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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Je déclare que la séance est ouverte. Nous poursuivrons, conformément à l'article 108(2), l'étude sur l'incinérateur de déchets toxiques de la Bennett Environmental à Belledune, Nouveau-Brunswick. Nous avons réduit le quorum et nous devrions commencer tout de suite, parce que je m'attends à ce que les autres membres reviennent sous peu.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous avons avec nous Daniel Landry, de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels, et Inka Milewski, ex-présidente et conseillère scientifique pour le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick.
     Je vous demanderais de nous présenter vos exposés et d'essayez de respecter les contraintes de temps qui nous sont imposées — je réalise que le sujet est vaste — et de vous en tenir aux questions qui relèvent plutôt du ministère des Pêches et Océans dans la mesure du possible.
    Merci.

[Français]

    Premièrement, j'aimerais remercier le comité de nous recevoir. La Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels regroupe l'Association des pêcheurs professionnels membres d'équipage, l'Association professionnelle des crabiers acadiens, l'Association des crevettiers acadiens du Golfe et l'Association des senneurs du Golfe. Nos pêcheurs sont regroupés depuis plus de 40 ans pour représenter des intérêts communs dans le cadre de recherches scientifiques qui assurent la protection et la conservation des espèces marines et de leur habitat.
    Comme toutes les populations côtières de la Baie-des-Chaleurs, les pêcheurs sont sérieusement préoccupés par l'aménagement de l'usine d'incinération de sols contaminés, Bennett Environmental, aux abords de la Baie-des-Chaleurs. Nous craignons que les risques de contamination de la baie, ainsi que des espèces pêchées dans cette baie, n'aient pas été suffisamment étudiés. Nous comprenons mal pourquoi il est si compliqué, pour un simple citoyen, de construire un chalet au bord de la mer et si facile d'y installer une usine au potentiel aussi dangereux pour l'environnement que celle de Bennett Environmental. Nous ne comprenons pas non plus pourquoi les populations concernées ont autant de difficulté à obtenir la tenue d'une étude d'impact environnemental. Devant l'importance des retombées économiques de ce projet pour la Baie-des-Chaleurs, nous croyons qu'une étude d'impact environnemental est nécessaire. D'ailleurs, une telle étude devrait aussi considérer l'impact social et économique du projet sur nos communautés déjà en mal d'emplois.
     Nous sommes conscients que notre région a un taux de revenu parmi les plus bas au pays, un taux d'analphabétisme très élevé, ce qui en fait une région privilégiée pour attirer ce type d'industrie à haut risque. Cependant, nous sommes aussi très conscients de l'importance d'un environnement sain, étant donné que notre survie dépend depuis plus de 400 ans de l'industrie de la pêche et de la transformation des produits de la mer.
    Selon l'économiste Maurice Beaudin de l'Université de Moncton, le secteur des pêches est responsable, dans la péninsule acadienne, de 22 p. 100 des emplois et de 23 p. 100 des revenus de l'emploi. Dans la péninsule acadienne, nous sommes environ 55 000 personnes. Cela représente quand même un nombre assez important d'emplois et un apport économique appréciable.
    En contrepartie, l'usine Bennett est censée créer 32 emplois. Pendant combien de temps? À la lumière de la contamination du site de St-Ambroise, au Québec, il y a lieu de se demander pendant combien de temps le gouvernement permettra l'exploitation d'une telle usine, qui contamine et pollue le territoire environnant. Force est d'admettre que ceci représente une industrie incompatible avec le milieu.
    Le bilan de secteur du ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick pour l'année 2004 — ce sont les statistiques les plus récentes — démontre l'importance des exportations de nos produits de la mer vers les États-Unis, soit 82,11 p. 100 du total. De ce nombre, le hareng, le crabe et le homard — les principales espèces pêchées dans la Baie-des-Chaleurs — comptent pour 69 p. 100 des exportations vers les États-Unis et représentent une valeur d'exportation de 560 millions de dollars annuellement.
    On sait que les Américains sont reconnus pour être très vigilants quant à la qualité des produits importés vers leur pays. Or, en envoyant leurs sols contaminés vers Belledune, nos voisins du Sud seront mieux informés que quiconque des produits contaminants toxiques traités à l'usine Bennett et ils surveilleront de très près la qualité de nos produits de la mer, pour ensuite imposer un blocus à l'importation de ces produits, à la moindre trace de contamination.
    Les nouvelles mesures sur le bioterrorisme, en voie d'être adoptées par le gouvernement américain, incluent des substances telles les BPC, les dioxines et les furanes parmi celles qui feront l'objet de surveillance et de tests sur des échantillons de chair de poisson. Selon la présente ébauche du permis d'exploitation de Bennett, le Nouveau-Brunswick pourrait permettre à Bennett de brûler jusqu'à trois tonnes de BPC annuellement et 10 tonnes d'hydrocarbures chlorés. Ces matières seront incinérées, alors qu'elles proviennent de sols contaminés par ces substances.
     Bennett serait également autorisé à incinérer des dioxines et des furanes d'un certain taux de concentration. S'il s'avérait qu'un seul spécimen de poisson contienne des substances toxiques au-delà des normes américaines, nous pourrions nous retrouver avec un cas similaire à la situation de la vache folle, qui a mené à la faillite de nombreux éleveurs canadiens.
    Les pêcheurs ont peu de moyens à leur disposition pour forcer Bennett à prouver son sérieux et à démontrer sa capacité de corriger les erreurs et de dédommager les autres utilisateurs de la Baie-des-Chaleurs, en cas de contamination.

  (1115)  

    Certaines informations parues dans les médias nous permettent de douter de l'honnêteté et de la solvabilité de Bennett, ce qui n'est pas pour rassurer les pêcheurs.
    Plusieurs questions se posent. Quel impact auront les émissions de contaminants sur l'habitat du poisson? Quels sont les dangers des dioxines et des furanes pour les humains et les poissons? Qu'en est-il de la bioaccumulation de ces substances dans les poissons et dans l'environnement? Pourquoi Pêches et Océans Canada n'intervient-il pas pour protéger les habitats endommagés de poissons, dans la région de Belledune? Quelles sont les probabilités d'un accident lors du transport maritime des sols contaminés? Qui va nous dédommager? Qui va vouloir acheter nos entreprises?
    Notre travail, comme pêcheurs, est d'approvisionner les usines de transformation en ressources halieutiques, dans un cadre de protection et de conservation mis en place en collaboration avec Pêches et Océans Canada. Ce cadre de protection et de conservation de nos ressources comprend entre autres le Programme des observateurs en mer, le Programme de vérification à quai des débarquements, la production d'un journal de bord et même l'installation de boîtes noires.
    Il va sans dire que toutes ces mesures occasionnent des dépenses importantes pour nos pêcheurs et sont issues de la volonté du MPO d'élaborer, avec les pêcheurs, des ententes de cogestion ou d'intendance partagée.
    En contrepartie, l'engagement de Pêches et Océans Canada est d'assurer que les conditions de protection et de conservation soient respectées. Comme les pêcheurs sont étroitement surveillés, nous exigeons le même traitement à l'endroit de Bennett Environmental, de toute autre industrie, entreprise ou utilisateur de nos eaux canadiennes.
    Le ministère des Pêches et des Océans a l'obligation juridique, en vertu de l'article 36 de la Loi sur les pêches, de protéger l'habitat des poissons contre toute contamination. Nous sollicitons l'aide du Comité permanent des pêches et des océans afin d'inciter le MPO à prendre pleinement ses responsabilités envers l'usine Bennett Environmental à Belledune, au Nouveau-Brunswick.
    Finalement nous demandons une pleine étude d'impact environnemental, sur les eaux de la Baie-des-Chaleurs, du projet d'incinérateur de sols contaminés aux déchets toxiques de Bennett Environmental Inc. Nous demandons aussi un moratoire sur le projet d'incinérateur de Bennett Environmental et nous demandons au MPO de protéger les habitats de poissons contre les dangers associés à l'incinérateur de Bennett Environmental.
    Merci, monsieur Landry.

