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CHPC Rapport du Comité

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CHAPITRE 4 : PROGRAMMES ET MESURES D’AIDE AU CINÉMA : COMPARAISON INTERNATIONALE

A.  INTRODUCTION

À la première étape de son étude, des témoins nous ont parlé de politiques et des programmes de soutien novateurs ou efficaces des gouvernements étrangers. Selon ces témoins, un examen attentif des mesures de soutien offertes ailleurs dans le monde permettrait de tirer des leçons susceptibles de profiter à notre cinéma. C’est dans cet esprit que nous avons choisi d’évaluer 10 pays105. Notre examen tente de répondre à cinq questions :

 Quelles formes d’aide financière (directe et indirecte) les autres pays offrent-ils à leur industrie pour la production, le développement, la distribution, la promotion et la diffusion de longs métrages?  
 Existe-il un lien évident entre le niveau d’aide financière et le succès des films nationaux? Que font les pays dont le cinéma est florissant? 
 Quelles sont les ressemblances et les différences entre ce soutien et celui du Canada?  
 Qui décide en matière de création? À Téléfilm Canada, ce sont surtout les dirigeants qui décident de l’affectation des fonds; quelles sont les méthodes des autres pays?  
 Les politiques, stratégies ou méthodes appliquées ailleurs pourraient-elles s’appliquer ou être adaptées au contexte canadien?  

À la fin, nous avons retenu quatre pays — l’Australie, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni — pour une analyse plus approfondie, pour trois raisons : 1) la performance en salles des films nationaux dans ces pays ces dernières années, 2) la population de ces pays par rapport à celle du Canada et 3) les caractéristiques uniques des programmes et mesures de soutien de ces pays.

Nous débutons ce chapitre par un bref examen de ce que les témoins ont dit des stratégies de soutien du cinéma des autres pays. Nous nous arrêterons ensuite aux programmes et mesures mises en œuvre en Australie, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Nous analyserons ensuite les différences entre les mesures de soutien offertes au Canada et celles offertes dans ces pays. En conclusion, nous tirerons des leçons de cet exercice de comparaisons internationales.

B.  TÉMOIGNAGES

En ce qui concerne le soutien au cinéma dans d’autres pays, les témoins ont surtout abordé les sujets suivants : le cinéma numérique, les quotas et les incitatifs de diffusion des films, les incitatifs fiscaux, le processus décisionnel, la formation et le perfectionnement professionnel et le financement de multi-projets (Slate funding).

 Certains témoins ont parlé des interventions de l’État aux étapes de la distribution et de la diffusion de la chaîne de création. Ils sont nombreux à appuyer les mesures encourageant l’adoption de la technologie de projection numérique dans les salles de cinéma. Ils ont notamment félicité le Conseil du film du Royaume-Uni pour ses efforts en vue d’aider les propriétaires de salles de cinéma à acheter de l’équipement de projection numérique, en échange de leur engagement à diffuser un certain pourcentage de films britanniques dans leurs salles. Selon M. Walter Forsyth, de l’Atlantic Filmmakers Cooperative, «  c’est là une approche très novatrice. Le gouvernement en assumera les frais, qui ne sont pas négligeables, mais j'estime que c'est une initiative très judicieuse de sa part et nous devrions nous intéresser aux résultats de cette démarche  »106. L’Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio est d’avis qu’il faudrait imiter le Royaume-Uni à cet égard, étant donné qu’il est «  moins coûteux de créer un contenu numérique — et les fournisseurs de films et les cinéastes pourraient facilement proposer un vaste éventail de films aux salles des quatre coins du pays et du monde entier  »107. M. Jacques Bensimon, de l’Office national du film du Canada, se réjouit de l’initiative britannique appelée Écrans numériques et d’autres initiatives semblables entreprises ailleurs :

Partout dans le monde, les pays investissent pour doter leurs salles de projecteurs numériques de haute qualité afin d’encourager la diffusion de productions locales... Si nous voulons avoir accès aux écrans, si nous voulons que notre production soit vue et appréciée par nos compatriotes, il faut déployer le cyber-cinéma avant qu'il soit trop tard108.

Un témoin a parlé de la Norvège où un comité choisit plusieurs films de grand mérite. Les exploitants de salles indépendants de l’ensemble du pays qui projettent ces films se voient offrir une prime à même les recettes-guichet109. D’autres témoins ont soulevé la question des quotas à l’écran, attribuant l’incroyable succès du cinéma coréen à cette mesure. M. Carl Bessai, de la Citizen’s Coalition for the Protection of Canadian Films, a expliqué que le système des quotas avait permis au cinéma coréen de faire grimper considérablement sa part du marché national et encouragé les investisseurs à financer des films coréens, sachant que ces derniers allaient être diffusés pendant un certain temps110.

En ce qui a trait à la diffusion, l’Office national du film du Canada a attiré l’attention du Comité sur la pratique française de taxer les billets de cinéma et de réinvestir les recettes dans la production de films français111.

Au sujet des incitatifs fiscaux, M. Michael Donovan, de la Halifax Film Company Ltd., a indiqué que les mécanismes fiscaux appelés «  article 48  » au Royaume-Uni et «  Division 10BA  »112, en Australie ont donné un essor considérable au cinéma de ces pays113.

Certains organismes ont étudié le caractère régional des modèles de financement du cinéma en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, où une partie des fonds est distribuée par le biais d’organismes régionaux. Le Festival des films du monde a affirmé que cela était préférable à ce qui se passe au Canada où Téléfilm exerce un «  monopole  » en ce qui a trait à l’affectation des fonds. Un autre témoin s’est dit en faveur de ces modèles régionaux parce qu’ils distribuent des fonds à la grandeur du pays et non seulement dans les grands centres114.

Au sujet des véritables décideurs en matière de financement, M. Kevin Tierney, de l’Association canadienne de production de film et télévision, approuve la pratique de l’Office du cinéma d’Irlande qui invite des spécialistes de l’industrie cinématographique à participer au processus décisionnel115.

En ce qui concerne la formation et le perfectionnement professionnel, Téléfilm a exprimé sa préoccupation de voir le Canada se classer derrière le Royaume-Uni et l’Australie :

Actuellement, le budget annuel de Téléfilm pour la formation est inférieur à trois millions de dollars. En 2003, le gouvernement britannique a engagé 114,7 millions de dollars canadiens pour la formation, sur les cinq prochaines années. Le gouvernement australien consacre une somme appréciable de 78,5 millions de dollars canadiens à la formation dans le domaine du film, de la télévision et de la radio tandis que l’industrie et les investisseurs privés y consacrent un montant fabuleux de 127 millions de dollars116.

