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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à notre 26e séance. Nous sommes ici pour discuter du rapport du groupe de travail sur la mise en oeuvre d'un système de commercialisation libre du blé et de l'orge.
    Nous recevons aujourd'hui M. Howard Migie, directeur général des politiques stratégiques au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Bienvenue, Howard. De Grain Vision, du Manitoba, nous recevons Paul Orsak, président. Enfin, nous recevons Rob Davies, président-directeur général de Weyburn Inland Terminal Ltd. Messieurs, je vous remercie de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Bien entendu, nous avons prévu du temps pour vos déclarations préliminaires, puis nous allons vous poser des questions.
    Monsieur Migie.
    Je vous remercie de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui, particulièrement en tant que président du groupe de travail sur la mise en oeuvre d'un système de commercialisation libre du blé et de l'orge. Le groupe de travail se compose des deux membres qui sont ici, ainsi que de Brenda Brindle, de Mike Bast, de John Groenewegen et de Bruce Johnson.
    Notre tâche, monsieur le président, était de recommander des options sur la meilleure façon de mettre en oeuvre un système de commercialisation libre. On nous a demandé de proposer des solutions à certains problèmes techniques et des mesures de transition, pour une Commission canadienne du blé facultative de même que pour l'industrie céréalière canadienne.
    Le ministre Strahl a annoncé la publication de notre rapport lundi dernier.
    Dans ce rapport, nous parlons de la CCB II, soit d'une Commission canadienne du blé transformée, qui appartiendrait aux agriculteurs, serait de participation facultative et fonctionnerait sans pouvoirs réglementaires gouvernementaux.
    Paul Orsak va vous parler environ quatre minutes du modèle proposé pour la CCB II et de la préparation au changement vers la CCB II, puis Rob Davies va prendre la parole environ quatre minutes lui aussi, sur le lancement de la CCB II, les mesures de transition et la façon dont l'industrie du grain fonctionnera dans un contexte de commercialisation libre, enfin nous nous empresserons de répondre à vos questions. Au total, je crois donc que nous allons prendre environ 10 minutes au maximum.
    Permettez-moi de céder la parole à Paul sur la première partie du rapport.
    Bonjour, monsieur le président et messieurs les membres du comité.
    Je vous remercie de nous avoir invités à participer à vos délibérations sur des enjeux très importants pour l'industrie du blé et de l'orge et leurs incidences sur les agriculteurs, ainsi que toute la chaîne de valeur du blé et de l'orge.
    Le groupe de travail a reconnu très tôt dans ses délibérations que bien que la commercialisation libre touche surtout la façon dont les agriculteurs comme moi vont commercialiser leur blé et leur orge, elle a de grandes incidences sur la Commission canadienne du blé, évidemment, mais aussi sur toute la chaîne de valeur. On ne peut pas présumer que rien ne va changer sauf pour les agriculteurs et la Commission canadienne du blé. Le groupe de travail, par nécessité, a dû se pencher sur les incidences qu'aurait l'élimination des pouvoirs monopolistiques de la Commission canadienne du blé sur toute l'industrie. Il va y avoir diverses situations de cause à effet possibles, et même s'il serait vain d'essayer de prévoir comment chaque secteur va réagir, nous avons dû réfléchir à certaines conditions commerciales et nous demander si elles procureraient un avantage aux agriculteurs, sans toutefois nuire à la concurrence pour le grain des agriculteurs.
    Pour commencer, je vais mettre en contexte notre modèle opérationnel. Mes observations vont se concentrer surtout sur l'une des composantes probablement les plus intéressantes du rapport de notre groupe de travail. À mon avis, son intérêt vient surtout du fait que les agriculteurs sont avides d'information sur la forme que pourrait prendre la Commission canadienne du blé et la façon dont elle pourrait fonctionner dans un environnement de commercialisation libre.
    Il importe de souligner que le modèle opérationnel que nous proposons pour une nouvelle Commission canadienne du blé restructurée n'est qu'une option parmi d'autres.
    Les membres du groupe de travail ont toujours été conscients qu'il fallait non seulement que leurs recommandations aient de grandes chances de réussite et proposent un modèle opérationnel durable pour la nouvelle CCB, mais aussi qu'elles tiennent compte des améliorations futures qui seront rapportées au régime concurrentiel de la commercialisation, de la manutention, du transport et de la transformation du grain afin qu'il continue d'évoluer sans créer l'érosion du capital de l'industrie. En fait, nous croyons qu'il n'est pas seulement sain pour les agriculteurs et l'industrie de créer un climat favorable à l'investissement, mais que c'est nécessaire pour que l'industrie du grain de l'Ouest canadien demeure concurrentielle avec ses concurrents internationaux actuels et futurs.
    Les membres du groupe de travail estimaient important de proposer au moins une option même si, comme on peut facilement le comprendre à la lecture attentive de notre rapport, il reviendra en bout de ligne à la commission et à la direction de ce qu'on appelle la CCB II d'étudier quel modèle opérationnel et quel plan d'activité lui conviennent. Les membres du groupe de travail ne voulaient pas faire de présomptions ou être trop prescriptifs sur ces questions, puisqu'il reviendra à la CCB II elle-même de se positionner et de déterminer quelle sera sa proposition de valeur pour procurer un avantage concurrentiel considérable aux agriculteurs.
    J'aimerais maintenir vous présenter nos suggestions pour ce modèle opérationnel. Nous envisageons la CCB II comme une entité commerciale appartenant aux agriculteurs et gérée par eux. Les membres du groupe de travail croient que la CCB II pourrait tabler sur les forces de la Commission canadienne du blé actuelle pour accroître la rentabilité des agriculteurs. Ses forces sont les relations solides établies avec les clients et sa connaissance de leurs besoins; sa réputation solide pour l'établissement des prix, la livraison et l'exécution des contrats signés avec les acheteurs; le fait que beaucoup de producteurs aspirent à une nouvelle version de la Commission canadienne du blé qui serait administrée par les producteurs; enfin, son expérience dans l'administration d'un système de mise en commun pour les producteurs.
    De plus, la CCB II pourrait ou devrait créer de nouveaux produits novateurs pour l'établissement des prix ou de nouveaux protocoles sur la salubrité des aliments. Nous pensons qu'elle peut tabler sur ses forces afin de réduire les coûts de la chaîne d'approvisionnement grâce à l'achat ou à la location d'installations. Elle pourrait vendre certains des services pour lesquels elle s'est bâti une solide expérience, comme le transport et la surveillance météo. Surtout, elle pourrait commercialiser d'autres céréales que le blé et l'orge.
    Nous proposons la vente d'actions de la CCB II. Ces investissements permettaient clairement aux agriculteurs de voir leurs intérêts davantage pris en compte dans la CCB II. Évidemment, c'est aussi une façon de faire augmenter le capital de la société. Comme vous l'avez sûrement lu, nous recommandons que les actionnaires ne puissent pas échanger leurs actions avant deux ans, soit avant la fin des deux premières années.
    Évidemment, ce qui contribuerait beaucoup aux chances de réussite de la CCB II serait le transfert des actifs de la Commission canadienne du blé. La conjugaison des actifs incorporels que je viens de mentionner et des actifs corporels décrits aux pages 8 et 35 du rapport conférerait à la CCB II un avantage important au démarrage.

  (1110)  

    Enfin, si je peux prendre une minute de plus, j'aimerais vous présenter les choses sous un angle que vous pourriez trouver intéressant. Avant de travailler au sein de ce groupe de travail, je croyais personnellement qu'une CCB facultative serait concurrentielle sur le marché et qu'elle le serait surtout grâce à l'offre de services de mise en commun et d'options de prix au comptant.
    On n'a pas eu besoin de me convaincre de réfléchir attentivement à la valeur de la proposition d'une entité du type de la CCB II. Je l'ai étudiée surtout du point de vue d'un agriculteur, qui est naturellement axé sur la relation fournisseur-consommateur. De ce point de vue, je vois diverses offres de diverses entreprises.
    Chacune a ses caractéristiques qui lui sont propres, et en tant qu'agriculteur, je peux assez facilement choisir laquelle correspond le mieux à mes besoins. L'agriculteur en moi présumait que cette autre entreprise ayant une façon de faire unique et différente serait avantageuse pour moi, directement et indirectement, parce que l'influence concurrentielle améliore l'offre partout.
    Je le crois toujours, mais j'ai la forte impression que pour être vraiment concurrentielle, une nouvelle Commission canadienne du blé devrait se concentrer sur ses offres de prix au comptant plutôt que sur la mise en commun des prix.
    Après avoir été forcé d'y réfléchir un peu plus attentivement et grâce aux discussions musclées que les membres du groupe de travail ont eues, j'en suis venu à voir les choses un peu différemment. Je pense que la CCB II a une occasion en or de se distinguer sur le marché et qu'elle a une proposition de valeur qui comprend la mise en commun des prix parmi ses grands facteurs de réussite.
    Pour beaucoup d'agriculteurs, dont moi-même, la mise en commun de prix actuelle est relativement peu tentante. Elle engendre simplement trop de coûts. Cependant, dans un contexte de commercialisation libre, je pense que la mise en commun des prix pourrait être une offre extrêmement avantageuse pour les agriculteurs. Le nouvel environnement et la nouvelle donne de la discipline d'un marché concurrentiel poussera la direction de la CCB II à voir les choses bien différemment. Si l'on met l'accent sur la limitation des coûts, que les exigences de livraison ne l'emportent pas sur la qualité, que les prix des diverses classes ne sont pas établis arbitrairement, que la gestion et la logistique deviennent plus strictes et que l'on met l'accent sur la gestion du risque, je vois beaucoup de possibilités réjouissantes. En fait, je peux facilement imaginer que les agriculteurs soient très enclins à commercialiser une portion importante de leurs grains commercialisables, y compris des grains qui ne sont pas visés par la Commission à l'heure actuelle, par la mise en commun.
    C'est une question de gestion du risque des prix pour les agriculteurs. Si les marges se resserrent et que la gestion du risque devient beaucoup plus importante pour les agriculteurs, la proposition de valeur de la CCB II pourrait être vraiment unique et importante.
    Certains agriculteurs pourraient choisir de recourir plus que jamais aux services de la CCB II et d'y envoyer d'autres céréales. Je pense que bon nombre d'entre eux y enverront une portion importante de leurs grains lorsque la CCB II aura prouvé qu'elle est compétente et qu'elle est gérée de façon professionnelle. Personnellement, je peux m'imaginer envoyer une portion importante non seulement de ma production de blé, mais aussi d'autres céréales dans les mises en commun de la CCB II. Cela m'apparaîtra comme un outil de gestion du risque très professionnel et très précieux, qui est peut-être hors de ma portée actuellement.
    La meilleure comparaison que je peux faire est celle avec les fonds mutuels. Les fonds mutuels sont des mises en commun d'investissements. Ils sont volontaires, bien sûr, et se retrouvent en concurrence dans un marché très complexe. Plus les investisseurs y versent des portions importantes de leur portefeuille pour se prévaloir de l'administration professionnelle qu'ils offrent, plus ils croissent et fructifient. Je pense qu'il fait très peu de doute que la nature concurrentielle des marchés de capitaux est ce qui apporte de la valeur à ce type d'investissement.
    Je pense qu'il en va de même pour les activités de mise en commun des prix de la CCB II et qu'elle offrirait une proposition de valeur unique et concurrentielle aux agriculteurs. Si l'on m'offre en plus des outils novateurs et avantageux pour les agriculteurs, je serai très enthousiaste à l'idée de commercialiser mes céréales, mes grains oléagineux et mes cultures spéciales par la CCB II et ses services de mise en commun des prix.
    Je vous remercie de nous offrir cette tribune et je redonne la parole à Howard.

  (1115)  

    Nous allons laisser la place à Rob pour la conclusion.
    Monsieur Davies.
    Bonjour, monsieur le président et messieurs les membres du comité. Je vais vous parler de la création de la CCB II et de la façon dont une industrie du grain concurrentielle pourrait fonctionner dans un contexte de commercialisation libre.
    La création de la CCB II va exiger beaucoup de préparation de la part de tous les participants au marché, parce qu'une bonne partie des méthodes qui existent depuis des années dans le système de commercialisation du grain vont changer, à commencer par la CCB. Il va y avoir deux périodes: A et B, comme vous le dites dans votre rapport, pour lui laisser le temps de se doter d'un plan d'activités, d'embaucher le personnel nécessaire et d'accroître ses compétences de manière à réussir dans le nouvel environnement de la commercialisation libre.
    La CCB II va se réinventer, créer une nouvelle vision et de nouveaux contrats, concevoir des programmes et présenter sa proposition de valeur aux agriculteurs pour l'avenir.
    La CCB II va avoir besoin de temps et devra créer divers documents ainsi qu'acquérir de l'expérience pratique dans le nouvel environnement afin de se doter des systèmes nécessaires pour avoir accès à du financement à l'avenir, continuer d'offrir des services de mise en commun aux agriculteurs et avoir accès à du financement pour les ventes d'exportation.
    Le gouvernement fédéral devra prévoir diverses mesures de transition pour apporter les modifications nécessaires à la Loi sur les grains du Canada et à la Commission canadienne du blé afin d'offrir la commercialisation libre aux producteurs de blé et d'orge des Prairies. Parmi les changements requis, il faudra hausser le niveau de certitude entourant les wagons de producteurs et prescrire les pouvoirs nécessaires pour surveiller les activités, mener enquête, accéder aux données nécessaires, publier des rapports publics, contribuer au règlement des conflits et régler rapidement tous les problèmes de comportements non concurrentiels de manutention des grains dans l'industrie, tant pour les producteurs que pour l'industrie.
    De plus, l'administration du régime actuel des avances en espèces, qui relève actuellement de la Commission du blé, devra être confiée à un autre organisme.
    Enfin, le gouvernement devra adopter des mesures pour accroître la concurrence dans le domaine ferroviaire, notamment par l'amélioration des dispositions sur la protection des expéditeurs contenus dans la Loi sur les transports au Canada. Tout le monde déplorait les mêmes problèmes quant à l'inefficacité de la concurrence ferroviaire. Ces questions débordaient du mandat du groupe de travail; cependant, il demeure important d'en tenir compte pour assurer une bonne transition vers la commercialisation libre. De la perspective de l'industrie commerciale, nous devons être très clairs sur une chose. Le marché a besoin de certitude concernant la période de transition. L'industrie va établir des contrats privés et des contrats à la Bourse des marchandises de Winnipeg, mais il faut une certaine certitude sur le temps nécessaire, et cela fait partie des délais prévus dans les recommandations du groupe de travail.
    Les acteurs de l'industrie devront établir de nouveaux accords contractuels. Je pense notamment aux exploitants des silos terrestres et portuaires, aux exportateurs et aux utilisateurs finaux comme les meuniers et les malteurs, tant au pays qu'à l'étranger.
    Bien que ces changements risquent de modifier les habitudes de récolte, ils risquent de donner une plus grande certitude aux agriculteurs et à l'industrie, en plus d'accroître l'aptitude du Canada à répondre aux besoins des consommateurs finaux.
    Pour bien réussir la transition, il sera essentiel de bien comprendre les agriculteurs. Bien qu'ils commercialisent déjà une partie de leurs produits comme les céréales fourragères, les grains oléagineux et les cultures spéciales non visées par la CCB, ils auront besoin, pour que la transition vers la commercialisation libre des grains qui ont longtemps été administrés se fasse sans heurt, de nouveaux protocoles de gestion du risque et devront revoir leurs stratégies de vente et de commercialisation en fonction des besoins de leurs fermes dans le nouveau monde de la commercialisation libre.
    On s'attend à ce que les habitudes de production changent dès que les incidences directes des coûts de logistique et de commercialisation deviendront apparents. C'est bon pour l'industrie et pour les agriculteurs à long terme, mais il y aura une période d'adaptation. Les sociétés céréalières devront elles aussi s'assurer qu'elles ont accès à suffisamment de financement et que leurs clients agricoles comprennent les nouvelles exigences dans le monde de la commercialisation libre. Les contrats actuels de la CCB sont plutôt difficiles à faire respecter en raison du pouvoir de la CCB de commercialiser tous les grains de l'Ouest.
    Les cultivateurs de blé et de blé dur devront établir des contrats beaucoup plus précis qu'auparavant, et cela aura des incidences collatérales sur le système de classement des grains, parce que les normes de classement actuelles pourraient ne plus répondre aux exigences des consommateurs finaux en matière de qualité.
    Les changements requis semblent peut-être décourageants, mais en réalité, si nous voulons nous doter d'un secteur canadien des grains véritablement concurrentiel pour la commercialisation, la manutention et le transport, un secteur doté de mécanismes de repérage de prix et de couverture efficaces et dans lequel évolue une CCB II forte et viable pour les agriculteurs, il faudra travailler fort. Il ne faut pas s'attendre à ce que ce changement s'opère rapidement.
    Pour conclure, dans ses recommandations, le groupe de travail a cherché à prévoir de bonnes mesures de transition financière pour la CCB II tout en lui laissant suffisamment de temps pour augmenter ses chances de réussite et en incitant les investisseurs actuels et futurs à participer au secteur du grain du Canada, tout cela dans le contexte des efforts pour offrir la commercialisation libre aux agriculteurs.