[Traduction]

    Madame Milewski.
    Au nom du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, monsieur le président, j'aimerais remercier le comité de nous avoir invités à participer à ce débat. J'aimerais plus particulièrement remercier l'honorable député du Bloc Québécois de la région de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, M.Blais. Merci.
    J'aimerais présenter mon intervention sur le projet d'incinérateur de Belledune dans le contexte du dossier du MPO dans la Baie des Chaleurs, et plus particulièrement à Belledune, et sur le projet du Ministère visant la modernisation de son programme de gestion de l'habitat.
    Ce programme fait partie d'une initiative pangouvernementale appelée “ réglementation intelligente ” et il vise à simplifier le système de réglementation. Comme M. Landry vient de le dire, les ressources halieutiques de la Baie des Chaleurs ont été le moyen de subsistance de centaines de collectivités et de milliers de personnes du Québec et du Nouveau-Brunswick. La Baie des Chaleurs fait partie d'un écosystème plus vaste, l'estuaire du Saint-Laurent, et de l'écosystème du sud du Saint-Laurent. La baie, plutôt profonde, s'étend sur 120 kilomètres de longueur et 40 kilomètres de largeur à son point le plus large. Vingt kilomètres en moyenne séparent le Nouveau-Brunswick du Québec, à partir de la côte de Gaspé.
    La Baie des Chaleurs a la caractéristique unique de présenter une gyre. Elle tient son origine de deux courants opposés qui entrent dans la baie et qui en sortent pour former un courant dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. C'est une caractéristique océanique exceptionnelle; quelque chose de rare dasn le monde. Ces gyres sont des secteurs de haute productivité halieutique. Ce sont généralement des zones à forte concentration en nutriments, en larves, en planctons, en oeufs, qui, à leur tour, attirent les poissons qui alimentent les espèces commerciales de plus grande taille, ainsi qu'on vient de nous le dire. La gyre de la Baie des Chaleur emprisonne également les contaminants d'origine industrielle et empêche une importante partie de se déplacer vers un écosystème de plus grande taille.
    Située en eau profonde et pouvant accueillir une vaste gamme d'activités maritimes, il n'est pas étonnant que la Baie des Chaleurs doit devenue un secteur privilégié de développement industriel. Et nulle part ailleurs le long des rives de la Baie des Chaleurs l'activité industrielle a été aussi grande qu'à Belledune, au Nouveau-Brunswick.
    Belledune abrite depuis 40 ans une fonderie de plomb et une usine d'acide, et on y trouvait jusqu'à tout récemment une usine d'engrais et une usine de gypse. En 1994, une centrale alimentée au charbon a été ajoutée au complexe industriel situé à proximité de ce très petit village. En 1981, un projet visant l'établissement d'une fonderie de zinc a été approuvé. Ce projet a été mis en oeuvre, mais les prix du métal se sont effondrés et il a fallu tout arrêter. Maintenant, deux ans après le lancement des opérations de l'usine d'engrais qui est associée à la fonderie, des scientifiques du MPO ont rapporté que les effluents de l'usine, composés de sulfate de calcium ou de gypse, ont été déversés dans le fond de la baie, couvrant une superficie de 200 mètres carrés.
    En 1985, l'effluent couvrait 31 hectares. En 1996, il en couvrait 44, avec un volume d'un million de mètres cubes. Dans certains secteurs, les déchets de gypse avaient 12 mètres de profondeur. Aujourd'hui, le gypse qui couvre le fond de la baie à l'extrémité des conduits semble avoir été pavé de béton.
    En 1980, on a constaté que les homards et les moules dans la région de Belledune et sur au moins huit kilomètres en aval de la région de Belledune présentent de niveaux de cadmium et de plomb qui dépassent les normes de Santé Canada. On sait que les métaux proviennent de la fonderie de plomb, cela ne fait aucun doute. La pêche au homard est interdite dans le port de Belledune et une lagune y a été aménagée. Elle est encore interdite aujourd'hui et les homards pêchés dans la lagune et la zone portuaire sont incinérés.

  (1120)  

    En 1984, Environnement Canada a désigné Belledune comme la zone la plus contaminée de la région de l'Atlantique. En 1988, des scientifiques du gouvernement fédéral ont constaté de hauts niveaux de mercure et de cadmium dans les sédiments de la zone du gyre dont je vous ai parlé. De 1979 à 2001, l'effluent de la fonderie n'a passé aucun des tests de toxicité aux termes du Règlement sur les effluents des mines de métaux de la Loi sur les pêches. En 1998-1999, la Commission géologique du Canada a évalué les sédiments de l'ensemble de la Baie des Chaleurs, et les chercheurs ont conclu, et je cite :
La dispersion des émissions de métaux de la fonderie par les vents et les courants océaniques s'est soldée par une zone à forte concentration en métaux dans les sédiments de surface, qui s'étend sur une distance d'au moins 20 km depuis la fonderie.
    Ainsi, les sédiments marins de toute la zone de la Baie des Chaleurs ont une concentration de métaux de trois à quatre fois plus élevée que la normale.
    En 2004, 15 ans après que des consultants eurent estimé que les poissons et les larves de poisson allaient être aspirés par le conduit d'arrivée de la centrale énergétique alors proposée, et y mourir, une étude a finalement été réalisée pour évaluer combien de poissons étaient réellement aspirés par le conduit. L'eau de ce conduit sert au refroidissement de la centrale.
    Finalement, leurs estimations ont été dépassées dans une proportion de près de 700 p. 100. Ce n'était pas 8,1 millions de larves de poisson par année qui étaient aspirées par les conduits d'arrivée de la centrale énergétique et qui en mouraient, mais bien 54 millions. Cette estimation ne se fonde que sur un échantillonnage étalé sur cinq mois. Ce nombre pourrait être beaucoup plus élevé. Les auteurs de cette étude ont également estimé que 370 milliards d'oeufs étaient aspirés dans le conduit d'arrivée de la centrale et que 12 000 poissons y étaient détruits.
    Une autre centrale énergétique est située à seulement 40 milles en amont de Belledune et nous n'avons aucune idée du nombre de poissons, de larves de poissons et d'oeufs qui sont précipités et entraînés — ce sont des termes techniques — dans le conduit de cette centrale.
    En 2005, après qu'une étude sur la santé eut révélé que la consommation des fruits de mer, des moules plus précisément, était la principale source d'exposition des résidents de la région aux métaux et qu'ils contribuaient dans une large mesure aux taux élevés de cancer et d'autres maladies, le MPO a interdit la pêche aux mollusques et aux crustacés près de Belledune. C'était la première fois en 40 ans que l'on interdisait la pêche dans ce secteur à cause de la contamination par les métaux.
    Je pense que vous conviendrez tous que la mission du MPO et des autres organismes gouvernementaux de protéger les poissons et leur habitat à Belledune et dans la Baie des Chaleurs est un échec retentissant. Comment a-t-on pu laisser une telle situation se produire, alors que tant d'organismes fédéraux et provinciaux ont tous les pouvoirs de réglementation sur les industries de Belledune? Comment les autorités fédérales et provinciales ont-elles pu ignorer à ce point la contamination existante à Belledune et permettre la construction d'un incinérateur de déchets dangereux dans le secteur?
    La réponse à ma première question se trouve dans un rapport que j'ai envoyé à tous les membres du comité. La traduction française a été envoyée au greffier mardi et j'espère qu'elle vous a été distribuée également. Si vous regardez aux chapitres trois et neuf de ce document, il y est précisément question des ressources et de l'habitat du poisson de la Baie des Chaleurs. Tout au long des 40 années de l'histoire industrielle de Belledune, des planificateurs, des scientifiques et des gestionnaires des gouvernements fédéral et provincial ont examiné les études d'impact environnemental des divers projets, ils ont discuté des résultats de surveillance effectués par l'industrie et ils ont noté les violations des recommandations et des normes fédérales et provinciales sur la qualité de l'air, de l'eau, du sol, de l'habitat marin et des aliments.
    Au cours de ces quatre décennies, les ministres des paliers fédéral et provincial n'ont pas réussi à imposer des sanctions, des restrictions ou des pénalités lorsque ces industries violaient les règlements sur la qualité de l'eau, de l'air, des habitats et les normes en matière d'effluents, lorsque des fuites et des déversements se produisaient, et lorsque l'équipement de surveillance ne fonctionnait pas. Au cours des 40 années de l'histoire industrielle de Belledune, aucune de ces industries n'a jamais été sanctionnée, poursuivie ou mise à l'amende aux termes de l'article 32, de l'article 35 et de l'article 36 de la Loi sur les pêches. Les lois n'ont tout simplement pas été appliquées.

  (1125)  