Enfin, certains témoins ont exprimé leur appui aux programmes de financement de multi-projets (slate funding). Mme Trish Dolman, de l’Association canadienne de production de film et télévision, a attiré l’attention sur la pratique australienne qui consiste à offrir des fonds de développement aux sociétés de production pour la réalisation de projets multiples au lieu de financer des projets uniques117. L’Ontario Media Development Corporation est également en faveur de mesures comme celles adoptées au Royaume-Uni où :

… le programme permet aux sociétés admissibles d’utiliser une partie du financement multi-projets comme capital de travail et également de s’en servir pour financer des projets individuels. Si les producteurs canadiens avaient accès à ce genre de financement, ils amélioreraient leur stabilité à long terme118.

C.  SOUTIEN AU CINÉMA EN AUSTRALIE, FRANCE, ALLEMAGNE ET ROYAUME-UNI 119

Dans le présent chapitre, nous décrivons et analysons les principaux programmes et initiatives mis en place en Australie, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni pour soutenir le développement, la production, la distribution et la diffusion de longs métrages. Il serait d’abord utile de définir le cadre de notre analyse par un examen de la part du marché national détenue par les cinéastes de ces pays par rapport à la performance des films canadiens sur les deux marchés linguistiques du Canada (et le marché global).

Comme nous l’avons indiqué ailleurs dans ce rapport, une mesure de réussite — incomplète mais indéniablement importante — est le pourcentage des recettes-guichet obtenu par les films produits au pays. Le tableau 1 indique les dépenses totales engagées dans le programme d’aide au long métrage (c.-à-d. les dépenses directes) par rapport aux recettes-guichet générées et à la population, pour les dernières années pour lesquelles des données sont disponibles120.

Figure 4.1

Dépenses totales engagées dans le programme d’aide au long métrage dans des pays à l’étude, en fonction des recettes-guichet et de la population (en dollars canadiens)121

 

Dépenses totales (en millions de $)

% des recettes-guichet générées par les films nationaux
(moyenne de 5 ans)

% des recettes-guichet générées par les films nationaux
(2004)

Population
(en millions)

Allemagne

199,6

16,4

23,8

82,4

France

167,7

34,3

34,8

60,6

Royaume-Uni

134,3

14,5

12,0

60,4

Australie

54,7

5,1

1,3

20,1

Canada122

107,8

2,7

4,5

32,8

Marché anglophone123

55,8

0,9

1,6

21,8124

Marché francophone

35,6

19,2

26,9

7,2

Sources : Observatoire européen de l’audiovisuel, Conseil du film du Royaume-Uni, Office fédéral du film d’Allemagne, Centre national de la cinématographie, Commission du cinéma d’Australie, Ministère du Patrimoine canadien, CIA World Factbook, 2005, Statistique Canada.


Le lien entre le niveau d’aide gouvernementale consentie à l’industrie cinématographique et la part du marché national détenue par les films nationaux est loin d’être évident. Par exemple, même si l’Allemagne dépense annuellement environ 30 millions de dollars de plus que le Royaume-Uni pour son programme d’aide au long métrage, ses films détiennent une part à peu près égale du marché national. La France, de son côté, dépense davantage que le Royaume-Uni et moins que l’Allemagne et pourtant, la part moyenne du marché national détenue par ses films est plus du double de celle des deux autres pays.

La performance du marché canadien de langue française est plus intéressante; grâce à un investissement annuel de quelque 36 millions de dollars en aide directe, la part de marché des films canadiens de langue française a atteint plus de 19 p. 100 au cours des quatre dernières années et de plus de 26 p. 100 en 2004. La performance du marché canadien de langue anglaise est plus dérangeante : un investissement annuel d’environ 55,8 millions de dollars en aide directe a permis aux films de langue anglaise de capter une part de marché de moins d’un pour cent au cours des quatre dernières années et d’à peine 1,6 p. 100 en 2004.

La piètre performance en salles des films de langue anglaise produits au pays, comparativement au remarquable succès des films canadiens de langue française, laisse perplexe. L’aide gouvernementale de niveaux comparables offerte par d’autres instances —notamment sur le marché canadien de langue française — a contribué à augmenter la part du marché intérieur des films nationaux. Pourquoi se fait-il qu’un investissement aussi important dans le marché canadien de langue anglaise n’ait pas donné de meilleurs résultats?

Le Comité reviendra plus loin sur cette question. Pour l’instant, nous reprenons notre examen des mécanismes de soutien du développement, de la production, de la promotion et de la diffusion des films nationaux mis en place en Australie, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni.

Organismes subventionnaires et structure générale

Le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Australie ont tous des organismes nationaux responsables du soutien et de l’orientation de leur industrie cinématographique. Ces organismes sont le Conseil du film du Royaume-Uni, le Centre national de la cinématographie, l’Office fédéral du film d’Allemagne, la Commission du cinéma d’Australie et la Société de financement du cinéma australien. Ces pays confient la gestion de certains programmes régionaux à des organismes infranationaux, mais le degré de décentralisation varie d’un pays à l’autre.

Par exemple, la France compte près de 36 organismes cinématographiques régionaux, la plupart ayant un budget inférieur à un million de dollars125. Le Centre national de la cinématographie est toutefois le principal bailleur de fonds du pays, avec un budget annuel de plus de 694 millions de dollars, dont près de 170 millions ont servi à soutenir la production cinématographique en 2004126.

Pour l’exercice 2005-2006, le Conseil du film du Royaume-Uni a affecté plus de 134 millions de dollars à la production cinématographique et il distribue une enveloppe de quelque 15,1 millions de dollars à neuf organismes régionaux disséminés à la grandeur de l’Angleterre pour la mise en œuvre d’un nombre restreint de programmes régionaux. Il y a également des organismes nationaux hors de l’Angleterre au Royaume-Uni: Sgrin Cymru Wales, Cinéma Écosse et la Commission du cinéma et de la télévision de l’Irlande du Nord. Ces organismes reçoivent leur propre budget — quoique petit — ainsi qu’un pourcentage du fonds de loterie pour soutenir les films qui ont une connotation culturelle particulière pour la région.

L’aide financière est beaucoup plus décentralisée en Allemagne et en Australie, probablement parce que ces pays sont des fédérations. L’Allemagne compte 16 organismes régionaux, dont 5 disposent d’un budget global de 132,4 millions de dollars, tandis que celui de l’Office fédéral du film d’Allemagne est de 111,1 millions. L’Australie — légèrement moins décentralisée — compte six organismes régionaux, au niveau des États, qui disposaient, en 2002-2003, d’un budget global de 39,1 millions de dollars, tandis que les deux organismes nationaux, la Commission du cinéma d’Australie et la Société de financement du cinéma australien, ont un budget annuel d’environ 17,2 millions de dollars et de 34,1 millions de dollars respectivement pour la production cinématographique seulement.

