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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 7 décembre 2004




º 1600
V         Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.))
V         M. Jayson Myers (vice-président et économiste en chef, Manufacturiers et exportateurs du Canada)
V         Le président
V         M. Jayson Myers

º 1605

º 1610
V         Le président
V         M. Hassan Yussuff (secrétaire trésorier, Congrès du travail du Canada)

º 1615

º 1620
V         Le président
V         M. Garth Whyte (vice-président exécutif, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante)
V         M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC)
V         M. Garth Whyte

º 1625

º 1630

º 1635
V         M. André Piché (directeur, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante)
V         Le président
V         M. Werner Schmidt

º 1640
V         M. Garth Whyte
V         M. Werner Schmidt
V         M. Jayson Myers
V         M. Werner Schmidt
V         M. Jayson Myers
V         M. Werner Schmidt
V         M. Jayson Myers
V         M. Werner Schmidt
V         M. Jayson Myers

º 1645
V         Le président
V         M. Andrew Jackson (économiste principal , Congrès du travail du Canada)
V         Le président
V         M. Garth Whyte

º 1650
V         Le président
V         M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ)
V         Le président
V         M. Garth Whyte

º 1655
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Hassan Yussuff

» 1700
V         Le président
V         M. Serge Cardin
V         Le président
V         M. André Piché
V         Le président
V         M. Andrew Jackson

» 1705
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Garth Whyte
V         Le président
V         M. Garth Whyte
V         Le président
V         M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.)
V         Le président
V         M. Jayson Myers

» 1710
V         Le président
V         M. Garth Whyte
V         Le président
V         M. Andrew Jackson

» 1715
V         Le président
V         M. Andy Savoy
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Garth Whyte
V         Le président
V         M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore)

» 1720
V         Le président
V         M. Garth Whyte
V         Le président
V         M. Jayson Myers

» 1725
V         Le président
V         M. Hassan Yussuff
V         Le président
V         M. Peter Stoffer
V         Le président
V         M. Andrew Jackson

» 1730
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Garth Whyte
V         Le président
V         M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC)
V         M. Jayson Myers

» 1735
V         M. Michael Chong
V         M. Jayson Myers
V         M. Michael Chong
V         M. Jayson Myers
V         M. Michael Chong
V         M. Jayson Myers
V         M. Michael Chong
V         M. Jayson Myers
V         M. Michael Chong
V         Le président
V         M. André Piché
V         Le président
V         M. André Piché
V         Le président
V         M. Michael Chong
V         M. Garth Whyte
V         M. Andy Savoy
V         Le président
V         M. Alan Tonks

» 1740
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Andrew Jackson
V         Le président
V         M. André Piché

» 1745
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Alan Tonks
V         Le président
V         M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ)
V         M. André Piché
V         M. Paul Crête
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Hassan Yussuff
V         Le président
V         M. Paul Crête

» 1750
V         M. Garth Whyte
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Hassan Yussuff

» 1755
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 012 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

º  +(1600)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Nous sommes suffisamment nombreux pour entendre les témoignages. Nous allons donc commencer en attendant que les autres membres du comité reviennent du vote.

    Je tiens d'abord à remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui malgré le mauvais temps. Certains d'entre vous sont venus de l'extérieur de la ville et je sais que vous connaissez les raisons de notre retard. Nous apprécions votre indulgence. Si nous siégeons au-delà de 17 h 30 pour rattraper une partie du temps perdu, mais que vous devez partir avant, n'hésitez pas à le faire. Nous essaierons peut-être de dépasser l'heure prévue afin d'avoir suffisamment de temps pour entendre ce que vous avez à dire et vous poser des questions.

    Chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui notre examen de ce qu'on peut appeler la stratégie industrielle du Canada. Quelle est cette stratégie? Existe-t-elle vraiment? Si c'est le cas, dans quelle mesure existe-t-elle et quelles suggestions nos témoins d'aujourd'hui peuvent-ils nous faire non seulement pour améliorer la productivité et la compétitivité du Canada et la place qu'il occupe dans le monde, mais encore pour nous permettre de mieux combler le fossé entre les riches et les pauvres et faire en sorte que nos régions profitent toutes équitablement de la prospérité économique du pays?

    Sur ce, j'ai le plaisir d'accueillir les Manufacturiers et exportateurs du Canada, le Congrès du Travail du Canada et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

    Étant donné l'ordre dans lequel vous êtes inscrits à l'ordre du jour, nous allons commencer par les Manufacturiers et exportateurs du Canada. La liste a été établie au hasard.

    Allez-vous prendre la parole, Jayson?

+-

    M. Jayson Myers (vice-président et économiste en chef, Manufacturiers et exportateurs du Canada): Oui, monsieur le président.

+-

    Le président: Allez-y, mais je demande aux témoins de se limiter à cinq à dix minutes au maximum afin de nous laisser beaucoup de temps pour les questions.

    Merci d'être venus.

+-

    M. Jayson Myers: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je m'appelle Jay Myers. Je suis vice-président principal et économiste en chef des Manufacturiers et exportateurs du Canada.

    L'industrie manufacturière est le principal élément du secteur des affaires du Canada. Elle représente 18 p. 100 de notre économie, génère 70 p. 100 de nos exportations de biens et services, investit plus de 25 milliards de dollars par année dans la R et D et les nouvelles technologies et emploie 2,3 millions de Canadiens. Cela dit, les manufacturiers jouent un rôle encore beaucoup plus grand dans l'économie canadienne puisqu'ils sont des consommateurs de biens et services, d'énergie, de services aux entreprises et de services financiers. Ils sont également des contribuables et des employeurs importants si bien qu'une bonne partie du secteur de la vente au détail, et des services publics et des services personnels dépend également de notre industrie.

    Globalement, chaque dollar de production manufacturière se traduit par 3,05 $ d'activité économique totale et il s'agit donc d'un élément important de l'économie canadienne. Cela veut dire que la prospérité du secteur manufacturier est essentielle à l'avenir économique du pays ainsi qu'à l'amélioration du niveau de vie de tous les Canadiens.

    Au cours de la dernière décennie, l'industrie manufacturière a connu l'un des plus forts taux de croissance au Canada. Fort de ses succès sur les marchés d'exportation, le secteur manufacturier a, en effet, connu une croissance qui surpasse même celle de l'économie du Canada et ce, depuis le début de la dernière décennie. Qui plus est, l'emploi dans ce secteur a atteint des niveaux records. En 2004, les expéditions de biens manufacturés devraient dépasser les 560 millions de dollars, soit le double de ce qu'elles étaient il y a 12 ans.

    Néanmoins, malgré cette forte croissance, les manufacturiers canadiens se trouvent à un tournant critique de leur histoire et ils doivent relever un certain nombre de défis importants : le vieillissement de la main-d'oeuvre, l'émergence de la Chine comme puissance industrielle, l'intensification de la concurrence sur les marchés internationaux, l'appréciation du dollar canadien—cela équivaut, pour les exportateurs, à une baisse de prix de 40 p. 100 en 18 mois—l'escalade des coûts de production, les restrictions croissantes touchant les approvisionnements énergétiques, les problèmes commerciaux et frontaliers avec les États-Unis, la détérioration progressive de l'infrastructure canadienne, de même que la concurrence croissante des autres pays du monde au chapitre des investissements et des contrats de production.

    La façon dont les entreprises relèveront ces défis modifiera fondamentalement la nature de l'industrie manufacturière canadienne d'ici la prochaine décennie. Dans ces circonstances, les manufacturiers n'auront guère d'autre choix que de se donner une véritable envergure mondiale afin de soutenir la nouvelle compétitivité globale, de réduire les chaînes globales d'approvisionnement et de profiter des nouvelles possibilités qu'offrent les marchés mondiaux. L'innovation jouera un rôle clé pour ce qui est d'accroître la valeur des biens et services et de favoriser des améliorations de productivité. Le commerce international, les investissements et les partenariats d'affaires feront plus intimement partie encore de la croissance des activités commerciales. De nouveaux investissements devront être faits pour soutenir le rythme de l'évolution technologique. La main-d'oeuvre devra acquérir de nouvelles compétences afin de satisfaire aux exigences des milieux de travail de plus en plus axés sur le savoir. Enfin, le temps, la souplesse et les services de consommation deviendront des facteurs distinctifs importants de toute forme de succès concurrentiel.

    Les manufacturiers du Canada devront également se donner un contexte d'affaires d'envergure mondiale qui favorisera leur croissance. Ils devront compter sur leurs fournisseurs, sur les établissements d'enseignement et de recherche du Canada et sur les services financiers et d'affaires afin de répondre à leurs besoins changeants en compétences, en innovations et en adaptation de produits et services. Parallèlement, ils devront s'en remettre aux gouvernements pour adopter des politiques fiscales et réglementaires concurrentielles sur la scène internationale, pour garantir leur accès aux marchés internationaux, pour s'assurer d'un approvisionnement fiable et à prix concurrentiel en ressources énergétiques ainsi que pour entretenir et améliorer l'infrastructure des transports et des communications, infrastructure qui est indispensable au commerce intérieur et outre-frontière.

    Plus tôt cette année, les Manufacturiers et exportateurs du Canada ont lancé l'initiative Fabrication 20/20, initiative menée par l'industrie et visant à cerner les défis actuels et futurs qui influeront sur l'industrie manufacturière du Canada, y compris les facteurs essentiels au maintien des activités à valeur ajoutée ainsi que des emplois dont la prospérité économique et le niveau de vie de tous les Canadiens sont tributaires. À ce jour, les MEC ont tenu 60 réunions auxquelles ont participé plus de 820 chefs de direction et cadres supérieurs d'entreprises manufacturières de tout le Canada et de toutes les tailles.

    J'ai déposé à l'intention des membres du comité un résumé de nos conclusions préliminaires. J'ai également déposé notre dernier sondage qui porte sur un certain nombre de questions d'une importance cruciale pour notre secteur. Plus de 830 entreprises manufacturières ont participé à cette enquête.

    Une série de 30 réunions réunissant cette fois des manufacturiers et des dirigeants de collectivités se déroulent actuellement à l'échelle du pays et ces réunions ont pour but de coordonner les plans d'action en regard des questions de portée locale soulevées par les manufacturiers.

    Plusieurs thèmes clés ont été cernés à la faveur des discussions tenues dans le cadre de l'initiative Fabrication 20/20. À chaque réunion, les participants n'ont pas manqué de souligner qu'il existe des circonstances propres à chaque collectivité du Canada, mais ces mêmes participants ont aussi fait observer que les manufacturiers et les collectivités du pays partagent des caractéristiques uniques à certains égards. Non seulement les manufacturiers et les collectivités s'entendent sur l'importance de nombre de questions, mais les manufacturiers entretiennent un sentiment d'urgence vis-à-vis de ces questions et conviennent du besoin d'adopter de nouvelles stratégies à la mesure des défis et changements avec lesquels doit composer l'industrie canadienne.

    Cela dit, les Canadiens recherchent avant tout des solutions de portée locale. Il appartient aux manufacturiers eux-mêmes de définir l'avenir de leur secteur ainsi que les mesures qu'ils devront prendre pour soutenir à l'avenir la concurrence mondiale. Ce faisant, ils devront d'abord rechercher l'appui des collectivités locales, mais ils devront aussi pouvoir compter sur un contexte favorable de services d'affaires, sur une infrastructure adéquate ainsi que sur des politiques gouvernementales appropriées aux niveaux provincial, régional et national. Les manufacturiers assureront la croissance de leurs entreprises dans la mesure où les circonstances leur seront les plus favorables pour répondre aux besoins de leurs clients et obtenir des rendements concurrentiels de leurs investissements. Si ce n'est au Canada, ce pourrait être dans un autre pays.

    Il est important de mettre au point de nouvelles stratégies afin de préserver la prospérité économique des Canadiens ainsi que la croissance de l'industrie et du secteur des affaires dont cette prospérité est justement tributaire en cette époque de concurrence et de possibilités globales. Les stratégies d'affaires doivent évoluer et, de fait, elles évolueront. Cette évolution devra en outre s'étendre aux politiques et aux programmes des gouvernements, des écoles du Canada et de nos établissements de recherche, ainsi qu'à nos organisations syndicales et associations d'affaires et à notre secteur des services financiers.

    Pour être fructueuses, les stratégies qui seront ainsi mises au point devront s'appuyer sur de solides fondements. Tout d'abord, elles devront témoigner de l'importance de créer une richesse avant même de songer à partager celle-ci. Des politiques de croissance des affaires sont indispensables au succès de toute démarche visant à répondre aux besoins des Canadiens en matière de soins de santé, d'éducation, d'aide au revenu, voire de tout autre programme de portée sociale.

    Deuxièmement, elles doivent témoigner de l'importance des industries des secteurs primaire et secondaire du Canada pour ce qui est de créer une richesse et elles doivent être particulièrement bien adaptées aux défis et aux changements que l'on constate au sein de ces industries. Ces stratégies doivent accorder une attention particulière aux secteurs d'affaires dans l'industrie automobile, l'aérospatiale, l'industrie des équipements électroniques et de l'automatisation évoluée ainsi que celles, à valeur ajoutée, de l'alimentation et de la transformation des ressources. Toutes ces industries jouent un rôle très important au regard de l'établissement des chaînes d'approvisionnement et des réseaux d'affaires du Canada.

    Ces mêmes stratégies doivent être avant-gardistes tout en demeurant concrètement applicables. Elles doivent être fondées sur les exigences tangibles de la concurrence et de la croissance sur le marché global plutôt que de proposer des théories ou idéologies générales, habituellement non concluantes et toujours déshumanisantes. Elles ne doivent pas être axées sur le choix de quelques gagnants, mais sur l'établissement de changements à l'échelle de tous les secteurs industriels, changements ayant pour but de mettre en place le cadre dont les entreprises canadiennes ont besoin pour soutenir la concurrence et assurer leur croissance. Je pense que ces stratégies doivent mettre l'accent sur les extrants économiques, les besoins commerciaux et les possibilités de croissance des affaires. En d'autres termes, elles doivent favoriser l'instauration d'une philosophie de chaîne d'approvisionnement et tenir compte de ce dont le client a besoin pour réussir.

    Les stratégies en question doivent être intégrées aux buts communs et aux actions concertées engageant les manufacturiers, tous les paliers de gouvernement, tous les paliers du système d'éducation, les centres de recherche, les syndicats et les services financiers. Elles doivent viser à améliorer le climat d'affaires au Canada, à créer davantage de possibilités pour l'industrie canadienne dans le contexte d'un marché nord-américain plus intégré ainsi qu'à accroître l'accès des exportations, des investissements et des partenariats d'affaires canadiens aux autres marchés mondiaux.

    Nous devons viser haut, car notre succès dépendra de notre excellence au niveau mondial. Les Canadiens devraient viser à se donner le revenu le plus élevé par habitant au monde, ainsi que le meilleur pays où vivre. Le secteur manufacturier canadien devrait s'employer à devenir le fer de lance mondial dans les domaines de l'innovation, de l'amélioration de la productivité et de la gestion des affaires. Les clients du monde entier devraient percevoir les entreprises canadiennes comme des composantes intégrales de leur propre succès en affaires. Le Canada devrait s'efforcer de devenir une plaque tournante logistique pour l'Amérique du Nord, de même que le pays où les entreprises préfèrent s'établir, investir, exercer leurs activités de fabrication, recruter leur main-d'oeuvre et connaître la croissance.