    La réponse à ma deuxième question, à savoir comment un autre industrie qui risque de polluer puisse être tolérée par les autorités fédérales, et plus particulièrement le MPO, est simple également. Le MPO et les autres organismes gouvernementaux ne reconnaissent pas l'impact de la destruction et de la pollution dans le secteur, et ce, depuis 40 ans. Ils ne mesurent pas les nombreux risques environnementaux inhérents à l'exploitation des incinérateurs, et plus spécialement aux émissions des installations, à leurs dépôts éventuels dans l'environnement marin et aux effets transfrontaliers éventuels de ces émissions.
    Les fonctionnaires du MPO ont été trop préoccupés par l'application d'une interprétation très étroite de leur mandat : les effluents des canalisations, les cours d'eau et l'utilisation des eaux résiduelles. Les rejets des polluants dans l'atmosphère ne figuraient même pas sur leur écran radar. En fait, avant même que les fonctionnaires du MPO n'obtiennent toutes les réponses à leurs questions concernant ce projet, la province avait déjà émis un permis de construction et les travaux étaient en cours.
    Nous savons que le transport de contaminants atmosphériques sur de courtes et de longues distances finissent par se retrouver dans l'environnement marin. Par exemple, nous savons que la source de contamination de la chaîne alimentaire marine de l'Arctique — les poissons, les baleines et les personnes — se situe à des milliers de kilomètres de distance.
    Ce qui inquiète plus particulièrement les résidents et les pêcheurs à propos des installations de Bennett, ce sont les rejets de dioxines et de furanes, les substances les plus toxiques fabriquées par les êtres humains. Nous savons que les niveaux mesurés en quantité aussi infime que 30 parties par billion ont des effets sur le développement embryonnaire des poissons. Une partie par billion, c'est un grain de sel dissous dans une piscine olympique. Ce sont des concentrations si infimes que l'on peut difficilement l'imaginer, et c'est pourquoi les gens sont inquiets. La plus grande source de dioxines, et peut-être la plus dangereuse, provient des incinérateurs de déchets industriels des municipalités.
    Comme vous l'avez entendu, la société Bennett Environmental, qui n'a pas de permis d'exploitation, a le droit de brûler des hydrocarbures, du créosote et de petites quantités d'hydrocarbures chlorés, comme les BPC. Encore une fois, ces chiffres peuvent vous sembler infimes. Ce ne sont que 33 parties par million de BPC, mais sur une échelle annuelle, cela représente trois tonnes de BPC. La raison pour laquelle la population et nous-mêmes sommes inquiets, c'est que ces composés chlorés sont les précurseurs des ingrédients nécessaires à la formation de dioxines et de furanes dans le processus d'incinération. Lorsque des sols contaminés sont traités et mélangés à d'autres contaminants à haute température, on obtient des dioxines.
    On prétend que les dispositifs de contrôle de la pollution de ces installations suffisent à empêcher ces dioxines de s'échapper de la cheminée. Il suffit de voir ce qui s'est produit à Saint-Ambroise pour comprendre qu'il ne faut pas faire confiance en ces dispositifs de contrôle de la pollution.
    Ainsi, les inquiétudes des pêcheurs à propos de ces dioxines qui risquent d'entrer dans la chaîne alimentaire et de mettre en danger leur moyen de subsistance sont bien fondées. La sécurité alimentaire est un enjeu qui prend de plus en plus d'importance et nous avons plusieurs exemples au cours des dernières années où les gouvernements ont réagi rapidement, interdisant l'exploitation ou exigeant la fermeture d'entreprises, lorsque leurs produits se sont révélés contaminés.
    Par exemple, en 2004, le ministre allemand de l'Agriculture a temporairement fermé 140 fermes après qu'on eut constaté que le lait de deux de ces fermes seulement contenait des dioxines cancérigènes. Les dioxines provenaient d'un sous-produit de pommes de terre d'une usine de pommes de terres frites. Les pelures des pommes de terre étaient données en pâture aux animaux et c'est ainsi que les dioxines se sont retrouvées dans la chaîne alimentaire. Vous voyez comment ces choses s'accumulent.

  (1130)  

    La semaine dernière, CBC...
    Je vais vous demander d'essayer de...
    Je vais conclure.
    C'est que vos 15 minutes se sont écoulées et je vous préviens que pour nos interprètes, avec les téléphones qui sonnent et les Blackberries qui s'éteignent, c'est très dur pour leurs écouteurs et il est bien connu qu'ils peuvent devenir violents quand cela se produit.
    Très bien. En fait, j'arrivais à la conclusion.
    Je ne vous donnerai donc pas l'autre exemple. Dans le cas de Bennett à Belledune, il semble que ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement provincial n'ont voulu prendre la responsabilité d'évaluer les impacts potentiels des dépôts atmosphériques de l'installation. Environnement Canada a fini par s'en mêler, mais il était trop tard.
    Cela m'amène au plan de modernisation du processus environnemental proposé par le MPO. Ce programme repose sur un cadre d'évaluation du risque. Fondamentalement, les projets sont évalués d'après les risques — faibles, moyens ou élevés — qu'ils présentent pour l'habitat du poisson.
    Il n'est pas certain que le MPO aurait évalué le projet de Bennett Environmental en se fondant sur ce cadre d'évaluation du risque, mais d'après les antécédents du MPO dans ce dossier, il y a de fortes possibilités que les dépôts atmosphériques de contaminants soient considérés comme n'ayant aucun impact sur l'habitat du poisson.
    Affirmer que le projet de Bennett Environmental a tout simplement filé entre les mailles de la réglementation est un euphémisme. Ce n'est qu'un projet parmi tant d'autres à Belledune qui ont fait fi de la réglementation. Alors, lorsque les fonctionnaires du MPO viendront vous expliquer leur nouvelle approche de la gestion de l'habitat, posez-leur les questions difficiles. Demandez-leur comment leur approche de l'évaluation du risque saisira ce que leur cadre d'évaluation désigne comme des “ effets subtils ” de l'activité humaine, alors que leur échelle des risques — faibles, moyens et élevés — présente un filtre si grossier et subjectif des projets qui sont évalués.
    Demandez-leur comment le MPO prévoit mener ses enquêtes sur les impacts subtils, moins évidents des activités humaines. Demandez-leur pourquoi le ministère est prêt à troquer l'habitat du poisson qui a pris des milliers d'années à arriver à maturité pour la création d'habitats artificiels.

  (1135)  

    J'apprécie tout cela, mais je vais vous demander de conclure, s'il vous plaît.
    J'y arrive.
    Enfin, j'aimerais que vous leur demandiez s'ils assument la responsabilité du carnage des stocks de poisson et de la destruction de leur habitat à Belledune.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup. Vous avez fait un excellent exposé.
    Passons à notre premier intervenant. Monsieur MacAulay.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence. Je dois dire que vous n'avez rien négligé. Vous y avez mis beaucoup d'ardeur. Vous avez dit ce que vous pensez.
    J'aimerais que vous élaboriez sur le cadre de l'évaluation du risque du MPO. Ce cadre n'a aucune prise sur la situation actuellement?
    Non.
    Vous n'avez pas l'impression que ce nouveau cadre aurait une quelconque utilité pour mettre un terme à ce qui a déjà été fait?
    Non.
    Considérez-vous que c'est par simple manque de volonté de la part des gouvernements à tous les paliers? Que faudrait-il faire pour éviter que cela ne se reproduise?
    Il faut savoir ce qu'est un processus d'évaluation du risque.
    À mon avis, il faudrait s'assurer que des choses comme... Je ne dis pas que tout ce que vous dites est parole d'évangile, mais il n'en demeure pas moins que vous y croyez et que vous vous appuyez sur certains faits. Il doit y avoir moyen de faire quelque chose dans ces situations; de prendre des mesures; j'espère... Nous ne voulons pas détruire notre environnement. Nous ne voulons certainement pas détruire notre environnement nulle part.
    Premièrement, il faut bien comprendre que l'approche préconisée en matière d'évaluation du risque est avant tout un processus politique, un processus d'élaboration de politique, et non un processus scientifique.
    Vous ne croyez pas qu'elle tient compte des points de vue scientifiques et des autres approches en matière d'évaluation du risque? Et des informations des scientifiques?
    Nous avons fait des évaluations du risque — de véritables modèles numériques visant à déterminer et à visualiser les impacts possibles de certaines activités sur l'environnement. Il y a tellement d'incertitudes. Les méthodologies d'évaluation du risque sont apparues au moment où nous avons essayé de prévoir si un pont pouvait ou non s'effondrer. Alors...
    Mais, puis-je vous demander de vous reporter... ? Vous parliez des conduits d'arrivée de l'usine et de la pitoyable destruction des alevins. Vous pourriez considérer cela comme un...
    C'est vraiment un bon exemple, parce que l'évaluation du risque vise à contrôler les dommages et non à les prévenir. C'est ça la différence. Les évaluations du risque visent à contrôler et non à prévenir.
    Nous devons nous demander quelles technologies de rechange pourraient être utilisées. Mais cela ne fait pas partie du processus d'évaluation du risque de chercher des solutions de rechange, des moyens plus sûrs d'utiliser l'eau. La méthode d'évaluation du risque ne l'exige pas.
     Ce serait d'après une nouvelle méthode, et je recommanderais ce que nous appelons une approche prudente de la gestion des futurs projets. Nous essayons de contrôler ou d'atténuer les risques de détérioration, et non de les éliminer. Or, je pense que nous devons essayer de prévenir, et non d'atténuer ou simplement de contrôler les risques.

