Passer au contenu

FINA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Opinion dissidente du Nouveau Parti démocratique
au rapport du Sous-comité sur le déséquilibre fiscal


Juin 2005
_________________________________________________________________

Pour le Nouveau Parti démocratique, la péréquation et les transferts sociaux incarnent l’esprit d’égalité et de coopération qui est au coeur des valeurs économiques et sociales des Canadiens.  Le fait que nous nous soyons éloignés de l’équilibre fédéral-provincial-territorial au point où ces programmes sont compromis menace non seulement ces programmes, mais le Canada même.  Il était particulièrement opportun et utile que le Sous-comité fasse une étude attentive de ce déséquilibre. Nous tenons à cet égard à souligner l’apport des membres du Sous-comité et des témoins qui ont comparu devant lui. 

Le rapport du Sous-comité est extrêmement utile dans la mesure où l’on y identifie les problèmes à résoudre. Certaines des recommandations qu’il contient, comme d’accroître le rôle du Parlement, de limiter le recours à des accords ponctuels, de scinder le Transfert canadien en matière de programmes sociaux et d’augmenter la part du gouvernement fédéral dans le financement des programmes sociaux, sont valables. Cependant, le Nouveau Parti démocratique conteste l’idée que le fait de renoncer à des transferts pécuniaires en échange de points d’impôt constitue une solution viable. Cela ne ferait qu’ouvrir la porte à la fragmentation puis finalement à la désintégration des programmes sociaux auxquels nous tenons. Nous sommes partisans d’un fédéralisme coopératif et accordons une très grande importance à la question des accords fiscaux. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de présenter un rapport minoritaire.

Il est urgent de trouver une solution

On ne saurait trop insister sur l’importance et l’urgence de guérir ce qui est devenu une plaie ouverte au coeur de la fédération canadienne. 

Aggravés par la méfiance envers le gouvernement fédéral à la suite d’une série de compressions budgétaires et de modifications unilatérales de programmes contributifs aux répercussions considérables sur les provinces et les territoires et la récente politisation du processus de péréquation par une série d’accords secondaires bilatéraux, le dysfonctionnement, les tensions et les discours creux contre la péréquation ont atteint un niveau sans précédent.  Pour la première fois, les provinces nanties comme les provinces moins favorisées contestent la position du gouvernement fédéral.  Le concept même de la péréquation se trouve remis en question.

Le gouvernement fédéral libéral est maintenant le seul à nier l’existence d’un déséquilibre fiscal et, partant, la nécessité de trouver une solution de toute urgence.

Le déséquilibre horizontal : la nécessité d’une formule de péréquation raisonnable

On réclamait des «  subventions d’après la norme nationale  » dès les années 40, mais le programme de péréquation lui-même date de 1957.

Il n’existe pas de poste «  arrangements fiscaux  » dans les budgets du gouvernement fédéral ou des provinces qui permette de déterminer un solde débiteur ou créditeur.  Pourtant, il est difficile d’imaginer un autre aspect des relations entre paliers de gouvernement qui influe plus directement sur le bien-être des Canadiens.

D’ailleurs, le Groupe de travail sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces avait dit en 1981 de la péréquation qu’elle était la colle qui cimente la confédération et le Comité sénatorial des finances nationales l’avait qualifiée de programme national qui nous définit.

L’inscription de la péréquation au paragraphe 36(2) de la Constitution canadienne en 1982 témoigne de l’importance primordiale des principes d’équité et d’égalité dans la conception que nous nous faisons de nous-mêmes en tant que Canadiens : «  Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.  »

En dépit de l’importance vitale de la péréquation pour les Canadiens, attestée par sa place dans la Constitution, le gouvernement fédéral a négligé la révision et la réforme de la péréquation, qu’il traite comme sa chasse gardée.  Il ne s’est penché sérieusement sur la question que quand la loi l’y forçait, ne lui accordant le reste du temps qu’une attention distraite et occasionnelle.  La manière dont le gouvernement fédéral se comporte dans ce dossier rappelle à beaucoup l’attitude des libéraux en 1982 lorsqu’ils ont unilatéralement adopté la norme des cinq provinces dans la formule de péréquation pour réduire les paiements fédéraux, ce qui a éprouvé le système et suscité du ressentiment.