    Je crois que nous devons miser sur ce qui est acquis à notre pays soit nos succès en affaires, les compétences de notre main-d'oeuvre, nos capacités de calibre mondial en recherche et innovation, nos ressources et nos forces en logistique. Toutefois, nous devrions nous efforcer de tirer davantage de leçons des meilleures pratiques employées par les autres pays.

    Enfin, ces stratégies doivent se traduire par des mesures concrètes. Il y a eu beaucoup trop de consultations, de rapports, de bonnes intentions et de bonnes idées qui n'ont mené nulle part. Ces stratégies ne seront fructueuses que si elles se traduisent par des changements réels et mesurables. Voilà en définitive le défi que nous devons relever aujourd'hui.

    Au fil des discussions qui ont lieu dans le cadre de l'initiative Fabrication 20/20, les dirigeants des milieux d'affaires et communautaires du Canada ont cerné un certain nombre de facteurs essentiels de réussite dont un bon nombre exige une intervention du gouvernement fédéral. Plus spécifiquement, ces facteurs sont le soutien aux programmes d'éducation, de formation et de développement des compétences, l'amélioration des programmes axés sur le renforcement des possibilités de commercialisation de la recherche, sur les investissements dans les nouvelles technologies ainsi que sur l'appui à la mise au point d'innovations dans la fabrication de produits et dans les processus connexes employés par l'industrie et le besoin urgent d'améliorer la sécurité et le mouvement efficient des marchandises et des voyageurs aux postes frontaliers. Si vous ne pouvez pas faire traverser la frontière aux gens et aux produits, les entreprises ne feront pas d'affaires au Canada.

    Les autres facteurs mentionnés étaient l'ouverture des marchés internationaux aux exportations canadiennes et aux investissements canadiens à l'étranger, l'adoption de règles de commerce équitables et au besoin, d'un mécanisme de financement et d'investissement afin de contrer les subventions et les avantages consentis aux investisseurs par les pays étrangers, le besoin d'améliorer le traitement fiscal des investissements dans le secteur manufacturier, notamment en instaurant des règles d'amortissement accéléré et des crédits d'impôt pour les investissements dans les nouvelles technologies, le maintien d'approvisionnements énergétiques adéquats, sûrs et à prix concurrentiel ainsi que l'accroissement de la capacité de l'infrastructure canadienne de transport et de communications.

º  +-(1605)  

    L'adoption d'une réglementation intelligente constitue un élément important de la mise en place du contexte d'affaires dont les Canadiens et l'industrie ont besoin pour composer avec toutes les nouvelles facettes de l'économie : évolution rapide, concurrence globale et technologies évoluées. Comme le mentionne le rapport sur la réglementation intelligente, les mesures qui peuvent être prises aux fins de réduire les coûts de conformité réglementaire et d'améliorer l'efficience du processus de réglementation devraient également viser à améliorer l'efficacité des exigences de conformité et permettre la redistribution des ressources de façon à raffermir le respect de la réglementation dans les domaines touchant la santé, la sécurité et l'environnement, domaines où les risques sont élevés. Voilà en quoi les recommandations du rapport sont intelligentes. Nous appuyons entièrement l'adoption de mesures qui contribueront à simplifier les exigences réglementaires, à réduire leur bureaucratie, à harmoniser les exigences de conformité, à réduire les dédoublements et les incompatibilités des réglementations, à mettre à jour la législation et à assurer une approche plus coordonnée au regard de la conformité aux règlements et de leur mise en oeuvre à l'échelle des juridictions, y compris avec le principal partenaire commercial du Canada, soit les États-Unis.

    Le besoin de rationaliser les modalités d'approbation des produits et des projets revêt d'autant plus d'importance que la lenteur des processus décisionnels du Canada a déjà commencé à entraver les processus d'innovation et d'investissement. Nous devons veiller à ce que l'atteinte efficace des objectifs réglementaires repose sur le principe de la diligence raisonnable. Pour l'instant, il demeure que le processus actuel exige beaucoup de temps, ce qui nuit directement à l'atteinte des objectifs en question. La lenteur du processus est en définitive une moins-value qu'il nous faut éliminer à tout prix.

    Les recommandations contenus dans le rapport sur la réglementation intelligente ne sont pas nouvelles. Plus d'une douzaine de rapports analogues ont déjà été présentés au sujet des améliorations qui pouvaient être apportées au processus réglementaire du Canada. De fait, il n'y a véritablement rien dans le rapport sur la réglementation intelligente qui ne soit pas déjà prévu par la politique de réglementation existante du gouvernement du Canada. Le problème tient au fait que cette politique ainsi que les recommandations contenues dans ledit rapport et d'autres ne sont pas mises en oeuvre de façon efficace. Pourtant, tout ce dossier est avant tout une question de gestion gouvernementale. Il faut plus que de bonnes intentions pour résoudre le problème. Il doit y avoir une volonté politique, au plus haut niveau, de même que la concertation de tous les ministères et organismes du gouvernement. Il faut mettre en oeuvre de meilleurs systèmes de transparence, d'imputabilité et d'affectation des ressources et ce, également à l'échelle de l'appareil bureaucratique.

    Je vais conclure très rapidement. En ma qualité de coprésident de la Coalition des gens d'affaires sur le recouvrement des coûts, la loi concernant les droits d'utilisation qui a été promulguée par la dernière assemblée législative prévoit des mécanismes appropriés et des exigences juridiques qui garantissent la mise en oeuvre efficace du programme de réglementation intelligente du gouvernement. Cette loi exige que les ministères qui perçoivent des droits d'utilisation au regard de leurs activités réglementaires établissent des normes de service concurrentielles au plan international, qu'ils rendent compte de ces normes de service et des droits perçus au Parlement et qu'ils veillent à ce que les processus voulus soient mis en place aux fins de régler les différends de façon objective. À ces égards, la loi contribue simplement à rendre obligatoire la politique existante du gouvernement en matière de réglementation. En ce qui me concerne, je propose en guise de première étape de la mise en oeuvre de la réglementation intelligente que le Parlement et le présent comité en particulier tiennent les ministères gouvernementaux responsables de l'application des exigences de la Loi sur les droits d'utilisation et ce pour les programmes actuels et futurs de recouvrement des coûts.

    Les Canadiens s'attendent à voir des résultats. Les entreprises ne pourront survivre sans ces résultats. Le défi à relever est donc de transposer les objectifs de la réglementation intelligente en résultats concrets.

    Les MEC mettront un terme à leur initiative Fabrication 20/20 à l'occasion du Sommet de l'industrie manufacturière qui se tiendra à Ottawa, les 7 et 8 février de l'année prochaine. À cette occasion, nous présenterons à tous les Canadiens une nouvelle initiative, Passons à l'action, qui contient des recommandations et des plans d'action détaillés qui résultent des réunions que nous avons organisées aux quatre coins du pays et qui permettront de faire face aux défis et aux changements que devra relever le secteur de la fabrication.

    Nous nous ferons un plaisir de comparaître alors devant votre comité pour vous parler de nos recommandations et de ce que nous ferons pour y donner suite.

    Merci.

º  +-(1610)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Myers.

    Nous allons passer à M. Yussuff, du Congrès du Travail du Canada.

+-

    M. Hassan Yussuff (secrétaire trésorier, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président.

    Au nom du Congrès, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui.

    Le CTC représente plus de trois millions de travailleurs répartis dans presque tous les secteurs de l'économie canadienne. En octobre, le CTC a organisé une grande conférence nationale sur la politique industrielle. Cette conférence poursuivait deux objectifs. Premièrement, nous étions très inquiets des faiblesses structurelles majeures de l'économie industrielle du Canada et des effets potentiels de la hausse rapide du dollar canadien sur les emplois dans l'industrie et sur les villes industrielles. Deuxièmement, nous reconnaissions que le mouvement syndical devait se doter de ses propres politiques pour faire face à l'évolution de la situation. Nous reconnaissons que notre économie industrielle a changé depuis 15 ans et qu'il y a de nouveaux défis à relever tels que l'émergence de la Chine.

    Nous avons dit que nous devions tenir un important débat national sur la politique industrielle et que nous étions prêts à entamer un dialogue avec les employeurs et les gouvernements sur les mesures à prendre pour créer des emplois plus nombreux et meilleurs. Les syndicats doivent jouer un rôle important dans ce débat, car nous représentons plus du tiers de la main-d'oeuvre totale de l'industrie manufacturière et du secteur primaire, de même qu'une proportion beaucoup plus élevée de travailleurs des usines les plus grandes et les plus productives.

    Le Congrès du Travail croit en une économie mixte. Nous avons besoin d'un secteur public solide et d'un secteur privé très productif pour soutenir et créer des emplois bien rémunérés. Pour favoriser la création de richesses et un niveau de vie élevé, notre gouvernement doit intervenir activement dans le secteur des affaires afin de l'orienter et de s'assurer que les décisions des entreprises favorisent le développement économique national et régional ainsi que la création d'emplois. Le marché joue un rôle clé dans la direction que prend notre économie, mais le gouvernement doit veiller à ce que le marché produise les emplois et la vigueur économique que nous voulons.

    Le secteur de la fabrication est un élément essentiel de notre économie puisqu'il représente plus de deux millions d'emplois directs dont le salaire moyen atteint près de 20 $ de l'heure. Le secteur de la fabrication, surtout lorsqu'il est basé sur les ressources, joue un rôle important dans l'économie régionale.

    La principale politique de ces 15 dernières années a consisté à s'en remettre presque entièrement au marché pour le développement de l'industrie en confiant aux entreprises le soin de déterminer et de consolider nos capacités de production. On partait du principe que le libre marché, un allégement du fardeau fiscal et un soutien gouvernemental très limité à la R et D produiraient une base industrielle solide et en pleine expansion. Ce n'est pas ce qui s'est passé.

    Au cours des 15 dernières années, depuis l'ALE, il y a eu des fluctuations dans l'industrie manufacturière. Plus de 300 000 emplois ont été perdus au début des années 90 à cause de l'ALE et du cours très élevé du dollar canadien. Nous avons regagné lentement des emplois au cours de la deuxième moitié des années 90 lorsque le dollar est retombé à des niveaux plus réalistes. Mais nous avons alors assisté à une dégradation de la qualité des emplois à cause des pressions incessantes de la concurrence. Le travail est beaucoup plus stressant pour la plupart des travailleurs et les salaires n'ont pas augmenté au même rythme que la productivité. Les entreprises ont menacé de relocaliser leurs investissements et les emplois pour obtenir des concessions des travailleurs et des syndicats. La plupart des nouveaux emplois dans le secteur de la fabrication ont été créés dans des petites usines non syndiquées et sous-capitalisées qui paient des salaires relativement bas.

    Un bon nombre des vieux problèmes de notre économie industrielle existent encore. Nous dépendons beaucoup trop de l'exportation de nos matières premières et nous n'avons pas suffisamment d'industries modernes, hautement productives et axées sur le savoir.

    Dans les années 80, quand s'est amorcé le grand débat national sur le commerce extérieur, tout le monde reconnaissait que le secteur de la fabrication était aux prises avec de graves problèmes. Nous avions quelques secteurs très prospères comme ceux de l'automobile et des télécommunications qui devaient leur succès à d'anciennes politiques industrielles qui avaient donné de bons résultats. Mais par rapport aux autres pays industrialisés, nous dépendions beaucoup trop de l'exportation de matières premières. Dans les secteurs comme l'industrie forestière, l'industrie minière et l'énergie, nous ne transformions pas suffisamment nos matières premières avant de les exporter. Nous n'avions pas un solide secteur du matériel et de l'outillage et très peu d'entreprises investissaient beaucoup dans l'innovation, la recherche et le développement ainsi que la R et D et la formation. Par rapport aux États-Unis, nous avions trop de petites usines relativement improductives.

    Il est décevant de voir que la situation ne s'est pas tellement améliorée. Aujourd'hui, les produits à base de ressources naturelles et les matières premières industrielles constituent toujours près de la moitié de nos exportations. L'énergie est devenue encore plus importante que par le passé. Les mégaprojets énergétiques créent certainement quelques bons emplois, mais ils exigent énormément de capitaux et ne créent que relativement peu d'emplois. Leur impact environnemental à long terme soulève également des questions.

    Notre productivité ou production horaire est moins bonne qu'aux États-Unis dans le secteur de la fabrication et notre structure industrielle ne s'est pas beaucoup améliorée. Nos travailleurs travaillent fort, mais dans des entreprises qui n'investissent pas suffisamment dans le matériel et l'outillage et pas suffisamment non plus dans la R et D, l'innovation et la formation de la main-d'oeuvre. Le capital investit par travailleur canadien dans le secteur de la fabrication est tombé de 71 p. 100 du niveau américain en 1995 à 60 p. 100 seulement en 2000. Les entreprises canadiennes investissent moitié moins que les entreprises américaines dans la R et D. Elles dépensent encore moins pour la formation de la main-d'oeuvre.

º  +-(1615)  

    Aujourd'hui, les profits des sociétés avant-impôt atteignent un niveau record par rapport au revenu national alors que l'investissement des entreprises dans de nouvelles usines et de l'équipement est loin d'avoir suivi le même rythme. Nous nous situons nettement derrière des pays novateurs comme la Suède et la Finlande pour ce qui est de l'investissement privé et public dans la R et D des compétences.

    Notre économie industrielle ne repose pas sur les bonnes industries. Dans le domaine de l'automobile et de l'aérospatiale, de la sidérurgie, du bois, des pâtes et papiers et de l'exploitation minière, nos industries sont toutes aussi productives que les industries des États-Unis et des autres pays, mais nous n'avons pas suffisamment d'industries à très forte productivité, basées sur le savoir et utilisant beaucoup d'outillage et d'équipement. Nous vendons des matières premières à la Chine et aux pays en développement, mais nous vendons trop peu de produits transformés. Nous sommes également déficients en ce qui concerne un grand nombre d'industries de services importantes. Nous n'élargissons pas la base industrielle dont nous avons besoin pour conserver et créer des emplois bien rémunérés dans un monde en pleine transformation. Ces faiblesses deviendront encore plus évidentes maintenant que nous n'avons plus un dollar faible pour nous protéger. Si le dollar se maintient à son niveau actuel, nous risquons de voir le carnage du début des années 90 se répéter et l'émergence rapide de la Chine comme puissance industrielle sur le marché mondial représente un sérieux problème à long terme.

    Enfin, l'avantage concurrentiel du Canada dans un monde où abonde une main-d'oeuvre peu coûteuse et de plus en plus qualifiée, l'avantage du Canada par rapport à la concurrence repose sur deux atouts. Les industries extractives resteront chez nous parce que c'est là que se trouvent les ressources naturelles et elles sont très importantes. À part cela, en supposant que le Canada restera très ouvert au commerce mondial, nous devrons produire des biens et des services qui se vendront à des prix décents sur les marchés mondiaux parce qu'ils sont uniques ou de très haute qualité. Cela exige d'importants investissements dans la R et D de nouveaux produits, dans de l'outillage et de l'équipement perfectionnés, de même que dans l'éducation et la formation de la main-d'oeuvre.

    Que devrions-nous faire mieux? Je dirais que la solution n'est pas une réduction d'impôts à plus grande échelle. Le taux d'imposition des sociétés a été réduit du quart l'année dernière. Nos taux d'imposition sont au moins comparables aux crédits d'impôt américains pour la R et D qui sont les plus généreux au monde. Les impôts ne sont qu'un des critères qui déterminent la décision d'investir d'une entreprise.