  (1140)  

    Mais vous avez également parlé des effluents, des conduits d'arrivée et de la destruction. Je m'intéresse aux pêches, bien sûr, et je sais que des usines de l'Île-du-Prince-Édouard posent également des problèmes. Vous avez parlé de la destruction aux conduits d'arrivée.
    Oui, absolument.
    J'aimerais que vous élaboriez à ce sujet et que vous nous fassiez des suggestions à propos...
    Actuellement, le système de gestion du MPO permet à chaque industrie de détruire une certaine partie de l'habitat par les effluents qu'elle évacue de ses conduits...
    Mais vous avez dit qu'il ne s'agit pas d'une “ certaine ” quantité, mais de la destruction totale des stocks.
    Absolument, et ce que je dis, c'est que nous devons vraiment... Par exemple, dans le cas de l'usine d'engrais, tout ce gypse, cela remonte à 1968 — c'était vraiment très brillant — le ministre a dit que si des impacts étaient constatés, l'effluent allait être traité avant d'être évacué.
    L'a-t-on fait?
    Non. Les responsables du ministère savaient qu'il y aurait des problèmes, et ils ont dit que dès qu'ils verraient un problème, ils chercheraient aussitôt une autre façon de traiter l'effluent. Et ils ne l'ont pas fait, parce qu'une fois le permis délivré, il est vraiment difficile de revenir en arrière ou d'apporter des changements au processus.
    Alors, nous nous retrouvons avec des industries qui ont vraiment... que peut faire le MPO maintenant qu'il leur a émis un permis? C'est très difficile de retirer un permis. Mais nous pouvons nous dire que nous avons tiré des leçons de tout cela. Procédons différemment pour les conduits des eaux résiduaires.
    La semaine dernière, le MPO et Environnement Canada ont permis à deux sociétés minières de Terre-Neuve de déverser leurs effluents dans deux lacs. Ils savent que cela tuera les stocks de poisson, mais voici le compromis que le MPO a fait : vous pouvez tuer ces deux lacs, mais vous devez en créer deux autres.
    Pouvez-vous vous imaginer créant des lacs. C'est ce qu'on appelle la politique du “ gain net de la capacité de production naturelle des habitats ”. C'est dans les livres du MPO depuis le milieu des années 1980. La politique du gain net. Si vous détruisez un habitat, qu'il ait 44 hectares, peu importe, vous devez créer cet habitat ailleurs. Vous pourriez vous contenter de jeter quelques pierres quelque part et de dire que les homards vivent là maintenant. C'est ce qu'on appelle un habitat. C'est un beau compromis.
    Mais vous dites — ou c'est peut-être M. Landry qui a dit cela — que tous les poissons se trouvant à l'extrémité de ce conduit sont contaminés, qu'il faut les éliminer parce qu'ils sont impropres à la consommation humaine.
    C'est exact.
    Jusqu'où cela ira-t-il? D'autres problèmes surgiront si nous ne mettons pas un terme à cette façon de faire.
    C'est ce que l'on fait à Belledune en ce moment. Les homards qui sont attrapés dans le port et dans la lagune sont incinérés, et il en est ainsi depuis 1980.
    Je pense que le meilleur argument — et, bien sûr, c'est pour cela que vous êtes ici, pour veiller à ce que la question prenne de l'importance — c'est que cela peut devenir un problème commercial. Cela finira peut-être par devenir un enjeu canado-américain ou nous finirons peut-être par avoir de la difficulté à écouler nos mollusques et nos crustacés sur le marché américain, si je puis dire. Mais c'est quelque chose qui doit... Quelqu'un aurait-il des commentaires à faire à ce sujet?
    Vous avez déjà fait des commentaires sur le sujet, et Monsieur aussi. Les gens aiment dire que ces choses se produisent... Personne n'en veut dans sa cour. Vous avez dit que dans votre région, c'était un problème d'éducation. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus, parce que si j'ai bien compris, vous avez indiqué que cela ne se ferait peut-être pas dans d'autres secteurs. Est-ce bien ce que vous avez dit?

[Français]

    Pas vraiment, non.

[Traduction]

    Si j'ai bien compris, vous avez dit que c'est un problème d'éducation. Vouliez-vous dire que si la population avait exercé plus de pression à ce moment là, cela ne se serait pas produit? Est-ce bien ce que vous avez voulu dire?

[Français]

    Oui. Généralement, on pense que les gens peu éduqués se défendront moins.
    Chez nous, comme à l'Île-du-Prince-Édouard, les gens dépendent de l'habitat du poisson et en sont conscients, peu importe le degré d'éducation de la population. Leurs parents et leurs grands-parents ont pêché et leurs familles dépendent encore de la pêche. Si on contamine l'habitat, il n'y aura plus de survie.

  (1145)  

[Traduction]

    Non, mais ce que vous voulez, bien sûr, c'est de lui donner beaucoup plus d'importance. C'est l'effet que cela a. Je pense que nous savons tous que si nous détruisons l'habitat, c'en est fait. Mais ce qui doit se produire ici, c'est que... Le problème ne touche pas cette seule région, loin de là. Cela peut devenir un problème commercial.
    Aimeriez-vous élaborer sur ce point?
    Si je peux me permettre, c'est intéressant que vous ayez soulevé la question commerciale, parce que...
    Je l'ai soulevé parce qu'elle avait été soulevée auparavant, il me semble. Autrement, je ne l'aurais pas fait.
    Je vais vous citer une note d'information préparée en 1980 par des fonctionnaires de la Direction de l'inspection du MPO qui ont constaté des taux élevés de cadmium et de plomb dans certaines espèces commerciales de la Baie des Chaleurs. Je l'ai obtenue en vertu de la Loi sur le droit à l'information. C'est une longue note de service. Voici en partie ce qu'il dit :
Si les niveaux élevés de cadmium sont confirmés, cela pourrait avoir de graves conséquences socio-économiques et environnementales. Les hauts niveaux de cadmium pourraient causer du tort aux marchés européens et américains.
    Alors, même en 1980, le MPO était très inquiet de ces niveaux élevés de contamination et vous vous souvenez peut-être que les pêcheurs étaient très inquiets à ce moment-là.
    Je pense que lorsque vous expliquiez cela aux pêcheurs, ils s'en inquiétaient. Les pêcheurs sont inquiets. Vous avez également dit que les fonctionnaires du MPO étaient inquiets, mais je pense que vous avez dit qu'ils n'ont pas fait grand chose.
    La discussion est intéressante, monsieur MacAulay, mais notre temps est écoulé.
    Passons à monsieur Blais.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour à vous deux et également à ceux qui vous accompagnent.
    Il important que les membres du comité puissent être non seulement sensibilisés, mais informés des différents motifs d'inquiétude dans la Baie-des-Chaleurs relativement à la ressource maritime.
    Un des éléments qui explique cette inquiétude, et dont vous avez fait mention lors de votre intervention, c'est l'effet d'accumulation. Je connais le site, l'endroit, soit Belledune. Ce n'est pas comme si cet endroit ne possédait pas d'autres usines polluantes et qu'on veuille y exploiter un incinérateur. Il y a une histoire de pollution à Belledune, comme vous l'avez mentionné plus tôt.
    J'aimerais aller un peu plus loin, avoir plus de détails en ce qui a trait à cet effet d'accumulation. Vous avez également mentionné que le milieu de la Baie-des-Chaleurs est propice à un effet de ce type. S'il s'agissait d'une rivière, ce ne serait pas la même situation. Toutefois, lorsqu'il est question d'une baie, là où le mouvement de l'eau est moins fort... J'aimerais que vous expliquiez davantage les détails relatifs à cet effet d'accumulation.

[Traduction]

    Exactement. Comme je l'ai dit au tout début — et pardonnez-moi si je prends tant de temps — si nous ne connaissons pas l'écosystème, il est difficile de comprendre quelles sont les conséquences de la contamination.
    Je suis biologiste de la vie marine depuis 29 ans et j'ai travaillé pour différentes institutions. À la Baie des Chaleurs, la situation est particulière. Les contaminants provenant des eaux résiduelles ou des cheminées restent pour la plupart emprisonnés dans le secteur; presque toute cette pollution demeure dans la baie en raison des ses caractéristiques océanographiques uniques. Elle est située juste à l'embouchure de la région de Paspébiac. Tout ce qui va dans la baie reste dans la baie. Avec le temps, comme en font foi les divers organismes gouvernementaux, ces contaminants s'accumulent dans les sédiments et dans les espèces ensuite. Alors pour le moment, il faut mettre le holà sur cette pollution qui est lourde de conséquence pour l'écosystème. Il faut éviter d'y ajouter le moindre contaminant.
    Il y a des choses que nous ne pouvons pas contrôler, comme le déplacement de la pollution sur de longues distances en provenance des États-Unis, mais nous avons le contrôle de ce qui se passe sur nos rives. Peu importe l'industrie qui s'y implantera, nous devons d'abord penser aux polluants qui pourraient être dispersés dans l'atmosphère ou dans l'environnement marin.

  (1150)  

[Français]

    Concernant la ressource maritime, on sait très bien que la Baie-des-Chaleurs a déjà été reconnue pour sa richesse maritime. Peut-être que M. Landry pourrait davantage répondre à ma question, mais au fil du temps, compte tenu de ce qu'on a vécu à Belledune et à d'autres endroits en particulier, la situation a évolué. Auparavant, par exemple, les déchets de chacune des municipalités se retrouvaient finalement dans la Baie-des-Chaleurs; cela se fait même encore, à certains endroits. Pourriez-vous nous décrire un peu plus ce qu'était la pêche dans la Baie-des-Chaleurs, par le passé, et ce qu'elle est maintenant? On mentionnait, par exemple, le homard qui est recueilli à Belledune. Ce homard n'est pas comestible; on le brûle. Pourtant, cette ressource pourrait être très intéressante, du point de vue économique, mais il y a une histoire derrière tout cela. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Au fur et à mesure que les industries s'installent autour de la baie, il y a des endroits qui sont contaminés et des zones de pêche qui sont fermées. Auparavant, on pouvait pêcher partout dans la baie. Maintenant, la baie de Caraquet qui est adjacente à la Baie-des-Chaleurs est fermée aux mollusques; dans la zone de Eel River Bar, les coques sont contaminés. On n'a plus le droit de pêcher les coques à cet endroit.
    Depuis quand?
    J'ai fait une étude de l'espèce à cet endroit au début des années 1980, et c'était déjà contaminé. Donc, cela fait déjà plus de 25 ans. Mais si on considère une zone après l'autre, ce sont de petites parcelles à la fois qui deviennent contaminées, et elles s'ajoutent les unes aux autres, parce qu'il n'est plus possible de décontaminer, à moins d'arrêter le processus de contamination et de faire du nettoyage. Mais si on continue à contaminer partie par partie, à un moment donné, il n'y aura plus de territoires de pêche.
     C'est quand même florissant, la pêche dans la Baie-des-Chaleurs. Il y a des poissons pélagiques, il y a le maquereau, le hareng, qui viennent du golfe et qui entrent dans la baie et qui permettent aux petits pêcheurs de gagner leur vie. Si on continue à polluer, petit à petit, il deviendra impossible de pêcher du poisson dans la baie sans éviter une presse négative qui va déclarer que notre poisson est contaminé. Quand une partie du territoire sera contaminée, parfois, si cela peut servir les intérêts de certains, on dira que c'est toute la baie qui est contaminée.