  (1120)  

    Le groupe de travail croit que si le choix du mode de commercialisation est présenté avec doigté et considération, mais sans retard inutile, un système de commercialisation des grains efficace, efficient et compétitif servira les intérêts des producteurs de céréales, des consommateurs et de l'ensemble de l'industrie du grain à long terme.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs.
    Nous allons maintenant entamer la période de questions.
    Vous pouvez vous préparer à utiliser les services d'interprétation. L'anglais est au numéro un et le français, au numéro deux; monsieur Easter est au numéro trois, donc soyez prêts.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Monsieur Easter, vous avez sept minutes.
    Merci, messieurs.
    Il est clair que votre rapport a à tout le moins l'effet de rendre l'industrie du grain des États-Unis heureuse, tant le secteur multinational que les producteurs des États-Unis. Ils essaient de détruire la Commission canadienne du blé depuis onze ans et tout à coup, le ministre semble s'apprêter à faire la même chose, à réclamer la même chose que les États-Unis.
    Quoi qu'il en soit, j'ai vu beaucoup de groupes de travail dans ma carrière, mais je n'en ai jamais vus comme celui-ci, qui fait si peu d'analyses et recueille si peu de données de base. De toute évidence, il travaillait sur la base de présomptions avant même sa mise en place, sans se soucier de recueillir des preuves pour appuyer son point de vue.
    Howard, pouvez-vous fournir à notre comité les documents suivants: premièrement, la liste complète de toutes les réunions tenues par ce groupe de travail, les lieux des réunions et la liste des participants; deuxièmement, la liste de toutes les présentations soumises au comité, sollicitées ou pas, et troisièmement...
    Ralentissez, monsieur Easter, pour nous donner la chance de vous suivre.
    ... la liste de toutes les évaluations, rapports ou analyses économiques effectués par le groupe de travail?
    Je ne m'attends pas à ce que vous me les donniez aujourd'hui, mais j'aimerais que vous les fassiez parvenir au comité.
    Ensuite, dans sa conclusion, M. Davies a cité le rapport à la page 8 :
Le groupe de travail croit que si le choix du mode de commercialisation est présenté avec doigté et considération, mais sans retard inutile, un système de commercialisation des grains efficace, efficient et compétitif servira les intérêts des producteurs de céréales, des consommateurs et de l'ensemble de l'industrie du grain.
    Monsieur Davies, pouvez-vous donner au comité des preuves, des études, des analyses ou d'autres documents à l'appui de cette position? Je veux de vraies preuves, comme des contrats, et non des suppositions.
    Monsieur Davies.
    Certainement, monsieur le président.
    Je pense que de par sa nature même, une prise de position ne s'appuie pas nécessairement sur des preuves. Le comité a pris beaucoup de temps pour étudier certaines options. Nous lui en avons proposé cinq, si je ne me trompe pas, pour que le système fonctionne. Il ne fait aucun doute qu'il y a du travail à faire, et nous avons mentionné certains cas où nous devrons veiller à ce que l'environnement demeure concurrentiel, mais on nous a clairement confié la tâche de proposer une amorce de modèle sur la façon de faire. C'était notre point de départ. Je pense que c'est un excellent début, et nous fournissons de l'information sur les façons dont le marché pourrait fonctionner. Il est indéniable qu'il va y avoir des changements.
    Monsieur Migie.
    Je commencerai par la première partie de la question. Le groupe de travail a été chargé d'une tâche particulière. Le ministre n'a pas demandé que nous examinions la question de savoir si le gouvernement devrait adopter une orientation particulière. Le groupe de travail a reçu des directives.
    Ce qu'on nous a demandé de faire, c'est d'identifier et d'examiner divers enjeux techniques ou transitoires qui devraient être réglés, et la manière de les régler. Il n'était pas question de faire une étude ou déterminer si la CCB, avec des pouvoirs monopolistiques, est plus avantageuse ou pas. Notre travail était vraiment de cerner les enjeux. Dans la plupart des cas, les gens venaient nous voir. Quel que soit le groupe qui voulait nous voir, nous le rencontrions. Vingt-et-une personnes nous on écrit par courriel, et nous avons partagé cela avec le groupe. Ces gens nous offraient des renseignements utiles, dans demander à nous rencontrer.
    Plusieurs compagnies ont déclaré souhaiter venir nous fournir des renseignements, principalement sur la transition, sur leurs inquiétudes au sujet de la période de la transition et des ajustements à elle, et je peux dire...
    Alors nous avons eu quatre réunions, en tant que groupe, et chacune de ces réunions... Pardonnez-moi?

  (1125)  

    Pouvez-vous nous remettre cela? Howard, je vous ai demandé de nous remettre ces documents. Si c'est le cas, si vous étiez censés suivre des directives particulières — et dans la réponse de M. Davies, il est clair que vous n'avez pas de preuves. Alors pourquoi diriez-vous dans le rapport que vous croyez...? Il s'agit ici de graves conséquences, messieurs. Il s'agit de renoncer à la vente à un guichet unique, par l'entremise de la Commission canadienne du blé, et la Commission dit — c'est dans le rapport — que la perte pour les producteurs sera de l'ordre de 530 millions à 655 millions par année.
    Si nous perdons ce guichet unique... Vous savez, Howard, votre crédibilité est en jeu. Vous êtes avec Agriculture et Agroalimentaire Canada depuis les années 70. C'est votre crédibilité qui est en jeu, ici. Si nous perdons la Commission du blé, vous savez que la loi commerciale fait qu'on ne pourra pas la recréer. Il ne s'agit pas ici de croyances; ce devraient être des preuves, des faits, une analyse. C'est ce qu'il faudrait.
    M. Migie essaie seulement de répondre à votre question, monsieur Easter.
    La question est différente de ce qu'on a demandé à ce groupe de faire. Il est très pertinent, dans mes fonctions, d'aider le ministre et le gouvernement à mettre en oeuvre la politique — c'est vraiment mon travail. Pour ce qui est de notre tâche en particulier, on ne nous a pas demandé d'analyser les diverses études.
    Il y a des études qui portent sur les deux aspects de la question. Un nombre incroyable d'études ont été menées. Plusieurs d'entre elles appuient la Commission canadienne du blé et soutiendraient que ses pouvoirs monopolistiques sont avantageux. D'autres études portent sur les coûts. Mais ce n'est pas du tout la tâche qui nous a été confiée. On ne nous a pas demandé d'étudier cela. On ne nous a pas demandé d'en traiter. Nous avions un travail à faire pendant un mois, et c'était d'analyser la possibilité du choix de mode de commercialisation. C'est ce que nous avons fait, et c'est ce que nous avons dit avoir fait, et nous avons présenté un modèle viable qui, selon nous, serait un bon modèle pour mettre en oeuvre le choix du mode de commercialisation.
    Il vous reste vingt secondes, monsieur Easter.
    En ce qui concerne la présentation que vous a faite la Commission canadienne du blé, elle a soumis une réponse aux questions que vous lui avez posé le 13 octobre. Est-ce qu'alors, en tant que groupe de travail — ou est-ce encore un cas d'absence de preuves — est-ce que vous acceptez les conclusions de la Commission du blé en ce qui concerne les avantages que présentent ses activités? Vous les avez décrits, vous devez les connaître, et ils se chiffrent entre 530 millions et 655 millions de dollars par année. Est-ce que vous contestez cela?
    Le groupe de travail n'a pas traité de cet aspect des renseignements qu'a fournis la Commission du blé, parce que ce n'est pas ce qu'on lui avait demandé de fournir. Nous aurions pu sonder l'avis des gens — qui appuie quelle position et pourquoi — mais ce n'était pas notre tâche; c'était de déterminer ce qu'entendait l'adoption de cette orientation. Nous avons posé plusieurs questions à la Commission canadienne du blé, et nous nous sommes fondés sur les renseignements qu'elle nous a fournis pour répondre aux questions. En plus, elle a choisi de fournir des renseignements qui répondaient à une autre question que celle que nous avions posée, alors en tant que groupe, nous n'avons pas tenté de déterminer si nous serions d'accord ou non avec les chiffres fournis.
    Merci, monsieur Easter.
    Monsieur Roy, allez-y.

[Français]

    Je suis d'accord avec M. Easter. J'ai des réserves sur les propos que vous tenez. Vous nous dites, en fin de compte, que vous proposez un modèle parce qu'on vous a demandé de le faire et qu'en définitive, on avance à l'aveuglette. Vous dites, à la page 22 de la version française du rapport, que l'ajustement au libre choix du mode de commercialisation des produits fera des gagnants et des perdants.
    Dans le cadre de ce que vous proposez, avez-vous déterminé qui va être perdant? Parlez-moi de ceux qui, à votre avis, seront perdants à la suite du changement de modèle. J'aimerais savoir qui va l'être et dans quelle mesure ces gens vont avoir à souffrir de la décision qui va être prise. On ne peut pas affirmer, dans un rapport, qu'il va y avoir des perdants, si on n'a pas évalué cette éventualité. Pour ma part, je n'affirmerais pas une chose semblable sans l'avoir étudiée d'abord.

  (1130)  

[Traduction]

    Paul va répondre à la question sur l'ajustement pour les gagnants et les perdants.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'excuse, mais je n'ai pas compris toute votre question. J'étais sur le mauvais poste pour commencer, mais je pense avoir un peu saisi l'essentiel de votre question.
    Quand nous avons parlé de gagnants et de perdants, c'est dans le sens que nous n'avons pas orienté les commentaires spécifiquement sur un secteur, sur une compagnie de toute la chaîne de valeur céréalière. Quand il y a des changements, des ajustements se font, les agriculteurs, les compagnies céréalières et les transformateurs, tout le monde doit s'ajuster; il faut procéder à un rééquilibrage, et trouver un nouvel équilibre dans l'industrie globale. Manifestement, l'Industrie du grain du l'ouest du Canada est fortement influencée par la Commission canadienne du blé et son monopole sur le blé et l'orge, de même que par sa très lourde influence sur le régime de réglementation.
    En changeant cela, par définition, il faudra trouver un nouvel équilibre et, de façon générale, cela signifie qu'il pourrait y avoir des gens qui...

[Français]

    Cet équilibre suppose, comme vous le dites, qu'il va y avoir des perdants. Je voudrais savoir si vous allez déterminer qui seront les perdants. Dire que tout changement entraîne des modifications, qu'il y aura des fluctuations, et ainsi de suite, c'est comme énoncer une vérité de La Palice.
    Je veux savoir si vous avez déterminé, même si ce n'était pas votre mandat, qui serait perdant. Pour ma part, si on me demandait de réaliser un rapport de ce genre, de deux choses l'une: je ne ferais pas ce genre d'affirmation ou je préciserais qui serait perdant.

[Traduction]

    Peut-être pourrais-je essayer de répondre à cette question.
    Nous avons eu des entretiens avec plusieurs compagnies céréalières qui sont venues nous voir — certaines modestes et d'autres plus importantes. Elles ont toutes fonctionné avec la Commission canadienne du blé qui agissait dans un cadre monopolistique, aussi loin qu'on puisse s'en souvenir. La Commission canadienne du blé traite avec elles en tant que groupe, pour bien des choses. Puisqu'il y a un monopole, ils agissent en tant que groupe. À l'avenir, la Commission du blé pourrait traiter avec elles individuellement. Certaines compagnies sont très bien placées pour se lancer dans la concurrence, et elles pourraient très bien s'en tirer. Mais certaines ont des installations à Vancouver et d'autres pas. Ce qui les inquiète, c'est de savoir si elles auront le même accès. Elles devront conclure des arrangements différents avec diverses compagnies. On s'attend à ce qu'il y ait un changement. Le contexte concurrentiel sera différent. Certaines compagnies pourraient très bien s'en sortir, et d'autres moins. Nous ne pouvons pas déterminer quelles compagnies s'en tireront bien ou moins bien. Ce sera pour elles un grand changement. Elles ont jusqu'ici fonctionné d'une certaine façon. Elles ont entretenu certaines relations d'affaires qui n'existeront plus. Peut-être devront-elles créer de nouvelles relations. C'est vraiment ce dont il s'agit, et c'est pourquoi le temps qui passe est important pour certaines.
    Nous avons rencontré des malteurs qui se demandaient s'ils étaient prêts pour un arrangement différent. Jusqu'ici, ils fonctionnaient autrement. Ils pourraient avoir besoin d'installations d'entreposage qu'ils n'ont pas. Certains sont bien placés, d'autres moins.
    Alors il règne une certaine frénésie parmi les entités avec lesquelles la Commission canadienne du blé traite actuellement. L'interaction sera différente, mais nous ne pouvons pas prédire quelle compagnie, en fin de compte, en ressortira gagnante. C'est seulement que l'inquiétude règne. Certains pensent qu'ils perdront beaucoup. Il n'y a pas d'opinion unifiée des compagnies céréalières voulant qu'on mette fin aussi vite que possible au monopole. Ce n'est pas du tout cela. Elles disent qu'elles ont fonctionné d'une certaine façon, que cette façon leur convient, qu'elles savent à quoi s'en tenir face à leurs compétiteurs, et que c'est un grand changement.

[Français]

    On avance donc à l'aveuglette, c'est clair. Vous ne pouvez pas me dire quelles sociétés vont souffrir de cette situation, leur nombre et l'impact du changement qu'elles vont subir. Vous dites vouloir procéder à long terme parce que les impacts seront significatifs, un mot qui ne veut rien dire, à mon avis. Si vous me parliez d'impacts importants, je serais d'accord. Vous voulez sans doute me dire qu'il y aura des impacts importants, majeurs et que ceux-ci vont mettre en péril des sociétés et des entreprises. Mais voilà que vous me dites ne pas connaître le pourcentage. Moi, je ne proposerais pas une telle chose si je n'en connaissais pas les impacts. Je m'excuse de le dire, mais je n'en serais pas capable.