    À notre avis, il faudrait beaucoup plus de mesures ciblées pour soutenir l'investissement dans la création d'emplois. L'appui que le gouvernement a récemment apporté à un investissement important dans l'industrie automobile va créer et protéger de nombreux nouveaux emplois pour un coût nettement moindre que toute autre réduction de l'impôt sur les sociétés. Nous approuvons l'appui gouvernemental stratégique aux investissements privés et importants qui protégeront et élargiront notre base industrielle. Des programmes comme Partenariat technologique Canada devraient être mis à la disposition d'un vaste éventail d'industries.

    Sur le plan fiscal, nous ne voyons pas d'objection à ce qu'on soutienne l'investissement véritable des sociétés dans de nouvelles usines et de nouveaux biens d'équipement grâce aux taux d'amortissement appropriés, mais nous voyons des objections à ce qu'on accorde une réduction d'impôt supplémentaire aux banques.

    Les syndicats veulent participer à l'élaboration des stratégies industrielles sectorielles. Des syndicats comme les TCA, dans le secteur de l'automobile, le SCEP dans le secteur de l'énergie et des forêts, les Métallurgistes unis d'Amérique dans le secteur de l'acier ont de bonnes idées au sujet de nos forces, de nos faiblesses et de ce qu'il faudrait faire pour protéger les emplois et en créer de nouveaux. Nous avons des experts de la formation au sein des conseils sectoriels et nous voulons que le gouvernement fasse participer les syndicats de plus près à sa stratégie de développement de l'industrie.

    D'autre part, nous devons examiner l'importance de l'investissement public et pas seulement privé comme source d'augmentation de la productivité et de meilleurs emplois. Des études montrent que l'investissement public dans l'infrastructure des transports, par exemple, peut être très rentable sur le plan économique. C'est vrai pour l'investissement public dans l'éducation et dans la recherche universitaire. Quand les entreprises font de gros profits mais investissent peu, il est loin d'être évident que les baisses d'impôt rapportent plus que des investissements publics importants.

    Le CTC a récemment mis en lumière une sérieuse lacune dans l'économie dite du savoir et c'est le manque de possibilités de formation pour les salariés. Les employeurs assurent surtout la formation des cadres et des professionnels, mais les compétences des travailleurs ordinaires sont toutes aussi importantes pour notre prospérité future. Nous demandons un congé d'éducation et de formation financé par l'assurance-emploi afin que les travailleurs puissent prendre quelques mois de congé, en touchant des prestations, pour améliorer leurs compétences. Nous voulons des programmes pilotes, par exemple dans le secteur de la fabrication, qui permettront de s'assurer que les congés de formation payés répondent aux besoins des travailleurs et des employeurs.

    Nous devons aussi réfléchir très sérieusement à la façon dont les stratégies industrielles nous conduiront à une économie beaucoup plus viable sur le plan de l'efficacité énergétique et de l'environnement. Nous devons prendre au sérieux la conservation de l'énergie et les énergies renouvelables. Nous devons créer des dizaines de milliers de nouveaux emplois dans toutes sortes de domaines allant de la réhabilitation thermique des immeubles aux procédés industriels en passant par la mise au point et la production d'automobiles, d'électroménager et d'outillage à plus grande efficacité énergétique, et la mise au point de nouvelles formes de production d'énergie comme l'énergie éolienne et solaire.

º  +-(1620)  

    En prenant la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto beaucoup plus au sérieux, nous pourrons avancer beaucoup plus loin et beaucoup plus vite que les États-Unis et développer le genre de capacité industrielle qui sera en demande à l'avenir.

    Pour conclure, je suis prêt à répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci, monsieur Yussuff.

    Monsieur Whyte, allez-vous parler au nom de la FCEI?

+-

    M. Garth Whyte (vice-président exécutif, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Nous allons le faire tous les deux. Nous ne dépasserons pas 10 minutes.

    Merci, monsieur le président, et merci de nous avoir invités. Je tiens à féliciter les membres du comité d'être venus. Nous l'apprécions. Nous savons combien vous êtes occupés.

    Plusieurs d'entre nous ont comparu devant le Comité des finances, mais nous étions plus nombreux que les membres du comité. Il est donc agréable de vous voir ici.

+-

    M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC): Maintenant vous savez quel est le meilleur comité.

+-

    M. Garth Whyte: Oui, continuez comme ça.

    Je m'appelle Garth White. Je suis le vice-président exécutif de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Voici mon collègue, André Piché, qui est responsable des affaires nationales au sein de notre organisme.

    Nous vous avons remis de la documentation. Il y a quatre documents : une série de graphiques que nous allons vous présenter, le Baromètre trimestriel des affaires, que je vais mentionner, un simple résumé du mémoire prébudgétaire que nous allons remettre au ministre, M. Goodale, et que nous avons présenté au Comité des finances ainsi que « Stimuler la croissance économique et l'entrepreneurship : un plan en 12 points ». Tous ces documents se trouvent dans votre documentation, en français et en anglais. C'est dans notre site Web, mais nous mettons à la disposition du comité de très nombreux rapports qui se fondent sur des milliers d'enquête. Nous vous remettrons tous les documents dont votre comité aura besoin.

    Chaque semaine, nous entendons d'éminents économistes faire des prédictions au sujet des perspectives économiques du Canada. La semaine dernière, nous avons lu dans le journal que plusieurs experts économiques avaient révisé leurs prévisions à la baisse compte tenu des résultats du premier et du deuxième trimestres que Statistique Canada avait publié la veille, et de la valeur du dollar.

    Bien entendu, il est important d'écouter leur opinion, mais je crois tout aussi important d'écouter celles de chefs d'entreprise comme Gord Wiebe, qui a fondé All Weather Windows, il y a 25 ans. Gord a lancé son entreprise il y a un quart de siècle avec neuf employés et aujourd'hui, il emploie 600 personnes un peu partout au Canada. Gord ne connaît peut-être pas grand-chose à l'économie, mais il connaît bien sa propre entreprise, ses propres attentes quant à la croissance de ses affaires et ses intentions d'embauche.

    Nous voudrions parler aujourd'hui de l'importance que les petites et moyennes entreprises revêtent pour l'économie canadienne. Nous voulons parler des perspectives économiques des propriétaires de petites entreprises et nous soulignerons seulement deux problèmes, soit les formalités administratives et la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.

    Avant de passer au graphique suivant, je crois important de le situer dans son contexte et notre contexte commence le 11 septembre 2001. C'était un jour terrible. Nous avons vu les Twin Towers s'effondrer et l'économie s'est effondrée en même temps. À l'époque, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante s'est demandée ce qu'elle pouvait faire et comment elle pouvait jouer un rôle utile.

    Nous comptons 105 000 propriétaires d'entreprises répartis aux quatre coins du pays. Nous visitons 4 500 petites entreprises par semaine d'un bout à l'autre de l'année. Nous avons pensé que nous devions demander à nos membres quelles étaient leurs attentes vis-à-vis de l'économie et comment les choses allaient pour eux. Comme ils lisent également les nouvelles et qu'ils regardent aussi la télévision, ils étaient très inquiets, ce qui n'a rien d'étonnant, mais ils se sont progressivement calmés. Leurs perspectives se sont améliorées. Nous avons rencontré M. Dodge, le gouverneur de la Banque du Canada qui nous a posé des questions au sujet de nos petites entreprises, que ce soit des chambres d'hôtes, des petites entreprises de fabrication, des entreprises régionales, etc.

    Nous avons également rencontré le ministre des Finances, qui était alors M. Martin. Nous avons rencontré le Comité des finances. Puis je me souviens qu'en mars 2002, nous avons rencontré plusieurs associations de grandes entreprises et tout le monde parlait des difficultés économiques et de la situation déplorable de l'économie. Je me souviens d'avoir discuté avec mes collègues et que nous hésitions à publier nos chiffres, mais nous l'avons fait.

    Le jour même où Nortel supprimait 15 000 emplois, nous avons publié notre étude qui disait que les propriétaires de petites entreprises s'apprêtaient à combler entre 250 000 et 300 000 emplois. Mais en fait, nous nous trompions. C'est 500 000 emplois qui ont été créés et l'économie canadienne a surpassé l'économie américaine. Alors que tous les autres disaient que l'économie était en perte de vitesse, nos membres déclaraient qu'elle s'améliorait et nous avons constaté que les deux camps avaient raison, tant les grandes entreprises que les petites.

    À notre avis, il y a deux économies parallèles : il y a l'économie du marché boursier et il y a l'économie non cotée en bourse. C'est de cette dernière dont je veux vous parler, car si l'économie du Canada s'est si bien tirée d'affaire—et il ne faut pas l'oublier—ce n'est pas grâce à Nortel ou grâce à Enron, mais grâce aux PME. Elles ont joué un rôle important dans notre économie.

    Si vous prenez le deuxième graphique, à la page 1 du document, vous pourrez voir que la majorité des entreprises du Canada, plus de 95 p. 100, comptent moins de 50 employés. Mais à la page suivante, et cela montre ce qui se passe quand vous voulez moderniser nos stratégies économiques et industrielles… On voit comment l'économie a changé depuis 10 ans ou même depuis 20 ans.

    Comme vous pouvez le constater ici, 55 p. 100 de la totalité des emplois se trouvent maintenant dans le secteur de la PME. Les PME représentent 45 p. 100 du PIB et on leur doit la quasi-totalité de la création nette de nouveaux emplois dans notre économie. Les petites entreprises sont importantes parce qu'elles restent dans la collectivité, c'est là qu'elles créent des emplois et elles aident leur collectivité à croître.

º  +-(1625)  

    Je vais me reporter à notre Baromètre trimestriel des affaires. Nous avons un indicateur, un indice, qui figure au graphique 4 et qui se base sur notre année de référence. Nous établissons cet indice depuis 1988 et il correspond aux attentes de nos membres à l'égard de leur propre entreprise.

    Notre enquête la plus récente a eu lieu entre le 7 et le 17 septembre de cette année et a été faite auprès d'un échantillon, choisi au hasard, de 2 300 répondants. Comme vous pouvez le voir, nous avons prédit qu'au cours du troisième trimestre il y aurait une reprise de l'économie.

    Si vous passez à la page suivante, je vous rappelle que notre baromètre, notre indice est en bleu et que le PIB est en jaune. Les deux courbes sont pratiquement identiques. Il s'agit d'un excellent indicateur, non pas d'un prédicteur, mais d'un indicateur de ce qui se passe dans l'économie. Statistique Canada a peut-être besoin de deux ou trois trimestres pour fournir des données, tandis que nous pourrons vous donner une assez bonne idée de la situation dès la semaine prochaine, quand nous publierons notre prochain baromètre trimestriel, qui est d'ailleurs repris par Bloomberg. Nous allons le publier la semaine prochaine, le 15 décembre.

    Notre indice suit le PIB de très près et cela montre le pouvoir de deux économies. Ce sont les canaris de l'économie. Notre organisation le ressent également. La première chose qui se passe lorsque la situation va mal c'est que nos membres ne paient plus leurs frais d'adhésion. Après le 11 septembre, nos membres ont continué à payer leurs frais d'adhésion, ils ont tenu le coup et l'économie canadienne s'est bien portée.

    Je dois dire que le discours du Trône nous donne l'impression d'avoir été oubliés. Même chose pour la mise à jour économique. Aucune mention n'a été faite du rôle que la petite entreprise joue dans la création d'emplois. Nous nous sentirions vraiment laissés de côté si votre comité n'avait pas au moins reconnu notre existence.

    Dans notre enquête du 7 au 17 septembre, nous avons demandé de nouveau à nos membres quelles étaient leurs attentes et vous pouvez voir que le sixième graphique présente trois catégories de résultats. La barre rouge correspond à la performance actuelle par rapport à celle d'il y a 12 mois, la barre verte aux attentes pour les trois prochains mois et la barre bleu, aux attentes pour les 12 prochains mois.

    Les chefs d'entreprise sont d'éternels optimistes, mais comme vous pouvez le voir, 50 p. 100 d'entre eux estiment que leur entreprise sera plus forte au cours des 12 prochains mois, 37 p. 100 s'attendent à ce qu'elle reste stable et 13 p. 100 à ce qu'elle soit plus faible. Qu'est-ce que cela veut dire?

    Le graphique suivant porte sur leurs plans d'emploi qui se sont révélés un excellent prédicteur. Encore une fois, on peut toujours demander à la FCEI ou à une grande organisation ce qu'elle pense de l'économie, mais quand vous demandez à un chef d'entreprise quels sont ses plans d'emploi, c'est lui l'expert. Environ 28 p. 100 des répondants ont dit qu'ils créeraient davantage d'emplois à plein temps, 8 p. 100 seulement ont dit qu'ils diminueraient le nombre d'emplois et 65 p. 100 ne prévoyaient aucun changement.

    J'ai glissé ce graphique concernant l'incidence de la valeur du dollar canadien sur les petites et moyennes entreprises parce que je m'attendais à ce que nous parlions du dollar. Nous avons demandé à nos membres quel serait l'impact du dollar canadien sur leur entreprise. Cinquante pour cent des répondants ont dit qu'ils l'ignoraient ou que cela n'aurait aucune incidence, 29 p. 100 pensaient qu'un dollar plus faible les aiderait et 21 p. 100 qu'un dollar plus fort les aiderait. Je suppose que tout dépend de votre situation. Mais ça dépend surtout du secteur dans lequel vous êtes. Cela dépend aussi de la rapidité avec laquelle le dollar augmente et pas seulement de son niveau. Si vous êtes dans le camionnage, que vous avez signé un contrat et que le dollar augmente au-delà de ce contrat, vous allez subir une perte.

    Le tableau suivant porte sur les principaux facteurs commerciaux ayant eu une incidence sur la performance. Nous avons demandé à nos membres quels avaient été, au cours des 12 derniers mois, les facteurs qui avaient contribué à l'amélioration ou à la détérioration de leurs résultats. Vous pouvez constater que les résultats diffèrent d'une catégorie à l'autre : en ce qui concerne la demande de la clientèle, de nombreux répondants ont dit qu'elle s'était améliorée, mais un bon nombre ont dit qu'elle s'était dégradée. Les taux d'intérêt ne sont pas non plus un facteur important.

    Il y a toutefois d'importants facteurs qui ont été cités dans l'ensemble du pays. Le premier, comme nous l'avons mentionné au comité avant les élections, était les primes d'assurance. Il y avait aussi le prix des intrants, notamment le prix de l'énergie qui a eu un effet négatif sur les perspectives économiques.

º  +-(1630)  

    Je vais faire un peu de publicité avant de céder la parole à André. Nous avons reçu 30 000 fax—nous en recevons 500 000 par semaine—sur le coût de l'assurance, c'est-à-dire la disponibilité des assurances, la hausse des primes et l'insuffisance de l'information fournie par les assureurs. Nous avons demandé à votre comité de se pencher sur la question afin d'établir quelles sont les raisons pour lesquelles nous sommes peut-être mal assurés, de façon à ne pas répéter les mêmes erreurs. Je ne vois pas pourquoi nous n'étudions pas la question. Nous vous exhortons vraiment à le faire.

    André, je vais vous céder la parole.

º  +-(1635)  

+-

    M. André Piché (directeur, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci.

    Je vais être bref, monsieur le président.