[Traduction]

    Très rapidement, monsieur Blais.

[Français]

    Au début, lorsqu'on a commencé à parler de l'installation de Bennett à Belledune — si je me souviens bien, le projet comme tel a été lancé en 2003 —, étiez-vous déjà inquiet, ou est-ce que c'est plus tard, lorsque vous avez pris connaissance du projet, que votre inquiétude a grandi?
    C'est lorsque j'ai connu le projet que mon inquiétude a grandi.
    On sait que normalement, on donne une amende immédiatement quand il y a un petit déversement de pétrole. Pêches et Océans est très sévère à l'égard de toutes les formes de contamination par les pêcheurs et les usines de produits de la mer.
    Jamais on n'aurait pensé que l'usine pourrait être mise sur pied sans que l'on ait procédé au préalable à une étude d'impact environnemental. Il s'agit tout de même d'une usine qui traitera des contaminants. On s'attendait à ce que Pêches et Océans exige, avant toute chose, une étude d'impact environnemental.
    Merci beaucoup, messieurs Blais et Landry.

[Traduction]

    Monsieur Lunney.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins. C'est très intéressant, tout en étant assez complexe, je dois dire.
    J'aimerais d'abord signaler que je suis déçu de ne pas avoir d'exposé écrit, parce que vous avez mentionné tellement de faits et de chiffres. La plupart d'entre nous nous démenions pour transcrire vos propos. J'imagine qu'ils n'ont pas été soumis à temps pour être traduits en anglais ou en français. Je ne sais pas.
    J'aimerais revenir sur certains points pour lesquels je n'ai que des informations partielles. Ce qui se passe dans la Baie des Chaleurs est très complexe, mais fascinant en même temps.
    D'abord, j'aimerais avoir des éclaircissements au sujet des usines, et je dois m'excuser, j'ai manqué les premières minutes de votre exposé. La fonderie de Belledune est-elle encore exploitée?

  (1155)  

    Oui, elle l'est.
    D'accord. Et vous nous avez parlé des problèmes de plomb et de cadmium qui y sont associés.
    Oui, des problèmes d'arsenic, de plomb et de cadmium.
    Et d'arsenic également. D'accord. cela m'a échappé.
    Et l'usine d'engrais, fonctionne-t-elle encore?
    Non. Elle est fermée depuis huit ans.
    J'aimerais revenir à l'usine d'engrais quelques minutes, parce que ce sont beaucoup d'hectares, de 30 à 40 hectares, en fait, qui sont touchés.
    Effectivement.
    Cela représente environ 100 acres, sur une profondeur pouvant atteindre 12 mètres à certains endroits, tout en béton, n'est-ce pas? Dans dix ou douze ans, peu importe. A-t-on adopté des mesures pour atténuer cela ou a-t-on examiné la situation? Est-ce toujours dans un si mauvais état? Le secteur se rétablit-il le moindrement?
    Je pense que tout le monde a reçu une copie de tout ce que j'ai mentionné, alors c'est...
    Tout est documenté.
    Nous vous avons méticuleusement fourni toute l'information que nous avons obtenue grâce à la Loi sur l'accès à l'information.
    Plus précisément en ce qui concerne l'usine d'engrais, le MPO négocie encore actuellement ce qu'on appelle une autorisation de destruction, de détérioration et de perturbation, DDP. C'est le processus prévu par le ministère pour qu'une industrie puisse déverser ses effluents dans un lac, un cours d'eau, une baie, etc. Elle doit obtenir une autorisation de destruction, de détérioration et de perturbation du MPO. Ce qui est ironique, c'est que ce permis n'a jamais été émis pour l'usine d'engrais. En un sens, l'industrie a été autorisée à déverser ses effluents qui affectent le fond marin, sans que le MPO n'émette ce permis DDP qui l'aurait obligée à créer un nouvel habitat pour celui qu'elle avait détruit. Comment pourra-t-elle recréer un habitat de 100 acres, je n'en sais rien, mais les négociations sont encore en cours. On dit que la situation commence à se rétablir en bordure de ce grand secteur, mais on estime qu'il faudra des décennies avant qu'il ne se rétablisse complètement, si jamais il se rétablit.
    Vous avez parlé des prises d'eau des centrales énergétiques. Je crois qu'il s'agissait de centrales. Y a-t-il un lien avec les fonderies.
    Non, les centrales énergétiques, c'est autre chose.
    Il faut en tenir compte indépendamment.
    Effectivement. Cette question doit être abordée aux termes de l'article 32.
    Ce sont des pertes énormes. Je pense que quelqu'un a parlé des jeunes poissons — des avelins je crois — et des oeufs de poisson, et ainsi de suite.
    J'aimerais vous poser des questions à ce sujet, mais d'abord, pourriez-vous apporter des éclaircissements sur cet environnement unique. Vous avez parlé d'une gyre. Pouvez-vous nous expliquer cela?
    Une gyre, c'est la rencontre de deux courants opposés. Dans le cas présent, des courants proviennent de Gaspé et d'autre proviennent de ce que j'appelle le haut de la baie, et lorsque ces courants se rencontrent, ils circulent dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. C'est cela une gyre. Elle se forme en présence de deux courants opposés, et comme je l'ai dit, c'est un phénomène rare.
    Donc, les eaux de cette baie ne sont pas évacués avec le mouvement naturel des marées. Elles sont évacuées, mais c'est comme si elles vous revenaient en pleine face. Une gyre a tendance à retenir les choses, comme un piège, en quelque sorte.
    C'est l'effet que cela donne. C'est comme un piège, effectivement.
    Je vous remercie de ces éclaircissements.
    Si je reviens à la question de l'oxydeur thermique à haute température, OTHT, qui est proposé, il s'agit d'une usine de quatrième génération, si j'ai bien compris. Même ici, à Ottawa, il est question de construire une usine de gazéification des déchets. Ces usines fonctionnent à des températures extrêmement élevées.
    À mille degrés.
    Celle dont vous parlez atteint mille degrés, mais celle dont il est question à Ottawa peut atteindre huit milles degrés, si j'ai bien compris, réduisant tout au niveau moléculaire.
    Ce qui vous inquiète, c'est qu'à ces températures — nous parlons ici de 1 000 ou 1 800 degrés Fahrenheit — certains éléments très toxiques s'en échapperont. Je vois que les chercheurs ont calculé que l'entreprise fonctionne à un pourcentage d'efficacité se situant entre 90 et 99 p. 100. Si vous parlez d'environ 1 p. 100 d'émissions sous forme de molécules chlorées et de furanes, est-ce ce 1 p. 100 non éliminé qui vous préoccupe?
    C'est bien cela.
    Sauf erreur, certaines cheminées de pointe les ramènent et les traitent à nouveau à une température très élevée. Pouvez-vous nous parler des caractéristiques technologiques de cette usine? Vous n'êtes pas satisfaite des niveaux d'efficacité.

  (1200)  

