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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 6 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 27e séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous continuons notre étude sur le programme de contestation judiciaire.
    Avant de donner la parole aux témoins, j'aimerais vous dire quelques mots sur la façon dont nous allons procéder:
Comme vous le savez, certaines des questions que nous allons examiner pendant les prochaines séances font l'objet de poursuites. Par conséquent, j'aimerais profiter de l'occasion, avant de commencer, pour rappeler aux membres du comité la convention relative aux affaires en instance et vous expliquer comment j'ai l'intention de régler cette question.
Selon La procédure et les usages à la Chambre des communes, à la page 534, « la convention relative aux affaires en instance sub judice est avant tout une restriction que la Chambre s'impose volontairement... » Des députés pourront donc choisir de faire preuve d'une certaine réserve au sujet des questions en instance. Ils sont libres de faire leur travail comme ils l'entendent sans interférence, mais je leur rappelle tout de même de tenir compte du rôle des tribunaux. Par conséquent, les députés du comité pourront choisir de ne pas poser d'actes ou prononcer des paroles qui pourraient nuire aux affaires en instance.
Les témoins et les députés peuvent traiter des différents programmes et politiques dont nous sommes saisis. Nous ne sommes pas ici pour juger des mérites d'une poursuite. Si j'ai le sentiment que les témoins ou que les membres du comité s'égarent et commentent des poursuites ou des questions juridiques, je leur rappellerai de s'en tenir à la sphère politique.
Si nous nous rappelons tous de notre rôle ici, tout en reconnaissant celui des tribunaux, je suis certain que je n'aurai pas à intervenir.
    J'espère ne pas avoir à jouer l'arbitre à ce sujet.
    Monsieur Kotto, allez-y.

[Français]

    Monsieur le président, votre préambule, je l'ai intégré, mais mon intervention porte sur un rappel que je ferai relativement au fait qu'il faille —

[Traduction]

    Avant que vous ne preniez la parole, souvenez-vous d'être bref, parce que —

[Français]

    C'est très court.

[Traduction]

    Nos témoins doivent partir à 16 h 30.

[Français]

    Tout ce que je voulais rappeler, c'est qu'il faut réserver un peu de temps, à la fin de la séance d'aujourd'hui, pour le traitement des motions.

[Traduction]

    Nous le ferons si nous avons le temps à la fin de la séance. Sinon, nous demanderons à ce que la séance soit prolongée lundi.

[Français]

    Je prévoyais cela et je voulais simplement que vous gardiez cela à l'esprit.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Bélanger.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai aussi pris bonne note de votre avertissement. Cependant, il faut savoir que tant que la question n'est pas devant les tribunaux, la règle sur les affaires en instance ne s'applique pas. D'après ce que je comprends, l'un des groupes qui est ici a présenté une requête aux tribunaux, qui n'a pas encore été acceptée, alors techniquement, il ne s'agit pas d'une affaire en instance. Par conséquent, la règle sur les affaires en instance ne s'applique pas.
    Ceci étant dit, je reconnais que les parlementaires devraient en être conscients lorsqu'ils posent leurs questions.
    Merci.
    Nous accueillons à présent nos témoins. Puisque nous ne disposons que d'une heure ou moins, je vous demanderais de vous en tenir à 10 minutes pour vos remarques liminaires. Ensuite, il y a aura un tour de questions de cinq minutes. Je vais respecter le temps de parole aujourd'hui, nous verrons si nous avons du temps pour un autre tour. Je ne sais pas qui veut commencer. Madame Beaulieu?

[Français]

    Messieurs les membres du comité, monsieur le président, vous nous avez demandé de comparaître afin d'identifier les répercussions de l'abolition du Programme de contestation judiciaire. La FCFA désire vous remercier de nous accorder ce temps de rencontre pour vous faire part de nos opinions, de notre point de vue.
    Je suis Marielle Beaulieu, directrice générale de la FCFA du Canada. Je suis accompagnée de ma collègue Diane Côté, qui travaille aussi à la FCFA, et de mes collègues de la CNPF, la Commission nationale des parents francophones, que vous aurez le plaisir d'entendre tout à l'heure.
    La FCFA vous a déjà fait parvenir un bref mémoire faisant état de la situation. Je pense que le mémoire a été envoyé à temps pour être traduit et qu'il vous a donc été remis pour consultation.
    Aujourd'hui, dans les quelques minutes qui nous sont accordées, je tenterai de faire un bref survol de la question en identifiant, premièrement, les principaux gains du Programme de contestation judiciaire dans le domaine des droits linguistiques — cela va de soi — et en cernant, deuxièmement, les répercussions que nous prévoyons à la suite de l'abolition du programme.
    Commençons par le début. Le PCJ, pour l'ensemble des communautés francophones et acadienne du Canada, a été un outil essentiel pour, d'une part, clarifier et, d'autre part, faire avancer les droits linguistiques de la minorité francophone. D'ailleurs, de nombreuses causes linguistiques ont été entendues et réglées grâce à l'appui du Programme de contestation judiciaire.
    Citons entre autres certaines des causes qui nous ont permis d'obtenir, premièrement, la gestion scolaire: la cause Mahé contre l'Alberta; le renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques du Manitoba; l'Association des parents francophones de la Colombie-Britannique contre la Colombie-Britannique, et je pourrais en nommer bien d'autres.
    D'autres causes, comme Doucet-Boudreau et Arsenault-Cameron, ont permis de préciser les obligations de l'État en matière de droit scolaire et en matière d'écoles.
    Je ne vous en dirai pas long sur toute la dimension de la question scolaire puisque mes collègues de la CNPF pourront en traiter plus longuement. Mais la question que je vous poserais ici, cet après-midi, à vous tous, membres de ce comité, est la suivante. Sans de tels recours, y aurait-il présentement des écoles de langue française partout au pays? Je me permets de vous poser la question, mais je me permets aussi d'en douter.
    Le PCJ a aussi permis de financer des recours en matière de services en français ou autre. Mentionnons premièrement la célèbre cause Montfort, dont vous avez tous entendu parler, qui a permis de sauvegarder le seul hôpital d'enseignement de langue française à l'ouest du Québec, ou encore l'affaire Beaulac, qui a clarifié les droits linguistiques des accusés tout en précisant les principes et le cadre interprétatif qui s'appliquent aux droits linguistiques au Canada.
    D'autres causes financées par le Programme de contestation judiciaire ont permis de clarifier les obligations des gouvernements en matière de services en français. Nous pouvons, entre autres, vous référer à l'action juridique intentée par la Fédération franco-ténoise en 1999, qui a été entendue en 2006 et qui a mené à une décision de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest reconnaissant au gouvernement territorial une obligation d'offrir des services en français à sa population. Il est à noter que, malheureusement, le gouvernement des T.N.-O. a interjeté appel de cette décision et qu'il sera difficile pour la communauté franco-ténoise d'assumer les coûts de cette nouvelle étape du processus juridique.
    En somme, nous affirmons que le Programme de contestation judiciaire, créé en 1978, a fortement favorisé l'épanouissement et le développement des minorités francophones et anglophones du Canada au cours des dernières années, et a ainsi contribué à promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.
    Or, l'élimination du PCJ aura des incidences négatives sur la pérennité des communautés francophones et acadienne du Canada. Notre gouvernement nous a dit à maintes reprises qu'il allait faire des lois constitutionnelles et qu'il allait les respecter.

  (1545)  

    L'histoire nous a démontré qu'il appartient, dans un système tel que le nôtre, aux tribunaux d'interpréter les lois. Autrement dit, même si les gouvernements ont les meilleures intentions, ce sont les tribunaux qui ont le pouvoir d'interpréter les lois ainsi que leur constitutionnalité.
    Parlons maintenant des répercussions de l'abolition du programme. Après des dizaines d'actions judiciaires qui ont permis de clarifier et de consolider les droits des minorités francophones et de faire avancer les communautés, il restait pourtant, au moment de la suppression du financement du programme, une somme considérable de travail à effectuer sur le plan juridique pour que les francophones jouissent pleinement de leurs droits constitutionnels et qu'ils obtiennent l'égalité réelle, tel que le veut la Constitution canadienne — cela va de soi — et la Loi sur les langues officielles.
    Nous avons déjà mentionné la cause opposant la communauté franco-ténoise au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, laquelle sera portée en appel. Parmi les autres actions judiciaires déjà en cours, mentionnons la cause Paulin au Nouveau-Brunswick, la cause Caron en Alberta, le dossier de la surtaxe scolaire en Nouvelle-Écosse. Ces causes sont énumérées dans le mémoire que nous avons présenté et sont aussi bien identifiées.
    Ces causes, comme celles qui les ont précédé, pourraient faire progresser la reconnaissance, l'interprétation et l'application des droits linguistiques des francophones. Autrement dit, ce travail ne sera pas terminé tant et aussi longtemps que la mise en vigueur de l'égalité réelle entre l'anglais et le français et du plein accès à des services en français de qualité égale n'aient lieu. Jusqu'à maintenant, même si les tribunaux ne représentent pas notre premier choix en matière d'action — et c'est un élément très important —, ceux-ci sont demeurés et demeurent toujours la meilleure instance pour que les minorités puissent se prévaloir de leurs droits.
    Le Canada a été, jusqu'à aujourd'hui, un modèle en matière de traitement de ses minorités. En ce sens, le PCJ a été d'un apport inestimable pour faciliter l'interprétation des principes écrits et non écrits de la Charte. Si les droits garantis par la Charte font la fierté des Canadiens et des Canadiennes, encore faut-il s'assurer que ceux qui y sont énoncés soient, dans la pratique, appliqués et respectés quotidiennement.
    Sans le PCJ, les communautés auraient eu peine à trouver les ressources financières — c'est très clair pour nous — pour rappeler au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux et territoriaux leurs obligations et responsabilités constitutionnelles en matière linguistique. Et je vous dirais que jusqu'à aujourd'hui, la grande majorité des causes qui ont été portées devant les tribunaux en matière de droits linguistiques l'ont été contre les gouvernements provinciaux et territoriaux. Il s'agissait donc de la mise en oeuvre, de l'application, finalement, de ces droits.
    Le Programme de contestation judiciaire a appuyé, jusqu'à maintenant, des groupes représentant des citoyens canadiens ordinaires qui autrement n'auraient pas les moyens de faire reconnaître et respecter les droits constitutionnels qui leur sont garantis en vertu de la Charte.
    Finalement, l'abolition du Programme de contestation judiciaire indique clairement que le gouvernement fédéral a, malheureusement, manqué à ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles, en particulier de sa partie VII, et ce, en éliminant sans aucune consultation un programme qui s'est avéré essentiel à l'épanouissement et au développement des minorités francophone et anglophone du Canada.
    Je vous remercie de votre écoute. Je vous remercie, monsieur le président. Mme Côté ou moi-même pourrons répondre aux questions.