    En 2002, MEC, la FCEI et RBC Groupe financier ont fait faire une étude que je vais déposer au comité. Il s'agit d'une enquête menée auprès de 800 propriétaires de petites entreprises du Canada et de 400 propriétaires d'entreprises des États-Unis qui comparait leur attitude vis-à-vis de l'économie et leur esprit d'entreprise. Les trois conclusions de cette étude étaient que les propriétaires de petites entreprises du Canada étaient tout aussi entreprenants que les Américains. Des deux côtés de la frontière les PME sont dynamiques et novatrices d'après un certain nombre d'indices. Enfin, les principaux problèmes auxquels les propriétaires de petites entreprises sont confrontés sont à peu près les mêmes qu'ils se trouvent du côté américain ou canadien de la frontière.

    Le graphique 10 souligne une différence importante. Si vous prenez le premier graphique, il montre que les obstacles que perçoivent les propriétaires de petites entreprises du Canada sont beaucoup plus importants que ceux que perçoivent leurs homologues des États-Unis.

    Nous avons creusé un peu en enquêtant auprès de nos membres et les graphiques 11 et 12 montrent quelle est l'opinion de ces derniers quant aux mesures gouvernementales qu'ils jugent prioritaires.

    La diapositive numéro 11 montre, comme vous pouvez le voir, que la principale préoccupation de nos membres est le fardeau fiscal global. Je ne m'attarderai pas beaucoup sur ce sujet. Nous avons déjà formulé nos recommandations à cet égard dans notre trousse d'information, mais c'est bien sûr un thème qui revient constamment.

    Je soulignerais, à propos de ces deux diapositives, que la réglementation et les formalités administratives sont deux sujets de préoccupation très importants, de même que la disponibilité de main-d'oeuvre qualifiée. Et ce sera mon prochain sujet.

    La treizième diapositive montre les résultats d'une enquête qui a été réalisée dans les provinces des Prairies et en Colombie-Britannique. On peut voir que 14 p. 100 des répondants passent six à neuf heures par semaine à remplir de la paperasserie et que 10 p. 100 y consacrent plus de 10 heures par semaine. Cela montre que nous avons là un sérieux problème auquel il faudrait remédier. Quand nous parlons d'une réglementation intelligente, c'est à ce niveau-là qu'il faut agir en ce qui concerne les propriétaires de petites entreprises.

[Français]

    Le graphique 14 donne le résultat d'une étude que nous avons faite au Québec sur les coûts annuels de la conformité réglementaire. Le résultat est à peu près le même que ce qu'on a vu pour l'OCDE et dans une étude qui a été faite aux États-Unis. Cette étude montre que le coût est énorme pour une petite entreprise comparativement à une très grosse entreprise. C'est encore un signe qu'il faut agir rapidement.

    Au graphique 15, il est question de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. On constate que la préoccupation au sujet de la pénurie de main-d'oeuvre a atteint un niveau très élevé. C'est une chose que nous avons mesurée pendant plusieurs des années et qui constitue une grande préoccupation pour les membres de notre fédération.

[Traduction]

    Comme Garth l'a déjà mentionné, nous avons constaté que 265 000 postes n'avaient pas pu être comblés et c'est ce que montre le graphique 16. En fait, un membre sur quatre nous a dit qu'il avait eu des postes vacants, mais qu'il n'avait pas pu les combler. De plus, un grand nombre de ces emplois sont restés vacants pendant plus de quatre mois.

    Dans le graphique suivant nous voyons là aussi ce dont Garth a parlé en ce qui concerne la croissance de l'emploi. Autrement dit, les prévisions pour les trois prochaines années sont optimistes, mais un grand nombre de nos membres nous disent avoir de plus en plus de difficulté à trouver la main-d'oeuvre qualifiée dont ils ont besoin. C'est donc là un défi à relever pour le gouvernement, mais également la possibilité de faire quelque chose étant donné que nous avons toujours plus de 7 p. 100 de chômage au Canada.

    Pour conclure, je crois que le secteur de la PME est le principal moteur de croissance au Canada, comme l'a dit le ministre des Finances. Dans notre mémoire, nous mettons l'accent sur deux questions qui sont vraiment importantes pour le secteur de la PME au Canada et nous estimons que toute mesure qui sera prise devra rendre le climat plus propice à l'innovation et à l'esprit d'entreprise pour les propriétaires des PME du Canada.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Piché.

    Je vais commencer par Werner. Je vais également veiller à ce que les limites de temps soient respectées afin que tout le monde ait la parole. Nous avons déjà bien commencé sur ce plan-là.

+-

    M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'espère que nous allons commencer du bon pied afin que nous puissions tous profiter de cet échange, car je crois que nous nous intéressons tous beaucoup à cette question.

    Je tiens à remercier nos témoins de cet après-midi. Il est très agréable de vous rencontrer.

    Et ne soyez pas tant sur la défensive, Garth. Vous êtes ici. Vous pouvez vous sentir important, car vous l'êtes.

º  +-(1640)  

+-

    M. Garth Whyte: Merci beaucoup.

+-

    M. Werner Schmidt: Je pense que c'est une bonne chose.

    Je voudrais poser une question à Jayson Myers. C'est au sujet du deuxième paragraphe à la dernière page de votre mémoire. Vous dites qu'en votre qualité de coprésident de la Coalition des gens d'affaires sur le recouvrement des coûts… Vous parlez de la loi concernant les droits d'utilisation qui assure une mise en oeuvre efficace du programme de réglementation intelligente du gouvernement. Je ne sais pas si vous rêvez en technicolor ou si je n'ai pas bien compris ce que vous voulez dire. Pourriez-vous expliquer exactement ce que vous voulez dire?

    Une des raisons pour lesquelles notre comité vous a demandé de comparaître ainsi qu'à Garth et au Congrès du Travail du Canada, c'est pour avoir l'opinion de l'ensemble du secteur. L'industrie manufacturière représente un élément très important de notre économie. Les petites entreprises contribuent davantage à la création de nouveaux emplois que tout autre secteur de l'économie. Les représentants des syndicats sont là pour nous donner leur point de vue.

    Nous n'avons vu aucune preuve de la mise en oeuvre efficace du rapport sur la réglementation intelligente. Une des raisons pour lesquelles notre comité se penche sur la question c'est que, nous avons constaté que, dans tous les secteurs—peu importe où nous sommes allés—la réglementation représente un fardeau si lourd qu'elle cause de sérieux problèmes. L'autre problème est celui de la fiscalité.

    Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire dans ce paragraphe.

+-

    M. Jayson Myers: En fait, je dirais que nous n'avons pas constaté non plus la moindre preuve d'une mise en oeuvre efficace de ce programme.

+-

    M. Werner Schmidt: C'est bon à entendre. En fait, non, mais au moins nous ne sommes pas…

+-

    M. Jayson Myers: Je voulais faire valoir qu'une mise en oeuvre efficace de la loi concernant les droits d'utilisation, qui s'applique aux droits exigés par un ministère, serait un bon point de départ pour assurer une mise en oeuvre efficace du programme de réglementation intelligente.

+-

    M. Werner Schmidt: Voilà qui est très bien expliqué. Je suis d'accord avec cette explication.

    L'autre question que je voulais vous poser concerne le rapport 20/20. Il doit sortir en février si bien que vous avez environ trois mois d'avance.

+-

    M. Jayson Myers: Nous avons distribué le rapport provisoire. C'est le rapport sur les principaux problèmes que les fabricants ont soulevés. Le rapport final sera publié les 7 et 8 février.

+-

    M. Werner Schmidt: Monsieur le président, le fait que les trois secteurs soient représentés ici cet après-midi est d'autant plus intéressant qu'ils sont tous les trois d'accord en ce qui concerne la réglementation intelligente, la lourdeur de la réglementation et la bureaucratie. Il y a aussi la question de la fiscalité.

    Le représentant du Congrès du Travail du Canada a laissé entendre que l'impôt sur les sociétés avait déjà été suffisamment réduit, mais nous constatons que les investisseurs disent ne pas être suffisamment incités à investir leur argent. Je me demande donc si Garth, Jayson et M. Yussuff pourraient nous parler de cette question. Ce problème revient presque aussi souvent sur le tapis que la lourdeur de la réglementation.

    Voyons si nous pouvons nous entendre sur ce qu'il faudrait faire pour mettre en place la politique industrielle qui donnera au Canada la place qui lui revient face à la concurrence mondiale.

+-

    M. Jayson Myers: Je pourrais peut-être commencer.

    Aujourd'hui, Statistique Canada a publié un rapport sur l'investissement dans la nouvelle technologie et le stock de capital. Ce rapport montre que, du moins dans le secteur de la fabrication, depuis dix ans, le taux d'investissement n'a pas été suffisant pour compenser la dépréciation du stock de capital. La valeur actuelle de la technologie dont nous disposons dans le secteur de la fabrication est en baisse. La situation est très différente aux États-Unis. C'est une des principales raisons pour lesquelles la croissance de notre productivité a été très lente et pourquoi l'écart entre le Canada et les États-Unis à cet égard s'est élargi.

    Je suis donc d'accord. Comme l'a dit Hassan, un des principaux problèmes à résoudre est de trouver le moyen d'attirer, de conserver et d'augmenter l'investissement dans ce secteur très important de l'industrie canadienne. Le taux d'investissement accuse un retard, surtout chez les petits fabricants où il est encore plus faible que chez les grands manufacturiers.

    Nos taux d'imposition nominaux semblent concurrentiels, mais si vous prenez le taux d'imposition effectif ou le montant d'impôt que paie réellement le secteur de la fabrication par rapport à ses revenus totaux, le taux est d'environ sept points de plus au Canada qu'aux États-Unis, en moyenne.

    À mon avis, deux problèmes se posent. D'abord, comment accélérer le remplacement de la technologie existante? Je crois qu'un amortissement accéléré aurait un effet incitatif. Les règles concernant l'amortissement accéléré qui sont en vigueur au Canada…il faut compter environ quatre ans de plus, environ 50 p. 100 plus longtemps pour amortir l'équipement de fabrication et de transformation au Canada que ce n'est le cas aux États-Unis. Nous estimons qu'il s'agit d'une priorité.

    Ensuite, si vous voulez stimuler l'investissement dans la technologie pour compenser l'écart dans le taux d'imposition marginal effectif entre le Canada et les États-Unis, un moyen très efficace d'y parvenir est d'accorder un crédit d'impôt à l'investissement qui comblera cet écart. Ainsi, vous récompenserez le rendement.

    Je crois que des arguments très convaincants militent en faveur de ces deux mesures.

º  +-(1645)  

+-

    Le président: Merci, Jay.

    Monsieur Jackson, et ce sera ensuite M. Whyte.

+-

    M. Andrew Jackson (économiste principal , Congrès du travail du Canada): Brièvement, en ce qui concerne la fiscalité, je suis d'accord avec presque tout ce qu'a dit Jayson. Il est frappant, dans le cas du Canada, que l'investissement des sociétés dans l'outillage et l'équipement en particulier, mais aussi dans la R et D et la formation accuse un retard important par rapport aux États-Unis. C'est un sérieux problème.

    Je crois que nous pouvons comprendre l'argument du secteur manufacturier selon lequel, lorsqu'il investit des sommes importantes dans de l'outillage, de l'équipement ou de nouvelles usines, le rythme auquel le régime fiscal permet d'amortir cet investissement devrait au moins correspondre à la durée économique de l'équipement. Nous ne voyons pas d'objection à ce que la fiscalité aide les entreprises qui font de véritables investissements qui vont protéger les emplois et aider à en créer.

    Par contre, nous ne sommes peut-être pas d'accord quant à la mesure dans laquelle les baisses générales de l'impôt sur les sociétés permettent d'atteindre cet objectif. Le fait est que le taux d'imposition général des sociétés a été réduit de 28 p. 100 à 21 p. 100, mais que cela ne semble pas avoir eu beaucoup d'effets sur le niveau d'investissement. Quand on y réfléchit, si vous réduisez le taux d'imposition général des sociétés, vous accordez une importante concession fiscale à des secteurs de l'économie qui sont très peu exposés à la concurrence internationale.

    Par conséquent, au nom de la compétitivité internationale, nous avons largement réduit les impôts des banques qui sont très bien protégées contre les prises de contrôle étrangères. Les banques étrangères sont soumises à de nombreuses restrictions sur le marché canadien. Cela se traduit par une perte importante de recettes fiscales sans améliorer l'investissement réel dans le secteur manufacturier.

    Je dirais que nous verrions d'un bon oeil des mesures fiscales visant à stimuler les investissements réels, mais que l'argument en faveur d'une baisse d'impôt générale ne tient pas.

    Enfin, il faudrait examiner les mesures de soutien ciblées qui pourraient être prises. Si vous prenez les mesures récemment prises pour stimuler d'importants investissements dans l'industrie automobile, vous pouvez être certains que cela sera très rentable. Chaque dollar déboursé par le gouvernement pour soutenir ces investissements va servir directement à créer des emplois. En fait, il s'agit de rentabiliser les dépenses publiques.

+-

    Le président: Monsieur Whyte.

+-

    M. Garth Whyte: Merci.

    Nos membres n'investissent pas seulement dans de l'équipement, ils investissent dans des gens et les réductions d'impôt qu'ils souhaitent en témoignent. Lorsqu'une grande entreprise doit sabrer dans son budget, elle réduit son personnel. Les petites entreprises ne réduisent pas leur personnel, mais leurs frais généraux. Cela a été démontré.

    Nous allons bientôt publier, probablement au cours de la nouvelle année, une étude fiscale qui porte sur des sujets différents. C'est repris en partie dans notre mémoire prébudgétaire que nous allons vous remettre.

    Nous avons demandé aux propriétaires de petites entreprises quelles étaient leurs priorités en ce qui concerne les réductions d'impôt. Leur première priorité était l'impôt sur le revenu des particuliers. La deuxième était les taxes sur le carburant et les autres taxes parce que leurs coûts d'énergie sont trop élevés. En troisième lieu venaient les cotisations d'assurance-emploi. Nous ne trouvons pas normal de voir l'excédent de la caisse d'assurance-emploi continuer de grossir et servir à renflouer des entreprises comme Bombardier et General Motors. Nos membres n'approuvent pas les subventions à l'entreprise.

    Quand nous avons demandé à nos membres quelles étaient leurs priorités en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers, ils ont dit qu'ils souhaitaient une réduction générale des taux d'imposition et, deuxièmement, une augmentation de l'exemption de base. C'est assez étonnant, mais c'est ce que disent les propriétaires des petites entreprises.

    Quand nous leur avons demandé quelles étaient leurs priorités en ce qui concerne la réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés, ils nous ont dit qu'il faudrait d'abord porter à 400 000 $ le seuil des petites entreprises.

    Le problème au Canada est que nous avons deux à trois fois moins d'entreprises de taille moyenne… Nous devons permettre à nos petites entreprises de devenir des entreprises de taille moyenne comme celle de Gord Wiebe, mais il y a des obstacles et des seuils qui nous en empêchent.

    En ce qui concerne la réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés, nos membres veulent que le seuil des petites entreprises soient porté à 400 000 $, ce que font actuellement de nombreuses provinces. Ils demandent une réduction du taux des petites entreprises, une augmentation de la déduction pour amortissement et l'élimination de la surtaxe des sociétés qui visait à réduire un déficit qui n'existe plus. Enfin, seulement le tiers des répondants ont demandé une réduction du taux d'imposition des sociétés. C'était leur cinquième choix. Ce ne sont là que quelques résultats.