  (1135)  

[Traduction]

    Ce que nous proposons, c'est une période de transition qui donne au marché le temps de s'ajuster.
    Très franchement, cela me rappelle beaucoup l'époque où je travaillais sur l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Avant sa conclusion, on se demandait et on s'inquiétait de quelles compagnies allaient y gagner et lesquelles allaient y perdre. Le résultat a certainement été très différent. Les compagnies qui y ont gagné ont été étonnées. Des changements ont été faits. C'était très difficile à prédire, sinon impossible. Les gens changeront. Les stratégies opérationnelles actuelles des compagnies qui sont fondées sur le principe d'une Commission canadienne du blé détenant un pouvoir monopolistique changeront. Il faudra faire les choses autrement, et ils devront s'y adapter.
    C'est vraiment ce que nous disons. Il faut laisser le changement survenir, et nous voulons laisser le temps qu'il faut pour qu'il survienne de manière raisonnable.
    Merci, monsieur Roy.
    J'ai noté certaines choses sur ce qui s'est passé jusqu'ici. Est-ce que le marché ne s'ajuste pas sur une base annuelle — ou même plus courte —, selon le nombre d'acres réservé à la culture d'un certain produit, et selon l'effet des conditions météorologiques sur ce produit? N'y a-t-il pas déjà d'ajustement continu du marché dans ce secteur — presqu'au quotidien, si on lit les marchés?
    Certainement, monsieur le président. Il est certain qu'il y a des variations de surface en blé, des fluctuations des prix; il y a diverses raisons aux mouvements des marchés, d'un point de vue logistique, vers différents marchés de vente, différentes positions de vente. Plusieurs de ces changements sont survenus aujourd'hui.
    Si je peux brièvement aborder l'aspect de la prédiction d'un marché concurrentiel dynamique, en tant que président et directeur général d'une compagnie, j'aimerais bien pouvoir le faire; j'aimerais bien que tout le monde le puisse. ait. Nous pourrions bien plus clairement saisir comment concevoir une stratégie, mais le marché se développera très clairement. Comme l'a dit Paul, nous avons essayé de ne pas être trop normatifs avec la CCB II, parce qu'il leur faut créer un modèle opérationnel qui offre un autre choix efficace aux producteurs.
    Une solution pouvant être très efficace, d'une perspective de gestion des risques, c'est la mise en commun. Elle est très attrayante pour un vaste segment de producteurs. Selon la manière dont ils mettent en oeuvre ce choix de mode de commercialisation, selon les personnes avec qui ils ont des contrats, selon la manière dont tout cela s'imbrique ensemble, il pourrait y avoir de grandes possibilités pour certains modestes joueurs dont ont pourrait penser à première vue qu'ils vont être nettement désavantagés sur le nouveau marché, mais c'est difficile à prédire.
    Cela dépend de la stratégie de chacun, de la stratégie de la CCB II, et de l'adhésion des agriculteurs et que de la mesure dans laquelle ils veulent s'engager avec la CCB II assumant le rôle de gestionnaire du risque pour une partie de leurs opérations agricoles. Ces éléments mobiles font qu'il est très difficile de prédire où la roue arrêtera. La possibilité est intéressante, mais il est clair qu'il y a des risques, et c'est le genre de choses dont on ne peut pas dire qu'elles favorisent l'équilibre.
    La dernière chose que j'aimerais dire, avant de laisser la parole à M. Bezan, est la suivante. Il est beaucoup question de soi-disant projections de gagnants et de perdants dans tout cela, et il est difficile de déterminer qui ils seront. Dans un scénario où on cultiverait plus de blé, d'orge et de durum parce qu'ils offrent un meilleur rendement, est-ce que certains des perdants ne seraient pas les cultivateurs et transformateurs de canola et de légumineuses, tandis que les agriculteurs se tourneront vers un produit dont la culture est moins coûteuse? Le coût des intrants pour le blé ou l'orge sont un tiers de ce qu'il m'en coûte pour planter des légumineuses ou du canola. Est-ce une perte potentielle?
    Monsieur le président, le changement fondamental que nous observerons, c'est que la logistique aura plus d'influence sur le coût du transport et le coût du déplacement du marché. Il existe nettement plus d'analyses sur la transformation à l'échelle nationale en ce qui concerne les installations de biocarburants ou de broyage d'oléagineux. Tout change.
    Si vous regardez le marché de l'orge de l'Alberta, il fluctue selon le transport, et ses prix sont fonction du transport. Nous allons constater une plus grande tendance en ce sens dans les cultures spéciales et les oléagineux. Dans le monde des céréales, le système de la Commission canadienne du blé masque un peu la situation, en ce qui concerne le transport et l'atteinte de marchés efficaces, et cela changera. C'est très positif pour l'industrie, et aussi pour les agriculteurs. Ils cultiveront des produits particuliers, pour des marchés particuliers. Ce sera mieux pour nous, mais il faudra quand même un certain ajustement.
    J'aimerais ajouter un commentaire. Ce n'est pas un jeu à somme nulle, où il doit y avoir un nombre égal de gagnants et de perdants. Actuellement, les minotiers et les compagnies céréalières peuvent fonctionner en tant que groupe quand elles font affaire avec la Commission canadienne du blé, pour diverses choses. Ils peuvent travailler ensemble, négocier ensemble, dialoguer, et se regrouper avec la Commission canadienne du blé parce qu'elle détient un pouvoir monopolistique. Cela devra changer. Avec la loi, ils ne pourront plus travailler ensemble. Il y aura une ouverture sur certains types de concurrence qui, par nécessité... et quand je dis que cela crée des gagnants et des perdants, c'est dans ce sens — la compétition mondiale fera des gagnants et des perdants, mais ce n'est pas un jeu à somme nulle. Je tenais à ce que ce soit clair.

  (1140)  

    D'accord. C'est bien. Merci.
    Monsieur Bezan, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier tous, messieurs, d'être venus aujourd'hui faire cette présentation. Je vous remercie pour le rapport.
    Ce à quoi faisait allusion M. Easter tout à l'heure, que qui vous aviez entendu, qui vous a conseillé, et qui vous a fait des présentations, n'était pas ce que nous attendions de vous; votre tâche consistait à alimenter notre réflexion sur la transition, et vous l'avez remplie. En tant que comité, nous avons la possibilité d'examiner tous les renseignements qui sont présentés au comité. Le gouvernement et le ministre ont, c'est certain, tous les rapports qui ont été produits, les pour et les contre de la Commission canadienne du blé, et nous allons fonder de cette décision sur tous ces renseignements. Ce n'est qu'un autre élément de la trousse d'information qui servira à élaborer les politiques.
    J'ai néanmoins des questions sur le rapport que vous avez présenté en particulier. J'ai été très étonné qu'on parle d'une nouvelle Loi sur la Commission canadienne du blé, de modification des lois actuelles et d'adoption d'une nouvelle loi. Selon votre vision, est que la CCB II a des pouvoirs réglementaires qui nécessiteraient des mesures législatives et le timbre d'approbation du gouvernement?
    L'actuelle Loi sur la Commission canadienne du blé stipule un grand nombre de responsabilités, de rôles du gouvernement, et des règlements. Au bout de la transition, la CCB II n'aurait aucun pouvoir réglementaire, et n'assumerait pas de rôle gouvernemental. Les modifications législatives seraient très importantes comparativement à ce qu'il y a dans la loi actuelle. On a jugé qu'il vaudrait bien mieux abroger la loi actuelle et transférer les mesures de transition de la loi actuelle à la nouvelle. Il n'y aurait pas de fonction ou de rôle gouvernemental, et il n'y aurait pas de rôle réglementaire dans la nouvelle loi.
    Alors au bout du compte, après toute cette transition, il n'y aurait pas besoin de loi?
    Non, il y aura besoin de mesures législatives, de la même manière qu'il y a une loi du Parlement pour l'établissement de l'Union des producteurs de grain Limitée et il y a une loi du Parlement pour le CN.
    Elle comporterait certaines choses au sujet de la gouvernance en bout de ligne, et il pourrait y avoir certaines restrictions qui s'appliqueraient à la propriété pour les agriculteurs, les pourcentages, qui seraient prévus dans la loi, et il y aurait tous les montants de transition qui passeraient de la loi actuelle à la nouvelle loi.
    Il y a un aspect technique qu'a soulevé la Commission canadienne du blé dans sa présentation, qui nécessiterait probablement certaines mesures. Il s'agit des emprunts qu'a faits la Commission canadienne du blé sur dix ans, et qu'il serait très difficile de résilier maintenant, parce que cela entraînerait d'importantes pénalités et ce serait difficile de rassembler tout le monde. Alors il faudrait en parler dans la loi.
    Il y a une chose dont vous avez parlé, et c'est que le groupe de travail a dit que la Commission canadienne du blé a un rôle à jouer dans la recherche. Bien des producteurs considèrent la CCB comme une organisation qui a beaucoup de pouvoir en matière de défense des intérêts, particulièrement en ce qui concerne les affaires liées au commerce international et dans la lutte avec les États-Unis relativement aux mesures commerciales imposées dans le passé.
    Pour d'autres produits, nous avons des contributions de l'agriculteur qui financent les organisations, donc qui contribuent à la recherche. Je sais que les secteurs du bétail et du porc ont eu à maintes reprises à surmonter des obstacles commerciaux que posaient les États-Unis et ont dû les confronter devant le tribunal du commerce international, au niveau des bureaux de l'ALENA. Tout cela a été financé par les contributions des agriculteurs.
    Est-ce que vous estimez que ce serait un rôle pour la CCB II, qu'il pourrait y avoir des contributions de l'agriculteur pour financer ce genre d'activités?
    L'approche que nous avons appliquée, c'est que lorsque la Commission canadienne du blé contribue à la recherche, ce qu'elle fait pour certaines activités de développement du marché... La CCB II ne jouerait probablement pas le même rôle, parce que certaines profitent à toute l'industrie; pas seulement à un membre.
    Même si, selon nous, ce serait un membre très important, nous donnons trois ans. Nous avons jugé que le gouvernement du Canada devrait assumer les frais pendant trois ans, pendant ce temps, ces entités devraient trouver un arrangement différent.
    Peut-être la CCB  pourrait-elle être un contributeur, mais avec d'autres dans l'industrie, que ce soit par un mécanisme de contribution des agriculteurs plus élargi... Mais puisque les avantages sont généralisés, il est peu probable que la CCB II offrirait le même genre de contribution que l'actuelle CCB.

  (1145)  

    Paul, vous avez notamment parlé d'une mise en commun volontaire, semblable aux fonds mutuels. J'entends des producteurs de ma région du monde dire qu'ils aiment bien la mise en commun, et qu'ils souhaiteraient l'existence d'une mise en commun volontaire pour d'autres produits. C'est quelque chose dont a parlé le groupe de travail.
    Je peux concevoir qu'avec une commission du blé volontaire, ils devraient aller conclure des contrats de gré à gré avec des gens qui veulent des contrats à terme, ou ils vendront sur place.
    Comment ferait-on pour atteindre les agriculteurs un an à l'avance pour les engager dans un régime de mise en commun? Est-ce que vous envisagez l'acceptation ou le refus d'une option, ou est-ce que le producteur signerait sur la ligne pointillée pour un nombre donné de tonnes? Comment voyez-vous cela?
    Monsieur le président, je peux songer à diverses façons dont la CCB II pourrait établir ses arrangements contractuels avec les agriculteurs. La mise en commun pourrait se faire de diverses manières. Il pourrait y avoir des mises en commun annuelles, à plus court terme, ou il pourrait y avoir deux ou trois mises en commun simultanées. Le nombre de possibilités est quasiment infini, en ce qui concerne les mises en commun.
    Mais je pense que l'important pour les agriculteurs, ce sera s'ils puissent participer à une mise en commun, les arrangements contractuels qu'ils devront conclure avec la CCB II devront être conventionnels, des contrats de type commercial avec, peut-être, des échéances pour leur signature, mais certainement avec des conséquences, des récompenses et des pénalités pour le rendement et le non-rendement.
    Quand nous avons parlé d'une application plus rigoureuse des contrats, c'est ce que nous voulions dire.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Rob aimerait maintenant donner une réponse.
    Si je puis me permettre seulement un bref commentaire sur l'une de ces questions — et à l'instar de Paul, je m'interrogeais au départ sur l'efficacité d'un système de mise en commun — lorsqu'on examine la situation d'un point de vue pratique, on constate que la plus grande partie des récoltes ne seront vendues que l'automne de l'année suivante, ce qui fait que l'échéancier du 1er août pour la fin de la campagne agricole n'est pas vraiment pertinent, surtout du point de vue de la commercialisation. Je ne vois donc pas pour quelle raison les gens ne pourraient pas conclure des contrats à livraison différée, des contrats à terme sur écart et des contrats fondés sur une mise en commun.
    Je crois personnellement qu'il y aura des marchés — et celui du blé dur pourrait en être un exemple — où les producteurs pourront constater vraiment les avantages de la mise en commun, ce qui les incitera à s'engager à fournir un certain nombre de tonnes.
    Je n'aime pas beaucoup dire que le choix entre des périodes plus ou moins longues pour la mise en commun n'est qu'un détail opérationnel parmi tant d'autres, mais c'est le genre de décisions qui relèveront de la nouvelle CCB II. Mais j'estime effectivement que la mise en commun est avantageuse et que les producteurs y voient un outil de gestion du risque.
    Cette méthode peut fonctionner. Elle s'inspire simplement d'un point de vue différent par rapport au mécanisme actuel.
    Merci, monsieur Bezan.
    Monsieur Atamanenko, vous avez sept minutes.

[Français]

    Bonjour et merci d'être parmi nous.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine que M. Roy, qui a parlé des perdants. Avant de le faire, je voudrais cependant poser une question à M. Orsak.