  (1550)  

[Traduction]

    D'accord. Merci.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre qui a des remarques à présenter?

[Français]

    Bonjour. Merci de cette invitation à comparaître devant votre comité.
    Je m'appelle Ghislaine Pilon et je suis accompagnée de la directrice générale, Murielle Gagné-Ouellette. Je suis résidente de Mississauga, en Ontario. Je suis mère de deux adolescents, Nicolas et Mathieu, et c'est à cause d'eux que je suis ici.
    Je suis la présidente de la Commission nationale des parents francophones. La mission de la commission est d'appuyer le regroupement de parents de chaque province et territoire dans la promotion d'un milieu familial, éducatif et communautaire favorisant le plein épanouissement des familles francophones en milieu minoritaire. Nos fédérations desservent près de 500 comités de parents locaux d'un océan à l'autre et quelque 350 000 parents utilisateurs de services préscolaires et scolaires.
    En matière de développement de la petite enfance, la commission est l'interlocutrice du gouvernement fédéral et porteuse du dossier pour les communautés francophones et acadienne. La commission préside et coordonne la Table nationale sur la petite enfance francophone regroupant une douzaine de partenaires. Elle est aussi un membre actif de la Table nationale en éducation présidée et coordonnée par la Fédération nationale des conseils scolaires francophones.
    En tout et partout, nos quelque 20 partenaires nationaux en éducation et en petite enfance rejoignent 31 conseils scolaires, plus de 1 250 services, établissements et organismes, dont environ 400 services préscolaires fréquentés par 30 000 enfants de moins de cinq ans, ainsi que 630 écoles primaires et secondaires regroupant 146 000 enfants de moins de 19 ans. L'existence même de ces réseaux de personnes, d'organismes et d'établissements est imputable en partie au Programme de contestation judiciaire. Ils sont surtout le bilan de plus de 25 ans de démarches stratégiques du mouvement de parents francophones. Nos membres sont des visionnaires et résilients.
    La saga des droits éducatifs a débuté peu après l'adoption, en 1982, de la Charte canadienne des droits et libertés. En 1983, des parents d'Edmonton ont contesté en première instance le refus des autorités provinciales de leur accorder une école française. Dans l'arrêt Mahé de 1990, la Cour suprême leur donnait raison, non seulement pour la question de l'école, mais pour la gouvernance de cette école.
    En 1986, des parents manitobains demandaient la reconnaissance universelle du droit de gestion des écoles de langue française. Dans le renvoi manitobain de 1993, la Cour suprême a reconnu leurs droits.
    Les statistiques suivantes, tirées des rapports annuels du Programme de contestation judiciaire, parlent d'elles-mêmes. En vertu des droits scolaires prévus à l'article 23, nos membres et partenaires ont présenté 183 demandes depuis 1994. Ces chiffres n'incluent pas les activités du Programme de contestation original créé en 1981 et aboli en 1992. Au cours des 11 dernières années, 143 demandes de parents ont été approuvées par le programme. C'est plus de la moitié des programmes approuvés du côté des droits linguistiques. Vous l'avez deviné, le mouvement de parents francophones est sans contredit le plus gros client du Programme de contestation judiciaire.
    Voici les répartitions de ces projets approuvés: 83 litiges, 30 activités d'accès et de promotion, 21 élaborations d'actions et 9 études d'impact. De ces litiges, en 11 ans de contestation, 55 sont allés en première instance, 15 en appel et 13 en Cour suprême. Les causes les plus connues durant cette période sont l'arrêt Cameron-Arsenault de 2000 portant sur les écoles de l'Île-du-Prince-Édouard et l'arrêt Doucet-Boudreau de 2003 sur le réseau des écoles secondaires en Nouvelle-Écosse.
    Voici quelques résultats durables de ces causes. Le réseau d'écoles françaises s'est consolidé d'un bout à l'autre du pays au cours des années 1980. Le réseau des conseils scolaires francophones s'est créé au cours des années 1990. Les conseils scolaires ont créé de nouvelles écoles dans la plupart des juridiction. Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, quatre nouvelles écoles ont été construites suivant le jugement de la Cour suprême. En Nouvelle-Écosse, il s'agit de six nouvelles écoles. Les inscriptions ont en général arrêté de chuter et se sont stabilisées.

  (1555)  

    La qualité de l'éducation en français s'est grandement améliorée depuis que les écoles sont gouvernées par les minorités, et ce, aux plans des infrastructures, de la programmation et de la promotion. Les conseils scolaires et leurs partenaires se sont donnés, en 2005, un plan d'action qui s'intitule « Article 23 », afin de compléter le système d'éducation de langue française au Canada. Les communautés francophones se construisent et se prennent en main dans l'environnement des écoles françaises. Par exemple, la seule école métisse au Canada, située à St-Laurent au Manitoba, aura enfin son propre édifice en 2008.
    Le tribunal est notre dernier recours. Chaque fois qu'on a déposé des plaintes, c'était parce qu'il n'y avait pas d'autre issue, parce que ne pas le faire aurait été intolérable. Chaque fois, il y a eu des mois, sinon des années de pression, d'échanges de documents, de réunions, de négociations. Nous avons du coeur au ventre. Le programme nous a donné des ailes.
     Nous n'avons pas inventé ce système qui fait de nous des gladiateurs face aux provinces, lesquelles sont — il est utile de se le rappeler — des signataires de la Charte. Le législateur a créé l'arène et a fourni les armes, dont le Programme de contestation judiciaire. Le législateur est-il un innocent spectateur? Chaque fois, c'est le citoyen qui a payé pour le manque de volonté politique. Je parle de la plupart des gouvernements qui se sont succédé depuis l'adoption de la Charte. Pourquoi les gouvernements continuent-ils à résister à la mise en oeuvre de nos droits? C'est sans doute un bon investissement en termes de vote. Il reste qu'au bout du compte, les parents n'ont jamais perdu de causes devant les tribunaux.
    Les gouvernements ont donc acheté du temps. Ce que nous, les parents, avons perdu est considérable: du temps, de l'énergie, de l'argent, et je ne parle pas de l'argent du fédéral. On a aussi perdu le respect de beaucoup de gens, même dans nos communautés, et on a perdu des générations d'enfants. À l'heure où l'on se parle, un seul enfant francophone sur deux est dans nos écoles françaises. C'est ça, la dualité linguistique au Canada?
    Mais imaginons le Canada sans l'article 23 et sans le Programme de contestation judiciaire. Sans leurs réseaux d'écoles et sans leurs conseils scolaires, dans quel état seraient nos communautés? Le but du programme, c'est l'habilitation des minorités, mais le grand cadeau du programme, c'est l'espoir. Qui peut vivre sans espoir?
    Il y a une valeur ajoutée dans ce processus exigeant qui consiste à se présenter sans cesse devant les tribunaux. Cette valeur, c'est d'assurer que la jurisprudence reflète l'évolution des besoins et des priorités. Nos réalités changent, ainsi que notre connaissance de ces réalités. Grâce à la complémentarité des mécanismes en jeu, le Canada fournit un cadre pour que le processus influence les politiques publiques. Si les majorités linguistiques peuvent se passer de ce cadre, il en est tout autrement des minorités. La jurisprudence peut aider la société à comprendre l'évolution des connaissances en éducation.
     Je vous donne l'exemple de la recherche récente sur le développement du cerveau chez les enfants. On ne savait pas, au moment de l'adoption de la Charte, que l'apprentissage des langues débute au sixième mois de la grossesse et plafonne avant l'âge d'un an. On ne savait pas, en 1982, que les fonctions cognitives les plus élevées atteignent leur pleine capacité avant l'âge de deux ans. Les capacités d'apprentissage d'un enfant de cet âge sont beaucoup plus grandes que les miennes et les vôtres. Ces connaissances sont cruciales pour l'avenir de nos enfants, en particulier pour l'avenir de l'éducation française en milieu minoritaire.
     C'est pourquoi nos parents demandent la reconnaissance de l'apprentissage préscolaire, dans l'éventail des droits sous l'article 23. Tout cela pour dire que notre travail n'est pas terminé et que nous souhaitons continuer notre oeuvre sans passer par la voie juridique. Est-ce qu'on aura le choix?
    Mesdames et messieurs les législateurs, donnez-nous une autre avenue et nous abandonnerons volontiers les recours aux tribunaux. En attendant, ne touchez pas au Programme de contestation judiciaire. Notre attente est la suivante: que chacun des gouvernements du Canada — le fédéral, les provinces et les territoires — respecte ses engagements constitutionnels dans l'enthousiasme et la dignité. Nous continuons à espérer. Ce n'est pas le passé que nous voulons protéger. Ce que nous voulons, c'est construire le Canada de l'avenir. Et l'investissement qu'on veut faire, celui qui rapporte le plus, c'est dans nos enfants. On les veut en santé, multilingues, pluriculturels, curieux, respectueux, innovateurs, performants et résilients.

  (1600)  

    Êtes-vous de notre côté? C'est le défi que nous vous lançons aujourd'hui.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Bélanger.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    En réponse à votre dernière question, madame Pilon, nous, de l'opposition officielle, sommes de votre côté. Nous l'avons déjà démontré à deux reprises, premièrement, lorsque nous avons créé le programme et, deuxièmement, lorsque nous l'avons recréé. Il se pourrait que nous soyons devant la situation où nous aurons à le créer une troisième fois. Je crois qu'il n'y aura aucune hésitation à le faire, parce que mes collègues et moi partageons les convictions dont vous nous avez fait part aujourd'hui par rapport à la nécessité de ce programme.
    Je veux vous poser quelques petites questions d'ordre technique pour pouvoir préciser certaines choses qui ont été dites au sujet de l'abolition du programme et des raisons qui auraient motivé le gouvernement. D'abord, avez-vous été consultés avant la décision, ou l'annonce, du gouvernement d'abolir ce programme?