    Nous en avons d'autres, mais nous vous en fournirons le contexte.

º  +-(1650)  

+-

    Le président: Merci, Werner.

    Nous allons passer à Serge.

[Français]

+-

    M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Merci, monsieur le président.

    Messieurs, bonsoir. Il est évidemment très intéressant de voir les orientations qu'on veut bien se donner et l'optimisme que vous démontrez. Vous l'aviez peut-être fait avant mon arrivée, mais depuis que je suis ici, vous n'avez pas beaucoup parlé de mondialisation et de la façon dont les affaires sont faites aujourd'hui. Cependant, à travers tout cela, vous avez semblé dire que vous étiez passablement optimistes quant à la capacité des entreprises manufacturières et des petites entreprises qui, elles, créent la majorité des emplois.

    Il reste que, relativement aux point que vous souleviez tout à l'heure, certains disaient qu'il faut donner une valeur ajoutée à nos ressources naturelles. On sait très bien que, dans le marché international, c'est un élément important au niveau de la main-d'oeuvre. Plusieurs pays ne nous dépassent pas en termes de coûts de la main-d'oeuvre. Par ailleurs, leur main-d'oeuvre est beaucoup moins élevée. Quand on se penche sur les priorités sur le plan de la fiscalité ou en matière de productivité, on voit souvent des choses comme la réduction des charges sociales, par exemple, ce qui, quand on essaie d'augmenter l'innovation et la productivité, est aussi en lien direct avec les salaires. Dans un marché intérieur, il y a des éléments, bien sûr, qu'on peut facilement identifier et améliorer. Cependant, dans un marché extérieur--puisqu'on sait que les exportations sont importantes--, on doit confronter la Chine, par exemple, ou d'autres pays qui avancent à pas de géant et dont la main-d'oeuvre est de plus en plus capable de produire.

    La question est là. Il y a certaines approches dans tout cela qui sont plutôt orientées vers le marché intérieur. Or, quand on demande de l'aide pour le marché étranger, ce n'est pas une grande priorité pour les PME. Il me semble donc voir là certaines contradictions.

    Ce sont mes commentaires.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Whyte.

+-

    M. Garth Whyte: Je voudrais soulever une question qui concerne à la fois la fiscalité et les formalités administratives.

    J'ai siégé au comité sur le recouvrement des coûts que Jay coprésidait. Le recouvrement des coûts est un impôt caché. Nous avons constaté que les coûts exigés ne correspondent pas au service reçu. En fait, cela vise seulement à soutirer de l'argent et fait du tort à l'ensemble de nos entreprises. Cela nuit à la R et D.

    Nous avons cité l'exemple d'une entreprise des Maritimes qui avait un médicament contre l'asthme. Nous étions le 16e pays à l'approuver. Ce médicament avait été approuvé partout ailleurs, sauf au Canada. Nous payons des frais plus élevés pour un service plus lent.

    Nous avons exercé des pressions en faveur de cette loi, et elle a été adoptée. C'est une mesure d'initiative parlementaire qui a obtenu l'appui des quatre partis, mais qui n'a toujours pas été appliquée. Voilà un exemple de ce que nous pouvons faire sur le plan des frais de service et de la mondialisation. Il faudrait que les frais soient fonction du service. Ce projet de loi demande que la liste des frais soit publiée et porte que si un organisme gouvernemental ne fournit pas le service à temps, les frais seront réduits. Nous avons besoin d'une reddition de comptes pour ces frais qui atteignent 4 milliards de dollars. C'est un impôt caché et un fardeau administratif qui nuit à notre compétitivité.

    J'en ai profité pour le glisser.

    Nous avons quelques critiques à faire à l'égard de ce rapport et j'espère qu'on nous posera des questions à ce sujet. Le comité en question—et c'est une chose que je lui ai moi-même signalée à trois reprises lorsqu'il nous a demandé notre avis—aurait dû incorporer ce projet de loi par renvoi et demander comment il allait être mis en oeuvre. Il n'est même pas incorporé par renvoi. C'est très frustrant. Nous ne savons même pas comment il sera mis en oeuvre. C'est pourtant un premier pas pour faciliter la mondialisation et la croissance des entreprises, de même que pour réduire le fardeau fiscal qu'imposent ces frais toujours plus importants.

º  +-(1655)  

+-

    Le président: Monsieur Myers.

+-

    M. Jayson Myers: C'est seulement une observation générale, mais qui fait suite à ce qu'a dit Garth.

    Dans la mesure où nous pouvons créer un climat concurrentiel au Canada, nous renforçons la capacité des entreprises canadiennes à commercer dans le monde entier. Nous devons donner à nos entreprises des conditions de calibre mondial. Bien entendu, cela contribue aussi à faire du Canada un meilleur endroit où investir; je crois que c'est important.

    Un des chefs d'entreprise qui ont participé à nos ateliers Fabrication 20/20 a fait valoir que tout le monde a besoin aujourd'hui d'une stratégie pour la Chine, que l'on soit présent ou non sur le marché chinois. Je dirais la même chose au gouvernement fédéral, mais pas uniquement vis-à-vis de la Chine. La mondialisation des affaires a créé un tout nouveau type de modèle commercial et un climat international très différent avec des applications politiques très différentes.

    La concurrence se resserre et ce n'est pas seulement à cause des bas salaires et des pays où le coût de la main-d'oeuvre est peu élevé. La Chine produit 450 000 ingénieurs par année. La qualité de la concurrence chinoise est de plus en plus grande. Nous n'avons même pas 70 000 ingénieurs professionnels au Canada si bien que le genre de produits qui arrivent de Chine sont de plus en plus haut de gamme, mais c'est la loi des affaires.

    Il s'agit de voir quels sont les atouts des entreprises canadiennes dans ce marché beaucoup plus mondial. Si nous voyons les choses sous cet angle, il nous faut un environnement concurrentiel pour faire des affaires ici au Canada. Il faut faire en sorte que les règles du commerce soient bien appliquées et je crois qu'il nous reste du travail à faire sur ce plan-là. Nous devons le faire par rapport à notre principal partenaire commercial qui est les États-Unis, mais nous devons aussi voir quels sont les besoins des entreprises vis-à-vis des chaînes d'approvisionnement et d'investissement qui ont pris une dimension beaucoup plus mondiale. Cela a d'importantes conséquences sur le plan de la politique gouvernementale.

    Tel est l'objectif de notre initiative Fabrication 20/20. Nous voulons faire comprendre qu'on ne peut plus faire des affaires comme avant. Il faut changer de stratégie et changer la politique publique pour tenir compte de la mondialisation.

+-

    Le président: Le CTC a-t-il quelque chose à dire pour répondre à la question de M. Cardin?

+-

    M. Hassan Yussuff: Je ne sais pas si cela y répond directement, mais je voudrais ajouter quelque chose au sujet de la réglementation intelligente. On craint que la réglementation intelligente puisse aggraver les problèmes au niveau de la sécurité du public et il faut donc faire attention à ce que nous faisons.

    En général, pour ce qui est de la concurrence de la Chine ou d'autres pays, comme l'a dit Jayson, la Chine peut produire 70 000 ingénieurs par année, parce qu'elle se sert des deniers publics pour les former. Il faut reconnaître que les autres pays ont une façon différente de développer leur économie. Nous n'avons pas ce genre d'instruments. Nous devons le reconnaître si nous voulons soutenir la concurrence. Nous devons nous demander quels sont les outils dont nous disposons face à des concurrents qui disposent d'autres systèmes institutionnels publics au lieu de nous dire que ce n'est pas notre responsabilité et que c'est à quelqu'un d'autre de s'en charger. On se rend compte qu'il existe des solutions communes et des problèmes communs pour lesquels nous devons trouver des solutions, mais il a aussi différents moyens d'y parvenir.

    J'entends mon ami du secteur de la petite entreprise parler de la pénurie de main-d'oeuvre que nous connaissons au Canada et je crois que c'est une réalité. Il n'y a pas de solution magique, car il faudrait que le gouvernement joue un rôle important dans l'éducation et la formation de la main-d'oeuvre. Comme nous pouvons le constater, nous perdons des compétences parce que nous n'investissons pas autant sur ce plan-là que les autres pays. Dans certains domaines, les problèmes sont les mêmes, mais il y a aussi des différences.

    Une chose que je voulais dire tout à l'heure en ce qui concerne la différence marginale dans le taux d'imposition entre le Canada et les États-Unis, est que nous avons au Canada un système national de soins de santé que nous devons payer. L'énergie nous coûte également moins cher. Certaines raisons expliquent les différences entre nos deux pays, mais je n'en dirai pas plus.

»  +-(1700)  

+-

    Le président: Allez-y, Serge.

[Français]

+-

    M. Serge Cardin: En ce a trait à la main-d'oeuvre qualifiée dont vous parliez, vos différentes organisations ont-elles négocié, conclu des ententes ou étudié la problématique avec des institutions d'enseignement, pour faire en sorte, justement, d'agir plus rapidement? Je sais que dans ma région, à un certain moment, des entreprises qui avaient besoin d'une main-d'oeuvre spécialisée ont, avec l'aide du ministère responsable de l'emploi, consacré de l'énergie à mettre sur pied des programmes qui ont permis de former rapidement une main-d'oeuvre à la hauteur des tâches à accomplir. Comme organisme ayant des ramifications d'un océan à l'autre, intervenez-vous aussi dans ce sens?

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Je peux vous accorder 20 ou 30 secondes chacun, si vous voulez.

    Monsieur Piché.

[Français]

+-

    M. André Piché: On a fait une étude détaillée non seulement sur la pénurie de main-d'oeuvre, mais aussi sur toute la question de la formation dans le milieu de travail, pour les PME. Nous nous sommes aperçus que, dans les PME, une grande part de la formation est faite de façon informelle et non de façon formelle, contrairement à ce qui se passe dans les grandes entreprises.

    À la fin de ce rapport, nous avons inclus des recommandations non seulement pour les employeurs, mais aussi pour les institutions d'éducation et les gouvernements quant aux façons de travailler ensemble pour résoudre le problème et avoir un plus grand impact sur la formation.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Jackson et ensuite monsieur Myers.

+-

    M. Andrew Jackson: Je vais être bref.

    Au niveau national, quand vous examinez les résultats scolaires, on peut dire qu'en général le système scolaire n'est pas si mauvais. Nos jeunes sont nombreux à recevoir un diplôme universitaire par rapport à ceux des autres pays. Une des grosses lacunes de notre système est que les travailleurs n'ont pas la possibilité de se former et de se recycler tout au long de leur vie. Lorsqu'ils obtiennent un emploi grâce aux compétences, aux capacités et au niveau de scolarité qu'ils possèdent, quelles possibilités ont-ils de poursuivre leur formation?

    Nous avons largement la preuve que ce sont les cadres et les spécialistes plutôt que les travailleurs ordinaires qui bénéficient de la majeure partie de la formation donnée par l'employeur en milieu de travail. Nous disons simplement que si nous voulons une économie basée sur le savoir, elle ne reposera pas simplement sur les compétences de 10 p. 100 de la main-d'oeuvre; nous devons former et recycler beaucoup plus de travailleurs. Cela pose un tas de problèmes au niveau des employeurs. Les employeurs qui donnent une formation, qui s'acquittent de leurs responsabilités à cet égard et qui offrent ces programmes perdent souvent les travailleurs qu'ils ont formés. Il ne suffit pas de laisser les employeurs dispenser cette formation.

    J'aurais quelques pistes de solutions à proposer. La première, dont nous avons beaucoup parlé, serait de permettre aux travailleurs d'obtenir un congé d'éducation et de formation financé par l'assurance-emploi. Grâce aux prestations d'assurance-emploi, ils pourraient fréquenter un collège ou une autre institution pendant quelques mois ou une année. Ils pourraient ensuite reprendre leur emploi, et la formation qu'ils suivraient correspondrait aux intérêts de leur employeur. Nous voudrions qu'un système de ce genre soit mis à l'essai. Nous envisageons cette formule pour le secteur de la santé, mais ce genre de projet pilote pourrait être lancé dans le secteur de la fabrication afin que nous puissions voir ce que cela donnerait. L'appui de votre comité nous serait sans doute utile.

    Un autre modèle à suivre est le système en vigueur au Québec où les employeurs doivent consacrer un certain montant de leur masse salariale à la formation. Cela règle en partie le problème du secteur de la petite entreprise. Si les employeurs ne veulent pas donner eux-mêmes la formation, ils versent 1 p. 100 de leur feuille de paye à un organisme qui peut s'en charger à leur place. Nous pourrions nous inspirer du système québécois qui semble d'ailleurs très efficace.

»  +-(1705)  

+-

    Le président: Voyons si nous pouvons obtenir votre réponse en quelques secondes, monsieur Myers.

+-

    M. Jayson Myers: Le besoin de formation existe à tous les niveaux. On a surtout besoin de gens possédant des compétences professionnelles et une expérience pratique, des gens qui sont capables de résoudre des problèmes, qui peuvent venir travailler tous les jours et garder un emploi. On a besoin aussi bien de compétences techniques et commerciales, tant sur le plan de la gestion que de l'ingénierie, de la commercialisation, en fait dans tous les domaines. Comme l'a dit Andrew, il est difficile d'augmenter la mesure dans laquelle les employeurs assurent cette formation à l'interne, de façon officieuse ou officielle.

    À mon avis, les solutions doivent être prises au niveau local. Deuxièmement, aucun niveau de gouvernement ne peut prendre ce genre d'initiative à lui seul. Il faut des partenariats et surtout, il faut que les employeurs définissent leurs besoins et réunissent les partenaires. Je crois que c'est au niveau local qu'on peut le mieux agir. Troisièmement, si vous voulez voir des exemples efficaces de partenariats, le programme Tremplins, au Québec, est un modèle extrêmement intéressant. Des écoles, des établissements de formation et des fabricants se sont réunis pour offrir des programmes de formation. C'est un excellent exemple de ce qui peut être fait un peu partout au Canada.

+-

    Le président: Merci, monsieur Myers.

    Andy Savoy, s'il vous plaît.

+-

    M. Garth Whyte: Je voudrais seulement ajouter quelque chose.

+-

    Le président: Je pensais bien que vous alliez essayer de nous en glisser une de plus.

    Très rapidement.

+-

    M. Garth Whyte: Très rapidement, nous ne sommes pas d'accord pour que l'assurance-emploi finance la formation.

+-

    Le président: Andy.

+-

    M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup, messieurs, d'être venus.

    Merci, monsieur le président.

    Ce qui m'inquiète, c'est l'innovation, la valeur ajoutée, la R et D et toute cette question. Quand nous nous sommes penchés sur l'investissement dans la R et D au Canada, nous avons vu que, selon certaines estimations, il atteignait seulement la moitié de l'investissement dans la R et D aux États-Unis. Mais je ne pense pas que la R et D soit la seule solution. Il y a aussi l'innovation. Il y a, disons, différentes façons d'envisager le programme d'innovation.

    En ce qui concerne la R et D, les résultats sont très inquiétants. Le crédit pour R et D, par exemple, qui est très lucratif au Canada puisqu'il est de 35 p. 100, devrait normalement attirer des investissements dans la R et D.

    Si vous mettez en place une stratégie pour stimuler l'innovation au sein des entreprises afin que cela entraîne davantage d'investissements dans la R et D, que faudrait-il y inclure? Que feriez-vous en ce qui concerne le transfert de technologies, les innovations au sein des entreprises et la R et D?