[Traduction]

    Monsieur Orsak, j'ai seulement une brève question pour vous. Faites-vous toujours partie du conseil d'administration d'Agricore United? Croyez-vous qu'on est en train de mettre en place un nouveau concurrent pour votre société et anticipez-vous des conflits d'intérêts à ce chapitre?
    Merci pour votre question car il s'agit d'un point important que je souhaite éclaircir.
    D'abord et avant tout, je suis bel et bien membre du conseil d'administration d'Agricore United. Nous sommes régis par une loi du Parlement qui établit les modes de gouvernance et de contrôle de la société. Notre conseil compte 15 administrateurs qui sont élus démocratiquement par les producteurs membres. Un chiffre d'affaires préétabli est exigé pour être membre votant, ce qui fait que ce sont de véritables agriculteurs qui élisent les membres du conseil d'administration d'Agricore United.
    Pour ce qui est des risques de conflit d'intérêts, je vous dirais que dès l'amorce de notre travail nous avons convenu très rapidement de faire abstraction de nos revendications particulières. Lorsque j'ai participé à ces travaux, je n'avais pas l'impression de défendre les intérêts de qui que ce soit. Nous avions un travail très précis à faire en fonction d'un mandat bien défini. Il ne fait aucun doute que mon dossier des 20 ou 25 dernières années parle en ma faveur. Depuis toutes ces années, je m'efforce d'aider l'industrie dans son ensemble à établir un climat qui favorise la croissance et la prospérité. Ce sont là mes antécédents et je ne considère pas qu'il y a conflit d'intérêts. Agricore United livrera une concurrence féroce à la CCB II.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant poursuivre dans le sens des questions précédentes.
    La transition qui est proposée pourrait être à l'origine de changements importants, aussi bien positifs que négatifs, non seulement dans l'industrie du grain, mais aussi pour notre mode de vie rurale et pour notre pays tel que nous le connaissons. Autrement dit, on pourrait presque parler d'une révolution, faute d'un terme plus approprié. C'est mon interprétation de la situation. D'après notre expérience rétrospective des révolutions, on se dit toujours qu'il y aurait pu avoir une meilleure façon de faire les choses, plutôt que d'apporter des changements aussi draconiens qui ont été à l'origine de souffrances pour des milliers et des millions de personnes. Pour mettre les choses en contexte, la Russie cherche encore à récupérer de la révolution de 1917.
    Ce mandat vous a été confié. À votre avis, y aurait-il pu y avoir une meilleure façon d'examiner la situation de l'industrie du grain, d'obtenir la contribution de tous les intervenants pour emprunter la voie de l'évolution, ce qui aurait été plus équitable que ce rapport qui vous a demandé un mois de travail? Nous ne savons pas dans quelle mesure une analyse économique détaillée a pu ainsi être réalisée.
    Mon autre question fait suite au point soulevé par mon collègue. Qui sort perdant? Nous avons entendu dire que telle ou telle entreprise pourrait s'en ressentir, mais qu'en est-il du producteur de grain moyen de l'Ouest canadien? Et je ne vous parle pas de celui des régions frontalières qui peut faire de l'agriculture à forfait et avoir accès à ces autres marchés. Que se passe-t-il pour un agriculteur près de Blaine Lake, par exemple, où j'ai passé les étés de mon enfance? Pensons un peu au producteur primaire. Nous sommes tous ici parce que le producteur primaire est notre principale préoccupation.
    Est-ce lui qui va être perdant, et aurions-nous pu trouver un meilleur moyen? Assurez-vous d'avoir assez de temps pour répondre à ces questions.

  (1150)  

    Je vais répondre à la première question.
    Notre groupe de travail s'est vu confié une tâche qui ne constituait qu'un élément d'une approche beaucoup plus vaste du processus décisionnel. Une réunion tenue à Saskatoon représentait une autre étape du processus. Le gouvernement a adopté une orientation stratégique très claire. Il a franchi une étape à ce moment-là; en voici une autre. Il s'agit d'offrir de l'information aux gens. On veut les aider à bien comprendre tout ce qu'englobe le concept de commercialisation libre.
    En outre, je m'attends certes à ce qu'on offre aux producteurs la possibilité d'examiner la conjoncture globale pour voir si la politique proposée est vraiment celle qui convient. Devrions-nous aller de l'avant? C'est sur cette tribune-là que je discuterais des questions que vous soulevez.
    Paul, avez-vous des observations quant à la deuxième partie?
    Quant à la question des gagnants et des perdants et des agriculteurs en fonction de leur emplacement géographique et ce genre de...?
    Nous apportons tous des ajustements jour après jour sur nos fermes. C'est ce que je fais moi-même. Je dois sans cesse adapter mon plan d'affaires en fonction des événements qui se produisent sur les marchés de toute la planète de manière à mettre mon entreprise à l'abri des effets néfastes qui peuvent en découler ou à la positionner afin de tirer parti des retombées positives.
    Le monde des affaires est un milieu dynamique; rien n'est statique. On ne peut pas prédire ce qui va se passer. Nous n'avons pas le contrôle de la situation. C'est ce qui rend aussi excitante la profession d'agriculteur. Ainsi, les agriculteurs de Blaine Lake apporteront des ajustements différents de ceux de leurs homologues d'Estevan. La dynamique n'est pas la même pour tous.
    Mais les lois du marché permettent de régler les différends et de trouver un juste équilibre; les producteurs s'adaptent en conséquence.
    Pour résumer, je répète que j'ai longuement réfléchi avant d'apposer ma signature sur ce rapport. Si je ne croyais pas que ce rapport est crédible et défendable, je ne l'aurais pas signé. Et je ne l'aurais assurément pas signé si j'avais pensé qu'il pouvait avoir des effets néfastes pour les agriculteurs.
    Vous avez donc l'impression que ce rapport, fruit du travail d'un mois, qui propose un changement draconien dans le mode de vie des agriculteurs a pris en considération tous les effets négatifs possibles pour le producteur primaire moyen? Pensez-vous qu'on a tenu compte de cela dans le rapport?
    Je répète que notre groupe de travail avait un mandat plutôt étroit. Nous devions examiner les questions techniques liées à la transition. Quand j'étais bébé, on discutait déjà de la valeur relative du comptoir unique par rapport aux coûts associés à la commercialisation individuelle.
    Je dirais qu'il ne s'agit pas d'un changement révolutionnaire, d'un changement draconien. Nous sommes tous quotidiennement confrontés au changement dans notre secteur. C'est une réalité de la vie d'agriculteur. Si ce milieu était trop prévisible et trop statique, je suppose que je serais un travailleur salarié.

  (1155)  

    Monsieur Davies, voulez-vous conclure à ce sujet?
    Je vous dirais très brièvement que le marché change continuellement. De par sa nature même, il crée des gagnants et des perdants.
    On a annoncé la construction de deux usines de broyage du canola à Yorkton. Pour les agriculteurs situés à distance raisonnable de Yorkton, il s'agit d'un changement fondamental qui influe sur les modes de production, la valeur de la ferme, les produits qui y seront cultivés à l'avenir et le rendement économique net. Toutes ces choses ont changé. C'est le marché qui en est responsable.
    L'annonce d'une usine de production d'éthanol va de la même manière modifier la nature du marché dans les régions qui vont se livrer à cette production. Qu'il y ait ou non une Commission canadienne du blé, ces impacts commerciaux vont tout de même se faire ressentir. La valeur des fermes et leur mode d'exploitation va changer.
    Cela a pour effet de déplacer la production dans d'autres secteurs. Ainsi dans notre région du sud de la Saskatchewan, on a ouvert la porte à de meilleures possibilités de commercialisation du blé dur, étant donné que des agriculteurs d'autres régions ont renoncé à cette production en raison des coûts de transport trop élevés.
    Il est donc très difficile d'affirmer qu'il y aura des gagnants ici et des perdants là.
    Je connais également Blaine Lake et je peux vous dire que le marché y réagit aussi de façon assez particulière. Peut-être que les agriculteurs s'y tourneront davantage vers l'élevage en raison de la proximité d'une usine d'éthanol qui leur donnera accès à des céréales à distillerie pour nourrir leur bétail à meilleur marché. Il serait extrêmement difficile d'évaluer tous les impacts éventuels sur le marché.
    Vous avez raison. Nous avons créé un modèle pour la suite des événements, mais nous ne pouvons pas évaluer toutes les répercussions possibles.
    Merci, monsieur Atamanenko.
    Nous passons à M. Steckle, vous avez cinq minutes.
    Un grand merci à vous, messieurs, pour votre présence ce matin.
    J'en suis venu à la conclusion qu'en l'absence de preuves concrètes, vous vous devez d'avoir la foi. Nous sommes ainsi logés à la même enseigne, car nous devons prêter foi à ce que vous nous avez dit.
    Je dois également croire en toute bonne foi que vous êtes des experts en la matière — c'est du moins à ce titre que l'on a fait appel à vous — mais j'ai de la difficulté à comprendre comment vous avez réussi, en un mois à peine, et en vertu du mandat qui vous a été confié, à rassembler toutes ces connaissances et toute cette documentation pour parvenir à en dégager un modèle permettant de vous affranchir de la commercialisation à comptoir unique en plus de mettre en place un plan de transition. Tout cela en un mois à peine; c'est certainement un record. Reste à voir où cela va nous amener.
    Par ailleurs, il m'est vraiment difficile de voir comment nous allons transférer ces actifs qui appartiennent maintenant au gouvernement du Canada et dont les agriculteurs vont devenir propriétaires. On nous dit que les fermiers sont sans le sou et voilà qu'ils vont détenir des actifs de 100 millions de dollars ou quelque chose du genre.
    Et vous vous attendez à ce que le gouvernement qui finance maintenant la Commission canadienne du blé en fasse de même pour la nouvelle agence. Est-ce que le gouvernement pourra être représenté au sein du conseil d'administration? À qui appartiennent ces parts? Vous avez parlé de la possibilité de détenir jusqu'à 2 000 parts à 1 $ l'unité, mais vous n'avez pas précisé si quelqu'un de l'Illinois pouvait en acquérir.
    Il y a bien des choses qui m'échappent dans ce dossier. Est-ce que l'agence appartiendra à des intérêts canadiens ou est-ce que ce sera simplement une autre succursale de Cargill? Que nous réserve l'avenir? C'est là que ma foi commence sérieusement à s'étioler.
    Peut-être puis-je préciser tout d'abord qu'il est proposé au départ que l'agence appartienne entièrement aux agriculteurs des Prairies. Ce sera la formule initiale qui sera valable pour quelques années tout au moins. Ensuite, le conseil d'administration alors en poste disposera de la marge de manoeuvre nécessaire pour s'éloigner partiellement de cette formule prévoyant une propriété à 100 p. 100 canadienne, si la loi le lui permet. Il se peut que des restrictions soient fixées pour assurer un pourcentage minimum, comme cela a été fait dans d'autres situations.
    Comment en êtes-vous arrivé à ce montant de 100 millions de dollars, si je ne m'abuse?
    Pour ce qui est des actifs, les chiffres indiquent une proposition dont la valeur dépasse légèrement 100 millions de dollars, et qui pourrait être majorée à 200 millions de dollars, en vue d'un transfert à cette nouvelle entité.
    Oui, mais ce sont les contribuables canadiens qui ont payé ces actifs. Pourquoi les contribuables ontariens et québécois devraient-ils payer la note pour l'Ouest canadien?
    Si vous examinez bien les données, vous constaterez que ce n'est pas le cas. Une bonne partie de ces biens seraient inscrits au passif. Les actifs dont on propose le transfert, qu'il s'agisse des wagons-trémies ou de l'immeuble, ont été payés collectivement au fil des ans par les agriculteurs des Prairies. Dans le cas des wagons-trémies, leur contribution a pris la forme d'une déduction qui a réduit légèrement leur paiement initial ou leur paiement final annuel. Le fonds d'urgence a été constitué d'une manière légèrement différente, mais ces fonds ne proviennent pas du gouvernement du Canada.
    Le gouvernement du Canada apporte son soutien en maintenant la garantie d'emprunt que nous offrions jusqu'à maintenant. Nous allons la poursuivre pour une période indéterminée jusqu'à concurrence de 200 millions de dollars pour des fins d'exploitation. Ce soutien sert uniquement à financer les opérations pour que la situation demeure inchangée pendant la période de transition; il sera supprimé par la suite.

  (1200)  

    Est-ce équitable pour la concurrence que le gouvernement garantisse ainsi les emprunts de CCB II sans offrir le même privilège aux autres régions?
    C'est une solution d'équilibre que nous proposons. Nous continuerions d'offrir cette garantie d'emprunt pendant la période de transition. Ainsi, la Commission canadienne du blé aurait droit comme actuellement à des taux d'intérêt très avantageux pour des emprunts jusqu'à concurrence de 200 millions de dollars pendant une certaine période de manière à couvrir tous ses frais d'exploitation. Nous voulons à la fois maximiser les chances de succès de la CCB II sur le marché, sans offrir de garantie mais une probabilité assez élevée de bon rendement pour tous ceux qui ont investi dans l'industrie... mais en évitant que le gouvernement du Canada n'offre un avantage inéquitable. Nous pensons avoir trouvé le juste équilibre à cet égard.
    Il n'y a pas très longtemps, nous avons reçu ici des agriculteurs. La Farmer Rail Car Coalition voulait acheter des wagons et, dans bien des cas, ce sont les mêmes personnes qui prétendaient alors que les agriculteurs ne devraient pas être propriétaires de wagons qui soutiennent maintenant qu'ils devraient prendre possession de la Commission canadienne du blé. Il semblerait qu'on ait quelque peu déraillé dans cette affaire.
    Le gouvernement du Canada prendrait en charge les éléments de passif. Les actifs que les agriculteurs ont eux-mêmes payés pendant des années leur seraient transférés. Nous ajouterions ensuite deux ingrédients à la recette: d'abord une somme pouvant atteindre 75 millions de dollars, au besoin, qui serait transférée pour stimuler l'initiative puis, pendant la période de transition, cette garantie d'emprunt de 200 millions de dollars pour les frais d'exploitation. Il n'y a aucune magie là-dedans. Il ne s'agit pas de savoir si ces montants auraient dû être plus ou moins élevés. Nous avons déterminé que nous nous montrons ainsi équitables à l'endroit des autres intervenants sur le marché tout en offrant d'assez bonnes chances de succès à la CCB.
    Merci, Paul.
    Monsieur Gourde.

[Français]

    La Commission canadienne du blé est, à mon avis, un outil de travail pour les producteurs agricoles. À ce sujet, je voudrais vous raconter une petite histoire, question de nous remettre en contexte.
    Il y a un écart de 44 ans entre mon père et moi, ce qui a souvent donné lieu à des conflits de générations. Nous travaillions tous les deux à la ferme. À une certaine époque, nous devions remplacer un outil de fanaison, et de nouveaux outils, plus rapides et plus performants, étaient disponibles sur le marché. Après des négociations d'un an ou deux, mon père est allé acheter un nouvel outil. Quand il est revenu à la maison, j'ai vu qu'il avait acheté le même vieux modèle. Il m'a dit que nous allions gagner du temps, étant donné que nous avions le même outil en double.
    Un an plus tard, j'ai acheté la ferme. La première chose que j'ai faite a été d'aller me procurer un outil de la nouvelle génération. Mon père m'a dit qu'il ne l'utiliserait jamais. Par respect pour lui, j'avais gardé l'ancien outil, afin qu'il puisse s'en servir. Le lendemain matin, j'ai installé mon tracteur sur le nouvel outil et j'ai laissé faire mon père. Il a pris la peine de l'essayer et il m'a dit ensuite: « Garçon, tu avais raison: il faut évoluer. »
    Dans un contexte de marchés mondiaux, il faut se demander si les outils de commercialisation de nos concurrents — les États-Unis et le Brésil, par exemple — sont plus performants que les nôtres. Sommes-nous en train de retarder notre évolution? Est-ce que le fait de ne pas renouveler notre outil de commercialisation va nuire aux producteurs canadiens à moyen et à long terme?

  (1205)  

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je crois que votre exemple illustre on ne peut mieux le fait que les entreprises doivent évoluer et se moderniser pour demeurer concurrentielles. Je suis du même avis. Bien qu'il y ait toujours une certaine résistance au changement, c'est une nécessité que j'accepte. Dans chacune de nos entreprises, nous nous devons de trouver le juste équilibre à ce chapitre.
    Par ailleurs, je me suis rendu compte que le changement m'obligeait à me concentrer davantage sur mon entreprise agricole et à m'y intéresser de plus près. Il m'est arrivé très souvent de regretter de ne pas avoir apporté plus tôt un changement que j'avais pourtant énormément craint au départ.

