indissociables. De par sa nature, la délivrance de licences procure un pouvoir discrétionnaire, alourdit le fardeau et crée d’autres obstacles. Selon nous, au lieu de favoriser positivement les investissements, elle exerce une influence négative sur eux. [Michael Sabia, Entreprises Bell Canada, 20:9:20]

Le régime réglementaire de surveillance devrait demeurer aux mains des organes de réglementation. L’examen des transferts de licence ou des fusions et acquisitions devrait être effectué par les agences ou organes déjà en place. L’approbation ministérielle au cas par cas ou la création de nouvelles entités de réglementation créeraient de l’incertitude aux yeux de la communauté d’investissement international et découragerait au lieu de favoriser l’investissement étranger dans des entreprises et dans les innovations canadiennes. [Michael Murphy, Chambre de commerce du Canada, 17:15:50]

Certains prétendent […] que, si l’on assouplissait ou supprimait les restrictions concernant la propriété étrangère, le gouvernement devrait conserver le pouvoir discrétionnaire de bloquer ou de modifier tout investissement qui serait réputé non conforme à l’intérêt public. Ce genre de critère informe sur l’intérêt public est trop vague, manque de transparence et risque d’occasionner des retards excessifs ainsi que des négociations occultes. [Hudson Janisch, Université de Toronto, 16:15:55]

[U]ne partie intégrante de la pleine libéralisation de l’investissement étranger supposerait [le] maintien d’un cadre de réglementation transparent et prévisible. Cela signifie qu’aucune nouvelle mesure d’octroi de licence susceptible de contrecarrer les avantages pouvant découler d’un assouplissement des restrictions en matière d’investissement étranger ne devrait être proposée […] [Michael Murphy, Chambre de commerce du Canada, 17:15:50]

Nous croyons que les règles devraient être modifiées pour l’ensemble des fournisseurs de services, grands et petits. Nous recommandons l’élimination complète des règles plutôt que leur assouplissement partiel […] [Francis Fox, Rogers AT&T Communications sans fil, 13:16:20]

Nous croyons que, pour établir un modèle de concurrence durable, il faut ouvrir l’accès à un bassin de fonds au meilleur prix. Nous croyons que le fait de lever les restrictions à la propriété étrangère accroîtrait l’accès aux fonds et diminuerait probablement d’au moins 100 points de base le coût de consolidation de la dette qui nous incombe. [Francis Fox, Rogers AT&T Communications sans fil, 13:16:55]

[B]on nombre de nos objectifs peuvent être atteints plus efficacement grâce à la réglementation plutôt que grâce à la restriction des investissements étrangers. [Hudson Janisch, Université de Toronto, 16:16:55]

[L]a recherche et le développement ne sont pas le grand problème de l’investissement dans les télécommunications. Il est vrai que les sociétés de télécommunications doivent adapter des technologies, mais les experts de la technologie se trouvent dans les sociétés d’équipement, qui elles ne sont pas assujetties au règlement découlant de la Loi sur les télécommunications. [Hudson Janisch, Université de Toronto, 16:17:20]

J’aimerais que votre comité recommande la suppression des restrictions à la propriété étrangère, et nous verrons bien ce qui arrivera. Au moins, ce sera un pas en avant dans ce qui est apparemment un voyage long et difficile, mais ce serait une étape stratégique. [Vic Allen, Upper Canada Networks, 14:16:45]

Il me semble que le recours à un tel outil d’intervention rudimentaire décrit plutôt tristement l’efficacité de la gamme des autres outils étatiques comme les règlements, la politique sur la concurrence, la fiscalité et l’examen ministériel. [Richard Schultz, Université McGill, 21:16:00]

Le remplacement des restrictions en matière d’investissement étranger par de nouvelles règles ne rehaussera pas l’attrait du Canada en tant que cible pour l’investissement dans les télécommunications et pourrait en définitive avoir l’effet contraire. [Michael Murphy, Chambre de commerce du Canada, 17:15:50]

Tout cadre mis au point afin de modifier les règles en matière de propriété étrangère doit offrir une prévisibilité et un pouvoir discrétionnaire minimal. […] Apporter des modifications qui augmenteraient l’incertitude et le pouvoir discrétionnaire freinera de nouveau l’investissement. [Michael Sabia, Entreprises Bell Canada, 20:9:20]

[…] les restrictions à l’investissement étranger doivent s’appliquer de façon symétrique à toutes les entreprises de télécommunications canadiennes. [James Peters, TELUS Corporation, 16:15:40]

Le régime de propriété étrangère devrait être neutre au niveau de la technologie et de la concurrence, les règles du jeu ne devraient pas être changées à mi-chemin, et on ne devrait pas placer certaines sociétés dans une position concurrentielle désavantageuse en conservant des étiquettes démodées comme « entreprise de télécommunications traditionnelle ». [James Peters, TELUS Corporation, 16:15:45]


12Puisque le gouvernement du Canada n’a pas demandé le mandat de nationaliser cette industrie, la propriété gouvernementale fédérale et la délivrance d’une «  action préférentielle  » ne sont pas des outils d’intervention pertinents et ne figurent donc pas aux cinq options.
13L’approche de l’entrée libre offre plus de détails sur les pouvoirs conférés au ministre de l’Industrie par la Loi sur Investissement Canada.
14Libre circulation de la trésorerie disponible s’entend de l’encaisse d’exploitation (c’est-à-dire le bénéfice d’exploitation moins les dépenses en capital), moins les frais d’intérêts.
15Le Programme permet aux collectivités rurales et éloignées d’obtenir de l’aide financière pour élaborer un plan d’activités sur la mise en place de services sur large bande. Celles dont la demande est acceptée peuvent recevoir des fonds afin de mettre leur plan en œuvre.
16Le ministère du Patrimoine canadien est encore responsable de l’examen de certains investissements (précisés à l’annexe IV du Règlement sur Investissement Canada), notamment la production, la distribution, la vente ou la projection de films ou de produits vidéo.
17On entend par acquisition indirecte une opération comportant l’acquisition des actions d’une entreprise constituée à l’extérieur du Canada et propriétaire de filiales au Canada. Si, par contre, la valeur de l’actif de la filiale canadienne dépasse 50 % de la valeur de l’actif de la société mère, cela est considéré comme une acquisition directe. Une transaction sur l’actif où le vendeur est une entreprise canadienne au Canada est considérée comme une acquisition directe.