Durant la période de 15 ans qui a précédé les changements de 2004, les paiements de péréquation ont beaucoup baissé en pourcentage du PIB — ils sont passés de près de 1,4 p. 100 à 0,7 p. 100 (une diminution de plus de 40 p. 100).  Pourtant, les disparités d’une province à l’autre demeurent : le PIB par habitant de l’Île-du-Prince-Édouard représente un peu plus de 50 p. 100 seulement de celui de l’Alberta.  Les paiements de péréquation comptent pour près du quart du budget des provinces de l’Atlantique et pour environ 10 p. 100 de celui du Québec.

Il existe de grandes différences entre les provinces et les territoires au niveau de la population et des ressources naturelles, si bien que la capacité financière des celles-ci varie et continuera de varier. Les disparités interprovinciales, ou le «  déséquilibre horizontal  », exigent des ajustements constants.

En 2003, lors des négociations associées à l’examen quinquennal obligatoire de la  loi, les provinces et les territoires s’étaient entendus sur un consensus : retour à la norme des dix provinces, prise en compte de tous les revenus des provinces – y compris du produit des droits d’utilisation – dans les calculs de péréquation, réduction des facteurs imprévisibles par la remise des pertes imputables aux changements démographiques et prise en considération de toute modification notable des assiettes fiscales des provinces et des territoires.

Le gouvernement fédéral n’a pas su résoudre les problèmes en souffrance avant l’échéance d’avril 2004 en dépit de la nécessité de stabiliser les paiements de péréquation et d’en assurer la prévisibilité de manière que les provinces bénéficiaires puissent faire une meilleure planification.

Finalement, à l’automne 2004, il a répondu en proposant sa propre «  solution  » qu’il a pratiquement présentée aux provinces et aux territoires comme un ultimatum : c’était à prendre ou à laisser. Or, s’il est une question sur laquelle la plupart des témoins que le Sous-comité a entendus étaient d’accord, c’est que l’entente de novembre 2004 laisse à désirer.

Le déséquilibre vertical : le besoin de transferts réguliers et appréciables

Dans les domaines de compétence provinciale comme la santé et l’éducation, les services et les coûts ont considérablement augmenté et continuent de progresser à la fois en termes absolus et par rapport à l’apport du gouvernement fédéral.  L’aide financière du gouvernement fédéral, par la création de programmes sociaux à coûts partagés, était nécessaire et bienvenue. En 1977, un système de transferts fédéraux au titre de la santé, de l’enseignement postsecondaire et des programmes sociaux a été incorporé aux arrangements concernant le financement des programmes établis.  Le Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) a contribué à financer un vaste éventail de programmes provinciaux de soutien du revenu.

La reconfiguration spectaculaire des arrangements fiscaux qui est à l’origine des tensions actuelles est imputable au gouvernement libéral de 1995 qui a créé le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) et réduit du même coup les transferts de plusieurs milliards de dollars.

Au moment même où le vieillissement de la population se conjuguait à un réalignement industriel dans la nouvelle économie mondialisée pour faire monter en flèche la demande de services provinciaux et territoriaux, le gouvernement fédéral a choisi de procéder à des réductions massives des transferts, d’environ le tiers.   Ce faisant, il s’en est pris non seulement aux provinces et aux territoires, mais aussi aux Canadiens les plus nécessiteux. Avec la création du TCSPS, il a éliminé le RAPC, l’unique programme offrant une forme de sécurité du revenu, forçant les provinces à se débrouiller comme elles le pouvaient pour répondre elles-mêmes aux besoins.  Il a même été jusqu’à rendre la vie encore plus difficile aux Canadiens un an plus tard par des changements rendant l’accès à l’assurance-chômage encore plus difficile.  Il s’était déjà désengagé du logement social à ce moment-là.

Il est étonnant de constater que, en dépit des excédents budgétaires que le gouvernement fédéral enregistre depuis huit ans, l’apport du gouvernement fédéral au financement des services sociaux et de l’enseignement postsecondaire dans les provinces et les territoires demeure inférieur de 30 p. 100 à ce qu’il était en 1995-1996 et représente à peine 11,5 p. 100 des dépenses des provinces dans ces domaines.  La contribution de 38 p. 100 du gouvernement fédéral dans le cadre du RAPC a été ramenée à 23 p. 100 dans le contexte du TCPS.  Dans le cas de l’éducation, le financement est tombé de 15 à 7 p. 100 selon les estimations.  Même si le gouvernement annonce en fanfare une augmentation du financement de la santé, il ne faut pas perdre de vue le fait que 60 p. 100 environ des nouveaux crédits fédéraux de 2004 ont été prélevés sur des sommes qui étaient destinées aux services sociaux et à l’éducation.