[Français]

    Supposons que je sois un producteur de blé biologique, que mon produit soit destiné à certains marchés et que je connaisse d'autres producteurs ayant la même variété de blé que moi. Si nous avions la chance de conclure un contrat pour 25 000 tonnes avec une minoterie quelconque ayant besoin spécifiquement de ce blé, est-ce que la Commission canadienne du blé nous permettrait d'accéder à ces marchés de valeur ajoutée?

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute qu'il sera tout à fait possible à la CCB II de venir en aide à ces producteurs, comme ce sera le cas pour bien d'autres intérêts commerciaux. Ainsi, le propriétaire d'une minoterie qui voudrait du blé biologique pourrait traiter directement avec le producteur. On n'a peut-être pas vraiment besoin d'un intermédiaire pour une telle transaction.
    Ainsi, si les producteurs sont suffisamment nombreux à considérer qu'il serait avantageux que quelqu'un gère pour eux ce type de transactions, s'ils attribuent une certaine valeur à ce rôle d'intermédiaire, ils pourront payer mon entreprise, la Commission canadienne du blé II, ou n'importe quelle autre organisation désireuse de remplir cette fonction. Mais ce sera surtout la valeur qui décidera de tout. Je ne sais pas si cela répond bien à votre question, mais il n'y a aucune raison pour que la Commission canadienne du blé ne participe pas au processus, et il n'y a aucune raison non plus pour qu'elle n'en soit pas exclue.
    Merci, monsieur Gourde.
    Nous n'avons malheureusement plus de temps, messieurs. Un grand merci pour les exposés que vous nous avez présentés.
    M. Easter veut invoquer le Règlement?
    Qu'en est-il de la demande d'information? Est-ce que je vais obtenir la liste des témoins, des emplacements et des mémoires qui ont été présentés?
    Vous faites généralement ce rappel aux témoins, monsieur le président, et je ne voudrais pas que vous l'oubliiez.
    Comme nos témoins m'apparaissent très intelligents, je n'ai pas cru bon de faire ce rappel.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Mais nous pouvons certes le faire maintenant.
    Messieurs, vous avez pris des notes. J'ai vu M. Migie gribouiller en sténo.
    Ma foi s'est évanouie.
    La foi de M. Steckle s'est évanouie. Quelle tragédie, Paul; je suis vraiment désolé. Mais tenez le coup, l'avenir semble prometteur.
    Messieurs, vous avez donc quelques tâches qui vous attendent. Si vous pouviez transmettre ces informations dès que possible à notre greffier, nous pourrions nous assurer que M. Easter en obtienne des copies.
    Merci beaucoup pour votre collaboration. Je suis persuadé que nous pourrons encore compter sur vous.
    Nous allons suspendre nos travaux un moment pour permettre aux témoins suivants de prendre place.
    Monsieur Atamanenko.
    Est-ce que l'information sera accessible à tous les membres du comité?
    Oui, c'est le greffier qui la recevra.
    Et ces documents seront traduits, ne vous inquiétez pas.

  (1205)  


  (1210)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Pour la seconde partie de la réunion d'aujourd'hui, nous accueillons Bob Friesen de la Fédération canadienne de l'agriculture — merci, Bob — Rob Lobdell, président de West Central Road and Rail, et M. Avery Sahl, à titre personnel.
    Merci d'être des nôtres cet après-midi, messieurs.
    Je dois vous dire qu'à mon arrivée j'ai vu Bob Friesen qui passait au détecteur de métal. Comme il avait enlevé son veston, j'ai cru un instant que nous reprenions les fouilles à nu pour les agriculteurs.
    Merci de vous être soumis à cette épreuve, Bob. Nous sommes très heureux que vous soyez là.
    Vous avez chacun un exposé à nous présenter. Selon ma liste, nous allons commencer avec Bob.
    Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être ici.
    Vous avez reçu un très bref mémoire portant sur le sujet dont je vais vous parler. Je ne vais pas le lire. Je ferai plutôt quelques observations verbales.
    J'aimerais tout d'abord féliciter le ministre et le gouvernement d'avoir fait un premier pas dans la bonne direction en annonçant la tenue d'un plébiscite sur l'orge. Je les encourage à continuer dans ce sens et à inclure le blé dans le plébiscite. Voilà essentiellement ce dont je vais vous parler aujourd'hui.
    Je ne vais pas exposer le pour et le contre de la Commission canadienne du blé. Je parlerai de l'importance d'un plébiscite. Il y a deux semaines, les membres de la FCA de l'ensemble du Canada ont appuyé la tenue d'un plébiscite parce qu'ils tiennent à ce principe. En Ontario, ce sont les producteurs qui ont décidé d'éliminer la vente du blé par la Commission canadienne du blé. Au Québec, les producteurs viennent de décider d'établir un comptoir unique pour la vente du blé, à l'image de ce qui a été fait dans l'industrie du porc et dans l'industrie du sirop d'érable. Je crois comprendre qu'ils ont maintenant la même la chose pour le lapin. Toutefois, il est clair que les membres de la FCA ont demandé la tenue d'un plébiscite.
    J'aimerais également parler de l'importance d'un débat sur les avantages et les inconvénients et la diffusion d'une information pertinente. Les gens peuvent ainsi examiner l'information, en discuter et prendre une décision éclairée.
    Pourquoi un plébiscite? Les membres de la FCA disent qu'il est très important de tenir un plébiscite et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est écrit dans la loi. Les membres de la FCA sont d'avis qu'aucun autre moyen ne doit être pris pour contourner ce qui est prévu par la loi. Faisons simplement ce que la loi dit de faire et demandons l'avis des agriculteurs.
    Deuxièmement, on parle beaucoup du pouvoir des agriculteurs et on dit qu'il faut leur donner un pouvoir sur le marché, mais il s'agit de bien davantage. Donner un pouvoir aux agriculteurs, à notre avis, suppose également de leur permettre de décider du système de commercialisation qu'ils souhaitent utiliser et qui sert le mieux l'intérêt collectif de l'agriculture.
    Troisièmement, pour bon nombre d'agriculteurs, la Commission du blé est devenue un outil qui leur donne un pouvoir sur le marché. Puisqu'une décision concernant la Commission du blé, si elle est déréglementée, serait irréversible, nous croyons que ces agriculteurs doivent prendre part à la décision qui est prise.
    Quatrièmement, le fait de déréglementer arbitrairement une structure de commercialisation crée, selon nous, un précédent très important pour toutes les structures de commercialisation qui existent au Canada. Je sais que ces structures sont très différentes l'une de l'autre, mais la question est la même. Que ce soit un gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral qui déréglemente une structure de commercialisation, un précédent important est ainsi créé. Si une structure de commercialisation est déréglementée, l'un ou l'autre des paliers de gouvernement pourrait bien déréglementer arbitrairement d'autres structures également.
    Cinquièmement, c'est une question de partenariat. Le ministre Strahl l'a très bien exprimé dans son communiqué d'hier, dans lequel il dit qu'un plébiscite est un volet très important d'un processus de consultation, en particulier lorsque toute l'information voulue est présentée pour permettre de prendre une décision intelligente. C'est une question de partenariat et, encore une fois, un plébiscite est un moyen important de consulter les agriculteurs.
    Toutefois, reste à savoir si l'on dispose de l'information et des analyses économiques pertinentes. En deuxième et dernier lieu, je vais vous dire pourquoi cette information est nécessaire.
    Tout d'abord — et je crois que c'est M. Migie qui l'a dit tout à l'heure — il y a beaucoup d'information sur les avantages que la Commission canadienne du blé procure au secteur de la production primaire. Il y a toutes sortes de chiffres. À notre avis, il importe que les agriculteurs voient toutes ces analyses économiques qui montrent les avantages qui reviennent à la ferme, pour qu'ils puissent examiner les chiffres, déterminer exactement quelle est la valeur de la structure de commercialisation qu'ils ont eue par le passé et pondérer cette valeur en regard de la valeur ajoutée.
    Par ailleurs, nous avons beaucoup entendu parler de la valeur ajoutée. Certains disent que la Commission canadienne du blé nuit à la valeur ajoutée. Les membres de la FCA vous diraient que lorsque vous nous comparez aux Américains, le plus grand obstacle à la valeur ajoutée au Canada est l'absence d'une politique concurrentielle face aux États-Unis, à laquelle nous sommes en train de remédier, comme vous le savez. Quoi qu'il en soit, le problème est bien davantage attribuable à l'absence d'une politique concurrentielle qu'à toute structure de commercialisation en place.

  (1215)  

    Je crois toutefois qu'il importe de diffuser également cette information. La semaine dernière, lorsque les trois ministres de l'Agriculture de l'Ouest canadien sont venus ici, on a beaucoup parlé de la valeur ajoutée. Certains avaient des chiffres montrant que la valeur ajoutée avait connu une hausse plus importante au Canada que dans les États voisins. Que cette information soit vraie ou fausse, elle doit aussi être diffusée pour que les agriculteurs puissent l'examiner. Nous devons ensuite pondérer les avantages économiques de la valeur ajoutée que la Commission du blé rapporte au secteur de production primaire et permettre aux agriculteurs d'examiner cette information pour prendre une décision éclairée.
    On a également beaucoup parlé de la survie possible de la Commission canadienne du blé dans un double système de commercialisation. Sur cette question, je ne vais certainement pas critiquer le ministre, mais plutôt le rapport du groupe de travail. À mon avis, ce rapport avait très peu à voir avec la présence de la Commission canadienne du blé dans un double système de commercialisation, mais portait plutôt sur la façon de démarrer une nouvelle entreprise céréalière. À cet égard, je crois que le groupe de travail a fait un long exercice de rhétorique, mais une très courte analyse économique.
    Ce rapport porte sur le démarrage d'une nouvelle entreprise céréalière. Si vous me permettez de le dire bien franchement, monsieur le président, ce n'est même pas drôle. Le fait est que nous venons tout juste d'examiner ce qui étaient autrefois trois syndicats de blé très prospères dans l'Ouest canadien. À cause de l'absence d'une politique concurrentielle, aujourd'hui ces syndicats sont cotés en bourse ou bien appartiennent partiellement à des intérêts étrangers. Essentiellement, les agriculteurs ont perdu le contrôle qu'ils avaient sur ces syndicats de blé.
    Dire, comme certains, que nous pourrions démarrer une nouvelle entreprise céréalière en moins de deux pour faire concurrence aux autres multinationales ou même aux grandes entreprises céréalières que nous avons au Canada, et prétendre que 100 millions de dollars suffiraient... Quand on songe à Agricore United, dont les immobilisations s'élèvent à plus d'un milliard de dollars, ou encore au Wheat Pool, dont les immobilisations se chiffrent à quelque 300 millions de dollars, je crois qu'il faut effectuer beaucoup plus d'analyses et examiner beaucoup plus sérieusement l'idée de démarrer une nouvelle entreprise céréalière en pensant qu'elle pourrait être prospère. C'est d'autant plus vrai que cette nouvelle entreprise céréalière est censée être mise sur pied par des agriculteurs fauchés.
    Pour terminer, monsieur le président, voilà les deux points que je voulais faire valoir. Oui, il y a des arguments des deux côtés du débat. Diffusons toute l'information et toutes les analyses économiques pertinentes que nous pouvons trouver, laissons les agriculteurs examiner ces renseignements et prendre la décision. Nous savons qu'il existe de bons arguments de part et d'autre, mais c'est l'information qui compte ici. Diffusons cette information et laissons les producteurs décider d'une structure de commercialisation, pour que les agriculteurs partout au Canada qui travaillent dans d'autres structures de commercialisation n'aient pas à craindre de se réveiller un bon matin et d'apprendre que leur structure est, elle aussi, déréglementée.
    Merci beaucoup.

  (1220)  

    Merci, monsieur Friesen.
    Monsieur Lobdell.
    J'ai quelques photographies que j'espérais distribuer aux membres du comité, si c'est possible.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à m'adresser au comité aujourd'hui. J'aimerais vous parler aujourd'hui des wagons de producteur, de la West Central Road & Rail, et de la Commission canadienne du blé.
    Qu'est-ce que les wagons de producteur et comment ont-ils vu le jour? Un wagon de producteur est un wagon dans lequel on charge les grains d'un producteur. Il permet à un producteur de contourner le système de silos primaires et d'expédier les grains directement à destination, la plupart du temps à un terminal portuaire.
    Comment et pourquoi les producteurs ont-ils obtenu le droit de charger ces wagons? Il y a une centaine d'années, à la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe siècle, les producteurs étaient de plus en plus insatisfaits de l'emprise excessive sur le marché qu'avaient les entreprises céréalières et les compagnies de chemin de fer, qui se concertaient pour dicter aux producteurs quand, où et comment ils devaient livrer leurs grains. Les producteurs ont réussi à influencer le gouvernement de l'époque pour faire adopter une loi afin de corriger la situation. C'est ainsi que fut édictée la Loi sur les grains du Canada, qui comportait une disposition sur le droit de charger les wagons de producteur.
    Les wagons de producteur devaient servir de soupape de sûreté pour les producteurs. Toutefois, même lorsque ceux-ci ont obtenu le droit de charger les wagons de producteur, les entreprises céréalières et les compagnies de chemins de fer ont rapidement trouvé des façons d'étouffer l'application pratique de ce droit.
    Transportons-nous rapidement au milieu des années 1990. Autant les choses ont changé depuis le siècle précédent, autant elles sont restées les mêmes. Encore une fois, les compagnies de chemin de fer et les entreprises céréalières ont commencé à se concerter pour concevoir un système de manutention et de transport des grains qui servaient leurs intérêts, aux dépens des producteurs. Cet exercice a été appelé rationalisation et consolidation, ce qui, dans un langage familier, veut dire que des lignes secondaires et des silos élévateurs allaient être démantelés. Arrive alors la West Central Road & Rail, un regroupement dynamique de producteurs dans les collectivités qui a vu le jour en 1997 dans le but de maintenir les services ferroviaires dans la région.
    Au début, nous assistions, impuissants, à la dégradation du service ferroviaire et à la démolition des silos élévateurs. Nous avons finalement décidé que c'en était assez; nous nous sommes alors adressés à la compagnie de chemin de fer en lui disant que si elle ne voulait plus offrir le service, la West Central Road & Rail achèterait la ligne et l'exploiterait elle-même. La compagnie de chemin de fer nous a dit bêtement d'aller nous faire voir — j'ai une expression familière pour cela aussi, mais je vais la garder pour moi. Pourquoi? Parce que, selon la compagnie, elle avait déjà conclu des ententes avec les entreprises céréalières pour abandonner notre ligne de sorte que notre région serve de bassin de captage pour les silos à grand débit construits sur la ligne située au nord.
    Furieux et abattus, nous avons demandé l'aide de la Commission canadienne du blé. Celle-ci nous a dit qu'il lui faudrait des commandes de wagons avant de pouvoir exercer des pressions sur la compagnie de chemins de fer pour obtenir des services. C'est alors que l'éclair a jailli. Nous avons décidé de dépoussiérer une loi vieille de 100 ans qui nous donnait le droit de charger des wagons de producteur. Non seulement nous allions charger des wagons, mais nous allions charger un train complet de wagons de producteur: une centaine de wagons par jour. En deux semaines, nous avions recueilli une centaine de demandes pour des wagons de producteur.
    Armés de nos commandes de wagons, nous avions l'outil nécessaire qui allait permettre à la Commission canadienne du blé d'exiger un service ferroviaire. Or, même avec cet outil, il a fallu près de trois mois de tergiversations et une plainte officielle auprès de l'Office des transports du Canada avant que la compagnie de chemin de fer fournisse le service à contrecoeur. C'est cet événement qui a amené la création de la West Central Road & Rail, qui n'aurait jamais eu lieu sans la Commission canadienne du blé.
    Je vous ai remis des photographies. Vous allez voir comment cet événement s'est dénoué au beau milieu de l'hiver, et pourquoi c'était important.
    Ce qui fut d'abord un exercice ponctuel visant à faire comprendre aux compagnies de chemin de fer et aux entreprises céréalières que nous n'allions pas rester inertes pendant qu'elles condamnaient notre ligne ferroviaire à l'abandon est devenu le catalyseur qui a fait des wagons de producteur une solution de rechange avantageuse par rapport au système traditionnel de manutention des grains. La West Central Road & Rail a commencé à offrir de charger des wagons de producteur sur une base permanente le long de notre réseau ferroviaire, ce qui a stimulé les commandes et, par ricochet, a donné à la Commission canadienne du blé un outil pour exiger un service ferroviaire.
    Par la suite, la West Central Road & Rail est allée au delà de notre réseau et a offert son programme de wagons de producteur partout en Saskatchewan. Son succès a été remarqué et plusieurs autres organismes ont imité notre modèle, et le nombre de wagons de producteur a continué d'augmenter. Ne se contentant jamais du statut quo, la West Central Road & Rail a continué de croître et d'évoluer. En 2001, elle a mis sur pied un système vraiment unique et novateur d'assemblage des grains pour le nouveau millénaire, axé sur les wagons de producteur. Ce système comprenait la construction d'installations de chargement des wagons à l'appui de ce nouveau processus.