  (1605)  

    Absolument pas.
    Pourriez-vous me décrire rapidement — parce qu'on a seulement cinq minutes — comment vous procédiez, lorsque vous obteniez une décision favorable du programme quant à l'aide financière, au choix de vos avocats?
    Tout dépendant, évidemment, des gens qui ont demandé un recours, nous avons toujours des listes d'avocats qui peuvent effectivement répondre à nos exigences et qui, généralement, ont une certaine connaissance des droits linguistiques. Un peu comme on le fait dans le cas d'appels d'offre, nous demandons, finalement, aux gens qui en ont les capacités, de présenter des propositions qui répondent à nos exigences.
    Je vous signalerais, monsieur Bélanger — et je sais que vous le savez déjà —, que le Programme de contestation judiciaire possède des mécanismes qui sont dûment régis et qui permettent à tous et chacun, tant aux organismes qui font des recours qu'aux avocats qui vont participer ou qui vont faciliter le travail, de bien fonctionner. Des comités sont en place. Il y a un certain nombre de gens qui s'assurent que l'on réponde aux normes et aux exigences du gouvernement en matière de reddition de comptes, etc.
    Est-ce que l'allégeance politique ou la non-allégeance politique de ces avocats a été un facteur quelconque, négatif ou positif, dans la sélection des avocats par les communautés dans le passé?
    Aucunement.
    J'aimerais maintenant vous parler de l'avenir. Comme je vous le disais, je partage votre avis selon lequel un travail exemplaire a été fait jusqu'à maintenant sur le plan de l'établissement des droits scolaires. Il restait du travail à faire du côté des garderies. Les ententes qui avaient été signées avec les provinces contenaient des clauses linguistiques, mais elles seront abolies à compter de mars prochain. Est-ce que vous envisageriez, dans ces conditions, de lancer des recours judiciaires pour faire respecter et servir les besoins des communautés linguistiques en ce qui a trait à la petite enfance et à la mise en oeuvre réelle des nouvelles dispositions de la Loi sur les langues officielles qui sont entrées en vigueur lorsque la loi S-3 a été adoptée, lors de la 38e législature?
    Je vais vous répondre à ce sujet, mais je vais laisser à Mme Beaulieu le soin de vous parler de la loi S-3.
    En ce qui concerne les recours judiciaires par rapport aux garderies ou aux centres de la petite enfance et de la famille — un domaine beaucoup plus vaste que les garderies, en ce qui concerne les francophones —, nos besoins sont encore plus spécifiques en ce qui touche les petits âgés de 0 à 6 ans. Bien sûr, nous espérons que nos conseils scolaires puissent obtenir du financement adéquat pour offrir, au moins, l'éducation préscolaire à partir de 3 ans, à l'intérieur du système actuel.
    Donc, nous envisageons certainement de continuer dans cette direction, si les provinces ne devaient pas nous accorder ce financement. On espère toujours obtenir le financement grâce à des négociations. Certaines provinces ont déjà répondu positivement à certains besoins en termes d'enseignement préscolaire. On espère que cette avancée va se poursuivre.
    En ce qui a trait au projet de loi S-3, qui fait maintenant office de renforcement de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, il est bien évident, à mon avis, que ces dispositions témoignent de la volonté du gouvernement de favoriser vraiment l'épanouissement des communautés.
    Si la loi S-3 ne menait à l'adoption d'aucune mesure positive de la part du gouvernement — et c'est le terme qu'on a utilisé — pour favoriser l'épanouissement des communautés, il est clair qu'on envisagerait un recours judiciaire, et ce, qu'il s'agisse d'un gouvernement libéral, conservateur ou autre.

  (1610)  

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Malo.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Beaulieu, vous disiez plus tôt, dans le cadre de votre présentation, que les tribunaux étaient pour vous la meilleure autorité en matière de défense des droits des minorités francophones.
    Madame Pilon, vous êtes allée un peu dans le même sens en disant que dans votre cas, les tribunaux étaient votre dernier recours et que les parents n'avaient jamais perdu de cause. Plusieurs centaines de causes ont donc été gagnées devant les tribunaux.
    Quand le gouvernement conservateur a décidé d'abolir le Programme de contestation judiciaire, il a justifié son geste en disant qu'on ne devait plus financer des actions allant à l'encontre du gouvernement et que, de toute façon, il ne présenterait pas de lois anticonstitutionnelles, en l'occurrence au détriment des minorités.
    Faites-vous confiance au gouvernement, en ce qui a trait à cette affirmation?
    Nous sommes d'avis que le gouvernement, peu importe lequel, a toujours de très bonnes intentions. L'histoire nous a en effet démontré que les intentions étaient toujours bonnes et que les lois étaient, en règle générale, constitutionnelles. Cependant, l'interprétation et l'application de ces lois est souvent ce qui cause problème.
    Une grande partie des recours judiciaires intentés par les parents en matière de gestion scolaire ou d'école étaient des recours contre des gouvernements provinciaux ou même territoriaux. La même situation, en matière de services en français, s'applique au gouvernement franco-ténois. Il ne s'agit pas de constitutionnalité comme telle, mais bien d'application.
    Depuis cette annonce, comment se portent les minorités au Canada? Quelle est la réaction? Comment cette situation est-elle vécue sur le terrain?
    Je dirais que cette annonce a fait souffler un vent mauvais sur les communautés. Le Programme de contestation judiciaire, c'est clair, a considérablement fait avancer les communautés. Nous le retirer, c'est pratiquement comme nous couper les deux bras: nous ne sommes plus en mesure de faire valoir nos droits devant les tribunaux.
     L'histoire nous a démontré que si nous n'allions pas en cour pour faire valoir nos droits, nous ne réussirions pas à avancer. On aurait pu parler cet après-midi de cas où le gouvernement du Manitoba, de l'Alberta et de l'Ontario ont, à certaines époques, adopté des lois allant à l'encontre des écoles de langue française, et ainsi de suite. Pour nous, le Programme de contestation judiciaire est un gros morceau. L'abolition de ce programme est vraiment perçue par l'ensemble des communautés comme un outrage quant à leur développement.
    Parlez-moi de causes qui ne peuvent pas progresser du fait que le programme n'existe plus.
    Je vais demander à Mme Côté de répondre à cette question.
    Il y en a plusieurs. Je pense que Mme Beaulieu en a parlé un peu. Les détails à ce sujet se trouvent dans notre mémoire. Quoi qu'il en soit, le cas de la Fédération Franco-TéNOise est important. Ces gens avaient eu gain de cause à la Cour suprême du territoire, mais les autorités territoriales en ont appelé de cette décision. Cette cause va maintenant être abandonnée, étant donné que la communauté n'a définitivement pas les moyens d'assumer sa défense à ce niveau.
    C'est un des grands problèmes des communautés. Dans le cadre d'affaires juridiques impliquant des gouvernements, nous devons faire face à des arguments procéduraux, et ceux-ci nous coûtent très cher. D'ailleurs, c'est souvent la stratégie que les gouvernements utilisent pour nous décourager. Le programme faisait contrepoids à cet état de chose, dans une certaine mesure.
    En Alberta, en matière de services en français, il y a l'affaire Caron. Au Nouveau-Brunswick, il y a l'affaire Paulin, qui est elle aussi un cas important et intéressant. Il est question du rôle de la GRC en tant que police provinciale et du fait que ses obligations linguistiques à l'échelle fédérale et provinciale se contredisent. Plusieurs autres cas sont en cours de traitement.
    Le programme permet de réaliser des études ou des analyses juridiques qui nous amènent à réfléchir à certaines questions. Je pense que c'est un aspect très important. En effet, ça nous a donné l'occasion, par le passé, de définir notre orientation en termes de droits linguistiques et de réfléchir à la façon dont les droits pourraient être perçus et évalués sur le plan juridique dans l'avenir.

  (1615)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Angus.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je représente une région où la population franco-ontarienne est très nombreuse. Comme anglophone, je sais que les droits des minorités n'ont pas été créés grâce à la majorité. Le droit à des services dans leur langue et aux écoles françaises a été acquis par les minorités, et celles-ci se sont fondées pour ce faire sur leurs convictions et leur foi en l'égalité. Dans ma région, ce débat continue encore aujourd'hui.

[Traduction]

    Lorsque M. Harper a décidé d'éliminer le programme, il a dit qu'il ne voulait pas payer des avocats libéraux. De tous les programmes qui ont été coupés à ce moment-là, celui-ci était à part. On l'a décrit comme un programme partisan et frivole.
    Quel est votre avis à ce sujet et que répondez-vous à ceux qui dénigrent les réalisations qu'a permises ce programme?

[Français]

    Je crois que des questions idéologiques sont en cause. De plus, il ne faut pas se le cacher, le programme inclut deux composantes, soit les droits linguistiques et l'accès à l'égalité. Je n'irai pas plus loin pour ce qui est de l'accès à l'égalité: ça ne m'appartient pas. En ce qui concerne l'abolition du Programme de contestation judiciaire, nous croyons que les acquis des communautés francophones et l'importance du programme pour ces communautés sont très mal connus. Il y a un manque de sensibilisation à l'égard des droits linguistiques. À maintes reprises, d'ailleurs, les évaluations de ce programme l'ont démontré.
    D'abord, le programme était très bien géré. En outre, il n'était pas coûteux. En comptant le volet d'accès à l'égalité, il totalisait un peu plus de 5 millions de dollars, ce qui est minime. On parle ici d'un programme qui a permis au pays de se tailler une place, mais surtout, d'un programme dont l'objectif était l'accès à la démocratie. Il faut bien comprendre que ceux et celles qui ont profité du programme étaient en général des mères, des parents et des gens marginalisés qui n'auraient pas pu se permettre d'entreprendre une poursuite devant les tribunaux.
    Est-ce qu'on a bien compris le contenu de ce programme? Est-ce que, pour des questions de partisanerie, on a voulu tout simplement l'abolir? On se rappelle tous avoir déjà connu ce genre d'abolition. M. Bélanger l'a mentionné plus tôt. C'est pour nous une perte considérable. Elle fait en sorte qu'en matière de droits linguistiques, nous nous sentons véritablement lésés, d'autant plus que le gouvernement actuel avait à l'époque adopté le projet de loi S-3, qui fait maintenant office de renforcement de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Nous nous devons de souligner à cet égard le manque de cohérence du Parti conservateur.