Il est certain que plusieurs provinces n’ont fait qu’aggraver leur déficit en consentant des réductions d’impôt. Par exemple, d’après des calculs du Centre canadien de politiques alternatives, si toutes les réductions d’impôt du gouvernement conservateur de l’Ontario avaient été appliquées, les revenus potentiels du gouvernement provincial auraient été amputés de 15,5 milliards de dollars en 2004-2005.  Cependant, le gouvernement fédéral fait abstraction du principe de l’égalité quand il affirme qu’il suffit de relever les taux d’imposition provinciaux pour résoudre le problème du déséquilibre fiscal.  L’augmentation des impôts provinciaux ne résoudra pas plus le déséquilibre horizontal entre les provinces et les territoires que la cession de points d’impôt.  Cette façon qu’a le gouvernement fédéral de présenter les choses ne fait qu’alimenter le cynisme de la population quant à la volonté réelle du gouvernement fédéral de trouver une solution durable et juste.

La réponse du NPD privilégie les valeurs canadiennes

Le NPD constate que, en particulier à cause des réductions considérables des transferts orchestrées par le gouvernement libéral, les gouvernements des provinces et des territoires assument une part de plus en plus grande du financement des programmes à coûts partagés. Nous proposons de remédier à cette inégalité croissante en rétablissant le rôle contributif du gouvernement fédéral dans le financement de la santé, de l’enseignement postsecondaire et de l’aide sociale tout en nous donnant de vastes objectifs nationaux qui respectent le principe de l’asymétrie.

Cette démarche est conforme à notre conception constitutionnelle du Canada – un fédéralisme souple, coopératif, mettant l’accent sur la prise de décisions concertées, et un fédéralisme asymétrique qui tient compte des particularités du Québec.

On trouve un exemple concret de notre position dans les modifications du budget de 2005 obtenues par le NPD qui dirigent 4,6 milliards de dollars d’excédents vers l’éducation, le logement et l’environnement. 

Un financement fédéral régulier et appréciable par la voie de transferts pécuniaires et non de points d’impôts est critique pour les objectifs d’unité nationale et d’égalité.  La Commission Romanow a fait une étude approfondie de l’utilisation de points d’impôts au lieu de transferts pécuniaires et a rejeté sans équivoque la solution des points d’impôt.  Romanow a rappelé aux Canadiens que la substitution de points d’impôt aux transferts pécuniaires va à l’encontre des objectifs de la péréquation : un point d’impôt produit moins de revenus dans une province où les revenus sont faibles que dans une province où les revenus sont élevés.  Initialement, on a eu recours à des transferts de points d’impôt pour accroître la capacité des provinces de générer les revenus dont elles avaient besoin pour assumer leur part du financement des programmes sociaux à coûts partagés.  En revanche, si on les envisage aujourd’hui, c’est en grande partie parce que le gouvernement ne fournit pas les transferts pécuniaires qu’il devrait aux provinces.  Encouragées dans cette voie par les groupes de réflexion des entreprises, certaines provinces voient dans le transfert de points d’impôt un pis aller.   Nous pouvons faire beaucoup mieux.

Nous avons également entendu des groupes de réflexion d’entreprises dire de la péréquation qu’elle maintient les provinces bénéficiaires dans le cercle vicieux de l’aide sociale. Pourtant, le Manitoba a montré au Sous-comité qu’il a bâti, avec l’aide des transferts fédéraux, une économie plus forte avec des collectivités dynamiques où l’infrastructure sociale attire des investisseurs.

Les entreprises soutiennent que les transferts empêchent «  le marché  » de dicter l’évolution de l’économie. L’Alberta a deux fois la capacité financière de provinces comme l’Île-du-Prince-Édouard : les valeurs canadiennes nous dictent de faire tout ce qu’il est possible de faire pour accroître la capacité des provinces d’offrir des services au lieu d’abandonner les gens qui y vivent. 