  (1225)  

    Une de mes photographies préférées est celle des installations. Ces installations nous permettent de charger et de décharger des grains à un débit de 500 tonnes métriques l'heure. Cela signifie qu'on peut charger ici des rames de 25 wagons en moins de six heures, tout en préservant l'identité en assurant un haut niveau de ségrégation des grains et de contrôle de la qualité.
    Le système de wagons de producteur de la West Central Road & Rail n'est plus une soupape de sûreté, mais génère aujourd'hui une forte concurrence. Je vais vous donner un exemple précis. Les incitatifs au camionnage dans l'ensemble de la Saskatchewan s'élèvent en moyenne à environ 4,50 $ la tonne métrique. Dans la région de la West Central Road & Rail, ils varient entre 10 et 14 $ la tonne métrique. Pourquoi? Parce que la West Central Road & Rail existe. Et c'est là que la Commission canadienne du blé entre en jeu.
    Sans la Commission canadienne du blé, il est peu probable que la West Central Road & Rail aurait pu voir le jour. Pensez aux forces qui étaient liguées contre nous. Face aux compagnies de chemin de fer et aux grandes entreprises céréales, quelles auraient été nos chances de réussite, selon vous? Si vous avez répondu plus de 0 p. 100, je peux vous dire que vous vous êtes trompés.
    La Commission canadienne du blé assure un équilibre dans un système qui, autrement, serait déséquilibré. Sa capacité d'exercer une influence sur le système de manutention et de transport des grains est un avantage direct du comptoir de vente unique de la Commission. Il s'agit d'un avantage souvent négligé et sous-évalué. Par exemple, qui dans l'industrie céréalière a déjà contesté formellement les compagnies ferroviaires? Les entreprises céréalières? Non. Elles ont trop peur, à tort ou à raison, des représailles des compagnies ferroviaires. Seule la Commission canadienne du blé a eu la détermination de contester les compagnies de chemin de fer, du moins avec succès. Au bout du compte, elle permet un accès équitable au système de manutention et de transport des grains, ce qui favorise un environnement sain et concurrentiel.
    Si l'on reprend l'exemple des wagons de producteur, en l'absence de la Commission canadienne du blé, quelle chance réelle aurait un producteur individuel de charger un wagon de producteur? D'abord, il aurait à trouver un acheteur pour ses grains, quelqu'un qui accepterait qu'il soit expédié dans un wagon de producteur. En soi, ce n'est pas une tâche facile. Qu'est-ce qui inciterait une entreprise céréalière à intégration verticale à accepter ces grains alors que son point de livraison se situe à seulement 20 milles du site de chargement des wagons de producteur? Je dirais très peu de choses.
    Présumons, par ailleurs, que le producteur est un négociant extrêmement habile et qu'il conclut directement avec un moulin à grains de l'Est la vente d'un seul wagon ou même d'une rame de 10 wagons. Comme condition de vente, les grains doivent être livrés dans un intervalle de trois semaines, après préavis. Si cette condition n'est pas respectée, une remise s'appliquera.
    Selon vous, quelle pression un seul producteur peut-il exercer sur la compagnie de chemin de fer pour que son wagon soit identifié et acheminé rapidement pour qu'il puisse respecter les conditions de son contrat? La réponse est aucune. Et même si le producteur peut légitimement porter plainte contre la compagnie de chemin de fer, il est peu probable qu'il ait les moyens financiers ou les ressources nécessaires pour intenter pareilles poursuites. En l'absence de la Commission canadienne du blé, un producteur pourrait très facilement perdre la capacité de charger un wagon de producteur, en raison du prix ou du service.
    Vous pourriez crier haut et fort dans chaque collectivité et dans chaque ferme des Prairies que les producteurs ont le droit, de par la loi, de charger des wagons de producteur, mais à quoi bon? Que ce droit soit conféré par la loi ou non, si vous ne pouvez pas le mettre en pratique, il n'a aucune valeur. C'est ce qui va se produire en l'absence de la Commission canadienne du blé. En outre, ce ne sont pas seulement les wagons de producteur qui seront menacés si la Commission canadienne du blé est démantelée. Cette mesure affectera également les terminaux indépendants et ceux appartenant aux producteurs, que ce soit des terminaux intérieurs ou portuaires, ainsi que les lignes ferroviaires sur courtes distances.
    Pour terminer, j'aimerais que vous regardiez la dernière photographie que je vous ai remise. Vous remarquerez que la ligne qui sépare ces deux réalités est très mince. Le devenir de la Commission canadienne du blé déterminera de quel côté de cette ligne nous, les producteurs, allons nous retrouver.
    Merci.

  (1230)  

    Monsieur Lobdell.
    Monsieur Sahl, nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président, et merci, messieurs.
    Je vous ai envoyé un rapport environ six jours après avoir reçu une invitation à comparaître devant le comité. Il n'a évidemment pas été imprimé dans les deux langues, alors je vais faire mon exposé verbalement.
    En me regardant, vous devez penser que je suis un peu vieux pour participer à ce débat.
    Oui, nous l'avons dans les deux langues officielles, monsieur Sahl. La traduction a été faite et le document a été distribué.
    Oh, excusez-moi. On m'a laissé entendre qu'il ne serait pas prêt à temps.
    Non. Notre greffier est excellent.
    Comme je l'ai mentionné, vous me croyez peut-être un peu trop vieux pour me lancer dans ce débat. Toutefois, après avoir entendu les producteurs de blé dire qu'ils veulent, entre autres, ouvrir l'industrie, je veux vous raconter comment les choses se passaient quand j'avais six ans.
    Je pratique l'agriculture dans le sud de la Saskatchewan depuis 60 ans. Mon père a été agriculteur pendant très longtemps. S'ils voulaient avoir de l'argent pour continuer d'exploiter leur ferme, acheter de la nourriture pour l'hiver, ainsi de suite, les agriculteurs devaient livrer leur grain dès que la batteuse avait terminée son travail. Nous habitions à 20 milles de distance d'une petite ville qui comptait trois silos.
    Mon père — je m'en souviens très bien — chargeait le grain dans un contenant placé sur un traîneau. Il partait à l'aube pour le livrer. Au retour, il disait à ma mère que tout ce qu'on lui avait donné, c'était le prix correspondant au grain de catégorie n o3, que le prix avait baissé par rapport à la journée précédente. C'était la même chose tous les jours.
    Les agriculteurs de la région avaient décidé de peser le grain ainsi chargé. Il y avait beaucoup d'agriculteurs dans le coin et tous utilisaient cette méthode. Ils savaient très bien quel était le poids de leur chargement. Quand, une fois le grain pesé, ils faisaient remarquer que le poids enregistré ne correspondait pas à leurs chiffres, les responsables du silo leur disaient que c'était à prendre ou à laisser. Voilà le genre de liberté dont bénéficiaient les agriculteurs. Il n'y avait pas de commission canadienne des grains pour juger de la qualité du grain. Les agriculteurs devaient accepter ce qu'on leur donnait. Or, c'est la liberté à laquelle aspirent maintenant les producteurs de blé.
    Les agriculteurs avaient même acheté une plate-forme pour peser le grain. Ils avaient creusé un trou à deux milles environ de distance de chez nous. Quand ils passaient sur la plate-forme le matin, ils pesaient leur chargement. Ils l'apportaient au même silo et déclaraient que le grain pesait tant. Les responsables du silo leur répondaient qu'ils devaient accepter leurs chiffres ou retourner chez eux — 20 milles. Vous savez ce que faisaient les agriculteurs? Ils rentraient chez eux avec leur chargement. Ils n'avaient pas le choix. Ils n'avaient pas d'avance de fonds. Ils n'avaient pas accès à une commission canadienne des grains pour vérifier les pesées et s'il y avait divergence de vues au sujet de la qualité du grain, eh bien, tant pis.
    Je voudrais maintenant vous dire quelques mots à mon sujet. Je pratique l'agriculture dans le sud de la Saskatchewan depuis 60 ans. Mon père a lui aussi été agriculteur. J'ai été élu à tous les postes que j'ai occupés. Je n'ai jamais été nommé. J'ai été élu délégué du Saskatchewan Wheat Pool. J'ai gravi tous les échelons. Quand j'ai quitté, j'occupais le poste de premier vice-président de la coopérative. J'ai appris à bien connaître le fonctionnement des sociétés céréalières et de la Commission canadienne du blé.
    À cette époque, nous avions beaucoup de grain en stock et nous savions qu'il y avait une grande famine en Chine. Nous avions du grain à vendre. La Commission s'est tournée vers l'ancien premier ministre, le très honorable John Diefenbaker, qui l'a aidée à organiser un voyage en Chine. McNamara, qui était le commissaire en chef à l'époque, et d'autres se sont rendus en Chine. Ils sont restés enfermés dans un hôtel de Beijing pendant deux semaines. Personne ne savait ce qui se passait. On a finalement appris qu'ils avaient réussi à décrocher un important contrat de vente de blé en Chine.
    Quand la nouvelle s'est répandue, M. Alvin Hamilton — je m'en souviens — s'est empressé de se rendre à Hong Kong pour les rencontrer. Voilà pourquoi il était si connu : il avait réussi à vendre du blé. Interrogé à ce sujet lors d'une réunion du Saskatchewan Pool, M. McNamara — et si je le sais, c'est parce que j'y étais —, a répondu : « La question de savoir qui devrait obtenir les félicitations n'a pas d'importance. J'ai vendu beaucoup de blé canadien et un grand nombre de Chinois ont pu manger. » Ce n'est qu'une petite anecdote parmi d'autres.  

  (1235)  

    Je suis allé en Chine — j'ai visité la Chine et le Japon —, non pas avec la Commission du blé, mais avec un groupe de représentants américains qui m'avaient invité à les accompagner. Nous sommes allés au Japon et ensuite en Chine. Une fois à Shanghai, j'ai demandé à l'accompagnateur si je pouvais visiter un silo dans un moulin à grains, une minoterie. Il a dit oui, et c'est ce que nous avons fait.
    Nous avons rencontré le directeur général de la minoterie. Nous sommes montés jusqu'en haut. Je portais une casquette de la CCB. En passant, ils étaient en train de décharger du blé canadien. Ils achetaient toujours le blé de catégorie no 3 en raison du prix, mais c'était mieux que rien. Le directeur a ramassé une poignée de grains, m'a regardé et m'a dit, « Bonne qualité ». Je lui ai répondu, « Vous voulez faire un échange? » J'ai la casquette que portait cet homme dans une minoterie de Shanghai. Il a ma casquette de la Commission canadienne du blé.
    Depuis, la Commission du blé a vendu pour plus de 1,2 million de tonnes de grain à la Chine. Ne croyez-vous pas que cette visite a eu un impact sur les Chinois? Si quelqu'un se rend en Chine, il devrait, en plus de la feuille d'érable, apporter le logo de la Commission du blé, parce qu'elle est bien connue, non seulement en Chine, mais partout dans le monde.
    J'ai accueilli un grand nombre de délégations chinoises qui sont passées par Régina avant d'arrêter à Winnipeg. Les délégués portaient encore les vestons et les casquettes Mao. La Chine a toujours entretenu des liens étroits avec la Commission canadienne du blé.
    Un jour, ma secrétaire est entrée dans mon bureau et m'a dit qu'il y avait deux types très bouleversés qui voulaient s'entretenir avec quelqu'un. Je les ai rencontrés. C'était deux meuniers japonais. Ils avaient en main un communiqué de la Reuters qui disait que des fermiers du sud du Manitoba importaient du blé des États-Unis et le vendaient comme semence. Ils étaient très choqués. Ils ont dit qu'ils achetaient du grain qui contenait 13,5 p. 100 de protéines et que c'est ce qu'ils voulaient. Pas du blé américain mélangé à du blé canadien. Voilà donc une autre petite anecdote.
    Quand on commence à dire qu'il faut changer le système de classement, dissoudre la CCB, ainsi de suite, eh bien, toutes ces choses représentent le Canada. La CCB est un logo que l'on distingue facilement. Il est connu de tous. Le faire disparaître équivaudrait à supprimer le logo Chevrolet des voitures de la General Motors. Ne l'oubliez pas.
    Les producteurs de blé avaient l'habitude de dire que nous faisions pousser du blé de catégorie Cadillac, alors que nous devions plutôt cultiver du blé de catégorie Chevrolet. Je sais qu'il y a beaucoup de blé de catégorie Chevrolet dans le monde, mais très peu de catégorie Cadillac. Habituellement, nous n'avons pas assez de blé de haute qualité pour nos marchés de choix. Donc, ne vous laissez pas distraire par ce que vous entendez, qu'il faut abolir ceci, supprimer le système de classement, ainsi de suite. Ce système nous a très bien servi dans le passé et va continuer de le faire.
    Je vais vous dire encore quelques mots à mon sujet. Je suis devenu membre du comité consultatif de la Commission du blé. Je représentais la région qui englobe presque tout le sud de la Saskatchewan, région qui comprend la circonscription fédérale actuelle de M. Anderson.