    Elle n'a pas fait ses preuves, ainsi qu'on le constate à Saint-Ambroise.
    Où se trouve Saint-Ambroise?
    C'est un village du Québec où Bennett Environmental exploite une entreprise appelée Récupère Sol Inc., RSI. C'est également une usine qui a recours au procédé d'oxydation thermique. À l'automne 2004, je crois, le gouvernement du Québec a émis une ordonnance à l'usine, afin qu'elle modifie ses pratiques pour éviter que de fortes concentrations de dioxine ne s'accumulent aux abords de l'usine. De toute évidence, l'usine n'était pas exploitée de manière appropriée.
    S'agit-il du même genre d'usine, de la même génération et de la même technologie.
    Oui, c'est le même genre d'usine.
    D'accord. Depuis combien de temps est-elle exploitée au Québec?
    Depuis 1997.
    Donc, il y aurait lieu de s'inquiéter.
    Comme je l'ai dit, ils ont dû apporter des modifications à leurs pratiques et assurer une certaine surveillance. J'ai une copie de cela. Une ordonnance a été émise, forçant l'entreprise à prendre certaines mesures en raison de la quantité de dioxines aux abords de l'usine qui dépassait de six à sept fois les normes acceptables du Conseil canadien des ministres de l'environnement en matière de niveau de qualité du sol.
    Est-ce le gouvernement provincial ou fédéral qui a pris cette mesure?
    C'est le gouvernement provincial.
    Puis-je revenir aux prises d'eau de ces usines? S'inquiéter à propos de la santé des poissons, c'est une chose, mais ce dont il s'agit en ce moment, c'est de la perte d'énormes quantités de poissons dans une zone de pêche particulièrement productive. Peut-on remédier à la situation? Existe-t-il des moyens technologiques de remédier à la situation?
    J'ai dit aux responsables du MPO qu'ils doivent procéder à une évaluation scientifique. Il s'agit de processus consultatifs régionaux, PCR, et j'y ai participé. Ce sont des processus scientifiques examinés par des pairs qui examinent dans un premier temps ce qui peut être fait et ce que d'autres gouvernements font pour remédier au problème des prises d'eau. Le problème n'est pas nouveau. C'est tout simplement un problème sur lequel, chose remarquable, les scientifiques du MPO ne se sont pas penchés.
    Toujours grâce à la Loi sur l'accès à l'information, j'ai eu accès à des documents des scientifiques du MPO selon lesquels les niveaux de larves de poisson dans les emprisonnés dans les conduites d'eau étaient assez importants pour éventuellement avoir des effets sur les populations locales de poisson et sur la viabilité à long terme de ces stocks de poisson.
    On a utilisé le mot “ éventuellement ” ici.
    Depuis combien de temps cette centrale énergétique est-elle exploitée?
    Depuis 1994.
    Que se passe-t-il maintenant? Nous avons entendu des commentaires de toutes sortes à propos du crabe, et du homard de Belledune, et ainsi de suite, qu'il fallait incinérer.
    Qu'en disent les pêcheurs de la Baie des Chaleurs? Les prises sont-elles les mêmes que par le passé? Y a-t-il une baisse dans la quantité et la qualité des prises?

[Français]

    Les méthodes de gestion des pêches se sont améliorées au fil des ans. On effectue des études sur les stocks de poisson et on détermine quelle partie des stocks peut être pêchée. C'est ainsi que les pêcheurs et le ministère des Pêches et des Océans contribuent à augmenter les stocks de poisson et à améliorer la santé de ces derniers. Toutefois, il ne faut pas négliger les facteurs qui nuisent aux initiatives d'amélioration des stocks.

  (1205)  

[Traduction]

    Les populations de hareng sont à la baisse; les populations de capelan sont à la baisse; la pêche à la morue a disparu; la pêche au homard est à la baisse; quant à la pêche aux pétoncles — la pêche naturelle — les stocks sont tellement épuisés qu'on envisage de mettre en place des méthodes pour favoriser leur retour. De nombreuses espèces sont en déclin dans la Baie des Chaleurs.
    Merci, monsieur Lunney.
    Puis-je apporter des précisions sur deux points. Le premier a trait aux dépôts de gypse ou de sulfate de calcium. Il doit y avoir moyen d'enlever ces dépôts des canalisations avant qu'ils ne soient évacués dans l'océan. N'y a-t-il pas possibilité de remédier à cela? Le gypse n'est pas une matière polluante.
    Je ne suis pas de cet avis.
    La Baie de Fundy en est pleine.
    Eh bien les scientifiques du MPO se sont penchés sur cet effluent afin de voir s'il était toxique pour les poissons. Le gypse ne contient pas seulement du sulfate de calcium; il contient des métaux également. Le pH — l'acidité — qu'il contient est toxique pour les poissons. Les scientifiques du MPO l'ont expérimenté. Il est toxique pour les poissons.
    L'acidité.
    L'acidité et la toxicité également.
    Ma question est la suivante : est-il possible d'enlever ces produits des canalisations. Je veux simplement obtenir une précision. Est-il possible d'enlever cela des conduits plutôt que de les déverser dans l'océan?
    Cela aurait été possible, mais ils ne l'ont pas fait, et c'est peine perdue maintenant, puisque l'entreprise n'est plus exploitée.
    Je vous remercie.
    Vous avez parlé de la pêche au homard à proximité de l'usine. Est-ce bien une pêche désignée qui a pour mandat d'empêcher les homards de quitter le secteur de la baie, afin d'éviter qu'ils n'entrent en contact avec les autres homards?
    Exactement. C'est ce que nous appelons un secteur de pêche contrôlée. Ces homards sont capturés dans le but de les empêcher de se retrouver dans...
    Dans la chaîne alimentaire.
    Absolument.
    Combien de hormards sont capturés dans ce secteur?
    Je n'ai pas les dernières données là-dessus, mais je sais que des dizaines de milliers de homards ont été capturés dans ce secteur.
    Merci.
    Je suis désolé, monsieur Cuzner, mais il me fallait éclaircir ces deux points.
    Monsieur Cuzner.
    D'abord, j'aimerais m'excuser de ne pas m'être présenté plus tôt. Il a fallu que je prenne la parole en Chambre, et c'est le genre de question...
    Et nous nous en excusons.
     Que j'aie été absent.
    De toute évidence, ce n'est pas un sujet sur lequel nous pouvons nous familiariser en un rien de temps, et vous en seriez d'autant plus convaincu si vous voyiez mes notes en chimie de St. FX.
    Cette situation me fait penser à ma circonscription voisine, Sydney, Victoria, où se trouvent des étangs de goudron. Vous en avez peut-être entendu parler. Tout ce que j'ai fait au cours des dernières années qui relevait du domaine environnemental, je l'ai consacré à ces étangs de goudron.
    J'ai suivi l'évolution de la situation à Belledune et je me suis demandé pourquoi l'ACEE n'avait pas formé de commission ou institué une enquête? Pourquoi l'ACEE n'a-t-elle pas procédé à une évaluation? Nous devons nous inquiéter du fait que cet exercice n'a pas été effectué dès le départ. Le ministre a probablement voulu bien faire à ce moment-là, mais les chevaux étaient sortis de l'écurie. Pourquoi cette industrie n'a-t-elle pas fait l'objet d'un examen? Qui a baissé les bras?
    Je pense que tout le monde a baissé les bras.
    Ce qu'on dit, c'est que ce projet s'est immiscé, qu'il est soudainement apparu dans la province, comme un chat. Il y a bien eu quelques négociations auxquelles les citoyens n'étaient pas admis, et ils se sont finalement retrouvés devant un fait accompli. Ce n'est qu'après avoir demandé des informations en vertu de la Loi sur l'accès à l'information que nous avons commencé à voir comment cela avait pu se produire.
    Et à vrai dire, je pense que les résidents et les pêcheurs ne pensent pas que les émanations atmosphériques des installations peuvent vraiment retomber dans la baie et contaminer la faune et les stocks de poissons. Le MPO ne s'imagine pas, même si les chiffres le démontrent souvent. Tout le monde a cru au 99,99 p. 100. Les gens ont regardé le secteur et ils avaient besoin de travail et il y avait des emplois en jeu, des emplois, quel qu'en soit le prix. Cette mentalité est répandue dans la région.
    Alors, personne n'est vraiment responsable de ce gâchis. Et lorsque le ministère a essayé de faire quelque chose, comme vous le savez peut-être, lorsque l'ex-ministre Anderson est intervenu et qu'il a dit qu'un examen allait être effectué et que des études seraient effectuées sur les effets transfrontaliers, il était trop tard; il a perdu en cour d'appel.
    Nous sommes ici aujourd'hui pour dire au MPO qu'il doit élargir et non réduire son influence ou sa responsabilité réglementaire. Il doit commencer à s'attaquer à ces problèmes.
    Par exemple, un autre enjeu important s'en vient — c'est ce que j'appelle un enjeu horizontal — et il s'agit des sablières et des gravières en eau profonde.
    Ce qui est intéressant, monsieur le président et membres du comité, c'est qu'avec les années, le MPO délègue beaucoup de ses responsabilités réglementaires à d'autres organismes et associations. Par exemple, il a signé un PE en 2004 avec l'Association canadienne de l'électricité pour aborder ces problèmes de gestion de l'habitat —ces passages pour les poissons, et ainsi de suite. Le MPO ne s'occupera donc pas du problème.