    Je vous pose la question et j'aimerais beaucoup savoir ce qu'en pense également le mouvement syndical étant donné qu'il joue un rôle crucial.

+-

    Le président: Qui veut commencer?

    Monsieur Myers.

+-

    M. Jayson Myers: Très rapidement, je suis d'accord avec vous pour dire que la R et D n'est pas la seule et unique façon de stimuler l'innovation. L'innovation dépend en grande partie de la conception, de l'amélioration des procédés à l'intérieur de l'usine et de l'amélioration des produits et services offerts. À elle seule, la R et D n'est qu'un très petit élément.

    Le problème avec la R et D, c'est qu'on essaie d'imposer de nouvelles idées sur le marché. La principale difficulté à laquelle sont confrontées les entreprises qui mettent en marché de nouveaux produits n'a rien à voir avec la R et D; ce n'est pas leur principale préoccupation. Le gros problème c'est qu'il n'y a pas de consommateurs pour acheter le produit en question.

    J'ai constaté qu'il y avait un grand nombre d'excellents brevets résultant de la R et D réalisée au Canada. La difficulté est de les commercialiser et de permettre aux entreprises de faire les investissements supplémentaires et la commercialisation nécessaire une fois le produit mis en marché. Il faut soutenir l'innovation et la R et D dans une perspective beaucoup plus commerciale.

    Le problème se pose, en grande partie, au niveau de l'investissement dans la technologie, mais aussi au niveau des compétences de la main-d'oeuvre. Si nous pouvons résoudre ces deux problèmes particuliers, nous serons en bonne voie de résoudre certains problèmes concernant l'innovation. Le secteur des affaires se chargera de l'innovation et de la R et D pour mettre des produits en marché, mais nous devons veiller à ce que l'investissement nécessaire soit fait dans les compétences.

    C'est très bien de soutenir la R et D en collaboration avec le secteur des affaires, mais les entreprises même les plus innovatrices du pays vous diront sans doute que les universités n'ont pas nécessairement pour rôle de former des entrepreneurs en haute technologie. Leur rôle devrait être d'offrir une base de recherche et une possibilité d'éducation pour les jeunes.

»  +-(1710)  

+-

    Le président: Monsieur Whyte.

+-

    M. Garth Whyte: J'aurais deux choses à ajouter. Il ressort d'une étude du crédit d'impôt pour R et D que les petites entreprises ne cherchent pas à s'en prévaloir. Pourquoi? Parce qu'elles doivent dépenser 10 000 $ pour remplir le formulaire de demande. Nous avons parlé à des comptables qui dissuadent les gens de demander ce crédit d'impôt parce que les formalités sont trop coûteuses. Ensuite, il vous est difficile de faire de la R et D si vous passez six à neuf heures par semaine à remplir de la paperasse.

    Je vais glisser un commentaire, monsieur le président. C'est au sujet d'une autre critique concernant la réglementation intelligente, car les gens ne nous ont pas parlé du projet de loi sur le recouvrement des coûts ni de l'annonce faite dans le budget et qui a été appuyée par les chefs des quatre partis. Un comité sur les formalités administratives des petites entreprises a été mis sur pied et est censé présenter son rapport à votre comité. Je vais le coprésider avec le ministère de l'Industrie et nous allons voir non pas comment nous débarrasser des règlements, mais comment réduire le nombre de transactions.

    C'est ce qu'a fait la Colombie-Britannique. Cette province avait 400 000 transactions et a décidé de les réduire du tiers. Cela n'enlève rien au principe de la réglementation. Vous n'avez pas besoin de relâcher la réglementation, mais vous pouvez réduire le nombre de fois où il faut remplir un formulaire ou donner suite à une demande.

    Nous voudrions centrer les efforts sur les petites entreprises. Pour que cela fonctionne, il faut que ce soit mesuré et évalué et il faut que cela devienne permanent. Nous constatons que les formalités administratives et la réglementation peuvent être un véritable obstacle à la R et D.

    Par ailleurs, je suis entièrement d'accord avec Jay. Il a raison une fois de plus. C'est parfois au niveau de l'application de la technologie et pas seulement de la R et D que le problème se pose. Les gens disent parfois qu'un produit est hautement technologique, moyennement technologique ou faiblement technologique. Une de nos membres a mis au point… C'est une coiffeuse alors que connaît-elle à la technologie? C'est elle qui a eu l'idée d'un logiciel qui permet d'essayer différentes coiffures. Ce logiciel a circulé dans toute l'Amérique du Nord.

    Il y a différentes solutions. Plus nous essayons de cibler les choses, plus nous avons de difficultés. Nous devrions essayer de desserrer ce carcan pour permettre aux gens de manifester leur esprit d'entreprise et d'innover.

    Bien entendu, je suis aussi entièrement d'accord avec le Congrès du Travail du Canada pour dire que notre système d'éducation a besoin d'argent. Il faudrait y investir davantage.

    Enfin, je vais revenir sur le sujet de l'éducation. On enseigne à nos étudiants d'être des employés au lieu de lancer leur propre entreprise. Les principaux programmes n'offrent parfois même pas un demi-cours sur la façon de lancer sa propre entreprise.

+-

    Le président: Merci, Garth.

    Andrew Jackson.

+-

    M. Andrew Jackson: Ce sera très bref. Une simple observation. Vous avez parfaitement raison de souligner qu'au Canada, le traitement fiscal de la R et D pose une énigme. Le crédit d'impôt est extrêmement généreux. À bien des égards, les incitatifs sont là, mais le niveau de R et D reste beaucoup trop bas.

    La dernière fois que j'ai examiné les chiffres, j'ai trouvé encore plus inquiétant que quelques entreprises seulement se chargent de la majeure partie de la R et D faite au Canada. Ce sont des sociétés comme Nortel, Bombardier et les compagnies pharmaceutiques. Un petit nombre d'entreprises accomplissent la majeure partie de la R et D totale. C'est un problème très complexe, car s'il n'y a pas suffisamment d'entreprises capables de soutenir la concurrence dans les domaines en pleine expansion au niveau mondial, comment créer cette capacité si nous manquons déjà de moyens? Je ne pense pas qu'il sera facile de résoudre ce problème.

    Je mentionnerais seulement en passant que j'ai toujours entendu des commentaires très favorables au sujet des programmes d'assistance industrielle du Conseil national de recherches. Le Conseil reconnaît qu'un grand nombre de petites fabricants investissent dans de l'outillage et de l'équipement pour essayer de trouver des créneaux. Mais les petites entreprises n'ont pas beaucoup d'ingénieurs à leur disposition, en raison de leur nature même. Elles manquent de moyens. Tout comme les anciens services d'éducation agricole allaient montrer aux agriculteurs comment augmenter leur productivité…ce genre de programme, qui s'adresse aux petites entreprises, me paraît tout à fait logique.

    J'ai l'impression que ces programmes ont subi des coupes importantes il y a 10 ans, mais qu'il y a eu une certaine reprise depuis.

    J'inviterais vraiment le comité à faire venir les gens du Conseil national de recherches qui gèrent ces programmes et les représentants des entreprises qui les utilisent, car c'est un domaine vraiment important. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu'une petite entreprise qui emploie 10 personnes ou 50 personnes ait tout un service de R et D. Il faut qu'elle ait accès à une capacité de recherche plus importante.

»  +-(1715)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Jackson.

    Andy va poser une brève question.

    Je demande aux témoins de bien vouloir répondre brièvement, si possible.

+-

    M. Andy Savoy: En fait, c'est à cela que je voulais en venir. Je suis tout à fait pour l'innovation au niveau de l'entreprise et pour donner aux employés et à la direction les moyens d'innover. Le programme PARI du Conseil national de recherches va précisément dans cette direction.

    Je voudrais savoir ce que vous pensez du PARI et des améliorations que nous pourrions y apporter.

+-

    M. Jayson Myers: Je suis d'accord avec Andrew. C'est sans doute le programme le plus efficace dont le gouvernement fédéral dispose pour favoriser l'innovation dans les petites entreprises. Je crois qu'il est extrêmement utile et qu'il faudrait davantage de conseillers en technologie. Cela devrait s'appliquer aux différentes technologies et il faudrait prêter davantage attention à ce que ces conseillers en technologie ont à dire.

    Je pense au financement bancaire, par exemple. J'aimerais beaucoup un programme qui amènerait les banques à demander à des conseillers en technologie d'évaluer les risques avant de consentir un prêt aux fabricants. Le programme PARI offre un tas de possibilités que nous pourrions exploiter.

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre veut parler du PARI? Monsieur Whyte.

+-

    M. Garth Whyte: C'est un bon programme. Le problème est que, plus vous créez de programmes… La plupart de nos membres ignorent tout de ces programmes. Vous allez donc viser un créneau, une partie seulement des entreprises.

    Il y a donc deux stratégies : le PARI, qui est une bonne chose, mais il faut aussi éliminer certains des obstacles pour favoriser l'innovation là où on l'attend le moins. Il faut faciliter les choses. Il faut donc recourir à deux stratégies, car il y a un peu partout des surprises que les gens n'avaient pas prévues ou ne comprennent pas. Nous n'avons pas discuté beaucoup de cette question, mais c'est une des raisons pour lesquelles il faudrait discuter des formalités administratives et de la paperasserie qui résulte de la réglementation.

+-

    Le président: Merci, Andy.

    Ce sera au tour de Peter, Michael, Alan puis Paul.

    Bienvenue au comité, Peter.

+-

    M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore): Merci, monsieur le président. J'ai l'impression d'être le gamin sur le terrain de base-ball qui est le dernier à jouer.

    Merci beaucoup à tous d'être venus. Et merci pour les rapports que vous envoyez régulièrement à nos bureaux, surtout ceux du CTC, des Manufacturiers et de vous aussi qui nous envoyez les résultats des enquêtes auprès des entreprises de votre région. Nous les trouvons très utiles.

    Monsieur Myers, ne le prenez pas personnellement, mais je m'inquiète quand vous parlez d'une « stratégie pour la Chine ». J'ai lu l'autre jour un article selon lequel 4 000 mineurs ont trouvé la mort en Chine, rien que cette année et il y a eu 122 000 accidents du travail, sans parler des violations des droits de la personne et de tout ce qui se passe en Chine. Lorsque vous parlez d'une stratégie pour la Chine, je m'inquiète beaucoup pour les travailleurs et leurs familles. Si vous voulez dire que le gouvernement doit investir dans l'éducation de la population et à d'autres fins, alors je suis entièrement d'accord.

    Monsieur le président, il est étonnant de voir à quel point nous avons oublié ce qui s'est passé en Irlande. On l'appelait le « tigre celte » si je ne m'abuse. Je crois qu'il aurait mieux valu utiliser cet exemple. Je parle seulement du point de vue de la main-d'oeuvre.

    Une chose que je voudrais vous demander à tous… Monsieur Whyte, à Harbour Breton, 380 personnes ont récemment perdu leur emploi à cause de la fermeture de la conserverie de poisson. Si l'assurance-emploi ne doit pas servir à les recycler et à répondre à leurs besoins… Comme vous le savez, quand on a commencé à sabrer dans l'assurance-emploi en 1995, de nombreuses entreprises ont été privées de l'argent que les anciens employés et les personnes qui vivaient dans les localités rurales dépensaient à la pizzeria, chez le coiffeur, en prenant le taxi, etc. La caisse d'assurance-emploi a offert un peu d'aide aux chômeurs jusqu'à ce qu'ils se trouvent un autre emploi, mais dans bien des cas, ils ne pouvaient pas trouver de travail à moins de se recycler.

    Si la formation n'est pas financée par l'assurance-emploi, d'où viendra cet argent? En Nouvelle-Écosse, je trouve très utile que les gens puissent toucher des prestations pendant qu'ils suivent une formation—en fait, certains programmes sont financés par l'assurance-emploi, mais pas toujours—et que leur programme de recyclage soit payé, surtout pour les secteurs du pétrole et du gaz. Je trouve cela très utile, y compris pour les chauffeurs de camions, etc.

    Si ce n'est pas financé par l'assurance-emploi, d'où viendra cet argent? Cette question s'adresse à vous trois.

    Il y a aussi le problème que la vérificatrice générale a mentionné il y a un an au sujet de la fraude monumentale concernant la TPS, de l'économie souterraine qui a de graves répercussions pour vous tous. Un de mes amis est propriétaire d'un magasin Canadian Tire et il est totalement dégoûté chaque fois qu'il se rend au marché aux puces, le dimanche matin et qu'il voit ses batteries et ses petits appareils vendus sur les étals de ce marché. Je voudrais savoir ce que le gouvernement devrait faire, à votre avis, pour éliminer l'économie souterraine qui cause de graves torts à vous tous.

    J'aurai d'autres questions à poser après.

»  +-(1720)  

+-

    Le président: Monsieur Whyte.

+-

    M. Garth Whyte: Merci d'avoir de nouveau soulevé la question, car je n'ai pas dit tout ce que j'avais à dire.

    Je suis d'accord pour que l'assurance-emploi serve au développement. J'ai travaillé avec la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, avec les gens de l'autre côté de la table, à la mise au point de mesures d'une formation ciblée, surtout pour remédier au chômage structurel. Nos membres sont tout à fait pour. Mais je ne suis pas d'accord pour que l'assurance-emploi paie quatre mois de formation pour que les employés puissent retourner au travail et je vais vous expliquer pourquoi. Il faut être très prudent avant de recommander ce genre de choses.

    Vous avez Air Canada, par exemple, qui pourrait obtenir un crédit d'impôt pour la formation. Elle est en train de réduire ses effectifs et se dirige vers la faillite. Pendant ce temps-là, Bearskin Airlines prend de l'expansion et n'a pas de crédit d'impôt pour la formation. C'est un marché de dupes et c'est souvent les grandes entreprises qui en profitent. Elles mettent des employés à pied, elles les font revenir, elles les mettent de nouveau à pied et le cycle recommence.

    Bien sûr, je suis d'accord avec vous pour dire que l'assurance-emploi devrait inclure une formation ciblée, mais je n'approuve pas ce genre de programme. Vraiment pas. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas important et que nous n'ayons pas à envisager des stratégies, mais je suis inquiet.

    Je vais donner un autre exemple. C'est à propos du congé parental. En tant que père de trois enfants, je comprends l'importance du congé parental. Quand il a été mis en place, nous étions inquiets. Ce congé a été prévu pour les grandes entreprises, les grands syndicats, le grand appareil gouvernemental. On n'a pas pensé à ce qu'il adviendrait d'une entreprise de cinq employés et j'ai plusieurs exemples de ce genre. Un chef d'entreprise a perdu quatre employés la même année. Il en a embauché et formé quatre autres. Sur les quatre, deux sont revenus—et il suffit qu'ils donnent un mois de préavis. Deux sont partis et il s'est retrouvé dans la même situation. Il a dû constamment former des nouveaux employés.

    Les mesures qui ont été prises n'ont pas été conçues pour les petites entreprises. Vous pouvez avoir une politique qui convient très bien à General Motors, mais pas du tout à une entreprise de 20 employés. Allez parler au propriétaire de votre Canadian Tire et vous verrez ce qu'il en pense.

    La deuxième question portait sur les fraudes concernant la TPS. C'est très irritant pour nos membres. J'ai le regret de dire que nous avons comparu devant un comité comme celui-ci il y a 15 ans. Je ne vois parmi vous aucun des membres de ce comité. Nous avons dit que si le taux était trop élevé, cela créerait une économie souterraine. Le taux est trop élevé.