  (1620)  

    Dans ma circonscription, les écoles francophones catholiques et publiques font partie de deux systèmes différents. Je pense que dans le nord de la province, ça a donné naissance à une génération de leaders. Pensons, par exemple, aux écoles Renaissance et Jean-Vanier. Ça a été le cas également chez les anglophones.

[Traduction]

    J'Imagine que la plupart des gens de ma région — les anglophones également — reconnaissent l'importance d'avoir un système scolaire francophone fort. Cela a grandement profité à notre communauté.
    J'aimerais savoir ce qui se passe dans les régions qui sont privées d'un tel système scolaire. Je ne sais pas comment notre région... je n'observe plus ce phénomène. Les francophones se sont battus pendant des années pour édifier ces deux systèmes. Que ce passe-t-il dans les régions qui sont privées d'écoles comme celles-ci?

[Français]

    Les parents qui veulent avoir accès à des écoles semblables doivent se battre pour les obtenir. Comme je vous l'ai démontré, il faut sept ans avant de pouvoir comparaître devant la Cour suprême en vue de faire reconnaître nos droits. Le Programme de contestation judiciaire nous a donné les ailes dont nous avions besoin pour aller chercher ce qui nous revenait de droit. Comme parents, nous n'avons pas pu faire reconnaître ces droits pour toute une génération d'enfants. Quand on avait besoin d'une école secondaire et que la province refusait de la bâtir, on avait beaucoup de chemin à parcourir. On finissait par se rendre devant les tribunaux, mais après tout ce temps, les enfants avaient obtenu leur diplôme à l'école anglaise sans jamais avoir suivi de cours en français.
     Cette situation fait que nos enfants ont fréquenté en grand nombre l'école anglaise et ont aujourd'hui de la difficulté à parler et écrire le français. Pour nous, il est très important de continuer à se battre pour obtenir des choses qui devraient nous êtres octroyées automatiquement, étant donné que c'est inscrit dans la loi. Nous ne devrions même pas avoir besoin de recourir à un programme de contestation judiciaire. Cependant, cette réalité ne s'est jamais concrétisée. Il a fallu se battre.
    Comme je vous le disais, il a fallu sept ans dans le cas des deux écoles en Alberta et au Manitoba. En Colombie-Britannique, la même situation s'est produite. J'ai vécu dans trois provinces et j'ai suivi ces démarches. Je vous assure que j'ignore totalement si mes avocats étaient libéraux, conservateurs ou néo-démocrates. Je les ai engagés parce que c'était de bons constitutionnalistes et qu'ils avaient défendu d'autres causes.
    On parle de dualité linguistique, mais où allons-nous trouver des personnes bilingues?
    Lorsque mes enfants étaient jeunes, il n'y avait pas d'école secondaire française dans les environs. Ils devaient faire en autobus un trajet d'une heure et quart ou une heure et demie pour se rendre à l'école. On parle ici de Saint-Boniface, dans la région de Saint Vital au Manitoba.
    Par contre, il y avait au coin de notre rue un programme d'immersion et une école anglaise toute neuve. Il faut que nous soyons déterminés, en tant que parents francophones, pour envoyer nos enfants dans nos écoles et nous assurer que la continuité linguistique est maintenue.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Fast.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos quatre témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je vois que la protection de votre langue est une passion et je vous en félicite.
    Moi aussi, je suis bilingue. Cependant, je ne parle pas le français. En fait, je parle l'allemand et l'anglais, et je ne pourrai donc pas m'entretenir avec vous en français. Je m'en excuse, mais j'y travaille.
    D'abord, j'aimerais avoir un peu plus de détail sur les organismes que vous représentez. Combien de membres représente chacune de vos organisations?
    Je m'adresse d'abord à Mme Beaulieu, puis à Mme Pilon.

[Français]

    La FCFA du Canada est la porte-parole des communautés francophones et acadienne. Nous comptons une association provinciale ou territoriale par province ou territoire de l'extérieur du Québec, il va sans dire. Ces organisations sont similaires à la nôtre et font un travail semblable au nôtre dans leur propre province.
    De plus, nous regroupons 10 organismes nationaux voués au développement d'un secteur en particulier. La Commission nationale des parents francophones est un de nos membres, de même que des gens du secteur de la santé, de la justice, de l'alphabétisation, etc. Autrement dit, nous regroupons présentement 21 organismes qui regroupent pour leur part, dans leur province ou leur territoire, l'ensemble des francophones qui y vivent. Il y a aussi au sein de nos organismes un grand nombre de francophiles, soit des gens comme vous, qui sont intéressés à faire l'expérience du français et qui veulent, dans certains cas, avoir accès à des services en français.
    Il y a présentement à l'extérieur du Québec 2,4 millions de personnes qui parlent français et environ 1 million de francophones dont la langue maternelle est le français. On parle d'écoles de langue française qui permettent à des ayants droit, c'est-à-dire des gens pour qui le français a déjà été la langue première ou des personnes qui, même si elles parlent anglais présentement, veulent avoir accès à une école de langue française —

  (1625)  

[Traduction]

    Je vous interromps un instant, parce que j'aimerais savoir combien de personnes représente votre organisme, environ.
    Notre organisme est une fédération et nous ne représentons pas des personnes. Nous avons des associations membres. Nos associations provinciales sont structurées de façon différente. Certaines sont également des fédérations et d'autres représentent des personnes membres. Cela dépend.
    Mais est-ce qu'on peut dire que vous représentez des milliers de Canadiens dans votre domaine? Est-ce exact?
    C'est exact.
    À mon avis, la question ne porte pas sur la protection des droits linguistiques. Je crois fermement en ces droits et à leur renforcement, car il faut nous assurer que les générations futures de Canadiens puissent parler les deux langues officielles. La question, c'est de savoir comment s'y prendre. Faut-il donner de l'argent des contribuables pour permettre aux organismes de poursuivre le gouvernement fédéral au sujet des droits des minorités linguistiques, ou est-ce qu'il y a de meilleures façons de répondre à vos préoccupations?
    Je suis allé relire le mandat du PCJ, et il couvre non seulement les droits des minorités linguistiques officielles, mais aussi les droits à l'égalité, en vertu de la charte. Je vais citer une partie de l'évaluation sommative du Programme de contestation judiciaire:
Le Programme a pour principal objectif la clarification de certaines dispositions constitutionnelles relatives aux droits à l'égalité et aux droits linguistiques.
    On parle de clarification et l'un des critères principaux au sujet du programme, c'est que, et je vais citer de nouveau:
que le Programme, tel qu'il est aujourd'hui exécuté, n'appuie que les causes qui protègent les droits visés par le Programme et les fonds avancés. En d'autres termes, un groupe ou un particulier qui présenterait des arguments juridiques prônant une application restrictive de ces droits ne recevrait pas de fonds du PCJ.
    Cela s'applique à la fois aux droits linguistiques et aux droits à l'égalité.
    Si vous deviez choisir entre utiliser l'argent des contribuables pour vous aider à établir ces droits devant les tribunaux ou utiliser des programmes ou des initiatives plus efficaces sans avoir recours aux tribunaux, que choisiriez-vous?
    Je pense que nous avons besoin des deux.

[Français]

    Les politiques fédérales qui nous protègent à cet égard sont déjà en vigueur, mais les provinces ne les respectent pas. On peut difficilement avoir mieux qu'une politique déjà en vigueur, acceptée et signée par toutes les autres provinces.
    Comprenez-vous? C'est déjà en vigueur. La raison pour laquelle il nous faut avoir recours à un programme de contestation judiciaire, c'est que les gens concernés ne veulent pas nous donner l'école et les services dont nous avons besoin. Ils nous disent d'attendre trois semaines, trois ans ou trente ans, selon les cas. Il reste que nous avons ces droits depuis 1982.

  (1630)  

[Traduction]

    J'ai une petite question complémentaire.
    L'une des principales critiques du programme, c'est qu'il est trop restrictif. La clarification des droits peut impliquer une restriction ou un élargissement des droits, mais ceux qui veulent qu'une application restrictive des droits prévus par la charte et des droits linguistiques ont été exclus du programme.
    En fait, M. Bélanger sait très bien que dans certaines circonstances, ceux qui ont essayé de profiter du PCJ, par exemple, pour protéger les droits de la minorité anglaise ont été rejetés. Il a participé personnellement à une affaire, l'affaire Quigley, qui en témoigne vraiment.
    Je m'adresse aux deux organismes, croyez-vous que le PCJ devrait octroyer de façon plus équitable du financement aux divers organismes qui veulent une clarification de leurs droits?

[Français]

    Le Programme de contestation judiciaire comprend des comités qui font l'évaluation des cas. Pour notre part, nous ne savons pas quelles demandes sont rejetées par les comités. Nous espérons toujours, quand nous faisons valoir une cause sur le plan linguistique, qu'elle sera une des meilleures, qu'elle nous fera progresser davantage et qu'on ne limitera pas l'avancement de nos droits.
    On essaie donc toujours de faire avancer les meilleures causes. En effet, comme on le mentionnait plus tôt, le budget du Programme de contestation judiciaire n'est que de 5 millions de dollars, ce qui ne permet pas de traiter toutes les causes. Le programme porte sur les droits linguistiques et les questions égalitaires.
    Les anglophones du pays constituent la majorité, mais il nous reste tout de même beaucoup plus de chemin à parcourir qu'eux.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    J'aurais aimé que nous disposions de plus de temps, mais il y a d'autres témoins qui nous attendent, et nous avions fixé la séance à une heure.
    Je suis désolé de notre retard; nous avons dû voter après la période des questions.
    Merci beaucoup de vos exposés et de vos réponses.
    Nous allons prendre une pause de deux minutes. Merci.

