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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 20 octobre 2005




Á 1110
V         Le greffier du comité
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.)
V         Le greffier
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         Le greffier
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         Le greffier
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         Le greffier
V         Le greffier
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         Le greffier
V         M. Pierre Paquette
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))

Á 1115
V         M. Michael Murphy (premier vice-président, Politiques, Chambre de commerce du Canada)

Á 1120
V         Le président
V         M. Andrew Cohen (professeur, École de journalisme et de communication, Université Carleton)

Á 1125

Á 1130
V         Le président
V         M. André Laliberté (professeur, Université du Québec à Montréal, à titre personnel)

Á 1135

Á 1140

Á 1145
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)

Á 1150
V         Le président
V         M. Michael Murphy
V         M. Stockwell Day
V         M. Michael Murphy
V         Le président
V         M. Michael Murphy

Á 1155
V         Le président
V         M. André Laliberté
V         Le président
V         M. Andrew Cohen
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)
V         M. André Laliberté

 1200
V         Le président
V         M. Darrel Houlahan (Analyste de politiques, Politiques, Chambre de commerce du Canada)
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Andrew Cohen
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Michael Murphy

 1205
V         Le président
V         M. André Laliberté
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         M. André Laliberté
V         Le président
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         Le président
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Andrew Cohen

 1210
V         Le président
V         M. Michael Murphy
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Andrew Cohen

 1215
V         M. André Laliberté
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Darrel Houlahan
V         Le président
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Andrew Cohen
V         Le président
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson

 1220
V         M. Andrew Cohen
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Andrew Cohen

 1225
V         Le président
V         M. André Laliberté
V         Le président
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         M. Andrew Cohen
V         Mme Beth Phinney

 1230
V         M. André Laliberté
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         M. André Laliberté
V         M. Pierre Paquette

 1235
V         M. André Laliberté
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         M. Michael Murphy
V         Le président
V         L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.)

 1240
V         Le président
V         M. Andrew Cohen
V         M. André Laliberté
V         L'hon. Lawrence MacAulay
V         M. André Laliberté
V         Le président
V         M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC)

 1245
V         M. Andrew Cohen
V         M. Peter Goldring
V         M. André Laliberté
V         M. Peter Goldring
V         M. André Laliberté
V         Le président
V         M. Michael Murphy
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.)

 1250
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague

 1255
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         M. Andrew Cohen
V         Le président
V         M. Andrew Cohen
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC)
V         M. Michael Murphy
V         M. Jim Abbott

· 1300
V         M. Michael Murphy
V         Le président
V         M. Michael Murphy
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Michael Murphy
V         Le président
V         M. André Laliberté

· 1305
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Français]

+

    Le greffier du comité: Mesdames, messieurs, je constate qu'il y a quorum.

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 106(2) du Règlement, nous devons maintenant procéder à l'élection d'un président.

    Y a-t-il des propositions de candidature?

    Monsieur Bevilacqua.

[Français]

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): Je propose M. Patry.

[Traduction]

+-

    Le greffier: Une motion portant que M. Patry prenne la présidence du comité a donc été proposée. Y a-t-il d'autres motions?

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Je propose la clôture des mises en candidature.

+-

    Le greffier: M. Bevilacqua a proposé que M. Patry prenne la présidence du comité. Le comité a entendu les termes de la motion.

    (La motion est adoptée.)

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Pour commencer, je tiens à vous féliciter, monsieur Patry, pour votre accession à la présidence. Je ne doute pas que, pendant toute la durée de nos travaux, vous vous souviendrez que c'est moi qui ai proposé votre candidature.

+-

    Le greffier: Mesdames et messieurs, il reste encore à régler la question des deux vice-présidents. Le premier poste de vice-président doit aller à un représentant de l'opposition officielle.

    Monsieur Bevilacqua.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Je propose que Kevin Sorenson devienne vice-président du comité pour l'opposition officielle.

+-

    Le greffier: Y a-t-il d'autres propositions?

    M. Bevilacqua a proposé que M. Sorenson assume le poste de vice-président pour l'opposition officielle. Le comité a entendu les termes de la motion.

    (La motion est adoptée.)

+-

    Le greffier: Pour terminer, il vous reste à proposer pour la deuxième vice-présidence quelqu'un issu d'un autre parti d'opposition.

    Monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Je propose Mme Francine Lalonde.

+-

    Le greffier: M. Paquette propose Mme Lalonde au poste de vice-présidente.

+-

    M. Pierre Paquette: J'espère que Mme Lalonde se rappellera que c'est moi qui ai proposé son nom.

+-

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Merci beaucoup, chers collègues.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Je constate que, comme toujours, nous travaillons de façon consensuelle, ce qui est excellent pour le comité.

    Cela dit, avec votre indulgence, j'aimerais vous demander un consentement unanime puisque, n'étant pas président à ce moment-là, il m'était techniquement parlant impossible de convoquer pour ce matin une réunion consacrée au projet de loi sur Taïwan. J'aimerais donc que le comité donne son consentement unanime pour que nous puissions entendre les témoins convoqués ce matin pour l'étude du projet de loi sur Taïwan. Y a-t-il consentement unanime?

    Des voix: D'accord.

    Le président: Je vais donc demander aux témoins de prendre place à la table.

[Français]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous allons commencer l'examen des questions reliées au projet de loi C-357, Loi sur les relations avec Taïwan.

    Ce matin, nous recevons,

[Traduction]

    pour le compte de la Chambre de commerce du Canada, M. Michael Murphy, premier vice-président (Politiques), et M. Darrel Hulahan, analyste des politiques.

    Représentant l'Université Carleton, nous recevons M. Andrew Cohen, professeur à la Norman Paterson School of International Affairs et à l'École de journalisme.

[Français]

Enfin, de l'Université du Québec à Montréal, nous accueillons M. André Laliberté.

    Bienvenue à tous. Nous allons donc commencer par entendre le représentant de la Chambre de commerce du Canada.

[Traduction]

    Vous avez la parole, monsieur Murphy.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Michael Murphy (premier vice-président, Politiques, Chambre de commerce du Canada): Merci, monsieur le président, c'est avec plaisir que nous comparaissons devant vous ce matin.

    Permettez-moi de commencer en vous remerciant de nous avoir invités à participer à cette discussion. Nous sommes assurément très heureux de pouvoir ainsi vous parler au nom de nos 170 000 membres situés un peu partout au Canada.

    Pour parler de ce que reflètent les milieux d'affaires au Canada, nous constituons un réseau hétéroclite de chambres de commerce, d'associations de commerçants et d'entreprises de toutes les tailles, de tous les secteurs et de toutes les régions du Canada. Voilà qui résume rapidement ce qu'est la Chambre de commerce du Canada.

    Je serai clair d'entrée de jeu en vous disant que les milieux d'affaires canadiens sont déjà depuis de nombreuses années commercialement actifs avec Taïwan et qu'ils apprécient beaucoup les relations commerciales qui se sont ainsi créées entre gens d'affaires et investisseurs des deux pays. La Chambre de commerce du Canada et ses membres souhaitent donc pouvoir poursuivre ce genre de relations commerciales avec ce précieux partenaire.

    Je dois également signaler que la Chambre de commerce du Canada s'intéresse depuis longtemps à Taïwan étant donné que le premier bureau commercial canadien à Taipei avait été ouvert par nous pour le compte du gouvernement canadien. Cet arrangement qui présidait au fonctionnement du bureau commercial du Canada à Taipei s'est terminé à la fin des années 90 lorsqu'il est devenu évident que les relations entre le Canada et Taïwan étaient arrivées à leur pleine maturité. Pendant de nombreuses années, la Chambre de commerce a également parrainé un organisme qui avait pour nom la Canada-Taïwan Business Association, et nous nous étions vigoureusement employés à greffer à cette association tous les liens nécessaires. La croissance des échanges commerciaux entre les deux pays a beaucoup profité de ces deux associations que nous avions avec Taïwan , et nous avons ainsi pu concourir au progrès économique taïwanais.

    Notre intervention ici aujourd'hui n'a pas pour but de nuire de quelque façon que ce soit à cette relation privilégiée, mais plutôt d'exprimer, au nom des milieux d'affaires canadiens, une crainte à l'endroit de ce que nous croyons être une tentative qui aurait pour effet de manipuler dangereusement la relation au demeurant excellente qui existe entre le Canada et Taïwan et entre le Canada et la Chine.

    Comme vous le savez, ce projet de loi vise à améliorer le cadre des échanges économiques, culturels et autres entre la population canadienne et celle de Taïwan. Après en avoir souvent discuté avec nos membres, nous sommes arrivés à la conclusion que le Canada n'a rien à gagner en adoptant ce projet de loi. Pour être plus précis, le fait d'abandonner la politique actuelle du Canada qui est basée sur le concept d'une Chine unique ne produirait aucun avantage, économique ou autre, facilement identifiable. Les fonctionnaires fédéraux vous auront déjà dit que l'adoption de ce texte de loi exigerait de l'État canadien qu'il accorde à Taïwan une certaine reconnaissance officielle, ce qui n'améliorerait que marginalement les relations déjà excellentes que nous avons avec ce pays. En revanche, elle aurait assurément des répercussions très néfastes pour les relations entre le Canada et la Chine. Nous souscrivons à cette interprétation.

    Plus important encore, il est communément admis que ce texte de loi serait considéré comme battant en brèche de façon flagrante le fondement même sur lequel nous avons bâti et enrichi nos relations avec la Chine et avec Taïwan. Un changement quel qu'il soit risquerait d'entraîner pour nous des répercussions très graves de la part du gouvernement chinois. L'ambassadeur de Chine au Canada disait d'ailleurs récemment, et je cite: « La politique de la Chine unique est le fondement politique de nos relations mutuelles, et si cette politique venait à être modifiée ou devait être modifiée, les conséquences en seraient très graves. »

    Il serait irresponsable de penser que la Chine ne réagirait pas à l'adoption de ce projet de loi. À tous les paliers, les fonctionnaires chinois ont dit très clairement le contraire. Les nombreuses entreprises canadiennes qui font affaire en Chine ou avec la Chine, ou qui envisagent de le faire, craignent à juste titre de telles répercussions. À l'heure actuelle, la Chine est le partenaire commercial du Canada avec lequel nos échanges bilatéraux augmentent le plus rapidement. La Chine est également le tremplin obligé de la stratégie du gouvernement canadien en ce qui concerne les nouveaux marchés.

    En 2004, le Canada a exporté vers la Chine, qui est l'économie qui affiche le taux de croissance le plus rapide au monde, pour plus de 6 milliards de dollars, et ces exportations intéressent des secteurs très importants pour nos membres, notamment les pâtes et papiers, les produits chimiques, le blé, les métaux, les produits de la mer et bien d'autres encore. Les exportations vers la Chine ont augmenté de 80 p. 100 en cinq petites années, et nous escomptons pour l'avenir un taux de croissance équivalent ou meilleur encore. Pendant le premier semestre de cette année, les exportations canadiennes à destination de la Chine ont augmenté de plus de 7 p. 100. Il est manifeste que la Chine revêt pour le Canada une importance croissante et il serait à notre avis extrêmement irresponsable de compromettre cela.

    Le projet de loi pourrait également compromettre les négociations en cours sur un accord concernant le tourisme, un accord qui devrait entraîner une multiplication notable du nombre de touristes chinois, ce qui rejaillirait à bien des égards sur nos entreprises dans toutes les régions du Canada. Par ailleurs, la Chambre de commerce du Canada estime que l'adoption du projet de loi pourrait gravement compromettre les possibilités que nous avons actuellement de négocier avec la Chine un accord sur la protection des investissements étrangers, ce que nous tentons actuellement de faire. Avec la multiplication des entreprises canadiennes qui vont investir en Chine, il est essentiel d'établir un cadre juridique qui leur permettra de fonctionner dans un meilleur climat de certitude en Chine.

    En outre, le Canada peut compter sur plusieurs accords qui ont été négociés récemment, notamment un traité sur le transport aérien qui revêt, pour les entreprises canadiennes, une importance vitale. Toutes ces initiatives récentes attestent des progrès excellents que le Canada a enregistrés dans son ouverture sur la Chine.

    Les défenseurs du projet de loi soutiendront que celui-ci permettra de donner plus d'importance à la démocratie et aux droits humains dans cette région du monde. Or, certains hauts fonctionnaires vous ont déjà dit que l'adoption de ce texte de loi aurait peu d'incidence dans ces deux dossiers. Bien au contraire, une dégradation de nos relations avec la Chine risquerait de marginaliser notablement l'influence que nous pouvons exercer dans ces deux dossiers.

Á  +-(1120)  

    Lorsque le comité lui avait demandé, en juin 2005, si le Canada envisageait de dévier de sa politique d'une Chine unique, David Mulroney, le SMA des relations bilatérales aux Affaires étrangères, avait dit ceci: « Je crois que ce qui se passerait, c'est que nous n'aurions plus aucune influence en Chine pendant une génération, nous perdrions le contact avec les dirigeants chinois... » Nous souscrivons à ce constat. La meilleure façon de garantir la réussite, c'est de s'engager de façon constructive et d'utiliser des pratiques exemplaires en donnant l'exemple.

    Les défenseurs du projet de loi font également valoir que les État-Unis ont une loi semblable au sujet de Taïwan, mais les fonctionnaires canadiens vous ont également signalé que la loi en question avait été préparée pour des raisons fort différentes et dans un contexte très différent aussi; elle remonte à 1979, à l'époque où le gouvernement américain avait officiellement ouvert les relations avec la Chine.

    À l'heure actuelle, cela fait plus de 30 ans que le Canada a d'excellentes relations avec Taïwan et avec la Chine, et il n'est nullement nécessaire de modifier notre politique actuelle. Qui plus est, l'influence géopolitique du Canada dans cette région du monde est également très différente de celle de nos collègues américains. Vous savez fort bien, je crois, qu'aucun autre pays n'a un cadre législatif comparable qui régit ses relations avec Taïwan. Une simple analyse de rentabilité révélerait que le Canada a tout à perdre et peu à gagner en adoptant ce texte de loi. Risquer la prospérité future du Canada en échange de quelque chose qui n'améliorerait nullement de façon prouvée des relations déjà excellentes avec Taïwan et avec la Chine serait à nos yeux une très mauvaise politique publique.

    Merci encore, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Murphy.

    Nous allons maintenant écouter M. Cohen. Vous avez la parole, professeur.