    Bien des gens étaient d'accord avec la TPS. Nous avons dit qu'elle posait un problème. Il faut amener les gens à sortir de l'économie souterraine au lieu de les y forcer, car cela poserait toutes sortes de problèmes. Vous allez seulement attraper votre ami de Canadian Tire, mais pas ceux qui font partie de l'économie souterraine. Voilà le véritable problème et il s'agit de mesurer son ampleur.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Avez-vous d'autres réponses à donner aux questions de M. Stoffer? Monsieur Myers.

+-

    M. Jayson Myers: Je devrais peut-être préciser ce que j'avais en tête quand j'ai dit que tout le monde avait besoin d'une politique à l'égard de la Chine.

    Je crois que le gouvernement fédéral et les entreprises canadiennes ont besoin d'une politique pour faire face à la concurrence chinoise. Quels sont les débouchés qui s'offrent à la technologie canadienne en Chine pour nettoyer le gâchis? Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de Chinois qui veulent vivre dans un environnement lourdement pollué et dans une région où leur santé et leur sécurité sont menacées. Je crois qu'il y a énormément de débouchés commerciaux pour les entreprises canadiennes.

    Pour ce qui est de l'Irlande, effectivement, il y a bien des choses en Irlande dont nous pourrions nous inspirer mais ce pays est loin de représenter la menace économique ou les mêmes débouchés économiques que la Chine. Je crois donc que nous avons besoin d'une stratégie pour la Chine.

    Au cours des 10 prochaines années, il y aura davantage de restructuration et de changements dans l'industrie canadienne que nous n'en avons vu depuis l'Accord de libre-échange. Il va y avoir une transformation incroyable et nous ferions mieux de pouvoir répondre aux besoins de formation de ceux qui perdront leur emploi, car il y en aura beaucoup un peu partout au pays. Quels que soient les programmes que nous ayons, nous ferions mieux de réfléchir aux moyens à prendre. Nous devons veiller à ce que les gens obtiennent de l'aide pour trouver un nouvel emploi et se recycler.

    Peu importe qu'on se serve des deniers publics pour financer des programmes de formation, qu'on se serve du crédit d'impôt pour la R et D ou que l'on examine l'assurance-emploi ou les fraudes à l'égard de la TPS, je recommanderais au comité que si vous vous penchez sur la réglementation, vous devriez appliquer les principes énoncés dans le rapport sur la réglementation intelligente pour résoudre ce genre de problèmes. On peut faire beaucoup de choses simplement en choisissant les bons instruments et en s'assurant que les mécanismes mis en place sont ceux qui donnent de bons résultats.

»  +-(1725)  

+-

    Le président: Avez-vous quelque chose à dire, monsieur Yussuff?

+-

    M. Hassan Yussuff: Ce sera très bref. Je ne pense pas que nous ayons besoin de résoudre ce problème, car nous ne serons jamais d'accord sur certaines choses.

    Le problème de la formation professionnelle et de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée est une réalité, mais c'est une chose que personne n'ignore. Bien entendu, ce sont les détails qui comptent. Comment résoudre le problème et qui va payer? Nous reconnaissons et nous faisons valoir que l'assurance-emploi devrait seulement servir à deux choses. Elle doit d'abord prendre soin des travailleurs qui se retrouvent en chômage et, ensuite, les aider à acquérir des compétences et à se recycler afin qu'ils puissent retrouver du travail. Telle est la réalité de la situation.

    Je me permettrais de vous faire remarquer que malgré son énorme excédent, l'assurance-emploi n'a pas été utilisée à bon escient ni aux fins auxquelles elle était destinée. Je crois que c'est suffisamment évident.

    Il y a eu beaucoup de discussions sur le sujet, mais en général le Parlement ne s'est pas vraiment occupé de ce qui se passait vraiment dans l'économie souterraine du pays. Cette économie connaît une croissance exponentielle d'après ce que nous en savons. Le fait est que personne n'a proposé de solution pour y remédier. Beaucoup de gens pensent qu'il est préférable d'être dans l'économie souterraine que dans l'économie visible et il y a toutes sortes de raisons à cela. Je ne pense pas que c'est à cause de la réglementation et le reste. Le fait est que cette économie prend de l'expansion.

    Nous devons trouver une stratégie pour donner aux gens des raisons de vouloir faire partie de l'économie officielle. Il faut qu'ils aient des intérêts en jeu et qu'ils puissent bénéficier de cette économie officielle. C'est un sujet dont il faudrait discuter sérieusement, car cela fait longtemps que vous évitez d'en parler.

    Je suis d'accord avec Jayson. En deux mots, si vous prenez l'excédent commercial entre le Canada et la Chine, il augmente chaque année. Il continuera d'augmenter et je ne pense pas que nous ayons trouvé de solutions pour faire face à cette réalité.

    Le fait est que nous ne concurrençons pas la Chine aussi bien dans tous les domaines et c'est une chose dont nous devrions commencer à discuter. Je ne préconise pas de simplement fermer la porte à la Chine. Nous devons reconnaître honnêtement que cette économie va se développer et manifester beaucoup de dynamisme. Mais nous devrions également dire à la Chine que si elle veut nous concurrencer et causer des bouleversements dans notre économie elle va devoir appliquer les mêmes règles que nous.

    Le premier ministre va aller là-bas et j'espère qu'il prendra le temps de discuter de ces graves questions avec les gens qu'il amènera avec lui, car nous avons là un sérieux défi à relever. Et nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls, soit dit en passant.

+-

    Le président: Très rapidement, Peter, avez-vous un dernier commentaire?

+-

    M. Peter Stoffer: Quand M. Manley était candidat à la direction du Parti libéral, il a dit que si notre dollar était beaucoup plus fort qu'il ne l'était à l'époque—il valait alors 65 ¢—un bon nombre de nos entreprises ne pourraient pas soutenir la concurrence sur le marché mondial. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Quel est, à votre avis, le niveau idéal pour notre dollar?

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Jackson, répondez très brièvement, en quelques secondes. C'est une question courte qui exige une réponse courte.

+-

    M. Andrew Jackson: Un excellent rapport a été publié hier par l'économiste des TCA, Jim Stanford. Nous sommes entièrement d'accord. Si le dollar reste où il est actuellement, nous allons sans doute perdre autant d'emplois qu'entre 1989 et 1991, c'est-à-dire beaucoup.

»  +-(1730)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Myers.

+-

    M. Jayson Myers: En ce qui concerne le secteur de la fabrication, quand le dollar a grimpé de 61 ¢ à 78 ¢, nos entreprises ont perdu de l'argent. Lorsqu'il a dépassé 80 ¢ en moyenne, c'est notre compétitivité qui a souffert et maintenant c'est l'investissement. Avec un dollar à 85 ¢US, je suis d'accord avec le rapport de Jim Stanford. Il y aura de nombreuses fermetures et un grand nombre de mises à pied.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Whyte, brièvement.

+-

    M. Garth Whyte: Voici maintenant un point de vue entièrement différent.

    Comme je l'ai souligné à propos du graphique 8, tout dépend où vous vous situez. Je reviens de l'Alberta où l'on se réjouit que le pétrole coûte 55 $ le baril. Les choses ne vont pas si mal.

    Tout dépend de la rapidité avec laquelle le dollar augmente et du niveau qu'il atteint. Nous avons eu la même discussion avec le ministre Manley au sujet de notre niveau de vie. Quand le dollar est faible, notre niveau de vie n'est pas le même. Maintenant, il a remonté. Il y a donc deux points de vue différents. Des gens pensent que le dollar est trop bas, d'autres qu'il est trop haut. En fait, c'est une question de degré.

+-

    Le président: Merci, monsieur Whyte.

    Nous allons commencer le deuxième tour et je vais être un peu plus strict pour ce qui est du temps.

    Michael, ensuite Alan et Paul.

+-

    M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Pour faire suite à la question du dollar, notre gouvernement et la plupart des gouvernements occidentaux n'ont pas une politique monétaire orientée vers le dollar, mais plutôt vers l'inflation. À mon avis, il ne sert pas vraiment à grand-chose de demander à quel niveau le dollar devrait se situer étant donné les effets de la mondialisation.

    On a fait valoir que lorsque le dollar monte et descend—mais surtout lorsqu'il monte—les entreprises canadiennes doivent être plus productives et offrir des marchandises plus compétitives dans les pays dont la devise vaut moins cher. Ma question est la suivante : Comment amener les entreprises qui opèrent au Canada à investir davantage dans leurs propres installations?

    J'entends constamment parler de la réforme de la déduction pour amortissement. Jayson, vous avez mentionné une catégorie d'investissements en particulier. Vous-même et les autres témoins pourriez-vous préciser quelles sont les dispositions particulières de la DPA qui posent un problème et nous dire s'il faudrait accélérer ou ralentir l'amortissement des catégories d'équipement en question. Voilà pour ma première question.

+-

    M. Jayson Myers: Tout d'abord, en ce qui concerne le dollar, je suis d'accord. La Banque du Canada ne peut pas faire grand-chose. Elle ne devrait pas essayer de baser sa politique sur le dollar. Notre dollar grimpe parce que le dollar américain baisse. Cela va nous causer des problèmes, mais cela en cause également aux Européens et à tous les autres.

    La seule façon de compenser ce phénomène et la seule façon dont les entreprises canadiennes peuvent se maintenir à flot et continuer à employer de la main-d'oeuvre, c'est en améliorant leur productivité, en investissant davantage dans la technologie de pointe et en augmentant la valeur ajoutée de leur production. Lorsque nous parlons d'augmenter la productivité, cela veut dire qu'il faut faire plus avec plus et non pas plus avec moins. Si nous faisons plus avec moins, nous supprimons des emplois et tout le monde en fait les frais. Il s'agit d'augmenter la valeur de la production, d'offrir un meilleur service et de s'éloigner de la matière première. Voilà ce qu'il faudrait faire.

    Si vous prenez l'investissement dans la nouvelle technologie, cela en fait partie, car il y a aussi la question de la gestion des entreprises et de cette technologie. Mais il faut offrir des incitatifs pour compenser le désavantage fiscal que représentent nos taux d'imposition effectifs. Il faudrait notamment accélérer le remplacement de la technologie existante et c'est là qu'intervient l'amortissement accéléré. La théorie du ministère des Finances est que les taux d'amortissement doivent refléter la durée économique de l'équipement, mais la durée économique de cet équipement est également fonction du taux d'amortissement. Nos principaux concurrents comme les États-Unis offrent un amortissement sur deux ans et demi. Nous sommes loin de compte et c'est un gros désavantage pour les fabricants canadiens.

»  +-(1735)  

+-

    M. Michael Chong: De quelle catégorie d'équipement parlez-vous?

+-

    M. Jayson Myers: Je crois que l'équipement de fabrication et de transformation est particulièrement important. C'est la catégorie qui couvre la majeure partie de la technologie. La technologie de l'information a été couverte dans le dernier budget. Je crois que c'est extrêmement important. La technologie de l'information est une chose, mais c'est seulement le système artériel qui relie les technologies de transformation et de production. C'est de l'équipement technologique dont il faut s'occuper.

+-

    M. Michael Chong: Votre organisme a-t-il chiffré la perte de recettes fiscales que cela représenterait ou pensez-vous que nous devrions le faire?

+-

    M. Jayson Myers: À long terme, il ne devrait avoir aucun impact étant donné que cela couvre seulement les dépenses.

+-

    M. Michael Chong: Mais dans l'immédiat?

+-

    M. Jayson Myers: Nous l'avons fait et ce serait sans doute aux environs de 2 milliards de dollars à court terme. Cela représente un coût immédiat, mais si vous considérez les mesures fiscales comme un investissement dans la croissance économique, c'est sous cet angle qu'il faut voir les choses au lieu de chercher à stabiliser les recettes.

+-

    M. Michael Chong: Y a-t-il d'autres catégories ou est-ce la seule?

+-

    M. Jayson Myers: Ce serait la priorité pour nous.

+-

    M. Michael Chong: J'ai une autre question rapide. Cette autre question concerne…

+-

    Le président: Vous voulez ajouter quelque chose?

+-

    M. André Piché: Me permettez-vous d'ajouter quelque chose?

+-

    Le président: Rapidement.

+-

    M. André Piché: Certains de nos membres sont des imprimeurs. Vous pourriez croire que les imprimeurs utilisent encore de vieilles presses, mais en réalité, ils utilisent de l'équipement très perfectionné et la déduction pour amortissement leur cause des problèmes. Ils doivent concurrencer des entreprises américaines qui obtiennent des contrats au Canada. Le gouvernement américain a adopté une règle permettant aux entreprises de déduire entièrement les premiers 75 000 $ de biens d'équipement achetés au cours de l'année. Cette règle a été adoptée en 2003 et elle va être prolongée jusqu'en 2007 si bien que les petites entreprises du Canada ne sont pas sur un pied d'égalité dans ce domaine. L'imprimerie n'est qu'un exemple.

+-

    Le président: Brièvement, Michael.

+-

    M. Michael Chong: Mon autre question porte sur un tout autre sujet. Elle concerne les droits que perçoit le gouvernement. Je crois que quelqu'un a parlé de 4 milliards de frais annuels. Pourriez-vous nous dire de combien ces frais ont augmenté ces dernières années ou depuis la dernière décennie? À combien s'élevaient-ils il y a 10 ans? À combien se chiffrent-ils aujourd'hui? Quels sont les principaux domaines dans lesquels ces frais sont perçus? Par quels ministères?

+-

    M. Garth Whyte: Nous avons un rapport que nous pourrions vous remettre. Notre comité a produit un rapport et la question à 100 millions de dollars était qu'on nous fournisse la liste de tous les frais exigés. Nous voulions que la liste de ces frais soit publiée chaque année afin qu'on puisse tenir ce genre de discussion. Je crois que les frais personnels représentent environ la moitié de la somme. Environ 1,5 milliard de dollars sont des frais personnels et environ 2,5 milliards—j'essaie de m'en souvenir—sont des frais commerciaux dans un tas de domaines comme les services vétérinaires. Il y a beaucoup de frais dans le secteur de l'agroalimentaire et dans le secteur pharmaceutique. Il y a toutes sortes de choses. Du côté du grand public, vous connaissez les frais d'aéroport et les frais de passeport. Qui surveille cela? Qui dirige cette politique?

    En fait, votre comité ne jouerait pas son rôle s'il ne lançait pas ce processus et ne veillait pas à ce que ce projet de loi soit mis en oeuvre.

+-

    M. Andy Savoy: Pourrions-nous obtenir ce rapport?

+-

    Le président: Il est dans les deux langues officielles? Oui? Très bien.

    Merci, Michael.

    Alan et ensuite Paul.

+-

    M. Alan Tonks: Merci, monsieur le président.

    Je remercie beaucoup nos témoins. Cela a été très instructif, monsieur le président. Tous ces exposés et toute cette documentation sont très importants.

    Il y a eu quelques mouvements de capitaux dont on a beaucoup parlé, un de Russie avec le projet d'achat de Stelco et l'autre de Chine en ce qui concerne l'achat de Noranda. Avez-vous des inquiétudes au sujet de l'accumulation de capitaux, du mouvement de capitaux et des investissements? Si nous faisions un bilan, est-il vrai que nous perdons des capitaux? Cela vous inquiète-t-il? Si c'est le cas, existe-t-il des moyens de renverser cette tendance et de bénéficier de l'effet multiplicateur des investissements?