    


    

  (1635)  

    J'aimerais que nous reprenions nos travaux. Bienvenue à nos témoins.
    Je signale aux députés qui vont poser des questions que M. Simser parle en langage des signes. Lorsque vous poserez des questions, il faudra attendre un moment pour la réponse, car son interprète devra attendre — surtout en français — l'interprétation à son tour.
    Encore un fois, merci d'être venus témoigner aujourd'hui. Qui voudrait faire le premier exposé?
    Merci, madame Frost.
    Nous n'avons pas eu la chance de distribuer de mémoire, mais nous avons des documents avec nous; nous en avons apporté 25 jeux, qui peuvent être distribués. Vous y trouverez également mes notes d'allocution.
    D'abord, je souhaite vous remercier de nous permettre de prendre part à ces audiences au sujet du Programme de contestation judiciaire. Je m'appelle Debbie Frost, je suis présidente de l'Organisation nationale anti-pauvreté. Je suis accompagnée de Rob Rainer, notre directeur exécutif.
    L'ONAP est un organisme non partisan à but non lucratif qui représente les intérêts des personnes à faible revenu du Canada. Depuis 35 ans, l'ONAP fournit aux personnes défavorisées du Canada une voix forte pour dénoncer les politiques socio-économiques et les décisions qui les touchent ainsi que les générations futures. L'aspect unique de notre groupe, c'est que tous les membres du conseil vivent ou ont déjà vécu dans la pauvreté.
    Nous sommes ici pour exprimer notre inquiétude au sujet de l'annulation du financement au Programme de contestation judiciaire. Pour beaucoup, surtout les plus démunis, ce programme était le seul moyen d'avoir accès aux tribunaux pour que leurs droits soient protégés en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. La seule façon de nous assurer que nos droits constitutionnels sont protégés, c'est de nous tourner vers les tribunaux. Pour cela, nous avons besoin de soutien financier, et du soutien fourni par ce programme. Sans un financement pour avoir accès aux tribunaux, nous avons perdu un des moyens d'accéder à la démocratie. Aujourd'hui, les seuls qui ont la capacité de jouir pleinement de leurs droits démocratiques et constitutionnels sont ceux qui peuvent acheter ces droits.
    Ces derniers mois, les Canadiens ont été mal renseignés au sujet du Programme de contestation judiciaire. On a dit que le conseil à but non lucratif qui régit le programme avait caché les affaires auxquelles il avait accordé du financement. Cependant, la seule fois que ce conseil n'a pu divulguer de l'information au sujet des affaires financées par le programme c'est lorsque c'était une question de secret professionnel entre le client et son avocat. C'est le cas dans toute autre poursuite lorsqu'il y a secret professionnel entre un client et son avocat — par exemple, le secret professionnel de l'assistance juridique. Une fois que l'affaire financée par le PCJ est entendue par les tribunaux, elle est rendue publique et c'est à ce moment que le PCJ révèle l'information. Les rapports annuels du programme ont été révélés au gouvernement et au public et l'ONAP les a également versés sur son site Web.
    Au fil des ans, le Programme de contestation judiciaire a financé de nombreuses affaires qui ont profité non seulement aux personnes à faible revenu mais également aux personnes handicapées, aux femmes, aux minorités visibles, aux Autochtones, aux gais et aux lesbiennes, aux enfants, et aux parents célibataires. Le Programme de contestation judiciaire octroie du financement pour les affaires de droit à l'égalité des personnes à faible revenu mais aussi aux groupes qui veulent affirmer leurs droits linguistiques. Sans ce financement, nous ne pouvons plus protéger l'égalité ni les droits linguistiques dans notre pays.
    La Charte des droits et libertés était une protection garantie contre les politiques, les lois et les règlements qui contreviennent à nos droits constitutionnels. En éliminant le financement de ce programme, on élimine la protection des Canadiens et des Canadiennes. Sans lui, la Charte canadienne des droits et libertés est un document faible sans valeur pour la population canadienne.
    Une nouvelle entente de contribution de financement de trois ans avait été signée pour le PCJ, qui aurait pris fin en 2009. À l'époque, le programme aurait été assujetti à une autre entente de financement. Lorsque le gouvernement ne peut tenir sa parole, nous mettons toujours en doute la sécurité d'un programme. Comment le gouvernement peut-il contracter une entente, puis revenir sur sa décision et enfin se demander pourquoi le public perd confiance en lui? Quel organisme aurait confiance dans le gouvernement après cela, alors qu'il n'a pas prévenu les responsables du PCJ avant de mettre un terme à son financement? Il est bien malheureux que les groupes à but non lucratif aient appris cette nouvelle lors d'une annonce nationale, plutôt que par une conversation privée.
    Au sein des groupes qui luttent contre la pauvreté au Canada, on parle beaucoup de votre gouvernement qui s'attaque aux plus démunis. À notre avis, l'élimination du Programme de contestation judiciaire est un autre exemple d'une attaque contre les plus démunis.
    Nous recommandons au comité que le financement du Programme de contestation judiciaire soit rétabli aussitôt que possible, conformément à l'entente de contribution signée dont j'ai parlé plus tôt. Nous recommandons également que la structure du conseil à but non lucratif qui administre le programme reste la même, de sorte qu'il puisse continuer à être aussi efficace et efficient qu'il l'a toujours été.
    Merci. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

  (1645)  

    Merci.
    Monsieur Simser, allez-vous faire un exposé?
    Oui, c'est exact. Voulez-vous que je fasse mon exposé maintenant?
    Oui, s'il vous plaît.
    Bonjour. Je représente l'Association des Sourds du Canada, ayant agi en son nom dans une cause qu'elle a remportée contre le gouvernement du Canada afin d'obtenir le droit à des services d'interprètes en langage des signes pour communiquer avec le gouvernement. Cette cause a fait l'objet des médias partout au pays, la une du Globe and Mail et la première manchette des nouvelles nationales pendant une partie de la journée. Le résultat a été que les sourds et les malentendants du Canada ne sont plus traités comme des citoyens de deuxième classe.
    La cause a été financée par le Programme de contestation judiciaire, de là l'importance de ce programme pour les personnes handicapées. Nous sommes donc d'avis que le Programme de contestation judiciaire est utile et, contrairement à ce que disent les médias, il ne s'adresse pas uniquement aux groupes d'intérêt spéciaux. Comment peut-on considérer les personnes handicapées comme un groupe d'intérêt spécial? Les personnes handicapées sont parmi les gens les moins employés, les plus pauvres et les plus désavantagés au Canada. De plus, elles ne sont pas responsables de leur déficience. Tout ce que nous voulons, c'est faire tomber les obstacles. Les sourds forment un groupe particulier dont les membres ont une langue unique en commun. Si le Programme de contestation judiciaire était rétabli, je proposerais d'y apporter les améliorations suivantes.
    Premièrement, porter l'aide maximale de 60 000 à 100 000 $. Comme les causes financées par le Programme de contestation judiciaire font inévitablement intervenir la Charte, elles sont souvent complexes et ne peuvent être bien défendues pour moins de 60 000 $. À noter qu'une bonne part de l'aide va souvent en honoraires de témoins experts ou en frais de reproduction d'une quantité énorme de documents juridiques. Si d'autres jugent que le budget du programme est suffisant, très bien, mais il faut alors réduire le nombre de causes admissibles. Mais je recommande fortement de ne pas couper radicalement l'aide aux causes jugées admissibles.
    Deuxièmement, ramener les retenues de 25 à 10 p. 100. Il est souvent très difficile et démoralisant pour l'avocat de défendre des causes lorsque les retenues atteignent la barre des 25 p. 100. Il arrive qu'il ne soit pas payé pendant un an ou deux alors qu'il tente d'amener la cause devant les tribunaux. Dans le Programme de contestation judiciaire, il faudrait s'assurer que l'avocat et le client sont résolus à mener la cause à terme et ne pas imposer de telles retenues punitives. Pourquoi retient-on 25 p. 100 alors que la norme gouvernementale est de 10 p. 100? Je peux citer en exemple le Programme de contributions pour les organisations sans but lucratif de consommateurs et de bénévoles d'Industrie Canada, le programme de partenariat pour le développement social - apprentissage des jeunes enfants, le programme des contributions de Patrimoine canadien pour promouvoir les REEE et le programme de contributions de Développement des ressources humaines appelé Fonds d'intégration pour les personnes handicapées.
    Troisièmement, accélérer les paiements et en assurer le versement plus rapide. L'avocat doit compter de six à huit semaines pour obtenir un chèque du Programme de contestation judiciaire après avoir présenté une facture. Il y a sûrement moyen de réduire la bureaucratie pour ramener ce délai à moins de trois semaines. Je crois à la reddition de comptes, mais pas au prix d'attendre éternellement.
    Quatrièmement, multiplier les réunions tenues chaque année par le comité des avocats qui approuve les nouveaux projets. Actuellement, il ne se réunit en moyenne qu'aux trois mois, de sorte que les gens qui se trouvent soudainement devant un litige doivent parfois attendre trois mois avant de savoir s'ils peuvent retenir les services d'un avocat pour une cause importante. Ainsi, bien des procès doivent débuter dans les 30 jours après un événement donné, tel le refus d'une prestation gouvernementale à un contribuable. Je recommande que le comité se réunisse mensuellement, ce qui permettrait aussi de réduire la bureaucratie.
    Merci beaucoup.