+-

    M. Andrew Cohen (professeur, École de journalisme et de communication, Université Carleton): Monsieur le président mesdames et messieurs, c'est un grand plaisir pour moi de comparaître à nouveau. Je remercie les membres du comité de m'avoir aimablement invité à prendre la parole, et je vous félicite d'avoir trouvé le temps de vous pencher sur des liens qui sont à ce point importants pour le Canada. Ce faisant, vous jouez véritablement le rôle que doit jouer un comité parlementaire, à savoir éclairer et débattre des questions de nos relations internationales, qui passent généralement inaperçues. Par conséquent, peu importe l'issue de votre étude de ce projet de loi, sachez que vous aurez sensibilisé les Canadiens à nos obligations et aux intérêts que nous avons dans cette partie-là du monde, et je vous en félicite.

    Je ne viens pas ici aujourd'hui en tant que sinologue qui lit les feuilles de thé dans les salons laqués de Beijing ou de Taipei, ni en tant qu'avocat qui interprète les subtilités des traités ou des lois, ni comme économiste qui peut prédire le mouvement des échanges commerciaux, ni même en tant que diplomate qui vous dira ce que cela implique de façon précise pour nos relations avec l'Asie du Nord. Je suis sûr que vous avez déjà entendu le témoignage de certaines personnes qui se classent dans l'une ou l'autre de ces catégories.

    Je préfère m'adresser à vous en tant qu'observateur de ce qui se passe au Canada et ailleurs dans le monde, de professeur des affaires internationales et d'étudiant du passé et du présent. Je ne suis pas un spécialiste de Taïwan en tant que tel, même si j'ai déjà visité l'île, que j'ai écrit sur Taïwan et que j'ai suivi de près son passage vers la démocratie et la prospérité. Je dois vous déclarer d'entrée de jeu mon préjugé: je respecte Taïwan, ce qu'elle est et ce qu'elle représente, et je crois que le Canada devrait la respecter elle aussi, de façon claire et officielle.

    À mon avis, c'est ce que propose de faire le projet de loi dont vous êtes saisis. Il représente le désir du Canada de préciser et de codifier nos relations avec Taïwan. Comme vous l'avez constaté, il prévoit un encadrement aux initiatives économiques, culturelles, scientifiques, juridiques et autres.

    À mon avis, ce projet de loi reflète une vision logique, mesurée et prudente de la réalité qu'est Taïwan, et reconnaît en elle une nation de 23 millions de personnes, dont la plupart sont nées sur l'île. Ces gens vivent dans un territoire clairement défini, gouverné par des représentants librement élus, et ils obéissent aux droits et respectent le libre marché. Je parle ici d'un État souverain qui entretient des relations avec d'autres États.

    Ce n'est pas rien! En moins d'une génération, Taïwan est passé d'un arrière pays autoritaire, appauvri et agraire à une supernova libre, riche et postindustrielle, soit à la dix-septième économie en importance du monde qui est aussi le quinzième pays commerçant de la planète. Ses réserves de devises étrangères atteignent quelque 240 milliards de dollars, ce qui en fait la troisième en importance du monde. Taïwan produit plus d'ordinateurs électroniques et de moniteurs à cristaux liquides que tout autre pays. Il ne faut pas s'étonner qu'elle ait été acclamée comme l'un des tigres asiatiques légendaires ni que la revue Business Week ait récemment déclaré qu'il fallait tenir compte de Taïwan, car l'économie de la planète ne pouvait s'en passer.

    Taïwan a connu sa propre révolution tranquille. Son progrès économique vous coupe le souffle, manifestement, mais ce qui est encore plus inspirant, c'est la façon dont elle a misé sur la liberté et dont, grâce à sa volonté et sa détermination, elle est devenue l'une des démocraties de pointe de l'Asie. En effet, le changement de gouvernement en l'an 2000 a marqué la première transition de pouvoirs sèche d'une élection démocratique en 5 000 ans d'histoire chinoise. S'il est une chose par laquelle nous devons nous rappeler Taïwan, c'est sa lutte persistante et sans relâche en faveur des droits de la personne.

    Soit dit en passant, Thomas Chen, qui représente Taïwan ici-même au Canada, a été l'une des figures de proue de cette lutte. S'il est arrivé au Canada en 1967, ce n'est pas parce qu'il n'aimait plus son pays, mais c'est parce qu'il ne pouvait plus y vivre sous la férule d'un régime oppresseur. Ici, il a étudié, pratiqué et enseigné le droit, puis est devenu Canadien. Lorsqu'il a constaté un revirement dans son pays natal, il est retourné chez lui. Vous savez peut-être qu'on le considère aujourd'hui comme l'un des enfants les plus distingués du pays.

    C'est tout un fait d'armes pour lui-même et pour son pays, et le Canada devrait le reconnaître et le célébrer. À mon avis, voilà ce que cherche à faire le projet de loi. C'est, au fond, la reconnaissance modeste de la part du Canada du progrès effectué par ce peuple remarquable qui veut être respecté et jouir de la même sécurité que beaucoup de peuples dans le monde.

    Pourtant, le Canada, qui est manifestement un ami de Taïwan, hésite à lui accorder pleinement ce respect fondamental. Le Canada hésite à accorder à Taïwan le statut d'observateur à l'Organisation mondiale pour la santé, malgré les résolutions adoptées à la Chambre des communes. Or, ce refus est important, à une époque où la grippe aviaire menace de nous emporter tous.

    Nous persistons à refuser des visas de voyage à des représentants en vue de Taïwan — par exemple le président, le vice-président, le premier ministre, le vice-premier ministre, le ministre de la Défense et le ministre des Affaires étrangères. En 2004, on a refusé à son président la permission de passer la nuit au Canada avant de se rendre en Amérique Centrale.

    Nous refusons de négocier un accord de coopération judiciaire avec Taïwan, même si le Canada reçoit chaque année 150 000 visiteurs de Taïwan et qu'il a accueilli environ 150 000 immigrants de cette île. Nous persistons à dire de la légation taïwanaise au Canada qu'elle est le bureau économique et culturel de Taipei, comme si elle ne représentait que la capitale. Nous ne permettons pas l'utilisation du nom Taïwan.

    Voilà la façon dont le Canada traite Taïwan aujourd'hui. Pour certains, le Canada fait preuve de prudence et d'équilibre, étant donné nos relations avec la Chine. À mon avis, cette façon de faire est humiliante, et Taïwan mérite mieux.

Á  +-(1125)  

    Il ne s'agit aucunement d'établir des relations diplomatiques avec Taïwan. Ce n'est d'ailleurs pas ce que suggère le projet de loi. Il propose plutôt qu'il y ait développement ordonné des relations entre les Canadiens et les Taïwanais. Or, si modeste que puisse être cette proposition, elle a soulevé une opposition féroce.

    Le 5 octobre, votre comité entendait le témoignage de Ted Lipman, directeur général du Bureau de l'Asie du Nord et du Pacifique au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Selon lui, le projet de loi est mal avisé, inutile et provocateur. Le plus surprenant, c'est qu'à son avis, ce projet de loi américaniserait la politique étrangère du Canada. D'après lui, rouvrir la politique du Canada sur Taïwan reviendrait à renégocier unilatéralement les termes de nos relations avec Taïwan sans tenir aucunement compte des réalités d'aujourd'hui.

    Ce qui est encore plus surprenant, c'est que, d'après lui, l'adoption du projet de loi pourrait donner l'impression à la Chine que le Canada reconnaît dans les faits Taïwan, ce qui équivaudrait à une reconnaissance de droit. Cela aurait pour conséquence, à son avis, que les tensions entre les deux pays pourraient croître et qu'elles pourraient limiter notre capacité à protéger nos intérêts de base là-bas. Il est même allé jusqu'à dire que ce projet de loi permettrait à Taipei de dicter une partie importante du programme canadien en matière de politique étrangère. C'est ce qu'il a dit.

    Ce témoignage était assez particulier, puisqu'il jouait sur la crainte que les Chinois exercent des représailles. Il semblait aller jusqu'à dire que peu importe que nos motivations soient subtiles, nos intentions claires et nos dénégations complètes, cette mesure serait considérée de part et d'autre du détroit de Taïwan comme une reconnaissance diplomatique. De l'avis de M. Lipman, une Loi sur les relations avec Taïwan adoptée par le Parlement du Canada constituerait une politique étrangère dictée par Taïwan, voire même dictée par les États-Unis. Cela ne ferait qu'alimenter les tensions à la hausse dans la région et détruire l'équilibre délicat.

    Curieusement, M. Lipman ne faisait à peu près pas mention dans son témoignage de la démocratie à Taïwan, dont nous devrions tous nous féliciter, comme le disait Stockwell Day; il ne mentionnait pas non plus le côté obscur de la Chine, dont le dossier des droits de la personne est parmi les pires au monde, comme le signalait Mme McDonough. Jamais il n'a mentionné la place Tiananmen, ni l'oppression du Falun Gong, ni les arrestations et emprisonnements des écrivains et des intellectuels chinois, arrestations qui se poursuivent malgré la libéralisation économique fulgurante et pourtant bienvenue que l'on y constate. Malheureusement, ce côté obscur ne semble pas avoir beaucoup d'importance pour le Canada, et il n'en a plus depuis le début des années 90, à l'époque où l'ancien premier ministre Jean Chrétien a affirmé — et c'est de notoriété — que puisqu'il n'avait pas le droit de dicter quoi que ce soit au premier ministre de la Saskatchewan ou du Québec, comment pouvait-il espérer dicter quoi que ce soit au premier ministre de la Chine.

    Mais, en bout de ligne, le Canada doit prendre une décision. Il n'a pas à décider nécessairement entre, d'une part, nos intérêts et, d'autre part, nos valeurs, comme d'aucuns le prétendent, puisque les deux propositions ne s'excluent pas nécessairement mutuellement. Il doit plutôt décider de façon générale la place que veut occuper le Canada dans le monde, ce pourquoi il doit se battre et quel genre de peuple nous formons. Si le Canada croit fermement en les droits humains, nous devrions pouvoir le dire ici.

    Nous aimons beaucoup mettre de l'avant les droits de la personne. Ne serait-ce qu'hier, le ministre des Affaires étrangères annonçait qu'il verserait 3 millions de dollars pour soutenir le Bureau du Haut-Commissaire des droits de la personne des Nations Unies, et pourtant, dans le cas de Taïwan, on ne nous demande même pas d'injecter 3 millions de dollars; on nous demande uniquement d'appuyer moralement, de façon soignée et judicieuse, un peuple honnête qui veut un minimum de respect.

    À mon avis, ce projet de loi établit des indicateurs. Il reconnaît que Taïwan est devenue une réalité, depuis que les Chinois nationalistes se sont enfuis à Formose il y a de cela quelque 45 ans, que cette réalité ne disparaîtra pas, et que la Chine devrait le savoir lorsqu'elle brandit pourtant des sabres et des menaces, comme elle le fait ici. Le projet de loi dit simplement qu'il est de notre intérêt supérieur que la Chine reconnaisse nos valeurs les plus importantes. Le projet de loi explique que nous prenons au sérieux l'évolution de Taïwan et que peu importe ce qu'il adviendra des relations entre la Chine et Taïwan, l'évolution devra se faire pacifiquement. Le message qu'envoie le projet de loi, c'est que nous avons à coeur Taïwan et que, tout comme les États-Unis et l'Europe, nous allons nous tenir à ses côtés.

    Le Canada a ici l'occasion d'agir courageusement et de façon indépendante, comme il l'a fait lorsqu'il a établi des relations avec la Chine il y a plus de 30 ans, et d'être aussi un exemple pour les autres pays qui songent eux aussi à renouer avec Taïwan.

    Si le projet de loi parle de clarté, il parle aussi de dignité : celle des Taïwanais, bien sûr, mais aussi la nôtre. Le projet de loi ne vise aucunement à américaniser notre politique étrangère, mais plutôt à la légitimer et à la renforcer. Il nous faut comprendre que, de temps en temps, il faut agir en fonction de nos principes moraux et que, parfois, dans le monde, la conscience doit primer sur le commerce.

    Merci.

Á  +-(1130)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cohen.

    Maintenant, monsieur Laliberté, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. André Laliberté (professeur, Université du Québec à Montréal, à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je remercie tous les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de me donner l'occasion de m'exprimer sur ce sujet très important.

    Je voudrais également féliciter M. Abbott d'avoir inspiré ce projet de loi et pour son sens du timing, étant donné que ce projet de loi a succédé assez rapidement à l'adoption de la loi antisécession par l'Assemblée nationale populaire de Chine. Je me souviens qu'au mois de mars, dans le milieu sinologique, on avait très fortement ressenti qu'il fallait réagir. Ce début d'expression des sentiments du Parlement et du peuple canadien vis-à-vis cette loi doit être salué.

    Cela dit, j'ai également des intérêts à défendre; je ne vais pas le nier. Je suis sinologue et je suis payé pour informer mes concitoyens et mes étudiants de la situation en Chine, à Taiwan, quant aux les relations entre les deux rives du détroit. Cela me concerne personnellement, c'est-à-dire que j'ai un pied sur les deux rives du détroit de Taiwan. J'ai des intérêts à continuer à pouvoir faire mon travail. Je suis donc extrêmement préoccupé quand j'entends parler d'une possible détérioration de la situation entre les deux rives du détroit de Taiwan et des facteurs qui pourraient rendre ces relations plus difficiles.

    On ne m'a pas donné d'instruction spécifique concernant mes remarques, mais je présume qu'on m'a demandé de vous donner quelques contextes et surtout quelques précisions non seulement sur ce que ce projet de loi implique et peut nous apporter, mais aussi sur le contexte qui pourrait être affecté par l'adoption éventuelle de ce projet de loi.

    La première chose à signaler est que le contexte a déjà changé — il change très rapidement — dans les relations entre la Chine et Taiwan. Depuis la présentation de ce projet de loi, les relations entre Pékin et Taipei ont connu deux développements extrêmement importants.

    Le premier est la visite absolument inattendue et surprenante des deux politiciens taiwanais en Chine populaire, soit Lian Zhan et Song Chuyu, qui ont été invités par le président Hu Jintao. Cette visite a été dépeinte en République populaire de Chine comme étant un moment historique qui a eu certaines conséquences sur lesquelles je reviendrai plus tard.

    Le deuxième événement important est l'élection à la présidence du Parti nationaliste, le Guomindang, de l'actuel maire de Taipei, Ma Ying-jeou, qui est le candidat le plus présidentiable à l'heure actuelle pour les élections de 2008. Il s'agit d'un candidat qu'il est important de connaître parce qu'il s'oppose à l'indépendance taiwanaise et, en même temps, il a une position relativement ferme face aux pressions que la République populaire de Chine voudrait imposer.