Ces chiffres font ressortir une caractéristique unique du système de financement australien : la Commission du cinéma d’Australie s’occupe essentiellement du développement de films tandis que la Société de financement du cinéma australien se concentre sur la production cinématographique.

Sources de fonds

Les activités du Conseil du film du Royaume-Uni et des organismes connexes d’Écosse, du pays de Galles et d’Irlande du Nord sont en partie financées par des contributions gouvernementales directes. La majorité des fonds versés à ces organismes provient toutefois des recettes de la loterie nationale.

Sources de financement à l’appui de la production cinématographique

Allemagne

Taxe sur les billets de cinéma, les DVD et les vidéos ou contributions volontaires des diffuseurs

France

Taxe sur les billets de cinéma et les recettes des diffuseurs

Royaume-Uni

Loterie nationale

Contributions directes du gouvernement

Australie

Crédits gouvernementaux


En France, les fonds versés au Centre national de la cinématographie proviennent en grande partie de la taxe sur les billets de cinéma et les recettes publicitaires des diffuseurs, le reste provenant de crédits gouvernementaux. De même, l’Office fédéral du cinéma d’Allemagne est financé presque entièrement par une taxe sur les billets de cinéma et les ventes de vidéos et de DVD ainsi que par des dons des diffuseurs, dont une partie est versée aux organismes régionaux. En Australie, cependant, les fonds versés aux organismes fédéraux et aux agences cinématographiques des états proviennent des crédits gouvernementaux.

Mécanismes de financement

En France et en Allemagne, la plupart des programmes de financement du cinéma utilisent deux volets : l’aide automatique et l’aide sélective. Les programmes d’aide automatique octroient généralement des fonds aux cinéastes qui ont obtenu un succès important en salles. Le montant de l’aide automatique est fonction du nombre d’entrées dans les salles de cinéma ou des recettes générées par un film au cours de la période de référence. L’aide sélective s’adresse généralement à des cinéastes moins bien établis en fonction du résultat d’évaluations de projets hautement concurrentielles.

Mécanismes de financement à l’appui de la production cinématographique

Allemagne

automatique et sélective

France

automatique et sélective

Royaume-Uni

non utilisé

Australie

non utilisé


En Allemagne, les fonds octroyés dans le volet sélectif doivent servir à des fins culturelles. En France, l’aide sélective doit servir à des fins culturelles aussi bien qu’économiques et, bien que la vaste majorité des fonds soient accordés dans le cadre de l’aide sélective, la valeur globale des programmes d’aide automatique est supérieure.

En Australie, la Société de financement du cinéma australien octroie des fonds pour la production cinématographique dans le cadre de deux volets, le premier fondé sur le lien avec le marché et le deuxième sur une évaluation de projets. Dans le premier cas, les projets doivent compter sur un solide engagement de la part des acteurs du marché, c’est-à-dire qu’ils doivent avoir un distributeur australien et un agent des ventes internationales. Le volet fondé sur l’évaluation de projets octroie des fonds aux films présentant un fort potentiel de créativité et un potentiel de distribution assurée. Il est à remarquer que ce volet est assez différent de ceux utilisés en France et en Allemagne parce que les fonds ne sont pas octroyés automatiquement.

Au Royaume-Uni, la pratique d’attribution des fonds au moyen de deux mécanismes distincts a été abandonnée.

Qui prend les décisions de financement?

Au Conseil du film du Royaume-Uni, le processus décisionnel en matière de financement varie selon les projets. Pour les projets de développement et de production, les décisions sont généralement prises par le responsable de chaque programme, en consultation avec des membres du département des affaires commerciales et du département du financement des productions du Conseil. Dans d’autres secteurs, les décisions sont prises par les membres du personnel du Conseil du film en consultation, s’ils le souhaitent, avec des organismes ou des personnes de l’extérieur.

Qui prend les décisions en matière de financement?

Allemagne

Comités composés de membres représentatifs

France

Directeur général du Centre national de la cinématographie

Royaume-Uni

Responsable du programme; personnel du Conseil du film

Australie

Évaluateurs internes


À l’Office fédéral du film d’Allemagne, l’autorité décisionnelle est unique en son genre. Les décisions concernant les volets sélectifs des productions cinématographiques sont prises par un comité composé de 11 membres permanents et de 11 suppléants. Le comité comprend un député du Parlement allemand, un haut fonctionnaire et des représentants d’organismes sectoriels du cinéma : l’Organisation des cinémas allemands, la Fédération des producteurs de longs métrages, la Fédération allemande des directeurs d’émissions télévisuelles et de films, la Fédération des scénaristes allemands, l’Association des distributeurs de films, la Fédération des médias audiovisuels, l’Association des diffuseurs publics et l’Association des diffuseurs privés. Les décisions concernant d’autres aspects du financement sélectif non lié à la production sont prises par six sous-comités composés, en partie, de membres du grand comité. Dans les organismes régionaux, les décisions sont généralement prises par des comités ou des conseils internes.

Au Centre national de la cinématographie de France, les décisions en matière de financement sont généralement prises par le directeur général du Centre, sur les conseils d’un comité composé de spécialistes de l’industrie. Chaque programme ou catégorie de programme a son propre comité.

En Australie, les décisions sont généralement prises par les évaluateurs internes. La Société de financement du cinéma australien s’appuie sur les recommandations du directeur de l’investissement qui a déjà examiné la demande de financement. À la Commission du cinéma d’Australie, une première évaluation est effectuée par une équipe de projet, généralement composée de membres du personnel de la Commission auxquels se joint parfois un évaluateur de l’extérieur. La recommandation de l’équipe est ensuite présentée au Comité des projets de la Commission qui en fait l’examen.

Programmes d’aide au développement

Le Fonds de développement du Conseil du film du Royaume-Uni (dont l’objectif est d’améliorer la qualité globale des scénarios) offre des fonds pour le démarrage, les partenariats et la préproduction de projets individuels; il offre également un financement de multi-projets (slate funding). Cinéma Écosse dégage des fonds de loterie pour des projets d’écriture de scénarios et de développement, tandis qu’au pays de Galle, le Sgrin Cymru Wales offre des fonds de loterie pour le développement de scénarios. Sgrin Cymru offre également un programme permettant à des auteurs de scénarios d’obtenir les conseils de professionnels de l’industrie. La Commission du cinéma et de la télévision de l’Irlande du Nord (NIFTC) dégage des fonds de loterie pour le développement de projets. En 2003-2004, le Conseil du film du Royaume-Uni, Cinéma Écosse, Sgrin Cymru Wales et la NIFTC ont consacré globalement 11,7 millions de dollars au développement cinématographique.