  (1650)  

    Merci.
    M. Bélanger ou M. Simms.
    Si vous le permettez, Monsieur Simms, il y a une question qui a été soulevée à la dernière session, monsieur le président, au sujet de l'affaire Quigley. Pour ceux qui sont autour de la table et ceux qui nous écoutent peut-être, j'estime qu'il est important de préciser de quoi il s'agit.
    L'affaire Quigley est une affaire qui mettait en cause la Chambre des communes. M. Quigley est un résident de Riverside-Albert, près de Moncton. Il n'avait pas la possibilité d'écouter les débats dans sa langue, soit l'anglais, mais il voulait pouvoir le faire. Cette cause a permis essentiellement de faire la preuve que la Chambre a l'obligation, en vertu de la Loi sur les langues officielles, de veiller à ce que ses communications se fassent dans les deux langues. Voilà quel a été le résultat de cette affaire.
    M. Quigley a demandé de l'aide mais il n'a pas pu l'obtenir pour des raisons d'ordre interne, mais il ne demandait pas une interprétation restrictive de la loi. Au contraire, il voulait obtenir une interprétation plus généreuse de la loi, et j'ai été heureux de l'appuyer dans son entreprise. S'il y en a parmi vous qui voudraient contribuer à payer ses frais juridiques, je précise qu'ils ne sont pas encore tous payés.
    Merci, monsieur Bélanger.
    Monsieur Simms.
    Je tiens à remercier tout particulièrement nos invités spéciaux d'être venus nous rencontrer.
    Tout comme ceux qui ont pris la parole pendant le dernier tour, je vais d'abord commencer par une question sur les consultations. Dans quelle mesure y a-t-il eu des consultations auprès de votre groupe, et du vôtre aussi, monsieur Simser, au sujet des compressions dont nous venons d'être témoins.
    Dans quelle mesure y a-t-il eu des consultations auprès de notre groupe?
    Si j'en juge par votre expression, il n'y en a pas eu beaucoup.
    Non.
    Très bien.
    L'actuel gouvernement vous a-t-il contacté en ce qui concerne l'évaluation du programme avant d'annoncer ces compressions ou vous a-t-il demandé de l'information?
    Il n'y a malheureusement eu aucun contact. Il semble qu'on ait simplement décidé tout d'un coup d'annoncer toutes ces compressions.
    Monsieur Simser.
    C'est un peu la même chose dans notre cas. Les compressions ont été imposées avant même que la communauté des sourds n'en ait été informée.
    Je voudrais maintenant parler de la pauvreté. M. Simser a présenté de bons arguments à ce sujet; il a bien montré comme le programme avait été utile à son groupe. J'aurais besoin qu'on me montre comment un groupe anti-pauvreté pourrait également se servir de l'aide offerte par le Programme de contestation judiciaire. Vous êtes peut-être au courant d'un cas en particulier, monsieur Rainer.
    Je tiens à préciser qu'il n'y a qu'un mois que je suis arrivé à l'ONAP, si bien que je suis toujours en train d'essayer de me familiariser le plus rapidement possible avec cette question et aussi d'autres.
    J'ai appris, cependant, qu'il y a actuellement un cas qui n'est pas encore allé devant les tribunaux mais qui viserait à contester la récupération fiscale du supplément de la prestation nationale pour enfants, prestation que le gouvernement fédéral accorde aux familles qui ont des enfants. D'après ce que j'en sais, toutes les provinces, sauf une ou deux, récupèrent le montant intégral de la prestation ainsi versée. Alors, si en tant que parent je reçois les 100 $ que verse maintenant le gouvernement fédéral au titre du supplément de la prestation nationale pour enfants, ce montant pourrait être soustrait d'autres paiements que je pourrais recevoir, par exemple, du gouvernement de la Colombie-Britannique.
    Quand une ou deux provinces ne récupèrent pas le montant du supplément alors que d'autres le font, il y a dès lors une inégalité assez grave.
    D'autres sommes versées par le gouvernement fédéral sont aussi récupérées, sans que ce soit seulement le fait d'une province ou d'un autre gouvernement, n'est-ce pas?
    Je ne suis pas sûr. Ce que je sais, c'est qu'il y a un ou deux gouvernements — je ne sais pas trop lesquels — qui ont décidé de ne pas récupérer le supplément qui est versé aux familles. Il en résulte une situation d'inégalité que l'on a décidé de contester, mais le cas n'est pas encore allé devant les tribunaux. Je pense que c'est là un bon exemple de cas touchant l'inégalité qui devrait être entendu. Il faudrait qu'une décision soit rendue à cet égard, et le programme de contestation a, de toute évidence, appuyé le cas en question, qui n'est toujours pas allé devant les tribunaux.
    Je tiens simplement à ajouter, en réponse à une question qui a été posée tout à l'heure — je crois que c'est vous qui l'avez posée —, qu'en mai 2006, l'actuel gouvernement se serait présenté devant un comité des Nations Unies à Genève pour défendre son engagement envers les droits de la personne au Canada, et il a en fait présenté le Programme de contestation judiciaire comme étant une preuve de son engagement. Le gouvernement aurait écrit au comité des Nations Unies, et je cite:
Le Programme de contestation judiciaire (PCJ) offre un financement pour les causes types d'importance nationale afin de bien expliquer les droits des groupes de langues officielles en situation minoritaire et les droits à l'égalité des membres de groupes défavorisés —
Le gouvernement ne peut pas appuyer toutes les contestations judiciaires, mais ce programme canadien tout à fait unique a permis de soutenir un certain nombre d'affaires importantes présentées devant les tribunaux qui ont eu des incidences directes sur le respect des droits linguistiques et des droits à l'égalité au Canada. Selon une évaluation récente,
— et si j'ai bien compris, il y a eu trois évaluations depuis 1994— 
il y a encore certaines dimensions des dispositions constitutionnelles visées présentement par le PCJ qui doivent être clarifiées, et le programme actuel a été prolongé jusqu'en mars 2009.
    Si donc cette lettre a effectivement été écrite en mai 2006 et que l'annulation du programme a été annoncée quelques mois plus tard, il semble qu'il y a eu un très court laps de temps pendant lequel les groupes touchés auraient pu être consultés.

  (1655)  

    Merci. Vous soulevez là un point très intéressant, monsieur Rainer. Avez-vous terminé?
    Oui.
    Très bien.
    J'ai une toute petite question pour les deux groupes. S'agissant du programme de contestation et de l'utilisation que vous en avez faite par le passé, je suppose — et je pose la question pour que ce soit consigné au compte rendu — que les considérations d'allégeance politique n'ont joué aucun rôle dans votre décision de choisir tel ou tel avocat pour vous représenter dans une contestation en particulier.
    Dans mon cas et dans le cas des groupes avec lesquels je travaille, et qui réunissent des personnes à faible revenu, nous n'aurions pas accès aux services d'un avocat. Si nous voulions nous présenter devant les tribunaux, le seul moyen de le faire serait de passer par le Programme de contestation judiciaire, si le litige portait sur une question de compétence fédérale, comme la prestation fiscale pour enfants ou les services juridiques ou civils.
    Il n'y a pas un avocat en Saskatchewan qui accepterait de nous aider à titre bénévole, et il n'y a que les services d'aide juridique dans notre province qui plaident devant les tribunaux criminels et de la famille. Nous n'avons accès à aucun service juridique pour les causes civiles. Si nous voulons contester une décision ou en appeler aux tribunaux, le seul moyen qui s'offre à nous est de présenter une demande au Programme de contestation judiciaire. Notre demande ne sera pas nécessairement agréée non plus, mais le simple fait d'avoir ce droit et de savoir que nous pouvons y avoir accès si nous en avons besoin permet aux pauvres d'avoir davantage confiance en eux.
    Ce droit nous a maintenant été retiré. S'il arrive quelque chose et que nous avons besoin de cet accès, où irons-nous? Qui va nous aider? Le programme n'existe plus. Il ne nous reste plus rien.
    Passons à M. Simser.
    Le gouvernement ne donne pas d'argent aux organisations sans but lucratif pour qu'elles s'en servent à des fins politiques. Or, quand on va devant les tribunaux, c'est pour une fin politique. Par conséquent, le gouvernement dit que nous ne pouvons pas nous servir de son argent. Cet argent ne doit servir qu'à l'administration du programme. Nous sommes donc coincés, et nous n'avons guère de choix quand nous voulons intenter une poursuite.
    Merci.
    Monsieur Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être présents et de nous faire part de vos témoignages touchants. Je ne vais pas vous poser les questions classiques, mais plutôt aborder le sujet de façon holistique.
    Bien des gens qui observent ce qui se passe sur la Colline du Parlement ont constaté que le gouvernement conservateur avait aboli l'Initiative canadienne sur le bénévolat ainsi que le Programme de contestation judiciaire, et qu'il avait modifié le Programme de promotion de la femme, de façon à empêcher le financement de groupes de défense des droits et de groupes faisant du lobbyisme.
     Partagez-vous l'impression voulant que le gouvernement conservateur veuille faire taire ceux qui ont une vision différente de la sienne?

  (1700)  

[Traduction]

    Si vous me permettez de répondre au nom de l'ONAP, je dirais qu'il est difficile de répondre à cette question sans y avoir d'abord bien réfléchi. Les gouvernements qui se succèdent au pouvoir ont invariablement leur orientation bien à eux quant à la façon d'aborder les enjeux et quant à la meilleure façon de résoudre tel ou tel défi social ou économique. J'estime toutefois que le principe de l'accès à la justice, de l'accès aux tribunaux, surtout dans notre cas, puisque nous représentons des gens qui n'ont aucun autre moyen à leur disposition, est un principe fondamental qui doit être maintenu.
    Si je m'en tiens strictement à la question dont nous discutons ici aujourd'hui, j'estime que ce qui doit être retenu, c'est qu'il arrive dans le courant d'une année ou dans le courant de l'histoire que des groupes défavorisés aient besoin d'avoir accès à des ressources pour contester une décision juridique. S'ils n'ont pas accès à un programme d'aide financière pour ce faire, ils se trouvent fondamentalement défavorisés par rapport à d'autres qui auraient les moyens de lancer une contestation.
    Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question, mais je tiens à rappeler à tout le monde quels sont les principes fondamentaux en cause ici.

[Français]

    Dans votre entourage, vous avez sans doute entendu des commentaires relativement à cette mauvaise nouvelle. En substance, de quoi s'agissait-il?

[Traduction]

    Je vais parler des gens avec qui je travaille dans ma collectivité et des représentants de l'ONAP aux niveaux local, provincial et national. Toutes ces compressions sont d'autant plus inquiétantes que la pauvreté atteint un niveau record. Toutes ces compressions visent les programmes de développement social, les programmes qui aident les pauvres, les programmes qui aident les gens à avoir davantage confiance en eux, à avoir une meilleure estime de soi et à avancer dans la vie. Où ces gens pourront-ils s'adresser maintenant que tous ces programmes ont été charcutés? Les compressions ne feront qu'accroître la pauvreté. Il y aura de plus en plus de gens qui vivront dans la rue et dans la pauvreté puisqu'on les prive de toutes leurs ressources. Voilà ce que me disent ceux avec qui je travaille.

[Français]

    Pouvons-nous connaître l'opinion de monsieur Simser sur la question?