  (1210)  

    Ce qui importe le plus maintenant pour la communauté, c'est de réduire les dommages causés, et ensuite, à court terme...
    C'est votre dernière question, monsieur Cuzner.
    Y aura-t-il des BPC également?
    Oui, il pourrait y en avoir.
    Oh oui?
    Alors il s'agit de réduire les dommages immédiats et ensuite les dommages à long terme...
    Par où faut-il commencer? Pour le gouvernement fédéral, j'imagine qu'il faut d'abord réduire les dommages. Je ne sais pas. Avez-vous des suggestions, hormis la fermeture?
    Puis-je répondre à la question?
    Oui, bien sûr.
    Pour que tout le monde ici le sache, à l'heure actuelle, l'entreprise n'a pas encore de permis d'exploitation. Elle doit passer ce que l'on appelle des “ tests d'émissions à la source ”. Ces tests ont été effectués et les résultats sont actuellement examinés.
    Juste avant de me présenter ici, la province a annoncé qu'elle n'accordera pas de permis d'exploitation avant d'avoir reçu le résultat d'une audience, qui a pris fin la semaine dernière.
    Et la Commission d'appel en matière d'évaluation et d'urbanisme du gouvernement du Nouveau-Brunswick entendra un appel des citoyens aux termes de la Loi sur la commission d'appel. Les citoyens contestent le permis de construction qui a été accordé à l'entreprise par la commission de planification du secteur. Cette décision sera peut-être prise avant Noël ou avant la nouvelle année.
    La province a dit qu'elle ne prendrait pas de décision à savoir si elle accordera ou non un permis, tant que ce processus n'aura pas été effectué. Elle décidera ensuite de ce qui doit être fait.
    Merci beaucoup de cette réponse.
    Monsieur Blais.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais aborder deux éléments. Le premier porte sur la mobilisation citoyenne. La mobilisation à laquelle on a assisté au cours des dernières années dans la région est tout à fait extraordinaire. Cela ne se voit pas nécessairement partout.
     Pour vous donner une idée de l'ampleur de la mobilisation, je dirais que c'est comme si 40 p. 100 de la population de Montréal descendait dans la rue pour manifester contre la construction d'un incinérateur dans sa ville. La population de Montréal, si on inclut Montréal-Centre et le Grand Montréal, compte 2 millions d'habitants. Quarante pour cent de deux millions, ça fait beaucoup de gens.
    À la Baie-des-Chaleurs, la mobilisation s'est suffisamment accrue pour que 40 p. 100 de la population descende dans la rue, sans compter les pétitions signées au Nouveau-Brunswick et au Québec. Le degré de mobilisation a été très élevé. Qu'en pensez-vous?
    L'autre élément, c'est la façon dont le comité pourrait prendre ses responsabilités dans ce dossier; il faut bien que quelqu'un le fasse. Suggérez-vous de convoquer les officiels du ministère pour qu'ils nous parlent de leur examen de la situation?
    J'aimerais que vous parliez de la mobilisation citoyenne et de la suite que le comité devrait donner à votre témoignage.

  (1215)  

    C'est une des premières fois que je vois un aussi grande part de la population se mobiliser pour un dossier, qu'il soit culturel ou autre. On a vu des gens de la Gaspésie, de Baie-des-Chaleurs au Nouveau-Brunswick, ainsi que des premières nations se liguer pour dénoncer l'arrivée de cette usine. C'est une mobilisation sans précédent qui, de surcroît, a trait à l'environnement.
    Ce qui préoccupait plus particulièrement la population, c'était le fait qu'aucune étude indépendante n'avait été effectuée.
    La population se sent abandonnée. Il devrait normalement y avoir une étude d'impact environnemental. On s'attend à ce que les gens qui sont censés nous protéger fassent leur devoir.
    Il doit, au minimum, y avoir une étude d'impact environnemental sur un projet d'incinérateur de déchets toxiques.
    Des déchets qui viennent des États-Unis.
    Ils proviennent des États-Unis, qui sont, de surcroît, notre principal acheteur de produits de consommation. Nous devons être prudents, car nous savons jusqu'à quel point les Américains peuvent bloquer un marché.
    Madame Milewski, vous êtes une scientifique. Un tel degré de mobilisation doit venir confirmer vos propres inquiétudes.

[Traduction]

    Comme l'a dit monsieur Landry, et comme je l'ai dit également, je travaille sur ces questions depuis 29 ans en tant que scientifique, et je pense n'avoir jamais vu une telle mobilisation d'efforts humains contre un projet de développement dans un secteur relativement peu peuplé comme à Belledune. Deux mille cinq cent personnes se sont présentées par un jour de novembre ensoleillé pour dire qu'ils n'étaient pas heureux de la manière dont cette entreprise s'est installé, et de tout le processus qui y est associé.
    La réaction des gens est vraiment remarquable, Vous connaissez l'expression : “ Si la vie vous donne des citrons, faites-en de la limonade ”? Eh bien, c'est ce que les gens font là-bas. Ils ont formé un comité sur l'avenir de la Baie des Chaleurs. Dans un sens, c'est une prise de conscience pour eux. S'ils ont l'avenir de leur baie à coeur et s'ils veulent participer directement, ils devront s'engager davantage et arriver avec un plan pour le futur développement de la baie. Et c'est ce qu'ils font. Ils envisagent de créer un forum d'ici un an pour examiner de près le genre de développement qu'ils aimeraient voir dans la baie.

  (1220)  

    Merci, madame Milewski.
    J'essaie de faire preuve de discernement dans ce dossier et j'aimerais signaler aux membres du comité qu'il semble y avoir deux enjeux. D'une part, il y a une industrie qui semble bien polluer la baie, et c'est un problème de taille. Il est clair pour moi que la question entourant ce nouvel incinérateur relève du ministère des Pêches et Océans; cela ne fait aucun doute. Il serait peut-être plus pertinent de soumettre la question au ministère de l'Environnement. Nous ne le savons pas encore, et je ne suis certainement pas en position de juger. Mais tenons-nous-en aux problèmes avec le MPO, monsieur Blais.
    Il y a beaucoup d'enjeux. Je comprends, et je n'essaie pas de faire de déclaration, ici, mais chat échaudé craint l'eau froide, et il semble bien que c'est ce dont il s'agit dans le cas présent.
    Mais les polluants qui sont dans la baie, l'atténuation des effets sur l'habitat du poisson, les questions qui touchent directement le MPO sont certainement des enjeux importants pour le comité.
    Monsieur Kamp.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le témoin de sa présence. J'apprécie votre exposé, et le rapport également. Je constate tout le travail qui a été effectué.
    J'aimerais d'abord préciser que je ne suis pas un scientifique et que je n'ai aucune prétention de cet ordre, mais pourriez-vous d'abord me donner un bref aperçu de ce qu'est la Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick et me dire qui vous subventionne.
    Nous sommes l'un des deux plus anciens groupes environnementaux au pays. Nous avons commencé en 1969. Nous sommes une organisation qui regroupe des membres et 24 personnes de toutes les régions de la province font partie du conseil d'administration. Nos fonds proviennent en partie des frais d'adhésion de nos membres; nous organisons des campagnes de levée de fonds; nous avons des subventions de fondations privées; nous en recevons également des agences gouvernementales fédérales et provinciales, mais très peu, parce que nous ne sommes pas admissibles à un grand nombre d'entre elles. Nos fonds proviennent essentiellement de fondations privées, de dons et d'activités de levée de fonds.
    Nous en avons ratissé plutôt large dans nos discussions de ce matin; nous avons abordé des questions qui vont bien au-delà de l'incinérateur proposé et nous avons fait une incursion dans le passé. Alors je vais commencer par le point suivant. Vous avez dit à maintes reprises que “ le MPO leur a accordé un permis ”. Nous devons savoir exactement ce que cela signifie.
    Par exemple, à propos de l'usine d'engrais, je crois savoir qu'elle a été inaugurée en 1967 et, franchement, je pense que nous avons respecté toutes les dispositions de la loi à ce moment-là. En fait, je pense que vous avez parlé de quelque évaluation, à savoir s'il y aura destruction, détérioration et perturbation, DDP, de l'habitat. Cette partie, l'article 35 de la loi, est entrée en vigueur en 1976, alors je ne pense pas que nous puissions nous attendre à ce que le ministère ait appliqué la loi et les règlements qui étaient en place à ce moment-là.
    Quant à l'incinérateur, j'aimerais que vous me corrigiez si je fais erreur, mais je pense que le MPO a examiné le plan initial de la société Bennett en août 2002, alors il n'a pas accepté leur projet sans conditions. Après examen, le ministère a demandé que des changements soient apportés à la conception du projet. Des changements ont alors été apportés à la conduite d'évacuation, si je me souviens bien, après que le ministère eut conclu qu'il n'y avait vraisemblablement pas de DDP.
    Après avoir tiré cette conclusion, le ministère ne pouvait prendre les devants et demander une évaluation environnementale aux termes de la LCEE. Telles sont les dispositions de la loi pour le moment. Il y aurait peut-être lieu de l'amender. Vous présentez là un argument convaincant.
    Vous avez tout à fait raison.
    La loi a été respectée jusque-là. C'est après, en 2003, que l'Association canadienne de vérification environnementale, ACVE, a approché le MPO, afin d'effectuer une vérification environnementale, et c'est ce qu'il a fait. D'après cette évaluation, le MPO était d'avis en 2004 qu'il n'y aurait vraisemblablement aucune augmentation appréciable de la contamination des habitats et des ressources ou qu'il n'y aurait pas davantage d'effets toxiques sur les populations de poisson en aval, vers le golfe du Saint-Laurent.
    Êtes-vous en désaccord avec cette conclusion?