La France offre un programme général d’aide sélective pour toutes les étapes du développement (scénarisation et développement, achat d’options, acquisition de droits et recherche). Elle offre un autre programme d’aide sélective pour l’écriture de nouveaux scénarios et la réécriture de scénarios existants. En 2004, la France a consacré 3,9 millions de dollars au développement de longs métrages.

L’Office fédéral du film d’Allemagne offre un programme de financement pour l’écriture de scénarios. Signe de la décentralisation du système allemand, les organismes régionaux les plus importants offrent des programmes de développement plus exhaustifs couvrant essentiellement les mêmes activités que ceux des autres pays. En 2002, les dépenses fédérales et régionales à ce titre en Allemagne s’élevaient à 9,4 millions de dollars.

L’Australie offre de loin l’aide au développement le plus complet. En 2002-2003, les organismes fédéraux et d’États ont consacré six millions de dollars au développement. À l’échelle nationale, la Commission du cinéma d’Australie finance toutes les étapes du développement de longs métrages dans le cadre des programmes suivants :

 le programme des nouveaux scénaristes qui permet à des scénaristes prometteurs d’écrire un scénario; 
 le programme de financement de la première ébauche d’un nouveau scénario, d’une deuxième ébauche d’un nouveau scénario et d’une nouvelle ébauche d’un scénario existant;  
 le fonds de financement jumelé vise à encourager la participation de tierces parties aux étapes de développement d’un projet; 
 le programme de développement de scénario SPARK offre aux scénaristes un atelier intensif avec des professionnels de l’industrie pour améliorer la qualité de leurs scénarios destinés à la production; 
 les bourses aux auteurs aident des scénaristes qui ont obtenu des prix australiens ou internationaux de prestige à rédiger un nouveau scénario;  
 le programme d’investissement dans le développement en général soutient les professionnels expérimentés qui créent et financent des projets (deux ou plus) en leur fournissant du financement continu pour l’infrastructure et le développement;  
 le programme IndiVision pour films à petit budget offre aux équipes de création un atelier professionnel intensif de rédaction de scénarios et finance la rédaction d’un scénario; 
 un programme de financement pour aider les documentaristes à élaborer des argumentaires susceptibles d’attirer des investisseurs potentiels ainsi qu’un programme d’aide financière pour la rédaction d’un scénario détaillé et d’argumentaires; 
 deux programmes de financement pour la production de dramatiques ou de documentaires par des cinéastes autochtones.  

Programmes d’aide à la production

Le Conseil du film du Royaume-Uni gère deux programmes d’aide à la production cinématographique. Le Fonds du nouveau cinéma soutient la production de longs métrages et de films à petit budget particulièrement novateurs et à la fine pointe. Ce fonds sert surtout à financer les films produits par des minorités ethniques et dans les régions et comporte un volet pour les films à faible budget. Le Fonds Première sortie sert à financer les films populaires et commercialement viables présentant un potentiel international. Il finance chaque étape du processus de création : développement, production, mise en marché et distribution. Les fonds sont généralement versés au moyen d’une émission d’actions. Le Conseil du film du Royaume-Uni et ses trois organismes régionaux dépensent environ 34,4 millions de dollars par année dans des activités de production cinématographique.

L’Office fédéral du film d’Allemagne gère un grand programme d’aide à la production comportant un volet automatique et un volet sélectif. Pour être admissible à l’aide automatique, une société de production doit avoir déjà produit un film allemand qui a obtenu un certain succès en salle. Dans le volet sélectif, une société de production pourra obtenir un prêt sans intérêt pour produire un film susceptible d’accroître la qualité et la rentabilité du cinéma allemand. Le montant des fonds offerts est largement inférieur à celui offert dans le volet automatique. De nombreux organismes régionaux offrent de généreux programmes de financement pour la production de films, mais pas d’aide automatique. L’Office fédéral du film d’Allemagne et les trois principaux organismes régionaux consacrent globalement à la production de films près de 109,7 millions de dollars par année.

À l’instar de l’Office fédéral du film d’Allemagne, la France offre une aide financière automatique et sélective aux producteurs de films. Les producteurs bien établis reçoivent automatiquement des fonds pour la production en fonction du succès de leur dernier film dans les salles de cinéma. Le programme des avances sur les recettes offre un financement sélectif généralement à des cinéastes moins expérimentés qui produisent des films qui ne seraient pas viables sans aide gouvernementale. La France a également un programme de partage des risques avec les producteurs qui utilisent des technologies expérimentales — effets spéciaux numériques, modelage d’images — pour produire leurs films. Les fonds sont établis en fonction des dépenses liées à l’utilisation de ces technologies. Elle offre également des programmes distincts d’aide sélective pour soutenir la production de films en langue étrangère et les coproductions franco-canadiennes. En 2004, le Centre national de la cinématographie de France a consacré près de 112,4 millions de dollars à la production cinématographique.

La Commission du cinéma d’Australie ne gère pas de programmes d’aide à la production de films à proprement parler. Par contre, son Programme IndiVison finance la production de films novateurs et à faible budget. La CCA gère un programme de financement de la production de documentaires ainsi qu’un petit programme destinés aux Autochtones australiens qui produisent des films.

La Société de financement du cinéma australien est le principal organisme gouvernemental d’aide à la production cinématographique. Les fonds destinés à la production sont offerts par deux canaux : le premier étant basé sur le lien avec le marché et le deuxième sur une évaluation de projet. En 2002-2003, les organismes nationaux et régionaux australiens ont dépensé 34,02 millions de dollars pour la production de films.

Programmes d’aide à la distribution et à la promotion

Le Conseil du film du Royaume-Uni finance la distribution au moyen de son fonds de publicité et de tirage. Ce programme offre aux distributeurs une aide financière pour le tirage de copies supplémentaires et la publicité afin d’accroître les possibilités de distribution et de mise en marché des films qui, sans cette aide, auraient une diffusion et une couverture limitées au Royaume-Uni. Le Conseil offre également un programme d’aide à la promotion de films britanniques dans les festivals internationaux en dégageant des fonds pour les articles promotionnels, le sous-titrage et les frais de déplacement. La Commission du cinéma et de la télévision de l’Irlande du Nord a deux programmes très similaires d’aide à la distribution et à la promotion ainsi qu’à la participation à des festivals. Le Royaume-Uni dépense environ 5,3 millions de dollars pour des activités de distribution et de production.