    Un deuxième élément de contexte est celui de la situation en Chine populaire elle-même. La Chine se préoccupe de réussir à tenir les Jeux olympiques à Pékin en 2008; je ne vous apprends rien. Le gouvernement chinois se préoccupe surtout de s'assurer que le pays ne connaîtra pas de changements politiques et sociaux trop importants. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre l'importance extrême que la République populaire de Chine attache à la résolution de la question de Taiwan.

    Le gouvernement chinois a beaucoup de problèmes sur les bras. Lorsque j'entends parler d'autres intervenants, dont ceux qui ont comparu ici à ce sujet — et j'ai également lu les interventions qui ont été faites ici précédemment —, de notre préoccupation concernant les liens entre le Canada et la Chine populaire, ce qui me frappe, c'est qu'on présume toujours que les relations entre le Canada et la Chine vont demeurer stables parce qu'on peut prédire quel va être l'avenir politique de la Chine d'ici quatre ans. Rien n'est moins sûr. Il ne faudrait quand même pas présumer que le gouvernement chinois va continuer d'adopter les mêmes politiques et qu'il va toujours fonctionner selon les mêmes paramètres.

    À l'heure actuelle, le gouvernement chinois fait face à de nombreux problèmes internes: soulèvements dans les campagnes, problèmes de conflits en milieu urbain, problèmes macroéconomiques extrêmement sérieux qui peuvent toujours avoir des conséquences potentiellement dramatiques sur la stabilité sociale. Enfin, en 2007, il ne faut pas l'oublier, aura lieu le 17e congrès du Parti communiste. Il y a donc un agenda déjà très chargé pour le Parti communiste et le gouvernement chinois.

Á  +-(1135)  

    Il est clair que le gouvernement chinois n'a pas du tout envie de voir la situation s'aggraver dans le détroit de Taiwan. C'est le sens qu'on donne aujourd'hui à l'adoption de la loi antisécession. Le gouvernement chinois a voulu tracer une ligne. Il est relativement satisfait, maintenant que cette ligne est tracée et qu'une certaine clarté existe dans les rapports entre la Chine et Taiwan. Cette clarté a trait aux limites que les Taiwanais ne doivent pas franchir. Il est peu probable que d'ici l'année 2008, le gouvernement chinois soit tenté d'appliquer des mesures radicales pour forcer une réunification avec Taiwan.

    Il est aussi très important de prendre en considération, dans le cadre de notre réflexion, la situation à l'intérieur même de Taiwan. Sur le plan politique, on peut voir cette situation comme un genre de statu quo et, sur le plan parlementaire, comme un blocage. C'est-à-dire qu'à l'heure actuelle, le Parlement n'est pas en mesure de déclarer de façon intempestive l'indépendance de Taiwan. Ainsi, toutes les inquiétudes voulant que le projet de loi C-357 encourage des tendances séparatistes ou indépendantistes n'ont pas lieu d'être. En effet, les Taiwanais ne sont pas prêts à déclarer l'indépendance. Ils n'ont pas intérêt à ce que cela se fasse, et les sondages l'indiquent de façon assez probante depuis 1992.

    À Taiwan, cette proposition d'indépendance est appuyée par une très petite minorité. C'est une minorité encore plus négligeable, soit de 10 p. 100 environ, qui soutient la réunification avec la Chine. L'écrasante majorité de la population taiwanaise est donc en faveur du statu quo. À mon sens, le projet de loi C-357 ne fait qu'affirmer l'appui du Canada à l'égard du statu quo actuel. Il n'est pas question d'un soutien à l'indépendance, et on ne se prononce pas sur le bien-fondé à long terme de la réunification. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que C-357 puisse représenter un problème.

    Pour juger de l'importance de ce projet de loi, on doit se poser trois questions. L'adoption éventuelle de cette loi servirait-elle nos intérêts? Servirait-elle les intérêts de Taiwan et, en fin de compte, favoriserait-elle la paix en Asie de l'Est?

    Je vais essayer de résumer mes commentaires. J'ai bien du mal à accorder du crédit à l'argument voulant que l'adoption de cette loi ait des conséquences graves sur l'économie canadienne. Je suis très sensible au fait que bien des gens d'affaires veulent développer le commerce entre le Canada et la Chine, mais je pense qu'il ne faut pas exagérer l'importance de ce commerce bilatéral.

    Certes, la Chine est notre deuxième partenaire commercial, mais le commerce que nous faisons avec ce pays représente une infime fraction, soit 10 p. 100 environ, de celui que nous faisons avec les États-Unis. Il s'agit par ailleurs d'un commerce largement déséquilibré puisqu'il a trait principalement aux ressources naturelles et qu'il implique des délocalisations d'emplois. Puisque les effets positifs de nos échanges avec la Chine restent encore à démontrer, je ne suis pas entièrement convaincu que l'adoption de cette loi aurait des effets négatifs sur l'économie.

    Encore une fois, la question des rapports entre le Canada et la Chine repose sur la prémisse voulant que nous ayons affaire à un gouvernement stable, qui a le contrôle de la situation. Or, ce n'est pas encore assuré. Autrement dit, l'argument selon lequel l'adoption de cette loi aurait des effets négatifs sur nos relations avec la Chine n'est pas en soi convaincant.

    Par ailleurs, l'effet qu'aurait l'adoption de la loi sur l'avenir de Taiwan est une autre histoire. Je ne suis pas convaincu que cette loi aiderait la population taiwanaise à maintenir son statut et à préserver la stabilité de ses rapports avec la Chine. Sur le plan politique, il faut souligner qu'à l'heure actuelle, à Taiwan, on assiste à un blocage. La société taiwanaise est tout à fait polarisée.

Á  +-(1140)  

    Or, bien qu'on s'entende avec la Chine pour ce qui est de favoriser le statu quo, il existe, sur le plan politique, une polarisation extrême entre le camp des bleus, c'est-à-dire les partis qui sont en faveur d'une réunification à long terme, et le camp des verts, qui est en faveur d'une affirmation plus grande de l'autonomie taiwanaise. Je ne suis donc pas convaincu que ce projet de loi, qui exprimerait l'appui des Canadiens à l'égard d'une affirmation plus importante de l'autonomie taiwanaise, serait bien reçu par l'ensemble de la population taiwanaise. En d'autres termes, je ne suis pas convaincu que ce serait là une façon d'appuyer les intérêts de la majorité de la population qui, je le rappelle, est en faveur du statu quo.

    En formulant ce projet de loi, il serait important de préciser que nous soutenons le statu quo et que nous ne voulons surtout pas donner l'impression de favoriser une option au détriment d'une autre, puisque les Taiwanais eux-mêmes semblent déterminés à poursuivre dans cette voie.

    Pour ce qui est du troisième élément de la réflexion, à savoir si l'adoption de ce projet de loi contribuerait à générer de l'instabilité en l'Asie de l'Est, il est important de souligner — et on ne le répétera jamais assez — que le problème n'est pas du côté de Taiwan. Le fait est que cet État répond à toutes les exigences de la souveraineté. Sa population s'est exprimée clairement. En outre, celle-ci n'a jamais soutenu une attitude hostile envers la Chine. Le problème est, de façon évidente, le comportement de la République populaire de Chine. En effet, le gouvernement chinois fait preuve d'une attitude rigide en refusant systématiquement d'accorder à la République de Chine, Taiwan, la moindre place au sein du système international.

    C'est un problème qui a des conséquences à l'échelle mondiale. Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit plusieurs fois ici à propos de la crise du SRAS et de la possibilité d'une autre crise, en l'occurrence celle de la grippe aviaire. J'espère que ce projet de loi pourra être reformulé de façon à transmettre ce point de vue plus clairement. Je pense qu'il est nécessaire de faire comprendre au gouvernement chinois que pour préserver la paix en Asie de l'Est et la sécurité internationale, il devrait accepter ce qui a déjà été suggéré par un conseiller du président Clinton, Kenneth Lieberthal, à savoir la formule d'une nation, deux États.

    Je conclus là-dessus. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Laliberté.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à la période de questions et nous commencerons par M. Day. Vous avez droit à dix minutes chacun, que vous pouvez partager avec un collègue.

    Monsieur Day, allez-y.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci à chacun de nos témoins pour leurs comptes rendus qui nous aideront certainement à y voir plus clair dans toutes les préoccupations que soulève ce projet de loi.

    Hier soir, j'ai assisté à une réception à laquelle se trouvaient le premier ministre ainsi qu'un certain nombre d'autres personnalités. Cette réunion visait à célébrer les 35 ans de relations que nous avions avec la Chine, ce qui est évidemment extrêmement positif.

    J'ai eu l'occasion de rencontrer le président Hu Jintao lors de sa visite au Canada, et je crois avoir eu avec lui une très bonne discussion sur nos relations commerciales. J'ai également mentionné à plus d'une reprise les droits humains et les enjeux démocratiques, ce qui ne l'a aucunement offusqué. Nous n'étions pas nécessairement d'accord sur tout, mais la discussion a été très fructueuse, et nous nous sommes quittés en bons termes.

    Je souscris à ce qui a été dit au sujet de la perception que dégage le projet de loi, et je sais que cela alimentera le débat.

    D'abord, Andrew Cohen affirmait être un fervent admirateur de la démocratie à Taïwan, et il est vrai que la façon dont elle a évolué là-bas est remarquable. Les étudiants canadiens devraient apprendre comment cela s'est fait pour être sensibilisés au prix qu'ont dû payer tous ceux qui ont voulu faire avancer la démocratie à Taïwan. Or, cette démocratie est très robuste aujourd'hui, et M. Chen a eu un grand rôle à jouer dans cette réalisation.

    Je conviens avec lui que le projet de loi ne remet nullement en question la politique du Canada sur la Chine unique. D'ailleurs, le projet de loi prend bien soin de reconnaître cette politique ainsi que le statu quo. Voilà une chose qu'il faudra régler une fois pour toutes à un moment donné.

    À l'intention de M. Murphy, qui représente le milieu des affaires, sachez que nous nous préoccupons, évidemment, de la capacité qu'ont les Canadiens de faire des affaires dans le plus de pays possible et de la façon la plus concurrentielle qui soit. Je vais donc poser rapidement quelques questions auxquelles vous pourrez répondre ensuite. Vous qui avez des contacts avec le milieu des affaires canado-taïwanais, pouvez-vous nous dire comment les gens d'affaires ont réagi? Vous nous avez exposé le point de vue de la Chambre de commerce, mais qu'en est-il du milieu des affaires de Taïwan? Savez-vous comment on a réagi là-bas? Quelles preuves, historiques ou actuelles, pouvez-vous avancer qui démontreraient que nous aurions à craindre des représailles commerciales de la part de la Chine? Et dans un autre domaine, qu'a pensé la Chambre de commerce du Canada de la proposition d'acquisition de la part de Minmetals, qui a fait l'actualité il y a de cela plusieurs mois, comme vous le savez?

    Ces questions s'adressaient à M. Murphy.

    Je m'adresse maintenant à l'ensemble des témoins. Puisque l'on a mentionné le cas de l'OMS, vous savez peut-être que l'on vient d'annoncer une conférence organisée par le Canada à l'intention des ministres de la Santé du monde entier et à l'intention aussi des spécialistes de la santé, en vue d'étudier l'éventualité d'une pandémie de grippe aviaire. Or, à ce jour, on n'a pas encore invité de représentants de Taïwan, et en particulier son ministre de la Santé, ce qui me semble effarant.

    L'un ou l'autre d'entre vous voudrait-il commenter cet état de choses? Et j'aimerais bien que M. Murphy réponde à mes questions sur le milieu des affaires.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Allez-y, monsieur Murphy.

+-

    M. Michael Murphy: Merci, monsieur le président.

    Commençons par votre première question, au sujet des relations qu'auraient la Chambre de commerce du Canada avec l'Association des gens d'affaires de Taïwan. Pendant très longtemps nous avons vu des liens, mais le tout s'est terminé à la fin des années 90. Aujourd'hui, il n'existe plus de structures officielles qui permettent d'évaluer ce genre de réaction, sous les auspices d'une organisation comme celle-là, puisque ce type d'instances n'existe fondamentalement pas.

    Ce phénomène s'explique, à mon avis, au fil de la maturation d'une relation de ce genre. Ce qu'il y a de bien au sujet du marché, que l'on parle de la Chambre de commerce du Canada ou de toute autre organisation qui dépend de ses membres et de leurs cotisations, c'est que ce même marché vous révèle si la valeur ajoutée que vous fournissez est utile ou pas, puisque l'indice, ce sont les chèques qui sont envoyés tous les ans.

    Dans le cas qui nous occupe, au fil de la maturation de cette relation, nous en sommes arrivés au point où il a été facile de décider que nous n'avions peut-être plus besoin de ce type de conseil de gens d'affaires. Notre propre conseil s'est interrogé sur son plan stratégique et s'est demandé ce sur quoi il voulait faire porter ses efforts. Quoi qu'il en soit, l'organisation, qui existait depuis déjà longtemps et qui voulait aider les Canadiens à faire des affaires à Taïwan, a fait du très bon travail. Mais je ne puis vraiment vous dire comment cette instance a réagi.

    La réaction dont j'ai parlé dans mon témoignage est celle, en particulier, des entreprises canadiennes que je représente d'un bout à l'autre du pays. Nos membres nous ont fait connaître de façon très vigoureuse leur opinion — et pas seulement à nous, mais aussi à beaucoup de députés au cours des derniers mois, si je ne me trompe.

    Quant à ce qui pourrait arriver, qui faisait l'objet de votre deuxième question, c'est vraiment ce qui nous préoccupe. Pour ce qui est de ce que nous avons entendu, ce n'est pas uniquement le gouvernement canadien qui nous a fait part de ses inquiétudes dans cette affaire. D'ailleurs, votre propre comité a été témoin il y a à peine quelques semaines et plus tôt cette année de ces inquiétudes exprimées par d'autres représentants gouvernementaux. Mais c'est aussi le gouvernement chinois qui nous a fait part directement de ses appréhensions devant ce qui pourrait survenir.