Les Canadiens ne sont pas dupes de ces tentatives à peines voilées de doper les bénéfices des entreprises par la prise en mains, par le secteur privé, des programmes publics. Le Fraser Institute assimile la péréquation à un [traduction] «  système complexe de pots de vin  » pour graisser la patte des gouvernements.  La solution des entreprises, c’est l’assiette au beurre pour remplir leurs caisses aux frais de la population.

Recommandations

1.  Réforme de la péréquation

Le programme de péréquation a un urgent besoin de réforme. Il importe de renouveler l’engagement envers la péréquation en tant que programme national vital pour les objectifs nationaux communs que sont l’unité nationale et l’égalité socio-économique des régions et des Canadiens.  Il importe en outre de respecter les dispositions de la Constitution relatives à la péréquation. Le plan de péréquation d’octobre 2004 ne peut être qu’une solution imparfaite temporaire qu’il est urgent de remplacer.

Il faudrait créer une commission indépendante chargée d’étudier les constatations du Groupe d’experts, les recommandations du Conseil de la fédération et les prévisions financières du gouvernement fédéral et d’élaborer une nouvelle formule de péréquation fondée sur les éléments suivants :

 suppression des dispositions plancher/plafond du cadre de péréquation d’octobre 2004;  
 retour à la norme des dix provinces pour le calcul de la capacité fiscale moyenne;  
 prise en compte de toutes les formes de revenu, notamment prise en compte progressive des revenus tirés de toutes les ressources naturelles renouvelables; 
 indexation du taux de péréquation en fonction de l’évolution de l’activité économique. 

2.  Transferts réguliers et appréciables pour la santé, l’éducation postsecondaire et les programmes sociaux

Les transferts pécuniaires sont vitaux pour la survie des programmes nationaux comme l’assurance-maladie et pour éviter une approche morcelée des objectifs d’égalité socio-économique.  Nous sommes pour l’objectif à court terme qui consiste à porter à 25 p. 100 la part du gouvernement fédéral du financement de la santé et des programmes sociaux, les paiements augmentant avec la population et la croissance économique, mais nous sommes en revanche contre l’idée que les provinces puissent renoncer à des transferts pécuniaires en faveur du transfert de points d’impôt, parce que cette solution entraînerait un manque d’uniformité des programmes d’une province à l’autre. 

Il est essentiel de remédier aux maux du Transfert en matière de programmes sociaux en séparant le financement de l’enseignement postsecondaire de celui des programmes sociaux pour améliorer la transparence et la reddition de comptes et en créant une enveloppe distincte pour la garde d’enfants afin de mieux coordonner les transferts dans cet important secteur.   Il pourrait être nécessaire d’instituer de nouveaux programmes nationaux à coûts partagés en tant que réponse concertée des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral à des problèmes d’envergure nationale, ces programmes reposant sur un consensus des provinces.  Manifestement, cette approche coopérative du fédéralisme, des améliorations importantes du système de transferts et  des investissements fédéraux stratégiques dans des domaines comme le logement et l’environnement constituent une solution de rechange viable au transfert de points d’impôt et nous placent sur la voie qui mènera à la disparition des déséquilibres fiscaux. 

3.  Un fédéralisme coopératif renouvelé

Il importe d’intervenir de toute urgence pour remédier aux déséquilibres fiscaux actuels et atténuer les tensions dans la fédération.  Il faut nourrir l’esprit du fédéralisme coopératif. Si la modification de la formule de péréquation et l’amélioration des transferts pécuniaires contribueront grandement à améliorer la situation, il importe quand même de mettre un accent renouvelé sur les relations fédérales-provinciales-territoriales et sur la revitalisation des structures et mécanismes qui soutiennent la négociation sur les questions financières intergouvernementales par les moyens suivants :

 discussions de fond régulières des premiers ministres, des ministres des Finances et de leurs fonctionnaires et comités; 
 création d’un secrétariat fédéral-provincial-territorial chargé de coordonner les travaux de recherche et d’analyse sur le programme de péréquation et de recommander des modifications, au besoin; le secrétariat ferait rapport régulièrement à chaque palier de gouvernement et ferait l’objet d’un examen parlementaire.  Il établirait en outre des mécanismes en vue d’élaborer des principes et des objectifs afférents aux transferts sociaux sur lesquels s’entendraient toutes les parties par la voie de vastes discussions et de consultations des Canadiens afin d’éviter une détérioration des conditions sociales.