Les activités de financement de la distribution de l’Office fédéral du film d’Allemagne s’insèrent dans un programme d’aide automatique et d’aide sélective. Dans le volet d’aide automatique, une subvention est offerte aux distributeurs qui ont distribué un film allemand ayant atteint un seuil préétabli de succès en salle. Dans le volet d’aide sélective, le financement est offert sous forme de prêt sans intérêt ou de subvention. L’Office fédéral du film a également mis en place un programme distinct de subventions pour le tirage de copies supplémentaires. Les organismes régionaux allemands financent également la distribution et la promotion de films dans leur région respective. L’office fédéral allemand consacre annuellement environ 31,9 millions de dollars aux activités de distribution et de promotion127.

La France a adopté une approche de financement similaire à celle de l’Allemagne. Une aide automatique est accordée aux distributeurs bien établis en fonction des recettes obtenues dans les salles de cinéma. Une aide sélective est offerte aux sociétés de distribution indépendantes sous la forme d’avances remboursables. Le Centre national de la cinématographie offre également un programme spécial de financement des coûts de distribution d’œuvres cinématographiques provenant de pays dont le cinéma n’est pas bien connu en France. En 2004, la France a engagé un total de quelque 21 millions de dollars dans la distribution. Il est intéressant de noter que le Centre national de la cinématographie ne semble offrir aucun grand programme de financement de la promotion.

La Commission du cinéma d’Australie offre un programme de prêts à la commercialisation destiné à des projets cinématographiques complétés pour lesquels les intéressés n’ont pu trouver d’autres sources de financement. La Société de financement du cinéma australien consent des fonds à des distributeurs pour le tirage de copies supplémentaires et de matériel de promotion sous forme de prêts sans recours. De plus, certains organismes régionaux offrent des fonds limités pour la promotion et la mise en marché. Ces organismes engagent annuellement quelque 2,4 millions de dollars pour la distribution et la promotion.

Programmes d’aide à la diffusion

Comme l’ont fait remarquer plusieurs témoins, le Conseil du film du Royaume-Uni a lancé un programme de financement d’écrans numériques pour aider les propriétaires de salles de cinéma à acheter de l’équipement de projection numérique en échange de leur engagement à consacrer un pourcentage préétabli de temps écran à des films spécialisés produits au Royaume-Uni128. L’objectif de cette initiative est de créer une infrastructure pour la diffusion de ce genre de films et de permettre à un plus grand nombre de spectateurs de les voir. L’initiative englobe 240 écrans répartis dans 200 cinémas à la grandeur du Royaume-Uni. Le Conseil du film offre également des fonds limités pour permettre aux ciné-clubs d’offrir de nouvelles possibilités aux auditoires des régions rurales ainsi qu’un programme plus vaste de développement de l’auditoire qui fournit des fonds permettant à des organisations de gérer des programmes destinés à enrichir les connaissances de l’auditoire et à le sensibiliser à de nouveaux films. En 2003-2004, un total de 34,3 millions de dollars a été dépensé pour la diffusion de films.

L’Office fédéral du film d’Allemagne, ainsi que plusieurs organismes régionaux allemands, offrent des programmes d’aide automatique et sélective aux propriétaires de salles de cinéma afin de leur permettre d’apporter des améliorations à leurs salles, de diffuser des films allemands et européens spécialisés et de proposer divers programmes éducatifs au public. En 2003-2004, l’Office fédéral du film et les organismes régionaux allemands ont dépensé 20,3 millions de dollars pour la diffusion de films.

Le Centre national de la cinématographie offre un programme d’aide sélective aux propriétaires pour la construction ou l’amélioration de leurs salles dans des régions mal desservies du pays. La France a également un organisme distinct, l’Agence pour le développement régional du cinéma, dont l’objectif est de promouvoir l’accès aux salles de cinéma à la grandeur du pays et d’encourager la diversité cinématographique. L’Agence offre des conseils architecturaux et environnementaux aux propriétaires qui souhaitent rénover leurs salles. Elle offre également aux propriétaires de cinéma dans des villes de taille moyenne et petite une subvention leur permettant d’acquérir des copies supplémentaires. Elle offre également une autre subvention pour encourager tous les cinémas à présenter des films français classiques.

Le Fonds de développement de la culture et de l’industrie de la Commission du cinéma d’Australie offre des ressources afin d’aider des organismes à présenter un éventail d’événements, permettant ainsi au public australien d’avoir un meilleur accès aux œuvres cinématographiques et de mieux apprécier les films. Ces activités sont diverses : présentations de films, conférences, festivals de films, publications cinématographiques et autres. Certains organismes régionaux australiens — New South Wales et Western Australia — offrent des programmes très similaires. Le programme de la CCA comprend également le fonds de tournée de présentations nationales qui aide les propriétaires de salles à organiser des programmes cinématographiques en tournée dans le pays. En 2002-2003, les organismes nationaux et régionaux d’Australie ont dépensé cinq millions pour la diffusion de films.

Programmes d’aide à la formation et au perfectionnement professionnel

Au Royaume-Uni, le principal programme destiné au perfectionnement professionnel est le fonds de formation du Conseil du film qui offre des subventions à des particuliers et à des organismes qui veulent recevoir ou offrir une formation professionnelle dans le domaine du cinéma. La Commission du cinéma et de la télévision de l’Irlande du Nord offre un programme similaire de bourses aux particuliers qui souhaitent suivre des cours de formation reconnus. Cinéma Écosse offre le même programme. Un autre programme digne de mention offert par la CCTIN est le Programme pour les entrepreneurs en création pour le cinéma et la télévision qui offre des ateliers permettant aux petites entreprises de production cinématographique et télévisuelle d’améliorer leurs compétences en affaires. En 2005-2006, le Fonds de formation du Conseil du film du Royaume-Uni prévoit dépenser 13,9 millions de dollars.

L’Office fédéral du film d’Allemagne offre également un programme de subventions permettant aux professionnels du cinéma de suivre des cours de formation129. Il est surprenant de constater que les organismes de financement français n’offrent pas de programme de formation ni d’aide financière permettant aux intéressés de suivre ces cours130.