    Je vous ai fait part moi-même de certaines des choses qui pourraient m'inquiéter, en termes de nos occasions toujours plus grandes de faire des affaires avec la Chine et des répercussions que pourrait avoir le projet de loi sur celles-ci. Si je songe à certains événements bien précis qui sont survenus, il me vient en tête l'accord de protection des investissements étrangers, qui est extrêmement précieux pour nos membres. Nous avons d'ailleurs conclu le même genre d'accord avec d'autres économies. Si ces accords ont autant d'importance pour nous et sont à ce point précieux, c'est qu'ils permettent d'assurer une certaine transparence et une certitude pour les gens d'affaires qui veulent conclure des transactions dans d'autres économies, et constituent donc un aspect fondamental des relations commerciales.

    Ainsi, si nous n'avions pas conclu d'accords de ce genre avec la Chine aujourd'hui et qu'il survenait une négociation difficile, comment pourrions-nous espérer continuer à faire des affaires là-bas? J'aurais des craintes sérieuses, et cela serait négatif pour nos membres.

    Je ne voudrais pas analyser en détail chaque secteur de l'industrie, mais si je regarde du côté du tourisme, force est de constater qu'il joue un rôle extrêmement important dans l'environnement économique du Canada. On en parle beaucoup dans le cadre d'initiatives prises par nos voisins du Sud au sujet du passeport, par exemple. L'industrie du tourisme a été très mise à mal depuis quelques années. Si un plus grand nombre de touristes visitaient le Canada, cela constituerait une belle occasion de croissance à saisir pour les Canadiens. Les chiffres semblent intéressants, et cela pourrait nous être bénéfique.

+-

    M. Stockwell Day: Merci de ces observations, monsieur Murphy; elles me semblent excellentes, mais elles ne faisaient que reprendre vos propos d'ouverture.

    Je voudrais plutôt savoir si votre expérience a démontré que vous pourriez subir des représailles. Laissez-vous entendre que la Chine pourrait interdire à ses citoyens de venir au Canada? Je vous pose la question en toute honnêteté: la Chine irait-elle jusque-là?

+-

    M. Michael Murphy: Nous essayons d'en arriver au point où il pourrait être possible pour nous de conclure un accord avec la Chine, ce qui nous permettrait d'augmenter nos occasions d'affaires, comme nous l'avons fait avec d'autres pays. Nous savons à quel point la présence de la Chine est importante dans cette industrie particulière, et c'est pour cela que je vous l'ai donnée en exemple. Je n'ai fait que mentionner le mot dans mes propos, et j'essaie de comprendre un peu mieux...

+-

    Le président: Répondez brièvement, car nous devons malheureusement passer à d'autres questions.

+-

    M. Michael Murphy: Oui, je comprends. On m'a posé trois questions, et je veux bien en laisser de côté, si vous voulez, mais je voulais rendre justice aux questions qu'on m'avait posées.

    Je n'en dirai pas plus, pour l'instant.

    En ce qui concerne la proposition de mainmise de Minmetals — et c'était votre troisième question — le grand enjeu, dans ce cas-ci, ce sont les investissements directs étrangers au Canada, investissements que nous encourageons fortement à la Chambre de commerce. Quant aux changements qui pourraient être apportés à la Loi sur Investissement Canada, nous avons maintenant vu les propositions d'amendement. J'imagine que nous aurons plus amplement l'occasion d'en parler, mais sachez qu'en principe, nous n'avons aucune objection à ce que l'on augmente les investissements étrangers au Canada. Voilà une activité que nous encourageons fortement et à laquelle nous croyons.

    Voilà.

Á  +-(1155)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Laliberté.

[Traduction]

+-

    M. André Laliberté: Merci d'avoir parlé de la grippe aviaire, car à mon avis, cette question permet au gouvernement chinois de sortir des sentiers battus. Reconnaître Taïwan n'est pas seulement une question de justice, mais c'est clairement et simplement une question de sécurité. Je ne veux pas vous sembler alarmiste, mais la menace que représente la grippe aviaire est considérable, et Taïwan se trouve en plein milieu d'une des grandes régions du monde où pourrait survenir cette pandémie.

    Le gouvernement chinois pourrait saisir aujourd'hui une occasion en or et pourrait faire preuve de vision, tout en redorant considérablement son blason devant les autres pays, en reconnaissant — ne serait-ce que d'une façon partielle — et en acceptant la présence de Taïwan, un peu comme cela s'est fait à l'OMC. Voilà une occasion que le gouvernement chinois pourrait saisir, et je souhaiterais dans nos communications avec lui, que nous lui fassions valoir cette possibilité.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Laliberté.

    Monsieur Cohen, vous avez la parole.

[Traduction]

+-

    M. Andrew Cohen: Je crois avoir oublié quelle question on a posée il y a de cela longtemps, mais je crois qu'elle portait sur... Si je me rappelle bien, monsieur Day, vous avez affirmé qu'aucun représentant de Taïwan n'avait été invité à cette conférence. Lors de l'épidémie du SRAS, ce n'est que tardivement que l'OMS s'est décidée à aider Taïwan. Étant donné la gravité du problème, cela expose les conséquences de notre politique.

    Laissez-moi ajouter quelque chose, même si vous n'avez peut-être pas posé la question de façon précise: le représentant de la Chambre de commerce a mentionné que nous pourrions être boutés « hors de Chine » pendant une génération, à ce qu'il dit. C'est toute une menace avec laquelle je ne suis pas d'accord. Je ne comprends pas trop ce qu'il entendait par là, mais ma première réaction serait de dire que voilà exactement le type de commentaires pessimistes qu'on entend de la part du lobby pro-chinois. Attention, et ne prenons pas trop au sérieux cette menace.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cohen.

    Nous passons maintenant à Mme Lalonde.

+-

    M. Stockwell Day: Monsieur le président, me permettez-vous d'intervenir brièvement?

+-

    Le président: Oui, et j'aimerais intervenir moi aussi. Ce n'est pas vous qui l'avez dit mais quelqu'un du ministère.

+-

    M. Stockwell Day: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Ce représentant du ministère a dit qu'il faudrait au moins une génération pour rebâtir les relations au point où elles en sont actuellement. C'est ce qu'a dit ce représentant du ministère.

    Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci à vous trois. Vos exposés étaient très intéressants, mais nous ne sommes pas nécessairement plus avancés.

    J'aimerais revenir au texte du projet de loi et poser deux questions. D'après vous, qu'est-ce qui, dans le texte du projet de loi, changerait la nature actuelle des rapports entre le Canada et Taiwan? On pourrait aussi demander ce qui changerait la nature actuelle des rapports entre le Canada et la Chine.

    La question suivante s'adresse à M. Laliberté. Lors de votre intervention, vous avez dit ne pas être convaincu que cette loi aiderait Taiwan, dont la population est très divisée. Je n'avais pas entendu cet argument auparavant. Qu'est-ce qui, dans le projet de loi, nuirait à Taiwan? Quelles modifications devraient être apportées?

+-

    M. André Laliberté: Dans quelle mesure le libellé de la loi pourrait-il être interprété comme constituant une reconnaissance de Taiwan? La question de la perception est quand même légitime. Ce serait évidemment très difficile si la partie chinoise était convaincue, par exemple, que la référence que l'on trouve dans les définitions de la loi fédérale pourrait représenter un premier pas vers la reconnaissance de Taiwan.

    Par conséquent, je crois qu'il sera particulièrement important que le libellé de la loi indique clairement que celle-ci ne constitue pas une reconnaissance de l'État taiwanais. Il serait important de spécifier ce point. Cela, dans une certaine mesure, couperait l'herbe sous le pied à tous ceux qui pourraient prétendre que ce projet de loi encourage la marche vers l'indépendance de Taiwan. De ce côté, on éviterait d'avoir à se défendre de certaines intentions qu'on nous prêterait, mais qui ne sont pas les nôtres.

    En ce qui a trait à la polarisation de la société taiwanaise, il s'agit d'une réalité de plus en plus importante depuis quelques années. Le projet de loi en lui-même ne peut pas influencer directement la situation politique à Taiwan. Cependant, il est clair que les partis politiques ont toujours intérêt à utiliser et à exploiter ce qui est déclaré à l'étranger. Par exemple, lorsque l'ancien secrétaire d'État Colin Powell a exprimé des réserves face à l'indépendance de Taiwan — une déclaration qui était totalement hors sujet —, les partis qui s'opposent à l'indépendance ont exagéré l'ampleur de sa déclaration.

    Il existe toujours le risque qu'un camp ou l'autre choisisse d'interpréter la loi dans un sens qui correspondrait à ses intérêts. Pour cette raison, il est très important que cette loi soit la plus précise possible en ce qui a trait à ses objectifs, à sa portée et à ses limites.

  +-(1200)  

[Traduction]

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

    Monsieur Houlahan.

+-

    M. Darrel Houlahan (Analyste de politiques, Politiques, Chambre de commerce du Canada): J'aimerais intervenir brièvement. Voici ce que dit l'article 4 du projet de loi:

Les lois fédérales qui, en termes généraux renvoient —ou ont trait — à des pays, des nations ou des États étrangers ainsi qu'à leurs gouvernements ou organismes gouvernementaux sont réputées renvoyer — ou avoir trait — également à Taïwan et à son gouvernement ou ses organismes gouvernementaux.

    Le représentant des Affaires étrangères qui comparaissait le 6 octobre, M. Lipman, a expliqué très clairement que cette disposition est perçue tant à Taïwan qu'en Chine comme offrant à Taïwan une certaine reconnaissance, ce qui va à l'encontre de la politique canadienne actuelle de la Chine unique.

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Madame Lalonde, vous avez la parole.

+-

    Mme Francine Lalonde: Monsieur Cohen, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Qu'est-ce qui, dans le projet de loi, pourrait être interprété comme changeant les rapports actuels entre le Canada et la Chine ou entre le Canada et Taiwan? Autrement dit, croyez-vous qu'en en modifiant certains éléments, on pourrait réduire l'opposition de la Chine à ce projet de loi?

[Traduction]

+-

    M. Andrew Cohen: Non, je ne crois pas que la Chine réduira son opposition. J'ai signalé que le représentant des Affaires étrangères a parlé de la perception que dégageait le projet de loi, et je sais qu'il faut tenir compte de la perception dégagée.

    À mon avis, nous devrions faire de notre mieux pour déclarer le plus clairement et le plus vigoureusement possible qu'il s'agit dans ce projet de loi de créer un cadre juridique pour améliorer nos relations avec Taïwan, et que c'est ce que nous voulons faire parce que nous croyons que cela traduit notre respect à l'égard de Taïwan, sans pour autant que cela menace ou compromette nos relations avec la Chine.

    Mais je suis convaincu que certaines perceptions se dégageront de part et d'autre, et tout ce que nous pouvons faire, c'est de répéter autant de fois qu'il le faudra nos intentions. Je m'en remets aux rédacteurs juridiques qui détermineront s'il est possible de clarifier encore mieux le projet de loi, mais j'ai l'impression que le texte est clair et qu'il ne correspond pas à une reconnaissance en bonne et due forme de Taïwan. Nous devons nous répéter aussi souvent qu'il le faudra: les Taïwanais ne demandent pas qu'on les reconnaisse officiellement, et ce n'est pas ce que vise le projet de loi. Il cherche plutôt à reconnaître de façon plus officielle la nature de nos liens.

+-

    Le président: Madame Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Monsieur Murphy, est-ce que vous avez aussi une opinion à ce sujet? Si on modifie le projet de loi en faisant disparaître toute possibilité de l'interpréter comme une reconnaissance de Taiwan, croyez-vous que ce serait acceptable pour la Chine?

[Traduction]

+-

    M. Michael Murphy: Monsieur le président, je ne le crois pas. En fait, je suis d'accord avec le commentaire qui vient d'être émis. Ce ne serait pas acceptable pour la Chine, tout simplement parce que cela va plus loin qu'un simple changement de libellé. Et vous n'aviez pas uniquement en tête des petits changements, j'en suis sûr: les changements pourraient être mineurs ou majeurs. C'est le cadre dans lequel ils s'inscrivent et le sentiment exprimé ici — c'est-à-dire les impressions, perceptions et interprétations qui mènent la décision — qui expliquent la position qu'ont prise les Chinois et celle que notre propre gouvernement a exprimée à votre comité.

  +-(1205)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Laliberté, vous avez un commentaire?

+-

    M. André Laliberté: Oui. J'entends souvent dire dans nos délibérations que le gouvernement canadien jouit d'une certaine influence auprès du gouvernement chinois. Il semble que nous ayons des rapports privilégiés. Je me demande pourquoi. Lorsqu'on fait référence aux perceptions, celles-ci veulent-elles dire que l'influence qu'on a ne compte pas pour grand-chose?

+-

    Le président: Madame Lalonde, avez-vous encore une question?

+-

    Mme Francine Lalonde: On dit que ce projet de loi changerait les rapports entre le Canada et Taiwan et, conséquemment, entre le Canada et la Chine. Ne peut-on pas affirmer que les rapports entre le Canada et la Chine ont largement changé depuis les dernières années quant à la reconnaissance de la Chine et quant à l'aide qu'on lui apporte, et qu'en conséquence, il y a eu également une transformation des rapports entre le Canada et Taiwan? En effet, le Canada appuyait Taiwan, qui était le visage de la transformation démocratique à côté de la Chine. Choisissez le cadre de référence que vous voulez.

+-

    Le président: Monsieur Laliberté.

+-

    M. André Laliberté: Si votre cadre de référence couvre la période incluse depuis la reconnaissance diplomatique de la République populaire de Chine, alors oui, il y a eu un changement extrême, capital.

    Lorsqu'on a accepté de reconnaître la République populaire de Chine comme étant le gouvernement légitime de la Chine, je pense qu'on a corrigé une injustice. Personne ici ne va le nier. On l'a corrigée à double titre. Il est évident que le gouvernement de Pékin est le gouvernement de la Chine. Personne ne remet cela en question.

    L'autre injustice est que Taiwan était gouvernée par une dictature qui opprimait les insulaires. Depuis 1992, cela a changé. Taiwan est aujourd'hui un pays démocratique. C'est un changement fondamental, et l'argument selon lequel il n'y a pas eu de changement depuis 1970 ne tient pas la route.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Bevilacqua.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Merci, monsieur le président.

    Je voudrais vous féliciter chaleureusement et sincèrement d'avoir été réélu à la présidence, aujourd'hui même.

    Maintenant, ai-je droit à 15 minutes?

    J'ai écouté avec plaisir nos témoins. Il est toujours intéressant d'entendre des points de vue contradictoires en comité, car ils nous donnent une interprétation équilibrée des enjeux dont nous sommes saisis.