  (1240)  

    J'ai assisté à de nombreuses réunions dans cette région. J'ai rencontré, et continue de rencontrer, beaucoup d'agriculteurs, toutes allégeances politiques confondues. Quand on dit que la Commission du blé découle d'une idéologie, eh bien, c'est faux. Il n'est pas question ici d'idéologie, mais d'argent. Point à la ligne.
    J'ai fait partie du comité de normalisation de la Commission canadienne des grains, qui était chargé d'établir les caractéristiques des grades de grain et autre choses du genre. Les producteurs américains ont toujours envié la Commission canadienne des grains et notre contrôle de la qualité. Ils ont convoqué une réunion à Washington pour chercher à créer un organisme similaire. Ils ont demandé s'il y avait un membre de la Commission qui pouvait aller leur donner un coup de main.
    Une fois sur place, j'ai constaté qu'il y avait là plus de représentants de sociétés céréalières que d'agriculteurs. Ils se sont levés et ont dit qu'ils n'avaient pas besoin d'un organisme de ce type pour s'occuper de leurs affaires, qu'ils pouvaient très bien s'occuper de vendre et d'acheter le grain des agriculteurs.
    Or, j'ai fait partie du comité de commercialisation qui a été mis sur pied la dernière fois que les producteurs de blé ont cherché à se débarrasser de la Commission du blé. Nous avons envoyé une lettre à 70 producteurs. Nous leur avons demandé ce qu'ils aimaient, ou n'aimaient pas, chez la Commission canadienne du blé. Nous n'avons reçu aucune réponse négative. Ils ont dit qu'ils étaient satisfaits de la Commission, mais qu'ils payaient un prix trop élevé. Les autres commentaires étaient tous positifs.
    Le propriétaire de la plus grande minoterie d'Indonésie a fait un voyage spécial pour venir parler au comité. Il a dit que s'il était obligé d'acheter du grain ailleurs qu'à la Commission du blé, il s'adresserait à l'Australie. C'était son dernier mot, et je m'en souviens très bien.
    Mon temps est peut-être écoulé, monsieur le président.
    Malheureusement, oui.
    Nous allons maintenant passer aux questions, et vous pourrez également y répondre.
    Merci.
    Monsieur Easter, vous avez sept minutes.
    Merci.
    Je tiens à remercier les témoins.
    Vous avez tous parlé, d'une façon ou d'une autre, de la Commission canadienne du blé. Rob, vous êtes peut-être celui qui a résumé le mieux la situation quand vous avez dit que la Commission canadienne du blé établit, en fait, un juste équilibre entre les petits et les gros joueurs, entre les dizaines de milliers de producteurs de grain, et les négociateurs internationaux en grain, auxquels s'ajoutent les compagnies ferroviaires.
    Avery, vous avez déjà été vice-président du Saskatchewan Wheat Pool. À l'époque, les syndicats du blé défendaient vraiment les intérêts des agriculteurs. J'ai passé de longues années dans l'Ouest, et j'ai été surpris de voir à quel point les syndicats étaient puissants. Ils travaillent vraiment dans l'intérêt de leurs membres, qu'ils se trouvent à New York, à Toronto ou ailleurs dans le monde. Or, ces alliés, c'est-à-dire les syndicats du blé qui travaillaient dans votre intérêt, sont devenus, aujourd'hui, dans une large mesure, des sociétés céréalières qui cherchent à réaliser des profits pour leurs membres. Ce qui m'amène à la Commission du blé et au rapport du groupe de travail dont il a été un peu plus question aujourd'hui: il nous manque des preuves, de la documentation.
    Croyez-vous que la réponse est celle que recommande le groupe de travail? Est-ce que les agriculteurs des Prairies ont vraiment besoin d'une autre société céréalière?

  (1245)  

    Je trouve cela très bizarre — j'ai du mal à le croire. Qui pilote ce dossier? Des producteurs de blé qui n'ont aucune crédibilité. Résumons les faits: ils veulent se débarrasser du taux réglementaire, qui sert bien les intérêts des agriculteurs. Ils veulent des silos terminaux de l'intérieur. Mon fils doit parcourir plus de 100 miles, aller-retour, pour avoir accès à un silo. Ils soutiennent que nous produisons du blé de catégorie Cadillac, alors que nous devrions plutôt cultiver d'autres types de produits. C'est complètement ridicule.
    J'ai assisté à un grand nombre de réunions aux États-Unis où il y avait des producteurs de blé et des producteurs de blé dur. Ils étaient présents à chaque réunion. Ils dénigraient la Commission canadienne du blé, le rôle qu'elle remplissait. Les producteurs de blé dur faisaient la même chose. Je peux tolérer ce genre de chose au Canada, mais pas chez nos concurrents. Même leur président s'est rendu à Washington. Le scénario était le même. Il n'est donc pas étonnant que les Russes rejettent les cargaisons de blé américain — on y trouve du gravier, du verre, ainsi de suite.
    Ce que j'essaie de dire, c'est que ce dossier est piloté par un petit groupe de producteurs financés, croyez le ou non, par l'Alberta : elle leur a accordé un million de dollars. Ils ont déjà accès à un double marché. Ils ont une importante industrie d'engraissage des bovins qu'ils n'arrivent pas à alimenter. Ils doivent importer de grandes quantités de grains de la Saskatchewan pour répondre aux besoins de ce marché. La Saskatchewan produit autant de grain que les deux autres provinces réunies.
    Rob nous a expliqué à quel point la ligne de démarcation entre le succès et le désastre est ténue. Il y a beaucoup de propagande de la part des auteurs de cette campagne. Ils essaient de dire qu'il n'est pas question d'abolir la commission du blé, que cette décision que le gouvernement essaie de promouvoir n'aura pas d'impact sur les wagons de producteurs ou le système de transport. C'est l'impression qu'ils cherchent à donner.
    Rob, je pense que vous n'êtes pas d'accord. Pouvez-vous nous décrire l'impact que cette décision va avoir sur les wagons de producteurs, les agriculteurs?
    J'ai eu l'occasion de transiger avec les compagnies ferroviaires. Nous affichons un volume important — 3 500 wagons par année. Or, malgré cela, nous avons parfois de la difficulté à faire affaire avec les compagnies ferroviaires. Gardez ce facteur en tête. Souvent, elles essaient de nous dire que les wagons de producteurs n'ont rien à voir avec la Commission canadienne du blé, que ceux-ci relèvent plutôt de la Commission canadienne des grains. C'est faux. Je vais vous dire pourquoi. N'oubliez pas, il faut que quelqu'un vous attribue un wagon. La Commission canadienne du blé contrôle le bassin de wagons. Sans elle, nous n'aurions vraisemblablement pas accès aux wagons comme c'est le cas à l'heure actuelle.
    Je tiens à faire une précision. J'ai eu l'occasion de lire le rapport à bord de l'avion. Je donne le bénéfice du doute au groupe de travail. Je suis une personne pratique et pragmatique — non pas une personne qui se laisse guider par la philosophie ou l'idéologie. Je viens d'une région qui est un bastion de la droite et non de la gauche, une région qui englobe la circonscription de M. Anderson.
    J'attendais de voir comment ils comptaient assurer la viabilité de la commission du blé, mais je constate que là n'est pas leur objectif. Le fait est qu'ils veulent démanteler la Commission canadienne du blé et créer essentiellement une autre société céréalière, un syndicat du blé canadien, si vous voulez. Or, ce syndicat n'aura tout simplement pas l'influence que possède la Commission canadienne du blé dans le domaine du transport et de la manutention des grains.

  (1250)  

    Merci. J'aimerais faire quelques observations. D'abord, nous n'avons pas suffisamment de données qui montrent que la CCB II serait en mesure de survivre. Posons la question aux producteurs de céréales et de graines oléagineuses, qui ont assisté à une baisse de la valeur des actions qu'ils détiennent dans la SaskPool au cours des deux dernières années, ou dans la Alberta Wheat Pool. Il sera impossible de leur faire croire que nous pouvons mettre sur pied une nouvelle société céréalière qui va livrer concurrence à ces autres grandes compagnie. Voilà pour le premier point.
    Ensuite, les agriculteurs doivent être convaincus du fait qu'il ne s'agit pas ici d'un essai. Il n'est pas question de revenir à la formule de guichet unique dans quelques années si la CCB II ne fonctionne pas. Cette décision va être irréversible. Il suffit de jeter un coup d'oeil au chapitre 11 de l'ALÉNA, qui porte sur les investissements, les exigences de rendement. Il nous faut une analyse qui décrit l'impact de l'affaiblissement de leur position dominante sur le marché. Est-ce que les agriculteurs seraient touchés ou non? J'aimerais avoir des détails là-dessus.
    Nous devons également mettre davantage l'accent sur la valeur ajoutée. La plupart des gens ne savent pas que le Canada est un plus gros exportateur net de farine que les États-Unis. Est-ce que les agriculteurs savent, lorsqu'ils entendent dire que nous sommes contre la transformation à valeur ajoutée, ou que des compagnies souhaiteraient mettre sur pied une malterie dans l'Ouest canadien, mais qu'elles ne peuvent le faire à cause de la Commission canadienne du blé, que tout cela est faux? En fait, nous pouvons importer de l'orge brassicole des États-Unis sans tarif aucun, sans difficulté aucune. Nous devons mieux renseigner les gens pour que nous puissions avoir une discussion vraiment objective sur la question.
    Merci, monsieur Friesen.
    Rob, vous avez dit que 3 500 wagons par année passent sur votre ligne. Pouvez-vous nous dire quel est le pourcentage de grain Commission et de grain hors-Commission que cela représente?
    Nous ne transportons pas de grain Commission.
    Pas de grain hors-Commission.
    Pas de grain hors-Commission, je m'excuse. C'est exact. Dans l'ensemble, ... plus de 11 000 wagons ont été acheminés. Sur ce nombre, seulement 168 transportaient du grain hors-Commission.
    Je tenais tout simplement à ce que vous nous donniez cette précision.
    Monsieur Bellavance.

[Français]

    Je vous remercie de vos témoignages.
    Ma première question s'adresse à M. Friesen. Monsieur Friesen, à vous entendre — et je partage cette opinion — on dirait que le gouvernement a mis la Commission canadienne du blé dans un entonnoir. Il y a eu une planification très développée, il me semble. Tout cela a mené à ce que les conservateurs ont promis en campagne électorale et à ce qu'ils prônent depuis déjà un bon moment. Comme vous le dites avec beaucoup de justesse, on ne peut pas revenir en arrière.
    Si jamais on se rend jusque-là, au bout de l'entonnoir sortira une pseudo nouvelle commission canadienne du blé, et les autres producteurs auront le choix de faire affaire comme ils le veulent avec des entreprises, qu'elles soient américaines ou d'un peu partout dans le monde. On ne pourra pas revenir en arrière. Il faut vraiment bien réfléchir avant d'agir.
    C'est la raison pour laquelle l'opposition a prôné la tenue d'un référendum. Vous avez salué la décision que le ministre a faite ici même, à ce comité, de tenir un référendum, mais seulement pour les producteurs d'orge.
    Comment expliquez-vous que les producteurs de blé, qui sont pourtant les plus importants producteurs de grain de l'Ouest, soient mis à l'écart? Avez-vous une idée de la raison pour laquelle le ministre a choisi de ne tenir un référendum qu'auprès des seuls producteurs d'orge?

  (1255)  

[Traduction]

    C'est au ministre qu'il faut poser la question. Je suis d'accord avec vous: il n'est pas nécessaire de déréglementer un monopole à guichet unique pour répondre aux préoccupations qui ont été exposées. Aucune d'entre elles n'exige la déréglementation de ce monopole. Elles peuvent toutes être réglées à l'intérieur de celui-ci. Encore une fois, nous manquons de données. Il est important de bien renseigner les agriculteurs. Ils doivent savoir ce qui peut être accompli, les pistes de solution qui s'offrent à eux, sans que le monopole à guichet unique ne soit démantelé. Doit-on aller de l'avant avec la déréglementation ou régler le problème à l'intérieur du monopole à guichet unique? Encore une fois, il est question ici de partenariat. Nous avons un gouvernement qui a dit, encore récemment, qu'il veut s'associer aux producteurs. Je pense qu'il peut faire montre de leadership, et ainsi contenter les agriculteurs, s'il disait, « Oui, discutons-en. Mettons les cartes sur table et laissons les agriculteurs décider. »

[Français]

    Pour cela, il faudrait que ces producteurs, y compris les producteurs de blé, aient le droit de voter à un référendum. Il faudrait vraiment que ce choix soit fait par l'ensemble des producteurs de grains de l'Ouest, sans exclusion.
    Que pensez-vous de ce que nous avons entendu, du fait qu'on commençait à vouloir jouer avec le nombre de personnes pouvant voter lors d'un tel référendum?

[Traduction]

    Il ne faut pas jouer avec les chiffres. Tous les producteurs de blé et d'orge devraient avoir le droit de voter.

[Français]

    Je m'adresse toujours à vous, monsieur Friesen. Vous avez sans doute pris connaissance du rapport qui nous a été présenté tout à l'heure par le groupe de travail. Vous étiez là, d'ailleurs, quand les gens témoignaient. Plusieurs chapitres parlent du contrôle, par les agriculteurs, d'une formule rentable pour eux. Il est question d'acheter les grains des agriculteurs, notamment, et de diminuer les coûts de la chaîne d'approvisionnement.
    Pensez-vous qu'il faut absolument une nouvelle commission canadienne du blé pour mettre en oeuvre toutes ces résolutions? Cela serait-il possible avec la Commission canadienne du blé actuelle, moyennant peut-être certaines modifications? Cela a déjà été fait auparavant et peut se faire. Dans toute organisation, il doit y avoir une évolution, évidemment. Pensez-vous qu'on peut répondre aux besoins des producteurs agricoles en gardant la Commission canadienne du blé actuelle, ou faut-il absolument faire les changements draconiens qui sont proposés?

[Traduction]

    Je le répète: toute préoccupation concernant la Commission canadienne du blé peut être réglée à l'intérieur du monopole à guiche unique.
    Je m'inquiète de l'impact que cette déréglementation générale peut avoir sur les autres systèmes de commercialisation au Canada. On laisse entendre que, puisque les agriculteurs doivent s'adapter aux changements tous les jours de la semaine, on peut aller de l'avant avec ce projet, puisqu'ils sont habitués aux changements de toute façon. Je pense que cette décision va entraîner de grandes conséquences. Le gouvernement doit dire très clairement qu'il va laisser les producteurs choisir le modèle de commercialisation qui répond le mieux à leurs besoins collectifs. L'industrie de l'agriculture au Canada est très diversifiée. Elle doit être considérée globalement, non pas en fonction des régions, des secteurs.
    Monsieur Sahl.
    Oui. En route vers Ottawa, à l'aéroport de Winnipeg, je suis tombé sur le directeur général de la commission de commercialisation des poulets de la Saskatchewan, qui m'a dit: « grand Dieu, à qui le tour? La commission de commercialisation des poulets? Des oeufs? Des légumes? Le système de gestion de l'offre? Mais qui donc est le prochain sur la liste? » Voilà ce qu'il m'a dit.

[Français]

    Allez-y, monsieur Lobdell.

[Traduction]

    Pour en revenir à la situation, à titre de producteur, je trouve vraiment irritant que, pour une raison ou une autre, les gens considèrent que la Commission canadienne du blé est en quelque sorte figée dans le temps et n'a pas évolué depuis des décennies. C'est ridicule. Je peux vous dire qu'elle a radicalement — je dis bien radicalement — changé au cours des dix dernières années, avec l'élection des directeurs par les agriculteurs. Ce sont eux qui dirigent cette organisation. Je crois fermement en deux principes: l'économie de marché et la démocratie. Et je sais également que, dans une économie de marché, un monopole a son importance. En tant que producteur contrôlant ce monopole, je ne suis pas certain de vouloir abandonner seulement parce que quelques personnes croient pouvoir mieux s'en tirer sans l'organisation. Et je ne suis certainement pas prêt à jeter l'éponge sans qu'on ait pu voter démocratiquement sur la question. Cependant, à la guerre comme à la guerre : si les producteurs de blé, d'orge, et de blé dur ainsi que les agriculteurs décident que la commission du blé devrait être éliminée, qu'il en soit ainsi. En attendant, elle existe et il faut faire avec.  