En Australie, la plupart des activités de formation et de perfectionnement professionnel se déroulent à l’École australienne du cinéma, de la télévision et de la radio qui offre un vaste éventail de cours, mais pas de programmes de financement. La Commission du cinéma d’Australie offre un programme de stage et d’encadrement aux professionnels du cinéma de même que des bourses. La plupart des organismes régionaux australiens offrent également des programmes de financement pour permettre à des professionnels d’assister à des ateliers, des conférences, des cours et des événements connexes. En 2002-2003, l’Australie a consacré un total de 24,9 millions de dollars à la formation et au perfectionnement professionnel, la majeure partie de cette somme ayant été attribuée à l’École australienne du cinéma, de la télévision et de la radio.

Incitatifs fiscaux

En Grande-Bretagne, des allégements fiscaux sont accordés aux films admissibles par le biais d’un mécanisme de vente et de cession-bail. Un producteur ou une société de production peut réduire ses emprunts en vendant les droits du film à un acheteur britannique; celui-ci peut obtenir un allégement fiscal sur le prix d’achat, tout en cédant les droits au vendeur. Ce mécanisme permet de déduire la totalité des dépenses de production et d’acquisition liées à des films britanniques de moins de 15 millions de livres et, pour les films dotés d’un budget supérieur, de déduire la totalité des dépenses sur trois ans. Le gouvernement est cependant en train de réviser ce mécanisme d’allégement fiscal et pour le remplacer, en 2006, par des mesures permettant de déduire 20 p. 100 des frais de production de films à petit budget et 15 p. 100, dans le cas des films à plus gros budget. Il prévoit également appliquer des normes culturelles plus rigoureuses à l’égard des productions considérées britanniques et, par extension, admissibles aux mesures d’allégement fiscal.

En Allemagne, les investisseurs ont droit à une déduction fiscale à leur taux marginal d’impôt jusqu’à concurrence de 100 p. 100 de leur investissement dans le plan de financement d’un film. Comme il n’est toutefois pas obligatoire que le film soit produit en Allemagne, cette mesure a été la cible de vives critiques et sera fort probablement remplacée.

Parmi les pays à l’étude, c’est la France qui offre l’incitatif fiscal le moins généreux : une déduction maximale de 20 p. 200 des dépenses techniques admissibles reliées à la production d’un film, à condition qu’elles se rapportent à des services rendus en France. Ce crédit d’impôt est plafonné à un million d’euros. Le gouvernement français vient d’adopter cet incitatif pour endiguer la vague de production de films français à l’étranger.

En Australie, le gouvernement fédéral offre un remboursement comptant de 12,5 p. 100 des dépenses admissibles d’une production réalisée en Australie — il s’agit des «  dépenses de production raisonnablement attribuables à des biens, des services et des propriétés fournis ou utilisés en Australie  »131. Une déduction pour amortissement est également offerte pour les films australiens, ce qui permet aux investisseurs résidants de déduire de leur revenu d’activité 100 p. 100 du coût en capital du film. Tandis que le remboursement de 12,5 p. 100 vise à encourager le producteur à tourner des films à gros budget en Australie, la déduction pour amortissement vise encourager les investisseurs à financer des productions australiennes. Plusieurs États australiens offrent des exemptions et des remboursements d’impôt variant entre 6 et 10 p. 100 des dépenses de main-d’œuvre engagées sur leur territoire.

D.   COMMENT SE COMPARE LE CANADA?

Le chapitre 5 et plusieurs annexes de notre rapport présentent un aperçu des mesures directes et indirectes du gouvernement canadien à l’appui de notre cinéma. Examinons maintenant comment ces programmes et ces mesures se comparent à ceux des quatre pays étudiés.

Organismes subventionnaires et structure générale

Le système canadien de financement a une structure passablement différente de ceux décrits plus haut : au Canada, le financement des longs métrages est la responsabilité d’un organisme national unique, Téléfilm Canada. Les demandes de fonds pour des projets de langue anglaise sont envoyées aux bureaux de Téléfilm de Toronto, Vancouver et Halifax; les demandes visant des projets de langue française sont acheminées à son bureau de Montréal. Certaines provinces disposent également de bureaux qui offrent aux cinéastes uniquement des services de soutien non financier (information).

Sources de fonds

Il existe ici une grande différence entre le Canada et les autres pays à l’étude. En Allemagne et en France, les fonds proviennent surtout d’une taxe directe sur le divertissement et, au Royaume-Uni, des recettes de la loterie, tandis que le financement assuré par Téléfilm Canada (d’une valeur de 100 millions de dollars) provient du gouvernement fédéral par le biais du ministère du Patrimoine canadien. De plus, près de 60 p. 100 de l’enveloppe de 15 millions du Fonds canadien de télévision destinée aux longs métrages proviennent de contributions d’entreprises canadiennes de câblodiffuseur et de communication par satellite132, le reste provenant du ministère du Patrimoine canadien.

Mécanismes de financement

Les mécanismes de financement français et allemand sont fondés sur des principes similaires à ceux du système canadien. Plusieurs programmes du Fonds du long métrage du Canada de Téléfilm fonctionnent selon une approche «  automatique  », fondée sur la performance, en vertu de laquelle des fonds sont réservés à des cinéastes dont les films ont déjà connu un succès en salle, et selon une approche «  sélective  », en vertu de laquelle les requérants qui n’ont pas encore atteint le seuil de recettes-guichet requis sont évalués dans un processus de sélection hautement concurrentiel, projet par projet.

Qui prend les décisions de financement?

Téléfilm Canada offre un amalgame intéressant des caractéristiques des pays à l’étude. À l’instar de l’Allemagne et de la France, un certain pourcentage des ressources est versé dans une «  enveloppe axée sur la performance  » destinée à des récipiendaires dont les recettes-guichet sont élevées. Dans ces circonstances, les décisions visant le financement de certaines productions sont prises plus ou moins en fonction du marché.

Contrairement à la France et à l’Allemagne, toutefois, où la participation de l’industrie est pratique courante, toutes les décisions visant le financement sélectif sont prises par des fonctionnaires de l’organisme (c.-à-d. le personnel de Téléfilm). Comme 75 p. 100 des ressources totales des programmes de développement, de production et de mise en marché du FLMC sont attribuées au moyen du mécanisme de financement sélectif, la plupart des décisions sont prises par le personnel de Téléfilm.

Programmes d’aide au développement

Le Programme de développement du Fonds du long métrage du Canada finance essentiellement les mêmes activités de développement que les programmes offerts dans les pays à l’étude et il est au moins aussi complet que ceux offerts en Allemagne et en France. La différence entre le Canada et l’Australie, qui offre un vaste éventail de programmes, est peut-être moins grande qu’elle n’en a l’air. Une bonne partie des activités de financement du développement que l’Australie divise en deux programmes distincts (p. ex., l’écriture de scénarios et le développement de films à petit budget) sont offerts par le Programme de développement du FLMC. De plus, les deux pays ont consacré à peu près autant au développement (6,2 millions en 2003-2004 au Canada, 5,4 millions au total en Australie en 2002-2003).