    Vous n'êtes sans doute pas des experts en procédures parlementaires, mais je voudrais savoir si, à votre avis, la meilleure façon d'établir la politique étrangère d'un pays, c'est par le truchement de projets de loi d'initiative parlementaire? À votre avis, est-ce une façon positive de faire évoluer notre politique étrangère?

+-

    Le président: Voilà une question inattendue.

    Monsieur Cohen, c'est vous le professeur.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Le contexte est très simple. Quand nous élaborons des énoncés de politique étrangère et que nous prenons certaines positions en tant que gouvernement et en tant que pays, devrions-nous encourager les simples députés à proposer des mesures relativement aux questions émergentes liées à la politique étrangère du Canada?

+-

    M. Andrew Cohen: Le premier ministre est arrivé au pouvoir en parlant de déficit démocratique et de renforcement des droits des députés. Nous en avons là un exemple. Il me semble que M. Abbott sert l'intérêt national en proposant son projet de loi, et je félicite le comité — et je le dis en toute sincérité — de prendre cette mesure au sérieux et de faire en sorte qu'elle puisse être débattue. Quel que soit le résultat de vos délibérations et quel que soit le sort du projet de loi, vous aurez fait la lumière sur un aspect des relations internationales du Canada qui est important. Il faut que nous discutions de notre position par rapport à la Chine.

    Vous savez peut-être que cette question donne lieu à une multitude de séminaires. Dans ma boîte de réception, je trouve plein d'invitations à des séminaires sur la Chine, qui sont organisés, à juste titre, pour célébrer la Chine. Nous faisons beaucoup de bon travail là-bas, et la Chine est devenue pour nous un incontournable. Nos journaux ne cessent de répéter à quel point elle est importante pour nous. Il est temps que le Parlement du Canada se penche afin sur la question. Quoi qu'il en advienne, j'estime que le fait d'examiner ce projet de loi et son contenu a du bon, si ce n'est que parce qu'il suscite un débat — j'espère que ce sera un débat national — sur une question d'importance.

    Aux États-Unis — nous avons parlé de la Taiwan Relations Act —, ce débat a eu lieu il y a plus de 25 ans, en 1979. Nous n'avons pas eu le même débat au Canada. C'est donc une bonne chose que d'étudier ce projet de loi, peu importe ce que le Parlement décide d'en faire.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Monsieur Murphy.

+-

    M. Michael Murphy: Au risque de revenir à ce que j'ai appris quand j'étais étudiant en sciences politiques, et il y a de cela quelques années, c'est le moins qu'on puisse dire, de manière générale, dans le milieu des affaires, nous préférerions — et cela vaut également pour la mesure dont il est question ici aujourd'hui — que, lorsque le gouvernement a quelque chose à proposer... C'est une tendance que nous avons constatée dans d'autres domaines de la loi, à savoir que, lorsque le gouvernement envisage de faire quelque chose, il se sert de projets de loi d'initiative parlementaire pour y arriver; cela n'a rien de nouveau. Nous nous opposons catégoriquement à cette façon de faire. Si le gouvernement croit en l'importance de quelque chose et qu'il veut proposer une mesure au Parlement, c'est là la voie qu'il devrait emprunter, et il devrait présenter un projet de loi gouvernemental. En règle générale, voilà ce qu'il conviendrait de faire lorsqu'il s'agit d'orienter la politique des pouvoirs publics.

    Le fait est qu'en proposant des mesures d'initiative parlementaire — et il y a maintenant un grand nombre de ces mesures —, les députés ne font que s'acquitter de leur rôle. Il s'agit ici du Parlement. Le problème se pose toutefois lorsqu'il s'agit en fait d'une mesure gouvernementale — et j'ai des exemples précis en tête — que l'on fait passer pour une initiative parlementaire. Je suis tout à fait contre cette façon de faire, mais s'il s'agit d'une mesure qui ne vient manifestement pas du gouvernement, comme c'est le cas ici, n'importe quel député a alors la possibilité de la proposer.

    Bien entendu, les projets de loi d'initiative parlementaire sont légion de nos jours; c'est là un des changements les plus importants qui soit survenu au Parlement. En ma qualité d'observateur de l'extérieur, je peux dire que c'est là un des changements les plus importants qui se soit produit au cours des dernières années. Cela fait simplement partie de la réalité avec laquelle nous devons composer. Je ne dis pas que le gouvernement passe systématiquement par cette voie pour piloter des mesures qu'il souhaite faire avancer, mais j'ai tenu à signaler la chose puisque c'est un problème que nous avons connu par le passé. Ce n'est pas nécessairement le cas de ce projet de loi cependant.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est vraiment très utile pour le comité d'entendre des points de vue différents, non pas seulement sur cette question-ci, mais sur bien d'autres questions sur lesquelles nous sommes appelés à nous pencher.

    Monsieur Cohen, d'après vous, l'appel du commerce et celui de la conscience sont-ils incompatibles? Est-il possible d'être une femme ou un homme d'affaires consciencieux?

+-

    M. Andrew Cohen: Si j'utilise le terme, c'est parce que je commence à penser que le débat que nous sommes en train d'avoir s'articule autour du choix entre conscience et commerce. Je crois bien qu'il y a une question d'ordre moral qui se pose ici. Nous avons à Taïwan une démocratie remarquable qui fonctionne bien mais qui ne s'est pas faite toute seule et qui est plutôt le fruit d'une lutte qui s'est poursuivie pendant au moins une génération. Puisque nous sommes une démocratie qui marche et qui a une longue histoire, nous devrions faire tout ce que nous pouvons dans les limites de la realpolitik pour appuyer Taïwan.

    J'ai l'impression que les opposants au projet de loi soutiennent qu'il aura notamment pour conséquence de freiner le commerce avec la Chine. L'ambassadeur de la Chine au Canada a dit il n'y a pas longtemps qu'il y aurait « de graves conséquences »; je crois que ce sont les mots qu'il a utilisés dans un discours qu'il a fait il y a environ deux semaines. J'ai l'impression que les parties au débat sont en train de délimiter leur position, et il semble qu'appuyer le projet de loi risquerait d'entraîner une détérioration de la relation que nous sommes en train de développer avec la Chine, qui, comme l'a dit M. Laliberté, je crois, ne représente toujours qu'une très petite part de nos échanges commerciaux.

    Voilà comment le débat est en train de s'articuler. Cela m'inquiète, mais il semble qu'appuyer ce projet de loi, c'est risquer de susciter la colère, la déception et peut-être même le désir de représailles chez les Chinois. C'est dans cette perspective que j'envisage la dimension commerce. De l'autre côté, il y a la conscience et ce que le Canada devrait faire dans le monde pour mettre de ses bons offices et son appui, même si c'set de façon très modeste, au service de cette cause.

  +-(1215)  

+-

    M. André Laliberté: J'aurais quelque chose à ajouter à cela. Le Canada a tellement investi dans sa politique internationale qu'il serait mal avisé de nier l'existence de cette autre dimension, celle de la conscience. Le Canada fait la promotion de la bonne gouvernance, de la transparence, etc., étant donné le comportement exemplaire de Taïwan à ce chapitre, nous serions mal venus à mon avis de refuser de reconnaître les progrès accomplis. Ce serait là le signe d'une certaine incohérence dans notre politique étrangère.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: J'aimerais demander à M. Houlahan de nous dire ce qu'il pense de tout cela, monsieur le président.

+-

    M. Darrel Houlahan: Je pense que nous sommes du même avis que le gouvernement, à savoir que, si le projet de loi devait nuire à nos relations avec la Chine, il nous semble que nous limiterions vraiment l'influence que nous pourrions avoir au chapitre des droits de la personne et de la démocratie en Chine.

    Il vaut mieux avoir une place à la table et contribuer à élaborer le plan de match plutôt que de se retrouver en marge du processus . Notre point de vue concorde tout à fait avec celui du gouvernement là-dessus.

+-

    Le président: Monsieur Bevilacqua.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Monsieur Cohen, vous venez d'entendre ce qu'a dit M. Houlahan, et vous avez dépassé la cadre du commerce pour parler de droits de la personne. En faisant cela, il a élargi la question qui se pose quant aux rapports entre la Chine et le Canada et il a indiqué en fait qu'il n'y a pas que la dimension commerciale, que d'autres éléments dont vous avez parlé, notamment les droits de la personne, sont aussi en cause. C'est ce que j'ai compris de ce que vous avez dit. Que pensez-vous de cela?

+-

    M. Andrew Cohen: Voulez-vous parler de droits de la personne en Chine et de l'influence que nous pourrions avoir là-bas?

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Oui.

+-

    M. Andrew Cohen: J'applaudis à ce que nous faisons, dans la mesure où nous le pouvons, pour promouvoir les droits de la personne en Chine. Je ne sais toutefois pas à quel point ces efforts portent vraiment fruit.

    Le New York Times soulignait encore une fois il y a deux semaines que, malgré la libéralisation économique en cours, le climat en Chine est de plus en plus difficile pour les journalistes, écrivains, intellectuels, ou critiques du gouvernement, et cela m'inquiète.

    Je sais que, de bien des façons différentes, le ministère des Affaires étrangères fait de l'excellent travail pour ce qui est de soulever certains cas. Je crois savoir que le premier ministre en a parlé au président de la Chine quand il est venu ici, et c'est tout à fait louable. Les opposants au projet de loi semblent être d'avis que, si nous avançons dans la voie de la clarification de notre relation avec Taïwan, nous perdrons l'accès que nous avons à l'heure actuelle à la Chine et toute l'influence que nous avons, ce qui nuirait à la cause des droits de la personne en Chine. Cet argument ne me convainc pas.

+-

    Le président: C'est tout.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Merci, monsieur le président.

    Ces gens-là sont constamment plongés dans le domaine des relations...

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Ce n'est pas ce qu'il voulait dire quand il a demandé un renvoi...

+-

    Le président: Je vous remercie, madame Lalonde, de vos commentaires.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à des tours de cinq minutes.

    M. Cohen a notamment souligné le fait que — et j'accepte l'hommage au nom de tous les membres du comité — le comité a accepté d'étudier le projet de loi avant l'étape de la deuxième lecture et du vote à la Chambre des communes, ce qui constitue une première depuis le début de la présente législature.

    Je tiens également à faire remarquer que, aux États-Unis, c'est non pas le gouvernement mais bien le Congrès qui adopte les projets de loi, et que c'est après que M. Nixon et M. Carter eurent décidé de modifier — officiellement j'entends — les relations avec la Chine que le Congrès a adopté un projet de loi en ce sens pour mettre en oeuvre la décision prise par le gouvernement américain.

    Nous passons maintenant à des tours de cinq minutes. M. Sorenson sera le premier à intervenir.

+-

    M. Kevin Sorenson: Je tiens tout d'abord à renchérir sur ce qu'a dit un autre collègue au sujet de l'utilité d'entendre les deux camps en même temps. Cela rend la discussion très intéressante, et j'estime que nous avons ainsi pu en apprendre beaucoup.

    Si je peux revenir à une des questions qu'a posées M. Bevilacqua quant à l'opportunité de permettre à un simple député de se mêler d'affaires étrangères ou de politiques gouvernementales, je trouve alarmant que l'on puisse même imaginer qu'il y aurait des domaines dans lesquels les parlementaires ne devraient pas chercher à intervenir. Il suffit que l'on mette en doute notre capacité d'intervenir dans le domaine des affaires étrangères ou des politiques d'intérêt public pour que ce doute s'étende également à d'autres domaines comme celui du système de justice pénale. 

    Le projet de loi dont nous sommes saisis est tout à fait digne de mérite à mon avis, et j'en félicite M. Abbott. Je ne suis pas encore sûr de pouvoir l'appuyer de A à Z, mais je suis certainement heureux qu'il ait porté l'affaire aussi loin. 

    Nous avons parlé des gros changements qui sont survenus à Taïwan depuis 1992. On est passé d'un régime autoritaire à une démocratie beaucoup plus libre.

    J'ai une question à poser au représentant du ministère. Quelles sont les mesures notables que le Canada a prises afin de tenir compte des changements survenus depuis 1992? Avons-nous orienté l'action gouvernementale de manière à applaudir à l'évolution qui s'est faite à Taïwan?

    J'ai une autre question à laquelle M. Cohen pourrait peut-être répondre. J'ai lu son livre. L'ouvrage fait clairement ressortir — je ne sais pas si l'on peut parler de frustration — certaines de ses réserves. Il parle des louanges qui pleuvent sur Taïwan. Le régime autoritaire y est chose du passé. Taïwan est devenue la septième économie du monde et le quinzième pays commerçant. Il dit tout cela.

    D'un côté, il y a l'argent, et de l'autre, le coeur. Nous sommes ici au Canada. Comment peut-on reconnaître la liberté? Comment peut-on reconnaître la démocratie? Ce qui compte au Canada maintenant, ce n'est plus ce que nous croyons, mais ce que nous faisons sur la scène internationale.

    En cinq petites phrases ou en cinq paragraphes même, pouvez-vous nous dire ce que pourrait nous apporter ce projet de loi, à part le sentiment d'avoir fait quelque chose de bien en l'adoptant? Dans quel sens cette mesure serait-elle vraiment dans l'intérêt du Canada?

  +-(1220)  

+-

    M. Andrew Cohen: Nous sommes une nation souveraine. En dépit du ministère des Affaires étrangères qui dit que c'est une politique faite en Amérique ou faite à Taipei, et en dépit des autres personnes qui ont dit aujourd'hui ici que ce serait une politique faite à Beijing, j'espère quant à moi qu'il s'agit là d'un reflet des valeurs et des intérêts les plus profonds du Canada. En fait, c'est là que nous sommes exemplaires. Nous sommes un fer de lance.

    En clarifiant et en officialisant une relation très modeste ou des mesures très modestes, nous servirions d'exemple pour d'autres pays. Ce serait une façon de montrer à Taïwan, comme je le disais tout à l'heure, que nous lui manifestons ainsi notre respect. Ce serait aussi une façon de dire à la Chine que nous acceptons la réalité de Taïwan. Quoi qu'il arrive à l'avenir, la Chine devrait comprendre que c'est là notre position à l'égard de Taïwan, un peu à la manière des États-Unis qui ont exprimé quelque chose d'analogue en 1979.

+-

    M. Kevin Sorenson: Mais s'agit-il bien là des valeurs ou des préoccupations du Canada à l'égard de la paix, de la liberté et de la démocratie? Est-ce que nous n'avons pas tendance à privilégier maintenant l'un de ces domaines?