  (1300)  

    Merci, monsieur Bellavance.
    Monsieur Miller, allez-y, je vous prie; vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui.
    Je crois que, peu importe de quel côté nous sommes, nous devons tous prouver notre crédibilité, être en mesure de démontrer que nous ne sommes pas en conflit d'intérêts, etc. Pour vous donner un exemple, messieurs Friesen, Sahl et Lobdell, vous êtes tous présidents de votre organisation. De mon point de vue de politicien, je dirais que si j'avais été à la tête de la FCA, du Syndicat national des cultivateurs ou autre et que je me retrouvais membre de ce comité, on pourrait penser que je suis en conflit d'intérêts ou que j'ai un parti pris pour l'une de ces organisations appelées à comparaître devant la commission. Je voudrais donc savoir, par simple curiosité, si, oui ou non, l'un d'entre vous a déjà fait partie du conseil d'administration d'une formation politique quelconque, s'est présenté comme candidat à une élection ou a tenté de le faire. J'aimerais que vous me répondiez par oui ou par non.
    La réponse est non.
    Monsieur Friesen.
    Pour ce qui est de votre première remarque au sujet des conflits d'intérêts, je ne suis nullement concerné.
    Je ne prétendais pas que vous l'étiez. C'était seulement une question.
    En représentant tous les membres de la FCA — et c'est pourquoi celle-ci est restée discrète à ce sujet jusqu'à ce que nous ayons une réunion du conseil d'administration, il y a deux semaines...
    Non, je ne pense pas que votre rôle à la FCA vous place en conflit d'intérêts. Ma question consistait à savoir si vous aviez jamais...
    Je ne me suis jamais présenté comme candidat pour un parti politique, non.
    Avez-vous déjà tenté de le faire?
    Je me suis présenté à une assemblée d'investiture.
    D'accord.
    Monsieur Sahl.
    Non, jamais.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Friesen. Vous avez parlé des plébiscites, entre autres. Il y a de cela quelques années, les commissions de commercialisation du porc ont fait l'objet d'une déréglementation. Y a-t-il eu un vote en ce sens?
    Au Manitoba, l'industrie porcine est passée d'un système de vente à guichet unique à un système de commercialisation mixte.
    Y a-t-il eu un plébiscite, monsieur?
    Non, aucun.
    Merci.
    Monsieur Sahl, vous avez indiqué avoir travaillé dans l'industrie du blé comme producteur. C'est bien. Je suis moi-même producteur, surtout dans le secteur bovin, mais j'ai cultivé et vendu du blé. Alors, monsieur Sahl, je présume que vous avez de la famille ou des proches qui sont encore actifs dans le secteur.
    Mon fils travaille à la ferme. Tous les printemps, je suis là-bas et je conduis mon tracteur, et l'automne, ma moissonneuse-batteuse.
    Bravo. Mon père et mon beau-père font encore la même chose que vous; c'est bien.
    J'ai entendu beaucoup de commentaires de parents agriculteurs très actifs de Saskatchewan et d'Alberta, ainsi que d'amis agriculteurs de ces deux provinces et du Manitoba. Tous m'ont dit que le débat entourant la Commission canadienne du blé avait profondément divisé les voisins et les familles. C'est à ce point un sujet de discorde. Est-ce que tous les membres de votre famille approuvent vos positions, monsieur Sahl? Je me contenterai d'un oui ou d'un non.
    Aussi étrange que cela puisse paraître, ma petite-fille est porte-parole pour les producteurs de blé...
    Oh, très bien, merci, monsieur.
    ...et elle a comparu ici l'autre jour, si j'ai bien compris.
    Cela me suffit, monsieur. Je posais cette question par curiosité.
    Je peux vous donner des détails.
    Peu importe. Ce n'est pas nécessaire; je suis simplement curieux. J'essaie seulement de dire que cette question est source de dissensions partout au pays et dans l'Ouest.
    Monsieur Friesen, pour en revenir au plébiscite, on doit avoir certaines qualifications pour figurer sur la liste des membres. On a laissé entendre que si vous avez vendu du grain au cours des deux dernières années, vous étiez admissible pour participer à un plébiscite.
    Je vais vous donner un exemple personnel. J'ai cultivé un peu de blé, comme je l'ai dit. Depuis six ou sept ans, je n'en vends plus. Maintenant, j'habite en Ontario, mais si je vivais toujours en Saskatchewan dans les mêmes circonstances, croyez-vous que j'aurais le droit de participer à ce plébiscite?

  (1305)  

    La FCA n'a aucune position à ce sujet.
    Puis-je poser la question à nos autres témoins, alors?
    Oui. Lorsque je siégeais au comité consultatif de la Commission canadienne du blé, nous savions que beaucoup de personnes de la liste nous avaient quittés. Nous avons volontairement tenté...
    Monsieur Sahl, c'est une question directe, et je pense qu'il est facile d'y répondre.
    Désolé.
    Avez-vous une opinion à ce sujet?
    Pour vous répondre de façon directe, je dois vous donner un exemple.
    Si possible, veuillez être bref, car je dispose de quelques minutes seulement et j'ai d'autres questions.
    En conséquence, notre ferme a été constituée en société, de sorte que nous représentions une seule entité en vertu de la Loi sur la protection du revenu agricole, et cela m'exclut. J'y joue un rôle important sur le plan financier et à bien d'autres égards. L'autre jour, j'ai téléphoné, et je n'apparaissais pas sur la liste.
    Donc, vous pensez que si on a une entreprise, on devrait avoir le droit de vote. Vous avez peut-être raison. À votre place, je penserais sans doute la même chose.
    Monsieur Lobdell.
    Si vous êtes producteur céréalier, vous avez pleinement le droit de participer. Il y a des explications au fait que vous n'ayez pas cultivé de blé ou de blé dur au cours des six dernières années. J'ignore ce qu'il en est exactement, mais je sais que certaines causes sont à l'origine du fait qu'à l'occasion, nous cultivons moins de blé dur et davantage de cultures spéciales. Il y a des raisons économiques à cela. Donc, j'espère avoir l'occasion de voter concernant une décision aussi importante.
    J'ai une autre question.
    Monsieur Friesen, vous présidez une organisation qui représente les agriculteurs de toutes les provinces, je présume, ou du moins, la majorité d'entre eux. Bien entendu, au sein de l'organisation, votre travail consiste à représenter tous les secteurs, tous les producteurs de l'industrie, etc. Vous ne vous fondez pas sur les produits; vous tenez compte de tous les acteurs. Je ne me trompe pas en disant cela.
    Je considère votre position là-dessus un peu troublante. Je suis membre de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, ce qui fait également de moi un membre de votre organisation. Quiconque ici doit recevoir le même traitement. Ce que le gouvernement a voulu faire avec la Commission canadienne du blé, c'est donner le choix à tout le monde. Il ne s'agit pas de se débarrasser de cet organisme — ce ne sont que des propos alarmistes —, mais de donner le choix à tous. Les gens qui souhaitent exercer leur libre choix en tirent des bénéfices. Ceux qui souhaitent vendre en passant par la Commission canadienne du blé peuvent encore le faire. Tout le monde y gagne. J'aimerais donc que vous m'expliquiez comment vous pouvez être contre, si chacun y trouve son compte.
    Allez-y, Bob.
    Tout d'abord, ma position est justifiée par le fait que ce sont les membres qui en ont décidé ainsi. Vous savez ce qui m'arriverait si je les trahissais. C'est pour cela que nous en avons discuté à notre réunion du conseil d'administration, il y a deux semaines. Et c'est pourquoi, dans mon exposé, je n'ai pas parlé des avantages et inconvénients de la Commission canadienne du blé et de ce que nous devrions en faire. Les membres, y compris le président de la FAO qui siège au comité de direction, étaient fermement convaincus que les agriculteurs devaient prendre un décision concernant les choix en matière de commercialisation.
    C'est essentiellement la position de la FCA. On n'approfondit pas la question de l'admissibilité à la frontière, entre autres. On affirme qu'il est important de transmettre l'information et de débattre franchement des deux points de vue sur la question, et il revient aux fermiers d'en décider.
    Merci, monsieur Friesen.
    Monsieur Atamanenko.
    Merci, messieurs. Je tenterai d'être bref, même si c'est parfois difficile. J'espère obtenir une réponse de chacun de vous.
    Bob, dans votre déclaration d'ouverture, vous avez dit que vous souscriviez à l'idée de tenir un plébiscite concernant l'orge mais que, de façon générale, votre organisation et vous-même pensiez qu'il devrait y avoir un vote visant tous les gens qui recourent à la Commission canadienne du blé.
    Êtes-vous d'avis que, comme dans le cas du bois d'oeuvre, il ne s'agit pas de la meilleure entente qui soit, mais que vous l'adopterez s'il y a un vote concernant les producteurs d'orge seulement, ou bien la FCA précise-t-elle clairement qu'un vote est nécessaire en ce qui concerne tant les producteurs de blé que d'orge?
    Nous avons déclaré très clairement qu'il nous faut pouvoir nous prononcer dans le cas des deux produits. L'annonce de la tenue d'un référendum pour l'orge lance le message que la Commission est consciente du fait que les agriculteurs devraient faire partie du processus décisionnel concernant la structure de commercialisation. Ce que nous affirmons, c'est qu'il faut le faire également pour le blé.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Lobdell, de toute évidence, vous croyez que, sans la Commission canadienne du blé sous sa forme actuelle, votre société ferroviaire n'existerait pas et qu'il y aurait d'autres effets dans les collectivités rurales. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus, s'il vous plaît?

  (1310)  

    Pour commencer, je n'exploite pas une entreprise ferroviaire; j'exploite une installation de chargement de wagons de producteurs. Bien sûr, cela va avoir des effets dévastateurs sur les collectivités rurales, parce qu'on perd des infrastructures précieuses quand on perd des lignes ferroviaires, des points de livraison, etc. Je crois que notre modèle, le West Central Road & Rail, a démontré à quel point il est efficace pour créer de la concurrence dans le système. L'existence de la Commission canadienne du blé est absolument nécessaire à la création de cette concurrence. Si elle n'était pas là, le pouvoir sur le marché des autres protagonistes, plus précisément les entreprises ferroviaires et les sociétés céréalières, ferait en sorte que, tout simplement, nous ne pourrions pas exister.
    Si la proposition formulée par le groupe de travail est retenue, la Commission canadienne du blé ne serait guère plus en mesure de jouer un rôle. Pour l'essentiel, nous serons en présence d'une Commission canadienne du blé aux pieds et poings liés, gravement affaiblie, à laquelle on demandera de jouer le jeu de la concurrence sans éléments d'actif financiers. C'est voué à l'échec.
    Merci.
    Monsieur Sahl, vous êtes présent dans ce secteur d'activité depuis longtemps. Vous avez beaucoup d'expérience. Parfois, lorsque nous parlons des syndicats, nous affirmons qu'ils étaient vraiment très bons il y a quelques années, mais que nous n'en avons plus besoin; les temps auraient changé. Pourtant, nous constatons que nous avons peut-être besoin d'eux plus que jamais auparavant en raison de la privatisation et des forces du marché mondial.
    Donc, l'argument relatif à la Commission du blé est qu'elle était utile lorsque nous l'avons constituée dans les années 30, mais que les temps ont changé. Aujourd'hui, nous devons modifier nos façons de faire. Elle n'est plus pertinente.
    J'aimerais vous entendre commenter cette argumentation, s'il vous plaît.
    La plupart des producteurs avec lesquels je m'entretiens ne se cachent pas pour dire que la Commission n'existera tout simplement pas en vertu de la proposition. Donc, je me demande s'il est nécessaire d'en dire beaucoup plus.
    Je suis passé au bureau de la Commission canadienne des grains pour m'informer de quelque chose. La dame qui était là venait de recevoir un appel téléphonique d'un type qui arrivait d'Angleterre et qui avait acheté des terres dans le sud de la Saskatchewan. Il voulait obtenir des renseignements sur un wagon de transport de l'orge. Il a dit : « Je n'en reviens pas de la façon dont les choses se passent au Canada. Vous avez des soldats qui meurent et qui se battent pour la démocratie en Afghanistan et, pourtant, votre gouvernement n'accepte même pas de reconnaître le concept de démocratie. »
    Nous voulons un vote. C'est ça que nous voulons.
    Dans nos échanges avec des témoins que nous avons entendus précédemment, nous avons parlé de gagnants et de perdants. Qui seront ces perdants si nous passons à la CCB II, laquelle, dans les faits, deviendra une société céréalière de plus, qui suivra peut-être les traces du Saskatchewan Wheat Pool et tout ça?
    Pourrions-nous entendre d'abord les observations de M. Lobdell à ce sujet?
    J'ai entendu M. Davies, qui est membre de cette même organisation, dire qu'il n'était pas inquiet. Toutefois, en raison de la nature de mon entreprise, j'ai tenu des discussions avec bon nombre des membres de l'ITAC qui possèdent ces silos terminaux de l'intérieur, ces des terminaux portuaires, des lignes ferroviaires sur courtes distances et des compagnies céréalières de plus petite taille, et dans l'ensemble, je dirais que ce sont les producteurs qui seront le plus gravement touchés. Ils seront les perdants dans ce jeu.
    Je ne dis pas qu'il n'y aura pas de gagnants parmi les producteurs. Ce serait très naïf de ma part de faire une telle affirmation, car il y en aura. Mais, parfois, il faut prendre en considération ce qui sert le mieux les intérêts de la majorité de la population.
    Franchement, c'est tout à fait comme dans le domaine des soins de santé. Prenez le modèle des soins de santé: je suis persuadé qu'il y a des gens qui s'en tireraient beaucoup mieux dans le cadre d'un système privatisé.
    Tout ce que je dis, c'est que, dans le cas qui nous occupe, la Commission canadienne du blé sert très bien les intérêts des producteurs et de l'industrie.
    Merci.
    Bob.
    Supposons que des informations établissent que la CCB II va faire des perdants. Il s'agira exactement des mêmes producteurs agricoles qui ont été les perdants lorsque le contrôle des syndicats du blé de l'Ouest que nous avions leur a échappé, par suite d'une politique non compétitive à l'égard des États-Unis. Donc, il s'agirait des producteurs agricoles qui sont membres d'une société céréalière appartenant à des agriculteurs, et c'est la même chose qui leur a porté préjudice lorsqu'ils étaient membres des syndicats du blé.
    Il nous faut étudier les analyses économiques pour déterminer s'il y aura des gagnants et des perdants, et de qui il s'agira.
    Monsieur Sahl, pour une raison ou une autre, on laisse entendre dans le rapport que les agriculteurs doivent s'adapter au système. On laisse entendre qu'ils ne sont pas aussi efficaces qu'ils le pourraient; ils doivent rehausser leur efficacité et leur efficience. Souscrivez-vous à cette thèse?

  (1315)  

    Non.
    Pourquoi?
    J'observe le fonctionnement de cette organisation depuis bon nombre d'années. Je connais les rapports qu'elle entretient avec le monde, je connais les rapports qu'elle entretient avec les agriculteurs et, à n'en pas douter, je connais les avantages qu'elle procure aux agriculteurs.
    Merci.
    Messieurs, merci beaucoup d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. C'est un problème persistant que nous analysons de comprendre comment accroître les pouvoirs des producteurs agricoles, de manière à ce que tout le monde soit gagnant dans ce dossier.
    La séance est levée.