[Traduction]

    Je répondrais à cela que lorsqu'ils ont accès à plus de programmes, les sourds sont plus productifs. Par conséquent, ils paient davantage d'impôts au gouvernement et contribuent davantage à l'économie canadienne. C'est là la perception que j'en ai. Le Programme de contestation judiciaire dépend de ceux qui l'utilisent. Il permet aux gens d'exercer leur liberté de parole et de s'assurer que les valeurs qui leur tiennent à coeur puissent être exprimées.

[Français]

    Selon vous, ce programme avait-il un caractère démocratique, ou antidémocratique? J'aimerais que vous nous donniez des détails à ce sujet.

[Traduction]

    Pourriez-vous préciser un peu plus votre question? Dites-moi ce que vous entendez par là pour que je puisse essayer de répondre?

[Français]

    Ce programme avait-il un caractère démocratique? Est-ce qu'il permettait aux plus démunis, dans la même mesure que les plus riches, d'avoir accès à la justice? Dans votre cas, offrait-il des chances égales face à la justice?

[Traduction]

    Je crois que la meilleure façon de répondre, c'est de —

[Français]

    J'ai demandé s'il était ou non antidémocratique.

[Traduction]

    D'après moi, c'est un programme très démocratique. Beaucoup de groupes différents s'en sont servis et en ont reçu de l'aide. Je crois que cela atteste bien de son caractère démocratique. Ce n'est pas seulement un ou deux soi-disant groupes d'intérêt spéciaux — expression que je n'aime pas —, mais beaucoup de groupes de types différents qui ont eu accès au programme.

  (1705)  

    Comme je l'ai déjà dit, le programme était offert à quiconque voulait s'en servir. Tous les groupes qui avaient besoin de s'en servir y avaient accès. Le programme était très démocratique.
    Monsieur Angus.
    Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui.
    Monsieur Simser, je suis bien conscient que la défense des droits des sourds est une bataille de tous les instants. Ma fille aînée a une grave déficience de l'ouïe et elle a dû se battre chaque fois qu'elle a voulu faire respecter ses droits à l'école. Il va s'en dire que c'est une femme très forte et qui excelle dans la vie.
    Je suis intéressé par la décision historique sur l'accès aux services qui a été rendue en votre faveur. Je me souviens avoir eu un point d'interrogation quand j'ai entendu parler de la décision, et c'est une question que je me pose toujours. Vous avez remporté ces droits. Pensez-vous vraiment que le gouvernement va les consacrer, ou allez-vous devoir continuer à vous battre pour qu'ils deviennent réalité?
    Je suis très heureux de répondre à cette question.
    Le 22 août dernier, l'Association des Sourds du Canada a constaté que la décision rendue dans cette affaire avait fait la une du Globe and Mail. Le même jour, nous avons reçu un courriel d'une cliente sourde. Elle n'avait pas entendu parler de la décision, mais elle m'a expliqué dans son courriel que son mari avait demandé une entrevue avec Immigration Canada. Il cherchait à être admis au Canada. Il était Américain et voulait devenir Canadien; il devait avoir une entrevue avec Immigration Canada. Mais quand ils ont demandé les services d'un interprète pour faciliter l'entrevue, Immigration Canada a refusé. C'était le jour même où la décision avait été publiée et avait fait les manchettes dans tout le Canada.
    Merci.
    Je ne sais pas lequel d'entre vous en a parlé, mais vous avez parlé de « principe fondamental ». Je crois que c'est ce dont il s'agit ici.
    Il semble y avoir en quelque sorte une discussion idéologique sur le rôle des droits entre ceux qui siègent de chaque côté de la table. Il y a une opinion qui a été exprimée à notre comité et qui est exprimée, je crois, de manière générale parmi les conservateurs, qu'il n'est vraiment pas juste que la majorité ne puisse pas avoir accès aux droits qui permettraient de limiter les droits d'une minorité. S'il s'agit d'un programme pour les minorités, ce programme devrait être accessible à la majorité pour qu'elle puisse s'en prendre aux droits des minorités.
    J'aimerais vous entendre tous les deux là-dessus. En tant que groupe qui représente des minorités, pensez-vous avoir en quelque sorte défavorisé injustement les majorités respectives?
    Je pourrais répondre au nom de l'ONAP.
    Le programme existe essentiellement pour aider les particuliers ou les groupes qui autrement n'auraient pas les moyens de lancer une contestation judiciaire. Il me semble que pour la plupart les Canadiens trouveraient très difficile en tant que particuliers de lancer eux-mêmes une de ces contestations judiciaires, et que cela ne vaut pas uniquement pour les personnes à faible revenu. Pour ma part, je me considère comme une personne qui gagne un revenu moyen, mais je ne pense pas que j'aurais les moyens de lancer une contestation judiciaire relativement à une cause qui me toucherait personnellement. L'exemple qui vient d'être donné est un bon exemple à mon avis. Il pourrait s'agir d'une personne à revenu moyen ou même d'une personne à revenu élevé.
    Je ne considère pas que le programme est là uniquement pour servir les minorités. J'estime qu'il faut être prudent à cet égard.
    Je m'arrête là.
    Je n'ai vraiment rien à ajouter, si ce n'est que la communauté des sourds est un groupe minoritaire. Une personne sur 1 000 au Canada utilise le langage des signes. C'est un très petit groupe. Alors vous avez raison de dire que les sourds sont une minorité.
    Monsieur Rainer, vous avez cité une lettre de mai 2006 que le gouvernement du Canada a adressée aux Nations-Unies et où il se félicitait de ce programme et de son caractère proprement canadien.
    Or, trois ou quatre mois plus tard, le gouvernement a changé complètement d'avis en ce qui concerne le Programme de contestation judiciaire. Il semble avoir adopté une position très partisane. Il n'a pas décidé d'abolir le programme uniquement pour des raisons financières, mais il semble qu'il ait voulu l'abolir pour des raisons bien particulières. M. Baird a dit que, à son avis, il n'était pas dans l'intérêt du gouvernement de financer des groupes minoritaires pour qu'ils puissent contester le gouvernement.
    Que s'est-il passé, d'après vous, pendant cet intervalle de quatre mois qui permettrait d'expliquer que le gouvernement qui présentait le programme sous un jour tellement favorable en soit venu à en avoir une opinion aussi défavorable?

  (1710)  

    Je ne peux pas et je ne voudrais pas me lancer dans des conjectures.
    Il est toutefois intéressant de voir comme l'histoire se répète. Le programme avait été aboli en 1992 par le gouvernement de l'époque, et il y avait eu tout un tollé. Je suis sûr que vous vous en souvenez. Le programme avait été rétabli peu de temps après. Tant le Parti conservateur que le Parti libéral avaient promis pendant la campagne électorale de rétablir le financement du Programme de contestation judiciaire et c'est effectivement ce qui s'est produit. Ainsi, l'histoire semble se répéter.
    Je veux vous citer le rapport qu'a publié le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées en 1992. Voici ce que le comité a dit au sujet du programme et de la réaction qu'a suscitée la décision de l'abolir:
Les observations qu'on a faites au comité depuis l'annulation du programme nous ont permis de constater l'importance que la population canadienne attache au principe de l'accès aux tribunaux. Pendant toute la 34e législature, le Comité permanent n'a jamais reçu autant de mémoires spontanés sur une seule question.
    Le comité a conclu:
— que le programme jouait un rôle essentiel pour ce qui est d'accorder aux Canadiens l'accès aux tribunaux et qu'il était devenu indispensable au développement de la jurisprudence en matière constitutionnelle.
    De l'avis du comité, « l'absence d'accès à la justice était un prix trop élevé à payer en comparaison avec le coût modeste du programme ».
    Enfin, le comité a décidé à l'unanimité que le programme devrait être maintenu et restructuré afin qu'il soit à l'abri « des caprices de la politique fiscale et financière du gouvernement du jour ».
    Je suppose — et il s'agit sans doute là de conjectures — que le coût du programme semblait peut-être trop élevé par rapport aux avantages qu'il présentait, mais cela semble contredire ce qu'un comité semblable avait conclu il y a 14 ans.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Warkentin.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être venus nous rencontrer et d'avoir fait profiter le comité de vos témoignages. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
    Je devrais commencer par réfuter certains des propos du député qui m'a précédé, M. Angus. Je ne crois pas qu'il y ait d'écart idéologique. Je ne crois pas qu'il y ait eu quelque intention que ce soit de la part du gouvernement de s'en prendre aux plus vulnérables. En fait, vous savez d'après beaucoup des politiques et des programmes que nous avons mis en place que cette affirmation est tout à fait fausse. Bien sûr, le Programme de contestation judiciaire suscite certaines inquiétudes, et le gouvernement en a relevées quelques-unes. Nous pouvons peut-être en discuter un petit peu.
    Madame Frost, dans la dernière phrase de votre exposé, vous avez dit que l'administration devrait rester intacte pour que le programme puisse continuer à faire le même type de travail. Est-ce bien là ce que vous avez dit dans la dernière phrase du texte que vous nous avez lu?
    Oui. D'après ce que je sais... J'avoue que je ne savais pas grand-chose au sujet du Programme de contestation judiciaire jusqu'à ce que nous soyons invités à venir vous présenter un exposé. J'ai déjà travaillé cependant pour une dame de Regina qui a déjà présidé le Programme de contestation judiciaire, et c'est avec beaucoup d'aide de sa part que j'ai pu élaborer notre mémoire.
    Quand nous avons parlé de cette partie du mémoire, j'ai cru comprendre qu'il y a un comité qui choisit les demandes qui sont présentées au Programme de contestation judiciaire. Voilà ce que nous voulons dire au sujet de l'efficacité...
    Qui est cette dame dont vous parlez?
    Elle s'appelle Bonnie Morton.
    Très bien. Merci.
    Votre organisation a, bien sûr, déjà reçu de l'aide financière pour des contestations judiciaires. Combien de fois avez-vous reçu une aide financière à ce titre?
    D'après ce que j'ai pu déterminer, nous avons été partie à deux contestations. La première, qui remonte à il y a cinq ou six ans, concerne les limites aux dépenses que pouvaient effectuer les tiers pendant les campagnes électorales. La deuxième, qui faisait partie des demandes qui ont été présentées cet automne, concernait le droit constitutionnel à l'aide juridique pour des causes civiles en Colombie-Britannique. Cette cause n'est pas allée devant les tribunaux par manque de financement à la suite de l'annulation du programme.