+-

    M. Andrew Cohen: Si vous lisez les discours du ministre, il y a des moments où il se présente à mon avis comme le ministre des valeurs. Si vous prenez certains de ses discours — et je dis ceci de manière élogieuse —, vous verrez qu'il y est beaucoup question, comme vient de le dire M. Laliberté, de bon gouvernement et de droits de la personne. Nous en parlons beaucoup et nous mettons ces paroles en pratique. Je ne crois pas que nous soyons hypocrites. Nous sommes une démocratie admirable, fonctionnelle.

    Nous voyons un autre exemple de démocratie à Taïwan, et nous savons à quel point le passage de la dictature à la démocratie y a été difficile et compliqué. Nous ne faisons que reconnaître cette réalité, pas un statut juridique, mais une simple réalité, en disant à la Chine: « Nous espérons que vous allez suivre la même voie ».

    En toile de fond, je pense que nous nous rendons bien compte que la Chine n'évolue pas au même rythme que Taïwan, et que la question que se posent les sinologues entre autres, c'est de savoir quel genre de Chine va émerger. Est-ce que ce sera la Chine démocratique, pluraliste et libérale que nous souhaitons, ou la Chine autoritariste et répressive que nous craignons? Il faut bien que nous en discutions quelque part.

    Ici, nous posons un jalon en disant que nous approuvons, que nous soutenons, que nous respectons et que nous admirons ce que fait Taïwan en espérant que la Chine fera la même chose. Nous les encourageons tous deux à continuer sur la voie du dialogue et nous espérons que la Chine ne continuera pas — c'est un sous-entendu subtil — à proférer des menaces de représailles graves et d'envoi de missiles, comme elle l'a fait il y a 10 ans. Cela fait partie du débat. En tant que pays entretenant de bonnes relations avec ces deux pays, nous pouvons contribuer à ce dialogue.

  +-(1225)  

[Français]

+-

    Le président: Il y aura un dernier petit commentaire de M. Laliberté.

[Traduction]

    Non, il n'y a pas d'autres questions. Vous avez déjà eu six minutes. Je veux simplement donner la parole à M. Laliberté pour un commentaire.

+-

    M. André Laliberté: Je voudrais tout d'abord répondre à votre première question car vous demandiez si le Canada avait quelque chose depuis que Taïwan s'est embarquée sur la voie de la démocratisation. La réponse est oui. Le Canada a substantiellement renforcé ses relations avec Taïwan. À défaut d'une véritable reconnaissance diplomatique, nous avons un bureau commercial à Taipei avec un personnel assez important, ce qui est une façon de reconnaître très concrètement la valeur que nous apportons à cette relation.

    Pour en revenir au projet de loi que vous examinez aujourd'hui, je pense que ce serait un élément supplémentaire qui aurait une crédibilité importante: ce serait une façon de marquer la continuité de cette tendance qui se manifeste depuis 10 ans, et ce projet de loi constituerait non pas une rupture avec le passé mais simplement la poursuite de ce qui se fait depuis 10 ans.

[Français]

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Laliberté.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et félicitations.

    Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

    Monsieur Cohen, dans votre témoignage au printemps — je crois que c'était en avril, mais je ne me souviens pas exactement quand — vous avez dit qu'il faudrait que notre politique à l'égard de Taïwan et de la Chine soit plus équilibrée et que nous prenions d'autres mesures modérées à l'égard de Taïwan.

    Estimez-vous que ce projet de loi représente la démarche modérée que nous devrions suivre? C'est un pas modeste, et est-ce que vous êtes d'accord? C'est ma première question.

    Deuxièmement, on nous a dit que l'adoption de ce projet de loi restreindrait notre accès à la Chine sur toutes sortes de plans, notamment le développement démocratique, les droits de la personne et la réforme judiciaire, et c'est apparemment ce qui se produirait effectivement.

    Alors je me demande qui sera gagnant et qui sera perdant si nous adoptons ce projet de loi. Avec de la chance, nous réaliserons l'équilibre dont vous parliez.

    Que gagnerait le Canada en perdant cette possibilité de dialogue avec la Chine sur des questions comme les droits de la personne?

+-

    M. Andrew Cohen: Pour répondre à votre première question, j'ai effectivement comparu au comité et il a été question de Taïwan ce jour-là, même si ce n'était pas la question au sujet de laquelle j'avais été invité. Mais je me souviens que M. McTeague en avait parlé et que nous avions eu une petite discussion au sujet de Taïwan.

    Madame Phinney, je crois qu'il s'agit en effet d'une approche équilibrée. Je crois que c'est quelque chose de modéré, de modeste, de tout à fait conforme à la nature canadienne elle-même, qui est judicieuse et prudente. Je crois que c'est vraiment cela.

    Allons-nous perdre notre accès à la Chine? Je ne le pense pas. Cela m'étonnerait que nos marchés disparaissent. Pas plus tard que cette semaine, nous avions un ministre en Chine pour parler de vente de pétrole à ce pays. Franchement, je crois que la Chine a besoin de nous. Je ne veux pas exagérer, mais je crois qu'elle a vraiment besoin de nous. Je crois qu'il y aura peut-être une période initiale de déception, peut-être même de colère, mais nous avons déjà vu cela de la part de la Chine. Quand il a été question que le premier ministre rencontre le Dalai Lama, il y a eu des grondements sourds — et évidemment je ne mets pas les deux sur le même plan. Ce projet de loi et la rencontre avec le Dalai Lama — mais il y a eu des grondements sourds de la part de la Chine au sujet des conséquences que cela pourrait entraîner.

    Or, pour autant que je sache, cette rencontre n'a eu aucune retombée. Le premier ministre a eu raison de rencontrer le Dalai Lama, et de manifester ainsi notre appui à ses convictions.

    Je pense donc qu'il y aura effectivement un problème de perception mais qu'en fin de compte la porte de la Chine ne nous sera pas fermée. Il y aura peut-être une période de froideur mais j'ai l'impression que tout compte fait, nous avons des relations commerciales très prometteuses avec la Chine et que les Chinois tiennent à préserver cette situation. Toutes les mines et les usines qu'on rouvre actuellement au Canada pour desservir le marché chinois vont continuer à desservir ce marché.

+-

    Mme Beth Phinney: L'argent compte pour tout dans certains cas. Je conviens avec vous que nous n'allons pas perdre de marché, mais c'est de choses plus subtiles que je parle. Je pense aux conversations que nous avons eues avec eux. Je me souviens que lorsque je suis allée en Chine avec le Président du Sénat, c'est moi qui étais chargée de soulever la question des droits de la personne lors de notre première rencontre. Leur réaction m'a profondément choquée. Ils étaient furieux contre moi parce que j'avais soulevé cette question; ils m'ont demandé comment j'avais le culot de soulever cette question alors que j'étais en visite dans leur pays, et ils parlaient de toute la délégation canadienne. Ils étaient furieux.

    J'en ai parlé avec toutes sortes de groupes de personnes qui sont allées là-bas depuis, et à chaque fois les choses s'arrangent un peu plus. Les Chinois comprennent un peu mieux la situation, ils voient un peu mieux notre point de vue. Maintenant, ils ne s'étranglent plus quand nous leur parlons de droits de la personne. Je ne veux pas dire qu'ils ont radicalement changé, mais au moins ils nous écoutent. C'est la même chose pour les autres questions, comme l'aide que nous pouvons leur apporter pour réaliser une réforme du système judiciaire, etc. C'est le genre d'initiatives dans lesquelles nous risquerions d'être pénalisés si nous adoptions quelque chose comme ceci.

  +-(1230)  

+-

    M. André Laliberté: J'aimerais répondre. Excusez-moi d'être si direct, mais il ne faudrait surtout pas surestimer l'influence que nous pouvons exercer en Chine dans le dossier des droits humains. Pour commencer, c'est un dossier qui regarde d'abord et avant tout les Chinois. C'est une question qui intéresse au plus haut point les Chinois eux-mêmes, et le Canada n'a pas tant d'influence que cela. Par conséquent, je ne vois pas comment le projet de loi pourrait nuire, puisqu'au départ le Canada n'a pas tant d'influence que cela.

[Français]

+-

    Le président: Merci. Y a-t-il des commentaires?

    Monsieur Paquette, vous avez la parole.

+-

    M. Pierre Paquette: J'aimerais d'abord vous remercier pour vos présentations. J'aimerais revenir à la question de M. Sorenson.

    Nous devons étudier le projet de loi maintenant. Il y a de nombreuses années, les Américains ont adopté une loi à peu près similaire alors que le contexte n'était pas tout à fait le même.

    Je m'adresse à nos spécialistes. Lorsque Pierre Elliott Trudeau a décidé de reconnaître la République populaire de Chine et, par conséquent, de ne plus reconnaître la République de Chine, s'agissait-il surtout d'une coupure avec Taiwan, ou était-il plutôt question d'être plus cohérent sur le plan de la politique internationale? J'aimerais que vous nous rappeliez un peu ce qu'étaient les objectifs du gouvernement du Canada au moment de la reconnaissance de la Chine populaire et quel effet cela a eu sur nos relations avec Taiwan.

    Vous avez mentionné qu'au cours des ans, nous avons de nouveau intensifié nos relations. S'agissait-il de mettre Taiwan de côté en reconnaissant la Chine, ou s'agissait-il tout simplement d'être conséquent avec notre vision actuelle, soit celle d'une seule Chine?

    J'aimerais que vous nous éclairiez un peu plus sur le plan historique. Je ne suis pas un grand spécialiste des questions chinoises, mais j'espère le devenir d'ici quelques semaines.

+-

    M. André Laliberté: Le contexte au moment où le Canada a reconnu diplomatiquement la Chine était différent de celui dans lequel évoluaient les États-Unis lorsqu'ils ont reconnu la Chine. Le Canada n'a pas senti l'obligation de mettre en place l'équivalent de la Taiwan Relations Act.

    La décision canadienne n'était pas liée au contexte de la guerre froide, elle était basée sur d'autres considérations. Il s'agissait plutôt de considérations liées à la justice, dont j'ai parlé un peu plus tôt, la Chine étant un pays beaucoup plus important que le gouvernement de la République de Chine à Taiwan. Il s'agissait tout simplement d'une décision logique et pragmatique qui était tout à fait conforme à la pensée du Parti libéral à l'époque et qui correspond toujours à l'approche actuelle du gouvernement canadien face à la Chine.

    Passons maintenant à la question de la reconnaissance de la République de Chine. Cela était exclu. Taiwan était considéré comme un régime dictatorial pour lequel on n'avait pas vraiment de sympathie. Cela ne posait donc pas de problème. Cela a commencé à changer à partir du moment où Taiwan est devenue une société démocratique. Comme je l'ai dit plus tôt, le gouvernement canadien considérait qu'il était tout à fait logique et conforme à nos valeurs de reconnaître la société taiwanaise. Celle-ci fait la preuve de sa souveraineté en tenant des élections sur une base régulière.

    Même si la similitude entre ce projet de loi et la Taiwan Relations Act a déjà été mentionnée, je voudrais souligner que c'est complètement différent. Il n'y a aucun rapport entre les deux. La Taiwan Relations Act comportait une dimension sécuritaire. Cela était lié à la défense de Taiwan. Ce projet de loi n'a absolument rien à voir avec ces considérations. Il ne faut surtout pas confondre les deux.

+-

    M. Pierre Paquette: Présentement, je ne connais pas beaucoup la situation en Chine et à Taiwan.

    Actuellement, je crois que le Guomindang n'occupe pas le pouvoir à Taiwan. Quelles sont les positions de ce parti? Vous avez mentionné un peu plus tôt que le maire de Taipei était devenu le chef du Guomindang, qu'il affichait certaines positions et qu'il était le candidat le plus présidentiable. En même temps, le fait que l'ex parti d'opposition soit maintenant au pouvoir, après celui qui constitue maintenant l'opposition, me semble être aussi un élément important. J'aurais aimé que vous nous expliquiez ce qui différencie les deux partis.

  +-(1235)  

+-

    M. André Laliberté: Le système politique taiwanais est très différent du système canadien.

    On trouve à Taiwan un Parlement, mais le régime est semi-présidentiel, comparable en ce sens au régime semi-présidentiel en France. À l'heure actuelle, le président provient du Parti démocratique progressiste, qui a un préjugé favorable à l'indépendance de Taiwan, alors que la majorité au Parlement appartient au Guomindang, qui s'oppose à l'indépendance.

    Les deux partis les plus importants savent pertinemment que pour avoir l'appui des électeurs, ils doivent être d'accord sur le statu quo, que la majorité de la population approuve.

+-

    Le président: Merci.

    Soyez bref, il vous reste 30 secondes.

+-

    M. Pierre Paquette: J'ai assisté à une conférence, où plusieurs d'entre nous se trouvaient, d'ailleurs. En effet, nous voulons approfondir nos connaissances sur Taiwan et la Chine.

    M. Thomas Axworthy, l'ancien président du Centre for the Study of Democracy, s'y trouvait aussi.

    À la question portant sur les relations économiques, il a répondu que nous, les Canadiens et les Québécois, serions en mesure d'acheter les produits que fabriquent les Chinois dans à peu près n'importe quel autre pays émergent, alors que les Chinois n'ont pratiquement pas le choix. Pour obtenir les ressources dont ils ont besoin, ils doivent faire affaire avec le Canada. En ce sens, la menace économique est davantage une question d'épreuve de force politique qu'une réalité.

    Pouvez-vous commenter cette affirmation de M. Axworthy?

[Traduction]

+-

    M. Michael Murphy: Brièvement, je dirais ceci: j'espère que ceux qui sont optimistes au sujet de l'avenir ont raison de l'être. Nous sommes profondément engagés dans le secteur des ressources naturelles. Or, c'est extrêmement important pour le Canada, puisque l'on sait que les ressources naturelles représentent un pourcentage important de l'économie canadienne.

    On peut s'inquiéter non seulement de ce qui pourrait survenir — ce qui est une difficulté en soi — mais aussi du contexte dans lequel s'inscrivent nos relations avec la Chine. J'ai donné comme exemple les accords d'investissement étranger. Nous n'en avons pas encore signé un avec la Chine, ce qui explique la nervosité et le sentiment d'insécurité du milieu des affaires au Canada devant la possibilité de faire des affaires dans un pays où ne les attend aucune certitude et où les compagnies ne sont pas protégées contre les mesures unilatérales que pourraient prendre les gouvernements locaux. C'est le cas de la Chine. Nous sommes actuellement en train de négocier un accord de ce genre qui nous serait très utile. Je pourrais aussi vous donner d'autres exemples.