Par contre, certains programmes britanniques et australiens intéressants n’ont pas d’équivalents au Canada. Sgrin Cymru Wales et la Commission du cinéma d’Australie offrent tous deux des ateliers où les auteurs de scénarios profitent des conseils de professionnels de l’industrie. Téléfilm n’offre aucun programme de ce genre pour les films de fiction. De plus, l’Australie a un programme de financement jumelé destiné à accroître les investissements du secteur privé dans le développement. Enfin, le Royaume-Uni et l’Australie offrent tous deux des programmes pour le développement de multi-projets au lieu de projets individuels. Le programme de développement de Téléfilm n’offre pas ce choix.

Programmes d’aide à la production

Le Canada offre à la production une aide semblable à celle des autres pays à l’étude. Chaque pays a mis en place un mécanisme d’aide à la production pour aider les producteurs expérimentés à produire des films au potentiel commercial exceptionnel. Au Royaume-Uni, par exemple, ces fonds sont offerts dans le cadre du programme Première sortie, qui prend un risque calculé sur des producteurs moins connus pour des films considérés comme ayant un fort potentiel sur le plan de la créativité et du marché. La France fait un peu exception à la règle puisque son programme d’avances sur les recettes a tendance à soutenir des films ayant un faible potentiel commercial.

Le Programme d’aide à la production pour les producteurs du FLMC suit les mêmes principes que les programmes décrits ci-dessus, c’est-à-dire qu’il comporte un volet axé sur la performance pour aider les producteurs qui ont obtenu un succès en salle et un volet sélectif destiné aux producteurs moins connus, mais qui présentent un potentiel de création et de succès commercial. En 2003-2004, le Canada a dépensé un total de près de 68 millions de dollars pour la production de films, sans compter les 43,6 millions dépensés par l’Office national du film pour la production de documentaires.

Programmes d’aide à la distribution et à la promotion

Le mécanisme canadien d’aide à la distribution et à la promotion semble plus complet que ceux de la France et de l’Allemagne et assez semblable à celui du Royaume-Uni et de l’Australie. En 2003-2004, le Programme d’aide à la mise en marché pour les distributeurs du FLMC a dépensé 13,3 millions de dollars; les activités de distribution et de mise en marché de l’Office national du film représentent 10,6 millions de plus. Il s’agit d’une somme impressionnante, compte tenu que le Canada a une population à peu près deux fois moindre que le Royaume-Uni ou de la France et presque trois fois moindre que l’Allemagne.

Programmes d’aide à la diffusion

L’absence quasi totale de programmes d’aide à la diffusion de films est peut-être la plus grande différence entre le Canada et les pays à l’étude. Le Conseil des arts du Canada offre plusieurs programmes d’aide financière pour permettre aux organismes et festivals d’arts médiatiques de présenter au public des œuvres canadiennes indépendantes. Cette aide est toutefois modeste, soit un total d’environ un million de dollars pour les projets cinématographiques, dont seulement un part va aux longs métrages.

Programmes d’aide à la formation et au perfectionnement professionnel

La grande différence entre les programmes de formation et de perfectionnement offerts par Téléfilm et ceux offerts par les autres pays à l’étude c’est que Téléfilm ne subventionne par la participation des particuliers, mais offre plutôt des subventions aux organisations et écoles de formation cinématographique reconnues pour leurs cours.

En ce qui concerne les documentaires, l’Office national du film offre quelques programmes de formation et de perfectionnement directement aux cinéastes; autrement dit, l’ONF forme elle-même les personnes au lieu de leur verser des fonds pour qu’elles reçoivent une formation ailleurs. Le budget annuel de Téléfilm pour la formation et le perfectionnement professionnel est de 3 millions de dollars, somme largement inférieure au budget du Conseil du film du Royaume-Uni (13,9 millions de dollars) et de l’Australie (24,9 millions de dollars)133.

Incitatifs fiscaux

Le crédit d’impôt pour production du gouvernement canadien rembourse 25 p. 100 des dépenses de main-d’œuvre admissibles pour un film canadien agréé auprès du BCPAC, tandis que le crédit d’impôt pour services de production rembourse 16 p. 100 des dépenses de main-d’œuvre admissibles pour des services rendus au Canada par des résidents canadiens ou des sociétés canadiennes imposables. Les provinces canadiennes offrent également un vaste éventail de crédits d’impôt pour les dépenses de main-d’œuvre, la plupart étant plus généreux que les crédits équivalents offerts par les États australiens134.

Il est difficile de comparer les incitatifs fiscaux des pays pour déterminer quelles sont les meilleurs. La mesure la plus avantageuse pour un producteur, une société de production ou un investisseur dépend généralement de son contexte de financement. Par exemple, la déduction de 100 p. 100 pour amortissement de l’Australie est-elle plus avantageuse que le remboursement de 25 p. 100 des dépenses de main-d’œuvre du Canada? Tout dépend de la structure de coûts du producteur. Par ailleurs, il faut mentionner que tous les pays considérés (et d’autres) offrent depuis peu (ou songent offrir) des incitatifs inspirés du système canadien de crédits d’impôt.

E.  LEÇONS

Dans ce chapitre, nous avons comparé les programmes et mesures de soutien au cinéma en Australie, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni avec ceux offerts au Canada par le gouvernement fédéral. Voici nos conclusions :

 Le système canadien de financement est hautement centralisé, un seul organisme (Téléfilm) étant responsable du principal budget et de la plupart des décisions en matière de financement. 
 Le Canada dépense très peu pour la rédaction de scénarios, la formation et le perfectionnement professionnel. 
 Le Canada n’a aucune stratégie cohérente pour encourager et assurer la diffusion des films réalisés au pays. 

Quant aux leçons à tirer de cette comparaison, voici quelques stratégies remarquables dans les pays que nous avons étudiés.

Sources de financement

 Le Royaume-Uni utilise les recettes de la loterie nationale pour financer son cinéma. 
 L’Allemagne et la France taxent les billets de cinéma. 

Décisions en matière de financement

 L’Allemagne et la France ont des mécanismes officiels pour s’assurer qu’un échantillon représentatif de professionnels de l’industrie participe aux décisions.  
 En Allemagne, le comité chargé des décisions en matière de financement se compose d’un représentant du Parlement allemand, d’un haut fonctionnaire et de représentants d’organismes sectoriels de l’industrie du cinéma. 