  (1715)  

    Une partie des audiences que nous allons lancer ici pendant les prochains jours sera consacrée à l'examen d'autres organismes qui, comme le vôtre, s'efforcent de faire du bon travail mais n'ont pas réussi à obtenir de concours financier. Il y a en particulier un cas en Alberta, où des gens ont tenté de travailler pour les droits des femmes autochtones, mais dont la demande de financement a été refusée. Nous allons examiner les raisons qui ont pu motiver cela, dans l'espoir de finir par trouver des réponses.
    De toute évidence, cela nous pousse à nous demander si ce programme était véritablement une initiative démocratique, ouverte et transparente. Nous allons examiner cela, nous allons analyser cette question.
    Vous avez évoqué le nom de Bonnie Morton, et je sais qu'elle est très active dans votre organisme. Est-ce que je me trompe?
    Non.
    D'après ce que je sais, elle joue un autre rôle tout aussi important, et cela dans le cadre du Programme de contestation judiciaire, elle siège au conseil et elle est intervenue directement dans certaines demandes de fonds pour des organismes comme le vôtre. Êtes-vous du même avis?
    En effet, j'ai travaillé avec elle pendant six ans.
    Oui, tout à fait.
    Comme je n'ai jamais rencontré Bonnie, je ne voudrais pas semer le doute, mais j'aimerais pourtant vous demander si, à partir de toute cette information que nous commençons maintenant à obtenir, il serait possible que des gens de l'extérieur pensent que, comme votre organisme compte en son sein quelqu'un qui siège au conseil chargé d'administrer les fonds, votre organisme aurait peut-être pu obtenir un peu plus que sa part, alors que d'autres, qui ne sont pas représentés au conseil, n'ont reçu aucun financement.
    D'après ce que je sais, le Programme de contestation judiciaire est une entité autonome et sans but lucratif. Je pars du principe, et j'en ai la conviction, que la charte de cet organisme comporte des lignes directrices concernant les conflits d'intérêts, et que quiconque siège au conseil devrait par conséquent déclarer ses éventuels conflits d'intérêts lorsqu'un dossier en particulier est examiné par le conseil. Il pourrait fort bien s'agir ici d'un exemple de cela.
    Peut-être, mais nous n'en sommes pas sûrs. Plusieurs témoins nous ont dit que ces apparences de conflits d'intérêts étaient préoccupantes, et il est certain que cela inquiète. Voilà qui nous a conduit à toute cette discussion au sujet de la question de savoir, si tous les cas de contestations ne peuvent être financés par l'entremise de ce programme — tous font du bon travail et tous font valoir également des causes importantes — à quel point tout cela est-il démocratique? Ne faisons-nous pas en sorte que d'aucuns auraient plus facilement recours aux tribunaux que d'autres? Manifestement, ce n'est pas cela que nous voulons. À votre avis, y a-t-il des gens qui pourraient contester ce genre de choses?
    Votre question est excellente. Pendant que je fouille dans mes notes, je pourrais vous dire qu'en rétrospective, l'hypothèse était que toutes les causes financées par le Programme devaient être des causes d'importance, être fondées juridiquement et affecter plus d'une seule personne. J'imagine qu'on pourrait ajouter à cela qu'il faudrait aussi que ces causes puissent d'une certaine façon faire précédent étant donné qu'il est impossible d'entendre toutes les causes possibles, sinon le Programme coûterait des milliards de dollars.
    En effet, mais même dans le cas des causes qui pourraient faire précédent, ces causes n'ont pas nécessairement toutes reçu le financement nécessaire pour autant.
    Je dirais que cela, à ce moment-là, nous force à nous demander pourquoi on n'augmenterait pas plutôt le financement du programme. J'ignore quel est le budget global, mais on pourrait penser qu'il ne suffit pas pour rendre justice à toutes les causes qui devraient être entendues, et à ce moment-là je dirais qu'il faudrait en faire, pour le gouvernement, une décision prioritaire en matière de financement.
    Monsieur Warkentin, votre temps d'intervention est maintenant écoulé.
    Monsieur Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président.
    Certains ont insinué que ce programme profitait d'une façon ou d'une autre à des avocats libéraux. La chose a été évoquée il y a une heure lorsque nous entendions d'autres témoins. On avait demandé à ces témoins s'il y avait certains avocats qui étaient financés par l'entremise du programme et qui arboraient les couleurs libérales. Les témoins ont répondu non, et qu'ils ignoraient l'affiliation politique de ces avocats. Avez-vous des avocats libéraux qui travaillent avec vous contre le gouvernement?
    Aucun avocat ne travaille pour nous. Nous n'avons pas suffisamment de moyens financiers pour pouvoir avoir des conseillers juridiques permanents. Et d'ailleurs, nous cherchons en fait plutôt à obtenir les services d'avocats pro bono.

  (1720)  

    Jadis, lorsque vous bénéficiez de concours financiers, avez-vous eu recours à des avocats?
    Oui, peu importe l'origine du concours financier, nous avions recours aux services d'un avocat.
    Mais vous ignorez quelles étaient les affiliations politiques, n'est-ce pas?
    En effet, je n'en ai aucune idée.
    Dans l'une des causes dont vous nous avez parlé, n'avez-vous pas battu Stephen Harper devant la Cour suprême lorsque ce dernier était à la tête de la Coalition nationale des citoyens?
    Je pense effectivement que nous avions eu gain de cause dans cette affaire.
    Je vous remercie.
    Monsieur Simser, vous nous avez dit que 60 000 $ n'étaient pas suffisants pour vous aider à défendre vos droits devant les tribunaux, et vous nous avez également signalé que s'il était impossible d'enrichir l'enveloppe, le plafond devrait peut-être alors être fixé à 100 000 $ et que le programme pourrait financer un moins grand nombre de causes. Cela voudrait-il dire qu'il faudrait alors refuser des demandes? Il est clair que oui. Cela ne reviendrait-il pas, d'une façon ou d'une autre, à refuser à quelqu'un toute possibilité de défendre ses droits?
    Je voudrais revenir sur mes propos précédents: j'avais dit qu'il y avait une personne sur 1 000 qui avait recours au langage des signes, en réalité ce serait plutôt une personne sur 100. Je voulais que cela soit clair.
    Pour répondre à votre question, tout dépendant bien sûr du dossier, il faudrait suffisamment de souplesse pour pouvoir porter le plafond à 100 000 $, de manière à pouvoir véritablement offrir le concours nécessaire, mais il faudrait qu'il s'agisse de causes extrêmement importantes. Les causes trop faibles et qui n'auraient guère de chance de succès ne devraient pas pouvoir obtenir ce niveau de financement. Il serait à mon avis préférable, par exemple, de défendre jusqu'au bout huit causes solides au lieu de 20 causes plus faibles et qui risqueraient de ne pas pouvoir obtenir gain de cause. Ce que je veux dire ici, c'est qu'il ne faut pas trop éparpiller les ressources financières offertes.
    Ma question suivante concerne quelque chose qui a été évoquée par M. Warkentin, en l'occurrence que certains groupes se font dire non parce qu'ils ne correspondent pas aux critères, d'où la suggestion voulant qu'il faudrait abolir le programme.
    Vous connaissez très certainement les critères en question. Serait-il possible que, si effectivement c'est le cas, si pour une raison ou une autre les critères ne sont pas suffisamment inclusifs, il faudrait à ce moment-là les modifier, ce qui permettrait de corriger très facilement et très rapidement le problème sans devoir jeter le bébé avec l'eau du bain comme on dit souvent?
    Eh bien, on pourrait effectivement modifier la structure du Programme de contestation judiciaire en ce qui concerne le mode de sélection des requérants par le conseil, peut-être en adjoignant au panel des professeurs de droit. Peut-être un changement de structure permettrait-il d'améliorer la situation.
    C'est certain, nous ne voulons pas jeter le bébé avec l'eau du bain, mais un changement de structure serait peut-être un élément de solution.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Voilà qui met un terme à nos témoignages. Nous allons maintenant passer, mais pas aujourd'hui... Nous n'avons pas le consensus nécessaire pour pouvoir aller plus loin.
    Comme nous ne pouvons avoir un dernier tour de questions complet, je vais vous remercier d'être venu témoigner et vous souhaiter à tous bonne chance. Je vous remercie.
    Nous n'avons pas le consensus nécessaire pour poursuivre. De toute manière, nous devrons nous saisir de votre motion lundi.
    Oui, monsieur Kotto.

[Français]

    J'ai regardé de très près l'ordre du jour de lundi. Il se présente sensiblement de la même façon. Il est donc possible que la Chambre suspende ses travaux sans discuter de ces motions. J'avais pris la peine de vous prévenir, monsieur le président. Je craignais en effet qu'on en arrive à cette conclusion au début de la réunion. Je vous avais pourtant rappelé qu'il fallait réserver du temps pour débattre de la motion.
    Je ne sais pas qui s'oppose à l'idée qu'on fasse avancer cette question. Si c'est dans un but d'obstruction, j'aimerais le savoir. Si c'est parce que les motions ne sont pas favorables au gouvernement, il faudrait être clair à ce sujet, de façon à ce qu'on soit prévenus la prochaine fois.

  (1725)  

[Traduction]

    D'accord.
    Allez-y, monsieur Bélanger.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais vous dire, ainsi qu'à mon collègue M. Kotto, que c'est moi qui préférais ne pas aborder cela aujourd'hui. Pour démontrer ma bonne volonté et le fait qu'il ne s'agit pas d'obstruction, je propose qu'on ajoute une bonne demi-heure à la séance de lundi, soit de 17 h 30 à 18 heures, de façon à traiter des motions que nous avons reçues.
    Il ne s'agit pas d'obstruction, mais du fait que certains, dont moi-même, doivent respecter un horaire. Aujourd'hui, j'ai des engagements, mais si on prévoit d'avance une demi-heure supplémentaire pour lundi, il me fera plaisir d'être présent.

[Traduction]

    Nous allons donc reprendre lundi. Plaît-il au comité que nous nous réunissions jusqu'à 18 heures lundi? Nous ajouterions donc une demi-heure — la séance irait donc de 15 h 30 à 18 heures — de manière à nous permettre de discuter de la motion de M. Kotto.
    Sommes-nous d'accord.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Nous allons donc siéger deux heures et demie lundi.
    Merci beaucoup à tous. La séance est levée.