    De ce point de vue-là, c'est l'ensemble du contexte qui importe et inquiète, et pas seulement en termes de quantité d'échanges commerciaux. Bien sûr, le plus important pour nous, c'est de continuer à déployer des efforts pour faire avancer les choses. Et de votre côté à vous, vous savez à quel point le commerce joue un rôle crucial dans l'économie d'un pays.

    Je m'en tiendrai à cela.

+-

    Le président: Nous passons maintenant à M. MacAulay.

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.): Merci beaucoup, et félicitations, monsieur le président. Vous avez gagné là une importante élection. C'est bien.

    Bienvenue à nos témoins.

    D'abord, on a mentionné les projets de loi d'initiative parlementaire qui, à mon avis, sont très importants. Il y en a de plus en plus, et ils permettent d'attirer l'attention sur des questions telles que les pêches, notamment, qui jouent un rôle important pour les Canadiens.

    Quant au projet de loi, on en a dit beaucoup de choses. Monsieur Cohen, vous avez parlé de la conscience par opposition au commerce. À votre avis, en adoptant le projet de loi, est-ce une façon pour nous de laisser notre empreinte dans le sable auprès du gouvernement chinois? Qu'en pensez-vous?

    Si nous adoptions le projet de loi, quels sont les risques que nous courons, étant donné ce qui s'est passé en Chine? Cela nous enlèverait-il du poids sur la scène mondiale? C'est une question qui a son importance, étant donné que l'on fait affaire ici à un très grand pays dont les relations commerciales prennent de plus en plus de place. On a dit que le Canada avait ouvert là-bas des usines et qu'elles continueraient à approvisionner les Chinois, que le projet de loi soit adopté ou pas. Est-ce votre opinion à vous? L'adoption du projet de loi ne posera-t-elle aucun problème? N'y aura-t-il pas de représailles de la part du gouvernement chinois?

    Monsieur Laliberté, vous vous demandiez si cela aiderait le gouvernement taïwanais. Par conséquent, j'aimerais savoir ceci: si l'adoption du projet de loi devait faire problème et nuire à un gouvernement qui a tant fait pour que son peuple passe de la dictature à la plus belle forme de démocratie...

    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vers quoi nous dirigeons-nous? La chose est importante: il s'agit ici d'un très grand pays qui est en train d'étendre ses relations commerciales à l'ensemble du monde.

    Monsieur Cohen, vous pouvez répondre, puis les autres suivront.

  +-(1240)  

+-

    Le président: Merci, monsieur MacAulay. Vous pourriez me remplacer.

    Monsieur Cohen.

+-

    M. Andrew Cohen: J'ai l'impression que je devrais vous féliciter moi aussi, monsieur le président. On a l'impression que vous avez gagné le gros lot aujourd'hui. Félicitations, monsieur Patry.

    Monsieur MacAulay, vous avez mentionné l'impression laissée auprès de la Chine et je suis assez d'accord avec cela. Ce n'est peut-être pas tant une marque que vous laissez dans le sable, qu'un dessin, une délinéation quelconque qui permette de faire comprendre à Taïwan, comme je l'expliquais plus tôt, que nous la respectons; c'est aussi une façon très subtile et non menaçante — même si c'est une menace pour certains, d'expliquer aux Chinois la position du Canada.

    Mais quelles en sont les conséquences pour le reste du monde? Cela sert à démontrer au reste du monde que le Canada est un pays qui traite sérieusement la question de la bonne gouvernance et des droits humains ainsi que du développement de la démocratie, comme le Canada aime à le répéter, selon M. Laliberté. C'est en effet ce qu'affirment les ministres dans leurs discours. Hier encore, ils promettaient dans un communiqué de presse d'investir 3 millions de dollars en vue d'appuyer le tribunal onusien des droits de la personne. De la même façon que le Canada a fait preuve d'indépendance et de courage en 1970 en étant un des premiers à reconnaître la Chine, nous pourrions à nouveau servir d'exemple aux autres pays. Ceux-ci pourraient penser que comme l'un des pays les plus importants du monde, l'une des plus grandes économies, membre de tous les clubs internationaux, essaie de façon très modeste de préciser ses relations avec Taïwan, ce pourrait être un bon exemple à suivre pour les autres. Les État-Unis ne sont pas obligés de nous emboîter le pas, car ils ont leur propre loi sur les relations avec Taïwan. Mais l'Union européenne regarde de près la façon dont nous agissons, et attendra de voir ce que nous aurons fait.

    Voilà un domaine dans lequel le Canada pourrait modestement faire la différence.

+-

    M. André Laliberté: Je n'aime pas trop l'expression « faire une différence », car cela implique en quelque sorte une menace. Je préférerais dire que le gouvernement exprime le sentiment des Canadiens sur la question.

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay: Mais moi je vous parle du sentiment des Chinois, et des sentiments des Taïwanais, de même que des échanges commerciaux entre nos trois pays.

+-

    M. André Laliberté: L'adoption du projet de loi ne constitue aucunement une menace et ne comporte pas de conséquences.

    Quant au second aspect de votre question sur les conséquences pour la politique taïwanaise, j'ai dit pour ma part que cela pourrait avoir une certaine influence. En effet, si le projet de loi n'est pas libellé avec soin, il peut être utilisé par certains des partis politiques taïwanais à leurs fins, mais j'estime qu'il est possible de choisir les mots avec soin de façon à ce que le texte ne puisse être exploité par l'un ou l'autre des partis politiques taïwanais.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons maintenant à M. Goldring.

+-

    M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC): Merci, monsieur le président. Je m'en voudrais, moi aussi, de ne pas vous féliciter d'avoir été réélu.

    Veuillez excuser mon retard, mais j'aimerais maintenant explorer certains des commentaires entendus plus tôt sur les relations privilégiées qu'entretient le Canada actuellement avec la Chine et la façon dont cela se manifeste. On s'est également demandé si les relations privilégiées avec la Chine ne seraient pas en péril advenant l'adoption du projet de loi; on s'est également demandé si cela ne devrait pas être un modèle à développer et à reproduire ailleurs dans d'autres parties du monde, selon les circonstances. N'oublions pas non plus cette nouvelle réalité dans laquelle s'inscrivent bien des pays, à savoir la mondialisation. Bien sûr, si le Canada était en conflit ouvert avec certains pays, ce serait une chose. Mais dans le cas de relations qui existent depuis longtemps et qui pourraient se poursuivre encore 50 ans, il faut trouver des façons de régler les différends de façon respectueuse.

    J'aimerais savoir avant tout quels sont ces liens privilégiés qui sont mis en péril? Le Canada finance la Chine pour des projets de l'ACDI en développement démocratique, mais n'a aucun projet de ce genre à Taïwan. Autrement dit, si nous pouvions avoir à Taïwan le même type d'activités qui existe en Chine, le Canada serait en quelque sorte en train de prêcher la démocratisation... Quelles sont, je demande, ces relations privilégiées qui pourraient être mises en péril par le projet de loi, et comment pourrait-on rééquilibrer les choses en normalisant encore plus certains aspects de nos relations avec Taïwan?

    Monsieur Cohen, voulez-vous répondre?

  +-(1245)  

+-

    M. Andrew Cohen: M. Laliberté vous a parlé de ces prétendues relations privilégiées. Je ne suis pas convaincu que cela soit le cas. Nos relations avec la Chine sont très longues et ont été très productives, et remontent à Norman Bethune qui est toujours aujourd'hui considéré comme un dieu en Chine. On nous regarde de façon très chaleureuse là-bas.

    Mais nos relations commerciales se développent, de façon quantitative. Cela nous permet-il d'avoir un plus grand accès à la Chine et d'y exercer de l'influence? Je n'en suis pas convaincu. Il reviendrait peut-être à notre propre gouvernement de nous expliquer dans quel secteur nous avons réussi à faire progresser les droits de la personne en Chine. J'espère que nous y sommes parvenus.

+-

    M. Peter Goldring: Quelqu'un peut-il m'expliquer comment ces liens privilégiés se manifestent de façon concrète et positive et comment le projet de loi pourrait nuire à ces relations? Comment est-ce possible? Certains de ces liens se font évidemment sentir à l'intérieur du pays, et un pays peut ne pas aimer ce qu'il voit dans un autre pays, mais il reste que la Chine a encore grandement besoin des ressources et d'autres produits canadiens.

    Quelqu'un peut-il m'expliquer ce que sont ces liens privilégiés?

+-

    M. André Laliberté: À vrai dire, quand je demande à certains représentants d'autres ministères ce que sont ces liens privilégiés, j'avoue avoir beaucoup de mal à les cerner. Nous espérons évidemment pousser encore plus loin ce qui existe déjà, c'est-à-dire faire encore plus d'affaires que maintenant avec le gouvernement chinois. Ce faisant, nous espérons que les Chinois respecteront un peu plus nos valeurs et nos idéaux, mais nous n'en voyons pas vraiment les résultats immédiats. Je n'ai pas l'impression que nous ayons...

+-

    M. Peter Goldring: L'espoir que vous exprimez pourrait-il être brisé si nous développions les mêmes relations avec les Taïwanais? S'il s'agit d'augmenter les échanges commerciaux — et c'est bien ce dont il est question, manifestement — peut-on parler ici de liens privilégiés? Cela ne pourrait-il pas être compensé par des relations commerciales accrues avec Taïwan?

+-

    M. André Laliberté: C'est en effet ce que l'on a prétendu jusqu'ici, mais encore une fois je ne suis pas entièrement convaincu que ce soit le cas, surtout que M. Cohen vient de dire que c'était le contraire: la Chine a énormément besoin des ressources naturelles du Canada.

+-

    Le président: Monsieur Murphy.

+-

    M. Michael Murphy: J'ajouterais que les relations se présentent sous une multitude de formes, et plus particulièrement les relations commerciales que nous avons actuellement. Nous avons manifestement une bonne possibilité de progresser sur ce plan. C'est en soi quelque chose d'extrêmement important, la valeur de ces relations commerciales et ce qu'elles représentent pour nos deux pays. Pour moi, c'est le premier palier dans les relations d'entreprise à entreprise.

    En second lieu, il y a les mécanismes dont nous disposons actuellement de gouvernement à gouvernement pour gérer certains des dossiers que les Canadiens jugent importants là-bas, qu'il s'agisse des idéaux démocratiques ou des droits de la personne — toutes ces questions qui se posent au niveau des relations de gouvernement à gouvernement et leurs répercussions.

    Il y a une chose que l'on constate très bien dans nos établissements postsecondaires par exemple, c'est l'utilité de faire venir des étudiants au Canada. Je n'ai pas le nombre exact de Chinois qui viennent faire des études au Canada; je pense que c'est de l'ordre de 35 000. Pour moi, c'est une expérience qui n'est pas précieuse seulement pour ces étudiants, c'est une expérience qui est précieuse pour notre pays et aussi pour la Chine.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons à M. McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président et félicitations à tous ceux qui ont été élus, etc.

    Monsieur le président, avant d'aller plus loin — comme vous pouvez vous y attendre, monsieur Cohen — j'aimerais contester quelques-uns de vos a priori.

    Il y a tout d'abord le problème du refus d'octroyer des visas que vous avez mentionné dès le début. Je tiens à déposer, parce que ce n'est pas la première fois que nous parlons de cela, la liste des plus de 60 visites de haut niveau effectuées au Canada par des personnalités allant du vice-président à des présidents de partis et de comités en passant naturellement par diverses personnes représentant tout l'éventail des opinions politiques à Taïwan. Si je peux me permettre d'être assez brutal, monsieur Cohen, ce que vous dites est absurde et inexact.

    Je vais donc déposer ce document pour que le président puisse le distribuer à tous les membres du comité.

    Monsieur Cohen, je vais jouer cartes sur table. Avez-vous contribué à la rédaction de ce projet de loi pour M. Abbott?

  +-(1250)  

+-

    M. Andrew Cohen: Absolument pas. En fait, puis-je ajouter quelque chose? J'ai rencontré M. Abbott pour la première fois de ma vie il y a environ une heure

    Et je me demande pourquoi vous me posez cette question, monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Cohen, vous avez émis un certain nombre de points de vue au comité, et je souhaite pouvoir répondre à un certain nombre d'entre eux, le plus efficacement possible en les réfutant.

    Vous reconnaîtrez que ce projet de loi s'appuie sur le contexte américain. En particulier, les alinéas 3b) et c) sont identiques à ceux de la Taiwan Relations Act de 1979, n'est-ce pas?

+-

    M. Andrew Cohen: Excusez-moi, je n'ai pas entendu toute la question.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Dans la Taiwan Relations Act de 1979, au paragraphe 3301b), on énonce la politique des États-Unis. À l'alinéa 3301b)(2), on peut lire: « to declare that peace and stability in the area are in the political, security, and economic interests of the United States, and are matters of international concern », autrement dit déclarer que la paix et la stabilité de cette région sont dans l'intérêt des États-Unis sur les plans politique, de la sécurité et économique, et sont des sujets d'ordre international.

    Reconnaissez-vous que c'est exactement le même texte que celui du projet de loi de M. Abbott qui dit: « fonder ses relations extérieures sur le fait que la paix et la stabilité de cette région sont dans l'intérêt du Canada sur les plans politique, de la sécurité et économique, et sont des sujets d'ordre international »? Reconnaissez-vous que c'est exactement le même texte que celui de la Taiwan Relations Act américaine?

+-

    M. Andrew Cohen: L'esprit est probablement semblable. Je ne sais pas si le texte est identique.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Eh bien, l'esprit compte pour beaucoup ici, monsieur Cohen, parce que nous parlons évidemment de politique étrangère et je voudrais donc vous poser une question. Sachant que quand les Américains ont rédigé cette loi en 1979, leur initiative était entièrement dictée par leur intérêt non seulement à reconnaître la Chine et à établir des relations avec la RPC en particulier, mais aussi leur intérêt sur le plan militaire, si nous reprenons les mêmes termes que ceux de la loi américaine alors que nous risquons d'avoir des répercussions très différentes sur le plan des relations étrangères ou une politique étrangère très différente à l'égard de la militarisation de Taïwan, ne reconnaissez-vous pas qu'il s'agirait d'un changement marqué de la politique étrangère du Canada et dans ce cas, pourquoi soutenez-vous que cela contribuerait à améliorer les relations que nous entretenons actuellement avec Taïwan?

    À mon avis, c'est un changement de cap radical, vous ne croyez pas?