Types d’aide financière

 Plutôt que de financer uniquement des projets individuels, le Royaume-Uni et l’Australie offrent un financement pour un groupe de deux projets ou plus. 
 La France a établi un fonds pour encourager l’utilisation de technologies expérimentales de production, par exemple, les effets numériques. 
 L’Australie et le pays de Galles offrent des ateliers intensifs de rédaction de scénarios. 
 L’Australie offre un financement jumelé pour le développement de projets. 

Diffusion

 Au Royaume-Uni, l’initiative Écrans numériques verse de l’argent aux propriétaires de salles de cinéma pour les inciter à acheter de l’équipement de projection numérique, en échange de leur engagement à réserver du temps écran aux films britanniques.  
 Le Royaume-Uni finance des ciné-clubs régionaux. 
 La France offre des subventions aux propriétaires de salles pour qu’ils diffusent des classiques du cinéma français. 


105L’Australie, la Belgique, l’Union européenne, la France, l’Allemagne, Taiwan, la République de Corée, la République d’Irlande, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Une annexe décrit brièvement les organismes et les programmes de financement du cinéma dans ces 10 pays
106M. Walter Forsyth, directeur exécutif, Atlantic Filmmakers Cooperative, 6 juin 2005.
107Mémoire présenté par l'Association of Canadian Cinema Television and Radio Artists, août 2005, p. 16.
108M. Jacques Bensimon, Commissaire du gouvernement à la cinématographie et président de l'Office national du film du Canada, 21 avril 2005.
109M. Don McKellar, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Actors, 6 avril 2005.
110M. Carl Bessai, président, Citizen's Coalition for the Protection of Canadian Films, 10 juin 2005.
111Mémoire présenté par M. Jacques Bensimon, Commissaire du gouvernement à la cinématographie et président de l'Office national d film du Canada, juin 2005, p. 9.
112Une annexe au rapport donne plus de détails sur ces incitatifs fiscaux.
113M. Michael Donovan, président, Halifax Film Company Ltd., 6 juin 2005.
114Mémoire présenté par le Festival des films du monde, 15 février 2005, p. 2.
115M. Kevin Tierney, producteur, Park EX Pictures, Association canadienne de production de film et de télévision, 20 avril 2005.
116Mémoire présenté par Téléfilm Canada, le 31 mai 2005. À remarquer que sur les 78,5 millions de dollars indiqués pour l'Australie, près de 24,9 millions sont également destinés à la formation et le développement de films.
117Mme Trish Dolman, productrice, Association canadienne de production de film et de télévision, 9 juin 2005.
118Mémoire présenté par la Société de développement de l'industrie des médias de l'Ontario, septembre 2005, p. 5.
119Les films britanniques, français et allemands sont également admissibles aux programmes de l'Union européenne. On en trouve la liste en annexe.
120On trouvera en annexe les données longitudinales relatives aux 10 contextes.
121Comme les données canadiennes antérieures à 2001 précèdent l'adoption de la nouvelle politique du film, la moyenne pour la part des recettes-guichet pour les longs métrages canadiens porte sur 4 ans, soit de 2001 à 2004.
122En 2003-2004, les engagements provenant du Fonds de financement des longs métrages de Téléfilm alloués aux productions de langue française représentaient 39 p. 100 du total des engagements. Note : la ventilation selon le marché anglophone et le marché francophone comprend uniquement les fonds du FLMC.
123Population selon la fréquence de la langue parlée à la maison, 2001
124Ces chiffres sont tirés des derniers rapports disponibles pour chacun des pays : R-U (annuel); Allemagne (2004); France (2004); Australie (annuel); Canada (2003-2004). Ils couvrent toutes les activités liées à la réalisation de films, mais non de documentaires. L’École du cinéma, de la télévision et de la radio de l’Australie n’est pas comprise dans ces chiffres, puisqu’il est impossible de séparer les fonds consacrés à la formation dans le domaine du cinéma de ceux consacrés à la formation dans le domaine de la télévision et de la radio. Sont inclus dans ces calculs les organismes nationaux et régionaux du Royaume-Uni, de France, d’Allemagne et d’Australie.
125Toutes les sommes d'argent dont il est question ici sont indiquées en dollars canadiens. Les montants figurant dans les annexes sont généralement indiqués en devises nationales. En outre, le lecteur doit faire preuve de prudence dans sa lecture de ces chiffres puisque, dans le cas des organismes non canadiens, il est souvent très difficile de déterminer quelle part d'un budget est affectée aux longs métrages et quelle part est affectée à d'autres formes d'œuvres cinématographiques. Lorsqu'il a été possible d'établir la différence, nous l'indiquons.
126En 2002, le budget global des 36 organismes régionaux français s'établissait à environ 25 millions de dollars. Comme il est impossible de déterminer quel pourcentage de cette somme a été consacré directement aux longs métrages, nous l'avons donc exclue des dépenses totales.
127Il est impossible d'établir le montant exact des dépenses consenties par les organismes régionaux allemands pour la distribution et la promotion.
128Le Conseil du film du Royaume?Uni définit les films spécialisés comme étant les films qu'il n'est pas facile de classer dans un genre grand public hautement commercial. Ces films ont en général une diffusion très limitée.
129Les données sur les dépenses consacrées par l'Allemagne aux programmes de formation et de perfectionnement professionnel ne sont pas disponibles.
130Cette formation est probablement offerte par l'entremise de différentes écoles de cinéma financées par le gouvernement.
131Commission du cinéma d'Australie, http://www.afc.gov.au/filminginaustralia/taxfins/federal/fiapage_ 56.aspx
132Ces contributions sont l'une des conditions pour l'obtention d'une licence du CRTC. Au Canada, les entreprises de distribution de radiodiffusion sont tenues de verser jusqu'à concurrence de 5 p. 100 de leurs recettes au FCT.
133Il comparer avec prudence les dépenses de l'Australie et du Canada pour la formation car la plupart des chiffres cités proviennent de l'École australienne du cinéma, de la télévision et de la radio dont une partie des activités seulement concerne le long métrage. De plus, au Canada, des instituts et des collèges des beaux?arts financés par l'État offrent une formation. On peut donc raisonnablement supposer que le montant réel dépensé par le Canada à la formation et au perfectionnement professionnel excède 3 millions de dollars. Malgré cela, le Royaume?Uni et l'Australie dépensent beaucoup plus que nous à ce chapitre.
134Une annexe donne de plus amples détails quant aux crédits d’impôts provinciaux.