    C'est seulement une question macro-économique générale, mais l'infusion de capitaux est tellement importante qu'il faut bien comprendre ce qui se passe à ce niveau-là au Canada.

»  +-(1740)  

+-

    Le président: Monsieur Myers.

+-

    M. Jayson Myers: Depuis au moins cinq ans, le Canada est déficitaire en ce qui concerne l'investissement direct étranger. Autrement dit, les entreprises canadiennes investissent davantage à l'extérieur du pays qu'au Canada. En fait, nos résultats sont assez pitoyables sur le plan de l'investissement étranger. En 1980, le Canada a attiré 25 p. 100 de la totalité de l'investissement direct étranger en Amérique du Nord, mais cette proportion est tombée à moins de 8 p. 100 l'année dernière.

    C'est un sérieux problème qui se résume à l'attrait que présente le Canada comme pays où faire des affaires et le genre d'activités que l'on fait ici. La possibilité d'une prise de contrôle de Stelco ou de Noranda par des intérêts russes ou le gouvernement chinois représente une infusion de capitaux dans ces entreprises. Si c'est une meilleure façon d'utiliser les capitaux et de réorganiser ces entreprises, cela me paraît positif. Toutefois, il est extrêmement important que nous examinions les conséquences de ces investissements sur la concurrence.

    Je crains que le Bureau de la concurrence du Canada ne se penche pas nécessairement sur ces questions. Dans le cas de ces deux entreprises, je crois extrêmement important de s'assurer qu'elles continuent à respecter les principes du marché et qu'elles n'aient pas une production excédentaire qui fera tomber les prix et sera jugée avantageuse pour d'autres raisons reliées à la gestion de l'offre. Je pense que c'est un sérieux sujet de préoccupation.

+-

    Le président: Monsieur Jackson.

+-

    M. Andrew Jackson: Je suis d'accord avec presque tout ce qu'a dit Jayson. En fait, les chiffres ont été impressionnants ces dernières années en ce qui concerne la sortie de capitaux d'investissement canadiens et leur importance par rapport à l'investissement étranger au Canada. Quand on examine les chiffres, je trouve très intéressant de constater que la plupart des investissements canadiens à l'étranger sont faits en dehors de l'Amérique du Nord. Les Canadiens investissent beaucoup en Chine et dans les pays d'Asie en développement.

    La dernière fois que j'ai regardé les chiffres—et on a tendance à l'oublier—l'investissement direct canadien à l'extérieur du pays a moins d'impact sur l'emploi que l'investissement direct étranger au Canada. Cela ne veut pas dire que l 'investissement direct étranger est toujours une mauvaise chose, mais notre économie subit les conséquences de cette importante sortie de capitaux.

    En ce qui concerne la situation de Noranda, les syndicats de ce secteur ont dit qu'il faudrait examiner de près le processus d'examen de l'investissement étranger. Il n'est peut-être pas si mauvais que les Chinois rachètent certaines de ces entreprises, mais il faudrait négocier certaines conditions, voir s'il est possible d'élargir la gamme de produits à valeur ajoutée de Sudbury à la suite de cette prise de contrôle, etc.

    À mon avis, ce qui intéresse surtout les Chinois, ce n'est pas tant de s'assurer un approvisionnement en matières premières…si le prix des matières premières augmente et fait du tort à leur économie, ils se disent sans doute qu'ils ont avantage à posséder eux-mêmes certaines entreprises extractives pour profiter également de la hausse. Si c'est ce qu'ils veulent et si nous pouvons négocier des conditions qui nous permettrons de protéger les emplois, de créer de meilleurs emplois, nous devrions y réfléchir…

    Mais l'examen de l'investissement étranger est un processus très secret. Personne ne sait ce qui se passe lorsque le gouvernement reçoit les demandes. Nous savons seulement qu'elles finissent toutes par être approuvées.

+-

    Le président: Merci, monsieur Jackson.

    Nous allons donner la parole à M. Piché, et ensuite à M. Crête pour la dernière question.

+-

    M. André Piché: Dans le contexte actuel, les capitaux entrent et sortent très librement. Je suis d'accord avec la réponse de Jayson. Si nous créons au Canada un climat attrayant pour l'investissement étranger, il viendra vers nous. Nous avons un gros avantage au Canada du fait de notre situation en Amérique du Nord. Nous ne voulons pas revenir à l'époque de l'AEIE où le gouvernement fédéral avait instauré une politique qui a finalement causé beaucoup de torts au Canada. Nous avons voulu choisir les gagnants et les perdants et nous sommes intervenus trop activement dans le dossier de l'investissement étranger.

»  +-(1745)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Piché.

    Avez-vous une dernière chose à ajouter?

+-

    M. Jayson Myers: J'aurais juste un commentaire très bref…

+-

    Le président: Très rapidement.

+-

    M. Jayson Myers: …à savoir que la fuite de capitaux d'investissement montre bien que les entreprises canadiennes prennent de l'expansion sur d'autres marchés. Elles doivent investir à l'extérieur du pays pour s'établir en Asie, en Chine ou en Europe, parce qu'il est très difficile de faire du commerce dans ces régions du monde sans une présence sur le marché local. Les investissements à l'étranger ne sont donc pas nécessairement une mauvaise chose.

+-

    Le président: Il faudrait savoir combien ces investissements à l'étranger rapportent pour voir si ça compense.

+-

    M. Alan Tonks: Merci.

+-

    Le président: Merci, Alan.

    Paul, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ): Je vais faire un bref commentaire, qui sera suivi de deux questions. Je suis député depuis 11 ans et je n'ai jamais vu les industriels manufacturiers aussi nerveux qu'ils le sont présentement. Ils étaient habitués à un jeu développé dans le cadre de l'ALENA. Or, la patinoire vient de changer: en l'espace d'une année, c'est devenu le monde. Entre autres, depuis l'acceptation de la Chine à l'OMC, tout explose de partout. Et même si l'économie va bien, ils sont ultra nerveux.

    Si vous deviez décider de la meilleure façon de dépenser le surplus d'environ 10 milliards de dollars que le Canada a eu l'an passé ou qu'il aura cette année-- je prends le chiffre 10 parce qu'il se calcule facilement--, pensez-vous, en tenant compte de la stratégie industrielle du Canada, que vous choisiriez de tout affecter au remboursement de la dette? Pensez-vous qu'il serait mieux d'agir autrement, par exemple d'en consacrer la moitié à différentes choses? Comment répartiriez-vous le surplus, dans votre vision des choses? C'est une caricature, mais dites-nous, grosso modo, quels seraient vos choix industriels.

+-

    M. André Piché: Nous avons demandé aux membres de notre fédération à quoi ils alloueraient un dollar de surplus. Les données sont préliminaires; on aura les données finales bientôt, mais elles ne changeront pas beaucoup. Sur un dollar, on consacrerait 48 ¢ au remboursement de la dette, 34 ¢ à la réduction des taxes et 18 ¢ à l'augmentation des dépenses. Les augmentations de dépenses iraient en priorité à l'éducation, l'infrastructure, la santé. Ce sont donc les activités de base du gouvernement.

+-

    M. Paul Crête: Merci.

[Traduction]

+-

    M. Jayson Myers: Je dirais que, d'abord, nous avons besoin d'un meilleur système pour prévoir à combien se chiffrera l'excédent. Il me paraît normal que la réserve pour éventualités serve à rembourser la dette. Je crois que c'est un élément important. Nous devrions continuer à rembourser la dette. Mais une partie de cet argent devrait être investie dans une meilleure structure fiscale qui stimulera l'investissement dans la croissance des entreprises.

+-

    Le président: Monsieur Yussuff.

+-

    M. Hassan Yussuff: Si l'économie prend de l'expansion, la dette va diminuer de toute façon, parce que vous créez des emplois pour des gens qui paieront des impôts.

    Nos priorités seraient l'éducation, les services de garde d'enfants et les programmes d'infrastructure. Ce sont des choses nécessaires. Si nous avons une économie vraiment dynamique, nous devons commencer à investir dans les choses vraiment importantes qui vont aider l'économie à survivre. Dans une large mesure, je crois que nous avons tous été unanimes, autour de cette table, à dire que ce sont les domaines dans lesquels nous avons des défis à relever.

    Je suis d'accord avec Jayson. Je crois qu'il y a déjà un meilleur moyen de prédire l'excédent. Le gouvernement n'a tout simplement pas été prêt à s'en servir jusqu'ici. Il sous-estime toujours l'excédent et voilà pourquoi nous nous retrouvons dans cette situation.

    Je pense qu'il y a un véritable déficit dans notre pays et qu'avec l'argent dont nous disposons, nous avons la possibilité de remédier aux problèmes qui requièrent vraiment notre attention.

+-

    Le président: Paul, à vous le dernier mot.

[Français]

+-

    M. Paul Crête: Je reviens à mon commentaire de départ. Avez-vous l'impression que mon évaluation de la nervosité actuelle des gens est pertinente? Si oui, cette nervosité est-elle justifiée?

    M. Whyte a dit tout à l'heure que cela dépendait d'où on se trouve au Canada. C'est peut-être le cas. J'aimerais savoir si vous croyez que cette nervosité est fondée.

»  +-(1750)  

[Traduction]

+-

    M. Garth Whyte: Tout à l'heure, j'ai parlé de deux économies : l'économie du marché boursier et l'économie non cotée en bourse qui représente l'entreprise indépendante. Quand nous leur avons posé la question—et nous avons séparé les résultats par secteur—six secteurs étaient optimistes et quatre secteurs étaient inquiets. En fait, les choses vont encore bien pour nos membres du secteur manufacturier et de la vente en gros. Il y a un certain ralentissement du côté de la construction. L'agriculture est en difficulté depuis deux ans et nous savons pourquoi. Les choses vont bien pour les services aux entreprises et les services financiers, de même que pour l'hôtellerie. L'immobilier est en baisse.

    Les résultats par province sont assez intéressants. La province la plus optimiste—malgré une légère baisse—est la Colombie-Britannique. C'est peut-être parce que les choses allaient mal pendant si longtemps que tout semble maintenant s'améliorer, je ne sais pas. Mais il y a aussi les Jeux olympiques. L'Alberta, bien entendu. Pour ce qui est de nos membres, juste à côté de l'Alberta, vous avez le Québec et l'Ontario. Au Manitoba, la situation s'est dégradée et s'est stabilisée et en Saskatchewan il y a eu une faiblesse attribuable à l'agriculture. Les perspectives ont également baissé régulièrement dans les provinces de l'Atlantique.

    Nous verrons ce qu'il en est la semaine prochaine. Nous voulons voir où nous en serons lorsque nous publierons notre baromètre. C'est en tout cas ce que nous disent les entreprises de notre secteur.

+-

    Le président: Monsieur Myers et ensuite monsieur Yussuff.

+-

    M. Jayson Myers: Les fabricants ne sont sans doute pas aussi nerveux au sujet de leur entreprise que je le suis moi-même à l'idée que mon avion part à 7 heures, et je vais donc devoir être bref.

+-

    Le président: N'hésitez pas à nous quitter quand cela vous conviendra. Nous avons presque terminé de toute façon.

+-

    M. Jayson Myers: À mon avis, cela soulève deux questions. Il y a la question immédiate de la trésorerie et des profits. Un dollar à 85 ¢ a transformé en pertes les profits de nombreuses entreprises qui vont devoir réagir très rapidement. Ce sera très difficile. À court terme, cela inquiète énormément les entreprises parce que cela fait suite à quatre années d'ajustement et elles n'ont pas grand-chose à couper pour le moment. En ce qui concerne la production, l'année a été étonnamment bonne. Les perspectives ne semblent pas aussi positives pour les États-Unis, ce qui cause certainement de la nervosité.

    IL s'agit surtout de voir ce qui se passera au cours des cinq à dix prochaines années, surtout avec les défis que représentent la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique et toutes les questions concernant la démographie, les compétences et la productivité. Même si les entreprises arrivent à augmenter leur productivité pour compenser la hausse du dollar, il s'agit de voir où vous devez investir cet argent pour prendre de l'expansion. Sur ce plan-là, dans tout le secteur de la fabrication, il va falloir opérer de façon très différente. C'est cette incertitude qui crée de la nervosité. En même temps, tous ces défis représentent également toutes sortes de possibilités pour le secteur des affaires.

    Nous étions inquiets avant l'Accord de libre-échange. À entendre les économistes, l'industrie manufacturière allait fermer ses portes. Elle a pourtant enregistré la croissance la plus forte de son existence au cours des 10 années qui ont suivi. Les entreprises peuvent être optimistes, mais il est peut-être normal que les fabricants soient particulièrement nerveux. La transition ne sera pas facile.

+-

    Le président: Monsieur Yussuff.

+-

    M. Hassan Yussuff: Très rapidement, je vais en profiter pour souligner une chose. Au cours des 10 à 15 prochaines années, notre industrie manufacturière va être confrontée à un énorme défi. Nous l'avons déjà constaté dans une large mesure et c'est sans doute pour le gouvernement l'occasion de reconnaître qu'il a un rôle important à jouer.

    Nous ne sommes pas des témoins innocents de ce qui se passe dans l'ensemble de l'économie. Bien entendu, les gouvernements de nombreux pays qui nous concurrencent établissent des politiques pour promouvoir la croissance du secteur manufacturier. Nous savons d'après nos propres statistiques que c'est un secteur de l'économie où les salaires sont élevés. Dans une large mesure, c'est un secteur qui paie de très bons salaires et qui emploie beaucoup de travailleurs. Par-dessus le marché, si vous prenez nos exportations, l'automobile reste le premier produit d'exportation de notre pays et vous avez ensuite l'énergie, le pétrole et le gaz.

    Si nous voulons conserver cet avantage par rapport à la concurrence, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous devons nous fixer un objectif à long terme. Comment voulons-nous préserver et favoriser l'investissement tout en ayant une main-d'oeuvre qualifiée? Bien entendu, nous devons réinvestir et nous doter des instruments politiques nécessaires pour y parvenir.

    Une réalité à laquelle nous allons devoir faire face de plus en plus, comme les Européens et les autres pays, c'est le vieillissement de notre population active. Nous vieillissons rapidement et ce sera un problème fondamental pour notre économie. Que devons-nous en conclure quant aux mesures à prendre? Alors que les besoins en compétences de notre pays vont augmenter, il ne semble pas que nous ayons de stratégie pour y répondre.

    Je ne peux pas dire que, dans le contexte actuel, votre tâche demeure la même que par le passé, mais il est extrêmement important que vous trouviez un moyen de susciter un débat plus large sur les lacunes à combler. Il y a là des possibilités. Plusieurs personnes autour de cette table ont souligné la nécessité de nous doter de bons instruments politiques qui nous permettront d'aller de l'avant et j'espère que votre travail se poursuivra.

    J'espère que vous inviterez également d'autres personnes à venir témoigner. Un certain nombre d'autres groupes n'ont pas encore eu l'occasion de le faire alors qu'ils aimeraient beaucoup participer au même genre de discussion que celle que nous avons ici aujourd'hui.

»  -(1755)  

-

    Le président: Nous avons commencé tard et terminé tard et je remercie donc encore une fois nos témoins pour leur indulgence. Votre témoignage nous a été très utile.

    Je félicite les membres du comité pour leurs excellentes questions et nos témoins pour leurs excellentes réponses. Merci.

    Sur ce, la séance est levée.