+-

    M. Andrew Cohen: Non, je ne dirais pas que c'est un changement radical, mais je dois dire que je vais peut-être aussi vous surprendre en vous apprenant que je n'ai pas plus rédigé la Taiwan Relations Act de 1979 que ce projet de loi-ci.

    Vous pouvez demander qui l'a rédigé. C'est probablement quelqu'un au bureau de M. Abbott ou ailleurs. Je n'ai rien eu à voir avec la rédaction de ce projet de loi. Je trouve incongru que vous puissiez suggérer une chose pareille.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Pouvez-vous répondre à ma question, monsieur Cohen?

+-

    M. Andrew Cohen: Comme vient de le dire M. Laliberté, je crois que c'est un prolongement. C'est l'expression d'une certaine continuité de notre politique que nous formulons depuis un certain temps, c'est le prolongement de cette politique. Je ne dirais pas que c'est un changement de cap radical par rapport à notre position antérieure à l'égard de Taïwan.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Merci.

    Monsieur Cohen, voici un article du projet de loi de M. Abbott auquel M. Houlahan a déjà fait allusion, je crois. Je vous le lis:

Les lois fédérales qui, en termes généraux, renvoient — ou ont trait — à des pays, des nations ou des États étrangers ainsi qu'à leurs gouvernements ou organismes gouvernementaux sont réputées renvoyer — ou avoir trait — également à Taïwan et à son gouvernement ou ses organismes gouvernementaux.

    Vous êtes naturellement expert en droit international, puisque vous l'enseignez. Est-ce que vous ne...

+-

    M. Andrew Cohen: Non, excusez-moi, je ne suis pas expert en droit international et je n'ai jamais prétendu que je l'étais. En fait, je vous ai dit que je ne me présentais pas ici en tant que juriste. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Enfin, monsieur Cohen, vous êtes bien là pour une raison précise, et je vous demande de répondre à ma question.

+-

    M. Andrew Cohen: Bon, mais je ne suis pas expert en droit international et je n'ai jamais prétendu que je l'étais.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Cohen, pourriez-vous m'expliquer à propos des articles 4 à 7...

+-

    M. Andrew Cohen: Pourrais-je voir le texte?

+-

    L'hon. Dan McTeague: Je vous parle du projet de loi, monsieur. C'est le projet de loi que nous avons déjà donné...

+-

    M. Andrew Cohen: Je ne l'ai pas sous les yeux.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Auriez-vous l'obligeance de donner à M. Cohen une copie du projet de loi, dont nous parlons depuis une heure et demie?

    Monsieur Cohen, n'êtes-vous pas d'accord qu'il s'agirait d'un changement radical sur le plan de la perception, voire de la reconnaissance, et que l'on s'éloignerait fortement de la politique canadienne d'une Chine unique, si vous me permettez l'expression?

    La raison pour laquelle je vous demande si vous avez participé à la rédaction du projet de loi, c'est parce que dans vos observations un peu plus tôt, vous avez dit « nous pouvons certainement changer ce projet de loi ». Je me rapportais au fait que vous avez utilisé le mot « nous », ce qui laissait croire que vous aviez peut-être participé à la rédaction du projet de loi.

    Au sujet des articles 4 à 7, pouvez-vous m'expliquer en quoi nous ne nous éloignerions pas de la relation actuelle du Canada avec la Chine?

+-

    M. Andrew Cohen: J'ai utilisé le « nous », première personne du pluriel, pour parler du Canada, formule que j'ai employée dans ma déclaration liminaire, « nous » en tant que Canadiens, « nous », le Parlement du Canada. Je ne parlais pas de « nous » en tant que rédacteur du projet de loi.

    Vous avez fait référence à l'article 4 du projet de loi. Non, je ne pense pas que nous nous éloignerions de la politique canadienne. Comme je l'ai dit, je pense que cet article s'inspire de notre relation avec Taïwan, telle qu'elle existe depuis un certain nombre d'années maintenant.

    Si vous me le permettez, au sujet des 64 visites dont vous avez parlé, vous avez sans doute raison, mais les représentants qui ont témoigné ont parlé de 23 visites de délégations taïwanaises au Canada entre 2001 et 2005 — ce qui, soit dit en passant, mérite d'être applaudi. J'en suis très heureux.

    Je ne sais pas si parmi ces délégations se trouvait le président, le vice-président, le premier ministre, le vice-premier ministre, ou le ministre de la Défense et des Affaires étrangères. Savez-vous s'il s'agissait de hauts fonctionnaires du gouvernement taïwanais?

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Cohen, c'est moi qui vous pose les questions. Vous dites...

  +-(1255)  

+-

    Le président: Monsieur McTeague, je crois que votre temps est écoulé.

    Je ne veux pas d'une discussion bilatérale entre M. Cohen et M. McTeague.

    Nous posons les questions...

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur le président, avec votre indulgence, s'il vous plaît...

+-

    Le président: Non, non...

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur le président, je veux juste m'assurer que l'on comprenne bien qu'au sujet de ce que M. Cohen a suggéré, il est évident qu'il n'a pas lu le projet de loi bien qu'il en parle abondamment. Je pense qu'il est important que le comité comprenne que les commentaires qu'il a présentés portent sur un projet de loi qu'il n'a visiblement pas lu.

+-

    Le président: Non. Nous avons entendu votre argument.

+-

    M. Andrew Cohen: Puis-je répondre?

+-

    Le président: Vous avez dix secondes.

    Vous ne l'avez pas lu, mais selon moi, ce n'est pas important.

+-

    M. Andrew Cohen: Je n'ai pas rédigé le projet de loi, comme vous le laissez entendre, et je m'objecte vigoureusement à ce que vous disiez que j'ai écrit un projet de loi avec lequel je n'ai absolument rien à faire.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Regardez la transcription, monsieur Cohen. Lorsque vous avez dit « nous », cela veut dire « je ».

+-

    Le président: Okay, ça suffit.

    Nous allons terminer avec M. Abbott.

    Avez-vous des observations, ou des questions? Ensuite, nous passerons à M. Sorenson pour une question, puis j'en ai une moi aussi.

+-

    M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC): Monsieur le président, je vous remercie de me laisser poser une question. J'essaierai de calmer les ardeurs de ces messieurs.

    Nous avons beaucoup parlé de perception, et c'est pour cette raison que la Chambre de commerce du Canada devrait savoir que j'ai pris l'initiative, de mon propre chef, de venir au Comité des affaires étrangères. J'ai demandé que l'on envisage ces audiences parce que j'ai un profond respect pour les préoccupations exprimées par la Chambre de commerce et d'autres qui s'opposent au projet de loi, et je voulais avoir à la fois un dialogue ouvert et exhaustif et une compréhension complète des questions en jeu et profiter de la sagesse des membres du comité avant la deuxième lecture et le vote sur le projet de loi.

    Cela dit, une des choses qui me préoccupent, c'est la perception. Je pense que M. Murphy et moi-même sommes peut-être du même âge environ, et nous avons sans doute tous les deux de la difficulté à nous souvenir précisément où nous étions et ce que nous faisions en 1969 et 1970. J'étais dans les affaires à l'époque; je crois me souvenir que les Américains étaient très préoccupés par Pierre Trudeau qui, selon eux, était un communiste inavoué, et par son comportement envers Beijing à l'époque. Le premier ministre Trudeau, Paul Martin, Mitchell Sharp, et d'autres ont dû subir énormément de pression relativement à la perception de notre plus grand partenaire commercial à ce sujet.

    Pensez-vous qu'ils ont eu tort d'agir de la sorte à l'époque, alors que les États-Unis voyaient ce comportement comme une reconnaissance des méchants communistes?

+-

    M. Michael Murphy: Laissez-moi d'abord vous dire que je me souviens où j'étais en 1969 et 1970. J'étais à l'université. C'était la belle époque, laissez-moi vous dire. De très bonnes années.

    Pour répondre à votre question, cependant, je vous dirais que non, ils n'ont pas eu tort, et il n'y avait pas de problème en ce qui concerne la politique que nous avions à l'époque. Non. Pour être bref, je ne crois pas qu'ils aient eu tort.

+-

    M. Jim Abbott: Encore une fois — et je me suis peut-être mal exprimé — les États-Unis étaient alors un partenaire commercial important pour le Canada, qui représentait bien plus que les 4 ou 5 p. 100 de nos échanges commerciaux qui sont actuellement faits avec la Chine. Et j'ajouterais que nous achetons d'eux cinq fois plus que nous ne vendons, alors nous avons une dette envers eux. Ce n'est pas la même chose, mais il y a des similitudes, dans la mesure où la communauté d'affaires au Canada, comme vous l'avez dit, s'inquiète de la façon dont la Chine va percevoir ce projet de loi.

    Le projet de loi énonce clairement dans son préambule qu'il ne change rien à la politique de la Chine unique. C'est très clair. Nous avons discuté de l'article 4, dont nous pourrons reparler à un autre moment, mais le fait est que la Chine a déclaré que le projet de loi modifiait la politique, alors qu'il précise clairement que ce n'est pas le cas. Je ne comprends pas ce problème; ma question est la suivante: si le premier ministre du Canada, M. Martin, M. Sharp et les autres membres du Cabinet ont eu le courage d'aller de l'avant à une période donnée, pourquoi n'aurions-nous pas le même courage, par le biais d'une décision possible des députés de la Chambre des communes, de prendre cette direction?

    Je suis désolé, mais je ne comprends pas le problème.

·  +-(1300)  

+-

    M. Michael Murphy: Je pense que... Excusez-moi, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Murphy, veuillez nous fournir une réponse courte, s'il vous plaît. C'était plus une observation qu'une question.

+-

    M. Michael Murphy: Je pense que cette perception ne concerne pas uniquement le gouvernement chinois, mais également notre gouvernement, et c'est ce qui a été signifié aux membres du comité. Comme vous le savez, à la Chambre de commerce, on a tiré la sonnette d'alarme. À notre avis, les perceptions sont importantes, je ne veux pas me répéter, mais cela nous inquiète.

    En ce qui concerne le marché chinois et son potentiel pour le Canada, vous parlez d'un pays où nous investissions largement par le biais de l'ACDI jusqu'à tout récemment — et c'est encore le cas, mais il semble que nous allons changer notre politique. Cela va changer. Les possibilités d'investissement en Chine, étant donné les changements sociaux et économiques, sont énormes, c'est pourquoi je pense qu'il faut garder à l'esprit la perspective économique. Le potentiel est énorme.

+-

    Le président: Merci.

    Je donne la parole à M. Sorenson pour une toute petite question, puis j'en ai une moi aussi pour M. Laliberté.

+-

    M. Kevin Sorenson: J'adresse la question à M. Murphy et à tous ceux qui veulent y répondre.

    On parle de la situation privilégiée qui peut être compromise. Tous, nous admettons volontiers que nous occupons une situation privilégiée vis-à-vis des États-Unis. Comme M. Cohen l'a bien montré, toutefois, nous sommes un État souverain et nos décisions sont prises en fonction de l'intérêt bien compris du Canada.

    Il y a eu de petits accrochages même avec les États-Unis, dernièrement — je pense au système de défense antimissile balistique. Nous avons entendu que l'on n'ose pas prendre les États-Unis à rebrousse-poil de peur que cela ne compromette notre situation privilégiée, mais le gouvernement a déclaré que nous allions faire ce qu'il fallait, au dire des libéraux, et déclaré que nous n'allions pas participer.

    La Chambre s'est-elle prononcée sur cette question de prendre les États-Unis à rebrousse-poil, apparemment? A-t-elle réagi à la position du gouvernement?

+-

    M. Michael Murphy: Oui. Je me souviens même de la réunion du conseil où nous en avons discuté et avons adopté notre position. Cela nous préoccupait beaucoup, non seulement quant à la position à prendre mais aussi quant à la façon dont le sujet serait traité du point de vue des communications. À l'époque, cela figurait presque aussi haut dans la liste. Cela remonte à quelque temps déjà, mais oui — nous avons pensé que nous aurions pu communiquer beaucoup mieux notre avis aux Américains. Nous avons créé des frictions inutiles dans nos rapports avec les États-Unis.

+-

    Le président: Merci.

    Je n'ai qu'une seule question à poser à M. Laliberté. Une vingtaine de pays reconnaissent Taïwan, j'imagine. Je ne connais pas le chiffre exact. Savez-vous si la Chine a pris des mesures de représailles contre ces pays?

    Ma deuxième question porte sur ceci. Je ne sais pas si un autre pays occidental essaierait d'adopter un texte comme celui-là. Je pense à l'Australie. Je ne suis pas sûr si l'Australie a essayé et l'a retiré. J'aimerais que vous nous donniez des précisions.

+-

    M. André Laliberté: On ne m'a pas invité à me prononcer sur la question, mais je peux le faire parce que je me suis préparé avant de venir.

    Aucun autre pays européen n'a adopté de loi de ce genre mais, chose intéressante, le Parlement européen a adopté un texte qui exprime essentiellement les mêmes sentiments. Il s'agit d'une résolution sur les relations entre l'Union, la Chine et Taïwan ainsi que la sécurité en Extrême-Orient. Je vais vous épargner les détails, mais je peux vous faire parvenir l'information si vous le souhaitez. Elle compte 17 articles. Ce n'est pas contraignant — il s'agit du Parlement européen — mais celui-ci a néanmoins exprimé la volonté d'un nombre appréciable de pays importants.

    En réponse à la première partie de votre question, ces 28 pays ne sont malheureusement pas très importants sur la scène mondiale. Le gouvernement chinois fait beaucoup d'efforts pour les convaincre qu'ils devraient changer leur reconnaissance diplomatique. Encore une fois, je rappelle la position du gouvernement de Taïwan dans ce dossier; celui-ci n'a rien contre le fait que ces pays reconnaissent tant le gouvernement de Beijing que celui de Taipei. Il faut le redire.

    Le gouvernement chinois ne peut pas exercer beaucoup de pression sur ces pays puisqu'il s'agit après tout d'États souverains.

·  -(1305)  

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Abbott, vous avez la parole.

[Traduction]

+-

    M. Jim Abbott: Monsieur le président, pour les besoins du compte rendu, contrairement à ce que M. McTeague a dit, je tiens à confirmer que M. Cohen et moi-même avons fait connaissance il y a une heure et 47 minutes très précisément. Jamais nous ne nous sommes échangés la parole et je n'ai pas la moindre idée de ce qui a pu motiver les accusations de M. McTeague contre M. Cohen.

-

    Le président: Merci.

    Merci beaucoup à vous tous.

[Français]

    Je remercie tous les témoins.

    La séance est levée.