  (1225)  

    Oui, tout à fait.
    Sur quoi fondez-vous votre désaccord? Des scientifiques en sont arrivés à ces conclusions également.
    C'est intéressant, vous savez. Ils arrivent à ces conclusions en se basant sur des évaluations hypothétiques du risque, sur des possibilités, sur des modèles. Franchement, le ministère n'a pas la capacité de vraiment examiner ces questions en profondeur.
    Si vous ne faites pas de modélisation ni d'évaluation du risque, que faites-vous? Sur quoi fondez-vous vos conclusions?
    Nous nous appuyons sur ce qui s'est produit dans le passé. Ce qui s'est passé dans l'Arctique est un bon exemple. Si vous aviez dit à des scientifiques du MPO il y a 20 ans que les rejets des centrales énergétiques de l'Ontario allaient entraîner des dépôts de mercure dans l'Arctique ou que des dépôts de BPC pouvaient s'accumuler dans les organismes vivants, ils ne vous auraient pas cru. Le problème, c'est que nos connaissances sont si incomplètes.
    Ce que je dis, c'est que le modèle que le ministère doit adopter pour ses prises de décision est celui qui se fonde sur une approche prudente. Actuellement, les entreprises n'ont pas le fardeau de la preuve et c'est cela qu'il faut modifier. C'est pourquoi je suis ici. Vous avez tout à fait raison. Sur le plan réglementaire, certaines lois n'ont parfois pas été appliquées, mais lorsque nous avons eu l'information à notre disposition... Il est très difficile de revenir en arrière et de dire à une entreprise de faire ceci et cela. Alors pourquoi ne pas dire franchement dès le départ que le risque est trop élevé. Et il y a aussi l'impact cumulatif qui n'est pas évalué. Cela ne fait pas partie des méthodologies d'évaluation du risque que de tenir compte des effets cumulatifs.
    Je ne suis pas certain de cela.
    Bien, ce dont je suis certain, c'est que nous que nous sommes à court de temps pour cette ronde.
    Oui, je n'en doute pas.
    Monsieur Blais.

[Français]

    La dernière partie de ma question portait sur ce que le comité pourrait faire à compter de maintenant.
    Le comité est informé et sensibilisé à cette question, et certains de ses membres devront l'être davantage. Selon vous, serait-il correct et responsable de notre part d'inviter des représentants du ministère à venir nous expliquer ce qui se passe dans cette région?
    S'ils acceptaient notre invitation, quelles questions aimeriez-vous qu'on leur pose?
    On souhaiterait que vous demandiez à Pêches et Océans de comparer les effets de la contamination qui s'est produite à Saint-Ambroise à celle qui se produira dans la Baie-des-Chaleurs. Autrement dit, il faudrait demander si les poissons risquent d'être contaminés. S'il n'y a aucun risque de contamination du poisson et de l'habitat, on ne voit pas de problèmes. En tant que pêcheurs, on ne peut pas faire ces tests. C'est une tâche qui incombe au ministère des Pêches et des Océans.
    Nous craignons que les poissons ne soient contaminés. Une fois contaminés, il sera trop tard pour réagir. Les métaux lourds s'accumulent dans la chair du poisson et ne peuvent disparaître. Ces métaux s'accumulent également dans le corps humain. Pour ceux qui consomment du poisson, c'est un point de non-retour. C'est la raison pour laquelle on voudrait que Pêches et Océans nous aide à faire une recherche afin de déterminer le risque de contamination du poisson et de l'habitat.

  (1230)  

[Traduction]

    Madame Milewski.
    Je suis tout à fait d'accord. Je pense que vous devez convoquer le MPO. Le ministère modernise actuellement son programme de gestion de l'habitat; le processus est en cours. La question est de savoir comment seront traitées les propositions similaires une fois qu'il aura été révisé.
    Franchement, sur le plan légal, je ne sais pas ce qu'il serait possible de faire avec ce projet. La question n'est pas entre vos mains. Mais je pense qu'il faut essayer d'empêcher que cela ne se reproduise; lorsque le MPO sera ici pour vous parler de son plan, pensez à Belledune et demandez-vous si ce programme changera quelque chose. En quoi la méthode d'évaluation du risque proposée pourrait-elle changer quoi que ce soit?

[Français]

    Ce qui est important pour vous, c'est que le modèle d'analyse soit tout à fait différent, à défaut de quoi, nous allons nous retrouver dans la même situation aberrante que celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement, compte tenu du modèle d'analyse qui a été utilisé auparavant.

[Traduction]

    Exactement.

[Français]

    Merci.
    Pour notre part, nous considérons que tant et aussi longtemps que le poisson est dans l'eau, il est la propriété des Canadiens et il relève de la responsabilité de Pêches et Océans. Une fois pêché, la qualité du poisson est notre responsabilité, mais lorsqu'il est dans la mer, c'est Pêches et Océans qui en est responsable.
    Vous n'êtes pas sûr que ce que vous allez pêcher dorénavant ne se retrouvera pas dans des conditions difficiles.
    On craint que ce qu'on pêchera n'ait plus aucune valeur.
    Merci.

[Traduction]

    Vous avez d'autres questions?
    Monsieur Kamp.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Blais a fait une bonne suggestion, comme d'habitude. J'aimerais savoir ce que les responsables du ministère en penseraient.
    Cela dit, toutefois, je pense qu'il ne faut pas oublier que la responsabilité de l'administration des dispositions en matière de prévention de la pollution, aux termes de l'article 36 de la Loi sur les pêches, a été confiée à Environnement Canada, plus particulièrement en ce qui concerne les impacts négatifs sur l'atmosphère.
    Ma question est donc la suivante. Êtes-vous également en contact avec le comité environnemental ou le ministre de l'Environnement? Cela fait-il partie de vos approches? D'autre part, il nous faudra certainement convoquer des représentants, d'Environnement Canada, entre autres, parce qu'ils ont peut-être encore plus de responsabilités à l'égard des questions que nous avons abordées ici que les fonctionnaires du MPO.
    Nous avons demandé de témoigner devant un comité de l'Environnement.
    Y a-t-il d'autres questions?
    Monsieur Blais.

[Français]

    Aux fins du compte rendu, je dirais que lorsqu'on étudie le dossier de la chasse au phoque, on invite des représentants du ministère des Affaires étrangères à venir nous dire ce qui se passe. Rien ne nous empêche d'inviter des représentants de Pêches et Océans et du ministère de l'Environnement pour étudier les risques de contamination.

[Traduction]

    J'apprécie cela, monsieur Blais.
    J'ai quelques questions en guise de récapitulation.
    Je remercie nos deux témoins de leur présence ici aujourd'hui. La discussion a été très intéressante.
    Mon rôle à titre de président est, bien sûr, d'essayer de maintenir les discussions dans le cadre des questions qui relèvent du MPO, parce que c'est un comité des pêches et océans. Certains aspects de ces discussions relevaient du ministère de l'Environnement, mais en même temps, on ne peut nier que certains aspects se rejoignent.
    D'emblée, j'aimerais signaler que je ne suis pas sûr qu'il soit possible d'exercer une influence quelconque sur l'incinérateur proposé qui n'est d'ailleurs pas encore exploité. Il existe une autre série de règles et de règlements à ce sujet. Je vous dirai que je m'interroge sur l'approche fondée sur la prudence selon laquelle il ne serait pas possible d'entreprendre quoi que ce soit, s'il y a risque que quelque chose tourne mal, bien que je comprenne qu'on souhaite en arriver là. Cela dit, une multitude de problèmes ont été soulevés relativement à la pollution industrielle de cette baie aujourd'hui... et aucune mesure n'a été prise pour l'atténuer. Je pense que c'est sur ce point qu'il serait possible de faire quelque chose.
    La situation me préoccupe vraiment beaucoup et je vais vérifier à nouveau les chiffres, parce que vous avez dit que 10 000 homards ont été capturés dans le secteur de...

  (1235)  

    J'avoue ne pas savoir combien sont capturés actuellement, mais le nombre capturés dans le passé figure dans ce rapport et dans la documentation.
    Effectivement, mais combien son capturés par année?
    Encore une fois, je ne sais pas combien on en capture actuellement, je regrette. Mais je peux essayer d'obtenir ces chiffres.
    Il est troublant de penser qu'une mission de recherche et de capture de homards est en cours actuellement en cours pour éviter qu'ils ne pénètrent dans la chaîne alimentaire humaine et ne l'infectent, d'autant plus qu'aucune mesure ne pourrait évidemment empêcher la morue de se nourrir de jeunes homards et de pénétrer ensuite dans la chaîne alimentaire.
    C'est tout un problème et il semble bien qu'il ait été ignoré ou encore refilé à d'autres ministères, jusqu'à aujourd'hui; je vous remercie de l'avoir soulevé.
    Cela me frustre un peu d'entendre le gouvernement dire qu'il ne peut rien faire, parce que telle ou telle question ne relève pas de sa compétence ou de son ministère. Si une entreprise est confrontée à un problème de gypse ou avec la présence de sédiments dans l'eau et qu'elle ne peut les éliminer des conduits, c'est le prix à payer pour faire des affaires. C'est le prix à payer pour l'usine d'engrais et elle doit retirer ce gypse avant qu'il n'atteigne l'océan. Je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord avec vos commentaires sur la quantité de pollution produite dans l'océan, sur l'importance de l'empreinte laissée dans l'environnement et sur les conséquences, mais c'est qu'elle est de trop. Nous pouvons faire quelque chose contre cela et contre les autres métaux lourds également. Enfin, je tenais simplement à préciser cela.
    J'apprécie beaucoup votre présence ici aujourd'hui et je remercie monsieur Blais d'avoir soulevé cette question. Nous avons vu la lutte que se livrent le MPO, le ministère de l'Environnement et les différents paliers de gouvernement à cet égard. Ce n'est pas simple.
    Merci beaucoup.
    La séance est ajournée.